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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Richard): Mesdames, messieurs, je
déclare la séance ouverte. Je vous rappelle le mandat de notre
commission, qui est effectivement de tenir une consultation
générale dans le cadre de l'étude du projet de loi 15, Loi
sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et
modifiant d'autres dispositions législatives. m. le secrétaire,
est-ce qu'il y des remplacements, ce matin?
Le Secrétaire: Aucun, M. le Président.
Le Président (M. Richard): Je vous donne donc, mesdames,
messieurs, l'horaire de la journée. Nous débutons dans quelques
minutes avec la Fédération des producteurs de lait du
Québec, suivie du Conseil de la coopération laitière; en
après-midi, le Conseil de l'industrie laitière du Québec,
suivi d'Agropur, puis de Purdel, coopérative agro-alimentaire, et nous
terminons la journée avec l'Association des transporteurs de lait du
Québec.
Mémoires déposés
J'aurais aussi des dépôts. La commission a reçu, en
fait, des mémoires qui ne seront pas appelés en auditions
publiques. Ces mémoires ont tous été transmis aux membres
de la commission et sont aussi conservés par le secrétaire au
greffe de la commission, au même titre que les autres. Alors, ces
mémoires, dont j'officialise le dépôt, nous ont
été adressés par le Barreau du Québec, la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec, le Conseil des viandes du Canada, M. Jacques
Landry, l'Ordre des agronomes du Québec et la ville de Québec.
Donc, c'est l'ensemble des mémoires qui sont reconnus pour
dépôt seulement.
Auditions
Sur ce, je demanderais au premier groupe, la Fédération
des producteurs de lait du Québec, de prendre place, s'il vous
plaît.
Je vous rappelle, premièrement, de vous identifier et
d'identifier vos collègues pour les fins de la transcription, puisque la
transcription se fait à l'extérieur de la présente salle.
Vous avez vingt minutes, comme porte-parole, pour présenter votre
mémoire et, par la suite, c'est un échange entre le parti
ministériel et le parti de l'Opposition. Vous avez la parole,
monsieur.
Fédération des producteurs de lait du
Québec
M. Rivard (Claude): Bonjour, M. le Président.
Premièrement, mon nom est Claude Rivard, président de la
Fédération des producteurs de lait. Les personnes qui
m'accompagnent: à ma gauche, M. Henri Dorval, directeur
général, et M. Léon McDuff, directeur du service de
l'approvisionnement; à ma droite, Me Trudeau, qui est procureur de la
Fédération. Ça va?
Le Président (M. Richard): Merci. Vous avez la parole,
monsieur.
M. Rivard (Claude): M. le Président, M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, mesdames, messieurs,
la Fédération des producteurs de lait est très heureuse ce
matin et elle tient à vous remercier de l'opportunité que vous
lui accordez ce matin de présenter son point de vue sur le projet de loi
15 qui remplacera l'actuelle Loi sur la mise en marché des produits
agricoles.
La fédération regroupe, dans un premier temps, 14
syndicats spécialisés et environ 15 000 producteurs de lait du
Québec. Elle administre depuis 1980 le plan conjoint des producteurs de
lait du Québec. Les producteurs de lait ont été parmi les
premiers producteurs agricoles à se prévaloir de la formule des
plans conjoints comme véhicule de mise en marché de leur produit.
Ils sont également parmi ceux qui ont vécu l'expérience la
plus complète et la plus dynamique de la formule des plans
conjoints.
Le premier plan conjoint des producteurs de lait est entré en
vigueur en 1956, c'est-à-dire au tout début de l'application de
la première Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Au
cours des 15 années qui ont suivi l'adoption de la loi, plus d'une
trentaine de plans conjoints de mise en marché du lait de consommation
ont vu le jour dans les différentes régions du Québec.
Vous les trouverez en annexe à ce mémoire.
Je tiens à spécifier une chose, M. le Président: Le
mémoire qui vous a été déposé - on n'avait
pas, à ce moment-là, la période de temps qui nous
était allouée - je vais l'entrecouper pour respecter mon
délai.
Le Président (M. Richard): Parfait.
M. Rivard (Claude): Les producteurs de lait ont utilisé au
maximum à peu près tous les mécanismes que le
législateur a mis à leur disposition pour améliorer leur
sort depuis l'adoption de la première Loi sur la mise en
marché des produits agricoles, à partir du
contingentement, en passant par la mise en vente en commun de leurs produits et
jusqu'aux ententes fédérales-provinciales.
Ils ont vécu la période des quotas de lait de
consommation régionaux octroyés en fonction des besoins d'usines
qu'il fallait approvisionner directement à partir des fermes d'un nombre
limité de producteurs. Ils ont connu l'époque de la vente des
quotas à l'amiable d'un producteur à l'autre sans
mécanisme particulier, la période des encans publics avec tout le
folklore qui s'y rattache et, depuis 1986, Us font l'expérience d'un
système centralisé de ventes de quotas opéré par
ordinateur Le lait des producteurs est payé selon son utilisation et la
Fédération opère deux pools, dont l'un sert au paiement du
lait de consommation et l'autre au paiement du lait de transformation. Les
producteurs reçoivent actuellement un prix unique pour le lait produit
sous le quota de lait de consommation et un prix unique pour le lait produit
sous le quota de lait de transformation, quelle que soit l'usine où il
est livré à travers la province. Il serait logique qu'ils paient
le même prix pour le transport de leur lait, quel que soit l'endroit
où il est situé.
Les producteurs se dirigent graduellement vers un pool
provincial des frais de transport, dont l'effet sera de faire payer à
chaque producteur le môme prix pour le transport du lait, quelle que soit
la distance de sa ferme au marché qu'il approvisionne. Les esprits les
plus progressistes voient même se réaliser, à moyenne
échéance, la disparition d'une distinction entre le lait de
consommation et le lait de transformation et la création d'un seul pool,
d'un seul quota pour tous les producteurs de lait du Québec.
Tout ceci pour en venir à dire que, de façon
générale, les producteurs de lait sont satisfaits de cette
législation en matière de mise en marché qui leur a permis
de se regrouper et de réaliser des progrès importants. Mais il y
a une ombre au tableau et c'est un problème de taille. Depuis longtemps,
il empêche les producteurs de lait de tirer le maximum des
bénéfices de la loi. Il a refait surface ces dernières
années et menace, avec une violence accrue, l'intégrité de
tout l'édifice. Il s'agit, vous l'avez deviné, des relations
juridiques entre la Fédération, qui joue un rôle d'office
des producteurs de lait, et les coopératives laitières, plus
particulièrement dans le cadre de l'article 2 de la Loi sur la mise en
marché des produits agricoles, dont les dispositions sont maintenues
dans le présent projet de loi.
C'est avec regret que la Fédération doit
demander l'abrogation de cette disposition. Et elle le fait parce qu'elle est
consciente que, si le problème n'est pas réglé sans
délai par une législation, l'édifice de la mise en
marché du lait par le plan conjoint est menacé dans sa fondation
même et les coopératives, par leurs seuls moyens, seront bien
incapables de faire face aux défis de l'avenir dans le meilleur
intérêt des producteurs de lait du Québec.
À cause de l'importance des coopératives au
point de vue économique au Québec, le législateur a
longtemps hésité à faire disparaître l'article 3,
anciennement. En 1963, les producteurs ont obtenu la suppression du dernier
alinéa de l'article 3. En supprimant cet alinéa, le
législateur a cru régler une partie du problème et a
estimé que le reste se réglerait par le bon usage que feraient
les parties de l'article, devenu l'article 2 de la loi sur la mise en
marché du Québec en 1963.
Toutefois, après plus de 20 ans, la
Fédération doit se rendre à l'évidence, car
certaines coopératives laitières utilisent l'article 2 de telle
façon que la Fédération n'a d'autre choix que d'en
demander l'abrogation. La Fédération, donc, demande l'abrogation
complète de cette disposition qui est devenue l'article 2 du projet de
loi 15.
Tout d'abord, cet article viole le principe fondamental de
l'égalité devant la loi des organismes. En second lieu, la
rédaction de l'article est d'une telle imprécision qu'elle
prête aux interprétations les plus fantaisistes. Ensuite,
l'article est la plus importante cause de désordre et de litiges dans la
mise en marché du lait depuis l'origine de cette loi. Enfin, il est la
cause principale de l'absence ou de l'échec des négociations
entre les coopératives et les organismes chargés de la mise en
marché du lait.
Les coopératives laitières sont des
associations de producteurs qui mettent en marché, sous une forme ou une
autre et généralement après transformation, les produits
de leurs sociétaires. Il n'est pas question de leur enlever quelque
mérite que ce soit, ni d'en faire l'apologie, ce dont elles se chargent
volontiers elles-mêmes. Reste, néanmoins, que les
coopératives sont en compétition directe sur les marchés
locaux et internationaux avec d'autres entreprises qui achètent le lait
des producteurs et le paient le même prix. Les autres entreprises doivent
négocier avec la Fédération un prix et les conditions de
mise en marché du lait des producteurs. À défaut
d'entente, les conditions sont généralement établies par
décision arbitrale de la Régie des marchés agricoles. Les
coopératives laitières ne sont pas seulement en
compétition directe avec les entreprises privées qui
achètent le lait des producteurs, elles sont également en
compétition directe avec les autres entreprises privées qui se
livrent à des opérations de mise en marché dans
l'industrie laitière sans acheter le lait des producteurs, telles les
entreprises privées de transport.
Il n'est pas équitable que toutes ces entreprises,
qu'elles soient des coopératives ou des entreprises privées, ne
soient pas traitées juridiquement sur un pied d'égalité
quand il s'agit de négocier avec la Fédération les
conditions de mise en marché et de se soumettre à
l'arbitrage de la Régie. L'entreprise privée serait sans
doute ravie de retrouver dans le projet de loi 15 un article 2A qui stipulerait
que la loi ne doit pas gêner son action dans les régions et les
secteurs où elle est en mesure de répondre aux besoins. Ces
entreprises ne verraient peut-être pas d'un mauvais oeil de pouvoir
à la fois administrer le plan conjoint et acheter ou recevoir le produit
visé par le plan. C'est pourtant ce traitement que la loi réserve
aux coopératives. Il n'est pas normal qu'il y ait législativement
un régime qui prescrit deux poids deux mesures entre compétiteurs
sur un même marché.
Les coopératives sont des organismes de producteurs. Les
producteurs sont libres de les mettre sur pied et de s'en servir pour la mise
en marché de leurs produits, comme ils sont libres de mettre sur pied
des offices de producteurs et des plans conjoints pour la mise en marché
des produits laitiers. Ils le font, d'ailleurs, de la façon la plus
démocratique qui soit. Mais une fois ces coopératives en place,
pourquoi prendre la peine de mentionner dans une loi qu'elle ne doit pas
gêner l'action des coopératives, alors que les entreprises
privées doivent s'y soumettre comme à toutes les autres lois du
Québec? Lorsqu'on prend la peine de mentionner, dans une loi à
caractère obligatoire pour les autres, qu'elle ne doit pas gêner
l'action des coopératives, il n'y a qu'un pas pour prétendre que
la loi ne s'applique pas à leurs activités. Et ce pas, certaines
coopératives, M. le Président, l'ont franchi dans leur
comportement. On peut, en effet, à la rigueur soutenir avec
vraisemblance que la plupart des dispositions importantes de la Loi sur la mise
en marché des produits agricoles gênent les coopératives
laitières. Elles n'ont pas manqué de le soutenir à
l'occasion.
Un règlement de quota s'applique-t-il ou non aux
sociétaires de coopératives? Il est permis d'en douter. Sans ce
règlement, les sociétaires pourraient produire et livrer à
leur coopérative tout le lait que cette dernière peut
requérir. L'existence des contingentements prive en effet les
coopératives de volumes de lait dont elles ont grand besoin pour
rentabiliser leurs usines et, par voie de conséquence, l'existence des
quotas gêne l'action du coopératisme, à la rigueur. Quand
vont-elles le soutenir devant les tribunaux?
Si l'on croit qu'il s'agit d'une interprétation farfelue, M. le
Président, que l'on se place dans la position d'un juge de la Cour
supérieure qui doit en décider et qui n'a pas une connaissance
particulière de toute la complexité de l'industrie
laitière et des principes coopératifs. Quel effet pensez-vous
qu'il doit donner à l'article 2? Le règlement de l'office des
producteurs de lait, qui oblige ces derniers à payer une contribution
aux fins de défrayer les dépenses d'administration du plan
conjoint et oblige les intervenants qui paient le prix du lait à retenir
la contribution à même la paie des producteurs et à la
remettre à l'office, a-t-il pour effet de gêner l'action des
coopératives? En 1969, Agropur, alors la Coopérative agricole de
Granby, l'a prétendu devant la Cour supérieure, comme l'on peut
s'en rendre compte en consultant l'annexe B. À nouveau, en 1979, Agropur
a prétendu devant la Cour supérieure que le fait pour la
Régie de l'obliger à prélever les contributions dues au
plan conjoint par les producteurs de lait industriel et de les remettre a la
Fédération constituait un excès de juridiction de la part
de la Régie et gênait l'action de la coopérative.
L'aurions-nous imaginé? Voir l'annexe C.
À titre d'exemple, vous pourrez constater à la lecture du
jugement de 1969 que certaines coopératives laitières, dont la
plus importante au niveau du chiffre d'affaires, ont prétendu qu'elles
seraient acculées à la faillite par l'application du plan
conjoint, d'un règlement et d'une sentence arbitrale de la Régie.
L'extrait suivant du jugement de l'honorable juge Duranleau demeure d'une
surprenante actualité 20 ans après son prononcé: "Les
coopératives se plaignent qu'elles vont être acculées
à la faillite par l'application à la lettre du plan conjoint, de
la sentence arbitrale et du règlement, mais la preuve à ce sujet
est bien loin d'être concluante. Comment expliquer que les intervenantes
(des entreprises privées) qui sont moins bien florissantes que la
Coopérative agricole de Granby trouvent le moyen de se conformer
à la sentence arbitrale et au règlement?"
En pratique donc, chaque fois qu'une disposition du plan conjoint
devient contraignante pour une coopérative laitière, ce qui est
le propre de toute disposition législative, elle peut se
prévaloir de l'article 2 pour contester devant les tribunaux (ou pour
menacer de le faire) la juridiction de la Fédération ou
même celle de la Régie. Il en est de même des
règlements de la Fédération, ainsi que des
règlements, ordonnances et décisions de la Régie des
marchés agricoles. Il va sans dire que l'entreprise privée n'a
d'autre choix que de se soumettre. C'est donc un premier accroc au principe de
l'égalité devant la loi auquel il est urgent de mettre un
terme.
Cette façon d'invoquer l'article 2 devant les tribunaux et la
prohibition qu'il fait de gêner l'action des coopératives prend
généralement les formes les plus pathétiques,
particulièrement susceptibles d'impressionner, sinon de convaincre, les
non-initiés.
En 1989, les coopératives soutiennent également devant les
tribunaux que, lorsque la Régie ordonne aux coopératives et
à la Fédérée de procéder de concert à
la rationalisation des routes de ramassage du lait dans le but de diminuer les
coûts de transport à chaque producteur, la Régie gêne
l'action des coopératives et excède sa juridiction, encore une
fois. Dans l'intervalle, cette attaque devant les tribunaux,
fondée sur l'article 2, permet aux
coopératives de refuser d'appliquer la décision reproduite
à l'annexé D.
Encore une fois, en 1989, les coopératives
brandissent devant les tribunaux le spectre de la déconfiture. Cette
fois, II s'agit, en plus d'alléguer violation par la Régie de
l'article 2, de l'accuser d'expropriation sans indemnité des biens des
coopératives laitières et de rayer de la carte leurs entreprises
de transport. L'annexe E le prouve éloquemment.
Voilà donc une autre illustration de l'usage que les
coopératives laitières font de l'article 2 de la Loi sur la mise
en marché des produits agricoles du Québec. Non seulement
l'article 2 permet aux coopératives de se soustraire à
l'application de la loi, mais, ce qui est plus grave, c'est qu'il leur permet
de s'en servir quand il y va dé leurs Intérêts. En voici
quelques exemples concrets.
La loi sur là mise en marché, dans sa forme
actuelle, permet a une coopérative, à une association
professionnelle d'acheteurs, de voituriers ou à d'autres personnes
liées par un plan conjoint de demander à la Régie de
l'accréditer, à titre de représentant des
intéressés à la mise en marché du produit
visé par le plan. Si l'accréditation est accordée,
l'association représente tous les intéressés pour les fins
de négociation et d'entente avec l'office des producteurs et de
conciliation et d'arbitrage selon la loi.
Il y a déjà longtemps que la
Fédérée a demandé et obtenu de la Régie une
accréditation pour représenter les coopératives
laitières et leurs filiales aux fins mentionnées ci-dessus. Il
est tout naturel de penser que, si la Fédérée a
demandé cette accréditation, c'était pour répondre
aux désirs des coopératives laitières. Il est aussi
légitime de croire que ces dernières devaient se sentir
liées par le plan conjoint, puisque le seul but de cette
accréditation est de permettre la négociation collective et de
bonne foi, dans le cadre du plan, entre les coopérations et la
Fédération.
Le moins que l'on puisse attendre des conséquences
de cette accréditation, c'est qu'elle mène à une
négociation de bonne foi et qu'à défaut d'entente les
parties se soumettent à la décision arbitrale qui tient lieu de
convention. C'est la règle du jeu sans laquelle il ne peut y avoir de
mise en marché ordonnée et sans laquelle, d'ailleurs, la loi n'a
aucun sens. mais quand on est convaincu que ni la négociation, ni la
décision arbitrale ne peuvent avoir l'effet de nous gêner, est-il
raisonnable de penser que l'on fera les compromis nécessaires pour
arriver à une entente? quel incitatif peut-on avoir à
négocier de bonne foi et quelle crainte peut-on avoir d'une
décision défavorable de la régie puisque, aux termes de la
loi, cette décision ne saurait gêner? pense ton que l'on
exagère? deux observations devraient convaincre du contraire. tout
d'abord, le sens ordinaire du mot "gêner", tel que nous l'apprennent les
dictionnaires et deux exemples pratiques qui en sont donnés par les
coopératives laitières. Selon le dictionnaire, "gêner"
signifie: mettre à l'étroit, mal à l'aise, empêcher,
angoisser, freiner le mouvement ou le développement, mettre dans une
situation embarrassante, difficile où s'exerce une espèce de
contrainte. Le terme peut même aller jusqu'à signifier:
déplaire, déranger, importuner, en plus d'intimider et de
troubler.
Peut-on concevoir une décision arbitrale ou
même une convention dûment homologuée ou un plan conjoint
qui ne déplairait pas aux coopératives laitières, qui ne
les dérangerait pas, qui ne les importunerait pas, en d'autres mots, qui
ne les gênerait pas? Si on doit attacher à l'expression son sens
ordinaire, on conçoit facilement que les coopératives
laitières puissent prétendre que la loi s'applique à elles
quand elles le veulent bien, d'autant plus que ce n'est pas le seul terme
utilisé à l'article 2 qu'elles peuvent invoquer pour se
soustraire à l'application de la loi. En effet, le législateur
ajoute que la loi ne doit pas être interprétée comme un
moyen de concurrencer les coopératives. Dans les circonstances, est-il
faux de prétendre qu'entre coopératives et entreprises
privées l'article 2 est loin de maintenir le principe de
l'égalité devant la loi? (10 h 30)
La Fédérée, qui a refusé de
participer aux négociations, "s'objecte" à l'homologation de la
convention entre la Fédération et l'Association, au niveau du
transport en 1987. Donc, la Fédérée attaque alors, en
1987, la Régie des marchés agricoles devant les tribunaux et
demande l'annulation d'une convention alors intervenue entre la
Fédération et l'Association des transporteurs, sur la base de
l'article 2 de la loi. L'annexe I reproduit cette autre déclaration
d'action de la Fédérée et d'une autre coopérative
laitière. Cette affaire est suspendue depuis.
Dans l'intervalle, la Régie pose habilement mais
fermement comme condition à son refus d'homologuer la convention entre
la Fédération et l'Association l'obligation des
coopératives de négocier une convention de transport avec tous
les intéressés.
Devant l'insistance de la Régie, la
Fédérée convient, de concert avec la
Fédération, l'Association et le Syndicat de Québec, de
s'engager dans des négociations multipartites pour en arriver à
une entente unique qui réglerait le problème du transport, en
annexe J. Les négociations commencent donc en 1987 et durent jusqu'en
1989 alors qu'à bout de souffle et à défaut d'entente avec
les coopératives laitières la fédération demande
l'arbitrage.
La Régie entend les parties, accorde une audition
additionnelle à la demande de la Fédérée et
reçoit, en plus, des représentations écrites des parties.
Elle rend jugement fin août 1989, annexe D, croyant sans doute mettre fin
à un
litige sans solution depuis quatre ans. Peine perdue, les
coopératives demandent à la Régie un ordre de sursis de la
décision. Cette demande est refusée suite à une audition
des parties. Les coopératives laitières en appellent au
gouvernement mais ne manquent pas de s'adresser à la Cour
supérieure et de demander l'annulation de la décision de la
Régie, invoquant, encore une fois, l'article 2 de la loi, annexe E.
Depuis cette date, nous entrons dans la sixième année et les
problèmes de transport demeurent sans solution.
Peut-on croire que l'article 2 a sa place dans une loi qui vise la mise
en marché ordonnée des produits agricoles? La
Fédération vous soumet qu'il est dans l'intérêt
public que vous interveniez et que vous fassiez disparaître l'article 2
du projet de loi 15. Aucune disposition législative n'a
créé autant de problèmes depuis son origine que l'article
2 de la loi sur la mise en marché. Et nous vous faisons grâce des
pertes pécuniaires qu'il a causées aux producteurs de lait, ne
serait-ce qu'uniquement en querelles juridiques.
Laissez le problème entre les mains des producteurs et je crois
qu'ils sauront bien le régler. Ils ont en effet tous les moyens qu'il
faut pour élire et remplacer leurs dirigeants à volonté,
et leur prescrire le degré de protection qu'ils veulent voir accorder
à leurs coopératives et l'étendue de la collaboration que
ces dernières doivent accorder au plan conjoint.
L'article 2 fausse le jeu de la démocratie. Il met les dirigeants
des coopératives à l'abri du jugement des producteurs et leur
permet de se couvrir de la légitimité de l'article 2 pour
éviter de consentir les compromis qui sont nécessaires à
la mise en marché ordonnée des produits laitiers.
La Fédération vous prie instamment de faire l'essai d'une
loi sur la mise en marché qui traite sur un pied d'égalité
toutes les entreprises, aussi bien les entreprises privées que les
coopératives, qui traite également sur un pied
d'égalité les associations de producteurs et qui les oblige tous
à négocier de bonne foi et à se soumettre aux
décisions arbitrales de la Régie, comme le fait d'ailleurs la
Fédération qui, aux termes de l'une de ces décisions, a
dû verser aux coopératives la rondelette somme de 7 500 000 $ pour
du lait que les producteurs n'avaient même pas produit ou avaient produit
hors quota.
Peut-on concevoir, dans la Loi sur les coopératives, une
disposition semblable à l'article 2 qui obligerait les
coopératives à mener leurs entreprises de façon à
ne pas gêner ni concurrencer les offices de producteurs?
Les producteurs sont donc théoriquement libres de devenir
sociétaires des coopératives, mais, en pratique, ils ne peuvent
tous le faire. Ceux qui sont des sociétaires bénéficient,
c'est bien normal, de ristournes et de trop-perçus. Il faut se rappeler
cependant que les autres producteurs ne peuvent en bénéficier,
même s'ils souhaitent devenir membres des coopératives.
Cela est moins normal. Examiné sous cet éclairage et dans
le contexte d'un traitement égal devant la loi, il devient encore plus
important que l'article 2, dans sa forme actuelle, disparaisse.
L'administrateur - page 22, pour ceux qui ont le texte - d'une
coopérative qui administre un plan n'est l'objet d'aucune disposition
législative dans le projet de loi. Dans les faits, cet administrateur
est à la fois administrateur de l'office et administrateur d'une
entreprise en compétition directe avec les autres entreprises
visées par le plan. Avec respect, la Fédération croit
qu'il s'agit là de deux poids, deux mesures.
La Fédération aimerait, en terminant ce mémoire,
peut-être déposer un ajout. On croit qu'il n'y a pas d'espace au
niveau de la création d'un pool de transport et je demanderais à
Me Trudeau de vous le déposer tout simplement.
Le Président (M. Richard): Vous pouvez, maître, le
déposer. S'il vous plaît, allez chercher le document et on en fera
la distribution à tous les membres de la commission.
M. Rivard (Claude): Là-dessus, j'aurais peut-être un
commentaire personnel, M. le Président, messieurs et mesdames. Ça
fait peut-être depuis 1955, 1956, je crois, que le premier plan conjoint
a été formé et, à plusieurs reprises, on s'est
querellé et il y a des déchirements parce que le rôle,
comme on peut le voir, est interprété de façon
différente au niveau des deux organisations. Comme producteur laitier du
Québec, tout ce que j'espère, avec l'avènement de la loi
15, c'est que certaines choses pourront être clarifiées au niveau
de l'article 2 quant à la responsabilité de chacun des organismes
pour que mes enfants, si c'est possible, n'aient pas à subir des frais -
j'espère qu'ils seront en production laitière - juridiques ou de
contestations de toutes sortes. Parce qu'une industrie qui est mature, comme
l'industrie laitière québécoise, ne peut pas se payer le
luxe de se quereller comme on le fait présentement. Je pense qu'il est
grand temps de mettre de la clarté là-dedans. Là-dessus,
messieurs, mesdames, merci.
Le Président (M. Richard): Merci, monsieur, de votre
mémoire. Maintenant, pour le questionnement, M. le ministre, vous avez
le premier bloc. Ce sont des blocs de 10 minutes, M. le ministre, par
alternance.
M. Pagé: Oui, mais le temps global alloué? Je sais
que ce sont des 10 minutes.
Le Président (M. Richard): 36 minutes, M. le ministre.
M. Pagé: En tout?
Le Président (M. Richard): Oui.
M. Pagé: Pour les deux groupes.
Le Président (M. Richard): Donc, 18 minutes chacun.
M. Pagé: O. K. Alors, merci, M. le Président, chers
collègues membres de la commission. Je voudrais, dans un premier temps,
remercier la Fédération des producteurs de lait du Québec
et ses représentants, ce matin, pour la présentation de leur
mémoire. Je vais me limiter à un commentaire, -dans un premier
temps.
Je constate que ce mémoire, qui est quand même très
bien étoffé avec des annexes, porte principalement sur la
problématique entourant la gestion du lait au Québec. C'est
à la fois explicable et malheureux. C'est malheureux en ce sens que nous
sommes à étudier une pièce législative qui est
modifiée substantiellement, pour la première fois depuis, quoi 25
ans, 26 ans, et qui devra constituer, à l'avenir, le terme de
référence ou l'assise juridique sur laquelle l'ensemble des
partenaires dans le secteur agricole et agro-alimentaire au Québec devra
s'appuyer pour la mise en marché de nos produits. or, force nous est de
constater que, depuis plus particulièrement mercredi après-midi,
les intervenants qui se sont présentés devant nous, que ce soit
la coopérative fédérée, que ce soient le conseil de
la coopération et la fédération des producteurs de lait,
ont fait porter le principal, évidemment, de leurs commentaires sur une
disposition très spécifique de cette loi. et cette disposition
très spécifique, bien, c'est explicable, m. le président,
que vous vous ameniez ce matin et que vous passiez la très grande partie
du temps qui vous est alloué à discuter, à proposer,
à demander, à commenter, finalement, l'application,
l'interprétation donnée aux dispositions prévues à
l'article 2 de la loi sur la mise en marché des produits agricoles. je
dois saluer votre patience, m. le président. la fédération
des producteurs de lait du québec a témoigné d'un niveau
très appréciable de patience. ça me fait penser à
l'adage qui dit que la patience est un arbre dont les racines sont
amères, mais les fruits sont délectables.
Ceci étant dit, le ministre a bien réfléchi. Le
ministre a lu vos mémoires en fin de semaine, évidemment. Il
faisait trop froid pour aller aux sucres. Ça ne coulait pas, de toute
façon.
Une voix:...
M. Pagé: Ha, ha, ha! Vous auriez dû m'inviter. On
aurait lu ça ensemble. On a lu les mémoires et vous savez que je
me sens une responsabilité qui est la suivante. Le ministre de
l'Agriculture, confronté à un problème comme celui auquel
nous nous référons ce matin... Parce qu'il ne faut pas se faire
de cachette: depuis mercredi après-midi, ce qui prend le pas sur le
débat sur le fond de la loi, ce sont les problèmes
circonstantiels vécus par le monde laitier au Québec. C'est
ça qui prend le pas beaucoup plus que l'étude article par article
ou les commentaires sur le libellé du projet de loi 15. Je vous
réitère ce matin - parce que l'ensemble des gens sont ici, ce
matin, le Conseil de l'industrie est ici, le Conseil de la coopération
et aussi Agropur parce qu'il faut maintenant parier de deux entités
quand on parie du Conseil de la coopération et d'Agropur, et j'y
reviendrai en après-midi, des entités distinctes, j'entends - que
nous sommes la province laitière au Canada. Nous avons l'expertise, la
tradition, la coutume, les connaissances. On s'est donné un plan
conjoint qui a imposé des sacrifices, de la discipline, de la rigueur
aux producteurs et aux productrices. On a bâti ensemble au Québec
- on a tous les motifs pour en être fiers - un élément de
très grande fierté. La production laitière au
Québec suscite chez l'ensemble des Québécois, je pense, un
très grand objet de fierté.
Cependant, nous traverserons, au cours des prochaines années, la
période très certainement la plus délicate. Je me
référais, au début des travaux de la commission, à
l'Europe de 1992 qui créera un bloc homogène, très
homogène, avec une nouvelle solidarité européenne
conjuguant vers les mêmes objectifs 350 000 000 de citoyens. Nous sommes
dans la deuxième année de la mise en oeuvre de l'entente de
libre-échange qui, comme on le sait, a fait l'objet déjà
de démarches très agressives de la part de nos voisins et amis
américains, entre autres, à l'égard de la production
laitière dans cette demande qui est maintenant soumise au GATT
concernant les yogourts et la crème glacée. J'ai
été en conférence fédérale-provinciale,
jeudi et vendredi. Nous recevions, à ce moment-là, les rapports
intérimaires des comités de travail qui ont été
créés comme suite de la commission, de la démarche tenue
par le fédéral en décembre dernier. Et, dans un de ces
comités, bien, il ne faut pas se faire de cachette, on parie des plans
conjoints, on parle des systèmes de gestion de l'offre.
Et, dès qu'on touche ce sujet, ça devient aussi sensible
de la part des autres provinces que la question de l'article 2 peut être
sensible ici, et je m'explique. La très grande majorité des
provinces canadiennes voudraient voir une partie des quotas alloués en
vertu de nos plans de contingentement et de notre politique de gestion de
l'offre allouée à leur province. Quand John Savage, le ministre
de la Colombie-Britannique, me dit: Michel, chez nous, on représente,
quoi, près de 10 % de la population et on a 3, 5 % des quotas et, par
surcroît, on a une population en croissance et je suis obligé
d'importer le moz-zarella de chez vous et je suis obligé d'importer le
beurre, bon, etc. Il a le droit de prétendre. On ne peut pas nier
à ces gens-là le droit de
prétendre, le droit de revendiquer et le droit de demander.
Alors, tout ça pour vous dire qu'on traverse la période
très certainement la plus délicate, la plus difficile et la
prochaine décade sera déterminante pour l'avenir de l'industrie
laitière. (10 h 45) et, pendant ce temps-là, nous, au
québec, on se tiraille, on hésite, on se chamaille un peu, on
s'assoit, on négocie, on s'entend parfois. souventefois, on ne s'entend
pas. plus souvent qu'autrement, on ne s'entend pas et tout ça arrive sur
les bureaux de la régie des marchés agricoles qui doit
administrer, qui doit remplir son mandat et décider en vertu de la
loi.
Il y a deux possibilités. Ce n'est pas compliqué. C'est
très clair. Selon ma perception, comme ministre - et j'y reviendrai
à la fin des travaux de cette commission - il y a deux
possibilités et j'aimerais bien avoir vos commentaires là-dessus,
M. le président. Ça répond d'ailleurs à votre
principale interrogation qui dit que l'article 2 doit être abrogé,
que ça comporte un risque à la structure de mise en
marché, etc. Jusqu'à maintenant, le libellé plus ou moins
clair de l'article 2 aura assez curieusement servi, jusqu'à une certaine
limite, l'ensemble de l'industrie, dans le sens que le fait qu'il ouvrait la
porte à différentes interprétations a très
certainement, selon nous, constitué un frein à son utilisation.
D'ailleurs, le pourcentage le plus appréciable des requêtes
adressées aux tribunaux pour demander l'interprétation à
donner à l'article 2 s'est soldé par des règlements hors
cour, des ententes à l'amiable.
Ça veut dire quoi, concrètement? Ça veut dire que
les gens de l'industrie, c'est-à-dire autant le Conseil de la
coopération que les coopératives individuelles, comme ça a
été le cas pour Agropur dans une requête à laquelle
vous référiez tantôt, que le Conseil de l'industrie
laitière, depuis qu'il est formé, ou la Fédération
des producteurs de lait, selon ma perception, à moi qui n'avais pas le
nez collé sur la vitre à ce moment-là, les parties avaient
tellement d'hésitations, pour ne pas dire avaient tellement peur de ce
qui pourrait sortir comme jugement, qu'elles n'osaient pas se rendre jusqu'au
bout de leur démarche. Donc, dans un sens, ça a été
relativement utile puisque ça a constitué à la fois un
élément créant une dynamique, obligeant les parties
à s'asseoir et un frein impliquant que les parties n'osaient pas s'en
prévaloir ultimement jusqu'à la fin.
Jusque-là, ce n'était pas trop mal, sauf que là,
ça ne va pas bien, bien mieux. Moi, je pars du principe suivant: si le
capital humain que vous avez investi dans le secteur laitier au Québec,
autant les coopératives que la Fédération et le Conseil de
l'industrie laitière, avait été investi pour bâtir
ensemble ou raffiner nos stratégies de développement de
marchés, de commercialisation, de productivité,
d'efficacité, de rentabilité, etc., on serait en plus grande
force aujourd'hui et on pourrait voir l'avenir avec plus de
sécurité. Mais ça n'a pas été le cas.
Or, de deux choses l'une: ou on laisse le libellé de l'article 2
tel qu'il est et on se quitte demain soir, à la fin des travaux de notre
commission, et on se dit: Bien, cette incertitude parfois questionnable et
souventefois bénéfique pourra profiter à l'industrie
pendant encore peut-être une génération; ou on le corrige,
on le modifie. Auquel cas, je retourne devant le Conseil des ministres, je
formule une proposition d'amendement et je dépose mes amendements
à l'article 2 lorsque nous reprendrons nos travaux, au moment de
l'étude du projet de loi article par article ou au moment du
débat en deuxième lecture.
D'autant plus que, quand je disais que vous avez eu beaucoup de
patience, si on déborde le cadre de la loi parce qu'on parle de
l'article 2, vous avez parlé de la négociation, etc.
J'apprécie au plus haut point, de la part de la Fédération
des producteurs de lait - j'adresserai les mêmes commentaires à
l'égard du Conseil de l'industrie laitière - la
disponibilité, la bonne foi que vous avez démontrée comme
suite de la rencontre que nous avons eue, les parties représentatives,
le 8 février dernier, dans le but d'en arriver à une entente
liant toutes les parties pour une période de trois ans, susceptible de
sécuriser l'ensemble de l'industrie, autant les entreprises
privées que les coopératives.
M. le Président, je reviendrai avec des chiffres précis
tout à l'heure avec le Conseil de la coopération, qui
démontreront très clairement que la décision de la
Régie des marchés agricoles de 1989 permettant, entre autres,
l'augmentation, dans certaines classes, selon les volumes de
référence, à un pourcentage de 15 % a très,
très bien servi l'industrie.
Je note que vous demandez l'abrogation de l'article 2; tout au moins,
vous indiquez qu'il est nébuleux, imprécis, etc. Vous parlez de
deux poids, deux mesures, à la page 9 de votre document. Ce sont des
arguments qui se tiennent. Vous allez être présents toute la
journée? Je vous invite, d'ailleurs, à être présents
parce que, aujourd'hui, on parle du lait, seulement du lait. Je pense que ce
sera une journée qui va être déterminante. Je voulais faire
ces commentaires et, surtout, vous remercier.
M. le Président, compte tenu qu'on doit revenir, ce soir,
à 20 heures, je crois, jusqu'à 21 heures - on aura
peut-être un peu plus de flexibilité dans le temps, aujourd'hui -
il est peut-être possible que les membres ou le ministre souhaitent que
vous reveniez à la table pour répondre à quelques-unes de
nos questions, après que nous aurons eu le plaisir d'échanger
avec d'autres groupes qui sont directement impliqués dans
l'industrie.
Le Président (M. Richard): Je cède donc la parole
à M. le porte-parole de l'Opposition. M. le député
d'Arthabaska, vous avez la parole.
M. Baril: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir,
d'abord, de souhaiter la bienvenue aux représentants de la
Fédération des producteurs de lait, également aux nombreux
observateurs, sans doute des producteurs et productrices laitiers. La
présence de ces nombreux visiteurs parmi nous démontre clairement
l'importance de revoir toute la Loi sur la mise en marché des produits
agricoles.
Comme je l'ai dit au tout début, nous, également, trouvons
un peu, beaucoup malheureux que cette loi soit révisée dans une
période, que je vais appeler critique, de négociation sur une
situation problématique dans le lait, actuellement. J'aurais
aimé, moi-même, entendre les intervenants nous parier d'autres
articles, d'autres objectifs de la Loi sur la mise en marché des
produits agricoles plutôt que de parier, en grande partie, de la
nécessité du maintien ou du rejet ou de l'éclaircissement
de l'article 2 de la loi. pour ne pas faire un grand exposé, je vais
essayer de vous lancer la balle. j'aimerais vous entendre nous expliquer
comment vous voyez ça, la formule des plans conjoints telle qu'on la
connaît aujourd'hui, dans le contexte du libre-échange, de la
mondialisation des marchés. on s'aperçoit que. actuellement, il y
a des demandes qui se font, de la part des états-unis, entre autres,
pour contourner l'article xi 2c du gatt, pour faire entrer chez nous des
succédanés. de plus en plus, aussi, le consommateur veut
consommer de moins en moins de gras. les chiffres sont là qui le
prouvent; on ne pourra pas indéfiniment forcer les consommateurs
à manger des produits ayant un taux de gras assez élevé.
la compétition américaine est là et est de plus en plus
grande. je lisais, en fin de semaine, la difficulté, entre autres -
c'est un exemple que je donne - des producteurs d'oignons. ici, au
québec, un pesticide est homologué depuis quelques années;
i est utilisé aux états-unis et h empêche la venue de
champignons, de bibites, d'insectes dans les oignons. les états-unis ont
le droit d'utiliser ces mêmes pesticides. la production des producteurs
d'oignons est menacée par la venue de ces produits-là chez nous,
qui sont, évidemment, produits à un coût moindre.
Dans le secteur que vous représentez, au niveau de toute la
production du lait, de la transformation, des succédanés, qui
peuvent rentrer chez nous, est-ce que la formule, actuellement, des plans
conjoints est assez souple pour faire face à toute cette mondialisation
des marchés qui s'en vient? Peut-être que vous aimeriez mieux que
je vous parie de l'article 2 ou de toutes ses conséquences, mais
j'aimerais ça déborder et sortir un petit peu de ça parce
que, de toute façon, je ne pense pas que c'est ici, entre nous autres,
qu'on va régler le problème aujourd'hui. C'est pour ça que
j'aimerais vous entendre parier sur... Je ne veux pas remettre en cause -
absolument pas - la nécessité des plans conjoints, mais la
formule actuelle, est-ce qu'elle est assez souple, puisqu'on touche à la
loi, pour faire face à l'avenir?
Le Président (M. Richard): O. K. Ça va?
M. Rivard (Claude): Oui, je vais essayer de reprendre, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): Merci.
M. Rivard (Claude): Donc, je vais essayer de reprendre. En fait,
vous voulez savoir notre perception face au plan conjoint par rapport à
la compétitivité. Tout à l'heure, on pourra, à la
fin, vous distribuer ce qu'est un plan conjoint en fonction de la loi et ce que
ça peut faire, un plan conjoint, peut-être pour votre information
personnelle.
Un plan conjoint, ça peut réglementer, par le biais de la
Fédération ou de son office - je ne sais pas si Léon
pourrait peut-être vous passer le document - administrer, négocier
et développer. Ça peut réglementer des contributions, du
contingentement à une agence de vente provinciale. Ça peut
administrer tout ce qui se rapporte aux conditions de vente, aux conditions de
paiement ou négocier ces choses-là, le prix du transport, les
normes de qualité et développer les nouveaux marchés, de
la recherche, de la publicité et de l'information. Ces champs d'action,
la Fédération - on a dit que. ça a été le
premier plan conjoint - donc, les a assumés entièrement, ce que
les pouvoirs de la loi à l'heure actuelle lui permettaient.
Au niveau peut-être de la compétition par rapport au libre
marché, il se dit beaucoup de choses présentement. Vous avez les
transformateurs qui disent: On se regroupe pour faire face à la
compétition du libre marché. Notre perception, chez nous, est
peut-être fausse. On a peut-être le nez collé à la
vitre, mais on veut être réalistes aussi quand on fait cette
analyse. Au niveau de la compétition par rapport aux Américains,
prenons-le comme exemple, il y a un écart d'environ 14 $ l'hectolitre
entre le prix que les producteurs de lait de transformation américains
reçoivent et le prix canadien. Cet écart s'explique de
différentes façons. Premièrement, par les conditions
climatiques. Certains États - je pense que vous connaissez
l'infrastructure américaine - ont jusqu'à 12 récoltes par
année, ils n'ont pas besoin d'entreposer les fourrages,
différents facteurs.
Il y a les conditions économiques aussi. Ces conditions
économiques - je voudrais insister là-dessus, on ne se contera
pas de peurs ici ce matin, messieurs et madame - ce n'est pas plus vrai que
c'est différent au niveau des producteurs que des transformateurs. Je
pense ici aux
conditions salariales. On a fait, tout dernièrement, une
étude sur la compétitivité du mozzarella américain
qu'on pourrait éventuellement mettre sur la pizza, s'il devait entrer au
Canada. Une usine à Buffalo, spécialisée dans la
production de mozzarella, paie environ 8 $, 8, 50 $ l'heure le salarié,
alors qu'au Canada, à Toronto ou à Montréal, on parle de
16, 50 $ l'heure. L'essence, l'énergie, on parle d'environ 1 $ le gallon
versus au-delà de 3 $. Il y a les mesures sociales et une foule de
choses dans ce sens-là.
Les gens pourraient peut-être dire: Votre système de plan
conjoint dont vous vous êtes dotés depuis 20 ans au Québec
ou au Canada a rendu l'industrie... Vous entendez parfois des belles
équations savantes d'économistes ou d'autre monde qui disent: Les
gens ne sont pas compétitifs. J'ai des chiffres depuis la mise en place
du plan conjoint national, depuis 1970. La productivité moyenne dans les
troupeaux canadiens s'est accrue de 70 %, au niveau des États-Unis,
durant la même période, de 35 % et en Australie, qui est
supposément un pays très progressiste, très d'avant-garde,
25 % d'augmentation de productivité. Donc, je ne pense pas que ce soit
le système qui ne soit pas efficace. Ce sont des conditions
économiques différentes, qui sont là. D'après notre
analyse, ouvrons le libre marché demain matin et - M. le ministre a
mentionné que l'industrie laitière était pour le
Québec ce que le blé est pour l'Ouest - je pense qu'on devrait
oublier ça dans le portrait du Québec assez rapidement merci,
dans notre interprétation à nous autres.
Ce qu'on a essayé de faire avec le gouvernement canadien... On
sait que notre programme est attaqué présentement au niveau de la
crème glacée et du yogourt. Il y a un panel qui a rendu une
décision défavorable. Tout dernièrement,
c'est-à-dire il y a deux semaines, le gouvernement canadien a
déposé une position à l'intérieur des
négociations du GATT pour régler l'ensemble du problème,
mais aussi, par le biais d'une liste de nomenclature, on va ramener la
crème glacée et le yogourt à l'intérieur d'une
liste de produits contrôlés, parce qu'on a définitivement
un système de gestion. Je n'ai pas ma petite table, mais notre
expression, notre façon d'imager notre système de gestion
canadien, on dit: On pourrait prendre n'importe quel exemple. On pourrait
prendre une table. Vous pouvez avoir une table à trois pattes, mais une
bonne table, ça a quatre pattes, quatre piliers. Les piliers
fondamentaux, et ça, c'est important de comprendre ça... Les
producteurs contrôlent la production. On a décidé, en 1970,
de produire en fonction des besoins des consommateurs canadiens. On n'a pas
visé le marché de l'exportation parce qu'on a dit: II est
à perte et on ne peut pas compétitionner ces gens-là. Ce
choix-là, on l'a fait il y a 20 ans et je pense qu'à l'heure
actuelle on l'a défendu au cours du débat du libre-échange
et on le défend au niveau du GATT dans le même sens. Donc,
contrôle de la production par les producteurs en fonction des besoins des
consommateurs. Comme producteur laitier canadien, si je ne peux pas
contrôler mes importations, mon système ne veut rien dire. Je ne
sais pas si je me fais bien comprendre. Jumelé à ça,
ça me donne encore moins rien de restreindre ma production si je n'ai
pas une structure de prix qui a de l'allure. Regardons ce que les
Américains font. Il y a des augmentations de production assez
importantes. La façon de régulariser la production en fonction
des besoins des consommateurs ou de l'exportation américaine: on baisse
tout simplement la strate de prix. Les structures de fermes grossissent.
Ça devient de très grosses entreprises. Donc, la ferme familiale
n'a plus cours et, par ricochet, c'est l'extension des faillites: on parle
d'au-delà de 200 faillites par semaine. Le dernier
élément, et non le moindre, qui représente 11 % du revenu
des producteurs laitiers du Canada, c'est un subside à la consommation
de 6, 03 $ qui est le même depuis 1970 et qui a régressé
techniquement dans le sens qu'il n'a pas suivi l'inflation. À
l'époque, il représentait 24 % du revenu des producteurs;
maintenant, il représente à peine 11 %. Ce sont les quatre
piliers fondamentaux.
Peut-être pour vous répondre très clairement, dans
l'année qu'on vit présentement, les négociations au niveau
du GATT vont être cruciales. Est-ce que notre système va survivre
aux négociations, au libre-échange? Je pense que c'est à
ce niveau-là. Je pense que ce ne sont pas uniquement les producteurs
laitiers du Québec, ce sont les producteurs canadiens qui ont cette
philosophie-là: on a fait un choix, c'est d'essayer de vivre avec des
conditions de vie décentes, les mêmes que tous les citoyens
normaux veulent avoir. C'est là qu'on n'embarque pas dans une bagarre
sauvage où on dit: À brève échéance, il y
aurait une extinction de l'industrie laitière, si ça se faisait
comme dans d'autres secteurs.
Peut-être un autre point que vous avez mentionné au niveau
de la consommation du gras. C'est vrai qu'il y a des changements structuraux de
marché très importants. Dans les quatre dernières
années, on estime qu'il y a eu une baisse de la consommation du gras qui
est très marquée au niveau des consommateurs. Il y a des
changements structuraux du marché pour quelqu'un qui n'est pas familier
avec l'industrie laitière. Si on recule il y a une quinzaine
d'années, on prenait un hectolitre de lait et on transformait 4, 42
kilos de beurre, on prenait un autre hectolitre de lait et on transformait
environ 10 kilos de fromage. Maintenant, le consommateur veut des fromages
allégés, parfois même à partir de base de lait
écrémé; donc, ça amène des changements tant
au niveau de l'industrie que pour nous autres, les producteurs. On
écrème ce lait-là, on retire nos quatre kilos
de beurre, donc, on fournit un marché et, par ricochet, ça
donne un sous-produit par la fabrication du fromage. Donc, ça donne
comme effet qu'avec un hectolitre de lait maintenant on fournit les deux
produits et ça amène le problème qu'on connaît au
niveau de l'industrie, c'est-à-dire une restructuration de l'industrie.
Je ne sais pas si j'ai couvert vos deux points.
M. Baril: Oui, mais je vais revenir sur un point, parce que c'est
fondamental dans le contexte qu'on vit actuellement avec l'arrivée
possible de succédanés. On disait tout à l'heure qu'on
peut vendre de la crème glacée sans une goutte de lait dedans.
Vous représentez le groupe de la société qui va être
le plus touché, soit les producteurs et les productrices. Les laiteries,
qu'elles soient coopératives ou privées, vont sans doute pouvoir
trouver un moyen pour s'adapter à ça, mais comment pensez-vous
qu'on va pouvoir - je ne sais pas si je peux dire contrer, le mot est trop gros
- vivre ça, contrôler à nos frontières
l'arrivée de tous ces produits? Est-ce que la loi actuellement dont on
discute a des outils pour aider les producteurs et productrices à
écouler leurs produits d'une façon quelconque?
M. Rivard (Claude): Vous avez raison en partie; à
l'intérieur de ce qu'on veut utiliser, c'est-à-dire l'article XI,
on ne peut pas présentement contrôler autre chose que les produits
laitiers. Les succédanés, c'est vrai, mais lors de
l'avènement de la margarine ou d'autres succédanés il y a
plusieurs années, on a fait exactement le même constat. Mais ce
que l'industrie laitière a su faire au fil des ans, c'est
développer de nouveaux produits, on pense à de nouveaux types de
fromage, pour substituer cette régression de la consommation dans ces
produits spécifiques. Tout dernièrement, aux États-Unis,
à partir d'une fabrication de lait écrémé et de
blancs d'oeuf, on peut maintenant faire une crème glacée qui est
naturelle, sans cholestérol. Et on sait que c'est un problème de
santé. Ça aussi, on va devoir le régler.
Et il y a peut-être un élément, un peu dans le sens
que de ce M. Pagé a mentionné tout à l'heure.
Présentement, par des querelles stériles, on oublie le fondement
même de toute notre organisation de la transformation, l'ensemble, tant
l'industrie privée que les producteurs, les transformateurs et les
coops. Et je pense qu'il n'y pas 56 moyens, ça prend une synergie
d'industries pour se développer, puis se positionner. On va devoir faire
de la recherche au niveau des nouveaux produits. Et on sait que le
Québec, présentement, on a peut-être une petite population,
si on se compare à d'autres pays. On devra faire de la recherche et je
pense qu'on devra se concerter. On fait de la recherche. Les producteurs
investissent plusieurs dizaines de millions de dollars au niveau de la
promotion. Et je pense que, à court terme, on doit s'asseoir à
une même table et regarder comment on va avoir une synergie d'industries
et se développer aussi au niveau de la recherche de nouveaux produits
pour prendre la place des marchés qu'on va perdre. Mais il y a quand
même un degré d'inquiétude très fort au niveau de
l'ensemble des producteurs sur la question que vous avez posée.
Le Président (M. Richard): Ça va. M. le ministre.
Est-ce qu'il y a un mot de la fin? Est-ce que ça convient?
M. Pagé: m. le président, je voudrais remercier la
fédération des producteurs de lait de sa présentation ce
matin et je les invite à demeurer avec nous. merci, messieurs.
Le Président (M. Richard): Je demanderais aux gens du
Conseil de la coopération laitière de prendre place, s'il vous
plaît.
M. Pagé: On va attendre une couple de minutes pour ce
faire.
Le Président (M. Richard): O.K. Alors, nous suspendons
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 7)
(Reprisée 11 h 13)
Le Président (M. Richard): Chers collègues, si vous
voulez reprendre place, s'il vous plaît. Mesdames et messieurs, on vous
demanderait votre bonne attention, s'il vous plaît. Je sais que ce n'est
pas pratique lorsque la salle est bondée. Alors, mesdames et messieurs,
on s'excuse, il y a un petit problème technique. Nous recevons le
Conseil de la coopération laitière. Vous étiez là,
tout à l'heure, donc vous connaissez la mécanique. Je vous
cède la parole. Vous vous identifiez d'abord; par la suite, vous
identifiez vos collègues qui vous accompagnent et vous avez un bloc
maximum de 20 minutes. Vous avez la parole.
Conseil de la coopération
laitière
M. Dinel (Yvon): Merci, M. le Président. Je voudrais vous
présenter les membres qui sont ici, à la table en avant, du
Conseil de la coopération laitière: M. Napoléon
Théberge, président de Purdel et premier vice-président du
Conseil de la coopération laitière; M. Jean-François
Robert, directeur de division laitière de la Coopérative
fédérée; Me Gameau, qui est notre conseiller juridique au
Conseil de la coopération laitière, et aussi quelques-uns de mes
confrères: M. Denis Guérard, qui est directeur
général de la coopérative Agrinove; Mme Renelle Valade,
qui est présidente de la coopérative Agrinove; M. Jean-
Marie Frigon, qui est vice-président de Nutrinor, et M. Jean-Marc
Thériault qui est président de la Coopérative agricole de
la Côte-Sud.
Avant toute chose, permettez-moi, M. le Président, de vous
souligner que le présent document constitue le mémoire du Conseil
de la coopération laitière, ce que je vais
interpréter.
Le 6 février dernier, nous annoncions, au cours d'une importante
conférence de presse à Montréal, le regroupement, dans le
lait de transformation, des six coopératives laitières du
Québec. Notre objectif, à ce moment-là, était de
mieux nous préparer à faire face à la globalisation des
marchés et, surtout, de faire face à la spécialisation
dans les habitudes alimentaires, spécialisation qui exige, de jour en
jour, de plus grands moyens, une plus grande efficacité et une plus
grande flexibilité. Et ce regroupement, nous annoncions alors que nous
avions la ferme intention de l'effectuer en appliquant à la lettre les
grands principes coopératifs qui sont à la base même de
notre existence et de notre succès au Québec depuis 50 ans.
Or, ce matin, au moment de nous présenter devant cette
commission, ces objectifs demeurent exactement les mêmes. Il y a eu, vous
le savez, une première étape dans ce cheminement important qui a
mené à d'intenses discussions quant aux modalités de ce
regroupement. Or, l'un des partenaires initiaux, Agropur, a, comme vous le
savez sans doute, décidé qu'il n'était pas disposé
à souscrire aux principes de base qui ont donné lieu à
notre regroupement. Nous avons donc dû l'inviter à quitter le
processus auquel il ne semble plus souscrire et, donc, à quitter le
Conseil de la coopération laitière du Québec, car, M. le
Président, M. le ministre, la philosophie qui inspire notre mouvement,
l'agenda que nous avons adopté et le calendrier que nous nous sommes
fixé, demeurent fermes.
Je tiens donc à vous exprimer notre gratitude pour l'occasion qui
nous est donnée de vous exprimer notre point de vue sur le projet de loi
15, mais aussi notre vision du développement de l'industrie
laitière au cours des prochaines années. Et c'est très
crucial, comme vous l'avez dit tantôt, M. le ministre. C'est
l'avenir.
Les cinq coopératives laitières membres du Conseil
opèrent des installations de transformation, de distribution ou de
services aux agriculteurs dans plus de la moitié des comtés du
Québec. Elles transforment environ 31 % de tout le lait produit au
Québec et commercialisent plusieurs centaines de produits. Les
coopératives emploient au-delà de 2000 personnes et
opèrent des usines à travers le Québec, réalisant
un chiffre d'affaires consolidé de 1 000 000 000 $. Ces entreprises
économiques, propriété de 5300 producteurs et productrices
de lait du Québec, ont été bâties par des
générations successives de coopérateurs. Ces entreprises
économiques, bien implantées dans les principales régions
laitières du Québec, assurent des services de base aux
agriculteurs, tels l'approvisionnement en moulée, la machinerie
agricole, les services techniques pour l'introduction de nouvelles
technologies, le transport du lait et, bien sûr, la transformation et la
mise en marché des produits laitiers. Dans bien des régions, la
coopérative est la seule à offrir ces services à
l'agriculteur, l'entreprise privée ayant quitté les
régions faute de rentabilité. La coopérative constitue
donc le prolongement de la ferme familiale et constitue même
l'assurance-profession du producteur agricole.
Ce que nous défendons devant vous aujourd'hui, ce ne sont pas des
droits acquis, ce n'est pas la ceinture fléchée ou un dogme
coopératif. Ce que nous affirmons plutôt, c'est que plus que
jamais, compte tenu des défis qui se présenteront à
l'industrie laitière durant les années quatre-vingt-dix, les
producteurs et productrices de lait du Québec ont besoin de
contrôler un outil économique placé à leur service,
ce que leur permet précisément la formule coopérative.
Alors, quels sont-ils, ces défis? Le premier, c'est celui de
l'ouverture du commerce mondial. Il s'agit d'une réalité
incontournable. Il y a plusieurs murs qui ont tombé durant
l'année dans des pays de l'Est; je ne pense pas que ce soit le temps de
faire un mur autour du Québec. Bien que le Conseil de la
coopération laitière ne ménagera pas ses efforts au cours
des prochains mois pour maintenir intactes les réglementations et
politiques protégeant notre industrie, il n'en demeure pas moins qu'on
doit se préparer à livrer une dure bataille commerciale. Qu'on
songe tout simplement à l'entrée au Canada de volumes importants
de succédanés de produits laitiers en provenance des
États-Unis. C'est déjà une réalité.
Les coopératives laitières, de par leur rôle de
prolongement de la ferme, sont les seules entreprises de transformation qui ont
dans leur mission, dans leur raison d'être, le maintien d'une production
laitière régionale viable au Québec. L'entreprise non
coopérative n'a aucune attache quelconque avec les producteurs de lait
québécois.
Le deuxième défi, celui de la concentration du secteur de
la transformation, se vit à tous les jours. On doit constamment
réécrire le Livre des records. La compagnie RJR Nabisco
était vendue, l'année dernière, pour la somme de 24 500
000 000 $!
En industrie laitière, on assiste au même
phénomène. Récemment, six coopératives
laitières régionales de France se regroupaient pour former
SODIAAL, une union dont le chiffre d'affaires atteint 2 300 000 000 $ pour un
volume de lait transformé de 2 700 000 000 de litres. On se
prépare pour l'Europe de 1993.
Les coopératives laitières du Québec se devaient
donc de franchir une autre étape majeure dans leur développement.
Tout comme elles étaient au rendez-vous dans les années soixante
et soixante-dix pour la régionalisation,
elles sont au rendez-vous aujourd'hui pour la mondialisation. Les cinq
coopératives laitières régionales et la Coopérative
fédérée de Québec en sont donc venues à la
conclusion qu'il fallait regrouper les forces de la coopération dans le
secteur du lait de transformation.
Le troisième défi, celui du maintien de l'économie
agricole régionale, est plus problématique et nous devons nous y
attaquer rapidement et ce, sur tous les fronts. Dans le cadre d'un regroupement
des forces coopératives, des décisions devront être prises
quant à la vocation de chacune des usines de lait de transformation. Le
maintien d'une base maximale de transformation dans les régions sera un
critère de base à respecter. La coopération
laitière regroupée est sans contredit la seule organisation apte
à relever chacun de ces trois défis, et ce, pour le compte de
l'ensemble des producteurs de lait québécois.
Pour compléter l'information sur la pertinence de la formule
coopérative en Industrie laitière, je vous réfère
également à une étude réalisée par
l'École des hautes Études commerciales de Montréal qui
accompagnait notre mémoire, étude qui conclut que la
coopération laitière est bien placée pour relever ces
défis des années quatre-vingt-dix, pour autant qu'on la
rétablisse dans ses droits.
Dans notre mémoire, nous nous attardons plus
particulièrement au libellé de l'article 2 du projet de loi. En
effet, à plusieurs endroits dans le projet de loi, des articles ont un
impact direct sur le fonctionnement d'une organisation coopérative. Nous
relevons en outre les articles 43, 81, 94 et 125.
Le libellé actuel de l'article 2 n'a pas permis de fixer des
balises raisonnables au système de mise en marché du lait au
Québec. Des décisions rendues par la Régie des
marchés agricoles du Québec en 1985, 1987 et 1989 ont eu pour
conséquence d'affaiblir considérablement la
coopération laitière. Il en est résulté que,
pendant toutes ces années, le plan conjoint a concurrencé
indûment l'organisation coopérative de la production et de la mise
en marché du lait, et ce, en accordant des privilèges à
l'entreprise non coopérative.
Le libellé de l'article 2 proposé dans le projet de loi 15
comporte les mômes problèmes que celui de la loi actuelle. Il ne
permet pas à la Régie de fixer des règles
d'approvisionnement qui respectent l'organisation coopérative de la mise
en marché du lait. Ceci nous a conduits, l'automne dernier, à
loger auprès du Conseil des ministres une demande de révision des
décisions de la Régie. À notre avis, le libellé de
l'article 2 doit être conforme à la Loi sur les
coopératives et plus spécifiquement à l'article 200
où il est précisé que, dans le cas d'une
coopérative agricole dont l'objet est relié à la mise en
marché, ce qui est le cas d'une coopérative laitière, la
personne ou la société qui en devient membre doit
également s'engager pour au moins cinq ans à livrer des biens ou
à vendre des biens ou des services par l'entremise de la
coopérative. C'est là que prend tout son sens l'organisation
coopérative de là mise en marché du lait. Le Conseil de la
coopération laitière propose que le libellé actuel de
l'article 2 soit maintenu, mais en y ajoutant un troisième paragraphe
qui se lit comme suit: "Rien dans l'application de la présente loi ne
doit venir en conflit avec les engagements entre un membre et sa
coopérative.1'
La révision de la Loi sur la mise en marché des produits
agricoles ne doit pas être l'occasion de bâillonner davantage les
organisations coopératives dont sont membres, par choix et non pas par
obligation, 9800 producteurs de lait québécois. La
révision de la loi doit plutôt, à notre avis,
réaffirmer de façon claire toute la pertinence du projet
coopératif qui a toujours bien servi les intérêts du
Québec dans le secteur agro-alimentaire comme dans bien d'autres
secteurs.
Le Conseil est d'avis que le gouvernement se doit de maintenir, pour le
producteur de lait, la possibilité d'adhérer librement à
une coopérative, d'y investir des capitaux, de s'assurer ainsi de
services indispensables pour l'exercice de sa profession et de
bénéficier des gains réalisés lors de la
transformation et de la mise en marché de son produit, le lait. Le
Conseil de la coopération laitière ne demande pas une protection
pour les coopératives laitières; elles n'en ont pas besoin. Ce
qui est demandé, c'est de préserver un mode d'organisation qui
n'est imposé a personne et qui doit continuellement faire ses preuves
puisque ses membres sont libres d'y adhérer et de s'en retirer.
Plus que jamais, le Québec a besoin de coopératives
laitières fortes en région: parce qu'elles répondent
efficacement aux besoins des producteurs; parce qu'elles s'ajustent constamment
aux tendances du marché; parce qu'elles sont les mieux placées
pour relever les défis des années quatre-vingt-dix; parce
qu'elles constituent la meilleure assurance-profession pour l'ensemble des
producteurs de lait québécois et parce qu'elles sont des
entreprises économiques essentielles au développement des
régions.
Nous avons concentré notre intervention sur l'article 2 du projet
de loi, article névralgique puisqu'il est au coeur des débats qui
secouent depuis quelques années l'industrie laitière
québécoise. Quant aux articles du projet de loi, nous faisons
nôtres les remarques et commentaires soumis la semaine dernière
par la Coopérative fédérée de Québec. Merci
de votre attention.
Le Président (M. Richard): Je vous remercie pour votre
message. M. le ministre, vous avez la parole pour le premier bloc de 10
minutes.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je veux remercier
M. Dinel et les représentants de la
Coopérative fédérée et des
coopératives qui sont avec lui ce matin.
Dois-je comprendre, dans la référence que vous avez faite
au tout début, que le Conseil de la coopération laitière
du Québec n'est formé que de cinq membres?
M. Dinel: Oui.
M. Pagé: Dois-je comprendre qu'Agropur n'est plus membre
du Conseil de la coopération laitière uniquement pour fins de
représentation de votre organisme concernant le renouvellement
d'ententes ou les négociations de renouvellement d'ententes, ou si elle
est purement et simplement en dehors du Conseil de la coopération
laitière maintenant?
M. Dinel: Agropur a été exclue du Conseil de la
coopération laitière et elle a même demandé le
retrait au niveau de l'accréditation par la Coopérative
fédérée. Ça aussi, ça devrait être
examiné par votre Régie, si on suit le cours normal.
M. Pagé: Je sympathise avec vous, M. Dinel. Je constate
que, comme on dit chez nous, vous n'aviez pas assez d'avoir des
problèmes avec les autres, vous en avez entre vous autres. De toute
façon, je ne vous demande pas de commenter, vous êtes mal
placé pour ce faire. Mais j'y reviendrai plus spécifiquement
quand j'aurai le plaisir d'échanger avec les représentants
d'Agro-pur, cet après-midi.
Vous vous référez à l'article 2 - ça se
peut-u? Je ne parie pas de l'article 2, là - et vous dites à la
page 7 de votre document: "Les décisions rendues par la Régie des
marchés agricoles du Québec en 1985, 1987 et 1989 ont eu pour
conséquence d'affaiblir considérablement la coopération
laitière. Il en est résulté que pendant toutes ces
années", etc. Comment pouvez-vous soutenir valablement que les
décisions de la Régie - faisant suite évidemment à
des requêtes qui s'appuyaient sur des volontés de certains
représentants de l'industrie, en l'occurrence, la
Fédération des producteurs de lait et le Conseil de l'industrie
laitière - ont affaibli la coopération laitière du
Québec, quand on se réfère au bilan du conditionnement et
de la transformation en volume du lait par les coopératives? (11 h
30)
Dans le pool I... Et j'y reviens, parce que c'est ce à quoi on se
réfère. Vous savez, on se réfère à des
principes, mais ces principes commandent toujours des prises de position
s'ins-pirant des volumes. En fait, la position de la coopération
laitière au Québec, de la Coopérative
fédérée et du Conseil de la coopération
laitière, depuis un certain temps déjà, est à
l'effet que la mise en oeuvre des plans conjoints - ce n'est pas le ministre
qui parle, c'est vous autres - que la chair sur l'ossature des plans conjoints
a conduit à une problématique de direction du lait, qui
conjugué avec l'application de décisions de la Régie, a
affaibli le milieu coopératif.
Vous avez perdu des sommes importantes, dites-vous, et vous vous
retrouvez devant une situation de vulnérabilité. C'est le message
qui a été livré aux membres sociétaires des
coopératives laitières du Québec, autant par le Conseil
que par chacune des coopératives dans ses assemblées
générales annuelles. Là-dessus, on s'entend. Et la
solution à cette problématique que vous avez fait valoir
auprès de vos membres passe par le lait des sociétaires aux
coopératives. Et vous vous référez à l'application
de l'article 2 de la loi et aussi à la Loi sur les coopératives
pour justifier votre prétention.
Or, si on se réfère au volume, dans le pool I, vos
producteurs, vos sociétaires, ont produit 254 000 000 de litres de lait
en 1988-1989. Les coopératives en ont reçu 455 000 000 de litres.
C'est donc dire que l'application pure, à la lettre, du principe
défendu par vous aurait comme résultat demain matin, si on
l'appliquait à la lettre, que la coopération laitière du
Québec devrait être privée de 201 000 000 de litres, dans
le pool I. Vous recevez 201 000 000 de litres de plus que ce que vous
produisez. Mais, ça, c'est fait en vertu des plans conjoints que, entre
guillemets, vous dénoncez, non pas dans leur essence, mais dans leur
application.
Si on se réfère maintenant au pool II - je reviendrai au
pool I tantôt - vos sociétaires ont effectivement produit 1 501
000 000 de litres. Vous en avez conditionné et transformé dans
vos coopératives 1 374 000 000. Alors que vous receviez 201 000 000 de
litres dans le pool I qui ne venaient pas de vos membres, vous avez dû
prendre, dans le pool II, 127 000 000 de litres de vos membres et les acheminer
vers d'autres entreprises, et plus particulièrement les entreprises
privées du Québec, avec, cependant, des compensations
payées, ça va de soi.
Comment pouvez-vous soutenir valablement... On est, entre guillemets...
J'ouvre une parenthèse, comme on le dit dans les courses de chevaux,
parce que c'est aussi ma responsabilité, dans le dernier "stretch", on
est à veille d'arriver au fil. Et le fil d'arrivée, ça va
être soit l'adoption de cette loi-là ou ça va être
des ententes à la suite d'un déblocage des négociations,
ce que j'ai souhaité le 8 février dernier. On est dans le dernier
"stretch". Vous pouvez, M. Dinel, ne pas répondre. Vous pouvez
répondre. Vous avez deux attitudes possibles dans votre réponse:
vous tournez autour du pot ou vous répondez directement. Je ne vous
jugerai pas, quelle que soit votre réponse.
Comment pouvez-vous soutenir que la Régie des marchés
agricoles du Québec a affaibli considérablement la
coopération laitière, lorsqu'on voit des chiffres aussi
évocateurs que ceux-là, qui démontrent très
clairement que, si on appliquait intégralement le principe du lait
des sociétaires aux coopératives, vous seriez perdant
comme organisme?
M. Dinel: M. Pagé, on va répondre à vos
questions. Je vais laisser M. Jean-François Robert répondre sur
les chiffres. Je reviendrai tantôt pour positionner un peu le
débat par rapport au pool I et au pool II.
M. Robert (Jean-François): M. le ministre, vous avez
parfaitement raison en disant que, si on regarde le total, en 1988-1989, du
lait produit par les sociétaires et du lait transformé par les
coopératives, il y a, effectivement, un déficit d'environ 74 000
000 de litres. C'est sûr que ce chiffre-là semble indiquer qu'on
est en très bonne position, puisqu'on en transforme beaucoup plus que ce
que nos sociétaires produisent. Par contre, ce qui nous fait dire qu'on
a des problèmes, c'est plus que ça. Entre le lait qu'on
transformait, il y a plusieurs années, avec les infrastructures
nécessaires pour le transformer, et ce qu'on a perdu depuis, en ayant
les installations qu'il fallait pour le transformer, les études Mallette
Benoît qu'on a déposées au ministère montrent bien
qu'il y a une perte économique possible.
Si on regarde un peu au début de l'année, parce que, quand
même, les fuites de lait des coopératives, ça se
poursuit... D'août à décembre 1989, sur cette
période-là - on n'a pas encore les chiffres pour janvier et
février - il nous manque 20 000 000 de litres de lait. Au lieu d'avoir
74 000 000, à comparer sur un an, de litres de lait au total, on a 20
000 000 de litres de déficit. Il en manquerait 20 000 000, si on compare
le lait des sociétaires et le lait des coops. Maintenant, j'aimerais
souligner que le lait dés sociétaires...
M. Pagé: Le global, dites-vous?
M. Robert: Le global, oui, pool I, pool II. J'aimerais vous
souligner que le lait des sociétaires aux coopératives,
fondamentalement, on l'a, d'après les règlements ou les
décisions arbitrales dans les articles 2.01, 2.04. Ce qui fait l'objet
de négociations, c'est comment une partie de ce lait est
transférée aux autres industries. Nous avons déposé
des propositions, vendredi - on a rencontré les gens, hier - où,
justement, on fait une ouverture, où on considère les moyens de
transition de ce lait, sans passer le lait des sociétaires aux coops qui
devront le vendre.
M. Pagé: O.K. Donc, je retiens... Parce que ce que vous
venez de dire dans les 35 dernières secondes est important. Vous venez
de confirmer qu'effectivement, hier, le Conseil de la coopération
laitière avec les gens de mon ministère, a rencontré, a eu
des échanges avec le Conseil de l'industrie laitière et la
Fédération des producteurs de lait du Québec.
M. Robert: Pour présenter et répondre aux questions
sur nos propositions, c'est exact.
M. Pagé: C'est ça, la proposition initiale
déposée par celui qui vous parle, le 8 février, à
laquelle des modifications ont été apportées de part et
d'autre. Et on a tous les motifs de croire que le Conseil de la
coopération laitière, formé des cinq coopératives,
est inspiré par une volonté de cheminer très positivement
dans cette démarche avec le Conseil de l'industrie et la
Fédération des producteurs de lait. C'est ça?
M. Robert: Je pense que oui, mais on va probablement avoir besoin
d'un coup de main du ministère pour "initier* les débats.
M. Pagé: Oui, oui.
M. Dinel: M. Pagé, je voudrais juste un peu...
M. Pagé: Mais ça arrive, parfois, que le
ministère a besoin d'un coup de main, lui aussi, quand il se retrouve
devant des situations de cul-de-sac comme celle-là. Avez-vous
terminé? Parce que j'ai plusieurs questions pour vous autres, ce matin,
et j'en ai quelques-unes pour mon ami, M. Théberge.
M. Dinel: J'aurais une parenthèse à ouvrir par
rapport à ce dont vous parlez, le pool I.
M. Pagé: Oui.
M. Dinel: Quand on va à l'article 2, dans le contexte de
la loi actuelle, il faut absolument, quand il y a un plan conjoint... Avec le
mouvement coopératif, il y a eu des négociations, justement, pour
éclaircir le libellé de l'article 2. On remonte aux fameuses
ententes qui sont la constitution dans l'industrie laitière,
c'est-à-dire les ententes Trudeau, en 1979.
M. Pagé: Mais vous étiez tout seul!
M. Dinel: M. Pagé, il faut faire attention. C'est que les
ententes Trudeau concernaient l'interprétation de l'article 2 entre les
organismes de producteurs. C'est ça, l'entente Trudeau, il faut
être clair. On déterminait quel rôle jouait le mouvement
syndicaliste et, de l'autre côté, quel rôle jouait la
coopération laitière. Dans ces ententes, on a reconnu la
péréquation provinciale. Nous avons reconnu les classes de lait.
Nous avons reconnu, pour tout ce qui avait trait au lait du sociétaire
versus sa coopérative, la direction unique de la
Fédération dans le lait du pool I. Dans le lait du pool II,
c'était autre chose qui avait été signé dans
l'entente Trudeau. Ce qu'on disait, c'est que c'était un système
qui aurait certaines priorités, avec équité.
Mais pour répondre à votre question, M. Pagé, c'est
qu'il n'y en a pas eu d'équité entre les coopératives et
les industriels prives depuis 1985. Vous avez du lait: qu'il rentre dans une
usine située dans une région ou qu'il rentre dans une usine
située là où il y a une forte population, un grand
marché, à Montréal, sur le boulevard Métropolitain,
le coût de cette matière est identique. Quand les produits finis
partent du Lac-Saint-Jean pour descendre à Montréal, ils ne
descendent pas à pied; il y a des coûts. Ces coûts-là
étaient assumés par les entreprises en région.
Comment voulez-vous concurrencer à force égale un
compétiteur qui est avantagé par le coût de sa
matière première réelle? En économie, j'ai appris
une chose, à moins que mes professeurs n'aient pas été
bons dans ce temps-là, c'est que, quand vous concentrez un produit
à 90 %, il faut que les usines soient situées où est la
production. N'oubliez pas qu'il y a 88 % d'eau dans 100 litres de lait. Quand
vous transformez des produits finis, il en coûte beaucoup moins cher de
transporter une vanne de produits finis que de transporter dix "tankers" de
lait à Montréal.
M. Pagé: Ça ne répond pas à ma
question sur les volumes. Là, vous vous y référez
continuellement, mais on va y revenir. Vous dites, donc: Les ententes, depuis
1985, ont été, et je vous cite: "préjudiciables au milieu
coopératif. Si on se réfère aux volumes de lait, on
constate que vous recevez - et je pense que les chiffres ne mentent pas - plus
de lait que vos sociétaires n'en produisent si on intègre les
deux pools.
Vous amorcez votre mémoire avec un sujet très important
qui est le plan de rationalisation que vous avez annoncé il y a quelques
semaines déjà, où le Conseil de la coopération
laitière et ses membres ont indiqué la volonté
d'intégrer l'ensemble de leurs activités concernant la
transformation des produits: fromage, yogourt, beurre, poudre de lait,
crème glacée, etc. J'ai endossé, au nom du gouvernement et
comme ministre responsable, en totalité cette démarche. En raison
de votre taille et de la présence que vous assumez non seulement sur le
marché québécois, mais sur les marchés canadiens et
les marchés étrangers, vous êtes rendus à un moment
dans votre histoire où vous devez penser en fonction de la
rationalisation, de la spécialisation de certaines usines parce que vous
êtes animés par une volonté - et tout le monde y souscrit,
autour de la table - de maintenir un niveau d'emploi important en
région, le plus près possible des centres de production.
Ça, on l'endosse. Jusque-là, on s'entend, ça va bien.
La rationalisation, maintenant. C'est un processus qui est audacieux,
qui est réalisable, mais qui ne sera pas facile; je pense que tout le
monde en convient. Vous n'avez pas fait ça pour le plaisir de faire
ça, vous n'avez pas fait ça pour le plaisir de changer les
habitudes de production. C'est parce qu'il vous est apparu que ce serait plus
rentable de le faire ainsi, c'est parce qu'il vous est apparu, en
référence, entre autres, au rapport Mallette que vous m'avez
déposé, si ma mémoire est fidèle, le 13 ou le 23
janvier dernier, à Montréal, que vous aviez perdu de l'argent,
les coopératives, depuis un certain nombre d'années. En apportant
comme solution aux pertes financières subies par vos coopératives
la rationalisation, vous confirmez, ce faisant - vous me corrigerez si
j'interprète de façon inexacte ce que vous avez annoncé -
qu'un volet important des pertes des coopératives se
réfère non pas aux volumes de lait - on y a
référé tantôt, vous en recevez plus que vous n'en
produisez - mais surtout à une absence de concertation entre' les
coopératives elles-mêmes au niveau de certaines décisions
qui ont été prises.
Exemple concret: le mozzarella s'est développé, on en
produit plus pour répondre à une demande. Nos bonnes gens
d'Agrinove ont développé une ligne de mozzarella; nos bonnes gens
de Nutrinor ont développé une ligne de mozzarella; nos bonnes
gens d'Agropur ont évidemment développé, eux aussi, une
ligne de mozzarella. Depuis quelques années, nos bonnes gens de
Nutrinor, effectivement, ont investi des sommes importantes pour mettre en
marché, à partir des sous-produits, une poudre pour
l'alimentation pour les veaux. Si ma mémoire est fidèle, Agropur
aussi a développé une telle ligne. (11 h 45)
Le ministre n'est pas dans vos usines. Selon nous, le manque de
planification, de concertation dans le développement et de
rationalisation d'opérations a contribué, pour une large mesure,
aux diminutions de revenus devant être assumées par les
coopératives actuellement. Un.
Deux, ne croyez-vous pas aussi que les pertes très clairement
identifiées dans le rapport Mallette réfèrent non pas aux
volumes de lait ou à l'endroit où va le lait, mais
réfèrent aussi au prix qu'a dû payer elle-même la
coopération laitière au Québec comme suite de la guerre -
appelons ça la dualité, plutôt - de la dualité entre
Agropur et Purdel pour contrôler le marché du lait de consommation
à Montréal, pour pénétrer les grandes
chaînes, bon, etc., pour prendre la place, l'un de l'autre, et l'autre,
la place de l'un? Ne croyez-vous pas que ces deux éléments ont
joué un rôle aussi important dans la diminution de la
rentabilité de nos entreprises coopératives que les autres
dualités que vous pouvez avoir avec le Conseil de l'industrie et la
Fédération des producteurs de lait?
M. Dinel: M. Pagé, vous me permettrez d'avoir un peu de
contradiction avec vous.
M. Pagé: Ah! Je permets. Écoutez, on est en
démocratie...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: ...puis on est "icitte" pour ça.
D'ailleurs, ça ne sera pas la première fois, M. Dinel.
De* voix: Ha, ha, ha!
M. Dinel: Selon la première étude sur la
rentabilité des coopératives laitières depuis 1985, ce
n'est pas dû à un manque de concertation entre les entreprises
coopératives, mais c'est dû... Nous devons faire appel aussi,
comme vous l'avez dit tantôt, à la révision, au Conseil des
ministres, d'une situation d'iniquité dans le système. Je ne
voudrais pas y revenir, je l'ai expliqué, tantôt, où
était l'iniquité. Nous avons eu des règles du jeu,
d'approvisionnement qui ont été défavorables aux
coopératives quand on est arrivés avec notre produit pour le
compétitionner au consommateur. Ça, c'est une chose, c'est
ça qui a causé le problème majeur au niveau des
états financiers des coopératives laitières, puis
ça, c'est confirmé dans l'étude de Mallette, Benoît,
la première étude.
La rationalisation. La rationalisation s'applique pour deux facteurs: un
facteur qui est le changement d'habitudes alimentaires des consommateurs. Il
faut être conscient qu'au début des années soixante ce sont
les coopératives laitières, qui étaient dans les
régions, qui ont fait que le Québec est allé chercher 48 %
du contingentement canadien. C'est nous autres qui étions les
très gros transformateurs de produits de base, qui étaient le
cheddar et le beurre. Puis ça, c'est grâce au gouvernement
libéral des années soixante, qui avait mis des programmes de
régionalisation des entreprises, autant aux coopératives qu'aux
entreprises privées. Mais ce sont les coopératives qui ont pris
le "leadership". Regardez ce que les coopératives ont fait,
économiquement, dans les régions. C'est avec ça qu'on est
allé chercher 48 % du contingentement canadien.
Aujourd'hui, il faut les préserver. Vous l'avez dit tantôt,
il y a des attaques des autres ministres des autres provinces. Aujourd'hui, il
faut les conserver. Il faut absolument se rationaliser pour trouver des
nouvelles vocations, exploiter des créneaux. Nous sommes dans un
marché qui est en décroissance. Le Canada et le Québec ont
produit des gammes de produits qu'aucun autre pays à travers le monde
n'a la salubrité puis l'expertise... Tout le "know-how" dans certains
produits, il va falloir l'exploiter, dans l'avenir. Puis, ça prend des
usines superefficaces et qui sont situées où sont les volumes de
lait pour que le producteur, indirectement, ait les meilleurs revenus pour le
prix de son lait. Parce que, quand le lait part du Lac-Saint-Jean, puis descend
à Montréal, c'est aux frais des producteurs, en grosse
partie.
Le deuxième point: la pénétration des
marchés. On ne dit pas, demain matin, qu'on est parés à
faire face au libre-échange, puis que la frontière, il faut
qu'elle tombe, mais on sait très bien, M. le ministre, que les tarifs
vont baisser. Le libre-échange, on en a un an de vécu; il en
reste neuf ans. La déréglementation, on vit dans un monde
où la déréglementation, c'est à la mode. C'est
ça, les vrais défis qui attendent, demain matin, les entreprises
laitières québécoises qui sont la propriété
de 9800 producteurs du Québec, qui est la moitié de la production
laitière canadienne. C'est ça qu'il faut préserver et
dites-moi si on n'a pas de raison d'être dans l'avenir, les
coopératives laitières, avec tout le travail qu'on a fait depuis
50 ans. Dans bien des comtés de tous les membres de la commission, ici,
on a des usines coopératives, on s'est implantés dans le
milieu.
M. Pagé: On verra ça encore.
M. Dinel: Sauf que, pour demain, pour les 10 prochaines
années, ça prend cet outil-là essentiel,
économique, qui est entre les mains des producteurs, de 9800 producteurs
de lait. Vous savez, M. le ministre, à l'heure actuelle, on est dans une
vogue de concentration des capitaux entre les mains de quelques individus, mais
vous avez des exemples partout à travers le monde où, quand vous
concentrez les capitaux entre les mains de quelques individus, vous
appauvrissez une collectivité. N'oubliez pas qu'une multinationale, que
ce soit un producteur québécois, un producteur chilien ou un
producteur philippin, ne fera pas de privilège aux agriculteurs
québécois. C'était ma réponse là-dessus, M.
le ministre.
Le Président (M. Richard): Merci. M. le
député d'Arthabaska, vous avez la parole pour votre
période de questions.
M. Baril: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir,
à mon tour, de poser des questions aux représentants du Conseil
de la coopération laitière. Vous avez commencé votre
intervention, ce matin, M. Dinel, en nous informant - en tout cas, pour ma part
c'était une information, une primeur - que le Conseil de la
coopération laitière avait invité Agropur à quitter
le Conseil, ce même Conseil. On nous apprenait aussi,
dernièrement, que les six coopératives au Québec se
donnaient la main pour se regrouper. Suite à l'annonce que vous avez
faite ce matin, comment pensez-vous être capables de réaliser ce
regroupement des coopératives? Est-ce que ça tient encore ou
si...
Une voix: C'est ça.
M. Dinel: Oui. Il y a une entente qui a été
signée entre les cinq coopératives laitières
régionales et la Coopérative fédérée,
qui fait que le nouveau véhicule du regroupement va être un
véhicule qui respecte les principes fondamentaux du mouvement
coopératif qui sont: un homme, un vote, capital permanent égal et
rémunération selon les valeurs du capital
privilégié dans l'apport de la nouvelle structure. C'est sur ce
point qu'Agropur n'a pas suivi, au niveau du principe fondamental. Mais les
cinq autres coopératives et la Coopérative
fédérée ont signé, vendredi, un document qui
indique clairement que ça va être le véhicule
coopératif, dans ces principes, du regroupement.
M. Baril: Dans les cinq qui ont signé cette
entente-là, est-ce que Purdel est là aussi?
M. Dinel: Oui, Purdel est aussi dans ce regroupement. C'est le
regroupement du lait de transformation. Là-dessus, je pourrais laisser
répondre peut-être un peu plus M. Théberge pour vous
expliquer ce qui s'est passé entre le lait de consommation et le lait de
transformation.
M. Théberge (Napoléon): Merci, M. Dinel. Je vais
essayer de revenir sur des rencontres qu'on a eues, dans les années
1987, je pense, ou 1988, avec le ministre de l'Agriculture, M. Pagé,
qui, avec la représentation de toutes les coopératives qui
étaient dans le lait de consommation, nous reprochait, je pense,
peut-être avec raison, d'avoir... On parlait des escomptes, de tout ce
qui tiraillait sur le marché de Montréal, sur le marché de
Québec. M. Pagé, vous êtes d'accord avec moi qu'on s'est
rencontrés...
M. Pagé: Bien oui.
M. Théberge: ...je pense, un 23 décembre, à
un moment donné.
M. Pagé: On s'est rencontrés un 23 décembre,
juste avant la tempête...
M. Théberge: Oui.
M. Pagé: ...où j'ai référé
à vos petits défauts.
M. Théberge: Bien oui, puis...
M. Pagé: Et puis là, vous voulez les livrer en
public, vos petits défauts. Je n'ai aucune objection à
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: En autant que vous avez le ferme propos de ne
plus recommencer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Théberge: Pour arriver à ça, je pense
qu'il fallait faire des choses. Il y a eu bien des points de regardés
pour essayer de répondre. Je pense que vous-même, vous pensiez que
c'était plus facile à régler que ça. Ça a
été plus dur à régler qu'on le pensait au
départ, parce qu'il y a les grandes chaînes alimentaires aussi qui
intervenaient là-dedans. Je pense que vous nous avez
démontré que vous étiez prêt à nous aider
là-dedans, mais je pense que ça a été difficile
parce qu'il y a des rencontres qui n'ont peut-être pas eu lieu. Il est
arrivé toute l'étape. On a regardé avec les intervenants
ce qu'on pouvait faire là-dedans. Ce qui est arrivé hier, avec
Purdel et Agropur, je pense que c'est une continuité. On a
décidé, dans le lait de consommation, de se regrouper pour mieux
utiliser nos outils, bien sûr, des grands réseaux de distribution.
C'est pour ça qu'on est arrivés là.
Dans l'autre dossier, le lait de transformation, peut-être que
vous allez me reprocher d'avoir deux chapeaux. Je dirais, M. le ministre:
Peut-être pas deux chapeaux, dans mon cas, ce sont peut-être des
prothèses.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Théberge Mais, au moins, j'ai un avantage sur vous, M.
le ministre: mol, je prends le pourcentage que je veux de cheveux blancs.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: Je vais vous confirmer que, quand je suis
arrivé au ministère, je n'en avais pas.
Des voix: Ha, ha, ha!.
M. Pagé: Alors, d'où ça vient,
ça?
M. Théberge: Pour arriver, je pense, à se regrouper
avec les autres coopératives laitières et puis avec Purdel dans
ce décor-là, avec un souci pour nous autres, qui est de
protéger nos régions, de protéger les entreprises, de
protéger l'agriculture en région. Je pense que, pour moi, ce sont
deux choses séparées: le lait de consommation et le lait de
transformation. En tout cas, je me sens très à l'aise de faire
partie du groupe avec la Coop fédérée dans le dossier et
d'essayer de trouver notre parti pour le mieux-être des producteurs en
région.
M. Baril: Comme ça, ce matin, vous nous annoncez qu'il va
y avoir un regroupement de cinq coopératives et la plus grosse est mise
de côté, qui est Agropur.
M. Théberge: Je pense que la grosse n'est pas mise de
côté comme ça. Je pense que, si Agropur a
décidé ça la semaine passée, c'est parce que c'est
le modèle d'organisation, peut-être, qui ne répondait pas
aux attentes d'Agro-pur. Mais je ne pense pas qu'Agropur soit mise
de côté. Mais le modèle organisationnel qu'avaient
choisi les autres entreprises ne convenait peut-être pas à
Agropur.
M. Baril: Écoutez, on ne fera pas le procès de
ça, il faut aller sur d'autres tableaux. À plusieurs reprises,
dans votre mémoire, dans vos discussions et dans vos gestes posés
depuis un certain temps, vous mentionnez que les plans conjoints ont nui au
développement des coopératives, en général. Comment
expliquez-vous que ces mêmes plans conjoints là, l'entreprise
privée, elle, a réussi à s'en sortir et elle s'est
développée, et elle est allée dans des secteurs de
transformation de produits, dans des secteurs où le marché est
là? Pourtant, ce sont des laiteries qui, elles aussi, sont
situées un peu partout au Québec, je vous l'accorde,
peut-être moins en région. Mais comment se fait-il que les
laiteries privées qui n'avaient pas les plans conjoints - elles avaient,
elles aussi, leurs propres membres - aujourd'hui vivent, depuis cinq ans, avec
le plan conjoint et ont même réussi à se développer?
Comment se fait-il qu'elles se sont développées et que, pour vous
autres, ça a nui au développement?
M. Dinel: II faudrait faire un peu attention à ça.
Les coopératives, souvent, on est accusées d'être des gros
fabricants de beurre et de cheddar. C'est vrai qu'on est des grands fabricants
de beurre et de cheddar. Il n'y a aucune honte à avoir là-dedans,
on nourrit les autres provinces dans le cheddar et dans le beurre. C'est la
raison d'être de notre contingentement. Qu'on ne se soit pas
adaptés au marché, regardez, depuis les sept dernières
années, les entreprises qui ont lancé des nouveaux produits au
Québec. Des coopératives laitières, je peux vous en
nommer; chacune des coopératives laitières a lancé de
nouveaux produits et des produits qui sont complètement
révolutionnaires. Que ça ait bien fonctionné ou pas bien
fonctionné, ça, ce sont les choses du marché. Mais
n'oubliez pas que 55 % de la gamme des fromages de spécialité
laitiers au Canada sont fabriqués dans des entreprises
coopératives au Québec. Il y a un produit qui a
bénéficié du système des approvisionnements et
où on dit que le plan conjoint, dans les règles du jeu, a
concurrencé indirectement ou directement le mouvement coopératif,
c'est dans le mozzarella. Et je l'ai dit tantôt: C'est une question
qu'ils avaient la matière première rendue dans leur usine, dans
le bassin de la population. C'est ce point-là qui a fait mal. C'est un
produit. Vous avez 80 % des approvisionnements qui sont sortis des
coopératives depuis 1985 et qui ont été pour seulement un
produit, qui est le mozzarella. C'est ça, la réalité.
M. Baril: Oui, mais vous comprendrez, M. Dinel, qu'il ne faut pas
regarder qu'un produit.
Je ne conteste pas le développement que vous avez fait, c'est
important, mais quand on regarde l'ensemble des produits tranformés par
des coopératives, vous avez aux alentours de 80 % qui sont
transformés. En tout cas, dans les journaux, des fois, on dit 70 %, des
fois 75 %, d'autres fois 80 % et, des fois ça va jusqu'à 85 %. En
tout cas, je vous laisse le choix, entre 70 % et 85 % des produits de classe 5
sont transformés par des coopératives. Donc, il faut regarder
l'ensemble des produits. Je ne veux pas sous-estimer les efforts que les
coopératives ont faits pour aller dans des produits qui se vendent et
pour répondre au marché, mais les chiffres et les tableaux sont
quand même là.
M. Robert: si je peux me le permettre, on a 25 % de la population
au québec et 48 % des quotas; alors, 'a faut trouver un véhicule
pour sortir de la matière grasse laitière, qui est le fondement
de la politique canadienne, en dehors de la province. le véhicule
idéal, c'est le beurre parce qu'il y a 82 % de gras à
l'intérieur du beurre et le deuxième choix, c'est le cheddar qui
a 32 % de gras. ce sont aussi des produits qui se conservent durant une
période de temps acceptable. alors, il y a sûrement une base
fondamentale de ce qui est produit au québec qui doit être sortie
en beurre et en cheddar pour conserver notre production par rapport à la
consommation du québec qui est 25 % comparée à 48 %. (12
heures)
Si on revient un peu au développement qu'il y a eu dans les
classes garanties, on peut comparer ça un peu à une porte qui
était ouverte... Personne n'est responsable et personne ne pouvait
prévoir ce qui allait se passer durant les années, mais une porte
était ouverte en classe 4 et il y a eu une augmentation
extrêmement élevée. La porte a été ouverte
pour que le Québec prenne sa place dans le marché du mozzarella
et je pense qu'on a pris plus que notre place. Il y a eu des
déplacements de marché. Il y a des fabricants d'autres provinces
qui, voyant l'accès à une matière qui est
limitée... Le lait est contingenté. On ne peut pas avoir un
accès illimité. Au Québec, on leur a donné la
possibilité de produire de façon illimitée. Alors, la
croissance a été très rapide et énorme surtout dans
un produit, le mozzarella.
M. Baril: C'est tout là, je pense, qu'est le
problème, qu'est le litige actuellement. Je prenais connaissance d'un
article qui a paru dans La Presse de samedi. Voyez-vous, on dit ici que
le beurre et la poudre régressent constamment sur le marché. Il y
a une baisse prévue de 10 % pour la période de 1988 à l'an
2000. La demande pour le cheddar s'annonce bonne, hausse de 41 %, mais l'avenir
réside dans les fromages de spécialité dont la demande
montera de 58 %. Moi, je pense... Remarquez bien, je ne veux pas remettre en
cause la raison d'être des coopéra-
tives. Ça, je pense que tout le monde s'entend là-dessus:
elles ont un rôle à jouer et elles vont avoir un rôle
peut-être encore plus grand à jouer dans l'avenir avec le
contexte, pas qui s'en vient, mais qu'on vit présentement. Mais au lieu
d'essayer de démolir ou d'enlever ce que nous avons, ce qu'il y a
d'acquis, entre autres, qui est un choix pas unanime, mais majoritaire des
producteurs, soit la formule des plans conjoints, est-ce que ça ne
serait pas mieux que les coopératives, au lieu d'oublier le passé
et de dire, bon, si vous me passez l'expression: On est beau, on est fin, on
est pur, etc., disent: On regarde ce qu'on a fait dans le passé et on
s'oriente vers l'avenir, vers des produits, des marchés qui sont
là pour modifier notre transformation plus rapidement? Ce n'est pas
là qu'est le problème? Vous savez sans doute probablement et vous
ne voulez pas l'avouer publiquement que, s'il y a eu erreur, entre
parenthèses, ça a été de ne pas assez diversifier
la production des coopératives.
M. Dinel: Non, là-dessus, ce qu'on... Je pense que les
propos... M. Pagé a fait allusion qu'à la suite d'une
requête en révision devant le Conseil des ministres nous avons dit
que, dans le système actuel, il y a des iniquités. On soumet des
propositions pour que ce système-là soit équitable. Si ce
système avait été équitable depuis 1985, on ne
serait pas rendus où on est rendus aujourd'hui. Ne vous inquiétez
pas. Remettez ça à la libre entreprise parce que les conventions,
dans le fond, ce sont des règles. Amenez des règles du jeu
équitables et laissez jouer le rôle de la libre entreprise comme
on l'a joué dans les années soixante, quand il y a eu la
régionalisation des coopératives laitières. Comme je le
disais tantôt, c'est un programme qui était disponible à
tout le monde, autant à l'entreprise coopérative que non
coopérative; c'étaient des programmes qui étaient mis
à la disposition des entreprises en région. Les
coopératives, on les a exploités. De 1960 à 1985, nous
avons travaillé dans un marché dont on pouvait dire qu'il
était libre. C'était la libre entreprise. On l'a prise, notre
place.
En 1985, ce qui est arrivé, c'est qu'une porte a
été ouverte, une porte qui a été ouverte avec une
garantie illimitée de lait dans un type de produit, quand vous savez
qu'au niveau canadien, que ce soit dans n'importe quelle autre province...
Trouvez-moi une autre province où une usine peut avoir du lait sur un
coup de téléphone en dedans de 24 heures, quand vous êtes
dans une production qui est contingentée, qui est
réglementée comme aucune autre production au Canada,
fermée comme ça et, du jour au lendemain, vous avez une oasis qui
se crée dans la principale province.
M. Pagé: C'est là qu'il est le puits,
cependant.
M. Dinel: Aujourd'hui, M. le ministre, c'est vrai qu'on a mis un
plafond qui est de 15 %, mais, encore là, il y a eu un mal qui a
été fait...
M. Pagé: Oui, mais...
M. Dinel: Et on sait que, dans l'avenir, on a des volumes de lait
de manière incroyable à être recyclés et ces 85 % de
volumes de lait doivent être recyclés par les coopératives
parce que ce sont les volumes de base des coopératives. Ce qu'on veut,
c'est avoir un système équitable qui va permettre à ce
lait-là, qui est produit en région, d'être
transformé en région par les entreprises à qui ce lait
appartient.
M. Baril: Vous vous référez à avant 1985,
vous dites que c'était le marché de la libre entreprise. C'est
vrai, j'en conviens, mais pourquoi les producteurs laitiers se sont-ils
donné cette convention-là? C'est justement parce que de la
façon dont la transformation se faisait, tu créais des montagnes
de beurre et de poudre. Bon. Qui payait pour ça? Ce sont les producteurs
eux-mêmes qui payaient pour l'entreposage et les frais d'exportation.
Pourquoi les producteurs majoritairement ont-ils choisi la formule des plans
conjoints face à leur coopérative? Ils ne sont pas devenus moins
coopérateurs pour autant. Les producteurs coopérateurs
étaient partagés justement entre leur coopérative qui les
a toujours, je dirais, bien servis, puis là il y avait une nouvelle
formule, les plans conjoints, qui les servait mieux, parce que ça leur
coûtait moins cher en frais d'exportation, en entreposage, etc.
Donc, il ne faut pas arriver et dire: En 1985, on a tout
chambardé. Ce sont les agriculteurs qui ont identifié une formule
qui serait plus avantageuse pour eux et si, avant 1985, les
coopératives... Et même, il y en avait, des coopératives,
en 1985, qui étaient assises sur la "switch" et qui, elles, faisaient du
beurre, parce qu'elles étaient payées par la Commission
canadienne du lait. Peu importe, elles avaient un revenu assuré,
garanti. Mais c'est ça qu'il a fallu changer, ce
marché-là. Avec la formule des plans conjoints que les
producteurs se sont donnés, c'est ce pouvoir-là, cette
orientation-là qu'ils ont prise. L'entreprise privée s'est
revirée plus vite que certaines coopératives. Je dis bien
certaines coopératives. Mais là, s'il y a des coopératives
qui ont un retard à reprendre, ce n'est pas nécessaire de rejeter
toute la formule des plans conjoints de côté et de dire: Nous
autres, on veut tout notre lait, on veut continuer à le transformer, peu
importe ce qu'on fera avec. Pourquoi pensez-vous que, dans les
assemblées de producteurs qui ont eu lieu dernièrement, les
producteurs vous ont dit majoritairement, à vous, les
coopératives: Allez vous asseoir et négociez? Comment
expliquez-vous ça? Pourquoi les agriculteurs font-ils le choix
actuellement qui est
difficile pour eux?
M. Robert: Si vous me le permettez, je ne voudrais pas discuter
si, en 1985 ou avant 1985, il y a eu 1000 tonnes de beurre de trop de produites
ou pas et pour quelle raison. Si on regarde un peu les années
passées et si on regarde vers l'avenir, on prend les mesures avec un
regroupement justement pour atteindre une dynamique qui va nous permettre de
mieux concurrencer, de mieux se virer de côté, si on veut. Par
contre, si on regroupe les coops ensemble et si on a des économies
d'échelle, des économies d'administration ou de vente, etc., si
on fait tout ça, que ça nous prend un an, disons, puis
qu'après le volume qui sort présentement des coops, on en perd
encore 15 % par année, peut-être qu'au lieu de durer trois autres
années, on va durer 15 autres années et on se reverra à un
moment donné, dans 15 ans. Mais c'est ce problème-là qu'on
a pour le futur: comment on peut limiter quand même ce qui se passe?
Vous disiez tantôt: II y a une croissance qui diminue en beurre.
Vous avez parfaitement raison. Par contre, et je ramène ça au
véhicule laitier pour sortir du cadre de la province, il faudra toujours
que le Québec produise une quantité minimale de beurre.
D'ailleurs, on a déjà donné des chiffres au
ministère, à la Fédération qui montrent, dans trois
ans, combien de beurre devrait être fait au Québec à partir
de lait entier, au lieu d'à partir de "crèmage". On en est
conscients et on veut que ce lait-là libéré soit
utilisé à faire autre chose. le deuxième meilleur
véhicule qui contient 32 % de gras, c'est le cheddar. comme vous l'avez
dit, on prévoit une bonne croissance. je pense que c'est dans l'ordre
d'environ 40 %. le produit qui reste après, et on est très
conscients qu'il va falloir aussi là-dedans permettre une croissance, ce
sont les fromages de spécialité qui, eux, contiennent beaucoup
moins de gras. on parle d'environ 18 % de gras. alors, cheddar: 32 %; fromages
de spécialité: 18 %. on est mieux de bien se positionner si on
veut garder nos quotas au québec dans un fromage qui a plus de gras. je
pense que m. thôberge aurait quelque chose à ajouter.
M. Théberge: Pour répondre, je pense que, depuis
1985, vous avez mentionné que les coopératives avaient
peut-être négligé - ça ressemblait à
ça - un peu le développement régional. Je regarde le cas
dans les régions éloignées. On avait cette
possibilité-là de Purdel avec un permis pour faire du mozzarella
dans la région d'Amqui, mais avec les structures qui existaient, avec le
transport tel qu'on le connaît, je pense que ça devenait
irrationnel d'essayer de transformer du lait en fromage, puis d'essayer de le
vendre sur le marché. On sait que le centre de consommation, c'est
Québec et, en grande partie, Montréal. C'est ça qui a fait
en sorte, à un moment donné... C'est bien beau de dire: On met
des projets, puis on se développe, mais, que ce soit une
coopérative ou autre chose, ça n'opère pas avec rien. Il
faut que ce soit rentable au bout, H faut qu'il en reste. Je pense que c'est
cette formule qu'on connaît actuellement qui a peut-être
été défavorable au développement. Parce qu'on sait
que les coopératives, en grande majorité, oeuvrent dans les
régions éloignées, dans les régions difficiles,
où il n'y a pas le bassin de consommation pour écouler ces
produits-là, soit les produits frais ou les spécialités.
On était devant une évidence qu'il fallait faire ça. On
n'avait pas trop de choix, là-dedans.
M. Baril: Quoique, quand vous dites que, dans les régions
éloignées, c'est dispendieux, que ce sont les producteurs qui
paient le lait qui est transporté pas dans les régions, mais dans
les villes ou proche des agglomérations, la Fédération des
producteurs de lait avait déjà offert au mouvement de payer une
partie du transport et également des frais qui étaient
rattachés a toute cette disposition-là, et le mouvement
coopératif l'a refusé. Pourquoi aviez-vous refusé
ça?
M. Théberge: Je vais essayer de répondre à
ça, parce que j'ai été cité souvent en exemple au
Québec au cours de la dernière année, puis ça me
fait de la publicité. Je pense que, quand la Fédération
des producteurs de lait a offert, dans une proposition globale...
Là-dedans, on sait que, quand on est en négociation, il y a des
choses qui s'échappent. On a mis sur la table la réduction du
prix dans les régions. Mais, à ce que je sache, quand on a
présenté le mémoire devant la Régie des
marchés agricoles, où c'était réellement le point,
cette affaire-là, ça n'a jamais été écrit de
la part des autres intervenants. En tout cas, ça a été
annoncé publiquement à l'assemblée de la
Fédération, l'autre jour. Là, on l'a écrit, puis on
a dit qu'on était prêts à le faire. Je pense que ça
a été présenté devant les ministères. Mais,
quand ça a été offert, ça été offert
globalement. Il y avait des choses acceptables là-dedans, puis il y
avait des choses qui étaient peut-être moins acceptables.
J'étais à la table de négociation. Vous savez qu'on
représentait la coopération laitière. C'était
nouveau, ce qui a été mis sur la table. On l'a regardé.
Mais, dans tous nos mémoires après.. La Fédération
avait dit: On serait prêts à aller jusqu'à 1 $ ou 1,50 $.
Mais, nous autres, après ça, au Conseil de la coopération,
on a dit: 1 $, parce que l'ensemble des coopératives étaient
présentes. Pour ne pas créer de déséquilibre non
plus de l'autre côte, dans tous nos mémoires, après, on
demandait la réduction de la piastre pour les régions
périphériques. Mais, dans ce qui a été
présenté devant la Régie des marchés agricoles, ce
n'était pas là. Actuellement, je pense que c'est sur la table. On
est bien contents de ça.
M. Baril: Je vais peut-être vous en poser une
dernière. Il ne doit pas me rester gros de temps, là. Dans
d'autres secteurs que le lait - les coopératives sont impliquées
dans d'autres secteurs - déjà, dans le passé, les
coopératives ont fermé des usines dans des secteurs où il
n'y avait absolument pas de plans conjoints. Actuellement, on menace de fermer
des usines, parce qu'on dit que le plan conjoint nous défavorise.
Comment expliquez-vous ça? Dans des productions où il n'y avait
pas de plans conjoints, les coopératives ont fermé pareil. C'est
la force du marché ou quoi?
M. Théberge: II y a sûrement... Écoutez,
c'est une question... J'aimerais peut-être avoir plus de
précisions avant de répondre à la question.
M. Baril: Bien, dans le boeuf, entre autres. Il y avait des
coopératives dans le boeuf avant puis elles ont fermé.
M. Dinel: Vous parlez du boeuf, exactement. Vous parlez d'un
marché qui n'a pas de frontières. C'est un marché
où ce sont vraiment les lois économiques du libre marché
qui ont fait qu'il y avait certaines réalités économiques.
Puis, il n'y a pas juste les coopératives qui n'ont pas
fonctionné, dans les abattoirs pour le boeuf. Je connais beaucoup
d'entreprises privées qui les ont fermées, leurs portes, aussi.
Mais le lait, c'est différent, puis on n'a jamais dit - et je veux
être clair, ici - dans notre mémoire qu'on est contre le plan
conjoint. On reconnaît... Puis, M. le ministre, et vous devez en
être conscient, on a déposé hier des critères
essentiels dans la mise en marché du lait. On reconnaît le
rôle de la péréquation; on reconnaît le rôle du
plan conjoint. On a même dit que la gestion de la direction du lait doit
être faite par la Fédération. On reconnaît tout
ça, sauf que le volet économique, qu'est-ce que vous voulez...
(12 h 15)
M. Baril: Oui, mais vous savez très bien, justement, que
tout le litige, actuellement, sur la direction du lait, par la
Fédération, aux laiteries, dont l'utilisation est plus forte et
répond au marché. C'est là qu'est le litige. Là,
vous dites: Ce n'est plus ça qu'on veut. Nous autres, on veut
transformer tout notre lait.
M. Dinel: le litige, à l'heure actuelle, n'est pas sur la
direction du lait. le litige, à l'heure actuelle, c'est que vous avez
des règles du jeu qui ne sont pas équitables.
M. Baril: Elles sont quoi, ces règles?
M. Dinel: comme je vous l'ai dit tantôt, au niveau des
garanties d'approvisionnement. vous avez des garanties d'approvisionnement,
jusqu'à un maximum de 15 %, dans des usines qui ne paient pas les
charges réelles du coût de la matière première. Le
transport. Ensuite, nous autres, les coopératives, vu qu'on a des
services qu'on rend aux agriculteurs à la ferme, on a des conseillers
qui s'occupent de la qualité du lait. Que le producteur soit
coopérateur ou non coopérateur, si le lait entre dans un de nos
camions, on a la responsabilité qu'il soit de bonne qualité.
Ensuite, ce lait est acheminé à la coopérative. S'il est
réquisitionné par une entreprise privée, c'est nous autres
qui l'avons faite, la job, pour que le lait soit de qualité.
M. Baril: Bien oui, mais ça revient à ce que je
disais. Vous voulez garder ce lait parce que vous dites: On a surveillé
la qualité du début jusqu'à la fin, donc, on a un droit
sur ce lait. Nous autres, on veut l'avoir chez nous, peu importe - je le dis
entre parenthèses, il ne faut pas penser non plus que je veux charrier
-l'utilisation qu'on en fait. C'est ça, la formule du plan conjoint,
où on dit que le lait doit être dirigé dans les usines
selon l'utilisation.
M. Dinel: On reconnaît, dans le plan conjoint,
l'utilisation du lait selon les classes, ce qui donne une valeur
ajoutée. Mais n'oubliez pas une chose, c'est que le beurre ou le cheddar
sont essentiels. Du beurre, il s'en consomme 96 000 tonnes au Canada
encore.
M. Baril: On ne dit pas...
M. Dinel: Est-ce honteux de fabriquer du beurre...
M. Baril: Bien non.
M. Dinel: ...quand on nourrit 70 % du reste du Canada avec le
beurre?
M. Baril: Non, ce n'est pas ça la question, monsieur, ce
n'est pas ça.
M. Pagé: D'autant plus que les quotas sont alloués
à partir de la fabrication de beurre aussi. Ça aussi, c'est
important.
M. Dinel: C'est ça.
M. Robert: Je pense qu'un des éléments de
réponse, c'est que ce qu'on a sur la table, actuellement, avec le
ministère et qui est à la connaissance des autres parties, ce
n'est pas tout le lait des sociétaires transformé par les
coopératives. Ce qu'on a sur la table, actuellement, c'est qu'on
accepte, c'est un fait, qu'il y a déjà une quantité de
lait qui sort des coopératives. Ce sont les modalités, les
quantités et - je reviens aussi à ce que Yvon Dinel vient de dire
- l'équité. Qui paie le transport? C'est ce qui est sur la table,
actuellement.
M. Baril: En tout cas...
M. Dinel: Qu'on applique ce qu'on a déposé et vous
allez voir que le prix du pool II des producteurs va être
amélioré.
M. Baril: Vous savez, les plans conjoints permettent aux
intervenants, de signer des ententes entre eux. C'est là qu'est le
litige. On ne s'entend pas, actuellement, sur une entente qu'on veut signer
pour diriger le lait selon l'utilisation. Je reviens là-dessus, mais
c'est là qu'est le problème.
Moi, je pense que mon temps doit être écoulé. Je
vous remercie grandement et je souhaite énormément qu'on puisse,
un jour, s'entendre pour s'occuper d'autre chose et trouver une formule, je le
répète, qui va être capable de maintenir nos
coopératives en région, et de les développer,
c'est-à-dire une entente qui va participer à les
développer. Comme je l'ai dit à l'ouverture, c'est évident
que, dans le contexte qui s'en vient, avec une offre étrangère,
pour une entreprise privée, que c'est plus facile de se vendre à
un intervenant étranger; tandis que pour une coopérative, c'est
plus difficile, parce que la coopérative appartient à l'ensemble
des producteurs. Ça, c'est facile à comprendre, et c'est cet
intérêt que les gens doivent comprendre et être de bonne foi
pour arriver à une entente pour qu'on règle ces
problèmes-là et, qu'ensemble, on arrête de se chicaner, les
producteurs, les uns contre les autres. Vous me passerez l'expression, mais
ça a l'air... Je ne le dirai pas, tiens.
Le Président (M. Richard): Souvent, c'est mieux. M. le
ministre, votre commentaire final.
M. Pagé: M. le Président, seulement une minute. Une
question à M. Dinel et un commentaire, dans un premier temps. D'abord,
vous ne devriez pas partir d'ici en interprétant les questions
posées par le ministre et même par mon collègue de
l'Opposition comme pouvant être une désapprobation, un reproche ou
quoi que ce soit, une atteinte au mérite du rôle joué par
la coopération laitière au Québec. Vous avez tout notre
respect, même si on diverge d'opinion à l'occasion, souventefois,
mais ça semble se rapprocher.
Dois-je retenir de votre présentation de ce matin que vous
entendez accentuer la démarche de négociation avec le Conseil de
l'industrie laitière et la Fédération des producteurs de
lait du Québec?
Le Président (M. Richard): Vous avez le droit de
répondre.
M. Pagé: Je pense qu'il aurait
préféré que vous disiez qu'il n'avait pas le droit de
répondre,
M. le Président.
M. Dinel: Dans un premier temps, M. le ministre, comme nous vous
en avons fait part à plusieurs reprises lors des rencontres que nous
avons eues avec vous et avec les représentants du ministère, nous
voulons discuter avec le ministère. Ensuite, on verra.
M. Pagé: Mais on me disait tantôt que c'avait bien
été, hier.
M. Dinel: Hier, c'était strictement...
M. Pagé: Je parle du contenu. Le café devait
très certainement être bon, les gens devaient être
souriants, les partisans des Nordiques un peu déçus, les
partisans du Canadien inquiets. Mais outre ça, ça a
progressé.
M. Dinel: Hier, on a été strictement
répondre aux questions, aux interrogations et expliquer notre
proposition. Ça a été strictement des explications.
M. Pagé: Mais vous êtes disposés à
poursuivre.
M. Dinel: Avec votre ministère, nous sommes parés
à regarder toutes les avenues possibles.
M. Pagé: Dernier commentaire. Vous comprendrez que, pour
une démarche utile - et je pense que vous vous y attendiez depuis un
certain temps - pour faire oeuvre utile dans une démarche de
véritable concertation, de véritable négociation... La
décision de 1989 n'a pas été préjudiciable au
milieu coopératif. D'ailleurs, je vais y revenir plus
spécifiquement avec Agropur, cet après-midi: c'est un
préavis à mes bons amis d'Agropur. Ils ont très peu de
motifs de se plaindre de l'application des décisions parce que - les
chiffres de 1990 sont là pour le démontrer très clairement
- ils ont su profiter de façon utile et efficace des dispositions de la
décision.
Partant de là, je retiens que l'objectif poursuivi par chacun,
c'est de la négociation, ce sont des ententes, et des ententes pour
au-delà d'un an, tel que je le souhaitais, si possible, pour une
période d'au moins trois ans, allant ainsi dans le sens non seulement de
l'intérêt supérieur du Québec exprimé par le
ministre, mais aussi dans le sens du désir formulé par les
membres de la Fédération des producteurs de lait du Québec
et par les membres sociétaires des coopératives laitières
du Québec qui, je pense, très majoritairement, d'un
côté comme de l'autre, sont tannés de ces affrontements
stériles, coûteux et inutiles. Vous comprenez qu'un processus de
négociation ne peut pas s'amorcer de façon
éclairée, objective et utile quand pèse
au-dessus de tout le monde une menace de décision
unilatérale de la part du cabinet.
Je voulais vous indiquer - je suis persuadé que ça pourra
contribuer à votre réflexion, dans le sens d'une démarche
plus utile dans une perspective de négociation - que je vais signer
aujourd'hui le mémoire adressé au Conseil des ministres,
recommandant à mes collègues de refuser la requête
formulée par la Coopérative fédérée du
Québec.
Le Président (M. Richard): Si vous le permettez, avant la
suspension, j'aimerais seulement faire un retour sur l'horaire. Nous revenons
ici, au même endroit, après les affaires courantes, c'est donc
dire vers 15 h 15 environ, pour recevoir le Conseil de l'industrie
laitière du Québec; par la suite, Agropur, à 16 heures;
à 17 heures, Purdel, coopérative agro-alimentaire; et, à
18 heures, l'Association des transporteurs de lait du Québec. On
confirme que l'Association des transporteurs de lait du Québec, qu'on a
déplacée de 20 heures à 18 heures. Effectivement, ce sera
à 18 heures.
Sur ce, nous suspendons et bon appétit, mesdames et
messieurs.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise à 15 h 28)
Le Président (M. Richard): Mesdames et messieurs, je suis
navré pour vous, mais la commission doit remplir son mandat. Nous
recevons le Conseil de l'industrie laitière du Québec. Vous avez
la parole, messieurs. Vous connaissez la mécanique. Vous vous
présentez d'abord, le premier intervenant, vous présentez vos
collègues, et vous avez la parole pour les 20 prochaines minutes.
Conseil de l'industrie laitière du
Québec
M. Séguin (Richard): Merci, M. le Président. M. le
Président, M. le ministre, mesdames, messsieurs, je vais d'abord
présenter ceux qui m'accompagnent: à mon extrême droite, M.
Camil Genesse, de Lactantia, qui est secrétaire-trésorier de
notre conseil; M. Donat Roy, qui est de Saputo, et qui est notre
président de comité de négociation - dans l'industrie
laitière, on a besoin de beaucoup de négociations; on a, à
mon extrême gauche, M. Michel Veillette, de J. A. Baribeau Itée,
qui est vice-président secteur du lait industriel du Conseil; on a M.
François Chapados, qui est notre conseiller juridique; et on a M. Claude
Lambert, qui est président-directeur général du Conseil.
Et moi-même, de Culinar, qui suis président du Conseil de
l'industrie laitière du Québec.
D'abord, on veut vous remercier de nous laisser donner notre perspective
sur la refonte de la loi. Je pense qu'on a quand même un mot à
dire, parce qu'on est un intervenant laitier qui joue un rôle dans
l'ensemble du domaine laitier québécois. Mais je pense que, pour
donner notre perspective et pour bien la comprendre, II faut d'abord bien
définir ce qu'est le Conseil de l'industrie laitière du
Québec. Vous avez entendu un paquet de noms de différentes
entreprises, ici. On en regroupe encore davantage. On représente
à peu près 50 entreprises laitières du Québec, qui
sont établies dans plusieurs régions et qui ont différents
caractères: que ce soit des entreprises à caractère
familial, de grandes entreprises à actions ou de grandes entreprises
privées. Et je pense que ce qu'il est important de noter, c'est que la
plupart des entreprises membres du Conseil s'attaquent à à peu
près tous les marchés qui concernent le domaine laitier. Alors,
notre perspective est fort simple, dans l'approche globale que nous avons. Je
pense que la loi arrive à un temps crucial et important. Important,
parce que si on regarde le passé, au Québec, l'habitude
était tout simplement de se chamailler pour arriver à des
approvisionnements réguliers, et non pas de s'attaquer à ce qui,
à notre avis, est le plus important, c'est-à-dire les
marchés. Et la loi arrive aussi à un moment - et on l'a
mentionné à plusieurs reprises, ce matin - où il y a
plusieurs facteurs qui changent dans le domaine international, national et
aussi, on peut dire, nord-américain. Et je pense que ces nouveaux
facteurs ne sont pas étrangers à tout ce qui va arriver dans la
prochaine décennie. Et la refonte de la loi, à notre avis,
devrait aborder ce sens de responsabilité québécoise qu'on
a d'exporter ou d'attaquer les marchés, puisqu'on doit produire
au-delà de la consommation québécoise. Face à
toutes les menaces extérieures, que ce soit américaines,
internationales ou même, ce qu'on a pu mentionner ce matin, des
succédanés, il faut être capables, je pense, d'en arriver
à établir un système dans lequel on pourra s'attaquer aux
vrais problèmes qui vont concerner l'industrie laitière. Ce qu'on
dit, c'est: Trêve de polémiques, trêve de cha-maillages,
regardons maintenant ce qui est vraiment le plus important.
Et c'est important, en ce qui concerne les industries privées,
dans le sens suivant. Il est difficile, pour la plupart des intervenants
privés laitiers du Québec - il a été difficile dans
le passé, et ça pourrait l'être encore si jamais il n'y a
rien qui est changé - de tabler sur une stabilité
d'approvisionnement, sur une stabilité légale, jusqu'à un
certain point, de façon à s'assurer des approvisionnements et
à s'attaquer vraiment aux marchés qui, eux, changent tout le
temps. Je pense que ce qu'on recherche, dans ce qu'on va proposer aujourd'hui
dans notre approche, c'est d'abord une stabilité et un dynamisme qui
devrait caractériser l'industrie laitière
québécoise, puisque nous sommes détenteurs de la
majorité des quotas canadiens. alors, pour bien expliquer notre
position globale, je demanderais à m. claude lambert, directeur
général, de vous exposer ce qu'on propose.
M. Lambert (Claude): Merci. Richard. En général,
quand on se présente ici, on est assez exigeants pour le
législateur et les parlementaires. On espère beaucoup des
refontes de lois, et je pense qu'on a une responsabilité, c'est
d'essayer de vous traduire au moins clairement ce qu'on désire. Pour ce
faire, on a opté de ne pas vous lire notre mémoire, mais
plutôt de vous faire des commentaires à partir de notes. Je dois
aussi souligner - et c'est sans doute le but des commissions parlementaires -
que les projets sont perfectibles. Il y a eu beaucoup de travail de fait sur ce
projet-là. Il y a eu des comités qui se sont penchés.
C'est en marche depuis presque deux ans, peut-être un peu plus. Alors,
c'est dans l'optique de l'améliorer. Il y a beaucoup d'aspects positifs
du projet qu'on n'aura pas le temps de souligner cet après-midi, que ce
sort au niveau des chambres de coordination, que ce soit au niveau
d'éclaircir les responsabilités des administrateurs de plan
conjoint versus les entreprises commerciales, que ce soit môme au niveau
du financement des associations accréditées, qui est un autre
point positif. Alors, on n'ira pas en détail. S'il y a des questions, on
le fera.
Quand on regarde tout le contexte actuel - et notre président
vous mentionnait que le moment est bien choisi - on peut peut-être vous
donner le "motto" qui pourrait nous guider. C'est que, si on a de grands
espoirs pour se développer et pour la prospérité de notre
industrie, il faut commencer par mettre la maison à l'ordre.
D'après nous, c'est ce que fait le projet. Il vise à clarifier
certaines choses, et on veut qu'il aille plus loin.
Donc, j'ai dit qu'il faut essayer de vous traduire ce qu'on veut, ce
qu'on voit, et notre vision des choses. On va le faire en deux parties. Il y a
un peu de commentaires d'ordre général. Quand on a eu fait toutes
nos discussions au Conseil, on disait: Comment peut-on essayer de cerner, de
mettre tout ça dans une forme concise? On est arrivés à
quatre critères.
Premièrement, on va avoir une bonne loi si on en a une qui donne
le résultat qu'on cherche. Et pour nous, le résultat qu'on attend
de la refonte de cette loi-là, c'est un appui aux efforts de
développement de nos marchés, à nos efforts de vente,
à nos efforts de prospection, à nos efforts de
prospérité pour la chaîne alimentaire. Et je pense que,
dans le contexte actuel, si on voit l'évolution de la loi, il est
dépassé de penser que c'est une loi pour donner uniquement des
outils à la classe agricole; je pense que cette étape-là
était très valable, mais qu'elle a été franchie
dans son essence. Si on regarde la formule des plans conjoints - il y en a
plusieurs dans la province - les gens sont structurés: l'UPA est quand
même un organisme qui est reconnu et qui a de la
crédibilité. Alors, c'est bien placé. Il y a
peut-être en 1955 où c'était plus aléatoire. SI on
regarde du côté des outils commerciaux et industriels des
agriculteurs, c'est-à-dire du côté de la
Fédérée, du côté des coopératives
laitières, ce sont quand même des organismes importants: on parle
de milliards de chiffres d'affaires. Donc, là aussi, ce sont des choses
qui sont bien en place. Définitivement, on dit: Le résultat qu'on
attend de la loi, c'en est un qui va nous aider à faire l'ouvrage sur
les marchés. Deuxième chose - si on est d'accord, on a
clarifié ça - on dit: La loi doit quand même être
claire. On veut de la clarté dans les textes de loi, autant dans la
façon qu'on écrit les textes que dans ce qu'on a à dire et
il faut tout dire. Des fois, il y en a qui appellent ça les intentions
du législateur, mais il faut aller au bout de nos intentions.
Le troisième critère: on est très sensibles au
Conseil et les entreprises de chez nous le sont, qu'on appelle ça
équité, justice, égalité de statut, à notre
sens, la loi ne devrait pas fausser les règles de la concurrence.
Et le quatrième point - parce que ça aussi, ça
vient de l'expérience - c'est que la loi devrait être capable,
dans ce qu'elle prescrit, de s'administrer de façon efficace; et, pour
nous, c'est tout ce qui concerne les pouvoirs de la Régie.
Ça, ce sont les quatre préoccupations, je peux dire,
d'ordre général, qui vont transparaître dans tout notre
document qu'on vous a présenté, et dans l'analyse des articles.
Qu'on ait une loi qui donne les résultats qu'on veut, une loi qui est
claire et qui dit tout ce qu'il y a à dire, qui est équitable,
c'est-à-dire qui ne vient pas fausser les lois de la concurrence, et qui
doit être administrée de façon efficace.
Il y a trois points principaux, qui regroupent peut-être quatre
à cinq articles, dont on veut vous entretenir. Et je pense que, si on
vient à bout de se comprendre là-dessus, il y a une grosse partie
de l'ouvrage qui va être faite. Les virgules, je pense que tout le monde,
ici... On parie à des parlementaires... Les concordances de textes, tout
ça, il y a des gens qui s'en occupent. Ce qu'on a pensé, c'est
que vous avez besoin de trancher quelques questions de fond.
La première, naturellement, va avec l'article 1 du projet de loi.
L'article 1 du projet de loi se lit ainsi: "La présente loi
établit des règles régissant la production et les
structures de mise en marché des produits agricoles et détermine
leurs modes de fonctionnement afin de permettre aux producteurs, acheteurs,
transformateurs et autres personnes ou groupes intéressés
d'organiser la production et la mise en marché de façon
ordonnée." Alors, ce qu'on a retenu du projet de loi, c'est que la
présente loi établit des règles et des structures et,
à notre sens, ça
ne va pas assez loin. On voudrait que le législateur exprime
clairement que c'est une loi qui s'applique à la production et la mise
en marché des produits agricoles, d'abord, ce qui n'exclut pas qu'on
puisse après préciser des fonctions plus spécifiques.
Pourquoi ça? Parce qu'on se dit: Bon, bien, est-ce qu'on
réglemente juste des règles ou des structures ou si on veut
vraiment être concernés par l'ensemble de la production et de la
mise en marché? Ça, à notre avis, c'est ce qui doit
être fait, c'est-à-dire que la préoccupation doit
être pour l'ensemble, autant les effets des règles et des
structures, et non pas seulement les règles et les structures. Il faut
que ce sort clair, quel est le champ de la loi, pour que les gens ne viennent
pas un jour argumenter devant la régie que tout ce que la loi
gère, ce sont des règles et des structures. Nous autres on dit:
La loi, elle va plus loin que ça, il faut qu'elle soit
intéressée avec les résultats de ces structures-là.
Ça, c'est une recommandation, l'article 1.
Le deuxième point, qui est en train de devenir fameux devant la
commission parlementaire, c'est bien sûr l'article 2. L'article 2, si on
se réfère à nos quatre critères qu'on a
donnés au début, c'est avec celui-là qu'on a le plus de
difficulté. Le projet de loi dit: "La présente loi ne doit pas
être interprétée comme un moyen de concurrencer
l'organisation coopérative de la mise en marché des produits
agricoles. Ce principe doit guider l'application de la présente loi pour
ne pas gêner l'action du coopératisme dans les régions et
les secteurs où il peut répondre efficacement aux besoins et afin
de profiter autant que possible du concours des coopératives dans
l'établissement et l'administration des plans conjoints." Pour nous, cet
article-là n'a pas sa place dans une loi de mise en marché. Ce
qu'on parle d'établir, ici, c'est une toi de mise en marché. Ce
qu'on veut réglementer, c'est les marchés. Est-ce qu'on va
commencer à faire des considérations sur la nature des
organismes? Est-ce que la loi des compagnies devrait nous amener à faire
quelque chose en loi, dire: Écoutez, notre loi des compagnies ne nous
permet pas que le gouvernement réglemente un secteur? Ici, on parle de
réglementation d'un secteur d'activité. Et ça, c'est une
distinction. Il y a une loi spécifique qui touche la nature des
organismes ailleurs.
Le deuxième point, alors, sur ce projet-là, je vais vous
donner nos deux recommandations générales, puis je vais articuler
un peu plus. Ce qu'on demande, c'est le retrait de l'article 2 du projet de
loi, et aussi le retrait de ce qui est dans la loi actuelle, qui est
même, à notre sens, pire, parce qu'elle fait du système un
système supplétif. Comme c'est la seule où on
légifère par le gouvernement, tout le monde est dans le
supplétif: la régie, l'entreprise privée, les plans
conjoints, on est tous dans le supplétif. C'est sûr que ça
n'a pas lieu de rester, tous ces articles- là. Alors, on demande
l'abolition de ça, et on demande de le remplacer par un article qui
donne vraiment l'orientation générale qu'on veut avoir à
tout le système. J'y reviens assez rapidement. Pourquoi abolir l'article
2 dans le projet de loi, tel que formulé, puis ce qui est dans la loi
actuelle? On vous a dit que ça n'avait pas sa place, d'après
nous, des prescriptions semblables. Deuxièmement, à date, notre
expérience est, avec cet article-là de la loi actuelle, que
ça a paralysé l'action du plan conjoint, ça a
paralysé l'action de la régie et ça n'a certainement pas
aidé l'entreprise privée. On peut dire: Oui, mais il y a eu des
progrès quand même qui ont été faits, etc. On
voudrait déposer, à la commission parlementaire, l'analyse, juste
à partir de nos dossiers, des dix dernières années. On a
six conciliations, sept arbitrages, huit décisions arbitrales plus une
sur le transport. On a deux requêtes en révision au gouvernement,
puis on a une action en Cour supérieure. On ne peut pas dire que
ça roule dans l'huile comme système. (15 h 45)
Le Président (M. Richard): Je m'excuse, est-ce que vous le
déposez, votre document?
M. Lambert: Oui, je le dépose.
Le Président (M. Richard): Pariait. Alors, si quelqu'un
veut aller le chercher, s'il vous plaît, et en faire la distribution aux
membres de la commission.
M. Lambert: II y a quelques coptes, si les gens veulent regarder
ça tout de suite. Ça paralyse le système. Je dois
accélérer, parce qu'on m'indique que mon temps tire à sa
fin. Il y a un élément important qui fait que ça fausse le
pouvoir de négociation, puis, dans les rapports que prescrit la loi, la
négociation est une façon d'en arriver à des ententes, et
ce pouvoir de négociation, il est faussé. Il est faussé,
parce qu'il y a des parties qui peuvent jouer le jeu de dire: Quand je m'assis
à la table, je ne suis pas trop sûr que, moi, je suis
obligé de m'asseoir à la table, ce matin, je peux peut-être
me retirer. On l'a vu, quand ça ne fait pas mon affaire, je dis: Bon,
bien, moi, je ne suis plus soumis au plan conjoint. Les deux autres parties
autour de la table sont là et se disent: Bon, bien, si on veut le
garder, c'est quoi qu'on peut faire comme concession? On va lui en donner un
peu ici, on va lui en donner... À un moment donné, ça n'a
plus de limites, ça, il faut tirer la ligne. Alors, les relations dans
la négociation sont faussées par cet article-là.
Deuxièmement, si on dit: On a fait une loi pour accorder des
plans conjoints et des pouvoirs, il faut que ces pouvoirs-là soient
réels; il ne faut pas en donner la moitié. Il ne faut pas dire:
Oui, on fait un plan conjoint, mais vous contrôlez 40 % de la patente;
et, vous, le Conseil
de l'industrie laitière, vous allez signer des ententes avec
l'organisme, et si vous n'en signez pas, on a le pouvoir dans la loi pour que
la régie vous impose des ententes. Puis, se réveiller le
lendemain matin, avec un papier qui ne vaut pas plus que la valeur du papier,
que les garanties d'approvisionnement ne sont pas là, que, quand
ça ne fait pas l'affaire de la troisième partie, on change
ça, qu'on lise dans les journaux: Demain matin, on vous coupe le lait!
Ah! peut-être à la fin du mois de mars. Puis, là, on dit:
Oup! on a sursis à notre coupage de lait. Comment est-ce que vous voulez
qu'on planifie des entreprises, leur développement, avec une situation
semblable où les gens ne savent pas où Hs s'en vont, ça
change aux six mois? Je vais vous donner, ce ne sont pas des choses en l'air,
je vais vous donner un exemple concret tout à l'heure...
Le Président (M. Richard): Je m'excuse, il vous reste une
minute.
M. Lambert: II me reste une minute. M. Pagé: II y a
consentement.
Le Président (M. Richard): II y a consentement? Allez.
M. Lambert: Écoutez, je vais essayer de faire le plus
rapidement possible, là, pour ne pas...
M. Pagé: Prenez votre temps. M. Lambert: O.K.
Le Président (M. Richard): Tombez dans le tout à
l'heure...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lambert: Bon. À l'heure actuelle, là. il faut
faire très attention que ça n'arrive pas aussi à mener
à ce que le contrôle du marché soit fait à partir du
contrôle des approvisionnements, et ça, je pense qu'il y a des
entreprises qui suivent cette stratégie-là, c'est-à-dire
qu'en contrôlant l'accès à la ressource on peut
contrôler la concurrence et indirectement contrôler le
marché.
L'autre élément que je veux montrer, qu'on veut mettre en
lumière, c'est que la protection que les agriculteurs recherchent, ils
la recherchent pour balancer leur situation face à la chaîne
alimentaire. Nous autres, on accepte de travailler avec cette formule-là
parce qu'on préfère travailler avec un milieu qui est
structuré sur des intérêts globaux, avec des
représentants, que de travailler sans qu'il n'y ait d'ordre dans le
milieu. Alors, c'est ça que ça donne.
Balancer sa situation face au système, ça veut dire aussi
qu'il y a des impacts que le système cherche à transmettre, et
ça, il faut que ça trouve son équilibre. si on se
structure sur une formule d'intégration verticale, elle n'y est plus,
cette protection-là. et l'exemple que je veux rapporter, c'est l'exemple
qu'on a vécu à partir de 1985. en 1985, les gens se sont dit: on
a des conventions, une convention de trois ans, qui était signée,
"spic and span", faites vos investissements, on sait où on s'en va pour
trois ans. ça n'a pas fait l'affaire. nous autres, on avait un papier
officiel, trois ans de garantie. au bout d'un an, on a dit: écoutez,
là, ça ne va plus pour les autres. là, on a pris des
informations, on a dit: oup, on ne sait pas, la loi n'est pas claire, est-ce
qu'on a vraiment le pouvoir, est-ce qu'on peut forcer le respect des
conventions, tout ça? ça a fini par dire: vous êtes bien
mieux de vous rasseoir à table. mais, à partir de ça,
là, ça tout changé notre affaire. il y a 18 fromageries,
pas des multinationales, 18 fromageries de région qu'on a
reculées de 15 %, par décision de l'arbitre. ça, dans un
pays démocratique. je n'en ai pas vu beaucoup d'entreprises qui ont
perdu 15 %, en moyenne - c'est une moyenne que je vous donne - de leur
marché par une décision. je vais passer aux autres articles. en
tout cas, si vous vouliez savoir à quoi ça sert, l'article 2,
ça sert à ça, à tout fausser le jeu.
Les pouvoirs de la Régie. On a dit: un champ d'application qui
couvre tout ce qu'il a à couvrir. Deuxièmement, qu'on ôte
les embûches, qu'on ait des égalités de statut et,
troisièmement, que cette loi s'administre et, pour l'administrer, c'est
la Régie. Quand on vous suggère dans l'article 2, l'objectif
ultime... On dit: l'objectif ultime de tous nos systèmes qu'on met en
place. C'est quoi? C'est amener au consommateur ou au client une
sécurité d'approvisionnement de produits alimentaires de
qualité et à des prix qui ont de l'allure. On dit que c'est
ça le mandat qu'il faut donner à l'ensemble du système,
aux intervenants. C'est ça, votre objectif, et ça clarifie aussi
l'objectif que la Régie doit poursuivre. L'intérêt public -
les gens disent que c'est toujours difficile - c'est quoi,
l'intérêt public? Comment ça s'articule,
l'intérêt public?
Nous, on vous demande, dans l'article 2, de mettre: C'est ça
qu'on doit viser, rencontrer les besoins de la population, rencontrer les
besoins du consommateur avec des produits qui seront de qualité, que ce
soit un approvisionnement, qu'on n'en manque pas, et à des prix qui
permettent à tout le monde de vivre. Ça, ça va faciliter
grandement le travail de la Régie.
Maintenant, on dit qu'une régie c'est une régie. Dans
votre projet, ici - dans notre projet, parce que c'est le projet de notre
province - on dit, à l'article 4, et ce ne sera pas long, on termine
là-dessus, M. le Président, c'est le dernier groupe d'articles,
on dit: "Un organisme
est institué sous le nom de "Régie des marchés
agricoles et alimentaires du Québec". Ce qu'on forme c'est une
régie, alors, une régie doit avoir des pouvoirs de régie.
Nous, on dit qu'il faut que ce soit un organisme - qu'on le dise clairement -
dans sa nature, qui a le pouvoir de surveillance, il a des pouvoirs de
coordonner et, surtout, des pouvoirs de contrôler ce qui se passe. Si
c'est ça une régie, à notre sens, c'est avec ces
pouvoirs-là. Après ça, qu'on dise que ça doit
favoriser une meilleure relation harmonieuse entre les gens; on pense que
ça doit être là. Mais commençons d'abord par
établir le mandat de la régie et quels sont les pouvoirs qu'elle
a.
En fonction des pouvoirs de la régie, c'est bien sûr qu'on
va favoriser le pouvoir d'intervention à l'article 140. Parce que
ça ne sert à rien d'avoir une régie qui n'a pas de pouvoir
d'intervention. Dans le secteur laitier - ce n'est peut-être pas la
même chose dans les autres domaines - si vous manquez de lait pendant une
semaine, pendant que tout le monde se bat devant les tribunaux, on perd notre
clientèle et on ferme nos usines. C'est ça l'affaire. On ne peut
pas attendre que les tribunaux tranchent. Il faut que quelqu'un ait un pouvoir
coercitif.
Le dernier point, le retrait du pouvoir d'appel au gouvernement. On y a
réfléchi, on sait qu'il y a les libertés de la personne et
tout ça, qui entrent en ligne de compte. On y a eu recours une fois, au
conseil, les entreprises chez nous. Par contre, on s'est dit que, dans le
contexte actuel, est-ce qu'il n'y a pas lieu d'essayer, pour quelques
années, de dire qu'on va arrêter au niveau de la régie?
Quand la décision va se prendre là, c'est une décision qui
devrait être mûrie. Il devrait y avoir du monde compétent
sur la régie, et ça arrête là. Pourquoi? Parce que,
en tant qu'intervenant, tant que vous allez avoir un recours ultime, vous allez
aller le chercher, le recours ultime. Et, quand on entre au niveau du
gouvernement, ça crée toutes sortes de problèmes,
ça retarde les décisions et ça ne nous amène pas
à fonctionner plus rapidement.
M. le Président, je m'excuse si j'ai débordé mon
temps, mais je pense que c'était quand même des
éléments qui transmettent assez clairement la position des
entreprises chez nous sur ce projet de loi. On est confiants qu'avec les
modifications souhaitées on va être capables de se défendre
sur le marché. On n'aura pas peur. Merci beaucoup.
Le Président (M. Richard): Merci, monsieur. M. le
ministre, votre premier bloc de 10 minutes de questions.
M. Pagé: M. le Président, je voudrais remercier les
représentants du Conseil de l'industrie laitière de leur
présence devant notre commission aujourd'hui, du mémoire qu'ils
nous ont résumé. Je tiens à vous indiquer qu'on a pris
connaissance de chacun des points que vous soulevez dans votre mémoire,
des recommandations que vous faites. Vous référez à la
philosophie de base qui doit sous-tendre chacune des dispositions, sinon au
moins l'ensemble de cette loi, en fonction d'une orientation de marché,
de commercialisation, de développement de marché, de besoin des
consommateurs, etc. Je crois que, à cet égard, la volonté
du gouvernement est claire, entre autres, en ce qui concerne les chambres de
coordination et de développement. Notre objectif, via ce nouvel
élément ajouté dans la loi, il est très important
pour nous. Il s'appuie sur une volonté que les intervenants, dont vous
êtes, se rencontrent autrement que dans un cadre strict de
négociations, mais qu'ils développent l'habitude et on
espère qu'un jour ils auront développé une tradition
d'échanges constants et soutenus entre eux, en fonction de l'obligation
que nous avons de suivre exactement, avec le moindre retard possible, les
tendances et les besoins des consommateurs, si on veut conserver nos
marchés et, jusqu'à en amont, si on veut conserver nos
quotas.
Vous avez référé à la rétrospective
des 10 dernières années dans le document que nous venons
d'obtenir ici. Ça n'a pas toujours baigné dans l'huile, comme
vous le dites. Ça n'a pas toujours baigné dans le beurre, si je
peux utiliser le terme. Ce n'est pas pour rien qu'on a mis un comité sur
pied. Ce n'est pas pour le plaisir de former un comité, tel qu'on l'a
fait il y a quelques années. Nous souhaitons très
sincèrement faire oeuvre utile par les modifications apportées
à la loi.
Cependant, nous sommes conscients du caractère très
délicat de la démarche, parce que c'est une loi de fond, c'est
une loi de base. D'ailleurs, elle est là depuis un certain nombre
d'années, les dernières modifications majeures remontent à
1964. S'il aura fallu attendre 26 ans pour y apporter les modifications
substantielles, ça témoigne encore une fois du caractère
très délicat. Le problème se pose avec d'autant plus
d'acuité que cette étude du projet de loi qui, j'en conviens, a
été retardée de quelques semaines en commission
parlementaire arrive, encore une fois, dans un contexte qui vient changer
quelque peu l'expression ou les réactions à donner à
l'ensemble des problèmes que vous vivez, parce que, non seulement
aujourd'hui on étudie la loi, mais on est confronté, encore cette
année, encore une fois, à une entente qui vient à
échéance en août prochain, le 1er août prochain, et
pour laquelle il y a eu beaucoup de salive et d'écriture depuis les mois
de septembre et octobre derniers.
Je retiens donc que, à l'article 1, vous avez certaines
recommandations. Croyez-vous que l'article 1, tel que libellé, ne
rejoint pas exactement les objectifs du gouvernement de faire en sorte que la
régie, comme je le disais la semaine dernière, ne soit pas
uniquement perçue comme étant un organisme quasi judiciaire qui
est là
pour faire la police, pour s'assurer de l'application de la loi, par
exemple, sur les producteurs agricoles, des choses comme ça, notre
objectif étant de donner un mandat ou de préciser le mandat
additionnel à la régie qui en est un de commercialisation, de
mise en marché, et d'être davantage sensible aux signaux du
marché national ou des marchés internationaux? Je crois qu'avec
l'article 1, conjugué avec les dispositions relatives aux chambres de
coordination et de développement, vous devriez être
sécurisés à cet égard. Je reviendrai après
à l'article 2, avant de passer la parole à mon collègue.
(16 heures)
M. Lambert: sur l'article 1, écoutez, ça se sent
dans le projet de loi que c'est ça la préoccupation et je pense
que le monde sent qu'on doit aller vers les marchés. c'est là
qu'est notre avenir, c'est là le facteur déterminant. ce qu'on a
voulu dire c'est qu'on rende très clair que la loi s'applique à
la production, à la mise en marché. après ça, si on
veut parler de règles et de structures... que, dès le
départ, on dise que ça s'applique à la production et
à la mise en marché. ce n'est pas juste une question de
règles et de structures, c'est aussi une question des résultats.
mais je suis d'accord avec vous, m. le ministre, que quand on regarde les
autres articles, plus loin dans la loi... surtout si le législateur
trouve souhaitable de mettre l'amendement qu'on suggère à
l'article 2, ça devient évident, mais pourquoi ne pas le
clarifier tout de suite, au point de départ? je ne sais pas si notre
conseiller légal a quelque chose à dire...
M. Chapados (François): Alors, si on me le permet, M. le
Président. Je pense que ce serait très difficile que d'aborder
séparément l'étude des articles qui sont ici. Ce qu'on a
voulu faire dans notre mémoire, c'est mettre une insistance très
forte sur, premièrement, la portée de la loi.
Deuxièmement, il y a également une insistance très forte
dans la mise au rancart de l'article 2 actuel qui vient, je pense, limiter la
portée de la loi, qui limite l'autorité que l'État doit
avoir, directement ou indirectement, par l'intermédiaire de la
régie, qui limite l'autorité des plans conjoints, celui de la
Régie des marchés agricoles, etc. Donc, quant à nous,
aujourd'hui, l'article 1 doit se lire un peu en relation avec l'article 2, et
également un peu en relation avec l'article 4 où, à un
moment donné, on met encore une insistance et où on dit:
Écoutez, la Régie, selon nous - évidemment, selon les
modalités précisées à la loi, on l'admet - est, ni
plus ni moins, le bras séculier, entre guillemets, de l'État qui
est chargé d'administrer cette loi et, à cette fin, elle exerce
des pouvoirs de coordination, de contrôle et de surveillance. Et tout ce
débat-là, c'est toujours en rapport avec tout le débat
qu'on a eu ce matin, qu'on a entendu et que je ne veux pas reprendre. Je pense
que la Fédération des producteurs de lait vous a
démontré que l'article 2 actuel a été source
d'ambiguïtés, de conflits, de tout ce que vous voulez. Donc, ce que
nous... Et c'est ce qu'il faut retenir. C'est une affirmation quant à la
portée réelle de la loi qui doit s'appliquer à tout le
monde. Tous les intervenants doivent être égaux devant cette
loi-là. Deuxièmement, le cas échéant, et c'est
l'objet de l'article 140, advenant une situation d'urgence, si on doit sonner
la fin de la récréation, il y a un organisme qui, au nom de
l'État, doit la sonner et, légalement, son autorité n'est
pas contestée. Et ça, c'est le message qu'on voudrait transmettre
à cette commission. Est-ce que, premièrement, on traduit de la
bonne façon cet objectif-là? Que va-t-il advenir de l'article 2?
On ne le sait pas. Mais la préoccupation générale, c'est
ça: c'est qu'il y ait des règles claires et qu'il y ait un
organisme qui ait une autorité et de la crédibilité, qui
puisse, sans se faire enfarger à tout bout de champ, rendre des
décisions si des situations l'exigent.
M. Pagé: Merci, Me Chapados. L'article 2, la
Fédération dit: Enlevez-le, vous dites: Enlevez-le, et la
Fédérée nous dit: On n'est pas satisfaits de son texte.
Alors, tout le monde semble être unanime à souhaiter que le
ministre succombe à la tentation de le modifier, mais il reste à
savoir comment. M. Lambert, vous... Oui?
M. Lambert: C'est ça, j'allais vous demander si vous posez
une question.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: Et je présume que vous attendiez une
réponse. Ceci étant dit, on doit quand même
reconnaître que, malgré ces affrontements et cette série de
procédures auxquelles vous avez référé, le Conseil
de l'industrie laitière et ses membres, en vertu des dispositions de la
loi et de l'application et de l'interprétation données à
cette loi, ont quand même été en mesure de se voir
acheminer les volumes nécessaires pour un rythme de développement
dans certains créneaux, et plus particulièrement dans des
fromages de spécialité, secteur qui fait honneur à
l'ensemble de votre industrie. Je comprends que si nous sommes ici - j'en
conviens avec vous et d'ailleurs c'est nous qui présentons la loi -
c'est pour bonifier les rapports, les situations et préciser des choses.
Mais il ne faut quand même pas soutenir de façon très
très ferme que la loi actuelle n'a pas d'allure, qu'elle n'a pas de bon
sens, etc. Vous avez, au Conseil de l'industrie laitière, et vos membres
ont profité d'approvisionnements et de situations qui ont
été bénéfiques et qui permettaient à des
entreprises dynamiques comme les vôtres, parce qu'il y a eu beaucoup de
dynamisme de manifesté, surtout au niveau de la
pénétration des marchés au niveau
canadien... Vous avez été en mesure d'avoir des
approvisionnements. Quand on regarde les chiffres ici, globalement, les
entreprises privées, vous avez 37,43 % du lait de transformation, non,
du lait total, alors que les coopératives ont 62,5 %. En classe 3 et en
classe 4, vous avez un pourcentage très important du lait. En classe 4,
les coopératives ont 22,13 % et vous avez 77,87 %. En classe 5a et 5b,
c'est l'inverse. Vous avez 17,9 % et les coopératives ont 82 %.
Ça n'enlève pas toutefois l'opportunité... Ça ne
met pas de côté l'opportunité et l'obligation que nous
avons, dans la loi, de préciser des choses mais je tenais à
indiquer que les règles du jeu, même si elles sont bonifiables,
ont contribué à amener des garanties d'approvisionnement à
vos entreprises.
J'aimerais vous entendre sur un élément. Ne croyez-vous
pas que la stabilité d'approvisionnement aux entreprises de
transformation des produits laitiers au Québec s'appuie davantage sur
les ententes intervenues ou les décisions rendues par la Régie
que sur l'interprétation donnée à l'article 2 de la
loi?
M. Séguin (Richard): L'important, c'est de replacer le
tout dans le contexte historique. Au départ, quand on parle de 1985, on
avait accès à une matière première de façon
assez aisée. On a su capitaliser sur cet approvisionnement pour
développer, ou même répondre au marché à
l'époque. Mais plus on s'en va dans le temps, plus on restreint
finalement cet approvisionnement. On en est rendus à un point culminant
où on se sert maintenant de l'article 2 pour dire: Non, la progression
est trop rapide. Non, vous ne pouvez pas aller plus loin. Non, le
développement des marchés, ça suffit, il n'y en aura plus.
Je pense qu'on ne répond pas, à partir de maintenant, à
cette approche.
Deuxièmement, l'élément important dans tout
ça, c'est essayer d'imaginer que, si toutes les entreprises
laitières québécoises s'étaient farouchement
battues sur les marchés plutôt que de littéralement
gaspiller de l'énergie à se battre entre nous, on serait
peut-être rendus à un niveau où les discussions aujourd'hui
seraient peut-être même futiles. C'est là qu'il faut
comprendre toute l'importance de ce cadre régissant la loi. On peut
tourner en rond encore très longtemps, sauf qu'avec les pressions
externes qu'on va vivre dans les prochaines années ce n'est pas vrai
qu'on va pouvoir tourner en rond définitivement. Je pense que là
les vraies énergies devraient être dirigées là
où on pourra sécuriser les quotas laitiers du Québec et
approvisionner les marchés qui sont en demande. C'est là-dessus
qu'on se base.
M. Pagé: Là-dessus, M. Séguin, on a la
même opinion. On partage le même principe comme quoi le temps, le
capital humain doivent être investis en fonction des marchés
plutôt qu'en fonction des disputes internes à l'industrie. Pour
préciser davantage ma question, M. Lambert, ne croyez-vous pas que
l'entente ou la décision de 1989 a amené de la stabilité
au niveau des approvisionnements autant pour les industries coopératives
que les industries privées, avec la possibilité d'aller
requérir des approvisionnements à l'intérieur d'un
pourcentage de 15 % des volumes antérieurs?
M. Lambert: C'est parce que vous nous questionnez sur un point
qui est très spécifique. C'est sûr que les ententes...
M. Pagé: C'est toujours là-dessus que les chicanes
prennent.
M. Lambert: Non, c'est parce qu'il faut faire attention à
ce que vous voulez nous faire dire avec ça.
M. Pagé: Je ne veux rien vous faire dire, moi. Je veux que
vous me disiez...
M. Lambert: Des ententes qui sont des ententes, ce n'est jamais
l'espoir de part et d'autre. Par contre, ces ententes, pour qu'elles soient
valables, il faut qu'il y ait une assise à quelque part. C'est justement
de ça qu'on parle aujourd'hui. On dit: Ces ententes n'ont pas d'assise
assez solide dans la loi. Écoutez, vous me dites: Une décision de
la Régie. Mais vous savez ce qu'on a vécu depuis sept mois. Ce
que disait notre président, c'est que les énergies, c'est
là qu'elles vont. Elles ne sont pas à la bonne place. Ça
devrait être des problèmes qui sont réglés depuis
longtemps, ça. Oui, vous pouvez dire: On peut continuer cahin-caha. La
Régie va essayer ce qu'elle peut avec ses limites. Nous autres, on va
essayer ce qu'on peut et la fédération... La corporation
laitière, elle, elle dit: Moi, j'ai une voie royale de tracée,
pourquoi je ne la prendrais pas? Je ne peux pas la blâmer. Tout le monde,
on est dans un cadre où on marche avec nos intérêts, mais
c'est le rôle du législateur de l'État de dire, à un
moment donné: C'est assez, ça; vous allez marcher comme
ça, puis arrêtez de vous chicaner. C'est ça et puis pensez
à d'autres choses. La seule façon dont on va y arriver, puis on
n'est pas le premier organisme à le dire, c'est qu'il va falloir qu'on
le clarife au sein de la loi. C'est une loi de mise en marché, c'est une
loi pour développer les marchés, puis le principe sous-jacent
à ça, c'est que les entreprises qui sont performantes ont
accès à la matière première. Si on met d'autres
considérations là-dedans, on se tire dans le pied, le
Québec.
M. Pagé: C'est clair.
M. Lambert: Merci, M. le Président. Excusez...
Le Président (M. Richard): M. le député
d'Art habaska.
M. Baril: Oui, M. le Président. En prenant connaissance du
mémoire de la coopération... du Conseil de l'industrie
laitière...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Baril: Ça commence ma). Du Conseil de l'industrie
laitière...
M. Pagé: Quel lapsus!
M. Baril: Bien oui! C'est pour se dire que ce n'est pas
clair.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Baril: C'est quand même rare qu'il arrive que
l'entreprise privée demande à des parlementaires d'élargir
des pouvoirs d'un organisme gouvernemental et, en même temps aussi,
d'éclai-cir ces pouvoirs-là. Je pense que c'est à noter,
l'honnêteté ou la franchise des gens du Conseil de l'industrie
laitière de nous demander d'avoir une loi avec un organisme ayant plus
de pouvoirs.
Le ministre, ce matin, mentionnait que depuis le début, depuis le
temps que ça existe - les conventions, entre autres, existent -
ça n'avait quand même pas été uniquement mauvais que
l'article 2 soit imprécis. On dirait que ça avait quand
même eu du bon, ça avait permis aux gens de dialoguer ou de
discuter entre eux autres. Mais de votre part, là, c'est quoi que vous
préféreriez, que l'article 2 reste flou, reste imprécis,
ou que l'article 2 soit éclairci ou précisé selon le voeu
dont le mouvement coopératif nous a fait part, tout en acceptant que
ça puisse nuire à une partie ou à une autre ou bien
l'aider?
M. Séguin (Richard): Qu'est-ce qui est important de
réaliser, c'est qu'on ne dit pas ici, même dans la
présentation de notre mémoire, qu'il y a un intervenant laitier
qui doit souffrir plus qu'un autre. Ce qu'on dit, par contre, c'est de
canaliser toutes les énergies sur une même loi pour donner
à tout le monde la même direction. Et la direction, on la
précise en disant que c'est la mise en marché, ou répondre
au marché des produits laitiers. Tout ce qu'on dit, c'est: On ne veut
pas pénaliser nécessairement un groupe d'entreprises ou un autre
groupe d'entreprises. On dit tout simplement que, si on peut faire fonctionner
toutes les voitures dans la même direction, on ne se frappera pas. On va
réussir à prendre le véhicule qui nous convient le plus
pour atteindre le but qui est visé. Tout ce qu'on dit finalement au
législateur, c'est: Donnez-nous une route puis on va la suivre, la
route, avec tous les codes routiers que ça prend. Mais, dans le fond, on
ne va pas nécessairement dire: II y en a qui devraient circuler sur le
trottoir, il y en a qui devraient marcher à pied. Tout ce qu'on dit,
c'est: Que le législateur donne une route à suivre, et là
l'ensemble des intervenants laitiers pourra fonctionner en
conséquence.
M. Baril: C'est parce que... Je vais me reprendre. Ce matin, le
ministre - je ne veux pas l'interpréter, il pourra me corriger si je
l'interprète mal - il a dit: On peut laisser l'article 2 flou, un
article flou, on peut l'amender...
M. Pagé: Ce n'est pas le terme que j'ai
utilisé.
M. Baril: Bien, imprécis, je ne sais pas quoi.
M. Pagé: On pourrait conserver à l'article 2 son
caractère imprécis et un peu nébuleux qui a eu comme
résultat une relative...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: C'a eu comme résultat de la
stabilité. Je pense que le Conseil va le confirmer. Me Chapados qui est
ici, qui est un bonhomme très expérimenté, va le
confirmer. C'est tellement imprécis que personne n'osait aller le tester
devant les tribunaux. Ils présentent des requêtes, ils reculent,
etc. Me Chapados, vous pouvez abonder dans le même sens que le ministre,
là-dessus?
M. Chapados: Bien, M. le ministre, je pourrais dire que ce genre
de clause là ne se retrouve pas dans plusieurs lois qui sont
votées par vos collègues à l'Assemblée nationale.
C'est assez exceptionnel comme disposition...
M. Pagé: Libelle.
M. Chapados: Comme libellé. C'est pour ça que nous,
ce qu'on recommandait tout bonnement - j'allais dire benoîtement -
c'était que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles
et alimentaires et modifiant d'autres dispositions législatives soit
traitée exactement de la même façon que toute autre loi et
qu'il n'y ait pas telle clause.
M. Baril: Vous savez, dans ma façon à moi de
m'expliquer, je n'ai pas cette facilité que le ministre a, pour venir
à Québec, de passer par Montréal quand tu restes à
Victoriaville. Je pose plutôt des questions directes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Baril: On arrive au même point, mais on a chacun notre
façon d'y arriver. (16 h 15)
M. Pagé: Comment est-ce que vous définissez le
terme "flou"?
M. Baril: Flou? Nébuleux, vague, pas clair.
M. Pagé: Nébuleux, imprécis. Nébuleux
et imprécis.
M. Baril: Bien oui! C'est ça que je vous dis!
M. Pagé: Bien, on est parfaitement d'accord.
Continuez.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Baril: Je ne vous ai pas dit que je n'étais pas
d'accord avec vous, mais c'est la façon d'arriver au bon endroit,
à l'objectif. D'ailleurs, le rôle des parlementaires, je pense,
c'est de justement essayer de donner aux citoyens et citoyennes une loi claire,
pour qu'ils sachent exactement où ils s'en vont, à quoi
s'attendre avec cette loi-là. C'est pour ça que je
répète - en tout cas, vous avez répondu en partie à
la question - que c'est un article flou, je ne sais pas comment il a dit,
imprécis ou je ne sais pas quoi - en tout cas, on se comprend, je pense
que vous comprenez mes termes - ou un article clair qui, comme les
coopératives l'ont demandé et comme le ministre a
spécifié ce matin, est porté à avantager le
système coopératif... C'est ça, ma question.
M. Lambert: Moi, je n'aime pas beaucoup vos alternatives.
M. Baril: Ce ne sont pas les miennes, monsieur, ce ne sont pas
les miennes.
M. Lambert: II y a moyen de faire mieux pour l'industrie agricole
et alimentaire au Québec. Qu'est-ce qui n'est pas correct à avoir
des règles pareilles pour tout le monde, dépendant de leur
performance à transformer et à vendre? Y-a-t-il quelque chose de
pas correct là-dedans? Moi, c'est ça, cette alternative
là. Je n'en vois pas d'autre. Le Conseil n'en voit pas d'autre; en tout
cas, en tant que porte-parole, je n'ai jamais eu le mandat de...
Écoutez, je ne dis pas que ça n'a pas été utile
pendant quelques années. Mais aujourd'hui, là, c'est gros, c'est
3 000 000 000 $ au moins. Est-ce qu'on a encore besoin de la tape paternelle de
l'État dans le dos pour dire: Vas-y, mon petit gars?
M. Baril: Je vous comprends, mais je veux juste vous signaler que
ce n'est pas ma position à moi. Ce n'est pas ma position à moi,
je vous ai posé une question à partir de ce que j'ai entendu ce
matin.
M. Pagé: C'est quoi?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Baril: Ce que vous avez dit si finement tout à l'heure.
Vous avez dit tout à l'heure, dans votre exposé, monsieur, qu'il
y a trois ans, je crois, après l'application des conventions en 1985, il
y a 15 % des fromageries qui avaient dû reculer ou qui avaient...
J'aimerais que vous expliquiez ça davantage, pour que je saisisse comme
il faut ce que vous avez voulu dire.
M. Lambert: C'est qu'au point de départ, en 1985, les
conventions étaient différentes au niveau du système de
classes. La façon dont les conventions ont été
élaborées - vous allez le retrouver dans le document - c'est que
la négociation est partie en 1981. Nous, on a négocié
chacun de part et d'autre - parce que ce sont des conventions entre deux
parties, entre la Fédération et le Conseil, entre la
Fédérée et la Fédération - un certain temps,
et après ça on s'est aperçus qu'on ne pouvait pas aller
plus loin, qu'on était trop en avance dans la négociation par
rapport au développement entre la Fédérée et la
Fédération. On a arrêté. Ils sont revenus en 1984
avec une entente paraphée, et nous, on a repris notre
négociation. En fin de compte, on est arrivés avec deux
conventions qui n'avaient pas exactement le même système de
classes. Dans notre convention, le cheddar était garanti
d'approvisionnement, dans le document entre la Fédérée et
la Fédération, ce produit-là était en classe non
garantie. On est partis avec ces deux conventions-là, on a fait un bout
de temps, après ça on a changé le cheddar pressé,
on l'a ramené dans une classe non garantie sur les volumes reçus
par les entreprises en 1984-1985 et on était rendus en 1987. C'est pour
ça qu'ils ont été obligés de reculer.
M. Baril: Si on regarde le développement des entreprises
privées, d'abord, en 1985, quelle était la position du Conseil de
l'industrie laitière face aux conventions de vente qui se sont
signées en 1985? Je pense qu'elles ont été
imposées, aussi, parla Régie, en 1985. Non?
M. Pagé: Non, non. C'est-à-dire que c'est une
entente qui a été signée. Il y a deux ententes, mais elles
n'avaient pas le même contenu.
M. Baril: La Régie a tranché.
M. Pagé: Plus tard. Mais ces deux ententes se sont
appliquées pendant un certain temps, et les dispositions qui
étaient différentes.
M. Baril: De toute façon, avec les conventions qui ont
été signées en 1985, ça n'a quand même pas
nui au développement de l'entreprise privée, ces conventions dont
on parle actuellement. On nous rapporte qu'au niveau du mouvement
coopératif ces ententes-là nuisent au
développement des coopératives. Vous autres, face à
ces conventions, c'est quoi votre position?
M. Lambert: Ça a aidé à corriger un
problème qui était endémique, c'est-à-dire que le
secteur de l'entreprise privée était en difficulté
d'approvisionnement depuis des années, surtout pour les petites
entreprises qui n'étaient pas capables, soit parce qu'elles
étaient trop petites ou qu'elles avaient mis leurs fonds ailleurs, de
"développer" des bassins d'acier. On a eu des entreprises
spécialisées qui avaient des carences de lait. Ça allait
assez bien l'été, quand le lait est abondant, mais, dans les
périodes creuses, il y avait carence de lait. En 1985, la signature de
cette convention a aidé à normaliser ça. Dans ce
sens-là, ça a été positif. En classe 4, ça a
été positif. On ne peut pas dire le contraire.
M. Baril: Dans votre mémoire, vous parlez de la chambre de
coordination. C'est ma dernière question, probablement. Vous êtes
d'accord avec le principe, mais trouvez-vous que, dans le projet de loi tel
qu'il est écrit, cette chambre de coordination a tous les pouvoirs que
vous vouliez bien lui voir dévolus pour remplir les fonctions qu'on veut
lui faire remplir?
M. Lambert: La chambre de coordination, il faut faire attention.
Dans notre esprit, ça ne remplace pas - du moins à moyen terme et
sans qu'à un moment donné les agriculteurs en viennent à
cette décision-là - pour nous autres, ça ne remplace pas
le plan conjoint. C'est un outil additionnel pour travailler sur des choses
qu'on désire faire en commun dans l'industrie, qui peut-être ne
relèvent pas nécessairement du plan conjoint. Si on veut faire de
la recherche, financer de la recherche, faire de la prospection de
marché, c'est un forum pour ça. Je pense qu'il serait dangereux,
au point de départ, d'envisager des chambres de coordination et de
développement comme devant remplacer le plan conjoint. Ça
pourrait être un aboutissement à un moment donné, mais, si
vous mettez cette prémisse-là au point de départ,
ça ne marchera pas. Vous nous demandez: Est-ce qu'il a tout ce qu'il
veut? Ça va dépendre de ce que les parties veulent en faire. Mais
je pense que le cadre est suffisamment large dans le projet de loi pour
permettre de commencer à oeuvrer là-dedans.
M. Baril: Je ne pense pas que le but du projet de loi c'est de
remplacer des plans conjoints par des chambres de coordination. C'est
plutôt pour essayer...
M. Pagé: C'est complémentaire.
M. Baril: C'est complémentaire pour essayer de
réunir les parties qui sentent le besoin de se réunir pour
discuter, dialoguer entre elles, je pense. En tout cas, c'est comme ça
que je l'ai compris.
Pour ma part, je vous remercie d'avoir présenté ce
mémoire. On va attendre la dernière décision du ministre
pour en discuter lors de l'étude article par article.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député d'Arthabaska.
M. Pagé: vous comprenez qu'avant de prendre quelque
décision il est opportun d'entendre l'ensemble de nos honorables
visiteurs qui se sont manifestés.
M. Baril: Ah! C'est fondamental. M. Pagé: Merci.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Richard): Je vous félicite de
cette qualité d'échanges, messieurs. M. le ministre, vous avez un
commentaire final?
M. Pagé: Je voudrais remercier M. Séguin, M.
Lambert, toute l'équipe. Merci. On aura l'occasion de se revoir.
Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. je
demanderais aux gens d'agropur de se présenter à la table.
mesdames et messieurs, merci de votre attention. la commission reprend donc ses
travaux. nous recevons agropur. vous connaissez la mécanique, m.
lemire?
M. Lemire (Michel): Oui.
Le Président (M. Richard): Vous avez la parole.
Agropur
M. Lemire (Michel): M. le Président, M. le ministre de
l'Agriculture, Mmes et MM. les membres de l'Assemblée nationale,
mesdames et messieurs, je m'appelle Michel Lemire, je suis propriétaire
de la ferme Micheret inc. située à Saint-Zéphirin et je
suis également président du conseil d'administration d'Agropur,
coopérative agro-alimentaire. Je suis accompagné ici, à ma
gauche, de M. Jacques Cartier - un nom célèbre - qui est membre
de l'exécutif d'Agropur; à ma droite, de M. Claude Ménard,
directeur général d'Agropur; de M. Robert Poirier, directeur de
la division du lait de transformation chez Agropur; de Me Yvon Martineau, le
troisième à ma gauche, conseiller juridique chez Stickman,
Elliott, conseiller juridique d'Agropur, et enfin de M. Daniel
Côté, le deuxième à ma droite, économiste et
professeur à l'École des hautes études commerciales, qui a
collaboré à la rédaction de notre mémoire.
Au nom de quelque 5000 producteurs laitiers sociétaires
d'Agropur, je remercie la commission parlementaire de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation de nous accueillir ici aujourd'hui et de
nous accorder cette occasion de faire valoir notre point de vue sur le projet
de loi 15. (16 h 30)
II y a plus de 50 ans, une centaine de producteurs laitiers de la
région de Granby choisissaient librement de se donner un outil de mise
en marché en commun de leur lait susceptible de leur garantir un niveau
de revenus acceptable à court terme et capable, en même temps,
d'assurer le développement à long terme de leur exploitation
agricole. De ses origines modestes, Agropur, coopérative
agro-alimentaire, s'est développée au fil des ans pour devenir
une grande entreprise à contrôle québécois dont nous
sommes tous si fiers. Propriété entière de ses 5000
sociétaires qui en assurent la gestion, Agropur est aujourd'hui une des
plus grandes entreprises agro-alimentaires au Canada. Grâce à la
clairvoyance et à la vision à long terme de ses fondateurs et de
ceux qui ont pris la relève par la suite, Agropur a su créer et
développer à coups de dizaines de millions de dollars
d'investissements une importante industrie de transformation au Québec.
Ses quelque 28 usines, toutes situées au Québec, procurent de
l'emploi à plus de 3000 personnes en période de pointe. Ses
produits vendus au détail sous 1200 étiquettes différentes
sont distribués partout au Canada. Agropur voit également
à l'approvisionnement en produits en vrac de bon nombre de clients
manufacturiers québécois, en plus d'exporter du fromage à
certaines périodes.
Entreprise à l'avant-garde, Agropur s'est ouverte très
tôt sur le monde, grâce notamment à des contrats de licence
avec la Société coopérative française Sodima. Par
exemple, c'est Agropur qui a permis la venue au Québec, en 1971, du
yogourt Yoplait qui est devenu une denrée très populaire.
Au cours de ces dernières années, Agropur a aussi
consacré d'importantes ressources à la recherche et au
développement de nouveaux produits adaptés au goût des
consommateurs d'ici. Dans le secteur des produits frais, des fromages fins et
des spécialités, par exemple, nous offrons une trentaine de
produits dont le brie, le camembert, le forêt noire, le fromage d'Oka et
le Saint-André. De fait, Agropur est un des leaders de ce type de
production au Canada, avec environ 20 % du marché canadien.
Vous avez sans doute appris ce matin, par la voie des journaux,
qu'Agropur et Purdel ont décidé de fusionner leurs
activités de lait de consommation, dans une nouvelle entreprise connue
sous le nom de Natrel. Il s'agit là d'une nouvelle étape dans le
développement d'Agropur qui témoigne bien de sa capacité
à constamment s'adapter aux conditions changeantes de l'en- vironnement
commercial et du marché.
M. le Président, je crois sincèrement que les producteurs
laitiers sociétaires d'Agropur ont été et sont encore fort
bien servis par leur coopérative. Je crois aussi que l'ensemble de
l'économie québécoise a bénéficié
largement de l'action créatrice d'Agropur. Mais, en dépit de
cette réussite inconstestable, les sociétaires d'Agropur estiment
que l'action et le développement futur de leur coopérative se
trouvent gravement menacés par le projet de loi 15 qui vient consacrer
un système de mise en marché qui, déjà, nous
crée des torts et des préjudices importants depuis 1985.
Depuis l'instauration de ce système, Agropur a vu sa part
d'approvisionnement en lait de transformation diminuer de façon
inquiétante. En 1984-1985, les sociétaires d'Agropur ont produit
803 000 000 de litres de lait et les usines d'Agropur en ont transformé
918 000 000. En 1988-1989, nos sociétaires ont produit un total de 821
000 000 de litres, mais nos usines n'en ont reçu ou transformé
que 780 000 000. Ce déclin progressif de nos approvisionnements en lait
de transformation est une conséquence directe de l'actuel système
de réquisition de lait qui s'exerce au profit des entreprises non
coopératives et au détriment d'Agropur et de ses
sociétaires.
Pour les sociétaires d'Agropur, cette situation se traduit par
d'importantes pertes financières et surtout par un rendement moindre de
nos usines. Si on regarde la situation de l'ensemble des coopératives
laitières du Québec, les volumes réquisitionnés
annuellement sont passés de zéro à 212 000 000 de litres
au cours de cette même période, avec les résultats que la
part des coopératives dans la transformation du lait en pool II est
passée de 72 % en 1984-1985 à moins de 62 % aujourd'hui.
Voilà la réalité que nous observons depuis l'application
du nouveau système de mise en marché des produits laitiers qui
nous a été imposé par décision arbitrale de la
Régie.
M. le Président, si nous sommes pénalisés par le
système actuel, nous nous sentons carrément menacés par le
projet de loi 15 qui vient consacrer et renforcer dans le lait ce
système et qui, par-dessus le marché, confère encore plus
de pouvoirs à la Régie chargée de son application et de sa
surveillance.
Étant convaincu de la bonne foi du gouvernement dans ce dossier,
je suis certain, toutefois, qu'il sera possible de modifier ce projet de loi de
manière à permettre à Agropur de poursuivre sa mission
comme elle l'a si bien fait jusqu'à maintenant, tout en assurant aux
entreprises non coopératives un accès juste et équitable
à la ressource. A cette fin, je céderai maintenant la parole
à M. Claude Ménard, directeur général d'Agropur,
qui va vous exposer les amendements que nous proposons au projet de loi 15. Je
vous remercie.
M. Ménard (Claude): M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les membres de l'Assemblée nationale, mesdames,
messieurs, tout d'abord, j'aimerais vous exposer la thèse centrale qui
sous-tend notre mémoire et qui sert d'appui à bon nombre des
amendements que nous proposons. Dans notre mémoire, nous nous employons
à démontrer que le coopératisme représente, pour
les producteurs agricoles, un mode d'organisation d'avenir adapté aux
nouvelles conditions de l'environnement commercial et aux nouvelles
règles du marché qui sont en train d'émerger lentement,
mais sûrement.
Nous sommes en effet à même d'observer un certain nombre de
tendances qui se dessinent sur la scène laitière internationale.
Une de ces tendances a trait à la concentration croissante de
l'industrie. En Europe, par exemple, plus de 350 acquisitions d'entreprises
laitières ont été effectuées au cours des quatre
dernières années par les grands de l'industrie. Ces
géants, dont les plus connus sont Borden, Nestlé, Kraft, sont
appelés à jouer un rôle de plus en plus dominant sur les
marchés mondiaux.
Parallèlement à cette concentration de l'industrie, on
assiste à l'internationalisation sans cesse grandissante du commerce des
produits laitiers. D'autre part, avec le vent de libéralisation qui
souffle actuellement à travers le monde, un scénario fort
plausible et probable veut que l'agriculture devra un jour ou l'autre
emboîter le pas aux autres secteurs économiques et se soumettre
graduellement à la loi de l'offre et de la demande. Les
négociations du GATT qui ont présentement cours dans le cadre de
l'Uruguay Round représentent un pas dans cette direction.
L'industrie laitière pourrait aussi être amenée
à évoluer dans un contexte où les règles de mise en
marché seront assouplies et où le rôle des offices de
producteurs sera redéfini. À ce stade, force est de
reconnaître que ces tendances lourdes que je viens de décrire sont
étroitement liées entre elles et qu'elles ont un effet
synergique. De telles tendances lourdes entraîneront
inévitablement un ajustement structurel majeur de l'ensemble de la
filière laitière d'une ampleur comparable à celle des
grandes restructurations connues au début du siècle et dans la
période d'après-guerre. Dans une telle perspective de
concentration, de globalisation et de déréglementation des
marchés agricoles et à l'aube de la troisième grande
restructuration de l'industrie laitière, le mode d'organisation
coopératif nous apparaît comme étant plus pertinent que
jamais et même essentiel.
Parce qu'elles représentent une véritable force
économique contrôlée par les producteurs, les
coopératives sont en effet les plus aptes à assurer aux
producteurs des conditions de mise en marché adéquates et un
moyen efficace de défense et de promotion de leurs intérêts
économiques. Les coopératives ont eu à relever des
défis majeurs dans le passé et elles seront encore au rendez-vous
pour aider l'agriculture à traverser avec succès cette
période de grande turbulence qui s'annonce. Je tiens à souligner
ici que, dans la plupart des grands pays producteurs de lait, le modèle
coopératif demeure largement dominant et très vigoureux.
Aux États-Unis, la part des coopératives dans la mise en
marché du lait atteint 75 %. Aux Pays-Bas, cette part est de 90 %; au
Danemark, 88 %; en Allemagne, 79 %; en France, 52 %. Elle atteint 100 % en
Suède et en Norvège. Enfin, au Japon, les coopératives
sont responsables de 90 % de la mise en marché du lait. J'ajouterais que
les coopératives figurent en bonne place au palmarès de
l'industrie laitière mondiale et que plusieurs d'entre elles sont
très actives dans cette course à la concentration à
laquelle je faisais allusion tantôt.
Bref, nous croyons que les coopératives sont l'outil de mise en
marché le plus approprié pour assurer la pérennité
de l'activité des producteurs laitiers du Québec et le
développement futur de la filière laitière
québécoise. En ce sens, nous croyons que toute réforme du
système de mise en marché du lait doit prendre en
considération cette prémisse qui nous semble incontournable.
Or, nous sommes d'avis que le projet de loi 15, dans sa forme actuelle,
constitue plutôt une menace à l'action et au développement
futurs des coopératives laitières et d'Agropur en particulier. De
fait, la principale critique que nous formulons à l'égard de ce
projet de loi concerne le rôle dominant qui est attribué aux
offices de producteurs dans la mise en marché des produits agricoles et
alimentaires. Alors que la loi actuelle établit clairement que les plans
conjoints administrés par les offices de producteurs doivent être
un moyen supplétif au mode coopératif, le projet de loi 15
édicté que les plans conjoints sont désormais la voie
exclusive pour la mise en marché des produits agricoles et que tous les
producteurs y sont assujettis, qu'ils soient membres ou non d'une
coopérative. En d'autres mots, le projet de loi 15 oblige
désormais le producteur membre d'une coopérative à vendre
ses produits par l'intermédiaire d'un office de producteurs dans le
cadre d'un plan conjoint. Or, selon nous, il s'agit là d'un accroc au
fondement même du coopératisme tel que décrit dans la Loi
sur les coopératives. En effet, en vertu de son lien d'usage avec sa
coopérative, le producteur sociétaire doit livrer ses produits,
en l'occurrence le lait, à sa coopérative qui, elle, doit les
transformer et les vendre en son nom. Dans la même veine, le projet de
loi 15 assimile une coopérative à un acheteur de produits
agricoles, alors que, juridiquement, elle existe pour assurer la collecte, la
transformation et la mise en commun des produits agricoles de ses membres. De
plus, le projet de loi 15 investit les offices de producteurs de pouvoirs
accrus
empiétant sur ceux des coopératives. Par exemple, un
office voit renforcer sa juridiction sur le transport d'un produit visé
par le plan conjoint. Or, un des aspects importants du lien d'usage entre le
producteur et sa coopérative concerne, justement, le transport de la
matière première.
Une autre disposition du projet de loi, l'article 90, confère
théoriquement aux offices de producteurs des pouvoirs
discrétionnaires quant à l'usage d'une usine de transformation
d'une coopérative. Un office pourrait même s'immiscer dans les
opérations d'une coopérative. Bref, le projet de loi 15
subordonne les coopératives agricoles au plan conjoint alors que, de
tout temps, ces deux modes d'organisation ont été
complémentaires et parallèles.
Afin de rétablir les coopératives et Agropur dans leurs
droits et, surtout, pour ne pas gêner leur développement futur,
nous demandons au gouvernement de stipuler très clairement que la Loi
sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires a pour
objet de mettre à la disposition des producteurs un moyen
supplétif de mise en marché des produits agricoles. Elle ne doit
pas être interprétée ni appliquée de manière
à concurrencer le mode coopératif de production, de
transformation et de mise en marché des produits agricoles. Bref, rien,
dans la loi, ne devrait venir en conflit avec les engagements d'un producteur
vis-à-vis de sa coopérative.
Pour les sociétaires d'Agropur, le principe du lien d'usage est
important, mais, en pratique, ce qu'ils cherchent à défendre
d'abord et avant tout, c'est la possibilité réelle de leur
coopérative de s'approvisionner librement auprès de ses membres.
Comme l'a démontré M. Lemire, cette liberté
d'approvisionnement indispensable échappe déjà à
Agropur en vertu du système actuel.
L'essentiel de nos autres commentaires à l'égard du projet
15 porte sur les institutions, les pouvoirs et les mécanismes
créés en vue de la mise en marché des produits agricoles
et alimentaires. Un premier point concerne l'indépendance de la future
Régie des marchés agricoles et alimentaires en tant qu'organisme
exerçant des fonctions judiciaires. En effet, le projet de loi 15 est
loin d'assurer cette indispensable indépendance qui doit
caractériser tout tribunal. Selon nous, les régisseurs devraient
être nommés pour une période de temps fixe,
préféra-blement dix ans, et non pas pour une période
laissée à l'arbitraire du gouvernement, n'excédant pas
cinq ans, comme le stipule le projet de loi. En outre, il devrait être
explicitement établi que la destitution d'un régisseur ne peut
que se faire pour cause.
D'autre part, le projet de loi 15 ne prévoit aucun droit d'appel
à un autre palier juridictionnel et soustrait les décisions de la
Régie au contrôle des tribunaux de droit commun. En d'autres mots,
le justiciable insatisfait d'une décision de la Régie n'aura
absolument aucun recours. Cela nous semble inusité et inacceptable,
compte tenu du fait qu'au moins 37 autres lois québécoises
prévoient des appels, des décisions de toutes sortes de
régies, commissions ou tribunaux. Pour remédier à cette
lacune, nous recommandons très fortement de créer un droit
d'appel, à la Cour du Québec, des décisions de la
Régie.
Nous trouvons, par ailleurs, étonnant que cet organisme ne soit
pas tenu d'édicter des règles de régie interne et des
règles de procédure applicables à la conduite et à
l'instruction des affaires qui lui sont soumises. Une absence de telles
règles aurait pour conséquence de favoriser Pinforrnalité"
avec le danger que l'arbitraire, dans la conduite des fonctions quasi
judiciaires de la Régie, devienne une norme en tant que telle.
Enfin, nous avons également relevé des lacunes concernant
la transparence, particulièrement au niveau des offices de producteurs.
En effet, l'article 50 du projet de loi permet à un office de
producteurs de limiter, par règlement, l'accès à certains
documents qu'il détermine aux producteurs visés par le plan ou
aux membres de son conseil d'administration. Cette disposition nous semble
contraire à l'esprit de la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics. Selon nous, le projet de loi devrait préciser qu'un
office de producteurs est un organisme public pour les fins de la loi sur
l'accès. Cela nous semble d'autant plus nécessaire lorsqu'on
prend en considération les larges pouvoirs qui sont
conférés aux offices.
Voilà, je vous ai donné les grandes lignes de notre
mémoire, document de plus de 100 pages auquel nous avons consacré
beaucoup de temps et d'énergie, que nous avons rédigé dans
un but constructif et avec un esprit de franche collaboration. Je vous remercie
de votre attention et nous sommes maintenant prêts à
répondre aux questions. (16 h 45)
Le Président (M. Richard): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Pagé: M. le Président, je voudrais remercier le
président d'Agropur, M. Lemire, le directeur général et
les membres du conseil, les aviseurs, de leur visite cet après-midi.
Plusieurs points soulevés dans votre mémoire, qui, comme on le
sait, est très exhaustif, ont été lus avec beaucoup
d'intérêt, beaucoup d'attention chez nous. Si je me
réfère aux propos de M. le directeur général et de
M. le président, il n'y a pas grand-chose qui est bon dans la loi.
M. Lemire (Michel): Actuellement, je pense qu'on demande des
changements importants, quand même, à certaines clauses dans la
loi.
M. Pagé: À peu près toutes.
M. Lemire (Michel): Dans plusieurs, entre
autres.
M. Pagé: Je ne référerai pas à l'avis
qui a été signifié au Procureur général, il
y a quelques jours seulement, concernant la modification à la
requête de votre poursuite en Cour supérieure, parce qu'il n'est
pas de mon intention de commenter, sauf que je dois vous exprimer le fait que
j'ai été surpris, lorsque j'ai été saisi,
très récemment, seulement, du fait que la société,
la coopérative Agropur contestait et mettait en question
l'indépendance de la Régie par une modification à la
requête que vous avez déposée devant la Cour
supérieure. L'avis nous a été signifié,
effectivement, par le Procureur général, on en a
été saisi. Ouais! Selon vous, M. Lemire, les dispositions
actuelles risqueraient de causer un préjudice grave à long terme
à ce fleuron du milieu coopératif québécois qu'est
Agropur? 4500 sociétaires, au-delà de 800 000 000 $ de chiffres
d'affaires, un leader dans l'industrie, une entreprise qui a été
capable de faire face au défi des technologies, qui a
témoigné de dynamisme et qui a été, en quelque
sorte, un précurseur, dans certains secteurs; il suffit de se
référer à l'entente concernant le Yoplait, les yogourts,
etc., au début des années soixante-dix. D'ailleurs, on va
célébrer ça ensemble, allègrement, bientôt,
à l'été, si Dieu me prête vie...
M. Lemire (Michel): J'espère que vous allez être
là.
M. Pagé: ...et le premier ministre... Bien, vous aussi.
Ceci étant dit, vous ne trouvez pas que... Je trouve
exagéré votre commentaire à cet égard-là.
C'est une vision qui me semble un peu apocalyptique de l'avenir.
Écoutez, vous devez avoir davantage confiance dans vos moyens, dans
votre capacité de faire, dans vos marchés, la qualité de
vos produits, l'excellence et le haut degré de professionnalisme de vos
employés.
D'ailleurs, je dois vous féliciter - les briques ne sont pas trop
dures - comme ministre, pour la démarche annoncée hier, fusion ou
intégration des entreprises coopératives, pour le lait de
consommation, de Purdel et Agropur avec un partenaire privé qui restera
à déterminer. C'est très positif. Ce sont des
démarches additionnelles qui sont susceptibles de déboucher sur
des entreprises québécoises qui appartiennent aux producteurs,
aux productrices, pour devenir des "majors". Je vous félicite,
là-dessus. Je suis pleinement d'accord avec ça, pour plusieurs
motifs. Premièrement, vous allez arrêter de vous faire la guerre,
avec Purdel, sur le marché de Montréal. C'aura très
certainement comme impact d'augmenter la rentabilité et ça va
être moins dur de faire face aux assemblées
générales annuelles. Troisièmement, cependant, vous causez
un peu une brèche au principe - et là je ne veux pas être
méchant - si on se réfère au principe du lait du
producteur, du sociétaire à sa coopérative. Il y a quand
même pour 40 % ou 35 %, dépendamment de la structure
financière de la société à capital-actions,
là, il y a quand même 40 % du capital-actions qui va appartenir,
soit à la Caisse de dépôt... Vous avez
référé au mouvement Desjardins, etc. Sans vouloir
être méchant, ça me permet de dire qu'il y a quand
même 40 % du lait de vos sociétaires dans le lait de consommation
qui n'ira pas à la coopérative, mais qui ira bel et bien soit
à la Caisse de dépôt ou au mouvement Desjardins. Ça,
c'était la bonne nouvelle.
Vous avez réussi tout un tour de force: annoncer votre mariage
avec Purdel le matin et le divorce avec le Conseil de la coopération
laitière l'après-midi. Comment expliquer, là... Autant,
moi, je suis heureux que vous ayez décidé d'arrêter de vous
chicaner - c'est le vrai terme - pour pénétrer et contrôler
le marché de Montréal avec Purdel, autant j'étais surpris
lorsque j'ai reçu, effectivement, votre lettre, en date du 2 avril,
hier, disant: Nous nous devons de vous aviser - bon, etc. - que la
réunion du Conseil de la coopération a adopté unanimement
que nous n'y sommes plus. Ma question va être très directe: La
rupture de ban entre le Conseil de la coopération laitière du
Québec, où vous avez toujours joué un rôle
très actif, soit dit en passant, et la coopérative
laitière du Québec qui a le plus grand nombre de
sociétaires et le chiffre d'affaires le plus important - près de
1 000 000 000 $ - est-ce qu'elle s'appuie sur la structure de capital à
être mise en place comme suite de l'annonce de la restructuration et du
plan de rationalisation des entreprises de transformation? Est-ce que c'est
à cause de la structure de capital ou si c'est en raison du
problème laitier que nous connaissons actuellement? Parce que je sais
qu'il y avait une dynamique interne - je ne veux pas briser le secret interne -
sur la structure de capital, ce que vous ameniez comme apport
d'équité, d'actifs, comparativement au siège que vous
auriez eu au conseil d'administration de l'entreprise appelée à
gérer la nouvelle corporation. C'était ça le
problème, M. Lemire, surtout?
M. Lemire (Michel): Je ne sais pas si je peux dire un mot,
là.
M. Pagé: Ah oui, oui! Vous le pouvez. Écoutez, on
est ici pour vous écouter.
M. Lemire (Michel): À ce que j'ai cru comprendre vous avez
déjà posé six, sept questions, et puis là je ne
sais pas si je vais me les rappeler toutes. Vous avez commencé par
parler d'un rapprochement ou de ce qui a été annoncé dans
les journaux avec Agropur et Purdel. Je crois qu'on vous avait promis qu'un
jour on ferait de quoi là-dedans et la réponse est maintenant
arrivée, sauf qu'elle devait arriver le 20 février et, pour des
raisons de circonstances,
c'a été retardé un peu. Même, ça
devait arriver, au début, le 20 décembre et c'a été
reporté au 20 février. Alors, je voulais vous dire que ça
n'a aucun rapport avec la commission. C'avait à arriver là, mais
c'est arrivé là par hasard, comme ça. Vous avez dit aussi
que 40 % étaient donnés aux entreprises, pas aux entreprises mais
aux partenaires financiers, mais ce sont 30 %.
M. Pagé:30 %.
M. Lemire (Michel): Alors, vous avez semblé surpris, tout
à l'heure, de voir qu'on se trouve des partenaires financiers. Je dois
vous dire qu'en 1971 Agropur, lorsqu'on est entré dans le lait de
consommation, c'est le même processus qu'on a fait. On a
créé une compagnie qui appartenait à l'entreprise
coopérative et c'est dans ce sens-là que, maintenant aussi, c'est
fait. Natrel va appartenir à deux coopératives et on pense que
c'est une façon de développer le système coopératif
au Québec.
L'autre point que vous avez soulevé, que tout n'était pas
bien dans la loi autour des textes, je crois comprendre que le
législateur a donné deux modes de mise en marché aux
producteurs de lait: le système coopératif, qui date de
peut-être 50 ans, et le système des plans conjoints. Et nous, nous
avons tout le temps oeuvré au niveau du système
coopératif. C'est un mode de mise en marché et je crois que la
nature d'une entreprise, ça ne se négocie pas. Il y a
peut-être des modalités financières qui peuvent se
discuter, mais la nature d'une entreprise, à notre avis, ça ne se
négocie pas. En tant qu'administrateur d'entreprise qui
représente les producteurs, le sociétaire conclut un contrat avec
son entreprise. Il s'engage à lui livrer un volume. Quand vous
êtes administrateur d'une entreprise, ce sont ces choses-là qui
vous guident pour faire des investissements. Le matin qu'il y a des choses qui
viennent nuire au volume de lait dans lequel vous avez déjà des
investissements de faits, ça devient plus dur à administrer. On
pense que la nature, c'est le lien d'usage du sociétaire avec son
entreprise coopérative. Je n'ai rien contre les plans conjoints, mais on
a dit qu'il y avait deux modes de mise en marché au Québec.
Vous avez dit aussi que, la même journée qu'on a
annoncé le regroupement du lait de consommation dans deux entreprises
coopératives, on a annoncé aussi un divorce dans un autre. Ils
étaient assis à la table tout à l'heure, alors, vous
auriez pu leur demander. Mais nos représentants ont été
exclus du conseil et ils ont pris une décision sans qu'on soit assis
à la table. C'est clair que là-dessus je n'ai rien à
ajouter. Il faudrait leur demander.
M. Pagé: Oui, mais, M. Lemire, vous n'avez certainement
pas appris cette exclusion-là dans le journal.
M. Lemire (Michel): Non, nos représentants...
M. Pagé: Ça devait se préparer d'avance.
Quand on s'appelle Agropur, qu'on est un des intervenants majeurs du Conseil de
la coopération et qu'on a une tradition d'action au sein de ce conseil,
qu'on a une tradition aussi de la force de la voix d'Agropur au sein du
Conseil, on ne reçoit pas un avis d'éviction comme ça,
sans que ça ne se sente un peu à l'avance. Et vous vous parlez
avant les réunions et après les réunions. Je peux les
faire revenir et leur demander le motif, mais vous pouvez me le dire, on va
sauver du temps.
M. Lemire (Michel): Je pense que j'aimerais mieux que ce soit eux
qui vous le disent que moi, parce ce que je n'étais pas présent
à la réunion, ce sont nos représentants qui étaient
là.
M. Pagé: Est-ce que c'est à cause de la structure
de capital de la nouvelle corporation ou à cause des négociations
dans le lait?
M. Lemire (Michel): Nous, nous avons tout le temps annoncé
notre intérêt pour un regroupement dans le lait de
transformation.
M. Pagé: Oui.
M. Lemire (Michel): Et nous n'avons jamais annoncé que
nous ne serions pas d'accord pour faire le regroupement.
M. Pagé: O.K.
M. Lemire (Michel): J'ai tout le temps dit qu'Agropur
était prête à embarquer dans un regroupement, pas plus
qu'on est, comme on est.
M. Pagé: O.K.
M. Lemire (Michel): C'a tout le temps été notre
position et ça va être notre position demain, à moins que
les représentants d'Agropur, les sociétaires d'Agropur en
décident autrement. Parce que l'entreprise, ce n'est pas à moi,
c'est aux sociétaires chez nous. C'a tout le temps été
notre position.
M. Pagé: Donc, si on représente tel pourcentage
d'actifs, on doit avoir tel pourcentage de contrôle au niveau de la
gestion.
M. Lemire (Michel): Je pense que c'est peut-être
prématuré... Parce que les discussions n'ont pas
été si profondes que ça, je pense, à
l'intérieur, les discussions entre les entreprises dans le passé.
Mais nous, c'était notre position: on a demandé que les
entreprises soient évaluées selon leur valeur marchande et,
ensuite, on
discutera. S'il y a eu une dissension dans le passé,
récente, s'il y a un divorce, on ne sait même pas sur quoi.
Peut-être que M. Ménard a des choses à ajouter
là-dessus?
M. Pagé: Peut-être. Allez.
M. Ménard: En fait, je pense que, quant à la
question du regroupement, on est toujours d'accord sur le principe du
regroupement. On pense que c'est prématuré de décider,
à ce moment-ci, spécialement aujourd'hui, de tous les
détails quant au véhicule de regroupement et à toutes ses
modalités. Peut-être que des gens ont voulu entrer dans ce niveau
de détail et qu'Agropur voulait d'abord s'accorder sur les principes
avant de discuter des modalités.
M. Pagé: O.K. Les modalités étant le
contrôle, le pourcentage au niveau de la gestion, la
représentation, etc.
M. Ménard: Non, la forme même du regroupement.
M. Pagé: O.K.
M. Lemire (Michel): Plutôt qu'en parler publiquement, on
préfère faire les choses, c'est pour ça que vous avez vu
venir Natrel sans en entendre parler.
M. Pagé: Sauf que j'ai été très...
Comprenez que j'ai été surpris. Vous étiez toujours bras
dessus, bras dessous. Ça allait bien avec le Conseil de la
coopération et, tout à coup, on n'est plus là. À
vous entendre, vous auriez été avisé à peu
près en même temps que moi?
M. Lemire (Michel): Vous avez peut-être été
avisé avant nous.
M. Pagé: Ah, je ne pense pas, non. Je ne l'ai su que
très récemment.
M. Lemire (Michel): Ou du moins avant moi. (17 heures)
M. Pagé: Si c'est le cas... De toute façon, on aura
peut-être l'occasion d'y revenir - ce n'est pas le principal aujourd'hui
- mais, quand même, pour conclure sur ce point-là, si c'est le cas
que la scission s'est faite ou la rupture de ban s'est faite en raison des
problèmes au niveau du partage des actifs de chacun, ou du
contrôle, ou de la représentation au sein du Conseil
d'administration ou le pourcentage de capital-actions, etc., les loustics
auraient pu en conclure qu'Agropur était trop riche pour s'associer avec
les autres coopératives ou que les autres coopératives
étaient trop pauvres pour s'associer avec Agropur.
M. Lemire (Michel): Ou l'inverse.
M. Pagé: Pardon?
M. Lemire (Michel): Ou l'inverse.
M. Pagé: Revenons à l'inverse, oui! Dans votre
présentation - c'est tout à fait légitime - vous vous
êtes référé à des chiffres et vous avez dit:
C'est inacceptable que les producteurs, les sociétaires dans le pool II,
en 1988-1989, aient produit 825 851 401 litres de lait et qu'Agropur en ait
transformé uniquement 794 000 000 de litres. Je comprends que ce sont
des données confidentielles, mais c'est vous qui y faites
référence, ce n'est pas moi. Vous vous y êtes
référé tout à l'heure en disant que les
problèmes vécus avec la loi donnaient comme résultat que
le lait de vos sociétaires n'était pas complètement
transformé. Mais, pourquoi, M. le président, n'avez-vous pas
ajouté le pool I? Pourquoi?
M. Lemire (Michel): Alors, vous comprenez...
M. Pagé: Pourquoi n'avez-vous pas ajouté, entre
autres, le total qui est de 915 851 000 litres de lait produits par vos
sociétaires et 1 015 000 000 de litres transformés? C'est
beaucoup plus.
Vous allez certainement convenir avec moi que ce lait transformé,
ce lait de consommation que vous avez conditionné donne, comme
résultat net, 10 % de plus de lait transformé dans vos usines que
le lait de vos sociétaires, à quelques litres près; c'est
99 000 000 de litres.
Vous allez convenir avec moi qu'il y a un surplus de lait dans vos
entreprises, que vous avez eu plus de lait que le lait uniquement de vos
sociétaires. Et ça, vous le confirmez - et j'apprécie que
vous le confirmiez aujourd'hui - vous dites et vous venez confirmer que c'est
le résultat des ententes: c'est ce que vous dites.
M. Lemire (Michel): Est-ce que je peux dire un mot?
M. Pagé: Oui, oui. C'est ce que vous m'avez dit depuis le
début.
M. Lemire (Michel): Les chiffres qui sont dans le rapport que
j'ai donné, bien sûr, représentent le lait de
transformation ou le lait de pool II...
M. Pagé: Oui.
M. Lemire (Michel): ...qu'Agropur a eu. Nous nous sommes
accommodés, depuis 1979, des ententes intervenues entre les intervenants
qui étaient dans le domaine du lait à ce moment-là, mais
je dois quand même admettre que ça vient ni plus ni moins toucher
au mode de mise en marché coopératif, en ce sens que
c'était du lait,
ï ce moment-là, qui était acheté de la
fédéra-ion des producteurs de lait. ça venait toucher le
onds. m. ménard a sûrement de quoi à ajouter
à-dessus.
M. Ménard: En fait, depuis 1979, Agropur, somme les autres
coopératives, n'a pas opéré complètement sous le
mode coopératif et ça en îst la preuve. Il y a eu des
accommodations ou tes accommodements, comme l'a dit M. Lemire, sn 1979, et les
coopératives ont essayé d'en tirer e meilleur parti possible.
Maintenant, la position d'Agropur est de faire reconnaître le principe
coopératif, c'est-à-dire le lait de ses membres. Dn est
conscients de ce que vous mentionnez, M. e ministre, que, dans le moment, on
transforme plus de lait que le lait de nos sociétaires, mais, dans un
système où on a la liberté d'agir sous la forme
coopérative, on est prêts à prendre le risque et à
l'assumer.
M. Pagé: Oui, mais comment concilier cette situation de
fait? Dans les faits, vous avez plus que le lait de vos sociétaires.
Comment concilier cet état de fait avec la représentation de
droit que vous nous déposez? Vous dénoncez l'évolution de
la situation à cause de l'entente, alors que les ententes vous ont
été profitables.
M. Ménard: Vous avez parfaitement raison, M. le ministre,
quand vous dites qu'on transforme plus de lait que le lait de nos
sociétaires et on en est conscients. C'est une situation quand
même ponctuelle qui existe et qui ne s'appuie sur aucun principe. Ce
qu'on dit, c'est que nous sommes de nature coopérative et qu'on veut
suivre le principe coopératif selon la Loi sur les coopératives.
Si on l'appliquait, mathématiquement, demain, vous avez parfaitement
raison, on aurait moins de lait transformé qu'on en a eu dans notre
dernier exercice. Mais si, en même temps, on a la liberté de
recruter des membres qui veulent adhérer et qui croient au principe
coopératif, on est prêts à prendre ce risque-là.
C'est ce que nos membres veulent.
M. Pagé: Mais, ce disant, et je termine là-dessus,
vous confirmez qu'Agropur, comme les Coopératives laitières du
Québec mais particulièrement Agropur, n'a pas besoin des
dispositions et de l'application de l'article 2 pour sécuriser ses
approvisionnements.
M. Lemire (Michel): Mais non. M. Pagé: Bien
oui.
M. Lemire (Michel): Je crois que, dans l'article 2...
M. Pagé: Vous avez plus que ce que vos membres produisent.
Vous dites et vous me confirmez, comme les gens de la
Fédérée l'ont fait la semaine dernière, que cette
sécurité d'approvisionnement provient des ententes.
M. Lemire (Michel): Si je ne me trompe pas, même dans le
système actuel, une entreprise n'est pas privée de pouvoir
acheter du lait d'un autre. Ça veut donc dire que, n'importe quand, une
entreprise pourrait transformer plus de lait que celui de ses
sociétaires, même en en achetant d'autres. C'était vrai
aussi avant d'avoir les conventions en 1985. C'était vrai aussi qu'une
entreprise coopérative pouvait en vendre à une autre.
C'était vrai aussi, seulement que c'était nos gens qui en
fixaient le prix et c'était comme ça que ça fonctionnait
avant. Alors, de la matière première, les gens pouvaient en
avoir. C'est évident.
M. Pagé: Alors, qu'est-ce qui ne va pas?
M. Lemire (Michel): Qu'est-ce qui ne va pas? C'est qu'on veut
fonctionner selon le mode coopératif d'un bout à l'autre.
M. Pagé: Oui, mais...
M. Lemire (Michel): Si je ne me trompe pas...
M. Pagé: ...qu'est-ce qui vous empêche de...
M. Lemire (Michel): ...la loi...
M. Pagé: ...fonctionner sur le mode coopératif,
actuellement?
M. Lemire (Michel): ...de mise en marché, j'estime que
c'est le poumon d'une entreprise coopérative. Dans le passé, on a
enlevé un morceau à la fois du poumon et, actuellement, avec
l'article 2 tel que libellé, vous venez de lui enlever le restant. Il va
sûrement lui rester du sang dans les veines encore, mais, au niveau
modèle de transformation coopératif, ça va sûrement
être très affecté.
Le Président (M. Richard): M. le député
d'Arthabaska.
M. Lemire (Michel): Peut-être que M. Martineau a de quoi
à ajouter là-dessus.
M. Martineau (Yvon): M. le ministre, vous demandez comment
concilier les deux, la position qui est dans le mémoire avec ce qui
arrive dans votre projet de loi. Le projet de loi que vous établissez,
M. le ministre...
M. Pagé: Non, dans les faits. M. Martineau: Dans
les faits?
M. Pagé: Dans les faits; on parle des faits, de la
situation de fait.
M. Martineau: Les faits représentent une situation
ponctuelle. Qu'est-ce qui arrive exactement? C'est qu'on utilise deux modes de
mise en marché au Québec. Le mode de mise en marché
coopératif et le mode de mise en marché par le biais de plans
conjoints. Quand on impose une structure, M. le ministre, qui dit que tout va
être sous le régime des plans conjoints, ce que vous faites, c'est
que vous enlevez le mode coopératif de mise en marché. Il n'y a
rien qui empêche au mode coopératif de mise en marché
d'aller chercher ses membres, d'approvisionner ses usines, mais il n'y a rien
aussi qui empêche, à titre d'entreprise, que cette entreprise
s'adresse à l'autre mode de mise en marché pour aller
acquérir du lait et le transformer. On oublie que les deux
régimes, ce sont deux régimes de mode de mise en marché
qui doivent opérer selon les lois de la mise en marché, les lois
de l'offre et de la demande. L'entreprise coopérative obéit aux
lois du marché comme les entreprises qui achètent leur lait en
vertu des plans conjoints. C'est comme ça que c'est conciliable. Ce sont
deux modes de mise en marché et on oublie ces principes, cette nuance
très subtile. C'est que, quand on compare une entreprise comme une
compagnie pour acheter du lait, on oublie que c'est du producteur qu'on parle
quand on parle d'une coopérative. On parle du producteur, de
l'intérêt du producteur qui, lui, utilise un agent qui est sa
coopérative pour le mettre en marché, alors que la loi que vous
proposez va dire que c'est un office de producteurs qui va le faire pour lui.
Vous, avec votre formation juridique, M. le ministre, vous pouvez savoir qu'on
ne peut pas avoir deux mandataires pour faire la même chose.
M. Lemire (Michel): Peut-être que M. Côté
aimerait ajouter quelque chose...
Le Président (M. Richard): M. Côté a un
commentaire.
M. Lemire (Michel): ...là-dessus, s'il vous
plaît.
M. Côté (Daniel): Oui, j'aimerais revenir sur une
question qui m apparaît fondamentale dans ce projet de loi là et
c'est un aspect qui touche une dimension tout à fait centrale de ce
qu'on appelle une coopérative: c'est cette question-là du lien
d'usage. Lorsqu'une loi crée une espèce de mur qui vient
empêcher le propriétaire d'une entreprise, qui n'a pas qu'un
statut de propriétaire, mais qui a aussi un statut de
propriétaire-usager, il faut bien voir que la coopérative, c'est
une entité distincte, c'est une nature distincte. Et cette nature
distincte, elle se comprend quand on associe, à la fois, le statut de
propriétaire et le statut d'usager. Alors, quand une loi vient, à
toutes fins pratiques, ériger un mur entre le statut de
propriétaire et le statut d'usager, on modifie sensiblement la
réalité de ce type d'organisation là. Et je pense que la
loi actuelle crée un problème important dans la mesure où
elle vide la coopérative de sa substance. On a beau regarder les
coopératives et se dire que ce sont des forces économiques, ces
forces économiques là ne sont possibles que dans la mesure
où elles ont ce lien avec le propriétaire-usager. Et la minute
qu'on modifie le statut d'usager de ce propriétaire-là, on lui
enlève, à toutes fins pratiques, l'intérêt qu'il a
à rester membre de cette coopérative-là. Et c'est en ce
sens, je pense, que la coopérative est menacée par le
système actuel. On la vide graduellement de sa substance, ce qui ne veut
pas dire que cette entreprise-là, que ce soit Agropur, deviendra quelque
chose d'autre, ce qui ne veut pas dire que cette entreprise-là va
s'écrouler financièrement ou va s'écrouler au plan
économique.
Mais je pense que ce que la loi fait, c'est de modifier l'espèce
de code génétique qui est particulier à la formule
coopérative, et ça, ça m'apparaît fondamental.
Ça m'apparaît d'autant plus fondamental qu'on s'en va actuellement
vers des défis et, M. Ménard en a parlé tantôt, on
s'en va vers des défis qui risquent de modifier substantiellement la
façon dont la mise en marché des produits agricoles se fait, de
façon globale. Et c'est pour cette raison-là, je pense, que c'est
extrêmement important de ne pas, à cette période-ci, faire
en sorte que les coopéra-teurs perdent tout intérêt
à participer à leur coopérative. Les coopératives
ont besoin de ce sang-là qui leur est particulier et qui leur vient, en
fait, de la volonté des membres exprimée depuis au-delà de
100 ans. Ça fait au-delà de 100 ans qu'il y a des
coopératives laitières au Québec, et cette
volonté-là s'est continuellement exprimée. Et ce que les
lois font actuellement, c'est de modifier la structure d'incitation qui va
faire en sorte que, éventuellement, les producteurs agricoles, les
producteurs laitiers en particulier, ne vont plus avoir intérêt,
parce qu'ils n'ont plus l'usage de leur coopérative. Alors pourquoi
rester propriétaire d'une coopérative lorsqu'on n'en a plus
l'usage, à une période où la coopérative devient
tout à fait pertinente? Elle a toujours été pertinente et
elle va demeurer pertinente, compte tenu des défis qu'on a à
relever. Je pense que c'est sur cette notion-là de lien d'usage. Et
quand on comprend ce qu'est une coopérative, on comprend, a ce
moment-là, qu'est-ce que ça fait, qu'est-ce que ça a comme
impact sur cette entité particulière lorsqu'on vient triturer
cette dimension particulière qui caractérise la
coopérative.
Le Président (M. Richard): Merci, M Côté.
M. Pagé: Me Martineau, vous référiez,
tout
à l'heure, aux deux régimes: le plan conjoint et
l'appartenance du membre comme sociétaire à sa
coopérative. Vous semblez prendre pour acquis que ce sont deux
régimes exclusifs, alors que ce n'est pas ça.
M. Martineau: Ce ne sont pas deux régimes exclusifs...
M. Pagé: Ce sont deux régimes qui sont
complémentaires. On se retrouve dans la même situation que, par
exemple, dans le poulet, dans le porc. Les producteurs, dans le poulet, se sont
donné un plan conjoint, se sont donné des quotas, et rien
n'exclut que le producteur puisse, à partir d'une négociation
avec les abattoirs, acheminer le poulet, bon, etc.. Et si on appliquait ce
même principe que vous appliquez dans le lait, demain matin, les
abattoirs de la Fédérée n'auraient pas le même
volume d'abattage qu'ils ont, parce qu'ils manqueraient de poulets, premier
élément.
Deuxième élément, à ce compte-là, moi
je vais vous poser la question bien brutalement: Si les producteurs ne
considèrent pas, par la voix de leurs représentants, que ce sont
deux régimes complémentaires, pourquoi est-ce que le milieu de la
coopération, au Québec, n'a jamais demandé - parce que
vous représentez, au total, quoi, 9800 sociétaires, vos 9800
sociétaires sont, en fait, des producteurs laitiers membres de la
Fédération des producteurs laitiers du Québec -pourquoi
est-ce que vous n'avez pas demandé, en vertu de la Loi sur les
producteurs agricoles, l'accréditation pour les représenter et
exclure purement et simplement la Fédération des producteurs de
lait? Pourquoi? Parce que vos producteurs sont attachés à la
Fédération des producteurs de lait, comme ils sont conscients du
rôle éminemment important que vous jouez pour eux, sous un volet
non pas de représentation d'intérêts mais sous un volet
d'investissement, parce qu'ils ont investi dans leur coopérative. (17 h
1.5)
Et ça, ça s'est traduit depuis des années, et Me
Côté... Quand vous dites, M. Côté, que ça
existe depuis 100 ans, les coopératives, c'est vrai, mais c'était
bien différent. Cette loi-là a été écrite il
y a 26 ans. Probablement que le législateur n'aurait pas utilisé
le même libellé, aujourd'hui. À l'époque, on avait
des coopératives presque dans chacun de nos villages. On avait des
beurreries dans chacune de nos municipalités ou dans deux ou trois
municipalités. Et je réitère ce que je disais la semaine
dernière: La thématique du congrès de l'Ordre des
agronomes du Québec, tenu au Château Frontenac en 1950,
c'était syndicalisme agricole, coopératisme agricole,
dualité. C'est encore d'actualité aujourd'hui, soit dit en
passant. Mais là, ça a évolué depuis ce
temps-là. D'ailleurs, on n'a plus des petites beurreries par village,
avec toutes les acquisitions d'Agropur et les acquisitions de
Purdel et les acquisitions même du milieu... des membres du
Conseil de l'industrie laitière. La sensibilité sur les racines
et l'obligation d'être présents en région ou dans chacun
des villages, je pense que ça fait longtemps que ça a pris le
bord, ça. Je pense que mon collègue, le député de
Berthier, en est bien conscient, soit dit en passant, et il y a d'autres
députés qui en sont conscients aussi. Alors, le libelle de
l'article 2, il faut le lire en fonction d'un contexte qui était
là en 1956. Il faut tenter de le réécrire en fonction de
la situation d'aujourd'hui, sauf que tout le monde est unanime à dire
qu'il faut le modifier. On retient ça. On a tous les motifs de croire -
et là je ne vous dis pas comment il va être écrit - qu'on
va être obligés de le modifier. Tout le monde veut le voir
modifier, même mon collègue. Ceci étant dit, je termine en
vous remerciant et en passant la parole à mon collègue. C'est
avec beaucoup d'intérêt qu'on va suivre ses questions et, surtout,
vos réponses.
Le Président (M. Richard): J'ai l'impression que vous
voulez réagir, M. Lemire.
M. Lemire (Michel): Oui, surtout qu'il a ajouté le mot
"beurre". Ça m'a... Je comprends qu'on est ici pour parler du projet de
loi 15. Ça, je le comprends. C'est parce que vous avez ajouté le
mot "beurre". Agropur produit seulement 9 % du beurre au Canada en
détenant 16 % des contingentements laitiers du Canada. Alors, je ne
pense pas que ce soit vraiment Agropur qui fait des montagnes de beurre, comme
on le laisse croire souvent. Vous avez parié aussi de région. On
a déjà dit qu'on était d'accord pour tâcher de
protéger les régions, mais je crois aussi qu'on doit
considérer le centre du Québec comme une région.
Ça, c'est clair comme c'est fondamental. Et je demanderais
peut-être à M. Ménard de dire quel montant a
été investi en région. Je pense qu'on a été
l'entreprise qui a investi le plus, en région, au cours des cinq
dernières années.
M. Ménard: Je veux dire, dans une région
particulière, on a investi... le plus gros investisseur avec des
montants de l'ordre de 5 000 000 $, le plus gros employeur, le plus gros
investisseur. Évidemment, c'est une région éloignée
en dehors des grands centres. Et comme M. Lemire l'a dit, ce qu'on veut, c'est
que le centre du Québec soit aussi une région.
Le Président (M. Richard): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de
saluer les représentants de la coopérative Agropur et leurs
nombreux supporteurs, sociétaires sans doute. Je suis également
heureux de constater que je suis élu à l'Assemblée
nationale dans un comté qui fait partie d'une région. Si ma
mémoire est bonne, c'est la
deuxième plus grosse région où Agropur a des
sociétaires ou a ses sociétaires. Donc, personne ne doute de
l'envergure qu'Agropur a prise avec les années. Plusieurs s'en
réjouissent évidemment. Mais, tout à l'heure... Je vous
écoute religieusement et je suis étonné d'entendre, de vos
propres représentants, que le projet de loi 15, tel qu'il est
stipulé, menace la survie d'Agropur. Ça, je suis
complètement dépassé, à moins que je ne comprenne
rien dans l'affaire. Je ne comprends pas sur quoi vous vous basez... Avec
toutes les acquisitions que vous avez faites, avec le développement que
vous avez fait, que vous avez réalisé, vous mettez toute
l'emphase sur ce projet de loi 15 pour menacer la survie de votre
coopérative et, en même temps, vous... En tout cas, ça
passe en priorité et vous évitez de parler d'autres situations,
d'autres contextes qui, selon moi, sont beaucoup plus menaçants pour la
coopérative Agropur et pour d'autres. Et c'est le contexte du
libre-échange, des négociations du GATT... sans savoir comment
ça va finir. On a un bon doute, en tout cas. Et ça, vous
escamotez ça. Vous mettez tout l'intérêt sur le danger que
le projet de loi 15 représente pour le développement de la
coopérative. Vous avez même dit, tout à l'heure, que vous
vous êtes déjà fait arracher un poumon et, là, vous
allez perdre l'autre. Il va vous rester rien que le sang et j'ose
espérer qu'il va y avoir un coeur encore toujours pour faire circuler ce
sang-là. Êtes-vous capable de m'expliquer sur quoi... Comment
comprendre ça, le fait que vous êtes menacés, qu'Agropur
est menacée? Moi, je ne comprends rien là-dedans.
M. Lemire (Michel): Remarquez bien que je ne suis pas
avocat...
M. Baril: Moi non plus, ça fait qu'on va peut-être
bien s'entendre mieux.
M. Lemire (Michel): ...mais la loi 15... Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Lemire (Michel): Le projet de loi 15, à ce que je
comprends, consacre des modes de mise en marché. Vous dites que vous ne
comprenez pas qu'Agropur devrait disparaître. C'est le mode de mise en
marché coopératif qui, actuellement, est discuté dans la
loi 15, à moins que je ne fasse erreur. Alors, ce n'est pas l'entreprise
même. L'entreprise, si le législateur en décide autrement,
je pense bien qu'elle aura à réviser ses positions. Mais c'est le
mode de mise en marché. Actuellement, il y a deux modes de mise en
marché au Québec: le mode de mise en marché
coopératif et le mode de mise en marché par les plans conjoints.
Que je sache, les deux organismes de mise en marché relèvent de
deux lois. Les plans conjoints vivent de profitabilité, non pas de
profitabilité, de cotisations et les entreprises économiques
vivent de profitabilité. Actuellement, on estime qu'il manque un certain
équilibre entre les deux lois pour leur permettre de fonctionner dans
leur système respectif. Je ne dis pas que les plans conjoints sont de
trop, ce n'est pas ça que je dis. J'espère que je suis bien
interprété. Les coopératives relèvent d'une loi et,
actuellement, ce n'est pas concordant, je crois. Vous vous demandez ce qu'on
entend au GATT, etc. J'aimerais peut-être que M. Côté ajoute
sur ce qui se passe actuellement, en Angleterre, où les plans conjoints
ont été très populaires, il y a quelques
années.
Le Président (M. Richard): M. Côté.
M. Côté (Daniel): Oui. Si vous prenez la peine de
lire ce qui se passe un petit peu en Europe actuellement, dans une version tout
à fait récente de la revue The Economist, on faisait
mention d'une décision prise par le ministre de l'Agriculture en rapport
avec les plans conjoints, le système de plans conjoints qui existe en
Angleterre, et cette décision-là, en fait... Bon, ils ne sont pas
rendus au stade de la décision, ils sont en train de revoir la chose.
Mais ce que le ministre de l'Agriculture dit par rapport aux plans conjoints,
le Milk Marketing Board là-bas, d'une part, il commence par proclamer
l'inefficacité du plan conjoint au niveau de la mise en marché.
Vous pourrez trouver ça dans l'article. Ce qui m'apparaît plus
important par rapport à ça, et c'est là que la question du
GATT est tout à fait fondamentale - et on pourra faire le lien
tantôt avec le lien d'usage, M. Baril, si le temps nous le permet - le
ministre de l'Agriculture dit: Nous devons revoir le système de plans
conjoints. Ce qui m'apparaît fondamental là-dedans, c'est que ce
soit le ministre de l'Agriculture qui ait le pouvoir de revoir le plan
conjoint. Dans une coopérative, lorsque les règles sont permises,
c'est-à-dire lorsque le statut de propriétaire-usager est... on
lui permet de se réaliser, on permet au producteur de maintenir le lien
avec la coopérative, c'est le producteur agricole qui a le dernier mot
sur ce qui se passe avec sa coopérative. Dans le cas du plan conjoint -
et c'est pour ça que le cas anglais est important, compte tenu du
débat qu'on a ici - c'est le ministre de l'Agriculture qui, ultimement,
décide de modifier ce qui se passe au niveau du plan conjoint. Il faut
bien comprendre que le plan conjoint, c'est un... Le pouvoir ultime du plan
conjoint, c'est un pouvoir politique qui, lui, est délégué
par le Parlement. Et c'est ce qui se passe en Angleterre. Le risque qu'on court
actuellement, et je refais le lien avec la GATT, c'est le vent de
réforme qui souffle actuellement à l'échelle
internationale, le vent de réforme qui risque d'amener des modifications
profondes au niveau des politiques agricoles telles qu'on les connaît au
Canada. Et je ne pense pas qu'il y ait personne ici qui puisse dire, que ce
soit
demain matin, que ce soit dans 5 ans ou que ce soit dans 10 ans, qu'il
n'y aura pas de modifications substantielles d'apportées à la
mise en marché par le biais d'un office de producteurs. Il n'y a
personne qui peut garantir que ça ne se fera pas. Et, si ça se
fait, les producteurs agricoles, dont les producteurs qui sont membres
d'Agropur, ces gens-là vont être littéralement
laissés à eux-mêmes face à un marché qui va,
lui, se globaliser et s'internationaliser. Je pense que c'est ça qui est
le risque actuellement. C'est, d'une part, des pressions externes au niveau
international, des pressions qui viennent à la fois du GATT, compte tenu
du vent de libéralisme qui souffle au niveau du GATT et de la
modification éventuelle qui pourrait être imposée au pays
qui veut maintenir un accord avec le GATT. Il y a ça qui risque de venir
modifier sensiblement les politiques agricoles telles qu'on les connaît
au Québec et au Canada depuis quasiment 50 ans maintenant.
D'autre part, on assiste à la restructuration de l'industrie
laitière à l'échelle internationale. Je pense que ce sont
deux tendances fondamentales: une qui est en train de reconstruire la maison
à l'intérieur: globalisation de l'industrie et création,
émergence de grands joueurs à l'échelle internationale
qui, demain matin, vont avoir le pouvoir d'intervenir sur la plupart des
marchés. D'autre part, le risque qu'on voit que ces
marchés-là s'ouvrent, compte tenu de ce qui se passe au niveau du
GATT. Ça, ça m'apparaît fondamental. C'est ce qui me fait
dire, en fait, que le lien d'usage et le maintien du statut coopératif
sont tout à fait fondamentaux pour assurer aux producteurs laitiers un
intermédiaire privilégié avec le marché. Ça,
c'est la coopérative. C'est le seul outil que le producteur
contrôle véritablement, de par son statut de
propriétaire.
Le plan conjoint, ce n'est qu'un droit qu'on lui accorde qui vient du
Parlement. Le jour où le ministre de l'Agriculture va décider
qu'il se conforme à ce qui se passe au niveau du GATT, le jour où
le ministre de l'Agriculture - et je ne parle pas de vous, je parle du ministre
de l'Agriculture à Ottawa, parce que c'est à ce niveau-là
que ça va se passer - si jamais ça se faisait... Pendant que vous
étiez absent, je faisais référence à ce qui se
passait en Angleterre, actuellement, où le ministre de l'Agriculture a
décidé de revoir en profondeur le système de mise en
marché qui est constitué autour d'un Milk Marketing Board. Moi,
ce que ça me fait dire, en fait, c'est que c'est possible qu'un ministre
de l'Agriculture, quelque part, décide de modifier les règles du
jeu de façon substantielle. À ce moment-là, les
producteurs agricoles, et les producteurs laitiers en particulier, seront aux
prises avec ce qu'ils auront comme outils économiques à leur
disposition pour médiatiser ce lien-là avec le marché.
À mon sens, ce sont les coopératives qui sont le mieux
placées actuelle- ment pour garantir aux producteurs laitiers un lien
privilégié avec le marché.
Je pense que c'est une dimension fondamentale du projet de loi et du
contexte dans lequel le projet de loi doit se discuter.
Le Président (M. Richard): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril: Oui. Tout à l'heure, ce que vous avez dit - je
ne me souviens pas de votre nom - ce que vous venez de dire, je l'ai
répété déjà: C'est vrai que le
système coopératif appartient aux Québécois et on
peut difficilement nous l'acheter ou l'acquérir. Je l'ai dit. Ça
fait deux ou trois fois que je le dis durant cette commission, et je pense que
tout le monde est conscient de ça. Je reviens à ce que M. Lemire
disait tout à l'heure. Vous disiez que, dans le système
économique que l'on vit, il faut avoir une entreprise - on va essayer
d'utiliser vos termes - de profitabilité. Par contre, si on regarde, je
vais dire, la raison ou le statut social d'une coopérative, ce n'est pas
de faire des profits, c'est un outil que les producteurs se donnent ensemble
pour mettre en marché leurs produits d'une façon plus profitable
ou plus rentable ou je ne sais pas quoi. Donc, ce n'est pas uniquement pour
dire... Il ne faut pas être là pour viser des profits. On n'est
pas une multinationale. C'est pour ça que, quand on regarde la structure
actuellement, c'est évident que les producteurs qui sont
rattachés, qui ont parlé du lien d'appartenance... Ils l'ont, ce
lien d'appartenance avec une coopérative. Ils y tiennent à ces
coopératives. Mais, actuellement, les agriculteurs ont utilisé un
autre outil que la loi sur la mise en marché leur permettait, qui
s'appelle les plans conjoints. Ils se sont donné de signer des ententes
avec différents partenaires pour avoir un meilleur prix. Je ne veux pas
interpréter la position des coopérateurs, mais il me semble
actuellement que les coopérateurs qui sont membres de la
Fédération des producteurs de lait, dans la situation actuelle,
se sont donné un plan conjoint et ils trouvent que cet outil, dans le
contexte actuel, je dis bien, est plus bénéfique pour eux que -
je ne dis pas la formule coopérative - ce que la formule
coopérative peut leur apporter.
(17 h 30)
Ça, ça se sent, ça se voit dans les
assemblées générales actuellement, dans la position que
les coopératives avaient prise de ne pas s'asseoir à la table et
de ne plus vouloir négocier. Vous vous l'êtes fait dire à
presque toutes les assemblées: Allez, on est tannés de ces
chicanes, parce que ce sont les mêmes producteurs et on est membres de
notre coopérative, on est membres de notre fédération et
on s'obstine entre nous autres. Ça n'a pas de bon sens. Allez vous
asseoir, puis négociez. Boni Les producteurs sont prêts à
garder ce lien d'appartenance, mais
comment voyez-vous ça pour remédier au problème si,
actuellement, on dit: C'est le membre qui décide, autant au niveau de la
coopérative qu'au niveau du plan conjoint? C'est le même membre
qui décide des deux. Puis là, il trouve son compte actuellement
à un. Comment concilier ça?
M. Lemire (Michel): Je veux revenir au début. Vous avez
dit: Les entreprises coopératives ne devraient pas être des
entreprises à profitabilité. Vous avez probablement raison parce
que, dans la loi, on dit que c'est un trop-perçu. Je pourrais
peut-être dire la même chose.
M. Baril: Mais qui est remboursé aux sociétaires,
retourné.
M. Lemire (Michel): En somme, qui appartient aux
propriétaires. Ils en font ce qu'ils veulent. Mais, que je sache, les
entreprises qui ne font pas de profit ont quand même de la misère
à vivre. Je pense que c'est clair. Vous dites que les sociétaires
ne veulent pas perdre leur entreprise. Justement, actuellement, dans l'article
2, on pense qu'ils en perdent encore une partie, parce qu'on le consacre
vraiment aux plans conjoints. Mais quand les plans conjoints ont
été votés, à moins que je ne fasse erreur, les
producteurs ont été consultés, si je ne me trompe, avec le
plan conjoint dans lequel il y avait un règlement à l'article 2
où on disait qu'un plan conjoint était un moyen supplétif.
C'est sur ça, je pense, que les producteurs ont voté, dans le
temps, un plan conjoint. Actuellement, je pense qu'il y a autre chose qui se
passe. Je comprends ça aussi, à moins que je ne fasse erreur.
Je pense que c'est important, ces choses-là. Est-ce que je suis
correct là-dessus? Est-ce qu'on s'accorde là-dessus, Jacques?
M. Baril: Je vous écoute.
M. Lemire (Michel): Alors, vous dites que les sociétaires
de coopératives ne disent pas à leurs dirigeants les bonnes
choses? Est-ce ça que vous dites?
M. Baril: Non, non, j'ai dit...
M. Lemire (Michel): Parce que j'étais pour vous inviter
à la prochaine assemblée générale d'Agropur.
M. Baril: Ah! Il me fera plaisir d'y assister, M. le
président. Je vous ai simplement dit que dans les assemblées
générales qui se sont tenues dernièrement par secteurs, je
ne dis pas l'ensemble, mais la majorité semble vouloir dire à
leurs représentants des coopératives: Allez vous asseoir à
la table et négociez avec les autres représentants qui sont
là, parce qu'on a une formule qui est là, qu'ils semblent vouloir
garder puisque, dans le contexte qu'on vit, elle semble plus profitable pour
les mêmes producteurs. Mais ça ne veut pas dire qu'ils veulent
jeter leur coopérative à terre, mais pourquoi, au temps où
on est rendus, le producteur est à faire un choix comme il semble le
faire actuellement?
M. Lemire (Michel): Parce qu'on lui a accordé la
possibilité de choisir entre 100 $ et 110 $ et il dit: Je veux avoir 110
$. C'est peut-être pour ça. Il veut avoir les deux montants
d'argent, il n'en choisit pas un. Quand vous donnez le choix, H dit qu'il prend
les deux. Alors, j'ai assisté à une assemblée, comme vous
dites, de la Fédération des producteurs de lait, et, c'est
drôle, ce ne sont pas les mêmes choses que j'ai entendues à
la Fédération de Nicolet.
M. Baril: Pourquoi dites-vous que vous faites faire un choix au
producteur: Choisis-tu 100 $ ou 110 $? Pourquoi l'un est-il rendu à 110
$ et l'autre est resté à 100 $?
M. Lemire (Michel): Parce qu'il peut peut-être penser
qu'avant c'était 100 $ du côté coopératif et 110 $
du côté du plan conjoint et, maintenant, vous le virez de bord, il
veut avoir les deux parce qu'il est membre des deux. Un est membre obligatoire
et l'autre est membre parce qu'il a bien voulu adhérer librement.
M. Baril: En parlant de nombre de membres, avez-vous des
chiffres? Depuis 20 ans, quel est votre "membership"? Est-ce qu'il a
augmenté? Est-ce qu'il s'est maintenu? A-t-il diminué? C'est
quoi, en chiffres?
M. Lemire (Michel): On est venus à 9000 membres et on a
baissé, si je ne me trompe pas, à autour de 4900 actuellement,
avec le même volume de lait reçu de la part des
sociétaires, mais c'est parce que la production par ferme a
augmenté.
M. Baril: Oui, mais en pourcentage face aux autres producteurs,
parce que l'ensemble des producteurs a diminué aussi... Vous n'avez pas
un pourcentage?
M. Lemire (Michel): On parle de 15 500 producteurs
peut-être, 16 000 maximum au total au Québec.
M. Baril: Ouais, mais je parle d'avant, d'il y a 20 ans, il y
avait plus de 15 000. C'est pour ça que c'est difficile de parler en
chiffres, ça peut même fausser les débats. C'est
plutôt en pourcentage.
M. Lemire (Michel): C'était à 22 000, 23 000, un
bout de temps.
M. Baril: De toute façon... Vous dites que c'est vrai
qu'un producteur peut adhérer librement à sa coopérative.
Agropur, à un moment donné, a arrêté ça, a
limité ça. Depuis quand est-ce que ça a été
arrêté, ça, quelqu'un qui voulait adhérer à
Agropur?
M. Lemire (Michel): M. Ménard vous a expliqué que,
lors des ententes en 1979, ça faisait un accroc au mode
coopératif. Et nous avons ouvert le "membership" au mois de mars - la
décision a été prise le 26 février - ...
M. Baril: Dans la loi...
M. Lemire (Michel): ...à tout producteur de lait au
Québec.
M. Baril: Comment?
M. Lemire (Michel): À tout producteur de lait qui demeure
ou qui peut livrer du lait dans nos usines au Québec.
M. Baril: Dans le projet de loi... Ne trouvez-vous pas que c'est
contradictoire? Puis ça, ce n'est pas dans le projet de loi 15, mais
dans la Loi sur la mise en marché. La Loi sur la mise en marché
donne le pouvoir aux offices de producteurs de se donner des outils qu'on
appelle le plan conjoint. Puis, en même temps, vous avez la même
loi qui dit, par le biais de l'article 2, que les outils qu'on donne à
un ne doivent pas nuire à l'autre, les coopératives, entre
autres. Ne trouvez-vous pas que c'est contradictoire? Parce que c'est le
même producteur. On donne le droit au même producteur. On dit: On
te donne un outil que tu puisses mieux en profiter, pour que tu puisses mieux
vivre. Et en même temps, dans la même loi, on dit au même
producteur. Bien là, par contre, il ne faut pas que ça nuise
à l'autre.
M. Lemire (Michel): Comme je vous l'ai expliqué tout
à l'heure, il y a deux modes de mise en marché au Québec.
On estime actuellement qu'il y a un manque d'équilibre entre les deux,
à savoir où un commence et où il finit, et où
l'autre commence et où il finit. Tant et aussi longtemps qu'on donnera
droit à un, ni plus ni moins, d'avoir droit de survie sur l'autre,
automatiquement, vous allez tout le temps avoir ce qu'on vit actuellement au
Québec.
M. Baril: Mais, vous autres vous...
M. Lemire (Michel): Je vais demander à Me Martineau de
compléter.
M. Baril: Oui.
M. Martineau: M. le député d'Arthabaska, je
comprends la difficulté de voir pourquoi une coopérative grosse
entreprise pourrait tomber.
Mais Campeau était très gros puis il est tombé. Ce
n'est pas de l'argument de l'entreprise que l'on parle, ici. On parle de quoi
est fait une coopérative. Elle est faite essentiellement de producteurs
qui ont découvert qu'ils veulent utiliser un mode de mise en
marché, un outil économique pour aller sur le marché. La
journée où vous imposerez aux producteurs d'utiliser un autre
mode de mise en marché, vous serez, à ce moment-là, devant
une situation où le producteur n'aurait plus aucun intérêt
à alimenter sa coopérative. D'où, à plus ou moins
brève échéance, la disparition de ces coopératives.
On oublie que ça, c'est fondamental.
M. le ministre m'a dit: Qu'est-ce qui arrive? Est-ce que l'un est
exclusif de l'autre? Ça n'empêche pas aux deux modes de mise en
marché de se mettre autour de la même table pour décider
comment le lait va se commercialiser dans un territoire donné. Ce qu'on
ne veut pas, c'est que par cette loi vous imposiez à tous les
producteurs un mode de mise en marché. Quand le mode de mise en
marché a été implanté par le biais des plans
conjoints, il était supplétif. Et c'était comme ça
que ça été présenté aux producteurs. Il y
avait le mode coopératif de mise en marché et il y avait le mode
des plans conjoints, qui était aussi une solution.
Aujourd'hui, avec la libéralisation des marchés... Comme
M. le ministre l'a dit, à Agropur, ce sont des professionnels. Alors,
les professionnels anticipent peut-être mieux l'avenir. On voit que la
libéralisation des marchés va peut-être signifier que les
plans conjoints ne seront plus là. Et quel outil économique
auront les producteurs, à ce moment-là, sinon les
coopératives? Ça va être leur propre moyen de production et
de mise en marché. C'est la raison pour laquelle on demande ici au
législateur de maintenir le régime coopératif. Et, s'il
implante une loi, s'il instaure une loi, il ne faut pas qu'en le faisant, il
élimine l'autre mode de mise en marché, parce que vous iriez
contre la loi même du législateur qui est la Loi sur les
coopératives.
La Loi sur les coopératives oblige les coopératives
à agir pour le compte de leurs membres. En adoptant le projet de loi 15,
vous dites: Le producteur doit agir par l'office des producteurs. Vous
êtes contradictoire. Alors, c'est pour cette raison qu'on s'adresse ici.
Et si le Conseil de l'industrie laitière mentionne qu'il veut que les
règles de la loi de mise en marché, les règles de l'offre
et de la demande fonctionnent, je pense qu'il se peut qu'il y ait des
coopératives qui meurent parce qu'elles n'auront pas défendu
correctement leur position sur le marché, comme une entreprise dans le
Conseil de l'industrie laitière.
Ça n'a rien à voir avec les institutions et les modes,
mais ça a à voir avec les hommes qui les administrent.
M. Baril: Vous avez, dans d'autres secteurs,
des mouvements coopératifs où il n'y a pas cet article
dans la loi ni pour les protéger ni prévoir rien. Ils sont libres
de fonctionner comme bon leur semble, et ils se développent à
mort. Je fais référence aux caisses populaires. Il y a toutes
sortes d'institutions financières. Il y a d'autres banques, il y a
peut-être je ne sais combien de sortes, 10 ou 15 sortes de banques, de
compagnies, qui sont sur le marché. Et la compétition est
là. Pourquoi les caisses populaires se sont-elles
développées? Parce qu'elles ont toujours eu un dynamisme
extraordinaire et elles ont répondu aux besoins de leurs
sociétaires par toutes sortes de formules.
M. Martineau: Vous avez absolument raison, M. le
député. Mais la Loi sur les banques est une loi
fédérale, et la loi provinciale qui permet le mouvement
Desjardins a permis au mode coopératif d'avoir un mouvement financier de
l'importance dont on parle et c'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, vous
voyez une coopérative de l'ampleur et de l'envergure que nous avons ici.
Je ne voudrais pas, à tout le moins comme avocat, que le
législateur élimine le processus de mise en marché par le
mode coopératif. Ça irait contre l'intérêt
même des producteurs, à long terme.
M. Baril: II n'y a pas juste les banques, écoutez, qui
sont de charte fédérale, comme vous dites. Il y a d'autres
institutions financières, au Québec, qui ont des chartes
québécoises.
M. Martineau: Ce sont des compagnies, être actionnaire,
c'est différent d'être sociétaire d'une coopérative,
M. le député.
M. Baril: Les sociétés d'entraide
économique.
M. Martineau: C'est un mode de coopération qui a connu des
difficultés et qui a subi les lois du marché.
M. Baril: Bon, en tous les cas... Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Baril: Vous comprendrez que... Il est facile de vous dire que
vous ne m'avez pas convaincu, de toute façon, de la
nécessité, de l'importance, comprenez-vous - en tout cas, c'est
une opinion bien personnelle, de ce côté-ci de la table - de
garder l'article 2 tel qu'il est là; en fait, non seulement comme il est
là, mais de le renforcer, en plus. Je l'ai dit, lors de mon intervention
d'ouverture de cette commission, que, pour nous, l'article 2 a
créé une situation imprécise depuis qu'il est là et
qu'il a entraîné un paquet de chicanes. Dans certains cas - j'en
suis convaincu, pour en avoir discuté avec plusieurs personnes - il a
même nui au dévelop- pement de certaines coopératives, pour
toutes sortes de raisons. Elles se sentaient protégées, en ce qui
concerne l'approvisionnement, par cet article, et elles n'ont pas
diversifié leurs productions. Là, je ne veux pas que vous vous
sentiez touchés par ça, parce que vous êtes la
coopérative qui s'est le plus diversifiée. C'est pour ça
que je vous dis qu'ici, il ne faut pas regarder uniquement une entreprise; il
faut regarder l'ensemble des entreprises. À cet effet, on va continuer
à entendre d'autres intervenants pour, peut-être, se faire
convaincre davantage. Je vous remercie d'être venu présenter vos
mémoires.
Le Président (M. Richard): M. Lemire.
M. Lemire (Michel): Je ne sais pas quoi ajouter à
l'endroit de M. Baril, mais on voulait tout simplement dire, en terminant,
qu'on pense que les droits d'un groupe collectif doivent être aussi
grands que les groupes d'individus. C'est ça qu'on voulait dire.
Le Président (M. Richard): Merci. M. le ministre,
avez-vous un commentaire final?
M. Pagé: M. Houde...
Le Président (M. Richard): Excusez, M. le
député de Berthier, M. Houde, vous avez la parole.
M. Houde: II y a une question que je me pose, parce que je l'ai
vécu chez moi, dans ma région. Vous prônez, vous
défendez le développement régional. Alors, comment se
fait-il que vous ayez acheté nos coopératives dans ma
région, Lanaudière, - pas moins de quatre - et que, par la suite,
vous les ayez fermées? C'étaient, pour la majorité, des
gens qui étaient pour Agropur. Est-ce que vous avez la même
intention, avec la fusion que vous avez faite, hier, avec Purdel, d'en fermer
d'autres, comme vous l'avez fait dans ma région à moi, chez
nous?
M. Lemire (Michel): À ce moment-là, quand vous
parlez des entreprises qu'il y avait dans votre région... Il y a eu un
projet de bâtir une usine qui, je crois, a coûté tout
près de 35 000 000 $; on n'avait pas, je pense, les moyens de mettre 35
000 000 $ à chaque région. Sachant très bien que le
secteur dans lequel vous oeuvriez - je crois qu'il a été question
de ça, dans le temps - c'était quand même celui du lait...
C'était proche de Montréal, ça devait alimenter en lait de
consommation. Et l'usine était de lait de transformation, je crois.
M. Houde: II y avait Joliette, il y avait
Saint-Gabriel-de-Brandon, il y avait Saint-Gérard-Majella. Dans
Joliette, il y en avait deux. Il avait été promis par Agropur
qu'il n'était pas
question qu'on ferme quoi que ce soit et, quelque temps après,
ça a déménagé à Granby. On n'a plus rien du
tout pour une région qui est la plus importante, je pense, dans le nord
de la province. (17 h 45)
M. Lemire (Michel): II y en a deux que je n'ai pas connues,
là. Remarquez bien que ce n'est pas tout le temps moi qui était
là, chez Agropur. Mais pour la dernière, je crois qu'il y avait
des raisons d'environnement, et le type le savait lorsqu'il s'en est
départi. Est-ce que c'est exact?
M. Houde: II y avait un problème d'environnement. Mais il
y avait des investissements qui pouvaient se faire pour garder Granby ouvert,
mais ils ont fermé pareil.
M. Lemire (Michel): Notre directeur général peut
sûrement parler des coûts d'environnement dont on doit tous
être conscients. Comme producteur - je pense que ça fait partie de
l'éducation - au niveau des entreprises, je crois qu'Agropur a
démontré son savoir-faire et son vouloir de protéger
l'environnement. Peut-être que M. Ménard peut vous dire quel est
le coût de construction pour protéger l'environnement, au niveau
des entreprises. Ce sont des coûts qui sont quand même très
élevés, hein!
M. Houde: Oui, mais vous le saviez quand vous l'avez
acheté, par exemple. Vous l'avez dit, et dans le temps, c'était
le député fédéral Roch LaSalle. Il avait bien
averti: Ça va coûter de l'argent, mais y a rien là! Et,
à un moment donné, donner de l'argent pour centraliser à
Granby...
Le Président (M. Richard): Si vous me permettez, pour des
raisons de délai, je devrai couper court.
M. Houde: Excusez, là, c'est parce que, moi,
là...
Le Président (M. Richard): Je suis désolé
pour tes entreprises, Albert...
M. Houde: O. K.
Le Président (M. Richard): ... m. le député
de berthier, ha, ha, ha, mais la question a été bien
posée. alors, m. le ministre, vous avez un commentaire final?
M. Pagé: Je voudrais remercier les gens d'Agropur, leur
souhaiter bon succès dans leur démarche avec Purdel, au niveau du
lait de consommation. Je voudrais aussi souhaiter qu'Agropur puisse adopter une
attitude un peu plus flexible en ce qui a trait à la possibilité
d'ententes négociées, une meilleure garantie, je pense, pour la
stabilité de l'industrie; d'ailleurs, les chiffres auxquels je me suis
référé en témoignent. M. le président lance
un appel à la conjugaison de la prise en considération de la
défense des intérêts collectifs et des
intérêts des membres; Me Martineau a référé
à cette double appartenance. Je conclurais en vous disant que la lecture
que j'en fais, moi, et ce, peu importent les textes juridiques, Me Martineau,
surtout à la lumière de l'expérience que j'ai, comme
ministre de l'Agriculture...
Les producteurs agricoles du Québec, les membres de la
Fédération des producteurs de lait, qui sont aussi membres de
sociétés, de coopératives, qui sont membres
sociétaires, se sentent très confortables et dans l'un et dans
l'autre. D'ailleurs, je suis pleinement d'accord avec l'affirmation de mon
collègue, comme quoi les membres des coopératives
laitières du Québec ont souhaité, dans certains cas de
façon très virulente, même par des motions demandant
à leur exécutif de réajuster leur position pour aller
négocier des ententes... Ces gens-là sont véritablement
fatigués, pour ne pas dire tannés de ces disputes concernant ces
grands principes et ce dogme qui réfère à l'application de
l'article 2. Et, essentiellement, on pourrait comparer ça un peu
à la situation d'un couple qui demande à son petit bonhomme ou
à sa petite fille: Aimes-tu mieux papa, ou aimes-tu mieux maman? Il
répond généralement: Les deux. Et le producteur a son
appartenance, dans son plan conjoint, à un organisme de
représentation. La fédération, c'est son père, et
sa coopérative, bien, c'est sa mère, qui le sécurise sur
ses marchés et qui lui donne des ristournes à l'occasion, des
trop-perçus. Et là, vous ne vous entendez pas. L'un des deux
demande le renforcement de l'article 2, et l'autre demande de l'abolir. Mais on
parle du même monde! Je dois dire, Me Martineau: II faut toujours se fier
à la sagesse des agriculteurs, au Québec. Il faut toujours se
fier... Oui, oui!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: Vous savez, mon collègue a le
privilège d'être agriculteur; moi, j'ai le privilège
d'être avec les agriculteurs depuis cinq ans. Il ne faut pas se
surprendre parfois de... Exemple concret: À l'Union des producteurs
agricoles, les producteurs - et je n'ai pas du l'occasion de le demander
à M. Rivard, mais je suis persuadé qu'il aurait pu le confirmer -
ont voté contre l'entente de libre-échange. Dans la
coopération, par la voix de leurs délégués, ils ont
voté pour. Et il ne faut pas se surprendre de ça, ça
témoigne de leur sagesse et de leur prudence.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: Et... Par contre, leur sagesse et leur prudence a
eu comme résultat qu'on vous a dit - et je suis persuadé qu'on va
entendre
sensiblement le même message de la part de plusieurs membres de la
Fédération des producteurs de lait au congrès de la
Fédération, la semaine prochaine: Entendez-vous! Alors, je
souhaite qu'Agropur s'inspire d'un peu plus de flexibilité dans son
approche, suite à ce qui s'est passé depuis la fin de semaine,
où il y a eu des rencontres entre les gens de mon ministère qui
tentent de rapprocher les parties. On apprécierait, à
défaut d'être avec le Conseil de la coopération
laitière, parce que vous n'y êtes plus, que vous fassiez du moins
entendre une voix, directement ou indirectement, même si ce
n'était que par communiqué, comme quoi vous êtes
disposés à cheminer dans un processus qui pourrait nous conduire
à un règlement harmonieux de tout ça, au
bénéfice de vos sociétaires et des producteurs laitiers du
Québec. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, messieurs. Et,
avec un peu d'humour, je ferai venir à la table les gens qui sont les
nouveaux époux, Purdel.
Des voix: Ha, ha. ha!
Le Président (M. Richard): Mesdames et messieurs, si vous
permettez, la commission reprendrait ses travaux. Nous entendrons les
représentants de Purdel, une coopérative agroalimentaire. Or,
vous comprenez la méthode. D'abord, vous vous identifiez, puis vous
présentez vos collègues. Après ça, vous faites
votre message.
Purdel
M. Théberge (Napoléon): Mon nom est Napoléon
Théberge, président de Purdel. Les gens qui m'accompagnent: M.
Normand Ruest, directeur financier, M. Denis Cassista, directeur
général, M. Jean-Yves Fournier, vice-président de Purdel,
M. Denys Trépanier, secrétaire et directeur de l'information.
D'abord, je dirai au ministre de l'Agriculture que nous essaierons
d'être brefs. On va essayer d'entrer dans les limites. Ce qu'on veut vous
présenter, je pense, c'est la reaffirmation dans le domaine laitier des
régions périphériques. (18 heures)
M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs de la
commission, mesdames et messieurs, Purdel, coopérative agro-alimentaire
désire, dans un premier temps, vous remercier d'avoir bien voulu
écouter notre point de vue sur la révision de la Loi sur la mise
en marché des produits agricoles. Purdel, coopérative
agroalimentaire est une association de quelque 1700 producteurs agricoles,
majoritairement des producteurs de lait, qui exploitent leurs entreprises
agricoles sur un vaste territoire, à savoir des comtés de
Portneuf à Charlevoix, sur la rive nord du Saint-Laurent, et des
comtés de
Nicolet jusqu'à Gaspé, sur la rive sud du fleuve.
Ce mémoire vise à mieux faire connaître
l'évolution de Purdel, coopérative agro-alimentaire comme
patrimoine appartenant aux producteurs agricoles. De plus, nous aimerions
commenter plus spécifiquement l'article 2 du projet de loi, qui est au
coeur des discussions actuelles du monde laitier québécois.
Purdel, coopérative agro-alimentaire est une institution riche en
histoire, puisqu'elle a été créée en 1928 sous le
nom de Société coopérative agricole de
Sainte-Cécile du Bic. De coopérative agricole locale, elle est
devenue une coopérative agricole de comté dans les années
cinquante, grâce au dynamisme de ses leaders et par la fusion
et/où l'acquisition d'entreprises coopératives et privées
de son environnement immédiat.
Purdel, coopérative agro-alimentaire a opté pour la
régionalisation de la transformation laitière et
l'approvisionnement à la ferme dans les années soixante. La
coopérative agricole du Bas-Saint-Laurent est née de l'effort de
concertation du gouvernement du Québec et des producteurs agricoles de
la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie.
Purdel, coopérative agro-alimentaire a joué son rôle
de régulateur des marchés des produits laitiers, et nous croyons
que notre action a permis un développement certain de l'agriculture dans
la région que nous desservions. Encore aujourd'hui, notre infrastructure
de transformation permet de protéger la production en période de
pointe et à l'occasion de périodes spéciales comme les
congés fériés, où d'autres entreprises ne
reçoivent pas le lait des producteurs.
Dès 1972, Purdel, coopérative agro-alimentaire s'est
impliquée dans le secteur du lait de consommation à Rimouski.
Mais les sociétaires de la coopérative ont compris qu'il fallait
déborder des cadres territoriaux trop restreints, et c'est pourquoi nous
nous sommes portés acquéreurs de la Laiterie Laval Itée,
à Québec, en 1977. Cette acquisition avait un double objectif:
poursuivre notre développement comme entreprise et consolider notre
transformation en région périphérique par un réseau
de distribution élargi. Nos membres avaient compris qu'il était
essentiel de posséder des outils provinciaux pour solidifier la
production et la transformation en région.
D'ailleurs, dans le cadre de la diversification entreprise en 1985,
Purdel, coopérative agro-alimentaire a énoncé les
principes directeurs à respecter, à savoir: de demeurer à
l'intérieur de l'industrie agro-alimentaire; afin de mettre à
contribution l'expertise actuelle de la coopérative, de prioriser les
secteurs d'activité offrant une plus grande synergie au niveau de la
mise en commun des ressources, permettant ainsi de réaliser des
économies d'échelle; de privilégier les secteurs
d'activité susceptibles de consolider davantage l'assise du siège
social dans l'Est.
Pour respecter notre nature coopérative, nous avons
"coopérative" la Laiterie Laval,
permettant par le fait même aux producteurs fournisseurs de
devenir membres de Purdel, coopérative agro-alimentaire. Ce geste fut
posé dans le cadre de notre mission première, c'est-à-dire
dans le but de consolider l'appartenance à la coopérative de nos
producteurs sociétaires. Je dois mentionner ici que même un membre
de votre commission est sociétaire de Purdel.
Enfin, soulignons l'acquisition de Ferme Saint-Laurent de
Montréal, en 1985, qui a concrétisé la dimension
provinciale de Purdel, coopérative agro-alimentaire. Il est important de
mentionner que cette dernière transaction est le fruit de la
collaboration avec la Société québécoise
d'initiatives agro-alimentaires (SOQUIA), partenaire dans ce que nous appelons
maintenant Purdel inc. Aujourd'hui, Purdel, coopérative agroalimentaire
a quatre établissements de lait de consommation, quatre usines de lait
de transformation, trois établissements d'approvisionnement à la
ferme, deux usines de produits marins et une entreprise de fertilisants
biologiques.
Comme vous pouvez le constater, notre coopérative a toujours
poursuivi une politique de développement, en accord avec la
volonté de ses membres. Cependant, Purdel, coopérative
agroalimentaire a toujours gardé à l'esprit de privilégier
la dimension régionale par les différents services offerts aux
producteurs, tels que le transport, la qualité du lait, la fourniture
d'intrants et d'utilités professionnelles, l'information aux
sociétaires et les conseils techniques dispensés par une
équipe d'agronomes et de technologistes agricoles Cette dimension de
services aux producteurs agricoles en région répond à un
besoin exprimé par ceux-ci pour la continuité et
l'évolution de la production.
Purdel, coopérative agro-alimentaire a toujours joué son
rôle de mise en marché, en recevant la production laitière
de nos membres, en la transformant et en distribuant une vaste gamme de
produits laitiers. Nous constituons, en quelque sorte, le lien entre le
producteur et le consommateur.
La Loi sur la mise en marché des produits agricoles a toujours
spécifié, par l'article 2, que l'organisation coopérative
de la production et de la mise en marché des produits agricoles devrait
avoir préséance dans les régions et les secteurs où
celle-ci peut répondre efficacement aux besoins. Nous croyons avoir
effectivement joué notre rôle jusqu'ici, et ce, au
bénéfice tant des producteurs que des consommateurs.
Cependant - et plus particulièrement depuis l'apparition de la
convention de mise en marché du lait en 1985 - nous estimons que le plan
conjoint a concurrencé l'organisation coopérative que nous avons
bâtie par un système d'approvisionnement qui fait en sorte que
nous devons fournir un volume de lait de plus en plus important à des
entreprises non coopératives, même si ce lait est produit par nos
sociétaires. Il en résulte une situation où il est
difficile, compte tenu de notre spécificité régionale, de
pouvoir concurrencer sur le même pied que les entreprises situées
à proximité des marchés. D'ailleurs, nous vous joignons un
document de concertation intitulé "L'avenir de la production
laitière dans la région du Bas-Saint-Laurent et de la
Gaspésie", issu de réflexions de tous les intervenants du monde
agricole de cette région.
Les représentants des UPA régionaux, des syndicats des
producteurs de lait régionaux, du MAPAQ de la région 01 et de
Purdel, coopérative agro-alimentaire constatent unanimement que la
modification des règles du jeu et les contraintes particulières
à la production et à la transformation dans notre région
nécessitent un réexamen de la mise en marché du lait pour
respecter les obligations que nous devons assumer envers nos sociétaires
et corriger le déséquilibre économique créé
par l'acquisition de la matière première au même
coût, à quelque endroit que soit située l'usine de
transformation.
Nous nous permettons de joindre en annexe la conclusion d'une
étude de Daniel Côté et Martine Vézina, des Hautes
Études commerciales, intitulée "La mutation de l'entreprise
coopérative: le cas de l'industrie laitière
québécoise". À la lecture de cet extrait, on notera qu'il
est de première importance de poser les gestes nécessaires pour
assurer le maintien de la forme coopérative via la restauration du lien
d'usage.
L'article 2 du projet de loi 15 ne rétablit pas, à notre
avis, la dégradation de la situation à laquelle nous assistons.
Aussi, nous faisons nôtre la proposition du Conseil de la
coopération laitière à l'effet de maintenir l'article 2 de
la loi actuelle en y ajoutant un troisième paragraphe qui se lit comme
suit: "Rien dans l'application de la présente loi ne doit venir en
conflit avec les engagements entre un membre et sa coopérative." Nous
croyons fermement que la coopération laitière constitue l'outil
idéal pour le maintien d'une structure de transformation et de mise en
marché respectant les spécificités régionales au
Québec.
Nous vous remercions de votre bonne attention. Je demanderais
peut-être à mon collègue, M. Trépanier, de vous
résumer les annexes qu'on pourra voir.
Le Président (M. Richard): M. Trépanier.
M. Trépanier (Denys): Merci, M. le Président.
Mesdames et messieurs, membres de la commission parlementaire, tout simplement,
nous voulons vous indiquer que nous avons joint différentes annexes avec
notre mémoire à la commission parlementaire. Je voudrais insister
plus particulièrement sur une des annexes, qui s'intitule "L'avenir de
la production laitière dans la région du Bas-Saint-Laurent et de
la Gaspésie". Vous remarquerez, à la lecture de cette annexe,
qu'il s'agit d'un document de concerta-
tion qui a été signé par tous les intervenants en
production laitière dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie,
c'est-à-dire l'Union des producteurs agricoles du Bas-Saint-Laurent, ies
deux syndicats des producteurs de lait, celui du Bas-Saint-Laurent et celui de
la Gaspésie, le MAPAQ, région 01, ainsi que Purdel,
coopérative agro-alimentaire.
Alors, ce document de concertation, qui a été produit
à l'automne 1988 - il y a à peu près un an et demi, donc -
résume la situation qui se produit dans la production et la
transformation laitières dans le Bas-Saint-Laurent et la
Gaspésie. On constate qu'effectivement les règles du jeu ont
été modifiées depuis 1985, ce qui fait que la situation
n'est plus du tout la même. Il y a beaucoup de lait qui part de la
région du Bas-Saint-Laurent et ça implique une
problématique tout à fait spéciale qu'on ne connaissait
pas auparavant, avant l'apparition de la convention de mise en
marché.
Mais, malgré tout ça, les intervenants, les signataires de
ce document de concertation signalent qu'il y a un certain nombre de
contraintes et d'obligations qui sont assumées ou imposées aux
entreprises en région, entre guillemets, périphérique,
c'est-à-dire, entre autres, le rôle régulateur joué
par les coopératives laitières québécoises, en
général, et par Purdel, en particulier, sur le marché
canadien, et ce, via la production et la commercialisation du beurre, la
nécessité socio-économique de maintenir des unités
de transformation dans les régions périphériques
délaissées par les entreprises non coopératives, ce
à quoi M. Théberge faisait référence, ce matin,
lorsqu'il était avec le Conseil de la coopération
laitière; le maintien d'une capacité de transformation suffisante
pour accueillir les pics de production qui constituent une proportion
importante des coûts fixes et, finalement, non le moindre, le droit des
producteurs agricoles d'exercer leur profession et les obligations de dispenser
des services aux producteurs agricoles où qu'ils soient sur leur
territoire.
Finalement, les partenaires dans ce document de concertation en
arrivaient à la conclusion que l'avenir de l'agriculture, dans la
région du Bas-Saint-Laurent - puisqu'on traite de celle-ci plus
particulièrement - comme des régions périphériques
est lié étroitement à l'avenir de la production
laitière ou de ses infrastructures de transformation. À cet
égard, les parties convenaient qu'un réexamen de la mise en
marché du lait touchant les régions périphériques
s'imposait. Il faut établir des conditions permettant la consolidation
de la production et de la transformation laitières en région pour
maintenir l'économie régionale dont la production laitière
est une, sinon la principale composante. Alors, c'est l'intervention que je
voulais faire au niveau de l'annexe qui est jointe au mémoire.
Le Président (M. Richard): Merci. Maintenant, je
laisserais la parole à M. le ministre délégué
à l'Agriculture, M. Middlemiss, député de Pontiac.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier les gens de Purdel pour leur présentation aujourd'hui et aussi
leur dire que nous les supportons en ce qui concerne l'importance des
coopératives dans le développement des régions. C'est
très important que les coopératives, en région surtout,
puissent continuer d'être présentes. Je pense, comme on le dit
toujours, que le passé est garant de l'avenir et que, dans le
passé, vous avez démontré que votre présence a
permis le développement des régions et vous y tenez encore dans
le futur.
Vous avez fait preuve de beaucoup d'initiatives et d'efforts de
diversification, dans le passé, et nous sommes confiants que vous allez
continuer à le faire dans le futur. On devrait aussi, peut-être,
dans un premier temps, vous féliciter de votre nouvelle association avec
vos partenaires chez Agropur dans Natrel. Il semble que ça va
certainement solutionner un des problèmes qui semblait exister entre
Purdel et Agropur dans la mise en marché du lait nature.
Agropur nous indiquait, tout à l'heure, les raisons pour
lesquelles elle voulait qu'on change l'article 2; c'est une crainte que les
sociétaires ne soient pas obligés de toujours livrer leur lait
aux usines de transformation des coopératives et que, depuis 1985, les
changements qui ont été apportés ont eu comme effet une
perte de quantité de lait, de volume de lait de transformation. Est-ce
que, dans votre cas, ç'a été la même chose? Est-ce
que vous avez eu une perte de volume dans le domaine de la transformation? Je
présume que la transformation, dans votre cas, est faite en
région aussi. (18 h 15)
M. Trépanier: Oui, à ce sujet-là, au niveau
du lait de transformation en région, si on parle strictement de la
région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, il est sorti de la
région, avant 1985, aux alentours de 2 000 000 de litres de lait par
année, selon des ententes spéciales, en période de
rareté, avec la Commission canadienne du lait, entre autres. Depuis
1985, les réquisitions pour les classes 3 et 4 ont fait en sorte que, la
première année, ç'a été 7 000 000 de litres
qui sont sortis et, la dernière année que l'on a connue,
ç'a été 31 600 000 litres de lait qui sont sortis de la
région.
M. Middlemiss: Donc, vous attribuez ça seulement depuis
1985. Avant 1985, est-ce que la plupart se...
M. Trépanier: C'était pratiquement nul.
M. Middlemiss: D'accord Est ce que le fait, maintenant... C'est
vrai que votre association,
maintenant, avec Agropur, c'est seulement dans le lait de
transformation.
M. Trépanier: Consommation.
M. Middlemiss: Excusez, le lait nature et non pas le lait de
transformation. Est-ce que vous avez des indications que vos membres, vos
sociétaires voudraient éliminer, disons, les plans conjoints et
qu'ils seraient prêts à dire: Regardez, comme membres
sociétaires de notre coopérative, on serait satisfaits d'avoir
seulement ça et ça serait notre façon de faire la mise en
marché? Est-ce que vous avez une indication de ça ou du
contraire?
M. Cassista (Denis): Je pense, M. le ministre, que ce qu'il faut
bien distinguer, dans le cadre de votre question et dans le cadre des
observations au point de vue des revendications que fait Purdel au nom de la
région de l'Est, c'est la dimension suivante. D'abord, je pense qu'il a
été réitéré à maintes occasions
aujourd'hui que la coopération, notamment la coopérative Purdel,
n'est pas contre le plan conjoint, absolument pas. Deuxièmement, je
pense qu'il faut bien distinguer qu'en région périphérique
la présence d'un nombre important d'industries de transformation n'y est
pas et que les coopératives ont pris la place, ont joué le
rôle d'industrie de transformation, comme le mentionnait le
président, de lien entre le producteur et le transformateur. Donc, dans
ce rôle, quand le plan conjoint établit un prix de base reconnu
pour tout le monde, la coopérative vient en complément. Donc,
protection, défense des droits et intérêts de la profession
agricole, d'une certaine façon, en passant par le véhicule
économique aussi, d'une part. Et ce que l'on dit, c'est qu'il y a lieu
de se préoccuper de la dimension des régions. Là-dessus,
je pense qu'on a eu l'occasion d'entendre des commentaires du ministre de
l'Agriculture disant qu'on ne déménagerait pas les vaches en
ville. Ça nous faisait sourire et ça nous réjouissait
à la fois, mais il faut peut-être mettre en place, justement, ce
mécanisme, pour faire en sorte que ces instruments qui sont là -
et le jour où ils disparaîtront, l'industrie laitière
disparaîtra avec, on en a d'autres exemples, dans d'autres secteurs de
production agricole - soient en mesure de concurrencer avec d'autres
établissements qui se situent dans le marché. La dimension, quand
le lait part du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie et qu'il s'en va
vers Montréal, transport payé, en produit liquide, crée un
déséquilibre économique que les entreprises, en
région périphérique - on parle du Bas-Saint-Laurent et de
la Gaspésie, parce qu'on est là pour parler des nôtres,
mais on peut parler d'autres - ne sont plus capables de concurrencer. Alors,
lorsqu'on a a payer les coûts de transport sur les intrants, les produits
énergétiques, etc., lorsqu'on a à assurer,
également, la facture pour le produit fini vers le marché de
Montréal, évidemment, on tombe en déséquilibre.
Ce mémoire dont on parlait tout à l'heure de concertation
régionale reconnaissait facilement un écart d'environ 1,50 $
l'hectolitre de lait. Alors, cet équilibre étant rompu, on dit:
On n'est plus en mesure de le faire. Quand on parte de
spécificité, on reconnaît également qu'il est
probablement moins facile, en région périphérique, de
produire des produits de très haute spécialité qui doivent
être dirigés dans le marché à la caisse ou aux dix
caisses, à la palette ou peu importe, mais on pense également
que, dans le modèle de l'industrie laitière
québécoise, il y a de la place pour des industries de
transformation qui pourraient manufacturer des produits qui sont des biens de
consommation, également, à plus haut régime, comme le
beurre, le fromage cheddard, les Brick, les Colby, etc., qu'elles pourraient
acheminer vers les marchés avec des coûts de transport
réduits, puisqu'on peut les acheminer à plein cargo. Mais ce
qu'on veut vraiment faire ressortir, c'est le déséquilibre
économique qui existe actuellement qui fait que les régions
périphériques ne pourront pas s'en sortir autrement, à
moins que ça ne soit rétabli. Par contre, c'est ce qui semble,
actuellement, selon les dernières annonces, avoir été
accepté au niveau de la fédération, etc., et qui pourrait
prendre place éventuellement, nous dit-on.
M. Middlemiss: En terminant, tout ce que je pourrais dire, c'est
qu'on appuie certainement vos efforts de concentration et de regroupement. On
appuie vos efforts et on espère que, dans un avenir assez
rapproché, on pourra régler ces différends et que les
efforts et les énergies pourront être dépensés
à se préparer à faire face à la concurrence qu'on
va avoir de l'extérieur. Sur ce, je vous dis merci beaucoup.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril: Oui, M. le Président, il me fait plaisir de
saluer les représentants de Purdel. Je ne voudrais pas être en
conflit d'intérêts, mais je voudrais saluer mes directeurs, mes
administrateurs...
Une voix: Change de place. Ha, ha, ha!
M. Houde: II faudrait demander au député
d'Arthabaska s'il voit une certaine objection à...
M. Baril: Je n'ai aucune objection. M. Houde: Parfait,
d'accord.
M. Baril: De toute façon, le cas de l'entreprise Purdel et
la situation géographique aussi des usines de Purdel, avec ceux qui sont
passés avant nous, je pense qu'il n'est pas tout à fait
le même. Je ne dirais pas que ce sont des cas particuliers, mais
Purdel est beaucoup plus en région éloignée, si on peut
dire, et Agropur est plutôt centrée. C'est sur cet
aspect-là que je vais plutôt élaborer. Je pense que vous me
permettrez de ne pas rediscuter de l'article 2; vous étiez
présents tout à l'heure, alors vous connaissez mon point de vue.
Je pense qu'on n'a peut-être pas vidé le sujet, mais y revenir
serait de la redondance. Je vais plutôt parler de la situation
géographique des usines de Purdel. tout te monde reconnaît
l'importance - je lisais votre mémoire, à la fin, je lisais
rapidement - pour les régions du Bas-Saint-Laurent et de la
Gaspésie, de l'industrie laitière en région et les
coûts engendrés, même s'il y a des indemnisations qui sont
payées pour transporter un gros pourcentage d'eau, on peut dire, parce
que, dans du lait transporté à l'état brut, il y a un gros
pourcentage d'eau et ça ne donne pas grand-chose de transporter
ça plus loin. Comment expliquez-vous le fait que, quand les conventions
de vente ont été signées, il y ait eu des ententes
à savoir que, lorsqu'une laiterie serait obligée de diriger du
lait à une autre, il y aurait une indemnisation qui lui serait
remboursée? Cette année, je pense que - mes chiffres ne sont plus
à date - c'était 3,80 $ ou 4 $ l'hectolitre, 3,15 $.4,15 $...
Une voix: 4,15 $.
M. Baril: 4,15 $, en tout cas, je n'étais pas loin.
actuellement, elle est à 4,15 $. cette indemnisation était
censée être utilisée pour essayer d'améliorer ou de
moderniser l'entreprise pour être capable de diversifier sa
transformation. est-ce bien ça ou si on m'a induit en erreur
là-dessus?
M. Cassista: Je ne pense pas que les 4,15 $ qui ont pris place
soient une indemnisation pour compenser ou pour permettre de mettre en place
des outils pour faire autre chose. Je pense qu'ils ont été mis
là, à ce moment-là, parce qu'on disait - et là on
avait mis des chiffres qui étaient relativement bas - qu'avec 50 000 000
de litres de lait on en aurait suffisamment pour compenser les demandes, etc.
C'était pour tenir compte, justement... Lorsqu'on a atteint, dans
l'industrie, le point mort de rentabilité, les hectolitres ou d'autres
produits manufacturiers, les unités qu'on produit en sus de ça
sont vraiment plus payantes. Donc, c'était pour compenser la perte, si
vous voulez, manufacturière ou le manque à gagner qui
était subi par l'une ou l'autre des entreprises à ce
stade-là. Mais le volume a été tel que... Et, avec,
justement, le déséquilibre économique, les régions
périphériques peuvent difficilement réinvestir pour faire
la transformation de base qu'elles faisaient et développer de nouveaux
produits pour arriver sur un marché concurrentiel, là où
il y a des grandes concentrations de marchés, donc de consommateurs,
avec des outils en place parce que la matière première est rendue
dans ces grands marchés au même prix qu'elle coûte en
Gaspésie ou ailleurs.
M. Baril: Mais la raison exacte qui fait que les régions
se voient vidées de leur lait, on dit que c'est parce que les usines, en
région, sont concentrées sur la fabrication de beurre et de
poudre, entre autres, tout en reconnaissant qu'il faut qu'il s'en produise
quelque part, du beurre et de la poudre. Mais si, d'ailleurs, vous en faites
mention, à la fin de votre mémoire - ce n'est pas le
mémoire, là, je ne sais pas comment vous appelez ça, des
ajouts...
M. Théberge: Des annexes...
M. Baril: ...des annexes - il y avait des politiques d'aide aux
entreprises éloignées pour les aider à moderniser leur
équipement pour être capables de s'adapter au marché
d'aujourd'hui, si on prend ça en considération, là, est-ce
que - il y a le marché d'aujourd'hui qui nous parie - tout en tenant
compte de la situation géographique, ces laiteries-là, il y a de
la place pour eux autres, pour modifier, changer, transformer d'autres produits
que ceux qu'elles font actuellement, pour être capables de l'atteindre,
le marché? Y a-t-il des possibilités, là?
M. Cassista: Définitivement. Il y a définitivement
de la place, sauf qu'il faut quand même se référer au
volume produit dans ces régions-là. Si on regarde, par exemple,
le dernier producteur qu'on va chercher en Gaspésie, versus le dernier
qu'on va chercher à l'ouest, dans le Témiscouata, il existe quand
même 350 kilomètres de distance entre les deux. Alors, il faut
quand même, je pense, maintenir aussi une infrastructure pour
répondre à ces besoins-là et vous avez un volume qui se
situe à plus ou moins 150 000 000, 160 000 000 de litres. Donc, vous
avez vos infrastructures actuelles à supporter et, si vous investissez
pour développer de nouveaux produits et que vous partez avec un
déséquilibre de 1 $ ou 1,50 $ l'hectolitre de lait, en termes de
mise en marché, c'est là qu'on dit que le
déséquilibre économique est rompu.
Avant 1985, on n'a pas entendu trop souvent les industries en
périphérie se lamenter. Je pense qu'on était en mesure de
concurrencer et c'est un peu rêver en couleur aussi de croire que les
industries en périphérie pourraient ou pourront avoir une gamme
de produits manufacturés qui soient vraiment dans la ligne, si vous
voulez, de ce qu'on appelle la très haute spécialisation, des
produits qui sont livrés en petite quantité, etc., etc., vers les
marchés, parce qu'avoir une infrastructure industrielle dans la
région du Bas-Saint-Laurent, avoir une infrastructure de vente, de
support, de distribution
dans les centres de consommation et faire voyager un produit frais tous
les jours par, comme on dit dans les termes du langage du transport, palette ou
ces choses-là à 15 $ le cent kilos, versus un produit en vanne
complète à 1,25 $ ou 1,50 $, évidemment, on est en
déséquilibre économique. Alors, il y a une situation
particulière et ce qui est revendiqué, c'est que,
fondamentalement, on puisse maintenir une industrie et qu'on essaie de
découvrir ses caractéristiques, ce qu'on a appelé la
spécificité, de façon qu'il reste un outil industriel pour
faire en sorte que véritablement la production laitière en
région soit protégée et qu'effectivement on
économise aussi des frais de transport, des frais de distribution.
On admet, je pense, sans réserve - en tout cas, même s'il y
a quelques embûches - que le modèle organisationnel traditionnel
ne peut plus exister, qu'il y a une mutation et qu'il doit se modifier. Je
pense que c'est reconnu, à l'heure actuelle. Ce modèle se
modifiant vers une structure d'une plus grande concentration, à
l'exemple de ce dont on parle actuellement, les regroupements, va justement
faire en sorte qu'on va pouvoir donner, d'une certaine façon, entre
guillemets, à une région un rôle, une responsabilité
qui va lui permettre d'être manufacturière d'un produit à
très haut rendement sur un pied d'égalité avec une
entreprise qui serait plus près des marchés, qui ferait des
produits frais. Et, quand on regarde la formule coopérative d'un homme,
un vote, un investissement, sur la base de ce dont on parlait, effectivement,
on arriverait justement à aller chercher cette contribution
additionnelle que le producteur québécois peut aller chercher,
étant propriétaire d'outils qui sont des outils de
propriété coopérative.
Donc, il y a, je pense, la reconnaissance et la valeur de ces outils
comme intérêt économique pour défendre les droits du
producteur. Le système qui est mis en place permet justement d'aller
maximiser ou d'aller chercher au maximum les gains d'efficacité qui
pourraient être gagnés dans le regroupement. Comme on le dit
encore, la formule traditionnelle, avec ce que l'on vit - on est à
l'ère de l'an 2000, on appelle ça le libre-échange, on
appelle ça le GATT, on appelle ça des entreprises à
milliards, on appelle ça des "majors", en tout cas, peu importent les
termes - je pense que c'est reconnu aujourd'hui, c'est admis... Que ce soit
reconnu dans la loi, je pense que c'est important aussi pour sécuriser,
d'une certaine façon, ces entreprises ou ces producteurs qui sont en
région. (18 h 30)
M. Baril: Sur le territoire du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie,
êtes-vous les seules, je vais dire, coopératives? Est-ce qu'il y a
des entreprises laitières privées?
M. Cassista: C'est la seule. La seule entre- prise
laitière qui existe actuellement, c'est la propriété de
Purdel, Purdel ou, évidemment, vous avez maintenant Natrel, parce qu'il
y a une laiterie de lait de consommation.
M. Baril: Un nouveau-né. M. Cassista: Oui.
M. Baril: Oui. Vous n'abordez pas la question dans votre
mémoire, mais j'aimerais ça connaître votre opinion,
à vous, sur le droit d'appel. Dans le projet de loi actuellement, on
enlève le droit d'appel au Conseil des ministres et on ne parle pas
d'autres droits d'appel. Êtes-vous d'accord avec ça ou bien
si...
M. Cassista: Quand on regarde, en fait, je ne veux pas lever de
longs débats là-dessus, mais on trouve ça un peu difficile
que le processus s'arrête immédiatement après la
Régie qui souvent est, en fait, juge et partie dans un bon nombre de
décisions. Elle agit pour la détermination du prix au producteur,
du prix au consommateur et elle arbitre. S'il en est décidé
ainsi, évidemment, j'imagine qu'il va y avoir des possibilités,
si une entreprise, des entreprises ou un groupe de personnes se trouvent
vraiment lésées, préjudiciées, d'aller ailleurs
dans le processus, c'est-à-dire devant les tribunaux civils, mais on
pense, en tout cas, qu'il y a peut-être lieu d'avoir une autre
autorité qui, vraiment, pourrait venir trancher sur une base
définitive si, vraiment, il y a un litige sérieux.
On parle, évidemment et historiquement, depuis 1985, de toutes
les tergiversations qui ont pris place mais, évidemment, on est dans une
situation non admise. Je pense que c'est important de comprendre cette
dimension-là. Depuis 1985, au niveau des coopératives, on est
dans une situation non admise dans tout le processus de négociation. On
a eu bien plus de documents visant à s'entendre pour s'entendre, pour
essayer justement de voir si, dans tout le processus, si, avec tous les
échanges, si, avec toutes les discussions, les tractations, on ne
réussirait pas, par le mécanisme de la négociation,
à trouver une formule qui satisferait les préoccupations, les
exigences fondées, les demandes fondées des
producteurs-sociétaires propriétaires des coopératives.
Ça, ça n'a jamais, malheureusement, jusqu'à maintenant,
trouvé réponse parce que... Vous regardez les décisions,
vous avez des mémoires, comme je le dis, visant à s'entendre pour
s'entendre. Les décisions ont été imposées
plutôt que signées, etc. Donc, il y a un malaise qui perdure
depuis ce temps-là. Alors, c'est peut-être important, à un
moment donné, que, de façon que ça ne perdure pas ad vitam
aeternam, il y ait une possibilité qu'on liquide une situation à
un moment donné.
M. Baril: Si vous aviez un choix à faire
entre un droit d'appel au ministre, comme ce qu'on connaît
présentement dans la Loi sur la mise en marché, et un droit
d'appel face à un, je vais l'appeler, tribunal d'appel, comme on voit
dans d'autres régies - lorsqu'une régie rend une décision,
tu peux aller en appel au tribunal d'appel - lequel
préféreriez-vous?
M. Cassista: Si vous me posiez des questions d'ordre
administratif, comptable, sur la production, etc., je me sentirais assez
habile. Quant à celle-là, évidemment, ma formation
juridique m'oblige à décliner, si vous voulez, la réponse
à votre question. Je ne me sens vraiment pas habilité, disons,
à savoir exactement, là, quel devrait être le
véhicule idéal pour disposer de cette question.
Le Président (M. Richard): Mais parmi vos
collègues...
M. Cassista: Les deux.
M. Baril: Vos collègues ont droit de parole aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Richard): Parmi vos collègues, qui
ne sont pas tous avocats, je ne dirais pas heureusement mais pas
nécessairement...
M. Baril: Non, écoutez, je ne vais pas... Je ne forcerai
pas plus, hein!
Pour ce qui est de moi, je vais vous remercier, encore une fois, d'avoir
présenté votre mémoire. Il était très
simple, mais très clair en même temps. De ma part, en tout cas, je
vais vous encourager du mieux possible à continuer en région et
j'inviterais le ministre à porter une attention spéciale aux
dernières pages de votre document où on mentionne que, si,
possiblement, il y avait une aide gouvernementale pour aider les entreprises en
région à se moderniser, à transformer leur production, ce
serait sans doute bénéfique. Moi, j'endosse ça à
100 % à cause de la spécificité des régions. Je
pense que, si on veut garder un Québec prospère un peu partout,
garder notre monde dans les régions pour les faire travailler où
ils sont, c'est capital pour l'avenir. Ça ne donne rien, on l'a vu dans
le passé d'ailleurs, ça ne donne rien de fermer les
régions et emmener le monde en ville qui ne sait pas quoi faire.
Quelqu'un qui est venu au monde dans son coin, qui a développé
son coin, c'est ça qui a fait la force et qui fera, j'espère, la
force de l'économie du Québec dans le futur.
Le Président (M. Richard): Merci. M. le ministre pour un
commentaire final.
M. Middlemiss: Juste un commentaire. On semblait indiquer que la
Régie était juge et partie et je ne sais pas si on faisait
référence dans le domaine du prix du lait nature. Si c'est
ça le cas, ce n'est pas la même loi. Dans cette loi-ci, la
Régie n'est pas, n'est jamais juge et partie dans ces
choses-là.
M. Cassista: Si vous me permettez, M. le ministre, je voudrais...
Je vais prendre un exemple, si vous avez une décision qui est rendue par
la Régie et qu'elle ne satisfait pas l'une ou l'autre des parties, ou la
majorité des parties, qu'on revient devant la Régie, c'est
peut-être difficile pour elle de revenir sur sa position, si elle a
donné un jugement, alors que, dans un premier temps, elle s'est
prononcée d'une façon. Alors est-ce qu'elle se trouverait dans
une situation pour se faire dire: Bien, elle joue de la girouette ou
effectivement... C'est un peu ça, je pense, qu'on voulait faire
ressortir. Et dans le cas du lait nature c'est peut-être un petit peu
plus vrai.
M. Middlemiss: Dans le sens d'avoir un tribunal d'appel dans le
cas d'une décision.
M. Cassista: C'est ça.
M. Middlemiss: O. K. d'accord. En tout cas en terminant je vous
remercie. Espérons que les choses vont toutes se régler et que,
avec la nouvelle loi, on va continuer à développer les
régions et que les sociétaires des coopératives vont
être heureux de leur coopérative et aussi de leur plan de mise en
marché de leur produit. Bonjour.
Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. Nous
demandons à l'Association des transporteurs de lait du Québec de
se présenter à la table.
Alors, mesdames, messieurs, si vous le permettez, nous recevons
l'Association des transporteurs de lait du Québec. M. Lemire, je pense
que vous vous présentez et qui vous présentez vos
collègues. Alors, vous avez la parole.
Association des transporteurs de lait du
Québec
M. Lemire (Clovis): Oui. M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, mon nom est Clovis Lemire; je suis président de
l'Association des transporteurs de lait du Québec. À ma gauche,
Gérald Pelletier, vice-président de l'Association; à ma
droite, Marcel Beaudry, directeur général de l'Association, et
Karl Delwaide, conseiller juridique.
Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, M.
Lemire.
M. Lemire (Clovis): Avant de vous faire
connaître les améliorations souhaitées par notre
Association au projet de loi 15 sur la mise en marché des produits
agricoles et alimentaires, j'aimerais vous entretenir brièvement sur
l'organisme dont je suis le président. L'Association des transporteurs
de lait du Québec est constituée en corporation selon la Loi sur
les syndicats professionnels depuis 1950. Notre objectif est de regrouper
toutes les entreprises et les personnes qui effectuent le transport du lait et
des produits laitiers, particulièrement entre les fermes des producteurs
de lait de la province et les établissements laitiers auxquels le lait
est destiné, et d'agir à tous égards comme leur
représentant. Notre Association est accréditée par la
Régie des marchés agricoles du Québec pour
représenter, à peu d'exceptions près, tous les
transporteurs de lait assurant le transport du lait des fermes des producteurs
de lait aux établissements laitiers partout au Québec, et dont 94
% ont adhéré volontairement comme membres actifs de
l'Association. Les 181 transporteurs, représentés par
l'Association, utilisent 437 des 486 camions et citernes requis pour le
transport, dont la valeur de remplacement excède 61 000 000 $. Environ
630 personnes sont employées pour effectuer ce transport qui doit avoir
lieu quotidiennement, sept jours par semaine, partout au Québec.
Pour continuer, j'inviterais notre directeur général, M.
Marcel Beaudry, à vous faire connaître nos revendications sur le
projet de loi à l'étude. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci, M. Lemire. M.
Beaudry.
M. Beaudry (Marcel): M. le Président, mesdames, messieurs,
j'aimerais pour commencer remercier la commission de nous permettre la
possibilité de vous faire part de nos revendications. J'aimerais ajouter
aux propos qui ont été tenus par notre président que nous
oeuvrons dans le cadre des plans conjoints depuis la mise en vigueur du premier
plan conjoint relatif à l'industrie laitière dans les
années soixante pour la région de Montréal, et que nous
croyons avoir fait la preuve du sérieux de notre approche et de la
qualité des services que nos membres rendent aux producteurs. Aussi, je
me permets d'indiquer à la commission que nous endossons le
système des plans conjoints tel que conçu et appliqué dans
la mise en marché du lait en vertu de la Loi sur la mise en
marché des produits agricoles.
Lorsqu'on fait référence aux intervenants dans l'industrie
laitière, il ne faudrait pas oublier l'Association des transporteurs de
lait. Après tout, ce sont nos membres qui transportent le lait des
producteurs aux établissements laitiers, que ce soit du lait de
sociétaires de coopératives ou du lait de non-sociétaires.
Ce qui nous importe, c'est la protection de nos membres.
Ainsi, le but recherché par nos représentations devant
vous est l'amélioration des mécanismes de représentation
et l'amélioration des mécanismes de négociation collective
reconnus et mis en place dans la Loi sur la mise en marché des produits
agricoles.
Premièrement, on a la portée d'une accréditation
accordée par la Régie. Ici, on fait référence
à l'article 77 du projet de loi. Le texte proposé de cet article
77 semble plutôt restreint; notamment dans la façon dont le
troisième alinéa est rédigé, il semble ne pas tenir
compte du rôle véritablement plus large joué par les
associations accréditées suite à l'obtention d'une
accréditation. Les activités d'une association
accréditée englobent non seulement les cas de négociations
avec l'office et de conciliation ou d'arbitrage découlant de ces
négociations, mais aussi toutes les activités de
représentation devant la Régie et ce, sur toutes les questions
intéressant l'Association, soit les règlements de l'office, les
règlements que la Régie peut établir ou les conventions
entre l'office et des tiers. Dans les faits, l'Association est toujours
intervenue devant la Régie sur ces questions et il a toujours
été possible, pour elle, de faire ses représentations.
D'ailleurs, on vous le précisera plus loin lorsque nous traiterons de
l'article 81 du projet de loi. Il importerait donc de consacrer cet état
de fait dans le texte législatif, de façon à éviter
une interprétation restrictive du fait de l'adoption d'une nouvelle loi.
C'est pourquoi nous vous demandons de modifier le dernier alinéa de
l'article 77 de la façon qui vous est indiquée dans le
mémoire qu'on vous a présenté, à la page 2, en
disant: "Cette association ou ce regroupement représente alors tous les
intéressés pour les fins de négociation et d'entente avec
l'office ou, selon le cas, de conciliation ou d'arbitrage, et pour toutes
autres fins du plan conjoint ou de la présente loi."
Le deuxième point que nous voulons faire ressortir est
l'importance de consacrer l'obligation de négocier avec l'office et de
prévoir la possibilité de négociations multipartrr.es.
L'article 81 du projet de loi tel que libellé donne discrétion
à l'office de déterminer quelles personnes ou
sociétés engagées dans la mise en marché d'un
produit auront l'obligation de négocier avec lui les conditions de mise
en marché. L'article 28 de la loi actuelle ne comporte pas cet
élément discrétionnaire et impose à toute personne
l'obligation de négocier avec l'office. La situation actuelle des
négociations obligatoires avec l'office est préférable
à celle proposée dans le projet de loi. L'article 28 de la loi
actuelle a le mérite d'imposer à tous les
intéressés des obligations claires. La discrétion absolue
conférée par le projet de loi à l'office nous semble
source de confusion en plus d'être incompatible avec les pouvoirs
délégués que le législateur confie à
l'office en la matière. (18 h 45)
L'Association suggère donc, dans un premier temps, que la
discrétion que l'on propose d'accorder a l'office soit retranchée
et qu'on en revienne à imposer d'une façon claire et nette
l'obligation de négocier avec l'office. C'est, d'ailleurs, ce que nous
suggérons au premier paragraphe de l'article 81 que vous trouvez dans
notre mémoire à la page 3 et qui se lirait comme suit: Toute
personne ou société engagée dans la mise en marché
d'un produit visé par un plan est tenue de négocier avec l'office
ou avec son agent de négociation toutes conditions et modalités
de production et de mise en marché de ce produit."
Pour ce qui est du deuxième paragraphe que nous vous
suggérons, on dit que, pour assurer une uniformité et une
efficacité plus grande dans la mise en marché d'un produit
agricole, il importerait que l'article 81 consacre la possibilité de
négociations multipartites. En l'absence de cette possibilité de
négociations multipartites, l'office doit négocier
séparément avec chacun des intervenants du milieu et doit tenter
d'obtenir avec l'un et l'autre des conditions semblables de mise en
marché, ce qui amène quelquefois des conditions
différentes de mise en marché selon la convention conclue par
l'office avec l'un ou l'autre des intervenants. Afin d'éviter cet
imbroglio, 9 importerait de reconnaître à l'office le droit
d'exiger que des négociations relatives à la mise en
marché d'un produit s'effectuent à une table centrale où
toute personne engagée dans la mise en marché d'un produit aurait
l'obligation de négocier. On pourrait ainsi uniformiser les conditions
de mise en marché à une même table en présence de
tous les intervenants.
On a d'ailleurs procédé de cette façon lors du
protocole d'entente intervenu en juin 1987 entre la Fédération
des producteurs de lait, la Coopérative fédérée de
Québec, le Syndicat des producteurs de lait et l'Association. On a
tenté par cette entente d'assainir et de rationaliser le transport du
lait au Québec. Même s'il n'y a pas eu de règlement par la
suite, ce mode de négociation a tout de même permis de s'entendre
sur plusieurs points sauf sur ceux qui sont source de litige depuis plusieurs
années et qui ont trait au contrôle du lait.
C'est pourquoi l'on vous suggère le deuxième paragraphe de
l'article 81, qui est également à la page 3 du mémoire et
qui se lirait: "À la demande de l'office, toute personne ou
société engagée dans la mise en marché d'un produit
visé par un plan, ou le regroupement coopératif ou l'association
accrédité qui la représente, est tenue de négocier
avec l'office et tout autre regroupement ou association accrédité
ou toute personne ou société engagée dans la mise en
marché du produit visé par le plan, toutes les conditions ou
modalités de production et de mise en marché de ce produit."
Quant à l'article 79, qui était un autre des articles
auxquels on a fait référence dans le mémoire, on va
être assez brefs sur ce sujet, étant donné qu'autant
l'Association des manufacturiers de produits alimentaires que le Conseil de
l'industrie laitière vous ont indiqué que le financement des
associations accréditées ne devait pas être limité
seulement aux associations faisant partie d'une chambre de coordination et de
développement. Il ne faut pas laisser le financement des associations
à la merci des autres intervenants qui refuseraient de participer
à une chambre de coordination. L'étendue du plan conjoint et des
problèmes complexes auxquels on doit faire face devraient vous
convaincre de retenir notre recommandation et de rayer cette disposition de
l'article 79 qui a trait a la spécification concernant le fait de faire
partie d'une chambre de coordination et de développement.
Nous espérons que ces remarques, qui viennent de vous être
soumises au nom de l'Association, pourront vous aider à mieux comprendre
notre perception des améliorations souhaitées et nous vous
remercions de l'opportunité que vous nous avez donnée de les
faire.
Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Middlemiss: M. le président Lemire et vos
collègues, on vous remercie des aspects positifs de votre
présentation. Nous sommes heureux de voir qu'on travaille dans le sens
de vouloir régler et améliorer la situation. Pour revenir plus
spécifiquement à l'article 77, il semble que
l'accréditation pour des fins de négociation et d'arbitrage vous
semble suffisante. Toutefois, vous trouvez que, pour d'autres fins, il serait
préférable d'élargir ou de trouver une autre façon
d'accorder l'accréditation. Est-ce que vous ne trouvez pas un peu
dangereux d'étendre de telle façon l'accréditation de
l'association? Plus exactement, quelle serait la fin de cette demande?
M. Beaudry: Comme on vous l'a expliqué tantôt, c'est
qu'avec les années la Régie nous a permis de faire des
représentations au nom des transporteurs, autant sur des
règlements que la Régie pouvait donner, autant également
sur des questions de permis ou de convention de mise en marché. On a
déjà fait des représentations et, si on modifie tout le
texte de la loi, on peut se demander si le législateur a voulu garder ou
faire disparaître cette possibilité-là. C'est dans ce
contexte-là. Si on fait une refonte de la loi au complet, on demanderait
que ce droit-là de l'association, qui a été reconnu depuis
plusieurs années, soit éclairci dans ce contexte-là.
M. Middlemiss: Mais, présentement, il n'est pas
nécessaire pour une association d'avoir une accréditation pour
faire des représentations à la
Régie? Présentement?
M. Beaudry: C'est parce que, depuis nombre d'années, dans
le contexte de la loi actuelle, ça a toujours été
autorisé par la Régie.
M. Middlemiss: Est-ce que l'accréditation n'est pas
surtout utile pour lier les personnes visées, pour établir des
conditions de mise en marché? C'est ça que le projet de loi
prévoit.
M. Beaudry: le projet de loi prévoit que l'association
peut faire des représentations au niveau de la régie concernant
seulement des ententes avec l'office, la conciliation et l'arbitrage.
M. Middlemiss: concernant l'article 79, maintenant, le ministre
de l'agriculture, m. pagé, c déjà annoncé la
semaine dernière qu'il était prêt à
considérer d'amender le projet de loi pour donner suite à une
demande similaire venant d'autres associations afin qu'elles puissent percevoir
des contributions obligatoires des entreprises visées par
l'accréditation. donc, " ça répond un peu; la semaine
dernière, c'était à l'étude, dans le sens qu'il
pourrait y apporter des changements pour couvrir la situation que vous
évoquez.
M. Pagé: Pour mon bénéfice... Je m'excuse,
M. le Président. Mon collègue a dû amorcer l'analyse du
dossier, comme il l'a fait de façon tout à fait pertinente
tantôt avec Purdel, parce que j'étais au caucus des
députés comme leader du gouvernement. Vous me permettrez
cependant une seule question: Est-ce que vous avez des problèmes
à ce niveau-là?
M. Beaudry: Comme on l'a dit tantôt, c'est qu'actuellement
la Régie nous permet de faire ces représentations-là, dans
le contexte de la loi actuelle. On se dit, nous: Si on fait une refonte
complète de la loi, est-ce que ça va être la même
perception des autres parties? Si c'était clair pour nous, ça
nous rassurerait.
M. Pagé: Sauf que l'accréditation
réfère au droit de prélever des cotisations et tout
ça aussi?
M. Beaudry: Est-ce que vous parlez, à ce moment-là,
M. le ministre, de l'article 77 ou 79?
M. Pagé: L'article 77. La demande de la semaine
dernière, c'était ça. Est-ce que le commentaire que vous
nous formulez aujourd'hui, la requête que vous nous déposez se
réfère au problème de membership, comme ça a
été le cas dans d'autres groupes? Exemple concret: le Conseil de
l'industrie laitière représente l'industrie privée au
Québec et il y a des gens qui ne paient pas leur contribution au Conseil
de l'industrie laitière. Ils sont dans la "waguine" en arrière;
ils ne paient rien, eux autres, et ils en bénéficient. Moi, je
suis d'accord avec le fait que ces gens-là, parce qu'ils assument une
représentation auprès de ces clientèles, payent et que
tout le monde paie sa cotisation. Est-ce que c'est ça le problème
auquel vous vous référez? Je m'excuse.
M. Beaudry: Ça c'est une partie du problème.
M. Pagé: Bon. L'autre partie. Sur celle-là, vous
connaissez notre position. L'autre partie maintenant.
M. Beaudry: L'autre partie, c'est qu'on veut éviter, comme
on vous l'a souligné tantôt, vu que c'est dans un contexte
où il y a une refonte complète de la loi, que les autres parties
ne puissent dire: Vous le faisiez auparavant, c'était peut-être
permis; maintenant, on change la loi, le législateur n'en tient plus
compte, donc ça va être restrictif. Si vous pensez que ça
ne sera pas restrictif, à ce moment-là...
M. Pagé: On peut vous sécuriser. Ce n'est pas du
tout ça l'intention du législateur.
M. Beaudry: Je peux peut-être laisser parler M.
Delwaide.
M. Delwaide (Karl): Uniquement une précision pour vous
signaler que, si les tribunaux partagent la conviction du législateur,
ça ne pose pas de problème pour nous. La demande que nous faisons
quant à l'article 77, c'est pour éviter que les tribunaux ou la
Régie ne partagent pas cette intention que nous souhaitons voir tout
simplement confirmer. En fait...
M. Pagé: Vous comprenez avec moi que n'importe quel
groupe, entité, association ou personne physique même peut faire
des représentations auprès de la Régie. On n'a pas besoin
d'être accrédité à cet égard. Vous demandez,
vous, une accréditation. C'est ça?
M. Delwaide: Non, non.
M. Beaudry: Ce qu'on veut dire, M. le ministre, c'est que, avec
l'accréditation, on a le droit de représenter les transporteurs
à tous égards, en vertu du plan conjoint, avec l'office, et de
faire des représentations à la Régie, non pas au nom de
chaque individu, mais au nom du groupement, lorsqu'il y aura soit des
règlements, soit des conventions de mise en marché. On est
déjà intervenu et on veut avoir le droit de le faire à
l'avenir aussi.
M. Pagé: II ne vous est pas enlevé par le projet de
loi.
M. Beaudry: Si c'est votre interprétation que ce n'est pas
restrictif, à ce moment-là, il n'y a pas de problème.
M. Pagé: On va voir ça. On note vos commentaires.
Nous, notre intention, autour de cette table, pour l'ensemble des
députés, c'est que le texte reflète bien ce qu'on veut,
premièrement, et, deuxièmement, qu'on ait le moins
d'ambiguïté susceptible de naître comme suite de la lecture
de ce texte-là, une fois adopté. On va regarder ça avec
nos conseillers ici et on va voir si on peut vous sécuriser à cet
égard-là. On ne demande pas mieux. Il y en assez qui sont
insécurisés dans le monde du lait qu'il faudrait que les
transporteurs soient sécurisés. Ça vous va?
M. Beaudry: Ça me va. Dans ce sens-là, O. K. Mais
il y a quand même la possibilité, au niveau de l'article 81,
d'inclure des négociations multipartites. D'après nous, c'est une
notion qui est importante.
Le Président (M. Richard): M. le député
d'Art habaska.
M. Baril: Oui, une question uniquement informelle. À la
page 1 de votre mémoire, vous faites mention que votre Association
représente, "à peu d'exceptions près, tous les
transporteurs de lait". Ce sont lesquels qu'elle représente? Quel est le
plus court à dire, ceux qu'elle ne représente pas ou ceux qu'elle
représente?
M. Beaudry: Ceux que l'Association ne représente pas, ce
sont les coopératives laitières ou filiales d'entreprises
laitières qui effectuent elles-mêmes leur transport, avec leurs
employés. Dans les faits, les entreprises laitières qui
effectuent le transport avec leurs propres employés, incluant le
syndicat de Québec qui est une autre exception, ça peut
représenter à peu près sept transporteurs.
M. Baril: Sept transporteurs? M. Beaudry: Oui.
M. Baril: Quand on dit que les coopératives, des fois,
font affaire avec un transporteur privé, lui, il se trouve à
être membre de votre Association?
M. Beaudry: C'est-à-dire que les transporteurs qui vont
livrer du lait aux coopératives, ce sont des transporteurs qui
détiennent, selon un autre règlement, un permis qu'on qualifie de
forfaitaire. Même ces transporteurs sont membres chez nous. On
représente actuellement 94 % des transporteurs qui font du ramassage de
lait, qu'on peut représenter. Là-dessus, ça inclut
évidemment tous les transporteurs qui sont dans des
coopératives.
M. Baril: C'est bien. Je pense que le reste du mémoire est
assez clair. De l'autre côté de la table, on a posé les
questions qu'il fallait, je pense. Je vous remercie d'être venus nous
présenter votre opinion sur le projet de loi de la mise en
marché.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député d'Arthabaska. M. le ministre, vous avez un commentaire
final?
M. Pagé: Je voudrais remercier les représentants
des transporteurs. Merci beaucoup. Votre mémoire est reçu, il a
été lu et on va tenter de donner suite à vos
inquiétudes, non pas pour les entretenir, mais pour les écarter.
Continuez à bien faire ça.
Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. Avant
l'ajournement de nos travaux, j'aimerais préciser que demain, salle
Lafontaine, nous avons trois groupes à recevoir. À 11 heures,
nous rencontrons la Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec, à midi, l'Alliance des pêcheurs
commerciaux du Québec et, après les affaires courantes, vers 16 h
15, l'Association québécoise de l'industrie de la
pêche.
Sur ce, merci, bonne fin de journée.
M. Pagé: m. le président, on commence à 11
heures, on ajourne à midi.
Le Président (M. Richard): À midi et nous
recommençons après les affaires courantes.
M. Pagé: À 15 heures.
Le Président (M. Richard): À 16 heure
effectivement, parce que demain, c'est de 15 heures à 16 heures.
M. Pagé: On a un seul mémoire demain matin, on ne
passera pas...
Une voix: Deux. M. Pagé: Deux.
Le Président (M. Richard): Nous avons deux mémoires
demain matin.
M. Pagé: O. K. il va en rester un après, de 16
heures à 17 heures. je vais pouvoir aller au conseil des ministres.
Le Président (M. Richard): C'est exact. Sur ce, merci et
nous ajournons les travaux.
(Fin de la séance à 19 h 2)