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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Richard): Mesdames et messieurs, nous
débutons nos travaux. Je déclare la séance ouverte,
effectivement. Je vous rappelle le mandat de la commission, qui est de tenir
une consultation dans le cadre de l'étude du projet de loi 15, Loi sur
la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et modifiant
d'autres dispositions législatives. M. le secrétaire, M. Comeau,
est-ce que nous avons des remplacements, ce matin?
Le Secrétaire: Aucun remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): Excellent. Je vais vous faire
lecture du déroulement de la journée, de l'horaire. De 10 heures
à 11 heures, l'Association des manufacturiers de produits alimentaires
du Québec; de 11 heures à midi, Regroupement de l'industrie
céréalière et de la production animale; de midi à
13 heures, l'Association des industries forestières du Québec. Il
y a une suspension et nous recommençons à 16 heures pour recevoir
le Conseil de la coopération du Québec et, à 17 heures
jusqu'à 18 heures, la Coopérative fédérée de
Québec.
Je vous explique rapidement la mécanique, monsieur: vous avez
effectivement vingt minutes pour la présentation de votre
mémoire. Par la suite, il y a interrogation de part et d'autre. Alors,
sur ce, je vous cède la parole. Vous vous identifiez, le premier
intervenant et vous présentez vos collègues.
Association des manufacturiers de produits
alimentaires du Québec
M. Latour (André): Bonjour, mon nom est André
Latour, je suis directeur général de l'Association des
manufacturiers de produits alimentaires du Québec. Le siège
social est situé à Saint-Jean-sur-Richelieu. Les collègues
qui m'accompagnent sont: à mon extrême gauche, M. Bud Cronshaw,
directeur général pour les opérations de conserverie au
Québec de Nabisco Brand Itée; cette maison a des usines à
Chambly et à Sainte-Thérèse; à ma gauche, M. Jules
Tourillon, président-directeur général de David Lord
Itée, qui possède des plants de transformation à
Saint-Jean-sur-Richelieu et à L'Assomption; à mon extrême
droite, M. Karl Delwaide, procureur de l'Association, du bureau... de
l'étude Mar-tineau Walker, du bureau de Montréal; et à ma
droite, M. Marcel Ostiguy, président-directeur général de
la firme les Aliments Carrière inc., qui possède des usines
à Saint-Denis-sur-Richelieu, Rougemont, Saint-Césaire et
Bedford.
Nous voulons vous remercier de votre invitation, d'abord, et de
l'opportunité que vous nous donnez de vous adresser quelques
représentations de notre industrie. Comme la loi des marchés
agricoles a pris passablement d'ampleur depuis ses débuts, d'une loi qui
couvrait initialement à peu près strictement les produits
agricoles, maintenant on y trouve des dispositions qui concernent les produits,
du champ du producteur à la table des consommateurs, alors vous
comprendrez qu'en tant que manufacturiers de produits alimentaires, nous sommes
très intéressés par les dispositions de cette loi et par
les refontes qui peuvent survenir dans le projet qui est devant nous,
aujourd'hui.
Dans un premier temps, j'aimerais peut-être vous situer un peu le
profil de notre association. Nous regroupons 160 membres corporatifs, dont 25
membres fabricants. Ces membres fabricants-là ont comme
dénominateur commun qu'on peut tous les appeler des conserveries. Et les
champs d'activité dans lesquels ils transforment des produits sont les
fruits et légumes congelés et surgelés, les légumes
en conserve, incluant les marinades, les jus et boissons aux fruits, les autres
fruits transformés sous forme de confitures, les viandes en conserve,
les soupes, les sauces et les mets préparés, etc. Donc, la
majorité de ces transformateurs s'occupent de fruits et légumes
et ont des opérations au Québec. En rapport avec la Loi sur la
mise en marché des produits agricoles et alimentaires, l'AMPAQ
représente donc plus particulièrement les secteurs suivants.
D'abord, les acheteurs de pommes destinées à la transformation
et, également, les acheteurs de légumes destinés à
la transformation et dans ces légumes, principalement, qui sont
assujettis au plan conjoint, on retrouve les pois verts, les haricots, le
maïs sucré, les concombres, les asperges et les tomates. Nos
principaux interlocuteurs, au niveau de la production agricole, sont la
Fédération des producteurs de fruits et légumes du
Québec et la Fédération des producteurs de pommes du
Québec, qui sont deux fédérations affiliées
à l'UPA.
Quelques statistiques maintenant. Environ 20 % de la production totale
des fruits et légumes sont destinés à la transformation.
L'industrie de la transformation des fruits et légumes, au
Québec, compte à peu près une cinquantaine
d'établissements, qui ont à peu près 200 employés
réguliers, pour une masse salariale d'environ 40 000 000 $, et quand on
arrive aux employés saisonniers, il faut multiplier ce chiffre
par deux, par trois ou par quatre, selon les usines.
L'ensemble de l'industrie fait affaire avec à peu près 2000
producteurs agricoles spécialisés, soit dans la production de
pommes, soit dans la production de légumes.
Au niveau des légumes transformés seulement,
qui nous intéressent plus particulièrement ici, nous faisons
affaire avec 800 à 1000 producteurs agricoles qui cultivent à peu
près 30 000 acres de légumes de transformation pour une valeur
à la ferme d'environ 20 000 000 $, valeur qui, au niveau du
marché, au niveau du produit fini, s'élève au montant
d'à peu près 150 000 000 $ ou 200 000 000 $. On peut ajouter que
les ventes totales de nos membres en provenance du Québec sont d'environ
3 000 000 000 $, si on considère tous les membres de l'Association.
Au niveau des marchés, notre industrie dessert
d'abord et surtout le marché québécois, mais
également une partie importante de nos expéditions est
exportée vers le reste du Canada, vers les États-Unis et vers
l'Europe. Certaines de nos entreprises - peut-être que ce sera un peu
surprenant pour vous - vont jusqu'à exporter 90 % de la production faite
au Québec. Alors, de là découle, évidemment,
l'importance, pour nous, de la compétitivité de nos produits.
L'industrie est composée de petites et de moyennes
entreprises dont les centres de décision sont situés au
Québec. On y compte également quelques multinationales et
entreprises nationales qui sont, pour la plupart, implantées au
Québec depuis plus d'un demi-siècle. Au niveau des
approvisionnements, ils proviennent en majeure partie des régions
environnantes des conserveries, c'est-à-dire sur la rive sud de
Montréal, dans la plaine du Saint-Laurent entre, à peu
près, Valleyfield et Drummondville, dans une espèce de
demi-cercle dans le sud de la plaine du Saint-Laurent et, également, sur
la rive nord, des régions de Terrebonne, L'Assomption, Joliette et
Berthierville.
Maintenant, parmi les buts de nos représentations
ici, aujourd'hui, évidemment, ce qui nous amène, c'est la
recherche d'une certaine efficacité pour l'industrie. Et quand on parle
d'industrie, ici, on inclut, évidemment, les transformateurs, mais
également les producteurs agricoles in extenso jusqu'aux consommateurs.
Nous voulons également nous assurer par cet exercice que le
législateur québécois soit un partenaire réel de
l'industrie sur tous les points.
Si nous jetons un petit coup d'oeil sur le passé, au
niveau de l'AMPAQ, nous avons toujours reconnu le droit des producteurs
agricoles de s'associer. Nous avons un plan conjoint qui existe depuis 1978 et
nous négocions avec les producteurs agricoles depuis 1979. Nous nous
sommes toujours astreints aux contingences imposées par le plan
conjoint. Nous avons investi énormément de temps et d'argent pour
bonifier nos relations avec les producteurs agricoles, même si nous
sommes bien conscients que l'affectation du temps de notre personnel
représente une réduction d'efficacité, en particulier
quand on se compare aux États-Unis, et que tous les autres coûts
afférents à l'administration du plan conjoint sont
absorbés ultimement par les acheteurs, puisqu'ils se reflètent
dans le prix des produits.
Si nous jetons un coup d'oeil sur l'avenir, notre
environnement, comme on le sait tous, change très rapidement. On parle
de libre-échange, de négociations du GATT, de politique agricole
nationale. Au plan du libre-échange seulement, les coûts
engendrés par notre système de mise en marché risquent
d'avoir un impact négatif sur notre compétitivité. Ici, je
pense qu'on n'invente rien, ce sont des choses qui ont déjà
été dites et j'aimerais peut-être juste citer un court
paragraphe qui est extrait du rapport du comité d'examen qui a
précédé les travaux d'établissement de la loi.
Alors, on y retrouve, en page 10, un paragraphe qui dit ceci: Tant que le
système des plans conjoints est fermé, les conséquences de
prix plus élevés que ceux observés en pays
étrangers pour les produits agricoles restent relativement minimes. Mais
si la porte s'ouvre, que ce soit directement par la disparition ou
l'amenuisement de barrières à l'importation de ces produits, ou
indirectement par l'importation de produits transformés à partir
de produits agricoles étrangers, alors le système devient
vulnérable.
Je pense qu'on peut, sans craindre de se tromper, vous
dire, mesdames et messieurs, qu'actuellement la porte est ouverte. Tous les
observateurs s'accordent actuellement pour reconnaître que l'industrie
bioalimentaire québécoise devra s'ajuster rapidement dans un
environnement commercial plus dynamique et plus compétitif. En parlant
de vulnérabilité, le secteur de la transformation des fruits et
légumes a déjà été identifié comme
l'un des plus vulnérables. C'a été fait à travers
le rapport du conseil consultatif sur l'adaptation, qu'on appelle aussi le
rapport de Grandpré. On retrouve à peu près les
mêmes propos dans une étude de Woods Gordon à l'intention
d'Agriculture Canada et, également, on retrouve ça dans d'autres
rapports existants.
Alors, examinons donc quelques faits. Aux
États-Unis, il n'existe pas de plan conjoint comme tel, donc pas de
négociation sur la même base qu'ici. Les regroupements de
producteurs aux États-Unis sont donc moins structurés. Si l'on
regarde les six produits de notre plan conjoint au Québec,
déjà deux d'entre eux sont à l'agonie. On parle ici des
tomates rouges et des asperges. Dans le cas de la tomate, on peut
préciser qu'il y a 25 ans seulement, au Québec, il y avait toute
une panoplie d'usines de transformation, soit industrielles, soit artisanales,
et notre autosuffisance en tomates transformées était quand
même assez élevée. En 1990, plus aucune entreprise ne
transforme la tomate au
Québec. C'est donc dire qu'il y a une évolution qui s'est
faite de ce côté-là.
Également, du côté de la flexibilité des
producteurs par rapport à celle des acheteurs, si,
éventuellement, la situation tournait mal pour les acheteurs, les
producteurs auraient toujours la chance d'entreprendre des activités
dans un autre secteur. C'est plus facile pour eux que pour nous qui avons des
installations très spécialisées et très
sophistiquées et qui ne peuvent pratiquement servir à autre
chose. Cela nous amène donc à inviter le législateur
à une très grande prudence, particulièrement au niveau des
pouvoirs consentis au plan conjoint. La loi doit être bâtie de
façon à minimiser les coûts pour l'industrie, de
façon à favoriser la compétitivité de nos
entreprises, et cela, pour le bénéfice ultime de l'ensemble des
intervenants, c'est-à-dire nous-mêmes, les transformateurs, les
producteurs et, ultimement, les consommateurs. Dans cet esprit, le projet de
loi 15 est peut-être un peu trop centré sur nos conditions
internes de mise en marché et pas suffisamment sur les nouvelles
réalités du commerce international.
Alors, nous avons présenté à la commission un
mémoire qui est très succinct et nous aimerions, à ce
point-ci, peut-être discuter des trois articles seulement auxquels nous
avions attaché notre attention. Ce sont des articles qui, à notre
avis, s'ils restent sans changement, risquent de devenir des
éléments de non-concurrence pour notre industrie.
Au niveau de l'article 38, historiquement et bien avant
l'avènement du plan conjoint, les transformateurs ont
complété leurs approvisionnements par la production de leur
propre ferme. Quand les transformateurs ont agi de la sorte, c'est soit par un
manque de producteurs, soit par un manque de flexibilité chez les
producteurs - on sait que nos cultures demandent énormément de
rotation - soit à des fins expérimentales ou soit encore à
cause de risques inhérents à la culture, les risques étant
plus élevés généralement en début ou en fin
de saison et les transformateurs se réservaient à ce
moment-là la possibilité d'absorber ces risques.
La teneur de l'article 38 du projet de loi 15 nous laisse croire que le
législateur pourrait favoriser que le transformateur paie une cotisation
syndicale sur sa propre production, une production évidemment qu'il ne
se vend pas à lui-même. Le paiement d'une telle contribution pour
financer l'organisme, qui représente officiellement les producteurs
agricoles, donc ultimement à payer pour des services que le
transformateur ne reçoit pas... L'effet de l'article 38 fait en sorte
qu'une même entreprise est assujettie en même temps à la
fois à titre d'acheteur et à la fois à titre de
producteur. Comme les cotisations syndicales font déjà partie
intégrante du prix de vente du produit, nous vous soumettons que les
entreprises seraient, avec ce système, doublement taxées.
D'abord, les entreprises paient leur association pour les
représenter. Les entreprises paieraient le syndicat agricole pour les
représenter d'une façon très artificielle et on
conçoit également que le prix de la cotisation est
déjà inclus dans le prix de revient des légumes. Alors, on
convient facilement que ça serait de la double et même de la
triple taxation. Si on veut faire un parallèle avec le droit du travail,
le droit du travail défend absolument que des entreprises paient ou
financent les cotisations syndicales ou financent le syndicat qui
représente ses employés. Ce n'est pas permis et on voit
très mal comment une loi du ministère de l'Agriculture puisse
autoriser une telle chose.
Puisque les cotisations ont un effet direct sur le prix des produits, au
Québec les cotisations représentent un montant d'environ 200 000
$ sur des ventes, la valeur à la ferme du produit, d'environ 15 000 000
$ à 20 000 000 $; puisque les marges de profit dans l'industrie sont
généralement inférieures à 3 % - et ici quand on
parle de 3 %, c'est seulement dans les bonnes années - on conclut que la
marge de manoeuvre des entreprises est très étroite. C'est
pourquoi il nous semble très approprié et très
impératif qu'un amendement soit apporté à l'article 38. On
vous suggère d'ajouter après le texte actuel de l'article 38,
comme c'est inscrit dans notre mémoire: "Cependant le producteur d'un
produit qui à l'état brut est visé par un plan n'est pas
tenu de payer la contribution stipulée par le plan ou les
règlements sur la partie de sa propre production qu'il transforme
lui-même." (10 h 30)
Ceci nous amène à vous parier de l'article 41, qui est le
deuxième article sur lequel nous avions arrêté notre
attention. Nous avons déjà vu jusqu'à quel point la notion
de compétitivité avait une importance cruciale quant aux chances
de notre industrie de pouvoir s'adapter efficacement aux nouvelles
réalités commerciales, particulièrement dans le cadre du
libre-échange canado-américain. Cette notion de
compétitivité, je crois que vous l'entendrez, au cours de ces
journées, à plusieurs reprises de la part des associations ou des
représentants du monde industriel agro-alimentaire. Alors, je pense
qu'il n'y a pas de cachette pour personne que le secteur, notre secteur, vit
certaines difficultés. Je crois que le député de Berthier
et le député d'Iberville en sont, je pense bien, très
conscients parce qu'il y a des entreprises dans leur propre comté qui
ont été touchées récemment. Alors, c'est pourquoi
même si notre association appuie la philosophie sous-jacente de l'article
41, nous souhaitons que le législateur garantisse un système de
révision authentique des bienfaits réels de tout plan conjoint
dans une démarche qui tienne absolument compte de la
compétitivité du secteur industriel. Les plans conjoints doivent
être analysés à la lumière de leurs effets sur
la
compétitivité de l'industrie, compétitivité
qui comporte des avantages réels à la fois pour les producteurs
et les consommateurs. Comme le secteur de la transformation des fruits et
légumes a été identifié comme l'un des plus
vulnérables face au libre-échange, la révision
périodique des plans conjoints, Incluant l'aspect
compétitivité, constitue pour nous une préoccupation
majeure. Cette recommandation, comme les autres que nous vous
présentons, cadre bien dans le contexte que la philosophie de base de la
future loi soit résolument inscrite dans une orientation de
marché. En conséquence, nous suggérons que l'article 41 se
lise comme suit: "À la demande de la Régie et au plus tard
à tous les cinq ans, chaque office établit devant la Régie
ou devant les personnes qu'elle désigne pour lui faire rapport, que le
plan, les conventions en vigueur et les règlements qu'il
édicté servent les intérêts des producteurs et
favorisent une mise en marché efficace, ordonnée et
compétitive du produit visé. La Régie invite
également les personnes ou les sociétés engagées
dans la mise en marché du produit visé ou leur association ou
regroupement accrédité à soumettre aussi leurs rapports."
Pour nous, la notion de compétitivité qu'on doit retrouver un peu
partout à travers la loi - ici, on a relevé l'article 41 - mais
partout où il est question dans la loi de mise en marché
efficace, ordonnée, nous voyons l'inclusion de la notion de
compétitivité en plus. Et finalement, vous voyez que nous avons
une modification qui demande que les sociétés engagées,
c'est-à-dire les associations ou les regroupements, qu'elles soient
également appelées à une consultation par la Régie
pour faire la démonstration de cette compétitivité ou
non-compétitivité à propos des plans conjoints. Alors, H
n'est pas question pour nous de répudier automatiquement les plans
conjoints mais cette demande, je pense, manifeste plutôt notre
désir de rendre les plans conjoints plus efficaces.
Le dernier article sur lequel nous nous sommes penchés et
où nous avons fait les représentations, c'est l'article 79.
L'introduction de l'article 79 pourrait régler en principe le
problème de sous-financement des associations accréditées.
Comme l'article 79 lie cependant le financement des associations
accréditées à leur participation à des chambres de
coordination et de développement, participation qui est conditionnelle,
vous en conviendrez, à la volonté d'autres parties,
conditionnelle également à l'état des relations entre les
parties ou encore conditionnelle à des situations bien
particulières, nous vous suggérons que le texte de l'article 79
soit amendé pour, évidemment, enlever cette condition qui lie le
financement à des associations accréditées à leur
participation à des chambres de coordination. Alors, le nouveau texte
que nous vous suggérons est le suivant: "Les membres d'une association
accréditée où une catégorie d'entre eux peuvent,
lors d'une as- semblée générale de l'association
accréditée convoquée à cette fin, ratifier un
règlement pris par l'association afin de déterminer le montant de
la contribution pour couvrir les coûts relatifs aux devoirs et
obligations résultant de l'accréditation. Ils peuvent de la
même manière ratifier un règlement déterminant le
montant d'une contribution afin de couvrir les coûts relatifs aux
obligations résultant de la participation de leur association à
une chambre de coordination et de développement."
Évidemment, nous aurions pu soulever plusieurs autres
éléments du nouveau projet de loi 15, en particulier, on aurait
pu s'arrêter sur l'équilibre de la représentativité
des membres qui composent la Régie des marchés agricoles du
Québec. On aurait pu, également, parler des requêtes faites
à la Régie pour l'institution ou l'instauration de plans
conjoints. On aurait pu parler du vote lors des assemblées
générales des producteurs. On aurait pu, également,
s'arrêter sur les définitions qui précèdent la loi.
Mais c'est à dessein que nous avons voulu limiter notre intervention en
priorisant certains points qui nous apparaissent cruciaux.
Nous avons confiance que les membres de la commission parlementaire leur
accorderont toute l'attention voulue. J'avais été élu
démocratiquement pour vous présenter nos diverses
recommandations, maintenant, je pense que nous sommes très anxieux
d'engager le dialogue avec vous. Moi-même et mes collègues sommes
prêts à répondre à des questions et à
échanger si possible. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci, M. Latour. M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Pagé: M. le Président, vous me permettrez, dans
un premier temps, de remercier M. Latour de sa présentation, le
féliciter pour son élection très démocratique pour
agir comme porte-parole, ce matin, comme directeur général,
saluer ses collègues. Je veux profiter de votre visite ici pour vous
indiquer, premièrement, qu'on a lu votre mémoire avec beaucoup
d'intérêt, beaucoup d'attention. Je dois reconnaître, et
profiter de cette opportunité, comme ministre de l'Agriculture, pour
saluer et souligner la contribution, éminemment importante, jouée
par votre association, dans un premier temps et, évidemment, par les
membres de votre association dans le conditionnement et la transformation des
produits agricoles québécois.
Vous avez très bien fait, je crois, de donner, de
référer au volume d'affaires, au volume transformé au
Québec. Vous évoluez dans une industrie, dans un secteur qui,
quotidiennement, doit faire face à une compétition qui est
très vive, très rigoureuse et qui sera plus forte.
Dans un premier temps, vous nous indiquez - et nous sommes pleinement
d'accord avec vous - que ce contexte de mondialisation des
marchés, d'ouverture des marchés aussi, vous place, vous
convie à des défis qui sont très grands. D'ailleurs, on
avait eu l'occasion d'échanger quand je me suis rendu à votre
congrès, l'an passé. L'industrie de la conserverie, au
Québec, fait face à un défi très audacieux. D'une
part, l'entrée du libre-échange qui crée cet
environnement, on aura beaucoup plus de compétition. Vous êtes
confrontés, donc, à être plus performants. Vous êtes
confrontés à des niveaux de rentabilité qui sont quand
même très, très minces, on me parle de marge bien en
deçà de 5 %, en moyenne. Donc, vous vous devez d'être
vigilants. Vous êtes confrontés, non seulement à cet
environnement plus compétitif, accès plus facile à des
marchés qui vous étaient traditionnels pour des produits venant
d'autres pays. Vous êtes confrontés aussi, dans le domaine de la
conserverie, à un autre élément qui est la consommation de
produits à l'état frais. Ça aussi, ça commande chez
vous discipline, rigueur et excellence continuelles.
Compte tenu qu'on est assez limités dans le temps, je vais
aborder immédiatement les questions que vous nous soulevez. Vous
référez aux plans conjoints. Évidemment, les plans
conjoints, comme je l'ai indiqué hier - je comprends que vous
n'étiez pas avec nous hier - je vais vous dire, dans un premier temps,
l'objectif de cette loi qui est revisée après quoi,
peut-être 20 ans, 25 ans, depuis 1964, l'objectif qui anime le
gouvernement en est un très clair, faire en sorte que l'ensemble de
l'industrie bioalimentaire québécoise soit régi par une
loi actualisée en fonction de l'obligation que nous avons d'être
plus performants, plus compétitifs et, surtout, qu'on se donne des
moyens révisés pour être capables de répondre aux
besoins des consommateurs et des consommatrices. C'est ce pourquoi - je n'ai
pas eu de commentaires là-dessus, sur les chambres de coordination -
j'aurais aimé vous entendre sur le sujet.
Traditionnellement, le mandat de la Régie des marchés
agricoles a été perçu - probablement que votre association
l'a perçu comme ça pendant longtemps - à savoir que la
Régie est là pour agir comme police, est là pour
discipliner, pour appliquer la loi et les règlements adoptés par
les producteurs dans le cadre de plans conjoints proposés à la
Régie. L'objectif de la loi, c'est, premièrement, de maintenir
cette fonction régie, des ententes régies de mise en
marché de produits, de règles de mise en marché, mais
c'est aussi d'être davantage orienté vers la commercialisation, le
développement des marchés, la pénétration de
nouveaux marchés, et c'est dans ce sens-là qu'on propose la
création de chambres de coordination et de développement. C'est
ce qu'on souhaite, nous.
Je comprends que, parfois, il arrive qu'entre l'intention du
législateur et le quotidien, l'application d'une loi, il y a certaines
variantes, mais l'objectif - là-dessus, on veut être très
clair - via ces chambres, c'est de faire en sorte que les gens de l'industrie -
vous en êtes un exemple très éloquent - que les
producteurs, que leurs représentants, via leur fédération,
s'asseoient autour d'une table avec des associations comme la vôtre, qui
sont représentatives du milieu de la transformation des fruits et des
légumes, aussi, avec les gens de la distribution, et même des
consommateurs, pour que ces gens-là travaillent non seulement sur des
problèmes ad hoc, mais travaillent aussi sur les façons de faire
à moyen et à long terme la part de chacun des intervenants,
autant les producteurs - je me réfère, par exemple, à des
règles ou à des normes de conformité de produits selon les
besoins d'une entreprise de transformation comme la vôtre - que tout le
monde ait l'objectif que, globalement, on soit plus fort en fin d'exercice et
qu'on se donne les moyens d'intervenir.
Nous croyons que le fait que ces gens-là soient assis autour de
la même table, il va se dégager plus facilement des consensus, on
a plus de chance qu'il y ait des consensus et on a plus de chance que vous vous
compreniez, finalement. J'ai senti dans votre présentation une
inquiétude ou, c'est le moins que je puisse dire, un
intérêt, et je vous réponds que, pour nous, le meilleur des
véhicules pour atteindre les objectifs que vous identifiez ce matin, ce
sera très certainement nos chambres de coordination et de
développement.
Les plans conjoints, je l'ai expliqué hier, ont joué un
rôle essentiel à la stabilité non seulement des revenus,
mais aussi de la production agricole au Québec. Les plans conjoints sont
contraignants, j'en conviens, je suis d'accord avec vous. Ce serait
peut-être plus facile, dans certains secteurs, pour les
entreprisés de transformation, de faire affaire avec des producteurs
individuels sans se soucier de règles de fonctionnement bien
précises, de production, etc., les coûts que ça implique,
mais je peux dire sans me tromper, je crois, que l'expérience du
Québec en matière de gestion et de mise en marché du
produit québécois, inspirée par la formule des plans
conjoints, aura été utile et même performante, au
bénéfice de l'industrie. Exemple concret: dans certains secteurs,
c'est à partir de plans conjoints et de règles prévues
dans les plans conjoints qu'on peut garantir les approvisionnements à
des entreprises, à un prix donné, sans qu'il n'y ait de
surenchère, parce qu'en période... Surtout dans des productions
contingentées, où la matière première est
limitée, si on n'avait pas comme pendant de ces contingents des plans
conjoints qui établissent des règles d'approvisionnement avec les
entreprises, ce sont nos entreprises québécoises qui seraient
placées dans une très grande situation de
vulnérabilité. On l'a déjà vu et ça... Je
pense que l'ensemble des intervenants en sont conscients, ce qu'on a
vécu dans le poulet, il y a trois ans, à titre d'exemple.
Alors, les plans conjoints ont de grandes qualités.
Je comprends que vous mettiez en relief, peut-être, certains
défauts de ces fonctionnements, ça, c'est tout à fait
normal, tout à fait explicable. Mais ma perception, je crois que le
gouvernement, l'Assemblée nationale du Québec qui adoptera cette
loi, fait très bien en maintenant ce principe qui est fondamental dans
la mise en marché des produits agricoles au Québec. (10 h 45)
Vous m'avez dit: La première demande, c'est de
limiter les pouvoirs réglementaires. J'aimerais, donc, vous entendre
aussi là-dessus. La première question portait sur les chambres de
coordination. La deuxième, vous nous demandez de limiter les pouvoirs
réglementaires dans les plans conjoints; j'aimerais que vous y mettiez
un peu plus de précision. Vous nous dites, troisièmement, que le
projet de loi ne va pas assez loin pour tenir compte des marchés.
Ça me surprend un peu parce que c'est... Les éléments
particulièrement nouveaux dans le projet de loi réfèrent,
entre autres, à une orientation qu'on veut donner à la
Régie de tenir compte davantage de l'évolution, des tendances et
des besoins des marchés.
Concernant vos représentations très
particulières, à l'article 38, où vous soutenez que, comme
producteur-transformateur, comme entreprise qui transforme ou conditionne, mais
qui produit aussi, vous vous retrouvez un peu dans la situation où vous
êtes à la fois membre du syndicat et vous êtes le patron.
Vous comprenez que, compte tenu des poursuites qui sont actuellement devant les
tribunaux, vous contestez ces dispositions et je suis persuadé que votre
procureur, avec vous ce matin, va non seulement écouter, mais noter tous
les propos que le ministre pourrait dire sur le sujet. Étant procureur
moi-même, étant avocat, non pas procureur, parce que je ne
représente pas personne ici, je représente mon monde,
étant avocat, je vais être très très bref sur le
sujet et vous indiquer qu'on va attendre, purement et simplement, les
décisions des tribunaux en semblable matière. Sauf que vous me
permettrez un commentaire qui est le suivant: S'il fallait qu'une entreprise de
production, qui en même temps transforme, ne participe pas aux
règles du jeu des producteurs dans le plan conjoint, c'aurait tout un
impact; c'aurait tout un impact, ça. Exemple concret: je pense qu'on
aurait beaucoup de difficultés. Je pense que la Fédération
des producteurs de poulets aurait beaucoup de difficultés. Si on prend
dans la volaille, les entreprises qui transforment, que ce soit des entreprises
comme la Coopérative fédérée, que ce soit Tyson,
ces entreprises-là détiennent 15 % des quotas et elles doivent
remplir toutes les obligations inhérentes aux producteurs pour leurs
activités à titre de producteur. Et si, demain matin, 15 % des
quotas - ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire près
de 9 % du quota global du Canada - ça voudrait donc dire, demain matin,
que la Fédération des producteurs de volaille du Québec
serait très certainement placée dans une position précaire
et délicate, compte tenu de cette stipulation-là.
Sur les 30 000 acres qui sont en culture, les entreprises
en contrôlent 9000 acres, donc c'est près de 33 % du volume de
production provenant de T'acrage" québécois qui serait sorti,
demain matin, des plans conjoints avec un impact majeur.
Je termine pour laisser le temps à l'Opposition, M.
le Président. À l'article 41, vous nous demandez d'ajouter une
notion de compétitivité: je trouve ça très
intéressant, parce que c'est ce à quoi on se
réfère. Vous savez, si on demande une révision automatique
puis un échange automatique, tous les cinq ans, sur les plans conjoints,
ce n'est pas seulement pour le plaisir de se rencontrer, d'échanger puis
de jaser ensemble, c'est pour tenir compte de l'évolution des
marchés dans les cinq dernières années, comment le
fonctionnement, sans remettre en cause le principe des plans conjoints, mais,
comment le fonctionnement dudit plan, accepté ou en vigueur depuis cinq
ans... Est-ce qu'il correspond exactement aux attentes, et des producteurs, et
des transformateurs, et des distributeurs? Alors, comme trop fort ne casse pas
et que trop fort..., comme c'est ça qu'on voulait dire et que vous nous
dites qu'on ne le dit pas très clairement, je vais très
certainement apporter un amendement, pour être certain que la notion de
compétitivité du secteur soit incluse dans ce processus de
réflexion qui sera statutaire, à tous les cinq ans.
L'article 79. Vous nous dites: Nous sommes une association,
on représente l'ensemble de l'industrie. On demande que chacune des
entreprises évoluant dans le secteur doive être membre de notre
association. J'ai une demande analogue qui vient du Conseil de l'industrie
laitière, qui est confrontée au même problème. Le
Conseil de l'industrie laitière, c'est un organisme représentatif
des industries privées dans le domaine du lait au Québec. Ils
font, ils respectent, ils remplissent bien leur mandat, comme vous le faites,
puis je veux vous en témoigner ce matin; cependant, il y a des gens qui
se laissent tirer la patte, puis qui sont confortables en sachant qu'ils sont
représentés par l'organisme, puis ils ne paient pas leur
contribution. Alors, je prévois apporter une modification qui
s'appliquera autant à votre association, dis-je, qu'au Conseil de
l'industrie laitière, comme quoi une entreprise devra payer sa
contribution. Et là, restera à voir si on obligera à
être l'âme parce que, nous autres, on veut calquer la même
chose, on veut appliquer, dans le secteur des associations
représentatives comme la vôtre, les mêmes dispositions qu'on
applique aux bénéfices des producteurs agricoles - puis on l'a vu
hier - les gens paient leur cotisation mais ne sont pas
membres de l'Union des producteurs agricoles. Alors, la réponse
est positive à cet égard-là.
Enfin, l'article 15, la composition de la Régie. J'ai
indiqué, hier, que l'objectif était..., parce que, hier, on nous
a demandé que les consommateurs soient représentés comme
régisseurs. Vous nous demandez aujourd'hui que les gens de la
transformation, comme vous autres, soient représentés au sein des
régisseurs, etc. J'ai indiqué, hier soir, que l'intention du
gouvernement était de revoir la composition de la Régie, la
formation de la Régie, en fonction de la personne qui occupe la fonction
beaucoup plus que ce qui a pu paraître dans le passé comme
étant des représentants de différents secteurs. On sait
qu'il y a des gens qui viennent du milieu coopératif, qu'il y a des gens
qui viennent du milieu syndical, etc., et là, je ne veux pas - je vais
répéter ce que j'ai dit hier - je ne veux pas jeter la panique,
là, ça ne constitue pas un préavis de licenciement
collectif, cette affaire-là, mais, chose certaine, cette perception de
ceux et celles qui sont administrés par cette loi a été
pendant longtemps... Ben, la Régie est composée à la fois
de membres provenant de... Non, on va tenter de corriger cette
situation-là et la notion de représentation, on la voit beaucoup
au sein des chambres de coordination et de développement où
là, vous serez, l'ensemble des intervenants sera dûment
représenté et défendra les intérêts, etc.
Merci beaucoup d'être venus nous saluer ce matin, j'apprécie votre
mémoire et, encore une fois, merci pour le travail éminemment
important que vous faites pour le secteur agricole québécois.
Même s) c'est corsé, même si le libre-échange, on
doit y faire face, même si les consommateurs sont plus exigeants,
même si le marché du frais se développe rapidement, soyez
persévérants, continuez à bien faire ça, on a
confiance en vous autres. Merci.
Le Président (M. Richard): M. le député
d'Arthabaska et porte-parole officiel de l'Opposition, vous avez la parole.
M. Baril: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue à ce groupe qui est venu présenter son
mémoire. Je n'élaborerai pas longtemps sur votre mémoire
puisque vous avez dit, à la fin de votre présentation, que vous
aviez hâte de nous entendre vous poser des questions. Donc, je vais vous
poser des questions et je vais vous laisser y répondre et non
répondre moi-même. On sait que le ministre, puisqu'il a introduit
dans la loi ce nouveau mécanisme de chambre de coordination, on le
croit, il n'a pas à plaider sur la valeur de ce nouvel organisme. Moi,
j'aimerais ça vous entendre sur ce que vous en pensez de cette chambre
de coordination? Et telle que définie, telle que présentée
dans le projet de loi, sera-t-elle efficace? J'aimerais vous entendre sur
ça.
M. Ostiguy (Marcel): Je vais commencer et je vais répondre
a la première de vos interrogations sur les chambres de coordination. Je
pense que dans le présent et dans le futur, on doit jouer
énormément sur les mentalités. Le secteur des
légumes et des fruits de transformation a vécu des modifications
importantes au niveau de la transformation. Lorsqu'on explique
présentement à nos fournisseurs, aux producteurs agricoles,
qu'ils doivent modifier leur vision du futur, qu'ils doivent modifier leur type
de relation avec les acheteurs, ils ont énormément de
difficultés à nous croire. La Loi sur la mise en marché
des produits agricoles et le plan conjoint ont aidé à
développer, chez les producteurs agricoles, une mentalité qu'ils
ont l'impression qu'ils ont énormément de pouvoirs et que cette
loi et le plan conjoint ne les obligent pas à changer leur structure de
fonctionnement pour s'adapter à la compétition du marché
mondial. Je ne pense pas qu'on va pouvoir vivre avec des chambres ou des - moi,
j'appelle ça des - tables de confrontation et des tables de coordination
ou de concertation. J'ai de la difficulté à voir qu'une
journée, je m'assois avec les producteurs agricoles et je suis en
confrontation très sévère et très dure et, la
semaine suivante, on convoque une chambre de coordination et là, on dit:
On va essayer de s'entraider. Il faut essayer d'en arriver à marier ces
deux mentalités-là et en arriver à n'avoir qu'une chambre
et qu'un mode de fonctionnement et non pas deux modes de fonctionnement qui
font qu'une journée, on se confronte énormément et une
journée, on dit: On est gentils, on est fins, on va s'entraider.
Je pense que l'industrie de la transformation dans laquelle nous sommes
n'a pas 10 ans pour s'adapter au libre-échange. Nous avons, et moi j'en
suis convaincu, environ 2 à 3 ans. Si, en 1993-1994, on n'a pas
restructuré l'industrie de la transformation et on n'a pas
restructuré l'industrie primaire que sont les producteurs agricoles, on
va avoir énormément de difficultés à s'ajuster sur
les marchés mondiaux. Dans le fond, moi, je serais porté à
vous dire: Vous devriez peut-être refaire votre loi et la baser
uniquement en fonction de tables de concertation et oublier vos tables de
confrontation qui sont une grande partie du projet de loi. Il faut
développer la mentalité. J'ai l'impression que le projet de loi
ne va pas assez loin pour l'ouverture qu'on doit avoir pour le futur dans des
tables de concertation et j'ai l'impression qu'on laisse beaucoup trop de place
à la confrontation. Pour le bien de l'industrie agro-alimentaire, si,
nous, on ne passe pas à travers, les producteurs n'auront personne
à qui vendre leurs produits et c'est excessivement important que les
acheteurs passent à travers.
M. Baril: J'aimerais peut-être que vous expliquiez
davantage comment, telle que formulée dans la loi, vous pouvez comparer
cette chambre
de coordination à une table de confrontation. J'aimerais
ça que vous...
M. Ostlguy: Écoutez, lorsqu'on s'en va négocier, je
pense que... Moi, depuis deux ou trois ans, je suis allé une fois aux
tables de négociation mais, dans les premières années,
j'ai fait partie du comité consultatif qui a amené l'implantation
du plan conjoint. J'ai, jusqu'en 1986, été, presque toujours
à la table centrale aux négociations des producteurs agricoles.
Lorsque vous implantez un plan conjoint, dans le passé et encore
même aujourd'hui, les producteurs ont toujours eu l'impression que, ouf!,
on est corrects. Avec cette structure, on peut se permettre de "fighter"
énormément - je m'excuse du terme - la transformation. (11
heures)
Lorsque vous avez un plan conjoint, je pense que dans la
mentalité qui existe présentement, on en arrive à des
confrontations assez sévères. Je donne un exemple: l'an dernier,
avant le début des négociations, on avait rencontré, M.
Tourillon et moi, la Fédération des producteurs de légumes
de transformation et on leur avait brossé un tableau assez exact et
réaliste de la situation de l'industrie et les changements qu'on devait
apporter à court terme pour permettre à certaines productions de
survivre. Un an après je peux vous dire qu'il n'y a personne qui nous a
pris au sérieux et ce que nous avons dit s'est réalisé et
ça a entraîné des fermetures d'usines et des pertes de
production importantes. Je pense qu'il faut jouer sur les mentalités.
C'est probablement la responsabilité de tout le monde dans cette salle
de jouer sur les mentalités. C'est aussi la responsabilité du
législateur de faire passer la mentalité par ses projets de loi,
mais je pense que c'est une responsabilité commune. Présentement,
de ce que les producteurs ou les représentants qui administrent les
plans conjoints et rencontrent les acheteurs, il y a encore un pourcentage trop
élevé de temps qui est alloué à la confrontation
pour le peu de temps alloué à l'analyse de la situation et
à regarder le futur et voir comment on doit modifier la structure
industrielle et notre façon d'avoir des relations entre nous.
M. Baril: Comme ça, vous pensez que le projet de loi, tel
que présenté, ne jouera pas sur les mentalités, comme vous
le dites, et qu'avec la chambre de coordination, il y aurait place pour
amélioration, sans doute. Mais est-ce que ce serait par le biais - je
vais oser dire - d'un transfert de pouvoirs d'un organisme à un autre au
niveau de la chambre de coordination, si on donnait plus de pouvoirs, ce serait
mieux défini ces pouvoirs? Pensez-vous que ça pourrait influencer
les mentalités ou si vous n'y croyez pas pantoute?
M. Ostiguy: Moi, monsieur, je crois énor- mément
à la coordination, à des objectifs en commun. Je ne pense pas que
les producteurs agricoles, dans le secteur dans lequel nous sommes, pourront
évoluer si on ne se restructure pas. Si on ne se restructure pas, ils ne
pourront pas évoluer. Je pense que la chaîne est très
importante et si vous avez un maillon de la chaîne qui ne veut pas
fonctionner, il n'y a rien qui va fonctionner. Dans notre secteur, autant la
transformation que tous les fournisseurs de services, que ce soient les
produits agricoles, une boîte de carton, un emballage,
présentement tout le monde est en restructuration. Si on prend le
secteur de la transformation, tous nos fournisseurs d'emballages sont en
réorganisation et d'une façon très
accélérée depuis 12 mois. Je pense que la
réorganisation au niveau agricole et le mode de fonctionnement, il va
falloir l'accélérer et non pas prendre dix ans; il va falloir ne
prendre que deux ou trois ans pour le faire.
M. Baril: Je suis heureux de constater que votre groupe est
très préoccupé de l'arrivée du
libre-échange, de l'adaptation au libre-échange. À
plusieurs reprises, nous avons demandé que les gouvernements, par
différentes mesures, participent à ce que l'économie
québécoise s'adapte au libre-échange. Il y a une couple
d'années, quand l'avant et l'après immédiat de cette
entente avec les Américains, on en a entendu beaucoup parier dans les
journaux, il y a eu différentes oppositions à ça, et
maintenant que cette entente est signée, on s'en va dans le canal et les
gens semblent moins ouverts aux préoccupations et aux
conséquences. Je ne veux pas dire conséquences uniquement
négatives de tout ça, mais il est évident qu'il va falloir
que notre économie se vire de bord et vite pour s'adapter à
ça.
Croyez-vous que la mécanique des plans conjoints, tels que
présentés et définis dans le projet de loi actuel, est
adéquate pour que notre production et notre mise en marché
s'adaptent au libre-échange dans les années à venir?
M. Ostiguy: C'est une grande question. Évidemment, je
pense qu'on n'est pas venus ici initialement pour s'élever contre les
plans conjoints. Ça fait déjà un bon nombre
d'années qu'on y travaille. Ça fait un bon nombre d'années
qu'on essaie de bonifier nos relations puis d'améliorer la situation qui
nous a été imposée. Mais, quand même, je pense qu'il
faut dire qu'on est un groupe qui l'a acceptée assez docilement.
Il y a d'autres secteurs de l'industrie où c'est peut-être
un petit peu moins docile qu'on l'est. Mais au niveau des coûts, c'est
simplement au niveau des coûts afférents à l'administration
des plans conjoints et les coûts que ça peut amener pour nos
productions où, le jour où ça affecte notre
compétitivité... Et vous avez vu comment, pour nous,
l'exportation, c'est important. Quand on va jouer dans la cour des )
marchés mondiaux, le jour où on n'est pas capables
d'être compétitifs, on se fait planter tout simplement.
À date, au Canada, on a réussi à tirer notre
épingle du jeu. Nos principaux compétiteurs sont venus des
Maritimes, ils sont venus de l'Ontario. On a vécu des hauts, dans les
années passées, parce que dans certaines productions, on a
marqué des points. Par contre, dans d'autres productions, on a
vécu des bas. Je vous ai expliqué le cas de la tomate où
c'est complètement disparu du Québec. Mais, malgré ce qui
s'est passé, on a réussi à survivre et à se
comporter comme une industrie qui vaut la peine d'être
supportée.
Alors les plans conjoints, en autant qu'ils ne sont pas là pour
nous enfarger constamment puis nous procurer des coûts qui nous
empêchent d'être compétitifs, je pense qu'on est capables de
vivre avec. Je reviens au niveau des chambres de coordination. Les chambres de
coordination, dans le projet de loi, c'est quelque chose de nouveau. Mais vous
savez que dans la pratique, c'est quelque chose qui se fait déjà,
la concertation puis la coordination.
M. Pagé a fait référence tantôt à la
baisse de consommation dans les légumes transformés. Mais,
à un moment donné, on s'est assis ensemble avec les producteurs
agricoles, avec le gouvernement et on s'est concertés. On a dit: Oui, on
devrait adopter une stratégie de publicité de promotion
générique. Alors, on a fait exactement ce que je pense qu'une
chambre de concertation peut faire, et on l'a fait sans que ça soit
structuré dans une loi. Maintenant, quand ce sera structuré puis
organisé, la question que je me pose, c'est: Est-ce que ça va
amener des coûts tellement exorbitants que ça va nous
empêcher d'être compétitifs? Alors, c'est l'interrogation
que je me fais. Puis je n'ai peut-être pas tout à fait la
réponse. D'autant plus que je remarque également que les chambres
de coordination sont des chambres à caractère volontaire. Je
pense que les chambres vont naître au fur et à mesure que les
besoins vont se présenter, je suppose. C'est un peu mon opinion
là-dessus. J'aimerais peut-être que M. Tourillon aborde une autre
question des éléments qui ont été soulevés
tantôt.
M. Tourillon (Jules): Et qui, peut-être, feront le lien
avec ce qu'on mentionnait tantôt en ce qui touche la
compétitivité, la concurrence, et le travail qui se fait pour
arriver à tirer notre épingle du jeu avec le
libre-échange. Dans la question de libre-échange, les journaux en
parlent moins, mais peut-être que les compagnies y travaillent beaucoup
plus. Mais notre position, même si on nous dit, par exemple, que le
marché américain peut s'ouvrir à nous, est
extrêmement difficile. Si on prend des éléments du
coût de revient, il y a la question des légumes. Les études
qu'on a, jusqu'à maintenant, nous indiqueraient qu'on les payerait plus
cher que les Américains.
Un autre élément important du coût, ce sont les
boites, les boîtes de métal. Un travail se fait, à l'heure
présente, pour réduire les coûts des boîtes de
métal, mais les différences de coûts entre ce que nous
payons et ce que nous serons peut-être appelés à payer
cette année et les années suivantes sont
considérables.
Une partie du chemin - et une partie importante - va se faire. Il y a
aussi les questions de main-d'oeuvre. La main-d'oeuvre au Québec et au
Canada est plus élevée qu'aux États-Unis. Et il y a des
questions qui dépendent aussi de la politique du fédéral,
qui ont trait à la valeur du dollar canadien et aux taux
d'intérêt. Si on regarde simplement les taux
d'intérêt, une conserverie américaine peut avoir, à
l'heure présente, de l'argent à environ 10 %. Nous devons payer
pas loin de 15 %. Et la différence est de 5 %, si je fais la
différence, disons, entre 10 % et 15 %, mais elle est de 30 % si je
prends 5 % sur les 15 %. Tous ces éléments font qu'au point de
vue concurrence, même si on nous dit que le marché est ouvert,
avant que nous l'atteignions, il va falloir que nous fassions une
première chose, c'est que nous nous assurions que nous allons
survivre.
Je fais le point avec l'article 38. Je comprends le problème qu'a
le ministre. D'autre part, dans l'obligation que nous avons d'être
compétitifs, nous avons aussi à voir à ce que toutes les
dépenses qui sont reliées à l'achat des légumes
soient réduites au minimum. Et sans entrer dans les questions de
philosophie, il nous apparaîtrait injuste et inacceptable d'être
obligés de payer les frais de négociation de la partie syndicale
et de la partie de l'acheteur, enfin, de la partie du plan conjoint et de la
partie du producteur, et il nous apparaîtrait qu'au point de vue
compétitivité, même si cela ne représentait que 1 %
ou 2 %, ce serait suffisant pour créer des embûches qui pourraient
mettre en danger notre capacité de survivre, sans compter celle
d'exporter vers les États-Unis.
M. Baril: Oui, je partage vos préoccupations au niveau des
taux d'intérêt, c'est bien évident, mais on forme un tout.
Le producteur lui-même a aussi à supporter, à vivre cette
situation économique et financière et pour les plans conjoints -
le ministre l'a dit tout à l'heure, je ne veux pas le résumer -
les agriculteurs se sont regroupés pour avoir, évidemment, de
meilleurs prix et vous assurer à vous aussi une plus grande
régularité d'approvisionnements. La formule des plans conjoints,
c'est tout ça aussi. Je vais terminer en disant tout simplement que
c'est tout ça, le coût du fédéralisme.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Baril: Je vous remercie d'avoir répondu
aux questions pour édaircir davantage, en tout cas, les
inquiétudes qu'on avait dans ce projet de loi.
Le Préskient (M. Richard): Merci, M. le
député d'Arthabaska. Est-ce qu'il y a un commentaire final, M. le
ministre?
M. Ostiguy: moi, j'ai peut-être un commentaire à
donner à m. le député d'arthabaska qui posait une
question, à savoir s'il pensait que le projet de loi actuel pourrait
répondre à la mentalité que je souhaite voir
développer. je pense que le projet de loi actuel a le mérite
d'apporter une nouvelle vision que l'ancien projet de loi n'avait pas. je pense
qu'il y a des ouvertures dans ce projet de loi qui peuvent être
intéressantes et l'invitation que le législateur ou que le
ministre fait à l'ensemble de l'industrie de coordonner son effort et
d'essayer de travailler à un développement, je pense que
ça doit être reçu d'une façon très positive
par l'ensemble du secteur.
Je pense que le projet de loi actuel a le mérite d'essayer
d'influencer, au moins, cette mentalité qui doit être mise de
l'avant au cours des prochaines semaines, des prochains mois et des prochaines
années, ce qui est excessivement important pour venir à bout de
faire survivre l'agro-alimentaire.
Le Président (M. Richard): Merci, monsieur.
Une voix: Merci. (11 h 15)
M. Pagé: Merci beaucoup, messieurs, de votre
présentation.
Le Président (M. Richard): Merci. Je demanderais au
Regroupement de l'industrie céréalière et de la production
animale de prendre place, s'il vous plaît.
Alors mesdames, messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue. Je vais
peut-être faire seulement une petite modification dans la
procédure, qui ne vous touche pas, là, votre présentation,
c'est 20 minutes. Si vous permettez M. le ministre, M. le représentant
de l'Opposition, on fonctionnera par blocs de 10 minutes, par alternance...
Une voix: Oui, oui.
Le Président (M. Richard): ...sans vous arrêter,
évidemment, dans le milieu d'une phrase.
M. Pagé: ...mais à l'avenir on a le ferme propos de
ne plus recommencer.
Une voix: On a utilisé longtemps cette formule.
Le Président (M. Richard): Suite, évidemment,
à des ententes qu'il y a eu entre les deux bureaux de leaders. Alors
messieurs, vous avez la parole.
Regroupement de l'industrie
céréalière et de la production animale
M. Boivin (Gilles): Alors bonjour messieurs, madame, M. le
ministre.
Le Président (M. Richard): Je m'excuse. Évidemment,
vous vous présentez d'abord et vous présentez vos
collègues pour les fins de transcription pour des gens qui sont dans une
autre boîte, qui ne vous voient pas, malheureusement.
M. Boivin: Je pense qu'en tout premier lieu il serait
peut-être bon de spécifier que les sssociations
représentées ici sont l'Association canadienne des industries de
l'alimentation animale, l'Association professionnelle des meuniers du
Québec, l'Association des négociants en céréales du
Québec...
Le Président (M. Richard): Excusez, monsieur, je m'excuse,
c'est parce que la problématique, il faut vous identifier, d'abord,
parce qu'à l'autre bout, ils écrivent: C'est monsieur Unte) qui
dit ça. Autrement, ils sont obligés de revenir et...
M. Pagé: M. le Président, si vous me le permettez,
je crois comprendre que notre invité présentait chacune des
association pour ensuite présenter qui représente quelle
association...
M. Boivin: Exactement.
M. Pagé: ...dans les gens qui l'accompagnent.
M. Boivin: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Richard): Alors si vous voulez inverser
la machine, juste nommer le nom en premier, et après ça vous
continuez.
M. Boivin: Mon nom est Gilles Boivin, président de
l'Association des négociants en céréales du
Québec.
Le Président (M. Richard): Magnifique.
M. Boivin: Bon, il serait opportun de présenter les
individus présents ici aujourd'hui. M. Réjean Faubert, qui est de
Canada Packers, division Shur-Gain, qui représente aussi l'Association
canadienne des industries de l'alimentation animale, M. Christian Breton, de la
Maison Nap Breton, directeur de l'APMQ, remplace Mme Laurence Couture, qui,
elle, est présidente de l'Association professionnelle des meuniers du
Québec, M. André Pilon, directeur général de
l'Association professionnelle des meuniers du Québec, et M. Yvon
Gendron, président de l'Association des centres de grains
régionaux du Québec. Il y a aussi, excusez-moi, M. Cadorette qui
représente la maison Nutribec. Il est juste en arrière de
nous.
Le Président (M. Richard): Vous pouvez vous asseoir ici,
monsieur sur la chaise, là.
Une voix: Vous pouvez vous asseoir ici, monsieur, près de
la console.
Le Président (M. Richard): Allez, allez, vous ne vous en
exempterez pas.
M. Pagé: Vous avez l'air d'un joueur de hockey en
punition.
Des voix:...
Le Président (M. Richard): Oui, parfait, excellent.
M. Boivin: Alors donc nous voudrions... Une voix:...
Le Président (M. Richard): Continuez, monsieur, vous avez
la parole.
M. Boivin: ...dans un premier temps, souligner l'effort de
synthèse et de réflexion de la part des membres du comité
chargé d'examiner la Loi sur la mise en marché des produits
agricoles et des législations connexes. Nous tenons aussi à les
féliciter pour la qualité du rapport qui en a
découlé. Quiconque veut connaître l'origine de la nouvelle
vision de l'industrie agricole et alimentaire du législateur
exprimée dans le projet de loi sur la mise en marché des produits
agricoles et alimentaires se doit de lire attentivement le rapport du
comité. Nos associations respectives avaient déjà
présenté des mémoires à ce comité. Nous
sommes heureux de constater que certaines de nos recommandations et de nos
réflexions ont trouvé un écho favorable dans le rapport du
comité. Notons au passage que la lecture du rapport du comité
nous a conduits à certaines attentes que l'on ne retrouve guère
dans le projet de loi actuel. De ce fait, nous apprécions
l'opportunité de nous faire entendre aujourd'hui. À titre
d'exemple, citons la valeur des quotas. Alors que le rapport du comité
recommandait que les fédérations et les offices prennent
certaines mesures à cet égard, le projet de loi est plus que
discret à ce sujet.
D'un point de vue général, dans un premier temps,
précisons que nous supportons entièrement le fait que la
Régie des marchés agricoles devienne la Régie des
marchés agricoles et alimentaires. Cela démontre clairement que
le législateur voit la nécessité de considérer le
secteur de la production agricole non comme étant un tout en
lui-même, comme secteur, mais plutôt comme en étant un qui
fait partie d'un tout, c'est-à-dire de la production à la
consommation. À cet égard, nous souscrivons entièrement
à la recommandation du comité, à savoir qu'il fallait
élargir la portée de la loi pour qu'elle embrasse de façon
fonctionnelle tout le secteur agro-alimentaire. Pour ce faire, il apparaissait
opportun de promouvoir un mécanisme additionnel à celui des plans
conjoints pour impliquer concrètement tous les participants. Ici, par
mécanisme additionnel, on fait bien sûr référence
aux chambres de coordination.
Dans le contexte actuel, cette nouvelle vision, qui tient compte des
bouleversements profonds qui pointent à l'horizon et qui toucheront
sûrement non seulement le secteur de la production agricole mais
l'ensemble des secteurs de l'agro-alimentaire, constitue dans les faits une
ouverture d'esprit tout à fait nouvelle de la part du
législateur. Cette invitation à la convergence plutôt
qu'à la divergence entre les différents intervenants de la
chaîne sera, nous l'espérons, acceptée d'emblée par
ces mêmes intervenants.
Au sujet des articles fondamentaux du projet de loi, certains articles
nous sont apparus comme essentiels au projet de loi, notamment le chapitre XII
touchant à la présence des chambres de coordination et de
développement. Nous avons, bien sûr, quelques commentaires
à formuler mais nous souscrivons entièrement au principe qui veut
que les intervenants se parlent et fassent connaître leurs
intérêts. Il est à souhaiter que ces chambres deviennent un
véritable lieu de concertation. Et si vous me le permettez, nous y
reviendrons un peu plus tard, d'ailleurs, dans l'exposé.
Nous souscrivons au libellé des articles 39, 60, 106 et 203 du
projet de loi qui interdit à un office d'utiliser les contributions
perçues pour financer la mise en place ou le fonctionnement d'une
entreprise commerciale. D'ailleurs, cela correspond exactement à notre
position exprimée devant les membres du comité en avril 1988.
Nous voudrions aussi souligner l'importance de l'article 79 qui donne
aux associations accréditées un pouvoir de taxation afin de leur
permettre de jouer véritablement le rôle que le législateur
attend d'elles en vertu de ce projet de loi.
Pouvoir de révision des décisions de la Régie. Dans
son mémoire, le comité insistait sur la nécessité
de rescinder le pouvoir de révision des décisions de la
Régie par le gouvernement. Nous acquiesçons entièrement au
principe que dans notre pays, il y a séparation des pouvoirs politique
et judiciaire. Maintenir ce pouvoir actuel dans le projet de loi
déposé risquerait d'amener quelquefois une révision des
décisions pour des considérations électorales plutôt
que de les réviser dans une véritable vision des
intérêts de l'ensemble des gouvernés.
Dans un même souffle, nous soulignons l'importance de nommer
à la Régie des personnes reconnues dans leur milieu pour leur
compétence, leur intégrité et leur vision. En d'autres
termes, non pas pour services rendus ou pour considérations politiques,
mais bien pour leur compétence et leur intégrité. Les
régisseurs, quitte à en accroître le nombre, devraient
représenter équitablement tous les secteurs de la chaîne
agro-alimentaire.
Bien que nous souscrivons au fait que le gouvernement ne puisse
réviser les décisions de la Régie, il y aurait lieu de
prévoir dans la loi la présence d'un ombudsman - cela existe pour
les citoyens ainsi qu'à Hydro-Québec - qui pourrait recevoir les
plaintes des personnes, entreprises ou institutions visées par la loi.
Cet ombudsman aurait un pouvoir d'enquête et, si les plaintes sont
fondées, un pouvoir de recommandation au niveau du ministre
chargé d'appliquer la loi. On aimerait faire remarquer que tout au long
de nos commentaires au sujet des différents articles du projet de loi,
l'ombudsman est omniprésent. Donc, j'en parie ici, mais c'est un peu une
omniprésence qu'on veut. On veut qu'il soit là pour chapeauter le
tout. En passant, l'ombudsman, bien entendu, devrait être neutre.
Mise en marché par un producteur et administration d'un plan
conjoint.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boivin: L'article 60 du projet de loi se lit comme suit:
"L'administrateur d'un office chargé d'appliquer un plan ne peut
être administrateur d'une entreprise de transformation et de
commercialisation du produit visé par ce plan sauf si cette entreprise
en fait également la production." Il serait nécessaire de faire
une distinction entre le producteur qui commercialise son produit et celui qui
le commercialise pour le compte d'autrui. Je pense qu'il y a une grosse
différence là-dedans. Cet article 60 peut peut être
être contourné par le simple fait que quelqu'un peut, du jour au
lendemain, devenir producteur en ne produisant que sur une petite parcelle,
faire la commercialisation de produits d'autrui et passer outre à
l'article 60. Donc, comme on dit, il serait nécessaire de faire une
distinction entre le producteur qui commercialise son produit et celui qui
commercialise pour le compte d'une autre personne ou d'autrui.
L'examen périodique. L'article 41 se lit comme suit, si vous me
le permettez: "À la demande de la Régie et au plus tard à
tous les cinq ans, chaque office établit devant la Régie ou
devant les personnes qu'elle désigne pour lui faire rapport, que le plan
et les règlements qu'il édicté servent les
intérêts de l'ensemble des producteurs et favorisent une mise en
marché efficace et ordonnée du produit visé." On souscrit
entièrement à l'objectif visé par cet article, mais,
cependant, il devrait s'appliquer tout autant aux chambres de coordination et
de développement, aux associations accréditées qu'aux
offices de producteurs. Je crois que, même s'il y a des chambres de
coordination de créées, il y aurait lieu d'avoir des
révisions périodiques, au minimum, tous les cinq ans.
Commentaire général sur l'article 90. J'aimerais attirer
votre attention sur quelques alinéas de cet article, en particulier le
troisième, le cinquième et le septième. À l'article
90, on peut lire: "Un office peut, par règlement, contingenter la
production et la mise en marché du produit visé par le plan qu'il
applique et, à cette fin, les assujettir aux conditions, restrictions et
prohibitions qu'H détermine. "Sans restreindre la portée du
premier alinéa, un office peut, par règlement - et là, on
va dans les différents alinéas, au troisième -
déterminer les conditions d'émission, de maintien ou de
renouvellement et les modalités de délivrance d'un contingent
individuel; - au cinquième alinéa - déterminer les
modalités et les conditions de suspension ou de réduction
temporaire ou définitive du contingent d'un producteur qui ne se
conforme pas au plan, à un règlement, à une convention
homologuée ou à une sentence arbitrale ou lorsqu'il produit ou
met en marché une quantité du produit visé par le plan
supérieure ou inférieure à celle permise par son
contingent".
Concernant l'article 90, le commentaire général est le
suivant. Premièrement, on n'aimerait pas que ce soit un article à
caractère restrictif au niveau technologique ou de la
compétitivité. Il y aurait lieu de prévoir qu'un plan
conjoint ou un office ne puisse empêcher l'Implantation de nouvelles
technologies ou de nouveaux intervenants qui amélioreraient la mise en
marché d'un produit, autrement dit, que ce que l'on crée ne soit
pas nécessairement mis en vase clos après coup. Donc, le
quatrième alinéa, au niveau de la fixation des quotas, devrait se
lire comme suit: Établir des équivalences basées sur les
superficies cultivées ou les volumes, parce qu'à l'alinéa
4, on essaie d'établir des équivalences basées sur la
superficie cultivée, ce qui, peut-être, exclut la notion de
productivité. Bien entendu, le cinquième et le septième
alinéas devraient être reformulés, car ce pouvoir
d'annulation ou de suppression d'une partie du quota ne devrait appartenir
qu'à la Régie. Il devrait, bien sûr, aussi tenir en
considération le cas de force majeure. (11 h 30)
Disposition d'un quota, à l'article 91: "Seule la personne ou la
société qui produit le produit visé par un plan peut
être titulaire d'un contingent délivré par un office et
l'exploiter.
Toutefois, cette disposition n'empêche pas un nouveau producteur
de devenir titulaire d'un contingent."
Le troisième paragraphe, qui nous apparaît
assez important, dit: "Le premier alinéa ne s'applique pas
à une institution de crédit". Le commentaire qu'on voudrait
formuler, c'est qu'au lieu de simplement donner l'exemple de l'institution de
crédit, elle devrait plutôt dire: ...ne s'applique pas à un
individu, une entreprise, un prêteur ou à une institution de
crédit, parce qu'il n'y a pas seulement les institutions de
crédits qui peuvent être dans la peau d'un prêteur.
Ententes avec les autres gouvernements et leurs organismes. À
l'article 99, on lit: "Le gouvernement peut, aux conditions qu'il
détermine, permettre à un office". Nous, on aimerait voir:
"...aux conditions qu'il détermine," permettre à la Régie
ou à une chambre de coordination et de développement, s'il en
existe une, donc simplement remplacer l'office par la Régie ou ta
chambre de coordination.
Comme on l'a dit tout à l'heure - on revient aux chambres de
coordination et de développement - nous sommes franchement
déçus du libellé des articles touchant les chambres de
coordination et de développement. Selon le contenu actuel du projet de
loi à ce sujet, le législateur a voulu, tout au plus,
institutionnaliser les anciens comités consultatifs, lesquels, nous
devons le reconnaître, à l'instar du comité chargé
d'examiner la loi, n'ont pas joué le rôle que l'on attendait
d'eux. Si l'on tient vraiment à la concertation des partenaires, le
législateur devra donner de véritables pouvoirs à ces
chambres. À notre avis, la présence de telles chambres est tout
aussi révolutionnaire que pouvait l'être la présence des
plans conjoints dans la loi de 1957, sur la mise en marché des produits
agricoles. Ces chambres constituent, pour nous, les plans conjoints de
l'agro-alimentaire. Il faut que ces chambres deviennent un lieu
privilégié de discussions afin que chacun des
intéressés fasse valoir, non seulement ses intérêts
premiers, mais comprenne bien quels pourraient être, à long terme,
ses véritables intérêts.
À notre avis, il faut qu'il y ait une chambre pour chacune des
productions contingentées actuellement. La Régie et les offices
de producteurs ont pour but, entre autres, de permettre aux producteurs de
vendre leurs produits à meilleur prix et dans les meilleures conditions.
Dans le projet de loi, rien n'est prévu pour permettre aux
intermédiaires et aux consommateurs de tirer avantage de ce processus.
Pourtant, les acheteurs et les intermédiaires font partie
intégrante des négociations avec les offices de producteurs. Les
rôles et les devoirs de ces derniers ne sont pas définis. De plus,
la présence des consommateurs n'est pas explicitement prévue dans
les chambres.
Il y aurait lieu de donner un rôle actif aux chambres en leur
faisant entériner les ententes négociées ou
imposées par les offices de producteurs. Les chambres seront
formées de producteurs agricoles, de fournisseurs d'"intrants" et de
services, de transformateurs, de distributeurs et de consommateurs.
L'article 111, qui dit: "Les offices, associations ou autres personnes
intéressées à la production ou à la mise en
marché d'un produit agricole peuvent s'entendre pour demander à
la Régie de former une chambre de coordination et de
développement concernant la production ou la mise en marché de ce
produit", devrait se lire ainsi: "Les offices, associations ou autres personnes
intéressées à la production", à la transformation,
à la distribution et à la consommation d'un produit agricole,
donc inclure tous les maillons de la chaîne.
À l'article 113, au deuxième paragraphe devrait se lire,
on lit: "Les requérants doivent représenter des producteurs et au
moins un groupe d'autres personnes". Nous, on suggère plutôt: "Les
requérants doivent représenter, au moins deux regroupements
intéressés à l'intérieur de la chaîne
agro-alimentaire, et non pas d'avoir comme prérequis la demande d'un
producteur.
Les garanties de paiement, au chapitre XIV, l'article 144. La garantie
de paiement devrait s'appliquer à tous les intervenants de la
chaîne agro-alimentaire. À l'article 144 - il y a quand même
six alinéas - on parle de garantie de paiement. En ce qui nous concerne,
c'est une obligation unilatérale qu'on aimerait voir
révisée. Le producteur a une garantie, c'est le seul qui a une
garantie. On parle, plus tard, de fonds de compensation, mais, au niveau de la
garantie, c'est plutôt ce qu'on appellerait, nous, une obligation
unilatérale qu'on aimerait voir révisée.
Responsabilité d'un office, à l'article 149. Si un office
peut prendre un règlement pour constituer un fonds pour garantir les
paiements des sommes dues aux producteurs, il devrait, en contrepartie,
garantir les engagements pris par les producteurs en regard du plan conjoint
qu'il administre. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure,
ça devient, à ce moment-là, une obligation
unilatérale qu'on aimerait peut-être voir améliorée.
Fonds pour garantir les paiements: c'est la chambre, lorsqu'elle existe, qui
devrait constituer et administrer ces fonds.
À l'article 152, dépôt des sommes des fonds
perçues, la chose qu'on aimerait peut-être voir amenée ou
peut-être additionnée, c'est que les sommes perçues des
producteurs par l'office, par l'association accréditée ou par la
chambre de coordination et de développement pour constituer un fonds
seront déposées auprès de la Caisse de dépôt
ou de toute autre institution financière régie par la Loi sur
l'assurance-dépôts du Québec. En effet, on ne voit pas
pourquoi ça doit être limité à la Caisse de
dépôt.
Enquêtes et inspections. À l'article 158 du projet de loi,
au niveau des enquêtes, on aimerait voir la Régie elle-même
faire et mener les enquêtes et non des individus pouvant potentiellement
être en conflit d'intérêts. Aux articles 164 et 165, encore
une fois, c'est le rôle de la Régie, exclusivement, et pas de
l'office.
En gros, ceci termine nos représentations. Je pense qu'il y a
lieu d'avoir des discussions, maintenant. Merci de nous avoir entendus.
Le Président (M. Richard): Merci, monsieur. M. le
ministre, pour votre premier bloc de dix minutes au niveau du questionnement,
vous avez la parole.
M. Pagé: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais
remercier nos visiteurs, ce matin, soit l'Association canadienne des industries
de l'alimentation animale, l'Association professionnelle des meuniers du
Québec, l'Association des négociants en céréales du
Québec et l'Association des centres de grains régionaux du
Québec. Ils nous présentent un mémoire très
étoffé, très détaillé, aussi, et très
intéressant. Je ne suis pas convaincu qu'on va pouvoir, ce matin, dans
le temps qui nous est imparti, voir chacune des modifications que vous
demandez. Cependant, je peux vous assurer que le tout est pris en
considération, que c'est analysé du côté
ministériel, etc.
Je retiens que vous êtes favorables au dépôt d'une
loi qui vient modifier les règles du jeu établies par la loi
originale. Je crois que vous avez très bien saisi l'intention du
gouvernement, et ça se reflète, d'ailleurs, dans vos
commentaires, puisque vous indiquez votre satisfaction et que vous supportez le
fait que la Régie des marchés agricoles devienne la Régie
des marchés agricoles et alimentaires du Québec. La
référence que vous y faites correspond, d'ailleurs, exactement
à nos intentions: Qu'on tienne compte, non seulement de la production,
mais aussi de l'ensemble de l'activité qui s'amorce, évidemment,
par la production, mais qui se réfère aussi au conditionnement,
à la transformation, à la mise en marché de ce
produit-là avant que le produit final ne soit lui aussi mis en
marché après transformation.
La vision que vous manifestez comme suite du contexte actuel - on n'a
qu'à penser au GATT, à l'entente de libre-échange, etc. -
est rigoureusement exacte, à savoir que, par cette loi, les nombreux
intervenants auront les éléments en main. Ils auront des
dispositions qui leur seront accessibles en vertu de la loi pour
véritablement agir en convergence, comme vous le dites, plutôt que
de se limiter à des situations ou à des relations qui,
statutairement, s'inscrivent souventefois en divergences.
Vous parlez des articles fondamentaux, vous nous dites que vous
êtes sécurisés par le libellé des articles 39, 60,
106 et 203 qui interdisent à l'office d'utiliser les contributions
perçues pour financer la mise en place d'entreprises de transformation
ou d'entreprises commerciales. C'est l'objectif que nous recherchons, merci de
l'appui que vous nous donnez.
L'importance de l'article 79, qui donne, aux associations
accréditées, un pouvoir de prélève- ment, afin de
leur permettre de jouer véritablement le rôle que le
législateur attend d'elles, ça va dans le sens de ce que je
disais préalablement, à savoir que, pour le
bénéfice d'associations comme la vôtre, j'entends
prévoir des dispositions spécifiques qui feront suite à un
amendement déposé, allant exactement dans le sens de vos
représentations et de vos demandes, à savoir que les entreprises
évoluant dans le secteur représentatif de vos associations
devront payer leurs contributions aux dites associations
représentatives.
Vous nous dites ici - ah ça, j'ai trouvé ça "cute"
- et vous insistez pour que le pouvoir de révision des décisions
de la Régie par le gouvernement soit aboli. Vous dites qu'il faut qu'il
y ait une véritable séparation des pouvoirs politique et
judiciaire et qu'il ne faut pas que la politique soit tentée de modifier
des décisions de la Régie à la veille des élections
ou des choses comme ça. J'apprécie votre témoignage parce
que je m'en suis jamais servi. Je ne veux pas apporter de commentaires sur le
fait que d'autres, qui m'ont précédé, s'en sont servis,
mais j'apprécie votre appréciation. Cependant, vous nous dites
qu'il faudrait créer un ombudsman, un genre de commissaire aux plaintes.
En soi, ce n'est rien de méchant, ce n'est pas bête. C'est
même intéressant de créer, d'envisager la création
d'un poste d'une personne neutre, ça va de soi, sans conflit
d'intérêts, ça va de soi, qui serait habilitée
à donner un avis sur une décision de la Régie. Vous dites:
Cet ombudsman devrait faire rapport au ministre. Mais si le ministre n'a pas de
pouvoir, le ministre va faire quoi avec son rapport! Changer les commissaires?
Mettre le rapport sur la tablette? La question est posée.
M. Pilon (André): Je pense, en fait, M. le ministre, que
ce qu'on voulait dire ici, c'est que si, à un moment donné, nous,
on se sent lésés dans des décisions qui peuvent avoir
été prises par des fédérations, en accord,
peut-être, avec la Régie, avant de se rendre au ministre pour
pouvoir exposer notre point de vue et, dans notre esprit à nous,
peut-être vouloir contester une décision rendue qu'on pourrait
peut-être croire biaisée, on ait la possibilité d'exposer
ça à une personne neutre, qui aurait à évaluer
notre position ou notre point de vue, avant, encore une fois, de se rendre
à un niveau plus élevé.
M. Pagé: Dans ce sens-là, O. K.
M. Pilon: C'est dans cette optique-là que...
M. Pagé: Parce que, quand on réfère à
un ombudsman ou encore à un commissaire aux plaintes, comme c'est le cas
pour Hydro-Québec, comme c'est le cas aussi en matière de
protection du territoire agricole - quand il y a des conflits, à compter
de maintenant, depuis le mois de septembre, quand il y a des conflits entre
une
ville et le monde agricole, au niveau d'un règlement municipal
qui risque d'agresser nos agriculteurs en zone verte, on a le commissaire aux
plaintes - il faut voir que leurs pouvoirs sont quand même
limités. Ici, la situation vécue par des entreprises comme la
vôtre, en application de cette loi-là, ça
réfère davantage a des éléments de
négociation: fixation de prix, conditions de vente, etc. Souventefois,
la Régie, de façon tout à fait pertinente, s'est
prévalue de son pouvoir en envoyant le tout à l'arbitrage ou en
nommant des médiateurs, etc. Jusqu'à date, je pense que
l'expérience a bien été; la preuve; on a très peu
de demandes sur le bureau du ministre, sauf la demande des coopératives
qui s'inspire beaucoup plus d'une approche dogmatique que pragmatique -
ça, c'est une autre affaire et on va y revenir la semaine prochaine.
Mais je prends note du fait que vous avez des réserves à
ce que le ministre ou le cabinet art, ultimement, un pouvoir de
révision. Je prends note, en contrepartie, toutefois, que vous
souhaiteriez voir un mécanisme différent qui serait là
pour, soit donner un avis, soit faire une recommandation, à la suite de
décisions, entre guillemets, insatisfaisantes, à vos yeux, de la
Régie. Vous avez ensuite... Il me reste combien de temps, M. le
Président? (11 h 45)
Le Président (M. Richard): Deux minutes, M. le
ministre.
M. Pagé: Deux minutes. Vous dites, concernant l'article
41: "Nous souscrivons entièrement à l'objectif visé par
cet article. Cependant, il devrait s'appliquer tout autant aux chambres de
coordination et de développement, aux associations
accréditées, qu'aux offices de producteurs." Il faut dire que,
pour le moment, tel que le projet de loi est rédigé, les chambres
de coordination et de développement n'auront pas de pouvoir
réglementaire ou de rôle... L'essentiel, c'est qu'elles soient
conviées à un exercice de concertation. Quand vous disiez que les
chambres, dans votre esprit, ont autant d'importance que les plans conjoints
pouvaient en avoir dans les années cinquante, lorsqu'ils ont
été créés, je suis persuadé, moi, que si la
dynamique des chambres de coordination est bien conduite, si les gens y
souscrivent - je vais vous affirmer quelque chose de peut-être gros ce
matin - ça pourrait peut-être aller, à long terme,
jusqu'à un remplacement purement et simplement des plans conjoints par
les chambres de coordination, par les décisions des chambres de
coordination, si c'est là le voeu des parties. Parce que l'objectif - et
ça, c'était dans le rapport, d'ailleurs, du comité auquel
vous avez participé - est très simple. C'est que plutôt que
les gens se tapent dessus tous les ans ou tous les deux ans, lors de la
révision des conditions de mise en marché des produits, soit
qu'ils vendent ou qu'ils achètent, qu'ils travaillent ensemble à
l'année.
Tiens, le plus bel exemple de ça, c'est dans le domaine du lait
au Québec. Vous savez, le lait, c'est la première industrie en
importance au Québec, en volume d'affaires. Nous sommes la province
laitière au Canada. On a l'expertise, la tradition, la coutume, les
connaissances, le "know-how". On s'est donné des structures de
contrôle de production. On s'est donné des structures de
contrôle de la qualité. On a le Centre d'insémination
artificielle du Québec, le Programme d'amélioration des troupeaux
laitiers. Les activités de la faculté de Médecine
vétérinaire ont été spécialement
adaptées, entre autres, à la production laitière. Nous
sommes les "majors", au Canada. La force laitière canadienne s'appuie
sur le quotidien de la production laitière au Québec. O.K.?
Ça, c'est ça.
Mais jamais l'industrie laitière n'a été ou n'aura
été, probablement, agressée comme elle l'est actuellement,
jamais! Premièrement, l'Europe de 1992, avec un bloc homogène
d'entreprises qui en font et qui en produisent aussi du lait, de la poudre de
lait, du beurre et du fromage, est susceptible de venir nous affecter dans des
marchés traditionnels que nous contrôlons. Il n'est pas impossible
que des marchés importants, qui sont contrôlés par le
Canada ou fournis par le Canada et, notamment, le Québec, soient perdus
à la suite de la création d'Europe 1992. Ce n'est pas dans un
siècle ça, c'est dans deux ans. Deuxièmement, on a une
entente de libre-échange qu'on vient de commencer, qu'on vient
d'amorcer. La première démarche, au lendemain du contrat de
mariage, de la part des Américains, c'a été de tenter de
soulever des points pour faire en sorte que la vie de couple soit de moins en
moins vivable. On a vu l'attaque concernant le yogourt et la crème
glacée. On est agressés de ce côté-là
aussi.
Nous sommes, de plus, agressés à l'intérieur du
Canada. La Colombie Britannique, avec 11 %, 10 % de la population canadienne, 3
% des quotas et une population en croissance, dit: Un instant, on en veut, nous
autres aussi, du quota. La Fédération des producteurs de lait, le
ministre de l'Agriculture du Québec, régulièrement, depuis
trois ans, doit négocier avec son vis-à-vis en Colombie
britannique pour tenter d'en arriver à des solutions où elle ne
sortira pas du plan conjoint parce que, si elle sortait du plan conjoint, tel
qu'elle l'avait avisé, ça ferait mal aux producteurs du
Québec.
Or, pendant qu'on est agressés de tous bords tous
côtés ici, c'est valse la marquise, ce sont des affrontements, des
approches dogmatiques de la part de la coopération laitière au
Québec qui dit, purement et simplement là, comme dans
Garfield, je pense: "I want my cookie", je veux mon lait. Je veux tout
mon lait et le lait de mes sociétaires doit être
administré, dirigé vers mes usines. Ça, on y reviendra,
parce que c'est possible que le ministre, si ça continue comme
ça, leur propose même l'adoption d'une loi
spéciale pour leur donner leur lait, mais pas à n'importe
quelle condition par exemple. On va aller voter, là. On va faire une
campagne puis, là, les membres des coopératives décideront
où est-ce qu'ils veulent aller. Ça, c'est s'il n'y a pas
d'entente.
Ce que je veux vous dire, c'est qu'une chambre de concertation, si on en
avait eu une dans le domaine du lait, il y a quatre ou cinq ans, si on
était, aujourd'hui, dans une situation où il y aurait le
moindrement la tradition de se parler, plutôt que de s'affronter et se
taper dessus une fois par année ou une fois tous les six mois, on ne
serait peut-être pas confrontés à ce
problème-là aujourd'hui.
C'est ce qui me permet de vous dire que si les chambres de coordination
sont bien comprises par les intervenants de l'ensemble des secteurs - et vous
le dites, d'ailleurs, très bien que tous les secteurs devraient
être couverts - j'ai la conviction, sans prétendre qu'avec cette
loi on va changer l'histoire, mais je suis persuadé que, dans quelques
années, la preuve aura été faite, si c'est bien
utilisé, que non seulement c'est utile, mais que c'est
déterminant pour la commercialisation des produits et pour tout ce qu'il
y a en amont.
Merci de l'appui que vous donnez. Il y a peut-être des choses que
vous souhaiteriez voir en plus dans ces chambres. Avec le temps, ça va
venir, mais dites-vous bien qu'au départ c'est un organisme de
concertation. Vous aviez une question, monsieur? C'est parce qu'il ne me
restait que deux minutes.
M. Boivin: Oui. Juste un petit commentaire, M. le ministre. Vos
commentaires sur les chambres de coordination et de concertation rejoignent -
et on l'a dit dans notre texte - nos idées, mais, si elles n'ont aucun
pouvoir spécifique, justement vous parliez de "know-how" tantôt,
peut-être qu'elles risquent drôlement d'être confinées
dans un rôle de discussion, puis sans aucun pouvoir. Jusqu'où les
pouvoirs iront?
M. Pagé: Mais les gens pourront s'en donner des
pouvoirs.
M. Boivin: On ne peut pas le mentionner ici, mais, sans aucun
pouvoir absolu, on se pose la question: Est-ce que tout le "know-how" que les
gens alentour de la table, dans une chambre de coordination, vont avoir peut
être carrément confiné dans cette chambre-là et
mourir quand ils vont passer la porte, si la loi n'est pas
spécifique?
M. Pagé: Si ça peut vous sécuriser, ces
chambres de coordination, si elles le décident, parce que ce sont les
acteurs des plans conjoints qui seront assis là et d'autres acteurs
aussi, dont la distribution des consommateurs, etc., si c'est là le
voeu, s'il y a consensus là-dessus, pourront se donner des pouvoirs
additionnels.
Vous êtes plus présents dans l'industrie du porc... Bon! le
7 ou le 8 février, on a conduit une expérience formidable, je
dois vous dire que j'ai trouvé ça formidable ce qui s'est
passé cette journée où on a pu échanger avec les
producteurs de porcs, les transformateurs et les distributeurs, puis là,
on a créé un comité de dynamisation et je suis
persuadé que ce sera, éventuellement, la chambre de coordination
et de développement dans la production du porc au Québec
où vous serez.
C'était la première fois que tout ce monde-là
s'assoyait avec un ministre, puis je dois vous dire que le pommier a
été brassé un peu. On s'est adressé mutuellement
des complaintes, etc. On a découvert des choses bien
intéressantes: le pompage dans le porc, les petits défauts de
chacun et les grandes qualités des uns et des autres, mais, à la
fin de la journée, après que chacun ait dit ce qu'il pensait de
l'autre, ce qu'il reprochait à l'autre, ce qu'il voulait dénoncer
à l'autre, ou, encore, ce que chacun dénonçait au
ministre, mais en s'adressant aux autres, ait été mis sur la
table, à la fin de la journée, un souhait fut unanime: qu'on
reprenne, puis au plus vite.
Le Président (M. Richard): M. le ministre, je dois vous
arrêter dans votre intervention et transférer la parole à
notre collègue de l'opposition.
M. Pagé: Tu as le même temps, sauf qu'on se le
divisera.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Richard): M. le député
d'Arthabaska, vous avez la parole.
M. Baril: Une chance que je ne m'enfarge pas dans la
procédure, M. le Président, parce qu'on pourrait...
Le Président (M. Richard): Heureusement, M. le
député d'Arthabaska.
M. Pagé: ...leader.
M. Baril: Vous avez une avance sur moi en tant que leader. Je
vais continuer dans là même foulée que le ministre et que
vous également, justement au niveau des pouvoirs de cette chambre de
coordination. Le ministre vient de nous dire qu'un coup tout ce beau
monde-là réuni autour d'une table, vous n'avez qu'à donner
des pouvoirs à la chambre, mais, quand on regarde la formation des
groupes qui sont représentés alentour de cette table-là,
vous avez les représentants des offices de producteurs qui,
déjà, par le biais de leur office, ont des pouvoirs et vous avez
des représentants de vos organismes
de transformation, etc. qui, eux, ont déjà des pouvoirs.
Alors, comment tout ce monde-là, alentour d'une table, quand il
représente un organisme qui en a déjà, peut dire: Je vais
enlever des pouvoirs à mon organisme et je vais les partager avec tous
vous autres ensemble? De votre bord, vous voulez que cette chambre ait des
pouvoirs, mais, pour lui en donner, il faut les prendre quelque part, donc il
faut les enlever à quelqu'un. Avez-vous des suggestions à faire?
Qui en a trop ou pas assez quelque part? C'est là, le problème,
en soi.
M. Pilon: Je pense qu'il n'est pas question, dans notre esprit,
d'aucune façon, d'enlever les pouvoirs à qui que ce soit. Mais si
on fait un parallèle... parce que, dans la présentation
présente, vous avez référé, à un moment
donné, au fédéral. On sait que le fédéral,
présentement, a des lois et des exigences dans différents
secteurs, si on parle, par exemple, au niveau de la santé animale. Mais
il n'y a rien qui empêche le provincial d'en ajouter.
On ne peut pas diluer, on ne peut pas éliminer des pouvoirs
déjà acquis, mais il n'y a rien qui empêcherait la chambre
de concertation d'ajouter des pouvoirs additionnels aux organismes
déjà en place qui peuvent bénéficier de pouvoirs.
C'est dans cette optique-là que, nous, on pense qu'il faut quand
même, à partir d'un organisme avec ses pouvoirs, penser et donner
des pouvoirs à la chambre qui prenne l'intérêt non
seulement d'un organisme mais de tout le chaînon de
l'agro-alimentaire.
On ne dit pas que ça va se faire demain matin puis que ça
va être facile. Mais on est convaincus que, nous, il faut prendre en
considération non seulement, à partir du point A, les
intérêts du point A mais il faut se rendre compte quand même
qu'en bout de ligne, celui qui nous fait vivre, c'est le consommateur. Et il
faut que les intérêts de tous et chacun soient
protégés tout au long de cette chaîne-là.
M. Baril: Ce que vous venez de dire là, ça ne va
pas à rencontre de l'article 99 que vous voudriez voir modifier un peu?
Vous dites: L'article devrait se lire ainsi: Le gouvernement peut, aux
conditions qu'il détermine, permettre à la Régie ou
à une chambre de coordination et de développement, s'il en existe
une...
M. Boivin: Je pense que c'est dans le sens des pouvoirs qu'on
aurait aimé voir accorder aux chambres de coordination qu'on a
remplacé le mot "office" par les mots "à la Régie ou
à la chambre de coordination". Puis je ne suis pas capable de retrouver,
vite fait, la place où on a mentionné, au début, que les
intérêts communs devront peut-être éventuellement
être substitués pour avoir des intérêts... les
intérêts des individus ou d'un groupe en particulier devront
peut-être éventuellement disparaître pour faire place aux
intérêts du groupe de l'agro-alimentaire. Puis on dit d'enlever
des pouvoirs à l'un pour les donner à la coordination. Je pense
qu'on n'aura pas le choix. Puis si tout le monde veut garder puis si tout le
monde s'obstine à protéger sa propre petite cour et puis que,
dans le même sens, on parle d'une coordination puis tout le monde semble
d'accord avec ça, d'après moi, je ne suis plus. Il y a quelque
chose qui ne va pas, à ce moment-là.
On parle de concertation, on parle d'essayer d'unir des idées,
d'essayer d'aller de l'avant en groupe. C'est sûr qu'il y a des
intérêts d'individus qui devront être... non pas mis de
côté mais... pour l'intérêt commun et pour
l'intérêt de l'industrie en général.
M. Baril: Ce qui veut dire que l'article 99... À l'article
99, qui se lit actuellement, dans le projet de loi: "Le gouvernement peut, aux
conditions qu'il détermine, permettre à un office:...", vous
autres, vous voudriez faire sauter le mot "office" puis changer ça par
des chambres de coordination ou la Régie.
M. Pilon: C'est ça, oui, définitivement. On
remplace le mot "office" par la "Régie" ou la "chambre de
coordination".
M. Baril: C'est une grosse demande, ça! M. Pilon:
On en est conscients.
M. Baril: À la page 2 de votre mémoire, au
deuxième paragraphe, vous dites que vous vous opposiez à ce que
les offices de producteurs s'impliquent financièrement dans les agences
de vente. Pourriez-vous nous expliquer davantage les raisons, les pourquoi?
M. Pilon: À la page 2? C'est où?
M. Baril: Oui, bien, je dis à la page 2... On dit: "Nous
souscrivons au libellé des articles 39, 60, 106 et 203 du projet de loi
qui interdit à un office d'utiliser les contributions perçues
pour financer la mise en place ou le fonctionnement d'une entreprise
commerciale..."
M. Boivin: Oui, je pense que c'est la logique même qui
parle. Si, par exemple, toute entreprise commerciale... Prenons l'exemple des
céréales ou quoi que ce soit, si des sommes d'argent ou des
ressources humaines sont utilisées pour simplement venir en conflit
d'intérêts avec d'autres commerces ou en compétition avec
les entreprises déjà existantes, nous croyons que ce n'est pas
tout à fait de mise d'utiliser ces sommes d'argent ou ces
différentes ressources. Je ne sais pas si Christian peut rajouter.
M. Breton (Christian): On a vu, par le passé, qu'il y
avait des offices qui se servaient
des fonds fournis par tous les producteurs pour établir des
entreprises qui venaient compétition-ner directement d'autres
entreprises privées, publiques ou des coopératives dans la mise
en marché de certains produits, qui venaient inutilement diminuer les
prix reçus par les producteurs, qui venaient créer une
compétition, qui n'avaient pas d'affaire à être là.
Ça, c'était de l'argent qui venait des producteurs et même,
bien souvent, des producteurs qui avaient affaire dans d'autres
entreprises.
M. Baril: Pourquoi dites-vous qu'ils ont établi des
entreprises qui, en réalité, n'avaient pas d'affaire
là?
M. Breton: Parce que ces entreprises venaient faire
compétition avec d'autres entreprises pour les marchés, par
exemple, de certains produits agricoles. Ce n'est pas dans
l'intérêt, moi, je dis, des producteurs d'avoir une entreprise de
mise en marché eux autres mêmes, comme il y a déjà
eu, par exemple, dans les oeufs, si on se remémore ça, pour venir
com-pétitionner un peu toute l'industrie et faire baisser les prix
normaux que les producteurs pourraient avoir.
M. Baril: Mais dans un contexte de libre entreprise, la
compétition, c'est supposé être bon, c'est supposé
être sain, même, qu'on entend parier, des fois.
M. Pilon: À titre d'exemple, les organismes qui sont ici
sont des associations qui... Présentement, c'est quand même sur
une base volontaire que les gens se joignent à notre mouvement. On n'a
pas de loi qui oblige tout meunier, à titre d'exemple, pour ce qui me
concerne, à être membre de l'association. C'est par esprit de
solidarité et pour la défense de leurs intérêts
communs.
Si on regarde au niveau des fédérations, tout producteur,
quel qu'il soit, est tenu de payer une cotisation à sa
fédération. Alors, ces montants d'argent... C'est là qu'on
veut dire qu'on ne voit pas du tout, pour les montants d'argent
récoltés, perçus auprès de tous les producteurs
agricoles, pour une fédération donnée, qu'on se serve de
ces montants d'argent pour mettre sur place ou sur pied un organisme de
commercialisation, à titre d'exemple, comme FEDCO, quand ça a
existé dans les années 1969, 1970, 1971, avec l'argent des
producteurs pour venir compétitionner l'industrie privée. C'est
dans ce parallèle qu'on...
M. Breton: En plus, l'argent des producteurs qui avaient des
entreprises privées servait, parce qu'ils devaient donner des
cotisations à l'association, à se compétitionner eux
autres mêmes. L'argent se retournait contre eux autres. Tu étais
obligé de donner de l'argent dans des prélevés qui servait
à venir te compétitionner. M. Baril: Je ne comprends
pas.
M. Pilon: C'est qu'en tant que producteur lui-même, il
était tenu de payer à la Fédération des producteurs
d'oeufs, en plus de ça, un perçu sur les oeufs produits...
Une voix: Exact.
M. Pilon: ...alors qu'en même temps, lui, il avait son
propre commerce. Alors, il donnait de l'argent à FEDCO qui, en retour,
avec ces montants d'argent, venait le compétitionner sur ses propres
marchés. En fait, peut-être qu'on a de la misère à
s'expliquer, mais...
M. Breton: Ça s'explique aussi dans beaucoup de domaines.
Ce n'est pas seulement dans ce domaine-là, mais ça se retrouve
dans d'autres domaines.
M. Pilon: Non, dans les autres. C'est encore là qu'on dit
que les montants d'argent qu'une fédération perçoit
auprès de ses membres, que ce ne soient pas des montants d'argent dont
elle puisse se servir pour établir une agence de vente et venir
compétitionner sur le marché.
M. Baril: Pourquoi, selon vous, un office de producteurs
n'utilise-t-il pas juste le pouvoir que le plan conjoint, que la loi lui
accorde de mettre en place - je ne dirais pas une agence de vente - de
commercialiser son produit? Pourquoi se sent-il obligé de créer
une agence de vente, au lieu d'utiliser juste, selon vous?
M. Pilon: On n'a pas d'objection à ça, je veux
dire, même si on pense que ce n'est pas leur rôle. Ce qu'on dit,
c'est qu'ils ne prennent pas l'argent des producteurs qui paient une
contribution, une cotisation, un perçu sur tout ce qu'ils... en fait,
même sur le poulet. Un producteur de poulets, et ça peut
être même un meunier, en l'occurrence, auquel, les cas qu'on
référait tantôt... c'est que lui, si on perçoit de
l'argent sur ce qu'il produit et qu'en plus, après ça, on s'en va
le compétitionner, si, par hasard, il s'adonne à être dans
la production, écoutez, s'ils décident... si une
fédération décide de se lancer dans la commercialisation
du produit à l'intérieur de sa fédération, bien,
qu'elle ne le fasse pas avec le trop-perçu, à moins qu'on
permette au producteur de ne pas, s'il le décide, payer à la
fédération. À titre d'exemple, si on revient sur les
oeufs, ceux qui commerçaient leurs propres oeufs et qui étaient
en compétition avec FEDCO, ils étaient tenus de payer, dans ce
temps-là, à FEDCO, et ils se faisaient com-pétionner sur
leur propre marché. Alors, qu'on dise: Bien, écoute... Si, demain
matin, on amendait la loi et qu'on disait, bien: N'est pas tenu,
ne sont pas tous tenus de payer leur cotisation à la
fédération ceux qui le jugent à propos.
M. Baril: Pourquoi vous, plus loin, à la page 7, vous
dites, là, au niveau des fonds: Les fonds reçus devraient
être déposés à la Caisse de dépôt et
à d'autres organismes? Pourquoi? Est-ce parce que vous n'avez pas
confiance en la Caisse de dépôt que vous suggérez d'autres
organismes? Ce serait plus avantageux ou quoi?
M. Pilon: II peut peut-être y avoir des avantages à
les placer ailleurs, les taux d'intérêts, peut-être que le
côté... l'aspect pratique, il y a peut-être un rendement
supérieur, en fait. Ce sont quand même des organismes de
l'entreprise privée, qui oeuvrent au Québec, qui rendent service
à la classe agricole, en fait, à l'industrie toute
entière.
M. Baril: C'est parce que les rendements connus actuellement,
à la Caisse de dépôt, depuis 10 ans au moins, ce sont les
meilleurs en Amérique du Nord. C'est pour ça que je vous pose la
question. Pourquoi on se dit...
M. Pilon: C'est sûr que ce qu'on vient de voir
récemment, c'est définitivement... c'est excellent. Mais ce qu'on
veut dire, nous, c'est: Pourquoi obliger juste un secteur? Parce que les
banques oeuvrent quand même ici. Ce sont des entreprises qui sont
là, elles ont une présence et puis elles veulent bien faire
partie, elles aussi, de l'agro-alimentaire; non pas seulement au point de vue
du risque à prendre mais, à un moment donné, des retours
qu'elles peuvent avoir sur leurs investissements.
M. Boivin: Je crois aussi qu'on n'élimine pas du tout la
Caisse de dépôt, on la laisse telle quelle. On donne un choix.
C'est avec peut-être les choix qu'on devient de meilleurs individus
aussi. C'est simplement ça, on n'élimine pas du tout. Si
c'était à prendre aujourd'hui comme décision, c'est
probablement là, face au rendement, que serait dirigé l'argent,
mais c'est simplement un...
M. Baril: oui, je vous remercie de la présentation de
votre mémoire. ça participe à clarifier davantage la loi,
à clarifier et aussi ça nous permet d'écouter
différents intervenants. je vous remercie sincèrement.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député d'Arthabaska. M. le ministre, vous avez un mot final?
M. Pagé: Merci beaucoup, messieurs, de votre
présentation. Je suis persuadé que peut-être pas tous mais
un certain nombre de commentaires ou de recommandations vont se refléter
dans les modifications. Bienvenue.
Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, messieurs. Je
demanderais à l'Association des industries forestières du
Québec de se présenter à l'avant, s'il vous
plaît.
Nous allons suspendre quelques instants, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
(Reprise à 12 h 12)
Le Président (M. Richard): la commission reprend ses
travaux. je demanderais évidemment au porte-parole de s'identifier et
d'identifier aussi les gens qui l'accompagnent.
Association des industries forestières du
Québec
M. Lachapelle (Yves): M. le Président, M. le ministre,
madame et messieurs les membres de la commission, mon nom est Yves Lachapelle.
Je suis coordonnateur en foresterie pour l'Association des industries
forestières du Québec. En ma compagnie, aujourd'hui, il y a:
à ma droite, M. Jean-Pierre Landry, vice-président à
l'exploitation forestière de la compagnie Daishowa, Les produits
forestiers Daishowa Itée, et vice-président de l'Association des
industries forestières du Québec; à ma gauche, M.
Réjean Bégin, directeur des approvisionnements de F.F. Soucy
Itée et président du comité des approvisionnements de
l'Association des industries forestières du Québec.
M. le Président, je voudrais remercier la commission d'avoir bien
voulu nous recevoir pour qu'on puisse exprimer certains détails de la
position qu'on vous a transmise, en janvier dernier. Dans un premier temps,
j'aimerais peut-être... comme association d'industries forestières
dans une commission sur la mise en marché des produits agricoles,
peut-être préciser un peu les raisons de notre intervention dans
le dossier.
Dans un premier temps, l'Association des industries forestières
du Québec regroupe 28 sociétés impliquées dans la
production et dans la transformation de la matière ligneuse. Les membres
de l'Association sont impliqués en forêt privée, en
forêt publique, dans l'industrie de sciage, dans les pâtes et
papiers. Si, aujourd'hui, on vient parler devant la commission de la Loi sur la
mise en marché des produits agricoles, c'est que près de 30 % de
l'approvisionnement en bois rond des usines de pâtes et papiers
proviennent de la forêt privée. Ça représente, pour
l'ensemble de l'industrie forestière, quelque 20 % de nos
approvisionnements.
Je crois que c'est important, M. le Président, de revenir
à l'historique de la reconnaissance du bois de forêt privée
comme produit agricole. Vous savez, au Québec, il y a quelque 120 000
producteurs forestiers. On a quelque
2000 usines de transformation de la matière ligneuse et, à
l'origine, pour favoriser l'équilibre entre les acheteurs et les
vendeurs de matière ligneuse de la forêt privée, on avait
trouvé comme solution de reconnaître le bois de forêt
privée comme produit agricole et de l'inclure au niveau de
l'assujettissement à la Loi sur la mise en marché des produits
agricoles.
Maintenant, je crois que c'est important quand même de souligner
qu'à l'origine, on n'a pas fait de distinction entre les types de
producteurs de matière ligneuse de forêt privée. Il y a une
distinction fondamentale que l'Association veut rappeler aux membres de la
commission. C'est celle des producteurs transformateurs, soit les grandes
forêts privées industrielles. Si les problèmes de mise en
marché pouvaient exister dans le cas des petits producteurs de
forêt privée, dans le cas de propriétaires de grandes
forêts privées industrielles qui transformaient eux-mêmes
les bois produits sur leurs terres, les problèmes de mise en
marché n'existaient pas puisqu'ils n'avaient pas à proprement
parler de mise en marché. Ils utilisaient leur propre bois.
C'est d'ailleurs pourquoi, dans le mémoire de l'Association, vous
remarquerez que nous avons, dans un premier temps, émis certains
commentaires généraux sur, justement, l'am-bigurté
qui existe, qui prévaut actuellement au niveau de l'assujettissement
ou du non-assujettissement des forêts privées industrielles dans
les plans de mise en marché des bois de forêt privée.
L'Association des industries forestières a toujours avancé que
les forêts privées industrielles n'étaient pas assujetties
aux plans conjoints de mise en marché des produits agricoles, et nous
aimerions que le gouvernement profite de l'occasion d'une révision de la
Loi sur la mise en marché des produits agricoles pour clarifier cette
situation. À notre avis, le non-assujettissement des forêts
privées industrielles se justifie de plusieurs façons. Je crois
que nous l'avons mentionné. Puisque les industries qui possèdent
ces grandes forêts privées utilisent elles-mêmes, soit
directement ou indirectement, les bois produits sur leurs forêts, il n'y
a pas de mise en marché à proprement parler.
Dans un autre ordre d'idée, la Loi sur les forêts,
adoptée par le gouvernement du Québec en décembre 1986 et
modifiée en décembre 1988, prévoit que pour le grand
producteur forestier industriel, pour qu'il soit reconnu comme producteur
forestier, il doit préparer des plans généraux
d'aménagement et des plans quinquennaux d'aménagement forestier
sous le principe du rendement soutenu. C'est un principe qui, dans notre
mémoire, est assez détaillé, je crois, au chapitre 2,
l'importance de respecter le rendement soutenu au niveau de la forêt
privée. On l'a souligné, la forêt privée, c'est 20 %
de l'approvisionnement de l'ensemble de l'industrie forestière. Pour
nous, la pérennité de cette source d'approvisionnement est
très importante.
C'est pour ça, d'ailleurs, que le gouvernement, dans la Loi sur
les forêts, a prévu des mécanismes pour permettre de
respecter le rendement soutenu dans les grandes forêts privées
industrielles.
D'autre part, en ce qui concerne la mise en marché des bois de
forêt privée, la Loi sur les forêts, qui régit les
forêts publiques du Québec, prévoit que les volumes de bois
qui sont attribués à des industriels, les forêts publiques,
sont des volumes résiduels en ce sens que les bois de forêt
privée, les bois provenant d'autres sources tels les copeaux, les
sciures, les planures ou les bois d'importation, sont considérés
prioritaires dans l'approvisionnement des usines de transformation. Ainsi, un
volume de bois résiduel sur forêt publique est arrêté
et révisé tous les cinq ans. En ce sens que les bois de la
forêt privée, qu'elle soit de la forêt privée
industrielle ou de la petite forêt privée, sont
considérés dans l'approvisionnement des usines, dès le
départ. Donc, on ne peut pas aller prendre un surplus
d'approvisionnement sur forêt publique pour ne pas prendre les bois
disponibles en forêt privée. Bien entendu, il y a toujours les
aléas des marchés et, compte tenu que la révision est
quinquennale, il y a des situations qu'on doit ajuster de façon ad
hoc.
Maintenant, je crois que, pour ces raisons, la forêt privée
industrielle... il existe déjà suffisamment de raisons pour que
le gouvernement profite de la révision de la loi pour clarifier son
non-assujettissement au plan de la mise en marché de forêt
privée. Comme vous avez pu le noter également dans le
mémoire de l'Association des industries forestières, on a
émis aussi certains commentaires particuliers sur certains articles du
projet de loi. En particulier, je crois que tous les mécanismes de
révision, tel qu'on retrouve à l'article 43... 41, excusez-moi...
Les mécanismes de révision des plans conjoints... l'AIFQ est
très favorable à cette modification, est très favorable
à un tel mécanisme, mais elle croit que si, lors de la mise en
place d'un nouveau plan conjoint, la consultation est nécessaire, lors
de la révision d'un plan conjoint, la consultation est nécessaire
aussi.
Sans passer tous les articles sur lesquels on a apporté des
commentaires, je crois qu'il y a également, dans le cas de fusion de
plans conjoints, les articles 75 et 76, la même consultation des
intéressés, lors de fusion de plans conjoints, qui
s'avère, pour les membres de l'Association, nécessaire, d'autant
plus que l'article 76 prévoit que, lors de fusion de plans conjoints,
les caractéristiques de chaque plan conjoint peuvent se retrouver au
niveau du nouveau plan conjoint, ce qui est peut-être
préoccupant.
Mesdames et messieurs, je crois que ça va compléter,
disons, notre partie présentation du mémoire de l'Association. Je
crois qu'il faut absolument que le gouvernement saisisse l'oc-
casion de la révision de la Loi sur la mise en marché des
produits agricoles pour clarifier la situation des grandes forêts
privées industrielles et que les principes de rendement soutenu, tels
que le législateur a prévu les reconnaître dans la Loi sur
les forêts, en ce qui concerne les grandes forêts privées
industrielles, devrait se refléter également au niveau de la
forêt privée et dans la mise en marché des bois qui
proviennent de cette forêt.
Le Président (M. Richard): merci, m. lachapelle. m. le
ministre, pour les dix prochaines minutes, votre questionnement, s'il vous
plaît, auprès de nos invités.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je tiens à
remercier M. Lachapelle, M. Landry et M. Bégin de leur
présentation de ce matin.
Dans un premier temps, je dois vous indiquer que la tradition a voulu
que, pendant plusieurs années, le producteur agricole ait, dans une
très grande majorité des cas, dans le passé, une
production complémentaire qui était sa forêt privée.
Au cours des ans, les circonstances ont voulu que la gestion de plans conjoints
permettant d'assumer la direction, la gestion de la forêt privée
au Québec se voie placée sous l'empire juridique de la Loi sur la
mise en marché des produits agricoles. J'aimerais m'assurer que vous
avez bien fait parvenir copie de votre mémoire, en plus de l'acheminer
aux membres de la commission et à M. le ministre Middlemiss et à
moi, que vous l'avez bien fait parvenir au ministre
délégué aux Forêts, M. Albert Côté, qui
est responsable du secteur dans lequel vous évoluez. Je dois vous dire
que j'apprécierais, au plus haut point si ça n'a pas
été fait, que ce soit fait, dans un premier temps; dans un second
temps, une fois que ce sera fait, c'est définitif que j'aurai, moi,
l'opportunité d'échanger avec lui sur sa perception, parce que la
situation a évolué. D'ailleurs, vous dites qu'il y a 120 000
producteurs forestiers au Québec. On a maintenant, quoi, 42 000
producteurs agricoles seulement, et je n'ai pas la conviction que chacun de ces
producteurs ou productrices soit aussi producteur forestier.
J'aurais cependant quelques questions à vous poser. À la
page 9 de votre mémoire, vous dites: Les membres de l'Association des
industries forestières du Québec considèrent que la mise
en marché assurée par les offices de producteurs de bois devrait
être réalisée de façon à respecter le
rendement annuel moyen. Bon, ça, c'est le... c'est ce qu'on appelle le
"rendement soutenu". En fait, c'est une volonté de l'industrie, du
gouvernement et de l'ensemble des intervenants de l'industrie, dont la
Fédération des producteurs de bois du Québec et
différents syndicats. On utilise une formule de contingentement, d'une
part. D'autre part, les exploitations en forêt publique, à la
suite de la rétrocession des concessions forestières, impliquent
que d'autres utilisateurs d'autres essences sont habilités à
venir chercher leur part qui leur est accordée en ce qui était
traditionnellement le gâteau ou le parterre des compagnies
forestières au Québec. Pourriez-vous expliquer, pour le
bénéfice des membres de la commission et le mien aussi, en quoi
ça ne va pas? Parce que ce que je retiens, à la page 9, quand
vous dites: "...devrait être réalisée de façon
à respecter le rendement annuel (accroissement annuel) effectif des
forêts privées..." bon, etc., qu'est-ce qui ne marche pas?
M. Landry (Jean-Pierre): C'est que notre position se veut une
continuité de la loi qui régit les terres publiques. Avec la
nouvelle loi qui régit les terres publiques, la loi 150, c'est une
volonté très ferme de faire respecter la possibilité
forestière, qu'on n'hypothèque pas le capital, en d'autres mots,
qu'on ne gruge pas le capital. Et on voudrait s'assurer que le gouvernement
s'assure d'un même processus pour la forêt privée. Notre
crainte, c'est que si, pour des raisons comme on en connaît
présentement, par exemple, une mauvaise conjoncture économique,
les propriétaires de terrains privés, parce qu'il y a manque
d'emploi dans la construction ou dans d'autres domaines d'activité, se
tournent vers la forêt privée pour aller chercher ce qui leur
manque sur d'autres secteurs d'activité, comme la construction ou
l'industrie en général, il peut arriver - c'est un risque - que
les propriétaires de terrains privés coupent plus que la
possibilité et, à long terme, mettent en danger les
approvisionnements de l'industrie, en général. Parce que dans la
loi actuelle, sur la loi des forêts, il est dit qu'avant d'aller couper
du bois sur les terres publiques, on devra prendre le bois des terrains
privés. Et on s'entend sur des périodes de cinq ans. Si les
propriétaires de terrains privés coupent plus que la
possibilité, le gouvernement présentement est après
partager le gâteau des terres publiques, les CAAF. Et si on coupe plus
que la possibilité des terrains privés et que le gâteau est
séparé dans les terres publiques via les CAAF, dans cinq, dix ou
quinze ans, on manquera de bois sur les terres privées et on manquera
d'espace ou de bois sur les terres publiques pour faire vivre nos industries.
Et c'est dans un esprit de continuité et de long terme qu'on dit que le
gouvernement devrait s'assurer de faire respecter la possibilité sur les
terrains privés. Je ne sais pas si c'était assez clair,
là.
M. Pagé: Oui. J'ai très bien compris. Je vous
remercie. Vous référez, entre autres, au bois de forêt
privée qui peut être dirigé... parce que lui ne fait pas
l'objet d'un contingentement partout. La pulpe a des contingentements dans
chacune des régions, si ma mémoire est fidèle.
M. Landry: Bien, contingentement via les
syndicats qui...
M. Pagé: Oui.... qui est habilité à imposer.
M. Landry: Qui est habilité à imposer. M. Pagé:
O. K.
M. Landry: Mais on sait que présentement, sur 120 000
producteurs forestiers, il y en a à peu près 20 000 qui coupent
du bois. Alors, comment établir... Si on prend une possibilité
sur 120 000 producteurs et qu'on donne des quotas à 20 000, quelle sorte
de processus emploie-ton pour s'assurer que...
M. Pagé: Oui.
M. Landry:... ceux qui en coupent n'en coupent pas trop. Ceux qui
ne veulent pas en couper, s'ils en gardent pour aller voir les oiseaux dans
leur forêt et ils disent: On ne la coupera jamais. Et qu'on applique ces
quotas-là à d'autres...
M. Pagé: Oui.
M. Landry:... ça peut créer des
problèmes.
M. Pagé: Je suis d'accord et c'est à ce
niveau-là que se situe le problème. Moi, ce que je retiens - vous
pourrez me corriger, je n'ai pas le privilège d'être le ministre
délégué aux Forêts...
M. Landry: Non, mais vous êtes bien renseigné.
M. Pagé:... je suis l'humble ministre de
l'Agriculture.
M. Landry: Vous êtes très bien renseigné, on
le voit. (12 h 30)
M. Pagé: Si je comprends bien, ce qui s'en va pour nos
entreprises de transformation, entre autres, les compagnies de pâtes et
papiers, le bois, il y a un contingentement mis en place par les syndicats de
producteurs dans chacune des régions et qui doit être
géré, surveillé, contrôlé par les syndicats.
Votre inquiétude réfère, je pense, au droit qu'a un
propriétaire de boisé privé qui, soit en raison de la
conjoncture économique, peu importe pour quel motif, décide
d'aller couper son bois sur sa terre et de l'envoyer au sciage.
M. Landry: Que ce soit au sciage ou dans la pulpe, à un
moment donné...
M. Pagé: Oui, sauf que ça, ce n'est pas
contingenté, il n'y a pas de contrôle qui impose au
propriétaire du boisé privé de couper unique- ment tel
volume ou tel type d'essence. Moi, entre autres, je vais vous dire que comme
député de Portneuf, j'ai tenté de mettre en place un tel
mécanisme de contrôle dans ma région pour être
certain que le bois puisse servir au maximum aux entreprises de sciage et, par
conséquent, avec les copeaux, aux entreprises papetières de la
région de Québec et, notamment, de mon comté. Mais ce
n'est pas facile. Moi, je sais que ce sont les industries qui n'ont pas voulu.
Assez curieusement, l'expérience que j'ai menée, c'était
au printemps 1988, si ma mémoire est fidèle, dans la
région de Québec, ici, l'ensemble des producteurs étaient
d'accord, le syndicat des producteurs de la région de Québec, de
ma région, étaient d'accord avec un système de
contingentement sur l'ensemble des boisés privés dans la
région, à l'effet que ce qui va à la pâte, ce qui va
au sciage, etc., et les poteaux de téléphone puis de
déroulage, tout était prévu, sauf que ce sont les
industries qui n'ont pas voulu. Ce sont les scieries de mon comté qui
ont dit "pantoute", de façon très claire. Vous êtes
l'association, vous autres, des industries forestières du
Québec.
M. Landry: Les industries forestières, mais principalement
les pâtes et papiers.
M. Pagé: Je suis d'accord. Oui, oui. Ça, c'est le
premier problème. L'autre élément, c'est que c'est pas mal
plus difficile de contrôler un producteur ou un propriétaire de
boisé privé qui part, le samedi matin, avec son grand
garçon, sa scie mécanique et son 4 par 4 et qui s'en va
travailler le bois, que de suivre le lait donné par notre belle vache
Holstein ou Ayrshire. Le problème qu'on a et que vous avez probablement
aussi, c'est que pour contrôler, s'assurer que les activités
prévues dans un plan conjoint et les conditions sont respectées,
ça prend le support du syndicat, le support de l'industrie et ça,
j'ai cru comprendre que vous l'avez toujours donné, mais ça
prendrait aussi des polices.
M. Landry: Je ne veux pas...
M. Pagé: On est rendus avec les polices vertes, puis on va
avoir les polices de la forêt puis...
M. Landry: On arrive peut-être à la même
conclusion, M. le ministre. On se demande, à un moment
donné...
M. Pagé: Mais qu'est-ce qu'on peut faire?
M. Landry:... qu'est-ce que ce problème-là vient
faire au ministère de l'Agriculture?
M. Pagé: Vous n'êtes pas satisfaits de nous
autres?
M. Landry: Non, ce n'est pas qu'on n'est
pas satisfaits de vous autres.
M. Pagé: Vous n'êtes pas satisfaits de la
Régie, plein de bonnes gens qui sont là pour vous aider.
M. Landry: C'est que le problème de la forêt, vous
l'avez dit tout à l'heure, vous avez 120 000 producteurs et vous n'avez
même pas le tiers de ça comme producteurs cultivateurs. Alors, il
y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans. On a une Loi sur les
forêts, on a un ministère des Forêts, ça devrait
peut-être être eux qui ont la responsabilité de gérer
les forêts, ils devraient les gérer. La loi actuelle essaie de
gérer ça, mais elle est un peu, je dirais, amputée de
certains membres de pouvoir gérer tout ça, parce que...
M. Pagé: Oui, et l'autre élément, c'est que
nous, chez nous, la Régie des marchés agricoles a davantage une
tradition de gestion de produits alimentaires que de produits forestiers,
ça j'en conviens. Cependant, on a des gens compétents,
qualifiés, qui font leur job en vertu de leur mandat, qui font bien leur
travail.
M. Landry: On n'en doute pas, mais c'est difficile pour le
ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère des
Forêts, le secteur des forêts, de gérer la forêt quand
une partie de cette forêt est gérée par un autre groupe, un
autre ministère qui a sa façon...
M. Pagé: Je comprends très bien ça.
J'imagine que mon ami Albert Côté se sent parfois comme
étant le père d'une jolie fille mais qui est toujours au
pensionnat à Pagé puis sa gang.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: Ceci étant dit, donc, vous profitez de
l'opportunité, ce matin, pour nous faire part de ce souhait qu'aurait
l'industrie de relever exclusivement ou d'être régie soit par une
Régie, une commission, peu importe, qui relèverait du ministre
des Forêts.
M. Landry: La forêt devrait relever du ministère des
Forêts.
M. Pagé: Je prends note.
M. Landry: Ce n'est pas qu'on ne veut pas faire affaire avec le
gouvernement, ce n'est pas ça.
M. Pagé: D'accord. Non, non.
M. Landry: C'est qu'on devrait avoir plus un guichet unique,
comme on appelle, que faire affaire avec différents ministères,
différentes associations et différents...
M. Pagé: Je note et je suis persuadé que mon
collègue, Albert Côté, qui, à défaut
d'écouter, aura très certainement l'occasion de lire...
M. Landry:d'ailleurs, on trouve un peu, je dirais, bizarre, ce
matin, qu'on parte de 20 % de notre approvisionnement total et qu'il n'y a
personne des forêts ici.
M. Pagé: C'était impossible pour M.
Côté...
M. Landry: Ce n'est pas que je fais un blâme à M.
Côté.
M. Pagé: ...d'être ici avec nous, ce matin.
M. Landry: Non, non, je comprends, mais il y a quelque chose
qui... On a l'impression, des fois, qu'on n'est pas...
M. Pagé: Mais sentez-vous à l'aise quand
même.
M. Landry: Non.
M. Pagé: Sentez-vous. Ce n'est pas une question, c'est une
invitation.
M. Landry: Si on se sent à l'aise dans... M.
Pagé: Ici, oui.
M. Landry: Honnêtement, pas tellement, parce qu'on se
demande comment des gens peuvent être à la fois jugés sur
les oeufs, le lait et un produit forestier qui est complètement d'une
autre sphère d'activité et avec d'autres problèmes que le
ministère de l'Énergie et des Ressources essaie de gérer
avec une nouvelle loi, et essaie de faire tout son possible pour bien la
gérer, mais qui est attachée avec une grande partie de ça,
et il ne sait pas comment... C'est à côté et on ne sait pas
comment le gérer.
M. Pagé: Je note. Oui, M. Lachapelle. Le
Président (M. Richard): M. Lachapelle.
M. Lachapelle: II y a quand même certaines
particularités à cette production, encore, agricole, au niveau de
la loi. Lorsqu'on parle de bois, on parle de production sur des périodes
de révolution assez longues. Produire des carottes ou produire du bois,
le temps de production est très différent. Lorsque M. Landry
parle d'assurer une continuité entre notre approche de la forêt
publique et l'approche de la forêt privée, au niveau, notamment,
du respect du rendement soutenu, la particularité de la forêt
privée vient compliquer un peu l'application de principe aussi
fondamental que celui du rendement soutenu. On a parlé du grand nombre
de producteurs, du petit
nombre qui mènent en marché, de la méconnaissance
des producteurs, également. Dans des calculs de
prélèvements admissibles, ce qui est un peu à la base de
toute la question des contingentements, on a très peu
d'éléments au niveau de qui va mettre en marché du bois ou
non.
Cela dit, c'est évident que pour une ressource aussi importante
au niveau de notre approvisionnement, nos préoccupations... Votre
collègue, M. Albert Côté, est quand même
informé et a quand même reçu copie du mémoire que
vous avez devant la commission, ce matin.
M. Pagé: O.K.
Le Président (M. Richard): M. le député
d'Art habaska.
M. Baril: M. le Président, je vais faire mention, à
la page 16, les articles 111 à 123, vous êtes les premiers, en
tout cas, parmi ceux dont on a pris connaissance, qui sont passés devant
nous, qui faites un parallèle entre la création de la chambre de
coordination et la formation de comités consultatifs qui, selon vous,
auraient les mêmes objectifs, les mêmes visées. J'aimerais
ça vous entendre un peu sur ça.
M. Lachapelle: À ce niveau-là, c'est certain que la
loi a déjà des prévisions au niveau des comités
consultatifs. Le gouvernement peut mettre sur pied des comités
consultatifs. Comme, je crois, dans les présentations
précédentes, on l'a souligné également, des
mécanismes de concertation, des mécanismes de recherche de
solution à des problèmes, il en existe. Il y en a qui se
créent de façon ad hoc, il y a déjà des organismes
pour que des gens discutent de recherche de solution des problèmes.
Nous, notre préoccupation là-dedans, lorsqu'on parle de
chambre de coordination et de développement, c'est encore l'aspect
autres structures qu'on voit là-dedans. Il y a des structures qui
peuvent être souples, il y a des structures qui peuvent répondre
à des besoins ad hoc, qui répondent à ces besoins et
disparaissent. Dans le projet de loi, il y a un caractère permanent qui
semble être attaché à ces structures-là. Encore une
fois, on s'interroge sur le drainage de fonds qui n'iront pas aux producteurs
et qui représenteront encore des coûts supplémentaires pour
les acheteurs dans ce cas-là. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Le
gouvernement a des prévisions au niveau de la loi dans le cas de
problèmes sérieux de mettre des comités de consultation,
de telles structures, et en ce qui concerne des structures permanentes, on a
certaines réserves, tout simplement.
M. Baril: Est-ce que je pourrais avoir votre opinion? Hier, les
membres de la Fédération des producteurs de bois, je pense, sont
venus nous faire part de leur projet d'utiliser, entre autres, la formule des
plans conjoints pour mettre en marché le bois du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, entre autres le feuillu, que l'entreprise
privée, elle, ne juge pas à-propos d'utiliser ou de mettre en
marché... Eux veulent utiliser la formule des plans conjoints pour se
donner des structures pour transformer ce bois-là en pâte ou en
panneau gaufré, etc. C'est quoi votre position, là-dessus.
M. Lachapelle: Je pense qu'il y a une chose dont il faut
être conscient. Dans la forêt privée, l'importance de la
ressource feuillu est quand même plus grande qu'en forêt publique.
Malheureusement, dans notre structure industrielle de transformation, elle est
surtout orientée vers la transformation de bois résineux. C'est
ce qui fait qu'il y a des surplus, effectivement, de possibilités
forestières en matière ligneuse feuillue qui existent et pour
lesquels on n'a pas de débouché. Ce que je comprends de la
position de la Fédération des producteurs de bois, c'est que s'il
n'y a pas de débouché, on va en créer. Dans ce
sens-là, ce n'est pas mauvais que les producteurs se prennent en main
pour créer des débouchés qui n'existent pas actuellement
pour des productions que personne ne veut.
M. Baril: Remarquez que je vais vous avouer bien
honnêtement que je ne connais pas la loi complètement... Je ne
connais pas complètement la Loi sur les forêts, mais si on vous
écoutait et qu'on transférait toute la production
forestière, que ce soit au niveau privé ou autres au niveau de la
Loi sur les forêts, qu'est-ce qui arriverait, justement, avec les
forêts dont on parle, que les producteurs privés veulent en tirer,
en tout cas qui veulent l'utiliser et vous autres, vous n'êtes pas
intéressés? Ça ferait quoi s'ils retombaient sous l'autre
loi et qu'ils ne pourraient plus utiliser des formules de plan conjoint, la
formule de la Loi sur la mise en marché, actuellement?
M. Pagé: Ils vont avoir le même problème de
plan conjoint.
M. Landry: Ça ne changera rien. Ca ne changera rien dans
le plan conjoint. Il peut y avoir un plan conjoint qui va se rapporter à
un autre ministère, tout simplement.
M. Baril: Oui. Mais la Loi sur les forêts le leur
"permet-u", actuellement?
M. Pagé: II faudrait la modifier.
M. Baril: Comment?
M. Pagé: II faudrait modifier la loi.
M. Baril: Ah! Bien oui, mais là, c'est ça.
M. Pagé: II faudrait créer... Si vous me le
permettez, il faudrait non seulement modifier cette loi-ci, en retranchant
très clairement et en spécifiant dans la loi la non-juridiction
de la Régie des marchés agricoles sur la mise en marché,
de la gestion de la mise en marché des produits forestiers et,
parallèlement, il faudrait modifier la loi, une loi sous la juridiction
du ministère de l'Énergie et des Ressources et du ministre
délégué aux Forêts habilitant le gouvernement
à mettre en place une régie, un organisme de contrôle qui
transférera automatiquement tous ces plans conjoints. Ça ne
créerait pas de vide juridique demain matin, et ce qu'il y avait dans le
passé ne tomberait pas pour autant.
M. Baril: Alors, je vous remercie.
M. Landry: Pour répondre plus particulièrement
à votre question, c'est un jeu d'offre et de demande. S'ils ont une
possibilité d'ouvrir un marché là-dessus, on ne s'oppose
pas à ça. On est dans un libre marché, on le prône
depuis longtemps. S'ils sont capables de développer un marché
pour ces produits-là...
M. Baril: En tout cas, moi, je pense qu'il faut faire attention
parce que, dans le passé, on l'a vu et encore aujourd'hui, souvent les
grandes papetières ont été chercher le meilleur dans les
forêts et ce qui est moins bon, elles le laissent aux producteurs. Donc,
il faut faire attention. Et aussi, tout à l'heure, vous avez fait
mention - on en a discuté, je pense, suite à une question du
ministre - vous avez dit que la formule des plans conjoints a des
conséquences sur la surexploitation des forêts privées.
Là, sur la surexploitation de nos forêts en général,
il y aurait peut-être un bon débat aussi à faire
là-dessus.
M. Landry: On est ouvert, monsieur. On est ouvert. Quand vous
aurez le temps, on peut s'asseoir pour en discuter. On parle de forêts
privées et de forêts publiques. On ne peut pas s'embarquer sur les
forêts privées, c'est à eux, mais si vous voulez parler des
forêts publiques, on peut en parler. On se sent très à
l'aise et je dirais même, comme on dit en bon français, les pattes
blanches pour en discuter parce que... Ma façon de gérer les
forêts publiques l'a été selon les règles de l'art
du temps et on a prôné, en tant qu'industrie, en tant que
profession, ça fait longtemps qu'on prône qu'on devrait avoir une
nouvelle loi qui impose des choses. On a été, peut-être,
l'industrie qui a le plus appuyé la nouvelle Loi sur les forêts.
Alors, ce n'est pas parce qu'on a mal fait notre travail ou que les
forêts ont été mal aménagées, c'est qu'on
avait un surplus de forêts et la loi n'obligeait pas... Socialement, il
n'y avait aucune obligation de passer une nouvelle loi. Quand la nouvelle loi
est arrivée, on a été les premiers à l'appuyer et
ça faisait longtemps qu'on la demandait. Alors, on se sent bien à
l'aise là-dessus.
M. Pagé: II faut bien dire une chose, ce n'est pas parce
que vous êtes de grosses entreprises que vous êtes des
méchants.
M. Landry: Non, non. Et ça, il faudrait commencer à
enlever cette approche-là qui passe dans le public. On vous
invite...
M. Baril: Non, non, mais...
M. Landry: ...à visiter nos industries et venir voir
comment on travaille.
M. Baril: Je comprends, j'ai réalisé moi-même
révolution que les grandes compagnies ont faite depuis un certain nombre
d'années, mais je vais me référer aux règles de
l'art dont vous avez fait mention tout à l'heure. Je vous dis que les
règles de l'art, il ne faut pas reculer de 100 ans en arrière de
nous autres pour savoir c'était quoi les règles de l'art au
niveau de l'ensemble des compagnies. Tu fauchais, et salut, bonsoir. Tu allais
chercher ce qu'il y avait de meilleur et le restant restait là.
M. Landry: Non monsieur. On utilisait des essences
résineuses, mais on peut faire un paralèlle avec les terrains
privés. Vous n'avez qu'à partir de Québec pour monter
à Montréal et regardez sur le long de la route 20, ce sont tous
des terrains privés. Et regardez quelle valeur ils ont au point de vue
forestier, et ce ne sont pas les grosses industries qui ont été
les saccager.
M. Baril: Ah ça, les grosses industries, monsieur, elles
ont exploité les forêts justement pour que les gens ne se
promènent pas le long de la route 20. Ce qui fait que c'est
peut-être plus... En tout cas, de toute façon, je vous le dis, ce
serait un bon débat.
Une voix: Je pense que ce serait un bon débat.
Le Président (M. Richard): Alors M. Landry.
M. Pagé: ...avant ça, M. le Président, on
n'était pas guidé, la coupe n'était pas guidée par
le quota du plan conjoint. La coupe égait guidée par les besoins
du producteur. Quand il avait besoin d'argent pour revouveler son cheptel, il
coupait; quand est arrivé le temps des congélateurs il s'en est
coupé pas mal, pour changer le congélateur à Noël.
C'était comme ça que ça fonctionnait et là
ça fontionne avec un autre cadre.
Le Président (M. Richard): Alors, M. le ministre,
avez-vous d'autres questions?
M. Pagé: On va faire rapport au ministre des Forêts
et même si vous ne vous sentiez pas à l'aise, merci d'être
venus.
M. Landry: Je vous remercie de nous avoir entendus.
Le Président (M. Richard): Alors merci beaucoup messieurs.
Sur ce, nous suspendons et nous revenons au travail après les affaires
courantes, c'est donc dire vers 16 h 15 environ. Suspension et bon
appétit, mesdames et messieurs.
(Suspension de la séance à 12 h 47)
(Reprise à 16 h 35)
La Présidente (Mme Bégin): À l'ordre! Nous
allons donc reprendre les travaux de la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation soit une consultation dans le cadre de
l'étude du projet de loi 15, Loi sur la mise en marché des
produits agricoles et alimentaires et modifiant d'autres dispositions
législatives. À ce stade-ci, nous allons donc accueillir le
Conseil de la coopération du Québec. Je demanderais aux
intervenants de bien vouloir s'identifier et de présenter leur
mémoire. Ils ont un délai de 20 minutes dans la
présentation du mémoire.
Conseil de la coopération du
Québec
M. Pelletier (Alphonse-Roger): Merci, Mme la Présidente.
M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du
Québec, M. Pagé, messieurs les membres de l'Opposition, mesdames
et messieurs, c'est un agréable plaisir d'avoir reçu votre
invitation...
La Présidente (Mme Bégin): Est-ce que vous
pourriez, s'il vous plaît, vous identifier...
M. Pelletier: Excusez-moi.
La Présidente (Mme Bégin): ...pour les
galées?
M. Pagé: Mais, Mme la Présidente, il faut bien
comprendre que c'est seulement pour le bénéfice du Journal des
débats.
La Présidente (Mme Bégin): C'est ça.
M. Pagé: Qui ne connaît pas M. Pelletier,
président de la Fédérée?
M. Pelletier: Alphonse-Roger Pelletier. Ici, j'agis à
titre de président du Conseil de la coopération du Québec
et Mme Juliette Bon-neville est directrice générale du Conseil de
la coopération du Québoc Jo m'oxcuso
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Pelletier.
M. Pelletier: Alors, comme vous avez pu le constater, le Conseil
de la coopération du Québec a un mémoire qui est
très court, qui est assez précis et je pense que le rôle du
Conseil de la coopération du Québec, c'est l'entreprise qui
représente tout le mouvement coopératif québécois.
Alors, je demanderais à notre directrice générale, Mme
Bonneville, de vous donner lecture de ce court mémoire.
Mme Bonneville (Juliette): Merci, M. Pelletier. Mme la
Présidente, M. le ministre, le Conseil de la coopération du
Québec, qui représente près de 3000 entreprises
coopératives, regroupant plus de 25 000 dirigeants
bénévoles, plus de 40 000 employés, désire faire
connaître son point de vue à la commission parlementaire sur le
projet de loi 15.
Le Conseil de la coopération du Québec estime que les
débats qui entourent ce projet risquent de mettre en cause le
caractère spécifique de l'entreprise coopérative et, par
conséquent, de faire en sorte que les droits légitimes des
membres propriétaires des coopératives agricoles et de la
Coopérative des producteurs de sucre d'érable ne soient encore
plus difficiles à exercer. Alors, notre propos porte davantage sur
l'article 2 du projet de loi.
L'article 2 du projet de loi a besoin d'être modifié. Les
agriculteurs propriétaires d'entreprises agricoles ont choisi de se
regrouper pour se doter d'entreprises coopératives visant à
rassembler leurs produits, à les transformer et à les mettre en
marché sous forme de produits alimentaires depuis au-delà de 70
ans. Une bonne proportion de producteurs du Québec ont pris l'initiative
de constituer et de développer des entreprises coopératives pour
assurer la mise en marché de leurs produits et pour améliorer
ainsi leur revenu en leur permettant de bénéficier d'une partie
de la richesse créée par leur transformation. Mais qu'est-ce
qu'une coopérative? La Loi sur les coopératives la définit
ainsi. "Une coopérative est une corporation regroupant des personnes qui
ont des besoins économiques et sociaux communs et qui, en vue de les
satisfaire, s'associent pour exploiter une entreprise conformément aux
règles d'action coopératives.11 Alors, c'est, d'abord,
une association de personnes qui se donnent une entreprise Le texte de la Loi
sur les coopératives continue en établissant que la
première des règles d'action est la suivante: "L'adhésion
d'un membre à la coopérative est subordonnée à
l'utilisation des services offerts par la coopérative et à la
possibilité pour la coopérative de les lui fournir." Alors, il
importe que cette loi, la loi 15, spécifie très clairement que
les mécanismes de mise en marché qu'elle prévoit ne
doivent pas gêner l'nrlion dos ontropfiso:; do transit innalum ut. on
particulier, l'action des coopératives.
L'article 2, tel que proposé, nous apparaît insuffisant
à cet égard. Le fait de retrancher en substance le premier
paragraphe de l'article 2 actuel équivaut à le vider de la
garantie qu'il contenait. En effet, il y a tout lieu de croire que ce nouvel
article serait interprété non plus comme une garantie pour une
organisation de coopérative de mise en marché, mais simplement
comme une priorité en autant que possible accordée au mode
coopératif. Il est d'autant plus important de renforcer cet article 2 en
lui ajoutant un troisième paragraphe puisque, même en
présence de l'article 2 de la loi actuelle, les coopératives,
notamment dans le lait, ne peuvent plus opérer en tant que telles.
Alors, nous avons une seule recommandation. Nous recommandons de
remplacer l'article 2 proposé dans le projet actuel par le texte de
l'article 2 de la loi existante auquel on ajouterait un troisième
paragraphe qui s'énoncerait comme suit: "Rien dans l'application de la
présente loi ne doit venir en conflit avec les engagements entre un
membre et sa coopérative." Je vous remercie.
La Présidente (Mme Bégin): C'est terminé?
Mme Bonneville: Oui.
La Présidente (Mme Bégin): Merci. Je vais demander
maintenant au ministre de l'Agriculture s'il a certaines questions à
poser. M. le ministre.
M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, je
tiens à remercier M. Pelletier et Mme Bonneville de leur
présentation aujourd'hui au nom du Conseil de la coopération du
Québec qui, comme on le sait, regroupe l'ensemble des institutions
coopératives au Québec, autant dans le secteur financier que dans
le secteur agricole et agro-alimentaire où la coopération est
très importante. Elle a joué et elle continue à jouer un
rôle très important dans la mise en marché des produits
laitiers. Et même si parfois le ministre de l'Agriculture se retrouve en
dualité avec le milieu coopératif québécois,
ça n'enlève en rien le respect que j'ai pour ce qui a
été fait jusqu'à maintenant au niveau du
développement et particulièrement au niveau de la présence
en région. Je trouve ça très... Vous remplissez une
mission très délicate aujourd'hui, Mme Bonneville, dans le sens
que, sans vouloir prêter de motif à quiconque, vous agissez un peu
comme éclaireur, éclaireur devant la commission parlementaire au
nom de la coopération du Québec avant que les autres viennent,
plus particulièrement, déposer leurs demandes, avant que le
conseil de la Fédérée vienne et avant mercredi prochain
où, là, le Conseil de la coopération laitière
arrivera avec des représentants de chacune des grandes
coopératives laitières pour tabler sur le pupitre de façon
à s'assurer que la production laitière soit bien acheminée
aux entreprises de transformation. Je trouve ça très courageux de
votre part, très bien, et je vous avise tout de suite que je n'ai pas
l'intention d'avoir de débat ou d'échange portant sur la
portée de l'article pour chacune des coopératives.
Essentiellement, vous dites: Le texte n'est pas clair. Vous recommandez
de remplacer l'article 2. Vous dites: "...le projet actuel par le texte de
l'article 2 de Loi existante", devrait être modifié de
façon à ajouter "un troisième paragraphe qui
s'énoncerait comme suit: Rien dans l'application de la présente
loi ne doit venir en conflit à des engagements entre un membre et sa
coopérative." J'ai deux questions. Dois-je comprendre,
premièrement, que le texte, tel que libellé dans la loi actuelle
ou encore tel que libellé dans le projet de loi 15, ne sécurise
pas les coopératives en matière d'approvisionnement?
Mme Bonneville: Notre recommandation dit de conserver le texte
actuel, c'est-à-dire les deux paragraphes de l'article 2 de la loi
actuelle de la mise en marché et d'ajouter ce troisième
paragraphe pour renforcer encore plus l'énoncé des deux
paragraphes et du principe directeur du deuxième paragraphe de l'article
2. Ce que nous voulons dire, c'est parce que dans la coopération, ce
pourquoi les gens se mettent en coopérative, et c'est là notre
propos, ce pourquoi nous nous sommes présentés ici, ce n'est pas
pour défendre l'activité économique des
coopératives, elles sont en mesure de le faire et de bien le faire, mais
ce que le Conseil de la coopération du Québec est venu faire
aujourd'hui, c'est de démontrer l'importance d'abord de l'entreprise
coopérative au Québec, le rôle qu'elle a joué depuis
70 ans dans le secteur agricole et 90 ans et plus dans d'autres secteurs, et de
démontrer aussi que l'action coopérative, c'est-à-dire que
la façon d'être des entreprises et, dans leur essence même,
les coopératives, elles sont basées sur l'usage que le membre
peut et doit faire de sa coopérative.
Dans notre langage, on devient membre d'une coopérative parce
qu'on peut en faire usage et on peut en faire usage seulement si on en est
membre. Alors, c'est toujours le même principe: Si je ne fais pas usage
de la coopérative, ça ne me rend pas service. Alors, s'il y a des
choses qui viennent entraver ma possibilité d'engagement d'en faire
usage que j'ai en devenant membre de la coopérative, parce que sur le
plan économique ça me rend service, alors s'il y a des choses qui
viennent entraver cette participation-là, ça ne me donne rien
d'être membre d'une coopérative et l'entreprise que je me suis
donnée avec 200, 500, 1000, 2000 autres coopérateurs,
l'entreprise que nous possédons, que nous administrons et pour laquelle
nous décidons du partage des excédents à la fin de
l'année, propriété qui est très régionale ou
locale
et appartenant aux gens du milieu, si je ne peux pas en faire usage et
expédier ce que je produis ou les services dont j'ai besoin pour pouvoir
aller les chercher, je n'ai pas besoin de coopérative.
M. Pagé: Je ne doute pas du bien-fondé du principe
qui s'appuie sur la mise en commun, soit pour des fins commerciales, etc.,
c'est une forme de coopérative, comme je suis pleinement d'accord avec
vous que les coopératives au Québec, dans leur ensemble, ont
joué un rôle déterminant dans le développement du
Québec. Qu'il nous suffise de se référer au mouvement
Desjardins qui est un maillon de fierté pour l'ensemble des
Québécois et des Québécoises. Je suis pleinement
d'accord avec vous, comme je suis d'accord avec le fait que lorsqu'on est
membre de la coopérative, je présume qu'on encourage sa
coopérative, entre guillemets, mais là on parle non seulement
d'appartenance d'un membre à un organisme, mais on se
réfère à toute la question des approvision-nemnets:
Où le lait du producteur doit-il aller?
Si vous demandez des modifications, c'est parce que vous
considérez que le texte antérieur n'était pas suffisamment
correct. Dois-je comprendre de votre volonté d'amender que, pour vous,
l'article 2, tel que rédigé actuellement, ne garantit pas que le
lait des membres coopérants doit aller aux coopératives?
Mme Bonneville: C'est qu'actuellement, même avec la loi qui
existe à l'heure actuelle, il y a des problèmes, prenons dans le
lait où il y a des problèmes d'usage, c'est-à-dire de
pouvoir pour le membre livrer son produit à sa coopérative pour
qu'il soit transformé par sa coopérative, son entreprise. Si j'ai
un magasin de chaussures, je n'irai pas acheter mes chaussures au magasin d'en
face, je vais probablement les prendre chez nous. Alors, c'est un peu la
même chose pour l'agriculteur ou le producteur agricole qui est membre de
sa coopérative, qui a un engagement ou un contrat de membre, parce que
la loi des coopératives agricoles demande aux membres de s'engager par
contrat avec sa coopérative à livrer pour un terme de cinq ans
son produit à la coopérative pour y être transformé.
Alors, son engagement, si je dois le livrer ailleurs, mon entreprise dont je
suis propriétaire avec les autres ne me sert plus. Alors, actuellement,
c'est qu'il y a des producteurs de lait, par exemple, qui doivent livrer leur
lait ailleurs qu'à leur coopérative, même dans la loi
actuelle. Alors, le Conseil dit: Les propriétaires, les membres de la
coopérative sont brimés dans leur droit d'usage de leur
coopérative, parce qu'ils doivent livrer sur demande leur lait ailleurs
que chez eux, que dans leur entreprise. Alors, ils se nuisent à
eux-mêmes parce qu'ils sont propriétaires de cette entreprise
là. C'est dans ce sens-là que, mfimo avec la loi acluollo,
çu po.su dos problèmes d'usage de la
coopérâtive.
M. Pagé: J'ai seulement deux brèves questions. Je
comprends que lorsqu'on est membre d'une coopérative, par exemple,
lorsqu'on est membre d'une caisse populaire, vous me direz qu'on n'a pas
intérêt comme membre à avoir un compte dans une autre
institution financière. Mais on peut l'avoir. Moi, je suis membre de ma
caisse populaire à Saint-Basile et j'ai un compte à la Banque
Nationale. Ça ne cause de problème à personne...
Mme Bonneville: Non. M. Pagé: ...puis j'ai le
droit..
Mme Bonneville: Puis, ça n'empêche pas le producteur
agricole d'avoir un REER quelque part ou d'avoir autre chose. Je veux dire,
ça n'empêche pas ça.
M. Pagé: Ça, d'ailleurs, il le manifeste aussi.
Puis c'est ça que je crois que vous devriez reconnaître comme
Conseil de la coopération. C'est que le même producteur agricole
est aussi membre de la Fédération des producteurs de lait du
Québec.
Mme Bonneville: Oui.
M. Pagé: Et si on allait à la lettre du
libellé que vous proposez, le producteur agricole membre d'une
coopérative devrait choisir son appartenance, soit à la
coopération ou à la Fédération des producteurs de
lait, parce que vous avez très clairement dit, Mme Bonneville, qu'un
membre ne peut pas, en raison des ententes qu'il a, qui le lient à sa
coopérative, acheminer ailleurs qu'à sa coopérative. Donc,
il faudrait faire un choix.
Je ne vous dis pas que ce n'est pas correct, parce que, ça, ce
n'est pas exclu que ça arrive à un moment donné dans le
temps. Si ce débat-là ne se règle pas, il y a quelqu'un
qui va devoir le trancher, le litige. Puis je présume que c'est
l'Assemblée nationale du Québec.
Mme Bonneville: Mais, il y a...
M. Pagé: Et si je comprends bien ce que vous dites, selon
vos propositions, le producteur devrait choisir. Je suis membre de la
Fédération des producteurs de lait. Puis, là, c'est ma
fédération qui règle mon transport, puis c'est ma
fédération qui négocie mes prix. That's it, that's all",
comme on dit. Ou je suis membre de ma coopérative et, là, je suis
lié ad vitam aeternam à lui livrer mon lait, point final,
à la ligne, "period"!
Mme Bonneville: Ce sont deux organismes à vocation...
M. Pelletier: Deux choses complètement
différentes.
Mme Bonneville: C'est sûr que c'est le même membre
qui est membre de son syndicat agricole, de son organisme qui le protège
en tant que producteur ou dans son statut de producteur comme syndicaliste qui
a des objectifs. Ce regroupement-là a des objectifs et d'avoir une
entreprise économique pour la transformation de son produit,
l'écoulement, la mise en marché. Et c'est là qu'on dit que
cette action devrait être complémentaire. Je veux dire, c'est le
même producteur. Alors, il n'a pas à se multiplier. Les
producteurs se sont donné les outils économiques qui sont leur
propriété, qui sont inaliénables, c'est-à-dire qui
ne sont pas vendables. Ils appartiennent aux producteurs qui les
détiennent.
Alors, il n'y a personne qui va mettre la clé dans la porte sauf
les producteurs. Alors, ça, c'est quand même... Et il n'y a rien
qui est contradictoire à ce qu'il ait une entreprise économique
dans laquelle il est propriétaire avec les autres et qu'il soit membre
de son syndicat qui le protège sur des aspects de sa profession comme
producteur. C'est la qu'elle doit être, la complémentarité
des objectifs qu'on poursuit comme producteurs.
Alors, c'est cette action complémentaire. Ce n'est pas de
l'idéologie quand je dis ça. C'est sûr que le même
producteur, il est assis sur la chaise à l'UPA puis il est assis sur la
chaise à la coopérative. Et il doit être en mesure de voir
où collectivement, parce que la coopérative, c'est une
propriété collective... Alors, il doit voir comment
collectivement... Ils doivent ensemble mettre en marché leurs produits,
développer leur milieu aussi et développer leur propre entreprise
et, en même temps, avoir une protection comme producteurs agricoles.
Et les outils qu'ils se donnent, des plans conjoints, etc., doivent
être complémentaires et doivent venir aider. Alors, c'est...
M. Pagé: Mon temps étant écoulé, je
vous remercie, Mme Bonneville et M. Pelletier. Je dois vous dire, cependant,
que, moi, non pas que je le vois, je le vis plus souvent en dualité
qu'en complémentarité.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. le ministre.
Là-dessus, je vais maintenant demander à M. le
député d'Arthabaska s'il a quelques questions à poser
à la coopérative.
M. Baril: Oui, certainement. Vous savez, de ce
côté-ci de la Chambre également, on n'aura pas besoin de
discuter longtemps, je pense, pour savoir la nécessité et
l'importance que le mouvement coopératif a toujours au Québec et
aura encore, évidemment, dans le futur, en s'ajustant aux besoins du
marché. Ça, je pense qu'on...
Une voix: C'est écrit dans le ciel.
M. Baril: C'est écrit dans le ciel, c'est évident.
Tout le monde s'accorde là-dessus. Le Parti québécois a
d'ailleurs confirmé sa position parce qu'en 1982, c'est le gouvernement
du Parti québécois qui a réduit en profondeur la Loi sur
les coopératives. Ça fait qu'à partir de là, comme
on dit...
C'est sûr, actuellement, ce dont on discute, c'est qu'on est
pratiquement sur un terrain miné à cause du contexte qu'on vit
dans le secteur laitier. Que tu prennes position d'un bord ou de l'autre, ce
sont tous les mêmes producteurs laitiers qui sont "pognés"
là-dedans, si vous me permettez l'expression. Et si tu parles plus pour
l'un que pour l'autre, si tu parles pour les plans conjoints dans
l'application, que la Loi sur la mise en marché leur donne, tu vas
passer pour quelqu'un qui parie contre les. coopératives. Si tu paries
pour les coopératives, si tu dis: On veut mettre le plan conjoint de
côté, on va dire: Comment ça? Ils sont contre la
Fédération, ils sont contre l'administration des plans
conjoints.
Je me mets à la place des pauvres producteurs laitiers qui, eux,
assistent à leurs assemblées de coopératives, qui
écoutent une version. Ils s'en vont à l'assemblée de la
Fédération des producteurs de lait, ils écoutent l'autre
version, et ils se disent: Bien, coudon! Qu'est-ce qui arrive là-dedans?
Et lui, le producteur, en plus, il a toujours la préoccupation que, le
soir et le matin, il faut qu'il revienne faire son train. Il n'a pas juste
ça à voir et il n'a pas juste ça à administrer,
lui. Il faut qu'il regarde pour voir si sa deuxième du bord est en
retard ou, si elle n'est pas en retard, si elle va avoir des troubles de
vêlage. Il est tout "pogné" avec ça, lui. Et il est autant
rattaché à sa coopérative qu'il peut être
attaché à son syndicat.
D'ailleurs, on le voit actuellement, je dirais, cette division ou ce
partage d'idées, quel choix il va faire entre les deux. Dans les
assemblées, actuellement, il semble, en tout cas, de plus en plus, que
les agriculteurs ne veulent pas tasser leur coopérative, absolument pas.
Ils veulent rester membres, ils veulent qu'elle soit davantage efficace, mais
ils s'aperçoivent aussi que le plan conjoint, ce qu'il leur rapporte...
Actuellement, il semblerait que la formule qui est applicable attire plus les
producteurs vers l'application intégrale du plan conjoint que celle qui
consiste à dire: La coopérative garde tout mon lait et transforme
tout mon lait. On sait également que si on appliquait ça
intégralement, tu viens de tout débalancer le système du
plan conjoint dans le lait. Ça, je n'ai pas de leçon à
vous faire là-dessus; vous connaissez ça autant que moi.
Comment vivez-vous ça, vous autres? Comment voyez-vous ça,
vous autres, ce partage d'idées? Et quand je dis le partage
d'idées, pour
une personne, un producteur, je ne veux pas dire que les agriculteurs se
partagent l'un et l'autre. Pour le producteur, comment voyez-vous ça,
vous, ce partage qu'il est obligé de faire entre sa coopérative,
son syndicat et sa fédération? C'est ça que les
producteurs vivent actuellement.
Mme Bonneville: C'est ce que je répondais.
M. Pelletier: Mme la Présidente, M. Baril, comment on voit
ça, je pense... Pour moi, ça m'apparaît très simple.
Mais avant de répondre à votre question, je voudrais dire
à M. Pagé que vous avez raison quand vous soulignez qu'on arrive
comme mouvement d'appui à des choses qui n'ont pas été
présentées. Je voudrais vous dire que ce n'est pas nous qui avons
fait l'horaire aujourd'hui. Ça s'adonne que le CCQ, le Conseil de la
coopération du Québec devait se présenter à 16
heures cet après-midi. Il reste que ça nous a amenés
à consulter les mémoires des autres parties. Ça s'adonne
aussi, malheureusement ou heureusement, Mme la Présidente, que le
président du Conseil de la coopération du Québec agit
aussi comme président du Conseil de la coopérative
fédérée de Québec. Alors, Mme Bonneville a
très bien répondu aux questions et c'est là qu'est le
problème, à mon sens.
Il y a une loi sur les coopératives qui existe depuis nombre
d'années et le principe coopératif qui en découle a
été prévu par les législateurs de ce
temps-là et on a mis des exigences rattachées à ça,
comme vous l'a dit Mme Bonneville. Dans les contrats des sociétaires, il
y a une exigence qui doit être signée pour cinq ans. C'est un
engagement et ça va de soi. On ne pourrait jamais fonder de
coopératives s'il n'y avait pas des engagements quelconques de la part
des parties et ces engagements sont fondés sur des principes qui font
que le propriétaire doit être l'usager de l'entreprise. Et
là, il y a toute une règle: les produits de son entreprise, il
s'engage à les fournir à sa coopérative qui, elle, en
retour, s'engage à les transformer et à les mettre en
marché. (17 heures)
Donc, il y a des contrats de sociétaires et c'est régi par
une loi. C'est la législation provinciale qui a encadré
ça, et elle l'a très bien fait. Ce qui est arrivé dans les
années ultérieures, c'est la formule des plans conjoints, et
c'est comme ça que le législateur du temps a prévu: On
n'est pas pour démolir les coopératives, tout le monde admet que
c'est écrit dans le ciel et c'est bon. On n'est pas pour les
démolir. On va tâcher qu'elles continuent d'exister, et on a
prévu que le plan conjoint ne devait pas venir en conflit avec la
coopérative. Ça aussi, c'était très bien. Mais
est-ce qu'on a mis les balises suffisantes? Est-ce qu'on reconnaît encore
que les coopératives au Québec, de quelque secteur que ce soit...
Mme Bonneville pourrait vous énumérer ce que l'on
représente au ccq comme mouvement coopératif. tous les genres de
coopératives sont au conseil de la coopération au québec
et sont touchés par cet article-là ce qu'on veut faire
reconnaître, s'il est vrai que la loi sur les coopératives est
bonne, s'il est vrai que ces contrats-là sont valables... et, moi, je le
crois parce qu'on ne serait jamais capables d'aller chercher des bailleurs de
fonds pour supporter des sociétaires qui décident de bâtir
une entreprise si on n'avait pas d'engagement envers notre coopérative
d'y faire affaire, c'est fondamental.
Alors, en partant de là, il y a des coopératives qui
existent; tout le monde dit que ça a rendu d'immenses services au
Québec. Les gouvernements qui se sont succédé - M. Baril
l'a dit tantôt - et ceux d'aujourd'hui aussi nous disent que c'est un
élément de développement économique au
Québec, qui appartient aux Québécois, qui ne se vend pas
aux étrangers, qui doit demeurer dans les mains des
Québécois, qui est complètement démocratique. On a
des assemblées générales, on délègue des
administrateurs, des nôtres, pour administrer des entreprises, et on a
fait nos preuves, autant dans Desjardins que dans les coopératives de
travail, dans les coopératives d'habitation, dans les
coopératives funéraires que dans les coopératives
agricoles. Alors, tout ce secteur-là, il existe. Et on n'est pas
là pour "compétitionner" les compagnies à capital-actions.
On est là quand même pour défendre les droits des
agriculteurs, entre autres, le droit de bâtir des entreprises à
leur mesure et qui leur appartiennent. Et il n'est pas dans l'esprit du CCQ,
pas plus que je vais vous le dire tantôt, de démolir ce que les
agriculteurs se sont donné comme plan conjoint et comme organisation
syndicale. Il est question d'avoir notre part du gâteau et d'être
équitable, et, à moins que l'on ne change la Loi sur les
coopératives, et qu'elle ne veuille plus rien dire, il faut consolider,
il faut préciser ce que la Loi sur la mise en marché des produits
agricoles va comprendre d'une organisation coopérative; on serait
peut-être capables de vivre mieux. Tant et aussi longtemps que ce ne sera
pas changé à la base, on va continuer à avoir des
chicanes, parce que les mêmes législateurs - et ce n'est pas ceux
d'aujourd'hui, là, je ne vise pas ceux-là - ont prévu
qu'il y aurait deux organismes et un complémentaire, et on n'a pas mis
suffisamment de balises. Et là, ça crée les chicanes qu'on
connaît.
Mais il ne faudrait pas généraliser non plus, Mme la
Présidente, M. le ministre. Il ne faudrait pas
généraliser. C'est qu'on arrive à un mauvais moment,
à un moment où il y a un problème un peu plus particulier
dans le lait, et là, on arrive à généraliser. Dans
la plupart des secteurs agricoles, on s'entend assez bien. Mais il y a un
problème particulier, je pense qu'il faut l'admettre; on est les
premiers à l'admettre. Et c'est pour ça que la loi doit corriger
cette lacune. Il
n'y a pas de raison que dans le monde agricole on continue à
s'entredéchirer. En 1990, on a besoin de toutes nos forces, M.
Baril.
M. Baril: Je pense que tout le monde est bien conscient de
ça. Actuellement, avec tout ce qui se présente devant nous, tout
ce que nous vivons, qu'il y ait un affrontement entre deux mouvements de
mêmes producteurs, ça n'a aucun bon sens.
M. Pelletier: C'est inconcevable.
M. Baril: Inconcevable, ça, c'est... Mais vous nous
demandez, vous demandez, en tout cas, au gouvernement non seulement de
maintenir l'article 2 comme tel, mais de le renforcer davantage; c'est ce que
vous nous demandez.
M. Pelletier: Oui.
M. Baril: Et, moi, ce que je trouve difficile, je vais être
franc avec vous, ce que je trouve difficile, moi, c'est de voir que dans une
même loi, si mon interprétation est bonne, on aurait deux
positions complètement différentes.
M. Pelletier: Non.
M. Baril: Parce que, écoutez, on dit que la formule des
plans conjoints ne doit pas nuire au développement des
coopératives - là j'interprète, mais en tout cas, c'est
ça ce que ça veut dire - et en même temps, dans des
articles plus loin, on donne le droit ou le pouvoir à des offices de
producteurs de se donner des plans conjoints, et quand on signe des plans
conjoints, bien, on sait toutes les conséquences que ça
entraîne. Donc, au départ on dit: Vous pouvez nous donner des
plans conjoints et c'est l'outil le plus efficace que vous voulez utiliser pour
augmenter vos revenus ou mieux en vivre, je ne sais pas quoi. Là, dans
la même loi, tu t'empêches de te donner des plans conjoints parce
que si, toutefois, ce même plan conjoint nuit au développement des
coopératives... Et il faut s'entendre. Moi, je suis certain que si on
dit que ça nuit au développement des coopératives, c'est
seulement passager. Je pense qu'on n'a pas de grand discours à faire
là-dessus. Mais je vais vous écouter là-dessus, sur ces
contradictions dans la même loi, à savoir si je
l'interprète bien ou si je suis complètement...
M. Pelletier: Qui dit complémentaire dit qu'il y a deux
parties. Évidemment, ça cause certains problèmes. Je
ferais une comparaison. Dans la constitution canadienne, il y a un gouvernement
central et il y a dix provinces. Ça ne semble pas toujours facile de
s'entendre. Il y en a qui prétendent qu'ils ont chacun leur rôle
à jouer et qu'il y a des rôles complémentaires. Alors, on
connaît le débat qui existe actuelle- ment. Quand on arrive
à la Fédération canadienne d'agriculture, il y a dix
provinces. Là non plus ce n'est pas facile de s'entendre. Mais il faut
préciser, quand on dit complémentaire...
M. Pagé: Pas juste à la Fédération de
l'agriculture.
M. Pelletier: Non. Quand on dit complémentaire, ça
veut dire qu'il faut être en mesure de déterminer qu'est-ce que
c'est que la complémentarité. Mais s'il y a un plan conjoint,
d'après la loi, quand il n'y a pas de coopératives, il a
tous les pouvoirs. Si on prétend qu'un plan conjoint, face aux
coopératives, a les mêmes pouvoirs, il faudrait le dire tout de
suite. On va mettre une croix sur nos coopératives, mais on va
être obligés de former des compagnies. Et on pourra se vendre aux
Américains. Ça, c'est le problème qu'on regarde au
CCQ.
C'est M. Béland qui devait venir aujourd'hui vous
présenter le mémoire du CCQ. M. Béland est
vice-président du Conseil de la coopération. Ses engagements ne
lui ont pas permis de le faire. Alors, en tant que président, je suis
là pour défendre les principes coopératifs. Si, en 1990,
ça ne doit plus s'appliquer, qu'on nous le dise. On va changer de
formule. Mais en changeant de formule, on perd ce pour quoi on a
travaillé avec nos pairs depuis 100 ans. On perd une partie de
l'économie du Québec qui s'en ira dans des mains
étrangères. Et là, ça appartient aux gens du
Québec, autant dans Desjardins, dans la consommation que dans
l'habitation. Ça appartient à des gens. Il y a une
démocratie qui s'exerce. Mais c'est toujours le rôle de
complémentarité d'un plan conjoint. C'est là qu'on
achopppe. C'est quoi la complémentarité? Il y a des rôles
importants à jouer, indispensables. C'est comme ça qu'on a
fait voter à nos coopératives ces plans conjoints. Et elles
ont un rôle très important à jouer.
La Présidente (Mme Bégin): M. Pelletier,
pourriez-vous conclure? Le temps est...
M. Pelletier: J'ai terminé.
La Présidente (Mme Bégin): Merci. Votre temps de
parole étant écoulé, je vais maintenant passer la parole
au ministre, M. Pagé.
M. Pagé:...
La Présidente (Mme Bégin): Oui, oui. M.
Pagé.
M. Pagé: SI on se réfère au texte,
l'historique de l'article 2, c'est d'avoir à l'esprit que la disposition
à laquelle nous nous référons ici a
déjà été dans le texte de loi.
Mme Bonneville: Elle est dans le texte de loi actuel... non.
M. Pagé: Le troisième alinéa. Mme
Bonneville: Le troisième?
M. Pagé: Ce que vous demandez, il était là
avant.
M. Pelletier: Oui, il a été enlevé.
M. Pagé: Oui, oui.
M. Pelletier: Après de chaudes luttes.
M. Pagé: Vous nous demandez d'ajouter un troisième
alinéa qui dirait - ça, c'est votre demande - "Rien dans
l'application de la présente loi ne doit venir en conflit avec les
engagements entre un membre et sa coopérative."
M. Pelletier: Absolument.
M. Pagé: C'est une disposition de portée
générale. Dans le texte original de 1956, cette disposition n'y
était pas, mais le projet de loi, lorsqu'il est arrivé au Conseil
législatif de l'époque, qui était le Sénat,
à l'époque... Cette disposition a été
ajoutée suite à des pressions du mouvement coopératif
auprès du Sénat. La disposition alors ajoutée comportait
un troisième alinéa qui n'apparaît pas dans la loi actuelle
ni, bien entendu, dans le projet de loi qu'on dépose, et qui se lisait
comme suit: "Rien dans l'application de la présente loi ne doit venir en
conflit avec les engagements d'un producteur vis-à-vis de sa
coopérative ni avec les engagements de celle-ci envers une autre
coopérative." C'est au moment de la refonte, en 1963, que ce dernier
alinéa a été enlevé. S'il a été
enlevé, c'est à cause des problèmes pratiques qu'il
causait. On ne s'entendait pas, en 1963, sur le sens à donner, sur
l'interprétation à donner au troisième alinéa de
l'article 2. Le législateur de l'époque a certainement voulu
indiquer ses intentions au sujet des relations entre les coopératives et
leurs membres dans le cadre d'un plan conjoint. La disposition de cet
alinéa est significative: il croyait ainsi avoir réglé le
problème. Alors, en 1956, le troisième alinéa n'y est pas,
dans le texte original, il est ajouté par le Conseil législatif.
Il est inclus dans le projet de loi, qui devient une loi, en 1956. Il y a un
vécu avec cette loi, de 1956 à 1963, et, en 1963 parce que
très peu de gens concernés, par la voie de leur procureur,
etc.... Personne n'est en mesure de donner une interprétation ferme et
définitive dudit troisième alinéa. Partant de là,
comme on ne se comprend pas, puis qu'on n'interprète pas de la
même façon, ça cause problème. Donc, en 1963 on
l'enlève. Aujourd'hui, on vit, c'est le moins qu'on puisse dire, des
situations analogues de dualité sur l'interprétation, de
dualité, par conséquent, sur les représentations ou les
revendications, et là, vous nous suggérez de revenir au statu quo
ante de 1956. Comment interpréter ça?
M. Pelletier: En 1963 ce ne sont pas les coopératives qui
ont demandé de l'enlever. C'était le même problème
qu'aujourd'hui, évidem-mentl
M. Pagé: Oui. Je suis d'accord avec vous que le fait de
l'avoir enlevé n'a pas réglé plus les problèmes
qu'il y a eu entre 1956 et 1963.
M. Pelletier: C'est-à-dire que ça n'a pas
été...
M. Pagé: Mais ça ne règle pas notre
problème, M. Pelletier.
M. Pelletier: On n'a pas clarifié suffisamment. C'est
évident que, quand il y a un rôle de
complémentarité, on est appelés a vivre toujours un
certain conflit. Et, depuis que le monde est monde, il y a une lutte pour le
pouvoir. Alors, quand on dit complémentarité, les deux parties en
cause veulent prendre tout le pouvoir, et là, le conflit arrive. Et, on
voit ça dans les élections, à un moment donné; on
voit ça en Chambre, parfois, aussi.
M. Pagé: Oui, oui, mais nous autres, on n'est pas membres
des deux partis, ni M. Baril ni moi.
M. Pelletier: Ha, ha, ha! Nous autres, on n'est pas membres des
deux partis non plus.
M. Pagé: Vous êtes membres de la
Fédération, vous êtes membres de la coopérative
puis...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: ... souvent ef ois les mêmes membres votent
aux deux places...
M. Pelletier: Oui.
M. Pagé: Puis, je ne suis pas toujours convaincu qu'ils
votent de la même façon parfois aux deux places.
Une voix: Ils sont membres de l'UPA. Une voix: Oui,
c'est...
M. Pelletier: On s'entend pour dire qu'on a besoin des organismes
que les agriculteurs se sont donnés.
M. Pagé: Oui.
M. Pelletier: Et, en tant que représentant du Conseil de
la coopération du Québec, je veux
vous dire qu'on respecte le point de vue des agriculteurs. Il y a un
rôle que le législateur doit jouer, peut-être difficile,
mais je ne peux pas croire et comprendre qu'on n'est pas capables
d'établir sur du papier des règles du jeu qui vont satisfaire
tout le monde. Ceci dit...
M. Pagé: Oui.
M. Pelletier: ...les coopératives agricoles que je
représenterai tantôt, veulent ce respect-là des droits des
uns et des autres, puis on veut travailler ensemble. Mais on veut que ça
soit déterminé pour éviter... Je vous dis que, s'il n'y
avait pas de clôture de ligne entre les voisins, il y en aurait, des
chicanes, il y en aurait en mosus! Alors, plaçons une clôture
quelque part qui va déterminer les rôles de chacun, puis il va
être fini, ce tiraillement inutile et coûteux.
C'est vrai que, dans les législations, les projets de loi sont
préparés par des avocats, j'imagine.
M. Pagé: Oui.
M. Pelletier: J'ai envie de vous demander si c'est
préparé en vue de laisser de la place pour des tiraillements,
parce que ça nous amène des avocats, nous autres aussi,
là, puis on se tiraille avec nos avocats. Je ne sais pas,
j'espère que non, mais on sait bien que les avocats, il faut qu'ils
gagnent leur vie. Ha, ha, ha! Je peux taquiner un peu, ha, ha!
M. Pagé: Oui, mais vous comprenez que ce sont les
producteurs puis les coopératives qui en engagent.
M. Pelletier: Mais oui! mais oui! Ha, ha, ha! Quand il y en a une
partie qui en engage, il faut que l'autre en engage pour se défendre, M.
le ministre.
M. Pagé: Je sais. Bon...! Bien!
M. Pelletier: Non, c'est un problème.
M. Pagé: Juste une dernière question, là. Je
comprends très bien...
M. Pelletier: C'est pour ça qu'on est ici. (17 h 15)
M. Pagé: ...que ces tiraillages-là, ces
dualités, ces affrontements, bon, il faut les éviter, puis
l'idéal voudrait... D'ailleurs, je donnais l'exemple, autant au Conseil
de l'industrie laitière qu'à la Fédération et au
Conseil de la coopération laitière: Si tout le capital humain
investi - parce que vous vous réunissez, vous orientez, vous
décidez, vous réfléchissez, vous pensez à des
moyens d'action - si tout le capital humain investi depuis l'entente de la
décision de 1985, si tout ce capital humain avait été
investi pour se donner plus de force au Québec, dans l'industrie
laitière, pour développer des marchés, pour tenter de
travailler plus étroitement à optimaliser nos opérations,
ce que le milieu de la coopération - et ce, je le salue avec
appréciation, ce que vous venez d'amorcer, la rationalisation des
entreprises, etc. - si on avait fait tout ça, on serait rendus un peu
plus loin dans cette obligation qu'on a d'être très performants,
non seulement à l'échelle du Canada, mais à
l'échelle nord-américaine et mondiale. Mais ce n'est pas
ça.
Vous me dites: Quand les voisins n'ont pas de ligne de terrain, ils sont
sujets à se chicaner. Oui. Est-ce à dire que la ligne à
tracer pour donner une force, une certitude à l'application de l'article
2 devrait aller jusqu'au point où le producteur laitier du Québec
devrait être, soit membre de la Fédération des producteurs
de lait du Québec, soit membre de la Coopérative laitière
du Québec, l'une ou l'autre, mais pas les deux. Non?
M. Pelletier: Non. Moi, je pense que ce sont des outils
différents et je ne peux pas aller... À l'automne, quand je
décide de travailler mon sol pour le printemps, comme agriculteur, je
prends ma charrue, je trace des sillons, je laisse travailler la nature et, au
printemps, je ne reprends pas de nouveau une charrue, je prends une herse, puis
je finis mon travail avec un semoir et j'ai une belle récolte à
l'automne. C'est un outil complémentaire. M. le ministre, je m'excuse,
je reviens là-dessus. Il y a une loi des coopératives qui a des
exigences. On ne peut pas fonder de coopératives si on ne répond
pas a ces exigences-là. Après qu'on a fondé une
coopérative, qu'on l'a mise en place, il y a une autre loi qui arrive 20
ans après, 30 ans après, puis elle dit que cette loi-là,
non... Est-ce qu'il a pu y avoir une autre loi qui dise que la première
n'est pas bonne? C'est ça que je me pose comme question.
Il y a une autre loi qui est supérieure à la,
première. Alors, nous autres, ce n'est pas ça que la loi dit, la
Loi sur les marchés agricoles. Elle dit: Ça doit être
complémentaire à l'action de... Prouvons en quoi ça peut
être complémentaire et tout le monde va être heureux. Nos
agriculteurs, dans le champ, M. le ministre, ont deux chapeaux. Ils ont un
chapeau pour la semaine et, quand ils vont à la messe le dimanche,
jamais ils ne prennent leur chapeau de semaine, ils prennent leur chapeau du
dimanche. Ils savent à quel moment placer le bon.
La Présidente (Mme Bégin): Je vous demanderais de
conclure, s'il vous plaît.
M. Pelletier: J'ai terminé.
La Présidente (Mme Bégin): Merci. Ceci clôt
le temps de parole du ministre. Je vais maintenant passer la parole à M.
le député d'Ar-
thabaska.
M. Baril: Merci, Mme la Présidente. Il y a eu un moment
d'arrêt, mais je vais continuer dans la même veine où
j'étais parti tout à l'heure. Comment pouvez-vous expliquer que
les coopératives agricoles, entre autres, sentent le besoin tellement
important d'avoir cette protection, qui est l'article 2 dans la Loi sur la mise
en marché? Si on compare à un grand mouvement coopératif,
au Québec, que sont les caisses populaires, qui n'ont pas de loi
semblable dans les... Comment on dit ça? Ils n'ont pas de disposition
semblable dans leur loi et s'il y a un mouvement coopératif qui s'est
développé, au Québec, ce sont bien les caisses populaires,
comprenez-vous, et c'est heureux ainsi. Ils n'ont pas eu besoin de dispositions
particulières pour se développer, hein? Leur président, M.
Béland, dit qu'il faut être compétitifs, H faut relever des
défis, le libre-échange s'en vient. On est dedans, c'est vrai, II
ne s'en vient pas, on est dedans. Il y en a, je crois bien, qui ne s'en
aperçoivent pas, mais on est dans le libre-échange et il faut
faire face à tout ça. vous parlez de la loi des
coopératives qui est là depuis 1956, tout ça. vous avez
fait une farce tout à l'heure, je vais vous en faire une, moi aussi; ce
n'est pas méchant, je ne veux pas être méchant. vous avez
parlé de l'agriculteur, quand il veut labourer l'automne, il prend sa
charrue et il laboure et le printemps, quand il veut travailler ça, il
prend une autre sorte d'outil. l'agriculteur aussi, il s'est
développé parce que, aujourd'hui, il y a des méthodes
structurées et il n'a même plus besoin de labourer l'automne.
ça prend une autre machinerie et il brasse moins la terre et c'est aussi
efficace. mais on n'en est plus à la même méthode qu'il y a
25 ou 30 ans. pourquoi, dans la loi... ne trouvez-vous pas, ma question est
là, ne trouvez-vous pas que certaines coopératives n'ont
même plus... je dirais que cet article n'a même pas pu les
empêcher de se développer en étant assurées d'un
approvisionnement constant et d'une formule qui dit: nous autres, on est bien
comme ça et même si on se cassait la tête pour trouver de
nouveaux produits, etc., ça nous donne quoi de plus? dans
l'immédiat, je parle. donc, ne pensez-vous pas que cet article, ce
fameux article dans la loi n'a même pas empêché certaines
coopératives de se développer? je ne veux pas
généraliser.
M. Pelletier: Écoutez, c'est une question qui
s'adresserait plutôt à l'autre partie.
M. Baril: Ah! Je peux la retenir.
M. Pelletier: Je ne voudrais pas élaborer trop longuement
là-dessus, parce que je pense que ça s'adresserait plutôt
à l'autre partie.
Mme Bonneville: J'aimerais répondre à vos
interrogations. Vous faisiez la comparaison avec le mouvement Desjardins. Si M.
Béland avait été ici et... Si vous avez lu quelques
articles de journaux, je vous assure que M. Béland - c'est-à-dire
tout le mouvement, parce que c'est tout le mouvement, ce n'est pas juste M.
Béland, parce que ça a l'avantage d'être un groupe, de nous
représenter comme membres - s'est battu pour défendre la formule.
Il s'est fait dire souvent: Pourquoi ne faites-vous pas des affaires comme tout
le monde? Ou, pourquoi ne faites-vous pas des affaires comme du monde, quand
vous parlez de vos parts permanentes, quand vous parlez d'avoir des prospectus
pour chacune des caisses populaires pour émettre vos bons? Je donne cet
exemple pour vous dire que la formule coopérative, elle est mal connue
et elle n'est pas connue non plus. Et on voudrait qu'elle sort comme les autres
entreprises. Mais on voudrait avoir tous les avantages, sauf les exigences que
ça peut demander. Alors quand on essaye de donner des plans conjoints,
quand on essaye d'avoir des choses complémentaires, on trouve toujours
ça difficile, parce que la formule coopérative, on la trouve
encombrante. Il y a des règles d'action qui font qu'il y a la
propriété; le pouvoir est entre les mains des gens, le partage
des excédents. Il y a des formes et ça doit être
respecté si on veut que ce soient des coopératives. A ce
moment-là, quand on crée d'autres outils - ça ne veut pas
dire qu'on n'a pas à actualiser l'action des coopératives;
ça ne veut pas dire qu'on n'a pas à rendre, pour 1990 ou pour
l'an 2000 la formule coopérative, pour qu'elle réponde mieux
à nos besoins d'aujourd'hui en regard des marchés, en regard de
la finance... Parce que c'est une réponse économique, la
coopération. Il reste qu'on connaît trop peu la coopération
et on voudrait faire en sorte qu'on la... Je ne dirai pas le mot qui me vient
naturellement, mais je vais dire: On veut essayer d'en faire une entreprise
comme les autres, alors qu'elle n'est pas une entreprise comme les autres.
M. Baril: Mais je connais...
Mme Bonneville: On fait des affaires, mais on fait des affaires
autrement dans une coopérative.
M. Baril: Je connais, madame, des producteurs laitiers - puisque
ce sont eux qui sont le plus mis en cause - je connais des producteurs
laitiers, je ne dirais pas vieux en âge, mais vieux en implication dans
le mouvement coopératif - dans notre langage, on dit souvent des gens
vendus aux coopératives - et actuellement ces mêmes personnes - je
me répète - elles ne renient pas leur coopérative, mais
elles trouvent plus avantageuse la formule du plan conjoint dans le contexte
qu'on vit présentement que, je vais oser dire la formule
coopérative, mais mon terme n'est peut-être pas exact. Mais dans
la
situation qu'on vit, il y a un choix à faire. Il y a des vieux
producteurs, des vieux coopérateurs qui sont pour la formule et dans les
assemblées... Je vois M. Pelletier qui fait de grands signes de
tête. Dans les assemblées, pourquoi pensez-vous que ces
mêmes coopérateurs-là, ces producteurs, disent aux
dirigeants de la coopérative: C'est assez. On est tannés de payer
des centaines de milliers de dollars à des avocats? Assoyez-vous et
négociez. Comment expliquez-vous ça? Est-ce que c'est parce que,
après 25 ans de coopéra-tisme, ils ne connaissent pas le
mouvement coopératif?
Mme Bonneville: Pas nécessairement. Mais quand on fait de
la coopération, on fait un choix à long terme, on ne fait pas un
choix pour l'immédiat. On fait des choix pour bâtir des
entreprises qui sont à plus long terme. On fait des choix qui ne nous
rapportent pas tout de suite, dans notre poche, demain matin, mais qui font
qu'on se donne des outils économiques pour transiger. On bâtit des
entreprises économiques au Québec pour développer notre
société économiquement.
Vous allez me dire que c'est de l'idéologie, mais ça n'en
est pas. Quand on opte pour la formule coopérative, on fait le choix de
ne pas être un entrepreneur tout seul qui met dans sa poche, demain
matin, les profits de son argent, mais on investit avec les autres, on fait le
choix de développer un projet collectif, une entreprise
économique qui se perpétue, qui continue même après
qu'on soit parti: Desjardins n'est plus là, mais il a bâti pour
l'avenir. Alors, l'entreprise coopérative, c'est ça aussi et
c'est ce principe-là qu'on a à défendre aujourd'hui.
L'activité économique des coopératives, ils vont la
défendre, mais l'entreprise coopérative, c'est quand on fait ce
choix-là. On fait un choix à long terme, on fait un choix
d'investissements, mais d'investissements économiques et sociaux, et
ça, il faut le reconnaître. On fait des affaires, oui, en
coopération, mais on fait des affaires autrement. La caisse populaire
n'appartient pas à Claude Béland...
M. Baril: Écoutez, madame...
Mme Bonneville: ...puis il n'a pas plus de votes que moi à
la caisse populaire. Alors, quand on fait un choix dans la
coopération... L'agriculteur ou le producteur qui dit: Ce serait plus
avantageux pour moi d'avoir possiblement ma compagnie. C'est vrai qu'il serait
plus riche, possiblement.
M. Baril: Écoutez, madame, je comprends...
Mme Bonneville: C'est ce choix-là qu'on fait.
M. Baril: Je vais finir.
La Présidente (Mme Bégin): Je vous demanderais
de...
M. Baril: Je vais finir. Je veux juste dire, en conclusion, que
le débat, je ne sais pas, est mal engagé ou s'oriente mal. On ne
nie pas tout ce que vous dites. Je l'ai dit, au début, tout à
l'heure. J'oserais dire: Qu'il se lève, celui ici qui est contre les
coopératives.
Mme Bonneville: Ah oui!
M. Baril: Ah! voyez-vous! Je l'ai dit tout à l'heure, au
début, qu'on ne nie pas ça, mais c'est pour ça que je vous
dis qu'il s'agit de trouver une formule pour faire en sorte que tous et chacun,
dans ce système-là, puisse trouver son compte. Je l'ai dit au
début: II ne faut pas penser qu'on est contre les coopératives,
si on défend les plans conjoints et que, si on défend les
coopératives, on est contre les plans conjoints et vice versa.
Je vous remercie de votre mémoire et on va sans doute avoir
l'occasion de se reparler puisque, entre autres, M. Pelletier a deux chapeaux
dans le mouvement coopératif. Il faut s'en parler. En tout cas, j'ai
apprécié l'échange. On pourrait en jaser encore
longtemps.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Baril. Ceci
met fin au temps qui était imparti au Conseil de la coopération
du Québec. Je remercie également M. Pelletier et Mme Bonneville
de s'être déplacés pour venir se faire entendre en
commission.
Là-dessus, je demanderais au prochain... M. le ministre?
M. Pagé: Non, je disais merci à ces bonnes gens,
madame, monsieur.
M. Pelletier: Merci beaucoup de nous avoir écoutés.
Je me suis aperçu qu'il y avait beaucoup de questions. Ça veut
dire qu'il y a beaucoup d'intérêt pour la coopération.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Pelletier.
J'inviterais maintenant la Coopérative fédérée de
Québec à prendre place, s'il vous plaît! (17 h 30)
À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos
travaux. Nous allons donc, maintenant, accueillir la Coopérative
fédérée de Québec. Je demanderais au porte-parole
de cette coopérative de bien vouloir s'identifier ainsi que ceux qui
l'accompagnent, en vous rappelant que vous avez vingt minutes pour votre
intervention.
Coopérative fédérée de
Québec
M. Pelletier: Merci, M. le Président, M. le ministre,
messieurs les membres de l'Opposition,
mesdames, messieurs. En commençant par ma droite, ici - je suis
toujours le même, Roger Pelletier, président de la
Coopérative fédérée présentement - Mario
Dumais, qui est le secrétaire général de la
Coopérative fédérée; M. Jean-Marc Bergeron, qui en
est le directeur général et, à ma gauche, Me Alain Garneau
qui est le directeur du contentieux à la Coopérative
fédérée, et M. Paul Massicotte, qui est le premier
vice-président à la Coopérative
fédérée.
Alors, sans plus de commentaires, comme le temps est limité, je
vais passer tout de suite... Est-ce que toutes les personnes ici
présentes ont en main le mémoire de la Coopérative
fédérée? Oui, tout le monde a le mémoire. Alors,
à la page 1. La Coopérative fédérée de
Québec s'est toujours intéressée à la mise en
marché des produits agricoles. Sa mission l'exige, puisqu'elle fut mise
sur pied pour approvisionner les exploitations agricoles via un réseau
de coopératives d'approvisionnement et pour transformer et mettre en
marché les produits agricoles ou alimentaires provenant de ces
mêmes exploitations ou des coopératives agricoles. Les
agricul-teurs-coopérateurs, via leur coopérative locale et
régionale, sont les propriétaires de la Coopéraive
fédérée de Québec. A ce titre également, la
Coopérative fédérée de Québec
s'intéresse à la mise en marché de leurs produits et aux
formules législatives et réglementaires qui encadrent cette mise
en marché.
C'est pourquoi, dès les années cinquante, au moment
où le gouvernement de l'époque créait une commission
d'enquête, la commission Héon, la coopération agricole est
intervenue pour faire valoir son point de vue. De même, elle l'a fait au
moment des diverses révisions de la loi, plus particulièrement en
1988, auprès du comité présidé par Me Gilles
Prégent, ici présent, qui était chargé d'examiner
la loi.
Le mouvement coopératif agricole compte 29 570
sociétaires. La Coopérative fédérée de
Québec est la fédération des coopératives
agricoles. 103 coopératives et 2225 producteurs en sont
sociétaires. Ces 2225 producteurs, ce sont des gens qui sont des membres
directs de la Coopérative fédérée par des sections
de la Coopérative fédérée.
En tant que fédération, la Coopérative
fédérée de Québec représente les
intérêts collectifs du mouvement coopératif agricole et
anime la vie associative parmi les représentants de ses
propriétaires-usagers.
La Coopérative fédérée de Québec est
aussi une entreprise industrielle et commerciale. Elle fournit aux
agriculteurs, par le biais de ses coopératives sociétaires, les
biens et services nécessaires à l'opération des
entreprises agricoles, y compris des produits pétroliers.
Également, elle transforme et met en marché les produits
agricoles, tels que le porc, la volaille, les produits laitiers et les fruits
et légumes.
Elle emploie 3800 personnes et son chiffre d'affaires
s'élève à 1 400 000 000 $.
La mise en marché des produits agricoles. Dans une
économie de marché, la commercialisation est une des fonctions
propres à l'entreprise. C'est à travers elle qu'une entreprise
reçoit les signaux du marché. Ces signaux lui indiquent la
réaction de ceux à qui les produits ou les services
commercialisés par l'entreprise sont destinés. L'entreprise
à l'écoute de ces signaux pourra alors ajuster ses
opérations pour mieux satisfaire ses clients en modifiant les
quantités produites, la qualité de ce qui est produit ou encore
en abandonnant un type de production pour en développer un autre. C'est
ce qui permet d'ajuster la production aux besoins changeants de la demande. Il
importe, par conséquent, que les signaux du marché soient
transmis le plus directement et avec le moins d'interférence possible
aux entreprises. Par conséquent, la situation normale est que la mise en
marché incombe aux entreprises.
Par contre, l'agriculture recèle des caractéristiques
particulières qui ont amené les pouvoirs publics à juger
légitime et opportun de contrevenir à la façon normale de
faire les choses en matière de mise en marché. Voici, en bref, ce
que sont ces particularités de l'agriculture.
L'agriculture, lorsqu'elle passe d'une production de subsistance
à une production marchande, se structure, du moins en Amérique du
Nord, sur la base d'entreprises à haute intensité de capital, qui
génèrent une faible rentabilité courante en regard de la
valeur totale des exploitations. De plus, la rémunération du
travail qu'elle peut supporter est inférieure à celle qui se
pratique dans les autres secteurs de l'économie.
Les marchés des denrées agricoles sont des marchés
très particuliers. L'offre et la demande sont très
inélastiques à court terme, ce qui provoque de grandes variations
de prix, à la suite de faibles variations des quantités mises en
marché. De plus, la nature biologique des produits fait que les
entreprises contrôlent moins bien qu'en industrie, où l'on
travaille, en général, avec des matières inertes, les
quantités disponibles pour la mise en marché. L'influence
climatique sur les productions végétales vient ajouter à
l'instabilité de l'offre.
De plus, l'offre à moyen et à long terme n'a pas tendance
à s'ajuster à la baisse à la suite d'une diminution de
prix. En fait, le capital investi en agriculture ne se déplace pas vers
un autre secteur à la suite d'une baisse de rentabilité, pas plus
que le travail n'aura tendance à le faire. À la suite d'une
baisse des prix, les agriculteurs ont souvent la réaction de produire
plus pour pouvoir maintenir leur revenu monétaire brut.
Signalons, enfin, que sur les marchés des denrées
agricoles, l'offre provient d'une multi-
tude d'unités, alors que la demande est souvent concentrée
quand ce n'est complètement monopolisée sur les marchés
locaux.
Pour établir un meilleur équilibre des forces entre les
agriculteurs et les acheteurs de leurs produits et donner aux agriculteurs des
moyens de bonifier et de stabiliser leurs revenus, on a mis en place un cadre
législatif et réglementaire qui permet d'adopter, en
matière de commercialisation des denrées agricoles, des
façons de faire qui s'écartent considérablement des
règles qui prévalent habituellement dans une économie de
marché.
D'abord, la commercialisation n'est plus effectuée par
l'entreprise agricole et elle est confiée à une organisation
collective, soit le plan conjoint. Ensuite, elle est coercitive. Finalement,
elle permet, en certaines circonstances, un groupement obligatoire de l'offre
et même un contrôle, par le plan conjoint, des quantités
produites par chaque entreprise. On conviendra qu'il s'agit là de
règles inhabituelles. Elles délèguent à une
organisation collective, le plan conjoint, et à un organisme qui
s'apparente à un tribunal administratif, la Régie des
marchés agricoles, des pouvoirs qui en font des organismes qui ont un
impact majeur sur l'ensemble de l'activité économique de
l'industrie agroalimentaire.
La coopération agricole accepte l'idée maîtresse de
cette loi qui permet aux agriculteurs d'organiser collectivement la mise en
marché de leurs produits, dans la mesure où une majorité
suffisante d'entre eux en exprime la volonté.
Par contre, étant donné le caractère exceptionnel
de cette façon d'effectuer la commercialisation et l'étendue des
pouvoirs qu'il faut déléguer aux plans conjoints et à la
Régie des marchés agricoles dans ce contexte, il importe au plus
haut point de circonscrire précisément le champ d'application de
ces pouvoirs, d'établir des règles qui favorisent une cohabition
harmonieuse entre les plans conjoints et les entreprises intervenant dans la
transformation et la mise en marché des produits agroalimentaires et de
prévoir des recours en vue de permettre aux parties
intéressées d'obtenir la révision de décisions
importantes.
Champ d'application des mécanismes collectifs de mise en
marché des produits agricoles. La vision qui a présidé
à la mise en place de la Loi sur la mise en marché des produits
agricoles et l'analyse qui sous-tend cette vision prennent en compte des
réalités qui relèvent de la commercialisation qui
intervient entre l'agriculteur et le premier acquéreur d'un produit
agricole écoulé à l'état brut. Par contre, les
différentes lois de mise en marché des produits agricoles ont
toujours été ambiguës à cet égard. Le projet
de loi 15 non seulement ne clarifie pas cette question du champ d'application
de la loi, mais il l'obscurcit.
Dans le projet de loi, sont disparues les définitions de
producteur et d'acheteur. Par contre, la définition de l'expression
"mise en marché" est maintenue dans son libellé antérieur,
que voici: "mise en marché: la vente, la classification, la
transformation, l'achat, l'entreposage, le parcage et l'expédition pour
fin de vente, l'offre de vente et le transport d'un produit agricole, ainsi que
la publicité de financement des opérations ayant trait à
l'écoulement de ce produit".
On constate que la transformation des produits agricoles est
englobée dans la mise en marché au sens de cette loi, de
même que le financement des opérations ayant trait à
l'écoulement de ce produit. Par conséquent, toutes ces
activités qui se déroulent au sein de la filière
agro-alimentaire pourraient être englobées dans la
définition de "mise en marché" que l'on vient de lire.
De plus, on retrouve, dans le projet de loi à l'étude,
cette autre définition: "produit agricole: tout produit de
l'agriculture, de l'horticulture, de l'aquiculture, de l'aviculture, de
l'élevage ou de la forêt, à l'état brut ou
transformé partiellement ou entièrement par le producteur ou pour
lui, les breuvages ou autres produits alimentaires en provenant."
On identifie ici qu'un nouveau produit agricole inclut les produits de
l'agriculture à l'état brut, mais également tous les
produits alimentaires et les breuvages en provenant. D'ailleurs, la confusion
que l'on retrouve dans ces définitions est aggravée par le titre
même du projet de loi qui inclut, contrairement à celui de la loi
qu'il remplace, "la mise en marché des produits agricoles et
alimentaires". Il faudrait, selon nous, circonscrire le champ d'application de
cette loi et l'action des plans conjoints à la commercialisation qui
intervient entre l'agriculteur et le premier acheteur de son produit, quand
celui-ci est encore à l'état brut. S'il fallait donner des
pouvoirs additionnels au plan conjoint, par exemple, prélever des sommes
pour promouvoir, par la publicité, la consommation d'un produit, comme
le beurre, issu d'un produit brut, ces pouvoirs additionnels devraient
être explicitement énumérés et se limiter aux cas
énumérés.
Mme la Présidente, si vous me permettez, je demanderais à
M. Dumais de continuer.
M. Dumais (Mario): Relations entre les plans conjoints et les
autres entreprises intervenant dans la mise en marché. Nous endossons
les dispositions de l'article 106 du projet de loi 15 qui interdisent à
un officier d'utiliser les contributions perçues des producteurs pour
financer la mise en place ou le fonctionnement d'une entreprise commerciale ou
de détenir du capital-actions ou toute autre forme de capital dans une
telle entreprise. Voici pourquoi. Ce qu'apporte de nouveau la formule des plans
conjoints face aux
autres systèmes de mise en marché existants,
c'est la possibilité d'implanter un système coercitif de
regroupement de l'offre. Un plan conjoint dispose d'un pouvoir très
considérable de réglementation de la mise en marché des
produits agricoles et de perception de prélèvement auprès
des producteurs.
Avec les agences de ventes volontaires, les offices de
production assumeraient un rôle qui n'est pas le leur. Ils
concurrenceraient, à l'aide de fonds prélevés sur un mode
obligatoire, d'autres organismes de mise en marché véritablement
volontaires. Ce faisant, ils discréditeraient, par conséquent,
leur capacité d'agir en tant qu'organisme qui impose des
règlements au secteur. D'ailleurs, on pourrait tout aussi bien
contester, à partir des mêmes observations, la
légitimité, pour un syndicat agricole disposant du pouvoir de
prélever des cotisations obligatoires, de s'impliquer dans des
organismes volontaires de mise en marché et de transformation des
produits agricoles.
Mais il y a un domaine qui relève d'un rapport entre
les plans conjoints des entreprises du secteur agro-alimentaire qui nous
importe encore plus à la Coopérative
fédérée, c'est la question des rapports entre les offices
de commercialisation et les coopératives. Les
agriculteurs-coopérateurs, propriétaires d'entreprises agricoles,
ont choisi de se regrouper pour se doter d'entreprises industrielles et
commerciales visant à rassembler leurs produits, à les
transformer et à les mettre en marché sous forme de produits
alimentaires depuis au-delà de 70 ans. Des producteurs ont pris
l'initiative de constituer des coopératives pour assurer la mise en
marché des produits et pour améliorer leurs revenus en leur
permettant de s'approprier une partie de la richesse créée par
leur transformation. Or, qu'est-ce qu'une coopérative? La Loi sur les
coopératives la définit ainsi: "Une coopérative est une
corporation regroupant des personnes qui ont des besoins économiques et
sociaux communs et qui, en vue de les satisfaire, s'associent pour exploiter
une entreprise conformément aux règles d'action
coopératives." Le texte de la Loi sur les coopératives continue
en établissant que la première des règles d'action est la
suivante: "1° l'adhésion d'un membre à la coopérative
est subordonnée à l'utilisation des services offerts par la
coopérative et à la possibilité pour la coopérative
de les lui fournir*. (17 h 45)
II importe que cette loi spécifie très
clairement que les mécanismes de mise en marché qu'elle
prévoit ne doivent pas gêner l'action des entreprises de
transformation et, en particulier, l'action des coopératives. L'article
2, tel que proposé, nous apparaît insuffisant à cet
égard. Le fait de retrancher en substance le premier paragraphe de
l'article 2 actuel équivaut à le vider de la garantie qu'il
contenait. En effet, il y a tout lieu de croire que ce nouvel article serait
interprété non plus comme une garantie pour une organisation de
coopératives de mise en marché, mais simplement comme une
priorité, en autant que possible, accordée au mode
coopératif. Il est d'autant plus important de renforcer cet article 2 en
lui ajoutant un troisième paragraphe, que, même en présence
de l'article 2 de la loi actuelle, les coopératives, notamment dans le
lait, ne peuvent plus opérer en tant que telles. Aussi, nous proposons
de remplacer l'article 2 proposé par le texte de l'article 2 de la loi
existante, auquel on ajouterait le troisième paragraphe suivant: Rien,
dans l'application de la présente loi, ne doit venir en conflit avec les
engagements entre un membre et sa coopérative.
Révision des décisions de la Régie,
droit de révision du gouvernement. La Régie des marchés
agricoles dispose d'immenses pouvoirs, tant administratifs que judiciaires, si
on tient compte que sa juridiction englobe, en plus de la Loi sur la mise en
marché des produits agricoles et alimentaires, la Loi sur le produits
laitiers et leurs succédanés, la Loi sur le grain et la Loi sur
les producteurs agricoles. L'incidence économique et institutionnelle de
ces décisions est énorme et a des conséquences
structurantes sur l'importante industrie agro-alimentaire du Québec. Par
conséquent, il importe de maintenir la disposition de l'article 13a de
la loi actuelle qui stipule que le gouvernement peut réviser les
décisions de la Régie. Mentionnons que ce recours n'a pas
été utilisé abusivement dans le passé et qu'il
constitue un mécanisme ultime de sauvegarde des intérêts
légitimes des parties touchées par les décisions de la
Régie.
Droit d'appel à la Cour du Québec et pouvoir
de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure. De plus, il
est important que les parties intéressées par les
décisions de la Régie puissent avoir accès aux tribunaux
afin de vérifier, si nécessaire, la légalité de ces
décisions. En conséquence, nous recommandons que le projet de loi
soit modifié de manière que soit instauré un droit d'appel
devant la Cour du Québec. Également, il faut abolir toute clause
privative dont celle contenue à l'article 18. Ces droits d'appel et de
révision sont d'autant plus importants que, comme le veut le projet de
loi, la Régie sera amenée à interpréter, appliquer
et exécuter ses propres décisions. D'une part, elle fait la loi
en décidant de tout règlement d'un plan conjoint - article 96 -
et de toute convention ou autre condition de mise en marché - article 81
et suivants - et, d'autre part, elle applique la loi en réglant tout
litige qui survient dans le cadre de l'application d'un plan conjoint - article
124.
Le pouvoir de la Régie d'ordonner ou d'interdire des
actes jugés susceptibles d'entraver un plan conjoint. Pour les
mêmes motifs que vous venons d'énoncer, nous demandons que
l'article 140 du projet de loi, visant à donner le
pouvoir à la Régie d'ordonner à une personne
d'accomplir ou de ne pas pas accomplir un acte déterminé,
jugé susceptible d'entraver l'application d'un plan conjoint, d'une
convention ou d'un règlement, soit amendé de manière que,
premièrement, ce pouvoir d'ordonnance ne vise exclusivement que les
seuls actes dérogatoires à un règlement ou à une
convention et non tout acte jugé susceptible d'entraver leur application
ou celle d'un plan conjoint et, deuxièmement, que ce pouvoir soit
inopérant, si la légalité de la disposition
réglementaire ou conventionnelle que la Régie vise à faire
respecter est contestée, et ce, jusqu'à ce jugement final. En
effet, la version actuelle de l'article 140 a une portée beaucoup plus
large, susceptible d'interprétation abusive et il nous apparaît
essentiel que la Régie ne puisse obliger à agir ou interdire un
acte, si la disposition légale sur laquelle elle s'appuie est
contestée. Compte tenu de l'effet souvent structurant...
La Présidente (Mme Bégin): M. Oumont. Je m'excuse,
M. Dumont...
M. Dumais: Dumais.
La Présidente (Mme Bégin): Je m'excuse M. Dumais,
je vous demanderais de conclure, compte tenu qu'il ne reste que deux minutes
à votre temps d'intervention.
M. Dumais: Dans deux minutes, j'aurai presque terminé, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Bégin): Donc, il y a
consentement, vous pouvez poursuivre, M. Dumais.
M. Dumais: Parfait. Donc, les droits des personnes visées
par l'ordonnance, si la disposition contestée était effectivement
jugée nulle.
Autres dispositions du projet de loi; les quotas, suspension et
annulation de quotas, article 90,5°, 7°, 10° et 127. La comparaison
des paragraphes 5, 7 et 10 de l'article 90 et de l'article 127 crée un
doute quant à l'exclusivité du pouvoir de la Régie en
matière d'annulation, de suspension et de réattribution des
quotas d'un producteur fautif, pouvoir exclusif clairement reconnu à la
Régie par la loi actuelle. En conséquence et compte tenu de
l'importance et de la valeur de ces droits pour les agriculteurs, il nous
semble essentiel que soit révisé le libellé de ces
articles de manière qu'ils réaffirment, sans
ambiguïté possible, l'exclusivité de ce pouvoir à la
Régie.
Pouvoir d'un plan conjoint de fixer le contingent minimum et maximum
dont un producteur peut, lui-même ou en association avec d'autres
personnes, être titulaire. Il n'est pas de notre intention de s'objecter
à ce qu'un plan conjoint ait le pouvoir de fixer le contingent minimum
et maximum dont un producteur peut, lui-même ou en association avec
d'autres personnes, être titulaire. Cependant, nous recommandons que la
loi définisse clairement le mot "association" de manière à
éviter toute interprétation abusive d'un tel pouvoir. En
l'absence d'une telle précision, il est à craindre qu'on ne
définisse arbitrairement des associations sans égard à un
contrôle effectif des contingents et de leur propriété.
Nous croyons que le terme "association" doit faire référence
uniquement à une notion de copropriété de quotas ou
à une notion de contrôle effectif, par exemple, la compagnie
mère par rapport à sa filiale.
Accréditation. L'expression "regroupement coopératif
utilisée à l'article 77 pouvant être confuse, nous croyons
qu'il est nécessaire de préciser qu'une coopérative et une
fédération de coopératives sont des organismes aptes
à être accrédités.
Nouveaux permis. Nous souscrivons d'emblée à l'article 194
du projet de loi qui stipule qu'avant de délivrer un permis pour
exploiter une usine de transformation dans le lait, on doit tenir compte non
seulement de l'intérêt public, mais également de
l'opportunité économique pour le secteur. Une telle disposition
devrait, selon nous, s'appliquer à tous les secteurs de l'industrie
alimentaire, plus particulièrement là où
l'approvisionnement des usines est contingenté. En conséquence,
nous recommandons notamment que la Loi sur les produits agricoles, les produits
marins et les aliments soit modifiée en ce sens.
Finalement, les effets rétroactifs de la loi. Les dispositions
déclaratoires des articles 204 et 205 pourraient être
interprétés comme ayant un effet rétroactif, notamment en
ce qui a trait aux litiges actuellement devant les tribunaux et la
Régie. La loi actuelle et le projet de loi sous étude ayant des
différences significatives, il est important, et ce, au nom des
principes élémentaires de justice, que ces articles 204 et 205
soient revus de manière qu'il soit clairement stipulé que ces
litiges présentement en cours seront décidés et
réglés selon la loi actuelle.
Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bégin): Merci beaucoup, M.
Dumais. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de
l'Agriculture.
M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
remercier MM. Pelletier et Dumais, les représentants de la
Coopérative fédérée qui nous présentent
aujourd'hui leur mémoire, un mémoire qui est bien
étoffé. On en a pris connaissance, on l'a analysé. Il y a
plusieurs points très spécifiques auxquels vous vous
référez. Vous demandez soit des modifications, des
éclaircissements ou d'être sécurisés.
En ce qui concerne le caractère rétroactif que vous voyez
par les dispositions des articles 204 et 205, qui pourraient être
interprétés comme
ayant un effet rétroactif, vous dites que ça pourrait
intervenir dans les litiges actuellement devant les tribunaux ou encore
à la Régie. Il faudrait que ce soit nommément et
clairement exprimé dans l'article pour que ça puisse s'appliquer
à de tels litiges, parce que les problèmes comme ceux auxquels
vous vous référez sont régis, en vertu des règles
du droit, par les dispositions applicables au moment où le litige a
été porté à la connaissance soit du tribunal ou de
la Régie.
Nous prenons bonne note de vos commentaires pour les différents
points spécifiques, compte tenu du peu de temps que nous avons. Il est
déjà 17 h 55. Vous demandez le maintien du recours au Conseil des
ministres. Vous dites qu'il n'a pas été utilisé
abusivement, je n'en doute pas, mais vous me demandez d'y recourir. Le droit
d'appel à la Cour du Québec et le pouvoir de contrôle,
c'est maintenu: il n'est pas question de toucher à ça, en vertu
de l'article 33 du Code de procédure civile, entre autres. Ça ne
devrait pas causer trop de problèmes.
Vous vous référez à l'essence du problème
qui est vécu, entre autres, par les coopératives, aujourd'hui, et
d'ailleurs l'organisme précédent en témoignait de
façon très éloquente. Je vais poser quelques questions,
très brièvement. Si on regarde le lait... Le fait
d'échanger sur le lait, de faire porter mes premières questions
sur le lait, n'enlève en rien l'appréciation que le ministre et
le gouvernement a à l'égard de l'ensemble des activités de
la Coopérative fédérée. Vous êtes un "major",
un groupe majeur dans l'industrie bioalimentaire, au Canada, et on est bien
fiers de votre performance, tout comme nous sommes bien fiers aussi de la
diversité des services que vous pouvez offrir aux membres des
coopératives au Québec, et on vous encourage à continuer
dans ce sens-là. Nous sommes fiers aussi - et je pense que la
Fédérée a été créée pour
ça, en termes de structure - du leadership que la Coopérative
fédérée assume auprès des coopératives
membres de la Fédérée, au Québec. C'est ça
votre responsabilité et je vous encourage à continuer à
l'assumer pleinement, entièrement et totalement.
Si on se réfère à la question du lait et qu'on
regarde les années 1988-1989, dans le "pool" 1, les sociétaires
ont produit 254 000 000 de litres de lait. La réception des
coopératives dans les usines est de 455 000 000 de litres. On sait que
le volume de la garantie de l'approvisionnement est illimitée dans le
"pool" 1. Donc, il y a une différence de 201 000 000 de litres de plus.
Vous recevez, dans le "pool" 1, 201 000 000 de litres de plus que vos membres
produisent. Si on se réfère maintenant au "pool" 2, vos
sociétaires produisent 1 501 000 000 de litres et les
coopératives reçoivent 1 374 000 000 de litres. Donc, il y a une
différence de 127 000 000 de litres. Au total, si on fait le
décompte... Si, demain matin, le principe d'acheminer le lait des
membres vers les coopératives était accepté, vous seriez
perdants de 74 000 000 de litres. Alors, comment concilier la requête
à l'effet que le lait des sociétaires soit acheminé aux
coopératives avec un état de fait qui, à la lecture des
chiffres qui sont publics, qui sont acceptés par chacun des
intervenants, démontre qu'avec les mécanismes actuels,
prévus dans les ententes conclues et appliquées en vertu de la
loi, les coopératives sont gagnantes?
Une voix: M. Bergeron. (18 heures)
M. Bergeron (Jean-Marc): Mme la Présidente, M. le
ministre, cette demande des coopératives s'est faite dans le cadre des
ententes intervenues dans le passé, dans le cadre de l'entente Trudeau,
qui spécifiait que, du côté du lait nature, c'était
la Fédération qui s'occupait des approvisionnements des
entreprises. Alors, quand les coopératives ont dit qu'elles voulaient le
lait de leurs sociétaires, ça faisait référence
uniquement au lait de transformation puisque ça avait déjà
été concédé que la Fédération des
producteurs de lait faisait la direction du lait de consommation, ou du lait
nature, comme on l'appelait à l'époque.
Je pense qu'il faudrait quand même souligner à la
commission que, dans les conventions ou les sentences arbitrales intervenues
entre la coopération et le syndicalisme, il y a déjà des
dispositions par lesquelles la Fédération des producteurs de lait
reconnaît que le lait des sociétaires va à la
coopérative. C'est l'usage ultérieur qui en est fait qui a
été discuté, qui fait la discussion dans le secteur
laitier. Pour ce qui est de la convention comme telle, c'est déjà
prévu que le lait des sociétaires est livré à la
coopérative. Il y a plusieurs articles qui confirment cette
réalité dans les conventions ou les sentences arbitrales
intervenues. Comme je vous disais, c'est l'usage ultérieur de ce lait,
une fois qu'il est arrivé à la coopérative, qui fait
litige
M. Pagé: Je suis d'accord que la situation... Une fois
qu'il est entré à la coopérative, en vertu des autres
dispositions s'appliquant dans le "pool" 2, suite à des ententes et
à des décisions qui sont survenues, il y a des volumes qui sont
transités. Cependant, quand vous vous référez à
l'entente Trudeau, c'est une entente qui est intervenue entre le Conseil de la
coopération et la Fédération des producteurs de lait, il y
a un certain nombre d'années, où le Conseil de l'industrie
laitière n'était pas présent, à ce
moment-là, parce que ça s'est inscrit dans un autre contexte.
L'approche du gouvernement, dans un dossier litigieux comme
celui-là, doit s'appuyer sur l'intérêt supérieur de
l'industrie, avant même l'intérêt de chacun des membres. Ce
qui me porte à soutenir qu'on ne peut pas... Quand le
ministre est confronté à un problème ou
reçoit une demande très dogmatique, qui s'explique par
l'appartenance du membre à sa coopérative, ça, j'en
conviens, qui s'appuie là-dessus, sur un principe, comme vous l'exposez
et comme Mme Bonneville et M. Pelletier l'ont exposé
précédemment... Mais on ne peut pas prendre uniquement le bout
qui fait notre affaire.
Les sociétaires, les coopératives laitières du
Québec produisent 1 755 000 000 de litres de lait en 1988, 1989. Donc,
l'application exacte, exacte, de la requête qui est formulée,
ça vous donnerait 1 755 000 000 de litres de lait et non pas les
montants que vous recevez actuellement qui sont de 74 000 000 de litres de
plus.
M. Bergeron (Jean-Marc): Si vous permettez. Évidemment,
vous vous référez, M. le ministre, à des
négociations, des demandes qui ont eu lieu, en réalité,
dans un autre forum. Dans ce forum-ci, nous, nous disons que rien ne doit
intervenir entre un sociétaire et sa coopérative. On le dit bien
à l'aise parce que c'est déjà reconnu par la
Fédération des producteurs de lait que rien ne doit intervenir
entre les deux. Quand je vous ai dit, tout à l'heure, qu'il y a des
clauses de la convention qui disent que la Fédération
n'intervient pas entre le sociétaire et la coopérative, il y en a
onze clauses qui disent ça.
Quant aux demandes précises des coopératives, dans l'autre
forum ou dans l'autre débat, comme disait M. Pelletier, tout à
l'heure, c'est qu'il s'agit finalement de partager tes rôles et de faire
en sorte que les gens puissent trouver chacun leur intérêt
respectif, sur le plan économique et sur le plan des pouvoirs et
juridictions de chacun. L'article 2, en étant précisé, on
souhaite que ça permette de clarifier ces choses-là. Et on
souhaite aussi que l'autre débat, qui va déterminer les volumes
ou la façon de traiter des volumes précis, trouve sa solution
dans le cadre de pourparlers entre les personnes ou les organismes
impliqués.
M. Pagé: alors, vous allez très certainement
convenir avec moi que cette situation de fait où les coopératives
laitières du québec reçoivent en 1988-1989, et nous aurons
les chiffres de l'année laitière 1989-1990 après le mois
d'août prochain... si on regarde les tendances du premier trimestre de
l'année 1989-1990, elles vont exactement dans le même sens, parce
que la disposition comme quoi on peut se référer à un
volume additionnel de 15 %, dans certaines classes, a été
utilisée, dans le premier trimestre de la politique laitière de
la dernière année laitière, autant, sinon plus, à
l'avantage des coopératives qu'à celui des industries
privées au québec. partant de là, vous convenez avec moi,
m. bergeron, que cette situation de fait où les coopératives
reçoivent plus que ce que produisent leurs sociétaires, s'appuie
sur des ententes intervenues, sur des décisions, des ententes suite
à des négociations entre la Fédération, le conseil
de l'industrie, soit des décisions arbitrales, ou des décisions
de la Régie.
M. Bergeron (Jean-Marc): je n'ai pas les chiffres et je ne
contesterai pas vos chiffres quant au volume réellement reçu.
j'imagine qu'ils sont vérifiés et à date.
M. Pagé: Oui, oui.
M. Bergeron (Jean-Marc): Effectivement, c'est le fait qu'on
reçoive du lait en classe 1 - lait nature - c'est le résultat de
l'entente Trudeau et d'ententes intervenues. On reçoit à ce
moment-là le lait de non-sociétaires. Dans l'autre domaine, dans
le domaine de la transformation du lait... Le fart qu'on reçoive le lait
de nos sociétaires et avec l'accord de la Fédération, on
le reçoit, c'est-à-dire le lait quitte la ferme du
coopérateur et il s'en va à la coopérative,
transporté par la coopérative. Ça aussi, c'est reconnu
dans des ententes. Ça l'était clairement reconnu. Maintenant, les
litiges et les discussions qui ont lieu actuellement, c'est sur l'utilisation
ultérieure, une fois qu'il est arrivé à la
coopérative. Va-t-il être usiné à la
coopérative ou cédé à un tiers contre
rémunération? La rémunération est-elle
adéquate? Est-ce que les coûts de transport... Il y a tout un
paquet de problèmes techniques qui sont en discussion mais, dans le
cadre du forum ici, on dit que rien ne doit intervenir entre le
coopérateur et sa coopérative. Je pense que la convention le
reconnaît et ça n'a jamais été le problème.
La convention le reconnaît déjà.
M. Pagé: Parfait! Si ça n'a jamais
été ça, parfait! Si ça n'a jamais été
ça, M. Bergeron, vous confirmez que la garantie pour le
sociétaire de voir son lait traité ou conditionné par sa
coopérative s'appuie sur des ententes et non pas sur
l'interprétation à donner à l'article 2.
M. Bergeron (Jean-Marc): II est certain, si je me rappelle bien
ce qui s'est passé dans les négociations, l'article 2 a
certainement aidé à ce que les négociations donnent les
résultats qu'on a.
M. Pagé: Mais la référence juridique qui a
permis, depuis l'entente Trudeau, à laquelle se sont ajoutées les
ententes, les décisions depuis 1985, la référence
juridique, pour en arriver à une situtation de fait et de droit,
où le lait des sociétaires va aux coopératives et les
coopératives sont gagnantes en volume, parce que vous en recevez plus
que vous n'en produisez, ça s'est fait à partir de l'entente
entre la Fédération et la coopération.
M. Bergeron (Jean-Marc): L'effet net de tout ça, c'est
définitivement à la suite d'ententes
et ces ententes-là ont été négociées
conformément à la loi, c'est-à-dire l'article 2, dans le
cadre général de la loi, bien sûr.
M. Pagé: O.K.
M. Bergeron (Jean-Marc): La loi donnait un cadre
général au déroulement de ces
négociations-là et c'est dans ce sens-là que ça
aidait.
M. Pagé: O.K. Donc, la garantie, le lien
sociétaire, coopératif dans le conditionnement du lait ne
dépend pas de l'article 2, mais plutôt des ententes.
M. Bergeron (Jean-Marc): Comme je vous dis, le fait qu'il soit
reçu, traité entre la coopérative et le sociétaire,
effectivement, actuellement, c'est régi par les ententes.
M. Pagé: Merci, M. Bergeron.
M. Bergeron (Jean-Marc): son utilisation ultérieure est
aussi régie par les ententes, mais ce sont les points qui sont en
discussion actuellement.
M. Pagé: Merci, M. Bergeron.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Bergeron.
M. Pelletier: Si vous me permettez peut-être une petite
remarque...
La Présidente (Mme Bégin): Sur votre temps de
parole. M. Pelletier, oui.
M. Pelletier: Je pense que l'article 2, justement, a permis de
s'appuyer sur quelque chose pour négocier ces ententes. S'il n'avait pas
été là, on ne serait peut-être pas là
aujourd'hui. C'est pour ça qu'on va le maintenir et le renforcer, si
nécessaire. C'est l'article 2 qui a permis de négocier ces
ententes, parce qu'on en revenait à l'article 2.
M. Pagé: Je dois dire que l'article 2, tel que
libellé, tout au moins... Pour moi, l'assise juridique, ce sont les
négociations des ententes et vous nous disiez dans le mémoire
précédent que c'était une vision presque apocalyptique, si
l'article 2 disparaissait ou s'il n'était pas amendé. Or, force
est de constater, chacun autour de cette table, suite à l'échange
qu'on vient d'avoir, que ce n'est pas l'article 2, ce sont les
négociations entre les parties.
M. Pelletier: Je constate, Mme la Présidente, M. le
ministre...
M. Pagé: Puis vous êtes gagnants.
M. Pelletier: Vous l'avez dit vous-même, on a des
difficultés à s'entendre. Alors, on veut renforcer l'article 2
pour préciser davantage des choses et pour éliminer une bonne
partie de ces difficultés. C'est dommage que ça arrive, ce fameux
problème de lait, à un moment où il y a une commission
parlementaire et où on est dans le plus chaud, vous le savez M. le
ministre, de la discussion, mais peut-être au moment où on est le
plus près de s'entendre aussi.
M. Pagé: Ah oui!
M. Pelletier: Malheureusement, ça arrive à un
moment où ça fait dévier l'objet de notre mémoire,
à la Coopérative fédérée, qui est beaucoup
plus d'ordre général. Le problème du lait sera
traité, selon ce que je comprends, mercredi prochain, le 3.
M. Pagé: Oui. D'ici à une semaine.
M. Pelletier: On devait être là comme
Coopérative fédérée.
M. Pagé: II coule du lait dans les pipe-lines pendant une
semaine.
M. Pelletier: Je parle de la commission parlementaire:
L'honorable cour d'aujourd'hui va entendre les parties concernant le lait.
M. Pagé: La semaine prochaine.
M. Pelletier: L'objet du mémoire de la Coopérative
fédérée, ce n'était pas de parler
particulièrement de lait, mais...
M. Pagé: On comprend.
M. Pelletier: ...on prévoyait qu'on pourrait en parler,
parce que c'est trop chaud. Laissons refroidir un peu le lait. Quand il est
trop chaud, ça fait bobo.
M. Pagé: Hum!
M. Pelletier: Je pense qu'ici l'objet de notre mémoire,
c'est de parler du général.
M. Pagé: Vous allez le faire chauffer pour le
pasteuriser.
M. Pelletier: L'objet du mémoire de la Coopérative
fédérée, c'est de parler de la coopération en
général, mais c'était le seul objectif pour lequel on est
ici aujourd'hui. Si ça n'avait été que du président
de la Coopérative fédérée, ça aurait eu lieu
la semaine prochaine, le 3, mais à cause de mon absence la semaine
prochaine j'ai demandé que ce soit reporté à aujourd'hui
et je vous remercie d'avoir accepté que ce soit reporté à
aujourd'hui.
M. Pagé: Ça me fait plaisir.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Pelletier.
M. Pagé: Merci, M. Pelletier.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. le ministre.
Je vais maintenant reconnaître M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril: Oui, Mme la Présidente. Je ne ferai pas de
préambule, je vais vous poser une question bien directe: Comment
pouvez-vous concilier une disposition telle que libellée dans l'article
2, comment pouvez-vous concilier ça avec les changements profonds qui
s'opèrent actuellement dans le contexte de mondialisation et dans la
situation du libre-échange qui est là depuis un an? Comment
pouvez-vous voir que ça va aider davantage? Comment ça vous
prépare-t-il? Est-ce que ça vous aide? Quelle force pouvez-vous y
voir?
M. Pelletier: M. Dumais peut peut-être expliquer. (18 h
15)
M. Dumais: Oui. Notre perception, c'est qu'il y a mondialisation
des économies, oui. Par contre, il n'y a pas libre-échange dans
le domaine du lait. Il y a une entente entre les États-Unis et le
Canada, l'Accord de libre-échange. Et cet accord-là n'a pas
ouvert les frontières du côté du lait. Il y a un article 11
au GATT qui permet de contrôler l'entrée du lait aux
frontières. L'article 11 est encore là. Si on ne s'entend pas
pour le libeller différemment, il va demeurer ce qu'il est là.
Donc, il continue d'y avoir un contrôle aux frontières, d'une
part. Mais, d'autre part, en quoi est-ce que l'article 2 de la Loi sur les
coopératives empêcherait notre économie agricole
d'être moins compétitive si, un jour, nos frontières ne
sont plus ouvertes? Ce n'est pas facile à imaginer que vous conceviez
que l'article 2 soit un obstacle à la compétitivité de
notre économie agricole, parce qu'on a traité tantôt des
questions du lait. Le problème, si c'est d'affecter le lait en fonction
des besoins du marché, ça se fait. Il y a des règles qui
se négocient, qui s'établissent, etc.
Alors, est-ce qu'il ne faudrait plus d'article 2, parce qu'il y a le
libre-échange et il y a les négociations du GATT? Bien, le
rapport entre l'article 2 et ces situations-là est loin d'être
évident à nos yeux. Où, encore, est-ce que l'existence de
coopérative, ça nuirait à notre
compétitivité dans un contexte où les échanges sont
plus libéralisés?
Selon nous, au contraire. Le mouvement coopératif constitue
l'embryon de pôles économiques importants au Québec.
Enlever les embryons de la coopération agricole dans le secteur
agroalimentaire, enlever cette force puissante qui est le mouvement Desjardins
dans le milieu financier, on ne sera pas plus compétitifs, advenant des
frontières plus ouvertes, qu'on ne l'est présentement.
Donc, selon nous, c'est loin d'être un obstacle. Au
contraire...
M. Baril: Vous avez...
M. Dumais: ...l'article 2 de la Loi sur la mise en marché
à ce qu'on tire notre épingle du jeu, advenant qu'il y art une
plus grande libéralisation qu'il n'y en a à l'heure actuelle,
parce que, là, il n'y a pas de libre-échange dans le lait, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Dumais. M.
Baril.
M. Baril: Vous avez signalé que vous avez appliqué
actuellement des conventions ou des ententes qui dirigent le lait selon les
utlisations. C'est justement. C'est tout là qu'est le litige, là.
C'est ça qui est fondamental là-dedans. Justement, c'est ce que
les coopératives, ce pouvoir des plans conjoints de diriger le lait
selon l'utilisation.
À la page 6 de votre mémoire... Plus le temps passe... On
va aller plus rapidement. À la page 6 de votre mémoire, vous
mentionnez: "II importe que cette loi spécifie très clairement
que les mécanismes de mise en marché qu'elle prévoit ne
doivent pas gêner l'action des entreprises de transformation, et en
particulier l'action des coopératives."
Est-ce que vous voulez dire que l'article 2 devrait être
libellé différemment et inclure ce qu'on a ici? La
présente loi ne doit pas être interprétée comme un
moyen de concurrencer toute entreprise de mise en marché des produits
agricoles.
M. Dumais: On dit, M. le député, très
précisément dans notre mémoire à propos de
l'article 2 ce qu'on suggère. On suggère le maintien des deux
paragraphes qu'il y à dans la loi actuelle plus l'ajout d'un autre
paragraphe qu'on vous a lu et qui est disponible dans le mémoire. Vous
le retrouvez à la page...
M. Baril: À la page 6, M. Dumais.
M. Dumais: C'est ça. Alors, essentiellement, les deux
derniers paragraphes de la page 6 disent ce qu'on recommande sur l'article 2.
Aussi, nous proposons de remplacer l'article 2 proposé par le texte de
l'article 2 de la loi existante, auquel on ajouterait le troisième
paragraphe suivant: "Rien dans l'application de la présente loi ne doit
venir en conflit avec les engagements entre un membre et sa
coopérative."
La Présidente (Mme Bégin): ...M. Dumais.
M. Baril: Une dernière, rapidement.
La Présidente (Mme Bégin): Oui, M. Baril.
M. Baril: Juste au quatrième paragraphe, qu'est-ce que
vous vouliez dire par ce paragraphe-là?
M. Dumais: Quelle page?
M. Baril: À la page 6, toujours la page 6: "II importe que
cette loi spécifie..." Qu'est-ce que vous vouliez dire par
là?
M. Dumais: 6...
M. Baril: À la page 6. "Il importe que cette loi
spécifie très clairement que les mécanismes de mise en
marché qu'elle prévoit ne doivent pas gêner l'action des
entreprises de transformation, et en particulier l'action des
coopératives."
M. Bergeron (Jean-Marc): Ce qu'on veut dire par là, c'est
que...
La Présidente (Mme Bégin): M. Bergeron.
M. Bergeron (Jean-Marc): ...la Loi sur la mise en marché
ne doit pas gêner, sans leur consentement, je veux dire, par un pouvoir
qui serait imposé de l'extérieur, les conventions ou les
différentes mesures qui existent dans l'industrie laitière
lorsqu'elles ont été consenties, négociées et
acceptées par les parties. C'est la même chose du
côté des entreprises privées, dans le fond. Lorsque c'est
accepté, négocié, entendu et convenu, on peut mutuellement
s'entendre sur des choses et, même si on est gênés par
certaines dispositions, on peut vivre avec parce qu'on les a
négociées ou consenties en retour d'autres avantages, en tout
cas. D'une façon, on a trouvé un modus vivendi.
Ce qu'on dit, c'est que par cette loi il ne faut pas que la loi permette
de gêner l'action de ces gens-là, des coopératives ou de
tout autre intervenant, dans le fond, par une simple décision
unilatérale et que ces gens-là n'aient pas un mot à dire.
Je voudrais revenir, tout à l'heure, sur ce que vous avez
mentionné et ça se dit très souvent, ça, que les
coopératives contestent le pouvoir de diriger le lait, etc.
Depuis l'entente Trudeau de 1970 et quelque chose, 1979, on n'a jamais
contesté le droit de la Fédération de diriger le lait,
notamment dans le lait nature. On ne l'a pas contesté non plus dans le
lait de transformation. Le seul problème, c'est que de la manière
qu'il est fait actuellement, ça crée des problèmes, des
stress économiques. Ça crée des difficultés
financières importantes aux coopératives, aujourd'hui.
Je ne sache pas, moi, que dans les mémoires du Conseil de la
coopération on conteste le pouvoir de le faire. Ce qu'on conteste, c'est
la manière dont c'est fait actuellement et la manière dont les
sentences ont dit que ça se ferait. C'est ça le
problème.
M. Baril: Je vous remercie d'être venus nous
présenter ce mémoire. J'aurais sans doute d'autres questions
à vous poser pour approfondir ça davantage, mais l'heure est
avancée et il y a des personnes qui doivent, je pense, aller à
d'autres activités. De mon côté, je vous remercie beaucoup
d'être venus nous présenter ce mémoire.
La présidente (Mme Bégin): M. le ministre.
M. Pagé: Je voudrais remercier nécessairement la
Coopérative fédérée de sa présentation. On
n'a pas eu le temps de toucher à chacun des points spécifiques
que vous avez portés à notre attention, mais je vous assure qu'on
va prendre en compte vos représentations. Merci d'être venus et
continuez le leadership que vous assumez auprès du mouvement
coopératif agricole au Québec. D'ailleurs, autant le ministre de
l'Agriculture est satisfait de voir les coopératives . laitières
du Québec s'inscrire dans une démarche de fusion,
d'intégration, de rationalisation d'activités, autant je compte
sur la Coopérative fédérée du Québec pour
s'assurer que le tout se fasse aussi, inspire non seulement par une
volonté d'optimaliser et de rentabiliser, mais qu'on tienne compte aussi
de l'impact au niveau des emplois, du maintien des emplois au niveau des
régions.
M. le président Pelletier, bon voyage la semaine prochaine. Vous
serez en compagnie de mon homologue, M. Mazankowski, dans les pays du bloc de
l'Est. Bon voyage! Ramenez-nous des contrats.
La Présidente (Mme Bégin): M. Pelletier.
M. Pelletier: Une toute petite intervention. C'est pour reprendre
ce que disait M. Baril. Lors de ma première présentation, vous
avez souligné que Desjardins s'était développé
même s'il y a des sociétaires qui allaient faire affaire avec les
banques. Ce qu'on n'a pas dit, c'est que dans le domaine financier il n'y a pas
de plan conjoint.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Pelletier.
Ceci clôt le temps qui vous était imparti pour la
présentation de votre mémoire. Je tiens à vous remercier
de vous être déplacés pour venir nous rencontrer. Je vais
maintenant ajourner les travaux de la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation.
M. Pelletier: Si vous le permettiez, Mme la Présidente,
j'aurais un document que j'aimerais distribuer. C'est l'histoire de la
coopération agricole au Québec. Alors, je pense que ça
pourrait aider à comprendre. Je pense bien que
tout le monde comprend, mais il reste qu'il y a beaucoup de choses.
L'histoire de la Coopérative fédérée, en
particulier, depuis 1922, cet embryon, qui aujourd'hui, est devenu la
Coopérative fédérée et les objectifs poursuivis par
la Coopérative fédérée.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Bergeron. Vous
n'avez qu'à remettre ce document au secrétaire de la commission.
Il verra à le faire parvenir à chacun de ses membres. Oui, M. le
ministre.
M. Pagé: Oui, pour taquiner un peu nos bons amis de la
Fédérée, je vous rappellerai que les gens de la
Coopérative de sirop d'érable sont venus nous voir cette semaine
et ils nous ont laissé du sirop d'érable. Mes collègues
s'attendaient que vous nous ameniez un peu de moz-zarella parce que vous vous
êtes lancés là-dedans depuis quelques années.
M. Pelletier: C'est de la dinde qu'on aurait dû vous
apporter.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Bégin): Donc, ceci clôt la
discussion. Nous allons donc ajourner nos travaux au mardi 3 avril, à la
salle Papineau, et ce, à compter de 10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 26)