(Dix-neuf
heures trente-huit minutes)
La Présidente (Mme
Poirier) : Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
L'objet de cette
séance est d'entendre Mmes Louise Boily et Annie Trudel dans le cadre du
mandat de la Commission de l'administration publique portant sur la gestion
administrative et les engagements financiers du ministère des Transports du
Québec et en suivi du chapitre 5 du rapport du Vérificateur général de
l'automne 2015, intitulé Réseau routier : inspection et planification
de l'entretien des structures.
M. le secrétaire,
pouvez-vous nous annoncer les remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, Mme la présidente. Mme Ouellet (Vachon) remplace M. Turcotte (Saint-Jean).
La Présidente (Mme
Poirier) : Et est-ce que j'ai un consentement pour remplacer d'autres
membres? Alors, le consentement pour permettre au député de Pontiac de
remplacer le député d'Orford pour la durée...
Une voix :
...
La Présidente (Mme Poirier) : ...excusez, le député de Jean-Lesage,
excusez-moi, et la députée de Saint-Hyacinthe, qui remplace le député de
Deux-Montagnes. J'ai un consentement?
Une voix :
...
La Présidente (Mme
Poirier) : Saint-Hyacinthe.
Alors, je comprends qu'il y a consentement pour
tenir une audition conjointe de Mme Trudel et de Mme Boily. Alors, j'inviterais, à ce moment-ci, Mme Boily...
excusez... Oui, c'est ça. Vous aurez, Mme Boily et Mme Trudel, un
temps alloué, chacune, de 10 minutes pour faire un exposé. Et je comprends
aussi que vous avez demandé aussi d'être assermentées.
Alors,
je demanderais à M. le secrétaire... car, conformément à l'article 52 de
la Loi sur l'Assemblée nationale... que vous souhaitez être
assermentées... je demande au secrétaire de la commission de procéder à
l'assermentation. Je vous demande de vous lever, mesdames, et de lire à voix
haute la déclaration qui vous est fournie.
Assermentation de Mme Louise Boily
Mme Boily (Louise) :
Je, Louise Boily, déclare sous serment que je dirai toute la vérité et rien que
la vérité.
Assermentation de Mme Annie Trudel
Mme Trudel (Annie) : Je, Annie Trudel, déclare sous serment que je dirai toute la vérité et
rien que la vérité.
• (19 h 40) •
La Présidente (Mme Poirier) : Alors, je vous remercie, mesdames. Vous
bénéficiez donc de l'immunité pour votre témoignage.
Alors, je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes chacune pour votre exposé, et,
par la suite, nous procéderons avec une
période d'échange avec les membres de la commission avec des blocs de
10 minutes par formation politique. Alors, Mme Boily, je vous
cède la parole.
Exposé de Mme Louise Boily
Mme Boily (Louise) : Parfait. Alors, merci, Mme la
Présidente. Mmes et MM. les députés,
j'ai été l'auditrice interne du ministère des Transports du 10 juin
2002 au 9 octobre 2015, soit sous les mandats de cinq sous-ministres, MM. Jean-Paul Beaulieu, Florent Gagné, Denys
Jean, Michel Boivin et Mme Dominique Savoie, que j'ai tous appuyés
sans relâche dans leurs responsabilités.
Je
remercie la commission de m'avoir convoquée pour expliquer certains
faits survenus le 18 mai 2016 et par là même présenter des situations
qui ont eu cours au ministère des Transports depuis le rapport du Vérificateur
général de 2009 portant sur la gestion de
contrats présentant des situations à risque. Ce soir, pour moi, mon personnel
d'audit et d'évaluation de programmes ainsi que pour le personnel du ministère,
qui a le ministère du Transport tatoué sur le coeur, c'est la
lumière au bout du tunnel.
Ce que je dirai déplaira à certaines personnes,
mais j'espère que cela permettra aux employés du ministère de retrouver
la sérénité requise pour accomplir la mission transport que leur ont confiée
les citoyens du Québec à titre de fonctionnaires.
Je me suis sentie très seule depuis 2011, hormis le soutien de mon équipe, et
il est inusité que je sois épaulée, appuyée et entendue par les députés de l'Assemblée nationale. Je suis maintenant disponible pour répondre à vos questions.
La Présidente (Mme
Poirier) : Je vous remercie, Mme Boily. Mme Trudel.
Exposé de Mme Annie Trudel
Mme Trudel
(Annie) : Mmes et MM. les membres de la Commission de l'administration
permanente, c'est avec soulagement que je me retrouve devant vous, en espérant
avoir l'opportunité d'éclaircir certains événements qui ont récemment fait les
manchettes.
Je vous rappelle que
mon mandat original au ministère des Transports du Québec était le
suivant : fournir au ministre une
expertise-conseil dans la réalisation de son mandat et effectuer des
recherches, diagnostics et analyses, plus précisément analyser des
marchés et des processus, agir comme personne-ressource pour le ministre,
rédiger divers documents à caractère
confidentiel, contribuer à la veille stratégique en ce qui a trait à
l'évolution du contexte interne et externe du ministère des Transports.
La
pertinence de mes questionnements fut reconnue par plusieurs de mes collègues
du ministère des Transports, et non
seulement ils ont rapidement compris le bien-fondé de ma présence, mais j'ai pu
compter sur leur collaboration. Je suis ravie de constater que des mesures concrètes ont été prises, tel que de
mandater la Vérificatrice générale de se pencher sur des pratiques du MTQ. Et finalement l'annonce du
jour à l'effet que les vérificateurs et les enquêteurs du MTQ relèveront
dorénavant de l'Autorité des marchés publics
est une excellente nouvelle dans ce sens qu'elle améliore
considérablement l'indépendance.
Mon passage au
ministère m'a permis d'observer le personnel. Il n'y a aucun doute,
l'expertise, c'est au ministère des
Transports qu'elle se trouve. Ce ministère est bourré de talent et de bonne
volonté. Il ne s'agit que d'écouter les
suggestions et les commentaires des employés et les laisser participer
activement à la lutte contre la corruption et la collusion, tout en respectant les meilleures pratiques de gestion en
place. Mon rôle, finalement, il aura consisté à assurer le flux
d'information entre le niveau opérationnel et le ministre, évitant ainsi tout
filtre.
Aujourd'hui,
devant vous, mesdames et messieurs, j'assure un lien entre les dénonciateurs et
les parlementaires, et, à ce sujet,
je me dois de vous glisser un mot. Les sonneurs d'alerte sont habituellement
des travailleurs banals avec tout ce que ça sous-entend : une
famille, un conjoint, des enfants, des collègues, mais surtout un gagne-pain à
protéger. La réflexion d'un dénonciateur est
longue. Il doit certifier de la véracité de ce qu'il espère dénoncer, il doit
s'assurer d'être factuel, il doit vérifier s'il a des collègues qui vont
confirmer, il doit aussi mesurer la réception de sa dénonciation, s'il y a une ouverture, s'il risque de mettre ses
collègues dans une mauvaise position, s'il risque de se mettre dans une
position précaire. Lorsque son choix d'aller de l'avant avec la dénonciation
est fait, s'ensuivent les conséquences. Idéalement,
non seulement une ouverture, mais un remerciement suivi d'une prise d'action
immédiate est souhaitable.
Toutefois, la réalité
est tout autre. Les dénonciateurs vivent des moments très angoissants. On doute
de leurs allégations et on tente rapidement de les minimiser, on met des bâtons
dans les roues en ralentissant leur travail, en modifiant leurs responsabilités, en diminuant la quantité de dossiers qu'on leur
remet, en les ignorant, à la limite en les tablettant. Ils peuvent subir du harcèlement en se faisant discréditer
de multiples façons quant à leurs compétences, quant à leurs
qualifications, en faisant courir de fausses rumeurs, en transmettant de
fausses informations aux médias, allant même jusqu'à les pousser à changer
d'emploi.
Nous
aurons compris que les dommages collatéraux que vivent les dénonciateurs sont
fort importants. Certains amis se
sauvent, certains employeurs ferment la porte. En ce qui me concerne, ma
présence ici me permet de parler au nom de tous ceux qui m'ont fait confiance, de tous ceux qui n'ont pas pu
dénoncer. Ils ont des attentes, ils souhaitent que je dise tout haut ce qu'ils pensent tout bas. En ce sens,
je souligne l'importance du projet de
loi n° 87. Je souhaite
sensibiliser les parlementaires aux multiples difficultés des sonneurs
d'alerte. C'est blessant de voir des gens s'éloigner, c'est frustrant de
voir que son honnêteté et le résultat de son
travail est remis en question. Il est offensant de voir qu'on donne des
intentions avant même de connaître tout le
contexte et il est humiliant d'être considéré incompétent. Malgré la bonne
volonté, il est difficile d'ignorer les ragots, les mesquineries et les
bruits de fond.
L'attention
médiatique m'a personnellement touchée. Je me présente seule devant vous — avec
ma complice — sans une équipe pour m'épauler, sans des semaines
de préparation, mais je me présente tout
de même devant vous avec la volonté
de répondre au meilleur de mes connaissances à toutes vos questions. Mes valeurs
d'intégrité, du respect des institutions et de la recherche de la
justice priment.
En
terminant, je souhaite remercier tous les collaborateurs qui m'ont fait confiance, tous ceux qui m'ont
offert leurs témoignages, tous ceux qui ont
partagé avec moi leurs connaissances et leur savoir. Aujourd'hui, je voudrais
leur répéter qu'il existe des autorités compétentes ayant la
responsabilité de recevoir leurs dénonciations et que la situation va continuer à s'améliorer. Je voudrais leur dire de
ne pas perdre espoir et de ne pas se plier à la culture du secret.
Finalement, je voudrais leur dire merci,
mais je voudrais aussi dire merci au député de Marguerite-Bourgeoys pour le
courage qu'il a eu d'avoir choisi d'affronter le défi, et merci de son
appui constant.
Discussion générale
La Présidente (Mme
Poirier) : Merci, Mme Trudel. Alors, nous allons débuter nos
échanges par des blocs de 10 minutes. Alors, je cède la parole à la partie
gouvernementale. M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette : On commence
toujours par les plus vieux, Mme la Présidente. Bon. Donc, Mme Boily,
depuis le temps qu'on entend parler de vous, bienvenue. Mme Trudel,
je pense que c'est votre deuxième visite à l'Assemblée nationale. La première, c'est en 2011 avec M. Duchesneau dans le
cadre du rapport de l'Unité anticollusion, dans laquelle vous avez fait
partie.
On va avoir,
je pense, beaucoup de questions, dans les prochaines heures, à vous poser par
blocs de 10 minutes. Donc,
dépendant de la longueur de la question, vous pourrez effectivement avoir une
réponse qui pourra être équivalente.
Ma première
question, et c'est une question que tout le monde se pose, et c'est adressé à
vous, Mme Trudel : La clé USB, la charmante clé USB, là, qui a
fait les manchettes, vous en êtes-vous gardé une copie?
La Présidente (Mme Poirier) :
Mme Trudel.
Mme Trudel
(Annie) : Non, Mme la
Présidente, je ne me suis pas gardé de copie de la clé pour l'unique
raison que mon contrat ne me permettait pas de garder copie de ce que j'ai
remis à M. Ouellet.
La Présidente (Mme Poirier) : M. le
député de Chomedey.
M.
Ouellette : Je présume que
vous avez été informée de votre présence en commission dernièrement, là, je
pense que... dans les derniers jours. Est-ce
que vous avez eu, au cours des dernières heures, l'opportunité de prendre
connaissance de ce qu'il y avait sur la clé qui a été remise par
M. Lafrenière, le commissaire de l'UPAC, qui nous a été remise vendredi
dernier?
La Présidente (Mme Poirier) :
Mme Trudel.
Mme Trudel (Annie) : Oui, j'ai pris
connaissance du contenu de la clé cet après-midi.
• (19 h 50) •
M. Ouellette : Bien là, je pense que
tout le monde veut savoir aussi : Est-ce que la clé que vous aviez remise
le 22 avril au chef de cabinet du ministre des Transports et celle que
vous avez consultée aujourd'hui, qui est en la possession... qui est dans la salle d'«exhibits»... M. Lafrenière
nous a dit que c'était une petite clé rose qui était dans la salle des pièces à conviction... Est-ce que
vous avez noté des différences ou certaines choses qui ont pu être apparentes
entre la clé que vous avez remise le 22 avril et celle que vous avez
consultée aujourd'hui?
Mme Trudel (Annie) : Alors, je dois
mentionner que j'ai dû aller de mémoire, comme je n'avais pas de comparable. Ce qui était apparent, c'est qu'il y avait
des différences, en effet, entre ce que j'ai vu aujourd'hui et la clé que j'ai remise à M. Ouellet lors de ma dernière
rencontre avec lui. Je n'ai pas été en mesure de passer au travers tous les documents, et, même si je l'avais fait, j'y allais
de mémoire, donc je n'aurais pas été en mesure de statuer sur chacun des
dossiers. Cependant, ce qui m'a sauté
aux yeux, c'est l'absence d'un répertoire au complet, et ce répertoire consiste
à la liste de tous les courriels que j'avais conservés durant les
18 mois de mon mandat, entre autres.
La
Présidente (Mme Poirier) : M. le député de Chomedey... Je demanderais juste aux caméras de se
retirer, s'il vous plaît. M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette : Je pense que
j'ai fait un impair, Mme la
Présidente, j'ai mentionné que vous
aviez remis la clé au ministre, mais c'est bien au chef de cabinet du ministre
actuel des Transports, je veux juste que ça soit clair.
Je reprends
un terme que vous avez utilisé et je pense que tout le monde, tous les parlementaires s'interrogent sur la
relation que vous avez eue, le temps que vous étiez au cabinet... et
Mme Boily, que vous avez appelée votre complice. Est-ce que vous
pouvez peut-être élaborer un peu, là, sur la relation professionnelle que vous
avez avec Mme Boily?
Mme Trudel
(Annie) : En fait,
Mme Boily, je l'ai rencontrée en 2010 lorsque nous sommes arrivées à
l'Unité anticollusion. Elle, parmi plusieurs
autres personnes, a été de ceux qui nous ont grandement aidés, de par la nature
de leurs travaux — c'est
des auditeurs — donc
ils nous ont formés, ils nous ont transmis beaucoup d'informations, ils
nous ont ouvert beaucoup de portes, et voilà, j'ai continué à garder
contact avec ces gens. Même après mon départ de l'Unité anticollusion, lorsque
j'étais à l'Unité permanente anticorruption, mon rôle était encore 100 %
dédié au ministère des Transports, donc j'ai
continué à travailler sur les dossiers du ministère des Transports, j'ai
continué à communiquer avec les gens que je connaissais au ministère des
Transports, dont Mme Boily. Et, quand je suis revenue, évidemment, Mme Boily, de par la nature de ses fonctions,
c'était une des personnes, pour moi, piliers de l'organisation, qui
faisait le plus ce qui m'intéressait ou ce
que moi, je faisais, c'est-à-dire faire des vérifications et identifier les
failles dans les processus.
M.
Ouellette : Je veux, d'entrée de jeu, vous référer... Parce qu'on a beaucoup
parlé d'une présentation qui a débouché sur
un document qui a été rendu public à la Commission d'administration publique qui s'est appelé Suivi des propositions d'amélioration de la consultante, un document qu'on avait discuté lors du passage
de la sous-ministre le
18 mai. Et, lors de sa présence, vendredi dernier, M. Lafrenière nous
avait remis un PowerPoint qui aurait été fait le 9 novembre, et je comprends, pour avoir écouté votre présentation,
que vous avez répété la portée de votre mandat dans votre présentation, et je comprends aussi que, par rapport au Suivi des propositions d'amélioration de la consultante, dans le PowerPoint,
il y a 18 moyens ou 18 actions qui sont répertoriés dans votre
PowerPoint et qui ont été retranscrits sur le Suivi des propositions d'amélioration de la consultante. J'aimerais peut-être avoir un peu plus d'information sur cette présentation du 9 novembre, dans quelle
optique ça s'est fait, et que vous me donniez un peu plus d'information sur, particulièrement, les deux dernières diapositives, une qui s'appelle
Axe de travail — Opérations et l'autre qui s'appelle Axe
de travail — Prévention, qui sont les deux dernières diapositives, je croirais, 21 et 22 de votre présentation, parce que toutes les autres, on les retrouve sur les actions
du tableau qui a été rendu public par la Commission de l'administration publique. Mais je veux avoir un
petit peu d'information sur les circonstances et sur les deux dernières
diapositives.
Mme Trudel (Annie) : Oui. Je vais avoir besoin d'aide technique parce que ce n'est pas mon
ordinateur, mais je vais commencer à répondre à la question. Ce qui a
mené à cette présentation-là...
Une voix :...
M.
Ouellette : Oui, tu peux lui donner en copie papier... donner la copie
papier en attendant.
Mme Trudel
(Annie) : Merci. Alors, dans un premier temps, ce qui a mené à cette
présentation-là, c'est la rédaction d'un rapport, et puis la rédaction de ce
rapport-là s'est faite dans les mois précédant mon renouvellement. Il faut dire
que mon contrat était un contrat d'un an, renouvelable deux fois, donc trois
ans, et nous avions un plan d'action pour trois ans.
Bref, un employé du
ministère m'informe que la sous-ministre et des sous-ministres adjoints
attendaient impatiemment mon rapport et que
l'équipe était montée, qu'ils avaient des gens qui étaient pour avoir la
responsabilité, en fait, de démolir mon
rapport avant mon renouvellement, donc pour éviter que je sois renouvelée.
Donc, moi, on m'informe de ça à l'avance,
et, parallèlement, on me met beaucoup de pression pour que je livre ledit
rapport. Donc, pour éviter de donner des munitions à ceux qui tentent
désespérément de se débarrasser de moi, j'ai pris le rapport et j'en ai fait
une présentation dans laquelle je n'ai mis
que mes recommandations, mais que je n'ai pas mis toute l'explication qui
menait à ces recommandations-là. Donc, ce rapport-là, ce sont mes
recommandations sans les explications. Et voilà.
Donc, là, vous me
demandez...
M. Ouellette :
...les deux dernières diapos.
Mme Trudel (Annie) : Les deux dernières. Alors, cette présentation-là, elle a consisté à
présenter, en fait, à la sous-ministre
mes observations, et, étant donné que j'avais beaucoup de difficultés à me
procurer plusieurs documents que je
souhaitais me procurer et que j'étais sous l'impression que j'étais au
ministère pour trois ans, alors j'ai décidé de faire plus d'une phase.
Et ma phase I...
La Présidente (Mme
Poirier) : Mme Trudel, malheureusement, on a fini le premier bloc
du gouvernement. Est-ce que je peux avoir un
consentement, peut-être, pour laisser Mme Trudel compléter, et on prendra
le temps dans votre prochain bloc? Est-ce que j'ai un consentement?
M. Ouellette :
Oui, ce sera sur notre temps.
La Présidente (Mme
Poirier) : Pas de problème. Veuillez continuer, Mme Trudel.
Mme Trudel (Annie) : Donc, la présentation a consisté à présenter les recommandations à la
sous-ministre, et les recommandations,
la phase I, c'était de travailler sur ce que moi, j'appelais les bases,
alors retravailler la structure, défaire la centralisation, rendre certains départements plus indépendants. Alors,
ça consistait, en fait, à revoir la structure pour tenter de modifier la culture organisationnelle, qui était
très centrée autour du secret et de l'opacité, et, pour faire ça, bien,
c'étaient toujours les mêmes personnes qui avaient les mêmes pouvoirs, et là
mes recommandations visaient à défaire ça.
Et,
à la fin, les deux derniers acétates consistaient à demander, dans un premier
temps, à Mme la sous-ministre de m'aider
à ouvrir les portes pour ma phase II parce que, pour ma phase II, je
voulais embarquer dans l'opérationnel. Déjà que j'étais quand même très au courant, mais je n'avais pas tous les accès
dont j'avais besoin ni les accès aux gens, mais ni les accès aux documents ou aux bases de données, alors
je lui demandais de m'aider à ouvrir les portes. Ça, c'est ce qui est de
l'avant-dernier acétate. Et la dernière acétate, je lui offrais mes services
pour tout ce qui concernait la prévention. Alors,
j'avais des dossiers de montés pour les aider, en fait, à appliquer des
stratégies de prévention que je croyais qu'ils auraient dû faire. Alors,
la dernière acétate consistait à ça, lui offrir mes services pour la
prévention.
• (20 heures) •
La Présidente (Mme
Poirier) : Merci. Alors, je vais passer la parole à la députée de
Vachon.
Mme Ouellet : Oui. Merci, Mme la Présidente. Peut-être, dans
un premier temps, je déposerais, à la
commission, la présentation PowerPoint pour qu'elle puisse être disponible, là,
pour l'ensemble du public. Donc, voilà, c'est...
Document déposé
La Présidente (Mme
Poirier) : Consentement pour le dépôt?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme
Poirier) : Merci.
Mme
Ouellet : Donc,
bienvenue, Mme Trudel et Mme Boily. Merci d'avoir accepté notre invitation.
Donc, Mme Trudel, je comprends que vous dites qu'il y a... la clé que vous avez examinée, cet après-midi, a été altérée. Donc, il y a des documents qui ont été retirés. Est-ce
qu'il y a des documents également qui ont été ajoutés?
Mme Trudel
(Annie) : En fait, oui. J'ai
remarqué... Et là, par coeur, attendez, je ne sais pas si j'ai mes notes
avec moi... Oui. Attendez.
Alors, j'ai
remarqué qu'il y avait un répertoire qui s'appelait SAAQ et,
dans ce répertoire-là, il y a 15 documents qui ont été ajoutés en date du 3 mai 2016, et, dans le répertoire Avenants,
il y a sept documents qui ont été ajoutés à la même
date. Ces documents-là, j'ai tenté de les ouvrir : plusieurs,
je n'ai pas été en mesure de les ouvrir, mais ceux que j'ai été en mesure d'ouvrir, ça me semblait des
codes informatiques. Vraiment, je
n'ai aucune idée de ce que c'est, ça prendrait un informaticien pour me dire ce que c'est, mais...
rien de significatif, là, ce n'est pas... en fait, pas rien de significatif,
rien de significatif pour moi, ce n'est pas des documents que j'ai déjà vus, ça
me semble que des codes informatiques.
Mme
Ouellet :
Est-ce que ça vous donne l'impression que le MTQ s'est retrouvé à manipuler la
clé USB qui a été donnée à l'UPAC?
Mme Trudel (Annie) : Oui.
Mme
Ouellet : Est-ce
que vous avez une idée de l'objectif de cette manipulation-là?
Mme Trudel
(Annie) : Bien, je peux vous
parler des courriels qui ne sont plus sur la clé. Tout au long de mon mandat, en fait, sans rentrer dans les détails,
mais, dans Outlook, j'avais des dossiers d'ouverts pour chacun des
dossiers d'intérêt sur lesquels je travaillais. Et régulièrement je demandais...
bien, pas régulièrement, mais, tout le temps, je demandais des documents par
courriel pour garder des traces, et donc je gardais les traces de mes demandes,
mais je gardais les traces des réponses, je gardais les traces des documents
qu'on m'envoyait. Souvent, les documents étaient incomplets. Donc, je classais tout ça. Pendant 18 mois, j'ai tout
conservé mes courriels qui correspondaient aux dossiers sur lesquels je travaillais, et ce n'est plus là.
Tout était là. Selon mon point de vue, toutes les preuves à l'effet qu'il y
avait de l'obstruction, au ministère, en ce qui avait trait à mon travail,
étaient dans ces courriels-là.
Mme
Ouellet :
Et donc c'était une autre des mes questions, parce que ce qu'on a vu dans les
lettres que vous avez fait parvenir, c'est que vous avez vécu beaucoup
d'obstruction, de la part du MTQ, dans l'ensemble de vos travaux. Comment
qualifieriez-vous la collaboration de Mme Savoie, qui était la sous-ministre en
titre?
Mme Trudel (Annie) : Bien, en fait,
il faut comprendre que Mme Savoie, je ne lui ai jamais parlé. Je n'avais pas affaire à elle. Le système qui a été implanté,
c'est que je ne pouvais pas m'adresser aux employés directement, donc je devais passer... on avait identifié, ce que je
pourrais nommer, un agent de liaison, donc je devais passer par cette
personne-là, qui travaillait au bureau de la
sous-ministre, pour lui poser mes questions. Et cette personne-là redirigeait
mes questions au département qu'elle a choisi. Et là je devais attendre
que cette personne-là me revienne avec les réponses qu'elle avait eues. Donc,
je n'ai pas d'opinion sur la position de Mme Savoie, je n'avais pas affaire à
elle.
Une voix : Mme Ouellet.
Mme
Ouellet : Est-ce que
vous pouvez nous identifier votre agent de liaison?
Mme Trudel (Annie) : Nadia Fournier.
Mme
Ouellet :
Donc, l'obstruction que vous avez vécue provenait plus du refus de transmission
de documents?
Mme Trudel (Annie) : Oui.
Mme
Ouellet : Et
savez-vous...
Mme Trudel (Annie) : Mais je veux
m'assurer que ça soit clair : ce n'était pas Mme Fournier.
Mme
Ouellet : Non.
Mme Trudel
(Annie) : Mme Fournier
s'adressait à tous les départements, puis elle attendait que les gens lui
répondent. Mais, sachant que ça venait de moi... elle travaillait
presque à temps plein sur mes demandes, donc, elle, elle attendait les réponses pour me les redonner. Donc, l'obstruction,
c'était surtout d'ignorer mes demandes, d'ignorer mes courriels. Ça pouvait prendre pas des jours, là,
des mois avant qu'on me donne une réponse. Ou, quand on me soumettait des documents, c'étaient des documents
incomplets ou qui ne répondaient pas nécessairement... il fallait vraiment que je pose la bonne question
pour qu'on me donne ce que je voulais. Si je n'avais pas posé la bonne question,
je n'avais rien de pertinent.
Mme Ouellet : Donc, est-ce
qu'à ce moment-là on peut affirmer que la gestion du MTQ n'a pas donné
d'indication au personnel de collaborer à vos travaux?
Mme Trudel (Annie) : Je vous dirais le contraire. En fait, je vous dirais que, selon les
informations que j'ai eues de collaborateurs,
la directive était dans le sens contraire : Personne ne parle à Annie,
personne ne lui donne rien, tout passe par l'agent de liaison. Et là je n'ai jamais... je ne suis pas factuelle, je
n'ai rien vu d'écrit, mais je suis sous l'impression que l'agent de
liaison devait faire approuver les choses avant de me les faire suivre.
Mme Ouellet :
Faire approuver par qui?
Mme Trudel
(Annie) : Bien, là, je ne suis pas certaine, là.
Mme Ouellet : O.K. Et j'aimerais savoir, sur... Parce que c'est un dossier que vous
avez... ou qui a été mentionné et dont
on n'a pas reparlé, mais, moi, qui m'inquiète beaucoup, la question des quatre
bases de données. Est-ce que vous avez eu
connaissance de ces quatre bases de données là? Qu'est-ce que vous avez eu
comme information? Parce que là on parle du suivi du coût des projets,
des dépassements de coûts, des extras et, ensuite, de l'information qui est
fournie aux parlementaires pour avoir une reddition de comptes sur les travaux
du MTQ.
Mme Trudel (Annie) : Je connais les quatre bases de données pour les avoir utilisées, parce
que j'y avais accès, à l'Unité
anticollusion et à l'Unité permanente anticorruption. Cependant, quand je suis
revenue au ministère des Transports, on
ne m'y a pas donné accès, on m'a donné accès seulement à une des bases de
données, donc c'était difficile pour moi de comparer. Et, encore, mes accès étaient illimités... pas illimités,
mais ils étaient limités. Donc, j'ai entendu, à l'interne, en effet, qu'il y avait des irrégularités entre les
bases de données, mais, du même coup, j'ai su, en prenant connaissance
de certains documents qui avaient été soumis
au comité d'audit externe, j'ai pris connaissance qu'il y avait eu une
vérification qui avait été faite par le
contrôleur des finances puis, selon le libellé du mandat du contrôleur des
finances, j'avais présumé que ça
touchait peut-être cette situation-là. De mémoire, là, le mandat visait à
assurer l'intégrité des données financières dans les bases de données. Donc, je me suis empressée de demander ce
rapport-là. L'audit, la vérification du contrôleur des finances avait été entamée en décembre 2013. Donc,
dès que ça a été apporté à mon attention, j'ai fait la demande pour ce
rapport-là. Et j'ai fait la demande, à plusieurs reprises tout au long des 18
mois, et on n'a jamais eu ce rapport-là.
La Présidente (Mme
Poirier) : Il reste deux minutes.
Mme
Ouellet : Donc, ce que je comprends, c'est que non seulement
vous n'avez pas eu la collaboration et vous avez eu de l'obstruction, de la part du ministère des Transports, sur un
grand, grand nombre de demandes, mais, en plus, il y a une équipe qui a été formée au MTQ, à la demande de Mme Savoie,
pour démolir votre rapport. Donc, on a pris du temps de hauts fonctionnaires pour, dans le fond, discréditer votre
rapport avant même d'avoir l'information, alors que vous avez travaillé,
pendant 18 mois, à colliger l'ensemble de ces informations-là?
Mme Trudel (Annie) : C'est bien ça, à l'exception près que je ne sais pas si c'était à la
demande de Mme Savoie. Mais, oui, il
y avait une équipe en place qui attendait mon rapport pour le démolir, et tout
ceci dans l'objectif de ne pas me renouveler. En fait, tout ceci,
c'était pour prouver que finalement j'avais fait du mauvais travail et que je
ne devais pas être renouvelée en juillet 2015.
Mme Ouellet :
Et à qui devait être faite cette présentation-là?
Mme Trudel
(Annie) : Ça n'avait pas été entendu, c'est sûr que je l'aurais remis
à Mme Savoie, là.
Mme Ouellet :
O.K. Donc, c'est une présentation qui était prévue pour...
Mme Trudel
(Annie) : Un rapport, en fait.
Mme Ouellet :
Le rapport, mais avec présentation qui était...
• (20 h 10) •
Mme Trudel (Annie) : Bien, en fait, la présentation n'était pas... Mais il faut dire que ni
l'un ni l'autre n'étaient prévus, il
n'y a personne qui ne m'a rien demandé. Moi, j'ai fait un rapport, j'allais le
soumettre à Mme Savoie, mais ça s'est su,
que je faisais un rapport. Donc, quand j'ai su ce qui m'attendait, bien, c'est
là que décidé de prendre le rapport et d'en faire une version plus
sommaire, finalement, sans rentrer dans les détails, que j'ai finalement
présentée à Mme Savoie.
La Présidente (Mme
Poirier) : Merci. Je passerais maintenant la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : On va vous laisser respirer, Mme Trudel. Mme Boily, c'est à votre tour.
Mme Boily, on a beaucoup entendu parler de vous lors de l'audition de la
sous-ministre. Il y a des documents qui ont été déposés par le premier ministre,
au mois de mai, qui originaient des Transports et, lors de la comparution de...
lors de la présence de la sous-ministre devant la Commission de l'administration publique, il y a un autre document, qu'on a appelé un rapport
d'audit, qui nous a été déposé.
Ma première question :
Est-ce que vous pourriez éclairer, compte tenu que, si j'ai compris le
témoignage de Mme Savoie, le rapport d'audit qui a été déposé, là, le deuxième,
qui devait être exactement comme celui qui était à l'Assemblée nationale puis qui
était légèrement différent... beaucoup, très différent même, j'ai eu l'impression, lors
de l'échange que j'ai eu avec Mme Savoie,
que vous étiez à l'origine de ce rapport d'audit là? Et j'aimerais ça vous
entendre sur la provenance des deux documents qui ont été déposés à la Commission
de l'administration publique.
Mme Boily (Louise) : D'accord.
La Présidente (Mme Poirier) : Mme
Boily.
Mme Boily (Louise) : Alors, Mme la
Présidente, effectivement, il y a eu des documents qui ont été déposés, le 18 mai en avant-midi, à la période des
questions à l'Assemblée nationale, et, en après-midi, lors de la séance de travail de la Commission
de l'administration publique. Alors, j'ai pris connaissance de ces documents
une fois qu'ils ont été rendus publics. Alors, les documents qui portent
mon nom présentent des caractéristiques de manipulation, ce qui, pour moi,
représente deux faux.
Alors, si
vous permettez, Mme la Présidente, je
vais décrire les caractéristiques, tant dans la forme des documents que dans le fond. Alors, j'ai comparé ces
documents avec le rapport final qui a été déposé au comité d'audit le 27
mai 2015. J'ai apporté, ici, copie du
document qui se trouvait dans mon propre cartable de cette réunion et il
comprend des annotations manuscrites, et j'en ai fait deux copies pour
la commission. Si vous voulez, je pourrai vous les déposer.
Alors, si
vous permettez, je vais prendre mon document puis je vais vous... le premier,
celui qui a été déposé le matin à l'Assemblée nationale, et je vais vous
en faire la description.
Document déposé
La
Présidente (Mme Poirier) :
Je vais vous demander de déposer une des deux copies pour qu'on puisse
faire les copies aux membres de la commission.
Mme Boily (Louise) : Donc, ce que je
dépose, c'est mon rapport final du 27 mai 2015.
Alors là, je
vais prendre le rapport qui a été déposé le matin à l'Assemblée nationale. Alors, dans ce document-là, d'abord,
ce que j'ai vu, c'est qu'il y avait une première page titre qui était suivie
d'une deuxième page titre au verso de laquelle
je trouvais un texte. Alors, les deux pages titres me semblent semblables.
Alors, ce que je vois sur la première page
titre, en haut, c'est le nom de la direction, mais qui est incomplet :
Direction de l'audit d'évaluation de programmes, quand, dans les faits,
c'est Direction de l'audit interne.
On voit Rapport d'audit : Audit des
professionnels en conformité des processus, mandat 310-2014, décembre 2014. Il
manque un filigrane «projet» en travers de chacune des pages du document qui
vous a été remis. C'était une version projet.
Je remarque
aussi que la page titre est paginée. Donc, on ne pagine pas, d'habitude, les
pages titres. Au verso, je vois qu'il
y a un texte dont j'ignore totalement la provenance, parce que ça n'existait pas en
décembre 2014. Dans cette page-là, on voit Enquête sur les
allégations d'intimidation. En décembre dernier, la journaliste Mme
Lévesque, de La Presse, laissait sous-entendre que certains PCP vivaient de l'intimidation.
Moi, j'ai de la misère à comprendre qu'en décembre 2014, un an avant, on
peut parler d'un article de journal qui n'existe pas dans le temps.
Par la suite,
il manque aussi la page de l'équipe d'audit, la page des personnes qui ont réalisé
le mandat d'audit.
L'autre page,
c'est la table des matières. Il y a deux annexes, elles ne sont pas paginées. Dans
les documents qui étaient produits, à
l'époque, par la Direction de l'audit interne et d'évaluation de programmes, on
avait des gabarits pour faire les
rapports d'audit. Alors, les professionnels n'avaient qu'à écrire le texte dans
les espaces qui étaient blancs, la pagination
se faisait automatiquement, puis on inscrivait une fois, en haut, l'entête, et
l'entête, elle se reproduisait partout. Puis la table des matières, bien, elle se générait automatiquement à la
fin, puis il y avait une secrétaire qui faisait le travail.
Donc, il y a
une encore une page 1, dans le sommaire. Nos rapports d'audit comportaient toujours
un sommaire pour le bénéfice de la
haute direction, parce que, des fois, il y a des rapports qui sont
plus longs. Alors, dans chacune de ces
pages-là, il n'y a pas de filigrane «projet». Je regarde à la page
1, Sommaire, dans l'entête, n° 310-2014 — Rapport
d'audit (projet). D'habitude, en dessous, il y a le nom du mandat qui est
écrit. Ce n'est pas là.
Je regarde
dans le bas, le pied de page, Direction de l'audit — il
manque le mot «interne» — et
de l'évaluation de programmes. Puis là je regarde la page 2 : il n'y a
même plus d'entête. Il n'y a pas de filigrane. C'est écrit un autre nom
de direction, l'ancien nom de la direction,
Direction de la vérification interne et de l'évaluation de programmes,
puis il y a une belle ligne qu'on voit en dessous, ce qui
donne à penser que c'est peut-être un document
PDF qui a été photocopié. Je ne le sais pas.
Donc, sur
toutes les pages, c'est à peu près ça que je remarque. Il y a des pages qui
sautent. Mais, d'après moi, ce que
j'ai essayé de revoir, je ne pense pas qu'il manque de texte. Mais on passe de
la page 4 à la page 9, et ça continue ainsi
jusqu'à la page 14, décembre 2014, où il y a mon nom. Par la suite, dans le
document, il y a une annexe 1 qui semble aussi avoir encore des défauts
de fabrication, là, je ne me suis pas attardée à tout relire l'annexe 1.
L'annexe 1, en fait,
ce que ça présentait, c'étaient des rapports d'audit détaillés pour chacune des
directions territoriales qu'on avait visitées. Chacun des dossiers
contractuels, on expliquait... en fait, on recomposait toutes les
non-conformités qui avaient été relevées. Donc, c'est une annexe qui est quand
même assez importante. Et elle était suivie
d'une deuxième annexe, l'annexe 2, qui présentait la même information, mais
d'une manière différente. Pour chacune des
directions territoriales, ce que ça présentait, c'étaient les dossiers
contractuels qui étaient non conformes pour chacune des étapes du processus de
gestion contractuelle avant octroi, c'est-à-dire avant la signature du contrat.
Et la particularité de l'annexe 2, c'est que
ce n'était pas un fichier Word, c'était un fichier qui était en PDF, pour
lequel mon adjointe avait eu de la misère à rabouter ça en un document
Word. Alors, c'est quelque chose qui était quand même... dont on se souvient
qu'on avait eu de la difficulté.
Je regarde ce
document-là et je me rends compte qu'au lieu d'avoir une annexe 3 qui, dans ma
version préliminaire que j'avais transmise à
la Direction générale des territoires pour avoir leurs commentaires... En fait,
c'est une annexe 3... à gauche, on a les
recommandations puis, à droite, c'est des cases vides pour que les unités
vérifient et inscrivent leurs
commentaires et le plan d'action suite aux recommandations. Je m'aperçois que,
dans ce document-là, j'ai un plan d'action, qui vient de la Direction de
la programmation et des ressources territoriales, mis à jour du 18 mai 2016.
Je
ne sais pas si quelqu'un peut m'expliquer comment un document mis à jour de la
journée même où il est déposé à l'Assemblée nationale peut être inclus
dans un document qui existait en décembre 2014. Moi, la physique, ce n'est
peut-être pas ma force, mais je pense que les lois d'Einstein, en physique
quantique, on ne peut pas devancer le temps.
Donc, j'ai ce plan d'action là, que j'ai aussi comparé à la version du plan
d'action que j'ai dans mon rapport final du 27 mai 2015, puis ce n'est
pas tout à fait pareil, il y a des disparités.
Par
la suite, durant la même période des questions, M. Jean-Marc Fournier a déposé
un document qui s'appelait Annexe 3, rapport DPCP. Je regarde ça.
C'est bien écrit annexe 3, rapport DPCP de décembre 2014. Ça comprend trois pages. Mais moi, je ne me souviens pas qu'on
n'ait jamais écrit ce texte-là qui présente, d'une manière différente,
les non-conformités. Et je regarde à la page
3, puis il y a un acronyme, DEAI décembre 2015. Pour moi, DEAI, ça veut
dire Direction des enquêtes et de l'audit
interne, décembre 2015. Encore là, une autre question : Comment, dans un
rapport projet préliminaire que j'envoie à
la Direction générale des territoires pour avoir leurs commentaires, je peux
déjà avoir des textes qui sont datés
du 18 mai 2016, puis un texte qui est daté de décembre 2015, puis une page au
début qui sort de je ne sais pas où? Donc, ça, c'est pour le document
qui a été déposé le matin à l'Assemblée nationale.
• (20 h 20) •
Pour le deuxième
document qui a été déposé en après-midi à la Commission de l'administration
publique, je l'ai regardé, ça ressemble pas
mal à la version projet, mais là je me rends compte d'une chose : je n'ai
toujours pas mon filigrane «projet»
sur toutes les pages, et, dans l'entête, ça a disparu, le mot «projet». Or, ça
ne correspond pas au document qui
était dans notre système de gestion officielle de la correspondance, où ça
comportait le mot «projet», en filigrane, sur toutes les pages, sauf dans le texte, là, qui était en PDF, la deuxième
annexe 2. Puis je n'ai plus l'entête non plus, là, je n'ai plus le mot «projet» dans l'en-tête. Donc, pour moi, celui-là aussi, on
ne peut pas dire que c'est la version projet et ce n'est pas non plus la
version finale.
Suite
au dépôt de ces deux documents-là, j'ai quand même questionné,
je voulais savoir qu'est-ce que c'est, ça porte mon nom, c'est déposé à l'Assemblée
nationale, ça me dérangeait. Alors,
j'ai fini par obtenir un courriel qui m'a confirmé la chronologie de ce
qui s'est passé avec ces deux documents-là, notamment dans la journée du
18 mai. J'ai déposé ce courriel à l'UPAC.
Donc,
pour moi, à cette étape-ci, le contenu des textes qui ont été déposés le
18 mai n'est pas fiable. Ça n'a pas d'importance pour moi. Ce qui
est important, c'est le rapport final qu'on a déposé, le 26 mai 2015, au
comité d'audit et qui constitue le
rapport d'audit officiel, parce qu'il a été déposé au Comité d'audit interne et
d'évaluation de programmes.
Ce
que je comprends aussi, si on me permet d'aller un peu plus loin, Mme la
Présidente, c'est que la fabrication du document qui a été déposé, le
matin, à l'Assemblée nationale, a dû débuter bien avant le 18 mai. On ne
pouvait pas ignorer, au ministère, que la
version finale datait de mai 2015 et donc, à tout le moins, qu'une personne qui
n'aurait pas connu beaucoup le dossier se serait même rendu compte que,
sur la page titre, on avait paginé 1. Donc, ça ne se pouvait pas, puis ce n'était pas un document de qualité qu'on pouvait
expédier, même en urgence, à l'Assemblée nationale. Pour une personne qui aurait eu un peu de recul
par rapport à ça, elle se serait donné la peine de lire un peu plus
avant et aurait retourné le document à l'unité administrative pour qu'on
fournisse une copie présentable.
En
corollaire de cela, j'ai regardé aussi les documents qui ont été déposés à la
Commission de l'administration publique le 31 mai et j'ai remarqué
qu'il y avait une note ministérielle qui essayait d'expliquer les deux
documents qui avaient été déposés à
l'Assemblée nationale le 18 mai. Pour moi, ce document-là, il sert tout
simplement pour essayer d'expliquer en quoi les deux documents devraient
être vrais, là, ce qui avait été déposé le 18 mai. Donc, pour moi, la note
ministérielle déposée, à la CAP, le 31 mai 2016, sur votre site Internet, est
un faux, il sert à justifier deux faux.
La Présidente (Mme
Poirier) : Merci, Mme Boily. Alors, le bloc était...
M.
Ouellette : Oui, oui, c'est beau, mais...
La Présidente (Mme
Poirier) : ...était terminé.
M.
Ouellette : ...du temps à mon collègue.
La Présidente (Mme
Poirier) : Alors, je cède la parole au député de La Peltrie.
M.
Caire :
Merci, Mme la Présidente. Mesdames, bonjour. J'irai droit au but parce que j'ai
peu de temps. Dans la lettre que le député
de Marguerite-Bourgeoys a transmise à son collègue le nouveau ministre des
Transports, on parle de
fractionnement de contrats. Je veux savoir d'abord, peut-être, vous, Mme
Trudel, est-ce que vous avez constaté qu'il y avait du fractionnement de
contrats au MTQ?
Mme Trudel
(Annie) : Oui.
M.
Caire :
Est-ce que vous pouvez situer cette période-là, à peu près dans quelle période
et dans quel contexte vous avez constaté qu'il y avait du fractionnement
de contrats au MTQ?
Mme Trudel (Annie) : Les contrats
sur lesquels j'ai eu à me pencher plus attentivement parce que j'avais plus de données, c'étaient entre autres des
contrats donnés à des contractuels, majoritairement d'ex-employés
retraités du ministère des Transports. Donc, il y avait plusieurs scénarios.
Dans un cas, on donnait un contrat à un employé à son nom personnel et on
donnait un contrat à ce même employé, mais à une autre compagnie qu'il s'est
créée.
Ensuite de ça, j'y vais de mémoire, là, mais
deux contrats à un même employé, mais en bas de la limite de 25 000 $... Il faut dire que cette
limite-là fait en sorte que le niveau d'autorisation est beaucoup plus bas, ça
peut demeurer à un niveau plus bas,
mais aussi ça évite que le fournisseur de services doive se procurer
l'attestation de Revenu Québec. Donc, c'est plus rapide, et c'est une
des raisons pourquoi qu'on fractionne ce genre de contrat.
M.
Caire : En bon
français, ça permettait de contourner la loi.
Mme Trudel (Annie) : Oui.
M.
Caire : O.K. Mme
Boily, comme vérificatrice, est-ce que vous avez, vous, constaté qu'il y avait
du fractionnement de contrats au ministère?
Mme Boily (Louise) : Oui, on l'a
constaté dans les...
M.
Caire : Dans quel
contexte? Pour quelle période? Et entourant quel projet? Pourriez-vous nous le
dire?
Mme Boily
(Louise) : On l'a constaté
tout au cours de nos vérifications des dossiers contractuels, alors sur
une période de 2010 à 2015, jusqu'au moment où j'ai quitté la fonction
d'auditrice. Donc, on l'a constaté...
M.
Caire : Jusqu'au
moment où vous avez quitté, vous constatiez qu'il y avait encore du
fractionnement de contrats.
Mme Boily (Louise) : Oui, il y avait
du fractionnement, on l'avait constaté dans certains dossiers, c'était documenté dans les rapports de vérification. Et
ces rapports de vérification là, évidemment, on les transmettait au
directeur territorial : Constatez puis
prenez acte et prenez action. C'est des rapports qui étaient synthétisés et
transmis aussi à la Direction générale des territoires. Dans certains
cas, j'en avais fait part aussi à Mme Savoie.
M.
Caire : Attendez un
petit... Madame...
Mme Boily (Louise) : Oui.
M.
Caire :
Mme Boily, est-ce que vous êtes en train de me dire que vous avez avisé Mme
Savoie qu'il y avait du fractionnement de contrats au ministère des
Transports du Québec?
Mme Boily (Louise) : Oui, dans un
cas particulier, entre autres.
M.
Caire : O.K. Est-ce
que vous pouvez me dire à quel moment — mois, l'année — que
vous avez fait ça? Ce que Mme Savoie nous a
dit, à la CAP... qu'elle n'avait jamais eu connaissance de fractionnement de
contrats, qu'elle n'avait jamais
autorisé de fractionnement de contrats, qu'il n'avait jamais été porté à sa
connaissance qu'il y avait eu du fractionnement de contrats, puis c'est
important.
Mme Boily (Louise) : Alors, si vous
me permettez, Mme la Présidente, je ne partage pas du tout le point de vue de Mme Savoie. À plusieurs reprises, je lui ai
fait mention d'irrégularités, de toutes sortes de problèmes qui
survenaient en matière de gestion
contractuelle. Je lui ai fait des notes ministérielles, je lui ai déposé des
rapports d'audits, des rapports de vérification, en l'informant qu'il y
avait des actions qui étaient à prendre.
M.
Caire : À elle,
personnellement?
Mme Boily (Louise) : À elle, personnellement. Je lui ai même transmis un tableau de
signalements de plusieurs pages, lui
montrant les différentes problématiques. La dernière fois que je lui ai
présenté un rapport avec du fractionnement, je lui en avais d'abord parlé verbalement puis, ensuite, je lui avais
mis ça par écrit dans un rapport et, au cours d'une de nos rencontres statutaires, elle m'avait redonné
mon document et — c'est
assez... bien, c'est un peu gênant pour moi de dire ça — elle
m'avait dit que je n'étais pas là pour lui rapporter les problèmes, que je
devais les régler moi-même. Mais c'est
le rôle d'un auditeur, c'est d'être la vigie, parce que, sinon, si on n'est pas
la vigie... les sous-ministres, d'habitude, s'appuient sur leurs directions d'audit interne, parce que les rapports
qu'on leur fournit, même s'ils ne sont pas toujours agréables,
les sous-ministres avec qui j'ai travaillé se sont toujours servis des rapports
d'audit interne justement pour essayer d'améliorer les choses.
M.
Caire :
Mais, à cet effet-là, Mme Boily, quelles mesures, à votre connaissance, Mme
Savoie a prises pour corriger le problème?
Mme Boily (Louise) :
Je ne le sais pas.
M.
Caire :
O.K. Mme Boily, est-ce que vous avez passé une note interne, est-ce que vous
avez passé des directives... Parce que là
vous dites de 2010 à 2015, donc, si ça se poursuivait, est-ce qu'on peut penser
que Mme Boily cautionnait ce fonctionnement-là?
Mme Boily
(Louise) : Non, non, je ne cautionnais rien de tout ça. Donc, dans les
rapports qu'on produisait, évidemment, les directions territoriales étaient
informées...
M.
Caire :
Mme Savoie... je me suis trompé.
Mme Boily
(Louise) : Ah! bien non...
M.
Caire :
J'ai dit «Mme Boily», mais Mme Savoie...
Mme Boily
(Louise) : Je me sentais mal de cautionner ça.
M.
Caire : Non, non, je m'excuse. C'est parce que c'est en
stéréo. À votre connaissance, est-ce que Mme Savoie a pris des mesures pour corriger le problème? Parce
que, si ça perdurait, on peut penser que Mme Savoie, si elle ne le
corrige pas, elle le cautionne, on s'entend.
Mme Boily (Louise) : Je ne pourrais pas vous dire si Mme Savoie avait pris des mesures
particulières, mais je sais que, dans
les directions territoriales ou à la Direction générale des territoires,
certainement qu'il a dû avoir des rappels qui ont été faits pour éviter
que ce genre de situation là se reproduise, mais... à ce que je sais.
M.
Caire :
À votre connaissance, est-ce que les rapports qui ont été transmis étaient
intègres, étaient exacts? Parce que là vous
avez parlé de faux documents, mais les rapports sur le fractionnement de
contrats, à votre connaissance, est-ce
qu'ils étaient intègres? Est-ce qu'à votre connaissance ils ont été modifiés?
Est-ce qu'on a transmis l'information de façon juste et correcte?
Mme Boily (Louise) :
C'est assez difficile pour moi de le dire parce que nous, on regardait des
dossiers contractuels factuels et les rapports concernaient chacun de ces
dossiers contractuels là. Donc, nous, on relevait des situations de
fractionnement et on en informait la direction territoriale. Dans certains
cas... Je ne sais pas si... Vous pourriez peut-être m'expliquer... de préciser
davantage votre question. Qu'est-ce que vous voulez...
M.
Caire :
Bien, je vais aller à Mme Trudel, je vais revenir à vous.
Mme Boily
(Louise) : D'accord.
M.
Caire :
Dans le cas de vos vérifications, Mme Trudel, sur le fractionnement de
contrats, comment vous qualifieriez l'attitude de Mme Savoie? Est-ce qu'elle a
interféré? Est-ce qu'elle a collaboré? Est-ce que vous avez eu accès à toute
l'information nécessaire?
• (20 h 30) •
Mme Trudel (Annie) : Bien, alors, Mme Savoie, j'ai eu des échanges avec Mme Savoie qu'une
seule fois. En fait, c'est lors de ma
présentation et, au moment de la présentation, c'est à ce moment-là que je
l'informe. Et l'objectif de la présentation,
en fait, la consigne, c'était qu'à ce moment-là, la journée de la présentation,
nous devions appliquer toutes les recommandations. Donc, nous devions
entreprendre de travailler ensemble pour appliquer les recommandations. Donc,
on ne s'est pas rendus au fractionnement avant que je quitte.
Pouvez-vous me
répéter la deuxième partie de votre question?
M.
Caire : Non, bien
je me demandais si, de votre côté, Mme Savoie avait été collaboratrice ou si
vous aviez eu des résistances. Est-ce que les gens étaient autorisés à
vous parler?
Mme Trudel
(Annie) : En fait, je n'avais pas affaire à Mme Savoie ni à lui
demander ou attendre des trucs de sa part,
je devais m'adresser à l'agent de liaison. Et donc ça, c'était la consigne
officielle. Je ne pouvais pas m'adresser à qui je voulais, et il y a plusieurs accès que je n'avais pas, et voilà.
Donc, c'était limité comme commande de collaboration.
M.
Caire : O.K. Dans
le fractionnement de contrat, on parle de contrats qui sont de nature
confidentielle. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus, là, le pourquoi de
cette confidentialité-là?
Mme
Trudel (Annie) : Bien, il y a
des contrats... Selon, si ma mémoire est bonne, l'article 13 de la Loi sur
les contrats des organismes publics, il y a
un article qui prévoit une exception pour certaines situations où le contrat
peut être considéré comme protégé et
de nature confidentielle. Donc, ce contrat-là, non seulement il n'est pas
affiché sur le système électronique
d'appel d'offres, mais, dans les bases de données du ministère,
il est ce qu'on pourrait identifier comme étant caché. Donc, quelqu'un qui n'a pas tous les accès, comme moi, je ne
pouvais pas aller prendre connaissance de ces contrats-là.
Donc, j'ai demandé la liste de ces contrats-là,
j'en ai obtenu une. Toutefois, comme elle ne provenait pas directement d'une réquisition qui avait été faite dans la base de données et
qu'elle consistait en un tableau Excel, je n'ai pas la certitude que
c'est tout ce qui vient de la base de données, mais c'est bien un tableau qui a
été préparé pour mes besoins.
Toutefois, j'ai quand même pu porter un jugement
sur les contrats qui étaient identifiés dans ce tableau-là, et souvent ce sont des contrats qui sont en lien avec
des problématiques de ressources
humaines, donc des choses qu'on
n'a pas envie de rendre publiques, probablement. Donc, plusieurs de ces
contrats-là concernaient... Oui?
M.
Caire : Pourquoi
vous dites qu'on n'a pas envie de rendre publics des problèmes?
Mme Trudel (Annie) : Bien, parce
qu'ils sont classifiés de cette façon-là. Donc, s'ils sont classifiés de cette
façon-là, c'est parce qu'on n'a pas envie de les rendre publics, sinon on ne
les aurait pas classifiés de cette façon-là.
M.
Caire :
Puis on n'a pas envie de les rendre publics... Pourquoi on pourrait ne pas
vouloir les rendre publics?
Mme Trudel (Annie) : Bien, alors,
dans un cas, entre autres, qui me vient à l'esprit, c'est un contrat qui est donné à un ex-employé du ministère des Transports,
ce qui pourrait expliquer. Ensuite de ça, dans d'autres cas, c'est des
contrats qui concernent du harcèlement dans différentes directions
territoriales, donc...
M.
Caire : Du
harcèlement?
Mme Trudel (Annie) : Du harcèlement,
oui.
M.
Caire : Pouvez-vous
élaborer?
Mme Trudel (Annie) : Bien, en fait,
on n'en sait pas plus parce qu'on n'a pas le contrat, on a seulement le libellé. Et encore, le libellé, ce n'est pas ce
qui vient directement de la base de données, donc c'est assez succinct
comme information qui est disponible. Mais, dans le libellé, il y a le terme
«harcèlement», donc...
M.
Caire :
Mme Boily, est-ce que vous avez eu vent de ça, vous, dans vos
vérifications, ce que Mme Trudel raconte?
Mme Boily (Louise) : Des contrats de
nature confidentielle et protégés?
M.
Caire : Oui.
Mme Boily (Louise) : Non. Non, on
n'a pas regardé.
M.
Caire : Vous n'avez
pas vu ça? Puis les contrats, quand on parle de harcèlement, est-ce que vous
avez...
Mme Boily
(Louise) : Non plus, ce
n'était pas dans les... On ne les a pas vus, ces contrats-là. On regardait
des contrats dans les directions territoriales.
M.
Caire : O.K. Bien,
je vais vous laisser continuer, Mme Trudel, là, parce que je voulais juste
voir si Mme Boily avait eu...
Une voix : ...
M.
Caire :
10 secondes? Je reviendrai.
La Présidente (Mme Poirier) : Merci.
M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette : Vous nous avez
mentionné... on va clarifier quelque
chose, parce qu'on parle beaucoup de tout ce qui était organisationnel au MTQ. Vous — autant Mme Boily, parce que je vais
vous poser les questions séparément et parce
que je veux avoir une réponse — tout ce qui était administratif, au MTQ,
culture, les choses touchant les contrats, etc., ces informations-là étaient partagées à l'interne, vous avisiez les
supérieurs, vous avisiez les sous-ministres et tout ce qui pouvait toucher les processus. Est-ce que je me
trompe de penser... parce que, Mme Boily, vous avez mentionné que,
dans le cas des rapports que vous avez
appelés faux rapports... les deux rapports du 18 mai, il y a des
informations particulières, que tout ce qui est opérationnel, vous
l'avez transmis à l'UPAC?
Mme Boily
(Louise) : Je ne saisis pas bien le sens de votre question.
M. Ouellette : Bon, c'est que les
choses qui touchaient la gestion du MTQ, ou les contrats au MTQ, ou les processus, ou l'audit au MTQ, tout ce qui était
administratif était acheminé, vous informiez les bureaux des sous-ministres
ou les supérieurs dans l'organigramme du MTQ, tout ce qui pouvait être
opérationnel.
Mme Boily (Louise) : Oui,
c'est-à-dire...
M. Ouellette : Tout ce qui pouvait
toucher des opérations ou qui pouvait toucher des infractions de nature
peut-être criminelle, que ce soient des faux, de la fraude, etc., vous
informiez l'UPAC.
Mme Boily (Louise) : Oui. À une
occasion, en 2014, j'ai déposé des documents à l'UPAC, des dossiers contractuels qu'on avait regardés et qui
semblaient fortement problématiques. Donc, ça, ça a été fait en décembre
2014.
À certaines occasions aussi, j'avais déposé des
documents à la Direction des enquêtes, mais ça semblait assez difficile, à un moment donné, de déposer des
documents à la Direction des enquêtes; on m'avait fait comprendre qu'il
ne fallait pas trop que je demande d'enquêtes.
Donc, voilà,
j'ai déposé des documents à l'UPAC. Et c'est sûr que, les rapports d'audit, on
les transmettait à la direction
territoriale, c'était synthétisé et remis à la Direction générale des
territoires. Comme je vous ai dit, j'avais fait un tableau de
signalement que j'avais donné à Mme Savoie. Et donc c'est en gros le travail
qui a été fait.
M. Ouellette : Je comprends que vos
premières conversations... Puis je ne veux pas rentrer dans les détails opérationnels, là, c'est quelque chose qui m'est
très cher de profession antérieure. Vos premiers contacts avec l'UPAC,
c'était en 2014. J'ai aussi compris que vous aviez eu des contacts très récents
avec l'UPAC à cause des événements du 18 mai.
Mme Boily (Louise) : Oui, tout à
fait.
M.
Ouellette : O.K., je ne vais
pas dans d'autres détails. Mais donc, entre 2014 et 2016, vous avez eu à
différentes occasions des contacts avec l'UPAC.
Mme Boily (Louise) : Oui. À trois
occasions, trois reprises.
M. Ouellette : O.K. J'ai compris,
Mme Trudel aussi, parce que je viens à vous... Puis on a discuté avec le commissaire à l'UPAC que vous aviez, de façon
peut-être que je pourrais qualifier de régulière, dans les 18 mois où
vous avez occupé ces fonctions... qu'à
chaque fois où il y a eu des dossiers opérationnels vous avez, vous aussi,
communiqué avec l'UPAC pour transmettre ces informations-là, Mme Trudel.
Mme Trudel (Annie) : Oui.
M. Ouellette : O.K. Et là aussi ça
s'est fait au cours des 18 mois, donc, à n'importe quel moment. Et M. Bruneau nous a confirmé que votre dernière
rencontre avec l'UPAC est en date du 18 avril, puis je ne veux pas
rentrer dans les détails. Il nous a confirmé
que, quatre jours avant que vous quittiez le MTQ, vous aviez eu une rencontre
avec M. Bruneau. C'est exact?
Mme Trudel (Annie) : Oui.
M. Ouellette : O.K. Les autres
choses aussi pour vous, Mme Trudel, ce qui était administratif, dans les processus, etc., vous en informiez le cabinet ou
vous en informiez les bureaux des différents sous-ministres si vous notiez
des choses particulières ou si, dans le
cadre de votre mandat que vous nous avez expliqué dans votre présentation,
vous faisiez une analyse quelconque et qu'il y avait des éléments
administratifs. C'était transmis aux autorités concernées à l'intérieur du
ministère.
Mme Trudel (Annie) : Ça a été
présenté le 9 novembre lors de la rencontre avec Mme Savoie.
M. Ouellette : O.K. Mme Boily,
votre rapport d'audit qui a été deux fois déposé, là, ou certaines parties de
votre rapport d'audit que vous nous avez déposé, qui est l'original, qui a été
déposé une première fois par le premier ministre
en période de questions, qui a été déposé au salon bleu, et qui a été déposé
une deuxième fois par la sous-ministre, est-ce qu'il y a eu d'autres rapports d'audit, Mme Boily, qui ont
subi le même traitement ou que vous avez pu, en cours de route... que
vous avez rédigés et qui, à la fin de l'entonnoir, étaient différents de ce que
vous aviez rédigé?
• (20 h 40) •
Mme Boily (Louise) : Oui. J'ai eu
connaissance récemment qu'il y avait un autre de mes rapports qui avait été tronqué. En fait, j'avais préparé un dernier rapport, le dernier bilan des travaux de
la Direction de l'audit interne et de l'évaluation de programmes pour la période qui couvrait le 1er avril 2014
jusqu'au 1er octobre 2015 parce que c'était la fin de cette
direction-là, puis je voulais laisser au comité d'audit un dernier bilan des
travaux qui avaient été faits.
Donc,
le 1er février 2016, à mon souvenir, j'ai envoyé par courriel en format
PDF mon dernier bilan à mon successeur,
M. Michel Boulard, et j'avais mis en copie conforme la sous-ministre. Et donc, ce document-là, je voulais qu'il soit déposé au comité d'audit du 30 mars
2016. Je n'en ai pas eu de nouvelle avant le 21 mars 2016, où, à ce moment-là, M. Boulard m'a téléphoné pour me dire que Mme Savoie demandait
des modifications à mon document de bilan et qu'il m'en reparlerait le
23 mars. Pas de problème, on va se reparler le 23 mars. Le
23 mars, je n'ai eu aucune nouvelle de M. Boulard,
c'était le congé de la fête de Pâques. Et au retour, le 30 mars,
M. Boulard m'avait demandé un rendez-vous à 11 heures du matin, je l'ai donc rencontré le 30 mars
à 11 heures du matin, et, lors de cette rencontre, il m'a déposé un
nouveau bilan en me disant : Mme Savoie
a demandé des modifications, puis voici le nouveau bilan. Alors, j'ai pris ma
copie originale et j'ai comparé sur place, devant M. Boulard, et je me
suis rendu compte qu'on avait retiré huit pages de mon document. J'ai fait savoir à M. Boulard que
le document modifié auquel il manquait huit pages portait encore mon nom et que
je n'étais pas satisfaite, et j'avais dit à M. Boulard : Moi, je ne
mentirai pas au comité d'audit, je ne mentirai pas à M. Dicaire.
Donc,
le 30 mars, le jour même, je devais me rendre au comité d'audit, mais,
pour toutes sortes de circonstances, la partie de la réunion où je devais assister a été annulée, et ça a été
reporté à une conférence téléphonique ultérieure qui s'est tenue le
6 avril 2016. Entre-temps, moi, j'ai écrit à Mme Savoie pour lui
faire savoir que je trouvais ça inacceptable qu'on
prenne un rapport qui porte mon nom, qu'on en enlève huit pages puis sans m'en
informer, sans m'en avertir, sans plus
autre chose que ça. Je trouvais ça assez cavalier, donc je lui ai fait savoir
poliment que je trouvais ça inacceptable. Elle m'a répondu qu'à l'avenir
elle m'inclurait, là, dans la préparation des cartables du comité d'audit.
Ce
que je voudrais porter à l'attention de la commission, c'est que, dans les huit
pages qui ont été retranchées, ce n'était pas n'importe quoi, c'étaient
les résultats de la vérification des contrats pour la partie du processus de
gestion contractuelle qui touche
l'après-octroi, donc après la signature. Ce n'était pas la première fois que j'essayais
de déposer ce document-là au comité
d'audit. J'avais déjà essayé en mai 2015, et Mme Savoie n'avait pas voulu.
Donc là, je me réessayais encore en l'incluant dans mon bilan parce que
je trouvais que c'était important.
Puis j'avais aussi,
dans ces huit pages-là, un texte qui résumait une étude que j'avais faite avec
mon équipe qui touchait les contrats de
services professionnels qui sont assimilables à des contrats de travail.
Autrement dit, c'est des contrats de services professionnels, mais en
fait ce n'est pas ça, c'est des gens qui travaillent comme des employés, donc,
en fait, c'est un contrat de travail déguisé en contrat de services
professionnels. Et puis, nous, ce qui nous avait intéressés là-dedans, c'était le cas des retraités du ministère des
Transports. On avait pris connaissance de deux rapports de la Commission de la fonction publique qui
traitaient de ce thème-là en particulier et on avait voulu voir, on avait
voulu regarder quelle était la situation au ministère des Transports.
J'avais
déjà présenté à Mme Savoie une version préliminaire, en février 2014, à
mon souvenir, et, là encore, bien, ça n'avait pas été possible pour moi de le
déposer au comité d'audit. Pourtant, c'est des sujets qui auraient été
d'intérêt pour les membres d'un
comité d'audit, justement parce que ça aurait pu les orienter ou aider le
ministère à mieux travailler encore nos
vérifications de contrat ou d'aller plus loin dans la vérification des contrats
de services professionnels assimilables à des contrats de travail.
En corollaire de ça,
je voudrais vous dire qu'il y a un tableau qui a été déposé le 31 mai
dernier sur le site Internet de la CAP, qui
est un tableau qui présente une série de contrats de services professionnels
donnés à des retraités. Il est fort incomplet par rapport à la version
que moi, j'ai dans mon document.
Donc,
si la commission le permet, je déposerais deux documents. Je déposerais en fait
les huit pages qui ont été retirées
de mon bilan ainsi que mon étude sur les contrats de services professionnels
assimilables à des contrats de travail.
La Présidente (Mme
Poirier) : Merci, Mme Boily. Votre temps est écoulé, je vais
passer la parole à Mme la députée de Vachon.
Mme Ouellet : Merci, Mme la Présidente. En fait, Mme Boily, quand vous avez fait
votre introduction, vous avez dit que
peut-être enfin vous alliez voir la lumière au bout du tunnel et que vous vous
sentiez très seule depuis 2011, et je dois vous avouer que ça m'a vraiment
touchée, ces affirmations-là d'introduction.
Et là je relie ça à
certaines déclarations que vous venez de faire : On m'a fait comprendre
qu'il ne fallait pas que je demande trop
d'enquêtes. Est-ce que je peux vous demander qui vous a fait comprendre
qu'il ne fallait pas que vous demandiez trop d'enquêtes?
Mme Boily
(Louise) : Mme Nathalie Noël.
Mme Ouellet :
Qui se trouve à être?
Mme Boily (Louise) : Qui à l'époque était... je pense qu'elle était la directrice des
enquêtes par intérim, à l'époque, mais
je ne me souviens pas, ça fait un certain nombre d'années, là. Je vous dirais
que c'est peut-être... Je ne voudrais pas donner de date. Peut-être
en 2012, je ne me souviens pas exactement.
Parce que
j'insistais beaucoup parce
qu'il y avait un dossier en particulier pour lequel mon vérificateur en direction territoriale insistait énormément
pour dire qu'il y avait un dossier problématique. Ça
m'avait pris du temps, moi-même, à être convaincue. Et, une fois que j'ai été
convaincue, bien, j'ai essayé d'obtenir une enquête sur ce dossier contractuel
là, et voilà.
Mme Ouellet :
Dans le rapport qu'on a reçu sur... Audit des professionnels en conformité
des processus, là, les vérificateurs en territoires, il était question
d'intimidation. Est-ce que vous avez vu de l'intimidation? Et avez-vous,
vous-même, été l'objet d'intimidation?
Mme
Boily (Louise) : C'est un
sujet qui est assez sensible à traiter. Si on parle des professionnels en
conformité de processus, mes vérificateurs,
au cours de leurs travaux, m'ont rapporté des faits qui étaient quand même troublants. Et ces faits-là, je les avais rapportés dès décembre
2014, devant plusieurs témoins, à M. Richard Dionne, qui était le
directeur général adjoint à la Direction générale des territoires. Par la suite, j'ai moi-même pris le téléphone puis j'ai appelé, là, dans au
moins une direction territoriale où j'avais un ancien vérificateur qui était
là, et ce qu'il m'avait dit... Si vous permettez,
je vais rapporter ses mots parce que, ce téléphone-là, je l'ai fait aussi devant
témoins. Alors, c'était le 25 mai 2015,
et il m'avait dit : Vous savez, Mme Boily, les directeurs n'aiment
pas avoir des non-conformités, et on a moins de liberté de présenter les
résultats que quand c'était vous qui étiez notre gestionnaire.
Une voix : ...
Mme Boily (Louise) : Le 25 mai 2015.
Mme Ouellet : Donc, Mme Boily, dans
le rapport tronqué qui nous a été déposé par le premier ministre, où il disait qu'«il s'avère qu'après vérification avec chacun des PCP, qu'aucun n'a subi d'intimidation dans le cadre de
leur fonction», c'est clairement, cette page-là...
Mme Boily (Louise) : Moi, je n'ai
pas été rencontrée par aucun enquêteur du ministère, ni aucune personne de la Direction des ressources humaines ne s'est
présentée dans mon bureau pour savoir de quoi il retournait. Et puis je
ne comprends pas, j'étais la directrice de l'audit interne, c'est dans mon
bureau qu'on aurait dû accourir en premier lieu pour que je justifie, que
j'explique qu'est-ce que mes vérificateurs m'avaient rapporté.
Et je
voudrais, à cet égard-là, vous dire aussi que j'ai déposé à l'UPAC une
preuve écrite d'un de mes vérificateurs qui mentionne les problématiques pour lesquelles il y avait eu des
discussions avec les PCP dans deux directions territoriales.
Mme Ouellet : Donc, clairement,
cette page-là, qui a été, je crois, ajoutée au rapport, quand vous faisiez
l'explication de chacune des pages, n'est pas exacte, c'est faux.
Mme Boily
(Louise) : Bien, pour moi,
ce n'est pas exact. Il n'y a personne qui est venu me questionner à
savoir : Mme Boily, est-ce que
vous êtes au courant s'il y a eu de l'intimidation? Puis je l'avais dit, je
l'avais dit à M. Dionne. J'ai réessayé
de l'expliquer aussi au comité d'audit du 27 mai 2015 en mettant des gants
blancs, parce que, quand on parlait de ça, la réaction était très forte. Moi, je vous
explique ça, le coeur me débat, mais vous m'écoutez, mais vous ne levez
pas les bras en l'air en criant : Non,
non, non, ça ne se peut pas, puis : C'est impossible, on ne tolérera pas
ça. Il y a une écoute puis il y a un échange. Ce
n'était pas possible d'avoir ces échanges-là et ces explications-là au ministère
des Transports.
Mme Ouellet : Est-ce que vous avez
l'impression que le ministère des Transports voulait étouffer l'enquête?
• (20 h 50) •
Mme Boily
(Louise) : Ah! là, non, je
ne pourrais pas répondre à votre question. Je ne savais pas moi-même
qu'une enquête serait faite, là, on ne m'a jamais
questionnée là-dessus, on n'est jamais venu me voir. Alors, je
ne peux pas vous en dire plus que ça.
Maintenant, si vous me questionnez sur
l'intimidation, là je vous ai parlé des professionnels en conformité de processus; de l'intimidation, il y en a
eu depuis 2010 au ministère des
Transports. Donc, au début, quand on
a commencé la vérification dans les directions territoriales, il y a
eu de l'intimidation dans au moins quatre directions qui ont été portées
à ma connaissance, dont un cas qui était beaucoup plus lourd et pour lequel
j'avais immédiatement avisé le sous-ministre, le directeur territorial et M. Duchesneau, parce que
ce n'était pas possible. Donc, au moins dans quatre directions territoriales. Je ne voudrais pas rentrer dans les
détails de ça parce que c'est trop difficile, puis l'UPAC va certainement
enquêter là-dessus.
Puis, pour
répondre à votre question, j'ai fait moi-même l'objet d'intimidation. En
2014, je pense que c'est vers le 14 avril
2014, au moment où la commission Charbonneau commençait le traitement du
ministère des Transports, il y avait, je
ne sais pas, un enquêteur de la commission, un M. Desrosiers, je pense,
qui a présenté l'ensemble des rapports d'audit en gestion contractuelle qui avaient été déposés par
le ministère des Transports. Et ça ne faisait pas tellement longtemps
que la présentation était commencée — moi, je suivais ça sur Internet avec mon
personnel — ça ne
faisait pas tellement longtemps que
cette séance-là de la commission Charbonneau était commencée que j'ai reçu un
appel de la Direction des enquêtes me demandant
d'aller au 30e étage. Donc, j'y ai été. Et là je me suis trouvée en
présence de Mme Noël, qui était la directrice des enquêtes, et de Mme Danièle Cantin, qui
était la sous-ministre adjointe, sa supérieure immédiate. Et j'étais assise
à une table entre les deux personnes, à ma
gauche Mme Noël puis, à ma droite, Mme Cantin, mais la table était
adossée à un mur, ça fait que moi, j'avais un mur en face de moi. Puis
Mme Cantin, elle avait une pile de rapports d'audit puis elle me questionnait : Comment ça se fait qu'à la
télévision on présente les rapports d'audit? Ça sort d'où? Elle me
demandait : Est-ce que c'est toi qui a
parlé à la commission Charbonneau? Est-ce que c'est ton personnel qui a parlé à
la commission Charbonneau? Mais,
pour moi, c'était une commission d'enquête légitime, présidée par une juge qui
avait un pouvoir d'accéder à tout ce qu'elle avait de besoin. Il y avait
eu des demandes officielles de rapports d'audit qui avaient été faites au ministère, pour lesquelles j'avais donné
l'information. Mais je me suis trouvée dans une position où je me suis
dit : Bien, il y a quelque chose qui
cloche. On dit qu'on va collaborer avec la commission Charbonneau, puis moi, je
me retrouve dans une situation où je me fais questionner : Est-ce
que tu as donné des rapports d'audit? Qui a donné des rapports d'audit? Est-ce
que c'est toi ou ton personnel?
Donc, j'ai fini par sortir de cette salle-là, je suis retournée dans mon
bureau, j'étais complètement terrorisée. Et finalement, bien, je n'ai pas
dormi de la nuit, je ne vous le cacherai pas. Puis le lendemain, quand je suis
revenue dans mon bureau, bien j'avais peur de revenir dans ce ministère-là.
Pourtant, je me disais, moi, je n'ai rien fait de mal là-dedans, là, il n'y
a rien... ni mon personnel ni moi. Et la même journée j'ai eu un autre
téléphone de Mme Noël qui me demandait si j'avais donné des rapports à M. Duchesneau, et la
conversation s'est terminée en disant : On va trouver puis on va
comprendre.
Donc, pour
moi, c'était carrément de l'intimidation, c'était menaçant. Je ne voyais pas
là-dedans qu'est-ce qui était
d'aspect de collaboration avec une commission d'enquête. Qu'est-ce que vous voulez,
les rapports d'audit existent, ils existaient, il y en avait une partie
qui avait été rendue publique sur le site Internet de l'Assemblée nationale, la
commission en avait demandé officiellement
une autre partie. Que la commission présente des rapports d'audit sur
les contrats, bien, qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Alors, voilà.
Mme
Ouellet : Donc, on comprend
qu'il y a des gens au MTQ qui souhaitaient faire de la rétention
d'information au niveau de la commission Charbonneau?
Mme Boily
(Louise) : Ce que j'ai vu,
dans les faits, c'était que les dossiers qui étaient présentés par un
enquêteur à la commission Charbonneau,
l'analyse qu'il faisait des dossiers contractuels du ministère des Transports,
ça déplaisait certainement à des personnes, et qu'on cherchait à trouver
qui avait parlé, qui avait dit quoi.
Moi, ça m'a
mise extrêmement mal à l'aise parce que je me disais : Ça ne se peut pas,
là, on est dans une... c'est quelque chose d'officiel. Je me sentais...
J'ai eu peur pour moi puis pour mon personnel de ce qui s'était passé, là, j'ai
vraiment eu peur.
Mme Ouellet : Dans le fond, c'est
parce que vous avez une demande de collaboration de la commission Charbonneau, qui vous demande très officiellement
de fournir des rapports, et ensuite vous avez, de la part de gens du MTQ, un questionnement qui laisse sous-entendre
que vous n'auriez jamais dû donner les rapports et qui vous mettent de
la pression sur le fait d'avoir transmis des rapports. Ça donne un message
extrêmement contradictoire et ça donne une espèce de message où...
Mme Boily
(Louise) : C'est un
sentiment de peur qui m'a habitée, je ne peux pas le décrire autrement, Mme
la Présidente, c'est un sentiment de peur.
Et moi, je suis une gestionnaire. Imaginez qu'est-ce que c'est qu'un employé,
peu importe son rôle dans le ministère des
Transports, qui se serait fait appeler à la Direction des enquêtes, assis entre
une directrice des enquêtes puis une sous-ministre adjointe pour se faire
questionner. C'est un sentiment de peur qui m'a habitée pendant un certain temps. Et je peux vous dire qu'à un moment
donné je n'allais plus dans aucune réunion sans me faire accompagner
par quelqu'un de mes employés pour avoir, un, un témoin puis, deuxièmement, me sentir en sécurité.
La Présidente (Mme Poirier) : M. le
député de Berthier, vous avez une 1 min 30 s.
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Ça va être très court : Est-ce qu'à votre connaissance d'autres
personnes que vous ont subi un sort similaire ou une situation similaire?
Mme Boily
(Louise) : Je ne pourrais
pas vous le dire parce que, si c'était arrivé, on ne m'en a pas parlé. Je
ne pourrais pas vous le dire.
Mme
Ouellet : On a cru
comprendre que vous avez changé de poste depuis la signature du rapport. Est-ce
que vous pouvez nous expliquer pourquoi, qu'est-ce qui s'est passé?
Mme Boily
(Louise) : Moi, en fait,
j'ai changé de poste le 13 octobre 2015. Si vous voulez que je vous fasse
un petit peu l'historique de ce changement
de poste là, j'ai reçu une convocation pour me présenter au bureau de la
sous-ministre le 17 septembre 2015. C'était une convocation particulière,
il n'y avait pas d'objet à la rencontre, donc ça m'intriguait. Et ça m'intriguait d'autant plus qu'au ministère des
Transports... c'est assez délicat, ce que je vais dire, mais, quand on
convoque quelqu'un à une rencontre et qu'on ne lui met pas d'objet, c'est une
méthode de la Direction des ressources
humaines, c'est parce qu'on veut rencontrer un employé puis on veut l'intriguer
un peu avant la rencontre pour que,
quand la personne va arriver à la rencontre, elle avoue à peu près tout, même
des choses qu'elle n'aurait pas pensé dire. Donc, je me disais : Ça
doit être la même chose qui m'attend, là, j'ai une convocation, mais je n'ai
pas d'objet.
Et je me suis rendue à cette rencontre-là, j'ai
rencontré Mme Savoie. Le début de la rencontre, c'étaient des banalités. Et donc je pensais que c'était terminé,
je viens pour me lever, elle me dit : Non, assis-toi, il faut encore que
je te parle. Et là elle m'a fait un discours
où elle m'a parlé de la Commission de révision permanente des programmes, qui
venait de déposer son deuxième rapport; de
la commission Charbonneau, qui avait déposé son rapport; du ministre Poëti,
qui demandait de reprendre les enquêtes à
son niveau à elle; et qu'elle avait aussi des impératifs, sans me donner
davantage d'explications sur ce que c'était
que les impératifs. Et là elle m'a annoncé que la Direction des enquêtes et
l'audit interne allaient être reliés ensemble, et là elle s'est tourné
la tête de côté et elle m'a dit : Bien, toi, je te vois à la révision des programmes. C'est la sous-ministre, hein, c'est sa
décision, ça fait que je ne voyais pas comment je pourrais contester ça,
c'était sa décision.
Je peux vous
dire que, contrairement à ce que Mme Savoie a dit le 18 mai à la
Commission de l'administration publique,
je ne lui avais jamais parlé de ma retraite avant le 17 septembre, jamais.
Je lui en ai parlé le 17 septembre, après ce qu'elle m'annonçait là, pour lui dire :
Écoutez, il me reste à peu près peut-être une année à faire, j'aurais pensé
que je finirais mon année à titre d'auditrice interne et que vous auriez pu
nommer quelqu'un que j'aurais formé, où j'aurais transféré mon expertise. J'ai
été directrice de l'audit interne pendant 13 ans et demi de temps.
Donc, ça,
c'est la raison qu'on m'a donnée le 17 septembre. Et Mme Savoie
m'avait dit de ne pas en parler, pour le moment, à mon personnel et que
l'annonce serait faite à peu près vers le 1er octobre, et je comprenais que ce changement-là devait se faire extrêmement
rapidement. Donc, pendant deux semaines, j'ai gardé le silence, j'étais
devant mes employés puis je ne pouvais pas leur dire qu'est-ce qui s'en venait,
et, en catastrophe, je leur ai annoncé ça, le 30 septembre,
parce que, le 1er octobre, je n'étais pas là. Puis le 1er octobre, il
y a un message qui a paru dans l'intranet ministériel annonçant les
changements administratifs. Donc, ça a bouleversé totalement mon équipe.
Moi-même, je l'étais, j'étais bouleversée.
Par la suite,
j'ai eu une autre rencontre avec Mme Savoie, le 3 décembre 2015, dans
laquelle je lui ai reparlé, je lui ai
dit : J'aimerais comprendre davantage pourquoi vous avez fait ce
changement-là. Je lui avais dit : Moi, je me suis sentie
bouleversée, comme mon équipe. Et elle m'avait dit : Bien, c'est parce que
je ne pouvais pas te nommer gestionnaire de
la nouvelle direction, tu es cadre 4. Donc, dans les faits, ce n'est pas vrai,
je suis cadre 3. Je lui ai dit. Elle m'a dit : Bien, M. Boulard, il doit être cadre 2. Mais,
dans les faits, ce n'est pas vrai, nous sommes tous les deux cadres 3. Il y
a eu récemment une demande d'accès à l'information qui a été déposée sur le
site Internet du ministère, et on voit que M. Boulard et moi, à cette
date-là, on était tous les deux des cadres 3 avec le même niveau de salaire.
La
Présidente (Mme Poirier) :
Je vous remercie, Mme Boily. Je vais passer la parole au député de
Montmorency.
M.
Bernier : Merci. Bonsoir, madame. Bonsoir, mesdames. Dans le cadre de
votre travail en audit ou des travaux, madame,
la majorité de vos rapports, vous les conservez dans un endroit précis, à ce
moment-là, physiquement, là, ou si aussitôt
qu'il est préparé, le rapport, vous l'envoyez au bureau de la sous-ministre?
J'imagine que vous avez tous un endroit où vous conservez vos rapports
et qu'ils sont accessibles, exemple, à la vérification interne. Est-ce que la
vérification interne du ministère, en tant que telle, voit vos rapports?
• (21 heures) •
Mme Boily (Louise) : Oui. La
vérification interne, c'était la direction. En fait, l'audit interne,
auparavant, ça s'appelait vérification interne, donc c'était la direction. Tous
les rapports d'audit sont informatisés, sont produits en format Word, ils sont informatisés
et stockés sur le serveur. En fait, ils étaient stockés sur le serveur de la
direction, transmis copie papier ou par un système de gestion de correspondance
ministérielle aux unités concernées pour qu'il y ait des commentaires puis
transmis à la fin en version papier avec une lettre de transmission sous ma
signature à la sous-ministre.
Et une autre chose que je voulais vous dire
aussi, c'est que, quand on transférait les documents en version électronique, on les mettait toujours
en fichier PDF pour ne pas qu'ils soient, justement, altérés, sauf la
partie où on voulait que les gens nous écrivent des commentaires.
M. Bernier : Donc, toutes ces informations-là
sont encore disponibles au ministère actuellement.
Mme Boily
(Louise) : Bien, toutes ces informations-là, elles ont été transférées à la nouvelle direction dans le courant d'octobre ou novembre 2015. Je ne me
souviens pas exactement de la date, mais ça a été transféré par les
services informatiques du ministère parce que moi, je n'étais plus la
registraire officielle de ces dossiers-là. Donc, ça a tout été transféré dans
la nouvelle direction de M. Boulard.
M.
Bernier : Les directions territoriales, quand vous déposiez un
rapport, est-ce qu'ils vous répondaient par un plan d'action ou par
rapport à vos observations? Est-ce que vous vous rendiez là-bas pour discuter
des éléments de recommandation que vous vouliez présenter ou que vous aviez
l'intention de présenter avant de déposer votre rapport ou... Et, par la suite,
est-ce qu'il y avait un suivi sur l'application de vos recommandations?
Mme Boily
(Louise) : Oui, tout à fait.
Dans chacune des directions territoriales, ou la plupart d'entre elles à
la fin, il y avait un auditeur interne qui
était affecté à la vérification des contrats. Là encore, c'étaient des gabarits
qui étaient normés, autant pour le programme de vérification que pour
écrire un rapport. Et ces rapports-là, ils étaient donnés papier, en fait. On les transmettait à la
direction territoriale, parfois, j'imagine, avec un fichier Word pour que la
direction puisse répondre en format Word. Souvent, je voyais des réponses de
directeurs territoriaux qui étaient des réponses manuscrites. Et chacun de ces
rapports d'audit là était aussi conservé dans le serveur de la direction.
Donc,
certainement, à l'époque, là, juste pour la partie avant octroi, il y avait
certainement plus de 6 000 rapports qui avaient été faits. C'est la même chose pour la vérification après
octroi. On avait aussi des rapports. Donc, tout ça était conservé, puis
j'avais demandé qu'on en conserve aussi une copie papier dans chacun des
dossiers contractuels.
M. Bernier : Donc, chaque rapport
que vous avez présenté en regard des secteurs territoriaux, vous en avez
toujours envoyé une copie à la sous-ministre.
Mme Boily
(Louise) : Non. On
n'envoyait pas de copie de ces rapports-là. On faisait des rapports synthèses
qui étaient destinés à la Direction générale des territoires et on envoyait des
documents qui synthétisaient l'ensemble des commentaires
qu'on avait. Et, dans chacun des rapports individuels, il y avait une section
de suivi de l'auditeur interne qui s'assurait que les réponses de la direction
territoriale... qu'il allait y avoir un suivi, en fait, il y avait un suivi de
l'auditeur interne pour savoir si nos... il allait y avoir des corrections à
apporter au dossier contractuel quand c'était possible.
M. Bernier : O.K. À votre
connaissance, bon, ce genre... Ça, c'est un rapport synthèse de l'ensemble de
vos opérations qu'on a en main, là. Celui
qui avait été déposé le 18 mai, là, par le premier ministre, c'est un
rapport synthèse que vous avez préparé?
Mme Boily (Louise) : Ce n'est pas le
même type de rapport. Celui-là, c'était un mandat d'audit spécial pour s'assurer... pour vérifier les travaux qui étaient
faits par des professionnels en conformité de processus, qui relevaient
des directeurs territoriaux. Donc, ce rapport-là a été fait sous la forme
modèle mandat optimisation des ressources. Ce n'est pas du tout le même
gabarit.
M.
Bernier : Selon vous, dans le cadre de vos opérations, est-ce que le
cabinet, les cabinets qui ont passé là-bas, là, que ce soient des
cabinets des différents gouvernements, est-ce qu'ils avaient accès à vos
documents?
Mme Boily (Louise) : Moi, je
n'envoyais pas aucun rapport à quelque cabinet que ce soit.
M.
Bernier : O.K. Donc, les rapports demeuraient sur le plan
administratif avec les sous-ministres strictement.
Mme Boily (Louise) : C'est ça, c'est
ça.
M. Bernier : Vos rapports, est-ce
que le Vérificateur général y avait accès?
Mme Boily (Louise) : Le Vérificateur
général a accès à tous les documents.
M.
Bernier : Est-ce que
le Vérificateur général, dans le cadre de vos activités, communiquait
avec vous, discutait avec vous par rapport à vos rapports ou par rapport à votre problématique que vous avez soulevée tout à l'heure? Est-ce que vous avez eu des
rencontres avec les gens du Vérificateur
général pour expliciter votre problématique ou vos constatations? Parce
que, dans plusieurs
cas, il y a... vous avez des constatations, là, dans ce rapport-là sur le
plan administratif. Est-ce que
vous avez eu à discuter avec le Vérificateur général?
Mme Boily
(Louise) : En 2012, j'avais
été rencontrer une vérificatrice
générale adjointe étant donné
qu'il y avait déjà des
difficultés en
matière d'audit d'interne, que je vivais des situations qui étaient plus
difficiles, et j'avais été chercher conseil auprès du Vérificateur
général. Et donc, par la suite, il n'y a pas eu de suivi qui a été fait de
cette rencontre-là et il n'y a pas eu non plus de mandat de vérification sur
les dossiers contractuels à la suite du rapport de 2009 du Vérificateur général. D'habitude, il y a un suivi trois ans puis
il y a un suivi cinq ans, mais ça n'a pas eu lieu. En 2013, on a reçu une lettre du Vérificateur général qui indiquait que le Vérificateur
général sursoyait à son mandat de
suivi tant et aussi longtemps que la commission Charbonneau n'avait pas terminé
ses travaux. Donc, pour ce qui est des dossiers de gestion contractuelle, moi,
ce n'étaient pas des choses que je discutais, là, avec le Vérificateur général.
M.
Bernier : Donc, à ce moment-là, ce sont les représentants de la commission
Charbonneau qui se sont rendus
vous rencontrer pour obtenir des informations en regard des documents ou des
audits que vous avez faits.
Mme Boily
(Louise) : Bien, la commission Charbonneau a demandé de manière officielle des rapports
d'audit au ministère, que j'ai fournis parce
que c'était une demande officielle qui venait du ministère. Il y avait un site
sécurisé où on allait déposer des documents, ce que j'ai fait.
Et, pour répondre à votre question,
effectivement, oui — maintenant,
là on peut le dire — la
commission Charbonneau m'a rencontrée ainsi
que quelques-uns de mon personnel, mais vous comprenez qu'avec ce qui s'est
passé en 2014 j'ai cherché à protéger mon personnel.
M. Bernier : O.K. Mme Trudel,
dans le cadre des responsabilités que vous avez à assumer, est-ce que vous
aviez une possibilité d'entrer en contact avec Mme Boily par rapport au
travail qu'elle exécutait pour vous aider dans l'accomplissement de votre
travail à vous, de vos responsabilités?
Mme Trudel (Annie) : Bien, en fait,
selon les consignes qui avaient été déployées, je devais passer par l'agent de
liaison qui avait été nommé. Donc, oui, je pouvais la rencontrer dans
certains... prendre rendez-vous avec elle — mais, encore là, l'agent de liaison était
présent — prendre
rendez-vous avec ses employés si ça s'avérait ou faire des demandes de
documents.
M.
Bernier : Donc, vous ne pouviez pas vous asseoir dans une réunion
ensemble pour être capables d'échanger versus
ce que aviez constaté dans le cadre de vos analyses ou de votre travail versus
le travail que Mme Boily faisait, là? Il n'y avait pas de possibilité, là, de vous asseoir pis d'être conjointes,
là, dans l'analyse des données ou des informations?
Mme Trudel
(Annie) : Il y avait une
possibilité, mais toujours en passant pas l'agent de liaison et avec sa
présence.
M. Bernier :
L'agent de liaison était toujours présent.
Mme Trudel (Annie) : Oui.
M. Bernier : Donc, en aucun moment,
vous, vous vous êtes rendue dans les directions territoriales pour être capable d'obtenir de l'information ou valider des
interrogations ou des allégations qui pouvaient être faites en regard
des contrats du ministère?
Mme Trudel (Annie) : Non. Je ne me
suis jamais déplacée dans les directions territoriales.
M. Bernier : O.K., donc...
La Présidente (Mme Poirier) :
...terminé, M. le député. Vous m'en voyez une rigueur.
Alors, je passerais maintenant à la deuxième
opposition. M. le député de La Peltrie.
M.
Caire : Merci, Mme
la Présidente. Peut-être juste boucler la boucle sur les questions
d'intimidation. On a entendu que les PCP
auraient été victimes d'intimidation. Vous, Mme Boily, est-ce que vous
avez eu connaissance de ça? Est-ce que vous avez entendu parler de ça?
Mme Boily (Louise) : ...tel que...
M.
Caire : Excusez,
c'est parce que le micro n'était pas ouvert. Vous dites?
Mme Boily
(Louise) : Oui, alors, tel
que je l'ai expliqué tout à l'heure, au cours de leurs travaux de
vérification, des PCP, des professionnels
en conformité dans les directions territoriales, mes vérificateurs m'ont fait
part de certains faits, que je leur
ai demandé de me mettre par écrit. Comme j'ai dit tout à l'heure aussi, j'ai pris le téléphone, et j'ai appelé un de mes anciens vérificateurs, et je lui ai posé la question,
c'est ce que j'ai expliqué tout à l'heure, qu'il n'était à liberté de mettre les
non-conformités comme quand ils étaient mes employés, que les directeurs
territoriaux n'aimaient pas les non-conformités. Donc, ça, c'est pour la partie
PCP.
M.
Caire : Si je vous
comprends bien, les PCP, on leur demandait de trafiquer leurs rapports, de
changer les conclusions de leurs rapports.
Mme Boily
(Louise) : Je ne peux pas
dire ça, je peux dire qu'ils ne mettaient pas les non-conformités dans
leurs rapports d'audit, mais qu'ils devaient, dans certains cas, les mettre en
remarque. Donc, c'est moins fort de mettre une remarque à la fin d'un rapport que de préciser des non-conformités. Il y a
même une personne qui était professionnelle
en conformité de processus qui avait écrit à un de mes vérificateurs :
J'essaie de plus en plus de les habituer à ce que je leur mette des
non-conformités.
M.
Caire :
Mme Savoie a dit que, par rapport à ces allégations-là, elle avait fait
enquête et aucun des PCP ne lui avait
signalé avoir été victime de menaces, d'intimidation ou de pressions de quelque
nature que ce soit. Alors, comment vous expliquez ça?
• (21 h 10) •
Mme Boily (Louise) : Je ne sais pas
comment l'enquête s'est faite, je ne savais pas qu'une enquête s'était faite, mais personne n'est venu me parler à ce sujet. Et moi, je sais ce que mes
employés vérificateurs m'ont dit, je sais ce qu'on m'a dit au téléphone devant témoins, je sais ce qu'au moins un de
mes vérificateurs m'a écrit, donc j'ai déjà
une bonne idée, là, qu'il devait certainement y avoir des problèmes.
M.
Caire : Donc, si
je comprends bien, dans le processus
d'enquête, vous n'avez jamais été rencontrée par ceux qui étaient
responsables de l'enquête.
Mme Boily (Louise) : Il n'y a jamais
personne qui est rentré dans mon bureau pour me dire : Mme Boily, je
suis un enquêteur et je viens enquêter sur les problématiques des PCP, les
pressions ou l'intimidation. Il n'y a jamais personne qui est rentré dans mon
bureau, je n'en ai jamais rencontré. Je ne suis pas du tout au courant de quel
type d'enquête ils peuvent avoir fait, je n'en ai strictement aucune idée.
M.
Caire : Et, sur les enquêtes à proprement parler, au niveau des PCP, vous n'avez pas eu connaissance
de ce qui s'est passé? Vous ne savez pas qui l'a fait, comment il l'a
fait?
Mme Boily (Louise) : Je n'en ai
aucune idée parce que, voyez-vous, si je comprends bien, ça s'est fait, ce que j'ai compris, en décembre 2015, je n'étais plus
à la Direction de l'audit interne à ce moment-là. Je n'en avais aucune
idée.
M.
Caire : Comment
peut-on expliquer que vous n'ayez pas été rencontrée?
Mme Boily (Louise) : C'est difficile à dire parce que... Je pourrais
vous présenter des faits qui... mais je vous les laisserais à votre
appréciation pour comprendre pourquoi, en tant qu'ancienne auditrice interne,
on ne venait pas me chercher à leur secours.
Je
vais vous donner des faits, vous allez comprendre. Le 9 octobre 2015, je
gérais une direction d'audit interne qui comprenait 30 personnes. Le mardi 13 octobre 2015 au matin,
après le congé de l'Action de grâces, je gérais cinq personnes dans une direction qui n'existait que dans un
message de la sous-ministre sur l'intranet. Aucune personne en autorité
ne m'a demandé d'aide le 18 mai.
J'étais là, pourtant, en 2015, ça aurait été facile, le 18 mai au matin,
de dire : Mme Boily, venez à notre secours, on a besoin d'un
rapport qu'on doit déposer à l'Assemblée nationale. On ne m'a pas demandé d'accompagner la sous-ministre à l'audience de la
CAP le 18 mai. Pourtant, j'étais là, moi, pour le rapport sur les
PCP.
Une voix :
...
Mme Boily (Louise) : 2016, 2016. J'ai eu des versions différentes des raisons de mon
changement d'affectation, je l'ai
expliqué tout à l'heure. J'ai refusé de fermer les yeux sur le caractère plus
ou moins plausible d'un plan d'action pour lutter contre la collusion et la corruption lors de la validation du
rapport annuel 2014‑2015; c'était le 9 juillet 2015 dans une
rencontre au bureau du sous-ministre. Je ne répondais pas à la consigne de ne
pas rapporter les problèmes, même si c'est le rôle d'un auditeur. Je n'arrêtais
pas de fournir des documents puis de laisser des traces.
M.
Caire :
Juste préciser, Mme Boily. Vous dites que vous avez refusé de fermer les
yeux?
Mme Boily (Louise) : J'ai refusé de fermer les yeux. On m'a demandé de fermer les yeux sur
le caractère plus ou moins plausible du plan d'action pour lutter contre
la collusion et la corruption.
M.
Caire :
«On» étant?
Mme Boily
(Louise) : «On» étant Mme Drainville, au bureau de la
sous-ministre, le 9 juillet 2015, devant plusieurs témoins.
M.
Caire :
Elle vous a demandé de fermer les yeux.
Mme Boily (Louise) : Oui, et j'ai refusé, parce que j'ai dit : On valide un rapport
annuel, je ne vais pas fermer les yeux
si ce n'est pas correct. Donc, cette partie-là, on ne l'a pas mise dans la
validation du rapport annuel, mais on m'a demandé de fermer les yeux, et j'ai refusé. Je ne répondais pas à la
consigne de ne pas rapporter les problèmes, même si c'est le rôle de
l'auditeur interne.
M.
Caire :
Cette consigne-là émanant de qui?
Mme Boily
(Louise) : De Mme Savoie.
M.
Caire :
Mme Savoie vous a donné la consigne de ne pas rapporter les problèmes?
Mme Boily (Louise) : Oui. Elle m'avait dit : Tu es cadre 3; je ne veux pas que tu
me rapportes les problèmes, je veux
que tu les règles. Je comprends bien que je pouvais régler un certain nombre de
choses à mon niveau, mais je n'ai pas les pouvoirs d'un sous-ministre.
M.
Caire :
Diriez-vous que plusieurs problèmes que vous aviez à rapporter relevaient de
l'autorité de la sous-ministre en question?
Mme Boily
(Louise) : Je relevais directement de l'autorité de la sous-ministre.
Un auditeur interne, ça relève directement d'un sous-ministre. Je laissais des
traces partout, je demandais des enquêtes.
M.
Caire :
Est-ce que vous êtes en train de dire qu'on vous a demandé de ne pas laisser de
traces?
Mme Boily (Louise) : Bien, c'est parce que, si on me dit de ne pas rapporter les problèmes,
c'est parce qu'on ne veut pas les
savoir. Donc, moi, je les écris. Alors, les écrits, comme je vous dis, où
j'avais parlé d'un dossier de fractionnement
de contrat, je lui avais fait une note officielle, dans un bordereau de
correspondance officielle, ça laisse une trace dans un système
informatique. Ils me l'avaient repoussé.
M.
Caire :
Et donc, nécessairement, ça efface les traces.
Mme Boily
(Louise) : Bien, ça n'a pas effacé la trace parce qu'elle est restée
là, la trace. Donc, c'est ça.
Et
puis évidemment, bien, le rapport d'audit sur les PCP, on m'avait dit que
c'était un rapport qui était acide. Donc, moi, je ne voulais pas changer
mon rapport...
M.
Caire : Un rapport
qui était...
Mme
Boily (Louise) : Acide,
acide dans son écriture. Et je voulais constamment informer le comité d'audit,
je cherchais désespérément à informer le
comité d'audit en présentant des documents, qui étaient tout le temps retirés
du cartable du comité d'audit, et j'essayais de réécrire mes textes, en
fait, pour que ça soit correct. Donc, la réponse à votre...
M.
Caire : Mme Boily, pour précision, vous dites que,
dans vos rapports d'audit, vos présentiez vos rapports au comité et
qu'on retirait des documents du cartable?
Mme Boily
(Louise) : Dans les
cartables qui étaient préparés pour les membres du comité d'audit, j'essayais
de mettre des documents comme je vous en ai présentés.
M.
Caire : Par exemple?
Mme Boily
(Louise) : Par exemple, mon étude sur les contrats de services professionnels pour des...
bon, mon bilan, là, pour lequel il y a eu des pages qui ont été
tronquées, tout ça. Donc, j'ai essayé de mettre de l'information pour éclairer
les membres externes. J'essayais désespérément, mais ça ressortait du cartable.
J'essayais de...
M.
Caire : Mais par
quelle...
Mme Boily (Louise) :
Mme Savoie.
M.
Caire : Par quelle
magie ça ressort, ça?
Mme Boily (Louise) : Bien, parce
qu'elle disait : Bien, vous ne mettrez pas dans le cartable.
M.
Caire : Mais qui
disait ça?
Mme Boily (Louise) :
Mme Savoie.
M.
Caire :
Mme Savoie vous demandait de ne pas mettre ces documents dans le cartable.
Mme Boily (Louise) : C'est ça. Donc,
on retirait, on retirait. C'est ça, je retirais.
M.
Caire : Donc,
Mme Savoie vous empêchait d'informer le comité d'audit.
Mme Boily
(Louise) : Bien, c'est parce que
j'aurais aimé ça expliquer au comité d'audit, arriver avec mes études
qui appuyaient mes programmations, arriver avec mes études, mes analyses
préliminaires qui venaient supporter ma programmation
pour montrer dans quelle direction on pourrait aller puis qu'est-ce qu'il y
avait qui pouvait être intéressant.
Donc, pour
répondre à votre question, bien, l'ensemble de ces faits-là, je les laisse à
votre appréciation, puis vous tirez votre conclusion.
M.
Caire :
O.K. Diriez-vous que Mme Savoie
essayait de contrôler l'information
au ministère des Transports, la circulation de l'information, qui avait
accès à quoi?
Mme Boily (Louise) : Je pense qu'il
y a un contrôle de l'information au ministère des Transports. Je pense qu'il y
en a un.
M.
Caire : Oui, mais est-ce
que Mme Savoie a été une actrice clé dans ce contrôle-là?
Mme Boily (Louise) : Bien, j'imagine
que ça devait venir d'en haut lieu, le contrôle de l'information.
M.
Caire : Au comité
de vérification interne, est-ce que je me trompe ou... si je dis que
M. Dicaire y siège?
Mme Boily (Louise) : Bien, tant que
j'y étais, moi, oui, M. Dicaire y siégeait.
M.
Caire : Est-ce que
M. Dicaire avait aussi, en même temps, un contrat avec le bureau du PM?
Mme Boily (Louise) : Ah! là, ça,
c'est quelque chose que je ne sais pas.
M.
Caire : Vous n'êtes
pas au courant?
Mme Boily (Louise) : Non.
M.
Caire :
O.K. Mme Trudel, est-ce que vous, vous avez eu connaissance de ça, à
savoir si M. Dicaire était au bureau du premier ministre en même
temps qu'il était sur le comité d'audit interne?
Mme
Trudel (Annie) : J'ai lu un
article à cet effet-là en avril 2014, mais je n'ai pas d'information quant au
contrat, à la durée du contrat, le montant du contrat ou à la nature du
contrat.
M.
Caire : Est-ce que
ces faits-là ont été portés à l'attention de Mme Savoie, à votre
connaissance?
Mme Trudel (Annie) : À ma
connaissance, non.
M.
Caire : O.K. À
votre avis, pourquoi Mme Savoie empêchait les rapports d'audit d'arriver
au comité?
Mme Boily (Louise) : Bien, les
rapports d'audit, ça ne présentait pas toujours un portrait tout rose, hein, ça
présentait des situations pour lesquelles ça
aurait eu besoin d'avoir une certaine amélioration. Donc, j'imagine que
c'est parce que ça ne présentait pas une belle image.
M.
Caire : Il reste
combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Poirier) : Il
reste 2 min 15 s.
M.
Caire :
Deux minutes. O.K. Vous avez parlé tout à l'heure de M. Boulard, et le
fameux rapport qui a été déposé à l'Assemblée nationale. Est-ce qu'il
est exact que M. Boulard, suite à ça, est allé en congé de maladie?
Mme Boily
(Louise) : Je ne sais pas ce
qui est arrivé à M. Boulard. Tout ce que je sais, c'est qu'il n'est plus
dans son poste actuellement.
M.
Caire : Mais vous
n'avez pas d'information pourquoi, suite à...
Mme Boily (Louise) : Non, non, non,
je...
M.
Caire : Bien, en
fait, je vais reposer ma question différemment. Est-ce que c'est suite au dépôt
de ce rapport-là que M. Boulard n'est plus à son poste actuellement?
Mme Boily
(Louise) : Je ne pourrais
pas vous dire les raisons pour lesquelles M. Boulard n'est pas à son
poste.
M.
Caire : O.K. Mais
M. Boulard n'est plus à son poste actuellement.
Mme Boily (Louise) : Non. C'est
actuellement mon ancien adjoint qui assure l'intérim.
M.
Caire : O.K.
La Présidente (Mme Poirier) :
1 min 30 s.
M.
Caire : Je peux-tu
remettre ça sur le prochain bloc, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Poirier) : ...
M.
Caire : Je n'ai pas
de prochain bloc? Maudite marde! Je pensais que j'avais...
La Présidente (Mme Poirier) : Vous
pouvez le céder à un autre parti.
Mme Boily (Louise) :
M. Boulard, il relevait directement de Mme Savoie.
M.
Caire : La
sous-ministre.
Mme Boily (Louise) : Oui.
M.
Caire : Vous,
Mme Boily, est-ce qu'on peut dire que vous avez été tassée?
Mme Boily (Louise) : Bien, je
laisserais ça à votre appréciation avec tout ce que je viens de vous dire.
M.
Caire : O.K. Puis
est-ce qu'on peut penser que c'est la même chose qui est arrivée à
M. Boulard?
Mme Boily (Louise) : Je n'en ai
aucune idée.
• (21 h 20) •
M.
Caire :
O.K. Mme Trudel, vous avez fait état d'un comité qui vous attendait avec
votre rapport dans l'optique de s'assurer que vous n'étiez pas
renouvelée. À votre avis, cette commande-là, elle venait de qui?
Mme
Trudel (Annie) : La commande...
M.
Caire :
Parce que vous avez parlé d'une commande.
Mme Trudel (Annie) : Oui, oui. Ils étaient plusieurs, en fait, à souhaiter mon départ, donc je ne peux
pas présumer de qui venait la commande. Je ne sais pas.
M.
Caire :
Qui vous attendait sur ce comité-là?
Mme Trudel
(Annie) : Bien, l'information qu'on m'avait donnée, c'est que Nathalie
Noël et Danièle Cantin s'étaient réparti la
tâche et elles avaient, entre autres... Je ne sais pas si elles s'étaient donné la responsabilité ou elles avaient reçu l'ordre, mais elles attendaient mon
rapport pour l'analyser et le défaire, en fait.
M.
Caire :
Est-ce que c'est la même Mme Noël et la même Mme Cantin...
La Présidente (Mme
Poirier) : Merci, M. le député. Merci, M. le député. M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, mesdames. Tout d'abord, Mme Trudel, je voudrais savoir de
quels outils informatiques le ministère vous avait fournis. Est-ce que
l'ordinateur, vos outils, c'étaient des outils du ministère ou c'étaient vos
outils à vous?
Mme Trudel (Annie) : J'utilisais un ordinateur portable qu'on avait mis à ma disposition, et je ne sais pas si c'est le
but de la question, mais j'avais accès à une imprimante. Et vous parlez des
bases de données aussi?
M. Bolduc :
Oui.
Mme Trudel (Annie) : Oui, j'avais accès à une des bases de données, mais mes accès étaient
limités. Donc, oui, j'avais accès à une des bases de données.
M.
Bolduc : Toute l'information que vous aviez d'entreposée dans votre
système ou dans votre ordinateur portable, vous l'avez mise dans la clé USB pour la remettre à M. Ouellet
avant de quitter? Tout ce qu'il y avait dedans, là, oui, non?
Mme Trudel (Annie) : Oui, mais ce n'est pas à ce moment-là que je l'ai mis sur la clé USB.
En fait, plusieurs mois auparavant,
le département de l'informatique m'ont appelée pour me dire qu'ils mettaient en
place un projet pilote et qu'ils avaient
besoin de mon ordinateur portable pour implanter un nouveau logiciel de
cryptage. Bref, donc, je n'ai pas pris de chance, c'est à ce moment-là que j'ai pris tout ce qu'il y avait sur le
bureau, parce que je ne mettais rien sur leur serveur, je n'avais pas
confiance, donc j'ai tout mis ce qu'il y avait sur le bureau sur une clé USB.
Donc, ils ont quitté avec l'ordinateur, ça ne devait prendre que trois heures.
Le lendemain, j'attendais mon portable, mais, on s'entend, j'avais tout effacé ce qu'il y avait sur l'ordinateur
parce que j'avais transféré ça sur la clé. Donc, le lendemain, ils sont
revenus me voir en disant : Ah! mon
Dieu, on a eu énormément de problèmes avec ton ordinateur, on n'est pas
arrivés, donc on en a besoin plus longtemps, et donc je les ai laissés
garder l'ordinateur tout le week-end. Et le lundi, l'ordinateur n'était toujours pas prêt, c'était vraiment... mon
ordinateur était devenu extrêmement problématique. Donc, je leur ai dit :
Bien, gardez-le et puis donnez-moi-z-en un
autre. Donc, ils m'en ont donné un autre, mais je ne l'ai jamais utilisé parce
que je ne leur faisais plus confiance à ce moment-là, et d'ailleurs ça faisait
partie de mes responsabilités qu'un employé en informatique qui travaille dans
un cabinet devrait être un employé du ministère, ne devrait certainement pas
être un sous-traitant d'un consultant. Donc, voilà, j'ai pris leur ordinateur
puis je ne m'en suis jamais servi, j'ai toujours continué avec la clé.
M. Bolduc :
Donc, la clé USB que vous avez remise à M. Pierre Ouellet n'avait pas été
altérée ou modifiée depuis plusieurs mois?
Mme Trudel
(Annie) : Bien, oui, je travaillais directement sur la clé USB, bien
oui.
M. Bolduc :
Oh! directement, mais avec quel équipement? Vous aviez un autre ordinateur?
Mme Trudel (Annie) : Non, non, j'utilisais l'ordinateur, mais plutôt que de mettre les
informations sur le bureau, je travaillais directement sur la clé.
M.
Bolduc : Maintenant, qu'est-ce qui est arrivé quand vous avez quitté
votre poste? Vous avez mis à jour votre clé USB, est-ce que vous vous
êtes assurée que l'appareil que vous utilisiez ne contenait aucune information?
Mme Trudel
(Annie) : Bien, le deuxième appareil que j'ai eu, il n'y avait rien à
part les courriels. Donc, la journée que
j'ai décidé de quitter, j'ai pris tous les derniers... tout ce que j'avais
comme courriels, je les ai mis sur la clé, puis je leur ai redonné l'ordinateur. Dans le fond, il n'y avait rien
sur l'ordinateur, il y avait tout simplement mes courriels qui étaient
dans la boîte Outlook.
M.
Bolduc : Est-ce que ça incluait l'information qu'il y avait dans votre
poubelle et les dossiers temporaires que vous avez dans votre ordinateur? Vous savez, les dossiers transitoires
qui servent toujours pour... Est-ce que, tout ça, vous avez nettoyé ça
ou si c'était là? Le savez-vous?
Mme Trudel
(Annie) : Bien, vous semez
un doute dans mon esprit. Pour le deuxième ordinateur, je ne le sais pas.
M.
Bolduc : Ça fait que vous n'avez pas d'idée si les informations qu'il y avait dans ces sections-là avaient
été déposées sur la clé USB ou pas?
Mme Trudel
(Annie) : Ah! s'il y en
avait, elles n'ont pas été déposées sur la clé USB parce que je n'ai pas
pensé à aller regarder. À ce moment-là, le deuxième ordinateur, non, je n'ai
pas pensé à aller vider la poubelle.
M.
Bolduc : Merci.
Mme Boily, est-ce que vous aviez une idée de la façon dont les ordinateurs
étaient sauvegardés ou il devait y
avoir un protocole de sécurité qui faisait que les données informatiques de tous les systèmes au
ministère des Transports devaient être
sauvegardées et mises en garde à quelque part pour être récupérées et
conservées pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'effondrement ou de
problème? Est-ce que vous êtes au courant de ça?
Mme Boily
(Louise) : Moi, ce que je
sais, c'est que, pour notre direction, l'information était mise sur le
serveur de la direction, qui était un
serveur qui faisait l'objet d'une sauvegarde régulière par les services
informatiques, et stockée, j'imagine,
à l'extérieur ou peu importe, dans des endroits qui étaient sécuritaires. Donc,
nous, on s'occupait simplement de sauvegarder les fichiers de la
direction sur le serveur de la direction et non pas sur le disque dur des
ordinateurs.
M. Bolduc : Mais, selon votre
connaissance, l'ensemble des fichiers qui existaient dans tout l'ensemble des
équipements du MTQ étaient sauvegardés sur un système central avec une
sauvegarde ultérieure à quelque part.
Mme Boily
(Louise) : Bien là, ça, ça
sort de mon champ de compétence. Je connais juste qu'est-ce qui se passe
en matière informatique, là, pour la
direction. Donc, c'est mis sur un serveur qui fait l'objet d'une sauvegarde
régulière. Par la suite, là, pour savoir qu'est-ce qui arrive avec
l'ensemble des fichiers informatiques du MTQ, je ne suis pas la bonne personne
pour vous répondre.
M.
Bolduc : Puis vous n'avez jamais eu à référer ou à faire des «backups»
de documents que vous avez perdus, ou des
problèmes comme Mme Trudel a eus, où son ordinateur a eu des problèmes
majeurs et que tout s'est évaporé, disons?
Mme Boily
(Louise) : Bien, nous, comme
Mme Trudel a dit, on a eu aussi l'opération cryptage, là, donc il y
a eu ça aussi pour tous les portables du
personnel de la direction. Il arrivait qu'il y avait des problèmes avec les
ordinateurs du personnel. Il est arrivé, dans un cas, qu'il y ait un portable
qui s'est égaré en route. Donc, voilà, je ne peux pas vous en dire plus.
M.
Bolduc : Vous nous avez parlé que vous vous étiez sentie très seule
depuis 2011. Pourriez-vous élaborer un petit peu sur pourquoi, à partir
de 2011, vous vous êtes sentie très seule?
Mme Boily
(Louise) : Parce que j'ai
travaillé, comme je vous ai dit au début, avec cinq sous-ministres, dont
les quatre précédant Mme Savoie.
J'avais des contacts réguliers avec ces sous-ministres-là, on échangeait de
l'information. Je présentais mes rapports
d'audit, j'étais toujours bien accueillie, on me posait des questions. S'il y
avait des problèmes, bien, ces
problèmes-là étaient référés aux unités qui devaient être chargées de s'en
occuper. On me faisait venir au comité de gestion, je présentais mes
rapports.
Donc, les
sous-ministres s'appuyaient sur leur direction d'audit interne, ce qu'à partir
de 2011 je me suis rendu compte que
ce n'était pas tout à fait le cas. Ça m'a pris un certain temps avant de m'en
rendre compte. Donc, j'étais seule parce
que je ne me sentais pas appuyée par la sous-ministre, et donc on s'en ressent
dans ce temps-là. Parce que c'est le message
aussi que je sentais, c'est que je demandais des choses, ça prenait beaucoup de
temps avant que j'aie des réponses des directions. Quand c'était avec les
quatre sous-ministres précédents, bien, les réponses à mes questions arrivaient
rapidement. Voilà. C'est pour ça que je me suis sentie seule.
La Présidente (Mme Poirier) : Et,
bien, il vous reste 40 secondes.
M.
Bolduc : Et je vais finir, il y a un autre bloc. Donc, l'ensemble des
opérations ont changé à partir de 2011, aller jusqu'à ce que vous
quittiez, en...
Mme Boily (Louise) : 2015.
M.
Bolduc : En 2015. Est-ce qu'il y a eu beaucoup de changements ou si
les tendances que vous avez observées
depuis 2011 ont toujours allé dans la même direction? Il y a eu de la variation
ou si c'était toujours un peu le même climat de travail qui
s'envenimait, je dirais, là? Votre perception à vous?
• (21 h 30) •
Mme Boily (Louise) : Bon, pour ce qui est de ma perception des faits,
la situation, au fil du temps, devenait de plus en plus difficile, les relations devenaient de plus en plus
difficiles. À un moment donné, on faisait même des réunions à savoir
comment on va faire pour faire passer nos idées dans nos rapports, comment on
va les écrire, ça devenait de plus en plus difficile. Donc, au lieu de prendre
du temps de travail, bien, c'était du temps pour essayer de monter des
stratégies pour essayer de faire avancer nos dossiers ou bien les expliquer
pour qu'ils soient bien entendus. Donc, ce n'étaient
pas des choses qui allaient de soi comme auparavant. Moi, j'avais vu avec
quatre autres sous-ministres différents, qui avaient des façons de
travailler différentes, mais pour lesquelles j'étais toujours bien accueillie
dans mes travaux. Donc, la situation devenait plus difficile, voilà.
M. Bolduc :
Merci.
La Présidente (Mme Poirier) : Merci
beaucoup. Alors, je passerais la
parole au député de Mercier pour un bloc de six minutes environ.
M. Khadir :
Six minutes. D'abord, je voudrais, avant qu'on oublie de le faire — je
pense que tout le monde partage ma
reconnaissance — vous témoigner de notre reconnaissance, vous dire merci pour le souci que vous avez
apporté pour témoigner, apporter des clarifications toujours appuyées, très
rigoureuses; de nous donner aussi un peu d'espoir, parce que je sens une
volonté commune au sein de notre commission, de nous aider à obtenir ce que
vous avez toujours souhaité, c'est que les
choses s'améliorent au sein du MTQ, puis les irrégularités puissent trouver une
solution. Dans le fond, c'est ça, le message d'espoir.
Et
vous avez mentionné, Mme Trudel, que, dans le fond, il serait juste plus
simple de laisser les employés agir, rapporter, agir, les protéger
plutôt que les discréditer, et donc de faire en sorte qu'on puisse changer ce
que vous avez décrit comme étant la culture
du secret et l'opacité que vous avez constatée. Mais, dans tout ce qu'on a
entendu — parce que,
là, je ne peux pas aller dans les détails, on a six minutes — il y a une explication qui manque, il me
semble. Vous avez parlé de contrôle
d'information. S'il y a contrôle d'information, si on cherchait... par exemple
on vous poussait à fermer les yeux,
on vous demandait à ne pas rapporter des non-conformités, c'est que quelqu'un
devait se sentir autorisé de faire ça pour une raison.
Est-ce
qu'il vous est possible de nous dire les personnes... Parce que moi, les noms
que j'ai retenus, vous avez parlé de
Mme Savoie, la sous-ministre, vous avez parlé de M. Dicaire, qui
siège sur le comité de vérification externe, vous avez parlé de Mme Cantin, de Mme Noël à
divers titres, vous avez parlé de Mme Drainville. Est-ce que chacune de
ces personnes-là qui à différents moments vous
ont fait comprendre que vous ne devriez pas faire ce que vous faites
peuvent l'avoir fait chacune uniquement parce que... puis cette culture du
secret existe dans plusieurs autres institutions... uniquement à cause des habitudes de la culture du secret? Vous venez de
répondre qu'avant 2011 ce n'était pas le cas, donc avant 2011 il n'y avait pas cette culture-là. Alors, si ce n'est
pas juste la culture du secret, est-ce que ces personnes-là peuvent
avoir tous agi tout seuls, c'est un hasard que ces personnes-là se soient
trouvées sur vos chemins puis aient voulu bloquer quelque chose, ou il y avait
une concertation?
Et
là la deuxième question qui vient avant ça, seuls ou en concertation, mais,
s'il y avait concertation, si ça ne peut pas être le hasard de chaque
individu qui le fait pour différentes raisons, est-ce que c'est possible que
toutes ces personnes-là agissent en concertation sans qu'il y ait un
responsable politique qui soit au courant?
Et là il y a la
troisième question. Le responsable politique, le ministre qui a délégué vous,
Mme Trudel, à agir semble, lui, avoir
été très dérangé. Lui, il voulait vraiment régler le problème, tant et si bien
qu'il vous a mandatée d'aller voir ce
qui se passait. Alors, est-ce que c'est possible que ce soit une responsabilité
politique en dessous du ministre qui faisait
tout ça? Et alors pour protéger qui? Des contracteurs? Des entreprises? Ou
est-ce que ces personnes-là ont eux-mêmes bénéficié d'une quelconque
façon, de manière monétaire ou autre? Pourquoi tout ça? Qu'est-ce qui peut
expliquer le contrôle de l'information?
Mme Boily (Louise) : Je ne peux pas répondre à votre question, je peux juste parler
en tant que vérificatrice interne. En vérification, il y a une
expression en anglais qui s'appelle «the tone at the top». La personne qui est
en haut de la pyramide, le conseil d'administration, le responsable d'une
organisation publique ou privée, c'est ce conseil d'administration là ou cette personne-là qui va donner les
orientations à toute la pyramide hiérarchique. Si vous avez affaire à une
personne qui est extrêmement rigoureuse et
méthodique, ça va s'imprégner dans l'organisation si la personne reste là un
certain temps. Si vous avez une personne ou
un groupe en haut de la pyramide qui est plus souple ou qui voit les choses
peut-être d'une manière différente, ça va s'imprégner aussi dans
l'organisation. Donc, en vérification, c'est ça qu'on appelle... Donc, c'est la
personne qui est en haut...
M. Khadir :
Est-ce que vous êtes en train de dire, donc, que c'est Mme Savoie? Parce
que, dans le temps, vous l'avez situé
là aussi, vous avez dit : J'ai senti que j'étais seule depuis 2011, quand
Mme Savoie a pris, en fait, le poste de sous-ministre.
Mme Boily (Louise) :
Probablement que ça, c'est... Je ne peux pas affirmer à 100 % que c'est
ça, mais probablement que, dans le temps, il s'est passé quelque chose qui a
fait qu'au sein de l'organisation du ministère des Transports il y a eu un
changement d'attitude.
M. Khadir : Mais il y a eu
plusieurs ministres qui se sont succédé durant cette période, des deux côtés du
gouvernement, et je suis persuadé que, surtout avec les commissions d'enquête
qu'on avait, tout le monde avait le souci que quelque
chose s'améliore. Est-ce que c'est
les entrepreneurs qui dictaient sa
conduite, à Mme Savoie, pour ne pas que ces irrégularités soient
révélées?
Mme Boily (Louise) : C'est
impossible pour moi de répondre à votre question.
M. Khadir : Alors, une autre question. Il y a
eu aussi des firmes externes chargées par le gouvernement d'y voir
clair, KPMG. Est-ce que vous avez vu le rapport de KPMG sur les demandes qui
avaient été faites pour vérifier les irrégularités au sein du ministère du Transport?
Mme Trudel (Annie) : J'ai pris
connaissance de plusieurs rapports. Ça fait partie de mes recommandations, d'ailleurs. Les représentants du ministère des
Transports ont cette manie de négocier les conditions des conclusions
des rapports avec les gens à qui ils donnent
des mandats. Donc, ça, c'est quelque chose qui, à mon avis, manquait
d'éthique un peu et représentait...
M. Khadir : Vous voulez dire
que les contractuels externes comme KPMG, étant donné qu'ils obtenaient un
contrat du ministère, ils pouvaient se faire dicter les conclusions?
Mme Trudel
(Annie) : Bien, dicter les
conclusions... Selon ce que j'ai compris, les conclusions se
négociaient, il y avait des rencontres pour
négocier quand la firme était rendue à déposer ses conclusions. Ils faisaient
une présentation, puis là les négociations s'entamaient, et puis là ils
s'entendaient sur quelles seraient les négociations.
La Présidente (Mme Poirier) : ...terminé.
M. Khadir : Déjà?
La
Présidente (Mme Poirier) :
Je suis désolée, oui. Alors, M. le député d'Orford... Ah non! Excusez. M. le
député de Trois-Rivières.
M. Girard : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Donc, merci, mesdames, d'être parmi nous aujourd'hui.
Vous savez,
en tant qu'élu, je suis député de Trois-Rivières, je dois parler au nom des
gens qui m'ont élu. Notre travail,
comme parlementaires, c'est un petit peu le même travail que vous avez à faire,
c'est-à-dire de s'assurer que nous avons une saine administration dans
les ministères, une saine administration publique.
Donc, à la lumière de ce qu'on entend
aujourd'hui, au niveau du ministère des Transports, il y a place à amélioration. Comme commission parlementaire,
comme parlementaire, comme élu, moi, la solution que je vois, à l'heure actuelle, c'est vraiment un mandat de travail pour
le Vérificateur général au niveau du ministère des Transports.
J'aimerais vous entendre, de votre côté. À
la lumière de ce qu'on entend aujourd'hui, quelle est la solution? On fait quoi
à partir de demain matin? Comment on
se met en place, en action pour pouvoir continuer, pour améliorer les processus
au ministère?
Mme Trudel (Annie) : Bien, en ce qui
me concerne, il y a une culture à défaire, il y a une culture à briser, à
modifier, à changer, ça fait longtemps que cette culture-là est implantée. Dans
le cadre d'un dossier sur lequel j'ai dû me
pencher à l'époque, dans le rapport Johnson, suite à l'effondrement du viaduc,
lui-même le mentionne dans son rapport que,
s'il avait eu plus de temps, il aurait demandé à se pencher sur la culture.
Puis ça, ça fait en sorte que ça implique de prendre des décisions, par exemple, pour centraliser le pouvoir, par
exemple, pour éliminer la concertation. Donc, c'est toujours les mêmes
gens sur les mêmes rapports qui prennent les mêmes décisions, c'est à ce
niveau-là. Donc, oui...
La Présidente (Mme Poirier) : Madame
la... on va... Excusez-moi.
M.
Girard : ...Mme Boily. En termes de solution potentielle, à partir de
demain matin, moi, je vois le Vérificateur général le plus rapidement possible. De votre côté, vous voyez ça
comment pour régler les problématiques dont on fait allusion
aujourd'hui?
Mme Boily
(Louise) : Bon, à part le
Vérificateur général, qui va se pencher sur les situations dont on a
discuté ce soir, qui va faire des
recommandations, je dirais un peu comme notre nouveau sous-ministre, c'est de
l'écoute, c'est du travail ensemble,
c'est de réapprendre à travailler ensemble et à se faire confiance puis à
avancer, c'est de remettre en marche
des procédures où les gens vont se sentir à l'aise de travailler et vont être
capables de parler à leurs gestionnaires, d'échanger et puis de travailler ensemble dans des projets qui sont
intéressants. C'est dans ce sens-là. Autrement dit, c'est d'enlever la chape de plomb qui est actuellement
sur le ministère pour donner de l'oxygène aux gens puis recommencer à
travailler de manière confiante, parce que les 6 000 employés du
ministère, ce sont des gens qui sont très dévoués.
La Présidente (Mme Poirier) : M. le
député d'Orford.
• (21 h 40) •
M.
Reid :
Merci, Mme la Présidente. Notre collègue de Trois-Rivières a fait une partie de
mon introduction. D'abord, merci. Moi
aussi, je voudrais remercier de votre témoignage, de votre franchise et du
courage aussi que vous avez de venir ici. Et
ce que vous nous dites, c'est qu'il y a quelque chose qui ne marche pas au
ministère, là, c'est clair. Et vous avez dit un mot, je voulais vous demander si vous pensez
que c'est une culture, et vous avez dit : Oui, c'est une culture. Et moi, je voudrais peut-être dire
qu'en gestion, quand on pense culture, c'est quelque chose qui
généralement ne s'invente pas parce qu'il y
a une personne qui est là ou du jour au lendemain, c'est quelque chose qui date
de longtemps. Mais mon père a
travaillé pour le ministère des Transports dans les années 60, 70, et je
peux vous dire qu'à ce moment-là la réputation du ministère des
Transports n'était pas bonne et que ça datait du temps de Duplessis
probablement, mais il y avait une culture dans le ministère qui faisait en
sorte que le ministère n'était pas tellement apprécié. Mon père, il travaillait en sécurité routière, donc il n'avait
rien à voir avec les contrats, et tous ceux qui travaillaient là,
évidemment, ils n'aimaient pas quand les gens parlaient du ministère des
Transports.
Et
je me dis : Il y a beaucoup de choses qui sont venues par la suite qui
pointent vers la culture. Par exemple, le Vérificateur général, quand il était venu à la commission, il nous avait
dit trois fois, après avoir fait son rapport, qu'il n'avait pas vu un réseau à grande échelle de malversation,
mais il avait vu des vulnérabilités. Il manquait de contrôle, donc il y
avait des vulnérabilités. Il me semble que
j'ai entendu ça dans la bouche de M. Duchesneau, j'ai entendu ça dans la
bouche de la juge Charbonneau aussi, qu'il y
avait des vulnérabilités dans le ministère. Donc, il n'y a rien de plus
vulnérable qu'une culture qui systématiquement ou systémiquement laisse
la place à ce que vous avez raconté, à une façon de faire, une façon de traiter
les employés à différents niveaux, etc.
Moi,
je voudrais vous demander : Est-ce que vous avez l'impression, de votre
vécu, que c'est une culture qui est largement répandue? Évidemment, vous
avez des témoignages, là... vous avez parlé surtout de ce qui se passait au niveau, mettons, «middle management» en montant,
là, mais est-ce que vous avez l'impression que c'est quelque chose qui est assez largement répandu, où les gens ont peur
de parler? Par exemple, c'est un indice d'une culture, ça, qui est
malsaine, les gens ont peur de parler. Ce
que vous avez dit au début, par exemple, les lanceurs d'alerte, bien ils ont
peur parce que les autres ne sont pas
d'accord, ne sont pas contents, ça avait l'air général. Mais est-ce que c'est
plus particulier, ce que vous avez
vu, par rapport à votre expérience, au ministère des Transports, comparé avec
ce qui existe ailleurs, ou, en tout cas, est-ce que vous avez l'impression que c'est une large culture? Parce que
le type d'intervention qu'il y a à faire, si c'est le cas, ce n'est pas uniquement une intervention de
vérificateur, même si je suis d'accord avec mon collègue qu'il y a un travail de vérification à faire, mais c'est un
type d'intervention de développement organisationnel, très clairement, si
c'est une culture qui est largement répandue.
Alors,
j'aimerais ça vous entendre toutes les deux, un peu votre perception, vous
n'êtes pas des spécialistes en développement
organisationnel, je comprends, mais votre perception de l'étendue de cette
culture dans ce ministère-là. Auquel
cas, si c'est étendu, il faut aider les employés, et vous le dites, mais il y a
des façons de le faire. Comme vieux professeur de gestion, je peux vous
dire qu'il y en a plusieurs sortes, de façons de faire, et ce n'est pas
forcément de la vérification.
Mme Trudel (Annie) : Bien, moi, je peux... Je vais laisser Mme Boily vous parler de sa
perception, parce qu'elle trempe
dedans. Cependant, il y a une recherche qui a été faite par l'institut
d'éthique de l'Université Laval qui est fort intéressante, et un des points qui fut soulevé... parce qu'ils ont
rencontré des gens au ministère des Transports puis ils ont fait remplir des formulaires à plusieurs, plusieurs
employés, et un des faits qui a été soulevé fut que les employés
savaient que la chose la plus importante au ministère, c'était de protéger
l'image. Donc, ils sont très conscients que, dans certaines situations, ils
doivent prendre des décisions, puis la décision qui va primer, c'est la
décision qui va être celle qui doit être faite pour protéger l'image.
M.
Reid :
Ça, c'est très répandu, d'après vous?
Mme Trudel
(Annie) : C'est très répandu.
M.
Reid :
Donc, c'est un signe d'une culture qui est très répandue, qui est quelque chose
de pas correct, là.
Mme Trudel
(Annie) : Oui.
Mme Boily (Louise) : Pour ce que j'en sais, effectivement, la protection de l'image du
ministère, c'est quelque chose de très important. Donc, oui, c'est
répandu parmi les employés.
M.
Reid :
Et, s'il nous reste quelques instants, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme
Poirier) : 2 min 50 s.
M.
Reid : ...j'aimerais, moi aussi, demander, comme mon collègue,
qu'est-ce que vous pensez qu'on peut faire, mais moi, j'aimerais vous le demander plus précisément. Comment on peut
aider à changer cette culture? Quand vous parliez, au début... C'était assez impressionnant quand vous dites, et
je pense que vous l'avez expliqué, comment se sent quelqu'un qui voit quelque chose de pas correct,
qu'il faudrait qu'il le dise, mais il y a beaucoup de choses qui
l'empêchent de le faire. Comment on peut
aider quelqu'un... On a une loi, mais, quand je vous écoute, j'ai l'impression
que la loi ne suffira pas, il faut
faire une intervention au niveau du personnel, une intervention de ressources
humaines pour aider les gens à le faire. Est-ce que vous avez une idée
de ce qui pourrait être important à faire pour que ça change?
Mme Trudel
(Annie) : Bien là, je ne
sais pas si vous faites référence à la loi n° 87. Si c'est le cas, que ce
soit plus indépendant. Par exemple,
permettre à un ministère de nommer à l'interne quelqu'un qui prendrait des
dénonciations, à mon
avis, ce n'est pas une bonne chose. Même si c'est quelqu'un de l'externe qu'on
prend pour la première année, pour les
années suivantes, c'est quelqu'un qui va avoir créé des liens, puis c'est
quelqu'un qui va faire partie intégrante, puis c'est...
M.
Reid : Donc, il va
rentrer dans la culture.
Mme Trudel
(Annie) : ...qui va rentrer dans la culture, donc ce n'est pas...
C'est plus créer d'indépendance, plus amener des gens de l'externe,
briser des liens qui sont en place, briser des pouvoirs, des centralisations de
pouvoirs. Il y a des gens qui sont là depuis très, très
longtemps, qui bougent puis qui amènent leur personnel avec
eux, et ça, c'est malsain dans ce sens-là où ça exclut toujours les autres, ça exclut les nouvelles idées, mais
ça exclut les possibilités de changement. Le ministère est contrôlé
par une minorité de personnes qui ont beaucoup de pouvoir, beaucoup trop de
pouvoir, à mon avis.
M.
Reid : Est-ce qu'il
reste du temps pour que je demande de commenter également de votre côté là-dessus?
Mme Boily
(Louise) : Bon, il faut
redonner confiance aux employés, il faut leur permettre de s'exprimer et il
ne faut pas les contrôler au point de leur
dire qu'ils ne peuvent pas parler à leurs collègues de bureau parce qu'ils pourraient apprendre des choses sur des dossiers qui ne les
regardent pas. Il faut donner de l'oxygène aux gens pour qu'ils puissent
communiquer, échanger entre eux puis se bâtir une expertise entre eux en
échangeant.
Donc, il faut redonner confiance. Il faut que
les employés soient capables de parler à leurs gestionnaires et en sachant
qu'ils vont être bien accueillis, puis qu'on trouvera des solutions à des
problèmes, puis qu'on va avancer ensemble. C'est à ce niveau-là.
Mais je ne suis pas une spécialiste de
l'organisation.
M.
Reid : ...seriez-vous
d'accord avec moi pour dire que la majorité, l'immense majorité des employés du
ministère seraient très heureux et heureuses qu'on ait ce changement-là?
Mme Boily (Louise) : Fort
probablement.
M.
Reid : Oui, ça ne
m'étonne pas.
La Présidente (Mme Poirier) :
Terminé? Alors, je passerais maintenant la parole à la députée de Vachon.
Mme
Ouellet : Merci,
Mme la Présidente. Mme Trudel, je reviendrais à votre lettre du
4 avril, donc, où vous mentionnez qu'«à
la lumière des développements des dernières semaines, force est de constater
que le nouveau cabinet ne semble pas retenir les mêmes priorités», le
nouveau cabinet au ministère des Transports. J'aimerais ça que vous nous expliquiez les relations que vous aviez avec
l'ancien cabinet, et les relations que vous avez eues avec le nouveau
cabinet, et la différence.
Mme Trudel
(Annie) : Bien, en fait, je
n'en ai pas eu avec le nouveau cabinet. Donc, je n'ai pas eu de
relations, donc ça ne peut pas être plus simple.
L'ancien cabinet, en fait, les conseillers ont
rapidement compris que je possédais une expertise de ce qui se passait à l'intérieur de la machine qu'ils ne
possédaient pas nécessairement, que j'avais un oeil externe sur les
informations, sur la documentation qu'ils pouvaient demander à la machine, et
ils étaient très conscients... la majorité étaient très conscients qu'il y avait un filtre, et qu'ils voulaient savoir, en fait,
là, ce qu'on leur soumettait, est-ce que ça avait de l'allure ou ça n'avait pas d'allure. Donc, c'est le genre
de relations que j'avais avec le cabinet. Souvent, on se servait de moi
pour vérifier des documents, la pertinence
des documents, certaines lignes de presse, si ça avait de l'allure, ce qui
était écrit. Donc, c'est sûr que
j'agissais comme celle qui challengeait la machine parce que je n'étais pas
d'accord avec certaines affirmations dans les lignes de presse. J'ai
toujours senti que j'avais à tout le moins un rôle de protéger le ministre puis de ne pas lui laisser dire des mensonges ou
des atrocités. Donc, voilà. Donc, c'est un peu... pour ce qui est d'eux,
mais ça, c'était une petite partie de mon
travail, dans les faits, de mon quotidien, un petit pourcentage, parce que
j'étais très autonome et je travaillais sur mes recherches, sur mes analyses,
sur la rédaction de mes analyses, finalement.
Mme
Ouellet :
Mme la Présidente, peut-être juste vous informer qu'on a encore beaucoup de
questions. Donc, on informe, là, la commission qu'on va demander tantôt,
en séance de travail, de pouvoir poursuivre le questionnement.
J'aimerais savoir, combien de fois vous avez
rencontré M. Poëti? Et combien de fois vous avez rencontré M. Daoust?
Mme Trudel (Annie) : M. Daoust,
je ne l'ai jamais rencontré. M. Poëti, bien, là, vous parlez de rencontres
officielles, j'imagine, de travail. Je le voyais régulièrement, mais ça a pris...
Je vous dirais qu'au début, les six, huit prochains
mois, je ne le voyais pas. M. Poëti considérait que j'étais quelqu'un
d'autonome qui savait ce qu'il y
avait à faire, il me laissait aller.
Il me disait lui-même : Je te fais confiance, c'est toi qui va me
dire quoi faire, ce n'est pas moi qui va
te dire quoi faire. Donc, il attendait que j'arrive avec des recommandations, des observations, des constatations. Et moi, je jugeais que mon lien, c'était le chef de cabinet,
donc c'est au chef de cabinet que je m'adressais régulièrement, que je
le mettais au courant, des trucs comme ça. Sauf que...
Mme
Ouellet : Quand
vous dites «régulièrement», là, c'est parce que ça peut être très
variable d'une personne à l'autre. On parle de...
• (21 h 50) •
Mme Trudel
(Annie) : Oui, bien, régulièrement... Des grandes discussions, je vous dirais une fois par mois, au
moment où je lui remettais mon compte rendu du mois et puis que, là, je lui
expliquais, mais ça pouvait arriver plus régulièrement que j'aille le voir pour
un dossier en particulier ou un cas en particulier.
Mme
Ouellet : Ces
comptes rendus du mois là, est-ce qu'ils sont sur votre clé USB?
Mme Trudel
(Annie) : Non. Non, bien,
c'étaient des trucs que je demandais au chef de cabinet de garder à son niveau, parce
qu'évidemment je ne voulais pas qu'il fasse circuler ça dans la machine puis
que la machine sache sur quoi je me penchais. Donc, non, c'est des
comptes rendus qui allaient avec ma facturation, finalement.
Mme
Ouellet : O.K.
Donc, ils devraient se retrouver au MTQ, ces comptes rendus là.
Mme Trudel
(Annie) : Non. En théorie,
le chef de cabinet ne les a pas... bref, à ma demande. J'insistais
vraiment, je ne voulais pas que ces comptes rendus là circulent dans le ministère
des Transports, donc il n'est pas supposé...
Mme
Ouellet : Ce que
vous disiez avec votre facture, comme votre facture était payée par le BSM, ça...
Mme Trudel
(Annie) : Oui. Oui, bien,
c'étaient deux documents. C'étaient deux documents différents, oui. Oui.
Mais bref, donc, au bout de six mois, je pense
que le ministre s'est rendu compte qu'il... bref, je pense qu'il s'est rendu compte qu'on avait un intermédiaire,
puis l'intermédiaire ne faisait pas nécessairement... Parce que moi, je prenais pour acquis que tout se rendait, et lui,
bien, je pense qu'à un moment donné il s'est posé des questions parce
qu'il n'y a rien qui se rendait à lui. Ça
fait que c'est à partir de ce moment-là qu'il a commencé à me
questionner : Coudon, qu'est-ce
qui se passe? Puis là c'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé vraiment...
Parce que je pensais qu'il le savait, mais décidément il ne le savait
pas. Donc, c'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à lui dire :
Bien, c'est extrêmement difficile, avoir des
documents, ils ne collaborent pas tant, ça ne va pas si bien que ça. Alors là,
il s'en est mêlé personnellement puis, pour répéter son terme, là, il
brassait le pommier, là.
Mme
Ouellet :
Ce qu'on comprend, c'est que le chef de cabinet de M. Poëti ne
transmettait pas l'information à M. Poëti.
Mme Trudel (Annie) : Exact. C'est ce
que j'ai compris aussi.
La Présidente (Mme Poirier) : ...appeler
un député par le nom...
Mme
Ouellet :
Excusez, excusez. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, excusez. Et
M. Pierre Ouellet, vous l'avez rencontré combien de fois?
Mme Trudel
(Annie) : Rapidement comme
ça, trois. Une fois, bien, pour lui faire un résumé de ce que je
faisais, et à la fin de la rencontre il m'a
dit : Bon, O.K., est-ce que tu pourrais me préparer un document pour me
proposer ce que tu pourrais faire
pour nous? Alors, je lui ai envoyé. Et j'attendais des nouvelles, puis les
nouvelles ne venaient pas. Donc, j'ai attendu, j'ai attendu et
finalement j'ai décidé de prendre la décision de quitter, donc je lui ai envoyé
un courriel pour lui dire que... bien, la
lettre pour lui dire que je quittais, ce qui l'a fort surpris. Donc là, il m'a
proposé une rencontre le lendemain avec Mme Savoie, ce que je me
suis empressée de refuser parce que, selon moi, Mme Savoie n'avait aucun
intérêt... Selon moi, le seul intérêt de Mme Savoie, c'est qu'elle voulait
savoir ce que je savais, là, donc j'avais l'impression...
Pour moi, cette rencontre-là, c'était d'assister à un dîner de cons, et je
n'avais pas l'intention de me soumettre à cette rencontre-là. Donc, je lui ai dit : Non, pas avec
Mme Savoie, mais, oui, ça va me faire plaisir d'aller vous
rencontrer. Il a dit : O.K., très bien,
je te reviens, puis il n'est pas revenu. Donc, je l'ai revu trois semaines plus
tard, quand je lui ai remis officiellement
tout ce qu'il me restait, la clé USB puis les documents que j'avais laissés au
bureau, ma carte d'accès et tout.
Mme
Ouellet : Est-ce
que vous pensez que le député de Marguerite-Bourgeoys — je ne
me tromperai pas deux fois — a
été tassé de son poste à cause de cette enquête-là?
Des voix : ...
La Présidente (Mme Poirier) : Alors,
on va faire attention à nos propos. On est à la Commission de l'administration
publique, on va rester sur la gestion publique.
Des voix : ...
La
Présidente (Mme Poirier) :
S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît, messieurs! La parole est à
la députée de Vachon, avec prudence.
Mme
Ouellet :
Et comment qualifieriez-vous la volonté du nouveau cabinet quant à l'intérêt
relié à vos travaux?
Mme Trudel (Annie) : Si je me fie sur les faits puis leur volonté de vouloir s'informer de
ce que je faisais puis de vouloir prendre action, je suis portée à dire
qu'ils avaient très peu d'intérêt à mes travaux.
Mme
Ouellet : Peut-être pour Mme Boily. Vous dites que,
depuis 2011, vous vous sentez bien seule. Et, à plusieurs reprises, vous avez remis des documents à
Mme Savoie, qui n'a pas fait le suivi, vous avez eu certaines indications
de ne pas pousser plus loin, et vous avez parlé qu'il y a,
dans le fond, une minorité de... je pense que c'est
Mme Trudel qui disait qu'il y
avait une minorité de personnes qui
ont du pouvoir, qui ont un impact. Et je validais un peu les dates et je ne
sais pas si c'est juste pure coïncidence, mais, que les difficultés ont
commencé en 2011, est-ce que les difficultés ont commencé avec le changement de
sous-ministre?
Mme Boily
(Louise) : Fort probablement.
Mme
Ouellet : Et est-ce que c'est sous Mme Savoie qu'il y a
eu la décision de mettre les vérificateurs sous les directeurs
régionaux, donc sous les personnes qui doivent être vérifiées?
Mme Boily
(Louise) : Absolument.
Mme
Ouellet :
C'est assez troublant.
Mme Boily
(Louise) : Je pourrais simplement émettre des hypothèses, mais je ne
voudrais pas aller jusqu'à ce point. Je
dirai qu'en décembre 2011 il y avait eu une réunion, justement, où j'avais participé,
où on devait produire une étude pour
transformer les auditeurs internes en professionnels en conformité de
processus. Dans un sens, ça faisait du sens, parce qu'un vérificateur qui est au milieu d'une chaîne de production,
il joue plus le rôle d'un contrôleur interne qu'un rôle de vérificateur qui est à la fin d'une chaîne
de production. Donc, effectivement, il y avait eu une réflexion à ce
sujet-là. Mais, ce faisant, ce qui m'est
arrivé avec ça, en fait ce qui est arrivé à la Direction de l'audit interne,
c'est que j'ai perdu mon équipe
d'auditeurs au bout de la ligne. Donc, moi, je me suis retrouvée au pied de la
montagne, il a fallu que je recrute encore
toute une équipe d'auditeurs et que je les reforme pour faire l'après-octroi,
donc ça ralentissait un peu mes travaux. Donc, on pourrait émettre
l'hypothèse... moi, j'émets une hypothèse, là, sous toutes réserves, qu'il y
avait peut-être une volonté de ralentir les travaux de la Direction de l'audit
interne.
Mme
Ouellet :
On comprend qu'il y avait une équipe performante qui a été démantelée.
Mme Boily (Louise) : On comprend qu'il y avait une équipe performante qui s'était formée
durant l'hiver 2010 et que, durant
trois ans, ces personnes-là avaient suivi énormément de formations sur plusieurs
systèmes informatiques du ministère,
donc des cours particuliers. Je leur avais même fait donner une formation
complète en juricomptabilité, une formation
de 35 heures de niveau universitaire, parce qu'on s'approchait du moment
où je voulais vérifier après octroi, donc après la signature des
contrats, et je pensais que ça pouvait être intéressant de connaître... en
fait, d'avoir comme vérificateurs, même ceux qui étaient des comptables...
qu'ils aient des connaissances plus poussées en matière de juricomptabilité
justement pour détecter des cas de fraude. Alors, ça, ça a tombé à l'eau parce
qu'en 2013 la majorité de mon équipe d'audit interne a migré vers des postes de
professionnels en conformité de processus, et il a fallu que je réembauche des
personnes.
La Présidente (Mme
Poirier) : 30 secondes.
Mme
Ouellet : Donc, ce que j'entends, c'est que vous aviez une
équipe qui était en train de se préparer pour aller valider des cas de fraude, et qui avait été
chercher la formation nécessaire pour aller valider des cas de fraude, et que
cette équipe-là a été, finalement, disséminée, démantelée, divisée, donc isolée
dans chacune des directions territoriales.
Mme Boily (Louise) : Ils étaient déjà, les auditeurs internes, dans chacune des directions
territoriales. Je les avais préparés
à vérifier des contrats après octroi, notamment je voulais m'assurer qu'ils
étaient bien outillés pour être capables de détecter des cas de fraude, même si dans mon équipe j'avais déjà des
comptables agréés ou des CGA, donc des comptables aguerris, parmi mes auditeurs internes, il y en a
qui venaient du ministère du Revenu, qui avaient travaillé au Bureau de lutte à l'évasion fiscale. Donc, c'étaient des
gens qui étaient quand même compétents, et je voulais leur faire donner
des formations supplémentaires pour qu'ils soient très solides.
Ce
faisant, en devenant des professionnels en conformité de processus, ils sont
restés dans les directions territoriales où ils se trouvaient déjà, mais ils ne relevaient plus de moi mais d'un
directeur territorial et ils ne faisaient plus d'après-octroi, mais ils
continuaient à faire ce qu'ils avaient fait depuis 2010, c'est-à-dire de
l'avant-octroi. Et moi, à ce moment-là, il a
fallu que je recrute de nouveaux vérificateurs, que je les reforme. Donc, je
pourrais dire que, de juin 2013 à décembre 2013, ce n'était pas très
performant.
La Présidente (Mme
Poirier) : Alors, Mme Boily, le temps est terminé. Alors, je vous
remercie.
Une voix : ...
La Présidente (Mme
Poirier) : Oui, je vais tout gérer ça, M. le député de Chomedey.
Alors, je veux vous remercier. Je vous
remercie, mesdames, de votre collaboration. Le secrétaire va aller vous voir
pour assurer la suite des choses pour quitter l'Assemblée, pour assurer
votre sécurité. Et je veux remercier l'ensemble des membres de la commission
pour les travaux que nous avons faits.
Et je vais
suspendre un moment afin que l'on puisse procéder à notre séance de travail,
qui va se faire dans une autre salle. Merci.
(Fin de la séance à 22 heures)