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Commission permanente de l'administration de la
justice
Bill 10 Régimes matrimoniaux
Séance du 15 octobre 1969
(Dix heures vingt)
M. BERGERON (président de la commission permanente de
l'administration de la Justice): A l'ordre, messieurs! Nous allons commencer
nos travaux. Etant donné que nous sommes très ponctuels, nous
allons commencer à l'heure.
Me Crépeau nous a présenté deux mémoires sur
les articles 1266p) et 1266r). Me Crépeau, vous pourriez peut-être
nous donner un compte rendu. D'ailleurs, chacun des membres recevra une copie
du mémoire préparé par Me Crépeau.
M. CREPEAU: M. le Président, il y a deux lettres qui ont pour
objet de répondre au voeu qu'avait exprimé votre commission, lors
de sa dernière réunion. L'une concerne les modifications de fond,
concernant le problème de l'assurance problème que vous
aviez soulevé lors de votre dernière séance et
l'autre concerne le problème de la terminologie, pour assurer
l'uniformité dans les textes concernant les moyens, les ressources du
débiteur pour la détermination des pensions alimentaires.
Si vous me le permettez, en ce qui concerne les dispositions de fond
dans la lettre du 14 octobre, nous suggérons que le second alinéa
de l'article 1266p) soit modifié de façon à ajouter
à la fin du deuxième alinéa les mots: "... si le conjoint
ou les enfants de l'époux ou du conjoint sont
bénéficiaires." Si bien que cet alinéa se lirait: "Le
présent article ne limite pas le droit d'un époux de
désigner un tiers bénéficiaire d'un contrat d'assurance
sur la vie et aucune récompense n'est due en raison des sommes ou primes
payées en l'exécution de tel contrat à même les
acquêts, si le conjoint ou les enfants de l'époux ou du conjoint
sont bénéficiaires."
Le but, vous vous rappelez, c'est que lors de la dernière
réunion, lorsqu'on avait exposé la politique législative
sous-jacente, les représentants des sociétés d'assurance
avaient mentionné la possibilité qui avait d'ailleurs
été évoquée en discussion à l'office
qu'il puisse y avoir à un moment donné, je pense, si j'exprime la
pensée des assureurs, la possibilité pour une personne de nommer
un tiers bénéficiaire en vertu d'un contrat à prime
unique, et dans ce cas-là, il pourrait y avoir une fraude
éventuelle. Vous aviez décidé d'adopter une politique
différente de faire en sorte qu'il n'y ait pas de récompense, si
les bénéficiaires restaient en quelque sorte à
l'intérieur du cercle familial.
C'est la raison pour laquelle nous suggérons, de concert
d'ailleurs avec les représentants des assureurs unis, que le jeu des
récompenses ne soit pas pris en considération si le conjoint ou
les enfants de l'époux ou du conjoint sont
bénéficiaires.
Pour ce qui est du conjoint, il n'y a pas de problème mais nous
avons cru devoir ajouter "ou les enfants de l'époux ou du conjoint",
pour viser la situation où chacun des conjoints aurait lui-même
des enfants sans que ce soient nécessairement les enfants communs. Si
bien que cette terminologie permet, je pense, de prévoir à la
fois les enfants de chacun des époux et les enfants qui leur seraient
communs.
Alors, une fois ce texte adopté pour la société
d'acquêts, il y avait lieu de faire des concordances, les incidences de
ce texte sur les autres dispositions. C'est la raison pour laquelle nous vous
suggérons que l'article 35 du projet soit modifié, parce qu'il
s'agit d'une disposition en matière de communauté, où le
même texte avait été prévu. Nous y ajoutons la
même réserve. L'article 85 également, parce qu'il s'agit
des biens réservés. Le même texte avait été
ajouté. Nous y ajoutons, conformément à votre
décision, la même réserve, si bien qu'au chapitre de la
société d'acquêts, au chapitre de la communauté et
des biens réservés, il y aurait une même politique
législative. C'est le sens de ce premier mémoire.
M. PLAMONDON: Alors, l'article 1266p), voudrait dire qu'une personne a
le droit de désigner un tiers bénéficiaire. Les primes
peuvent être payées en vertu des acquêts et une
récompense doit être payée au conjoint si ce
tiers-là n'est pas un conjoint ou un enfant.
M. CREPEAU: C'est cela. M. COMTOIS: Exactement.
M. CREPEAU: Parce qu'au tout début nous avions cru que, dans la
grande majorité des cas, normalement, ces primes seraient payées
annuellement ou semi-annuellement. Ce seraient des sommes modiques en
général et pour ne pas alourdir la liquidation du régime
on ne -voyait pas la nécessité de prévoir le jeu des
récompenses pour ces sommes modiques. Mais, devant les exemples que nous
fournissaient les experts d'assurance, dans un contrat d'assurance à
prix unique, comme on nous l'a fait valoir, il se peut qu'il puisse y avoir une
fraude. Alors, c'est ce que vous avez voulu corriger.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela nous satisfait, je pense bien.
M. LE PRESIDENT: Alors, l'article 1266...
M. CLICHE: Juste une question. La fraude consisterait en un paiement de
primes exagérées.
M. COMTOIS: Exagérées ou non, l'exemple que nous avons
apporté à la dernière réunion...
M. CLICHE: Exagérées ou très fortes.
M. COMTOIS: Même si ce n'est pas très
exagéré. L'exemple que nous avons apporté, je crois que
c'est celui-là qui va nous permettre de saisir la difficulté.
Disons qu'un mari commun en biens ou marié en société
d'acquêts est à la veille de se séparer, de prendre une
action en séparation. A ce moment-là, il fait émettre,
moyennant une prime unique, cela pourrait être $500, cela pourrait
être $1,000, cela pourrait être $10,000, cela pourrait être
$100,000 une assurance dont il nomme disons sa concubine
bénéficiaire, si les lois de l'assurance le permettent. C'est
cela que nous avons voulu prohiber. Dans ce cas-là, s'il le faisait et
si c'était légal, il devra récompense à la
société d'acquêts des deniers qu'il y a pris pour
constituer ce contrat d'assurance.
M. CHICHE: Parce que l'on prévoit que les montants peuvent
être élevés dans certains cas, ou très
élevés, par rapport à l'actif.
M. COMTOIS: Même si cela n'était pas exagéré,
disons une prime unique je ne sais pas si c'est possible de $500
ou $1,000, cela ne serait pas exagéré pour quelqu'un qui est
millionnaire. Mais même là, cela donnera lieu à une
récompense.
M. CLICHE: Exagérée par rapport à l'actif, en
rapport à la valeur.
M. PLAMONDON: Je pense qu'il est important de faire la distinction.
C'est que l'on considère que l'épouse de cet individu-là
pourrait être lésée du fait que l'argent ayant servi
à payer la prime unique...
M. CLICHE: C'est ce que je dis.
M. PLAMONDON: ... proviendrait d'un bien commun à l'épouse
et à l'époux.
M. COMTOIS: Mais l'époux aurait converti en propre en quelque
sorte des biens communs, des acquêts.
M. LACROIX: C'est cela. Ils bénéficieraient à une
tierce personne.
UNE VOIX: C'est parfait.
M. LE PRESIDENT: Alors, l'article 1266b) tel qu'amendé,
adopté.
M. CREPEAU: L'autre mémoire, M. le Président... Un petit
détail, M. le Président. On vient de me faire remarquer que, dans
le texte qui vous a été soumis, dans la quatrième ligne du
bas de la première page, il y a une virgule qui a été
inséré après le mot "acquêts". Il y aurait lieu pour
éviter toute ambiguïté, d'enlever cette virgule pour faire
en sorte que la phrase se lise: "Et aucune récompense n'est due en
raison des sommes et des primes payées à cette fin à
même les acquêts si le conjoint ou les enfants..."
Si bien que ce dernier membre de phrase s'appliquerait uniquement
à la première partie: "Aucune récompense n'est due en
raison des sommes ou primes payées à même les
acquêts."
UNE VOIX: On enlève la virgule.
M. CREPEAU: On enlève la virgule en français et en
anglais.
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse. Est-ce qu'on pourrait demander que cette
lettre soit produite au journal des Débats. Je pense que, pour la bonne
compréhension, ce serait important. Les deux lettres concernant
l'article 1266p) et 1266r). Nous allons demander au journal des Débats
de bien vouloir les faire entrer pour la compréhension de ces deux
articles.
M. CREPEAU: L'autre problème, assez fréquent, a trait
à la terminologie utilisée. Faisant suite également
si vous permettez, en lisant rapidement le contenu de cette lettre au
voeu que vous aviez exprimé lors de votre dernière séance,
nous avons fait une petite analyse des expressions, des termes qui sont
utilisés dans le code. Nous avons vu qu'en langue anglaise, il y en a
deux: il y a le mot "means", et une seule fois le mot "fortune".
En langue française, par contre, ces mots sont traduits par
"moyens, facultés, fortune". Et, pour être sûr qu'il y avait
de la variété, le projet que nous vous soumettions en ajoutait un
quatrième le mot "ressources". Si bien que, devant ce problème,
nous avons constaté que, par exemple, trois dispositions du bill no 10
emploient le mot "facultés". Les articles 191 et 200 du code civil
emploient le mot "moyens" et l'article 169 du code civil emploie le mot
"fortune". Ce mot est d'ailleurs, l'équivalent du texte français
qui emploie également le mot "fortune" dans le cas visé.
Pour assurer l'uniformisation dans la terminologie nous nous sommes
demandé quelles étaient les diverses nuances entre ces termes, et
nous avons cru devoir vous donner dans le mémoire, les sens
précis qui sont tirés des dictionnaires, du Robert je
pense que c'est un dictionnaire qui peut faire autorité . Si vous
voulez, pour vous permettre de décider, peut-être en meilleure
connaissance de cause, je lis à la page 3: Le mot "ressources" se dit
des moyens pécuniaires d'existence mais il s'emploie
généralement au pluriel, pour désigner des moyens assez
importants tenus en réserve pour les mauvais jours ou constituant des
revenus sûrs." Le sens donné au mot "ressources" est donc assez
restreint.
Le mot "moyens" employé au plusiel signifie richesses,
ressources, facultés pécuniaires. Il est synonyme de
facultés au sens de biens en argent, dont une personne peut
disposer.
Le mot "facultés" employé au pluriel signifie biens,
ressources dont quelqu'un peut disposer. Dans le langage courant, il signifie
encore l'aptitude, la capacité de faire quelque chose.
Le mot "fortune" signifie l'ensemble des biens, des richesses qui
appartiennent à un individu, à une collectivité.
Toutefois, il s'entend le plus souvent d'un ensemble de biens de valeur
considérable ou du moins importante.
Après avoir discuté avec le juge Mayrand, président
du Comité du droit des personnes et de la famille, qui est
précisément en train de reviser cette partie du code, relative
à la famille, de même qu'avec notre confrère Me Roger
Comtois, et Me Denyse Fortin-Caron, du bureau d'études, il semble que le
mot "facultés", qui est utilisé à plusieurs endroits dans
le code, doive déjà être préféré.
Il aurait un sens plus étendu que les mots "moyens", "ressources"
et "fortune", ce qui permettrait aux tribunaux, éventuellement de
prendre en considération non seulement les revenus et la fortune de
chacun des époux, mais aussi leurs possibilités de gain, compte
tenu de leur état de santé, de leurs capacités
intellectuelles et autres.
Enfin, les mots "fortune" et "facultés" sont utilisés dans
le code civil français, si bien que nous vous recommanderions, si vous
le désirez, d'utiliser le mot "facultés", et alors nous
utiliserions ce mot partout où cette expression est employée,
notamment dans les articles 1266r), 1438, 1447 de ce projet de loi, dans les
articles 191 et 200 du code civil, et à l'article 169.
M. PLAMONDON: Et dans le texte anglais...
M. CREPEAU: Le mot "means" serait uniformisé. Nous changerions
l'article 169 dans sa version anglaise qui emploie le mot "fortune", pour en
venir au mot "means".
MME KIRKLAND-CASGRAIN: "Means". Parfait.
M. CREPEAU: II y aurait donc un seul mot partout.
M. PLAMONDON: Est-ce que les membres de l'Office de revision du code
civil seraient d'avis de suivre cette même procédure lors des
prochains amendements qui seront apportés dans le code?
M. CREPEAU: Oui. Ce que nous sommes en train de faire...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: On propose une uniformisation, en somme.
M. PLAMONDON: Non seulement dans le bill 10.
M. CREPEAU: C'est cela. Nous avons créé ce comité
de rédaction, qui est en train de bâtir un petit fichier de
vocabulaire pour être sûr que lorsque nous employons un mot dans un
sens, si nous voulons exprimer la même réalité dans un
autre chapitre, nous aurons là le mot à notre disposition, et
dans sa version française, et dans sa version anglaise.
M. GARDNER: Le mot "means", en anglais, n'est-il pas plus restreint que
le mot "facultés" en français?
M. CREPEAU: Vous voyez, c'est possible. Seulement, quand j'en ai
parlé à mes collègues de langue anglaise qui ont
travaillé à la rédaction, le mot "means" semble si
employé et faire partie à ce point du vocabulaire juridique,
qu'ils ne voyaient aucun inconvénient; au contraire, étant
donné le nombre de fois où le terme était employé
en langue anglaise, ils ne voyaient aucun inconvénient pour maintenir ce
mot en langue anglaise.
M. PAUL: Est-ce qu'il n'y aurait pas seulement deux termes possibles:
"means" ou "fortune" pour l'anglais?
M. CREPEAU: Ce sont les deux seuls auxquels nous nous sommes
arrêtés, parce qu'il n'y a qu'une seule fois où nous avons
rencontré une différence dans les textes anglais, et c'est
l'article 169 qui a voulu traduire littéralement le mot "fortune" en
français, par "fortune". Et dans tous les autres cas, "means"
était employé couramment.
M. COMTOIS: J'ai l'impression que le mot "facultés"
lui-même ne se traduit presque pas en anglais. Je crois que vous avez
raison de dire que le mot "facultés" est plus que "means".
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est plus vaste.
M. GARDNER : C'est mon opinion.
M. COMTOIS: Mais il y a de ces situations où on ne peut pas
arriver à une traduction aussi complète, c'est le génie de
la langue.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est parce que "facultés", à mon
sens, ce sont des possibilités de gain, possibilités de...
M. CLICHE: Le mot "moyens" rendrait encore plus l'idée
générale. Le mot "moyens" plutôt que "facultés".
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est ce que j'avais allégué la
dernière fois. Mais, je me suis
ralliée à l'opinion des juristes, je ne comprends
pas...
M. COMTOIS: La différence... C'est à vous à
décider entre les deux ternies. Si vous dites "moyens", c'est ce qu'on
a, c'est ce qui est actuel. Tandis, que "facultés", cela peut même
être la possibilité éventuelle de gains, de moyens
futurs.
M. PAUL: Oui, c'est cela.
M. CREPEAU: L'aptitude. Par exemple, lors des discussions à
l'office, on donnait le cas d'une femme mariée qui a une profession et
qui, pour des raisons de famille, reste à la maison pour avoir soin des
enfants. Pendant cette période, elle a une aptitude de gains qui est
plus grande que, en fait, ce qu'elle peut réaliser comme
bénéfices ou comme salaire. Elle a une aptitude plus grande, si
bien qu'on pourrait parler de "facultés".
M. CLICHE : Cela veut dire plus que "moyens".
M. LE PRESIDENT: Alors adopté?
M.PAUL: Est-ce que cela couvre même les gains futurs ou la
possibilité de gains futurs?
UNE VOIX: La capacité de gains.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: "Earning possibility" en anglais à mon
sens.
M. GARDNER: With means? ...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: "Means" c'est présent, mais ce n'est pas
"possibility of earnings" nécessairement.
M. GARDNER : Oui mais il reste à dire que le mot "means" a une
signification plus restreinte que le mot "facultés".
M. COMTOIS: D'accord. C'est devant l'impuissance de trouver un mot
aussi...
M. GARDNER: Ne serait-il pas possible d'ajouter un mot comme le
soulignait Mme Cas-grain?
M. COMTOIS: Bien, celui-là, je ne l'aime pas beaucoup.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Bien, "possibility of earnings" n'est
sûrement pas légal, mais cela transmet un peu l'idée de
"facultés" à mon sens. Ceci n'est pas transmis dans le mot
"means".
M. PAUL: C'est parce que nous voulons introduire un nouveau terme dans
la version anglaise de notre code.
M. COMTOIS: Si nous en introduisons un autre, j'aimerais que ce ne soit
pas celui qui est suggéré par ça; il me semble que cela
obligerait le juge ou les époux, dans le cas d'une pension alimentaire,
parce qu'on en emploiera partout dans le Code, notamment en matière de
pension alimentaire. Est-ce qu'on va déterminer la pension alimentaire
non seulement sur les "means", mais également sur les... Quelle
était votre traduction, madame?
MME KIRKLAND-CASGRAIN : Je voudrais qu'on ajoute "and earning
possibilities" parce que "means", à mon sens...
M. COMTOIS: "Earning possibility" surtout pour une femme, c'est presque
illimité.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense que cela peut s'appliquer
aujourd'hui.
M. COMTOIS: Tout de même ce serait plus généralement
l'homme parce que c'est une minorité de femmes qui travaillent; il n'y
en a pas 50 p.c. L'homme est censé avoir plus de "means" actuels et
avoir épuisé ses "earning possibilities", tandis, que la femme a
peut-être moins de "means", mais est remplie de "earning possibilities".
Ce n'est pas une question féministe...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je n'en fais pas du tout une question
féministe mais moi, je ne vois pas, là. Je trouve que
"means"...
M. COMTOIS: Mais moi, j'aimerais trouver un mot un peu moins fort que
celui que vous suggérez "earning possibilities".
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Moi, je ne m'attache pas au mot. Je cherche
à trouver quelque chose qui rende l'idée.
M. COMTOIS: Dans la pratique judiciaire, nous nous attachons
malheureusement aux mots.
M. CREPEAU: Je pense qu'il y a une chose à laquelle il faut faire
attention: c'est que dans le vocabulaire juridique en langue anglaise, le mot
"means" est entré dans les moeurs.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah, pour ça, il n'y a pas de doute.
M. CREPEAU: Chaque fois qu'il est question de pension alimentaire, on
dit toujours: "According to the needs of one and the means of the other".
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Comme le terme français "moyens"
d'ailleurs. A moins que je sois bien démodée. Mais j'ai
exercé ma profession pendant neuf ans et c'était le mot qui
revenait toujours...
M. PAUL: Les moyens de payer.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... les moyens et les besoins. Il fallait
toujours déterminer les besoins de la requérante ou du
requérant et les moyens de l'intimé.
M. CREPEAU: C'est cela. D'autant plus que ce n'est pas seulement un
terme populaire, en français non plus. C'est un terme juridique qui est
employé dans le code, à deux endroits. Vous pourriez retenir le
mot "moyens" en français et le mot "means" en anglais, cela correspond
à une utilisation courante des termes. Seulement, si vous
considérez l'état actuel du droit, vous voyez qu'il y a six
articles du code civil où l'on utilise plutôt le mot
"facultés", et, également dans la loi fédérale sur
le divorce, on emploie le mot "facultés", et cela aurait le sens un peu
plus étendu de fixer l'indemnité suivant, non seulement ce que
l'on possède, mais ce que l'on est apte à gagner, les
aptitudes.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. CREPEAU: Maintenant, du côté anglais, étant
donné qu'il n'y a qu'un mot qui a toujours été reconnu,
qui a toujours été utilisé dans la langue juridique, nos
collègues estimaient que c'était parfaitement clair qu'il n'y
avait pas lieu de déranger pour le seul plaisir d'uniformiser. Il y
avait seulement le mot "fortune", la seule dérogation, et il semble que
là, pour l'uniformisation, on puisse utiliser "means" partout dans le
code.
M. GARDNER: Est-ce qu'il ne serait pas bon d'ajouter dans les
définitions des termes, au début du code, la signification exacte
du mot?
M. PAUL: II faudrait dresser à ce moment-là tout un
dictionnaire.
M. COMTOIS: Oui.
M. CREPEAU: Le but du code civil...
M. COMTOIS: Regardez l'index à la fin, il y a quantité de
termes à définir.
M. CREPEAU: Vous savez qu'à l'article 17 de notre code, nous
avons ce qu'on appelle la cédule, dans laquelle il y a un certain nombre
de définitions. Nous voulons éliminer cela du code civil pour
deux raisons. La première, c'est que nous voudrions que le code civil
parle un français courant, et que les mots utilisés dans le code
aient le sens que nous donne le dictionnaire. Sauf des cas très
précis où l'on a cru bon d'avoir une définition juridique.
Là, cela se trouverait dans le chapitre premier de
l'interprétation, qui est une des premières lois de nos statuts
refondus du Québec qui fait actuellement double emploi avec cette
cédule du code civil. Si bien que dans les cas où il y aurait un
sens technique propre, nous refoulerions ces définitions dans le
chapitre général de l'interprétation, qui s'applique
à toutes les lois de la province.
M.PAUL: M. Crépeau; lorsque vous parlez d'un
français courant, vous faites sûrement exception pour le terme
"acquêts"...
M. CREPEAU: Vous savez, c'est un peu comme hypothèque,
emphythéose... On n'osera pas dire antichrèse. Mais, dans le
langage courant, c'est-à-dire la langue juridique courante
peut-être... pardon?
M. LACROIX: Des mots sur lesquels on passe vite. C'est pour cela qu'on
les appelle courants.
M. CREPEAU: "Emphytéotique" au fond, on s'y habitue.
M. PAUL: Ce n'est pas pour référer à des
discussions passées.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: J'aime beaucoup que cela vienne de vous.
M. LE PRESIDENT: Alors, est-ce qu'on accepte les suggestions de nos
experts pour se situer dans nos facultés?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Moi, j'aurais une question à poser. Par
exemple, nos juges sont bilingues pour la majorité. Alors, s'ils sont un
peu embêtés pour interpréter "means" dans son sens le plus
vaste, quand ils vont voir le mot "facultés", ils vont sûrement
être influencés par ça, j'imagine.
M. CREPEAU: Sans aucun doute.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. CREPEAU: Suivant la règle normale d'interprétation, M.
le Président, aucun texte n'a préséance.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Alors, en l'occurrence, moi, ça me
satisfait. Je sais qu'il y a déjà ce terme utilisé en
français.
M.PAUL: M. Crépeau, je me réfère de mémoire
aux règles d'interprétation. Je crois que ce sont les articles
1013 et les suivants du code, à moins que je ne me trompe.
M. CREPEAU: Au sujet?
M. PAUL: Des règles de l'interprétation.
M. CREPEAU: Des contrats?
M. PAUL: Des contrats. L'interprétation des contrats. Ah, des
contrats, très bien !
M. CREPEAU: L'article 1013 du code civil. M. PAUL: Excusez, très
bien. M. GARDNER: Adopté.
M. PAUL: Monsieur le professeur nous donne une lumière verte.
M. LE PRESIDENT: Alors, adopté. Le 1266s). La
société d'acquêts se dissout: 1. Par le décès
de l'un des époux; 2. Par la dissolution du mariage pour une cause autre
que le décès; 3. Par le changement conventionnel de régime
selon les dispositions des articles 1265 et suivants; 4. Par le jugement qui
prononce la séparation de corps ou la séparation de biens; 5. Par
l'absence de l'un des époux dans les cas prévus aux articles 109
et 110 du code civil.
M. CREPEAU: II y aurait lieu, si vous permettez, d'ajouter un
sixième cas: le divorce.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. CREPEAU: Maintenant, sur la terminologie elle-même, je pense
qu'il y a une petite divergence d'opinions: dans le bill 8, le
législateur québécois a parlé du divorce
légalement prononcé. Nous estimons, nous, pour que, lorsqu'on dit
divorce, nous présumons qu'un divorce a été
légalement prononcé, et qu'il n'y aurait pas lieu de le dire.
Quand on dit le divorce, ça nous parait suffisant, seulement, question
de concordance, comme le législateur a récemment parlé du
divorce légalement prononcé, la question se pose de savoir ce que
vous pensez.
M. PAUL: M. Crépeau, est-ce qu'il n'y a pas possibilité de
détourner votre argumentation? Je le dis, d'une façon bien
objective, avec beaucoup de courtoisie. Si, à quatre, par exemple, on
disait: Par le jugement qui prononce la séparation de biens ou le
divorce, vous ne mettriez pas un sixième paragraphe. Et à ce
moment là, vous donneriez l'interprétation qu'on a donnée
dans la loi du divorce.
M. CREPEAU: D'accord. Maintenant, si, dans l'ordre décroissant,
M. le ministre, vous disiez: Par le jugement qui prononce le divorce, la
séparation de corps, la séparation de biens?
M. PAUL: Oui, c'est bien.
M. CREPEAU: Je pense que ce serait un rapport tout à fait
préférable.
M. PAUL: Cela nous évite d'ajouter un sixième
paragraphe.
M. CREPEAU: C'est ça!
M. PAUL: Et ça interprète exactement de la même
façon ce que le législateur a voulu consacrer par le terme
"divorce légalement prononcé".
M. CREPEAU: II faudrait, je pense, enlever alors le deuxième
paragraphe de cet article, qui a été inséré au
moment où cette cause existait, mais par un euphémisme, on
n'osait trop le dire: Par la dissolution du mariage pour une cause autre que le
décès.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui. Parce que le divorce n'était pas
légalement prononcé dans la province de Québec.
M. CREPEAU: Mais, à ce moment-là, le mot était
honni.
M. PAUL: II était indécent!
M. CREPEAU: Si bien qu'on pourrait dire: Par le jugement qui prononce le
divorce, la séparation de corps ou la séparation de biens.
M. PAUL: Et faire disparaître le paragraphe 2.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, là dessus,
j'aimerais bien avoir l'opinion des juristes que nous avons avec nous, qui eux,
ont étudié, je pense, en France. Est-ce que ce n'est pas exact de
dire que cet article va placer la Québécoise dans une situation
plus avantageuse que la femme française à l'occasion de la
dissolution soit par le divorce ou toute autre cause?
En d'autres termes, est-ce qu'il est exact de dire qu'en France la
légitime n'est pas protégée au moment d'une
séparation ou d'un divorce, alors que, par cet article, ici, la
Québécoise sera protégée? C'est ma question. Est-ce
que c'est précis?
M. COMTOIS: Je crois qu'en France, à la suite d'un divorce,
là où il y avait communauté de biens ou communauté
réduite aux acquêts, cela donne ouverture, c'est une dissolution
de communauté. Quand vous dites "la légitime", voulez-vous dire
la femme légitime ou la légitime en matière de
succession?
M. CREPEAU: Par succession.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: D'accord, la femme légitime.
M. CREPEAU: Ni ici, ni là-bas, la dissolution de
communauté ne donne lieu à des paiements
de nature successorale. C'est seulement la société
d'acquêts, ici, qui est dissoute, et ce n'est que la part d'acquêts
que le conjoint a le droit de réclamer, qui peut être
réclamée.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, je comprends. Mais je me suis laissé
dire et je veux savoir si c'est exact qu'en France, justement, la
légitime n'était pas protégée de la même
façon, n'avait pas cette protection.
M. COMTOIS: La légitime... C'est-à-dire la
séparation, le divorce ne donnent pas ouverture à la
légitime.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Bon, c'est cela...
M. COMTOIS: C'est uniquement le décès. C'est la même
chose ici. D'ailleurs, on n'a même pas de légitime ici encore.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Mais non... M. CREPEAU: C'est cela, la
différence.
M. COMTOIS: A moins que vous ne disiez que la société
d'acquêts est une espèce de légitime?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Mais l'épouse survivante, disons, de la
société d'acquêts, se trouvera protégée par
cet article.
M. COMTOIS: Comme la femme en France.
M. CREPEAU: Je pense que dans l'état actuel de notre droit,
étant donné que nous, ici, dans la province de Québec,
nous avons, encore pour un certain temps, le principe de la liberté
illimitée de tester...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est cela.
M. CREPEAU: ... par ces dispositions, je pense que nous accordons une
protection beaucoup plus grande à la femme. Parce que, dès le
moment de la dissolution, que ce soit par divorce, par séparation de
corps, ou même par une simple séparation de biens, elle obtient de
droit la moitié des acquêts, ce qui lui est une protection
efficace. D'autant plus efficace qu'au terme, par le décès, nous
n'avons pas encore de quotité réservée à la
femme.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est justement ce que je voulais vous entendre
dire, M. le Président. Depuis le temps qu'on nous vante les lois
françaises et qu'on nous dit que les Françaises mariées
sont dans une situation beaucoup supérieure à la nôtre, je
suis contente de cette mise au point et c'est ce que je tentais d'obtenir. Je
vous remercie.
M. CREPEAU: Cependant, si vous me le permettez, lorsque le comité
du droit des personnes et de la famille aura passé à la
réforme du droit successoral, à ce moment-là, je pense que
nous allons pouvoir vous proposer une modification de l'article 831, qui verra,
d'une façon ou d'une autre parce qu'il y a plusieurs
façons de le faire à restreindre les pouvoirs de
tester.
M. LE PRESIDENT: Alors adopté, 1266...
M. PAUL: Un instant, M. le Président, il faut bien s'entendre, le
deuxièmement de 1266s) disparaîtrait complètement...
M. LE PRESIDENT: C'est cela.
M. PAUL: ... et ensuite 3 devient 2 et ainsi de suite...
M. LE PRESIDENT: C'est cela. 3 devient 2, 4 devient 3, et au nouveau 3:
"... qui prononce le divorce, la séparation de corps,...
M. PAUL: Très bien.
M. LE PRESIDENT: ... ou la séparation de biens." Et 5 devient
4...
UNE VOIX: Pas de virgule...
M. PAUL: Non. Le divorce, la séparation de corps ou la
séparation de biens, il n'y a pas de virgule...
M. LE PRESIDENT: A l'article 1266t): "Après la dissolution du
régime, chaque époux conserve ses biens propres. "Il a la
faculté d'accepter le partage des acquêts de son conjoint ou d'y
renoncer, nonobstant toute convention contraire".
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela me parait logique.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: De notre côté, adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. L'article 1266u): "L'acceptation peut
être expresse ou tacite. L'acceptation tacite peut résulter
notamment de l'immixtion de l'époux dans la gestion des acquêts de
son conjoint, postérieurement à la dissolution du régime.
Les actes conservatoires ou du pure administration n'emportent point
immixtion".
M. PAUL: Est-ce que vous ne mettez pas un peu de côté les
principes du code aux environs de l'article 940, à l'effet qu'on ait
trois mois pour faire l'inventaire et 40 jours pour délibérer?
C'est à l'article 1266u).
M. Crépeau, c'est la deuxième fois que Mme
Kirkland-Casgrain me souffle, et moi-même cela m'avait un peu
chatouillé: Est-ce que le mot "immixtion" n'est pas un terme nouveau
dans notre langage juridique?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Dans le code civil, je ne me souviens pas d'avoir
vu cela.
M. COMTOIS: S'immiscer, c'est dans le code civil.
M. CREPEAU: S'immiscer, par exemple, dans les acceptations.
M. COMTOIS: D'après moi, dans le code, le mot existe
déjà. J'ai l'impression qu'il existe déjà.
Le mot "immixtion" est à l'article 1339 du code actuel,
deuxième paragraphe. "Les actes purement administratifs ou
conservatoires n'emportent pas immixtion."
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah! M. COMTOIS' A l'article 1339. M. PAUL: Je
m'excuse.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Quel article avez-vous dit?
M.PAUL: L'article 1339, deuxième paragraphe. "Les actes purement
administratifs ou conservatoires n'emportent pas immixtion."
Maintenant, j'ai soulevé un autre point. Cela a effleuré
tout simplement mon intelligence. Est-ce qu'on ne met pas de côté
le principe de droit acquis à l'effet qu'un héritier a le droit
de faire inventaire durant trois mois et délibérer pendant 40
jours?
M. BERGERON: Ce n'est pas un cas d'héritage.
M. COMTOIS: En matière de succession, en matière de
dissolution de communauté, ce sont à peu près les
mêmes principes, pour l'acceptation, pour la renonciation et pour le
bénéfice d'inventaire. Je crois que, nulle part dans le code
actuel, on oblige quelqu'un à faire inventaire ou
délibérer quand il est prêt à accepter tout de
suite, disons bêtement. Par contre, si on donne un délai de trois
mois pour faire inventaire et de 40 jours pour délibérer, cela
est bien plus pour celui qui veut, soit renoncer, soit accepter ce
bénéfice d'inventaire. On ne peut pas accepter ce
bénéfice d'inventaire à moins de faire inventaire et pour
faire inventaire on donne ce délai-là.
M. PAUL: D'un autre côté, au point de vue pratique, je
pense bien que le conjoint va être assez bien au courant de ce dont peut
se composer la société d'acquêts.
M. COMTOIS: Dans la pratique, s'il est sûr que l'affaire est
bonne. Il va accepter tout de suite. S'il est sûr qu'elle est mauvaise,
il va renoncer tout de suite. S'il a des doutes, il prendra ses trois mois pour
faire inventaire et 40 jours pour délibérer. Cela lui est acquis
actuellement et cela lui est reconnu de nouveau dans le bill 10.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela ne lui est pas enlevé ici.
M. COMTOIS: Il n'y a pas de nouveau là-dessus. Ce sont à
peu près les mêmes méthodes d'option du conjoint survivant,
ou du conjoint tout court, pour le cas d'un divorce ou d'une
séparation.
M.PAUL: Ou dans le cas de succession. A l'article 1342 ici, dans le
code, je crois que c'est le même principe.
M. CLICHE: L'immixtion, cela veut dire plus que pure administration.
M. PAUL: Pardon?
M. CLICHE: L'immixtion, quel sens doit-on lui donner?
M. COMTOIS: C'est se mêler, s'immiscer dans quelque chose.
M. PAUL: Gestion.
M. CLICHE: Cela veut dire plus qu'administration .
M. COMTOIS: Oui, parce qu'on peut administrer pour sauvegarder les
intérêts, sans pour autant faire acte d'héritier. Par
exemple quelqu'un va payer une dette de la succession ou de la
communauté, ce n'est pas un acte d'immixtion. Mais celui qui prend les
biens pour se les approprier, cela est un acte d'immixtion et là il a
fait un acte d'héritier ou d'acceptant.
M. CLICHE: Immixtion, cela veut dire quoi?
M. COMTOIS: Cela veut dire s'immiscer, se comporter comme si
c'était notre propriété.
M. CLICHE: Vous dites: 'Immixtion dans la gestion", et vous dites
ensuite: "La pure administration n'emporte point immixtion."
M. COMTOIS: Oui. Les actes conservatoires ou de pure administration
n'équivalent pas à immixtion, donc ne signifient pas acceptation.
Mettre les deux mots ensemble, j'admets que c'est un petit peu choquant. Ces
mots que vous mentionniez là. A quel article, monsieur?
M. PAUL: L'article 1266.
M. COMTOIS: L'immixtion de l'époux dans la gestion, cela se
ressemble un peu.
M. PAUL: Non, mais c'est précisément pour cela,
L'acceptation tacite peut résulter...
M COMTOIS: Là, il y a vraiment une immixtion. C'est
précisément cela...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela peut donner nature à controverse,
c'est une interprétation qui va être...
M. PAUL: Pour dire la vérité, c'est purement
administré. Non pas immiscé.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Jusqu'où va aller l'acte de pure
administration? Si c'étaient seulement: Les actes conservatoires
ça n'emporte point immixtion" d'accord, mais les actes conservatoires ou
de pure administration...
M. CREPEAU: II faut dire que les termes de l'administration et de pure
administration, là, je vous avoue... Je me souviens des cours ou on nous
donnait le sens de ces mots. Il est certain qu'il est assez difficile de savoir
si, par exemple, si vous achetez un pot de peinture pour rénover une
pièce, il s'agit d'un acte de pure administration ou d'un acte
d'administration. Mais, je pense pouvoir dire que, dans un cas comme
celui-là, ces mots "pure administration" sont des termes que nous
utilisons couramment et que nous voulons distinguer de celui qui, en fait, se
constitue le gérant des biens.
M. COMTOIS: Est-ce que cela vous satisfait d'enlever les mots "dans la
gestion"? Pourriez-vous dire notamment "l'immixtion dans les acquêts de
son conjoint"? Est-ce que cela vous paraîtrait plus clair?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Est-ce que nous pourrions le relire?
M.PAUL: L'acceptation tacite peut résulter notamment...
M. COMTOIS: En tout cas, si vous relisez l'article 1339, c'est le
correspondant de l'article 1266u), à la différence que l'on a
changé les termes. On dit dans l'article 1339: "La femme qui s'est
immiscée dans les biens de la communauté ne peut y renoncer."
Ensuite, les actes purement administratifs ou conservatoires n'emportent pas
immixtion Alors, ici on ne dit pas: "La femme qui s'est immiscée dans la
gestion des biens de la communauté" nous l'avons dit dans l'article
1266u), dans l'immixtion de l'époux, dans la gestion des acquêts.
Je pense, pour ma part, pour le moment, que nous pourrions peut-être
enlever les mots "dans la gestion" et dire "dans les acquêts", si vous
croyez que c'est plus clair.
M. COMTOIS: L'immixtion dans la gestion est presque contradictoire s'il
y a immixtion, ce n'est pas seulement de la gestion. C'est plus que cela.
M. GARDNER: Il n'y a pas d'immixtion sans la gestion.
M. COMTOIS: Mais il peut y avoir immixtion sans la gestion. C'est cela
que je veux dire là. C'est ce que l'on dit dans la dernière
partie de la phrase. "Les actes conservatoires ou de pure administration",
c'est de la gestion mais primaire, élémentaire. Cela n'emporte
pas immixtion, cela n'emporte pas acceptation.
M. PLAMONDON: C'est un article qui va donner du travail aux hommes de
loi.
M. PAUL: A ce moment-là, vous rencontrez plus la
phraséologie que l'on retrouve à l'article 1339.
M. COMTOIS: Peut-être.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: II me semble que cela paraîtrait mieux de
dire le conjoint qui s'est immiscé...
M. PAUL: Dans les acquêts.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... dans les acquêts, oui. La formule qui
existe là.
M. PAUL: Alors, la gestion disparaîtrait.
M. LUC PLAMONDON: Est-ce que le président me permettrait une
intervention à titre personnel? Il y a trois endroits dans le code,
où l'on a ce même genre de problèmes. L'héritier qui
a un délai d'inventaire pour décider si oui ou non il doit se
porter héritier et durant cette période, il a droit de poser
certains gestes de pure administration. Il y a la question de la
communauté et il y a la question aussi de la société
d'acquêts. Est-ce que nous ne devrions pas avoir entre ces
trois-là uniformité de terminologie, au moins pour décider
des actes de pure administration les actes conservatoires ne seront pas
considérés comme des actes d'acceptation
d'hérédité ou de communauté et employer si
possible dans ces trois endroits-là, les mêmes mots dans le
même genre de phrase?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. LUC PLAMONDON: Pour l'hérédité, ce sont les
articles 645 et 646 du code actuel.
M. PAUL: Est-ce qu'au point de vue pratique, nous ne pourrions pas, par
simplification, modifier les termes de 645 et 646? Il faudrait un amendement,
une loi spéciale pour amender le code civil?
M. LUC PLAMONDON: Non, je posais ma question, étant donné
que Me Crépeau avait fait allusion au fait qu'il préparait une
sorte d'uniformité dans certains termes. Il pourrait faire la même
chose à l'intérieur de l'office sur ce point.
M. CLICHE: II me semble que 645 et 646 sont très précis et
très clairs.
M. CREPEAU: M. le Président, une suggestion pourrait être
faite qui pourrait avoir votre adhésion, pour se rapprocher le plus
possible de 1339 et qui dit: "La femme qui s'est immiscée dans les biens
de la communauté ne peut y renoncer." Alors, est-ce que vous accepteriez
quelque chose à 1266u), comme " l'acceptation tacite peut
résulter notamment du fait que l'époux s'est immiscé dans
les acquêts de son conjoint."
M. COMTOIS: On pourrait avoir une phrase encore plus calquée sur
1339: L'époux qui s'est immiscé dans les acquêts ne peut
plus y renoncer.
M. CREPEAU: Non, je ne crois pas que l'on puisse parce qu'il s'agit de
parler ici d'un cas d'acceptation tacite. Quand y a-t-il acceptation tacite?
C'est lorsqu'un époux s'est immiscé dans les acquêts de son
conjoint.
M. COMTOIS: Oui, mais mon cher collègue, 1339 à propos de
la communauté, le premier paragraphe donne un cas d'acceptation tacite,
c'est bien clair. La femme qui s'est immiscée dans les biens ne peut
plus y renoncer. C'est un cas d'acceptation tacite. Pourquoi n'aurions-nous pas
le même raisonnement, pour la société d'acquêts?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Pourquoi mentionner...
M. COMTOIS: Maintenant, dans les successions, c'est...
UNE VOIX: 645 et 646.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est cela.
M. CREPEAU: Si on avait: "L'acceptation tacite peut résulter
notamment du fait que l'époux s'est immiscé dans les
acquêts de son conjoint."
M. COMTOIS: Je crois que c'est du pareil au même. Sauf que, dans
la formule que je propose, c'est plus calqué sur l'article 1339, mais
l'autre définit en même temps et dit que c'est une acceptation
tacite.
M. CREPEAU: C'est cela.
M. COMTOIS: Peut-être que c'est mieux comme cela, d'autant plus
que ce n'est pas le seul cas.
M. CREPEAU: Ce n'est pas le seul cas, c'est cela. Est-ce que cela vous
conviendrait? "L'acceptation peut être expresse ou tacite." Ensuite, on
donne un cas d'acceptation tacite: "L'acceptation tacite peut résulter
notamment du fait que l'époux s'est immiscé dans les
acquêts de son conjoint, postérieurement à la dissolution
du régime." Et on est tout à fait aussi près que possible
de l'article 1339.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, moi, je préfère.
M. LE PRESIDENT: Alors, l'article 1266u) adopté avec
amendements?
Article 1266v): La renonciation doit être faite par acte
notarié portant minutes, ou par déclaration judiciaire dont il
est donné acte par le tribunal. Elle doit être enregistrée
au bureau de la division d'enregistrement où se trouve le domicile
conjugal.
L'époux qui n'a pas enregistré sa renonciation dans un
délai d'un an, à compter du jour de la dissolution, est
réputé acceptant.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense que mon collègue, M. Cliche, a
quelque chose à dire là-dessus.
M. CLICHE: En parlant de la profession légale je veux dire les
avocats, j'ai des objections au texte tel que préparé parce qu'on
imite la formule de la renonciation à un acte notarié.
M. PAUL: Voici, mon cher confrère, peut-être que par
solidarité avec vous...
M. CLICHE: Ce n'est pas nouveau.
M.PAUL: Je dirais qu'on a peut-être le moyen de détourner
le texte...
M.PLAMONDON: Ah, c'est bien un avocat!
M. CLICHE: C'est cela.
M. PAUL: ... par déclaration judiciaire ou par déclaration
judiciaire dont il est donné acte par le tribunal. Alors, à ce
moment-là, c'est l'avocat qui préparera la procédure.
M. CLICHE: C'est cela.
M. PAUL: Alors, nous sommes protégés, nous sommes
couverts.
M. COMTOIS: J'aimerais préciser à M. Cliche qu'il n'y a
rien de nouveau dans cette exigence. La forme notariée est exigée
pour les renonciations en succession elle l'est également pour les
renonciations en communauté. On a trouvé ce n'est pas une
réflexion de notaire
tout naturel d'exiger la forme notariée pour la renonciation aux
acquêts.
M.PAUL: Et pour la déclaration judiciaire, il faudra c'est
dans les us et coutumes que cela soit préparé par
l'avocat.
M. COMTOIS: C'est l'avocat qui préparera la requête.
M. PAUL: C'est cela.
M. COMTOIS: De toute façon, cela n'intéresse pas les
avocats. C'est une petite matière.
M. PAUL C'est parce qu'on est en train de se faire dépouiller
devant le tribunal du Travail.
M. LE PRESIDENT: Alors, article 1266v) adopté?
M. PLAMONDON: Excusez le profane que je suis: Est-ce que cela veut bien
dire que cette renonciation doit être faite ou par un notaire, ou par un
avocat, et non par les deux qui doivent y participer?
M. COMTOIS: II doit y avoir les deux.
M. PAUL: Si le type a assez de connaissances légales pour
préparer une espèce de procédure qui peut être
jugée acceptable et suffisante par le tribunal, il peut toujours le
faire. C'est comme ceux qui, à un moment donné, se
présentent seuls devant la cour pour défendre leurs
intérêts, tant au civil qu'au criminel, s'ils en prennent le
risque. C'est un peu la même chose. Tout ce qui pourrait arriver, c'est
que le juge pourrait dire: Votre déclaration n'est pas suffisante ou
n'est pas conforme aux règles générales de la
procédure.
M. PLAMONDON: Est-ce à dire que l'individu est obligé
d'avoir recours aux services et d'un notaire et d'un avocat?
M. PAUL: Professions l'une ou l'autre indispensables pour le bien commun
de la société!
M. PLAMONDON: J'ai l'impression que je n'aurai pas le dernier mot.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: J'aime bien quand même l'expression de M.
Plamondon.
C'est parce que dans les causes extrêmement complexes, lorsqu'un
des époux est décédé avant l'autre souvent l'avocat
est appelé même s'il y a un testament notarié à...
Je comprends que déclaration judiciaire, est ce que cela ne va
pas...
M. PAUL: C'est un jugement.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. PAUL: Même là, si c'est par acte notarié, rien
n'empêchera l'avocat, un procédurier ou un autre, de trouver une
faiblesse dans la procédure notariée et de l'attaquer quand
même devant les tribunaux.
M. CLICHE: II devra même.
M. PAUL: C'est son devoir. Je me demande si on ne devrait pas...
M. LE PRESIDENT: Alors adopté? MME KIRKLAND-CASGRAIN:
Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 1266w): "Si l'époux renonce, la part
à laquelle il aurait eu droit dans les acquêts de son conjoint
reste acquise à ce dernier. "Toutefois les créanciers de
l'époux peuvent attaquer la renonciation faite par lui ou ses
héritiers en fraude de leurs droits et accepter de leur chef. Dans ce
cas, la renonciation n'est annulée qu'en faveur de ces créanciers
et jusqu'à concurrence de leurs créances."
C'est le même principe.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense que cela s'impose.
M. LE PRESIDENT: C'est le même principe qu'on retrouve dans la
renonciation à la succession.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui. M. LE PRESIDENT: Adopté? M.PAUL:
Adopté. MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 1266x): "L'é poux qui a diverti ou
recelé des acquêts de son conjoint est déclaré
acceptant, nonobstant toute renonciation; et il est de plus privé de sa
part dans ces acquêts".
M. PAUL: Pourquoi cette partie de phrase: "II est de plus
privé..."? Si à un moment donné il a décidé,
lui, le conjoint, de dire: Eh bien oui, j'accepte. Par le fait qu'il ne
déclare pas ou qu'il récèle, doit-il être
dépouillé? Est-ce que cela n'est pas un peu dangereux tout
ça, messieurs les juristes?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est un peu draconien au premier abord.
UNE VOIX: Est de plus privé de sa part qui a diverti ou
recelé.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, eh bien, à ce moment-là.
Pourquoi ne pas le dire?
M. PAUL: En cas de fraude ou preuve de fraude.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, il me semble, même qu'il y a
redondance.
M. PAUL: Parce que là, il n'y a pas de justification si on
n'ajoute rien, à mon point de vue. Vous ne trouvez pas, messieurs, qu'il
y aurait lieu d'ajouter quelque chose pour donner un sens pratique, pour que ne
soit pas interprétée comme trop draconienne cette dernière
partie du 1266?
M. CREPEAU: Je vois très bien.
M. COMTOIS: "L'époux qui a diverti ou recelé est
déclaré acceptant. Il est de plus privé de sa part dans
ces acquêts". Je crois que c'est une disposition analogue à
l'article 1348, à propos de la communauté: "La veuve qui a
diverti ou recelé quelques effets de la communauté est
déclarée commune, nonobstant sa renonciation." Non, ce n'est pas
cela.
M. PAUL: Ils n'ont pas ce petit bout de phrase-là: "II est de
plus privé de sa part dans ces acquêts." 659 aussi, on ne met pas
de pénalité.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense que c'est une règle
générale qui est passablement draconienne. Je me demande
si...
UNE VOIX: Est-ce que nous pouvons donner un exemple pratique?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: S'il y a preuve de fraude, il est de plus
privé de sa part dans ces acquêts.
M. LE PRESIDENT: Nous avons la même chose à l'article 659:
"Sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou
recelés."
M. BEAUDOIN: Oh oui, seulement dans les objets divertis mais pas
dans...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Pas dans sa part...
M. LE PRESIDENT: Dans ces acquêts les acquêts
divertis ou recelés .
M. BEAUDOIN: Non.
M. CREPEAU: Ce ne sont pas les siens ces acquêts. Ce sont les
acquêts de son conjoint.
M. BEAUDOIN: Ce sont des acquêts divertis et recelés.
M. CREPEAU: Ce ne sont pas "ses" acquêts. MME KIRKLAND-CASGRAIN:
Ah!
M. BEAUDOIN: On ne l'a pas compris. M. LE PRESIDENT: C'est vrai, cela.
M. CREPEAU: Bien oui, c'est exact.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Si on ne l'a pas compris, il y en a d'autres qui
ne le comprendront pas.
M. BEAUDOIN: On pourrait dire: Dans les acquêts divertis et
recelés.
M. LE PRESIDENT: On pourrait ajouter peut-être: Dans ces
acquêts divertis ou recelés.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Divertis ou recelés, absolument.
M. CREPEAU: Ces acquêts, c'est ce que cela veut dire.
M. LE PRESIDENT: C'est parce que nous, nous l'avons lu.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui.
M. COMTOIS: Je repasse l'article que nous cherchions tout à
l'heure. C'était l'article 659: "Dans les cas de succession, celui qui a
caché, en somme, des biens, qui les a dissimulés, demeure
héritier, nonobstant sa renonciation sans pouvoir prétendre
aucune part dans les objets divertis ou recelés."
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui, c'est le même principe mais je me
demande si on ne peut pas ajouter: Dans les acquêts divertis ou
recelés.
M. LE PRESIDENT: Dans ces acquêts divertis ou recelés.
M. COMTOIS: Peut-être.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Pas toujours...
M. PAUL: Plutôt: Dans ces acquêts divertis ou
recelés. Je pense que vous avez raison.
M. COMTOIS: Dans les acquêts ainsi divertis ou recelés
quelque chose comme cela. C'est assez clair, même nous, à
la première lecture, nous sommes perdus comme tout le monde.
M. CREPEAU: Oui, mais c'est parce que c'est la différence. Quand
on dit: Ces acquêts, si c'est "ses", il n'y a pas de problème;
mais dès qu'on dit "ces", il me semble que c'est nécessairement
ceux auxquels on vient de parler. Ce sont des acquêts divertis ou
recelés.
M. COMTOIS: Mais si on est obligé de faire un raisonnement pour
le comprendre...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui.
M. COMTOIS: J'aimerais mieux comprendre, comme l'article 659 le dit:
Dans les acquêts ainsi divertis ou recelés.
M. CREPEAU: Ainsi divertis ou recelés.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui ce serait mieux.
M. PAUL: Ce serait peut-être plus facile pour
l'interprétation à prime abord, si on répétait le
mot "ainsi"...
M. COMTOIS: Nous ne serons pas tous là. Ça va être
difficile à expliquer.
M. LE PRESIDENT: Pour la gouverne des professeurs, je pense que...
M. GARDNER: Faut laisser du travail aux avocats.
M. COMTOIS: Bon alors: Dans ces acquêts ainsi divertis ou
recelés.
M. CREPEAU: Ainsi divertis ou recelés.
M. LE PRESIDENT: Très bien, alors on va adopter avec
amendement...
M. CLICHE: La sanction demeure. MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah, oui! M. PAUL:
Oui mais là, on précise.
M. CLICHE: ... comme on l'a dit tout à l'heure.
M. PAUL: C'est cela.
M. CLICHE: C'est un principe...
M. PAUL: Parce que là, ce qu'on condamne, c'est un acte de
fraude. C'est un principe qui est déjà reconnu en droit de
succession.
M. PLAMONDON: C'est une continuité, justement, avec ce qui existe
ailleurs.
M. LE PRESIDENT: Adopté. L'article 1266y), l'acceptation ou la
renonciation une fois faite, est irrévocable.
M. PAUL: Excusez-donc M. le Président, me permettriez-vous de
revenir encore une fois là-dessus? Où iront ces biens divertis ou
recelés, s'il perd le droit.
M. COMTOIS: Ils vont aller à l'autre héritier...
M. LE PRESIDENT: On l'a vu tout à l'heure.
M. COMTOIS: Ils vont rester en somme... M. LE PRESIDENT: A l'autre
sociétaire.
M. PAUL: C'est parce que là, je pensais, j'avais le concept de la
succession, mais ce n'est pas cela. Très bien.
M. LE PRESIDENT: Le relevé nous dit: "Si l'époux renonce,
la part à laquelle il aurait eu droit dans les acquêts de son
conjoint reste acquise à ce dernier."
M. PAUL: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Alors, à l'article 1266y). L'acceptation ou la
renonciation une fois faite est irrévocable.
M. PLAMONDON: II n'y a pas de période de temps de
précisée, une fois faite. Avant l'acceptation ou la
renonciation.
M. BEAUDOIN: Pourquoi "une fois faite? " Est-ce que cela ajoute quelque
chose? Comme on ne peut pas la faire deux fois...
M. CREPEAU: Vous voulez dire l'expression: "L'acceptation ou la
renonciation est irrévocable".
M. BEAUDOIN: Oui, c'est cela, je pense.
M. CLICHE: Parce que la formule française est la traduction du
texte anglais.
M. COMTOIS: Là, on se mêle. On a fait l'anglais
après le français là-dedans.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela montre l'influence qu'on a ici.
M. LE PRESIDENT: Cela prouve que l'uni-linguisme est impossible.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Si Jean-Noël était ici...
M. COMTOIS: Dans l'article 1340, on disait: "La femme qui a une fois
pris la qualité de commune, ne peut plus y renoncer." Une fois faite, ou
avoir pris une fois la qualité de commune...
M. CREPEAU: Mais j'avoue franchement que je pense qu'on pourrait
l'enlever sans...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. COMTOIS: C'est l'acceptation ou la renonciation...
M. CREPEAU: ... est irrévocable.
UNE VOIX: ... Il faudrait l'enlever en anglais également.
M. LE PRESIDENT: Adopté. L'article 1266z): "Lorsque le
régime est dissous par le décès, les héritiers de
l'époux décédé ont la faculté d'accepter le
partage des acquêts du conjoint survivant ou d'y renoncer, et les
dispositions des articles 1266s) à 1266w) leur sont applicables. Si,
parmi les héritiers, l'un accepte et les autres renoncent, celui qui
accepte ne peut prendre que la portion d'acquêts qu'il aurait eue si tous
avaient accepté.
Lorsqu'un époux décède alors qu'il était
encore en droit de renoncer, ses héritiers ont, à compter du
décès, un nouveau délai d'un an pour enregistrer leur
renonciation."
M. CLICHE: Oui, exactement. Dans le fond, l'héritier qui accepte,
alors que ses co-héritiers renoncent, ne reçoit que sa part ou
s'il reçoit le tout?
M. COMTOIS: Je crois qu'il reçoit tout.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Tout, tout. Alors, je ne comprends pas pourquoi
les restrictions ici.
M. COMTOIS: Le cas qu'on a d'abord prévu avant 1266, c'est celui
où la dissolution a lieu, disons à la suite d'un divorce. Le mari
ou la femme sont là pour décider s'ils vont prendre les
acquêts de leur conjoint ou s'ils vont y renoncer. Pour 1266, c'est le
cas où la dissolution est causée par le décès.
Alors, on a le cas, disons d'un homme qui décède, laissant une
femme et laissant cinq enfants, d'accord? Le régime est dissous par le
décès. Les héritiers de l'époux
décédé, les héritiers du mari, ont la
faculté d'accepter le partage ou d'y renoncer, cela va bien? Maintenant,
si un des cinq enfants dit: Moi j'accepte, et si les autres disent: Nous
renonçons, celui qui accepte ne prendra qu'un cinquième...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui.
M. COMTOIS: ... des acquêts, ou la moitié des
acquêts. Je pense que c'est la même chose dans une succession. S'il
y avait deux successions qui s'ouvrent coup sur coup...
UNE VOIX: Sur la masse.
M. COMTOIS: Si vous avez une succession au sujet de laquelle les
héritiers n'ont pas encore pris parti, et si un des héritiers
décède, laissant lui-même cinq enfants pour suivre
un même exemple les cinq enfants sont libres d'accepter. Mais
s'ils acceptent, ils auront seulement la part, leur part virile, un
cinquième. Je pense que c'est la même chose.
M. PAUL: Excusez, peut-être l'avez-vous mentionné, j'ai
été un peu distrait. Supposons qu'il y en a quatre?
M. COMTOIS: Quatre enfants.
M. PAUL: Trois n'osent pas accepter pour le moment. Un, dit: Moi,
j'accepte. Par conséquent il a un quart.
M. COMTOIS: II prend le quart.
M. PAUL: Et si les autres renoncent subsé-quemment, les 3 autres
quarts vont aller à qui?
M. COMTOIS: Dans notre cas ici, il s'agit des acquêts de la femme,
c'est le mari qui est mort.
M. PAUL: Oui.
M. COMTOIS: La femme va garder sa moitié d'acquêts plus les
trois quarts des acquêts de son mari.
M. LE PRESIDENT: C'est ce que l'autre avait énoncé.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, disons...
M. GARDNER: Si la femme refuse?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Disons que le mari et la femme
décèdent en même temps dans un accident d'automobile.
M. GARDNER: La femme n'a pas le choix de refuser.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: La femme est présumée être
morte.
M. PAUL: C'est parce qu'on est trop souvent porté à
mêler le chapitre des successions à ça, c'est là le
problème.
M. COMTOIS: Mais, je pense que c'est quand même le même
principe.
M. PAUL: Oui.
M. COMTOIS: Mais avec la différence que ça supposerait
qu'il y ait deux successions qui s'ouvrent coup sur coup avant qu'on ait pris
parti sur la première.
M.PAUL: C'est cela.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Merci.
M. PAUL: Très bien.
M. COMTOIS: Est-ce que ça répond à votre question,
monsieur, au sujet de la femme?
M. GARDNER: Advenant le cas où la femme refuse?
M. COMTOIS: On reprend votre exemple. C'est le mari qui décide et
laisse quatre enfants. Le mari, il n'est plus là. Ce sont ses quatre
enfants qui lui succèdent. Eux ont droit de réclamer la
moitié des acquêts de la femme. Comme la femme a le droit de
prendre la moitié des acquêts du mari qui est maintenant
remplacé par ses quatre enfants. Alors, les choix s'opèrent
indépendamment les uns des autres. Tout ce que l'article dit ici: S'ils
sont quatre à succéder, le droit que le mari avait de prendre la
moitié des acquêts de sa femme est divisible. Si l'un accepte, il
prendra une part virile du quart, un autre exemple. Les trois autres ne
prennent pas leur part. Eh bien, il va rester là en attendant d'avoir la
moitié d'acquêts plus les trois quarts de la moitié que les
héritiers du mari auraient pu prendre.
M. GARDNER: Merci.
M. COMTOIS: Puis la femme, elle se retourne ensuite vers la succession
de son mari. Il a $10,000 d'acquêts, elle a droit de prendre $5,000
dessus. Elle a le droit d'y renoncer, elle fera ce qui lui conviendra le
mieux.
M. PAUL: Qu'adviendra-t-il d'un conjoint décédé ab
intestat?
M. COMTOIS: Eh bien là, ça va être la même
chose que dans la communauté. Les héritiers ne pourront pas,
à moins qu'il y ait un testament évidemment...
M. PAUL: Mais, s'il n'y en a pas?
M. COMTOIS: S'il n'y a pas de testament, il faudra choisir entre la
succession ou les acquêts.
M. PAUL: Là, ce n'est plus le même partage un tiers, deux
tiers? C'est la moitié.
M. COMTOIS: A la suite d'une succession qui aurait amené la
dissolution de la société d'acquêts, les héritiers
légaux, comme vous dites ab intestat, devront exercer leur option,
comme, actuellement, doivent le faire les époux, communs en biens. Ils
ne peuvent pas prendre un tiers de la succession et prendre en plus la
moitié de la communauté. Ou ils prendront le tiers de la
succession, ou ils prendront la moitié des acquêts. Ils ne peuvent
pas prendre les deux en même temps. Le seul cas où on pourrait le
faire c'est quand celui qui est décédé a par testament,
institué telle personne légataire universel. Là, sa
succession va en entier à celui qui est désigné. Cette
succession comprend non seulement ses biens propres, mais également ses
acquêts ou son droit de prendre la moitié des acquêts du
conjoint. Ce qui importe, c'est qu'en matière de succession, on ne peut
pas être commun et héritier en même temps. On ne peut pas
être héritier accepter les acquêts et accepter la succession
en même temps. Ce qui est le même principe.
M. PAUL: Ce serait le partage d'abord la moitié...
M. COMTOIS: Les acquêts d'abord.
M. PAUL: Et les règles de la succession dans le cas de l'individu
décédé ab intestat entrent en jeu?
M. COMTOIS: Oui.
M. CREPEAU: C'est vrai, parce que je pense que le principe fondamental,
c'est qu'en matière de dissolution de la société
d'acquêts, c'est un partage contractuel né du mariage...
M. PAUL: Mais, M. Crépeau...
M. CREPEAU: ... il doit donc se faire avant toute liquidation de la
succession. Et la succession ne portera que sur la moitié des
acquêts du conjoint.
M. PAUL: Mais la situation diffère quelque peu, parce que l'on
est dans le cas du décès...
M. CREPEAU: Oui.
M.PAUL: ... et dans le cas de partage des acquêts dans le cas de
décès, d'une succession.
M. CREPEAU: Si mon collègue veut me suivre là, je vais
vous donner un cas. Vous me corrigerez si j'ai tort.
M. PAUL: J'aimerais mieux, M. Crépeau que ce soit plutôt
vous qui corrigiez le notaire, mais qu'importe!
UNE VOIX: II s'agit de donner l'exemple.
M. CREPEAU: En matière d'expertise, en matière de droit
matrimonial et successoral, je m'en réfère à mon
collègue. Voici le cas qu'on peut prendre. Vous avez $10,000
d'acquêts qui appartiennent au mari et il décède ab
intestat. Son conjoint doit faire le choix de 624c) appliqué à la
société d'acquêts, ou bien elle accepte ou bien elle
renonce. Elle ne peut pas cumuler les deux qualités.
M. COMTOIS: C'est ça.
M. CREPEAU: Supposons qu'elle accepte, alors elle partagera les $10,000.
Elle prend ses $5,000 qui sont sa propriété, un droit
contractuel. Une fois qu'elle a ça, une fois qu'elle a pris la
moitié, les autres $5,000 se divisent...
M. COMTOIS: Les autres $5,000 appartiennent à la succession du
mari.
M. PAUL: Et si c'est ab intestat, elle va en chercher le tiers?
M. COMTOIS: Je pense qu'on peut poursuivre l'exemple et démontrer
l'utilité d'opter pour la succession, plutôt que pour les
acquêts. On ne peut pas prendre les deux en même temps. Je continue
l'exemple de mon collègue Me Crépeau. Le mari a $10,000, ce sont
des acquêts. Mais, supposons qu'il y a $50,000 d'avoir propre. La femme
ne peut pas prendre la moitié des $10,000, plus le tiers des $50,000. Il
faut qu'elle fasse son lit. Il faut qu'elle se décide. Ici, elle est
bien mieux de renoncer aux acquêts, aux $5,000 que ça lui
donnerait et puis de prendre le tiers de $50,000. Ce serait la même chose
en communauté.
M. PLAMONDON: Est-ce que les acquêts s'ajouteront à ce
moment-là si elle a renoncé?
M. COMTOIS: Non.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non.
M. PLAMONDON: Elle n'aura pas un tiers des acquêts, alors qu'elle
aurait pu avoir une demie avant?
M. COMTOIS: Je ne le pense pas.
M. CREPEAU: C'est-à-dire que si elle a renoncé aux
acquêts, si le mari avait $10,000 et s'il meurt, si la femme renonce
alors là les $10,000 deviennent une masse successorale...
M. COMTOIS: Vous avez raison.
M. CREPEAU: ... et s'il y a ab intestat, il y a un tiers pour la femme
puisqu'elle a déjà renoncé à cette idée de
sociétaire. Comme héritière, elle prend un tiers et les
deux tiers vont aux héritiers du mari.
M. COMTOIS: A ce moment-là la succession va être de
$60,000. S'il n'y a personne qui prend les acquêts, ça s'ajoute
aux propres pour faire une masse successorale.
M. PLAMONDON: Elle perdra la différence entre un tiers et une
demie des acquêts, pour gagner un tiers du propre.
M. COMTOIS: De l'ensemble, du propre et des acquêts, de tout
l'ensemble.
M. PAUL: Dans un cas semblable il vaut mieux qu'elle fasse une
espèce d'inventaire...
UNE VOIX: Qu'elle calcule.
M. PAUL: Qu'elle calcule beaucoup.
M. CREPEAU: II faut qu'elle calcule, c'est ça.
M. PAUL: Elle va prendre 50 p.c. plus le tiers si elle prend les
acquêts?
M. COMTOIS: Non, non. Si elle prend le tiers des acquêts au
début...
M. PLAMONDON: Elle ne peut pas. M. COMTOIS: Elle ne peut pas.
M. CREPEAU: Elle ne peut jamais prendre les acquêts...
M. COMTOIS: Elle peut prendre les acquêts c'est-à-dire la
moitié.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: La moitié.
M. COMTOIS: C'est ça. Une fois qu'elle a pris ça, elle ne
peut prendre le tiers de la succession.
M. CREPEAU: C'est ça, les autres $5,000 vont aux héritiers
du mari, sauf la femme.
M. COMTOIS: Dans le fond, ça revient à dire ceci: Quand il
n'y a que des acquêts, elle est mieux d'accepter les acquêts et de
renoncer à la succession.
M. PAUL: C'est ça.
M. COMTOIS : Quand il y a moindrement de biens propres, elle est mieux
de renoncer aux acquêts et de prendre le tiers de la succession,
ça lui donnera plus.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Parce que les acquêts retournent à
la masse successorale.
M. COMTOIS: A cela s'ajouteront les acquêts à ce
moment-là.
M. PAUL: D'accord.
M. COMTOIS: Mais tout ça ne s'applique pas quand il y a un
testament. Il faut bien comprendre ça.
M. PLAMONDON: Mais quelle est la raison fondamentale d'un ou l'autre?
Est-ce que le contrat ne devrait pas s'appliquer de toute façon?
M. COMTOIS: On le pense, mais on n'a pas voulu remettre en question tout
le droit successoral parce que tout ça, tous les embêtements que
ça cause voyez les discussions qu'on a à ce sujet et les
exemples difficiles à trouver et à interpréter mais
tout ça, c'est dans l'article 624c actuellement.
MME KIRKLAND-CASGRAIN : II y a un comité qui siège
à ce sujet.
M. COMTOIS: C'est mauvais ça devrait être changé.
Mais on a cru que ce serait prématuré de proposer tout de suite
un changement parce que là il y aurait un déséquilibre. On
aurait eu un régime nouveau, et cela aurait compromis le travail du
comité de la Famille. Ce dernier étudie justement cette question
de sélection.
M. CREPEAU: Quand nous avons eu nos discussions sur ce sujet, et qu'il
s'est agi de savoir si on devait transposer l'article 624c dans le domaine de
la société d'acquêts, il nous a paru
préférable de le faire, par souci de concordance.
Au comité de la famille, qui est présidé par le
juge Mayrand, c'est une des questions que nous voulons examiner,
précisément celle de savoir, si lorsque c'est un droit
contractuel, cela ne devrait pas avoir lieu indépendamment des
règles successorales. Cependant, la difficulté est que, si on
acceptait une politique législative comme celle-là du
moins lorsque nous en avons discute nous estimons que la femme
mariée recevrait un avantage trop grand par rapport aux enfants. Parce
que si elle reçoit d'abord la moitié des acquêts, et vient
ensuite cumuler sa qualité de sociétaire avec celle
d'héritière, cela lui donnerait la moitié, plus le tiers.
Alors, nous nous disions qu'il y a un certain nombre de façons de
procéder. On peut lui permettre de prendre ce à quoi elle a droit
comme un droit contractuel, mais si elle le fait, on réduit alors sa
portion d'héritière ou bien, une autre manière tout
à fait différente, qui s'inspirerait alors des provinces de
"common law" et qui apparaît intéressante, c'est que dans un cas
comme celui-là, elle pourrait éventuellement s'adresser à
un tribunal pour dire que sa part d'acquêts n'est pas suffisante et
demander un supplément, soit comme usufruit, ou soit comme une
créance alimentaire qui serait tirée sur l'autre part.
Nous n'avons pas voulu mettre en jeu les règles fondamentales de
la succession ab intestat, parce que ce comité avait comme mandat de
régler essentiellement les régimes matrimoniaux.
M. PAUL: Vous ne trouvez pas, M. Crépeau, qu'à ce
moment-là cela va être assez difficile d'interpréter pour
le commun, et des notaires et des avocats?
M. CREPEAU: Autant que l'article 624c) actuellement. Nous allons le
transposer.
M. PAUL: C'est le même principe qui est sauvegardé.
M. CREPEAU: C'est cela.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est le même principe que la loi actuelle
des gens qui sont mariés en séparation de biens et où la
femme a le choix de prendre les avantages du contrat de mariage ou bien la
succession, mais elle ne peut pas prendre tes deux. C'est le même
principe que vous avez suivi.
M. COMTOIS: A mon avis, l'article 624c) et cette obligation d'opter dans
un sens ou dans l'autre, c'est ce qu'il y a de plus compliqué et c'est
ce qu'il y a de moins compris.
Encore dernièrement, j'écoutais à la
télévision je ne dirai pas si c'est un avocat ou un
notaire qui répondait à une question et qui disait
justement que la femme avait droit à sa moitié de
communauté, plus le tiers de la succession C'est absolument faux. Dans
un bulletin des caisses populaires, l'an dernier, la même solution est
proposée. Cela ne tient pas debout. C'est ce qu'il y a de plus
difficile, c'est ce qui explique qu'à peu près personne ne
comprend.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je l'ai appris à mes dépens;
à un moment donné, j'ai été interrogée
là-dessus et j'aurais fait la même erreur si je ne m'étais
pas arrêtée à temps.
M. COMTOIS: Et même j'irai plus loin. Il y a un jugement que je
pourrais citer où le juge a fait la même erreur dans une
décision judiciaire.
M. CREPEAU: Seulement, nous n'avons pas voulu entrer là-dedans.
Pour l'instant, nous avons voulu faire la concordance. Lorsque le comité
du droit des personnes et de la famille vous proposera un projet de
réforme, ce problème-là aura été
étudié à fond.
M. PLAMONDON: Je viens de réaliser, qu'en plus d'un avocat, d'un
notaire on aura sûrement besoin d'un comptable.
M. CREPEAU: Dans toute succession importante.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Même à l'heure actuelle,
jusqu'à un certain point, si les gens sont mariés en
séparation et que la femme travaille, etc.
M. PLAMONDON: Bien sûr.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Pour bien des choses, à un moment
donné.
M. CREPEAU: L'argument que la séparation de biens est facile
à liquider c'est facile dans les textes, mais en réalité,
après 20 ou 30 ans de mariage, ce n'est plus facile.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non.
M. CREPEAU: Quand vous avez des comp-
tes conjoints, ou quand vous avez des objets qui ont été
achetés avec des fonds communs... Nous avons eu un panel la semaine
dernière où on nous a dit textuellement que la séparation
de biens est facile, parce qu'il n'y a rien au code: chacun de son
côté. C'est beau en théorie, mais en pratique ce n'est pas
le cas.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ce n'est pas comme cela en pratique.
M. LE PRESIDENT: Alors, adopté. DES VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 1267. "Si l'époux ou ses ayant droit
acceptent le partage des acquêts du conjoint, il doit d'abord être
formé deux masses des biens du patrimoine de ce dernier l'une
constituée des propres, l'autre des acquêts."
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela va de soi.
M. CREPEAU: C'est le début du partage.
M. LE PRESIDENT: Article 1267a). "Il est ensuite dressé un compte
des récompenses dues par les deux masses ainsi formées, l'une
à l'égard de l'autre, en raison de l'enrichissement dont l'une
aurait bénéficié au détriment de l'autre.
L'enrichissement est évalué au jour de la dissolution du
régime mais, en aucun cas, la récompense à laquelle il
donne lieu, ne peut excéder le montant de la dépense
réellement effectuée."
M. LUC PLAMONDON: Vous me permettrez de poser une question à
l'office de revision, au membre de phrase, au premier alinéa de
l'article 1267a), "en raison de l'enrichissement dont l'une aurait
bénéficié au détriment de l'autre", si vous avez le
cas où des dons ont été faits par un des époux
à un tiers à même des acquêts et où il n'a pas
obtenu le consentement de son conjoint, il n'y a pas réellement, dans un
tel cas un enrichissement des propres du conjoint qui a effectué le don.
L'enrichissement a bénéficié à un tiers,
mais...
M. COMTOIS: Mais la donation n'est même pas valide.
M. LUC PLAMONDON: La donation n'est pas valide, de nullité
absolue ou...
M. COMTOIS: II n'y a pas de donation, il n'y a pas de disposition, ce
n'est qu'une apparence.
M. CREPEAU: II y a une règle...
M. LUC PLAMONDON: ... de nullité absolue, comme je présume
à ce moment-là.
M. COMTOIS: Inexistant.
M. PAUL: Cela prend le concours des deux conjoints.
M. CREPEAU: C'est cela.
M. LE PRESIDENT: C'est cela, c'est une nullité absolue.
UNE VOIX: C'est une nullité relative.
M. PAUL: C'est une nullité absolue, pas sur les propres, sur les
acquêts.
UNE VOIX: Nous avons vu cela antérieurement.
M. LE PRESIDENT: Il y a une prohibition.
M. CREPEAU: Cela ne peut pas se faire sans consentement.
C'est l'article 1266p.
M. LE PRESIDENT: II ne peut cependant, sans le concours de son conjoint,
disposer de ses acquêts entre vifs à titre gratuit, si ce n'est de
sommes modiques et de présents d'usage. L'article 1266p.
Adopté?
M. PAUL: Adopté.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. LE PRESIDENT: L'article 1267b: "Les dettes non acquittées,
encourues au profit des propres, donnent lieu à récompense pour
l'enrichissement qu'elles ont procuré, comme si elles avaient
déjà été payées à même les
acquêts. "Aucune récompense n'est due en raison d'impenses n'ayant
servi qu'à l'entretien ou à la conservation des biens. "Le
paiement, au dépens des acquêts, d'une amende encourue en vertu de
quelque disposition pénale de la loi donne, dans tous les cas, lieu
à récompense."
M. PAUL: C'est beau, le langage populaire.
M. LE PRESIDENT: Maintenant, nous allons le dire en français.
M. PLAMONDON: Moi, je m'excuse mais je ne comprends pas.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: J'ai compris, M. Paul. Quand on a quitté
la pratique du droit depuis un bout de temps, on se pose des questions aussi
quand on arrive devant certains termes. Surtout quand on l'a
étudié en anglais comme moi.
M. CREPEAU: Les impenses, c'est un terme...
M. COMTOIS: C'est ce qu'on appelle les améliorations, les
augmentations. Supposons que nous avons une maison qui vaut $20,000 et que nous
payons une ou deux pièces additionnelles et que cela coûte
$10,000, c'est une impense.
M. PAUL: Cela veut dire remboursement.
M. COMTOIS: Cela veut dire que si on a appauvri la communauté en
prenant dans les acquêts des biens pour les appliquer, les attribuer
à un propre, il doit y avoir un règlement.
M. PAUL: Une récompense.
M. PLAMONDON: C'est une valeur correspondante à la dépense
qui a été faite.
M. COMTOIS: L'exemple le plus clair d'impenses, c'est quand vous avez un
terrain vacant, vous bâtissez une maison dessus, cela est une impense. Si
la dette n'est pas payée, le premier paragraphe vous dit que l'on doit
la déduire, cela donne lieu à une récompense.
M. PAUL: C'est cela.
M. COMTOIS: Parce que cela appartient en propre au conjoint. Dans le
deuxième cas, lorsqu'il s'agit seulement de l'entretien, il n'y a pas de
récompense, puisque les revenus des propres font partie des
acquêts. Alors, les dépenses d'entretien sont la
contre-proposition ou le contre poids des dépenses.
M. PLAMONDON: Je vous remercie, c'est un mot que je tenterai d'ajouter
à mon vocabulaire
M. COMTOIS: Mais ça, c'était déjà dans le
code civil.
M. CREPEAU: Oui, le mot "impenses" est un terme de droit.
M. LE PRESIDENT: Alors, adopté? Article 1267c: "Si le compte
accuse un solde en faveur des acquêts, l'époux titulaire du
patrimoine, ou ses ayants-droit, en font rapport à la masse partageable,
soit en moins prenant, soit en valeur, soit à même les propres. Si
le compte accuse au contraire un solde en faveur des propres, l'époux,
ou ses ayants-droit, prélèvent parmi les acquêts des biens
jusqu'à concurrence de la somme due."
Adopté?
M. COMTOIS: Ça prendrait un tableau pour faire des calculs et
expliquer cela.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non.
M. PLAMONDON: C'est de la comptabilité.
UNE VOIX: On glissera là-dessus.
M. LE PRESIDENT: Article 1267d: "Le règlement des
récompenses achevé, la masse des acquêts se partage par
moitié entre les époux, ou leurs ayants-droit, suivant les
règles prévues au titre Des Successions pour les partages entre
cohéritiers, à moins que l'époux titulaire du patrimoine,
ou ses ayants-droit, ne préfèrent désintéresser le
conjoint, ou ses ayants-droit, pour la totalité ou pour une part de ce
qui leur revient, en leur en payant la valeur. 'Toutefois, si la dissolution du
régime résulte du décès ou de l'absence de
l'époux titulaire du patrimoine, son conjoint peut exiger que l'on place
dans son lot, moyennant paiement par lui au comptant d'une soulte s'il y a
lieu, la maison d'habitation, les meubles de ménage,
l'établissement industriel, agricole ou commercial de caractère
familial, qui font partie de la masse partageable. "A défaut d'accord
entre les parties, l'estimation des biens aux fins d'application des
dispositions du présent article est faite par des experts que
désignent les parties elles-mêmes ou à défaut, un
juge de la cour Supérieure du district du domicile conjugal."
Oui?
M. CAPARROS: M. le Président, il y a ici un point que j'aimerais
souligner à la commission. Au deuxième alinéa, on parle du
décès ou de l'absence de l'époux; il me semble que celui
le survivant celui qui est encore là peut demander la
maison d'habitation, les meubles meublants, etc.
J'avais souligné à un moment donné, je trouvais
cette décision bien intéressante, mais elle me semble
n'être pas suffisante. Au fond, c'est qu'on essaie de protéger un
peu la famille avec cela, et on ne protège la famille qu'en partie; il
peut arriver un cas de séparation de corps où les enfants
en fait il y a un des deux qui garde les enfants et même
occasionnellement un divorce, et en fait l'idée est que le survivant, au
point de vue des responsabilités dans la famille, avec les enfants,
pourra garder la maison familiale et, éventuellement, les ressources
pour la vie de la famille.
A mon avis, on devrait considérer cette décision lors de
la dissolution non seulement lorsqu'il y a décès ou absence, mais
aussi dans les autres cas; que l'époux qui a la garde des enfants puisse
faire cette demande. En fait, je ne pensais pas qu'on arriverait à ce
texte-là, j'avais proposé cela comme idée, je n'avais pas
proposé une modification précise d'un texte, mais il me semble
que si l'on veut protéger la famille, il faut essayer de la
protéger complètement.
M. CREPEAU: A cette question-là, je me permets de rappeler le
fait qu'il y a quelques séances, vous aviez demandé que cette
question
de la protection du domicile conjugal soit examinée, et nous
avons demandé à nos membres du bureau d'études, au
comité du droit des personnes et de la famille,
précisément, d'examiner le problème de la protection du
domicile conjugal, dans son entier, indépendamment du régime
matrimonial quel qu'il soit.
Et ces dispositions seraient placées non pas dans les
régimes matrimoniaux, mais dans les articles du code, au début du
code, qui traitent des effets du mariage.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président...
M. CREPEAU: Maintenant, ici on a voulu régler un cas...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, je soumets
respectueusement... H me semble que les juristes auraient dû apporter
cette protection suggérée, parce que sait-on jamais quand l'autre
comité fera rapport, quand cela sera étudié? Il me semble
que c'est l'endroit rêvé, en attendant, peut-être, qu'ils en
arrivent à une conclusion et qu'il y ait des recommandations de
présentées aux législateurs. Est-ce qu'il n'y aurait pas
eu moyen ici, justement, d'apporter cette protection? Parce que ce qu'on
reproche, et à juste titre, sans vouloir critiquer le bill 10, c'est de
ne pas avoir apporté cette protection, même si on apporte un
amendement qui pourra être changé éventuellement, lorsque
l'autre comité fera son rapport.
M. COMTOIS: Le problème, d'après moi, est le suivant. Pour
être bien concret, supposons un ménage marié en
société d'acquêts. Le mari a la maison familiale à
son nom. Arrive une séparation de corps. Tout ce qu'il y aurait à
changer, dans le fond, c'est d'enlever les mots "si la dissolution du
régime résulte du décès ou de l'absence de
l'époux", de sorte que cette disposition s'appliquera dans tous les cas
de dissolution qu'ils proviennent d'un divorce, d'une séparation, peu
importe.
A ce moment-là, vous avez le mari qui est propriétaire de
la maison, ce sont ces acquêts. Si on laisse l'article tel quel, il a le
droit de garder la maison. La femme ne peut pas exiger que la maison soit mise
dans son lot, en en payant la moitié de la valeur, à titre de
soulte. Mais si on introduit là-dedans la question de garde d'enfants et
de tort des époux, la séparation, est-ce qu'elle est due au tort
du mari ou de la femme? Si elle est due au tort de la femme, je verrais mal
qu'elle ait le droit de dire au mari: La maison, je la prends et je t'en paie
la moitié!
Voyez-vous, c'est très délicat, surtout...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, mais... M. COMTOIS: ... que le bill 8
donnera une discrétion totale au juge dans l'appréciation des
donations et des avantages matrimoniaux. C'est pour cela qu'on s'est
aventuré légèrement là-dessus, mais pour des cas
sûrs et certains, quand le conjoint est déjà mort.
UNE VOIX: C'est cela.
M. COMTOIS: Je ne dis pas que, dans certains cas, il ne serait pas juste
que la femme, surtout si elle a la garde des enfants, puisse exiger la
possession de la maison familiale...
M. CREPEAU: Quitte à payer, par exemple.
M. COMTOIS: ... quitte à payer, à titre de soulte, la
moitié de ce que cela représente. Mais si on se met à
introduire là-dedans des questions de garde d'enfants, de tort respectif
des époux dans la séparation ou dans le divorce, je pense que la
porte est grande ouverte et ce sera extrêmement difficile
d'apprécier cela justement.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense que, justement, il y a peut-être
une réponse.
M. CAPARROS: Si vous me permettez, en fait, je n'ai pas
mentionné...
M. PAUL: Pourrions-nous vous demander de vous identifier?
M. CAPARROS: Oui. Ernest Caparros. Je ne l'ai pas fait au début
parce qu'il me semblait que mon nom était dans le débat...
M. COMTOIS: Il se croyait connu! M. PAUL: Oui, je comprends.
M. CAPARROS: De toute façon, je n'ai pas mentionné la
questions des torts, car je pense qu'elle ne doit pas entrer en ligne de
compte...
M. COMTOIS: Voua avez parlé, cependant, de la garde des
enfants.
M. CAPARROS: J'ai parlé de la garde des enfants parce que...
M. COMTOIS: Est-ce que c'était dans des lois
déterminantes?
M. CAPARROS: A mon avis, votre idée, ici, dans ce paragraphe,
c'est que c'est l'époux survivant qui a le poids de la famille sur les
bras ou celui qui reste, alors que l'autre est absent.
Alors, ce même principe, j'essaie de voir si on peut l'appliquer
dans les cas de divorce et les séparations. S'il y a un divorce entre
deux époux et qu'ils n'ont pas d'enfant, pas de problème du tout.
S'il y a des enfants il peut y avoir un cas très simple, il peut y avoir
des cas très compliqués, et je suis tout à fait
d'accord.
S'il y a un divorce et que la garde des enfants est confiée
à l'un des époux, dans son ensemble, cet époux se trouve
dans la même situation que l'époux survivant ou l'épouse
dont le mari est absent.
Par contre, je suis tout à fait d'accord pour dire que, dans
d'autres cas, la situation peut être beaucoup plus complexe. Quand on
donne deux enfants à la mère et trois enfants au père,
à ce moment, je pense qu'on ne peut pas l'appliquer. Mais vous
savez jouer, on peut dire que vous savez jouer avec ce paragraphe, simplement,
avec les cas où il n'y a pas de problème...
M. PAUL: La dissolution...
M. CAPARROS: Les cas où il n'y a absolument pas de
problèmes, je me demande si on ne peut pas jouer encore avec eux mais un
peu plus loin.
M. COMTOIS: Avez-vous une proposition précise?
M. CAPARROS: Une proposition précise, je l'ai dit au
début, je ne pensais pas qu'on en arriverait ici mais je vais la
travailler et je peux vous envoyer une proposition précise, si vous
l'acceptez.
Si vous ne l'acceptez pas, de toute façon, ce sont des choses qui
vont être étudiées, mais il me semble quand même
qu'on peut jouer sur cela un peu plus loin.
M. CREPEAU: Mais, je vous avoue, M. le Président, je comprends
très bien que le problème existe. Vous l'avez soulevé et
M. Capar-ros l'a lui même présenté. Bien sûr, vous
pouvez dire: La solution ne viendra que dans quelques années. Mais je
pense pouvoir vous dire que notre comité des personnes et de la famille
est en train d'étudier les effets du mariage. Et un des effets du
mariage, c'est le domicile conjugal, la protection du domicile. Et je vous
avoue, personnellement, moi, que je n'oserais pas m'aventurer à vous
suggérer, ce matin, un texte dont je ne connaisse pas les incidences.
C'est cela le problème.
M. PAUL: Est-ce que vous mettriez une objection dans les circonstances,
M. Crépeau et M. Comtois, à reconsidérer peut-être
une nouvelle phraséologie du bill, de cet article-là? C'est parce
que je crains, comme le disait tout à l'heure Mme Kirkland-Casgrain,
peut- être que l'objection majeure au bill viendra de cet
article-là.
M. LE PRESIDENT: Je pense qu'il y a un danger aussi, si on prend
l'exemple de M. Caparros, dans les cas de séparation, la garde des
enfants est un élément. En vertu de la loi, aujourd'hui c'est le
mari, en premier lieu, qui a le droit de garder les enfants. En fait, cela
arrive très peu souvent.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est le contraire.
M. LE PRESIDENT: Mais je pense que les gens vont insister pour obtenir
la garde des enfants, pour avoir la possession de l'immeuble.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, mais seulement ce ne sera pas accordé
à la légère, d'une façon arbitraire. Il faut que
les faits qui donnent lieu à la garde soient prouvés.
M. LE PRESIDENT: H y a toujours la garde provisoire, aussi, qui entre en
ligne de compte.
M. CREPEAU: Le problème c'est qu'à mon avis c'est un... je
m'excuse. Vous voyez, la raison pour laquelle, personnellement, j'hésite
énormément ce matin à vouloir entrer dans la...
discussion, c'est que c'est un problème qui est indépendant de la
société des acquêts. Si on accepte plus que cela, il faudra
éventuellement faire des concordances en matière de dissolution
de la communauté. En fait, c'est un problème qui est
indépendant des régimes. Même si ça prend encore
quelque temps, il me semble qu'il y a là quelque chose de certain, de
précis. Sur le plan de la dissolution, autrement que par le
décès, alors là, les incidences en ce qui concerne les
torts, en ce qui concerne la garde des enfants, ce sera étudié et
nous pourrions vous offrir quelque chose de plus mûri et qui, de toute
façon, n'exigera pas un changement à ces textes, parce que ce
sera dans la partie du code civil traitant généralement des
effets du mariage.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Les membres du comité qui étudient
justement ce droit de famille, cette question du domicile conjugal, si vous
voulez, est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité de les consulter pour
voir si, justement, on ne pourrait pas nous faire des représentations
sur ça? Est-ce que cela a une incidence telle que... Je comprends, il y
a la question de la garde des enfants, etc. Il me semble qu'il y aurait encore
une possibilité de trouver une formule. Je m'excuse d'insister.
M. CREPEAU: Ce que je peux dire, c'est que nous en sommes arrivés
là. Nous allons étudier au comité de la famille les effets
du mariage. C'est l'un des prochains sujets d'étude. Alors, on peut
toujours proposer un texte. Je vous avoue franchement qu'à moins que
cela ait fait l'objet d'une étude par un expert, pour voir le
problème de la protection du domicile conjugal, question
d'enregistrement... Vous vous souvenez, madame, lorsque nous étions
allés à Toronto au printemps 1967, lorsque nous avons
parlé de "the protection of a matrimonial home" une
des questions qui se posait était de savoir ce qu'est le domicile
conjugal. Quand vous avez trois résidences, est-ce qu'il faut
enregistrer chacune de ces résidences? Et qu'est-ce que l'on fait, quand
on change de domicile matrimonial? Qu'est-ce qu'on fait lorsque l'on est
propriétaire? Qu'est-ce que l'on fait quand on est seulement locataire?
Il y a une foule de problèmes qui sont en train d'être
étudiés, en ce moment, et je puis vous promettre que nous allons
procéder avec toute diligence. Nous allons vous faire des
recommendations. Mais moi, je n'ose pas vous en faire ce matin, parce que je
les ferais sans connaissance de cause.
M. COMTOIS: J'aimerais d'ailleurs ajouter que, d'après moi, cette
question-là rentre dans le régime primaire, si on peut dire.
S'il y a lieu de légiférer pour le domicile matrimonial,
ce n'est pas seulement pour les époux mariés en
société d'acquêts, ce sera pour tous les
époux...
M. CREPEAU: Séparés...
M. COMTOIS: ... et d'un autre côté, je voulais vous dire
qu'ici il y a tout de même une amélioration. Actuellement, en
communauté, lorsque l'un des époux décède, la
maison doit être vendue en justice. On a voulu améliorer un peu Si
on n'avait rien mis, cela n'aurait soulevé aucune discussion
probablement ici ce matin. C'est pour cela que lorsque mon ami M. Caparros dit
qu'on ne s'est pas trop forcé pour éviter des difficultés,
je tiens à lui dire qu'on a tout de même amélioré la
législation actuelle. Aujourd'hui, arrive une dissolution de
communauté et l'absence de testament, l'entreprise agricole familiale et
la maison sont exposées à être vendues en justice, si les
gens ne veulent pas faire un partage à l'amiable.
Là, au moins, le conjoint survivant doit dire: La maison, le
commerce et la ferme, c'est moi qui les prend dans ma part et je vais payer en
argent la différence que je dois à la communauté. C'est
déjà une amélioration.
M. CAPARROS: Je dois vous faire remarquer, M. Comtois, que lorsque j'ai
fait des critiques à ce texte, je commençais toujours en disant
que c'était une excellente amélioration.
M. COMTOIS: C'est très diplomatique.
M. CAPARROS: Non, non, vous l'avez dans le rapport que je vous ai
soumis.
M. COMTOIS: C'est très gentil. Je m'excuse de ne pas
l'avoir...
M. CAPARROS: Parmi les éléments d'un régime de
protection de la famille qui se trouvaient dans le bill 10, je signalais cela.
Je sais que c'est très bien mais je disais que ce n'était pas
suffisant et je me rappelle que lorsqu'on a eu un séminaire à
McGill sous la direction de M. Carbonnier, la même question était
soulevée. On m'a souligné qu'on voulait protéger la
famille avec le bill 10. Je dis: Mais vous ne protégez la famille que
lorsqu'il y a une absence, l'absence de l'un des époux, lorsque l'un des
deux décède. Mais pas dans les autres cas. De toute façon,
j'aimerais d'abord, en fait, la remarque de M. le Président à
propos du désir qu'il aura pour garder les enfants. Il ne faut pas
oublier, comme M. Comtois vient de le souligner, qu'il va falloir qu'il paye
pour la maison, etc., alors qu'il n'aura pas tout cela gratuitement. Ceci va
peut-être le faire réfléchir avant de demander la garde des
enfants. En deuxième lieu, je voudrais, d'une façon très
nette, souligner la remarque de M. Crépeau. J'aime mieux une loi qui
sera moins bonne, mais mieux faite, qu'un amendement à la
dernière minute qui démolit complètement le texte. Cela en
fait, il y a quand même je pense que nous avons eu des exemples un
peu partout dans le monde. D y a eu des amendements faits ici et là qui
n'ont pas été suffisamment réfléchis et qui
viennent enlever une certaine importance à la loi. Mais il y a quand
même une petite objection que je voudrais faire aussi. Vous dites que
cela relève du régime primaire. Je suis tout à fait
d'accord. Mais, si vous l'avez quand même inséré dans ce
domaine c'est parce que lorsqu'on va régler la société
d'acquêts, il y a cet incident de ce régime primaire que vous
aviez quand même comme infrastructure dans votre esprit en le faisant, et
que vous vous êtes attardés au partage du domicile même s'il
y a quelque chose qui rentre dans le régime primaire. J'en conviens le
régime primaire on peut le faire à part. Le régime
primaire, on aurait pu le faire avec les régimes matrimoniaux de
façon générale. On ne l'a pas fait. J'aime mieux qu'on ne
le fasse pas tout de suite. Mais, on aurait pu faire l'ensemble. De toute
façon, il y a tout de même une amélioration très
nette que je tiens à souligner. La seule chose, c'est qu'en fait on
n'est pas encore rendu à la fin. Toutefois, le comité du droit de
la famille le fera probablement.
M. CREPEAU: Ce n'est pas seulement probable. Vous vous rappelez que
nous, nous n'avions pas voulu protéger le domicile conjugal. Etant
donné les directives que vous nous avez données, nous avons
commis des adjoints de recherche à l'étude du problème, et
le comité va les examiner très bientôt. Si bien, que nous
pouvons vous promettre que vous aurez quelque chose sur cette question et, ce
sera mûri en tout cas plus que...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Remarquez bien que nous sommes tous d'accord avec
celui qui vous a précédé. Nous préférons que
la loi soit le mieux rédigée possible, pour qu'elle soit
la plus parfaite possible. Cependant, c'est justement la question de
délai qui nous inquète quelque peu. Moi, je me souviens que
lorsque nous avions adopté le bill 16 en 1964 on avait bien dit que cela
était la première étape de la législation, que
c'était incomplet malgré que cela apportait une
amélioration. Nous avons attendu quand même cinq ans pour nous
trouver devant cette commission.
Je comprends, je n'en fais pas grief aux juristes qui ont
travaillé sur ce comité, mais nous avons quand même attendu
cinq ans, et la loi est encore à l'étude. On ne sait pas ce qui
va arriver à l'assemblée nationale.
Moi, ce que j'aimerais, ce serait une assurance de vous du notaire
Comtois, que ça peut venir d'ici un délai raisonnable, non pas
une chose de quelques années, parce que je pense qu'on ne peut pas
légiférer ici, sans penser à l'autre, et que ça
vienne à brève échéance.
M. CREPE AU: Moi, je peux vous donner, en tout cas, l'assurance de
l'Office de la revision du code civil qui, comme vous le savez, depuis quelques
années, travaille à un rythme accéléré. Nous
avons maintenant quinze comités qui sont sur pied. Nous pouvons vous
promettre que vous aurez les recommandations du comité du droit des
personnes et de la famille avant très longtemps. C'est exactement ce que
nous allons aborder d'ici quelques semaines.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, j'aimerais savoir du
professeur Crépeau quand a été constitué ce
comité du droit des personnes et de la famille.
M. CREPEAU: J'ai été nommé président le 15
octobre 1965, il y a 4 ans exactement. J'ai pensé en quelque sorte
développer la méthode utilisée par mon
prédécesseur, Me André Na-deau. Une des premières
choses que j'ai faites c'est d'aller rendre visite à Me Maximilien
Caron, et lui demander d'accepter la présidence du comité du
droit des personnes et de la famille. Malheureusement, vous savez
peut-être que M. Caron, et lui demander d'accepter la présidence
du comité du droit des personnes et de la famille. Malheureusement, vous
savez peut-être que M. Caron a été très malade,
à partir de janvier 1966. Il a été opéré. La
question de son remplacement s'est posée, mais comme les médecins
ont donné l'assurance que peuvent donner les médecins
qu'il y aurait probablement un rétablissement, j'ai pensé
attendre le retour de M. Caron, pour réentreprendre les travaux. ILs
furent effectivement repris mais malheureusement, M. Caron est
décédé subitement au mois de septembre 1967, et alors
là, j'ai essayé de trouver quelqu'un qui pourrait reprendre les
travaux, et après un an de, comment dirais-je? non.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... de consultations, de réflexion.
M. CREPEAU: ... de consultations, j'ai pu obtenir après un accord
entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, que
le juge Mayrand soit libéré complètement de ses fonctions
judiciaires pour assumer la présidence du comité. Alors
là, le comité fonctionne à plein. Nous avons une
séance par semaine, et M. Mayrand est entouré d'un bureau
d'étude. Si bien que ça marche; je pense que, dans l'état
actuel des choses on ne peut pas demander plus sauf bien sur de multiplier le
personnel du bureau d'étude. Je pense qu'en ce moment, le comité,
se réunissant une fois par semaine, procède avec toute la
diligence que vous pourriez espérer.
M. PLAMONDON: M. le Président, je pense que nous sommes tous
sensibilisés au problème qu'a soulevé M. Caparros, et je
pense que tous les membres du comité admettent le bien-fondé de
cette présentation. Toutefois, compte tenu du fait que
premièrement, je suis aussi d'avis que ça devrait s'appliquer,
cette politique-là, d'une façon générale, au
régime primaire et non seulement à la société
d'acquêts, et compte tenu des assurances que nous donnent M.
Crépeau et M. Comtois, je crois que nous devrions peut-être
procéder avec le texte actuel.
M. LE PRESIDENT: Alors, adopté? MME KIRKLAND-CASGRAIN:
Adopté.
M. LE PRESIDENT: Alors 1267e): "La dissolution du régime ne peut
préjudicier, avant le partage des recours des créanciers
antérieurs sur l'intégralité du patrimoine de leur
débiteur. "Après le partage, les créanciers
antérieurs peuvent poursuivre le paiement de leurs créances
contre l'époux débiteur ou ses ayants-droit, et en outre mais
seulement jusqu'à concurrence de son émolument contre le conjoint
ou ses ayants-droit. Chaque époux ou ses ayants-droit conserve toutefois
un recours contre l'autre ou ses ayants-droit, pour la moitié des sommes
qu'il aura, en conséquence, été appelé à
payer."
Adopté. A l'article 25: Les articles 1268 et 1260 du code sont
remplacés par le suivant: "La communauté de meubles et
acquêts prévue à la section I du présent chapitre
s'établit par la simple déclaration faite au contrat de mariage
que l'on entend qu'elle existe. "Cette communauté peut être
modifiée par des clauses particulières dont les principales sont
exposées dans la section II du présent chapitre. "Les
dispositions régissant la communauté de meubles et acquêts
sont applicables aux époux qui étaient, le (insérer ici la
date de l'entrée en vigueur du bill 10), mariés sous le
régime de la communauté légale."
M. CREPEAU: Un changement de politique législative ici, si vous
le permettez, M. le Président. Nous abordons ici les régimes
con-
ventionnels et la communauté de meubles et acquêts, qui est
la communauté légale, deviendrait une communauté
conventionnelle. Mais, au lieu d'obliger que ce soit fait par une
déclaration notariée il y aurait simplement une
déclaration faite au contrat de mariage. Ah oui, il faut qu'il y ait le
contrat de mariage devant notaire quand même.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. CREPEAU: Mais on fait simplement une déclaration, selon
laquelle on veut être régi par la communauté de meubles et
acquêts du code.
M. PLAMONDON: Cela est pour les régimes matrimoniaux en vertu de
la communauté de biens actuelle?
UNE VOIX: C'est ça.
M. PLAMONDON: Ils veulent transformer leur régime en vertu du
nouveau système?
M. CREPEAU: Non, je pense que les époux, par exemple, une fois
cette loi introduite, qui désirent, parce que ça leur convient,
se marier en régime de communauté de meubles et acquêts,
vont alors chez le notaire pour passer un contrat de mariage et font une
déclaration à l'effet qu'ils sont mariés sous ce
régime de communauté de meubles et acquêts, qui aujourd'hui
est légale, mais qui, demain deviendrait un régime
conventionnel.
M. PLAMONDON: Qu'est-ce qu'il arrrive vis-à-vis des
créanciers, de la protection des tiers? Tout ça fait partie de la
déclaration? Non?
M. CREPEAU: C'est-à-dire que c'est le régime tel qu'il est
prévu dans le code, qui s'appliquerait à eux, le régime de
communauté ordinaire.
M. COMTOIS: Une fois que la nouvelle loi, le bill 10, sera en vigueur,
disons dans un an d'ici, je ne sais pas, disons qu'en 1972 deux époux
veulent se marier sous un régime qu'on appelle communauté de
meubles et d'acquêts, qui est exactement ce qu'on a actuellement en 1969,
ils n'ont pas à faire un contrat de mariage de cinq pages. Ils disent'
simplement: Nous voulons être mariés sous le régime de la
communauté de meubles et d'acquêts.
UNE VOIX: C'est ça.
M. COMTOIS: Pour ce qui est des créanciers ils seront alors comme
ils sont actuellement, vis-à-vis de ceux qui sont mariés en
communauté légale.
M. PLAMONDON: Très bien, je comprends, ça va. Merci.
M. LE PRESIDENT: Adopté? UNE VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: L'article 26: "Le titre de la section I qui
précède l'article 1270, les articles 1270 et 1271, le titre du
paragraphe 1 qui précède l'article 1272 ainsi que les articles
1272 et 1273 dudit code sont remplacés par ce qui suit: "Section 1."
M.PAUL: Ici, M. le Président, je me demande si on ne devrait pas
ajourner nos délibérations. Il est déjà près
de 12 h 15. Messieurs les experts, nous vous remercions une fois de plus, de
même que tous ceux qui ont participé aux
délibérations de ce matin. Je me demande si mercredi prochain
pourrait vous convenir, MM. Crépeau et Comtois.
M. CREPEAU: Mercredi, je pense, nous avons à l'Office de revision
du code civil, des séances d'études publiques sur les
déménagements du premier mai.
M.PAUL: Nous irions à jeudi, M. Crépeau. M. CREPEAU: Oui.
Jeudi matin.
M..LE PRESIDENT: Alors, jeudi prochain, le 23 octobre à 10
heures.
M. COMTOIS: J'ai une affaire. J'ai un comité à la Chambre
des notaires ce jour-là. C'est le comité Maurice Savignac; ce
n'est pas encore fini, cette affaire-là. Nous avons une dernière
réunion.
M. PAUL: Le 23? M. COMTOIS: Le 23.
M. CREPEAU: En toute objectivité et en toute humilité, je
suis tout à fait disposé à venir donner les explications
que je pourrais donner, dans cette question mais je pense que la
présence du notaire Comtois est indispensable.
M. COMTOIS: Je vous remercie de votre délicatesse, mais
l'embêtement, c'est que j'ai accepté d'aller à cette
réunion. On m'avait déjà prévenu il y a quinze
jours, et j'ai accepté; c'est très délicat de dire
maintenant...
M. PAUL: Maintenant, est-ce que le 29 vous conviendrait, le mercredi
29?
M. COMTOIS: Oui, je crois bien. Le vendredi, c'est une mauvaise
journée?
M.PAUL: C'est parce que nous siégeons à 10 h 30.
M. COMTOIS: Mais dans l'autre semaine, cela me va.
M. CREPEAU: Le mercredi 29.
M. PAUL: Le mercredi 29. Et sans préjudice, peut-être
qu'à ce moment-là, nous pourrions envisager la possibilité
de continuer jeudi aussi, si cela convient.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je suis tout à fait d'accord.
M. PAUL: Alors, nous pourrions ajourner le 29, et là, le 29, nous
pourrions voir s'il y a possibilité d'aller également en
séance le 30. Mais, disons que pour le moment cela va pour le 29.
M. COMTOIS: M. le Ministre, je vous signale que pour ce qui reste, il y
a très peu de changement avec le texte actuel.
M. PAUL: C'est cela.
M. COMTOIS: Le gros de l'étude, il est fait.
M. PAUL: C'est cela.
M. CREPEAU: Peut-être même pourriez-vous terminer
l'étude à la prochaine réunion?
Nous allons nous permettre de vous présenter quelque chose sur la
question des rentes. A la suite des discussions que nous avons eues et avec les
représentants de l'assurance-vie, je pense qu'il y aurait
peut-être lieu de clarifier certains faits, et nous vous les
présenterons.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, pendant que j'y pense, je
comprends que ce n'est pas la dernière séance, mais est-ce qu'il
n'y aurait pas possibilité de prévoir peut-être de
demander un travail additionnel à vos juristes? un texte qui
condenserait les représentations déjà faites par les
juristes et par les membres de la commission pour que ce soit remis aux
députés lorsque le bill sera présenté en Chambre.
Parce que je m'inquiète de ce que quelques-uns de nos collègues
trouvent très aride de digérer tout cela, et de ce que des
discussions reprennent à certains moments, des discussions au cours
desquelles nous sommes entrés dans les détails et à la
suite desquelles nous avons eu des réponses satisfaisantes. J'en ai dit
un mot au notaire Comtois avant la séance, et je me demande si c'est
trop vous demander, que de vous imposer ce genre de travail. Je ne sais pas ce
que le ministre de la Justice en pense.
M. PAUL: Je pense bien que la suggestion de mon honorable
collègue est tout à fait logique. Mais justement, si on s'en
rapporte à l'expérience vécue, si c'est très aride,
je crois que nous aurons une étude très déserte en
Chambre.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah bon! A ce moment-là...
M. PAUL: Cela ne fait rien. Nous aurons au moins eu l'occasion
d'examiner, ou de comprendre ou d'être informés.
M. CREPEAU: Ce serait un commentaire un peu plus détaillé
que ce qui se trouve dans les...
M. COMTOIS: Non, plus court.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non, beaucoup plus concis.
M. PAUL: II faudrait deux ou trois pages.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: II y a des points qui reviennent le plus souvent
dans l'esprit des gens.
M. PAUL: Ce seraient peut-être les notes explicatives du bill, si
vous voulez, plus aérées, plus concises et peut-être plus
simples.
M. COMTOIS: II faut laisser cela simple.
M.PAUL: En langage populaire, pour employer une expression devenue
consacrée.
M. COMTOIS: Nous ne parlerons pas d'impenses.
M. PAUL: Non.
M. COMTOIS: II va falloir parler d'acquêts, par exemple.
M. PAUL: Alors, M. Crépeau et le notaire, est-ce que cela vous
conviendrait?
M. LE PRESIDENT: Alors, le 29 octobre à 10 heures du matin.
(Fin de la séance: 12 h 20)
Office de revision du Code civil Civil Code Revision Office 360,
rue McGill, chambre 402 MONTRÉAL
Me Paul-André CRÉPEAU:-Tél.: 873-2375
Président: 873-4580
Le 14 octobre 1969
Monsieur le Président, Commission permanente de Justice,
Assemblée nationale, Hôtel du Gouvernement, Québec,
P.Q.
Monsieur le Président,
Faisant suite au voeu qu'exprimait, lors de sa dernière
séance, la Commission permanente de Justice au sujet de l'utilisation,
dans la version française de l'article 1266 r) du bill 10, du terme
français: "ressources", comme équivalent du mot: "means" dans la
version anglaise de l'article, j'ai l'honneur de recommander: 1) que le mot:
"ressources", utilisé dans les articles 1266 r), 1438 et 1447 du projet
de loi, soit remplacé par le mot: "facultés"; 2) que les articles
191 et 200 du Code civil soient modifiés en changeant, dans la version
française le mot: "moyens" par le mot: "facultés", 3) que
l'article 169 du Code civil soit modifié dans sa version
française en substituant le mot: "facultés" au mot: "fortune" et,
dans sa version anglaise, en substituant le mot: "means" au mot: "fortune".
Commentaires:
Le but visé ici est d'assurer l'uniformité dans la
terminologie. Un examen des textes montre que le mot: "means",
généralement utilisé en langue anglaise, a comme
équivalent en langue française les mots: "moyens" (1) ou
"facultés" (2) et le bill 10 propose de donner un autre
équivalent, soit: "ressources".
Il convient également de souligner qu'à l'article 169 du
Code civil le Législateur emploie le mot: "fortune" qu'il traduit en
anglais pas le mot: "fortune" (3).
Afin d'assurer l'uniformité, dans la terminologie, il convient de
faire un choix entre ces diverses expressions qui sont en réalité
utilisées dans le même sens.
Quelles sont les différentes nuances qu 'expriment ces mots?
(1) Articles 191, 200 du Code civil. Voir aussi la loi
fédérale sur le divorce, 1967-68,16 El.II, chap. 24, art. 10
(a).
(2) Voir articles 176, 212, 213, 215, 1317 et 1423 du Code civil. Voir
aussi la loi fédérale sur le divorce article 11, par. 1.
(3) Le mot: 'fortune" est celui qu'emploie le Législateur
français à l'article 208 C.N., l'équivalent de notre
article 169 c.c.
Le mot: "ressources" se dit des moyens pécuniaires d'existence,
mais il s'emploie généralement au pluriel pour désigner
des moyens assez importants tenus en réserve pour les mauvais jours ou
constituant des revenus sûrs. Le sens donné au mot: "ressources"
est donc assez restreint (4).
Le mot: "moyens" employé au pluriel signifie richesses,
ressources, facultés pécuniaires. Il est synonyme de
facultés au sens de biens en argent dont une personne peut disposer
(5).
Le mot: "facultés" employé au pluriel signifie biens,
ressources dont quelqu'un peut disposer. Dans le langage courant, il signifie
encore l'aptitude, la capacité de faire quelque chose (6).
Le mot: "fortune" signifie l'ensemble des biens, des richesses qui
appartiennent à un individu, à une collectivité.
Toutefois, il s'entend le plus souvent d'un ensemble de biens de valeur
considérable ou du moins importante (7).
Après en avoir discuté avec Monsieur le Juge Mayrand,
président du Comité du droit des personnes et de la famille, de
même qu'avec Me Roger Comtois, du Comité des régimes
matrimoniaux et Me Denyse Fortin-Caron, du Bureau d'études du
Comité du droit des personnes et de la famille, il semble que le mot:
"facultés" doive être préféré. Il aurait un
sens plus étendu que les mots: "moyens", "ressources" et "fortune", ce
qui permettrait aux tribunaux de prendre en considération, non seulement
les revenus et la fortune de chacun des époux, mais aussi leurs
possibilités de gain, compte tenu de leur état de santé,
de leurs capacités intellectuelles et autres.
Il convient enfin de souligner que dans le Code civil français,
sauf à l'article 208, où le mot: "fortune" est utilisé, le
Législateur emploie le mot: "facultés" (8).
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma
haute considération.
(Signé) Paul-André Crépeau.
(4) Voir Ressource, Dictionnaire Paul Robert, Paris, 1965.
(5) Voir Moyens, Dictionnaire Paul Robert, op. cit. Dictionnaire Emile
Littré.
(6) Voir Facultés, Dictionnaire Paul Robert, op. cit.
Dictionnaire Emile Littré.
(7) Voir Fortune, Dictionnaire Paul Robert, op. cit.
(8) Voir les articles 208, 214, 303,1448 C.N.
Office de revision du Code civil Civil Code Revision Office 360,
rue McGill, chambre 402 MONTRÉAL
Me Paul-André CREPEAU:-Tél.: 873-2375 Président,
873-4580
Le 14 octobre 1969
Monsieur le Président, Commission permanente de Justice,
Assemblée nationale du Québec, Hôtel du Gouvernement,
Québec, P.Q.
Monsieur le Président,
Faisant suite au voeu qu'exprimait, lors de sa dernière
réunion, la Commission permanente de Justice au sujet de l'article 1266
p) du bill 10 concernant les régimes matrimoniaux, j'ai l'honneur de
suggérer les modifications suivantes: 1) le second alinéa de
l'article 1266 p) serait modifié pour se lire de la manière
suivante: "Le présent article ne limite pas le "This article does not
limit the right of droit d'un époux de désigner un tiers a
consort to name a third person beneficiary bénéficiaire d'un
contrat d'assurance sur la of a contract of life insurance, and no vie, et
aucune récompense n'est due en compensation is due by reason of the sums
raison des sommes ou primes payées à cette or premiums paid for
such purposes out of fin à même les acquêts si le conjoint
ou les the acquests if the beneficiary be the spouse enfants de l'époux
ou du conjoint sont or the children of either the consort or the
bénéficiaires." spouse." 2) l'article 35 du projet modifiant
l'article 1292 du Code civil serait modifié au paragraphe b en ajoutant,
après les mots "les biens de la communauté", ce qui suit: "... si
le conjoint ou les enfants du mari ou du conjoint sont
bénéficiaires." 3) l'article 85 du projet modifiant l'article
1425 a du Code civil serait modifié en ajoutant au dernier
alinéa, après les mots "les biens réservés", ce qui
suit: "... si le conjoint ou les enfants de la femme ou du conjoint sont
bénéficiaires."
Ces modifications ont pour but de répondre au désir de la
Commission permanente de Justice qui voulait éviter les cas possibles de
fraude comme ce pourrait être le cas, notamment ainsi que l'exemple en
fut donné à la Commission d'un contrat d'assurance à prime
unique.
Veuillez agréer Monsieur le Président, l'expression de ma
haute considération;
(Signé) Paul-A. Crépeau.