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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 12 novembre 1996 - Vol. 35 N° 41

Consultation générale sur le projet de loi n° 12 - Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions

Remarques finales

Documents déposés


Autres intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
M. Michel Rivard
M. Gabriel-Yvan Gagnon
M. Réal Gauvin
*M. Claude Filion, CDPDJ
*Mme Claire Bernard, idem
*M. Hugues La Rue, Crédit Ford Canada ltée et GMAC ltée
*M. Serge Vermette, idem
*M. Gaétan Bérubé, AVAC
*Mme Diane Gravel, idem
*Mme Huguette Moreau, idem
*M. Michel Piché, idem
*M. Ronald Dubé, Chambre des huissiers de justice du Québec
*M. Victorien Bourdages, idem
*M. Raymond Hénault, Vélotournée et Vélovirée Lanaudière
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures trente et une minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission de l'aménagement et des équipements débute ses travaux. Le mandat de la commission, c'est consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Perron (Duplessis) est remplacé par Mme Charest (Rimouski); M. Poulin (Beauce-Nord) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny–L'Islet); M. Quirion (Beauce-Sud) est remplacé par M. Bergman (D'Arcy-McGee).

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, aujourd'hui, à l'ordre du jour, nous avons, à 15 h 30, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; à 16 heures, Crédit Ford Canada ltée et General Motors Acceptance du Canada ltée; à 17 heures, Association des victimes d'accidents corporels; à 18 heures, il y aura suspension des travaux; à 20 heures, la Chambre des huissiers de justice du Québec; à 21 heures, Vélotournée et Vélovirée Lanaudière, pour ensuite arriver, à la fin de nos travaux, avec le dépôt des mémoires qui n'ont pas été entendus et qui ont été envoyés à la commission.


Auditions

Alors, je demanderais à M. Claude Filion et à Mme Claire Bernard, les porte-parole... Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire qui sera suivi, par la suite, d'une période de questions de 20 minutes du côté ministériel et de 20 minutes du côté de l'opposition. Alors, vous avez la parole.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Alors, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je suis accompagné, à ma droite, de Me Claire Bernard, de la Direction de la recherche de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Alors, nous avons préparé quelques notes pour notre présentation de cet après-midi, qui vous ont été distribuées pour vous permettre peut-être de suivre plus facilement. Notre mémoire a déjà été déposé également à la commission.

Alors donc, Mme la Présidente, des accidents de la route continuent tragiquement de faire, semaine après semaine, des victimes, et ce, malgré les actions éducatives réalisées par les campagnes de sensibilisation ou de prévention, malgré également les actions punitives prescrites par les codes de la route ou le Code criminel. Le législateur n'a de cesse, et c'est tout à fait normal et louable, de chercher toujours de nouvelles solutions en ciblant les causes de ce fléau. C'est ainsi que cette Législature québécoise actuelle procède à la réévaluation des effets de l'application du Code de la sécurité routière et tente, par le projet de loi n° 12, d'implanter de nouvelles règles visant notamment à faire baisser le taux d'accidents de la route.

D'ailleurs, il est intéressant de noter que la Saskatchewan vient d'adopter cette année une nouvelle loi qui a, entre autres, abaissé le taux d'alcoolémie maximum de 0,06 à 0,04 pour tous les conducteurs, quel que soit leur âge. Alors, c'est donc un effort qui fait partie d'un ensemble de la part des gouvernements et des Législatures visant à maîtriser ce fléau que sont les accidents sur la route.

De notre côté, dans le cadre du mandat que lui confère la Charte des droits et libertés de la personne, la Commission des droits est chargée de relever les dispositions des lois du Québec qui seraient incompatibles avec la Charte et de faire au gouvernement les recommandations appropriées. L'examen du projet de loi sur lequel se penche aujourd'hui la commission de l'aménagement et des équipements a permis à la Commission de constater que deux modifications au Code seraient potentiellement contraires aux principes de la Charte québécoise. D'abord et avant tout, la Commission s'interroge sur le recours à un critère de discrimination illicite, voire lâche, même si elle concède que la formulation de la Charte québécoise permet une telle distinction législative. Dans un deuxième temps, la Commission s'inquiète des répercussions qu'auront sur le droit à l'avocat les nouvelles mesures relatives au dépistage de conduite après consommation d'alcool.

En ce qui concerne l'âge, une distinction discriminatoire, selon les règles actuelles du Code de la sécurité routière, toute personne, quel que soit son âge, doit détenir un permis probatoire pendant une période de 24 mois avant de pouvoir obtenir pour la première fois un permis de conduire l'autorisant à conduire un véhicule automobile. En vertu des nouvelles dispositions, les personnes âgées de moins de 25 ans constitueraient la seule catégorie de population qui se verrait obligée de détenir un permis probatoire, et ce, pendant deux ans.

En outre, cette obligation ne se limiterait plus à l'obtention du premier permis de conduire. Selon les règles en vigueur, une personne dont le permis est expiré depuis trois ans ne peut renouveler son permis et doit obtenir un nouveau permis. Dans le cas où cette personne serait âgée de moins de 25 ans, les nouvelles prescriptions auraient donc pour effet de l'obliger à obtenir un nouveau permis probatoire, même si elle a déjà été titulaire d'un permis de conduire et même si elle a acquis une expérience de conduite de plusieurs années.

La Commission considère que la distinction fondée sur le critère de l'âge établie par le projet de loi actuellement sous étude est susceptible de compromettre le droit de conclure en toute égalité un acte juridique ayant pour objet un service ordinairement offert au public, qui constitue un droit garanti à l'article 12 de la Charte québécoise. Selon les nouvelles règles sur le permis probatoire, les personnes âgées de moins de 25 ans n'auraient pas accès dans les mêmes conditions au permis de conduire que les personnes âgées de 25 ans ou plus. Les caractéristiques inhérentes au permis probatoire comprennent deux éléments particuliers: d'abord, une limite de quatre points d'inaptitude au lieu de 15 et un taux d'alcoolémie de 0,00, inexistant en quelque sorte, au lieu de 0,08. Celles-ci pourraient entraîner, par ricochet, des sanctions plus nombreuses en cas d'inobservation des conditions.

Conformément aux principes de droit développés par les tribunaux, une distinction est réputée non discriminatoire si elle respecte les trois critères suivants, que nous allons étudier à tour de rôle: premier critère, la finalité; le second, la rationalité; et le troisième, la proportionnalité. Alors donc, d'abord, la première question qu'on se posera, c'est: La mesure choisie comporte-t-elle un lien rationnel avec l'objectif? Enfin, il faudra que les effets des moyens utilisés soient proportionnés aux objectifs recherchés. À cette fin, le législateur devra établir qu'il n'existe pas de moyens alternatifs raisonnables. Je répète: Le législateur devra établir qu'il n'existe pas de moyens alternatifs raisonnables et moins attentatoires de réaliser ses objectifs. Il lui incombe de faire la preuve de l'ensemble de ces éléments de façon concrète et scientifique, et non pas sur la base d'impressions, de généralités.

Premièrement, le projet de loi n° 12 définit clairement les objectifs. Il s'agit, quant à l'imposition du permis probatoire, de favoriser l'acquisition de comportements et d'attitudes prudentes et, quant aux règles relatives à l'alcoolémie, d'assurer la protection du conducteur et du public.

La Commission reconnaît d'emblée que les objectifs de sécurité que visent les mesures proposées sont tout à fait louables, et sont réels et importants, mais nous devons nous interroger, par la suite, sur le lien rationnel ainsi que sur le rapport de proportionnalité qui existe entre ces objectifs et les moyens retenus. Pour se décharger de son fardeau de preuve, le législateur doit, en effet, établir qu'il n'existe pas, comme je le disais tantôt, de moyens alternatifs autres qu'une distinction générale fondée sur un critère de distinction illicite, soit l'âge, qui permettrait d'identifier les conducteurs de véhicules routiers qui ne possèdent pas les compétences et les attitudes de prudence justifiées par la protection du public.

(15 h 40)

Le nouveau régime se fonde sur la prétention que les conducteurs âgés de 16 à 24 ans sont surreprésentés dans les accidents avec dommages corporels. On en conclut que l'âge est un facteur déterminant dans les attitudes et les comportements qu'exige une conduite prudente. Pourtant, les chiffres compilés par la Société de l'assurance automobile du Québec démontrent – je voudrais en citer trois – un, que les jeunes femmes de 20 à 24 ans représentent un risque moindre que les hommes de 25 à 44 ans au niveau du nombre d'accidents avec dommages corporels; deuxièmement, que les femmes commettent moins d'infractions au Code de la sécurité routière, surtout beaucoup moins d'infractions criminelles reliées à la conduite que les hommes; troisièmement, et c'est très important, que le taux d'accidents impliquant les conducteurs âgés de 20 à 24 ans se rapproche plus de celui des conducteurs de 25 à 65 ans que du taux des conducteurs âgés de 16 à 19 ans.

Donc, de fait, il est remarquable de noter que, dans la catégorie de moins d'un an d'expérience et de moins de deux ans d'expérience, les jeunes de 20 à 24 ans ont un taux d'accidents inférieur à celui des 25 à 64 ans. Il s'ensuit, il en découle que l'âge n'est pas nécessairement un facteur de risque important et que la tranche d'âge retenue par le législateur est très large. Par conséquent, le projet de loi vise, sur la base d'un critère discriminatoire, une catégorie de personnes qui n'est pas homogène et qui n'est pas assez circonscrite.

Par ailleurs, la Commission n'est pas convaincue que les mesures choisies satisfassent également au critère de proportionnalité. Il nous semble, par exemple, discutable de présumer de manière absolue que l'ensemble des personnes âgées de moins de 25 ans ne possèdent pas la compétence et les attitudes de prudence nécessaires à une conduite sans risque pour le public. Et, inversement, l'atteinte de l'âge de 25 ans ne garantit en rien la maîtrise de ces qualités. Ne faut-il pas expliquer le manque de compétence par le manque d'expérience de conduite plutôt que de l'imputer à la jeunesse? Les nouveaux conducteurs étaient déjà soumis à un nombre maximum de 10 points d'inaptitude au lieu de 15. A-t-on évalué les effets de ce système sur une période de temps suffisamment représentative, particulièrement sur la population visée par le projet de loi?

En ce qui concerne maintenant la consommation d'alcool, de la même façon, le lien rationnel entre l'interdiction de la consommation d'alcool et l'âge doit être établi. Sur quels facteurs se base-t-on pour conclure que la sécurité du conducteur et du public est plus menacée par un conducteur âgé de 19 ou de 23 ans dont le taux d'alcoolémie est de 0,075 que par un conducteur de 25, 35 ou 50 ans qui atteint ce même taux? En quoi l'âge intervient-il dans le niveau d'affaiblissement des capacités de conduire? Ne faut-il pas tenir compte aussi de facteurs tels que l'état physique, la capacité d'absorption, qui ne sont pas nécessairement reliés à l'âge? Si c'est un objectif d'éducation des jeunes conducteurs que poursuit l'interdiction absolue d'alcoolémie, ne serait-il pas plus rationnel d'y soumettre tout nouveau conducteur, quel que soit son âge?

Par ailleurs, le taux de 0,00 nous semble très sévère. Cette interdiction totale pourrait pénaliser gravement un jeune travailleur qui aurait besoin de son permis pour travailler ou un étudiant qui réside à une certaine distance de son lieu de scolarité, particulièrement s'il vit en dehors d'une grande ville. L'interdiction absolue pourrait peut-être même pénaliser la personne qui a absorbé de l'alcool dans un plat cuisiné avec une sauce un peu trop corsée ou des chocolats alcoolisés.

En ce qui concerne, en terminant, le droit à l'avocat, dans un autre ordre d'idées, la Commission s'interroge sur les restrictions du droit à l'avocat. Les titulaires du permis d'apprenti conducteur, du permis probatoire ou du permis restreint seraient assujettis à une même obligation, soit l'interdiction de conduire s'il y a la présence d'alcool dans leur sang. Un agent de la paix pourrait ordonner au conducteur d'un véhicule routier titulaire d'un tel permis de lui fournir immédiatement un échantillon d'haleine afin qu'il puisse déterminer s'il a enfreint cette obligation. En cas d'infraction ou de refus d'obtempérer, le conducteur serait passible de suspension immédiate du permis pendant 15 jours, ou de 30 jours en cas de récidive, et d'une amende de 300 $ à 600 $.

Cette mesure de dépistage constitue une restriction implicite de l'exercice du droit à l'assistance d'un avocat auquel ces personnes ont droit, puisqu'elles se trouveraient en situation de détention. Or, le droit à l'avocat protège autant la personne qui risque d'encourir une sanction réglementaire qu'une sanction criminelle. L'une comme l'autre est détenue au sens de la Charte, puisqu'elle n'a pas de véritable choix face au pouvoir du policier.

Comme vous pouvez le constater, c'est surtout la distinction fondée sur l'âge qui a retenu l'attention des commissaires. Rappelons que, d'après les règles en vigueur depuis 1991, le critère de distinction se fonde sur l'expérience de conduite, puisque l'obligation de détenir un permis probatoire pendant une durée de 24 mois pèse sur tout premier conducteur, quel que soit son âge. N'est-il pas prématuré de conclure que l'actuel régime fondé sur un critère non discriminatoire n'a pas produit de résultats significatifs? Les chiffres les plus récents démontrent-ils qu'il est nécessaire de lui substituer dès maintenant un critère qui, à première vue, est discriminatoire? Si l'expérience de conduite n'est effectivement pas une cause d'accidents déterminante, les statistiques établies par la Société de l'assurance automobile tiennent-elles compte de facteurs autres non discriminatoires, tels, par exemple, le type et l'état du véhicule?

D'autre part, comme l'analyse des statistiques l'a démontré, le critère retenu et la tranche d'âge couverte produisent un effet discriminatoire injustifié pour toute une catégorie de personnes. La Commission ne peut que constater qu'il serait inadéquat d'instaurer une solution qui généralise à partir de motifs de distinction illicites tant que des justifications solides n'écartent pas le recours à des solutions alternatives moins attentatoires aux droits et libertés de la personne qui sont reconnus dans notre Charte. Puis, rappelons-le, dans le cas de l'âge, l'âge figure à la Charte québécoise des droits et libertés depuis 1982.

Alors, je vous remercie, Mme la Présidente. Merci, Mmes et MM. les députés.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Filion. Je me rends compte que je n'avais pas besoin de donner les règles du jeu. Je pense que vous étiez habitué au fonctionnement de nos commissions. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Mme la Présidente, je voudrais remercier notre ex-collègue, maintenant président de la Commission des droits de la personne, d'avoir accepté de venir témoigner devant cette commission, d'exprimer des points de vue évidemment qui ne sont pas sans intérêt compte tenu des dispositions que l'Assemblée nationale s'apprête à adopter comme modifications au Code de la sécurité routière.

Si je suis votre raisonnement sur la question de la discrimination en fonction de l'âge, est-ce que je dois comprendre que vous seriez d'accord pour que la catégorie 16-19 ou 16-20 ans soit, disons, discriminée, mais pas la catégorie 20-25 ans?

M. Filion (Claude): D'abord, l'âge, c'est un motif de discrimination illicite dans la Charte, sauf dans la mesure prévue par la loi. Donc, le législateur peut inscrire parfois l'âge, ou un certain âge, comme étant un motif de distinction, où le législateur fait des distinctions, des exclusions ou des préférences. Mais, lorsqu'il le fait, évidemment c'est une opération extrêmement délicate que vous vous apprêtez à faire. Dans ce cas-ci, ce qu'on dit – si on veut le résumer en quelques mots, c'est un peu difficile – c'est que le législateur, à notre sens, n'a pas renversé le fardeau de la preuve de démontrer que les distinctions qu'il s'apprête à faire adopter dans le projet de loi n° 12 sont absolument nécessaires.

(15 h 50)

À notre sens, pour me permettre d'aller un peu directement en réponse à votre question, le législateur, vous savez, en a introduit toute une distinction en fonction de l'âge, et elle est contenue dans le Code civil, c'est l'âge de la majorité, c'est 18 ans. C'est une distinction fondamentale dans l'ensemble de notre corps législatif, distinction qu'on retrouve à beaucoup de niveaux, qui implique le droit de vote, la majorité, etc.

Si, comme législateurs, vous étiez tentés d'utiliser un critère comme l'âge pour créer des distinctions, on serait tenté à la Commission peut-être de vous inviter à vous référer à des âges qui sont déjà utilisés par ailleurs dans la société québécoise puis dans le cadre législatif pour opérer des distinctions. Mais, quand vous utilisez l'âge de 25 ans, je suis convaincu – puis je donne un exemple qui me vient un peu de certains jugements de la Cour suprême – que vous n'avez pas étudié 24 ans, que vous n'avez pas étudié 23 ans. Pourquoi 25? Pourquoi pas 27? Pourquoi pas 21? Bon, alors, c'est pour ça que l'ensemble de notre mémoire, si vous me permettez, M. le ministre, a pour objet d'attirer votre attention sur la délicatesse de l'opération chirurgicale en cours où le projet de loi n° 12 pourrait consacrer une ligne qui, à notre sens, n'est pas soutenue par les statistiques qui sont en notre possession.

Si vous me permettez peut-être d'élaborer un peu, si j'utilise le tableau intitulé «Taux d'accidents avec dommages corporels par 1 000 conducteurs pour la période de 1989 à 1993» – même là, ça ne comprend pas ce qui se fait au Québec depuis 1991 – pour moins d'un an d'expérience, vous avez, pour les 20-24, un taux d'accidents de 33. Toujours pour les conducteurs ou conductrices de moins d'un an d'expérience, pour les 25 à 64, vous avez 40. Donc, plus d'accidents pour les conducteurs et conductrices qui ont entre 25 et 64 ans qu'entre 20 et 24, pour les catégories qui ont moins d'un an d'expérience. Si je m'en vais chercher les moins de deux ans d'expérience, à ce moment-là, j'ai 25 pour 20-24, alors que les 25-64 ont 27. Donc, encore là, inférieur.

Ça montre jusqu'à quel point les statistiques sont délicates, surtout que les statistiques évidemment, et je ne blâme absolument personne... C'est important – je voudrais bien qu'on me saisisse – de se doter d'instruments de mesure de ce fléau, et je participe entièrement à ça. Sauf que les statistiques dont nous sommes évidemment en possession – peut-être en existe-t-il d'autres – ne justifient pas, à notre point de vue, cette rencontre avec les critères de rationalité et de proportionnalité qui nous semblent être des critères devant être étudiés avant d'adopter le projet de loi n° 12.

M. Brassard: Bien, M. Filion, l'objectif fondamental, c'est un bilan routier amélioré. Ça veut dire, donc – il faut avoir ça à l'esprit – moins de décès sur nos routes, moins de blessés graves.

M. Filion (Claude): Oui, oui.

M. Brassard: L'objectif, c'est même de diminuer de 25 % le nombre de blessés graves et de décès sur nos routes. Et on constate – ça, c'est indéniable – que les jeunes 16-25 ans, qui détiennent 13 % des permis, sont impliqués dans le double des accidents, 26 %.

M. Filion (Claude): Quel...

M. Brassard: Ils détiennent 13 % des permis de conduire, les jeunes 16-25 ans, et on se rend compte qu'ils sont impliqués dans 26 % des accidents de la route. Il y a là donc un phénomène inquiétant sur le plan de la sécurité routière.

Quant au tableau auquel vous faites référence, qui est contenu d'ailleurs dans un mémoire au Conseil, c'est vrai que, pour moins d'un an, hein, le nombre moyen d'accidents par 1 000 titulaires est élevé, peu importe l'âge. C'est très élevé, peu importe l'âge: 37 %, 16-17; 55-64, c'est 31 %; 65 ans et plus, c'est 36 %. Donc, la première année, peu importe l'âge, là, le nombre d'accidents est élevé. Peu importe l'âge.

À partir de la première année, deuxième année, troisième année, là, manifestement, le taux d'accidents demeure élevé pour les catégories jeunes. C'est vrai qu'à 20-24 ans il a tendance à baisser davantage. Là encore évidemment, c'est une question de statistiques puis il faudrait peut-être raffiner davantage, mais il faut constater que les trois premières catégories d'âge, 16-17, 18-19 et 20-24, c'est des catégories de détenteurs de permis qui font 30 fois moins de kilométrage que les autres catégories d'âge. Donc, si on tenait compte du kilométrage, il y aurait finalement des taux d'accidents encore plus élevés

Bref, à la base de tout ça, c'est que les jeunes de 16-25 ans sont impliqués deux fois plus dans des accidents en relation avec le nombre de permis détenus. Et la première année, c'est la même chose pour toutes les catégories d'âge; c'est à partir de la deuxième et de la troisième année qu'on voit une distinction s'établir entre les jeunes et les 25 ans et plus.

Je vous signale qu'on n'ouvre pas la marche, on n'est pas les premiers à s'engager dans cette voie-là, dans un accès graduel au permis de conduire. Il y a plusieurs États américains, plusieurs provinces qui sont déjà engagés dans cette voie. Je reconnais cependant que la question que vous soulevez est une question majeure. Oui, quand on introduit des dispositions discriminatoires en fonction de l'âge dans un projet de loi, c'est évident que le législateur doit voir à ce que ces dispositions-là se justifient et ne contreviennent pas aux chartes et à des droits fondamentaux. On pense que non, nous. Et on a consulté d'ailleurs évidemment la justice là-dessus. Forcément, le jurisconsulte a été consulté pour avoir son avis et il a jugé que c'était des dispositions qui n'étaient pas abusives sur le plan de la discrimination en fonction de l'âge.

M. Filion (Claude): Évidemment, on va un petit peu plus loin... Plutôt, c'est difficile de prédire ce que les tribunaux vont penser, vont adjuger d'une législation semblable. Ça reste à voir.

Peut-être quelques éléments, M. le ministre, si vous le permettez. Premièrement, la Commission participe hautement à l'objectif. Et, en ce qui concerne la finalité de l'exercice auquel vous vous livrez, M. le ministre, avec vos collègues membres de cette Législature, nous le considérons comme étant des plus louables et souhaitables même. Il faut être extrêmement vigilants et même d'avant-garde pour tenter de réduire un bilan qui, ma foi, il n'y a pas si longtemps, était tout à fait horrible sur les routes du Québec. À ce que je sache également... Et, encore là, je n'ai pas l'expertise des gens qui vous entourent, mais sachons quand même reconnaître le progrès qui a été effectué au Québec, notamment grâce – et là je parle en mon nom personnel et non pas au nom de toute la Commission – à des campagnes de sensibilisation extrêmement vigoureuses et musclées. Donc, il faut continuer ces efforts que vous faites présentement.

Cependant, si vous me permettez bien modestement, peut-être, de vous ouvrir d'autres pistes, parce que, nous semble-t-il, l'expérience depuis 1991 est peut-être trop minuscule pour vous permettre, à notre avis, de retenir ce critère de l'âge comme élément discriminatoire, avec les conséquences qu'implique aussi le fait de retenir l'âge... Là-dessus, je laisse le soin à d'autres intervenants, qui ont peut-être déjà comparu ici, de vous exposer ce que peut ressentir une partie de la population lorsqu'elle considère qu'elle est victime d'une mesure qui est attentatoire à ses droits et à ses droits à l'égalité. Il y a toujours des conséquences. Et c'est pour ça que le législateur, dans sa grande prudence, invite, au moment de l'adoption de la Charte des droits et libertés, à la plus grande sagesse quand vous utilisez l'âge, parce que ça a des conséquences sur les gens.

(16 heures)

J'en donne quelques-unes. Tu sais, je suis ici parce que je veux aller un peu plus loin. Même dans cet exemple-là, si on est trois, quatre jeunes dans un bar, on prend chacun, ma foi, un verre de bière et, dépendant de l'âge de mon cousin qui a 26, moi, j'ai 23, ce n'est pas le même traitement. À partir du moment où j'ai l'impression que ce n'est pas le même traitement, bien, là, il s'ensuit une série de conséquences au niveau de l'acceptation de nos lois par la totalité de la population.

Donc, si je peux me permettre peut-être d'évoquer certaines pistes, les années d'expérience de conduite nous apparaissent, à la Commission, comme étant extrêmement importantes, et ce n'est pas un critère discriminatoire. Si vous décidiez de renforcer certaines mesures en utilisant comme critère les années d'expérience de conduite, à ce moment-là vous vous adressez indistinctement à la totalité de la population. Primo.

Secundo, je l'ai dit tantôt, je serais curieux d'avoir les chiffres dont vous pouvez disposer ici. Encore une fois, la Commission n'a pas toute cette expertise-là. Mais, si vous étudiez d'un peu plus près les statistiques concernant, par exemple, les jeunes qui n'ont pas atteint l'âge de la majorité, peut-être, je ne sais pas, obtiendriez-vous des résultats qui pourraient possiblement être en concordance avec vos objectifs, avec vos finalités dans le projet de loi. En tout cas, c'est une piste. Il faudrait voir les chiffres, encore une fois, d'une façon tout à fait précise. Et, si vous décidiez d'aller dans ce sens-là, encore une fois, vous iriez tout à fait en harmonie avec l'ensemble des lois adoptées par cette Assemblée nationale, et je pense en particulier à notre Code civil.

Je demanderais peut-être à Me Bernard de compléter un peu plus sur l'aspect des chiffres que vous souleviez.

La Présidente (Mme Bélanger): Me Bernard.

Mme Bernard (Claire): C'était pour répondre directement au 30 %. Si vous voulez réduire le nombre d'accidents, vous devez tenir compte du taux réel de risque, pas du taux théorique. Si effectivement les jeunes conduisent trois fois moins, il faut tenir compte de ce taux-là et pas se dire: Bien, ce serait multiplié. Donc, les statistiques sont sorties sur les taux actuels de kilométrage, pour répondre à cette question-là.

M. Filion (Claude): Si vous me permettez peut-être de compléter en prenant encore une minute du temps de cette commission, un tableau qui m'a vraiment ouvert les yeux, c'est quand j'ai vu les distinctions entre les hommes et les femmes. On voit, quand on entre dans des critères de distinction, que ce n'est pas facile. Parce que, si, ce que je ne vous invite pas, mais du tout à faire et ce que vous ne ferez...

M. Brassard: Ce serait de la discrimination selon le sexe.

M. Filion (Claude): Non, non, je sais, je suis convaincu que vous n'en ferez pas. Mais, encore une fois, vous voyez, on peut avoir une logique de finalité et, à ce moment-là, une logique pure de finalité, sans regarder évidemment les motifs de discrimination illicites et les autres, nous amènerait à constater que les femmes, en tout cas, en ce qui concerne les tableaux qui nous sont remis, sont drôlement moins impliquées dans les accidents que les hommes. Bon, est-ce qu'il y a des raisons d'utilisation? Est-ce qu'à utilisation égale...

M. Brassard: Oui, elles font moins de kilométrage.

La Présidente (Mme Bélanger): Pardon! 50 000 kilomètres par année que je fais.

M. Brassard: Dans l'ensemble.

M. Filion (Claude): Bon, vous en savez plus que moi là-dessus. Mais ce que je veux dire, c'est qu'à ce moment-là autant ce critère-là est tout à fait inacceptable, autant le critère de l'âge est, encore une fois, délicat. Et c'est l'invitation, un peu, à cette grande sagesse dans les semaines, dans les jours qui restent, quitte à ce que, vous savez, encore une fois, le travail statistique soit plus poussé. Parce qu'on a fait un bon bout de chemin au Québec, à notre point de vue; il faut continuer, il faut progresser, mais il faut faire attention, encore une fois, lorsqu'on exclut une partie de la population québécoise ou lorsqu'on lui donne un traitement plutôt exclusif ou distinctif, pour bien mesurer les conséquences et il faut bien en mesurer la nécessité.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Filion. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Filion et Mme Bernard. Si j'ai réellement saisi ce que vous venez de nous dire, c'est que, peut-être, on serait mieux d'établir ça à 18 ans; dire que 18 ans, c'est une base, c'est un âge, l'âge de vote, ainsi de suite. Vous avez fait la remarque que, si on étudiait de plus près les statistiques, ce serait peut-être le groupe, les 16-18 ans, qui donne le mauvais côté des statistiques. Est-ce que j'ai bien saisi que c'était un peu ça, une partie du message?

M. Filion (Claude): C'est-à-dire que c'est une piste qui doit être examinée de près comme étant un moyen alternatif à la mesure législative proposée dans le projet de loi n° 12. C'est une piste qui, encore une fois, nous apparaît, de façon générale, comme étant conforme à l'ensemble de notre corps législatif. C'est une piste. Parce que, encore une fois, la distinction dans le projet de loi n° 12 tel que vous l'avez devant vous autres, 25 ans, ça pose des problèmes. Ça pose des problèmes d'avoir fixé cet âge-là, d'avoir tiré un trait.

Je vais vous citer, peut-être, si vous permettez, M. le porte-parole de l'opposition officielle, Mme la juge Claire L'Heureux-Dubé, qui vient du Québec d'ailleurs, qui est juge à la Cour suprême du Canada, et qui, dans l'arrêt Zurich, disait à peu près ceci, dans l'affaire Zurich assurances: «D'où vient cette distinction entre les conducteurs de plus de 25 ans et ceux de moins de 25 ans?» Ce n'était pas du tout une cause du Québec, là. «D'après la preuve, il n'existe aucun fondement statistique ou actuariel justifiant le choix de 25 ans comme "âge magique". Cette distinction paraît se fonder seulement sur un accident historique. Apparemment, pour les fins d'assurance, l'âge de maturité aurait tout aussi bien pu être fixé à 23, 27 ou 30 ans.»

Tu sais, à partir du moment où vous sortez, si on veut, du territoire connu, pourquoi pas 24 ans? Pourquoi pas 22 ans? Pourquoi pas 27 ans? Et, à ce moment-là, vous retenez un âge et évidemment ça sera votre responsabilité, comme législateurs, de le faire.

M. Middlemiss: D'accord. Maintenant, lorsqu'on parle des facultés affaiblies...

M. Filion (Claude): Oui.

M. Middlemiss: ...là aussi, vous trouvez qu'il y a de la discrimination. C'est vrai, une personne qui a 18 ans avec 0,075 et l'autre personne qui a 30 ans avec 0,075, les deux ont le même taux. Est-ce que, sur le plan médical, vous avez vérifié ça, le fait qu'une personne à un certain âge a une plus grande capacité d'absorption sans que ses facultés soient affectées?

M. Filion (Claude): Non, on n'a pas cette expertise-là à la Commission. Mais, encore une fois, c'est là presque une des conséquences de ce qu'on discutait préalablement. Et on voit concrètement... Nous avons donné, dans notre mémoire, quelques situations concrètes en ce qui concerne le taux d'alcoolémie. Bon, ce n'est pas facile à expliquer, peut-être, à un jeune aussi qui se retrouverait dans ces circonstances-là pourquoi à 24 ans... Il est avec son cousin ou son ami qui a 26 ans, ou vice versa son amie, c'est un couple là; le chauffeur désigné, c'était qui dans les deux, ce soir-là? «C'est-u» celui qui est en haut de 25 ans nécessairement? Non, mais, tu sais, on entre dans un territoire où...

Je donnais quelques exemples tantôt – il ne faudrait pas les prendre au pied de la lettre – à propos du 0,00 quand on parlait, par exemple, de certains plats qui, aujourd'hui... On pense notamment à des flambées ou à des sauces à base de vin. On n'a pas l'expertise, à la Commission, mais 0,00 puis 0,01, mon Dieu, ce n'est pas grand-chose, ça, là.

(16 h 10)

Je ne suis pas un spécialiste là-dedans, mais je pense que trois ou quatre verres de bière, c'est 0,08 à l'intérieur d'un certain délai. Alors, 0,08, si je divise mon huit en huit, ça «veut-u» dire qu'un tiers de verre de bière dans ma sauce pour accompagner mon chevreuil... Je ne le sais pas, là, les conséquences pratiques. Surtout que, bon, c'est automatique comme suspension, sauf erreur. Deuxièmement, je n'ai pas le droit, moi, de m'expliquer bien longtemps, là; si j'ai en haut de 0,00, je n'ai pas droit à l'avocat et on suspend mon permis de conduire.

Il faudrait voir comme il faut avant de... Notamment, nous, évidemment, c'est le problème de la Charte qu'on soulève, le droit à l'assistance de l'avocat. Quant au reste, ça découle de la distinction que vous placez à 25 ans. Si vous vous rattachez peut-être – peut-être, c'est à vous de le jauger – à un âge qui est plus consacré dans nos législations, à ce moment-là, je pense que, comme législateurs, vous faites preuve, me semble-t-il, de prudence.

M. Middlemiss: D'accord. Merci.

Mme Bernard (Claire): Si vous me permettez de rajouter, pour aller dans le sens de 18 ans, on juge que, dans plein d'autres domaines, 18 ans, c'est l'âge de la maturité, où on rentre dans l'âge adulte. Et, en faisant une distinction entre les moins de 25 ans et ceux au-dessus, on qualifie toute une population en disant: Cette population n'a pas le comportement nécessaire, le comportement prudent. On rattache des comportements par rapport à toute une catégorie de personnes sur la base de l'âge. Ce qu'est venu faire la Charte, c'est justement combattre des stéréotypes, des préjugés qui sont rattachés à des caractéristiques individuelles, alors qu'on sait, dans les faits, que les comportements vont varier de personne à personne, que ça va varier en fonction de l'éducation, que ça va varier en fonction d'autres critères.

En fait, si vous réussissez à chercher des critères non discriminatoires, tels que l'expérience, tels que, par exemple, aussi l'état du véhicule – je ne sais pas si c'est des critères qu'on examine dans les accidents, mais on peut peut-être supposer que les jeunes ont moins accès à des voitures plus solides, sauf les gens qui ont l'occasion de l'emprunter à leurs parents – indirectement, vous allez évidemment rejoindre une bonne partie de la population qui est visée actuellement, c'est-à-dire une population plus jeune, parce que la majorité de la population va acquérir son permis effectivement dans cette tranche d'âge. Mais vous choisissez des critères non discriminatoires qui vont couvrir votre objectif et qui ne vont pas être rattachés à ces préjugés qu'on lie directement à l'âge.

M. Middlemiss: D'accord. Oui, merci, Mme la Présidente. Le ministre a indiqué tantôt que le but de tout ça, des changements, c'est pour améliorer notre bilan. Mais il y a des gens qui sont passés ici, des médecins, qui nous ont dit: Il y a l'alcool, mais il y a aussi de la drogue.

M. Filion (Claude): Oui, oui.

M. Middlemiss: Il y a des drogues, pas des médicaments. Est-ce que vous trouvez qu'on ne devrait pas aussi aborder ce point-là, regarder si les conséquences de prendre de la drogue, qu'on ne peut pas réellement détecter, sont les mêmes que de prendre de l'alcool? Est-ce qu'on ne devrait pas tenter de trouver une façon de faire cette vérification-là aussi? Tu sais, il me semble qu'il est temps, parce que le but, là, si vous regardez l'objectif global, c'est d'améliorer, et si, malheureusement, il n'y a pas de façon de le déterminer ou une façon adéquate pour le déterminer...

Est-ce qu'on ne devrait pas tenter, dans la mesure du possible, pour atteindre cet objectif-là aussi... Je vois que vous êtes avec la Commission des droits de la personne. Donc, si on est pour persécuter ou faire une discrimination parce qu'on a bu de l'alcool, si on a pris de la drogue qui a les mêmes conséquences, est-ce qu'on ne devrait pas tenter de faire le mieux possible dans ce domaine-là aussi?

M. Filion (Claude): Quant au délit criminel qui est créé dans le Code criminel, il concerne également sous l'influence de l'alcool et d'une drogue. Je pense que c'est une question de preuve qui n'est peut-être pas facile, à mon sens, mais il faudrait voir. Nous, on n'est pas fermés. Le gros problème, j'ai l'impression, auquel vous pourriez vous buter est une question de preuve, c'est-à-dire comment arriver à faire une preuve sur l'utilisation d'une drogue. Ce n'est quand même pas facile, compte tenu, d'abord, de la variété de drogues qui existent. Mais peut-être que la science a évolué dans ce sens-là. Nous, en tout cas, je pense bien qu'on n'a pas a priori... Si le législateur décidait d'avancer du côté de la drogue, je pense que ça serait un pas dans la bonne direction, dans le sens de la finalité. Me Bernard voudrait peut-être compléter.

Mme Bernard (Claire): Je pense aussi que ce que tentait de faire le législateur, c'est d'apprendre aux gens, éventuellement – ici aussi, on en a contre qu'on passe de 0,00 à 0,08 – comment on peut ne pas trop boire et conduire éventuellement. Or, la drogue, c'est illégal, de toute façon, et on n'a pas effectivement... Les dispositions du Code criminel viennent sanctionner les personnes qui conduisent avec facultés affaiblies, mais, au niveau provincial, je ne pense pas qu'on puisse dire: Bien, on va le tester chez les jeunes, on ne va pas le tester chez les plus âgés. De toute façon, c'est illégal. De la même façon, si on redescendait à une catégorie d'âge abaissée, donc à 18 ans, l'alcool aussi est illégal pour les moins de 18 ans. Donc, il y a peut-être quelque chose à faire à ce niveau-là.

M. Middlemiss: Une dernière question. Vous avez indiqué tantôt que les campagnes de sensibilisation et ainsi de suite ont réellement porté fruit et que notre bilan s'est amélioré. Est-ce que vous avez regardé, pour les jeunes, ce groupe de jeunes, disons, 16-25 ou 25-40, lequel des deux groupes aurait peut-être réagi plus positivement à ces campagnes-là? Est-ce que vous avez regardé les statistiques dans ce sens-là? Est-ce que les jeunes sont responsabilisés? Parce qu'on a le chauffeur attitré, on appelle nos parents. Donc, dans les gestes qu'ils ont posés, est-ce qu'il n'ont pas posé des gestes qui démontrent qu'ils sont sensibilisés à ces campagnes-là et qu'ils se responsabilisent en conséquence?

M. Filion (Claude): Non, on n'a pas, encore une fois, M. le porte-parole de l'opposition officielle, d'expertise particulière dans ce champ-là. On peut quand même dire, comme je l'ai mentionné tantôt – encore une fois, c'est presque une notoriété – qu'on a fait un grand bout de chemin au Québec quand même dans ce secteur-là. Moi, j'ai remarqué – mais, encore une fois, c'est personnel – que la publicité, les programmes d'éducation faits par la Société de l'assurance automobile étaient généralement orientés vers une clientèle jeune. Bon, ça, il n'y a rien qui l'empêche, au contraire. Deuxièmement, j'ai remarqué, quant à moi, que c'est assez efficace. Puis, troisièmement, je pense bien que c'est de notoriété publique, on a avancé beaucoup au Québec, dans le bon sens. Mais il nous reste encore d'autre chemin à faire, encore une fois; d'où l'effort que vous faites actuellement.

Pour revenir peut-être à votre question de tantôt, si vous me permettez, sur le 25 ans, vous savez, quand on utilise un âge comme ça, qui ne correspond finalement, disons-nous-le franchement, à peu près à rien d'autre qu'une conception statistique qui a été retenue pour des fins de calcul, le gros problème, c'est que c'est quoi, la différence entre 25 ans et deux jours et, comprenez, 24 ans, ou 26 et 24 ans? C'est ça, le problème.

Exemple concret: votre projet de loi, ici – encore une fois, sauf erreur, et on me corrigera – pour les jeunes qui auraient 24 ans, eux, c'est zéro; il n'y a aucune tolérance, tolérance zéro, pas le droit à la moitié d'un verre de bière. À 26, ils peuvent aller jusqu'à 0,08. Ça «veut-u» dire qu'à 25 ans et deux mois ils ont compris quelque chose qu'ils n'avaient pas compris à 24 ans, alors que ça ne correspond à rien dans notre société? Puis, à 25 ans, il paie déjà des taxes depuis très longtemps, dans la mesure où ils est sur le marché du travail, il est majeur, il participe à la vie politique de son coin de pays, il est déjà actif dans la société. Et 18 ans, ça correspond à quelque chose, mais 25 ans, je ne sais pas. Encore une fois, il ne semble pas que le critère de nécessité ait été rencontré. À la Commission du moins, on vous soumet que les mesures contenues nous semblent inadéquates. Mais que ça ne soit pas interprété comme devant signifier une cessation de la réflexion, en aucune façon.

(16 h 20)

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? Alors, M. Filion et Mme Bernard, nous vous remercions de votre participation.

Alors, je demanderais au Crédit Ford Canada ltée et General Motors Acceptance Canada ltée de bien vouloir s'approcher à la table.

Je demanderais au porte-parole de bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent. Comme les invités précédents, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi par la période de questions.


Crédit Ford Canada ltée et General Motors Acceptance du Canada (GMAC) ltée

M. La Rue (Hugues): Alors, merci, Mme la Présidente. J'aimerais vous présenter M. John Dolfato, qui est directeur du contentieux de GM et de GMAC; M. Alain Bilodeau, qui est directeur de la succursale de Crédit Ford du Canada, à Québec; Me Serge Vermette, de la société d'avocats Des Rivières, Vermette; et moi-même, Hugues La Rue, de la même société. Si vous me permettez, Mme la Présidente, pour illustrer mon propos, j'aimerais fournir aux membres de la commission un tableau qui indique le recours tel qu'il existe présentement, puisque mon propos portera sur l'article 36 du projet de loi.

La Présidente (Mme Bélanger): On va aller chercher le document. C'est pour distribution?

M. La Rue (Hugues): Oui, c'est pour distribution à chacun des membres.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va être fait. Alors, vous avez la parole.

M. La Rue (Hugues): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, évidemment je représente ici GMAC du Canada et Crédit Ford. Nous abordons la question de l'adoption de l'article 36 du projet de loi n° 12, qui vient modifier l'article 152 du Code de la sécurité routière afin d'abroger le recours qui existe présentement pour les cessionnaires de réserve de propriété contre la caution des commerçants.

Alors, tout d'abord, dans un premier temps, j'aimerais refaire l'évolution des mécanismes juridiques qui encadrent la vente du bien d'autrui. Alors, simplement vous rappeler que l'article 1489 du Code civil du Bas-Canada prévoit un mécanisme suivant lequel le propriétaire d'une chose qui est perdue ou volée, qui est achetée de bonne foi par un individu d'un trafiquant en semblable matière, peut la revendiquer entre les mains de cet acheteur de bonne foi. Cette disposition pose toutefois comme condition que la revendication entre les mains de cet acheteur de bonne foi là ne sera possible qu'à la condition de payer à l'acheteur le prix que ce dernier a lui-même payé au commerçant revendeur de qui il a acquis le véhicule.

Alors, en 1924, devant l'essor des activités de vol et de recel des véhicules automobiles, le législateur a adopté un régime particulier qui est venu s'ajouter à cette disposition, et c'est l'ancien article 21 du Code de la route. Cet article comportait deux règles principales dont la première était pour enrayer les pratiques abusives dans le commerce de l'automobile. Alors, ça consistait, pour le commerçant qui faisait le commerce, à obtenir une licence. Cette licence ne pouvait être obtenue qu'à la condition de souscrire à un cautionnement obligatoire et ce cautionnement sert à garantir le remboursement du prix payé par le véritable propriétaire du véhicule pour récupérer un véhicule volé vendu par un trafiquant en semblable matière, un commerçant. Dès 1930, les tribunaux ont reconnu que ce cautionnement s'appliquait aux cessionnaires de contrat de vente à tempérament qui pratiquaient le financement et qui, en vertu du contrat de vente à tempérament, sont les seuls et uniques propriétaires du véhicule automobile.

La deuxième règle visait plutôt à responsabiliser l'acheteur du bien d'autrui lui-même. Cette règle-là prévoyait que, lorsque le commerçant n'avait pas la licence obligatoire, il y avait une présomption que l'acquéreur n'était pas de bonne foi. Alors, par l'effet de l'article 1487 de l'ancien Code civil, le véritable propriétaire n'était donc pas tenu, dans cette situation, de rembourser l'acheteur, puisque l'acheteur n'était pas considéré comme étant de bonne foi. Alors, cette présomption a été abolie en 1981 par le nouvel article 152 du Code de la sécurité routière. Donc, il y a ce volet-là qui n'existe déjà plus.

Le mécanisme actuel qui est applicable au véritable propriétaire qui désire revendiquer son véhicule automobile entre les mains d'un acheteur de bonne foi est le suivant: il s'agit de l'effet combiné des articles 152 du Code de la sécurité routière et de l'actuel article 1714 du Code civil du Québec. La compagnie de financement qui est titulaire d'une réserve de propriété peut recouvrer de la caution d'un commerçant licencié le prix qu'elle doit payer à cet acheteur de bonne foi qui a acheté le véhicule volé d'un commerçant dans le cadre des activités de son entreprise. Ce recours en remboursement s'exerce conjointement et solidairement contre la caution et le commerçant. Je reviendrai sur ces notions tout à l'heure avec des exemples concrets.

La caution, elle peut se faire rembourser par le commerçant si elle est condamnée à payer le cessionnaire de la réserve de propriété. La caution doit donc, en définitive, supporter l'insolvabilité du commerçant concessionnaire qui a procédé à la revente d'un véhicule qui ne lui appartenait pas. Il est bien important de comprendre que, dans le mécanisme actuel, la caution ne supporte d'aucune façon les mauvaises créances des compagnies de financement, contrairement à ce que la Corporation des concessionnaires d'automobiles vous soumettait le 24 octobre dernier. En réalité, ce n'est pas la compagnie de financement qui supporte l'insolvabilité des commerçants; tout ce qu'elle fait, la compagnie de financement, c'est de supporter sa mauvaise créance avec son débiteur qui est l'acheteur initial, celui-là même qui, par l'entremise du commerçant, a revendu le véhicule.

Alors, je réfère au tableau et je vous donne l'exemple suivant. Vous avez une compagnie de financement qui a un solde contractuel, sur un contrat de vente à tempérament, de 27 000 $ qui lui est dû par un acheteur. Alors, son débiteur, n'étant plus en mesure de payer, revend le véhicule, mais il le revend par l'entremise d'un commerçant qui est licencié, et ce commerçant licencié là le vend à un acheteur de bonne foi pour un prix de 20 000 $. Alors, quatre, cinq mois plus tard, la compagnie de financement apprend cette revente frauduleuse et retrouve le véhicule entre les mains de l'acheteur de bonne foi. Alors, il peut récupérer le véhicule entre les mains de cet acheteur. Et c'est le recours que vous voyez sur le tableau; vous avez une case qui est compagnie de financement, acheteur de bonne foi. C'est un recours en revendication et, à ce moment-là, la compagnie de financement doit payer 20 000 $ à l'acheteur de bonne foi et, en retour, on lui remet son véhicule. À ce moment-là, la compagnie de financement peut reprendre le véhicule.

Dans mon exemple, la compagnie de financement revend le véhicule aux enchères pour une somme de 15 000 $. Alors, comme elle avait un solde contractuel au montant de 27 000 $, sa perte – sa perte qu'elle finance sur le contrat – sera de 12 000 $. Par contre, comme elle a été obligée de débourser 20 000 $ pour aller chercher ce bien-là entre les mains de l'acheteur de bonne foi, ce 20 000 $ là, la loi actuelle lui permet de le recouvrer du commerçant et de la caution. Si la caution est condamnée, la caution peut demander au commerçant de la rembourser. Alors, la caution supporte donc l'insolvabilité du commerçant revendeur. Le cautionnement sert à garantir le remboursement de ce 20 000 $ là qui est une dépense additionnelle que doit faire la compagnie de financement.

Il est bien évident que, dans la situation actuelle de la législation, si le commerçant est cautionné, la compagnie de financement n'hésitera pas à rembourser l'acheteur de bonne foi pour récupérer son véhicule, puisqu'elle pourra récupérer cette somme de 20 000 $. Or, souvent, dans la pratique, les employés d'une compagnie de financement réussissent à s'entendre directement avec la caution de sorte que tout ça se règle à l'amiable sans que l'acheteur de bonne foi soit privé de la possession de son véhicule et sans qu'il y ait de recours qui soit proprement intenté.

Or, l'autre situation qui se pose, si la caution et le commerçant refusent de payer la compagnie de financement, c'est que cette dernière peut s'entendre avec l'acheteur de bonne foi afin de récupérer son véhicule, lui remettre la possession du véhicule immédiatement pour le même prix et poursuivre la caution. À ce moment-là, le résultat, c'est qu'actuellement le litige n'existe qu'entre la compagnie de financement et la caution, et l'acheteur de bonne foi n'est pas privé de la possession de son véhicule.

(16 h 30)

Quel est l'effet de l'amendement proposé quant à ce mécanisme actuel? Ça va entraîner deux attitudes possibles de la part des compagnies de financement. La première attitude, c'est qu'elle ne prendra pas le risque de débourser ce 20 000 $ là et de revendiquer le véhicule entre les mains de l'acheteur. Pourquoi? Parce que, si vous reprenez le tableau, à ce moment-là, par exemple, si elle prenait ce risque-là et qu'elle n'est pas remboursée par le commerçant, sa perte, au lieu d'être 27 000 $ sur son solde contractuel, sera de 32 000 $, soit la différence entre le 27 000 $ et le 15 000 $ pour la revente aux enchères, qui est de 12 000 $, plus le 20 000 $ additionnel qu'elle aura eu à débourser pour aller chercher le véhicule, ce qui nous donne une perte totale de 32 000 $. Alors, fort vraisemblablement, la compagnie de financement sera amenée à ne plus exercer le recours en revendication contre l'acheteur. Alors, ça se traduira nécessairement, cette attitude-là, par une hausse des cas de vol, de recel, de revente, par une hausse des frais de crédit, parce que les compagnies de financement devront faire supporter ces pertes additionnelles et ça aura cet effet.

L'autre attitude possible d'une compagnie de financement, compte tenu que le concept de bonne foi est un concept qui est sujet à interprétation, la compagnie de financement pourrait avoir l'attitude de poursuivre l'acheteur de bonne foi en alléguant sa mauvaise foi, supposons qu'il y a des éléments qui peuvent démontrer sa mauvaise foi. À ce moment-là, cet acheteur-là est obligé d'avoir recours à un avocat, de se défendre, de comparaître. Son véhicule est saisi avant jugement. Tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas un jugement qui est rendu, il n'a pas l'usage de son véhicule. Ça entraîne des délais longs et ça entraîne des frais pour le consommateur qui est acheteur, et, en bout de ligne, nous pourrions ne pas être condamnés à lui payer le prix du véhicule qu'il a acheté.

Il faut bien comprendre que, pour l'acheteur de bonne foi, ce n'est pas automatique. Devant la cour, pour obtenir le remboursement du prix qu'il a payé, il faut qu'il le demande par des procédures. Ce n'est pas une disposition qui est d'ordre public. Donc, s'il ne se défend pas, s'il se laisse condamner par défaut, il est privé de son véhicule et il est privé également du prix qu'il avait payé à l'origine pour le véhicule. Et, dans le contexte actuel, on constate que les consommateurs ont de moins en moins de facilité à assumer leur propre défense.

Alors, l'effet de l'amendement proposé sur les commerçants revendeurs. Dans la réalité économique actuelle, il y a de plus en plus d'acheteurs à tempérament de véhicules qui ne peuvent plus rencontrer leurs paiements et qui sont tentés de se départir frauduleusement des véhicules. Alors, il y a certains commerçants, déjà, qui se spécialisent dans ce qu'ils qualifient de courtage de véhicules automobiles et qui font des démarches auprès de ces acheteurs-là afin de leur offrir leurs services pour leur permettre de revendre les véhicules. Alors, si les commerçants constatent que les compagnies de finance n'exercent probablement plus leurs recours parce que ce n'est plus avantageux, on leur laisse le champ ouvert pour finalement agir impunément et offrir ce genre de service là. Alors, l'amendement proposé ne pourra avoir d'autre effet que d'amener les commerçants à relâcher les mesures de surveillance qu'ils sont en mesure présentement d'effectuer.

Les effets sur la caution de l'éventuel amendement à l'article 152. Je tiendrais à préciser que l'amendement projeté, tel qu'il est, ne profite qu'à une catégorie de cautions. L'actuel Code de la sécurité routière n'exige pas que le cautionnement soit nécessairement fourni par une association de concessionnaires. En fait, le Code a été amendé pour permettre à une association de fournir ce cautionnement. Par ailleurs, il est de l'essence d'un contrat de cautionnement qu'une personne s'engage, envers un créancier d'une autre personne, à garantir les obligations que cette autre personne là peut avoir envers le créancier. Est-ce qu'on peut imaginer une situation où une caution intervient auprès du législateur pour qu'il amende la loi afin d'interdire à une catégorie de créanciers de le poursuivre, alors que c'est le but et la fonction d'un cautionnement? Agir ainsi, c'est à la fois affirmer l'obligation de cautionner tout en en niant les effets.

Alors, dans un contexte normal, si le cautionnement est fourni par une compagnie d'assurances, la conséquence normale d'une augmentation de réclamations, c'est l'augmentation des primes qui vont être chargées aux personnes qui vont être cautionnées. Alors, la seule possibilité de cette augmentation fait en sorte que les personnes qui désirent obtenir le cautionnement vont faire attention pour que le nombre de réclamations soit diminué. Il y a fort à parier aussi que les cautions vont faire des démarches auprès des personnes cautionnées pour s'assurer qu'elles vont prendre toutes les mesures possibles pour baisser le nombre de réclamations.

Alors, normalement, à titre de caution, le rôle de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec serait d'offrir le cautionnement au meilleur taux possible, compte tenu des réclamations telles qu'elles existent. Mais, en tant que caution et en tant qu'association, elle pourrait voir avec ses membres à ce que toutes les mesures possibles soient prises afin d'éviter les transactions qui sont couvertes par le cautionnement. Or, au lieu de ce faire, ce qu'on propose, à la place, c'est d'empêcher une catégorie de créanciers d'exercer ce recours-là contre la caution. Alors, il est pour le moins paradoxal que la caution qui reçoit des sommes de ses membres pour fournir un cautionnement vous demande d'abolir le recours qui peut être exercé pour elle pour une catégorie de créanciers et, par le fait même, vous dise: Bien, ne poursuivez que nos membres. Parce que le recours contre le commerçant demeure, d'autant plus que, dans les représentations qui ont été faites, il n'a jamais été question de rembourser aux membres les cotisations qu'ils paient actuellement pour ce cautionnement-là.

Alors, en conclusion, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que, présentement, il y a un amendement qui est proposé au Code civil par le comité des intervenants dans l'industrie de l'automobile. C'est un amendement qui aura pour effet de permettre aux compagnies de financement de publier leurs réserves de propriété dans les registres de droits personnels. Alors, si ces amendements-là au Code civil du Québec sont apportés, les réserves de propriété des compagnies de financement seront publiées dans un registre qui sera facilement accessible au public. Il sera très facile, à ce moment-là, pour les commerçants revendeurs et les acheteurs de vérifier si une compagnie de financement a une réserve de propriété sur le véhicule.

Alors, la conséquence de ça, ce sera une baisse, nécessairement, du nombre des cas de véhicules volés revendus, et les acheteurs pourront difficilement prétendre être de bonne foi s'ils n'ont pas vérifié dans le registre s'il existait une réserve de propriété. Alors, dans ce cas, il y a lieu de croire que le nombre de réclamations contre les cautions va nécessairement diminuer, et ce, sans que les compagnies de financement aient à supporter, en plus de l'insolvabilité de leur propre débiteur, qui est la personne avec qui elles contractent, l'insolvabilité d'un commerçant avec qui elles n'ont pas de lien direct quant à la transaction de revente.

Alors, nous vous soumettons que, cet amendement-là étant présentement à l'étude – et, suivant nos informations, c'est au Conseil du trésor – il apparaît prématuré de procéder à amender l'actuel article 152 pour venir tout chambarder un système qui est déjà en équilibre, alors que l'amendement au Code civil peut apporter un changement significatif.

Autre solution possible, si l'article 36 du projet de loi est malgré tout adopté, nous croyons qu'il y aurait lieu de modifier le système d'enregistrement des immatriculations à la Société de l'assurance automobile du Québec de manière à permettre aux compagnies de financement qui ont une réserve de propriété d'être indiquées à titre de propriétaires dans ces registres-là. C'est déjà le cas en matière de location à long terme; or, on constate que, dans ces cas-là, le nombre de réclamations contre les cautions est beaucoup moins élevé. De plus, cette modification-là rejoindrait une autre de nos demandes, qui est exposée dans le mémoire, qui est de nous permettre d'être avisés par la Société de l'assurance automobile du Québec lorsqu'un véhicule est saisi parce que le permis d'un conducteur a été suspendu.

Alors, pour ces raisons, je vous remercie de votre attention et, au nom des intervenants devant vous aujourd'hui, je vous demanderais de ne pas adopter l'article 36, tel qu'il est, ou d'adopter la solution de rechange, si possible. Je vous remercie beaucoup de votre attention.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Me La Rue. M. le ministre.

M. Brassard: Merci beaucoup. J'aimerais peut-être qu'on essaie de replacer tout ça en perspective. D'abord, une simple question, en passant: Il y a un intervenant qui était signataire du mémoire puis qui finalement a décidé de se retirer. Crédit Chrysler du Canada ne fait plus partie de votre groupe?

M. La Rue (Hugues): Me Vermette va vous répondre là-dessus.

M. Vermette (Serge): Crédit Chrysler a signé le mémoire qu'il endosse sur le contenu, toujours, mais il nous a fait part qu'il ne voulait pas qu'on parle en son nom aujourd'hui.

M. Brassard: O.K. Mais il n'a pas renié, si l'on veut...

M. Vermette (Serge): Est-ce que vous comprenez mes propos?

M. Brassard: Il n'a pas renié le contenu du mémoire...

M. Vermette (Serge): Non.

(16 h 40)

M. Brassard: ...ni les recommandations.

M. Vermette (Serge): Non.

M. Brassard: O.K. Bon. Vous dites que l'article 36 du projet de loi n° 12 enlèvera les recours de vos institutions financières, Crédit Ford et GMAC, contre les cautions de commerçants d'automobiles. À combien se chiffre, en dollars, là, annuellement, au Québec, ce genre de recours là de soit GMAC, soit Crédit Ford, soit aussi Crédit Chrysler, les institutions financières qui font du prêt sur automobile ou automobile? À combien ça se chiffre, ces recours que vous prenez contre les cautions de commerçants d'automobiles?

M. La Rue (Hugues): Alors, pour GMAC ltée, c'est approximativement 100 000 $ au Québec et, pour Crédit Ford, c'est approximativement la même chose.

M. Brassard: Donc, 200 000 $. Bon. Combien de causes? Combien de poursuites? Ça veut dire combien de poursuites à peu près, ça?

M. La Rue (Hugues): Ça peut représenter une dizaine de cas par année, par compagnie.

M. Brassard: Maintenant, afin de placer ça en perspective, j'aimerais savoir combien vous prêtez à des consommateurs qui achètent des véhicules, annuellement, en termes de millions de dollars.

M. La Rue (Hugues): Je m'excuse, de manière globale...

M. Brassard: Oui, globale.

M. La Rue (Hugues): ...pour l'ensemble des transactions?

M. Brassard: Oui.

M. La Rue (Hugues): Approximativement 600 000 000 $, M. le ministre.

M. Brassard: Alors, vous prêtez 600 000 000 $...

M. La Rue (Hugues): Au Québec.

M. Brassard: ...et les recours contre les cautions se chiffrent à peu près à une couple de 100 000 $. Donc, je pense que...

M. La Rue (Hugues): Annuellement.

M. Brassard: Oui. Donc, proportionnellement, là, c'est quand même peu de chose. Mais ce que vous dites, si je vous comprends bien... Actuellement, en tout cas, c'est peu de chose. Finalement, par rapport à la masse des prêts que vous faites, le montant des recours contre la caution, c'est quand même, on peut dire, marginal ou négligeable par rapport à la somme des prêts. Mais la thèse que vous défendez, au fond, si je vous ai bien compris, là – je veux bien vous comprendre aussi – c'est que, si on adopte l'article 36 tel qu'on le retrouve dans le projet de loi n° 12, là, ça va changer la dynamique. Ça va augmenter et ça va vous obliger à faire davantage de poursuites ou davantage de recours? J'aimerais comprendre, là, quel sera l'impact réel...

M. La Rue (Hugues): M. le ministre...

M. Brassard: ...de l'adoption de l'article 36, tel qu'on le retrouve.

M. La Rue (Hugues): ...l'impact majeur est que l'amendement proposé nous amène à... Le rôle d'une compagnie de financement, fondamentalement, sur des ventes au détail, c'est de financer le prix de vente d'un véhicule automobile. Alors, une fois que ce véhicule-là est volé ou revendu par l'entremise d'un tiers, ce que l'amendement au Code de la sécurité nous amène à faire, c'est qu'en plus de l'insolvabilité de notre débiteur d'origine avec lequel on a contracté on nous demande de supporter l'éventuelle insolvabilité du commerçant qui a servi d'intermédiaire pour la revente du véhicule avec un tiers avec qui nous n'avons aucune relation contractuelle, alors que c'est le rôle de la caution de ce commerçant-là d'assumer justement ces cas-là. Alors, ça a pour effet de nous forcer à supporter...

L'exemple du tableau, je pense, est percutant. Et ce n'est pas tellement en termes de pertes annuelles, là, en termes de dollars. Mais, si vous regardez, avec l'exemple qui est exposé, il y a lieu de croire que les compagnies de financement seront amenées à ne plus récupérer les véhicules qui ont fait l'objet de vol. Alors, ça ne peut avoir pour effet que de multiplier les cas, puisque, à long terme, si les recours ne peuvent plus être exercés parce qu'ils sont trop risqués, parce que ça nous amènerait à supporter une dette qu'on ne s'est jamais engagés à financer, je pense que les impacts sociaux de ça peuvent être quand même considérables dans ce domaine d'activité là compte tenu de l'intention du législateur, au départ, qui est justement d'éviter ce genre de situation là. Alors, je pense qu'il peut y avoir un effet qui n'est pas désiré, à ce niveau-là.

M. Brassard: Mais...

M. Vermette (Serge): On pourrait peut-être ajouter, M. le ministre...

M. Brassard: Oui.

M. Vermette (Serge): ...pour mettre en perspective la situation, que cette législation, cette construction législative avec les décisions des tribunaux remonte à 1924 et, dès 1930, les tribunaux disaient: Le vol civil, ça comprend les ventes frauduleuses.

Une voix: Ça comprend les ventes...

M. Vermette (Serge): Les ventes frauduleuses d'automobiles. Quand l'association des concessionnaires d'automobiles a demandé la permission de faire du cautionnement, elle était au courant de l'étendue du problème, de la notion de vol. Ce qui nous surprend aujourd'hui, c'est qu'une association qui a demandé la permission de faire du cautionnement, au lieu de dire à ses membres: Écoutez, on se retire du cautionnement, ça nous coûte trop cher, ou: On n'a pas les moyens d'augmenter les primes, demande au législateur de modifier la loi. Est-ce qu'il y a d'autres institutions financières qui font du cautionnement qui ont demandé au législateur de modifier la loi et de les empêcher dorénavant de faire cette activité? La réponse, je crois, c'est non.

Alors, on se pose la question: Pourquoi changer toute une structure législative qui entoure la problématique de la transaction du bien d'autrui? C'est ça, le problème. Cette automobile-là appartient à une compagnie. Que ce soit une institution financière ou une banque, que ce soit GMAC, Chrysler, elle appartient à cette compagnie-là qui a fait son travail de financement, qui a permis à un concessionnaire de vendre une automobile et d'être payé, et de payer le manufacturier. Maintenant, la compagnie de financement fait son travail, est en relation de collecte avec le consommateur, et là le concessionnaire qui est à l'autre bout, lui, il fait deux autres transactions: il achète ce véhicule de quelqu'un – quelqu'un lui vend le véhicule alors qu'il ne lui appartient pas – et ce concessionnaire-là revend le véhicule à un tiers de bonne foi.

Et là le législateur a dit, pendant plusieurs années: Écoutez, il faut contrôler ça au niveau du concessionnaire; il est au centre d'une transaction, il faut le responsabiliser, ce concessionnaire-là. De là s'est construite la structure du cautionnement. Et là on dit au législateur: Maintenant, abolissez le cautionnement. Je pense qu'il y a quelque chose, qu'il y a un problème là. Que l'association des concessionnaires ne veuille plus faire de cautionnement, ça, ça la regarde, c'est une problématique. D'autant plus que vous n'enlevez pas le recours contre le concessionnaire. Alors, l'association dit à ses membres: Écoutez, on ne vous défendra plus, on n'interviendra plus, on ne vous offre plus le service. Vous serez poursuivis directement par les compagnies de financement. Quelle est la logique?

Et, en dernier ressort, on vous dit ceci: Le législateur s'apprête à établir un mécanisme de publicité de tous les biens mobiliers qui n'appartiennent pas à quelqu'un, dont il est en possession. Attendons l'établissement de ce mécanisme, ça va régler tout le problème parce que l'acheteur de bonne foi puis le concessionnaire vont être en mesure de vérifier au bureau de la publicité des droits si ce bien-là appartient à un tiers ou non.

Puis, dans l'intermédiaire, on avait dit à la SAAQ: Pourquoi ne faites-vous pas dans ce domaine comme vous faites dans le domaine de la location? Au bureau de l'inscription, inscrivez que ce véhicule appartient à un tiers. Dans le domaine de la location, ça paraît, ça rend plus difficiles les transactions frauduleuses parce que, quand vous arrivez au Bureau des véhicules automobiles, on s'aperçoit que, oh! le véhicule appartient à GMAC. Ah! regarde donc ça. Alors, c'est ça qu'on dit: Pourquoi chambarder tout ce système-là actuellement pour une demande très restreinte, très particulière, très individuelle qui touche à un régime beaucoup plus vaste qui est la confiance des transactions des biens mobiliers? C'est ça qu'on vous dit.

M. Brassard: Bien, vous le reconnaissez, on n'abolit pas la caution.

M. Vermette (Serge): Le recours contre la caution est aboli dans le domaine des ventes à tempérament.

M. Brassard: Pour les ventes à tempérament, c'est ça. Enfin, nous, on pense que, ce faisant, on rejoint davantage l'intention, je dirais, originelle du législateur qui était une intention de protéger le consommateur victime, en quelque sorte, d'une transaction impliquant un bien volé, une auto volée. C'est ça qu'on fait. Alors, la caution n'est pas abolie, mais effectivement le recours à la caution est restreint.

(16 h 50)

M. Vermette (Serge): Puis l'intention du législateur, en 1924, c'était de protéger l'acheteur de bonne foi, et tout ça, mais, en 1930, les tribunaux ont dit: Voici ce que ça implique, le vol d'un véhicule au plan civil. Les tribunaux ont dit ça. Le législateur, depuis 1930, là... Puis, quand l'association a demandé de faire du cautionnement, elle était au courant de l'état de la législation: les tribunaux s'étaient prononcés en 1930. Ce n'est pas nouveau, ce n'est pas récent, ce n'est pas un événement récent qui vient modifier les règles du jeu: 1930. Alors, l'historique du législateur, remontons-le jusqu'en 1930, puis c'est déjà assez loin. Vous ne pensez pas?

M. La Rue (Hugues): Si vous me permettez d'ajouter, Mme la Présidente... D'autant plus que l'intention du législateur, en 1924, c'était de protéger le véritable propriétaire du bien. Or, dans notre régime de droit civil au Québec, il n'y a pas deux catégories de propriétaires. S'il y avait deux propriétaires, on appellerait ça de la copropriété. Alors, GMAC, lorsqu'elle a une réserve de propriété, Crédit Ford la même chose, elle est seule et unique propriétaire du véhicule.

M. Brassard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs. Vous avez indiqué tantôt, que ce soit GMAC ou Ford, que vous récupérez – on parle de – 100 000 $ par année de la caution.

M. La Rue (Hugues): Je tiendrais à préciser, à ce stade-ci, que ce que je mentionnais, c'est qu'il y a pour 100 000 $ à peu près, pour GMAC, de réclamations, mais ça ne compte pas les dossiers qu'on règle, parce qu'il y a des dossiers qu'on règle. On parle de réclamations. Je vous ai mentionné, dans mon exposé, qu'on réglait beaucoup de dossiers avant de prendre action et d'entreprendre le litige.

M. Middlemiss: O.K. Ces règlements-là et ces 100 000 $ là, vous allez les chercher où? Qui vous paie ou qui vous donne ces... Est-ce que c'est les compagnies de caution?

M. La Rue (Hugues): Alors, les recours sont dirigés contre les cautions et les commerçants généralement de manière conjointe et solidaire, ce que je mentionnais tout à l'heure. On peut ne s'adresser qu'au commerçant ou qu'à la caution, ou on peut poursuivre les deux. Si on poursuit les deux et que la caution est condamnée, à ce moment-là, la caution se retourne et va se faire rembourser par le commerçant qu'elle cautionne, s'il est solvable. Si le commerçant est solvable, s'il existe, la caution se fait rembourser. Là, c'est ce qu'on appelle, en jargon technique, un recours subrogatoire, récursoire. Alors, c'est ça.

M. Vermette (Serge): On peut peut-être ajouter ceci: Tantôt, on vous soulevait que l'amendement pourrait avoir pour effet de judiciariser le processus. Actuellement, si vous avez un dossier de recouvrement, vous vérifiez le concessionnaire et vous dites: Ah! il est cautionné. Vous appelez la caution, vous dites: Regarde, j'ai un véhicule ici où tu couvres le concessionnaire. Parfait, c'est évident. Les règles du jeu, c'est évident. Si le cautionnement est aboli, là, possiblement que les compagnies de financement vont peut-être être tentées de dire: Écoute, on le poursuit, l'acheteur du véhicule, et il nous démontrera... Il doit démontrer devant les tribunaux qu'il était de bonne foi, qu'il ne savait pas que c'était un véhicule volé ou qui n'appartenait pas au vendeur. Alors, on le poursuit, on a un droit de propriété, on saisit le véhicule, on lui enlève le véhicule, il y a un débat judiciaire.

Actuellement, tout ça est assez éliminé à cause d'un mécanisme: les gens sont habitués à se parler; les cautions de compagnies de financement... Il s'est établi un mécanisme, on connaît les règles du jeu. Mais le consommateur, lui, il ne les connaît pas, les règles du jeu. Alors, là, on va le confronter avec un débat judiciaire possiblement, assez compliqué. Et là il ne comprendra rien dans ça, mais tout ce qu'il sait, c'est qu'il sent que c'est injuste. Ça va être ça, l'effet, et c'est pour ça que le législateur avait établi un mécanisme de cautionnement. Et c'est pour ça qu'il n'y a pas rien que l'association qui fait du cautionnement. Il y a d'autres institutions financières qui font du cautionnement; elles ne vous ont pas demandé de modifier la loi.

M. Middlemiss: O.K. Donc, si je comprends très bien ce que vous dites, c'est que le financement... Quelqu'un achète une auto puis ne la paie pas, il doit encore des sous sur l'auto; il décide d'aller la vendre. Donc, un concessionnaire ou un individu prend l'auto et, lui, il la revend à une autre personne. En d'autres mots, ce que vous dites, vous tentez, vous autres, de récupérer, si je comprends bien... Vous êtes obligés d'aller voir la personne qui a acheté un véhicule volé, vous le payez, dans l'exemple, 20 000 $, vous le vendez à l'encan 15 000 $ et, du fait qu'il vous devait encore 27 000 $, vous accusez une perte de 12 000 $. Mais ce 12 000 $ là, vous ne tentez pas de récupérer ça de la part des gens qui ont la caution.

M. La Rue (Hugues): Non.

M. Middlemiss: Tout ce que vous voulez récupérer, c'est ce que ça vous a coûté pour reprendre votre auto.

M. La Rue (Hugues): C'est ça. Le 20 000 $ additionnel qu'on est obligés de débourser pour rembourser à l'acheteur de bonne foi, le dernier que vous avez identifié, le prix que lui-même a payé au concessionnaire pour acquérir le véhicule. Donc, c'est en plus de la perte qu'on fait déjà, ça. C'est en plus de la perte qu'on fait déjà sur le contrat, et il n'y a pas de lien entre nous et ces personnes-là.

M. Vermette (Serge): Il y avait un mémoire qui vous a été soumis qui introduisait un peu de confusion à cet égard-là, puis je pense qu'il faut clarifier ça. La perte que la compagnie de financement prend quand elle finance puis qu'elle perd le véhicule si le débiteur devient insolvable, elle l'assume et elle continue à l'assumer même si le véhicule est transité, là, frauduleusement. Ce que la compagnie de financement va récupérer, c'est le prix qu'elle va devoir payer pour récupérer son véhicule qui est déjà à elle. En plus du solde qui lui est dû, mettons, de 20 000 $, il fallait qu'elle aille récupérer le véhicule. Alors, là, elle se trouve à payer son propre véhicule une deuxième fois. Alors, c'était normal qu'elle puisse s'adresser et qu'elle continue de pouvoir s'adresser, avec l'amendement s'il est adopté, on dit pas à la caution, au concessionnaire. Mais le concessionnaire, s'il est solvable, il n'y a pas de problème, il va nous payer. On va le poursuivre puis il va nous payer. Mais, si le concessionnaire est insolvable, là on va prendre une perte.

Alors, ça change quoi pour les concessionnaires honnêtes et solvables? Rien. Mais, pour les concessionnaires... Dans les contextes d'aujourd'hui, où les biens changent de mains rapidement, il naît des entreprises, aujourd'hui, qui font commerce d'acheter les véhicules, de vendre des véhicules, comme ça, puis qui incitent les gens à dire: Tu as besoin d'argent? Vends-moi ton véhicule. Je suis licencié, je vais le revendre sur le marché. Puis vous poursuivez ces intermédiaires-là après, ils n'ont pas une cenne, ils n'ont pas un actif, ils n'ont pas un bien; ils sont locataires, ils opèrent leur commerce à telle place. Et c'est ça que ça va favoriser, l'amendement, exactement ça.

M. Middlemiss: Mme la Présidente, donc, en d'autres mots, ce que vous suggérez, c'est de la prévention un peu. Vous dites: Regardez, la caution peut toujours demeurer là, mais, lorsque c'est une auto qui appartient encore à la compagnie de finance... Si c'est une auto en location, je pense que déjà c'est identifié. Vous voulez avoir une façon d'aviser les vendeurs d'autos: Regardez, là, n'achetez pas ça, là, parce que l'individu qui veut vous la vendre, elle ne lui appartient pas; ça appartient encore à la compagnie de financement. Et vous suggérez deux façons: soit que la Société de l'assurance automobile du Québec indique, comme elle le fait pour des autos en location, que cette auto-là appartient à une compagnie de financement ou bien vous faites référence à quelque chose qui va venir dans le Code civil, un genre de registre qui aurait pour effet de publier les réserves de propriété. Donc, vous dites: Ça empêcherait des vendeurs qui n'ont pas de scrupules de dire: Bien, regarde, je l'ai achetée de bonne foi puis j'ai fait... etc. Donc, c'est un peu dans ce sens-là que vous dites ça, vous.

M. La Rue (Hugues): Nous croyons que la meilleure solution... Le ministère de la Justice a demandé la formation d'un comité des intervenants en industrie automobile pour étudier ce qu'il appelle les phases II et III de l'implantation du registre des droits réels mobiliers. Alors, ce comité-là a fait une recommandation qui est d'amender le Code civil pour nous permettre de publier dans le registre nos réserves de propriété. Ce registre-là, c'est un registre qui est accessible, qui est public, qui se trouve généralement dans les palais de justice et où on apparaîtrait comme étant créancier possédant une réserve de propriété, donc le véritable propriétaire. N'importe quel intervenant, que ce soit un commerçant, un concessionnaire ou un acheteur éventuel, pourrait aller consulter ce registre-là. La conséquence de ça, c'est que, s'il n'y va pas, il pourra difficilement prétendre être de bonne foi.

Alors, ces démarches-là ont l'appui de tous les intervenants du domaine, et c'est présentement à l'étude et il y a de fortes possibilités que ce soit adopté d'ici à un an. Dans un premier temps, ce qu'on dit, c'est que c'est peut-être prématuré de chambarder le système actuel de cette manière-là en attendant l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions au Code civil.

Mais, dans un deuxième temps, on dit: Il y a peut-être quelque chose... Si, malgré tout, il fallait absolument adopter l'article 36 tel qu'il est, à ce moment-là, un palliatif, si on veut, ce serait au moins de nous permettre d'enregistrer dans les dossiers d'immatriculation de la Société de l'assurance automobile du Québec notre réserve de propriété, comme ça existe présentement en matière de location où le locateur apparaît sur le certificat d'immatriculation. Alors, de cette manière, n'importe quel commerçant qui veut faire une revente, ou un acheteur éventuel, peut faire une demande d'information à la Société de l'assurance automobile du Québec et, s'il voit notre nom, il y a lieu de croire que le véhicule appartient à quelqu'un d'autre.

(17 heures)

M. Middlemiss: Mme la Présidente, maintenant, pour vos automobiles en location, concernant la saisie possible si quelqu'un conduit lorsque son permis lui a été enlevé, est-ce que vous avez des préoccupations à ce sujet-là?

M. La Rue (Hugues): Bien, la préoccupation qu'on avait visait surtout le cas de réserve de propriété, parce que le projet de loi, tel qu'il est, prévoyait déjà l'obligation pour la Société de l'assurance automobile du Québec d'envoyer un avis recommandé au véritable propriétaire. Alors, en ce qui concerne les locations, on apparaît au registre de l'immatriculation. Donc, on peut présumer que nous aurons cet avis-là.

Quant au reste, il n'y avait pas de préoccupation particulière. Sauf que évidemment, dans le cas des réserves de propriété, nous n'avons pas la faculté d'enregistrer ça, notre réserve de propriété, dans les dossiers de la Société de l'assurance automobile du Québec. Donc, on demandait également de pouvoir enregistrer notre réserve de propriété pour avoir aussi l'avis qu'on doit nous envoyer si jamais le véhicule est saisi, parce que comment nous retracer comme véritable propriétaire si on n'est pas inscrit dans les dossiers. Alors, il y avait cet aspect-là aussi.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député de Limoilou.

M. Rivard: Merci, Mme la Présidente. J'aime bien l'ouverture que vous faites, si nous maintenons l'article 36, qu'on pourrait avoir une modification de la SAAQ pour indiquer qu'il y a un lien sur le véhicule, que le véhicule n'est pas entièrement payé. Alors, j'aime bien ça. Par contre, j'essaie de comprendre, dans le résumé du mémoire que vous avez déposé, à premièrement: «Qu'au lieu de favoriser une meilleure pratique commerciale de la part des commerçants – je dois lire, bien sûr, vendeurs, revendeurs ou concessionnaires – l'amendement proposé favorisera de façon involontaire l'insouciance, la négligence et la fraude.» Pouvez-vous m'expliquer un peu? J'ai de la misère à saisir ça, que le vendeur pourrait inciter à l'insouciance, à la négligence ou à la fraude.

M. Vermette (Serge): C'est un peu ce qu'on vous soulignait tantôt. Dans le contexte économique actuel...

M. Rivard: Par le vendeur, j'entends bien.

M. Vermette (Serge): Hein?

M. Rivard: Par le vendeur. Parce que, si je comprends bien, c'est que le vendeur...

M. Vermette (Serge): Le vendeur, c'est le commerçant ou les catégories de commerçants, à un moment donné, qui naissent. Aujourd'hui, c'est facile d'avoir des permis, des licences. Il se développe actuellement, au Québec, des «brokers», entre guillemets, en automobiles. Ils font métier de ça. Alors, eux autres, ils ne se préoccupent pas trop... La personne a besoin d'argent, elle vient te voir: Je vais te vendre mon véhicule. Oui. O.K. Un véhicule de 25 000 $, je vais te l'acheter 18 000 $. Je paie 18 000 $ à la personne, ça fait l'affaire du consommateur. Ce véhicule-là, il appartient à une compagnie de financement, puis, là, cette personne-là, elle revend sur le marché le véhicule. Ce qu'on dit: Cet amendement-là va favoriser la naissance et la propagation de ce genre de commerce là. C'est ça qu'on veut dire.

M. Rivard: Mais c'est surtout dans le genre de commerce où vous expliquez que, pour des concessionnaires représentant des compagnies connues, ça ne s'applique pas. Je ne sais pas ce que vous visez.

M. Vermette (Serge): Bien, écoutez, les concessionnaires, en général, d'abord, ils sont solvables et ils sont responsables. Ils sont dans le métier depuis longtemps et c'est des gens bien établis. Ils s'en font passer de temps à autre, remarquez bien, mais ce n'est pas de ceux-là qu'on parle. Mais des concessionnaires d'automobiles, des commerçants en semblable matière, des commerçants d'automobiles, il y en aura de tous les genres.

M. Rivard: En tout cas, moi, je résume en disant que je trouve intéressante l'ouverture de la modification à la SAAQ qui, je pense bien, donnerait raison aux deux parties: compagnie de finance et concessionnaires. Alors, il reste à voir avec la SAAQ et M. le ministre si on peut donner raison, si on peut acquiescer à votre demande. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, Me La Rue et Me Vermette, nous vous remercions de votre participation, ainsi que M. Bilodeau et monsieur...

Une voix: Dolfato.

La Présidente (Mme Bélanger): ...Dolfato. Alors, je demanderais maintenant au groupe l'Association des victimes d'accidents corporels de bien vouloir se présenter à la table.

Alors, nous vous souhaitons la bienvenue. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent. Comme les groupes précédents, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire qui sera suivi de la période de questions.


Association des victimes d'accidents corporels (AVAC)

M. Bérubé (Gaétan): Oui, bonjour. Mon nom, c'est Gaétan Bérubé; je suis président de l'Association des victimes d'accidents corporels. J'aimerais présenter, à ma droite, Mme Diane Gravel, qui est une accidentée de la route; à ma gauche, Mme Huguette Moreau, qui est une accidentée de la route; et, à mon extrême gauche, M. Michel Piché, qui est un autre accidenté de la route.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, vous avez la parole et vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Bérubé (Gaétan): Alors, on va tout de suite à la lecture?

La Présidente (Mme Bélanger): Oui.

M. Bérubé (Gaétan): L'Association des victimes d'accidents corporels est heureuse de pouvoir livrer ses commentaires à cette commission parlementaire en regard avec notre système sociétaire d'assurance automobile, parce que nous sommes conscients que notre système d'assurance automobile ne devrait pas être privatisé. Il s'agirait là d'un retour en arrière, et les moins nantis seraient encore une fois pénalisés. Cependant, on doit se donner les outils nécessaires pour que ce système soit géré en équité, et cela, selon les circonstances propres à chaque cas.

D'entrée de jeu, pour bien concevoir les critiques et griefs formulés par les accidentés, il faut très bien distinguer la répartition des blessés selon la nature des dommages. Les données présentées dans le présent mémoire proviennent du rapport d'activité 1994 de la Société de l'assurance automobile. Les blessés ayant subi des dommages corporels selon la nature des blessures légères représentent environ 85 % de la clientèle. Selon nos observations, cette clientèle est, dans l'ensemble, satisfaite.

Les blessés médullaires constituent une fraction de l'ensemble, ils ne sont pas dénombrés séparément dans le dossier statistique. Cependant, selon le mémoire de l'Association des paraplégiques du Québec, présenté au groupe de travail SAAQ-accidentés en mai 1994, à la page 4, nous lisons, et je cite textuellement: «Les programmes créés par la Société de l'assurance automobile pour soutenir les blessés médullaires sont, dans l'ensemble, satisfaisants. Hormis quelques points, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir, ces programmes ont été intelligemment conçus et, dans l'ensemble, tiennent adéquatement compte des besoins de la clientèle.»

Les blessés ayant subi des dommages corporels selon la nature des blessures graves représentent environ 12 % de la clientèle. Il y va de la plus stricte honnêteté de notre part de souligner que nos commentaires ne font référence qu'à cette seule clientèle. Il s'agit d'une clientèle aux séquelles importantes pour lesquelles la Société de l'assurance doit consacrer beaucoup de ressources. Ces victimes figurent parmi la clientèle qui a beaucoup de besoins. Selon nos observations, dans l'ensemble, ces victimes sont très insatisfaites et leur présence est prévisible dans notre société québécoise. Elles attirent l'attention par leur aspect et leur attitude, elles se désintéressent de la vie, elles se plaignent sans cesse de leur situation, même leur processus mental est affecté. De plus en plus, on constate des désespérés.

Nous savons fort bien qu'une personne qui fait face à une grave maladie ou qui subit des dommages corporels graves son processus de guérison est lié directement à trois conditions fondamentales qui interagissent directement sur l'évolution de sa guérison. Ces conditions sont: la qualité des soins médicaux; le soutien familial, qui est une force prodigieuse; le besoin financier, qui est un élément essentiel. Soulignons qu'après l'accident les victimes entreprennent un long processus par lequel elles doivent faire le deuil de ce qu'elles étaient et envisager leur nouvelle vie. Tout est chambardé: le travail, les loisirs, la vie familiale, etc.

(17 h 10)

Les victimes en lutte dans leurs démarches de réclamation: selon nos observations, force nous est de constater que cette clientèle s'affronte à des règles d'application de la Société de l'assurance basées sur la confrontation. Pour mieux saisir les situations, voyons donc quelques-unes de ces règles. Il y a deux corps médicaux dans la structure: celui de la Société de l'assurance automobile et les médecins traitants des victimes. On sait l'évolution d'un patient dans le système médical; de par ses besoins, il sera suivi par un ou plusieurs spécialistes pendant des mois, voire même des années. Par la suite, selon les améliorations, il peut être suivi seulement par un de ceux-ci parallèlement à son médecin de famille. Le patient est donc évalué par différents spécialistes sur un long laps de temps.

La Société de l'assurance automobile, elle, pour indemniser, fait évaluer le patient par un médecin inscrit sur sa liste et payé par elle. Ce médecin, qui n'a jamais rencontré le patient et qui ne le connaît pas, n'évalue l'incapacité de son atteinte qu'en vertu du pourcentage d'invalidité fonctionnelle. La victime, elle, s'attend, et avec raison, que sa perte de capacité sera mesurée en termes d'incapacité de travail. La démarche habituelle d'un médecin n'est-elle pas, d'abord, la prise en compte des doléances et des symptômes, suit l'examen clinique? Donc, cette règle de procédure ne quantifie pas la gravité d'une atteinte qui ne serait pas la même d'un individu à l'autre.

L'aide personnelle. L'évaluation de l'aide personnelle n'est calculée qu'en fonction du pourcentage de guérison des atteintes. Cette évaluation ne repose pas sur un poids mesurable parce qu'elle ne tient pas compte de la condition dans laquelle la victime se trouve, c'est-à-dire qu'elle n'est pas pondérée. Un système dont le flux d'informations est contrôlé par un moyen genre grille, c'est un modèle biaisé. Un modèle biaisé sème la confusion, la bisbille, la colère et l'insatisfaction.

L'aide à la réadaptation. Trop souvent, les victimes doivent demander si elles ont droit à telle ou telle ressource. À leurs yeux, les conseillers en réadaptation cherchent davantage à introduire un différend qui leur permettrait ainsi de se prononcer dans une décision de non-recevoir plutôt que de les aider.

L'emploi présumé. Selon les victimes, c'est une vraie farce. La Société de l'assurance ne se soucie pas si l'emploi est ou pas disponible dans la région donnée et ne fournit pas les ressources pour les amener à réintégrer le marché du travail.

Le bureau de révision dans tout cela. Quoi penser du mécanisme du bureau de révision sous la juridiction de la Société de l'assurance automobile? La Société de l'assurance automobile est juge et partie. Elle révise ses propres décisions. C'est la logique d'un système qui, dans ses aspects restrictifs, entraîne excès, manipulations et affermissement de pouvoir.

Le Commissaire aux plaintes. Aussi sous la juridiction de la Société de l'assurance automobile du Québec, cette personne n'est-elle pas directement en conflit d'intérêts? Un autre contrôle qui joue du visible à l'invisible. Peut très facilement conduire à l'affaiblissement des recouvrements des accidentés.

La grande question à se poser n'est-elle pas: Dans notre système sociétaire d'assurance automobile, sommes-nous les esclaves des conditions de contrôle? Les conditions de contrôle sont l'évidence de la vraie raison de l'insatisfaction et des griefs des accidentés. Le contrôle en soi crée une attitude de dépendance qui affaiblit et, dans les faits, il engendre une force de destruction. D'ailleurs, nos difficultés actuelles correspondent beaucoup aux conditions de contrôle imposées.

Dans notre système sociétaire d'assurance, le paiement des indemnités est conditionnel aux rapports des médecins. Dans le plan d'action, les objectifs devraient donc porter: pour la Société de l'assurance automobile, l'objectif serait de maîtriser la véracité des rapports médicaux; pour les victimes, l'objectif, c'est de maîtriser le retour équitable des indemnités.

On devrait donc être sensibilisé au concept de la maîtrise parce que la maîtrise s'exprime dans un plan où chaque chose occupe la place qui lui est destinée sur la base de son objectif et de ses obligations. C'est, dans les faits, un chemin ascensionnel, parce que la maîtrise nous permet de discerner le plus vrai et le plus faux. Il ne faut pas se le cacher: nous apprenons avec plaisir que la maîtrise nous démontre que nous sommes capables de contrôler les conditions et les circonstances qui nous entourent. C'est à juste titre que certains observateurs avertis nous apprennent, en effet, que les changements ne s'effectuent, si nous voulons avancer, qu'en se tournant vers de nouvelles approches et qu'une nouvelle approche n'est d'aucune utilité ni d'aucune valeur si nous ne l'appliquons pas à une évolution nouvelle.

Nous recommandons donc à notre gouvernement d'introduire un mécanisme approprié qui favoriserait une interaction directe entre les administrés, le pouvoir politique et le personnel du service à la clientèle accidentée de la Société de l'assurance automobile. Pour le citoyen, ce mécanisme se voit dans un tout nouveau cadre d'organisme sociétaire et souverain, et ceci, pour équilibrer les rapports de force. Mais, pour y arriver, c'est conditionnel à ce que cet organisme ne soit pas géré par le gouvernement et/ou ses fonctionnaires.

Précisons tout de suite, c'est important:

Pourquoi souverain? Souverain signifie qui échappe au contrôle d'un organe supérieur.

Pourquoi pas géré par le gouvernement? L'élu, dans ses fonctions, est aux prises à se plier aux impératifs de l'intrusion dans la gestion des sociétés de l'État et les attentes véritables des victimes à l'endroit du pouvoir politique.

Pourquoi pas géré par les fonctionnaires? Les fonctionnaires sont les serviteurs du gouvernement en poste. Dans sa fonction, le fonctionnaire, dans une meilleure compréhension des choses, ne serait-il pas celui qui est entre l'arbre et l'écorce?

Pourquoi sociétaire? Sociétaire signifie mettre en commun. Les membres seraient les citoyens du Québec, et le coût de la cotisation pourrait être prélevé en étant inclus avec les autres coûts inhérents à l'immatriculation des véhicules automobiles, selon la définition de la Loi sur l'assurance automobile.

Cette approche de stratégie d'organisme s'identifie assez bien d'ailleurs à l'organisation formelle, soit une organisation ordonnée et sujette à des principes très précis, c'est-à-dire que tout fonctionne d'une manière appropriée et correspond à un plan contrôlé.

L'obligation du plan d'action porterait:

1° à faire valoir les divers angles de responsabilité de chacune des parties intéressées;

2° à mettre en rapport toutes les parties composant les relations de force;

3° à créer un environnement favorisant l'innovation, une bonne relation, une bonne dépendance et une bonne obligation;

4° à rehausser la confiance dans le public et à atténuer la hantise des victimes;

5° à se révéler dans un plan avec des statuts et l'imposition d'un code d'éthique;

6° à avoir pour objet: d'analyser les règles gouvernant les responsabilités respectives des parties intéressées; de renseigner les victimes sur leurs droits et leurs recours; de traiter, d'analyser et d'établir le bilan des plaintes; d'avoir une force de représentation dans les dossiers touchant les intérêts tant au niveau médical que juridique; d'avoir un congrès annuel qui est un outil idéal pour faire valoir ses buts, ses objectifs et impliquer le public.

En annexe, on retrouve des organigrammes très explicites à partir de lorsqu'un accident, malheureusement, arrive et quel est le cheminement d'un accidenté avec le service médical. Alors, on a trois annexes et, pour explications peut-être, je vous ai fait parvenir deux autres...

(17 h 20)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Bérubé. M. le ministre.

M. Brassard: Je vous remercie, M. Bérubé, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, d'avoir accepté l'invitation de la commission à venir vous exprimer puis exprimer le point de vue évidemment de personnes qui, je dirais, occupent une place essentielle dans la mission même de la Société de l'assurance automobile, en l'occurrence les victimes d'accidents qui reçoivent des indemnités de la Société. C'est la raison d'être de la Société; c'est la raison d'être du régime d'assurance automobile.

Donc, je conviens avec vous et avec votre Association, d'abord, je dirais, comme principe général, qu'il faut tout faire, tout mettre en oeuvre pour que justement les victimes soient convenablement traitées par la Société, convenablement et équitablement aussi indemnisées par la Société. Mais ce que vous nous dites évidemment, c'est que ce n'est pas parfait. Il y a, selon vous, des défaillances en matière d'indemnisation des victimes. Pour corriger cela, vous dites que le bureau de révision, il faut s'en méfier, selon vous, parce que c'est un appendice de la Société elle-même. Même chose pour le Commissaire aux plaintes. Et là vous recommandez un mécanisme qui serait fondé sur une interaction entre les administrés, donc les victimes, le pouvoir politique et le personnel du service à la clientèle de la SAAQ.

Moi, j'aimerais, d'abord, que vous essayiez de me préciser, de façon la plus simple et la plus compréhensible possible, quelle serait la nature de ce mécanisme-là. Comment ça fonctionnerait? Comment impliquer à la fois les personnes concernées, en l'occurrence les victimes, le pouvoir politique et les fonctionnaires de la SAAQ? Ce serait quoi concrètement? Ça ressemblerait à quoi, ce mécanisme que vous souhaitez qui, j'imagine, viendrait se substituer, qui prendrait la place – à moins que je vous comprenne mal – du bureau de révision et du Commissaire aux plaintes? Est-ce que je vous comprends bien? J'aimerais ça que vous m'expliquiez à quoi ça ressemblerait concrètement ce mécanisme que vous souhaitez.

M. Bérubé (Gaétan): D'accord, M. le ministre. Si vous le permettez, vous avez peut-être remarqué que, dans mon mémoire, il y a une logique qui se suit. Je vais tenter de vous répondre à partir d'une logique. Je vous ai dit que les victimes d'accidents étaient les esclaves des conditions de contrôle. Alors, il faut bien comprendre, avant de parler d'un nouvel organisme, d'une nouvelle structure, c'est quoi, le contrôle. Alors, je vais commencer, si vous me le permettez, par vous expliquer le contrôle, si vous voulez bien.

Alors, vous voyez ici qu'on a un organigramme à caractère soumis. Ça veut dire que les médecins qui sont inscrits sur la liste de la Société de l'assurance automobile du Québec... Voyez-vous, M. le ministre, ici, j'ai les médecins de la SAAQ qui sont inscrits sur la liste des médecins. Alors, ces médecins-là, ils sont soumis à la Société de l'assurance automobile du Québec; le bureau de révision est soumis à la Société de l'assurance automobile du Québec; le Commissaire aux plaintes est soumis à la Société de l'assurance automobile du Québec.

En administration, il y a deux philosophies de stratégie. Il y a la philosophie de stratégie ouverte. Son existence repose sur l'aspect humain. L'aspect humain, c'est de dominer et, pour dominer, qu'est-ce que tu fais? Tu contrôles. Il y a la stratégie fermée. Cette stratégie s'identifie à l'organisme formel, soit une organisation fermée, et sujet à des principes précis. Tout fonctionne d'une manière – voyons! la nervosité – appropriée et correspond à un plan contrôlé. Pour se révéler, il faut que chaque phase de développement acquière son canal d'expression au moment voulu et de la manière voulue... Je vais prendre mon souffle, là.

Une voix: Je vous en prie.

M. Bérubé (Gaétan): Excusez-moi.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va, prenez votre temps.

M. Bérubé (Gaétan): J'ai réellement un blanc de mémoire.

La Présidente (Mme Bélanger): Voulez-vous une autre question?

M. Bérubé (Gaétan): Oui, j'aimerais une autre question, puis je vais me replacer parce que je m'attends...

M. Brassard: Si je comprends bien l'organigramme que vous nous avez exposé, dans le fond, ce que vous dites: Tout relève de la SAAQ. Je reprends la question que je vous posais: Ce mécanisme que vous souhaitez mettre en place qui impliquerait le pouvoir politique, ce que ça veut dire ça, ça veut dire les députés? Est-ce que ça signifie...

M. Bérubé (Gaétan): Non, non, ce n'est pas ça que ça veut dire. Si on regarde et si on se replace... Vous savez, il faut commencer au commencement.

M. Brassard: Parce que les députés sont souvent impliqués dans des dossiers, interpellés.

M. Bérubé (Gaétan): Oui, exactement. C'est là qu'ils sont impliqués et c'est là que tout rentre en ligne de compte. Premièrement, il faut établir la responsabilité de chacune des parties impliquées. Alors, le gouvernement, c'est quoi, sa responsabilité? Le gouvernement, sa responsabilité, c'est d'administrer les affaires de l'État, c'est de légiférer, puis il a l'autorité suprême pour le maintien de l'ordre.

Alors, dans le contexte actuel, un nouvel organisme s'établirait à partir de... Disons que c'est vous qui êtes responsable au ministère des Transports. Vous délégueriez un de vos représentants à ce nouvel organisme là. Le représentant ne serait pas là à l'année; il aurait, disons, par exemple, pour bien expliquer, une réunion ou deux par année pour établir le plan d'action pour l'année, et l'Association communiquerait seulement avec ce représentant-là. Le représentant, il pourrait communiquer avec vous pour voir ce qui se passe.

Parce que ce qui se produit aujourd'hui, c'est que les accidentés n'ont plus de recours. Ils arrivent au bureau de révision, et le bureau de révision, lui, c'est entendu qu'il ne prend pas pour les accidentés; il les renvoie à la CAS. À la CAS, les gens, ils n'ont plus...

M. Brassard: Dans le fond, ce que vous...

Une voix: J'en aurais une question de la CAS.

M. Bérubé (Gaétan): Il y en aurait une question de la CAS, ici; madame pourrait vous répondre.

M. Brassard: ... souhaitez là, monsieur... C'est parce que je veux bien vous comprendre. C'est important qu'on se comprenne bien.

M. Bérubé (Gaétan): Oui, oui, oui.

M. Brassard: Vous représentez quand même des victimes.

M. Bérubé (Gaétan): Oui, oui, exactement. C'est ça.

M. Brassard: Ce que vous souhaitez, c'est que le processus ou la procédure de révision ou de traitement des plaintes...

M. Bérubé (Gaétan): Oui.

M. Brassard: Prenons un cas où une victime n'est pas satisfaite de la façon dont elle a été traitée, de la façon dont on a déterminé son incapacité et de la façon dont on l'a indemnisée et dont on l'indemnise, n'est pas satisfaite du traitement qu'on lui a fait subir. Actuellement, ce qu'elle fait, c'est qu'elle porte plainte ou elle réfère son cas au bureau de révision, au Commissaire aux plaintes. Vous dites: Ce n'est pas un mécanisme dans lequel on doit avoir confiance ou en quoi les victimes ont confiance parce que c'est des annexes de la Société de l'assurance automobile. Vous voudriez une procédure de traitement des plaintes des victimes qui soit en quelque sorte indépendante de la Société.

M. Bérubé (Gaétan): Complètement, complètement.

M. Brassard: C'est ça que vous souhaitez.

M. Bérubé (Gaétan): Complètement indépendante de la Société. Si vous le permettez, j'aimerais faire parler madame qui a vécu le bureau de révision et qui a vécu la CAS.

M. Brassard: Je vous en prie, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Gravel.

(17 h 30)

Mme Gravel (Diane): Oui, Mme Gravel. Moi, j'ai eu un accident en décembre 1991. Depuis décembre 1991 que je suis aux prises avec la Société de l'assurance automobile du Québec et puis je viens finalement, en dernier de tout, d'avoir mon jugement de la Commission des affaires sociales qui dit: Cause rejetée. Alors, ça fait cinq ans que je me bats, puis je ne comprends pas pourquoi j'ai à me battre, pourquoi j'ai à me justifier, pourquoi j'ai à dire: Oui, j'ai eu un accident; oui, j'ai mal dans le dos. Il faut que je fasse une relation avec mon mal de dos, avec cet accident-là. Je n'en reviens pas. Il faut que je paie des avocats. Il faut que je paie toutes sortes de choses. C'est incroyable! Je suis victime d'un accident, mais, je vais vous l'avouer bien franchement, ce n'est pas comme ça que je me sens. Je me sens comme la dernière des dernières. C'est comme si c'était moi, l'accusée. Je ne me sens pas du tout une victime d'accident; je me sens une accusée, puis je dois faire la preuve de...

Le médecin qui m'a reçue à l'hôpital quand je suis arrivée de cet accident-là, je pense que c'est celui qui est le plus compétent pour dire de quoi j'avais l'air. Non. Il faut que je passe par toute la panoplie de médecins qui, eux autres, ne m'écoutent même pas, qui, eux autres, disent: Bien non, madame, voyons, vous n'avez pas mal dans le dos. Vous n'êtes pas ici pour ça; vous êtes ici pour votre poignet. Moi, madame, je suis ici pour réviser votre poignet, point à la ligne. Oui, mais j'ai mal. Non, non, madame. Ça va. Votre main? Ah bien, là... Oui? Parfait, madame, ça va très bien. C'est ça, les médecins de la révision. Il posait les questions et il répondait pour moi.

Est-ce que ça valait la peine d'aller en révision? Merci beaucoup, encore une autre fois. J'en ai vu trois ou quatre comme ça, qui posent les questions puis qui répondent pour moi. Ils se disent: Bien, Mme Gravel n'a jamais fait état de son mal de dos, ça n'a jamais été mentionné par les médecins de la révision. Quand je le leur disais, ils me disaient: Bien, vous n'êtes pas ici pour ça. Bien, je comprends, ils marquaient ce qu'ils voulaient marquer. C'est ça, nos bons médecins de la Société de l'assurance automobile du Québec.

Si on avait demandé à mon médecin à moi... Il y avait un dossier épais comme ça pour cet accident-là. Je ne comprends pas que j'aie à justifier puis je ne comprends pas que vous ayez à justifier ce que mon médecin à moi a dit. Je ne comprends pas qu'il faille que ce soit d'autres médecins. Le traumatisme après l'accident est encore plus grave, je pense, que l'accident lui-même, tellement on en vient à un point où on est écoeuré de ça. Excusez le mot, mais c'est l'état dans lequel je me sens depuis cinq ans: écoeurée de ça. On devient miné. On est obligé de payer, de se défendre, des avocats, de l'argent, et tout ça, puis il faut dire merci à notre bon gouvernement, c'est très bien, c'est très beau, on va continuer à payer.

M. Brassard: Mme Gravel, est-ce que je comprends bien, dans votre cas et de la façon dont vous l'exposez, que ce que vous dites, ce que votre Association dit du bureau de révision et aussi du Commissaire aux plaintes, vous le dites aussi de la Commission des affaires sociales? Vous jugez que la Commission des affaires sociales est également une instance qui ne comporte pas suffisamment d'indépendance ou d'autonomie?

Mme Gravel (Diane): Oui, j'irais jusque-là. Oui, effectivement. Je vais vous dire bien franchement, moi, j'ai passé par tellement d'étapes puis j'ai vu ça tellement... que j'en suis rendue que, pour moi, c'est comme s'il n'y avait plus personne en qui je pouvais avoir confiance. Plus personne, carrément personne. C'est comme: Nous, on a décidé ça. Alors, peu importent les étapes que tu vas prendre, c'est ça qui est décidé et, à la fin de tout ça, fais ce que tu veux, la décision est prise. Et d'avoir à prouver que... ça, j'ai trouvé ça assez fort, merci. D'avoir à faire la preuve que... quand tu es un accidenté, vraiment, ça, ça dépasse les bornes. Apparemment, c'était censé que, quand ce serait le gouvernement qui prendrait les dommages corporels des gens, ce serait une affaire extraordinaire, ça irait très bien, mais, je regrette, je travaille dans l'assurance et puis, quand c'était le privé qui s'occupait des dommages corporels, je pense que les gens étaient un peu mieux traités que ça.

M. Brassard: On ne fera pas ce débat-là, mais...

M. Bérubé (Gaétan): Vous permettez, M. le ministre?

M. Brassard: ...on pourrait le faire. Je comprends votre cas. C'est évident qu'il faut...

Mme Gravel (Diane): Quand vous dites que vous faites une grille...

M. Bérubé (Gaétan): Vous permettez, monsieur?

M. Brassard: Oui. Non, je veux bien qu'on se penche sur des cas comme le vôtre puis qu'on essaie d'améliorer les choses, mais je ne pense pas que ce soit, je dirais, en regrettant l'ancien régime d'avant l'assurance automobile qu'on va progresser beaucoup, là. Parce qu'il avait ses lacunes, ses failles qui étaient énormes et considérables, et là évidemment ça fait pas mal d'années et on les a oubliées. Mais on pourrait se les rappeler puis je pense qu'on ne regretterait pas cet ancien régime. Ça ne signifie pas qu'il ne faut pas être attentif à vos requêtes, à vos revendications. Moi, je pense que ça mérite d'être pris en considération parce que c'est un point de vue qui vient des victimes.

Moi, ça fait 20 ans que je suis député – on va célébrer mon 20e anniversaire comme député – et Dieu sait que, comme député – tous mes collègues vont pouvoir le dire aussi – c'est clair qu'on en reçoit beaucoup de nos commettants qui ont été impliqués dans des accidents d'automobile et qui évidemment ne sont pas satisfaits de la façon dont on les a traités. Évidemment, c'est ces cas-là qu'on voit, nous, dans nos bureaux de comté. C'est ces cas-là qu'on voit. Il faut quand même aussi reconnaître – vous le dites dans votre mémoire aussi – qu'il y a un pourcentage aussi quand même assez élevé de victimes qui se considèrent comme ayant été convenablement traitées.

Mme Moreau (Huguette): Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose?

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Moreau.

Mme Moreau (Huguette): En ce qui concerne l'organisme que M. Bérubé voudrait instaurer, c'est que, moi, j'ai fait affaire avec un organisme privé qui s'appelle la FATA et j'ai pris des informations. C'est même un agent de la SAAQ qui m'a référée là. Quand je suis arrivée à la FATA, on me demandait 1 000 $. À ce moment-là, je n'avais ni d'indemnité de l'assurance automobile ni de sécurité du revenu. Je vivais sur mes économies. Puis, moi, en m'en allant à la FATA, je ne me sentais pas protégée, là. Je veux dire, la SAAQ m'a dit: Va à la FATA. On me demande 1 000 $ en partant, à part les expertises médicales. Alors, moi, je me dis: Si je n'ai pas les moyens, qu'est-ce que je fais? On me dit: Attends, quand tu seras rendue à la sécurité du revenu, ça va être payé par l'aide juridique. Mais je ne comprends pas, là, tu sais. Il faut vraiment attendre d'être à terre pour qu'on nous cogne un peu plus dessus, tu sais. Je n'ai pas l'impression que les recours, là...

C'est vrai. Moi, je suis allée voir ma députée. Je suis allée la voir, ma députée de comté, et ce n'est pas réglé encore. Mais ce qui est arrivé quand je suis passée en révision, je devais avoir une réponse fin septembre. Milieu octobre, pas de nouvelles. J'appelle à la SAAQ pour savoir ce qui se passe et on me dit: Ton agente est partie à sa retraite. Donc, tu as le choix: on recommence un dossier ou on règle selon les documents qui ont été déposés dans ton dossier. Si la personne est partie sans régler mon dossier, comment je peux faire confiance que les documents que j'ai fait parvenir sont dans mon dossier? Est-ce qu'il faut que je demande à vérifier mon dossier? Qu'est-ce que je dois faire, là? Quels recours?

Là, je me dis: Bon, je vais envoyer ça à un avocat. Je suis présentement à la sécurité du revenu. Donc, j'ai demandé un mandat à l'aide juridique. Depuis octobre 1996, il n'y a plus de mandats qui se donnent à l'aide juridique pour le bureau de révision. Pourtant, on se sent, comme Mme Gravel disait tout à l'heure, accusé. Si je suis accusée, pourquoi je n'ai pas les mêmes droits que n'importe quel détenu à avoir un avocat de l'aide juridique, à être représentée? Alors, qu'est-ce que je fais? Quels recours j'ai? Tandis que, si je m'adressais à un organisme privé, premièrement, il pourrait me donner de l'information, il pourrait me donner des organismes qui pourraient m'aider dans mon cheminement, dans ma guérison.

Moi, je suis bien d'accord qu'il y ait des médecins à la SAAQ. Je comprends que ça en prend des deux côtés, des deux parties pour évaluer les personnes. Je suis bien d'accord avec ça, sauf que moi, dans mon cas, leurs médecins ont dit qu'il y avait un problème, mais ils ont trouvé autre chose. Ils ont dit: Ce n'est pas arrivé au moment de l'accident; c'est arrivé par la suite. J'ai déposé des papiers qui prouvaient le contraire, mais on ne me donne pas de décision. On me dit: Elle est partie à sa retraite. Bien, je trouve que ce n'est pas une raison suffisante. J'étais une employée fédérale et j'ai travaillé pour des gens qui sont partis à leur retraite puis ils ont finalisé leurs dossiers. Alors, je m'attendais à ce qu'on fasse la même chose pour moi. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Moreau. M. le député de Pontiac.

Une voix: Je voudrais revenir...

La Présidente (Mme Bélanger): Un instant, là. Le temps réparti pour les ministériels, c'est terminé. Alors, là, vous allez avoir des questions de l'opposition.

M. Middlemiss: Vous pourrez répondre si vous voulez. Mme Gravel, vous avez indiqué tantôt que vous n'étiez pas satisfaite de toutes les réponses. Mais est-ce que le médecin traitant... C'était votre mal de dos, là? Mme Gravel, c'est vous?

Mme Gravel (Diane): Oui. Mon mal de dos...

M. Middlemiss: Est-ce que votre médecin traitant a indiqué, lui, au moment de l'accident, que vous aviez eu des blessures à votre dos? Vous dites que lui a indiqué ça, mais tout le monde après ça n'a pas tenu compte de l'évaluation première que votre médecin avait faite.

Mme Gravel (Diane): Moi, quand j'étais à l'hôpital, j'ai dit: J'ai mal au dos, j'ai mal dans le bas du dos. Bon. Mon médecin a dit: Bien, là, vous êtes assez mal en point, on ne peut pas passer de radiographie, on va attendre plus tard. Alors, ils ont attendu quelques jours. Après, ils ont passé des radiographies. En radiographie, on a dit: On ne voit rien. C'est normal que vous ayez mal au dos, Mme Gravel, avec l'accident que vous avez eu. Alors, j'ai dit: Bon, si c'est normal, Diane, que tu aies mal au dos, c'est normal que tu aies mal au dos.

(17 h 40)

J'ai subi une colostomie. Je ne sais pas si vous savez ce que c'est une colostomie. C'est un sac. Il y a eu rupture des intestins; j'avais un sac, bon. J'avais le bras dans le plâtre comme ça. Alors, j'ai été comme ça pendant quelques mois. Je disais encore: Bien, ça doit être parce que je suis comme ça que j'ai mal dans le dos. J'avais toujours mon mal de dos. Je ne pouvais rien faire. J'ai été comme ça pendant quelques mois. Alors, je disais: J'ai mal au dos, mais ça doit être tout ça. Alors, je remettais toujours mon mal de dos sur tout; on m'avait dit que je n'avais rien.

Quand j'ai eu fini d'avoir toutes ces choses-là puis que je suis retournée au travail et que là je devais, en principe, ne plus avoir mal au dos, j'avais toujours mal au dos. Alors, j'ai dit: Bien, là, Diane, il n'y a plus de raison que tu aies mal au dos, là. C'est fini, là. Tu n'as plus de plâtre, tu n'as plus de sac, tu n'as plus rien. Tu n'es plus croche, tu es droite; tu es censée ne plus avoir mal au dos. Mais j'avais toujours mal au dos.

Alors, là, j'ai dit: Comme personne ne veut me soigner, que personne ne veut seulement en tenir compte, de mon mal de dos, je vais aller voir un chiro. Je suis allée voir un chiro puis là on m'a dit: Mme Gravel, quelle est la relation entre votre mal de dos de maintenant et votre accident qui a eu lieu en 1991? Bien, ça fait je ne sais pas combien de temps que je le dis puis tout le monde me disait que je n'avais rien. Quand j'ai été assez tannée que, là, je ne me sentais plus, bien, j'ai dit: Là, si personne ne veut s'occuper de moi, je vais de moi-même aller en voir un. Mais là, il fallait que je fasse la preuve. Mais, tout le long, personne ne m'écoutait. Tout le monde disait: Non, non, vous n'êtes pas ici pour ça. Non, non, c'est pour votre poignet, c'est pour votre ventre, c'est pour votre ci, c'est pour votre ça. Mais ce n'était jamais pour mon dos. C'était normal que j'aie mal au dos. Effectivement, j'ai eu un accident assez grave, j'ai failli en mourir.

M. Middlemiss: Non. D'accord. Mais la raison pour laquelle je voulais vous poser cette question-là, c'est parce que c'est certain que tous les gens qui ont regardé le dossier après...

Mme Gravel (Diane): Ah oui...

M. Middlemiss: Si le médecin traitant avait identifié, lui, que vous aviez une blessure au dos, j'ai bien l'impression que... Je pense que le problème, il est là.

Mme Gravel (Diane): Oui.

M. Middlemiss: Il est peut-être, au tout début, là, qu'on n'a pas identifié... Et tous les gens qui ont regardé ça après – mais, eux autres, ils étaient en révision – ils ont dit: Bien, votre médecin ne l'a pas indiqué. Disons que je pense que c'est là qu'est un peu le problème. Peut-être que les évaluations du début ne sont pas faites de façon à vous couvrir à 100 % pour que, s'il y a des séquelles un peu plus tard, à ce moment-là on puisse dire: Bien oui, c'est dû à l'accident et non pas à autre chose, tu sais. Je ne sais pas, je n'ai pas la solution magique pour régler ça. Mais il me semble que ce serait l'évaluation du premier médecin qui pourrait vous donner ça.

Mme Moreau (Huguette): Excusez-moi.

M. Middlemiss: Oui.

Mme Moreau (Huguette): Qui me dit, à moi, que le médecin n'a pas bien rempli son papier?

M. Middlemiss: Non, non, mais c'est... D'accord. Non.

Mme Moreau (Huguette): Je veux dire, tu sais, c'est un peu ça. Moi, il faut que je me fie à quelqu'un quelque part, là.

M. Middlemiss: Oui. Donc, c'est ça, il faudrait exiger de la part des médecins traitants... Tu sais, même dans votre organigramme à vous, là, vous parlez d'un médecin traitant ou d'un médecin de famille. Il me semble que c'est extrêmement important qu'au moment de l'accident ces gens-là qui sont en responsabilité fassent un travail professionnel pour que, en bout de piste, après ça, s'il y a des séquelles, on puisse dire: Oui, c'est dû à l'accident et non pas à quelque chose qui est survenu après.

La Présidente (Mme Bélanger): Monsieur...

M. Middlemiss: Et je pense...

La Présidente (Mme Bélanger): O.K. Continuez.

M. Middlemiss: ...que réellement c'est un des buts, ça. Après ça, c'est certain que, si le médecin traitant a identifié telle, telle chose, tous ceux qui vont le revoir après, ils vont dire: Regarde, c'était indiqué à ce moment-là, ce n'est pas quelque chose qui vient de survenir.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Bérubé.

M. Bérubé (Gaétan): C'est exactement ce que vous venez de dire et puis c'est ça qui m'a mêlé tout à l'heure, qui m'a gelé. Je vais donner l'expérience à notre ministre. Moi, c'est la première fois que je passe ici et puis il m'a posé la dernière question à laquelle je m'attendais au lieu de la première question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bérubé (Gaétan): Non, non, ne vous excusez pas. Vous avez de l'expérience et puis...

M. Brassard: Envoyez fort! Ha, ha, ha!

M. Bérubé (Gaétan): Je n'ai pas l'expérience, moi, d'un parlementaire. Je n'ai jamais voulu être député.

Une voix: Vous vous en êtes très bien tiré.

M. Bérubé (Gaétan): D'accord.

M. Brassard: Il me semblait que c'était ça, l'essentiel de votre affaire.

M. Bérubé (Gaétan): Exactement. Et l'essentiel – je vais vous le dire – à l'évidence, c'est dans l'immense controverse de la qualité, de la pertinence et de l'interprétation des notes, des prescriptions et des expertises des médecins que se jouent l'insatisfaction et les griefs des victimes. Alors, tout revient là. Devant ces controverses, pour questionner le système – ce qui est important, c'est de questionner le système – il faut donc étudier les symptômes, les analyser et, enfin, les interpréter, comme monsieur a dit, pour en saisir la portée. L'organigramme permet de concevoir un énoncé clair en juxtaposant l'ensemble des lignes et l'ensemble des variables existantes. L'ensemble des lignes, on les retrouve ici. Les variables existantes, ce sont la science médicale et puis les gens qui appliquent la médecine. Alors, la science médicale, elle, est confrontée à une dualité, et ça, le Dr Marc Giroux peut vous l'affirmer.

Alors, qu'est-ce que vous faites lorsque vous rentrez dans un cabinet de médecin? La première des choses que vous faites, c'est que le médecin évalue... C'est l'évaluation subjective, qui est la prise en compte de la douleur, des souffrances, des inconvénients, de la perte de jouissance de la vie, de la diminution de la capacité, des états d'être négatifs; suit l'examen objectif, l'examen clinique qui repose sur des critères mesurables et dont la mesure peut être reproduite.

Je suis certain que vous avez vu, le 28 octobre, le programme Enjeux , de Simon Durivage. Je suis certain que vous l'avez vu. Alors, la panoplie d'expertises, pour quelle raison ça existe, ça, puis qu'ils ne sont pas capables de trouver la raison? C'est parce que les médecins experts évaluent seulement l'incapacité des gens sans prendre en considération l'autre côté, alors que la science médicale, c'est une science inexacte. Elle doit toujours être confrontée à une dualité.

Mais l'autre variable existante, selon des lignes qui s'expliquent très bien... Vous m'écoutez, M. le ministre?

M. Brassard: Je vous en prie.

M. Bérubé (Gaétan): Ha, ha, ha! L'autre, la deuxième variable existante, ce sont les médecins. Vous prenez un accidenté; ça fait deux ans, trois ans qu'il a passé par plusieurs comme accidentés. Là, il faut qu'il subisse des expertises. Qu'est-ce qu'il fait? Il va voir son médecin traitant ou son médecin de famille. Il obtient son expertise. Il fait parvenir à la SAAQ son expertise. La Société de l'assurance est satisfaite: règlement du dossier. La Société de l'assurance n'est pas satisfaite? C'est non, ici? La victime sera évaluée par des médecins experts inscrits sur la liste de la SAAQ et payés par cette dernière. Ça, c'est leur affaire à eux autres, qu'ils aient des médecins sur leur liste et qu'ils soient payés.

Alors, la Société de l'assurance fait parvenir à la victime l'expertise qu'elle a fait faire par ses médecins. La victime est satisfaite? Règlement du dossier. Non, la victime n'est pas satisfaite? Alors, la victime sera évaluée par un médecin arbitre. Là, rentre l'arbitre, parce que le médecin traitant ou le médecin de famille est mis en cause, et puis la victime met en cause le médecin de l'expert, et puis l'arbitre est choisi par les deux clans, autrement dit. Là, on commence à rentrer dans une démocratie et puis les médecins, eux autres, qui appliquent la science médicale, dans une démocratie, ils vendent des services. Alors, ça devrait être fait sur l'offre et la demande. En démocratie, c'est ça: l'offre et la demande. Ils ne devraient pas être soumis à une liste.

Parce que, M. le ministre, pour confirmer la chose, moi, je suis allé trois ou quatre fois avec des accidentés chez des médecins experts pour voir exactement s'ils disaient la vérité. Parce que, à la table de travail, il y a 22 accidentés qui ont témoigné devant nous et puis, sur les 22, ils nous ont tous dit la même chose. Ça a été 100 %; pas un n'était satisfait des expertises médicales, puis ils ne se comprenaient pas, entre l'agent d'indemnisation et eux-mêmes. C'était complètement impossible. C'était étonnant de voir ça.

Alors, pour certifier la chose, moi, je suis allé et puis j'ai accompagné des gens chez les médecins, parce qu'il a fallu obtenir la permission des médecins. Ils me l'ont donnée. Et puis c'est vrai, ce qu'ils disent. Le médecin m'a dit: Oui, c'est vrai. On ne mesure que l'atteinte de la personne, tout simplement. Et puis ce cas-là, je peux vous faire... Un type, ça fait 10 ans qu'il lutte et puis il est réellement infirme dans le terme du mot, et puis la Société est la seule à dire qu'il est capable de travailler. Il n'est vraiment pas capable. Ils ont détruit complètement ce type-là, puis c'est M. Michel Piché, qui est ici présent.

Alors, ces gens-là, ici, ils sont un échantillon représentatif de qu'est-ce qui se produit. J'aimerais peut-être avoir cinq minutes, deux minutes, là, si vous voulez l'écouter un petit peu.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Piché.

(17 h 50)

M. Piché (Michel): M. le ministre, les dommages corporels, c'est une fracture-luxation de la colonne cervicale, niveau C4-C5. J'ai été hospitalisé plus de trois mois à l'Hôpital général de Montréal et trois mois à l'Institut de réadaptation de Montréal. Les séquelles: incapacité d'exercer un emploi due à mon invalidité; je suis demeuré faible de partout et ça s'accentue; j'ai des troubles de contrôle et de coordination; je marche avec énormément de difficultés; j'ai besoin d'une canne; je ne suis pas mobile; si je marche plus de 50 pas, mes jambes flageolent; je ne peux plus faire aucune activité, aucun exercice, aucun sport; au point de vue sexuel, je suis impuissant; je suis toujours très constipé, j'ai besoin d'un suppositoire chaque jour; je peux uriner seul, mais avec un délai. Dans la réalité, je suis resté avec des séquelles majeures, ce qui fait de moi un invalide dans le vrai sens du terme. Depuis ce malheureux accident, je n'ai jamais été capable de travailler et de mener une vie active.

La Loi sur l'assurance automobile. L'assurance automobile a donc respecté mes droits durant les cinq premières années en me versant une indemnité de revenu et en m'aidant à poursuivre des études. J'ai donc pu finir mon secondaire V et faire une année de cégep, car la Société de l'assurance automobile du Québec ne poursuivait pas l'aide dont je bénéficiais. Ce n'était pas suffisant pour m'orienter vers une autre profession répondant à ma condition. Après ces cinq premières années, la Société de l'assurance automobile du Québec a jugé que j'étais apte à exercer un emploi, et ce, même si mes études n'étaient pas complétées, études que j'ai terminées à mes frais. On m'avisait donc que je ne nécessitais aucune mesure particulière de réadaptation pour surmonter les conséquences de mon accident, et qu'ils procédaient à la fermeture de mon dossier.

J'ai maintes fois fait des applications pour me trouver du travail. Je n'ai pas besoin de vous préciser que, lorsque j'avais une entrevue, les employeurs, en me voyant, réalisaient que je n'étais pas intégrable au marché du travail. La SAAQ me verse une indemnité de manque à gagner, soit la différence entre ce que je pourrais faire, selon elle, et ce que je faisais avant mon accident: un revenu d'environ 2 000 $ par année. La semaine prochaine, ça va faire 15 ans que j'ai été victime d'un accident et 10 ans que je me bats pour mes droits. Et l'indemnité que me verse l'assurance automobile du Québec est de 56 $ par semaine.

J'avais 22 ans au moment de l'accident. J'en ai maintenant 37. J'habite chez mes parents. Si je veux m'en aller, si je veux me trouver un endroit pour habiter, avec 56 $ je ne pourrai rien faire. Je ne vis pas; je ne fais qu'exister. Je survis. Puis, si je m'en vais dans un endroit à 56 $ par semaine, il ne sera plus question de survie. Puis la prochaine expertise, ça va être une autopsie. Merci, M. le premier ministre.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, Mme la Présidente. M. Bérubé, est-ce que vous trouvez qu'il y a des parallèles entre les problèmes des accidentés à la SAAQ et des gens à la CSST? Est-ce qu'il y a des gens à la CSST que vous connaissez ou êtes-vous au courant qu'il y a des cas semblables où les évaluations... et donc que c'est quelque chose qui existe aussi à la CSST?

M. Bérubé (Gaétan): Je dirais, pour la CSST, exactement ce que M. Durivage a dit. La CSST, c'est réellement un monstre. Alors, un monstre, est-ce que vous... Comment je dirais bien ça? Vous inspireriez-vous d'un monstre pour moduler votre structure administrative? C'est une question importante à poser: Est-ce qu'on devrait s'inspirer d'un monstre pour moduler sa structure administrative? C'est très important.

M. Middlemiss: O.K.

M. Bérubé (Gaétan): Parce que la CSST, n'oubliez pas quelque chose, c'est réellement un monstre. Les conditions de contrôle, c'est énorme. Moi, je ne parle pas de contrôle; je parle de maîtrise. Puis, pour faire bien comprendre le contrôle, juste une petite anecdote très, très, très simple. Vous vous en allez en automobile sur l'autoroute, vous fixez votre régulateur de vitesse à 110 km/h. Quel est le rôle du régulateur de vitesse? C'est de contrôler le débit d'essence pour maintenir l'auto toujours à la même vitesse de croisière. Et quel est le rôle du chauffeur? Disons que, pour rattraper une vitesse de croisière de 100 km/h, si le chauffeur ne pose pas l'action d'appliquer les freins ou de dépasser, qu'est-ce qui va se produire? Bien, il va se produire un accident et puis tu vas te détruire, parce que le contrôle, tu te détruis avec ça. Alors, le chauffeur maîtrise l'élément de contrôle. C'est pour ça qu'il est très, très important de faire bien attention avec le contrôle et la maîtrise. La maîtrise, elle, contrôle l'élément de contrôle.

M. Middlemiss: J'aimerais poser juste une dernière question, parce qu'on va manquer de temps. Est-ce que votre groupe, vous avez participé à la consultation, en 1994...

M. Bérubé (Gaétan): Oui.

M. Middlemiss: ...qui voulait humaniser et où il y a eu une quarantaine de recommandations qui ont été faites? Est-ce que, depuis ce temps-là, vous voyez que ces recommandations-là, il y en a qui ont été mises en application?

M. Bérubé (Gaétan): Bien, la seule chose que j'ai remarquée, pour ma part, c'est que la politesse existe maintenant chez les agents d'indemnisation, mais le reste, c'est tout le même système qu'il y avait auparavant, exactement la même chose. Vous allez peut-être me trouver dur un petit peu, mais je dirais une chose: C'est que cette table de travail là a été une stratégie bien pensée, à mon sens, puis pas seulement au mien, d'après ce qu'on voit après, pour déstabiliser l'opinion publique et ainsi, en quelque sorte, mettre les intervenants en leur pouvoir.

Et c'est à ça que j'avais sensibilisé l'ex-ministre du Parti libéral, M. Normand Cherry. Après la conférence de presse, j'avais été très déçu puis c'est ça que j'avais dit à M. Normand Cherry. Moi, j'étais satisfait des travaux qui avaient été faits là, mais la conférence de presse, là, ça a été quelque chose de terrible, d'horrible. Alors, j'ai dit à M. Normand Cherry: Ça a été quelque chose, ça, pour déstabiliser complètement l'opinion publique. On le voit, d'ailleurs. Ce n'est pas moi qui le dis. Puis je ne suis pas contre la SAAQ, je ne suis pas contre les fonctionnaires, je ne suis pas contre le gouvernement, contre qui que ce soit. On aurait un bon système, puis...

Moi, j'ai vécu un accident dans ma famille. Je suis un retraité, puis la raison pour laquelle je suis rendu ici aujourd'hui, c'est parce que mon fils a vécu un accident horrible et puis, aujourd'hui, il travaille, trois ans après, et puis il gagne très, très bien sa vie. Pour quelle raison? Parce qu'on s'en est occupé. C'est moi qui... Ça a été les médecins, ça a été les kins, et puis le soutien de famille et puis le soutien financier. Sans ça, il ne s'en serait pas sorti.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, ça a été très intéressant, M. Bérubé. Espérant que vos revendications vont être entendues...

M. Bérubé (Gaétan): Nous l'espérons de tout coeur.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous vous remercions de votre participation, M. Bérubé, Mme Gravel, Mme Moreau et M. Piché.

M. Bérubé (Gaétan): On ne peut pas terminer par une petite conclusion d'une minute? On aimerait dire...

La Présidente (Mme Bélanger): Allez-y, avant de suspendre.

M. Bérubé (Gaétan): On y va. Alors, si l'on ne veut pas demeurer et retomber dans le chaos primordial, il nous faut développer, et c'est urgent, l'attitude de faire table rase des concepts antérieurs et focaliser son attention sur l'objet du renouveau. Nous sommes arrivés au terme d'accepter la relativité des vérités. C'est donc dans la prise de conscience parfaitement claire que les victimes attendent de notre gouvernement qu'il regarde un mécanisme approprié pour favoriser une interaction directe pour aboutir à des mesures plus équitables et beaucoup moins dispendieuses – ça, vous pouvez en être certains – faire immédiatement et efficacement, M. le ministre. D'ailleurs, de partout on ressent l'appel qu'il faut donner une meilleure forme à ce qui se dessine. C'est l'heure de répondre «présents» si nous voulons rentrer au même pas que les autres dans le nouveau millénaire. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Bérubé. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 9)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission débute ses travaux. Le mandat de la commission, c'est toujours la consultation...

À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député d'Orford.

Alors, le mandat de la commission, c'est toujours: consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives. Alors, je demanderais à la Chambre des huissiers de justice du Québec de bien vouloir s'approcher à la table.

Alors, messieurs, bienvenue. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi... Je pense que ça fait assez longtemps que vous assistez pour savoir comment on procède. Alors, il y aura 20 minutes de questionnement du côté ministériel et 20 minutes du côté de l'opposition. Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir présenter la personne qui l'accompagne, s'identifier et procéder à votre mémoire.


Chambre des huissiers de justice du Québec

M. Dubé (Ronald): Merci, Mme la Présidente. Mon nom, c'est Ronald Dubé; je suis le directeur général et secrétaire de la Chambre des huissiers de justice du Québec. À ma gauche, vous avez avec moi M. Victorien Bourdages, qui est le président de la Chambre des huissiers de justice. Nous devions être accompagnés de M. Alain Coulombe, qui est un membre de la Chambre; il s'excuse, il ne peut être avec nous. Donc, au niveau des présentations, c'est fait.

(20 h 10)

Si on entre dans le vif du sujet, premièrement, nos premiers mots, c'est pour vous remercier de nous accueillir, d'accepter d'entendre les huissiers vous parler de leurs impressions et de quelle façon ils pensent que le projet de loi n° 12 pourrait être modifié pour, d'une part, mieux protéger le public et aussi permettre à cette loi-là de rendre l'application d'autres lois plus efficace, notamment l'application du Code de procédure pénale, par exemple, certaines modifications qui ont été apportées l'an passé concernant le sabot de Denver justement, comment rendre l'application de cette loi-là plus efficace.

Donc, vous savez, en tant que parlementaires, que la Chambre des huissiers est une loi qui est entrée en vigueur le 1er octobre 1995. C'est le quarante-troisième ordre professionnel au Québec. Peut-être, M. le Président, vous auriez un petit mot à ajouter parce que j'ai passé trop vite.

M. Bourdages (Victorien): Non, ça va aller. C'est que, à la Chambre des huissiers, nous avons délégué M. Ronald Dubé comme porte-parole et il est très important de dire que, à titre d'ordre professionnel depuis bientôt un an, les représentations que nous faisons sont toujours dans l'ordre de la protection du public. Je pense que nous devons mettre l'accent là-dessus. Alors, M. Ronald Dubé, qui est notre directeur général, a été désigné à titre de porte-parole. Si, au cours de cette heure que vous nous accordez, j'ai à faire certaines représentations, vous me permettrez de les faire, Mme la Présidente. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Certainement, M. Bourdages.

M. Bourdages (Victorien): Très bien.

M. Dubé (Ronald): Alors, on va poursuivre. Nous voulons que nos objectifs et nos préoccupations soient perçus comme s'inscrivant dans notre mission de mieux protéger le public. Ça, c'est au bas de la page 3. À la page 4 de notre mémoire, on parle que, depuis qu'elle a été incorporée, la Chambre des huissiers de justice, qui est devenue un ordre professionnel, a toujours travaillé dans ce sens-là, d'exercer finalement le contrôle de la profession par ses membres. Alors, c'est la mission de la Chambre des huissiers de surveiller la pratique professionnelle.

Malgré sa jeunesse, la Chambre des huissiers se prévaut d'une longue histoire. Alors, présentement, la Chambre est en voie d'adopter des règlements qui sont obligatoires conformément au Code des professions. Certains de ces règlements-là sont soumis à la consultation des membres.

Alors, c'est important de retenir, à la page 5, que l'huissier, c'est un officier ministériel qui est chargé de signifier les actes de procédure et les décisions de justice, d'assurer l'exécution des décisions de justice qui ont force exécutoire et aussi de procéder à diverses constatations. Même si le Parlement de Québec a décrété que l'ensemble des personnes habilitées à exercer la profession constituent un ordre professionnel régi par le Code des professions, il n'en demeure pas moins que ce professionnel est d'abord et avant tout un officier de justice dont la fonction est essentiellement de participer à la bonne et saine administration de la justice et au fonctionnement des tribunaux. En fait, l'huissier constitue l'un des rouages importants aussi ancien que les lois, dit-on, et aussi nécessaire que les juges.

Alors, on comprendra que la profession d'huissier, c'est une profession qui se distingue d'abord par la neutralité associée à l'exercice des fonctions. Et ça, ça constitue un gage essentiel à la sauvegarde des droits des justiciables et à l'indépendance des tribunaux dont nous sommes en quelque sorte le prolongement. Alors, il faut mettre davantage à profit le rôle d'officier de justice qu'a cet huissier dans une société dont les rapports entre les citoyens et l'État, d'une part, et les citoyens entre eux, d'autre part, deviennent de plus en plus complexes. En effet, en fonction de l'évolution de l'environnement législatif, l'État a besoin, et aura toujours besoin, d'officiers neutres dans ses rapports avec ses citoyens.

C'est évident et ce n'est pas scandaleux que la Chambre des huissiers de justice souhaite élargir son champ d'activité professionnelle, en gardant tout de même comme toile de fond l'intérêt du public, qui est une préoccupation constante, et collaborer en vue de garantir une saine administration de la justice.

Alors, le réseau d'huissiers s'y prête bien, parce qu'il y en a 728 huissiers de justice qui sont regroupés au sein de 168 études de huissiers de tailles variables réparties dans 91 localités des 36 districts judiciaires du Québec. Un pareil étalement permet d'offrir des services judiciaires et d'autres services qui peuvent nous être dévolus par une loi sur l'ensemble du territoire, puisque 85 % des citoyens du Québec ont un huissier de justice situé à moins de 50 km de leur domicile. Alors, c'est une ressource naturelle dont l'exploitation, au sens positif du terme, mérite l'attention du législateur.

Alors, j'ai quelques commentaires sur le projet de loi. Une loi, par exemple, qui n'est pas armée pour se faire respecter, ça ne sert à rien de la promulguer parce qu'elle est inopérante. Mais, par contre, lorsqu'on doit appliquer la loi, bien, on doit le faire avec une certaine humanité. Et, si on peut ajouter à ça, il peut arriver que des gens profitent de la situation, profitent d'un système. Alors, les personnes qui sont chargées de faire respecter les lois, ce ne sont pas eux les tyrans; ce sont les personnes qui abusent du système. Alors, il faut rendre les mesures efficaces pour que les lois soient respectées.

Alors, à la page 8, on dit que, dans le projet de loi n° 12, aux articles 209.1 à 209.15, on devrait habiliter l'huissier de justice, c'est-à-dire que les pouvoirs donnés à l'agent de la paix par le chapitre III devraient aussi l'être à l'huissier de justice, parce que, en droit québécois, l'huissier n'est pas un agent de la paix. Il l'est dans l'application du Code criminel, oui, mais, en droit québécois, ce sont les membres de la Sûreté du Québec et les membres d'une force de police municipale qui sont des agents de la paix.

Lorsque le législateur a décidé de remplacer l'ancienne Loi sur les poursuites sommaires par le Code de procédure pénale, il a pris la précaution d'ajouter l'huissier de justice comme personne habilitée à exécuter divers mandats: le mandat d'amener un témoin devant le juge, le mandat d'amener le défendeur devant le percepteur, le mandat d'emprisonner quelqu'un. En somme, les pouvoirs accordés aux agents de la paix le sont également aux huissiers de justice.

Alors, l'article 8 de notre Loi sur les huissiers de justice édicte que l'exécution des décisions de justice ayant force exécutoire constitue un acte d'huissier. Il en résulte donc que l'huissier de justice est devenu le principal agent d'exécution des jugements rendus pour des infractions en matière de circulation routière, que cette exécution soit faite au moyen d'un bref de saisie – parce que ça, c'est un moyen d'exécution – ou d'un mandat d'emprisonnement. Ce rôle s'est accru davantage depuis le désengagement de la Sûreté du Québec et depuis que les budgets ont été coupés au niveau des municipalités. Alors, l'huissier est amené à exécuter aujourd'hui non seulement des mandats d'emprisonnement, mais aussi des mandats de dépôt qui relèvent de l'application du Code criminel.

Il importe de signaler, pour que l'huissier agisse, qu'il faut qu'il soit porteur d'un bref, c'est-à-dire un commandement, un ordre de la cour qui lui dit de saisir des biens, d'immobiliser un véhicule, d'emprisonner une personne. On comprendra facilement que l'huissier, ce n'est pas lui qui va faire les contrôles routiers, ce n'est pas lui qui va s'installer pour faire des contrôles routiers, en aucune façon, malgré que l'interception sur la route, c'est un bon moyen de récupérer. Mais ça, ce n'est pas le travail de l'huissier. C'est un bon moyen d'attraper les contrevenants.

Alors, il n'en demeure pas moins que, parce qu'il est confronté à une quantité, à un nombre fort important de citoyens, l'huissier pourrait, lui aussi, contribuer efficacement à la protection de la société dans l'exercice de ses activités professionnelles si le projet de loi n° 12 modifiant le Code de la sécurité routière lui attribuait les mêmes pouvoirs qu'à un agent de la paix dans l'application des sections I et II, en corrélation avec le Code de procédure pénale.

(20 h 20)

La protection du public, elle, serait assurée par toute la structure réglementaire mise en place par la Chambre en vue d'exercer la surveillance de la pratique de la profession d'huissier par ses membres, à savoir qu'il y a un syndic de la profession – un citoyen qui a un problème avec un huissier, il appelle le syndic, et c'est réglé assez rapidement – il y a un comité de révision, il y a un comité de discipline, il y a l'inspection professionnelle, la formation, le comité de conciliation et d'arbitrage, le fonds d'indemnisation, l'assurance de la responsabilité professionnelle.

En plus de ça, les honoraires réclamés par les huissiers sont fixés par un décret du gouvernement. Donc, ce n'est pas laissé à la libre concurrence entre les professionnels. Tout ça pour vous dire que, si on attribue des tâches et des responsabilités à l'huissier, on le fait en toute sécurité, et ça ne coûte rien à personne si on n'utilise pas l'huissier parce qu'il est payé à l'heure justement.

Alors, quelle serait la responsabilité de l'agent de la paix dans cette perspective-là? L'agent de la paix, qui est un policier, on le dit, intercepte le véhicule sur la route. Au lieu, comme il est prévu dans le projet de loi, de le confier au Curateur public, qui est quand même une structure assez lourde et peu mobile, si on confie la disposition du véhicule sorti de la route par un agent de la paix à l'huissier, on vient d'assouplir les règles d'exécution, on vient de mettre un visage sur quelqu'un qui a la responsabilité de disposer du véhicule. Alors, si des personnes ont des droits à l'encontre du véhicule, c'est facile de rejoindre l'huissier plutôt que rejoindre une administration, un organisme qui est plus impersonnel. Alors, ça donnerait énormément de souplesse à l'application de cette loi-là, d'autant plus que ça fait partie de nos fonctions traditionnelles, de nos fonctions habituelles.

Le réseau d'huissiers, on vous l'a dit, ça rend la justice accessible partout, sur tout le territoire. Donc, c'est facile à appliquer et, de cette façon-là, la loi serait opérante et armée pour se faire respecter. Fort de son expérience en matière d'exécution des décisions de justice, notre ordre professionnel informe cette commission de son intérêt à collaborer à l'éventuelle élaboration de la procédure visant la disposition du véhicule routier saisi en application du Code de la sécurité routière.

Vous allez nous permettre de vous parler de quelques moyens préventifs fort importants qui pourraient être réglés par le Code de la sécurité routière. Jusqu'à présent, nous nous sommes attardés aux débiteurs de jugements. Qu'en est-il des automobilistes du Québec qui négligent de renouveler leur permis de conduire et leur certificat d'immatriculation? Il n'y a plus de vignette, un comportement irréprochable sur la route. Ce sont des «stealths» routiers. On ne les voit pas, ils sont furtifs, mais, à un moment donné, ils se font attraper. Alors, en attendant, par exemple, qu'ils se fassent attraper, ils n'ont pas payé leurs droits d'immatriculation ni le droit du permis de conduire. Ils utilisent les services de l'État sans payer pour.

Comme la Chambre le suggérait dans le cadre des travaux du groupe de travail interministériel sur le projet de loi 92, le Code de la sécurité routière serait davantage respecté si le projet de loi n° 12 autorisait la Société de l'assurance automobile du Québec à mandater l'huissier en vue de récupérer des citoyens retardataires ou négligents le permis de conduire ou la plaque minéralogique du véhicule routier. Alors, il y a des moyens efficaces, des moyens informatiques efficaces pour permettre de les repérer, ces gens-là. Comme je vous le dis, l'huissier est présent partout. Donc, ce serait relativement facile de démontrer que l'État est sérieux pour s'assurer que le citoyen qui utilise un véhicule ou qui conduit un véhicule paie les droits d'immatriculation et le permis de conduire.

Que l'on donne au moins le pouvoir à la Société de l'assurance automobile du Québec d'agir de la même manière que les compagnies émettrices de cartes de crédit, par exemple. Elles ont trouvé très efficace d'envoyer un huissier dire au monsieur ou à la madame qui n'a pas payé son compte, ou qui l'a laissé dépasser, ou qui l'utilise à mauvais escient: Remets-moi ta carte. Alors, de la même façon, on pourrait agir au niveau du permis de conduire et de l'immatriculation.

Il y a un autre phénomène qui se produit au Québec. Ce sont des drames sociaux lorsque ça arrive. C'est que, parfois, il faut évincer des gens parce que le loyer n'a pas été payé ou quoi que ce soit, et on prend les biens meubles et on les met sur le carreau; le carreau, ça veut dire la voie publique. Il n'y a rien dans le Code de la sécurité routière – on est à la page 14 – qui donne un pouvoir quelconque à l'huissier de mettre des panonceaux, d'installer de la signalisation qui permettrait aux usagers de la route de ne pas être en danger lorsqu'ils conduisent, lorsqu'une éviction a lieu. Alors, je pense qu'il y a eu déjà une poursuite qui a été intentée par un citoyen à l'encontre du ministère des Transports, il y a un bout de temps, parce que l'huissier avait mis les biens sur la voie publique, sur le carreau, tel que le bref, le mandat, le lui ordonnait.

Il y a aussi d'autres lois qu'on doit appliquer: la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, la Loi sur la protection du territoire agricole. Alors, il peut arriver qu'on ait à procéder à des évictions et il faudrait être en mesure d'établir des mécanismes destinés à protéger le public, à protéger les usagers de la route.

Ensuite, on a fait une brève revue de presse. Alors, vous voyez que les titres qui sont là ont été choisis à dessein. J'imagine que, entre une grâce présidentielle pour les biens impayés, des grimaces comme celle qu'on voit à la page 22 et la flagellation à la page 23, il y a un juste milieu à quelque part pour que les gens, les citoyens respectent les lois. Qu'on ne soit pas scandalisé parce qu'il y a des personnes qui sont chargées de les faire appliquer, ces lois-là. Alors, vous voyez quelques articles de journaux qui sont très importants, dans le sens qu'ils permettent de démontrer qu'il y aurait moyen d'adopter des mesures efficaces pour protéger le public et faire en sorte que les lois de l'État soient respectées.

J'aborde, finalement, ce qui n'est pas dans ce mémoire, mais qui concerne des renseignements indispensables à l'application, entre autres, de la loi modifiant le Code de procédure pénale et d'autres dispositions législatives. Pour être en mesure d'appliquer efficacement les lois ou d'appliquer efficacement ce Code de procédure pénale dans l'apposition des sabots, l'immobilisation des véhicules, il faut tout de même qu'on ait des renseignements sur les personnes qui sont les véritables propriétaires des véhicules. Alors, si on prend des grandes villes comme Montréal, Québec, bon, qui ont déjà certains accès, par des conventions, à des renseignements qui sont contenus dans certaines banques de données, notamment à la SAAQ, il n'en est pas de même au niveau des autres petites municipalités.

Alors, nous, on croit que le statut même d'un officier de justice, qui est l'huissier, devrait faire en sorte que les législateurs lui permettent d'avoir accès à certains renseignements qui sont indispensables à la mise à exécution des décisions des tribunaux. Parce que, dans le fond, supposons qu'une loi permet de poser un sabot sur le véhicule d'un contrevenant et qu'une disposition législative ou réglementaire empêche la personne qui est chargée de les poser d'avoir accès à des renseignements qui permettent d'éviter des impairs, alors, à ce moment-là, il y a une espèce de conflit qu'il faudrait régler. Comme je vous le disais, avec tous les mécanismes de protection qui existent au niveau des huissiers, on pourrait leur confier en toute sécurité l'accès aux renseignements qui leur permettraient d'appliquer les lois et les règlements du Québec.

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. Dubé.

M. Dubé (Ronald): En conclusion, seulement pour vous dire que ce qu'on vous propose, ce sont des moyens efficaces pour faire en sorte que la décision des tribunaux ne reste pas lettre morte, que tout soit respecté.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Dubé. M. le ministre.

M. Brassard: Je vous remercie d'abord, M. Dubé, d'être venu témoigner devant la commission. Ça permet de préciser quand même une chose. Si je comprends bien votre rôle, le rôle d'un huissier, c'est d'exécuter des décisions de justice. Ça veut dire que le tribunal s'est prononcé et l'huissier exécute cette décision d'un tribunal. Mais, dans le cas qui nous intéresse, il n'y a pas de décision d'un tribunal; il n'y a pas de décision de justice. C'est une saisie de nature administrative d'un véhicule par un agent de la paix qui immobilise le véhicule et qui opère la saisie pour les raisons qu'on retrouve dans le projet de loi.

(20 h 30)

Donc, c'est un geste administratif, de nature administrative, et non pas une décision de justice. L'huissier, comme vous venez de le dire avec beaucoup de clarté, est un officier de justice qui exécute des décisions de justice. Mais là ça n'en est pas une. Alors, comment – je ne sais pas si vous comprenez – vous conciliez, à ce moment-là, votre rôle et... Est-ce que vous continuez de maintenir que vous pourriez jouer ce rôle malgré tout?

M. Dubé (Ronald): D'accord. Il s'agit que la loi le dise, tout simplement. Il y a à peu près 87 lois ou règlements, adoptés aussi bien par l'Assemblée nationale que par le Parlement du Canada, qui prévoient que l'huissier puisse intervenir. Il y a des décisions qui sont rendues par des tribunaux administratifs, telle la Régie du logement. Ce sont des décisions administratives qui sont rendues et qui sont homologuées par un tribunal judiciaire, et là l'huissier intervient au niveau de l'exécution.

Au niveau du recouvrement des taxes, vous savez qu'en vertu de la Loi sur les cités et villes et du Code municipal du Québec, et de la Loi sur l'instruction publique aussi, c'est le directeur général ou le secrétaire de la commission scolaire ou de la municipalité qui fait une demande de paiement, une demande de paiement purement administrative. Et le défaut du contribuable de payer le montant des taxes fait en sorte que le maire ou le directeur général de la commission scolaire – dans le cas d'une municipalité, on fait les adaptations – émet un certificat sur vue duquel le greffier de la Cour du Québec ou le greffier de la Cour supérieure, selon le montant, émet un bref qui permet de disposer.

Alors, il n'y a pas eu de décision des tribunaux; c'est une mutation. Autrement dit, la décision administrative, la procédure administrative est transmuée. Elle est exécutoire comme une procédure judiciaire. Le gros avantage de ça, c'est que ça assouplit la règle au niveau de la saisie du véhicule, mais on pourrait en disposer en suivant des règles et des balises claires, précises, prévues dans un code et que les huissiers sont appelés à administrer tous les jours. Alors, ce serait un plus. Il s'agirait que la loi le dise, tout simplement. Et d'autant plus, M. le ministre, que les personnes dont on va sortir le véhicule de la route, souvent ce sont des personnes à l'encontre desquelles il y a des contraventions.

Alors, on ferait d'une pierre deux coups. On pourrait même aller plus loin, là. On pourrait même aller plus loin en disant: Pourquoi est-ce qu'il n'y aurait pas un greffe centralisé où toutes les cours municipales centraliseraient tous les jugements qui sont rendus quelque part, de telle sorte que, si on intercepte un véhicule, non seulement on va exécuter pour la municipalité ou pour disposer du véhicule, mais on pourra exécuter aussi pour l'ensemble des jugements? Pourquoi envoyer 10 huissiers qui ont des mandats de 10 cours municipales différentes contre la même personne? Un, ça suffit, et on limite les frais aussi.

M. Brassard: Mais il reste que vous ne ferez quand même pas de la surveillance routière pour faire des saisies.

M. Dubé (Ronald): Ce n'est pas ça qu'on dit.

M. Brassard: Non?

M. Dubé (Roland): Ah non, on n'a pas dit ça. On a dit, là... Moi, je l'ai mis en rose là-dedans; je ne pouvais pas le mettre dans le vôtre. Mais j'ai dit: Soyez assurés que ce n'est pas nous autres qui allons faire la surveillance routière, oubliez ça. Par contre, un agent de la paix à Laverlochère, au Témiscamingue, ou que ce soit à Gaspé, ou que ce soit en Gaspésie, ou que ce soit au Lac-Saint-Jean, qui intercepte un véhicule va appeler l'huissier du coin – parce qu'ils se connaissent tous, dans le fond – et il va dire: Écoute, Untel, on a attrapé un véhicule; veux-tu en disposer? Tout de suite, l'agent de la paix, lui, il peut continuer à faire autre chose, mais l'huissier va disposer du véhicule.

Il s'agira de prévoir dans un règlement ou dans la loi qu'est-ce qui constitue une fourrière aux fins d'application de cette loi-là. Même, la loi prévoit aussi quels sont les frais que pourrait réclamer quelqu'un qui est gardien de la fourrière. Supposons que, pour le véhicule qui a été intercepté, c'est le fils qui a pris le véhicule sans la permission de son père – ça peut arriver, ça – à ce moment-là, il y aurait moyen de régler l'affaire très rapidement, de la façon la plus souple possible, la plus économique possible. Alors, on a seulement des avantages – «des avantages», en deux mots – à utiliser l'huissier de justice pour disposer de ces véhicules-là.

M. Brassard: En fait, ce que vous nous dites, c'est que, parce que les huissiers sont répartis sur tout le territoire du Québec, qu'on les retrouve partout, aussi bien à Amqui qu'à Alma, à Roberval, à Rouyn-Noranda, bon, partout, vous êtes partout, donc, à ce moment-là, étant sur place, vous plaidez pour une plus grande rapidité ou diligence à disposer et à assurer la garde d'un véhicule saisi.

M. Dubé (Ronald): Exactement.

M. Brassard: À la place du Curateur public.

M. Dubé (Ronald): C'est ce qu'on prétend, parce que j'imagine que le Curateur, c'est une organisation, une structure qui est assez difficile... Bien, en tout cas, c'est un organisme gouvernemental qu'on ne connaît pas. On va parler des choses qu'on connaît. Nous autres, on sait qu'on va être efficaces.

M. Brassard: Oui. D'accord. Mais vous ne dites pas que le Curateur ne le sera pas.

M. Dubé (Ronald): Je ne peux pas parler pour lui, mais je lis les journaux.

M. Bourdages (Victorien): Si je peux rajouter, M. le ministre, vous savez que l'huissier, depuis des années, oeuvre dans cette sphère-là. Alors, la saisie, que ce soit de biens meubles ou de véhicules, se fait d'une façon générale, d'une façon naturelle chez lui.

M. Brassard: C'est votre métier.

M. Bourdages (Victorien): C'est notre métier. La publication se fait et aussi la vente. Lorsqu'on parle de vente de véhicules, je ne sais pas quelle est l'expérience du Curateur public en cette matière, mais je peux vous dire que, chez les huissiers, le fait de saisir, d'annoncer des véhicules et de les vendre, c'est monnaie courante. Alors, le fait qu'ils aient une connaissance...

Aussi, ce qu'il ne faut pas oublier, ce sont les droits des propriétaires de véhicules. Vous savez qu'il y a beaucoup de choses qui sont prévues au Code de procédure civile qu'il faut respecter et dont l'huissier a l'expertise. Alors, c'est important à ce niveau-là. Et le fait qu'il y ait des huissiers, comme vous dites, dans toutes ou à peu près toutes les municipalités du Québec, ça fait en sorte que l'efficacité et la rapidité y sont à cause de notre présence et de l'expertise qu'on a.

M. Brassard: Bien, je fais juste vous signaler quand même que le Curateur prend en charge annuellement à peu près autour de 700 véhicules. Alors, il y a quand même, là aussi, une expertise, une expérience. Mais je pense que ça mérite d'être examiné, la proposition que vous faites.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Dubé et M. Bourdages. Ce que vous suggérez, est-ce que c'est quelque chose qui existe dans d'autres provinces du Canada ou aux États-Unis? Est-ce qu'il y a un autre modèle de ce que vous suggérez?

M. Dubé (Ronald): Est-ce qu'il y a d'autres modèles? Vous savez que le Québec est une province unique. On est au confluent de deux traditions juridiques, traditions d'origine française et britannique, et ça fait notre originalité. Je ne crois pas, en tout cas après vérification, que ça existe exactement comme ça, mais rien n'empêche d'innover. Ce serait quelque chose de vraiment... C'est plus dans les lois du Québec. Quand on vous dit qu'il y a 80 lois et règlements où l'huissier peut intervenir, ça veut dire que ça peut aussi bien être pour une signification que pour disposer d'un bien.

Je vais vous donner l'exemple du nouveau Code civil. Auparavant, il existait, dans la Loi sur les cités et villes et le Code municipal du Québec, une mention spécifique de l'huissier pour disposer des biens trouvés sur la voie publique et non réclamés. Maintenant, on fait tout le renvoi – et on mentionnait l'huissier, dans ces lois-là – au Code civil pour en disposer. Mais c'est quoi, le réflexe naturel des municipalités qui ont fait affaire avec des huissiers depuis des temps immémoriaux? C'est d'appeler encore l'huissier. Alors, ce sont des réflexes naturels, lorsqu'on veut disposer de biens avec une rigueur et avec sécurité, qu'on fasse affaire avec l'huissier dans les différents milieux du Québec.

M. Middlemiss: Mais ce que vous suggérez, ce n'est pas seulement dans la disposition; c'est dans la saisie aussi.

M. Dubé (Ronald): Dans l'application.

M. Middlemiss: Oui, oui, dans l'application de tout ça.

M. Dubé (Ronald): C'est ça.

M. Middlemiss: Donc, on est tous conscients que certainement, aujourd'hui, on tente de faire plus avec moins. Est-ce que votre suggestion – avez-vous regardé ça – pour la collectivité québécoise, ça pourrait représenter des économies quelconques?

(20 h 40)

M. Dubé (Ronald): J'en suis convaincu, parce que l'agent de la paix qui va intercepter le véhicule, lui, c'est son travail. Il est sur la route, sur la patrouille, il intercepte des véhicules. Tout ce qu'il a à faire... Ça existe, des cellulaires, ou des téléphones, ou quelque chose de semblable. Tu appelles l'huissier. Bon, il répond, il règle l'affaire. Ça se règle immédiatement, illico, sans difficulté.

M. Middlemiss: Combien ça coûte? C'est ça, le coût, là.

M. Dubé (Ronald): Combien ça coûte?

Une voix: Dépendamment du service rendu.

M. Dubé (Ronald): La loi prévoit que le gouvernement peut adopter un règlement. L'huissier, lui, je vous disais tout à l'heure que ses honoraires, ses frais ne sont pas laissés à la libre concurrence. Ces honoraires-là, ils sont fixés. Le gouvernement, même dans la nouvelle loi, s'est gardé le pouvoir habilitant d'adopter un règlement pour fixer les frais d'huissier. Alors, si la loi dit que c'est tant, ce sera ce que la loi dira.

M. Middlemiss: Regardez, est-ce que ce n'est pas... Ça me donne l'impression, moi, que c'est de rentrer un autre acteur sur la scène, parce que, si l'officier arrête quelqu'un, il est obligé d'appeler quelqu'un pour faire le remorquage, l'amener dans un entrepôt, puis, après ça, si c'est le Curateur public, c'est lui qui va s'occuper de vendre ces biens-là. Donc, en ayant l'huissier qui rentre là, c'est un autre qui rentre sur la scène. Je vois mal, à moins que vous puissiez me l'expliquer, de quelle façon on pourrait réaliser des économies, à moins qu'on n'efface toutes les autres.

M. Dubé (Ronald): Au niveau... Oui.

M. Bourdages (Victorien): Si vous permettez, il y a peut-être une précision que je veux apporter. Vous savez que l'huissier est quand même, de nature, un percepteur. Alors, si, à l'occasion de la saisie par l'agent de la paix et de la prise en charge par l'huissier, il y a des montants qui doivent être récupérés, soit pour l'immatriculation, soit pour le permis de conduire, c'est dans ses fonctions, l'huissier, de faire ces perceptions-là. Alors, on sait, en matière civile, que la personne qui a été condamnée est chargée des frais. Alors, les frais peuvent être imputés à la personne fautive, alors que, si c'est pris en charge par le Curateur public, quels sont les moyens de perception du Curateur public?

Alors, c'est important de dire que l'huissier peut, en toute circonstance, faire la perception des sommes dues, d'une façon naturelle. C'est notre boulot, comme disait M. le ministre tout à l'heure. On fait ça de façon régulière. Alors, il est plus facile pour un huissier, tout en allant signifier un procès-verbal de saisie, d'en faire la perception et de mettre fin, si vous voulez, au mandat qui lui a été confié. Plus facilement, parce que l'huissier, contrairement au Curateur public, se déplace, l'huissier va sur les lieux, peut aller voir une personne, peut même analyser, si vous voulez, la possibilité ou non de percevoir des sommes.

Alors, nous sommes sur la route. Comme on dit, l'huissier est un mal nécessaire, on s'en sert. Et, si l'huissier, sur les lieux, peut prévoir, que ce soit par arrangement, par perception immédiate, il va pouvoir souvent, dans des cas, mettre un terme immédiatement au dossier concerné, puis ça, c'est important. Qu'est-ce que fera le débiteur, si on peut l'appeler ainsi, qui se verra saisir son véhicule? Est-ce qu'il pourra aller voir le Curateur pour prendre l'arrangement avec lui, pour faire la perception? L'huissier va sur les lieux. On se doit, en vertu de notre loi – et il y a des règlements qui pourront être adoptés à cet effet-là – d'aller signifier les gens et de tenter de percevoir.

M. Dubé (Ronald): Nous, on pense, si on peut compléter, Mme la Présidente, qu'une loi, dans le fond, c'est un outil pédagogique pour faire en sorte que, si elle a des instruments, des moyens suffisamment forts pour la faire respecter, ça devienne rare, l'exécution. Ça, c'est le but rêvé. Mais on sait que ce n'est pas comme ça que ça se passe dans la vraie vie et puis on sait qu'il faut que la loi soit suffisamment efficace et facile à appliquer, à un coût raisonnable, pour faire en sorte que le citoyen continue de demeurer un bon citoyen. C'est dans ce sens-là. Alors, le père de famille, ou le copain de la fille, ou l'inverse, avant de laisser conduire son véhicule automobile par quelqu'un qui est susceptible de le faire retirer de la route parce que le permis n'a pas été acquitté ou que la personne a des contraventions contre elle... Alors, il y a aussi une éducation qui est faite par le biais d'une loi qui est destinée à être appliquée par des personnes. C'est pour ça qu'il faut qu'en adoptant cette loi-là on introduise des mesures qui rendent l'application efficace, économique aussi.

M. Middlemiss: Vous êtes en train de me dire que, si le grand public est sensibilisé au fait que l'huissier, il est là, il va se responsabiliser plus en disant: Oh! il y a quelqu'un qui nous guette. Si jamais je laisse quelqu'un prendre... il va agir vite. C'est un peu dans ce contexte-là.

M. Dubé (Ronald): C'est nous prêter trop de qualités. Je ne pense pas que ce soit suffisant. Prenons la loi....

M. Middlemiss: Oui, oui.

M. Dubé (Ronald): ...donnons-lui les moyens de se faire respecter; les agents de la paix, les huissiers feront le travail de disposition des biens qui auront été saisis. Je pense que c'est ça: rendre la loi souple, facilement applicable, économique et puis à des coûts prévisibles. Je pense que c'est ça, le but, dans le fond.

M. Bourdages (Victorien): Si je peux rajouter, monsieur, c'est que vous savez que le sabot de Denver est peut-être un exemple important. Lorsqu'on parle qu'on prêche par l'exemple, au moment où la ville de Montréal a obtenu le droit au sabot de Denver, je peux vous dire que, par les personnes qui avaient des contraventions en suspens ou des jugements en suspens, il y a eu ce qu'on peut dire en anglais des «lineup» dans les bureaux d'huissiers ou à la ville de Montréal pour payer les contraventions impayées, justement. Parce que, lorsque la personne qui se promène sur la rue Saint-Jacques ou n'importe où à Montréal constate que, sur un véhicule, il y a cette bottine jaune, comme on dit, je peux vous dire que ça donne l'exemple, c'est efficace. Et surtout que cette loi-là, n'importe quelle municipalité peut l'utiliser à travers la province de Québec. Ça pourrait être justement un moyen. C'est un exemple.

M. Middlemiss: Une dernière question. Dans votre mémoire, vous avez dit: «Modifier le projet de loi en vue – 1, 2 – 3 d'affecter le surplus du produit de la vente d'un véhicule saisi à la satisfaction de jugements rendus à l'encontre du propriétaire de ce véhicule.» Qu'est-ce que vous voulez dire par ça?

M. Dubé (Ronald): Parce que ce qui arrive, c'est que, comme on disait, les contrevenants, souvent ce sont des gens qui ont des jugements impayés. Et ça peut être un jugement rendu en cour municipale à Val-d'Or, un autre à Rimouski, un à Chicoutimi, un à Montréal puis un à Sherbrooke, tiens. Le véhicule est intercepté, il en est disposé par un huissier. Parce qu'il y a un avis public avant d'en disposer. Alors, tous les intéressés peuvent présenter un état de créance; c'est la manière de le dire en vertu du Code de procédure civile. Alors, ils peuvent participer à la distribution des sommes réalisées. Après ça, bien, l'huissier rédige un état de collocation et il fait la distribution. Alors, non seulement on rend service en enlevant ce véhicule-là de la route, mais on acquitte des amendes impayées.

M. Middlemiss: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saguenay.

M. Gagnon: Je voudrais comprendre la proposition que vous faites dans les moyens préventifs, là, ce que vous suggérez au niveau des permis de conduire ou des droits d'immatriculation qui ne seraient pas renouvelés. Actuellement, le détenteur de l'automobile oublie de renouveler ses plaques; il se fait arrêter par un agent de la Sûreté du Québec. Celui-ci fait sa vérification, constate que les droits d'immatriculation n'ont pas été payés, émet un billet d'infraction. Ça fait que la personne, l'automobiliste se retrouve avec cette pénalité-là et se rend par la suite au bureau de la Société pour payer ses droits d'immatriculation. Dans ce que vous faites comme suggestion, elle serait où, la différence? Vous intervenez à quel moment, selon votre suggestion?

(20 h 50)

M. Dubé (Ronald): Bon. Ce qui arrive, c'est que votre scénario est bon jusqu'à temps que le contrevenant soit intercepté. Mais combien sont interceptés au Québec? C'est ça, la vraie question. Alors, combien de personnes au Québec conduisent...

M. Gagnon: Mais ma question, ce n'est pas celle-là. Comment ça marcherait dans votre scénario?

M. Dubé (Ronald): Comment ça marcherait dans notre cas?

M. Gagnon: Oui.

M. Dubé (Ronald): Bon, O.K. Nous sommes aujourd'hui le 12. Bon, l'échéance, mettons, c'est le 12. Le lendemain matin, mettons par les moyens informatiques, parce que, semble-t-il, il faut se projeter, on sait qui n'a pas renouvelé son immatriculation ou son permis de conduire. J'imagine qu'il y a moyen de contrôler ça. Alors, il pourrait y avoir un document administratif qui serait remis à l'huissier de justice du coin. Ça pourrait être transmis par moyen électronique ou on choisira le moyen, puis l'huissier pourrait se présenter chez la personne qui est en défaut de payer son immatriculation ou son permis de conduire et lui dire: Écoutez, votre permis de conduire, monsieur, il n'est pas payé, vous ne pouvez pas conduire. Il y aurait peut-être un pouvoir habilitant qu'on pourrait mettre dans la loi disant de remettre ce permis-là à l'huissier pour éviter une situation, comme celle qu'on a vue ici, où un bonhomme...

M. Gagnon: Gardons le même exemple.

M. Dubé (Ronald): Oui.

M. Gagnon: L'individu, tantôt, pour les fins de ma question, je l'ai fait arrêter par un agent de la Sûreté. Si je suis votre proposition, la personne, il y aurait un tiers qui viendrait l'aviser chez elle. Mais je me rends compte, à un moment donné, deux semaines trop tard ou deux semaines plus tard, après l'échéance, que j'aurais dû renouveler mon permis et je ne l'ai pas fait. J'ai la possibilité de partir, de m'en aller à la Société renouveler mon permis...

M. Dubé (Ronald): À pied.

M. Gagnon: ...et de remettre les sous que je dois à la Société. Dans ce que vous suggérez, vous intervenez, vous enlevez le permis...

M. Dubé (Ronald): Il pourrait y avoir un mandat aussi: remettez le permis ou payez les droits.

M. Gagnon: Ça, c'est un autre volet.

M. Dubé (Ronald): Ça pourrait être ça.

M. Gagnon: Comment pourriez-vous émettre le certificat d'immatriculation ou le permis de la personne...

M. Dubé (Ronald): Supposons que quelqu'un, par exemple, son permis est suspendu parce qu'il n'a pas payé une amende. Le permis est suspendu. Alors, à partir du moment où il paie, le mandat de l'huissier... Là, on parle de quelqu'un qui a été condamné et puis qui n'a pas payé; on a suspendu le permis par des voies administratives. Le Code de procédure pénale prévoit ça. À ce moment-là, le reçu de l'huissier...

M. Gagnon: Mais ce n'est pas ce volet-là. Moi, je regardais pour l'oubli d'un peu tout le monde, que quelqu'un peut faire de bonne foi. Avec la proposition que vous faites, il se retrouverait dans l'embarras parce qu'il a fait un oubli, tandis que, si, à un moment donné, il le constate de lui-même qu'il a fait un oubli, il se rend à la Société et...

M. Dubé (Ronald): Mais qu'en est-il des personnes qui prennent les précautions qu'il faut pour renouveler leur permis de conduire et l'immatriculation à échéance, qui demeurent de bons citoyens? Qu'en est-il de ces personnes-là? Est-ce que c'est...

M. Gagnon: Mais ça ne fait pas de la personne un mauvais citoyen pour autant...

M. Dubé (Ronald): À ce moment-là, on fait tous la même chose?

M. Gagnon: ...parce que tu as oublié de payer ton permis.

M. Dubé (Ronald): Bien, je suis d'accord avec vous, mais vous serez d'accord avec moi, par exemple, qu'il y ait des rappels ponctuels que l'État est sérieux dans le recouvrement de ces montants-là. Je serais curieux de savoir...

M. Gagnon: C'est-à-dire que, là-dessus, la Société envoie un avis et, après ça, il n'y a pas de renouvellement qui est fait à la personne.

M. Dubé (Ronald): Et elle conduit?

M. Gagnon: Oui, mais ce n'est pas fait de façon malicieuse pour autant, là, ou mal intentionnée.

M. Dubé (Ronald): Ça, je suis d'accord avec vous. Mais il y en a, par contre, qui sont négligents, et c'est une situation... Si on prend certaines études ontariennes, où ça existe depuis plus longtemps qu'ici, semble-t-il qu'il y aurait beaucoup plus de personnes que l'on croit qui conduisent sans permis valide.

M. Bourdages (Victorien): Est-ce que je peux rajouter quelque chose, monsieur? C'est que...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. Bourdages. Allez-y, M. Bourdages.

M. Bourdages (Victorien): ...il faut croire qu'au niveau même de la carte de crédit... Vous savez que les huissiers sont habilités à aller récupérer les cartes de crédit qui, entre parenthèses, ont été annulées. Les personnes ont atteint un crédit fixé; alors, les banques chargent les huissiers d'aller récupérer les cartes de crédit. Vous savez que, dans 60 % des cas, l'huissier finit même par percevoir les montants ou par faire percevoir les montants par les banques.

Le fait qu'un huissier, qui est un officier de justice, se présente au domicile de la personne... Oui, il peut y avoir, à un moment donné, un oubli, il peut y avoir négligence et il peut y avoir aussi récidive. Mais je peux vous dire que nous sommes des officiers de justice. Le fait de sonner à la porte et de s'identifier à titre d'huissier – nous sommes des officiers ministériels: Voici, je suis un huissier de justice et j'ai comme mandat ou de récupérer la carte ou d'essayer de récupérer les montants, c'est un incitatif, je peux vous le dire, beaucoup plus que la banque qui va appeler chez le débiteur pour lui dire: Bien, monsieur, vous avez outrepassé la marge de crédit; monsieur, vous n'avez pas payé.

Puis on n'a qu'à le voir au niveau des municipalités et des cours municipales. Tant et aussi longtemps que la cour municipale va envoyer des avis à une personne qui a eu une contravention, que ce soit des premiers avis de jugement ou des avis de saisie, il y a beaucoup de débiteurs qui ne bougent pas. Mais, au moment où l'huissier sonne à la porte, je peux vous dire que c'est un remède efficace parce que, là, il y a un geste peut-être physique qui se fait. Le fait d'annoncer à une personne qu'on va ou la saisir ou lui enlever son permis, je peux vous dire qu'il y a une efficacité. Et il y a beaucoup de montants qui pourraient être récupérés par soit la SAAQ ou n'importe quel demandeur. Ça a fait ses preuves, l'huissier.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, Mme la Présidente. M. Dubé ou M. Bourdages, dans l'exercice de votre fonction habituelle telle que vous la connaissez aujourd'hui, vous avez le mandat d'aller saisir un véhicule, d'en disposer et d'en avoir la garde pour un certain temps. Quelle est votre formule de publication en vue d'en faire la vente? Est-ce que cette formule-là peut varier d'un ministère à l'autre, d'une commande à l'autre ou est-ce que c'est une formule que le ministère de la Justice vous a reconnue, et que vous appliquez dans tous les cas la même?

M. Dubé (Ronald): La formule qui est prévue, telle qu'on l'applique...

M. Gauvin: De publication pour vente.

M. Dubé (Ronald): ...celle de publication, c'est l'avis public de vente prévu par l'article 594 du Code de procédure civile. Bon. Ça, c'est une formule. Je conviens qu'elle puisse être relativement dispendieuse à l'unité, mettons 50 $, 60 $, dépendamment de la localité où la publication a lieu. C'est plus cher dans les régions éloignées, dans des hebdos régionaux que ça peut l'être dans des journaux plus importants, là. Il peut y avoir une différence. Par contre, il y aurait certainement moyen, dans une perspective d'application du Code de la sécurité routière, de disposer des véhicules. J'imagine qu'il pourrait y avoir une publication de masse qui reviendrait moins chère à l'unité, puis qui serait aussi efficace, sinon plus parce que les acheteurs potentiels auraient la possibilité de renchérir sur plusieurs véhicules lors d'une même vente. Alors, il pourrait y avoir des dates ponctuelles. Il y aurait moyen d'améliorer le système, j'en suis convaincu.

Une voix: Un autre...

M. Bourdages (Victorien): Si je peux avoir – excusez-moi – un complément de réponse, c'est que c'est sûr que, lorsqu'il y a une parution dans les journaux, il y a peut-être deux raisons à cette annonce-là. D'abord, pour attirer les acheteurs. Parce qu'on dit que, lorsqu'on vend un véhicule ou un bien qui est vendu à l'enchère, l'important, c'est d'avoir beaucoup d'acheteurs, ce qui va faire en sorte que les prix vont augmenter d'une façon considérable et ça va finalement servir soit à la partie demanderesse ou défenderesse. Plus le bien se vend cher, plus les sommes sont imputées à la partie demanderesse ou à la dette du débiteur.

Aussi, la deuxième raison pour laquelle on annonce dans les journaux, en vertu du Code de procédure civile, c'est d'avertir des tiers. Vous savez qu'une personne qui détient une hypothèque sur un bien, souvent va l'apprendre par la voie des journaux, parce qu'elle sait que le débiteur va être vendu pour un bien sur lequel elle a une hypothèque. Alors, ce sont les deux raisons. Mais, comme M. Dubé le mentionne, il n'est pas exclu de pouvoir faire une annonce de masse pour sauver soit des frais ou bien pour peut-être les concentrer au niveau d'une dette ou de plusieurs dettes, surtout au niveau de la sécurité routière.

(21 heures)

M. Gauvin: Est-ce qu'il est dans votre mandat nécessairement d'avoir la responsabilité de ces trois étapes: disposer, en avoir la garde et procéder à la vente ou si un huissier peut disposer du bien, en avoir la garde, et ça pourrait être un autre service qui procède à la vente?

M. Dubé (Ronald): Non, mais on va prendre l'hypothèse d'un huissier qui exerce seul quelque part au Québec, mettons à Chibougamau. Le véhicule a été intercepté là; alors, c'est le même huissier qui va tout faire. Supposons qu'on fait ça dans un grand centre, ça peut être la même étude d'huissiers qui le fasse. Mais le contrôle va être centralisé au même endroit. C'est ça qui est important. Le citoyen qui veut récupérer son véhicule, la maman qui a prêté son véhicule à son garçon un samedi soir, puis le véhicule est sorti de la route, elle va être capable d'aller le chercher, de tout régler ses affaires à la même place.

M. Gauvin: Parce que ma question est à l'effet que, dans l'histoire, en fait, pour plusieurs personnes, les huissiers ont la gâchette assez facile pour procéder à la vente. Ma question était dans ce sens-là. Est-ce que c'est encadré?

M. Dubé (Ronald): Bon, écoutez, je ne sais pas où vous prenez ça, mais je peux vous affirmer que, si vous regardez Le Journal de Montréal , une page complète, il y a peut-être 100 annonces là-dedans et il y en a peut-être une qui procède à une vente. Pourquoi il n'y en a qu'une qui procède à une vente? C'est parce que les tiers exercent des droits à l'encontre de la saisie, un. Deuxièmement, les dettes sont payées parce que le citoyen, le contrevenant ou le débiteur s'aperçoit que, là, c'est sérieux, il est rendu au bout du rouleau. Alors, ça se règle.

Il ne faut pas oublier une chose: nous ne sommes pas un système... Supposons que nous soyons en Espagne. Je vais vous donner un exemple: 85 % des saisies en Espagne se concluent par une vente; ici, au Québec, à peine 1 % ou 2 % conduisent à la vente, 1 % ou 2 % des saisies. Alors, c'est un système très efficace. Et du fait que ce soit fait par des officiers publics encadrés, surveillés, ça augmente l'efficacité. C'est sûr qu'on entend parler de choses dans les journaux, mais dites vous une chose: Les contrevenants et les huissiers qui pourraient être fautifs, abuser de leur pouvoir sont surveillés de très près. Et, depuis un an, on a fait nos preuves, je peux vous le dire.

M. Bourdages (Victorien): Si je peux ajouter une chose, je ne sais pas si votre question touchait un peu l'efficacité de l'huissier, vis-à-vis de la vente. Vous savez qu'il y a des pays d'Europe – on fait partie de l'Union internationale des huissiers de justice et officiers judiciaires – où, au moment fixé pour la vente, c'est vrai que ce n'est pas l'huissier qui dispose du bien. Le bien est comme envoyé à ce qu'on appelle l'hôtel des encans où évidemment il y a plus de personnes qui y assistent. Le bien est offert d'une façon différente. Alors, oui, l'efficacité pourrait... Puis on en a déjà parlé, à la Chambre des huissiers, de pouvoir améliorer le système de vente judiciaire.

Par contre, c'est bien sûr qu'on ne peut pas demander à l'huissier... Il parle de Laverlochère; s'il a fixé une vente en justice et qu'il a seulement un ou deux acheteurs, il n'aura peut-être pas le potentiel possible qu'il aurait à Montréal ou à Québec. Ça, c'est bien évident.

M. Gauvin: Vous aviez bien compris le sens de ma question.

M. Bourdages (Victorien): Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Alors, M. Bourdages et M. Dubé, nous vous remercions de votre participation.

M. Dubé (Ronald): Merci bien.

M. Bourdages (Victorien): Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je demanderais maintenant à Vélotournée et Vélovirée Lanaudière de bien vouloir se présenter à la table. Ils ne sont pas là.

Alors, je demanderais à Vélotournée et Vélovirée Lanaudière de bien vouloir se présenter à la table. Est-ce qu'ils sont présents? Oui. M. Hénault?

Alors, M. Hénault, bienvenue. Vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire qui sera suivi, par la suite, de 10 minutes du côté ministériel et 10 minutes du côté de l'opposition.


Vélotournée et Vélovirée Lanaudière

M. Hénault (Raymond): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames, messieurs, évidemment il me fait plaisir d'être ici. C'est ma première expérience de venir rencontrer une commission pour tenter d'exprimer mes opinions sur une loi.

Avant de vous faire part du mémoire que j'ai préparé, j'aimerais tout simplement vous souligner que, d'abord, je suis un organisateur d'événements, à titre bénévole. Ce n'est pas ma principale profession. Alors, on occupe nos loisirs à organiser des événements cyclistes, de course à pied, de marche. Enfin, on préconise l'activité physique. Alors, on n'est pas non plus seulement un organisateur; on est aussi un participant impliqué: athlète populaire. Enfin, on a déjà été à des niveaux quand même assez élevés, mais on a une vue d'ensemble générale sur l'activité physique. Ma profession, c'est enseignant en éducation physique.

Alors, voici: Tout comme chaque activité dont la pratique grandit en popularité, le vélo nous amène inévitablement à nous questionner sur la sécurité de sa pratique. Cependant, l'idée de voir germer une législation rendant obligatoire le port du casque cycliste constitue-t-elle réellement la voie à adopter? Cette solution hâtive et facile permettrait certainement de réduire le nombre de blessés graves, mais empêcherait-elle les accidents de se produire? Car là se situe véritablement la question. Choisir une telle législation signifie soigner le problème en surface, mais en ignorer les causes profondes.

En tant qu'organisateur d'événements cyclistes populaires, je soutiens favorablement le port du casque à vélo, mais m'oppose catégoriquement à une législation à cet effet. Mon argumentation est fondée sur trois points principaux, soit la prévention et la sensibilisation, la responsabilité et le droit individuel ainsi que l'application des mesures législatives déjà en place.

La prévention et la sensibilisation. Bien entendu, mon objectif n'est pas ici de minimiser l'apport sécuritaire du casque à vélo, mais bien d'évaluer son poids dans la balance des facteurs d'influence. Quoique la pratique du vélo ait triplé depuis 30 ans, on recense la moitié moins d'accidents reliés à cette activité, et ce, sans le port obligatoire du casque. Sans doute pourrait-on encore réduire ce nombre. En misant sur une loi restrictive? Ce n'est pas mon avis. Mieux vaudrait se pencher plutôt sur la prévention et la sensibilisation concernant le port du casque, mais surtout sur l'attitude des cyclistes et des automobilistes sur la route. Là se situe vraiment la source du problème.

Déjà, le slogan «À vélo sans casque, es-tu tombé sur la tête?» a envahi nos petits écrans et, cet été, on continue avec les publicités du médecin et de son jeune patient qui a été victime d'une chute à vélo. Mais est-ce suffisant? On ne semble viser qu'un seul aspect de la problématique, alors que d'autres éléments s'y rattachent. À quand les publicités qui s'adresseront aussi aux automobilistes et aux cyclistes casse-cou? La sécurité se traduit d'abord par une prudente utilisation du vélo, mais également par un soucieux partage du réseau routier.

Responsabilité et droit individuels. Quoique consciente du facteur de protection que procure le casque de vélo, la majorité des cyclistes en critiquent le confort et le style. Pour ces raisons, entre autres, plusieurs préfèrent ne pas l'utiliser lorsqu'ils circulent sur la route. La plupart d'entre eux sont déjà responsabilisés et informés des risques qu'une chute peut occasionner, mais ils choisissent tout de même de rouler sans protection. Doit-on s'opposer à une telle attitude? Selon moi, c'est un choix personnel que l'on se doit de respecter. Chacun décide de la voie à suivre et est prêt à assumer les conséquences de ses actes. Puisqu'une telle situation n'entraîne aucun préjudice à autrui, on ne peut tout de même pas se permettre de brimer ce droit légitime qu'est la liberté de choisir.

Si l'on souhaite vraiment que plusieurs adeptes adhèrent au port du casque, on doit mousser sa promotion en démontrant l'efficacité de cet équipement. Il faut amener les cyclistes à changer d'attitude face à son utilisation et les faire réaliser que le casque constitue une assurance supplémentaire et non inutile. Cette sensibilisation doit toutefois se réaliser dans un esprit volontaire. Autrement, on risque plutôt de développer une aversion certaine pour cette activité physique de plus en plus populaire, et bénéfique pour la santé et l'environnement.

(21 h 10)

Application des mesures législatives déjà en place. Alors, la nouvelle législation que souhaite instituer la commission amène également un lot de questionnements en rapport à son application. Mes préoccupations sont principalement orientées vers les lois déjà en vigueur et sur lesquelles on ne semble pas avoir de contrôle, malgré qu'elles soient la cause de nombreux accrochages ou accidents. Je pense, entre autres, à l'obligation d'utiliser un système d'éclairage adéquat pour la pratique du vélo en soirée, aux cyclistes qui roulent trop souvent dans le mauvais sens de la circulation ou qui ne respectent pas la signalisation ainsi qu'à certains autres qui se servent même des trottoirs pour leurs déplacements. Avant de légiférer sur le port du casque, peut-être faudrait-il faire respecter les mesures déjà en place.

Pourquoi ne pas miser sur l'essentiel plutôt que de s'entourer de lois accessoires ne servant qu'à calmer les inquiétudes de notre bonne conscience? À ce rythme, on se verra bientôt dans l'obligation de revêtir coudes et genouillères pour s'adonner à cette activité de loisir, situation qui, à mon avis, deviendrait tout à fait hors de proportion, comme le port obligatoire du casque.

Dans un autre ordre d'idées, une telle législation viendrait-elle inévitablement contrôler les efforts des différentes organisations qui tentent de promouvoir l'activité physique et la pratique du vélo par la tenue de divers événements cyclistes populaires? On dépense déjà beaucoup d'énergie à promouvoir ces activités et à en planifier la logistique; s'il faut également voir à ce que chacun des participants respecte le port du casque, on n'en sortira pas. D'autant plus que plusieurs se verront brimés dans leurs libertés et reprocheront à l'organisation d'afficher des règles trop sévères pour ces expéditions que l'on souhaite légères et divertissantes. En outre, une application de ce genre lors d'événements populaires ouvrira facilement la porte aux abus de pouvoir de certaines autorités qui souhaiteraient voir disparaître ce genre d'activité qui perturbe parfois le cours normal de la circulation.

En conclusion, j'estime que l'on doit continuer à promouvoir le port du casque cycliste, mais sur une base volontaire, car il revient à chacun de prendre la responsabilité de ses actions. En continuant d'éduquer les jeunes et les moins jeunes sur l'importance d'avoir une bonne protection et en leur démontrant l'efficacité du casque par des faits concrets, on parviendra certainement à responsabiliser une plus grande majorité de cyclistes.

De plus, la tendance à rattacher le port du casque à la diminution d'accidents devrait être revue et réorientée. Oui, le casque peut éviter des traumatismes majeurs, mais il ne réduit pas les risques d'accidents. Pour remédier à cette situation, on devrait plutôt miser sur une meilleure éducation pour les cyclistes et les automobilistes en les invitant à partager harmonieusement le réseau routier.

J'aurais peut-être un exemple à apporter. Tantôt, je faisais mention que j'étais dans le domaine de l'activité physique et, à l'école où je travaille, avec un niveau de secondaire V, on a un cours option éducation physique. Si on devait, disons, avoir l'obligation de porter le casque, il n'y aurait pas d'activité de vélo étant donné que les gens n'ont pas les moyens de s'acheter le casque, et on n'a pas encore réussi à convaincre tout le monde. Je peux vous assurer qu'au niveau de l'enseignement, au niveau des notions que nous apportons aux jeunes, nous mettons énormément d'attention pour justement faire voir à ces jeunes l'importance de porter un casque. Mais on a des cas concrets où c'est très difficile de faire ajouter un équipement supplémentaire au niveau de la pratique d'une belle activité qu'est la pratique du vélo.

Même si c'est plaisant et agréable, je peux vous dire qu'on a du travail à faire et je ne suis pas assuré que, même s'il y avait une loi, on pourrait arriver à inciter les gens à faire la pratique de l'activité du vélo.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Hénault. M. le ministre.

M. Brassard: Merci, M. Hénault. Évidemment, on a beaucoup débattu de cette question-là au cours des 10 jours de commission parlementaire. Moi, je vous avoue qu'il y a des arguments qui méritent notre attention, d'un côté comme de l'autre, de ceux qui sont pour le port obligatoire du casque comme de ceux qui sont pour poursuivre dans la voie de la promotion de la sensibilisation.

Mais il y a un argument que j'ai bien de la misère à accepter parmi ceux qui ne veulent pas rendre obligatoire le port du casque – on retrouve ça dans votre mémoire, on l'a retrouvé dans plusieurs autres mémoires – c'est l'argument qui veut que ce soit une question de liberté individuelle. Vous dites: «Chacun décide de la voie à suivre et est prêt à assumer les conséquences de ses actes.» Vous parlez de «liberté de choisir». Vous en faites une question de liberté, comme si la collectivité n'était pas en cause.

C'est un courant libertaire qui a cours outre-frontières. Mais la société américaine et la société québécoise sont très différentes. Si vous décidez d'assumer votre liberté aux États-Unis puis que vous avez un accident, eh bien, c'est votre assurance privée qui doit intervenir, puis, si vous allez à l'hôpital, vous écopez, vous payez de votre poche. Ça vous coûte, comme on dit familièrement, un bras. Mais, au Québec, si vous êtes victime d'un accident, les dommages corporels sont assurés collectivement. C'est une assurance collective; c'est tout le monde. Puis, si vous allez à l'hôpital, vous faites un séjour à l'hôpital, vous êtes soigné là, vous avez des opérations chirurgicales, c'est tout le monde aussi. C'est l'assurance-maladie qui entre en jeu, etc. C'est la collectivité.

Alors, je vous le dis en terminant, parce qu'on termine la commission: J'ai de la misère avec cet argument-là, parce que je trouve... Je n'achète pas ça, moi. Invoquer la liberté individuelle dans ce cas-là, ça laisse entendre que ça n'a aucune incidence collective, que ça n'a aucune conséquence sur la collectivité. Je regrette, mais, si vous êtes blessé gravement, que vous avez un traumatisme crânien grave avec des séquelles, eh bien, c'est la société qui va en assumer les coûts. Alors, votre choix individuel, votre exercice de votre liberté individuelle va avoir des conséquences sur la collectivité.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Hénault.

M. Hénault (Raymond): M. le ministre, évidemment vous avez raison, mais, d'autre part, on regarde une quantité d'autres éléments qui jouent aussi là-dedans. Si on regarde le citoyen qui ne fait jamais de pratique, on le retrouve quand même aux crochets de la société. Il est à l'hôpital, il n'a jamais fait de vélo, mais il est là. Si je regarde maintenant un autre élément, on laisse le vélo et on s'en va sur les centres de ski. Les gens font du ski. Il y autant de risques dans les centres de ski qu'il y en a en vélo. Et il n'y a pas de loi pour dire aux gens qui descendent la montagne: Il faut mettre un casque pour descendre la montagne.

Moi, depuis l'âge que je suis capable de me tenir en vélo que je fais du vélo. Je pense évidemment qu'il y a un facteur de risque qui est existant, qui est là. Alors, il y en a qui sont prédestinés à avoir un accident, je ne le sais pas. Je peux vous dire qu'on a fait avec nos vélos, comme sûrement plusieurs parmi vous, des choses qu'on n'aurait pas dû faire, et on s'en est toujours sorti, on a toujours vécu avec ça.

Régulièrement, je peux vous dire que, depuis de nombreuses années, on circule sur la route, on circule en montagne, on circule un peu partout. Il y en a parmi notre groupe qui portent le casque; il y en a qui ne le portent pas. J'ai eu l'occasion de ramasser des gens qui étaient blessés, qui portaient le casque et qui avaient eu des blessures quand même, même si on avait le casque, et il y en a d'autres qui n'avaient pas de casque et ils n'ont jamais rien eu. Est-ce que c'est un facteur de chance ou si des gens sont prédestinés à ça? Alors, c'est un petit peu ça.

(21 h 20)

Moi, en tant qu'individu qui fait du vélo, j'aime à me promener. Je ne fais pas de la compétition; je fais de la promenade avec mon vélo et je trouve ça agréable. Aujourd'hui, je parlais justement avec des gens, parce que, depuis que j'ai travaillé sur ce dossier-là, évidemment je regarde à droite et à gauche, je vais chercher des idées, des opinions, pour voir effectivement si... Il y a des gens qui nous disent... Encore aujourd'hui, un homme à peu près de 60 ans a dit: Moi, s'il faut que j'achète un casque, je n'en fais plus de vélo. Alors, c'est dans cette optique-là.

M. le ministre, quand on regarde des événements, comme j'en faisais mention, qu'on organise, déjà sur la documentation – tantôt, si c'est possible, j'aimerais vous laisser le feuillet – lorsqu'on sort nos publicités, on essaie toujours de véhiculer le port du casque, qui est un incitatif. Moi, je me disais: Au niveau de toute l'énergie qui est mise autour de ça, est-ce qu'il n'y a pas possibilité qu'on puisse le voir dans une autre dimension, à l'effet de mettre des énergies pour tenter de le bonifier, si on veut, par les gens qui en font la promotion, que ça devienne des incitatifs?

Que ce soit l'agent de la circulation, que ce soit au niveau de la municipalité, que ce soit au niveau des organisateurs, qu'il y ait des bonus, des prix qu'on puisse gagner, des certificats qu'on puisse remettre, de façon que, au lieu d'avoir une contravention, au lieu d'être brimé par une loi, on cherche plutôt à tenter de valoriser, si on veut, et de faire comprendre et connaître aux gens... Alors, peut-être cet incitatif ferait que ça serait l'inverse qui se produirait. Alors, moi, c'est dans cette optique-là que je me disais: Est-ce qu'il n'y a pas possibilité qu'on puisse aller plutôt là?

Alors, il y a eu la campagne, l'année dernière, dont je fais état ici, et peut-être au cours des deux, trois dernières années, avec l'assurance automobile. Au niveau de l'événement, moi, je peux vous dire que j'ai eu un support de 1 200 $ et, quand j'eus fait ça, là, la conception de mon dépliant, je peux vous dire qu'il ne restait plus beaucoup de sous pour pouvoir fonctionner. Alors, ça a été simplement une promotion, un logo qui était sur le feuillet. Alors, c'est dans cette optique-là que je me dis: Est-ce que ça c'est allé suffisamment loin? Est-ce qu'on ne peut pas aller plus loin au niveau de la démarche? Alors, le côté de la récompense n'a pas été touché comme tel.

M. Brassard: Dans les événements que vous organisez, vous incitez au port du casque?

M. Hénault (Raymond): Effectivement. Et la documentation – j'ai apporté seulement le dépliant, mais il y a le poster également – le dépliant est ce qui entoure et qui véhicule notre événement. Alors, ici, c'était...

M. Brassard: Vous atteignez un taux de combien? Vous atteignez un taux de port du casque des participants à vos événements assez élevé?

M. Hénault (Raymond): Écoutez, je pense que ça se situe à peu près à 50-50 pour le moment. Et ça, c'est très intéressant parce que, à l'intérieur des participants, des gens interviennent en disant à un copain, ou à des membres d'une famille, ou d'un groupe participant: Aïe! Ce n'est pas bon de te promener sans casque. On se rend compte que, à un moment donné, il y a des gens qui sont incités par d'autres à l'intérieur du groupe. Évidemment, ce n'est peut-être pas un pourcentage très élevé, mais il y a une progression, je pense. Je ne pourrais pas vous donner de chiffres précis sur ça, mais il y a une progression qui se fait au niveau du port du casque, au niveau de nos événements.

M. Brassard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Hénault, de votre présentation. Vélotournée et Vélovirée Lanaudière, c'est une organisation qui organise des... ou est-ce que c'est un club? Combien il y a de personnes, de membres dans votre organisation?

M. Hénault (Raymond): Ce n'est pas un club. Alors, on ne prépare pas de gens à faire du vélo; on fait simplement organiser, dans notre milieu, touristiquement deux événements, au nord et au sud de la région, qui amènent chaque année environ, on dirait, à peu près, là, entre 3 000 et 4 000 cyclistes qui viennent circuler sur nos routes avec une distance qui varie pour chacun des événements: de 60 km et 70 km. Donc, c'est à caractère populaire. On permet aux gens de découvrir le milieu aussi en même temps.

M. Middlemiss: Donc, il y a 3 000 personnes qui participent aux deux.

M. Hénault (Raymond): Oui, c'est ça, réparti.

M. Middlemiss: Vous avez un conseil d'administration. Donc, la position que vous présentez aujourd'hui, c'est la position du conseil d'administration?

M. Hénault (Raymond): Exact.

M. Middlemiss: Vous n'avez pas dans la dernière année, Vélovirée et Vélotournée, consulté les gens qui étaient là pour leur demander, fait un genre de sondage à savoir combien étaient pour et combien étaient contre?

M. Hénault (Raymond): Non.

M. Middlemiss: Vous avez juste observé qu'il y en a peut-être 50 % qui portent le casque puis un autre 50 % qui ne le portent pas.

M. Hénault (Raymond): Environ. Approximativement.

M. Middlemiss: Combien ça fait d'années que vous êtes impliqué avec la tournée?

M. Hénault (Raymond): Alors, un des événements en est à sa cinquième présentation; l'autre en est à sa sixième. C'est pour ça que j'ai... Alors, il y a augmentation à chaque année, il y a une progression au niveau du port du casque.

M. Middlemiss: De combien?

M. Hénault (Raymond): Là, là-dessus, je ne pourrais pas vous dire en termes de...

M. Middlemiss: O.K. Est-ce que ça a augmenté dans cinq ans de 15 %, de 20 %?

M. Hénault (Raymond): Bon, écoutez, sur une base...

M. Middlemiss: Si vous dites qu'on est rendu à 50 %...

M. Hénault (Raymond): Oui, c'est ça. Alors, écoutez, on pourrait dire que ça pourrait varier entre 10 % et 15 % par année au niveau de la participation. C'est sûr qu'il faut aussi considérer à l'intérieur de ça que, à chaque année, le contingent de cyclistes a grossi aussi en même temps.

M. Middlemiss: O.K. Il y a une chose que j'ai remarquée dans votre mémoire et dans plusieurs mémoires de gens qui sont contre une législation, c'est qu'on semble dire que les gens qui sont pour le port du casque croient que c'est la solution miracle pour s'assurer de la prévention d'accidents. Je pense que, au contraire, moi, j'ai senti que les gens qui sont venus ici, qui prônaient le port obligatoire du casque, ont dit: Regarde, ça, c'est parce qu'on réalise que nous ne pouvons pas assurer qu'il n'y aura pas d'accidents. Mais, dans le sens de vouloir réduire les accidents, oui, il va falloir peut-être appliquer encore un peu mieux le Code de la sécurité routière, il va falloir avoir des campagnes de sensibilisation, des campagnes de prévention, des campagnes de responsabilisation.

Tellement que, à un certain point, il y a des médecins qui sont venus et ils ont dit: Regarde, il faut continuer à faire ça parce qu'il y a des indications que nous sommes rendus à 26 % pour le port du casque. On sait qu'en Australie, pendant 10 ans, ils étaient à 50 % ou 40 %, mettons. Après cinq ans d'une loi, ils sont rendus à 75 %. Donc, devant ces faits-là, on dit: Oui, regardez, la loi fait quelque chose, mais ça ne veut pas dire qu'il faudrait arrêter de faire des campagnes de promotion. Et les médecins, il y en a qui ont dit: Bien, regardez, pourquoi ne pas avoir une loi qui va devenir effective dans deux ans, mais, entre-temps, faisons des campagnes de sensibilisation, comme vous avez dit qu'on devrait faire, qu'on devrait sensibiliser plus les gens et appliquer le Code de la sécurité routière.

Est-ce que vous ne trouvez pas que, ensemble, tous ces éléments-là, incluant le port du casque, parce qu'on ne peut pas éliminer tous les accidents... Moi, je serais d'accord avec vous, hein, si vous pouviez me donner une façon de nous garantir qu'il n'y aurait pas d'accidents. Je dirais: Bien, regardez, le casque, c'est superflu. Mais on sait qu'il va toujours y en avoir. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est une attitude responsable et qui n'est pas là nécessairement pour brimer les droits des individus?

M. Hénault (Raymond): Écoutez, c'est bien sûr qu'au niveau individuel, moi, si je prends cet exemple, je me sens très inconfortable d'être obligé de partir et qu'il faut absolument que je porte ça; sinon, il y a une sanction qui va arriver. C'est là qu'est la problématique. Alors, moi, j'aime à me promener sans casque. Je ne suis pas un porteur de casque. Et j'ai toujours fait ça. Est-ce que je le ferai toujours? Alors, pour le moment, c'est ça. Je me fais dire régulièrement par des amis, aussi par des gens... Parce que, quand on organise, évidemment on a une foule de contacts avec des gens et on reste toujours surpris de me voir. Parce que je suis vendeur du casque. Je le vends. Je ne porte pas de casquette, même pas quand je fais du vélo. Je ne suis pas un porteur de ça. Alors, dans cette optique-là... Et je regarde aussi d'autres, en observant ce qui se passe, puis avec le vécu que j'ai en milieu étudiant, en milieu scolaire avec les jeunes, et on s'amuse à faire du vélo. C'est bien sûr qu'il y a toujours un risque, mais, dès qu'on fait quelque chose, il y a toujours un risque.

(21 h 30)

Maintenant, au niveau d'une loi, au niveau de ce dont vous avez fait mention qui vienne s'ajouter et qu'on continue à insister, je pense que c'est un ensemble d'ingrédients qui sont essentiels pour que ça puisse apporter certainement des profits au port du casque. Mais, au niveau de la loi, moi, je me sens tout à fait inconfortable avec une loi pour être obligé de fonctionner. Et je ne sais pas si, en vous disant ceci, demain matin on m'obligera à dire: Bien, maintenant, il va falloir, pour se promener en vélo, avoir les deux mains sur les guidons. Alors, c'est un petit peu dans cette optique-là, moi, que je le vois. Je me dis: On commence avec le casque et, après, ça va aller jusqu'où? À un moment donné, il va falloir se promener de telle façon. Alors, on est toujours contingenté dans cette optique-là.

M. Middlemiss: Vous avez mentionné tantôt un problème qui pourrait être la cause d'accidents, c'est les lumières sur un vélo, la nécessité d'avoir des lumières. Ça coûte combien, mettre des lumières sur un vélo?

M. Hénault (Raymond): Ah! ça coûte certainement quelque chose.

M. Middlemiss: Combien?

M. Hénault (Raymond): Je ne pourrais pas vous dire le prix, mais ça...

M. Middlemiss: Plus cher qu'un casque?

M. Hénault (Raymond): Ça dépend du type de lumières.

M. Middlemiss: Donc, des lumières pour assurer la sécurité des gens.

M. Hénault (Raymond): Oui, enfin, pour ceux...

M. Middlemiss: Ça pourrait coûter plus cher qu'un casque?

M. Hénault (Raymond): Enfin, c'est ceux qui circulent évidemment au moment où c'est nécessaire d'avoir une lumière qui est opérante après le vélo. Alors, je pense que c'est important; sinon, ils ne sont pas visibles. Alors, c'est un exemple parmi...

M. Middlemiss: Non, parce que vous avez indiqué tantôt que le coût du casque pourrait empêcher des gens de faire du vélo.

M. Hénault (Raymond): Oui.

M. Middlemiss: Toutefois, vous dites que c'est extrêmement important d'avoir une lumière.

M. Hénault (Raymond): Oui.

M. Middlemiss: Moi, je pense que quelqu'un qui ne fait pas de vélo le soir, il n'a pas besoin de lumière.

M. Hénault (Raymond): Oui, oui, c'est ça.

M. Middlemiss: Mais, s'il fait du vélo le jour ou le soir, le casque va le protéger dans le cas d'un accident.

M. Hénault (Raymond): Oui. Par contre, il reste que la lumière évidemment c'est pour le soir. Évidemment, le vélo, si c'est en soirée qu'il est utilisé, alors, il est facile de serrer le vélo, comparativement au casque où, bien, là, on n'a pas le choix. Le casque, il faudrait le porter. La lumière, évidemment c'est important si on fait du vélo le soir, mais, si on n'en fait pas, à ce moment-là ce n'est pas nécessaire.

M. Middlemiss: Est-ce que vous-même... Vous l'avez dit carrément, que vous êtes un promoteur du casque, mais que, vous-même, vous ne prêchez pas par l'exemple.

M. Hénault (Raymond): Exact.

M. Middlemiss: S'il y avait une loi, est-ce que ça veut dire que vous arrêteriez de faire du vélo?

M. Hénault (Raymond): Il est très possible que je changerais ma place. Je ne me promènerais plus sur la rue; il faudrait me courir en forêt parce que je...

M. Middlemiss: Mais le but, ce n'est certainement pas de courir après les gens. C'est que, si – et le ministre a touché à ça tantôt – on était dans un état totalement capitaliste où, vous et moi, on est responsables et, si on se fait mal, on paie pour, la grande liberté... Mais on a choisi, comme société, et Dieu merci, d'avoir un système qu'on appelle socialdémocrate où même les moins nantis de la société peuvent aussi bénéficier des soins de santé, et ainsi de suite.

Dans ce contexte-là, il me semble qu'on a une responsabilité, surtout nous autres, les élus, de voir à ce qu'on limite au minimum possible les conséquences d'accidents. Et la preuve est là. Je pense qu'il n'y a personne qui peut renier la preuve que le port d'un casque peut protéger les gens surtout des traumatismes crâniens. Un médecin me disait, moi: De là à en bas, on peut faire toutes sortes de choses, on peut faire des greffes de coeur, des greffes de poumon, mais, de là à en haut, bien, malheureusement encore, on ne peut pas faire grand-chose. C'est un peu pour ça, je pense, que le port du casque de vélo devient quelque chose... Et 75 % de la population du Québec semble être d'accord, selon les sondages. Pourtant, on est prêt à faire, en démocratie, des changements pour moins que ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Pontiac. En conclusion.

M. Hénault (Raymond): O.K. Mais, au niveau d'un pourcentage de 75 % de la population, selon le sondage, est-ce qu'on pourrait se poser la question: Ces 75 % là, est-ce que ce sont des gens qui font déjà du vélo ou si c'est des gens qui ont l'intention d'en faire? Alors, il reste ça aussi. Parce qu'on se rencontre souvent. Moi, pour avoir parlé avec des gens qui étaient pour le port, quand on leur posait la question: Est-ce que vous faites du vélo? ils ne touchent pas au vélo.

Alors, c'est bien sûr que le fait de voir des images évidemment a influencé ces gens-là. Alors, moi... Écoutez, c'est bien sûr qu'on est pour le port du casque, mais est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité qu'on puisse éviter d'avoir une loi pour tenter d'avoir la pratique, c'est ça, pour qu'on puisse faire la pratique du vélo, que ça puisse se continuer en mettant une énergie sur d'autres dimensions plutôt qu'une loi?

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Hénault.

M. Middlemiss: Mme la Présidente, juste un dernier commentaire, s'il vous plaît. C'est que, regardez, sur ça, là, au moins on a consulté 1 500 personnes à travers le Québec. Pourtant, Vélo Québec, ils sont venus nous dire ici qu'ils avaient pris position, mais il y avait 60 personnes, tu sais, au conseil d'administration. Donc, si on compare ces deux-là, lequel des deux est le plus représentatif, c'est à nous autres de juger.


Mémoires déposés

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Hénault. Ça a été très intéressant. Vous êtes le dernier mémoire à entendre. Mais, avant d'aller aux remarques finales, je dois donner le nom de personnes et d'organismes qui ont déposé des mémoires, mais qui n'ont pas été entendus dans cette commission parlementaire. Et, pour rendre les mémoires publics, bien, il faut les déposer même si chacun des membres les a reçus.

Alors, c'est l'Académie canadienne de médecine sportive; M. Bernard Bacon; Camo-Route inc.; M. Gilles Champoux; Club cycliste Le Survenant; Club cycliste Tourcom; Club vélo amiante; Coalition canadienne du casque de vélo; Mme Miriame Côté; Cyclotour, club de vélo région de Trois-Rivières; M. François Demers; Mme Sylvie Dionne; Fédération des éducateurs et éducatrices physiques enseignants du Québec; Fédération des médecins omnipraticiens du Québec; M. Jean-Luc Gouin; La Grande Roue Magog Orford inc.; M. Ghyslain Lapointe; M. Pierre Lemieux; M. Normand Montminy; M. Glenn J. Nashen; Ordre des dentistes du Québec – sans casque, on se casse les dents – Syndicat des chauffeurs d'autobus et opérateurs de métro et employés des services connexes au transport de la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal, section local 1983 SCFP; Vélo MRC Rouyn-Noranda et Vélo club–Saint-Hyacinthe.


Remarques finales

Alors, M. le député de Pontiac, vous avez la parole pour les remarques finales.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Hénault, vous pouvez prendre place. Vous voulez faire circuler ça? C'est très bien, on va le...

M. Middlemiss: Oui. Mme la Présidente, les membres de la commission de l'aménagement et des équipements ont entendu près de 60 groupes, et la commission s'est réunie au cours de 10 jours, siégeant près de 45 heures. Tout au long de ce mandat, la commission parlementaire a reçu les témoignages de groupes et d'individus tous plus intéressants les uns que les autres. Des appuis comme des critiques ont été entendus sur le projet de loi n° 12. Des points de vue nouveaux ont alors été présentés et alimenteront sans aucun doute l'étude détaillée de ce projet de loi. C'est donc dire que la consultation générale qui vient de se terminer avait certainement sa raison d'être. Elle aura permis aux parlementaires de toutes les formations politiques d'entendre et de questionner ceux et celles qui seront touchés par les nouvelles modifications au Code de la sécurité routière.

De plus, le débat lancé par le ministre lui-même sur l'opportunité du virage à droite sur feu rouge et du port obligatoire du casque à vélo a suscité de vives discussions. Ces échanges constructifs contribueront, j'ose l'espérer, à bonifier cette pièce législative que nous avons devant nous. Dans le cas présent, le législateur a la responsabilité d'assurer la sécurité de tous les usagers de la route, qu'ils soient piétons, cyclistes, motocyclistes ou automobilistes, camionneurs, chauffeurs d'autobus, et j'en passe.

(21 h 40)

Je le répète, en certaines matières, le ministre fait fausse route avec son projet de loi n° 12. Pourquoi vouloir abolir l'obligation de suivre un cours de conduite? Est-ce qu'on a réellement évalué quel était l'apport de ce cours de conduite dans notre bilan? On est donc fier de dire qu'on a tellement amélioré notre bilan sur le réseau routier. J'espère qu'on a réellement analysé ça et qu'on ne se fie pas seulement sur ce qui se fait à d'autres endroits. Pourquoi permettre la saisie de tout véhicule dans lequel se trouve un conducteur conduisant sous sanction, même si celui-ci ne lui appartient pas? Je pense que le but, ce n'est pas de punir le propriétaire, mais certainement d'inciter celui dont le permis a été révoqué à ne pas conduire sans permis. Donc, je pense que c'est dans ce sens-là qu'on devrait aller.

Pourquoi ne pas avoir présenté des dispositions obligeant le port du casque à vélo, activité qui entraîne des accidents graves et des coûts sociaux considérables? Je crois qu'on aura certainement l'occasion, j'espère, d'ici l'étude article par article, de revoir tout ça à la lumière de ce qui nous a été dit. Vu le fait que, pour le Code de la sécurité routière, ce n'est pas à tous les deux ou trois ans qu'on fait des révisions, peut-être qu'on devrait, en prévision de ça, aller dans cette direction-là.

Pourquoi ne pas permettre des expériences-pilotes en ce qui a trait au virage à droite sur feu rouge? Il semblerait que la seule région... Excusez-moi, il y a peut-être deux régions, l'Abitibi-Témiscamingue et l'Outaouais, qui sont plus sensibilisées au fait du virage à droite. Ils le font. Et je ne me laisserai jamais convaincre, moi, que les Québécois n'ont pas atteint la maturité de faire comme le reste des Canadiens ou des Américains et de se discipliner à faire des virages à droite. Je pense que c'est en le faisant qu'on deviendrait peut-être un peu plus respectueux des piétons. Parce que c'est toujours les arguments qu'on nous donne, soit que les Québécois n'ont peut-être pas atteint cette maturité-là encore. Je n'en suis pas convaincu. Je suis québécois, peut-être pas pure laine, là, mais je suis québécois et je le fais. Je le fais, moi. Je peux aller en Ontario le faire, et d'autres sont capables de le faire aussi. Donc, je suis convaincu que le reste des Québécois sont capables, eux aussi.

Pourquoi la victime d'un accident de la route n'aurait pas le droit de poursuivre au civil la personne qui lui a infligé des blessures? Je sais que ça ne fait pas partie du projet de loi n° 12, mais il me semble qu'on aurait eu l'occasion de le regarder seulement pour s'assurer de bonifier sans chambarder tout ce que nous avons. Pourquoi le conducteur qui commet un acte criminel au volant aurait-il droit à une indemnité de la Société de l'assurance automobile du Québec? Je pense qu'on nous l'a présenté. On pourrait certainement le regarder à sa valeur.

Mme la Présidente, l'opposition officielle formule le souhait que le ministre des Transports retiendra bon nombre des recommandations proposées au cours de cette consultation générale, puisqu'elle était justifiée. Nous offrons toute la collaboration nécessaire afin de permettre le cheminement de ce projet de loi et de le bonifier, et ce, dans le souci d'accroître davantage la sécurité de nos concitoyens et concitoyennes sur les routes du Québec. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Pontiac. M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Je pense que le député de Pontiac a rappelé avec raison l'importance de cette consultation. Il faut dire que le Code de la sécurité routière, c'est une loi majeure dans notre société, puisqu'on peut dire que tous les citoyens sont touchés, affectés par cette loi chaque jour, quotidiennement: automobilistes, transporteurs, piétons et aussi évidemment cyclistes. Lorsque, par conséquent, on y apporte des changements, des modifications importantes, il est donc approprié et important aussi de s'assurer d'un consensus. On constate également que cette consultation était nécessaire, puisque la commission a reçu un nombre important de mémoires: 80 mémoires. On a réussi à entendre la majorité des organismes et des citoyens qui avaient manifesté l'intention ou le désir d'être entendus.

La réforme que nous proposons vise, je le rappelle, à modifier trois aspects fondamentaux du Code de la sécurité routière: l'accès à la conduite, la conduite durant sanction et la conduite avec facultés affaiblies. Et, pour chacune de ces mesures, on peut sans se tromper dire que nous avons un certain consensus, pour ne pas dire un consensus certain. D'ailleurs, à ma connaissance, il n'y a pas un seul groupe ou intervenant qui s'est opposé formellement à ces mesures ou dispositions concernant ces trois sujets. Évidemment, il y a quelques amendements qui devront être introduits au texte du projet de loi. Je pense qu'on a reçu effectivement des suggestions, des propositions intéressantes, et ça va, dans certains cas, se traduire par des amendements, des modifications. Sinon, la consultation serait vaine. Je pense que la consultation a son importance et il faut que cette consultation, qui a duré une dizaine de jours, bien, se traduise par des améliorations réelles, véritables au projet de loi.

Je tiens aussi à rappeler qu'en ce qui concerne les mesures touchant à l'accès graduel à la conduite nous sommes conscients – on a échangé encore cet après-midi avec le président de la Commission des droits de la personne, M. Filion – que ces mesures sont discriminatoires à l'égard des jeunes, donc en fonction de l'âge, on le sait. Mais je demeure convaincu que les motifs qui nous conduisent à adopter de nouvelles règles en cette matière sont fondés, justifiés, et que nous sommes en mesure de les expliquer. On en aura l'occasion au stade de l'étude détaillée.

Concernant le port du casque à vélo, on ne peut pas parler vraiment de consensus, on est encore loin d'un consensus. Ça a été le sujet qui a d'ailleurs dominé la consultation. Même si, encore une fois je le rappelle, il n'y a aucune disposition à cet égard dans le projet de loi, c'est quand même le sujet qui a suscité le plus de mémoires et le plus grand nombre d'intervenants venus témoigner devant la commission. Bon. Sur ce sujet, on devra réserver nos commentaires, étant conscients cependant qu'on devra trancher. En attendant, il faut quand même admettre qu'il y en a au moins un, consensus, c'est que tous ceux qui se sont présentés devant nous ont affirmé – même le député d'Abitibi-Ouest était d'accord avec ça, n'est-ce pas, Mme la Présidente? – que le casque est un équipement sécuritaire. Là au moins, tout le monde est d'accord là-dessus: le casque à vélo est un équipement sécuritaire.

Il est donc important que le taux de port du casque augmente, et donc on doit poursuivre nos efforts pour en faire la promotion. Il faut être bien conscients aussi que l'adoption d'une telle mesure, c'est-à-dire rendre le port du casque obligatoire, ça exige un degré d'adhésion important dans la population pour qu'on puisse l'appliquer sans difficulté. Il faut avoir aussi la collaboration de tout le monde, au premier chef des corps policiers, des services policiers dont la coopération est indispensable.

Concernant le virage à droite sur feu rouge, sujet de prédilection du porte-parole de l'opposition, moi, je crois que la situation actuelle, compte tenu des impacts qu'un tel changement pourrait avoir sur le bilan routier, demeure la meilleure. On pourra, encore une fois, évaluer ou réexaminer le dossier lorsque la Société de transport de l'Outaouais nous fournira les données sur les accidents à Hull et à Ottawa. Je vois que le député de Pontiac les a. Est-ce que la commission les a obtenues aussi? Ah bon! D'accord. Donc, il y aura un dépôt. Pour l'instant, l'ensemble des études sur cette question nous incitent à la prudence.

Il faut se rappeler aussi que la principale ville du Québec, la ville de Montréal, son service de police nous demande de ne pas toucher au Code sur cette question, de continuer à interdire le virage à droite sur feu rouge. Il y a aussi le témoignage de l'association des aveugles et des amblyopes qui doit être rappelé, puis qui, moi en tout cas, m'a impressionné.

(21 h 50)

On peut aussi annoncer que nous recherchons une solution à la demande qu'ont faite l'association des loueurs de véhicules et l'Association du camionnage du Québec concernant la saisie des véhicules. C'est une demande légitime; un dispositif administratif est actuellement évalué, on est en train de l'évaluer et on sera en mesure de le soumettre à la commission au moment de l'étude article par article. Donc, une procédure administrative plutôt que le recours au tribunal ou à la Cour du Québec et, par conséquent, une procédure plus rapide. C'était réclamé par les loueurs et l'Association du camionnage, et je pense qu'on aura une solution à proposer.

J'aimerais aussi vous rappeler que les commerçants recycleurs de voitures et le Mouvement carrossiers Québec nous ont indiqué des problèmes importants que vit cette industrie. On en a appris beaucoup sur cette question. Moi, j'étais presque complètement ignorant sur cette industrie; je pense qu'on en a appris beaucoup, la commission aussi, je pense. Et, à cet égard, j'ai mandaté la Société de l'assurance automobile de me faire un portrait complet de la situation. Ce portrait nous permettra de faire le point sur d'éventuelles modifications au Code de la sécurité routière. Il faut aussi s'intéresser aux solutions à mettre en oeuvre pour combattre le travail au noir qui sévit dans ce secteur économique.

Comme je l'ai indiqué lors de la consultation, il m'apparaît évident que nous devons revoir aussi – ce n'est pas l'occasion, le Code de la sécurité routière n'est pas le véhicule pour ça – l'ensemble du système d'indemnisation de la Loi sur l'assurance automobile du Québec. L'an prochain, en 1997, cette loi aura 20 ans, et je pense que ce sera une belle occasion de rendre compte de son application et de s'interroger sur les avantages qu'en tirent les assurés.

Sans remettre en cause le régime public, il faut sans aucun doute s'assurer que les citoyens sont bien servis et mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la réalisation de son principal objectif: la personne d'abord. Cet après-midi, en échangeant avec l'Association des victimes, je pense que ça doit nous faire prendre conscience que l'objectif de la Loi sur l'assurance automobile, c'est la personne, c'est la victime. Je pense qu'il faut constamment avoir cela à l'esprit. Le régime d'indemnisation mérite d'être revu pour mieux l'adapter puis, encore une fois, mieux atteindre l'objectif visé par notre régime d'assurance automobile toujours perfectible. Toujours perfectible.

Je tiens enfin à remercier aussi tous les participants et participantes à cette consultation, les groupes, les individus qui ont pris la peine d'étudier le projet de loi, de s'interroger, de consulter leur membership, de rédiger un mémoire, de venir témoigner devant la commission. Je pense que ça demande un effort considérable. Je les remercie parce que ça nous a éclairés à bien des égards; ça a éclairé la commission, ça va nous permettre finalement d'avoir un projet de loi meilleur. Je veux évidemment aussi remercier mes collègues de ma formation qui ont, de façon assidue, participé à cette consultation, mais qui ont également fait un travail constructif en interrogeant les intervenants qui venaient témoigner. Je ne veux pas non plus terminer sans signaler le travail également constructif du porte-parole de l'opposition en cette matière.

Je pense qu'on a fait une consultation, je dirais, sans égard aux allégeances partisanes. Les lignes de parti sur un dossier comme celui-là n'ont pas leur raison d'être, je pense. D'ailleurs, on se retrouvait, chacun d'entre nous, dans son caucus respectif avec des positions qui n'étaient pas partagées par tout le monde. Moi, il y avait le député d'Abitibi-Ouest qui était contre le port obligatoire du casque, mais le député de Pontiac, lui, avait le député d'Orford qui était absolument opposé à cette mesure. Alors... Mais c'est tout à fait normal. Je pense que, sur des questions comme celle-là, les lignes de parti n'ont pas leur raison d'être, et on doit justement avoir comme objectif d'assurer une plus grande sécurité sur nos routes et puis d'en arriver à un bilan routier le meilleur possible: donc, moins de morts sur nos routes, moins de blessés graves, c'est ce que nous visons tous, tous les membres de cette commission.

En terminant, je vous remercie aussi, Mme la Présidente, pour votre travail. Vous présidez cette commission toujours avec beaucoup de doigté et de savoir-faire, et on vous en sait gré.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre.

M. Brassard: Merci.


Documents déposés

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci. Avant d'ajourner les travaux, j'aimerais déposer le rapport statistique sur les accidents, en 1995, de la ville de Hull, sur le virage à droite sur feu rouge.

Une voix: Il y a un autre document.

La Présidente (Mme Bélanger): Pardon?

M. Middlemiss: Et la municipalité régionale d'Ottawa-Carleton.

La Présidente (Mme Bélanger): Et le rapport Ottawa-Carleton aussi. Alors, la commission ayant accompli son mandat ajourne ses travaux sine die. Mais, pour les membres de la commission, demain matin, 10 heures, à la même salle, pour un nouveau mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale.

(Fin de la séance à 21 h 57)


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