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(Neuf heures quarante minutes)
Le Président (M. Garon): Je déclare la commission
de l'aménagement et des équipements ouverte. Je rappelle le
mandat de la commission qui est de poursuivre des audiences publiques dans le
cadre de la consultation générale sur l'étude de la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement et sa portée, notamment en ce qui a trait aux grands
projets industriels et aux projets concernant la disposition des déchets
solides domestiques, et cela, en tenant compte de la procédure
québécoise actuelle, du rapport Lacoste, de la procédure
ontarienne et de la procédure suggérée par le gouvernement
fédéral.
M. le secrétaire, pouvez-vous nous dire s'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un
remplacement: Mme Juneau (Johnson) par M. Baril (Arthabaska).
Le Président (M. Garon): L'horaire de la journée:
nous devons entendre ce matin, à 9 h 30 - avec quelques minutes de
retard - la Chambre de commerce du Montréal métropolitain;
à 10 heures, le Centre international des grands projets; à 10 h
30, Action RE-buts; à 11 heures, le Comité de l'environnement de
Chicoutimi inc; à 14 heures cet après-midi, l'Ordre des agronomes
du Québec; à 15 heures, l'Ordre des ingénieurs du
Québec; à 16 heures, le Mouvement Au Courant; à 16 h 30,
la Chambre des notaires du Québec; à 17 heures, la Coalition
démocratique de Montréal; à 17 h 30, Enviro-Sage inc. et,
à 18 heures, Lauralco inc.
Maintenant, je vais inviter la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain, représentée par Mme Nycol Pageau Goyette,
présidente du conseil d'administration. Je l'invite à nous
présenter les gens qui l'accompagnent. Vous avez une demi-heure pour
nous présenter votre point de vue. Normalement, les gens prennent 10
minutes. Après ça, il y a 10 minutes pour la partie
ministérielle et 10 minutes pour l'Opposition. Si vous en prenez moins,
ça leur en fait plus et je vais partager également le temps que
vous aurez pris en moins. Si vous en prenez plus, je vais soustraire
également, de part et d'autre, le temps que vous aurez pris en plus.
Chambre de commerce du Montréal
métropolitain
Mme Pageau Goyette (Nycol): On va essayer de parler moins pour
vous entendre davantage et répondre à vos questions. M. Gilles
Bérubé et M.
Pierre Lundahl m'accompagnent ce matin et sont les auteurs du
mémoire.
Au Québec, depuis 30 ans, nous avons construit une
société libre et généreuse, respectueuse des droits
et des privilèges des individus, mais néanmoins consciente que
seul l'effort collectif pouvait nous permettre de nous démarquer du
reste du monde. Nous avons bâti une société distincte, non
pas sur le dogmatisme et l'idéologie réductrice, mais sur
l'ouverture et l'acceptation du changement. Nous habitons un endroit
privilégié entre tous, où les possibilités de
développement économique sont aussi faramineuses qu'est beau
notre environnement, mais il nous faut réconcilier les deux. C'est ce
Québec-là que nous voulons, c'est ce Québec-là que
nous voulons préserver, où nous voulons bâtir notre avenir
et celui de nos enfants. Si le projet Grande-Baleine et celui de Soligaz sont
essentiels pour réduire les 14 % du taux de chômage et relancer
l'économie, tous les deux, de même que tous les autres projets du
genre, doivent se réaliser dans le plus grand respect de la nature.
L'environnement doit être vu comme un défi à relever et non
comme un empêchement au développement. Il ne doit pas, il ne peut
pas devenir une source supplémentaire de chômage.
La Chambre de commerce du Montréal métropolitain est
d'avis qu'il est essentiel de protéger l'environnement pour assurer le
bien-être de la population et pour que notre société
évolue vers une forme de développement qui puisse être
soutenue à long terme, mais la Chambre ne pourra jamais accepter qu'une
procédure, quelle qu'elle soit, puisse être mise en place pour
retarder, empêcher, nuire ou bloquer le développement
économique du Québec.
Les préoccupations des gens d'affaires ont profondément
évolué au cours des dernières années. Si,
aujourd'hui, la communauté des affaires semble être au centre de
tout, c'est qu'elle a compris que les affaires ne se font pas en vase clos,
entre une colonne de chiffres et une ligne de production.
Nous avons, comme société, l'obligation de créer la
richesse pour et avec nos concitoyens et nous acceptons, parce que nous sommes
aussi citoyens de ce pays, que cette richesse ne puisse se créer dans la
destruction et l'incurie. Nous sommes, dès lors, prêts à
soumettre nos projets de développement à une procédure
d'évaluation environnementale à la condition que celle-ci ne soit
pas un frein à la création de cette richesse, mais un catalyseur
de sa juste répartition.
La Chambre constate que les procédures prévues aux
articles 22 et 31.1 à 31.9 de la Loi sur la qualité de
l'environnement, telles qu'elles
sont mises en oeuvre actuellement, engendrent de graves
difficultés pour les promoteurs, principalement en raison de la longueur
et de l'imprévisibilité des délais et du fait que l'issue
du processus reste incertaine jusqu'à une étape tardive de la
planification du projet.
La Chambre estime que les problèmes suscités par ces
procédures nuisent sérieusement au développement
économique du Québec alors qu'il serait possible, en les
réaménageant et en les mettant en oeuvre de manière plus
rationnelle et plus uniforme, de contribuer davantage à la protection de
l'environnement.
La Chambre a estimé utile de présenter certaines
recommandations à la commission pour encadrer et non empêcher la
réalisation de ces projets qui sont seuls capables de protéger le
niveau de vie de notre population et nous préserver du sort
réservé aux sociétés qui ont manqué de
vision.
En principe, vous connaissez l'essentiel de ces recommandations et, pour
ne pas vous ennuyer, je ne les reprendrai pas toutes. Ce qui est certain, c'est
qu'il faut faire en sorte que cessent ces inutiles confrontations et que le
processus d'audiences publiques ne soit plus ce tribunal de répression
qu'il est devenu avec Soligaz, mais une tribune intelligente où
s'expriment des gens concernés, partageant un même souci de
justice naturelle.
La Chambre aimerait que soient fixés des délais de rigueur
pour les étapes essentielles du processus d'autorisation, que toutes ces
étapes ne dépassent pas une année. Elle insiste pour
limiter le mandat du BAPE aux seuls enjeux environnementaux d'un projet, de
manière à restreindre le débat à ces seules
questions d'importance, plutôt que d'étendre la discussion sur des
aspects mineurs ou sans rapport direct avec l'environnement.
De la même façon, il faudrait prévoir un
mécanisme de "scoping" des exigences apparaissant aux directives, afin
d'en limiter la portée aux seuls grands enjeux environnementaux du
projet. Cet exercice destiné à éliminer toute exigence
superflue devrait être réalisé avec la participation du
BAPE, en plus des ministères concernés et déjà
consultés dans le cadre du processus de consultations
interministérielles menées par le BAPE.
Le processus d'audiences serait grandement amélioré,
à notre avis, notamment en ajoutant des experts du secteur
d'activité sous enquête, en impliquant le BAPE beaucoup plus
tôt dans le processus, en élaborant un guide de
référence des études à réaliser en vue
d'obtenir les autorisations requises et en impliquant - je l'ai dit - le BAPE
beaucoup plus tôt dans le processus d'audiences.
Nous suggérons de modifier l'article 22 de la Loi sur la
qualité de l'environnement. Ces modifications devront, d'une part,
donner les pouvoirs au ministre d'assortir les certificats d'autorisation de
conditions portant sur les caractéristiques du projet, le programme de
suivi environnemental, etc. D'autre part, elles devront permettre que les
autorisations soient émises sur la base des plans d'ingénierie de
base seulement et non des plans et devis d'ingénierie de
détail.
Nous aimerions voir adopter dans les domaines où elles n'existent
pas ou sont incomplètes des normes sur les rejets, les pratiques
environnementales et la qualité du milieu, de façon à
permettre aux promoteurs de connaître à l'avance ce qui est
acceptable et afin d'éviter qu'il y ait deux poids deux mesures en
matière d'environnement ou d'émission de certificats.
Enfin - et comprenez-nous bien là-dessus -à la condition
que les recommandations 1 à 6 inclusivement de notre mémoire
soient mises en oeuvre, nous accepterions d'assujettir les projets de
développement industriel ou autres de grande envergure à la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement.
La Chambre souhaite enfin que la procédure fédérale
d'évaluation environnementale soit modifiée, de manière
à éviter tout double emploi ou recoupement avec la
procédure québécoise en ce qui concerne les projets qui
relèvent principalement de la juridiction provinciale.
M. le Président, je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Vachon.
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Bienvenue à la
Chambre de commerce de Montréal. Mme Pageau Goyette, bonjour.
Mme Pageau Goyette: Merci. C'est un plaisir.
Mme Pelchat: Ce n'est pas la première fois qu'on a
l'occasion de vous voir cette année, puisqu'on vous a vus à la
commission Bélanger-Campeau où votre mémoire avait
été... en fait, votre intervention, plutôt que le
mémoire, avait été fortement remarquée.
Mme Pageau Goyette: Le mémoire aussi, j'espère.
Mme Pelchat: C'est un commentaire... Si vous permettez. Vous
dites, Mme la présidente, que les procédures, telles qu'elles
sont actuellement, engendrent, selon vous, de graves difficultés pour
les promoteurs, en raison, particulièrement, des longs délais
encourus et de l'absence de normes environnementales spécifiques dans
plusieurs domaines.
Parallèlement à ça, vous "priorisez", à la
recommandation 2, un mécanisme de "scoping". Vous dites:
"...prévoir un mécanisme de "scoping" des exigences apparaissant
aux directives afin d'en limiter la portée". Est-ce que vous ne
croyez pas qu'introduire... Vous n'êtes pas la seule personne qui
nous parie de "scoping". Plusieurs, plusieurs intervenants... Hier, on l'a vu,
et on va le voir dans les autres mémoires, ça revient. Ça
semble une méthode très très privilégiée.
Mais est-ce que vous ne croyez pas que ça va allonger les délais
si on introduit cette nouvelle étape de "scoping"?
Mme Pageau Goyette: II y avait un prérequis à
ça, c'étaient les délais de rigueur, bien sûr.
Alors, il ne faudrait pas que ça allonge... Nous, ce qu'on dit, c'est
que le processus total ne doit pas être de plus d'une année. A
l'intérieur de ça, si les règles, les procédures,
les mécanismes sont clairs, précis, limpides et transparents, je
pense que nous pouvons vivre avec ça, surtout si on les connaît
d'avance, surtout si le BAPE intervient beaucoup plus tôt dans le
processus, de façon à ce qu'on chemine ensemble, qu'on apporte
les correctifs qui sont nécessaires, qu'on fasse faire les études
qui sont nécessaires pour travailler, cheminer ensemble plutôt
qu'agir en confrontation, comme c'est le cas, malheureusement. En tout cas,
moi, personnellement, je ne peux plus endurer ça.
Mme Pelchat: Quand vous parlez de "scoping", vous le voyez
comment? Est-ce que vous voyez l'identification, c'est-à-dire associer
le public à l'élaboration de la directive dès le
début?
Mme Pageau Goyette: On en a parlé un peu, de ça. On
voit mal comment on peut associer des gens qui sont moins connaissants d'un
dossier ou d'un secteur d'activité à l'émission de
directives. Ce qu'on pense davantage, c'est que le ministère et le
ministre fassent leur job et que, dans ce sens-là, les directives soient
connues d'avance, qu'elles soient précises et qu'on n'aille pas dans le
détail, qu'on aille sur les grands enjeux, et qu'on précise bien
que les directives doivent aller dans ce sens-là.
Mme Pelchat: Parce qu'il faudrait bien s'entendre sur une
définition de "scoping". Moi, depuis le début de la commission,
j'essaie de...
Mme Pageau Goyette: Vous avez peut-être raison.
Mme Pelchat: ...bien l'avoir. Vous pariez d'un travail qui
devrait être fait par l'administratif et même par
l'exécutif, par le ministre, mais plusieurs intervenants et le rapport
Lacoste - j'essaie de retrouver la définition dans le rapport - nous
parient de "scoping" en fonction d'associer le public dès
l'élaboration de la directive, c'est-à-dire d'aller en audiences
publiques dès la directive. Si ce n'est pas ce que la Chambre de
commerce souhaite...
Mme Pageau Goyette: Non. On en a parié tout à
l'heure, en venant, et on n'arrive pas, nous non plus, à s'entendre sur
jusqu'où va le "scoping". Mais, dans ma tête à moi, je ne
vois pas comment on va associer la population. Ce qui va arriver, ça va
être les groupes d'intérêt qui vont être directement
associés et ce n'est peut-être pas ça qu'on veut. On se
comprend? Je pense que l'administratif doit remplir son rôle et faire son
job quelque part, à un moment donné. Il me semble qu'on paie ce
monde-là...
Mme Pelchat: Quand vous dites que la procédure devrait
être limitée dans une année, où devrait-on
réduire? Parce qu'on sait qu'en ce moment, c'est un peu plus de 2 ans;
30, 33 mois. Où devrait-on réduire le temps? Je ne pense pas que
le temps qui est alloué au BAPE, de 4 mois, des audiences publiques, ce
soit... En tout cas, ce n'est pas l'avis général qu'on retient
ici. À quel moment... Qu'est-ce qui devrait être le plus...
Mme Pageau Goyette: Bizarrement, le BAPE a assez bien
respecté ses délais, il me semble, enfin de mémoire, sauf
peut-être sur Soligaz où il a demandé une extension, mais,
de façon générale, je pense que le BAPE a assez bien
respecté ses... Je pense que les délais de rigueur doivent aller
sur la recevabilité du projet.
Mme Pelchat: Au niveau de l'avis de recevabilité...
Mme Pageau Goyette: Oui.
Mme Pelchat: ...et, par la suite, j'imagine, de
l'élaboration de la directive par le ministère de
l'Environnement.
Mme Pageau Goyette: je vous avoue qu'on n'a pas vraiment
travaillé - oui, oui, vas-y pierre - aussi dans le détail que
ça. mais vas-y donc, pierre.
M. Lundahl (Pierre): Je vais ajouter quelques mots
là-dessus, si vous permettez.
Mme Pelchat: Est-ce que vous pouvez vous identifier?
Mme Pageau Goyette: Pierre Lundahl.
M. Lundahl: Merci. Premier point où du temps peut
être gagné, c'est dans la préparation des directives. On a
observé souvent que c'était extrêmement long, même en
l'absence d'un processus de "scoping" dont on pariait.
Deuxième étape où on pense qu'il y a beaucoup de
gains qui peuvent se faire, c'est entre le dépôt de ('étude
et le moment où l'étude est rendue publique. Dans de nombreux
cas, alors qu'on se rendait compte que, techniquement, la révision de
l'étude était faite par les spécialistes
du ministère, il s'écoulait encore des mois avant que le
ministère écrive au promoteur pour l'aviser de rendre
l'étude publique.
Ensuite, il y a également entre le dépôt du rapport
du BAPE et la décision du gouvernement qu'il est possible de gagner du
temps. Et puis, finalement...
Mme Pelchat: C'est important, ça. Combien de mois
pourrait-on gagner là-dessus en moyenne?
M. Lundahl: Je n'ai pas en tête la durée moyenne
actuelle, mais nous pensons que, dans un délai de l'ordre de six
à huit semaines, on pourrait au maximum - plutôt six que huit
-avoir la décision du gouvernement une fois le rapport du BAPE
déposé. Il y a beaucoup de démarches administratives qui
se passent à cette étape, quand on les regarde dans le
détail, qui pourraient être préparées à
l'avance pour que le gouvernement puisse agir rapidement.
Mme Pelchat: Six à huit semaines, c'est beaucoup plus
court que ce qu'on fait en ce moment. C'est important cette
étape-là.
Mme Pageau Goyette: C'est tellement important dans la
réalisation d'un projet, surtout aujourd'hui, avec la concurrence
internationale, avec la concurrence mondiale; ou vous prenez l'avance, ou il
est trop tard pour faire le projet.
Mme Pelchat: Là-dessus, c'est important, madame, ce que
vous dites. Je ne veux pas faire un rapprochement avec l'Association des
manufacturiers, mais on nous a reproché un peu et, hier, on nous a
brandi le spectre de faire fuir les investisseurs avec la procédure
d'évaluation telle qu'on la connaît. Moi, je suis
particulièrement sensible à ça. Il y a d'autres personnes
qui nous ont dit hier, avant eux: Non, il n'y a aucun lien et la
procédure telle qu'elle est ne fait pas fuir les investisseurs. Si elle
était améliorée et précisée, elle aurait le
mérite peut-être de les attirer un peu plus. Mais, est-ce que vous
croyez que la procédure d'évaluation d'impact du Québec
telle qu'elle est en ce moment fait fuir les investisseurs?
Mme Pageau Goyette: Le fait qu'il y ait une procédure ne
fait pas fuir les investisseurs. Le fait que les règles du jeu ne soient
pas connues, ça ça fait fuir les investisseurs. C'est
évident que, lorsqu'on change d'avis en cours d'audiences, c'est bien
sûr que ça rend les choses incertaines. Vous savez, dans le monde
des affaires, ce genre de trucs, ce n'est pas facilement acceptable. Si les
règles du jeu sont claires, si les délais sont clairs, si les
normes sont claires, si on connaît d'avance ce dans quoi on s'engage,
moi, je pense très sincèrement - et les investisseurs nous l'ont
dit également - qu'il n'y aura pas de danger. Mais, évidemment,
il faut que ce soit appliqué non pas dans la confrontation et la
chicane, mais vraiment dans un processus où on veut collectivement
résoudre nos problèmes de développement.
Mme Pelchat: Comment peut-on le faire sans le faire dans la
confrontation et la chicane?
Mme Pageau Goyette: Ce qu'on propose, nous, c'est de mettre le
BAPE beaucoup plus tôt dans le processus, d'avancer l'implication du BAPE
dans le processus et d'y aller progressivement; donc dès le début
du projet, le plus tôt possible dans le projet pour qu'on puisse cheminer
ensemble.
Mme Pelchat: C'est une très bonne suggestion, mais on
pourrait peut-être demander au promoteur aussi d'inclure les
préoccupations environnementales, lui aussi, beaucoup plus tôt
dans l'élaboration de son projet.
Mme Pageau Goyette: Je pense que ça se fait. Vous
comprendrez bien qu'il y a cinq ans il n'y a pas grand monde qui pensait
vraiment aux préoccupations environnementales de façon aussi
pointue qu'on le fait maintenant. Sauf que c'est devenu une fonction de
l'entreprise maintenant au même titre que la comptabilité,
l'administration ou quoi que ce soit et c'est entré maintenant dans les
moeurs. Je ne vous dis pas que c'est parfait, je vous dis que c'est en marche.
Si, de l'autre côté, le ministère de l'Environnement peut
devenir un peu moins vert et un peu plus administratif, je pense qu'on va
probablement cheminer tous ensemble.
Mme Pelchat: Je suis bien contente que vous qualifiiez le
ministère de l'Environnement de vert et que vous souhaitiez qu'il soit
moins vert. Il y a d'autres intervenants qui souhaitent qu'il soit plus
vert.
Mme Pageau Goyette: Ça dépend dans quel cas.
Mme Pelchat: Entre le vert foncé et le vert pâle, je
suis certaine qu'on va trouver une couleur mitoyenne qui va satisfaire...
Mme Pageau Goyette: C'est parce que le ministère doit
être vert. Il ne doit pas être coercitif. Voilà.
Mme Pelchat: Merci.
Mme Pageau Goyette: Ça me fait plaisir. Mais on se
comprend bien? Parce que notre dernière recommandation est très
importante. Nous sommes prêts à soumettre les projets de grande
envergure aux audiences publiques, mais à la condition que tout le reste
soit bien clarifié
et bien nettoyé. Pour nous, c'est bien important que vous
compreniez ça.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux saluer Mme
Pageau Goyette et ses collègues...
Mme Pageau Goyette: M. Lazure, ça me fait plaisir.
M. Lazure: ...et les remercier pour leur présence, pour
leur travail. Le langage que Mme Goyette utilise au tout début de ses
remarques nous est tout à fait acceptable, et même plus, c'est le
langage que nous utilisons aussi, à savoir qu'il n'y a pas de
contradiction et qu'il ne doit pas y avoir de compétition - c'est le cas
de le dire - entre les efforts pour bien préserver l'environnement et
les efforts pour bien développer économiquement le
Québec.
Avec cette base qui réconcilie tout le monde, je trouve un peu
inutile ce que j'appelle une charge que vous faites. Vous faites une charge un
peu à fond de train contre le BAPE, lorsque vous dites que le BAPE est
devenu un tribunal de répression - ce sont vos termes. Je trouve que
c'est fort. Je trouve que c'est fort parce que c'est... Il faut faire
attention. Le BAPE, vous l'admettez vous-même dans votre mémoire,
on va en avoir besoin, on en a besoin du BAPE. Alors, à quoi ça
sert d'essayer de le discréditer, dans le fond? Je comprends que ce
n'est peut-être pas votre intention, mais quand vous parlez d'un tribunal
de répression, ce qui ressort à l'extérieur pour les gens
qui ont une connaissance moins intime du dossier, c'est que c'est mauvais le
BAPE, si c'est un tribunal de répression. Moi, je pense qu'il
faudrait... (10 heures)
Mme Pageau Goyette: M. Lazure ...
M. Lazure: Non. Laissez-moi terminer. Je crois que, ce que
j'appellerais le traumatisme de Soligaz, vous n'en êtes pas revenus
encore.
Mme Pageau Goyette: Et vous?
M. Lazure: Je me permets d'être... Vous parlerez
tantôt, Mme Pageau Goyette. Vous parlerez tantôt, c'est mon tour,
là. Mais, je pense qu'il va falloir en revenir de ce
traumatisme-là. Et, avec l'expérience de Soligaz, vous laissez
entendre que ça a été comme ça dans beaucoup de
projets, mais nommez-m'en, d'autres projets. Il n'y en a presque pas eu.
Ceci étant dit, vos recommandations nous paraissent tout à
fait acceptables et, si on les passait une par une, je n'aurais presque rien
à redire, sauf sur la recommandation 2 où vous parlez du fameux
"scoping". Entre parenthèses, M. le Président, il y a des mots en
français qui peuvent très bien exprimer ça; c'est du
ciblage, c'est cerner de plus près, enfin on peut prendre une locution
pour le dire, mais je ne vois pas l'intérêt de s'acharner à
utiliser ce mot, "scoping", parce que c'est à la mode aux
États-Unis ou en Ontario.
Une voix: En France aussi.
M. Lazure: Peut-être, peut-être. Mais...
Mme Pelchat: Je veux juste vous signaler que c'est utilisé
dans le rapport Lacoste, et c'est pour ça que les gens l'utilisent.
M. Lazure: Oui, mais... Bon.
Le Président (M. Garon): Le député de La
Prairie a la parole.
M. Lazure: Bon, merci, M. le Président. M. Maltais:
Voulez-vous le laisser tranquille!
M. Lazure: Merci, M. le député de Saguenay.
Sérieusement, je m'arrête à cette recommandation 2
où on est d'accord avec la nécessité d'avoir cette
étape où on cerne, où les parties cernent mieux les enjeux
de la directive, mais vous ne parlez pas de l'implication du public à
cette étape-là. D'autres en ont parlé. D'autres ont
parlé de l'implication du public au moment de la rédaction de la
directive.
Et au moment de l'examen plus minutieux, l'examen qui consiste en un
ciblage des principaux enjeux, est-ce qu'il y a une raison particulière
pourquoi vous ne parlez pas de la participation du public?
Mme Pageau Goyette: Oui, un peu ce que j'ai dit... J'aimerais
répondre à votre première charge, entre guillemets. Je
veux vous dire que nous avons toujours défendu le BAPE, toujours
défendu l'utilité du BAPE. Nous croyons qu'il doit exister. Nous
croyons que le processus doit être amélioré. Et lorsque
nous parlons du tribunal de répression qu'il est devenu, c'est que c'est
la perception que nous en avons eue, notamment avec le projet Soligaz. Et je
suis d'accord avec vous, il n'y en a pas eu d'autres. Alors, comme
c'était le premier projet industriel, on est tous sous le choc.
Espérons que nous aurons appris de ces sessions intensives et que
ça ira en s'améliorant.
Sur le deuxième aspect, je l'ai dit un peu plus tôt, tout
à l'heure, on a beaucoup parlé de l'implication du public et
à quel moment ça devait intervenir. On est resté un peu
avec une patte en l'air parce qu'on s'est dit: Le public est-il assez
préparé, assez informé, assez au courant pour pouvoir
intervenir au niveau de la directive? Ou alors, est-ce qu'on ne va pas
avoir
tous les groupes d'intérêt qui vont vouloir intervenir et
qu'on n'avancera pas finalement? La bataille va se faire déjà
à ce moment-là.
Je vous avoue que, s'il y avait une proposition bien articulée et
intelligente, on serait certainement prêt à la regarder. On n'a
pas d'opposition a priori, on a juste des réserves, à ce
moment-ci.
M. Lazure: Bon, je suis content d'entendre ça. Un des
avantages de l'implication du public au départ, c'est que, dans la
directive, le promoteur saura déjà à ce moment-là
quelles sont les préoccupations environnementales de la population. Et
je pense qu'au lieu de perdre du temps, ça peut nous faire gagner du
temps sur le processus global.
Mme Pageau Goyette: Peut-être, mais permettez encore.
À cette étape-là, est-ce que le public aura suffisamment
d'information? Il m'ap-pert, à moi, que... Je ne pense pas. Je ne pense
pas qu'il aura l'étude d'impact. Je ne pense pas qu'ils auront en main
les outils nécessaires pour faire avancer cette question-là.
Alors, j'ai encore des réserves, M. Lazure.
M. Lazure: Toujours sur la question des directives, vous dites,
à la page 16: Limiter la portée des directives aux seuls grands
enjeux environnementaux du projet, élaborer et émettre un guide
de référence des études susceptibles d'être
exigées dans les directives. Est-ce que vous avez des exemples de ces
sujets complexes que les promoteurs doivent étudier? Vous dites, dans le
fond: limitons ça à des grands enjeux environnementaux.
Mme Pageau Goyette: Oui, plutôt que d'aller dans le petit
détail. C'est qu'il faudrait toujours ramener les audiences aux grands
enjeux environnementaux.
M. Lazure: Oui, mais, dans un cas particulier, qui va identifier
ces grands projets environnementaux?
Mme Pageau Goyette: J'imagine que, si on parle d'une usine de
pâtes et papiers, on va penser aux rejets. Si on pense à ces
grands enjeux-là, donc à la pollution des cours...
M. Lazure: Ça nous fait déboucher sur quelque chose
de sectoriel. Est-ce que vous iriez jusqu'à préconiser un examen,
une évaluation secteur par secteur? Disons, dans le cas d'une usine de
pâtes et papiers, qu'on ferait une évaluation sur les aspects, je
dirais, génériques d'une usine de pâtes et papiers.
Mme Pageau Goyette: II y a déjà comme un processus
dans ce sens-là, en tout cas il me semble, tout au moins quand on
établit les normes et tout ça.
M. Bérubé (Gilles): Je peux peut-être
l'expliquer, moi.
Mme Pageau Goyette: Oui, vas-y. Les spécialistes sont
meilleurs que moi là-dedans.
M. Bérubé: II existe déjà des
mécanismes qui permettent tranquillement d'aller vers le détail.
Lorsqu'on obtient le décret du gouvernement, en vertu des articles 31 et
suivants, normalement on autorise le concept d'aménagement dans son
ensemble, on n'autorise pas les toilettes, on n'autorise pas les menus
détails. Les certificats d'autorisation du ministre qui sont émis
par la suite ont pour but d'autoriser le détail d'ingénierie et
de construction. Alors, je crois que déjà il y a des
mécanismes pour le détail. Nous croyons que ça serait
important que les audiences publiques et tout le processus soient guidés
par ces grandes lignes là que devraient être les grands enjeux
environnementaux de manière à ce que, ensuite, le processus
puisse aisément - et comme il devrait le faire - s'intéresser aux
plus menus détails qui, selon nous, ne devraient pas intéresser
la population en général.
M. Lazure: Dans...
Mme Pageau Goyette: C'est bien dit.
M. Lazure: ...vos remarques sur la mise en vigueur de l'article
2, les grands projets industriels, vous dites: Oui, à la condition qu'on
ajoute des seuils quant aux tailles des projets à assujettir.
Pouvez-vous nous expliquer un peu ce que vous entendez par des seuils?
Mme Pageau Goyette: Nous disons...
M. Lazure: Quand il s'agit de marinas, on peut dire: En bas de
100 bateaux, on ne s'en occupe pas. Mais, dans le cas de grands projets
industriels, vos seuils, ça serait quoi?
Mme Pageau Goyette: Peux-tu répondre sur les seuils?
M. Lundahl: Oui, je vais répondre, si vous me le
permettez. En fait, l'article 2n, tel qu'il est rédigé
actuellement, énumère une série d'industries: par exemple,
on y trouve les alumineries, l'industrie pétrochimique, les usines de
pâtes et papiers. En général, les usines qui tombent sous
le coup de cette description sont de grandes usines, mais il peut y avoir des
exceptions.
M. Lazure: Oui, d'accord.
M. Lundahl: On peut imaginer, par exemple,
un atelier pétrochimique de faible envergure qui fait une
transformation d'un produit très spécialisé quelque part.
Nous pensons que, dans ce cas-là, la procédure serait
démesurée par rapport au projet. Alors, je ne peux pas
répondre spécifiquement au cas par cas, c'est un groupe de
travail technique qui devrait le faire, mais l'esprit de cette recommandation,
c'est d'éviter que des projets industriels de petite taille et sans
grande répercussion sur l'environnement soient assujettis à une
procédure lourde du seul fait qu'ils tombent dans la catégorie
générale énumérée dans l'alinéa petit
n.
M. Lazure: Sur la nomination des membres du BAPE, moi, en tout
cas, je concours avec vos remarques. Il serait important que le gouvernement
tienne compte de l'expertise dans différents domaines, dans la
composition du Bureau d'audiences publiques. Ça, vous avez tout à
fait raison. Est-ce que vous avez une opinion sur la façon dont le
président du BAPE pourrait être nommé?
Mme Pageau Goyette: Oui, on a vu ça dans vos questions.
Pas vraiment. Il y avait une proposition qu'il soit nommé aux deux tiers
des votes de l'Assemblée nationale. Est-ce que c'est si important que
ça? Je ne le pense pas. Jusqu'ici, on n'a pas de reproche à faire
à ce processus-là, à moins que vous ayez des cas qui nous
ont échappé. Pour nous, ce n'était pas un enjeu.
M. Lazure: Plusieurs nous ont fait remarquer - pas
nécessairement les gens qui sont venus hier, mais dans la
totalité des mémoires - qu'il y a eu plusieurs mois
d'intérim, des membres nommés...
Mme Pageau Goyette: Oui.
M. Lazure: II y a eu un climat d'incertitude...
Mme Pageau Goyette: Oui, effectivement.
M. Lazure: ...dans le BAPE, depuis quelque temps.
Mme Pageau Goyette: Oui.
M. Lazure: Et d'autre part, vous le dites vous-mêmes, si
vous vous donnez la peine de préciser qu'il faudrait avoir des gens
d'expertises diverses dans ce Bureau-là, probablement que ce n'est pas
le cas actuellement. Peut-être que c'est un peu...
Mme Pageau Goyette: Là, ce qu'on dit, c'est que,
dépendamment de l'audience en cours, il serait intéressant
d'avoir un expert de ce secteur d'activité à la commission pour
qu'il comprenne bien le secteur d'activité sur le plan technique, pour
qu'il soit capable d'en parler, de comprendre les impacts, les enjeux, les
tenants, les aboutissants. C'est un peu ce qu'on dit. Quant au processus de
nomination, je vous avoue qu'on ne s'y est pas vraiment arrêtés.
Bien sûr, ce flottement, cette incertitude, ça fait partie de tout
ce qui a entouré les audiences publiques et de tout ce qui
inquiète les investisseurs, de tout ce qui nous énerve. Tu sais,
quand tu ne sais pas où tu vas et que tu n'es pas capable de faire ta
planification de façon intelligente, ce n'est pas pratique pour
personne.
M. Lazure: Merci.
Le Président (M. Garon): Merci. M. le député
de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Mme Pageau Goyette, on
sait que votre organisme est quand même un organisme qui regroupe
beaucoup d'entreprises dans la région de Montréal. Donc, c'est un
organisme à vocation économique. Est-ce que vous êtes
d'accord un peu avec l'Association des manufacturiers qui était ici,
hier soir, et qui nous déclarait, et je cite: "...mais nous, ce que nous
avons réussi, je pense, ici, au Québec, depuis une
décennie, c'est à entreprendre un dialogue effectif entre vous -
il parlait de nous, à ce moment-là, le gouvernement, j'imagine,
ou l'État - les décideurs du gouvernement, et nous, les
manufacturiers. Pour répondre à votre question, je pense que
vraiment le Québec est un bon endroit où investir maintenant et
qu'il le sera dans l'avenir"?
Mme Pageau Goyette: Je le pense aussi. M. Maltais:
Êtes-vous d'accord avec ça?
Mme Pageau Goyette: Oui, nous le croyons sincèrement. Ce
que nous vous demandons, c'est non pas d'abolir ou de remplacer la
procédure et le BAPE, nous demandons de l'améliorer, ce qui est
très différent. Quant à nous, le Québec est une
terre promise, Montréal en particulier, M. Garon, Montréal en
particulier.
M. Maltais: Mais comment concilier ça avec votre
déclaration?
Le Président (M. Garon): Ça vous prend un
Moïse, là!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Pageau Goyette: Nous continuons de l'attendre. Excusez-moi,
M. le Président.
M. Maltais: Mme Pageau, comment concilier votre réponse,
maintenant, avec votre déclaration du 30 août qui dit que les
exigences de l'envi-
ronnement font fuir les investisseurs au Québec?
Mme Pageau Goyette: Nous pensons que, si les procédures
sont améliorées, nous resterons une terre promise. Je veux dire,
nous sommes une terre promise, mais si ça reste dans l'incertitude comme
ça, c'est certain qu'on va avoir de plus en plus de difficultés.
J'ai des exemples qui m'ont été soumis durant l'année de
gens très simples, de gens qui ont fait décontaminer des terrains
avec l'appui du ministère, avec l'accord du ministère, qui ont
fait vérifier leurs choses, qui ont reçu des approbations
verbales, mais, neuf mois plus tard, ils ne peuvent toujours pas bâtir
sur leur terrain. Alors, c'est de ce genre de trucs que nous parlons.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie, Mme Pageau
Goyette...
Mme Pageau Goyette: Ça me fait plaisir.
Le Président (M. Garon): ...puisque le temps dévolu
à notre commission pour vous entendre est terminé, ça m'a
fait plaisir de vous entendre. Les gens vous ont trouvée, aujourd'hui,
beaucoup plus sereine que lors de la rencontre que nous avions eue avec M. Ryan
il y a quelques semaines.
Mme Pageau Goyette: Ah ouais! Je vais vous dire... Non pas que le
sujet soit plus facile aujourd'hui, hein?
Le Président (M. Garon): Alors, je suspends la commission
pour quelques instants afin de passer ensuite au groupe du Centre international
des grands projets.
(Suspension de la séance à 10 h 13)
(Reprise à 10 h 16)
Le Président (M. Garon): Nous accueillons le Centre
international des grands projets et M. Pierre Gaudreau, président, avec
M Armand Couture, j'imagine, puisque c'est les noms que nous avons ici, sont
devant nous. Vous avez une demi-heure, dont 10 minutes pour présenter
votre projet, 10 minutes aux libéraux, 10 minutes aux
représentants du Parti québécois. Si vous en prenez moins,
ils en auront plus et, si vous en prenez plus, ils auront moins de temps
à partager également. M. Gaudreau.
Centre international des grands projets
M. Gaudreau (Pierre): Je vous remercie beaucoup. Je vous remercie
Mmes et MM. les membres de la commission et députés de
l'Assemblée nationale. Je voudrais commencer par présenter M.
Couture qui est ici avec nous, qui est un personnage bien connu dans notre
milieu.
M. Couture est actuellement vice-président principal du groupe
SNC-Lavalin. M. Couture est aussi président fondateur et administrateur
actuel du Centre international de recherche et de formation en gestion des
grands projets. Il est membre du comité de gérance de la
Société d'énergie de la Baie James. Il est
président du comité Mercure. Il a été
président du comité d'experts en environnement de la
Société d'énergie de la Baie James lors de la phase I du
projet de la Baie James.
Alors, je vais passer outre à la présentation de notre
centre, compte tenu qu'elle est déjà faite dans le mémoire
que nous avons soumis à la commission. Le principal objectif du Centre
GP est de doter les décideurs d'ici et d'ailleurs d'instruments leur
permettant de travailler de manière plus cohérente et plus
efficace à l'amélioration des conditions de vie et au
bien-être général de la population. Ainsi, nous souscrivons
pleinement au concept de développement durable tel que mis de l'avant
par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement.
Par contre, il ne faut pas demander, lors de l'étude d'un projet
d'évaluation, des effets ayant des dimensions planétaires qui ont
peu de rapport avec le projet a l'étude. Mais il est évident que
l'intégration de la dimension environnementale dans le
développement économique considéré dans son
ensemble ne se réalisera pas sans des changements profonds d'attitudes
et sans la mise sur pied, par les gouvernements, d'outils d'analyse et de
procédés d'encadrement vraiment efficaces.
Un exemple qui doit venir de haut. En fait, pressées par les
pouvoirs publics et par l'opinion, les entreprises doivent apprendre à
intégrer la dimension environnementale dans leur cycle complet
d'opération et dans l'ensemble des processus de réalisation des
projets. Si tout le monde accepte d'emblée le bien-fondé d'une
telle exigence, en pratique, les changements sont difficiles à
opérer et, surtout, les résultats ne correspondent pas toujours
aux attentes. Il faut dire que nos entreprises ne sont pas toujours
équipées pour soutenir un débat et répondre
à des objections qui débordent largement l'aspect technique de la
question et s'inspirent de considérations beaucoup plus vastes qui se
réfèrent même souvent à des choix de
société.
Lors de l'adoption d'une planification de développement dans un
secteur spécifique, il pourrait tout aussi bien y avoir des
études d'impact environnemental pour éviter de discuter des choix
de société lors de l'analyse d'un projet spécifique.
À titre d'exemple, lors de l'évaluation d'un projet d'aluminerie
ou d'affinerie de cuivre, devons-nous étudier la tarification de
l'électricité? À date, on vit probablement ces situations.
Nous, il nous semble que ces points devraient être étudiés
plus tôt, lors de l'évaluation de la
politique énergétique de la province, par exemple. Ce
serait peut-être un moment beaucoup plus approprié pour faire une
telle évaluation.
Au surplus, au gouvernement, malgré les quelques changements
apportés au fil des ans, il faut composer avec une structure qui isole
encore trop la préoccupation environnementale en la laissant en
périphérie de la mission économique.
Il nous apparaît donc que le gouvernement doit examiner son
organisation et ses modes de fonctionnement de manière à
réaliser lui-même cette intégration et la
problématique environnementale dans l'ensemble des planifications et
ainsi en faire la préoccupation de tous les gestionnaires publics aux
plus hauts niveaux.
C'est seulement de cette manière qu'il sera en mesure d'encadrer
et de gérer un débat si fondamental pour notre
société et de le faire déboucher sur un
développement véritable dont les composantes seront enfin
acceptées par l'ensemble de la population. Ces débats de
société ne devraient normalement pas être imposés
à des promoteurs de projets spécifiques.
Si le rôle et la mission du ministère de l'Environnement
auraient probablement avantage à être resserrés dans le
contetxte des orientations définies plus haut, c'est surtout le mode
d'exercice de certaines de ses responsabilités qui mérite une
révision.
Dans l'esprit des recommandations formulées dans le rapport
Lacoste, nous insistons sur la nécessité pour le ministère
de fixer des délais précis et de raccourcir la durée
totale de la procédure, de même que sur le besoin impérieux
de rechercher un partage plus clair des responsabilités et une plus
grande cohérence d'action entre les différents
ministères.
Enfin, il nous paraît important que soit amplifié le
rôle central du ministère de l'Environnement à
l'égard du progrès des connaissances et des techniques, du
perfectionnement des outils de vérification et de la diffusion des
données et de l'information accumulées. Il nous apparaît
essentiel de réaffirmer le principe: La réalisation des
études d'impact doit demeurer chez les promoteurs de projet. Cependant,
le ministère de l'Environnement doit servir de source d'expertise pour
les promoteurs et, en plus, demeurer un maître d'oeuvre de la
procédure d'évaluation.
Pour ce qui est du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, il
doit également continuer à jouer son rôle en matière
d'information et de consultation de la population. En conformité avec ce
que nous disons plus loin sur l'élargissement du débat public, sa
mission doit même être étendue. Nous pensons notamment
à un rôle de médiation, sur mandat ministériel,
mieux défini et encadré.
On devrait néanmoins revoir la composition du Bureau de
manière à garantir à la fois la présence d'une
expertise technique suffisante selon le type de projet étudié et
une représentation équitable et équilibrée des
principaux groupes et courants d'opinion. Ceci implique qu'il devrait y avoir
une représentation des planificateurs du secteur économique
concerné a l'intérieur même du processus de consultation
publique. Il faut éviter la tendance actuelle de demander que tous les
plans soient soumis avant l'émission des permis. Les plans à
soumettre devraient plutôt être les plans de faisabilité et
non pas ceux d'exécution.
Les grandes lacunes et les principaux défauts du système
ont déjà été bien indentrfiés dans le
rapport Lacoste. Nous voulons insister, pour notre part, sur
l'imprécision des délais, la longueur de la procédure, le
manque de rigueur dans les directives et l'absence de communication et de
cohérence entre les différents intervenants gouvernementaux.
Par ailleurs, la consultation dans la population arrive trop tard. Au
moment où sont convoquées les audiences publiques, le promoteur
est déjà passablement avancé dans ses travaux et les
audiences prennent alors trop souvent la forme d'un procès en
règle du projet, ce qui va bien au-delà de l'analyse des impacts
environnementaux proprement dits.
Pour ce qui est des projets assujettis, il nous paraît clair que
la liste des projets soumis à la procédure
québécoise doit être révisée pour inclure
essentiellement ceux qui sont susceptibles d'avoir un impact réel. On a
juste à regarder l'ensemble de nos projets pour voir rapidement qu'il y
a des projets qui se réalisent qui ont beaucoup plus d'impact que ceux
qui sont inclus ou soumis actuellement aux études d'impact.
Dans le même esprit, l'alinéa n de l'article 2 du
règlement visé, qui concerne les grands projets industriels,
devrait être mis en vigueur à l'exemple de ce qui se fait ailleurs
au Canada comme aux États-Unis, ceci, par contre, en autant que les
principes énoncés précédemment soient retenus.
En conclusion, aucune société ne peut progresser et
évoluer sans un minimum de projets de développement. La notion de
développement durable à laquelle nous adhérons pourra
s'appliquer quand nous aurons trouvé l'équilibre entre cette
nécessité de développement des sociétés et
la prise en compte rigoureuse et efficace du patrimoine physique et humain
à sauvegarder.
Dans cette perspective, il nous faut toujours garder à l'esprit
que les législations et les procédures d'évaluation
environnementale ne doivent pas être utilisées pour bloquer le
développement, mais pour que les projets deviennent acceptables à
ceux et celles qui sont concernés, qu'ils émanent du consensus le
plus large possible et provoquent une mobilisation de nos meilleures
ressources. Donc, le droit au développement doit être
considéré dans tout le processus
d'évaluation tout comme le droit de protection de l'environnement
de façon à le rendre compatible.
Mesdames et messieurs, cette présentation résume, en fait,
le contenu de notre mémoire.
Le Président (M. Garon): m. gaudreau, vous avez un
chronomètre dans la tête parce que vous avez pris exactement le
temps prévu. c'est rare. m. le député de saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. MM. Couture et
Gaudreau, je tiens à vous remercier d'abord pour votre présence
ici et l'intérêt que vous avez porté à cette
commission. Je vous remercie aussi pour la qualité de votre
mémoire et surtout pour votre expertise dans le domaine. Ce n'est pas
tous les jours qu'on rencontre des personnes qui ont été
mêlées de près, et d'aussi près, aux grands
développements, aux grands projets au Québec.
Dans votre mémoire qui, somme toute, est très positif,
c'est rafraîchissant de voir des gens qui ont un certain optimisme. Vous
pariez également du développement durable, chose à
laquelle l'ensemble des palementaires ici souscrivent tentant par tous les
moyens de coordonner une certaine action gouvernementale vis-à-vis du
développement durable.
Dans votre mémoire aussi, vous nous indiquez que l'appareil
gouvernemental devrait commencer par donner l'exemple. Nous sommes tout
à fait d'accord avec vous. Quoi qu'on en dise ou qu'on en pense, nous
aussi, on croit que l'exemple doit venir d'en haut. Vous savez, si
Notre-Seigneur n'avait pas été crucifié sur la croix, il
aurait eu de la misère à nous faire avaler bien des choses.
Pourriez-vous nous donner un peu des exemples? Comment vous voyez ça,
vous, dans vos secteurs et quelle est la marche que le gouvernement n'a pas
franchie encore?
M. Gaudreau: À ce sujet-là, au niveau de
l'intégration gouvernementale, on peut penser à deux
ministères qui nous viennent tout de suite à l'esprit. Si on
parle d'interrelation, on peut penser au ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche et on peut penser au ministère de
l'Agriculture. Actuellement, si on regarde ce qui se passe, il ne semble pas
évident aux yeux de tous qu'entre le ministère de l'Environnement
et le ministère de l'Agriculture il y ait une concertation très
très étroite, et on peut peut-être dire la même chose
avec le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Est-ce
que ça, ça n'amène pas une certaine forme de duplication
dans une certaine mesure ou une certaine forme d'incohérence au niveau
des démarches à suivre ou des demandes respectives de chacun?
À ce sujet-là, on peut penser à la CPTAQ, par exemple, qui
a un mandat de recommandation sur l'utilisation des terres agricoles. Il nous
semble que ces démarches ou ces préoccupations sont très
près du domaine de l'environnement. Alors ça, c'est strictement
à titre d'exemple et, si on creuse un petit peu, on peut en trouver
plusieurs comme ça. (10 h 30)
M. Maltais: D'accord. Contrairement à d'autres groupes qui
sont venus depuis le début de la commission, vous êtes satisfaits,
en fait, du rôle du BAPE, sauf que vous recommandez certaines
améliorations. Je pense que c'est le but de la commission
également. En dehors des recommandations précises que vous y
mettez dans le mémoire, est-ce que vous avez d'autres choses? Je ne sais
pas, de quelle façon le BAPE pourrait mieux fonctionner, pourrait mieux
répondre aux attentes des grands développeurs, et ce, toujours en
conformité avec votre esprit de développement durable?
M. Gaudreau: Sur ce point-là, je demanderais
peut-être à M. Couture, qui a une longue expérience dans le
domaine, de vous fournir certains commentaires.
M. Couture (Armand): Mon commentaire là-dessus serait sur
le fonctionnement des structures et non pas sur leur bien-fondé. Leur
bien-fondé est bien admis, je pense, par tous les intervenants du
milieu, mais le fonctionnement est remis en cause à l'occasion. Si on
fait un débat de société, est-ce que ça doit
être la responsabilité d'un promoteur d'un petit projet
particulier de faire le débat de société? Ça, ce
n'est pas approprié. Dans le fonctionnement, il faut séparer les
problèmes qui sont reliés à la planification
générale d'un secteur d'activité économique du
débat qui doit s'exercer sur un projet donné. Ce n'est pas quand
on vient pour poser un pylône de transport d'énergie qu'on doit
débattre la politique d'exportation d'énergie, c'est
inapproprié. Ce n'est pas lorsqu'on veut faire un projet dans le secteur
des pâtes et papiers qu'on doit prendre le débat de
société sur la norme qui doit s'appliquer aux émissions du
secteur des pâtes et papiers dans la province. Alors, il faut
séparer les débats. Il faut que le BAPE soit responsable de bien
cibler le débat pour ne pas déborder le secteur qui est de la
responsabilité du promoteur d'un projet. Ce n'est pas, par exemple,
lorsqu'on veut faire un pylône de pont ou une fondation de pont dans la
rivière des Prairies qu'on doit débattre le "Green House Effect"
au niveau planétaire, ce n'est pas approprié.
Alors, la plus grande recommandation qu'on pourrait faire, c'est de dire
que les débats doivent être organisés au niveau des
responsabilités. Si on parle de planification d'un secteur
économique, on peut débattre ça. On peut débattre
la politique énergétique et le taux d'électricité
qui doit être facturé à l'industrie. Mais le promoteur
lui-même qui vient faire approuver son projet d'une centrale thermique
ou
d'une centrale hydraulique ou qui doit venir faire approuver un projet
de cogénération ne devrait pas avoir à débattre la
politique énergétique dans son ensemble. Il faut qu'on
sépare le débat au niveau du fonctionnement des organismes
d'approbation de projets pour qu'il soit bien ciblé et que ce soient les
planificateurs qui débattent la planification et que ce soient les
promoteurs qui aient à débattre leur projet particulier dans le
cadre d'une politique qui a été déjà
approuvée au niveau gouvernemental. Donc, d'où le besoin d'avoir
une meilleure collaboration entre le ministère des Transports et le
ministère de l'Environnement, et le ministère de
l'Énergie, et les autres ministères qui ont été
mentionnés par M. Gaudreau.
M. Maltais: Ce que vous dites là est tout à fait
juste et on est habitué un peu à ça, au Québec.
Dès qu'il y a un grand projet qui est mis sur la place publique,
finalement, souvent ce n'est pas les impacts environnementaux qui sont
considérés par le public, mais bien toute une panoplie de choses
qui l'entourent et dans lesquelles le promoteur ne se retrouve plus parce que
ce n'est pas tout à fait ça qu'il avait demandé. Le
débat se fait souvent à côté des raisons
réelles et à côté de la demande du promoteur. Alors,
le rôle du BAPE, est-ce que vous le verriez plutôt sectoriel?
Comment le BAPE peut-il se sortir de ce carcan-là et de cette
procédure-là, une procédure habituelle que le public ou la
presse a enclenchée? Comment le BAPE peut-il se sortir de ça pour
donner l'heure juste à tout le monde?
M. Couture: Par des règles de fonctionnement
appropriées au débat qui lui est soumis. Le BAPE, pour moi, c'est
l'organisme privilégié pour faire de la consultation publique.
Alors, on dit: Le BAPE, il a un rôle; c'est qu'il sort un projet, ou une
politique, ou un ensemble de principes généraux à
être approuvés. Il les sort de l'organisme gouvernemental comme
tel, il les sort du promoteur et il les met sur la scène publique pour
débat, de sorte que tous les intervenants, les plus
intéressés et les moins intéressés, ceux qui
veulent s'opposer et ceux qui sont en faveur, puissent faire valoir leur point
de vue. Le BAPE, ce qu'il doit faire, c'est fonctionner dans un cadre où
les débats ne sont pas mêlés entre eux. J'abonde
entièrement dans ce que vous venez de commenter.
M. Maltais: Merci.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition,
je veux saluer la contribution de votre groupe et féliciter M. Gaudreau
et M. Couture pour la qualité de leur mémoire.
Je commencerais par, justement, le sujet que vous venez d'aborder avec
le député de Saguenay. Vous avez mille fois raison de dire que ce
n'est pas à un promoteur spécifique qu'incombe la
responsabilité de défendre telle ou telle politique
générale. C'est dommage que ça se fasse à
l'occasion d'audiences particulières sur un projet particulier. Si
ça se fait, c'est parce qu'il n'y a pas de débat public sur les
grandes politiques. Il devrait y en avoir.
La question que je vous pose, c'est: Quelle sorte de forum verriez-vous,
quelle sorte d'organisme pourrait présider et animer ces débats
publics sur des grandes questions, que ce soit la politique industrielle du
Québec, que ce soit la politique énergétique du
Québec? On pourrait donner plusieurs exemples, mais comment verriez-vous
ces débats-là? Aussi longtemps que ces débats-là ne
se feront pas dans un forum bien précis, il y aura au BAPE, à
l'occasion de projets individuels, des discussions existentielles. Il y en
aura. Comment voyez-vous la tenue de ces grands débats?
M. Couture: C'est une question qui relève, disons, de la
politique gouvernementale, comment débattre publiquement ces projets.
J'ai assisté à de nombreuses commissions parlementaires sur
l'énergie, dans lesquelles il y avait une foule d'intervenants. La
politique énergétique était discutée en long et en
large et on discutait à savoir si on devait faire des projets
hydroélectriques ou pas. À la suite de ces commissions-là,
on approuvait un plan d'équipement, on approuvait une politique
énergétique, on privilégiait une sorte de
développement plutôt qu'une autre. Je pense qu'il y a des forums,
qui ne sont pas nécessairement la consultation par le biais du BAPE, qui
doivent servir à établir les grandes politiques.
Si vous prenez dans le domaine des papeteries, on a vu que le
ministère de l'Environnement, lui-même un intervenant, a
établi des normes récemment sur les émissions, et il peut
y avoir un débat ou pas de débat public sur ces normes-là.
Est-ce qu'on doit le faire ou non? C'est une question de politique. Comment
est-ce qu'on doit le faire? Est-ce qu'il doit y avoir des consultations
publiques dans le cadre des commissions parlementaires sur l'énergie ou
sur autre chose? Est-ce qu'il doit y avoir des consultations publiques
lorsqu'on établit les normes des émissions des industries
papetières? C'est une question à décider. Mais, chose
sûre, c'est que ce n'est pas par le biais d'une demande d'approbation
d'un petit projet en particulier qu'on doit faire ces
débats-là.
Alors, je dis, la politique gouvernementale, qu'elle passe par une
meilleure coordination entre le ministère de l'Environnement et les
autres ministères à vocation économique pour
établir comment se fait le débat public. Je pense qu'il se fait
à l'intérieur de commissions parlementaires.
Si ce n'est pas suffisant au niveau consultation, on doit aller plus
loin, mais on ne doit pas reprendre tout ça au niveau de l'approbation
d'un projet particulier.
M. Gaudreau: Si je peux me permettre aussi, M. le
député, en fait, le gouvernement actuel fait des consultations
à partir de certaines formes. Il est peut-être possible que ces
consultations-là puissent être plus étendues qu'elles ne le
sont. Je ne voudrais pas argumenter sur ce point-là. Mais je pense qu'il
restera toujours qu'il y aura des groupes ou des individus, soit pour des
intérêts collectifs ou autres, qui utiliseront les
procédures actuelles du BAPE pour véhiculer une idée ou
chercher à faire passer un objectif que ces organismes-là peuvent
avoir. Pour eux, le BAPE devient une plate-forme pour se faire entendre.
C'est dans ce sens-là que l'on dit qu'au niveau des
procédures du BAPE, il y aurait peut-être à resserrer les
critères pour avoir accès ou pour amener des interventions lors
d'audiences, de façon à ce que ces interventions-là soient
bien ciblées en fonction de l'objectif des audiences en question et non
pas déborder sur des sujets qui sont complètement en
parallèle.
M. Lazure: Justement, dans cette opération du ciblage,
est-ce que vous voyez la participation du public de manière plus
précoce, non pas, encore une fois, dans un cadre très vaste d'une
politique générale, mais sur le projet précis pour telle
ou telle localité, telle ou telle région? Qu'est-ce que vous
pensez d'une implication plus précoce du public au moment de la
directive, par exemple?
M. Couture: Nous sommes très favorables à
établir l'approbation des principes dans un processus avant que les
promoteurs aillent dépenser des fortunes pour être capables de
faire des études d'impact ou être capables de définir leurs
projets. Il y a un très grand avantage pour les promoteurs, que ce soit
dans le secteur industriel, de dire: Le principe qu'on accepte de construire
des alumineries au Québec est établi séparément du
problème particulier d'un promoteur qui veut le faire sur un site
donné. Alors, si on regarde les autres secteurs, on dit: Est-ce qu'on
veut faire l'exportation d'énergie outrefrontières? Eh bien, on
devrait décider ça bien avant que les plans des pylônes
soient établis. Mais, par le procédé d'approbation de
l'emplacement des pylônes, qu'on vienne rediscuter de cette politique
générale de l'exportation d'énergie ou de la façon
dont on va produire l'énergie... Parce qu'on veut faire un pylône
quelque part, actuellement, mais on remet en cause non seulement la politique
d'exportation d'énergie, mais aussi la manière dont on va
produire l'énergie et l'endroit où on va le faire.
Alors, il faut que ces problèmes-là soient
séparés. Si on veut discuter de la politique d'exportation
d'énergie, qu'on fasse ça à l'extérieur du cadre
d'un projet particulier qui est de dire: On va planter des pylônes dans
l'Estrie.
M. Morin: M. le Président...
Le Président (M. Garon): M. le député de
Dubuc.
M. Morin: Alors, pour continuer dans le même sens que le
collègue vient de vous interroger, sur l'implication du public un peu
plus tôt dans le processus, soit au niveau de l'élaboration des
directives, vous semblez souscrire à cette idée, enfin. Sauf que
ce que j'ai de la difficulté à comprendre, c'est lorsque vous
semblez conclure, dans votre mémoire, que cela pourrait avoir pour effet
d'amener le ministre... lui faciliter la tâche lorsqu'il a à juger
du sérieux ou de la frivolité des demandes d'audiences publiques.
Ça, j'ai de la misère à cerner le lien entre les deux
parce que, même si les intervenants, la population est impliquée
plus tôt, voire même dans l'élaboration du cahier de
directives, je ne vois pas comment le ministre serait mieux placé pour
juger une demande d'audiences est d'un organisme ou de quelqu'un qui s'est
impliqué lors de la préparation de la directive, ou de quelqu'un
qui ne s'est aucunement impliqué au départ. À moins que la
Loi sur la qualité de l'environnement ne soit modifiée de
façon à préciser ou à donner des paramètres
au terme "frivolité". J'aimerais que vous m'expliquiez le lien que vous
faites entre les deux.
M. Gaudreau: Écoutez, à ce sujet-là, je
pense qu'on déborde un petit peu sur l'aspect environnemental, et puis
pourquoi c'a été apporté. C'est qu'au niveau des projets,
de plus en plus - et ça, on le voit dans la plupart des pays où
il s'en réalise, des projets - on doit maintenant envisager
l'intégration sociale des projets. Quand on mentionne que la population
doit être impliquée plus tôt dans le processus, ces
démarches-là et ces préoccupations-là, selon nous,
portent beaucoup plus sur l'intégration sociale des projets.
Au moment où ce genre de consultation là s'effectue, la
population locale, les gens vraiment affectés par la réalisation
du projet font valoir leurs préoccupations. Ça permettra
peut-être, au moment d'autres audiences qui pourraient venir plus tard
dans le processus, de mieux cerner qu'est-ce que la population locale souhaite
et ça permettra peut-être d'évaluer plus facilement des
interventions qui, au Québec, sont peut-être systématiques
lorsqu'il y a des études d'évaluation, lorsqu'il y a des
études du BAPE.
Alors, au niveau frivolité, ça permettra peut-être
d'identifier mieux les interventions par rapport aux priorités et
intérêts du milieu, et non pas des intérêts de
groupes qui n'ont
absolument pas d'intérêts avec le milieu comme tel, mais
qui pourraient utiliser les études du BAPE strictement pour faire passer
des idéologies de groupes ou des idéologies personnelles.
Alors, c'est dans ce sens-là que le terme "frivolité" a
été apporté. C'est pour mieux cerner les
intérêts discutés dans les audiences, en fonction de la
population concernée. Encore là, je ne pense pas qu'il y ait de
règle bien stricte parce que, lorsque tu as un projet, en fonction de la
nature du projet, l'impact environnemental ou l'impact social peut être
relativement limité, ou peut être relativement large. Alors,
encore là, je pense qu'il faut laisser place à ce qui est de la
marge de manoeuvre à l'intérieur de ce processus.
M. Couture: Un exemple. Si je peux me permettre d'ajouter quelque
chose, un exemple de ça, c'est que, si un projet est approuvé, un
projet industriel de 1 000 000 000 $, et qu'on vient y ajouter un bout de ligne
de cinq kilomètres de long, est-ce que, par le biais de la
procédure d'approbation de cette ligne d'énergie de cinq
kilomètres, on devra remettre tout le projet en cause, ce qu'on a
rencontré il n'y a pas longtemps ici, au Québec? Alors, on dit:
C'est frivole, à ce moment-làt de discuter, à
l'intérieur du projet d'une ligne qui a peut-être cinq
kilomètres de long, des impacts de tout le secteur industriel du
Québec. Alors, pourquoi on est obligé de passer une loi à
l'Assemblée nationale pour dire que cette ligne-là ne servira
pas, de façon frivole, à remettre en cause tout ce qui a
été décidé au cours des trois dernières
années? (10 h 45)
Le Président (M. Garon): Merci. M. le député
de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Tout à l'heure,
lorsqu'on s'est laissés, on parlait, en fait, d'une nouvelle formule du
BAPE pour améliorer son efficacité. Comment verriez-vous
ça, l'intégration des procédures d'évaluation entre
les différents ministères? Quel genre d'organisme serait capable
de faire la coordination de ça? Comment verriez-vous ça, vous
autres, chez vous, un peu?
M. Couture: Peut-être, à l'intérieur d'un
groupe d'évaluation qui est formé par le BAPE, qu'il y ait, comme
d'autres intervenants l'ont fait valoir avant nous, des spécialistes
techniques de la question à l'étude et des spécialistes
des ministères à vocation économique qui ont la
responsabilité de faire la planification générale du
secteur donné. Si on parle d'un petit bout d'autoroute et qu'on veut le
faire en approbation, sur le "panel" du BAPE, il devra y avoir des gens qui
sont techniquement experts dans le secteur technique en question - construction
routière - et aussi avoir des gens qui peuvent représenter le
point de vue de la planification générale des transports dans le
Québec. Ça devrait faire partie intégrale du groupe du
BAPE qui fait l'évaluation.
M. Maltais: Mais le BAPE demeurerait toujours le coordonnateur
principal, selon vous?
M. Couture: II serait l'organisme toujours
privilégié pour faire la consultation publique et être le
martre d'oeuvre de la procédure d'évaluation.
M. Maltais: D'accord. Merci beaucoup.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie, MM. les
représentants du Centre international des grands projets, de votre
mémoire et, également, de votre visite ici, devant la commission.
Ça a été très intéressant. Je veux vous dire
que je trouve aussi votre mémoire et vos réponses, votre
exposé, très intéressants. Je demande maintenant au groupe
Action RE-buts de venir prendre place à la table des
délibérations.
M. Michel Séguin, porte-parole, vous avez une demi-heure; donc,
normalement, 10 minutes pour votre exposé, 10 minutes pour le parti
ministériel, 10 minutes pour le parti de l'Opposition. Ce que vous
prendrez en plus leur sera soustrait, ce que vous prendrez en moins leur sera
ajouté également, de part et d'autre. M. Séguin,
porte-parole, et M. Roman, je suppose.
Action RE-buts
M. Roman (Georges): C'est exact, oui. M. le Président,
bonjour. Mmes et MM. les députés, je vous salue.
Le Président (M. Garon): Voulez-vous vous
présenter, pour les fins d'enregistrement des débats?
M. Roman: Mon nom est Georges Roman. Je suis président du
comité des citoyens de Rivière-des-Prairies et aussi porte-parole
de la commission Action RE-buts. À ma droite, il y a M. Michel
Séguin, porte-parole d'Action RE-buts. Alors, si nous venons ici ce
matin, premièrement, c'est parce que nous voulons, comme nous l'avons
dit dans notre lettre, dénoncer un peu la façon dont le
gouvernement et les commissions fonctionnent à l'heure actuelle et
refusent systématiquement de financer des organismes comme le
nôtre, qui sont des organismes communautaires presque à plein
temps. Les ressources humaines et financières dont on aurait besoin pour
préparer un mémoire ou envoyer 60 copies de nos documents, pour
nous, c'est à peu près impensable de le faire. Nous ne disposons
pas de ces moyens financiers. C'est pour ça aussi, M. le
Président, qu'au lieu d'avoir un mémoire, vous avez devant vous
une lettre de quatre pages,
malheureusement. On aurait aimé l'élaborer beaucoup plus.
Je pense que c'est la première chose dont j'avais à vous
parler.
La deuxième, c'est que je regrette un peu aussi le fait de voir
qu'après la commission Lacoste il y a une autre commission qui s'en
vient. Nous nous posons la question: Est-ce qu'après cette
commission-là il y aura une autre commission, une autre commission et
qu'il n'y aura jamais de décisions qui seront prises? Je pense qu'il
serait temps de mettre un frein aux commissions et de dire: Bien, on va passer
à l'action.
Il y a aussi un troisième point qui est très important
pour nous autres. C'est qu'à Rivière-des-Prairies, ou plus
exactement à Montréal-Est qui est à côté de
chez nous, "Esso Canada obtient le feu vert pour décontaminer ses sols".
C'est un article du journal Le Devoir du jeudi 8 août 1991, sous
la plume de Louis-Gilles Fran-coeur. Encore une fois, on parle ici d'un
procédé de décontamination thermique. Quels beaux mots on
emploie, ce n'est pas croyable! Au lieu d'employer carrément le mot
"incinérateur" et de dire: Écoutez, c'est de
l'incinération qu'on va faire. Je ne vous cache pas qu'en tant que
président du comité de vigilance, je suis au courant de bien des
choses qui se passent dans l'est et de la pollution que l'est de la
métropole a à subir pour le moment.
Je pense que vous êtes au courant également qu'il y a
d'autres incinérateurs qui sont supposés venir s'installer
là et je pense aussi qu'il est temps que vous songiez fermement à
mettre un frein à ce genre de procédé. Je comprends
très mal aussi que le certificat d'autorisation approuvant, en principe,
cette technologie, avant que le choix d'un équipement précis
n'ait été fait, ait été émis le 19
décembre 1989. Donc, c'est vraiment quelque chose qui est à peu
près incompréhensible. On émet un certificat
d'autorisation approuvant, en principe, cette technologie. Je crois qu'il
serait temps de songer très fortement à revoir ce genre
d'émission de certificat.
Je pense que j'ai fait, en gros, le tour des trois points que j'avais
à vous donner. Je veux laisser le temps à Michel Séguin
d'élaborer plus sur ce qui s'en vient.
M. Séguin (Michel): Bonjour. Michel Séguin d'Action
RE-buts. Je me fais un peu l'écho de M. Roman par rapport aux ressources
que la commission met de l'avant pour les groupes comme le nôtre. Je vous
fais savoir, messieurs et mesdames, qu'on a eu une longue discussion avant de
décider de venir ici, à savoir si on se cotisait entre nous pour
payer nos frais de déplacement, parce qu'on nous a fait savoir que la
commission ne payait même pas les frais de déplacement. Je trouve
ça scandaleux. Les groupes, en région, ont autant le droit de se
faire entendre que les groupes de la ville de Québec On ne demandait
même pas de se faire dédommager pour nos journées de
travail perdues, mais de payer l'essence. Je trouve que c'est un minimum.
Alors, Action RE-buts, c'est une coalition montréalaise de 14
groupes qui préconise une gestion écologique et économique
des déchets. C'est pour ça qu'on a décidé,
finalement, de venir vous présenter nos revendications, parce que la
question des déchets, au Québec, est une question qui prend de
plus en plus d'ampleur. Ce n'est plus simplement un enjeu technique ou
économique, mais un enjeu écologique et social.
Nous sommes aux prises avec des problèmes sérieux,
à Montréal. Ce sont des problèmes qui sont largement dus,
d'une part, au manque de transparence et d'imputabilité des politiciens
locaux et, d'autre part, au manque de leadership du gouvernement
québécois. Alors, si vous voulez bien, je vais vous mettre
à jour quant à la lettre qu'on vous a fait parvenir il y a
quelques semaines et vous donner le suivi par rapport à ce qui se passe
à Montréal. J'espère que ça va vous donner au moins
des pistes de réflexion que vous pourrez, par la suite, intégrer
à vos recommandations.
Alors, quoique la Communauté urbaine de Montréal, la CUM,
ait reçu l'autorité de Québec de faire respecter les lois
sur la qualité de l'environnement, il est évident qu'elle ne
remplit pas son rôle. La gestion des déchets solides sur
l'île est actuellement scindée en deux: la ville de
Montréal, d'une part, et les 27 autres municipalités de
l'île regroupées sous la Régie intermunicipale de la
gestion des déchets, d'autre part.
La ville de Montréal, en 1990, a incinéré plus de
300 000 tonnes de déchets, soit plus de 75 % du total. La ville de
Montréal a recyclé 7000 tonnes de déchets, soit 1,6 % du
total. Il est évident que l'incinération présente un
obstacle insurmontable à la gestion écologique des déchets
et l'exemple de Montréal est frappant à cet égard. Quel
est l'incitatif pour recycler lorsque nous devons nourrir - si vous me
permettez l'expression - un incinérateur avec à peu près
1000 tonnes de déchets par jour?
L'incinération ne fait pas disparaître les déchets;
elle les transforme en pollution atmosphérique. De plus, les cendres
affectent sérieusement. Les cendres de l'incinération doivent
être enfouies elles aussi et elles affectent la nappe phréatique
et l'environnement terrestre. À Montréal, le site d'enfouissement
de Rivière-des-Prai-ries reçoit actuellement plus de 90 000
tonnes de cendres dangereuses et inutilisables à chaque
année.
On vous a fait part, dans notre lettre, que l'avis de santé que
la ville de Montréal avait demandé au DSC par rapport à
l'incinération, on l'attendait toujours. Le 22 août, la ville de
Montréal a finalement rendu public le rapport du Dr Carrier et ce que
ça a posé comme problème, c'est l'interprétation
qu'on a faite de ce rapport
du Dr Carrier. Une des conclusions du rapport était de dire que
notre analyse suggère que réduire les émissions de
polluants dans l'air en utilisant des épurateurs et des filtres de
toutes sortes, de manière à se conformer aux normes existantes,
c'est déplacer le problème. Si on veut réellement
atteindre l'objectif visé par les normes, il faudra également
réglementer le contrôle de l'enfouissement des cendres.
Alors, quand M. Richard Brunelle, de la ville de Montréal, dans
un communiqué de presse du 22 août, nous dit qu'un suivi
environnemental s'effectue au site de Rivière-des-Prairies par rapport
à ces cendres, selon, et je cite, "les exigences fixées par le
ministère québécois de l'Environnement",
premièrement, ce suivi-là n'a jamais été rendu
public et, deuxièmement, les soi-disant exigences n'incluent ni les
dioxines ni les furanes. Alors, ce sont des réactions qui n'inspirent
pas beaucoup confiance. M. Brunelle a aussi indiqué qu'à la
mi-septembre, la commission de l'environnement du conseil municipal va
étudier publiquement l'ensemble du dossier relatif aux émanations
de l'incinérateur. On s'attend à ce que ce soit une autre
étude qui va nous démontrer non seulement que
l'incinérateur pollue l'atmosphère, mais que, même si on
contrôle mieux cette pollution, ça va rendre les cendres encore
plus toxiques.
Ce qui est peut-être encore plus révélateur, c'est
que, quelques jours plus tard, encore dans Le Devoir, on retrouve un
article à la une où on voit que la ville de Montréal
semble vouloir continuer avec une gestion anti-écologique et non viable
des déchets. La ville propose de dépenser entre 75 000 000 $ et
110 000 000 $ pour rendre l'incinérateur des Carrières encore
plus performant. Non seulement ça, mais la ville propose d'augmenter la
capacité de l'incinérateur. Alors, une des recommandations qu'on
vous fait aujourd'hui, c'est de vous demander d'arrêter, ici, à
Québec, de donner des permis de polluer à des installations comme
l'incinérateur des Carrières et de songer beaucoup plus à
donner des permis temporaires à ce genre d'installation où le
monde pourrait, de façon régulière, rencontrer les
responsables de l'installation et s'assurer qu'il n'y a aucun risque pour
l'environnement ou pour la santé. De plus, on demande que, lorsqu'on
veut transformer une installation existante et ajouter 100 000 000 $, la
population soit consultée.
Toujours par rapport aux cendres, Action RE-buts tente d'obtenir les
résultats des tests qui ont été effectués à
Rivière-des-Prairies. On fait cette demande à la commission
d'environnement de la CUM dont le président est le maire de la ville de
LaSalle, M. Michel Leduc. On a également fait parvenir une lettre au
département des travaux publics de la ville et on attend toujours les
résultats. Le maire de la ville de LaSalle, Michel Leduc, est à
la tête de la Régie intermunicipale de gestion des déchets.
Doit-on mentionner que porter deux chapeaux si contradictoires est une source
potentielle de conflit d'intérêts? Comment voulez-vous être
juge, arbitre et en même temps promoteur d'un projet
d'incinérateur? La Régie, qui est une création
semi-publique de 27 maires sur ITle de Montréal, fait la promotion d'un
projet de 270 000 000 $. Non seulement on a déjà un
incinérateur à Montréal, mais ils veulent en construire un
autre. Action RE-buts tente d'obtenir des informations de la Régie
intermunicipale depuis le mois de mai au moins. On se bute constamment à
un manque d'accessibilité et à un manque de transparence. On ne
sait même pas le budget de la Régie, quelles dépenses elle
effectue par rapport à sa campagne de publicité pour faire valoir
l'incinération comme option.
La Régie doit pouvoir répondre à des questions qui
sont posées par ceux et celles que le projet affecte. Elle nous a
invités à siéger sur un comité de concertation. On
a imposé quatre conditions pour participer à un comité de
concertation, soit: l'accès à toute l'information, un
comité qui étudierait toutes les options, un rôle et un
mandat clair pour le comité et un comité démocratique et
public ouvert à tous. (11 heures)
On nous a répondu la semaine dernière. On a dit que, si
nos conditions ne pouvaient être respectées, on voulait participer
à titre d'observateurs. On nous a répondu que c'était tout
ou rien, qu'on n'avait pas le droit de participer à titre
d'observateurs, mais qu'on devait être membres. Mais être membre de
ce comité-là, c'est être membre pour rendre socialement
acceptable l'incinération dans l'est de Montréal et pour 111e de
Montréal.
Alors, mesdames et messieurs, l'accès à l'information, le
manque de transparence, l'insouciance de la pollution sur notre santé et
sur l'environnement, c'est ça, le bilan d'une gestion des déchets
qui ne répond pas aux besoins de la population. Est-ce que je dois
ajouter que non seulement on est aux prises avec l'incinérateur des
Carrières, une gestion antiécologique, non seulement on doit
lutter pour faire valoir la supériorité d'une gestion
écologique par rapport aux membres de la Régie, mais qu'on se
retrouve devant un projet d'Esso Canada qui va se faire non seulement sans
étude d'impact environnemental, mais sans audiences publiques? Alors,
j'espère que, de ce qui se passe à Montréal, vous allez
pouvoir tirer certaines conclusions et les intégrer à vos
recommandations. Merci beaucoup.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. Roman et M.
Séguin. Alors, je vais demander au député de
Lotbinière, pour huit minutes... Il y aura huit minutes de part et
d'autre, les deux partis, ministériel et de l'Opposition.
M. Camden: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais
remercier l'organisme Action RE-buts,
plus particulièrement MM. Roman et Séguin de participer
à cette commission parlementaire. D'abord, je voudrais peut-être
préciser des choses avant de débuter réellement. Vous
mentionniez tout à l'heure que vous déploriez le fait que vous ne
soyez pas rémunérés ou, enfin, compensés
financièrement pour participer à cette commission. Personne ne
l'est et aucune commission parlementaire ne l'a été dans le
passé. Cependant, je sais que votre député a aidé,
m'a-t-on dit, votre groupe de façon à vous supporter,
considérant le mérite que vous avez dans votre milieu.
Cependant, je voudrais peut-être en arriver aux points de votre
rapport. Vous savez, il reste toujours que chacun des mémoires qui est
déposé ici, en commission, fait l'objet non seulement d'une
lecture par mes collègues et moi-même, mais également d'un
résumé dans lequel on retient un certain nombre
d'éléments, de suggestions, de commentaires qui nous apparaissent
tout à fait pertinents. Alors, ça a été le cas pour
votre organisme, comme pour tous les autres. Soyez assurés que vos
commentaires sont pris en considération.
Votre mémoire est principalement axé sur la
récupération et le recyclage comme alternatives à
l'incinération comme mode de gestion des déchets. Je voudrais
peut-être entrer dans le vif. Vous mentionnez, dans votre document,
qu'à l'égard de la gestion des déchets, "Québec a
un rôle important à jouer - je vous cite. Non pas pour
s'ingérer; les régions doivent continuer à être
responsables de la gestion de leurs propres déchets. C'est un principe
fondamental. Cependant, Québec doit faire preuve de leadership
politique." Vous savez, il y a un peu une dichotomie dans votre truc, je
trouve, à l'effet que vous nous invitez à nous ingérer et,
par la suite, que vous nous ramenez à l'ordre en disant: II faut une
relative autonomie - relative. Alors, comment cela pourrait-il se
concrétiser? Avez-vous des suggestions quant à la démarche
que le gouvernement du Québec ou, enfin, le ministère de
l'Environnement devrait mettre de l'avant pour atteindre effectivement vos
objectifs?
M. Séguin: Tout d'abord, moi, je dirais qu'on peut
s'inspirer de ce qui se passe en Ontario, par exemple, où la ministre de
l'Environnement a récemment interdit la construction de tout nouvel
incinérateur parce que, selon le gouvernement ontarien,
l'incinération n'est pas une solution à considérer dans la
gestion des déchets solides. La deuxième décision du
gouvernement ontarien qui devrait être d'intérêt ici,
c'était de responsabiliser les régions en interdisant
l'exportation ou l'importation des déchets. Alors, ça, c'est une
loi que Québec doit légiférer. La troisième chose,
c'est que l'Ontario a rendu obligatoire la participation des commerces, des
industries et des foyers aux programmes de recyclage. À ce
moment-là, ça veut dire que l'infrastructure pour le recyclage
existe et que les compagnies et les individus doivent participer. Donc,
ça, c'est faire preuve, à mon avis, d'un leadership en indiquant
la direction à prendre, mais en laissant le soin aux communautés
de décider par elles-mêmes comment elles vont organiser
pratico-pratiquement la gestion écologique des déchets sur leur
territoire. C'est sûr que les exigences d'une ville comme Montréal
ne sont pas les mêmes que celles d'un village comme Portneuf.
M. Camden: Avez-vous complété? Oui? Ça va.
M. le Président, est-ce qu'on pourrait... D'abord, je vais vous dire que
je partage votre point de vue en partie. Je suis évidemment très
sensible au fait qu'il est important de procéder à la
récupération et au recyclage, mais aussi, vous savez, doit-on
considérer ce qu'on appelle des déchets comme étant
davantage des ressources à bien des égards? On a
été à même de le constater plus récemment
encore, la semaine dernière, en visitant le CFER, dans la région
de Victoriaville, où, manifestement, la réutilisation de certains
matériaux, dont la papier journal qui deviendra sans doute une ressource
très importante pour l'ensemble de l'industrie papetière au
Québec...
Mais, étant donné qu'il restera toujours une
quantité de déchets véritables, parce qu'on ne peut
évidemment tout récupérer, étant donné aussi
le marché actuel de la demande en ressources secondaires et la
nécessité de trouver des solutions à court terme,
notamment dans la région de Montréal face à la fermeture
de la carrière Miron, quelle solution réalisable proposez-vous,
d'une façon tout à fait concrète, autre que celle
évidemment... Je sens très bien que vous faites objection
à l'incinération.
M. Séguin: Écoutez, je pense que, si on part du
principe que les déchets existent et qu'on doit les traiter
séparément en dehors d'où ces déchets-là
proviennent, c'est sûr qu'on est voué à considérer
l'incinération comme solution.
Nous, ce qu'on dit, c'est que, d'abord, il faut - et c'est encore un
rôle que Québec peut jouer... On demande à la Régie,
par exemple, de voir... Si on prend les 270 000 000 $ qu'elle veut mettre sur
l'incinérateur, prenons ce même montant et faisons un plan sur les
3R, c'est-à-dire pas seulement le recyclage, mais le
recycla-ge-compostage, la réutilisation plus importante encore et la
réduction, et voyons, avec les 270 000 000 $, le même montant,
à quel chiffre on va aboutir, en appliquant un plan rigoureux des 3R.
C'est la première chose. Étudions deux options et laissons la
population choisir. Nous ne sommes pas satisfaits quand M. Leduc nous dit qu'on
doit arrêter à 50 % parce que, les autres 50 %, on va les
brûler. Le GRAIGE de l'Université du Québec à
Montréal a déterminé que le sac vert montréalais a
81,2 % de matières
potentiellement récupérables. Alors, pourquoi se
satisfaire d'un objectif de 50 %? C'est sûr que 80 %, c'est
peut-être un objectif théorique, mais ne nous arrêtons pas
aux 50 %, allons vers 60 %, 70 %, des chiffres qui sont atteints ailleurs,
à Seattle et à Guelph. À ce moment-là, on va savoir
ce qui reste et on va pouvoir agir sur ce montant-là de façon
beaucoup plus responsable que de le brûler et de polluer
l'atmosphère, polluer la nappe phréatique avec des cendres, de
façon antiécologique et non viable économiquement. C'est
ce qu'on dit.
M. Camden: Dans le processus de démocratisation que vous
avez engagé, est-ce que vous proposez la démocratisation du
processus de décision qui, ma foi, apparaît comme un
élément essentiel dans votre document? Quel mécanisme
privilégieriez-vous pour exercer cette démocratie? Sous la
responsabilité de quel organisme? Vous maintenez toutes les
infrastructures qu'on retrouve actuellement ou vous proposez d'autres
alternatives? À quel niveau et à quel moment? Outre la
Régie intermunicipale, je présume que vous devez avoir d'autres
idées ou si vous voulez le faire sous le chapeau de cet organisme?
M. Séguin: C'est sûr qu'il y a un problème
quand quelqu'un qui est responsable de faire respecter les normes
environnementales est aussi un promoteur de l'incinération. Il y a un
problème potentiel de conflit d'intérêts. Ça, on ne
se le cache pas. Je pense que la responsabilité de la gestion des
déchets doit être ouverte et accessible. En d'autres mots, on doit
pouvoir non pas rencontrer des experts-conseils de Cogesult, par exemple, dans
le cas de la Régie, quand on veut des questions répondues... mais
qu'il y ait une gestion qui soit accessible et ouverte et que la
vérification et l'assurance que les normes sont respectées se
fassent de façon indépendante.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier M.
Séguin et M. Roman pour leur présentation et les féliciter
de leur ardeur au travail en dépit de conditions matérielles
difficiles.
Vous avez raison de soulever la question du financement des groupes
environnementaux. De ce côté-ci de la table, nous la soulevons
régulièrement. Nous pensons que les autorités devraient
financer plus généreusement, non seulement à l'occasion
des audiences publiques - on en a parlé hier - comme ça se fait
en Ontario par une loi du financement des intervenants en environnement, mais
aussi en dehors du processus d'audiences; en dehors de ça, les groupes
environnementaux rendent des services énormes aux communautés,
énormes, aux municipalités et aux gouvernements. Je vois que le
député de LaFon- taine opine du bonnet et qu'on s'entend tous les
deux là-dessus. Ce n'est pas normal que ce soit le budget local d'un
député qui ait à défrayer ces choses-là.
Tant mieux si le député le fait, mais il devrait y avoir des
mécanismes plus officiels pour le faire. La contribution des groupes
environnementaux... Il en existe des centaines au Québec actuellement et
ça se multiplie constamment, et, Dieu merci, cette
contribution-là, elle est énorme. Je pense que l'État est
mal avisé de ne pas réaliser cette contribution énorme. On
devrait leur donner une compensation financière. De ce
côté-ci de la table, on va s'efforcer, dans notre rapport final,
peut-être d'avoir des recommandations là-dessus. Ce n'est pas
normal que vous ayez à quêter pour préparer votre
présentation et pour défrayer les dépenses de votre voyage
à Québec.
Un deuxième point, la transparence. Vous avez raison aussi de
dénoncer le côté secret des démarches
d'autorités, que ce soit municipale, provinciale,
fédérale, peu importe. Ça, c'est une des contributions que
peuvent faire les groupes communautaires, les groupes environnementaux, de
dénoncer toujours l'aspect secret de la démarche d'une
municipalité, d'une MRC ou d'un ministère. Encore une fois, c'est
un accroc fondamental à la démocratie quand on refuse de donner
des renseignements à des groupes intéressés comme le
vôtre.
Quant au projet de la Régie intermunicipale, vous le savez,
l'incinérateur lui-même va être soumis aux audiences
publiques, vous êtes sans doute au courant de ça. Le projet
d'incinérateur est assujetti aux audiences publiques et à la
procédure d'évaluation, mais la gestion des déchets ne
l'est pas, et c'est là que vous avez raison de vous inquiéter. Il
existe une politique des déchets domestiques depuis 1988, mais il y a
peu de gens, même autour de la table ici, il y en a peu qui la
connaissent, cette politique-là. Les municipalités ne la
connaissent pas. Je pense que, dans l'esprit de votre mémoire,
peut-être faudrait-il qu'il y ait - et je veux voir votre réaction
- un peu comme il y a eu une commission d'enquête par le BAPE, sur
demande du gouvernement, concernant les déchets dangereux, une telle
commission d'enquête sur la gestion des déchets domestiques. Je
vous pose la question: Qu'en pensez-vous?
M. Séguin: II y a certainement, à travers le
Québec, des problèmes. Non seulement on en vit à
Montréal, mais il y en a ici, à Québec, où vous
êtes aux prises... Ici, vous subissez les impacts de deux
incinérateurs de déchets domestiques. Il y a toutes sortes de
problèmes avec des sites de dépotoirs; toute la question du
privé versus le public. Oui, je pense que ça fait partie... On
est aux prises, à travers le Québec, avec des problèmes
par rapport à la gestion des déchets. Comme je vous ai dit au
début de ma présentation, ce n'est plus un enjeu technique, c'est
un enjeu
social.
M. Lazure: Spontanément, est-ce que vous avez des
suggestions à nous faire? De quelle façon pourrait se faire une
telle enquête ou une telle consultation publique? Ça serait dans
les deux sens. Il y a une politique, mais elle n'est pas connue. Je pense qu'on
s'entend tous pour dire qu'elle n'est pas connue du public. Donc, ça
prendrait un forum pour que le public prenne connaissance de cette
politique-là, la politique de gestion des déchets domestiques.
(11 h 15)
Deuxièmement, il y a actuellement une foule de projets dans les
municipalités, dans les MRC à travers tout le Québec, dans
toutes les régions, et c'est un peu beaucoup la confusion. Vous avez
raison de dire que, dans la foule de projets qu'on voit, il n'y a pas de place
importante réservée à la réduction des
déchets, au recyclage, à la récupération. Il y a
des petits efforts qui se font ici et là. Victoriaville, c'est l'exemple
par excellence, mais ça reste une goutte d'eau dans l'océan.
Peut-être faudrait-il une opération publique d'envergure pour
mobiliser la population sur l'importance non pas de l'incinération,
parce que c'est juste de ça qu'on parle quasiment actuellement, mais des
fameux R: la réduction, le recyclage, la récupération.
Mais je reviens à la question de tantôt: Est-ce que vous avez des
idées là-dessus? Comment procéder?
M. Séguin: je veux juste souligner que toute campagne
d'éducation et de sensibilisation est très importante parce que
la solution se trouve avec l'individu, en partie. mais des campagnes de
culpabilisation de l'individu... parce que ce n'est pas simplement une question
de consommer mieux, mais l'individu doit pouvoir avoir des options dans
lesquelles il peut participer pour réduire justement ces déchets
et pour réutiliser, pour recycler. donc, il doit avoir le choix
finalement et ce choix-là doit venir des autorités en place.
Par rapport à votre idée d'une commission, si vous voulez
savoir comment on pourrait partir une commission comme ça pour savoir
l'étendue des problèmes, je vous suggérerais d'aller dans
les régions où il y a des problèmes.
Sainte-Geneviève, par exemple, où on veut agrandir un site
privé, un dépotoir privé, a 10 kilomètres, et
ça, ce n'est pas assujetti à aucun contrôle.
Sainte-Geneviève-de-Berthier. Je peux vous donner... Il y a Valleyfield
qui vient de recevoir deux propositions, une qui n'a pas été
retenue. Il y a Montréal, il y a l'Outaouais qui va exporter ses
déchets à Saint-Jean-de-Matha. Ce sont tous des aspects de la
problématique sur lesquels vous devez vous pencher.
Encore, je répète, c'est non seulement sur le traitement
de déchets, mais comment est-ce qu'on arrive à mettre en place
des systèmes de réduction, de réutilisation et de
recyclage? comment est-ce qu'on rend nos déchets en ressources et
comment est-ce qu'on pénalise la production de déchets qui ne
sont ni réutilisables ni recyclables ou compostables?
M. Roman: Moi, ce que je voulais rajouter là-dessus tout
simplement, c'est que je pense que le gouvernement se doit de prendre une
politique d'éducation et d'information, et non pas de laisser cette
éducation et cette information à des groupes communautaires comme
le nôtre.
Je pense aussi que, si on regarde des exemples... On parle de
Victoriaville, mais on peut parler d'une petite ville comme Easthamp-ton -
c'est au New Jersey, je pense - où on a mis de l'avant un projet qui est
quand même extraordinaire et où on a réussi, en un laps de
temps très court - à peu près 4 mois - à arriver
à un taux de récupération de près de 80 %. Je pense
que c'est justement suite à des efforts du gouvernement qui pourrait
justement investir là-dedans.
Je pense aussi qu'il est du rôle du gouvernement d'empêcher
les compagnies de produire n'importe quoi. Je pense qu'il est temps qu'on dise:
Écoutez, vous mettez un produit sur le marché, il va falloir que
vous en preniez charge après, donc que vous continuiez la chaîne
et que vous récupériez pour réutiliser. C'est la
façon dont, moi, je le pense et je le vois.
Le Président (M. Garon): On vous remercie, les
représentants d'Action RE-buts qui sont venus rencontrer les membres de
la commission. Le temps prévu pour la rencontre avec la commission
étant écoulé, je demande maintenant au Comité de
l'environnement de Chicoutimi inc, représenté par M. Pierre
Gravel, de prendre place à la table des intervenants. M. Gravel, vous
avez une demi-heure, c'est-à-dire 10 minutes pour faire votre
exposé, normalement, 10 minutes pour le parti ministériel et 10
minutes pour le parti de l'Opposition. M. Gravel, à vous la parole.
J'avertis les membres de la commission qu'à la fin des audiences,
immédiatement, nous allons faire une courte séance de travail
pour faire le point sur... Quelques minutes après l'audience, nous
aurons une courte séance de travail de quelques minutes. M. Gravel.
Comité de l'environnement de Chicoutimi
inc.
M. Gravel (Pierre): Bonjour, M. le Président, mesdames,
messieurs. Le Comité de l'environnement de Chicoutimi inc, c'est un
groupe de citoyens du Saguenay. Je représente environ 250 à 300
membres. Ce n'est pas assez fort?
Le Président (M. Garon): Voulez-vous parler avec plus de
force, s'il vous plaît, parce que...
M. Gravel: Est-ce que je peux approcher le système?
Le Président (M. Garon): Je ne sais pas si c'est parce que
le système, le micro est faible, mais on entend moins facilement.
M. Gravel: O.K. Donc, notre comité accueille très
positivement votre commission parce qu'on trouve que la procédure
d'évaluation environnementale est l'outil majeur qu'on a au
Québec, à l'heure actuelle, pour protéger nos ressources
et la santé de la population, qu'on parle autant des ressources comme
l'air, l'eau et les terres du Québec.
La procédure, à l'heure actuelle, a donné des
résultats intéressants au Saguenay. C'est sûrement pour
cette raison-là que je suis ici aujourd'hui, parce que j'y crois,
notamment dans les audiences publiques où les populations peuvent
s'exprimer sur des projets. À toutes les occasions où j'ai
participé à des audiences publiques, les auditions ont
donné des bonifications aux projets la plupart du temps. C'est rare que
les projets ont été abandonnés. Au contraire, les projets
ont été améliorés, ce qui prouve que la population
a de quoi à dire et qu'on doit maximiser sa participation dans nos
affaires économiques.
Mais, malheureusement, il y a des problèmes. C'est un outil
majeur, mais c'est un outil qui est actuellement amputé par des
décisions, en tout cas, ou par une pratique politique. Notamment, le
fait que l'article 2n ne soit pas mis en vigueur, c'est une situation flagrante
et peut-être même provocante parce qu'on sait, à l'heure
actuelle, qu'il y a beaucoup de projets majeurs d'alumineries, de barrages,
etc. qui sont en train de modeler toute la structure économique et
environnementale du Québec à l'heure actuelle et qu'on ne peut
pas discuter publiquement de ces sujets en profondeur.
Oui, on va dire, ça a tel effet positif économiquement,
mais, les côtés négatifs, on ne pourra pas en discuter
publiquement. Ça, c'est très dommage. Le rapport Lacoste, je
pense que vous avez pu en juger vous-mêmes, pour nous, c'a toujours
été un rapport très, très intéressant. Le
fait qu'il ne soit pas mis en application, là encore, c'est un mauvais
indicateur politique, à notre avis.
On vient de parler des déchets, l'intervenant
précédent. Nous, au Saguenay, c'est un sujet très chaud,
les déchets. C'est une saga qui a amené beaucoup même de
confrontations, je dirais, dans la population et entre les différentes
instances politiques de la région. Moi, je vous garantis que, si on
avait eu des audiences publiques sur ce sujet-là au Saguenay, on serait
beaucoup plus avancé aujourd'hui. On pourrait faire profiter d'autres
régions parce qu'il y a beaucoup de gens dans la région qui ont
réfléchi à ce sujet-là. Il y a beaucoup de gens qui
ont des choses à dire. On pense que, s'il y avait des audiences, on
pourrait vider le sujet que les audiences d'une région pourraient servir
aux autres régions.
La participation du public à la directive. Lorsque le
ministère, finalement, demande à un promoteur de faire
l'étude d'impact, je pense que c'est une très bonne suggestion.
À notre avis, ça permettrait d'écourter le laps de temps
de trois ans qui est définitivement trop long pour un promoteur. On est
bien d'accord avec ça. Ça permettrait aussi à la
population de dire, tout de suite au début, les enjeux qu'elle sent et
de ne pas se sentir frustrée que l'étude d'impact ne traite pas
des humains, mais traite des poissons, etc.
L'assujettissement des processus de planification. Pour nous, c'est
évident, je veux dire, je pense qu'il faut sortir de la mentalité
que l'environnement s'oppose à l'économie ou que
l'écologie s'oppose à l'économie. L'économie suit
l'écologie. Elle est après. L'économie, c'est
l'exploitation de nos ressources et, nos ressources, c'est ça
l'écologie. Donc, ces ressources-là ont des principes de base,
elles ont des capacités de renouvellement. Donc, on doit baser notre
économie là-dessus. Donc, je pense que l'attitude, à
l'heure actuelle, du BAPE de vraiment dire que le mot "environnement" c'est
global et que ça encadre autant les affaires économiques que les
affaires environnementales, que la santé des gens et tout ça,
c'est un point extrêmement positif. Il ne faudrait pas faire de recul
là-dessus parce que c'est justement une vision globale de la situation
qui nous manque à l'heure actuelle, je dirais qui manque à
l'économie, à l'heure actuelle, parce que les
environnementalistes, les écologistes ne sont pas contre
l'économie. Voyons donc! On en veut, de l'économie; on veut de
l'argent dans nos poches aussi et on veut des projets qui marchent, mais on
veut des projets qui marchent à long terme et cette vision globale est
essentielle pour en arriver là.
Il y a un autre sujet aussi: remplacer l'analyse environnementale et
l'avis de recevabilité du ministère par une analyse technique.
Bien, ça aussi, il nous semble que ça serait plus fair-play, dans
le sens qu'il n'y aurait pas comme deux processus parallèles qui se
passent. On ne sait pas trop ce qui se passe de l'autre côté et on
aimerait bien ça avoir l'avis du MENVIQ tout de suite au début
des audiences, au même titre que les autres ministères. Je pense
que ça serait plus clair comme ça et que ça
écourterait, encore là, la procédure.
Harmoniser la procédure avec celle de l'Ontario et du
fédéral. Même, on pourrait dire: II faudrait s'harmoniser
le plus possible entre les États aussi. Ça, je pense que c'est
quelque chose. C'est peut-être une utopie à court terme, mais
c'est quelque chose qu'il faut viser parce que, effectivement... Mais
harmoniser toujours en faveur d'un plus pour les ressources et non d'un
moins. Moi, quand on me sert l'argument qu'on n'applique pas le 2n au
Québec parce que, en Ontario, ils ont des... Je veux dire, les
alumineries, en Ontario, on leur demande moins de ce
côté-là. Elles sont, en tout cas, absoutes aussi. Bien, je
trouve que c'est vouloir se maintenir dans une situation qui nous amène
des problèmes à long terme. Donc, si c'est le cas, il faut
convaincre l'Ontario que, oui, il faut s'ajuster là-dessus et, oui, il
faut traiter publiquement des alumineries. Je pense que c'était le gros
de nos recommandations.
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Mégantic-Compton.
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. M. Gravel, je
vous souhaite la bienvenue à cette commission. Je voudrais d'abord vous
remercier de votre accueil positif suite à la décision de la
commission, au mandat de la commission qui vise à améliorer la
procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement, parce que
d'autres groupes dans les mémoires se sont montrés un peu
sceptiques face à cette initiative. Par contre, vous espérez
aussi que cette initiative ne passera pas à l'histoire comme
étant une autre stratégie pour gagner du temps. Les membres de la
commission peuvent vous affirmer qu'un rapport sera soumis, qu'il y aura des
recommandations et sûrement que le gouvernement tiendra compte de ces
recommandations.
Dans votre mémoire, vous sous-tendez que des choix de
société doivent être faits et que la population doit
être impliquée dans ces choix. Du même souffle, vous abordez
la question de la dépendance du Québec face à l'aluminium.
Êtes-vous d'accord pour considérer que le Québec se doit
d'adopter une stratégie industrielle qui reflète l'importance de
la qualité de ses ressources?
M. Gravel: L'importance de la qualité de ses
ressources?
Mme Bélanger: Oui.
M. Gravel: Oui, et ce qu'on veut, c'est justement protéger
la qualité des ressources. On regarde l'industrie papetière,
à l'heure actuelle, qui a de sérieux problèmes Si on avait
pensé, il y a 20 ans, que la ressource c'est important, qu'il faut la
renouveler et qu'on avait respecté ça, on n'aurait
peut-être pas le même problème aujourd'hui et le recyclage,
on serait peut-être plus avancé. On aurait peut-être moins
de problèmes à faire face aux demandes américaines. C'est
un exemple, là, la forêt. Du côté de l'aluminium,
oui, produisons de l'aluminium, mais soyons conséquents jusqu'au bout.
Quand on fait de l'aluminium, ça veut dire des brasques, entre autres,
un produit qui est excessivement polluant, qui est même dangereux. On a
eu une explosion à La Baie, là-dessus. Donc, c'est un
déchet qui fait partie de la production. Donc, on doit en tenir compte,
on doit trouver une solution, une solution efficace. Il ne faut pas accumuler
ça pour les générations à venir. Mais c'est ce
qu'on fait, à l'heure actuelle, avec les alumineries. C'est que les
brasques, il n'y a pas de solution. L'usine de recyclage n'est pas en place. On
les accumule et, en plus, nous autres, dans la région, on les importe
des autres régions. Ça, ça s'accumule, ça suinte
dans les nappes phréatiques et ça s'en va dans la rivière
Saguenay. Ça, ce n'est pas respecter la qualité des ressources.
(11 h 30)
Mme Bélanger: Vous semblez croire que les promoteurs de
nouvelles usines d'aluminerie ou d'usines de remplacement peuvent s'installer
sans qu'il n'y ait d'évaluation et de discussion publique des impacts.
Est-ce que vous ne croyez pas que, si une aluminerie remplace l'ancienne usine
par une usine plus moderne, l'impact doit être préférable
à l'ancien système, puisque, à chaque fois qu'on fait de
nouvelles installations, de plus en plus, les promoteurs sont sensibles au
respect de l'environnement? Est-ce que vous pensez que quelqu'un qui a une
usine et qui remplace par du plus moderne doit passer par tout le
processus...
M. Gravel: Oui.
Mme Bélanger:... d'analyse et d'étude sur les
impacts?
M. Gravel: C'est évident que les normes se sont
resserrées, que les alumineries respectent plus l'environnement, que les
usines sont plus performantes côté environnement. C'est
évident, sauf que pourquoi on n'a pas le droit d'en discuter? Je veux
dire que si on se fie juste à la lecture des règlements et des
normes maintenant...
Bon. Si on prend l'aluminerie d'Arvida, de Jonquière, je ne sais
pas si vous l'avez déjà vue, bien, on peut dire sans crainte que
c'est un monstre de pollution. C'est assez évident. Donc, si on regarde
les règlements, les règlements disent: On va couper ça
d'à peu près la moitié. Donc, c'est encore polluant, des
alumineries, et ça, on n'en discute pas et on ne discute pas les impacts
de ce que c'est, les impacts réels de ça. On vient d'en installer
une à Laterrière. Laterrière, c'est un genre do petit
village-dortoir agricole. Je veux dire, il n'y avait pas de pollution majeure
dans le secteur. Il y a une aluminerie qui vient de s'installer juste
là, en amont de la rivière qui traverse le village, tout à
fait collée sur le village. Bien, très bien si l'industrie est
très performante, mais pourquoi ne pas mettre les cartes sur table et
dire: Bon, O. K., on en jase, voilà, les impacts, c'est ça?
Est-ce que oui ou non la population accepte tel impact? C'est aussi simple que
ça. Tout ce qu'on veut, c'est de pouvoir en discuter. Nous autres,
on trouve ça inacceptable.
Ces gros projets industriels majeurs, ce sont eux qui structurent le
plus notre économie et qui ont le plus d'impact majeur sur notre
environnement, mais, ceux-là, on ne peut pas en discuter. Donc, à
ce moment-là, je trouve que la classe politique paraît très
mal là-dessus. Oui, on veut s'occuper d'environnement, mais on exempte
les plus gros projets qui ont le plus d'impact. À quelque part, ce n'est
pas sérieux.
Mme Bélanger: Dans un autre ordre d'idées, le
soutien financier des groupes environnementaux a été
soulevé plusieurs fois déjà depuis le début de
cette commission. Comment percevez-vous le financement de groupes? Est-ce qu'il
faudrait que ce sort des groupes qui soient accrédités ou si
n'importe quel groupe environnemental qui se décide devrait avoir une
subvention automatiquement, sans être accrédité?
M. Gravel: Je suis content que vous abordiez le sujet parce que
je n'en ai pas parlé tout à l'heure, mais c'est un sujet qui est
très chaud chez nous, à l'heure actuelle.
Mme Bélanger: Vous en parler dans votre
mémoire.
M. Gravel: Oui, c'est ça, mais je n'en avais pas
parlé. Vous savez qu'actuellement le programme de subvention aux groupes
est en révision et qu'il y a un changement maintenant. C'est que
c'était une enveloppe discrétionnaire du ministre. Nous,
ça fait 13 ans qu'on existe et, dans les dernières années,
on recevait environ 8000 $ par année. Ça, ça couvre...
Mme Bélanger: Vous receviez ça du gouvernement?
M. Gravel: Du MENVIQ, du ministère. Mme
Bélanger: Du ministère.
M. Gravel: Cette subvention-là, habituellement, entre au
mois d'août et, actuellement, elle n'est pas entrée et elle
n'entrera pas avant la mi-décembre. C'est un peu la même situation
que la personne qui était là avant moi. Je suis venu ici à
mes frais et même mon comité ne m'a pas garanti qu'il allait me
rembourser mon transport parce qu'on n'a pas d'argent à l'heure
actuelle. On a de l'argent pour payer deux loyers. On est obligés de se
mettre une marge de crédit.
Mme Bélanger: Alors, vous me dites que vous avez
déjà une subvention du MENVIQ.
M. Gravel: Oui.
Mme Bélanger: Ce qui veut dire que votre groupe est
déjà accrédité.
M. Gravel: Bien, d'une certaine façon. Il n'y a pas
vraiment d'accréditation, mais je pense qu'on est reconnus comme un
groupe qui est là depuis des années. C'était presque
officieusement accrédité, si on veut, mais, officiellement,
ça ne l'est pas et c'est ce que les groupes demandent, qu'il y ait un
programme statutaire pour les groupes qui sont reconnus depuis des
années et qui sont connus par le ministère - c'est des groupes
qui sont connus par le ministère, il n'y a pas de problème - mais
qu'en plus on fasse un programme par projet, donc, là, au mérite.
Un groupe présente un projet intéressant. Alors là, il y a
un comité dé sélection qui décide: Oui, ça,
c'est un projet intéressant, donc il va y avoir de l'argent
supplémentaire pour ça. Ça serait intéressant.
Mme Bélanger: Quand vous parlez du comité de
sélection, ce serait du MENVIQ?
M. Gravel: Oui, au MENVIQ qui... Mme Bélanger:
O.K.
M. Gravel: ...par exemple, pourrait juger des projets, si oui
c'est intéressant pour la population d'une région ou du
Québec que tel projet ait une subvention. Ce qu'on veut, nous autres,
c'est qu'au minimum il y ait une subvention de base qui nous soit donnée
d'une façon statutaire, qu'il y ait des groupes
accrédités. O.K.?
Mme Bélanger: Mais qu'est-ce que...
M. Gravel: Mais ça, on est en train de perdre ça
à l'heure actuelle. On l'avait officieusement, mais là, on est en
train de le perdre, puis ça, c'est en train de se décider
à l'heure actuelle. Les demandes qu'on avait faites l'année
passée ne seront même pas reconnues. On va être
obligés de refaire d'autres demandes et, là, on va être six
mois sans aucun revenu de subvention.
Mme Bélanger: mais qu'est-ce que vous pensez des groupes
qui exigeraient, par exemple, 1 % de tous les gros projets, du coût des
gros projets pour contrer peut-être ces projets, alors que les promoteurs
seraient obligés de payer 1 % du coût de leur projet pour que des
groupes viennent contester leur projet devant le bape ou suite à des
audiences? est-ce que vous trouvez ça pertinent que les promoteurs
paient pour se faire contester?
M. Gravel: Dans la plupart des cas, je pense que le gouvernement
est lui-même partenaire des projets les plus majeurs. Prenons
Hydro-Québec, par exemple. Je pense qu'Hydro-Québec est une
société d'État, donc ça fonctionne avec les taxes
des contribuables. Pourquoi Hydro-Québec peut-elle se payer des tas
d'experts, des avocats,
n'importe quoi, des spécialistes pour passer ses projets et qu'un
groupe environnemental, par exemple, lui, n'aurait le droit à aucune
aide? Donc, à quelque part, en plus de ne pas avoir d'aide, toi, tu
paies pour aider le promoteur. Donc, la situation est drôlement
inquiétante de ce côté-là.
Prenez, par exemple, une aluminerie. Prenez, par exemple, une
papetière, qu'on pense aux contrats d'électricité
privilégiés qu'on leur donne et tout ça, la
Société de développement industriel, etc. Donc, d'une
certaine manière, le gouvernement est presque toujours partie prenante,
en tout cas investit une partie du projet. Donc, il me semble que ce serait
logique qu'il y ait une aide pour les gens et, comme je vous le disais
tantôt, les gens ont une expertise très, très valable, puis
ça bonifie les projets la plupart du temps. Je pense qu'il ne faut pas
se passer de ça, puis à l'heure actuelle...
Mme Bélanger: Mais vous me dites...
M. Gravel: Un instant, juste une petite dernière
suggestion. Si on prenait juste l'argent qu'Hydro-Québec... parce que
Hydro-Québec, à l'heure actuelle, donne de l'argent comme
compensation pour les projets. C'est ça, 1 %, je pense. Prenez juste cet
argent d'Hydro-Québec qui est déjà donné, mais
donnez-le d'office aux groupes environnementaux et, déjà
là, ça va être un grand pas parce que les groupes
environnementaux - c'est dit par le gouvernement même - on a fait avancer
la cause, etc., puis c'est fait presque bénévolement. Donc,
donnez une chance aux groupes environnementaux. Vous allez voir qu'on va faire
un grand pas bien plus rapide, on ne sera pas frustrés et on ne se
sentira pas toujours dans un état de frustration parce qu'on va sentir
qu'on a l'aval du politique.
Mme Bélanger: Mais est-ce que vous me dites que les
groupes environnementaux comme le vôtre, par exemple, pourraient
remplacer les experts d'Hydro-Québec pour l'analyse de gros projets sur
l'impact environnemental?
M. Gravel: Non, non, pas remplacer, mais, nous autres, on veut
avoir les moyens de donner notre point de vue. C'est sûr que le
promoteur, lui, a son point de vue, mais les groupes, la population a un point
de vue qui mérite d'être appuyé financièrement pour
que ce soit bien structuré et qu'on vous présente des choses
structurées. Apres ça, vous serez plus en mesure de juger. S'il y
a juste un côté qui est subventionné et qui a les moyens de
présenter son expertise, vous-mêmes, vous n'aurez pas toute
l'information pour juger d'une façon pertinente d'un projet. Donc, s'il
y a une opposition au projet, donnons-leur la chance de s'organiser, de
s'exprimer, donnons-leur un soutien et on va avoir toute l'information et on
pourra juger en bonne connaissance de cause de la viabilité et de la
validité des projets.
Mme Bélanger: Je vous remercie.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux
féliciter M. Gravel et rendre hommage, au nom de l'Opposition, au
travail que son comité fait. Le Comité de l'environnement de
Chicoutimi a une longue expérience et je dirais aussi que le Conseil
régional de l'environnement travaille très bien dans votre
région. Il y a ici des députés de la région qui
vont en témoigner tantôt.
Les remarques que je faisais tout à l'heure à votre
prédécesseur sur la contribution des groupes environnementaux, je
ne vais pas répéter ces remarques-là, mais je peux vous
assurer, M. Gravel, que l'Opposition va veiller à ce que les audiences
de la commission puis les travaux qui nous sont présentés,
ça ne restera pas lettre morte. Nous allons - et le climat jusqu'ici est
positif, le climat est à la bonne entente entre les deux parties - voir,
l'Opposition, à ce que, dans notre rapport final, il y ait de la place
pour des recommandations précises quant au financement des groupes
environnementaux et aussi aux suggestions que vous faites, moi, que je trouve
pertinentes. Je suis prêt à les endosser à 100 %.
Le rapport Lacoste, bien sûr qu'il faut qu'il soit mis en
application le plus tôt possible. Assujettir la gestion des
déchets solides, nous en avons parlé tantôt, je pense que
ça devrait aussi faire partie des conclusions de notre rapport.
J'arrive à ma question qui porte sur les programmes
gouvernementaux, les grandes politiques du gouvernement. Vous en parlez dans
votre mémoire, vous dites que ça devrait faire l'objet
d'évaluation environnementale et être assujetti à la
procédure. La question que je veux vous poser est la suivante: Est-ce
que vous pensez que, dans la mesure où il y aurait dorénavant de
ces débats publics sur les grandes politiques, ça pourrait avoir
une influence sur les débats qui sont tenus ensuite, lors des audiences
pour l'évaluation d'un projet spécifique?
Autrement dit, on voit souvent, à l'occasion d'un projet
particulier, un débat public qui devient très
général. Est-ce que vous pensez que, s'il y avait ces
débats publics sur les grandes politiques gouvernementales, ça
pourrait éviter qu'il y ait des débats généraux
à l'occasion de projets particuliers?
M. Gravel: Oui, je le crois. Ça me semble évident
parce que, si on a des débats généraux sur nos politiques,
je pense qu'on va réussir à s'entendre sur des principes de base.
Et lorsqu'on se sera entendu sur ces principes de base, on ne s'enfargera plus
dans les virgules. Chez nous, on
a eu une audience sur une voie ferrée de l'usine d'Alcan à
Laterrière. C'était un peu loufoque. On ne pouvait même pas
avoir d'audiences sur l'aluminerie elle-même. C'est sûr qu'on
voulait parier de l'aluminerie en même temps et savoir ses impacts. On
nous empêche de discuter publiquement de ça. On est toujours dans
une situation d'opposition. Je pense que, si on a le courage de discuter des
politiques - et la politique énergétique, c'est le meilleur
exemple - si on a le courage de faire ça, après ça,
ça va être beaucoup plus facile, on va s'entendre beaucoup plus
facilement parce que tout découle des politiques à quelque part.
Comme je vous le disais, si on s'entend sur les principes écologiques
qu'il faut respecter au Québec, sur la capacité de renouvellement
des ressources, la protection des communautés, en tout cas, si on
s'entend sur tous ces principes-là, je pense que les cas particuliers
vont être beaucoup plus faciles à régler après.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Jonquière.
M. Dufour: Oui. D'abord, je voudrais vous féliciter au
moins de votre démarche que vous avez entreprise de venir
présenter un mémoire. Peut-être que vous faites partie des
missionnaires, encore, de l'environnement. À ce que je sache, les gens
qui prennent des montants d'argent de leur poche pour défendre leurs
idées, ça demande un certain courage, ça prend de la
volonté et surtout d'être bien convaincu de son travail.
Vous avez parlé tout à l'heure de la saga des
déchets au Saguenay. Je peux vous dire qu'on l'a vécue, mon
collègue de Dubuc aussi, on a vu ce qui s'est passé par rapport
à ça. C'a duré plus de sept ans; ça a dure au moins
neuf ans. Sept ans, vraiment un débat à ne plus finir! Est-ce que
vous avez l'impression qu'on aurait pu avoir une méthode de débat
qui aurait fait avancer le dossier et pris beaucoup moins de temps? Par
exemple, le fait que c'est les élus municipaux plutôt que le BAPE
qui ont le droit de venir s'interposer à travers ce processus, ça
a allongé le débat. Il n'y a pas de barèmes et il n'y a
pas de balises - en tout cas, on l'a vécu - et si vous en trouvez, vous
me le direz.
Comment aurait-on pu procéder autrement pour faire avancer le
dossier et arriver à un consensus? Est-ce que ça aurait
été possible qu'on assoie tout le monde ensemble, qu'on demande
au BAPE de venir siéger? Est-ce qu'on aurait pu avoir de meilleures
relations entre les élus municipaux, d'une part, et les groupes
environnementaux?
M. Gravel: oui, je crois que oui, pour avoir participé
à quelques audiences sur le bape. ce qu'une audience publique faite par
le bape donne comme avantage, c'est que ça protège le climat.
C'est moins émotif parce que tu n'es pas en opposition directement avec
le promoteur. Tu sais qu'il y a quelqu'un de neutre, en tout cas autant qu'une
personne peut être neutre - elle ne peut pas vraiment être neutre,
mais en tout cas - le plus objective possible, une personne soucieuse
d'entendre l'analyse de chacune des personnes qu'elle va avoir devant elle, que
ce soit un promoteur, que ce soit un simple citoyen, tu sais, le respect de la
personne humaine d'écouter. Là, ça fait tout sortir
l'information qui ne sort pas lorsqu'il y a une confrontation entre deux
personnes, parce qu'il y a eu des confrontations dans la saga des
déchets. M. Jacques serait bien placé pour en parler entre
autres. O.K.? Donc, ça évite ce genre de problème
là.
Moi, ce que je me dis, c'est qu'il faudrait avoir une espèce de
formule, qui ressemblerait au BAPE, qu'on pourrait appliquer dans chaque
région. Ce serait peut-être ça l'idéal, mais,
à l'heure actuelle, le BAPE est très important parce qu'on n'a
pas ces structures-là. Mais je pense qu'en région il faudrait se
donner une espèce de formule d'audiences publiques comme ça
où les élus sont là - c'est très important que les
élus soient là - les promoteurs... Nécessairement, lorsque
les élus sont porteurs de la responsabilité, c'est bien
évident qu'il faut qu'ils soient là, mais que tout le monde
puisse se prononcer et que l'élu ne sente pas qu'il a toute la charge
sur le dos, qu'on mette une espèce de mécanisme pour que toute
l'information sorte et que tout le monde soit prêt à changer
d'idée, que tout le monde soit prêt à bonifier le projet
par les idées de tout le monde. Dans le fond, ce n'est pas très
compliqué.
M. Dufour: Écoutez, je trouve ça intéressant
comme avenue à exploiter. Est-ce que l'organisme qui serait
chargé d'écouter les problèmes à caractère
régional... Hier, il y a des intervenants qui nous ont dit que le BAPE
était à Québec, mais que c'était mieux, que
ça ne dérangeait pas, qu'il ne fallait pas décentraliser
ça. Il avait le pouvoir de venir siéger. Est-ce que vous
êtes de cet avis-là, qu'on pourrait élargir le mandat du
BAPE pour que les élus municipaux et les intervenants environnementaux,
comme des citoyens, des municipalités, puissent s'adresser à un
bureau ou décider d'un commun accord que le BAPE vienne siéger en
région pour des problèmes particuliers?
M. Gravel: Oui, tout à fait. Comme je vous disais
tantôt, à l'heure actuelle, on a besoin de ces
audiences-là, on a besoin que le mandat du BAPE soit élargi parce
qu'il n'y a pas d'alternative crédible à part ça. O.K.?
Mais ce que je vous disais tantôt, c'est qu'il faut chercher quand
même dans les régions à développer le plus possible
cette approche-là de consultation, ce qu'on appelle du partenariat,
finalement, à
travailler ensemble. Il faut le développer nous autres aussi,
ça, pour qu'éventuellement on ait de moins en moins besoin du
BAPE. Mais actuellement, on en a de plus en plus besoin tant qu'on n'aura pas
trouve quelque chose pour le remplacer aussi efficacement que ce qu'il est
capable de faire.
M. Dufour: Je vous remercie. M. Morin: M. le
Président.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Dubuc.
M. Morin: Bonjour M. Gravel. M. Gravel: Bonjour.
M. Morin: Vous dites dans votre mémoire que
l'assujettissement de la gestion des déchets à la
procédure d'évaluation ne doit pas avoir pour effet de tout
remettre sur les épaules du ministre ou du Conseil des ministres,
évidemment, les choix que les citoyens ou les municipalités sont
en mesure de prendre. J'aimerais que vous soyez un peu plus explicite
là-dessus parce que, nonobstant le fait qu'on mette sur pied, qu'on
soumette ces projets-là à la procédure d'évaluation
d'impact, au bout de la ligne, le ministre a toujours le fardeau de donner
suite ou non. Alors, j'aimerais que peut-être, à moins que j'aie
mal saisi...
M. Gravel: Effectivement, c'est une contradiction C'est pour
ça que je vous dis que l'idéal, ça serait qu'on
développe une formule en région qui arrive aux mêmes
résultats que le BAPE, c'est-à-dire qu'on soit capable de
discuter objectivement, sereinement d'un sujet, que tout le monde soit entendu
avec le même respect pour que tout sorte et qu'on puisse en discuter
vraiment. Ce n'est pas ça qui se passe en région, à
l'heure actuelle, et c'est pour ça que le BAPE... C'est encore mieux
d'avoir le BAPE à l'heure actuelle, même s'il faut que ça
remonte jusqu'au ministre, éventuellement, parce que, en tout cas, moi,
l'expérience que j'ai vécue jusqu'à date, les fois que le
BAPE est venu dans la région, ça a toujours, à mon avis,
donné des résultats positifs.
M. Morin: Moi, je pensais, M. le Président, si vous me
permettez, que vous vouliez faire allusion au fait qu'au moment où on se
parle, c'est évident que c'est le ministre de l'Environnement, en ce qui
concerne les sites d'enfouissement sanitaire, qui a la responsabilité de
les désigner. Mais, dans l'hypothèse où on aurait en
place, où on pourrait soumettre les sites à des études et
à des audiences, à ce moment-là, le ministre n'aurait plus
à faire ce travail-là. Ce travail-là reviendrait aux MRC,
aux municipalités, pour d'abord faire ce travail-là de
désigner des sites potentiels qui, eux, seraient soumis, bien sûr,
aux études d'impact. Je pensais que c'était ce à quoi vous
faisiez allusion, de décharger le ministre de cette
tâche-là qu'il fait à l'heure actuelle.
M. Gravel: L'un des principes, c'est de développer la plus
grande autonomie possible des régions dans le sens de dire qu'on
décide régio-nalement où l'on va, le plus possible. Je
pense que plus les gens seront impliqués, plus l'économie va
être prospère. Pour moi, ça, c'est évident. Il faut
arrêter d'avoir une attitude: Bon, bien, si on n'est pas capables de
régler nos problèmes, on va demander au ministre de les
régler, nos problèmes. Sauf que je pense que ce n'est pas
là, le problème.
C'est que, sur la gestion des déchets, il n'y en a pas eu, de
discussion publique vraiment objective et sereine dans tout ça. Les
solutions, elles se dégageraient d'elles-mêmes. Le site
d'enfouissement, c'est un aspect en particulier de la gestion des
déchets et c'est tout le reste qu'on n'a pas pu discuter parce que toute
la discussion s'est polarisée autour de cet
élément-là, qui a tout bouffé finalement, qui a
fait bien de l'émotivité et dont on n'a pas pu se parler à
un moment donné.
La venue de M. Chamberiand, justement, a donné un peu cet
avantage-là. Même si ce n'était pas une vraie audience,
ça a permis aux gens de se reparler, de se rapprocher un petit peu et,
finalement, on voit que le dossier commence à avancer tranquillement,
là. Mais l'important, c'est qu'on puisse en discuter puis de trouver nos
solutions régionalement. Ça, c'est un principe de base, c'est
sûr.
Le Président (M. Garon): Alors, je vous remercie, puisque
le temps dévolu pour entendre votre mémoire et poser des
questions aux deux partis est écoulé. Je suspends les travaux de
la commission pour quelques instants, le temps, pour les gens, de quitter la
salle, parce que nous ferons une courte séance de travail de quelques
minutes pour faire le point sur la fin des travaux au cours des prochaines
journées.
(Suspension de la séance à 11 h 52)
(Reprise à 14 h 10)
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plaît! La commission de l'aménagement et des
équipements reprend ses travaux. Le mandat de la commission est de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation
générale sur l'étude de la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et sa
portée, notamment en ce qui a trait aux grands projets industriels et
aux projets
concernant la disposition des déchets solides domestiques, et
cela, en tenant compte de la procédure québécoise
actuelle, du rapport Lacoste, de la procédure ontarienne et de la
procédure suggérée par le gouvernement
fédéral.
Alors, je demanderais à l'Ordre des agronomes... Ah! vous
êtes là. Vous avez une heure pour vous faire entendre, dont la
répartition du temps doit être de 20 minutes pour la
présentation du mémoire, pour un questionnement qui suivra du
côté ministériel et du côté de l'Opposition de
20 minutes chacun. Comme dirait le président, si vous prenez plus de
temps, il y a moins de temps pour les parlementaires pour le questionnement.
Alors, je vous demanderais, si c'est possible, de respecter les 20 minutes.
Je demanderais au porte-parole de se présenter et de
présenter les personnes qui l'accompagnent.
Ordre des agronomes du Québec
M. Paquet (Jean-Marc): Merci, Mme la Présidente. Je me
présente, Jean-Marc Paquet, président de l'Ordre des agronomes du
Québec. Il me fait plaisir d'avoir avec moi des collègues qui
vont m'aider à répondre aux questions qui seront posées.
Ici, à ma droite, le vice-président, M. Claude Marchand; à
ma gauche ici, Mme Rhonda Beauregard, directrice générale
adjointe; M. André Rochon, ingénieur et agronome, consultant pour
la compagnie Hamel, Beaulieu et associés, et M. Richard Beaulieu,
agronome.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, vous pouvez y
aller, M. Paquet.
M. Paquet: Je vais y aller de façon un peu
résumée. On va vous situer un petit peu le débat. D'abord,
par l'introduction, l'Ordre des agronomes du Québec souhaite
répondre à l'invitation, qui nous a été faite par
le secrétaire de la commission, de présenter son point de vue par
rapport à la consultation générale sur la procédure
d'évaluation des impacts sur l'environnement.
L'Ordre des agronomes est une corporation professionnelle qui regroupe
plus de 3200 membres oeuvrant à chaque maillon de la chaîne
agro-alimentaire, de la production à la mise en marché, de la
recherche au financement, à l'enseignement, à l'environnement,
à l'aménagement du territoire et bien d'autres.
L'Ordre des agronomes se préoccupe particulièment de
l'environnement dans un contexte de développement durable de
l'agriculture et ce, pour assurer la sécurité alimentaire des
Québécois et maintenir le tissu agro-socio-économique du
milieu rural. Nous sommes conscients que la réussite de cette approche
repose sur des choix de société bien clairs sur l'avenir
économique, social, culturel et alimentaire de ses citoyens et
citoyennes.
Pour les besoins de ce dossier, nous nous pencherons surtout sur
l'aspect environnemental qui est relié au développement
agro-socio-économique du territoire pour une agriculture durable. Si
vous le permettez, nous ferons une brève mise en situation.
Ce n'est pas d'hier que les agronomes oeuvrent sur le territoire du
Québec. Depuis environ un siècle, agronomes et producteurs
s'affairent ensemble à tisser la pièce de l'industrie
agro-alimentaire québécoise et à vitaliser le milieu
rural. Ils en ont fait leur mission, leur mandat, leurs orientations et leurs
préoccupations.
Déjà, dans son mémoire à la commission
Bélanger-Campeau, l'Ordre des agronomes déclarait que
l'agriculture durable passe obligatoirement par l'occupation du territoire et
qu'elle doit se réaliser en harmonie avec le développement
durable des autres secteurs de l'économie.
Malgré qu'elle occupe moins de 5 % de la superficie de la
province, l'agriculture est souvent le gage du maintien d'un certain dynamisme
du tissu social et économique du milieu.
Avec les années, l'évolution de l'agro-ali-mentaire a
provoqué un déplacement de certaines productions vers certaines
régions et propulsé la notion de productivité dans la
façon de faire l'agriculture. Une concentration d'exploitation
créant des pressions environnementales et sociales et dont on ne
connaît pas encore pleinement les conséquences qui en est
résultées. À ce niveau, l'évaluation et l'examen
des impacts sur l'environnement ont leur place.
D'abord, le développement durable de l'agriculture. L'occupation
structurée du territoire où humains et nature sont
intégrés contribue à créer les fondements d'une
agriculture durable. La définition qu'on en donne, vous l'avez ici dans
le texte: "L'agriculture durable est respectueuse de l'environnement, elle
produit, de façon sécuritaire, des aliments sains et nutritifs
tout en maintenant le secteur économiquement viable et en harmonie avec
les industries et les secteurs connexes."
Le concept de l'agriculture durable s'inscrit dans une volonté de
préserver nos acquis pour laisser un héritage convenable à
nos enfants. Le respect de l'environnement et la viabilité
économique sont dorénavant partenaires de développement.
Enracinée dans un ensemble de valeurs, l'agriculture durable
reflète une prise de conscience écologique, sociale et
économique.
En conséquence, le maintien des activités agricoles dans
toutes les régions du Québec devra se faire en respectant les
ressources humaines, culturelles et naturelles. Dorénavant, il faudra
donner une priorité à la valorisation et à la conservation
des ressources sol, air, eau. À titre d'exemple, mentionnons
l'amélioration de la gestion des déjections animales,
l'application du principe du pollueur-payeur et la prise en compte des bassins
versants. Enfin, la notion de produc-
tivité revêt une enveloppe plus globale, plus humaine et
plus environnementale avec une vision à plus long terme.
Méthode privilégiée. L'Ordre s'est inspiré
du document de consultation "La procédure d'évaluation des
impacts sur l'environnement; Pourquoi? Comment?", de mai 1991, pour
préparer ce mémoire. Motivé par le développement
durable de l'agriculture et tel que suggéré dans la
présentation du document, il a rajouté des éléments
qui le concernent plus particulièrement. Il s'agit de l'environnement et
de l'agriculture ainsi que de l'environnement et de l'agro-alimentaire.
Le Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts
environnementaux existe depuis 1980. Plusieurs projets ont été
élaborés à partir de celui-ci. Nous profitons donc de
cette consultation générale pour vous présenter la
position de l'Ordre des agronomes.
Je passe le texte et je passe les recommandations avec la conclusion. En
résumé, l'Ordre des agronomes recommande d'apporter les
modifications suivantes à la procédure d'évaluation et
d'examen des impacts sur l'environnement: 1° d'adopter la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts environnementaux proposée
dans le rapport Lacoste; 2° définir des délais impartis dans
chacune des étapes de la procédure; 3° d'établir une
procédure de négociation d'échéancier entre le
promoteur d'un projet et les diverses parties impliquées; 4°
d'utiliser les avis et les interrogations recueillis auprès du public au
cours de l'étape d'information et de consultation publique pour
rédiger la directive d'étude d'impact transmise au promoteur par
le ministre de l'Environnement; 5° de rendre disponible l'analyse technique
produite par le MENVIQ à la suite du dépôt de
l'étude d'impact réalisée par le promoteur avant la tenue
des audiences publiques; 6° dans un but de développement durable de
l'agriculture, s'assurer que l'évaluation environnementale des projets
urbains, commerciaux et industriels localisés en milieu rural tienne
compte des impacts sur les ressources naturelles nécessaires à la
production agricole - sol, air, eau - et des activités agricoles
nécessaires au maintien et à la gestion des ressources naturelles
indispensables à la production agricole; 7° de remettre au promoteur
l'entière responsabilité de produire l'analyse environnementale
du projet, de la superviser et de la coordonner; 8° d'exiger des promoteurs
qu'ils intègrent le plus parfaitement possible les aspects
environnementaux, sociaux et économiques de tout projet lors de
l'étude d'impact et ce, dans un contexte de développement durable
à long terme; 9° de remettre au promoteur la responsabilité
de faire l'évaluation des impacts environnementaux cumulatifs
provoqués par une répétition de projets de même
nature ou de nature différente; 10° de remettre au MENVIQ la
responsabilité de fournir les données de base à tout
promoteur désirant pratiquer une activité ayant un effet
cumulatif pour réaliser son étude d'impact; 11° de rendre
obligatoire que chacun des projets prévus fasse l'objet d'une
étude d'impact dans le cas où un promoteur prévoit mettre
en place une même activité en plusieurs endroits; 12° de
mettre en vigueur l'intégralité de l'article 2 du
Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur
l'environnement; 13° de rendre obligatoire la mise à jour
périodique de la liste des projets devant être soumis à la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement; 14° de ne soumettre à la procédure que la ou
les composantes secondaires d'un projet que lorsque la composante principale en
est l'objet, dans le cas où les recommandations 12 et 13 seraient
adoptées; 15° de soumettre à la procédure chacune des
composantes secondaires d'un projet sans possibilité de ne pouvoir en
détacher une seule; 16° d'harmoniser nos procédures
d'évaluation des impacts environnementaux avec nos voisins dans un
objectif d'efficacité, d'équitabilité économique et
de globalité; 17° de soumettre toute modification d'un projet
à une étude d'impact et au besoin à une nouvelle
consultation publique; 18° de rendre le promoteur responsable du suivi
environnemental de son projet au cours et à la suite des travaux de
construction: il doit soumettre ces rapports de suivi environnemental à
des périodes fixes prédéterminées; 19° de
donner au BAPE le mandat de fournir un support technique aux individus ou
groupes dans la préparation de document servant à faire
connaître leur position sur tout projet; 20° de mettre en place une
procédure de médiation et d'arbitrage dont le BAPE n'assumerait
pas nécessairement le leadership; 21° d'établir une
procédure faisant en sorte que le gouvernement soumette ses programmes
et ses politiques à une procédure de consultation publique dans
le but d'évaluer les impacts sur l'environnement d'un
développement durable; 22° de soumettre les entreprises
étrangères aux mêmes exigences que les entreprises locales
concernant la réalisation d'une étude d'impact de leur projet;
23° de ne remettre les montants d'argent prévus dans le cadre d'un
programme gouvernemental qu'à la suite de l'acheminement de l'analyse
environnementale ayant reçu au préalable les permissions requises
pour la réalisation d'un projet des autorités compétentes;
24° d'assujettir tout système de gestion des déchets, sa
modification et plus particulièrement l'implantation d'un lieu
d'enfouissement sanitaire à la procédure d'évaluation et
d'examen des impacts sur l'environnement; 25° de transférer aux
municipalités la surveillance du respect de toute réglementation
dans ce secteur, particulièrement dans le cas où l'entreprise
privée effectue la gestion et l'opération de systèmes de
gestion des déchets; 26° d'instaurer des programmes favorisant le
recyclage, le compostage, la collecte sélective et la réduction
des emballages; 27° de mettre
rapidement sur pied une commission d'enquête ou un groupe de
travail sur la gestion intégrée des déchets au
Québec; 28° de former un comité conjoint devant
évaluer les moyens de réduire les déchets
générés par l'ensemble des activités du secteur
agro-alimentaire, tels que les emballages des produits alimentaires au
détail, les résidus de conserveries, d'abattoirs, de fromageries,
etc., et de proposer des solutions, dans un contexte de protection et de
conservation des ressources pour le développement durable de
l'agriculture.
En conclusion, la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts sur l'environnement effectue la fonction qui lui est dévolue.
À notre avis, les modifications proposées par le rapport Lacoste
et celles que nous préconisons dans le présent document pourront
améliorer l'efficacité de la procédure. Elles permettront
aussi d'obtenir des effets environnementaux, sociaux et économiques
encore plus tangibles pour l'ensemble de la société
québécoise soucieuse d'offrir à ses
générations futures un milieu sain et propice aux
activités agricoles.
Il nous apparaît essentiel qu'un plus grand nombre de projets
mineurs et majeurs soient assujettis à la procédure. L'objectif
d'une meilleure qualité environnementale des activités de l'homme
sur son milieu serait plus facilement atteint par l'obligation de soumettre
globalement l'ensemble des composantes de tout projet.
Il est important que la société québécoise
adhère aux principes de recyclage, de composta-ge, de collecte
sélective et de réduction d'emballages pour favoriser
l'utilisation de nos sols agricoles à leur fonction première
plutôt qu'à celle d'enfouir des déchets. Ainsi, nos terres
contribueront à garantir la sécurité alimentaire des
Québécois et des Québécoises. L'Ordre des agronomes
considère donc de première importance de procéder à
un examen collectif de la gestion de nos déchets,
particulièrement ceux produits par l'ensemble de l'agro-alimentaire, et,
à cet égard, il souhaite offrir sa collaboration. Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Je vous
félicite, M. Paquet. Vous avez pris 12 minutes. Alors, M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Richard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Paquet,
à vous et votre équipe, pour cet excellent mémoire.
Maintenant, j'aurais un questionnement en référence à la
page 3, paragraphe 5, de votre document. Vous faites allusion, en fait,
directement à des délais normaux pour une évaluation de
projet. On parle évidemment de projet avec une étude
environnementale, avec audiences publiques. Ce serait quoi
l'échéancier?
Vous faites allusion, évidemment, à des délais
normaux, là, mais on sait que, pour la moyenne des dossiers, ça
varie entre 30 et 33 mois, et je pense que tout le monde est très
conscient... particulièrement les intervenants qui sont venus ici depuis
hier. Ils disent qu'évidemment c'est trop long et ils ont tout à
fait raison. Vous aussi, en mentionnant et en disant directement des
délais normaux. Mais c'est quoi des délais normaux selon
vous?
M. Paquet: M. Rochon va vous répondre à cette
question.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Rochon.
M. Rochon (André): Oui, Mme la Présidente. Dans
notre mémoire, on mentionne les délais impartis. Il est vrai que
souvent les délais peuvent sembler longs, mais ce qui peut causer,
à mon avis, de plus grands problèmes au promoteur, c'est qu'il ne
connaît pas l'échéancier. Il nous semble très
important que, dès le début, dans le projet, on précise
les délais de façon à ce que le promoteur sache que, dans
12 mois, 18 mois ou 20 mois, la procédure sera complétée
et qu'il pourra débuter son projet.
Évidemment, plus le délai sera court, plus ce sera
avantageux pour le promoteur. Mais, dépendamment de la complexité
du projet, il peut s'avérer que des délais plus longs soient
requis pour des projets plus complexes, alors que, pour des projets plus
simples, on puisse se contenter de délais plus courts. Mais ce qui nous
a semblé le plus important, c'est d'impartir les délais.
M. Richard: Ça va, ça. Ça, c'est le sens de
votre texte, mais, quand on parle de délais, ça veut dire combien
de mois? Parce qu'il y a des gens qui sont venus nous dire ici qu'il faudrait
que tout ça, ça se passe à l'intérieur de 12 mois,
qu'il faudrait que ça se passe à l'intérieur d'une
année. Est-ce que c'est le type de délais que vous mentionnez?
Parce que, là, en fait, vous donnez de la latitude. Vous dites: S'il y a
des délais, il faudrait les préciser. Ça serait important
que, pour le promoteur, ce soit très clarifié à ce
niveau-là. On est tout à fait d'accord avec ça, sauf que
c'est quoi les délais?
M. Rochon: M. Richard, on ne veut pas... La Présidente
(Mme Bélanger): M. Rochon.
M. Rochon: Excusez-moi, Mme la Présidente. On ne veut pas
préciser de délais fixes pour l'ensemble des projets parce que,
comme je viens de le mentionner, dépendamment de la complexité
d'un projet, il peut s'avérer nécessaire que les études
prennent un an, deux ans, trois ans. Maintenant, là, j'entends bien
délais à partir de l'avis de projet jusqu'à la fin des
audiences publiques et non pas juste une des étapes. Alors,
dépendamment de la... Parce qu'on vit actuellement un projet très
complexe dans le nord du Québec qui demande quand même un
certain
temps d'étude. Par contre, on a d'autres projets qui sont plus
simples, qui pourraient très bien passer à travers la
procédure dans des délais de six mois.
M. Richard: O.K. Donc, en fait, ce serait des délais
fixés en fonction du type de projet.
M. Rochon: Oui. Délais qui seraient fixés au
début, suite, disons, à l'avis de projet, qui pourraient
être fixés par les différents organismes impliqués,
soit le MENVIQ, le BAPE et le promoteur. Si on prend ces trois
intervenants-là, par exemple, ils pourraient convenir qu'un mois
après le dépôt de l'avis de projet la directive serait
émise, que, suite à l'émission de la directive, le
promoteur prendrait huit mois pour produire son étude d'impact, que,
suite à ça, le MENVIQ pourrait prendre, par exemple, deux mois
pour produire son avis technique, mais ça, toujours dépendamment
du projet. Ce serait une entente entre les différents intervenants.
M. Richard: Très clarifiée dès le
départ.
M. Rochon: Qui serait clarifiée dès le
départ, qui serait convenue dès le départ. À notre
avis, ça améliorerait beaucoup la situation du promoteur parce
qu'il saurait que, dans x mois d'ici, il aurait son autorisation ou bien qu'il
ne l'aurait pas, mais il saurait, il pourrait planifier, commencer son projet
dans x mois. Il le saurait dès le départ. C'est ce qui nous
semble le point le plus important.
M. Richard: Ça répond à ma question.
Maintenant, une référence à la page 5 de votre
mémoire, au paragraphe 7, où l'Ordre parle d'élargir la
liste des projets qui sont assujettis, en fait, à une évaluation.
Dans cette liste-là, est-ce qu'éventuellement devraient
apparaître tous les projets agricoles de moyenne et de grande envergure?
Est-ce qu'on pourrait parler, entre autres... Et on sait l'implication que
ça peut causer; ça peut aller jusqu'à l'épandage du
purin. Parce qu'on sait qu'en milieu agricole ça peut aller sur
d'immenses surfaces. Est-ce que ça devrait faire partie de cette
liste-là? Vous parlez d'élargir la liste. Vous ne faites pas
état de ça. Vous dites Oui, la liste n'est pas complète,
en résumé. Vous dites: Elle devrait être plus large; elle
devrait être plus complète. Puisque votre profession touche, entre
autres et assez spécifiquement, le milieu agricole, est-ce que cette
liste-là devrait comprendre jusqu'à ça? Là, je
parle de faits précis.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Beaulieu va
répondre à la question.
M. Beaulieu (Richard): C'est bien ça. Effectivement, on
reconnaît que la liste actuelle nous semble incomplète. Ce qu'on
entend par là, c'est d'abord revoir cette liste pour la mettre à
jour en fonction de la problématique actuelle. Ça pourrait,
à la rigueur, si on juge que la problématique, en termes
environnementaux, nécessite l'ajout des activités ou de certaines
activités agricoles, aller jusqu'à ce secteur-là,
effectivement.
M. Richard: Donc, ça peut être très
spécifique, selon ce que vous sous-tendez. La liste peut être
très exhaustive, elle peut être très complète. Selon
vous, elle ne l'est pas à date.
M. Beaulieu: Oui.
M. Richard: Elle n'est pas assez précise.
M. Beaulieu: Oui.
M. Richard: Elle devrait être très
ventilée.
M. Beaulieu: Oui.
M. Richard: Mais vous n'avez pas cru bon d'en faire une certaine
liste, nous disant, par exemple - parce qu'il ne faut pas oublier ici que nous
sommes en consultation auprès de vous, qui êtes les gens dans le
milieu: Voici, nous, on pense que tel ou tel dossier, ça devrait faire
partie de cette liste-là.
M. Beaulieu: Non, effectivement, on ne s'est pas penchés
sur cette question-là plus en profondeur.
M. Richard: La seule chose que vous avez constatée, c'est
que la liste n'est pas assez longue, qu'elle n'est pas complète. (14 h
30)
M. Beaulieu: On a constaté que la liste, par rapport
à ce qu'on connaît de la problématique environnementale,
n'est pas à jour. Donc, on souhaite voir ajouter des choses qui sont...
Par exemple, dans l'article 2, il y a des choses qui, actuellement, ne sont pas
en force et qu'on voudrait voir, entre autres. Alors, ça ne veut pas
nécessairement dire ajouter, mais, entre autres, ça veut dire
aussi utiliser ce qu'il y a actuellement dans l'article 2.
M. Richard: Ça va. Non, mais vous comprenez le sens de ma
question...
M. Beaulieu: Oui.
M. Richard: ...c'est qu'on n'aurait pas détesté
que, justement, apparaissent certaines recommandations ou une certaine liste
qui dit: Le plus bel exemple que la liste n'est pas à jour, tel ou tel
type devrait faire partie de cette liste. C'est juste dans ce
sens-là.
M. Beaulieu: On comprend bien la question.
M. Richard: Ce n'est pas négatif, mon intervention.
M. Beaulieu: D'accord.
M. Richard: C'est seulement pour dire que, nous, plus vous y
mettez de détails, plus vous risquez de nous toucher directement
là où on va avoir justement l'information.
J'aurais un autre questionnement en référence à la
page 7 de votre document, paragraphe 2, au niveau du suivi environnemental.
Pendant et après la construction, vous dites que, selon vous, c'est la
responsabilité complète du promoteur. Ça, c'est ses
problèmes à lui; il doit le trouver, il doit faire le suivi et il
doit en être responsable. Ce que ça coûte, en
résumé, il devra le payer. C'est ses problèmes.
Alors, l'obligation de fournir, annuellement, une vérification
environnementale faite par des experts externes, est-ce que, ça,
ça pourrait se faire un peu comme au niveau des entreprises, ce que
plusieurs d'entre vous connaissent sûrement, on fait une
vérification comptable des entreprises? Est-ce que ça pourrait
rejoindre votre souhait si c'était une vérification dans le
même, ou à peu près... Au même titre qu'on a une
mécanique, actuellement, qui fait une vérification comptable de
nos entreprises, est-ce qu'il pourrait y avoir une vérification, non pas
comptable, quoique en partie comptable, mais une vérification
environnementale, systématique et, en fait, obligatoire?
La Présidente (Mme Bélanger): M. Beaulieu.
M. Beaulieu: Je vais répondre à cette question.
Effectivement, on a mentionné dans notre document qu'on pense qu'il est
obligatoire que le promoteur fasse son suivi. On n'est certainement pas en
désaccord avec ce que vous venez d'apporter parce que, effectivement,
ça permettrait, dans le cas où ce type d'activité
existerait, de contrevérifier les documents fournis par le promoteur.
Donc, il nous semble que ce type d'évaluation serait souhaitable.
M. Richard: J'aimerais que vous me disiez, en terminant,
très précisément à quel moment la population doit
être au courant et intervenir ou donner son positionnement et dire ce
qu'elle pense du projet du promoteur, quelle que soit la grosseur du projet et
quel que soit le promoteur. J'espère ne pas vous causer de
problèmes en posant cette question-là.
M. Rochon: Non, non, mais je ne suis pas...
La Présidente (Mme Bélanger): M. Rochon.
M. Rochon: Merci, Mme la Présidente. M. richard, je ne
suis pas certain d'avoir compris votre question. vous nous demandez: quand le
public doit-il intervenir à l'intérieur de la
procédure?
M. Richard: C'est-à-dire que, moi, je suis un
promoteur...
M. Rochon: Oui.
M. Richard: ...et, entre le moment où, moi, j'avertis que
j'ai l'intention de bâtir tel type d'entreprise dans tel milieu...
M. Rochon: D'accord. Ce qui constitue, en fait, l'avis de
projet.
M. Richard: Exactement. À quel moment vous voyez
l'intervention directe, vous voyez que la population peut intervenir, donner
son opposition, son positionnement ou faire son questionnement?
M. Rochon: D'accord. Nous, nous verrions très bien, tel
que suggéré dans le rapport Lacoste, que la population
intervienne avant rémission de la directive, que la population soit
consultée avant que la directive soit émise de façon
à bien évaluer les enjeux environnementaux de cette population.
Ça permettrait de préciser davantage la directive qui oriente
l'ensemble de l'étude d'impact par la suite.
On croit également que la population doit intervenir à
nouveau, si vous voulez, une fois l'étude d'impact
complétée, à l'intérieur d'audiences publiques, tel
que ça existe actuellement. On verrait très bien l'ajout d'une
consultation du ou des publics immédiatement après
l'émission de l'avis de projet et avant l'émission de la
directive, donc très tôt.
Il appartiendrait, évidemment, au rédacteur de la
directive, c'est-à-dire le MENVIQ, de peser le pour et le contre des
avis qui auraient été exprimés par le public, parce que
c'est quand même le MENVIQ qui conserverait le rôle
d'émettre la directive. Mais je pense qu'en consultant le public
dès le début ça permettrait de bien orienter
l'étude d'impact et que ça rendrait peut-être moins
obligatoire la tenue des audiences publiques suite au dépôt de
l'étude d'impact. Si l'étude d'impact répond bien à
toutes les questions du milieu, probablement qu'il n'y aura pas d'audiences
publiques suite au dépôt de l'étude d'impact.
M. Richard: Merci, Mme la Présidente. Ça veut dire
que moi, si je suis un promoteur, je contacte les gens au ministère,
normalement, pour savoir si je vais avoir une subvention et,
deuxièmement, je vérifie pour voir si le projet est recevable. Je
présente mon projet, et à la minute où je donne les
grandes lignes du projet, vous me dites: Le ministère de
l'Environnement
devrait, lui, faire la synthèse du projet et immédiatement
faire une consultation de la population.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Rochon.
M. Rochon: En fait, M. Richard, c'est un peu ça, mais vous
l'avez schématisé beaucoup.
M. Richard: C'est mon rôle de schématiser.
M. Rochon: Le promoteur ferait parvenir son avis de projet au
ministre de l'Environnement. Suite à la réception de cet avis de
projet, une audience publique serait tenue à partir des renseignements
fournis dans l'avis de projet. À partir de l'avis que
présenterait le public... Excusez-moi. On tiendrait compte des opinions
exprimées par les gens pour la rédaction de la directive, et
c'est encore le ministère de l'Environnement qui rédigerait la
directive.
M. Richard: Ça répond à ma question.
Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Nicolet. M. le député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je veux
féliciter les représentants de l'Ordre des agronomes.
L'Opposition concourt à peu près à 100 % avec les
recommandations que vous faites dans votre rapport. Il y a des principes
directeurs dans l'ensemble de vos recommandations et un principe, vous venez de
le mentionner, c'est l'implication précoce du public.
Dans les propositions que vous faites, il y en a une où je veux
m'arrêter avec vous, c'est dans les débuts, à la page 5,
où vous dites: "L'Ordre est favorable à la fusion de l'analyse
environnementale et de l'avis de recevabilité". L'avis de
recevabilité, il est rédigé par le ministère plus
tôt dans le temps que l'analyse environnementale, dans le moment. Je
voudrais que vous expliquiez un peu plus comment ça fonctionnerait dans
le contexte que vous proposez. Les deux se feraient ensemble; ce serait fait
par qui? Par le ministère, par le BAPE, par les deux? Madame peut
répondre?
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, c'est M.
Rochon? Mme Beauregard, vous pouvez répondre, vous aussi. M Rochon.
M. Rochon: Mme la Présidente et M. Lazure, en fait, oui,
on recommande que soient fondues ensemble l'étude de recevabilité
et l'étude technique que fait le MENVIQ suite au dépôt de
l'étude d'impact. En fait, ce qu'on souhaite c'est, à toutes fins
pratiques, la disparition de l'étape étude de
recevabilité. Ce serait plutôt remplacé par une
étude technique effec- tuée par le MENVIQ, étude technique
qui serait rendue publique en même temps que l'étude d'impact.
Ça donnerait à la population la façon de voir du
ministère de l'Environnement. Le ministère de l'Environnement, si
vous voulez, agirait comme conseiller auprès de la population et
viendrait donner son avis pour aider les gens à mieux comprendre
l'étude d'impact, à mieux l'évaluer. C'est la façon
dont on verrait le point que vous avez mentionne.
M. Lazure: Je comprends, oui, c'est intéressant comme
suggestion. Effectivement, ça éclairerait le public, comme vous
dites. Ça éclairerait le BAPE aussi?
M. Rochon: Oui, aussi, parce que ça ferait partie du
dossier qui serait déposé auprès du BAPE. Alors,
plutôt que d'avoir une étude technique qui arrive après les
audiences publiques et qui n'est destinée qu'au ministre, l'opinion du
MENVIQ serait présentée au public pour l'aider à mieux
comprendre l'étude d'impact.
M. Lazure: Et qu'est-ce que vous pensez du risque que cette
opinion du MENVIQ soit discutée sur la place publique par le BAPE ou que
le BAPE émette des opinions sur ces avis techniques du ministère?
Autrement dit, est-ce que ça pourrait ouvrir la porte à des
confrontations entre ministère et BAPE?
M. Rochon: Je ne penserais pas, M. Lazure. De toute façon,
le ministère de l'Environnement est toujours représenté
lors des audiences publiques et le BAPE, souvent, va adresser des questions aux
représentants du MENVIQ pendant les audiences. Alors, je pense que ce
serait plus facile pour tout le monde si le rapport technique était
déjà disponible et consulté avant les audiences.
M. Lazure: Moi, je suis porté à être d'accord
avec vous. Deuxième question. Les impacts cumulatifs, c'est complexe;
comment évaluer l'addition de plusieurs impacts, ce qui devient un
impact cumulatif? Est-ce que vous avez une expertise là-dedans? Est-ce
que vous connaissez des secteurs où ça a été fait,
des évaluations d'impacts de façon cumulative?
M. Beaulieu: Mme la Présidente, je vais
répondre.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Beaulieu.
M. Beaulieu: Effectivement, ce qu'on souhaite, c'est voir
évaluer les effets cumulatifs. Comme vous le dites bien, comme vous le
soulignez, c'est quelque chose qui est complexe, qui requiert une expertise
très particulière. Actuellement, ce qu'on peut vous dire, c'est
qu'on n'a pas, nous, d'expertise ou de façon particulière de
voir, mais il y a probablement, dans le milieu, des intervenants ou des
experts qui auraient des façons d'évaluer ces impacts cumulatifs
là.
M. Lazure: une autre question, concernant les composantes. vous
distinguez la composante principale d'un projet des composantes secondaires.
vous dites à un moment donné: "dans le cas où la
composante principale n'est pas soumise, alors la ou les composantes
secondaires ne doivent pas être soumises." mais ça pourrait
être embêtant parce qu'il peut y avoir des projets où ce
sont les composantes secondaires qui sont une menace à l'environnement
et où la composante principale est inoffensive. on peut concevoir des
projets comme ça. dans votre optique, à ce moment-là, les
composantes secondaires qui pourraient être nocives ne seraient pas
étudiées. pouvez-vous clarifier ça, s'il vous
plaît?
M. Rochon: Oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Rochon.
M. Rochon: M. Lazure, je vous reporte à la page 11 de
notre document. Lorsqu'on dit que les composantes secondaires n'auraient pas a
être soumises lorsque la composante principale ne l'est pas, on mentionne
quand même que nos recommandations 12 et 13 devraient, à ce
moment-là, être adoptées, c'est-à-dire mettre en
vigueur l'intégralité de l'article 2 du règlement...
M. Lazure: Oui, ça va.
M. Rochon: ...et mettre à jour périodiquement la
liste des projets qui seraient soumis. Maintenant, en ajout à ce qu'on a
écrit ici, ce qu'on veut également dire, c'est qu'on
conçoit très mal qu'un projet ne soit pas soumis à la
procédure si une de ses composantes, même si elle est secondaire,
constitue un grand risque pour l'environnement. Tout projet à risque
pour l'environnement devrait être soumis à la procédure. En
fait, nous, on voit chacun des projets dans sa globalité.
M. Lazure: Oui, je vous suis jusque-là, mais ce que je ne
comprends pas, c'est votre texte. Vous dites que, dans le cas où la
composante principale n'est pas soumise, alors la ou les composantes
secondaires ne doivent pas être soumises.
M. Beaulieu: Mme la Présidente, je vais compléter
la réponse. M. Lazure, ce qu'on a présenté dans le
document... On dit d'abord: Si la composante principale doit être
évaluée, les composantes secondaires doivent l'être et on
dit que, dans le cas inverse, ça ne doit pas l'être. Sauf qu'il y
a une exception dans notre document, c'est qu'on dit: Dans le cas où les
composantes secondaires font partie de la liste des projets assujettis,
à ce moment-là, il n'y aura pas lieu de les soustraire à
l'évaluation. Comme vous le dites bien, finalement, une ou certaines
composantes secondaires peuvent être plus nocives que le projet dans son
ensemble. Donc, c'est ce qu'on souhaite ou c'est de cette
façon-là qu'on le voit.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de La Prairie. (14 h 45)
M. Lazure: Moi, je constate avec plaisir que vous nous
recommandez que tout système de gestion des déchets... Non. "Nous
jugeons pertinente la mise sur pied d'une commission d'enquête ou d'un
groupe de travail sur la gestion intégrée des déchets au
Québec." Alors, je vois que ça correspond à vos
préoccupations; c'est aussi la préoccupation de plusieurs membres
de la commission. C'est tout pour le moment, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): C'est tout pour le
moment?
M. Lazure: On va revenir tantôt.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que-Oui? O.K.
M. le député d'Arthabaska.
M. Baril: Je ne voulais pas prendre le temps de l'autre, de
l'autre bord.
Une voix: Tu ne le prendras pas. Inquiète-toi pas.
M. Baril: C'est correct, pas de problème. M. Lazure:
Ils vont prendre tout leur temps.
M. Baril: Oui? Moi, je voudrais d'abord féliciter l'Ordre
des agronomes d'avoir présenté son mémoire parce qu'il
touche un aspect tout à fait particulier qui est, entre autres, la
protection du territoire agricole. Probablement que c'est par
déformation professionnelle que vous abordez assez spécifiquement
cet aspect-là et je vous en félicite.
Je traiterai surtout de la section III de votre mémoire qui parle
justement de la disposition des déchets solides domestiques. Vous faites
mention que l'établissement de tout site d'enfouissement devrait
être soumis à une procédure d'audiences publiques par le
BAPE. J'aimerais savoir, quand vous pensez à ça, si, dans la
révision des zones agricoles que les municipalités
achèvent de faire avec la Commission de protection du territoire
agricole, on sait s'il y a des impacts majeurs sur l'établissement de
cette nouvelle zone.
Parce qu'il y a beaucoup de territoires agricoles, d'abord, qui sont
enlevés à l'agriculture pour établir des industries, si on
fait des
parcs industriels ou des parcs résidentiels, et, aussi,
qu'à certains endroits, comme sites d'enfouissement sanitaire, on veut
utiliser d'anciennes carrières. On pourrait en nommer, que j'ai dans la
tête, au Québec, un peu partout. Ça, c'est le rôle de
la Commission de protection du territoire agricole, entre autres, de voir
à accorder aux municipalités ce qu'elles veulent.
Quand vous avez écrit votre mémoire, pen-siez-vous que
cette procédure de révision de la zone agricole, quand ça
touche des territoires bien précis et que les municipalités ou
les développeurs ont des projets très précis dans cette
nouvelle zone agricole... Pensez-vous, avant que ce soit autorisé ou
accepté par la Commission de protection du territoire agricole et
décrété par le Conseil des ministres, que la
procédure que vous préconisez, soit la tenue d'audiences
publiques par un organisme autre que la Commission de protection du territoire
agricole, devrait être faite sur des projets de
réaménagement des zones agricoles?
Je pourrais vous en nommer. Vous avez un cas à Carignan, entre
autres, où ça fait deux, trois fois que la Commission veut
absolument dézoner un territoire pour établir un nouveau site
d'enfouissement sanitaire. Vous avez tout l'ouest de Montréal
actuellement où, à Pierre-fonds, je pense, il y a 500 hectares de
terre, encore, qu'on veut enlever pour du développement
résidentiel. Vous dites dans votre mémoire, et avec justesse,
qu'il reste seulement 2 % de territoire agricole au Québec. J'aimerais
ça savoir votre opinion là-dessus.
M. Paquet: Voici. Je pense que, M. Baril... La
Présidente (Mme Bélanger): M. Paquet.
M. Paquet: Oui. Je pense que vous rejoignez beaucoup nos
préoccupations quand vous énoncez votre question dans le sens
que, pour nous, c'est très problématique. On veut s'assurer que,
dans toute la réglementation, toutes les lois qu'on a au Québec,
par exemple, finalement, on ait cette espèce de vision globale qui fait
qu'on ne sectorise pas une loi ou un secteur par rapport à l'autre.
Finalement, devant l'urgence de sauver le peu de sol qu'il nous reste et
répondant aussi au fait que, pour nous autres, l'optique, c'est
l'occupation du territoire de façon à... Le territoire
défriché du Québec, je pense qu'il doit être
occupé à sa pleine expansion et ça, ça corrigerait
aussi bien des situations. Au lieu de vouloir concentrer toutes les entreprises
dans des plus grands centres, ça nous permettrait justement de sauver
globalement les parties de territoire qui sont, des fois, les terres les plus
favorables à l'agriculture.
Peut-être pour vous situer, vous donner un exemple, je ne crois
pas que ce soit valable de toujours ramener la transformation où est la
masse de la population. Finalement, on a des pressions environnementales qui
sont très fortes et, là, ça prend des territoires plus
grands pour enfouir nos déchets domestiques, etc. Je pense que notre
vision, de ce côté-là, quand on parle d'occupation du
territoire, ça peut permettre de régler en grande partie ces
préoccupations-là. Mais je reviens sur le fait que, pour bien
régler, pour moi, il faut avoir une vision globale de tout ce qui se
passe. Pour ça, il ne faut jamais opérer un secteur par rapport
à l'autre. C'est pour ça que, dans la consultation ou la
révision de la zone verte au niveau de la Commission de protection du
territoire agricole, on devrait ou on va devoir tenir compte de ces
aspects-là aussi.
Finalement, si on ne le fait pas, dans 4, 5 ou 10 ans, on aura des
problèmes majeurs parce que, justement, les déchets il faut y
faire face. Je pense que c'est l'ensemble de la communauté
québécoise qui va devoir contribuer à mieux les recycler
et à faire que, justement, on n'ait pas des montagnes de déchets
au même endroit. L'exemple des carrières... À
Montréal, c'est typique ce qui se passe actuellement dans la
carrière Miron; il y a toutes sortes de problèmes qui vont
survenir tout à l'heure par rapport à ça. On ne peut pas
passer ou rester indifférents devant ça.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril: Donc, vous préconiseriez, avant qu'une nouvelle
révision de zone agricole soit décrétée, qu'un
autre organisme puisse vérifier les impacts économiques, sociaux
et environnementaux de cette modification aux usages du territoire que,
souvent, on va dézoner. C'est ça?
M. Paquet: C'est ça, excepté qu'avant, il s'agit
plutôt d'enlever de la zone verte des parties pour les ramener dans la
zone blanche pour, peut-être, favoriser l'expansion urbaine et permettre
la construction de certaines industries. Je pense qu'il y a plusieurs
organismes qui doivent être consultés avant de
décréter et de définir quelle va être la zone ou le
périmètre de balisage par rapport à la zone agricole.
Vous savez, moi, je reste toujours un peu estomaqué de voir que,
finalement, on met de plus en plus de pression vers le peu de sols agricoles
qui nous restent actuellement. C'est alarmant et il faut le prendre en
considération. Pourquoi, à un moment donné, ne pourrait-on
pas utiliser d'autres secteurs pour faire de l'enfouissement, ailleurs que sur
les territoires agricoles? Le territoire défriché
représente à peine 5 % et on est en train de reboiser bien des
terres, actuellement, qu'on a déjà défrichées. Tout
à l'heure, qu'est-ce qui va nous rester? Ça va devenir
très problématique.
M. Baril: Dans votre mémoire, vous suggérez
également que ce soient les municipalités qui devraient avoir les
pouvoirs ou les moyens de surveiller l'application de certaines normes, de
certains règlements. Pensez-vous que les municipalités ont les
outils pour faire ce travail et sont capables, je dirais, d'avoir la
volonté? Je ne dis pas que personne ne peut le faire, mais pensez-vous
que, majoritairement, l'ensemble des municipalités sont capables
d'appliquer une réglementation qui est définie par un autre
palier de gouvernement?
La Présidente (Mme Bélanger): M. Beaulieu.
M. Beaulieu: Effectivement, il semble apparaître que la
gestion des déchets, c'est une problématique et que, pour les
municipalités, ça devient, la, si l'on veut, l'objet d'un nouveau
mandat. Dans ce sens-là, on peut comprendre qu'il y a probablement un
certain nombre de municipalités qui n'ont pas, à l'heure
actuelle, tous les outils, toute l'expertise pour le faire. Par contre, on
mentionne bien dans notre document que le ministère de l'Environnement
peut appuyer les municipalités dans l'effort de faire cette gestion des
déchets, par l'expertise qu'il a développée. On souhaite
que les municipalités aient le mandat de faire la gestion, mais on
souhaite aussi que le ministère de l'Environnement puisse appuyer les
municipalités dans cette démarche-là. C'est bien
important.
M. Baril: Moi, je vous remercie de votre mémoire.
Ça répond aux questions dont je voulais traiter au niveau
agricole. Je pourrais en avoir beaucoup d'autres. Je ne sais pas... Si on me
laisse du temps, je pourrais parler au niveau de...
Une voix: Vous n'êtes pas obligé de le prendre.
M. Baril: Comment? Je ne suis pas obligé de le
prendre?
Une voix: II y en a d'autres.
La Présidente (Mme Bélanger): II reste six
minutes.
M. Baril: Non, mais.:. Je vais arrêter, d'abord.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Baril: C'est intéressant, quand même.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député d'Arthabaska, si vous avez encore une question, vous
pouvez y aller.
M. Baril: Je vais en poser une, d'abord, parce que c'est
important. Il y a plusieurs municipalités qui vivent un problème
actuellement, un problème environnemental, c'est: Comment les villes
peuvent-elles se débarrasser des boues d'usines? On va déverser
ça dans les campagnes, sans planification. Pensez-vous que cette
méthode ou ces lieux d'entreposage des boues usées des usines
d'épuration devraient être soumis à des audiences
publiques? Parce que, si les gens des villes n'aiment pas les senteurs de la
campagne, ça ne veut pas dire que les gens de la campagne aiment mieux
les senteurs des villes.
Donc, ça, on établit ça actuellement un peu
partout. Pensez-vous que ça ne devrait pas faire partie d'un rôle
au Bureau d'audiences pour savoir ce que seront les impacts environnementaux de
rétablissement de ces nouveaux sites?
Mme Beauregard (Rhonda): Mme la Présidente, si vous
permettez.
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, Mme
Beauregard.
Mme Beauregard: Je regarderais ça d'une façon plus
globale. C'est qu'on a tendance à penser, parce que le recyclage et le
compostage deviennent beaucoup plus à la mode que ça ne
l'était, que tout d'un coup les terres agricoles offrent un potentiel
pour recevoir tout ce qu'on ne sait pas où mettre. Mais, si on regarde
que, finalement, les préoccupations du développement durable de
l'agriculture, ça se fait en valorisant et en conservant les ressources
sol, air, eau, on tiendra compte, oui, des préoccupations du public, que
ce soient les urbains ou les ruraux, mais on tiendra compte aussi de l'effet
que les boues ou d'autres déchets dont on ne peut disposer autrement
auront éventuellement sur le sol, même s'il est
composté.
Pourquoi on a aussi fait une recommandation dans le sens de mettre sur
pied, quand même, un groupe de travail? C'est qu'il y a
énormément de boulot à faire parce qu'il y a encore
beaucoup d'inconnues ici. Il y a de l'expertise qui existe en Europe, il y en a
aussi aux États-Unis, mais il faut peut-être justement aller
chercher les éléments de connaissances qui sont ailleurs et voir
si ça peut, finalement, s'appliquer ici.
M. Baril: Je vous remercie...
La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?
M. Baril: ...de la défense des droits des ruraux qui va
retomber sur l'urbain, aussi.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je vous
remercie, Mme Beauregard et MM. Paquet, Marchand, Rochon et Beaulieu, pour
votre participation à cette commission. Alors, je pense qu'étant
donné qu'il y a plusieurs personnes à déplacer nous allons
suspendre pour deux minutes
afin que l'Ordre des ingénieurs puisse approcher à la
table.
(Suspension de la séance à 14 h 58)
(Reprise à 15 heures)
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demanderais
à M. Thomassin et M. Michaud de bien vouloir s'approcher de la table. M.
Thomassin, M. Michaud, les membres de la commission vous souhaitent la
bienvenue. Vous avez une heure, dont 20 minutes pour présenter votre
mémoire, qui seront suivi d'un questionnement des deux parties, du parti
ministériel et de l'Opposition. Je suppose que c'est M. Thomassin qui
est le porte-parole?
Ordre des ingénieurs du Québec
M. Roy (Christian): Permettez-moi, d'abord, de faire une petite
correction. Mon nom est Christian Roy.
La Présidente (Mme Bélanger): Ah bon!
M. Roy: C'est une erreur qui s'est glissée, probablement
une erreur d'informatique.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Christian
Thomassin, est-ce qu'il est ici?
M. Roy: Non. Il y a Jean-Claude Michaud, à ma
droite...
La Présidente (Mme Bélanger): Jean-Claude
Michaud...
M. Roy: ...et je suis Christian Roy.
La Présidente (Mme Bélanger): ...et vous êtes
monsieur...
M. Roy: Christian Roy.
La Présidente (Mme Bélanger): Christian Roy.
Thomassin, ça ne se ressemble pas beaucoup pour une erreur informatique,
hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy: Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi donc,
brièvement, de me présenter. Je suis le porte-parole officiel de
l'Ordre des ingénieurs du Québec dans le cadre de cet appel de
mémoires de la commission. À ma droite, M. Jean-Claude Michaud,
conseiller au service de recherche de l'Ordre des ingénieurs du
Québec; il va m'assister dans cette présentation. D'abord,
brièvement, je voudrais me situer. Je suis professeur au
Département de génie chimique à l'Université Laval
et je suis président du Comité permanent de l'environnement de
l'Ordre des ingénieurs du Québec. Alors, c'est à ce titre
de représentant du comité de l'environnement qui traite, au
niveau de l'Ordre, directement de ces sujets, que je fais la
présentation.
Je pense qu'il n'est pas nécessaire de présenter longtemps
l'Ordre des ingénieurs qui regroupe plus de 33 000 membres qui sont
affectés dans presque tous les secteurs de la vie économique du
Québec. Une des missions importantes de l'Ordre, c'est certainement de
protéger l'intérêt du public en assurant la qualité
de la pratique du génie. La dimension environnementale est un sujet
éminemment important pour l'Ordre et c'est pour cette raison qu'il y a
environ 18 mois l'Ordre a formé un Comité permanent de
l'environnement, dont je suis le premier président, qui, justement, doit
se pencher et se penche sur différents problèmes,
différentes sphères qui concernent la problématique
environnementale au Québec. À cet égard, l'Ordre a donc
préparé un mémoire dont vous avez reçu copie et ce
que je me propose maintenant, c'est non pas tellement de faire la lecture de ce
mémoire mais plutôt d'en ressortir quelques points principaux. En
fait, il y a neuf points que je vais tâcher d'expliciter au meilleur de
ma connaissance durant le temps qui nous est alloué.
D'abord, quelques grandes questions de principe. Pour l'Ordre, la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts des projets doit
permettre d'informer adéquatement le public des enjeux réels et
doit permettre de bonifier les projets. L'Ordre reconnaît donc la
nécessité d'avoir une telle procédure, compte tenu des
préoccupations du public et des exigences nouvelles en matière de
conservation des ressources environnementales.
La corporation est aussi d'avis qu'il n'est pas souhaitable de changer
radicalement de cap en matière d'évaluation et d'examen des
projets puisque l'expérience en ce domaine est très
limitée, surtout dans le cas des projets industriels. D'emblée,
voici une position de l'Ordre, mais que je vais tâcher d'expliciter parce
que, d'un autre côté, l'Ordre est aussi d'avis qu'il y a lieu
d'apporter quelques améliorations à la procédure actuelle
pour en accroître la transparence et l'efficacité dans le contexte
d'une philosophie de développement durable. Voici donc, maintenant, les
neuf points sur lesquels nous pensons qu'il y a lieu d'apporter quelques
améliorations.
Premier point. Nous pensons qu'il faudrait préciser davantage les
projets qui doivent être assujettis et préciser des
critères d'assujettissement. Je m'explique. Nous sommes d'avis qu'au
niveau des projets, les grands projets industriels devraient être
traités, par souci d'équité envers les autres promoteurs
qui, eux, sont affectés par le processus d'audiences publiques et aussi
puisque c'est une approche, une procédure
utilisée abondamment maintenant chez nos voisins
immédiats.
Il faudrait mettre en vigueur les articles du règlement qui ne
sont pas encore appliqués de façon pratique, en particulier les
articles g et n. Ceci étant dit, nous pensons que, parmi les autres
articles, les autres sujets ou les autres projets qui sont décrits dans
l'actuelle procédure, il pourrait y avoir possibilité
d'élaguer un peu la liste, de la revoir. Il y a aussi certainement des
situations où on pourrait ajouter d'autres projets. C'est une question
qui a été posée tantôt par un des membres de cette
commission. On se réfère, entre autres, par exemple, à des
projets récréo-touristiques qui pourraient faire partie de
listes. Donc, voici, concernant les projets.
J'ai indiqué également qu'il y avait lieu de
préciser les critères d'assujettissement. Alors, il faut que les
promoteurs sachent sur quoi travailler. Des critères d'assujettissement,
il y en a plusieurs et l'emphase pourrait être mise sur les
critères de santé publique et, dans d'autres cas, de
sécurité physique des populations. Ça peut être la
protection de la qualité de l'air, des sols. Ça peut être
la conservation des ressources naturelles et énergétiques. Il
faut les préciser; il faut expliciter les règles du jeu bien
clairement, dès le départ, pour que le promoteur sache comment
faire ses devoirs. Premier point.
Deuxième point, au niveau des améliorations à
apporter, il s'agirait de préciser les politiques qui devraient
être soumises à la consultation publique. Ceci éviterait
que les projets fassent les frais d'un manque de consensus sur les grandes
orientations, par exemple la politique énergétique du
Québec.
Nous pensons que le BAPE n'est pas nécessairement l'organisme
responsable pour faire une telle consultation. Des commissions parlementaires
comme celle-ci, par exemple, pourraient être appelées à
servir a cette fin. Donc, il faudrait apporter, au niveau des politiques - nous
donnons quelques exemples - dans le domaine de l'énergie, le domaine du
transport, le domaine de la gestion des déchets solides... Nous pensons
qu'au niveau des politiques gouvernementales, ces éléments
devraient être ajoutés à la liste, en incluant
éventuellement des nouveaux critères relatifs à ces
politiques, à ces nouveaux projets ou à ces nouvelles
idées à être débattues, tout ceci dans l'objectif de
rendre plus efficaces des grands principes auxquels pourraient se greffer, par
la suite, des projets.
Troisième point. Il faudrait s'assurer que la procédure
serve à bonifier les projets qui comportent des faiblesses. Ce qu'on
veut dire ici, c'est que l'audience publique ne devrait pas
nécessairement être seulement une occasion pour un organisme
enquêteur de dire oui ou non. Ça pourrait être aussi
l'occasion de dire "oui, mais". Ce n'est pas un point où on a un "Y",
où il y a seulement deux situations: oui ou non. L'idée, c'est de
rendre la procédure constructive, proactive. Et l'audience,
l'enquête, peut aussi mener à dire: Oui, le projet est excellent,
mais il faut ajouter telle et telle chose. Ça ne devrait pas être
utilisé, cette procédure, pour bloquer systématiquement
des projets. Finalement, c'est le point qu'on veut mentionner ici.
Quatrième point. Il faudrait circonscrire davantage la
durée de la procédure de manière à éviter
les délais inutiles dont la conséquence est de décourager
les initiatives de développement économique. Je n'abonderai pas
beaucoup sur ce point-là qui fait un assez large consensus;
peut-être que, tantôt, on aura l'occasion d'épiloguer sur la
procédure ou la façon d'y arriver.
Cinquième point. Il faudrait améliorer le contenu des
directives à l'intention des promoteurs. Il s'agit, en quelque sorte, de
standardiser les directives de manière à ce que les promoteurs
sachent le plus exactement possible ce qui est attendu d'eux. Et, sur
ça, il y a quatre moyens que nous proposons.
D'abord, il faudrait préciser la nature des impacts à
prendre en considération. Je me réfère sur ça aux
critères d'assujettissement dont j'ai parlé tantôt pour
que, dès le départ, le promoteur sache, connaisse les
règles du jeu et que ce soit très clair ce sur quoi il doit faire
son devoir, finalement.
Deuxième moyen, il faudrait donner les indications
méthodologiques pertinentes, surtout en ce qui concerne les
études de risques. Ça, c'est un élément nouveau que
nous amenons, l'Ordre, un élément scientifique que nous croyons
avoir décelé comme absent dans les directives actuelles. Si on
veut mettre l'accent sur les impacts cumulatifs, il faudra le faire dans les
limites méthodologiques connues, modernes et l'étude devra
être confiée à une autorité crédible, les
promoteurs exécutant les études de base.
Alors, permettez-moi d'expliciter un petit peu, ici, ce qu'on veut dire.
C'est qu'il existe des méthodes qui sont maintenant
étudiées, en particulier en Europe, comme la méthode USCIP
qui se réfère à l'Union des chambres syndicales de
l'industrie du pétrole. Ce sont des croisées matricielles qui
font très bien ressortir le pourcentage de risque avec le risque
quantifié. Il y a des zones qui apparaissent comme présentant la
probabilité de réel danger. Il faudrait donner des indications,
des directives au promoteur pour le mettre sur la piste de ces méthodes
rigoureuses standardisées, pour le mettre dans un meilleur
véhicule, un meilleur canal pour savoir ce sur quoi il devra
travailler.
Le troisième moyen, de façon à améliorer le
contenu des directives, c'est de faire un suivi des projets de manière
à bénéficier de l'expérience acquise. Donc, c'est
toute la question du suivi des projets pour bâtir le cumulatif.
Quatrième moyen. Il faudrait permettre au public de faire
connaître ses préoccupations dès l'étape de la
directive ou juste précédemment,
même, l'étape de la directive, un peu comme la façon
dont ça s'est passé pour l'audience concernant le
réaménagement du canal Lachine, qui est un bon exemple d'une
façon de travailler qui pourrait devenir un modèle pour le
futur.
Il faudrait cependant prévoir des moyens pour que cette
participation du public soit pertinente. Est-ce que ça voudrait dire,
par exemple, de donner des moyens financiers à certains groupes qui
désireraient se présenter et avoir, donc, des moyens pour bien se
documenter? Est-ce qu'il serait possible, concevable que ces moyens financiers
proviennent d'une réserve mise immédiatement de côté
par le promoteur, réserve financière qui permettrait de faire une
partie des recherches? Est-ce que ça devrait être seulement au
promoteur de payer? En fait, c'est le promoteur, bien sûr, qui devrait
payer pour ces études, mais il est peut-être concevable de
séparer, en partie, la contre-expertise des sources financières
provenant du promoteur. Alors, voilà les quatre moyens de nature
à améliorer le contenu des directives.
J'avais dit, tantôt, qu'il y avait neuf points sur lesquels on
voulait s'attarder. Je suis rendu maintenant au sixième point. L'Ordre
est d'avis de favoriser le plus possible la médiation quand un projet
présente le potentiel d'atteindre les objectifs de conservation de
l'environnement sans utiliser la procédure d'audiences publiques. S'il y
a moyen, entre les populations locales et le promoteur, de s'entendre par une
simple médiation, bien sûr que c'est une voie qui devrait
être utilisée, sans renoncer pour autant à la
possibilité d'audiences publiques.
Septième point, le BAPE. Nous sommes d'avis qu'il faudrait
conserver le mandat actuel du BAPE et l'aider dans sa démarche à
l'aide d'un comité d'experts choisis selon la nature du projet, ce qui
permettra aux experts du BAPE et à ceux du promoteur de confronter leurs
opinions. Toutes ces questions d'audiences publiques sont éminemment
multidisciplinaires, font appel à la science moderne et il y a lieu de
confronter les avis avec des avis qui proviendraient non seulement du
promoteur, mais de comités scientifiques indépendants,
travaillant de concert avec le BAPE.
Huitième point. Il faudrait harmoniser la procédure avec
celle de nos principaux voisins du gouvernement fédéral de
manière à éviter la duplication. Je pense que c'est un
point sur lequel il n'est pas nécessaire d'épiloguer longtemps.
(15 h 15)
Le dernier point que je voudrais mentionner, c'est peut-être,
encore une fois, un point auquel l'Ordre trouve une certaine originalité
dans la présentation. C'est de favoriser, à moyen terme,
l'implication des autorités régionales dans le processus d'examen
des projets. Ces autorités - et je me réfère ici aux
communautés urbaines, aux municipalités régionales de corn
té - ont déjà un rôle à jouer en
matière d'élaboration des schémas d'aménagement du
territoire. Les parcs industriels relèvent de ces organismes, entre
autres. Le BAPE pourrait alors centrer ses énergies sur les grands
projets et le ministère de l'Environnement verrait à
établir les lignes directrices qui serviraient de guide aux
autorités régionales ou locales. De cette façon, on peut
faire jouer aux citoyens le rôle qu'ils sont appelés à
jouer, les rapprocher de la base, les impliquer. On peut, de cette
façon, tenir compte des cultures locales et ceci éviterait
également des duplications qui existent déjà. Je me
réfère, par exemple, à la CUM qui a déjà son
propre bureau d'audiences et qui fait un bon boulot d'auditions dans plusieurs
projets qui concernent la municipalité. Alors, ça complète
ma présentation et nous sommes ouverts pour répondre aux
questions qu'il pourrait y avoir.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Roy. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. M. Roy, tout
d'abord, permettez-moi de vous remercier de l'excellent mémoire que vous
présentez à la commission. On sait que, s'il y a des gens qui
sont capables de bien préparer un mémoire, c'est vous autres. Je
suis convaincu que la conséquence de ce mémoire et les
recommandations que vous y faites feront plaisir à vos membres de
l'Ordre des ingénieurs, parce qu'il y a beaucoup de sous-entendus pour
recourir, dans l'avenir, à des services professionnels et, en soi, ce
n'est pas mauvais pour un syndicat ou une association professionnelle, mais
aussi pour la part que vous apportez à la société
québécoise en matière environnementale dans chacune des
régions. Je pense que nous sommes en mesure de profiter des services de
ces professionnels-là. Je pense qu'il faut reconnaître que vous
avez rendu de très grands services à la société
québécoise, non seulement en matière environnementale mais
aussi en matière de transport et en matière d'assainissement des
eaux.
Ceci étant dit, dans le résumé de votre
mémoire, dans le tout premier paragraphe, vous nous recommandez, comme
commission, d'y aller assez prudemment, de conserver l'essentiel de la
démarche mais, compte tenu de l'inexpérience ou de
l'expérience limitée acquise dans ce domaine-là et de
l'incertitude que pourrait susciter un changement trop radical, vous nous
recommandez une certaine prudence au niveau de l'avancement de la
réglementation du BAPE. Pourriez-vous nous expliquer un petit peu cette
mise en garde et sur quoi vous vous êtes basés pour nous
recommander, aux membres de la commission, une certaine prudence?
La Présidente (Mme Bélanger): M. Roy.
M. Roy: Sur cette question, je vais laisser
la parole à M. Michaud.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Jean-Claude
Michaud.
M. Michaud (Jean-Claude): Mme la Présidente, c'est
probablement la sagesse innée des ingénieurs qui a
prévalu. En fait, en examinant la situation qui prévalait depuis
une dizaine d'années, essentiellement, nous avons cru plus sage,
à ce moment-ci, de bien roder la procédure que nous avons
actuellement, de l'améliorer sous un certain nombre d'aspects
plutôt que d'essayer de faire table rase et de dire: Oublions tout ce
qu'on a fait depuis 10 ans. Au Québec, on a eu tendance, à une
certaine époque, en tout cas dans le milieu de l'éducation en
particulier, à faire table rase assez régulièrement de ce
qu'on avait fait et à recommencer à zéro. Alors, c'est un
peu dans ce sens-là qu'on disait: II y a des améliorations qu'il
faut apporter, c'est évident, mais il ne faudrait surtout pas partir
à l'autre extrême et dire: Abolissons tout ce qu'on a et
recommençons à zéro. On met une toute autre
procédure en place. Ça prend du temps à roder ces
procédures-là.
M. Maltais: Mais seriez-vous d'accord avec nous lorsqu'on dit
qu'on a vécu une période d'apprentissage quand même
importante depuis une douzaine d'années? Bien sûr, ça n'a
pas été toujours le carrosse sur l'asphalte; il y a eu des
ratés quelque part mais, par exemple, est-ce que la commission pourrait
se servir de la section positive du bilan pour entamer une modification
à la réglementation, comme vous le recommandez, à partir
de la section positive? Je pense que c'est l'objectif des membres de la
commission. Ce qui s'est fait de bien, on le conserve et on a tendance à
l'améliorer pour, finalement, l'encadrer dans une nouvelle
législation. En fait, c'est l'objectif. Est-ce que vous êtes
d'accord avec notre démarche qui vise à ça?
M. Michaud: absolument! il faut conserver ce qui semblait
fonctionner et, encore une fois, éviter... si on recommence à
zéro, on va commettre les mêmes erreurs.
M. Maltais: C'est sûr. Vous nous dites que vos commentaires
vont porter sur quatre points. L'assujettissement des projets, incluant les
articles n et j, je pense que ça va dans le sens des recommandations du
rapport Lacoste; je pense que vous n'avez pas d'objection là-dessus, au
contraire. Par contre, vous avez dit tout à l'heure, un petit peu plus
loin, que le public devrait être invité à la fin du
processus d'assujettissement. C'est bien ça? Et, contrairement à
ce que beaucoup d'autres personnes qui ont présenté un
mémoire... On dit que le public est souvent mal informé et qu'il
devrait entrer dans le processus... il n'intervient qu'à la fin de la
procédure.
M. Michaud: Non, je pense que...
M. Maltais: Non, non. Je m'excuse, ce n'est pas ça.
M. Michaud: "Miscompréhension".
M. Maltais: Oui, excusez-moi. En fait, à partir de
l'assujettissement, à quel stade vous le voyez, le public, vous? Au tout
début? Au milieu? Comment lui donner de l'information, que vous jugez un
petit peu sévèrement? Je dois vous dire que le public n'a pas
toujours la bonne information. Qui devrait la lui donner?
M. Michaud: En fait, il serait souhaitable, si on regarde
certaines expériences récentes, de faire intervenir le public
seulement vers la fin de la procédure. C'est-à-dire,
essentiellement, après que les études d'impact, l'avis de
recevabilité, etc., tout ça a été fait, le public
intervient et le public, à l'occasion, souligne des problèmes
qu'on avait simplement oubliés, auxquels on n'avait pas
pensé.
Alors, nous, on est d'avis que le public devrait être
impliqué très tôt dans la procédure et, en
particulier, très tôt, ça veut dire dès
l'étape de l'élaboration des directives. C'est-à-dire que,
lorsque le ministère a reçu l'avis de projet et s'apprête
à élaborer la directive à l'intention des promoteurs, il
serait sage, dès ce moment-là, de savoir quelles sont les
questions essentielles que le public se pose ou que la population
concernée directement par le projet se pose.
Si on savait assez précisément ces questions-là
dès le départ, on arriverait à élaborer une
directive qui irait dans la bonne direction et qui permettrait aux gens,
après coup, d'avoir des réponses précises aux questions
qu'ils avaient posées. Lorsqu'on le fait intervenir juste dans une
période d'audiences comme actuellement, il y a souvent des questions qui
sont soulevées et il est difficile de rattraper ces questions-là
parce que le temps est devenu très court, subitement, parce que la
durée de cette étape-là est délimitée. Les
études d'impact sont déjà faites, on arrive avec des
questions, ça mériterait peut-être d'autres études,
et là on vient d'allonger, encore une fois, toutes les
procédures. Alors, si le public pouvait intervenir assez tôt...
Mais, en même temps, il ne faut pas que cette consultation-là
dure, encore une fois, des mois. Il faudrait trouver le mécanisme qui
nous permettrait, en très peu de temps, de consulter la population
concernée par le projet et d'avoir, effectivement, ses
interrogations.
M. Maltais: Vous parlez d'une instance régionale
consultative qui pourrait être, en somme... Lorsqu'on parle de
régions, on exclut
toujours les grandes villes, nous, les régionalis-tes, mais on
parle de municipalités régionales de comté. En quoi, par
exemple, ces personnes-là posséderaient-elles une plus grande
expertise que les gens du BAPE pour faire une analyse, une étude
d'impact ou des recommandations? Comment voyez-vous ça?
M. Michaud: Ce n'est pas une question d'expertise ni de savoir
qui est meilleur que l'autre pour faire le travail. Il y a une question, je
pense, à moyen terme à tout le moins, d'efficacité de
l'ensemble des choses. Il serait assez étonnant que, dans la
période actuelle où on veut davantage que les échanges
économiques soient libres de toute entrave, donc laisser une plus grande
liberté d'entreprendre, une plus grande liberté individuelle,
même, qu'on en arrive, par le biais des procédures
environnementales, à tout centraliser. Ce serait quand même assez
étonnant, d'autant plus que, dans les mêmes discours - on regarde
la politique récente en matière de transport - on a donné
des mandats assez clairs aux municipalités dans ces
domaines-là.
Alors, c'est une question d'efficacité. À court terme, on
dit bien d'y aller graduellement. On ne dit pas que, demain matin, il faut tout
garrocher dans la cour des municipalités, mais on croit qu'à
terme les choses deviendraient beaucoup plus efficaces. On pourrait y aller par
taille de projet. Des petits projets de nature plus locale peuvent très
bien être pris en considération par les gens de la région.
Je pense que les gens de la région... Il y a des compétences dans
les régions, vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, et
on peut utiliser ces compétences-là ou même faire venir des
compétences d'ailleurs. Il y aurait peut-être aussi une question
de transfert de sous, à un moment donné.
M. Maltais: Au niveau consultatif, on va prendre comme exemple
les sites de déchets domestiques. Il est bien évident, par
exemple, qu'une MRC, sur son territoire, a plus de pouvoir consultatif par le
biais de chacune des municipalités concernées et par son
organisme comme tel que le BAPE. Est-ce que, par exemple, la première
étape de consultation ne pourrait pas être faite par la
responsable du territoire et, à partir de ce moment-là, le Bureau
d'audiences publiques aurait à recevoir l'organisme plutôt que
l'ensemble des citoyens?
M. Roy: Ça peut être une façon de... La
Présidente (Mme Bélanger): M. Roy.
M. Roy: Pourquoi pas? C'est-à-dire que la question
environnementale concerne éminemment la population. Il ne faut pas avoir
peur de le dire, c'est ça, c'est ce qu'on veut, c'est la raison pour
laquelle ces audiences publiques ont été mises sur pied, pour
impliquer la population. Une façon de procéder comme celle que
vous suggérez en serait certainement une; il y aurait probablement un
peu de "brainstorming" à faire pour, en fonction des différents
projets, arriver a établir différentes manières.
Mais n'oublions pas que, de toute façon, concernant les questions
de compétence, ce n'est pas cinq ou six commissaires qui peuvent
être des experts dans tous les domaines. On parle de choses
extrêmement complexes sur lesquelles même les experts actuellement,
un peu partout dans le monde, se confrontent. Que ce soit sur l'effet de serre
ou sur les technologies les plus avancées, ce sont des questions
éminemment scientifiques. On entre dans une époque où la
technologie, la science va être de plus en plus importante.
Alors, un organisme d'une MRC sérieux, ayant reçu des
directives claires du ministère de l'Environnement, peut se doter de
comités d'experts reliés à une MRC et débattre de
questions scientifiques. Ce n'est pas nécessairement une question de...
En fait, cette question-là doit être vue comme un... C'est
multidisciplinaire, l'environnement, alors c'est une question qui implique
d'amener les bonnes personnes aux bons endroits. Qu'elles siègent
à titre de commissaire au BAPE ou comme expert dans un comité
relié au BAPE ou relié à un autre organisme, je pense
qu'il y a moyen de faire avancer les choses.
M. Maltais: Vous êtes le deuxième groupe qui
apportez un point bien précis, celui d'un certain pourcentage; vous
parlez de 1 % sur la totalité des coûts. Dans le cas des premiers,
les groupes environnementaux, c'était pour leur financement. Dans votre
cas, ce n'est pas tout à fait pour le financement du groupe mais bien
pour certaines expertises conditionnelles que vous ajoutez. Est-ce que, par
exemple, si c'est 1 % pour vous autres, 1 % pour les autres - et on n'a pas
fini; il nous reste une quarantaine de mémoires à recevoir - ce
n'est pas sujet à apeurer un peu le promoteur? Il dit: Coudon! si tout
le monde se sert dans le plateau, que va-t-il rester pour que je bâtisse
mon entreprise? Comment voyez-vous ça? C'est peut-être simplifier
la question, mais c'est la réalité, c'est ça. On va les
additionner d'ici la fin de la commission et on verra.
M. Roy: Oui. C'est une question qui nous tient bien à
coeur, le 1 %. Je ne suis pas certain où vous l'avez...
M. Maltais: Ou un montant, ou, en tout cas...
M. Roy: ...parce qu'on peut parler peut-être même de
plus que ça. Parlons un peu de la situation de Grande-Baleine, avec un
promoteur qui a dépensé 60 000 000 $ en expertises et
recherches sur les effets et les impacts sur l'environnement. Tout le
monde est bien au courant de la situation aujourd'hui. J'ai été
frappé par la lecture abondante des comptes rendus de journaux depuis
plusieurs mois. Il y a nettement un sentiment de frustration parmi la
population locale et parmi des groupes écologistes et d'autres groupes
qui se sentent complètement démunis par rapport à la
capacité immense et aux sommes investies par un promoteur par rapport
aux maigres moyens qui sont mis à la disposition de ces groupes pour un
genre de contre-expertise.
Sans douter de la crédibilité d'un promoteur quelconque,
c'est certain qu'une position qui fait qu'un groupe met 60 000 000 $ en
recherche, reçoit des tonnes de documents, les digère, en fait
les versions qui sont celles que la commission lit, de l'autre
côté, ça peut prêter le flanc à des attaques
ou à des suspicions vis-à-vis de tout ce qui a été
fait par le promoteur. Les experts ont donné leur avis, mais tout
ça, ça s'en va à un endroit et, ensuite, ça entre
dans une boîte et ça ressort sous forme d'un rapport. (15 h
30)
Est-ce qu'il serait concevable que, pour des projets majeurs, un
promoteur mette, je ne sais pas - j'avance un chiffre - 10 %, 20 % des sommes
qu'il prévoit allouer, qui devront nécessairement être
déposées sur la table et envoyées, que ce soit au BAPE ou
que ce soit à un organisme spécial accrédité pour
ça, qui, lui, de façon indépendante du promoteur, est
chargé d'utiliser ces sommes-là pour lever des contre-expertises,
pour élever le niveau du débat et enlever toute
possibilité d'incrédulité ou de suspicion vis-à-vis
des études majeures de promoteurs? Nous pensons que c'est un point qui
est évident dans le cas de Grande-Baleine où le public, les
populations, bien souvent, ont attaqué ou ont jeté une ombre ou
un ombrage sur la valeur ou la validité des études qui ont
été faites. Alors, bien sûr, nous croyons qu'il faut
courageusement aller dans cette direction-là et ces sommes sont à
être dépensées. Est-ce qu'il serait concevable
qu'Hydro-Québec, par exemple, qui a mis 60 000 000 $ sur un projet, en
ait mis 5 000 000 $ ou 10 000 000 $ à côté pour des
études de contre-expertise? Pourquoi pas?
M. Maltais: Dans un autre secteur que vous avez souligné -
je vais vous poser la question à vous parce que vous êtes,
directement concerné - au niveau des délais, il y a une
mentalité au Québec, aussitôt qu'on touche au
ministère de l'Environnement ou aux études du BAPE, ça
veut dire: Achète-toi une chaise bien rembourrée parce que
ça prend du temps! Il n'y a personne qui est venu nous dire encore, et
à la lumière des 60 mémoires qu'on a lus, que ça va
vite. Moi, il y a une chose que j'aimerais savoir. Vous représentez
l'Ordre des ingénieurs du Québec, vous êtes des
professionnels et des spécialistes; vos membres sont des
ingénieurs professionnels et spécialistes qui préparent
les rapports, qui préparent les plans et devis, qui soumettent ça
à nos ingénieurs gouvernementaux qui sont vos ingénieurs,
rapports et spécialistes, je voudrais bien savoir lesquels, dans
l'engrenage, retardent tout ça? "C'est-u" vous autres, ou bien les
nôtres, ou bien si c'est le commis, ou le facteur, ou la
secrétaire? Lequel retarde tout ça d'un an au Québec?
M. Roy: Me permettez-vous peut-être d'identifier un
troisième groupe? C'est les politiciens.
Des voix: Oh!
M. Maltais: Tout à l'heure, vous nous passerez. On va vous
passer et, après ça, vous nous passerez.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Roy.
M. Maltais: Moi, j'aimerais savoir. Écoutez, on regarde
ça, on est politiciens, nous autres, notre premier facteur, comme
politiciens, c'est de représenter nos électeurs le mieux possible
pour demeurer le plus longtemps possible. Ça, c'est le principe de base
de tout politicien. Demandez, aux gens qui sont ici, la durée de leur
carrière; ça dépend comment ils vont servir leurs
électeurs. Vous, ça dépend de vos honoraires! Ha, ha,
ha!
Mais il reste un facteur. Les municipalités, les industriels...
Moi, dans mon comté, j'ai des municipalités, j'ai des grandes
industries qui engagent vos membres de l'Ordre pour préparer des
rapports, des sites d'enfouissement industriel, et ainsi de suite. Ça
prend des délais. Un an, ça va bien ça! C'est en Cadillac
quand ça va bien. Même le Protecteur du citoyen dit que vous ne
vous grouillez pas les cannes, soit vous autres ou vos autres membres qui sont
chez nous, ou le ministre, ou les politiciens. C'est rare qu'un Protecteur du
citoyen dit que ça n'a pas de bon sens, là. C'est parce qu'il y a
eu des plaintes; effectivement, il a reçu des plaintes. Mais,
d'après vous autres, entre vous et moi - il n'y a personne qui nous
écoute ici - à quelle place que ça accroche, que ça
va si mal que ça? À quel endroit dans la machine et pourquoi?
Qu'est-ce qu'on devrait apporter comme correctifs? Une question à trois
volets.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Roy? M.
Michaud.
M. Michaud: Oui.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Michaud.
M. Maltais: Vous pouvez vous référer à un
psychiatre!
Une voix: C'est bien de le savoir.
M. Michaud: Encore une fois, c'est un système où
personne n'est responsable et où tout le monde est responsable en
même temps finalement. Ce n'est probablement pas plus le ministère
de l'Environnement, qui peut prendre quelques mois à émettre son
avis de recevabilité, qu'une durée de quatre mois des audiences
du BAPE; c'est à tous les maillons finalement. Il suffit qu'un maillon,
à un moment donné, décide de prendre un mois de plus pour
différentes raisons, parce qu'il y a goulot d'étranglement, qu'il
y a trop de travail, et que ça décale l'étape suivante,
pour qu'à la fin, au lieu de se retrouver avec un 12 à 15 mois de
durée totale, on se retrouve avec 30. Peut-être que le
ministère de l'Environnement n'a pas l'ensemble des ressources
requises.
Dans l'optique où l'on veut généraliser davantage
la procédure, comme on le disait tout à l'heure, on aura
intérêt à regarder les centralisations et à faire
faire les choses un peu plus sur le terrain aussi. Si ça prend 30 mois
aujourd'hui, dans sept ou huit ans, ça va être probablement 60
mois si le volume de travail augmente encore suite à des ajustements
qu'on ferait dans l'application du règlement.
M. Maltais: C'est là qu'on va voir aux portes des
ingénieurs, "ingénieurs, père et fils".
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Michaud: Sur le même projet.
M. Maltais: Ha, ha, ha! Merci. Ça va. Je pense que mon
temps est fait. Je vais laisser la parole à mon collègue.
La Présidente (Mme Bélanger): II vous reste deux
minutes.
M. Maltais: II me restera deux minutes. Je reviendrai.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je veux, au nom de
l'Opposition, remercier les représentants de l'Ordre des
ingénieurs et les féliciter pour leur bon travail. À la
page 3, vous parlez des objectifs de la procédure qui sont de trois
ordres. Et, moi, je trouve que c'est une petite perle. C'est bien
ramassé. C'est la première fois que je vois si bien
illustrés les objectifs, ce que devraient être les objectifs d'une
bonne procédure d'évaluation: 1° s'assurer que les projets
s'inscrivent dans l'approche du développement durable; 2° informer
le public et le faire participer à la prise de décision - et on a
vu tantôt, dans votre esprit et dans le nôtre aussi - le plus
tôt possible; 3° accroître notre connaissance des
interrelations entre les projets, le milieu naturel, la santé publique
et la sécurité physique des populations. En tout cas, moi, pour
mon édification personnelle, je vais retenir cette
énumération de trois ordres. C'est assez éclairant.
J'ai quelques questions. La première. Vous faites des remarques
sur la liste des projets assujettis. Vous dites, et je vous cite, aux pages 5
et 6, que, par contre, le règlement ne précise pas les
critères utilisés lors de l'élaboration de la liste et
qu'il ne dit rien sur des projets ayant des impacts réels: par exemple,
projets récréo-touristiques, développement urbain, etc.
Projets récréo-touristiques. Si je comprends bien, vous seriez
enclins à inclure dans une liste ces projets
récréo-touristiques, à les assujettir?
M. Michaud: Si la préoccupation est réellement
celle de minimiser les impacts sur l'environnement, il ne s'agit pas de dire
qu'un projet est gros et que, donc, en soi, il y a des impacts très
négatifs. Ne serait-ce que faire, par exemple, des centres de ski dans
les montagnes. J'ai eu connaissance, l'année dernière, d'un
centre de ski en Gaspésie et, à ma connaissance, il n'y a aucune
espèce d'étude d'impact sérieuse qui a été
faite sur la mise en place de ce centre de ski là. Pour le centre de
ski, vous dépouillez la montagne en partie de ses arbres, vous faites
des aménagements et ainsi de suite. Il est peut-être opportun de
regarder effectivement les projets qui ont un impact sérieux,
finalement, sur le milieu naturel.
M. Lazure: II y en a un autre aussi, pour votre information, dans
le beau comté de Brome-Missisquoi, le mont Pinacle, qui est en
préparation.
Une voix: Le mont Edouard.
M. Lazure: Le mont Edouard aussi? Celui-là, je ne le
connais pas. Alors, on s'entend. Je pense que c'est une approche qui embrasse
beaucoup de terrain, mais, comme vous le dites, ce n'est pas parce que c'est
récréo-touristique et que ce n'est pas industriel que ça
n'aura pas des impacts réels sur la qualité de l'environnement et
parfois même sur la santé.
M. Michaud: Si vous me permettez. M. Lazure: Oui.
M. Michaud: Si vous me permettez, je veux juste vous faire une
remarque. On a souvent tendance à raisonner uniquement en termes de
taille d'entreprise. On peut vous donner des exemples où une petite
entreprise, par exemple, du type tannerie, qui utilise des produits hautement
toxiques, qui n'aurait que 20 employés, peut
polluer plus et beaucoup plus qu'une industrie qui fabrique du meuble,
par exemple, qui peut avoir 150 employés. Alors, c'est l'impact sur le
milieu qui devient, comme on l'a dit tout à l'heure dans la
présentation, le critère important finalement.
Et si un projet récréo-touristique présente des
impacts majeurs importants sur le milieu naturel, il serait normal qu'on
regarde effectivement ces impacts-là: Est-ce qu'il y a moyen de faire
des aménagements qui soient moins dommageables?
M. Lazure: Je suis bien d'accord avec vous. Dans un autre ordre
d'idées, les politiques et programmes gouvernementaux. Vous en parlez
à la page 7: "II serait donc pertinent d'identifier les politiques et
les programmes gouvernementaux dont la mise en oeuvre aurait des incidences
environnementales". Vous citez comme exemple: énergie, transport,
gestion des déchets solides, etc. Comment voyez-vous une telle
évaluation, une telle étude publique des politiques
gouvernementales? Est-ce que, dans votre esprit, ça serait fait par le
Bureau d'audiences publiques, le BAPE, ou un autre organisme?
M. Michaud: non, comme on l'a dit tout à l'heure dans la
présentation, on ne l'a pas précisé dans notre texte,
d'ailleurs, qui devait se charger...
M. Lazure: Et si on vous demandait vos suggestions?
M. Michaud: II y a des mécanismes qui existent. Je pense
qu'il ne faut pas tout remettre dans les mains du BAPE, non plus. Le BAPE
risque dans les prochains mois, dans les prochaines années, d'être
déjà bien occupé et il y a peut-être des niveaux de
préoccupations qui doivent rester davantage de l'ordre du politique et,
donc, faire l'objet d'une commission parlementaire, par exemple. Alors, il n'y
a pas lieu de tout remettre dans les mains du BAPE. Nous croyons qu'il y a des
sujets qui... La politique énergétique, ça peut être
l'objet d'une commission parlementaire où les gens peuvent faire valoir
leur point de vue.
M. Roy: Juste pour compléter, je pense qu'au niveau de
commissions parlementaires, ce serait là une façon
concrète de faire jouer un rôle encore plus actif aux
députés par leur implication dans des grands
énoncés de politique, de faire participer, donc, à travers
eux, la population qu'ils représentent, etc. Je pense que c'est des
choses sur lesquelles il faut penser retourner ou auxquelles il faudra songer
dans le futur.
M. Lazure: Non. Pour appuyer vos dires, il n'y a rien qui
s'opposerait... Depuis la réforme parlementaire de 1984, qui nous permet
aujourd'hui de tenir des audiences avec un mandat d'initiative, il n'y a rien
qui s'opposerait à ce qu'une commission parlementaire décide
d'examiner en public la politique énergétique du Québec,
en mandat d'initiative, ou la politique de gestion des déchets solides
qui a failli être notre mandat d'initiative, d'ailleurs, si le parti
gouvernemental nous avait écouté. Mais là, on a fait
encore mieux.
Mme Pelchat: En tout cas, vous nous avez écoutés,
on est ici aujourd'hui.
M. Lazure: On a fait encore mieux finalement, on embrasse les
deux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: Bon. C'est entreprenant! Mais, Mme la
Présidente, je pense que c'est à retenir, ce que vous dites
là. Dans la mesure où les deux parties, l'Opposition et le parti
ministériel, s'entendent, il n'y a pas de limite au mandat d'initiative
que les commissions parlementaires peuvent prendre. Ce n'est pas un mandat
d'initiative qui va tout régler, mais, des fois, ça peut
être un détonateur pour alerter l'opinion publique et commencer
autre chose.
Dans un autre ordre d'idées, vous parlez, à la page...
M. Michaud: Si vous... M. Lazure: Oui.
M. Michaud: ...me permettez, M. le Président, une remarque
là-dessus. Il ne faudrait pas non plus qu'on amène tout sur la
table, toute politique quelle qu'elle soit. Il va bien falloir limiter,
évidemment, et choisir les éléments de politique qui ont,
a priori à tout le moins, les incidences les plus importantes, sinon,
encore une fois, on va être noyés en audiences, on n'en finira
plus. Je disais à mon collègue, ce midi: II faut faire attention,
si on continue comme ça, plus personne n'aura le temps de travailler
dans la société, nous serons en journée complète en
audiences. Il va falloir se promener d'audience en audience. Alors, à un
moment donné, il va falloir aussi bien mesurer qu'est-ce qu'on veut
amener sur les tables des audiences.
M. Lazure: À la page 13, vous abordez la question des
comités d'experts qui pourraient être formés pour aider le
BAPE, selon la nature du projet. Je voudrais avoir votre opinion. Est-ce que
vous pensez que c'est réaliste d'imaginer que le ministère de
l'Environnement... Au moment où le promoteur fait son étude
d'impact selon la directive, est-ce que ça serait réaliste qu'il
y ait un travail conjoint entre le ministère de l'Environnement et le
promoteur?
M. Michaud: Pour l'instant, les choses sont
séparées et il y a probablement une certaine sagesse à les
garder séparées. Le seul élément qui, dans le
futur, pourrait nous amener peut-être à revoir la question, c'est
les impacts cumulatifs. Pour certains aspects des études d'impact,
à ce moment-là, il faudra une collaboration un peu plus
étroite des pouvoirs publics, ne serait-ce que pour fournir des
données.
M. Lazure: Avez-vous des questions là-dessus?
M. Dufour: Oui.
M. Michaud: Si vous prenez un parc industriel où il y a
déjà, je ne sais pas, moi, une usine qui émet des
fumées un peu polluantes et qu'il s'en installe une autre, on est
capable de faire l'étude et de savoir l'impact cumulé que
ça peut avoir, mais ce n'est pas au promoteur à aller chercher
les données de la première usine qui était
déjà là. Alors, ça prend quelqu'un qui va à
quelque part ramasser de l'information, qui va la rendre disponible et
là, peut-être qu'il y aura lieu d'avoir des collaborations plus
étroites entre le ministère de l'Environnement et le promoteur.
Mais sur la base même des études d'impact, ce n'est pas mauvais
que le ministère de l'Environnement soit une entité tout à
fait distincte du promoteur au niveau des études.
M. Lazure: Une dernière question avant que mon
collègue de Jonquière intervienne. M. Roy, tantôt, a eu des
réflexions sur le financement de la contre-expertise. Hier, on parlait
un peu de la situation en Ontario où, par une loi en 1988, ils
permettent maintenant le financement, via les promoteurs publics ou
privés, d'individus ou de groupes au moment des audiences publiques. Vos
membres ont assez d'expérience de tout ça. Ce serait utile que
vous nous fassiez des suggestions. Comment voyez-vous ça? Je ne parle
pas de pourcentages, de chiffres, mais je parle plutôt de
mécanismes. Comment ça pourrait être fait, ça? (15 h
45)
M. Michaud: Vous parlez dans l'optique où on veut aider,
supporter, en quelque sorte, la participation du public et peut-être la
rendre plus efficace, plus percutante. C'est un des moyens, effectivement, un
support financier. Mais, encore là, il va falloir un minimum de
précautions aussi, dans le sens qu'il faut que les gens puissent
s'organiser pour pouvoir probablement faire les demandes d'aide
financière. J'imagine que, si un seul individu vient demander 100 000 $
pour se préparer pour les audiences, on va lui dire: Écoute, il y
a 200 000 $ pour tout le monde. Alors, il va falloir en même temps
prévoir d'autres mécanismes qui permettent aux gens de se
regrouper rapidement et d'accéder à ces moyens-là.
Alors, on ne peut pas juste dire: Support financier suffisant,
démerdez-vous. Il va peut-être falloir aussi assortir d'autres
moyennes de sorte que l'ensemble des choses fonctionnent bien.
M. Roy: Peut-être...
Le Président (M. Garon): M. le député de
Jonquière.
M. Dufour: Non, il voulait continuer.
M. Michaud. Oui. Mais pour mieux étayer ce point sur
lequel on a peut-être une discussion de principe à ce moment-ci,
si la commission le désire, il serait peut-être possible de
suggérer d'envoyer par écrit, dans les jours qui viennent,
quelques suggestions plus concrètes sur ce point particulier. Ça
fera plaisir à l'Ordre de continuer à alimenter la commission de
quelques réflexions au niveau plus pratique sur ces
points-là.
M. Lazure: Ce serait utile. Merci.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Jonquière.
M. Dufour: Vous parlez, à la page 12, d'une
autorité morale crédible qui devrait évaluer les impacts
cumulatifs des projets en concertation avec l'industrie. Avez-vous une
idée c'est quoi, une autorité morale qui serait crédible?
Pour vous autres, c'est quoi? "C'est-y" le ministère de l'Environnement?
C'est le BAPE?
M. Michaud: Le ministère de l'Environnement.
M. Dufour: Mais pour la santé publique? Vous ne pensez pas
que ça pourrait être les DSC, que ça pourrait être
d'autres?
M. Michaud: II pourra y avoir éventuellement,
effectivement, deux autorités qui se joignent pour faire un certain
nombre de travaux. La santé publique, bien c'est tous les
phénomènes d'études épidémiologiques
reliées, par exemple, aux émissions atmosphériques des
cheminées d'usines ou même d'incinérateurs municipaux, par
exemple.
M. Dufour: Quand on parle des impacts cumulatifs, ce sont des
impacts qui s'accumulent nécessairement. Puis il y en a qui nous disent:
Bien, il y a des projets qui sont plus dommageables, puis on va instaurer un
projet plus moderne, donc qui va être moins dommageable. Nous autres, on
a vécu quelque chose, une expérience un peu spéciale. Mais
je ne sais pas pour la région... Je veux juste vous demander la
question. Elle n'était pas soumise aux études d'impact,
l'aluminerie à Jonquière. On a décidé d'en
fermer une partie puis on a décidé d'en ouvrir une plus moderne
à l'extérieur, pas bien loin de Jonquière. C'est à
Laterrière-Chicoutimi - je ne sais pas comment appeler ça - ou
Chicoutimi-Laterrière. Ce n'est pas bien loin de Jonquière.
M. Morin: C'est dans Dubuc.
M. Dufour: C'est aussi proche puis c'est dans le comté de
mon collègue. Ça fait qu'on a fait un tour de passe-passe assez
important. Mais les impacts cumulatifs, ils existent pareil. Autrement dit, il
y a un milieu qui n'avait absolument rien. On a diminué l'impact
négatif dans Jonquière et on est allé en mettre un
à Laterrière. Même s'il est moins dommageable, il existe
pareil. L'effet cumulatif, il existe dans ce coin-là. Puis il n'y a pas
eu d'études d'impact là-dessus.
J'imagine que c'est le gouvernement qui l'a étudié, mais
les gens autour, ils ne savent rien là-dessus. Quand on dit
"l'autorité morale", ce serait laquelle? Je pense que c'est important.
Puis quand vous me dites ça, je suis obligé d'aller un peu plus
bas, à la page 11. Vous dites: Que le public puisse participer à
l'élaboration des directives. Puis vous allez un petit peu plus loin.
Vous dites: Que sa participation soit encadrée.
Autrement dit, pour le promoteur, ça suffit de travailler avec
l'autorité morale. Quand ça vient le temps du public, vous dites
que vous voulez l'encadrer. Moi, je ne sais pas. J'aimerais ça que vous
m'expliquiez votre cheminement par rapport à ça.
M. Michaud: Je crois que, sur l'histoire de l'encadrement du
public, on s'est expliqué un peu, tout à l'heure,
c'est-à-dife donner un support au public et donner des moyens. C'est
dans ce sens-là, encadrer. Il ne suffit pas de limiter. Il peut
être limité dans le temps, évidemment, parce qu'il y a des
choses... Mais il ne s'agit pas de sélectionner a priori des gens d'une
façon ou d'une autre. Ce n'était pas dans ce sens-là
que...
M. Dufour: Vous allez un petit peu plus loin que ça,
d'après moi. Vous dites: Ils sont encadrés de manière
à garantir une invention productive et représentative de leurs
intérêts.
M. Michaud: C'est ça.
M. Dufour: Mais qui va décider que c'est une intervention
productive et représentative?
M. Michaud: Bien, on va permettre aux gens de s'organiser puis ce
sont eux, finalement, qui décideront.
M. Dufour: Moi, je pense que ce que vous vouliez dire, c'est une
participation qui va être plus éclairée. mais
"encadrée" me semble un mot un petit peu fort, surtout si je le rattache
avec vos mots.
M. Michaud: Je pense qu'en autant qu'on s'explique.
M. Dufour: Non, non, mais les mots, ça veut dire ce que
ça veut dire. On passe notre vie...
M. Michaud: Non, non.
M. Dufour: Dans la loi, il n'y a pas un mot de trop. On a ce
problème-là ou on a ce réflexe lorsqu'on a à
écrire des lois. Chaque mot est là pour quelque chose et, quand
on ne le décortique pas comme il faut, bien, on est poignes avec.
M. Michaud: C'est à quelle page que vous avez le mot
"encadrée"? Je m'excuse, je ne vous ai pas suivi sur le paragraphe.
M. Dufour: En fait, c'était à la page 11. Vous
parliez que le public puisse participer à l'élaboration de
directives, que sa participation soit encadrée de manière
à garantir une intervention productive et représentative de ses
intérêts. Mais, en fait, si vous me dites que, dans votre esprit,
l'encadrement veut dire une participation plus éclairée et un
meilleur soutien pour que les gens puissent s'expliquer ou s'exprimer avec une
meilleure connaissance et un meilleur éclairage, moi, ça va de ce
côté-là.
M. Michaud: Je m'excuse, c'est parce que je n'ai pas l'expression
"encadrée" dans le texte. Moi, ce que j'ai c'est: "II faudra se donner
les moyens afin que la population intervienne de façon productive et que
les représentations faites en son nom reflètent réellement
ses intérêts." C'est tout ce que j'ai, à moins qu'on n'ait
pas la même version entre les mains, à la page 11 du texte.
M. Dufour: c'est ça. j'ai la même chose, c'est parce
que... qui décide qu'elle est plus productive et qu'elle est plus
représentative de ses intérêts?
M. Michaud: C'est qu'on qualifie. On dit pourquoi il faut le
faire. C'est parce qu'on aurait intérêt, comme mon collègue
le disait tout à l'heure, à ce que le niveau des débats
s'élève. Si on veut, effectivement, que cette participation soit
réelle, on va lui donner les moyens.
M. Dufour: Vous avez parlé en termes d'ingénieurs;
moi, je parle en termes bien vulgaires. Je dis: Plus éclairée,
mieux informée et mieux éclairée. Ça va aller,
c'est juste de la sémantique. Il n'y a pas de problème par
rapport à ça.
M. Roy: Est-ce qu'il est possible peut-être de
simplement...
M. Dufour: Mais quand vous me dites que l'autorité
morale... Voulez-vous réagir par rapport à ça?
M. Roy: Oui.
M. Dufour: Oui. Allez-y donc!
M. Roy: Très brièvement. Il y a deux choses
différentes. L'implication du public, c'est un instantané qu'on
prend, un appel au public pour qu'il donne son avis, qu'il s'informe et prenne
part à un instantané qui est en train de se faire,
c'est-à-dire qu'il y a une situation environnementale et, voilà,
le public est impliqué. Évidemment, le public ne peut pas
être amené constamment pour la police concernant le cumulatif ou
les effets cumulatifs lorsque le projet est en cours, par exemple. Et cette
mémoire collective qu'on a sur l'enrichissement de connaissances
concernant différents problèmes environnementaux, est-ce que ce
ne serait pas le ministère de l'Environnement qui, en théorie,
serait le mieux placé pour être le chien de garde de ce
côté-là? Donc, là, c'est la portion
intégrale, c'est la portion, dans le temps, des effets sur
l'environnement et que le ministère de l'Environnement puisse disposer,
utiliser et rendre disponible cette Information qui s'accumule avec les
années.
Donc, c'est un petit peu le sens de nos suggestions, ici, pour laisser
le ministère de l'Environnement jouer son rôle. S'il faut que le
ministère se regroupe, fasse une division ou une nouvelle direction
relative à l'étude des impacts environnementaux, qu'il le fasse
et ce sera son rôle de le faire, mais, à ce moment-ci, il faut se
fier à quelqu'un pour faire profiter de tout cet enrichissement de
connaissances qu'on a. Une des choses clés, en sciences, c'est le
transfert de connaissances et d'informations. À 80 %, c'est ce qu'on
fait. Alors, il faut trouver le moyen de... Il y a plein de connaissances qui
existent, dispersées au ministère et ailleurs dans des
organismes. Il faut trouver un moyen d'aller chercher tout ça, d'avoir
des gens qui passent leur temps, à ce moment-ci, à étudier
les impacts cumulatifs. Au fur et à mesure, c'est une boule qui grossit
et ça devient de plus en plus efficace par la suite au niveau de la
transmission de la connaissance.
M. Dufour: Si on évalue les impacts cumulatifs avec une
autorité morale, est-ce que, dans votre esprit, on rend compte de ce
phénomène-là à quelqu'un? Moi, je veux bien qu'on
étudie ces impacts-là, mais est-ce que, dans votre esprit, il y a
quelqu'un qui rend compte de ça en dehors de l'autorité morale?
Parce que l'autorité morale, ça, c'est la personne. Ça
représente tout le monde et ça ne représente personne.
Pour le public en général, qui veut bien savoir si sa
santé peut être ou non affectée, est-ce qu'il y a des
rapports qui doivent être faits? Est-ce qu'il y a un suivi ou un mandat
qui permet au public ou aux individus de s'informer et d'en prendre
connaissance?
M. Michaud: Vous avez déjà un bilan environnemental
qui est fait par le ministère de l'Environnement. On peut très
bien prendre le prétexte de la publication du bilan environnemental au
Québec pour, effectivement, dévoiler les résultats de ces
analyses-là, de ces études-là. Ça, c'est
diffusé très largement et, donc, ce serait rendu à la
connaissance du public. Il y a intérêt effectivement à ce
que l'organisme qui se charge de ces études-là fasse
connaître les résultats, autrement ça ne donne rien
évidemment.
M. Roy: Et là vous mentionnez un bon point. Est-ce qu'on
ne devrait pas commencer à penser, dans un proche avenir, à
l'imputabilité environnementale d'un ministère? Prenons le
Vérificateur général du Québec qui est
chargé de vérifier - cette année, ils l'ont fait au
ministère de l'Environnement - l'imputabilité sur le plan
financier. Est-ce qu'un organisme... Il faut commencer à insérer
l'idée de vérification environnementale qui a un impact sur les
finances, sur la valeur économique d'un pays. L'environnement a un effet
sur la santé, sur les monuments qui se détruisent, etc. On se
penche beaucoup a l'Ordre actuellement sur cette question, qui a
commencé à être étudiée aux Etats-Unis sur
comment insérer, et même dans un rapport comptable d'une
compagnie, une valeur sur l'actif ou le passif du statut environnemental de
cette corporation. Ne serait-il pas concevable d'avoir une approche semblable
au niveau d'un ministère et de faire jouer à ce niveau-là
un rôle à un bureau comme celui du Vérificateur
général du Québec ou à un organisme qui serait
dédié à cette tâche-là et qui pourrait
peut-être même regarder vers d'autres ministères?
M. Michaud: Je me permettrai même d'ajouter...
Le Président (M. Garon): II vous reste quelques secondes,
40 secondes.
M. Dufour: On va lui donner. Allez, continuez.
M. Michaud: Juste pour ajouter là-dessus, en France,
depuis au moins cinq ans, l'Institut national des statistiques, notre
équivalent de Stat Can, ici, au Canada, essaie de développer ce
qu'ils appellent une comptabilité du patrimoine naturel;
c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir la comptabilité classique des
comptes nationaux, se
joindrait à la comptabilité des comptes nationaux une
comptabilité en quelque sorte environnementale, de telle sorte qu'on ait
un portrait global de la situation réelle. Mon collègue parlait
des comptes privés; là, on pourrait parler des comptes publics,
dans un même ordre d'idées. C'est méthodologiquement
difficile, on peut bien l'avouer, parce qu'on est en train de travailler sur
l'audit comme tel. C'est assez complexe, à plus forte raison
évidemment sur un plan national, mais ça vaut la peine de faire
l'effort.
M. Dufour: C'est intéressant, merci.
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Vachon.
Mme Pelchat: M. le Président, le concept de
comptabilité environnementale, je trouve ça
particulièrement intéressant et je suis certaine... en tout cas,
en ce qui me concerne, ce n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde.
J'aimerais, juste au niveau des délais, rappeler que oui, c'est vrai que
les gens de la DEE, au ministère de l'Environnement, ont le dos large et
peuvent prendre un bon blâme pour la longueur des délais, mais les
promoteurs et souvent les gens qui sont en charge de rédiger les
études d'impact sont aussi à la base des délais.
J'aimerais juste vous lire un passage du rapport Lacoste
là-dessus, et je pense que c'est important de se le rappeler, où
on dit: Les données démontrent à l'évidence que la
procédure est plutôt longue. Le temps accumulé pour les
trois périodes s'élève à quelque 33 mois pour
l'ensemble des projets, sans compter le temps consacré par les
promoteurs pour la rédaction d'un avis de projet. Dans les meilleurs
cas, la procédure s'étend sur un peu plus d'un an, alors que,
dans les situations extrêmes, elle peut atteindre près de quatre
ans et demi. Ce dernier cas se rencontre généralement dans les
projets de grands promoteurs où la réalisation comme telle de
l'étude d'impact peut s'étendre sur au-delà de trois
années, ce qui représente plus de 65 % de la durée totale
de la procédure. Règle générale, quand il n'y a pas
d'audience publique, la réalisation de l'étude d'impact consomme
quelque 55 % de la durée totale de la procédure.
Alors, quand on disait que oui, effectivement, le ministère de
l'Environnement, la direction de l'évaluation peut faire un effort pour
rapetisser le délai, c'est vrai. Je pense que le promoteur et les gens
qui sont en charge de rédiger les études d'impact - et
généralement ce sont des ingénieurs - on a chacun à
faire un petit pas dans cette direction-là. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Garon): Je remercie les
représentants de l'Ordre des ingénieurs qui sont venus nous
rencontrer. Le temps dévolu étant maintenant
écoulé, je vais suspendre la commis- sion pour quelques instants,
le temps nécessaire pour le Mouvement Au Courant de venir nous rejoindre
à la table des délibérations.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 2)
Le Président (M. Garon): La commission de
l'aménagement et des équipements reprend ses travaux. Je vais
demander au Mouvement Au Courant, représenté par M. John
Burcombe, porte-parole, et Mme Daphna Castel, de venir à la table, en
vous disant que vous avez une demi-heure, c'est-à-dire 10 minutes pour
présenter votre mémoire, 10 minutes pour les membres du Parti
libéral, 10 minutes pour les membres du Parti québécois,
pour vous questionner. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait
également; ce que vous prendrez en moins leur sera ajouté
également. À vous la parole.
Mouvement Au Courant
Mme Castel (Daphna): Merci, M. le Président. Mesdames et
messieurs, le Mouvement Au Courant est un organisme dont la mission est de
veiller à la protection et à l'utilisation rationnelle des
ressources naturelles. Les membres de notre groupe, ainsi qu'un grand nombre
d'autres membres de la société, sont aujourd'hui
profondément concernés par la situation où se trouve la
société québécoise. Il nous apparaît
évident que la terre, qui a déjà été
promise, ressemble de plus en plus à une terre quasiment
détruite, tant au plan économique qu'environnemental.
Contrairement à la présidente de la Chambre de commerce de
Montréal, on ne trouve pas de quoi rire quand on
réfléchit, même pour un instant, au nombre presque
inconcevable de mises à pied dans sa ville, comme quand on pense au
désert des terres contaminées, comme aux sites dangereux des
usines abandonnées qui dominent la région de
Montréal-Est.
Pire encore, on apprend aujourd'hui que l'industrie forestière,
après avoir décimé les forêts
québécoises et contaminé les cours d'eau, s'apprête
à congédier la moitié de ses ouvriers, soit 6000
personnes... 16 000 personnes, je m'excuse, c'est encore pire. Ceux-là
ne sont pour nous que deux exemples des conséquences d'un régime
de développement économique où l'absence d'un processus
public solide d'évaluation de l'impact sur l'environnement humain et
physique des projets proposés a permis un type de développement
sauvage qui n'a pas répondu aux intérêts de la
société. En effet, quand on entend parler d'une fuite des
investisseurs étrangers, ça nous fait penser plutôt aux
fuites des industries vers le Québec, comme celles fortes
consommatrices, peu riches en emplois, fort polluantes qui ont eu du mal
à trouver d'autres pays prêts
à les accueillir.
Aujourd'hui, il y a une compréhension grandissante, dans tout le
secteur de la population, de l'impact du développement industriel sur
l'ensemble des éléments qui constituent la qualité de vie
d'une société. En conséquence, on attend que les
entreprises qui proposent des projets qui touchent l'environnement justifient
à la population les avantages de ces projets pour la
société par rapport aux inconvénients qui incluent non
seulement les coûts totaux de tout effet sur l'environnement, mais aussi
les coûts reliés aux opportunités manquées, aux
divers risques, aux épuisements des ressources, etc. On appelle cette
procédure la justification d'un projet, et elle est appliquée
normalement, dans la plupart des pays industrialisés, comme la
première étape d'un processus d'examen de tout projet. Cela est
fait sous l'égide d'une instance qualifiée et neutre qui implique
le grand public dans ses recherches. Mais, bien sûr, les entrepreneurs
résistent et un climat de confrontation en résulte.
Depuis deux ans, nous sommes intervenus dans plusieurs dossiers
importants qui touchent au développement des ressources et à la
participation du public dans le processus de décision. Nous sommes en
mesure d'affirmer et de démontrer que, de façon
générale, tout est mis en oeuvre, tant par le gouvernement que
par les grandes entreprises, pour que les politiques, programmes et projets
dont la réalisation aura des impacts majeurs et permanents sur la
société échappent à une évaluation
complète, impartiale et surtout publique et transparente. Nous allons
vous présenter quelques dossiers qui illustrent les obstacles et les
stratégies qui sont utilisés pour faire démarrer des
projets sans que leur impact à long terme sur l'économie,
l'environnement et la société n'ait été
porté à la connaisance du public.
Premièrement, les audiences de l'Office national de
l'énergie sur les exportations d'électricité aux
États de New York et du Vermont. Bien que ces dossiers soient de
juridiction fédérale, ils permettent de faire ressortir que le
Québec est l'un des seuls États en Amérique du Nord
à ne pas avoir de régie de l'énergie où ce type de
projet est examiné de façon publique et impartiale. Les audiences
ont aussi permis de comparer la procédure fédérale,
beaucoup plus adéquate, à la procédure provinciale.
Deuxièmement, le plan de développement
d'Hydro-Québec. Hydro-Québec a soumis un plan de
développement de 62 000 000 000 $ sur 10 ans, que le gouvernement a
approuvé sans aucune consultation et évaluation publique. Cela
est unique en Amérique du Nord. L'Ontario, par comparaison, fait
évaluer un plan semblable par le Environmental Assessment Board qui
procède à une consultation publique dans toute la province avant
de se prononcer.
Troisièmement, Lauralco. Les grands projets industriels, telles
les alumineries, sont toujours soustraits de la procédure
d'évaluation des impacts environnementaux publics, même si ces
industries auront des impacts néfastes importants sur l'environnement
physique comme humain. Dans l'exemple de Lauralco, où un examen de son
système d'alimentation électrique était assujetti à
une procédure d'examen du BAPE, une loi spéciale a
été invoquée pour escamoter les audiences et garder
l'intégrité du voile du secret qui entoure toutes les industries
énergivores.
Quatrièmement, les audiences du BAPE sur la stratégie de
protection des forêts. Notre participation à ces audiences nous a
permis de constater, comme bien d'autres, que la stratégie
proposée par le gouvernement consistait essentiellement à traiter
les préoccupations de l'industrie dont les intérêts sont
naturellement d'exploiter au maximum la richesse forestière sans avoir
préétabli une politique de gestion intégrée des
forêts.
Cinquièmement, la centrale de turbines à gaz de
Bécancour. D'abord, Hydro-Québec a utilisé tous ses
pouvoirs aux fins de détourner l'examen mené par le BAPE des
questions fondamentales traitant de la justification de ce projet en
détail concernant son implantation. Ainsi, il ne fallait pas demander si
une dépense de 400 000 000 $ valait la nouvelle production de 300
mégawatts d'électricité au lieu d'un investissement
beaucoup plus modeste dans la gestion de la demande. Ensuite, entre autres, on
a appris que les turbines à gaz avaient été
commandées longtemps avant la tenue des audiences.
Sixièmement, la cogénération. Bien que le
gouvernement n'ait pas encore de politique de cogénération et que
les équipements de production d'électricité de plus de 10
mégawatts doivent faire l'objet d'une évaluation
environnementale, la compagnie Cascades a construit une usine de
cogénération sans qu'il n'y ait eu d'étude d'impact
publique. Ensuite, le gouvernement s'apprête à accorder un permis,
sans audience publique, à la compagnie Kruger pour construire un projet
semblable de 50 mégawatts. De plus, Hydro-Québec a demandé
et a reçu des propositions importantes de cogénération de
l'entreprise privée, alors que le BAPE s'apprête à tenir
des audiences génériques sur la cogénération
à l'automne et que la ministre Bacon a annoncé qu'elle
déposerait une politique d'efficacité énergétique
qui traitera de la cogénération dans les prochains mois.
Malgré la faiblesse et les lacunes évidentes de la
procédure actuelle, malgré les effets néfastes et souvent
irréversibles d'une politique et d'une procédure qui camoufle les
implications socio-économiques et les coûts environnementaux des
projets, les représentants du secteur des entreprises exigent des
limites additionnelles à la portée d'une procédure
d'examen d'impact déjà parmi les plus permissives en
Amérique du Nord.
Leurs arguments réclament la santé économique de la
société, mais la réalité est que le milieu de la
grande entreprise a préféré, depuis des décennies,
encaisser les profits plutôt que les réinvestir afin
d'améliorer la capacité concurrentielle de l'économie
canadienne et québécoise.
La part que le secteur des affaires consacre à la modernisation
de ses méthodes et de ses équipements, à l'innovation,
à la recherche et au développement, à la formation et au
recyclage de la main-d'oeuvre est une des plus faibles de tous les pays
industrialisés. Résultat: l'entreprise est de moins en moins
capable d'affronter ses concurrents dans le marché international et
cherche à se rabattre sur des projets de dépenses publiques comme
Grande-Baleine pour se maintenir à flot.
Mais le temps est révolu. Ce que nous dénonçons
depuis plus de deux ans est maintenant repris presque à la lettre par le
ministre Tremblay qui remet en cause le type de développement
économique qui nous entraîne dans un tel marasme et qui
enlève tout espoir aux jeunes. À sa suite, Claude Béland,
du Mouvement Desjardins, les éditorialistes et les autres reconnaissent
que ce n'est pas en donnant nos ressources sans condition aux plus offrants que
nous allons bâtir une société démocratique et
prospère.
Dans le secteur de l'environnement, la situation est la même. Il
faut changer d'attitude. Il faut, comme pour l'économie, regarder en
avant vers l'an 2000 et adopter des politiques et des procédures qui
vont faire en sorte que l'on va retrouver la qualité de vie qui, pour le
moment, semble perdue. Pour ce faire, il faut adopter en priorité les
quatre mesures principales suivantes. On recommande de soumettre l'ensemble des
politiques, programmes et projets à une procédure publique et
impartiale de justification; d'adopter une méthodologie
d'évaluation qui permette de comptabiliser de façon neutre et
publique la totalité des coûts et des bénéfices d'un
projet; de soumettre l'ensemble des politiques, programmes et projets à
une évaluation environnementale systématique et de .mettre en
place un organisme quasi judiciaire, soustrait au pouvoir politique,
chargé d'entendre les causes et de rendre une décision finale. Je
vous remercie. (16 h 15)
Le Président (M. Garon): M. le député de
Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): O.K. Mme Castel, j'ai pris connaissance
de votre rapport et nécessairement de l'exposé que vous venez de
faire. En boutade, au début, je me demande s'il y a quelque chose qui
est bien. Est-ce qu'au Québec il y a quelque chose qui se fait bien ou
si tout est à refaire? Parce que vous avez une charge à fond de
train sur tous les projets qui sont là, toutes les décisions
gouvernementales qui ont été prises au cours des années,
depuis peut-être les 25 dernières années. Vous semblez
remettre ça en cause. Finalement, c'est un projet de
société que vous nous proposez. Et, il nous faut changer
d'attitude. Je pense que, sur ce côté-là, si ce n'est pas
fait, c'est en train de se faire. Les approches au niveau environnemental, je
pense, sont différentes de ce qu'elles étaient autrefois. Et nous
avons maintenant des mécanismes qui ne sont peut-être pas
parfaits, mais au moins qui nous donnent une certaine sécurité
quant aux investissements et aux projets industriels que nous avons et autres
projets qui supportent des études environnementales.
Je ne sais pas si vous voulez répondre à ma boutade du
début, mais je vais vous laisser le soin de réagir à mes
premières réactions. Parce que, moi, ça m'inquiète
drôlement; si, finalement, on n'a rien de bon au Québec, on est
aussi bien de fermer la shoppe et de s'en aller tout le monde. Mais je pense
qu'à l'heure actuelle on a certainement dans des endroits... Moi, je
demeure à Rimouski; je dois vous dire que la qualité de
l'environnement à Rimouski, je n'ai pas vraiment à me soucier de
cette qualité de l'environnement. Je comprends qu'il y a des endroits
où vraiment il y a des problèmes et nous avons des mesures
à l'heure actuelle pour les corriger. Nous avons fait des efforts
considérables au cours des années pour les améliorer.
Alors, je voudrais connaître un peu votre réaction dans un premier
temps.
Mme Castel: Oui, ma première réaction, c'est de
vous souligner que le fait que les choses vont mal, ce n'est pas nous autres
qui l'avons dit. Le ministre Tremblay lui-même et d'autres viennent de
dire que l'économie québécoise est dans un état
d'urgence, que les choses vont vraiment mal. Du côté de
l'environnement aussi, les choses vont aller mal. Je pense que qu'est-ce qu'on
peut dire qui va très bien c'est, par exemple, cette commission
aujourd'hui; votre enquête, votre essai de trouver des moyens
d'améliorer la situation; le fait qu'il y a beaucoup plus de
sensibilisation envers ces questions environnementales, beaucoup plus de
compréhension de la relation directe entre les effets sur
l'environnement et les questions économiques, une compréhension
qui va plus loin aujourd'hui que la simple relation entre projets, emplois, et
c'était tout.
Alors, je pense qu'on est dans la bonne direction. Vous suivez une
très bonne étape en essayant d'améliorer le processus
d'évaluation de l'impact environnemental. Je souligne les choses qui
vont mal parce que j'ai entendu, aujourd'hui, Mme la présidente de la
Chambre de commerce de Montréal qui m'a beaucoup inquiétée
parce qu'elle n'avait pas l'air de comprendre que les anciennes
méthodes, même si on améliore la question de
l'échéancier, ne prennent pas vraiment en considération
tous les impacts environnementaux d'un projet et c'est dans cette direction
qu'il faut plutôt aller. Il faut corn-
prendre les vrais impacts d'un projet sur la société.
Veux-tu ajouter?
M. Tremblay (Rimouski): Ça va?
M. Burcombe (John): Oui, j'aimerais ajouter une chose.
Peut-être que cette commission a fait ressortir qu'il y a eu
déjà un comité qui a étudié la situation de
l'évaluation environnementale. Ce rapport est sur les tablettes depuis
plus de deux ans maintenant, alors, s'il y avait une bonne volonté du
gouvernement d'agir pour améliorer la situation, à ce point-ci,
les recommandations du rapport Lacoste devraient déjà être
implantées.
M. Tremblay (Rimouski): O.K. Au sujet des mécanismes que
nous avons en place - c'est des suggestions que vous faites, d'ailleurs, dans
votre rapport - vous pensez qu'un tribunal rendrait plus justice à tous
ceux et celles qui s'occupent d'environnement et vous nous faites un peu une
référence à ce qui se passe en Ontario. Est-ce que vous
êtes en mesure de nous dire qu'en Ontario, c'est le bonheur total et
qu'il n'y a pas de problème? Le fait qu'il y a une loi, qu'il y a
maintenant un tribunal qui s'occupe de ça, que ce tribunal-là est
subventionné par l'État et que ces gens, au lieu d'avoir une
confrontation entre les populations, les citoyens et les promoteurs comme on a
ici... La dynamique est peut-être meilleure, mais, en Ontario, ça
va se plaider devant un tribunal. Vous pensez que ça serait la meilleure
solution?
M. Burcombe: La procédure, en Ontario, est plus
judiciarisée qu'ici et eux-mêmes ne sont pas bien satisfaits de la
procédure. Ils sont en train de l'améliorer pour, en effet,
prendre certaines portions ou certaines bonnes portions de la procédure
du BAPE. Nous voyons la procédure du BAPE d'un très bon oeil
parce que c'est très ouvert et que ça va sûrement donner
plus de pouvoir au BAPE ou à une tribune semblable, une tribune
indépendante. Nous voyons que ça serait la piste à suivre.
En Ontario, ce n'est pas beaucoup mieux qu'ici peut-être, mais ils sont
en train de le devenir si on ne fait pas de changements radicaux ici.
Mme Castel: Si je peux ajouter, je pense qu'il ne faut pas
oublier que la situation est toujours une situation de conflits
inhérents entre le promoteur d'un projet et les besoins de la
société. On ne peut pas échapper à cette
conclusion. La question est: Comment pourra-t-on s'organiser pour avoir les
meilleurs résultats possible? Des sociétés
différentes essayent des modalités différentes et je pense
qu'ici, au Québec, on cherche la façon qui sera la meilleure pour
la société. Qu'est-ce qu'on recommande et qu'on trouve que le
Québec devrait faire, qu'on n'a pas fait encore ici, mais qui est fait
partout ailleurs, c'est de séparer les processus de décision sur
la justification d'un projet du pouvoir politique, de les laisser à un
organisme neutre, indépendant, professionnel, capable de prendre des
décisions qui sont basées sur des cas spécifiques au lieu
d'être basées sur des considérations politiques. C'est
surtout dans cette optique qu'on vous parle d'une tribune
indépendante.
Aussi, on vous suggère de faire une différence claire et
nette entre le processus de justification, qui est un processus où on
regarde le projet pour voir s'il est vraiment essentiel, si c'est la meilleure
solution pour un problème donné, mais en vue de
l'intérêt de la société, de séparer cette
étape-là de l'investigation des modalités des projets.
Le Président (M. Garon): Merci. M. le député
de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Moi, je veux remercier
Mme Castel et M. Burcombe pour leur contribution. Je ne pense pas
personnellement que vous soyez trop sévères. Je pense que vous
êtes juste assez sévères, assez lucides. Les cinq ou six
exemples que vous donnez, de ce côté-ci, en tout cas, on partage
assez bien votre indignation, qu'il s'agisse de Lauralco ou qu'il s'agisse
d'une espèce de... La fiction des audiences sur le plan de
développement d'Hydro-Québec, c'est une chose qu'il faudra
absolument changer, ce n'est pas sérieux. Et j'ai eu l'occasion, avec le
député de Saguenay, d'assister à des audiences sur le plan
de développement d'Hydro-Ontario, qui est en cours depuis six mois et
qui va durer encore un an, un an et demi, et c'est véritablement un
débat public sur l'avenir énergétique d'Hydro Ontario, de
la province d'Ontario. Alors, moi, je tenais à vous dire que je partage
et que nous partageons, l'Opposition, une grande partie de votre
inquiétude vis-à-vis de ces problèmes-là.
Un des problèmes dont vous avez parlé, c'est la
cogénération. Vous avez mentionne le projet de Kruger. Je voulais
savoir de vous... Il est possible d'avoir des audiences publiques sur le projet
Kruger, comme vous le savez. C'est à partir de 10 mégawatts - je
pense que le règlement permet à partir de 10 mégawatts -
que le projet peut être assujetti aux audiences publiques. Et Kruger,
c'est 40 mégawatts?
Mme Castel: 50.
M. Lazure: 50. Ma question: Est-ce que vous avez demandé,
votre groupe, des audiences publiques, oui ou non?
M. Burcombe: oui, nous sommes impliqués dans ce dossier
depuis le commencement qui était, je crois... l'étude d'impact a
été rendue publique en décembre 1990 et nous avons
fait
une demande d'audience. Par après, étant donné que
nos préoccupations étaient de nature plus large que le projet
même, on a essayé de nous convaincre que nos préoccupations
seraient mieux servies par des audiences génériques. C'est bien
d'avoir des audiences génériques mais, pour nous, ces audiences
génériques doivent avoir lieu avant de penser à un projet.
Il faut reporter le projet Kruger jusqu'à ce qu'on ait arrête une
politique officielle sur la cogénération. C'est un non-sens de
donner une approbation à un projet sans aucune politique.
M. Lazure: Si je comprends bien la situation, vous avez fait la
demande. Le commissaire, Pierre Quesnel, dit que ce n'est pas opportun de vous
accorder audience pour des raisons d'équité. Le seul
critère dans la loi et les règlements, c'est la frivolité.
Il n'a pas dit que votre demande était frivole. Bon. Je pense que la
situation n'est pas... Ce n'est pas terminé, ça, j'espère.
Quelles sont vos intentions?
M. Burcombe: En ce moment, nous maintenons notre demande
d'audience et nous devons la maintenir jusqu'à ce qu'il y ait eu des
audiences génériques sur la cogénération et qu'il
se soit établi une vraie politique sur la cogénération.
C'est seulement après avoir tenu compte de cette politique qu'on pourra
étudier le projet de Kruger.
M. Lazure: Bon. Ça nous amène à une
observation plus générale. Vous avez parlé, comme d'autres
groupes en ont parlé d'ailleurs, de l'importance d'avoir des
débats publics sur des politiques générales, plus
globales.
M. Burcombe: Exactement.
M. Lazure: Et ça, c'est un bel exemple. Nous avons
demandé, l'Opposition - je me rappelle très bien d'avoir
posé la question en Chambre et mon collègue d'Ungava aussi -
à la ministre de l'Énergie et des Ressources et au ministre de
l'Environnement de tenir des audiences publiques sectorielles, sur le secteur
de la cogénération. Et nous allons continuer.
Je voulais savoir de vous, en dehors du problème particulier de
la cogénération, sur cette nécessité sociale
d'avoir des débats publics sur les politiques, quel organisme, selon
vous, devrait procéder à ces débats publics?
Mme Castel: Dans notre annexe 1, on vous recommande de diviser la
procédure d'évaluation des impacts environnementaux en trois
parties. Dans la première, on recommande qu'il y ait une
procédure d'élaboration des politiques sectorielles et que cette
première étape soit organisée par le gouvernement, avec la
collaboration du ministère de l'Environnement et du public, parce qu'on
pense que les grandes lignes des politiques sectorielles devraient être
établies au niveau politique. Ça devrait refléter la
volonté de la société, sauf qu'aujourd'hui les politiques
sont établies dans les chambres du gouvernement, des chambres
fermées, à huis clos, tandis que, nous, on pense que vous devriez
bénéficier de toute l'aide et de toutes les expertises que la
population, en général, pourrait vous offrir, et surtout
l'expertise qui vient de groupes spécialisés dans plusieurs
sujets. Après que cette politique aura été établie,
là, il y aura lieu d'examiner le bien-fondé de chaque projet, la
justification de ce projet par rapport à cette politique. Cet examen
devrait être fait par une régie indépendante avec, encore
une fois, la participation du public. Quand la régie est satisfaite, que
le projet proposé est le meilleur projet pour le problème qui a
été défini et qu'il répond aux politiques
établies par le gouvernement au niveau sectoriel, là, le projet
pourra être envoyé pour une étude spécifique des
modalités, des variations au niveau du projet lui-même, des
détails du projet.
M. Lazure: Si j'ai bien compris vos réactions
tantôt, vous ne préconisez pas, par exemple, que notre BAPE
devienne judiciarisé comme celui de l'Ontario.
Mme Castel: II pourrait. Il n'y a pas de raison...
M. Lazure: Est-ce que vous favorisez un Bureau d'audiences
publiques aussi judiciarisé que ça? Vous favorisez ça?
Mme Castel: Pas aussi judiciarisé qu'en Ontario, mais un
BAPE ou une régie avec des pouvoirs décisionnels.
M. Lazure: Ils l'ont, en Ontario, le pouvoir
décisionnel...
Mme Castel: Oui.
M. Lazure: ...mais le Conseil des ministres a le pouvoir,
évidemment, de toujours renverser et c'est ce qui se fait souvent.
Mme Castel: Mais c'est beaucoup plus difficile...
M. Lazure: Oui.
Mme Castel: ..que de contourner le BAPE, ici, avec la nomination
d'un autre comité d'experts pour contourner les recommandations qui sont
faites par le BAPE. Cela ne sera pas vu en Ontario, ce ne sera pas
possible.
M. Lazure: Vous avez raison que la situation actuelle qui
encourage le contournement du BAPE par des comités d'experts
émanant de tel ou tel bureau, ce n'est pas satisfaisant du tout,
ce n'est pas satisfaisant du tout...
Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Bienvenue, M. le Président. Des voix:
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Garon): Alors, le temps dévolu
pour entendre le mémoire du Mouvement Au Courant étant
terminé, je vous remercie de votre présentation. Merci aussi,
ça a été très agréable de vous entendre,
madame.
Mme Castel: Merci, monsieur.
Le Président (M. Garon): Je voudrais suspendre les travaux
pendant quelques instants, le temps à la Chambre des notaires du
Québec de venir nous rejoindre à la table.
(Suspension de la séance à 16 h 33)
(Reprise à 16 h 35)
Le Président (M. Garon): La Chambre des notaires
étant représentée par Me Jacques Taschereau et Me Michel
Bélanger, à vous la parole. Vous avez une demi-heure.
Normalement, les gens qui présentent un mémoire prennent le tiers
du temps, le tiers aux libéraux et le tiers à l'Opposition. Ce
que vous prendrez en plus leur sera soustrait également et ce que vous
prendrez en moins leur sera ajouté également. Me Taschereau.
Chambre des notaires du Québec
M. Taschereau (Jacques): Merci, M. le Président. M. le
Président, Mmes et MM. les membres de cette commission, je serai
très bref. La Chambre des notaires du Québec a à coeur
à la fois l'environnement et le développement économique.
Parfois, on semble considérer que les deux objectifs ont des
impératifs opposés et, pourtant, leurs objectifs sont liés
à moyen et à long terme. La Chambre des notaires a
déposé son mémoire; je remercie la commission de nous
avoir invités à faire nos commentaires et nous sommes là
pour répondre à vos questions.
Je suis accompagné de Me Michel Bélanger, notaire, qui est
directeur du Centre québécois du droit de l'environnement. Il a
une maîtrise de l'Université de Montréal en droit public
avec intérêt spécial sur le droit de l'environnement. Vous
l'avez déjà rencontré hier, il portait un autre chapeau;
aujourd'hui, il porte le chapeau de la Chambre des notaires et, avec votre
autorisation, M. le Président, j'aimerais lui laisser l'occasion de
faire quelques commentaires intro-ductifs avant de répondre à vos
questions. Merci.
M. Bélanger (Michel): Merci. Il faut bien comprendre ici
que je représente les intérêts et les préoccupations
qui sont propres à la Chambre des notaires dans la rédaction du
présent mémoire et qui sont partagés par elle. C'est un
peu une première pour la Chambre des notaires que de se pointer à
une commission parlementaire sur un sujet aussi pointu en termes de droit de
l'environnement, mais également aussi chaud politiquement actuellement.
Toutefois, ça va un peu dans la lignée de ses récentes
interventions et ses récentes prises de position en faveur d'une
déjudiciarisation et suite à la création du Centre de
droit préventif qui se veut, justement, un organisme visant à
intégrer dans notre système une justice douce. Après les
médecines douces, on s'en va vers une justice douce qui est, notamment,
de favoriser l'information et le conseil.
Donc, les objectifs du Centre de droit préventif sont
sensiblement les mêmes que devraient poursuivre la Loi sur la
qualité de l'environnement et le droit de l'environnement de
façon générale. La prévention à
l'environnement s'articule dans la Loi sur la qualité de l'environnement
par l'entremise de deux mécanismes. Je serai très bref
là-dessus parce que vous devez les connaître: l'article 22, qui
est un pouvoir ministériel surtout d'autoriser des projets dommageables
à l'environnement, et la fameuse procédure d'évaluation
environnementale. Cette procédure-là n'est pas une
panacée, loin de là, mais c'est, à notre connaissance, le
seul mécanisme qui permet d'éviter ou de diminuer, à tout
le moins, les risques de conflit d'ordre juridique. Donc, en ce sens, c'est un
mécanisme préventif par excellence et, à notre
connaissance, le seul qui s'adresse directement aux citoyens.
J'ai eu l'occasion et le privilège d'entendre une série
d'interventions devant vous depuis les deux dernières journées.
C'est pour ça que je vais essayer de me concentrer sur certaines parties
du mémoire principalement, en résumant l'essentiel, mais
également sur certains points qui répondent à certaines
des questions qui ont été soulevées depuis hier.
Donc, de façon générale, la procédure
d'évaluation environnementale, elle est bonne; c'est la position de la
Chambre des notaires. Le rapport Lacoste peut en bonifier une certaine partie
sans amendement législatif ou réglementaire majeur. Les
conclusions de ce rapport qui a à peine un peu plus de deux ans sont,
à notre avis, toujours d'actualité et, dans la mesure où
vous accordez quelque valeur à certaines critiques ou à certains
propos que je qualifierais de désobligeants, qui, à notre avis,
témoignent davantage peut-être de l'absence de contenu des
positions de ses détracteurs, à notre avis, les rédacteurs
du rapport Lacoste n'étaient pas des écolos fascistes.
Parmi les différents éléments d'une
procédure d'évaluation, j'attirerais principalement
votre attention sur les points qui ont été soulevés
depuis le début, depuis hier principalement: la nécessité
d'une consultation publique à l'étape de la directive, le
"scoping" communément appelé... Et juste pour préciser au
niveau du "scoping", deux éléments: d'une part, que cette
procédure-là peut être intégrée dans la
procédure sans amendement de la loi ou du règlement, ne serait-ce
que par une application volontaire, c'est-à-dire de proposer au
promoteur de se soumettre à cette évaluation-là,
pré et directive, c'est à son avantage et, justement, le fait de
ne pas le faire pourrait l'exposer à des situations qu'on a
peut-être connues dernièrement. Donc, à notre avis, le
promoteur aurait tout intérêt à accepter de façon
volontaire le "scoping". Il ne faut pas oublier que la procédure
fédérale qu'on a vantée à certains égards,
notamment au niveau du "scoping", ne prévoit absolument rien dans le
décret d'application relativement à la consultation publique sur
la directive. C'est le Bureau fédéral d'examen des
évaluations environnementales qui prend sur lui-même de consulter
au niveau de la directive. Mais le décret, parce qu'on est toujours avec
un décret et non une loi, actuellement, au fédéral, ne
prévoyait rien de façon expresse, au niveau de la consultation
publique, sur la directive.
L'étude d'impact. Un aspect original du mémoire de la
Chambre des notaires est de recommander un certain contrôle, que des
personnes appelées à rédiger les études d'impact
soient des membres d'une corporation professionnelle. La consultation et
l'expertise en environnement, c'est devenu un marché assez féroce
que se disputent un nombre assez grand de spécialistes. Des
spécialistes en environnement, j'en connais plusieurs qui sont
nés comme ça du jour au lendemain; ces temps-ci, c'est à
la mode. Les conséquences du non-respect des règles de l'art dans
la préparation des études d'impact, ça nous apparaît
un risque très grand. Il faudrait y avoir un certain contrôle et
le contrôle qu'on a imaginé serait la possibilité d'imposer
que ces mêmes études d'impact là soient faites par des
professionnels. D'ailleurs, ça irait dans le même sens que
l'article 95.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement qui a
prévu, en 1978 je crois, la possibilité, justement, de rendre
obligatoires les études d'impact faites sous l'article 22 par des
consultants en environnement et liant leurs responsabilités quant au
contenu. C'était une façon d'alléger le fardeau
administratif que le ministère rencontrait. Ce n'est toujours pas en
vigueur, par contre, c'est-à-dire que c'est en vigueur, mais que ce
n'est toujours pas en force parce qu'on ne sait pas qui sont les consultants en
environnement encore, mais ça irait dans le même esprit.
Soulignons que, parmi les codes de déontologie qui existent,
certaines professions imposent déjà l'obligation à leurs
membres de tenir compte des conséquences prévisibles des travaux
sur la qualité de l'environnement, notamment les chimistes à
l'article 2.02 de leur code de déontologie, les ingénieurs
à l'article 2.01 de leur code de déontologie et les architectes
à l'article 2.01 de leur code de déontologie
également.
Quant aux projets soumis, on a dit haut et fort qu'on devait mettre en
place les différents articles qui ne sont pas encore en vigueur. Nous
n'insisterons pas plus sur cette question-là si ce n'est, toutefois, de
tendre à vouloir assurer l'intégrité des objectifs qui
étaient poursuivis par le législateur. Il est assez surprenant
qu'après 10 ans le législateur n'ait pas souhaité que des
dispositions d'ordre public qui avaient été adoptées
démocratiquement aient laissé place à un nombre assez
impressionnant des mêmes projets qui, eux, ont été
soustraits par défaut de mise en vigueur. Si on voulait respecter cette
volonté législative, à mon avis, ça aurait dû
être mis en vigueur.
Juste une petite parenthèse, parce que j'ai entendu ces
commentaires-là de la part de certains organismes, il ne faudrait pas,
si on décidait de mettre en vigueur les dispositions, les soumettre,
bien entendu, à un régime différent de celui qui est
appliqué à tous les autres projets, je veux dire, ou
alléger, ou quoi que ce soit. Donc, bien entendu, c'est l'application du
même régime, que ce soit pour les grands projets industriels ou
pour les marinas. Il me semble que ça fait partie de l'évidence,
mais...
Enfin, juste une autre petite parenthèse pour rappeler aux
membres de la commission qu'à partir du moment où on va mettre en
vigueur les dispositions de l'article 2n et 2j, etc. les entreprises vont
encore avoir un délai d'un an pour mettre en place les projets, tout en
étant exonérées de toute évaluation
environnementale au terme de l'article 31.6. Donc, entre nous autres, ça
urge.
Un élément sur le suivi parce qu'il en a été
question. Il n'en est pas question dans le mémoire de la Chambre, c'est
simplement pour répondre à des questions qui ont
été posées à l'égard du suivi ou
ultérieurement à la décision ministérielle. Sans
amendement législatif, parce qu'on pense à mettre une
procédure qui permettrait à un organisme, soit le
ministère ou le BAPE, de faire le suivi des recommandations qu'il a
faites, il y aurait possibilité d'inclure simplement au certificat
d'autorisation qui est émis en vertu de l'article 22 ou de l'article
31.5, parce que c'est deux certificats obligatoirement émis dans les
circonstances, certains éléments à l'effet qu'un certain
suivi devrait être appliqué. Je pense, notamment, à la
pulvérisation pour la tordeuse des bourgeons de l'épinette
où on avait effectivement mis ça comme condition à
défaut de l'avoir rentré dans le certificat d'autorisation.
Personne ne peut vraiment forcer la main au promoteur par après,
à savoir: Est-ce qu'il a vraiment vérifié les impacts sur
la santé de la pulvérisation? Ça serait un moyen
très efficace
parce que la conséquence de rentrer ça dans le certificat
d'autorisation, c'est éventuellement une ordonnance du ministre ou,
ultimement, une injonction même pour arrêter la compagnie. (16 h
45)
Financement des intervenants. Simplement pour faire un lien avec
l'approche déjudiciarisée que la Chambre des notaires
privilégie, un des compliments qu'on fait à la procédure
ontarienne, c'est la rigueur, l'objectivité, la certitude du
résultat qui aboutit en bout de ligne. C'est-à-dire
qu'après avoir contre-interrogé, par avocats, les gens qui se
pointent autant sur le contenu que sur leur formation, il y en a qui donnent
des vertus à cette procédure-là en ce sens que le
résultat serait beaucoup plus crédible que notre procédure
à nous. Une des façons peut-être - ça, je ne donne
pas foi ou crédit, de toute façon, à cette
prétention-là - qui pourraient éviter un peu ou
améliorer le système à ce niveau-là serait
effectivement de financer les intervenants pour amener cette
contre-expertise-là et approfondir davantage les questions.
Deux options sont soulevées dans le mémoire de la Chambre
des notaires: une taxe aux entreprises polluantes ou le paiement par le
promoteur lui-même. La taxe aux entreprises polluantes, c'est
embêtant parce que, si on lit le rapport de la commission Charbonneau,
c'est, entre autres, la taxe verte. Il y a beaucoup d'autres objets qu'on
voulait lui attribuer à cette fameuse taxe là. Donc, probablement
que, si on appliquait le principe du pollueur-payeur en matière de
décontamination, il serait opportun de l'appliquer lorsqu'il s'agit de
prévenir des possibles dommages à l'environnement, donc de les
faire assumer également par le promoteur au niveau de cette
dépense-là. C'est, pour l'essentiel, les commentaires que j'avais
à faire sur le mémoire.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie, Me
Bélanger. Vous m'avez rappelé, par vos propos, une discussion que
j'ai eue avec le recteur de l'Université Laval il y a quelques
années, qui me demandait de quelle façon l'Université
pouvait rendre service au gouvernement. Je lui avais dit: Si vos
écologistes et biologistes, les ingénieurs forestiers et les
agronomes qui sortent de l'université avaient la même conception
de l'environnement et non pas des conceptions différentes selon les
écoles où ils étudient, on aurait bien moins de
problèmes, au gouvernement, avec des gens qui, selon qu'ils viennent de
tel ou tel milieu, défendent l'environnement de façon
différente, comme si l'environnement était différent selon
qu'on est d'une formation différente. Et pourtant, c'est toujours les
mêmes experts, formés par les mêmes écoles, mais qui
ont des visions parfois bien différentes, alors qu'on devrait
peut-être avoir une année de base dans les universités pour
au moins comprendre l'environnement de la même façon. Mme la
députée de Vachon.
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Messieurs, bienvenue.
M. Bélanger, rebienvenue. Hier, on croyait avoir affaire à un
membre du Barreau; aujourd'hui, on se demande si c'est un membre de la Chambre
des notaires ou encore un membre du Barreau qui fait du travail pour la Chambre
des notaires, quoique ça m'étonnerait beaucoup, mais quand
même.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Pelchat: Bienvenue à nouveau. Vous êtes un des
experts en la matière, semble-t-il, puisque vos talents sont requis deux
fois plutôt qu'une, alors peut-être que vous pourrez nous dire ce
que peut être un expert qui serait appelé à rédiger
une étude d'impact. Dans votre mémoire - et les gens avant vous
devaient être bien contents de votre phrase - à la page 10, vous
dites: "Nous estimons, néanmoins, que les études d'impact
devraient être exécutées par des professionnels
responsables du résultat de leur étude, par exemple des
ingénieurs." Nous, les députés, on sait que les
études d'impact - et au ministère de l'Environnement ils le
savent aussi - c'est un marché très lucratif pour les
ingénieurs. Mais est-ce qu'il faut absolument... Je trouve ça un
petit peu corporatiste, là, comme suggestion. D'abord, je ne pense pas
que ce soient seulement les ingénieurs qui pourraient nous aider
là-dessus; la preuve, c'est qu'un notaire ou un avocat semble être
très bien informé sur la question environnementale. Mais
j'aimerais que vous élaboriez un petit peu là-dessus, sur la
question du professionnalisme, ou comment reconnaître... Si une personne
n'est pas membre nécessairement d'une corporation professionnelle,
est-ce que ça lui enlève la compétence pour rédiger
une étude d'impact?
M. Bélanger (Michel): Non. Écoutez, ça ne me
surprend pas, d'ailleurs, que l'article 91.5, je crois, n'ait pas encore
été mis en vigueur, mais j'imagine que, comme le marché
est lucratif, tout le monde tire la couverte, c'est fort normal. L'article
95.1. Mais je ne dirai pas non plus que la compétence dans ce
domaine-là appartient à seulement une sphère
d'activité. Je sais que le risque de l'aspect corporatif, ça,
effectivement, c'est achalant. Mais ce qu'on veut s'assurer ici, c'est qu'il y
ait un certain contrôle de la qualité du produit qui en ressort et
les études d'impact, il ne faut pas oublier que ce n'est pas
nécessairement unique à une seule sphère d'expertise non
plus. Donc, autrement dit, autant de sphères qui sont abordées
dans une étude d'impact, ça pourrait être fait par
différents spécialistes, mais on souhaiterait qu'ils
relèvent d'une corporation professionnelle. C'est-à-dire, s'il y
a des aspects relatifs à la santé, ça pourrait être
un médecin; s'il y a des aspects plus techniques, ça pourrait
être un ingénieur. Mais ce qu'on veut éviter, c'est
que, finalement, s'il y a des expertises qui existent ailleurs ou si,
effectivement... Parce que c'est le promoteur qui fait faire lui-même
l'étude d'impact; ça achale certaines personnes, ça, et il
y a eu des commentaires contre cette dimension-là. Il me semble qu'un
minimum de sécurité serait assuré si, effectivement,
c'était supervisé par une corporation.
Mme Pelchat: Mais vous savez, si on mettait ça, par
exemple, dans un règlement ou, à la limite, dans la loi, ce qui
m'étonnerait, mais dans un règlement - le législateur va
toujours au plus court et, comme le règlement est destiné
à être géré par l'administratif, c'est
évident que c'est ce qui est de plus précis -
inévitablement, j'imagine qu'on recourrait à des membres d'une
corporation professionnelle bien identifiée. Alors, moi, je pense qu'il
y a un danger là.
M. Bélanger (Michel): Oui.
Mme Pelchat: Je trouve que c'est très corporatiste, mais
je ne vous en veux pas, comme membre de la Chambre des notaires, d'être
corporatiste.
M. Bélanger (Michel): Non, non. Mais, écoutez, je
voudrais juste vous rappeler une chose. Si le législateur a jugé
bon, en 1978, de rajouter les dispositions de l'article 95.1, qui n'ont pas
accouché encore...
Mme Pelchat: Oui, mais pas les appliquer.
M. Bélanger (Michel): ...en déterminant qui
étaient les fameux spécialistes en environnement, à ce
moment-là, je veux dire, en bout de ligne, lorsqu'on va y arriver, on
pourrait tout à fait faire le même lien. Si eux sont en mesure de
faire des études d'impact sur l'article 22, ils pourraient effectivement
faire les études d'impact en vertu de la procédure
d'évaluation plus longue.
Mme Pelchat: O.K.
M. Bélanger (Michel): Juste un dernier commentaire
là-dessus. Il y a une disposition qui est un peu achalante, par contre,
dans les articles 95.1 et suivants, c'est l'article 95.8 où, justement,
on fait référence à la corporation professionnelle: "Le
ministre transmet au syndic de la corporation [...] pour enquête, le cas
d'un membre de cette corporation qu'il estime avoir signé une fausse
attestation, etc." Donc, ça sous-entend que ces fameux experts fassent
partie d'une corporation professionnelle. Ça pourrait peut-être
aussi devancer le dossier des biologistes qui, je pense, depuis plusieurs
années, en demandent une.
Mme Pelchat: Est-ce que vous les représentez,
maître?
M. Bélanger (Michel): Non, non, pas encore. Des voix:
Ha, ha, ha!
Mme Pelchat: J'ai une question, en fait, qui vise la page 6 de
votre mémoire. Vous dites que vous émettez des réserves
quant à l'issue de la démarche utilisée par la
présente commission et vous croyez même que nos éventuelles
conclusions risquent de réduire nos acquis. Je dois vous dire que je
suis profondément choquée de cette affirmation en tant que membre
de cette commission, mais aussi ça choque probablement tous mes
collègues, puisque ce mandat d'initiative a été
entériné par tous les députés, qu'ils soient
membres du parti de l'Opposition ou du parti ministériel. J'aimerais
vous assurer, et les autres personnes qui siègent ici, les personnes qui
nous écoutent, les gens qui vont nous lire, que jamais, jamais, jamais
l'intention des membres de cette commission est de surtout réduire nos
acquis en environnement au Québec. Ça, je pense que c'est clair.
En tout cas, je veux que ce soit clair. Ce n'est pas la première fois,
il y a plusieurs personnes qui mélangent un mandat d'initiative avec un
mandat de l'Assemblée ou un mandat du gouvernement; c'est très
différent. L'exécutif n'est pas représenté ici, ce
n'est que le législatif. Je pense que c'est clair, on n'a pas de
mauvaises intentions; au contraire, on n'a que de bonnes intentions. Ça,
il faudrait que ce soit bien clair.
Par contre, aussi, à la page 6, au paragraphe 5, vous reliez
à votre crainte que l'on réduise nos acquis, vous parlez un peu
du discrédit qui a été jeté sur le BAPE. Le
paragraphe 5, à la page 6: "Depuis quelques mois, d'importantes
pressions sont exercées de la part des milieux financiers afin de
discréditer l'institution du Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement, notamment dans les dossiers de Soligaz, Lauralco et
Grande-Baleine." Qu'est-ce qui fait, selon vous, que le BAPE est
discrédité, notamment dans ces dossiers-là? Est-ce que
vous pouvez nous aider là-dessus?
M. Bélanger (Michel): Est-ce que vous voulez aussi que je
précise dans Soligaz, au niveau de Soligaz aussi?
Mme Pelchat: Bien, allez-y. Moi, je veux entendre votre opinion
là-dessus.
M. Bélanger (Michel): Bien, c'est principalement...
Mme Pelchat: Et je suis de bonne foi dans ma question.
M. Bélanger (Michel): Bien oui, moi aussi.
C'est principalement les commentaires qui ont suivi le
dépôt du rapport, notamment de certains milieux, finalement, qui
ont critiqué. On a même été jusqu'à dire que
le BAPE avait outrepassé son pouvoir en parlant ou en abordant la
question du développement durable dans son évaluation, chose que
je ne pense pas nécessairement, effectivement, être un
dépassement du mandat qui avait été confié et
même du pouvoir que la loi lui confère. Lauralco, c'est certains
commentaires peut-être qui auraient été faits. Là,
je ne voudrais pas, non plus, tomber dans la partisane-rie ou dans...
Mme Pelchat: Non, mais ce que je veux savoir. Me Bélanger,
c'est: Est-ce qu'effectivement vous constatez qu'il y a des raisons pour que le
BAPE soit discrédité à ce moment-ci? Est-ce que, par
exemple, le manque d'expertise ou le manque de moyens que l'on donne au BAPE -
je vous pose la question - ne serait pas aussi une des raisons pour lesquelles
le BAPE a un peu de difficulté ou, selon l'interprétation de
certains, comme vous le mentionnez, semble avoir de la difficulté
à accomplir son mandat?
M. Bélanger (Michel): À mon avis, c'est un ensemble
de choses qui fait en sorte qu'actuellement la bouilloire a chauffé un
peu. Bon, après 10 ans de demandes, ça me surprend même de
voir combien il y a unanimité de la part des organismes qui passent
devant vous pour demander la mise en vigueur, alors qu'effectivement il y avait
de grandes pressions pour ne pas que ça... le fait que ça n'a pas
été adopté pendant 10 ans. Ça me surprend de voir
que la population partageait, finalement, la même impression, de
façon assez générale.
C'est, finalement, une foule de choses. Il y a eu le rapport, parce que
votre commission avait été annoncée bien avant que le
rapport de Soligaz sorte, et, effectivement, c'est dans cette
tourmente-là, finalement, que toutes les choses ont
déboulé. Les articles ont suivi, des attaques personnelles ont
été faites, même on a personnalisé le débat
de façon assez démagogique. Donc, c'est juste, finalement, la
crainte, dans la tourmente de ce qui se passait, qu'on risque d'aboutir
à une commission ou à des conclusions qui seraient
négatives. C'est ça. Finalement, c'est juste ça. C'est un
genre de mise en garde, mais très humble, de notre part à ce
niveau-là.
Mme Pelchat: Mais, de toute façon, il faut bien comprendre
là que, comme je vous dis...
M. Bélanger (Michel): Oui.
Mme Pelchat: ...on est du législatif. On va faire un
rapport qui va recommander des choses à l'Assemblée nationale et
l'Assemblée nationale en disposera, le ministre, le gouvernement en
disposera. Mais on est tous de bonne foi et j'espère aussi que le
rapport et les recommandations seront unanimes, comme le mandat l'a
été. Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président. Je
vous remercie.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. J'ai pris bonne note de
vos réflexions. En toute déférence, M. le
Président, vos réflexions sur l'université et sa vocation,
ça m'amène aussi à déplorer, jusqu'à un
certain point, que les universités ne nous aient pas
présenté de mémoires, hein? aucune des universités.
Quand on lit leurs revues... Comme je lisais, hier soir, la revue de
l'Université de Montréal, pour ne pas la nommer; en pleine page,
première page, on parlait beaucoup d'environnement puis de la vocation
de l'université en environnement. Mais, que je sache, on n'a pas de
mémoire, hein? aucun mémoire sur les 62 émanant d'aucune
de nos universités. Je ferme la parenthèse et je souhaite, au nom
de l'Opposition, la bienvenue aux représentants de la Chambre des
notaires. J'ai plaisir à retrouver Me Taschereau, le président,
que je salue et Me Bélanger que nous retrouvons.
J'aime bien l'orientation de nos amis les notaires depuis quelques
années, surtout lorsqu'ils prônent la déjudiciarisation,
puis qu'ils prônent ce que vous appelez la justice douce. C'est une
expression heureuse, à mon avis.
Je m'arrête à quelques propositions bien précises
que vous faites, dont une qui touche la justification du projet. À la
page 11, vous dites: "À l'instar des procédures
américaines, nous estimons essentiel de considérer [...] la
justification même d'un projet... Néanmoins, pour dissiper toute
incertitude quant à la portée de l'étude, il pourrait donc
être opportun de le préciser au règlement sur
l'évaluation."
En effet, le règlement, et vous le dites de façon bien
pertinente, il parle de raisons justifiant le choix de l'option retenue. Vous
faites, si je comprends bien, une distinction entre les deux. Moi, je suis
porté aussi à partager votre interprétation. Vous dites
qu'il pourrait y avoir un ajout au règlement qui inclurait dans les
paramètres, puisqu'il s'agit des paramètres au paragraphe 3,
celui touchant la justification même du projet. C'est ça que vous
dites?
M. Bélanger (Michel): Oui, précisément.
Parce que, effectivement, si un jour c'était attaqué, notre
interprétation textuelle de cette disposition pourrait effectivement
apporter une certaine confusion à ce niveau-là. Est-ce qu'on peut
aller jusqu'à demander la justification du projet lui-même ou
simplement les options qui sont présentées?
M. Lazure: Bon. Vous évoquez l'expérience
américaine. À votre connaissance, quand l'équi-
valent américain du BAPE demande au promoteur de démontrer
la justification même du projet, est-ce que ça débouche sur
des grands débats, sur des politiques générales, ou si
ça peut être confiné au projet particulier?
M. Bélanger (Michel): Nous ne sommes pas en mesure de
répondre à cette question-là. La notion que les
Américains analysent la justification des projets, c'est un fait qui a
été rapporté au niveau de la doctrine juridique. Mais je
ne sais pas, dans les faits, la procédure qui est suivie effectivement
dans différents États parce qu'il y en a plusieurs.
M. Lazure: Parce qu'on a discuté, comme vous le savez,
aujourd'hui et hier, de l'importance d'avoir des débats publics sur des
politiques générales. Il y a une espèce de gradation
là-dedans. Avant le projet particulier situé dans telle
localité, dans un secteur industriel donné, il serait logique
d'avoir un débat général ou une audience sur la
justification de ce genre d'industrie, disons. Mais ce débat-là
lui-même devrait s'inscrire, devrait faire suite à un débat
public plus général sur la politique du développement
industriel, développement économique du Québec. Alors,
vous pensez que ça serait l'endroit de le faire et non pas à
l'occasion d'un débat sur les politiques générales, la
justification du projet?
M. Bélanger (Michel): Non, il ne faut pas faire un
débat de société quand on analyse la justification d'un
projet lui-même. Je ne sais pas, je ne comprends peut-être pas. Les
grandes politiques, effectivement, doivent faire l'objet d'une consultation,
c'est ce qu'on dit plus loin, et même qu'on pose la question à
savoir ce qu'il est advenu des recommandations que le Conseil consultatif de
l'environnement avait rendues il y a quelques années, qui était,
effectivement, une vaste consultation sur différents grands
thèmes au Québec. Mais je ne sais pas si je comprends très
bien votre question.
M. Lazure: Non. Ce que vous proposez d'ajouter, c'est une
discussion de fond qui aurait lieu à l'occasion de chaque projet
individuel. Le promoteur individuel aurait à justifier l'implantation,
disons, d'une papetière ou d'une aluminerie.
M. Bélanger (Michel): Oui, exactement.
M. Lazure: La justification.
M. Bélanger (Michel): Oui, exactement.
M. Lazure: Bon. Un autre sujet, le financement, à la fin,
vous venez de le mentionner aussi, deux possibilités, soit une taxe
prélevée auprès des entreprises polluantes ou encore
venant des promoteurs eux-mêmes à l'occasion des projets.
Avez-vous une idée de qui pourrait gérer un tel fonds dans notre
contexte ici, au Québec? Si un tel fonds se constituait, comment
ça pourrait fonctionner?
M. Bélanger (Michel): On pourrait s'inspirer du
modèle ontarien où on délègue une personne du
Bureau ou une personne membre de la commission appelée à entendre
l'audience publique sur un certain projet et, également, eux autres, ils
mandatent, je pense, un membre du gouvernement, du ministère des
Affaires municipales je crois, mais on pourrait effectivement...
M. Lazure: La Commission des affaires municipales.
M. Bélanger (Michel): ...soumettre à un
comité, soit un genre de comité comme ça,
indépendant, ou encore même géré par le Bureau
d'audiences publiques, quoique, juste par le Bureau d'audiences publiques,
ça pourrait devenir délicat. Mais je vous réfère au
chapitre 71 de la loi ontarienne qui était annexé au
mémoire du Centre québécois, hier.
M. Lazure: Oui. La dernière question précise que
j'ai, c'est concernant la gestion des déchets. Vous favorisez
l'implantation dans chaque portion de territoire et vous dites: "Chaque MRC
devrait ainsi voir à instaurer sur son territoire un tel système
de gestion de déchets, après avoir consulté la
population". Ma question, c'est: Comment vous voyez les liens entre les MRC et
le gouvernement, plus précisément le ministère de
l'Environnement? Cette autonomie de chaque MRC dans la gestion de ses
déchets sur son territoire, de quelle manière elle pourrait
être harmonisée avec une politique plus globale pour l'ensemble du
Québec?
M. Bélanger (Michel): Ce qu'on dit ici, sans
nécessairement prétendre être des compétences au
niveau de toute la question des déchets domestiques, c'est simplement
que le territoire a été partagé d'une façon
administrative par l'entremise des MRC, justement, et qu'il serait opportun de
se servir de ces structures administratives pour, justement, intégrer
les préoccupations des citoyens en matière de déchets
domestiques, bon, parce que tout le monde est concerné. Et,
au-delà des grandes orientations à donner - recyclage,
réutilisation, incinération -l'implantation dans chacune des
MRC... on peut suivre la recommandation qui avait été faite
à l'égard des déchets dangereux, mais c'est, finalement,
sectoriser la prise de décision. Et, justement, un genre de consultation
publique qui serait faite par différents secteurs comme ça,
définis déjà administrativement. Ce que j'ajouterais
simplement, c'est que si jamais dans une... Parce qu'il y en a plusieurs MRC;
ça peut être un ouvrage très long. Il y aurait
peut-être aussi moyen d'y aller en regroupant les MRC par rap-
port au nombre de la population qu'elles desservent.
M. Lazure: C'est ça. Est-ce que vous pourriez envisager
que le Bureau d'audiences publiques soit à la disposition d'une ou d'un
regroupement de MRC pour aider les MRC à tenir des audiences publiques
sur la gestion des déchets?
M. Bélanger (Michel): Tout à fait et ce serait
facile pour le ministre de le faire en vertu de l'article 6.3.
M. Lazure: Le ministre a tout le loisir de le faire. Ça,
c'est sûr.
M. Bélanger (Michel): Non, mais je veux dire, au niveau de
la mécanique juridique, l'article 6.3 le permettrait.
M. Lazure: Oui. Mais nous, on déplore que le ministre ne
s'en serve pas plus souvent de cet article-là. À ma connaissance,
il ne s'en est pas servi depuis un bon bout de temps. Je ne sais pas. Est-ce
que vous, qui êtes du Centre québécois du droit...
Une voix: En 1985, on a...
M. Lazure: Ha, ha! Vous n'êtes pas enregistrée, vous
n'avez pas la parole.
Une voix:...
M. Lazure: Non. Mais, sérieusement, vous verriez d'un bon
oeil l'implication du BAPE dans ça.
M. Bélanger (Michel): Oui. M. Lazure: C'est tout.
Merci.
Le Président (M. Garon): je remercie les
représentants de la chambre des notaires qui sont venus nous
présenter leur point de vue à la commission. je vais suspendre
les travaux quelques instants pour permettre au groupe enviro-sage inc, avec m.
andré beauchamp, directeur, qui le représente, de s'approcher de
la table.
(Suspension de la séance à 17 h 6)
(Reprise à 17 h 8)
Le Président (M. Garon): M. Beauchamp, vous avez la parole
pendant 30 minutes, c'est-à-dire 10 minutes, normalement, pour faire une
présentation de votre exposé, 10 minutes pour le parti
ministériel et 10 minutes pour le parti de l'Opposition. Ce que vous
prendrez en plus leur sera soustrait; ce que vous prendrez en moins leur sera
ajouté.
Enviro-Sage inc.
M. Beauchamp (André): Merci, M. le Président. Si
vous me donnez 30 minutes, je vais avoir tendance à les prendre. Alors,
essayons de convenir de 10 minutes.
D'abord, je suis heureux que vous présentiez Enviro-Sage, mais en
réalité, beaucoup plus humblement, c'est André Beauchamp
qui vient devant vous. Premièrement, dans mon mémoire, il y a des
petites pointes ici et là; quand on écrit ça, on est un
peu isolé. Je ne voudrais surtout pas antagoniser les gens de la
commission, mais vous remercier, premièrement, de la tenue de cette
commission et souhaiter que vos travaux soient les plus féconds possible
dans une matière qui est particulièrement complexe.
Je viens à titre personnel. J'ai été
président du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement de 1983
à 1987. Antérieurement à ça, j'avais
été spécialiste en sciences de l'éducation,
engagé par le ministère de l'Environnement; ensuite,
secrétaire général du ministère au moment où
nous avons créé le ministère de l'Environnement; ensuite,
directeur de cabinet du ministre Marcel Léger pendant 18 mois; ensuite,
président du Conseil consultatif; ensuite, conduit à la retraite
à laquelle je ne suis pas mort encore. Alors, j'ai donc eu l'avantage,
je pense, de faire le tour de l'ensemble des institutions du ministère,
donc d'apercevoir la procédure non seulement depuis le point de vue du
commissaire, mais aussi du point de vue de l'administration à certains
moments.
Parmi le dossier immense que vous avez soumis à la consultation,
il y a une introduction qui m'a un peu mis la confusion, qui était une
approche à partir de la gestion des déchets, et j'ai mis dans mon
texte quelques réflexions qui seraient les suivantes. Si vous posez la
question: Faut-il soumettre la gestion des déchets, la création
de nouveaux sites d'enfouissement à la procédure? formellement,
ma réponse, c'est oui, parce qu'il y a là risque de grands
impacts. Par ailleurs, si j'avais un conseil à vous donner, c'est:
N'appliquez pas ça tout de suite, avant d'avoir établi le cadre
de référence et d'avoir fait discuter un certain nombre de lignes
politiques de fond, parce que, sinon, vous allez faire quoi? Vous allez
créer un stress qui va empêcher l'application de nouvelles
solutions et, éventuellement, de nouveaux sites là où ce
serait nécessaire, et l'effet pervers de ça va faire monter la
valeur des sites déjà existants. Il va donc y avoir une
spéculation extraordinaire dans les sites déjà existants
et, deuxièmement, au bout du compte, c'est les régions qui
reçoivent déjà les déchets qui vont en recevoir
encore plus. Alors, au plan de l'équité, les populations qui
reçoivent déjà les déchets d'un peu partout vont
les
recevoir d'encore un peu plus large. Là, avant de faire
ça, nettoyez le dossier. Ce serait mon observation.
Sur la procédure elle-même, je dirais qu'à mes yeux,
le mécanisme clé de la procédure, c'est la participation
du public. C'est la participation du public qui permet à l'information
de se valider et qui permet en même temps aux critères de jugement
de s'élaborer et de se former. Vous allez avoir des gens qui vont venir
insister sur la valeur des expertises. Moi, j'ai tendance à dire que ce
n'est pas d'abord l'expertise qui est importante, non pas qu'elle soit
négligeable, mais que l'expertise n'est validée que dans la
mesure où on lui permet un examen public et un examen qui donne lieu
à la controverse. En sciences, c'est la controverse qui fait avancer et
non pas l'expertise close. En ce sens-là, le meilleur garant de la
qualité des décisions de l'environnement, c'est la participation
du public. Si vous diminuez la participation du public, les décisions
seront moins bonnes à long terme sur l'environnement, même si
elles peuvent s'améliorer sur un très court terme ou sur un
dossier ponctuel. On sait que, parfois, la participation du public, c'est
agaçant.
Je recommande de ne pas créer une nouvelle procédure parce
que celle qui est en place est là depuis 10 ans, on peut la bricoler
d'une manière secondaire, mais se lancer dans une nouvelle
procédure de fond en comble, ce serait, à mes yeux,
générer un nouveau système dont on ne connaîtrait
pas les limites et les inconvénients. Je suis signataire du rapport
Lacoste. Évidemment, je ne pense pas que ce soit écrit par des
écolos fascistes, mais je pense qu'il y a là un bricolage
très très minutieux que nous avons essayé de faire et qui
peut être utile même si, parfois, évidemment, il y a
probablement des détails qu'on a abordés trop vite.
Je tiens d'une manière fondamentale à ce que les articles
non promulgués soient enfin promulgués, puisque l'impact sur
l'environnement ne vient pas de la nature du promoteur, mais de la nature du
projet lui-même. S'il y avait une révision, je m'objecterais
très fortement à ce qu'on attaque le concept de frivolité.
Il faut le laisser tel qu'il est là, il est vague et flou et il est,
lui, seul à donner aux citoyens un droit. Toute autre définition
va restreindre les droits des citoyens et la même chose, surtout ne pas
s'en aller sur la notion d'intérêt qui, au plan écologique,
est invérifiable. Moi, j'ai un intérêt sur les usines qui
utilisent du charbon aux États-Unis, parce que c'est une cause
éloignée des pluies acides ici. C'est justement la notion
d'écosystème qui permet de comprendre que les
Québécois ont tous un intérêt à
l'écosystème québécois sans qu'on essaie de
démontrer l'intérêt d'une autre manière, par la
proximité du site ou par une nuisance qui serait mesurable à
titre personnel.
Je pense aussi que, si vous touchez à la procédure, il ne
faut pas aller vers des formes de judiciarisation. Là-dessus, je suis
très différent d'autres intervenants qui demandent qu'on donne au
commissaire le droit de décider. Ma thèse, c'est que c'est les
politiciens qui doivent décider et que c'est comme ça que c'est
bon. Si on donne le droit au juge, on dévie la politique de son sens et
les décisions sociétales de leur sens. Ça, c'est ma
thèse de fond et, pour l'avoir exercée, même si le
gouvernement n'a pas toujours suivi mes recommandations flaillées, c'est
correct, c'était la job du gouvernement de faire sa job. Sinon, si vous
renvoyez la décision, vous allez obligatoirement judiciariser le
système et, au bout du compte, vous allez sortir le citoyen au profit
des avocats et des experts.
Je finirai en disant que le problème fondamental, me semble-t-il,
de l'environnement, c'est un problème de culture administrative.
Permettez que je fasse un peu d'histoire. La Loi sur la qualité de
l'environnement remonte à 1972 au moment de la Conférence de
Stockholm. Il y avait donc une effervescence à l'environnement
très forte; 1976 a fait arriver d'autres courants de pensée qui
ont renforci la ligne environnementale qui était déjà
très présente. La loi de 1972 est extraordinaire, la loi de M.
Goldbloom est une loi extraordinaire qui est tout à fait dans le filon
du meilleur de la pensée du temps. Ça a pris de 1976 à
1980 avant qu'on ait d'autres réformes complémentaires qui ont
permis de promulguer un bon nombre de règlements et de mettre sur pied
la procédure d'évaluation et d'examen des impacts.
Après ça, je pense que ce qui est arrivé, c'est
qu'on a oublié les fondements de ça. On a été pris
dans le quotidien avec toutes sortes de bagarres, toutes sortes de
résistances institutionnelles. Je me souviens d'un sous-ministre qui
nous avait dit: La plus grande résistance à l'environnement, nous
allons la trouver dans la fonction publique. Il avait parfaitement raison. Nous
l'avons trouvée dans l'appareil gouvernemental. J'ai donné comme
exemple le ministère des Transports et c'est su depuis toujours qu'on a
ramené toutes les planches à dessin; tout ce qui était en
haut de 35 mètres, ils l'ont restreint en bas de 35 mètres
d'emprise pour que ça échappe au règlement et tout le
monde se tapait les mains en disant: Y "sont-u" habiles un peu? C'était
extraordinaire. Bon. Quand j'ai attrapé Hydro-Québec sur la
sixième ligne, sur le détournement de procédure qu'ils
avaient fait, ils avaient piégé le gouvernement et j'ai fini par
rencontrer l'ancien ministre du temps, mais il m'a dit: Quand on m'a
expliqué ça, je n'avais jamais compris ça. J'ai dit: Bien
non, c'est ça le... Alors, il y a une espèce de résistance
farouche, il y a un problème de culture environnementale. Je dirais: II
faut refaire cette culture-là.
Le concept de développement durable est un concept
extrêmement difficile d'application parce
qu'il lie ensemble un objectif économique, un objectif
écologique et un objectif de justice. Nous devons faire que le
développement, désormais, intègre la satisfaction des
besoins et, disent-ils, en partant des plus démunis;
deuxièmement, le respect de l'équilibre de
l'écosystème et la poursuite de l'équité entre les
générations et entre les gens eux-mêmes. Imaginez
maintenant les nouveaux paramètres qui viennent s'intégrer
à des décisions sociétales quand on essaie de tenir ces
trois choses-là ensemble. Il ne faut pas se surprendre que ce soit
difficile d'application, que ça donne lieu à des débats.
Il y a une espèce de gond de valeurs dans lequel notre
société essaie de prendre des décisions en disant que
ça, maintenant, est important ou ça est une valeur, au point, par
exemple, que tel type de développement économique, tel type
d'ouvrage, tel type de chose ne se fera pas ou se fera d'une autre
manière. Alors, la difficulté là-dessus est très
considérable et, moi, je pense qu'on est en train d'intégrer ces
valeurs-là, mais que ça va prendre encore une
génération, c'est-à-dire de 10 à 20 ans, avant que
ça puisse être intégré d'une manière un peu
plus harmonieuse dans la culture.
Voilà mes principales remarques à vue de nez. Si vous avez
des questions, ça me fera bien plaisir d'y répondre,
évidemment.
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Vachon.
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Alors, M. Beauchamp,
au nom des députés de la commission, particulièrement les
députés du parti ministériel, j'aimerais vous souhaiter la
bienvenue et j'aimerais surtout vous remercier d'avoir accepté notre
invitation à participer à cette commission parlementaire.
Évidemment, vous nous avez donné vos états de service qui
sont très longs et très appréciables et votre
expérience peut nous être très utile. Je vous remercie
d'avoir accepté de participer à cette commission.
Vous parlez des déchets domestiques, des déchets solides
et même, au début de votre mémoire, vous vous posez la
question à savoir exactement pourquoi on a inclus le volet
déchets solides dans le mandat de cette commission. Vous avez vu,
à la lumière des interventions, que c'est effectivement pour
juger de la pertinence d'assujettir ou pas toute la politique de la gestion des
déchets domestiques à la procédure de vérification
et d'évaluation des impacts environnementaux et, vous l'avez dit tout
à l'heure, à première vue, oui, s'il faut assujettir, par
exemple, un site d'enfouissement à la procédure
d'évaluation, oui, tout de suite, mais pas trop vite. J'aimerais
ça que vous m'expliquiez, parce que c'est une préoccupation qui
est constante, vous le démontrez bien dans votre mémoire. De plus
en plus, on parle de l'implantation, de gestion intégrée; toutes
les méthodes sont avancées. Nous, on a cru bon de l'inclure dans
notre mandat, justement, pour vérifier si on devait le faire. Mais, d'un
autre côté, vous nous dites: Faites-le, mais ne le faites pas. Et
je vous rappelle que la politique de gestion...
M. Beauchamp: Oui, c'est-à-dire qu'avant...
Mme Pelchat: Elle existe déjà, cette
politi-que-là, alors...
M. Beauchamp: C'est peut-être une politique en retard,
là. Mais je me souviens du règlement relatif à la gestion
des déchets domestiques en 1980-1981. Quand on a commencé
à appliquer ça, ça a été une chose d'une
joyeuse complication parce que c'était un modèle urbain et on a
commencé à l'appliquer en Gaspésie, et ça a
donné des petits problèmes.
Ce que je dis fondamentalement, madame, c'est que, premièrement,
la gestion des déchets, c'est une juridiction qui, par règlement,
maintenant appartient aux MRC. Si vous embarquez et changez les règles
du jeu des MRC, de grâce, donnez-leur des moyens, des "guide lines", pour
qu'elles puissent arriver à prendre des décisions.
J'ai animé, à titre professionnel, des réunions
avec les 56 municipalités de la région de Vaudreuil et les trois
MRC qu'il y a là et, finalement, au bout d'un an et demi de cheminement,
de discussions et d'élaboration, ils ont fermé le dossier, bon,
et le maire de Vaudreuil... L'hypothèse qui était sur la table -
je ne juge pas si elle était bonne ou pas bonne - qui a
été mise sur la table n'a pas pu fonctionner et les gens se sont
divisés et n'ont pas pu s'entendre; il fallait qu'ils soient unanimes.
Et là, ils sont, comme on dit en anglais, "back to square one". Sauf que
le problème que Vaudreuil a, c'est que le site de la carrière
Meloche se ferme et ils sont dans une impasse. Or, je dis: Si vous posez des
gestes de telle manière que ça rend plus difficiles la recherche
et l'élaboration de solutions dans un espace de un à trois ans,
sans lâcher sur la qualité de l'environnement là, l'effet
pervers, c'est qu'il n'y a pas de nouvelles solutions qui vont pouvoir
s'implanter et, en conséquence, les sites qui existent
déjà vont doubler ou tripler de prix.
Mme Pelchat: Qu'est-ce qu'on devrait faire dans
l'immédiat, là? Disons, demain matin, qu'on décide de
soumettre...
M. Beauchamp: Bon. Mettez-vous à table avec les acteurs
et, deuxièmement, élaborez. C'est un des cas où on doit
élaborer des politiques-cadres avec des séquences temporelles qui
permettent d'arriver à une décision, un "trade-off" en anglais,
et non pas à une impasse.
Mme Pelchat: O.K. Quand vous dites: Mettez-vous à table
avec les intervenants, les
acteurs, est-ce que le BAPE devrait faire...
M. Beauchamp: Là, permettez-moi une chose. Le BAPE n'est
pas un organisme qui est là pour vous conseiller politiquement.
Mme Pelchat: Non, non. Mais pour...
M. Beauchamp: l'organisme qui existe là-dedans, c'est le
conseil consultatif qui, lui, conseille sur les politiques. le bape, c'est fait
pour analyser des projets, principalement, et faire la consultation
publique.
Mme Pelchat: Mais ce serait une forme de consultation.
M. Beauchamp: Vous pouvez le mandater comme un instrument. Est-ce
qu'il est opportun que le BAPE fasse enquête ou tienne des audiences,
consulte la population? Si le projet est suffisamment précis et que le
mandat peut être précis, si c'est de la juridiction du ministre de
l'Environnement, très bien, c'est un très bon instrument, le
BAPE. Mais ne faites pas du BAPE un conseiller sur les orientations
politiques.
Mme Pelchat: Non, ce n'était surtout pas mon intention,
monsieur.
M. Beauchamp: O.K.
Mme Pelchat: Alors, qui et de quelle façon ça
devrait se faire? Et j'aimerais terminer là-dessus, parce que j'ai une
autre question assez importante à vous poser ensuite.
M. Beauchamp: À vue de nez, je ne suis pas capable de vous
le dire, madame.
Mme Pelchat: Est-ce que le ministère devrait te faire?
M. Beauchamp: II faudrait que j'étudie la question plus en
profondeur sur l'ensemble de... À vue de nez, je ne suis pas capable de
vous dire comment.
Mme Pelchat: O.K. Puisque, depuis longtemps, vous êtes
impliqué au niveau de l'environnement, notamment au ministère de
l'Environnement où vous avez été secrétaire du
ministère et où vous avez été directeur de cabinet
aussi, lors de l'adoption de l'article 2 en décembre 1980, est-ce que
vous pourriez me dire ce qui a motivé le gouvernement à ne pas
l'appliquer tout de suite, cet article-là? Pourquoi on l'a
adopté, mais qu'on a décidé de ne pas le mettre en
vigueur, c'est-à-dire les articles g, n et p?
M. Beauchamp: Je croirais que c'est pour les mêmes raisons
qu'aujourd'hui, c'est-à-dire qu'on avait sans doute de beaux projets sur
la table, en se disant: On va attendre un peu, et il y a aussi l'obsession, au
Québec, de la compétitivité avec l'Ontario. Et, vraiment,
il y avait eu des téléphones de ministre à ministre
où les gens avaient convenu de s'attendre. Alors, le Québec, M.
Léger, dans le temps, avait communiqué avec le ministre de
l'Ontario - j'essaie de me rappeler son nom, il m'échappe là - et
on avait convenu, les deux provinces ensemble, que les agendas seraient
harmonisés d'une province à l'autre. Évidemment,
c'était la gaffe à ne pas faire parce que, 10 ans après,
on est encore dans la même situation.
Mme Pelchat: Et vous êtes convaincu...
M. Beauchamp: Parmi les choses amusantes, si vous permettez, M.
Lincoln avait posé la question en Chambre à M. Léger et
avait fait sortir la lettre du ministre de l'Ontario qui avait écrit au
ministre de l'Environnement qui lui avait répondu. Et j'ai trouvé
ça très drôle quand, après, M. Lincoln est
arrivé comme ministre; il n'a jamais retrouvé les lettres.
À titre d'exemple.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Beauchamp: Alors, ça, c'est la vie qui est comme
ça, je veux dire, c'est difficile.
Mme Pelchat: Et vous êtes convaincu, M. Beauchamp, que
ça n'affecterait en rien l'économie du Québec que
d'appliquer g, n, p et le deuxième alinéa de j.
M. Beauchamp: Ah! je ne prétends pas... Ça va
affecter l'économie du Québec.
Mme Pelchat: En bien.
M. Beauchamp: Écoutez, à court terme, non, à
long terme, oui. Ça va obliger le Québec à diversifier sa
stratégie d'intervention, donc ça va bloquer des séries de
projets et ça va donc obliger de faire surgir des séries d'autres
projets qu'on identifie mal maintenant. Mais le dossier n'est pas là sur
la table, sauf qu'à chaque fois qu'on a un projet on dit:
Celui-là, on va le passer tout de suite et, après ça, on
reviendra sur les questions à un peu plus long terme. Souvent, on se
dit: Bien là, si ces 30 000 000 $ ne rentrent pas là, bien,
qu'est-ce qu'on va faire? Alors, on se dit: Accordons ce projet-là et on
reviendra aux questions sérieuses après. Mais on n'a jamais le
temps d'y venir. Ça prend beaucoup, beaucoup de courage ça. Mais
c'est évident que, si vous appliquez ça, il y a des projets
néfastes à long terme sur l'environnement qui ne passeront pas le
goulot d'étranglement, c'est sûr, et ça va donc obliger un
déplacement de la nature des projets, donc un déplacement de
l'économie. Et je comprends les gens qui sont des développeurs
économiques de ne pas aimer ce
genre d'interrogation, parce que c'est une interrogation qui est
extérieure à leur système de valeurs à un certain
moment de leur vie. Mais c'est ça que le gouvernement doit faire, nos
représentants politiques doivent dire maintenant: Là,
après 10 ans d'expérience... C'est pour ça que je dis
à la fin: Si vous avez des études à faire, faites donc
faire l'étude des résultats dans l'environnement des projets qui
n'ont pas été soumis à l'Environnement.
Mme Pelchat: M. Beauchamp, au niveau de la médiation, le
rapport Lacoste suggère d'introduire une nouvelle étape de
médiation et plusieurs personnes qui sont venues nous voir et qui
viendront nous voir favorisent fortement la médiation. D'abord, à
quelle étape voyez-vous l'étape de médiation et est-ce que
vous voyez que, parce qu'il y a certaines personnes qui voient d'une
façon conflictuelle le fait que le BAPE soit en même temps le
médiateur et celui qui, à la limite, fait les conclusions...
Comment voyez-vous cette médiation et est-ce que le BAPE devrait
être effectivement le médiateur ou si ça ne devrait pas
être un autre organisme?
M. Beauchamp: C'est une très grosse question. Je fais
partie d'un groupe de travail au fédéral sur le même objet.
Les expériences que j'ai fartes... Normalement, c'est entendu que la
même personne ne peut pas, sur le même dossier, être
médiatrice et commissaire. Le propre du médiateur, ce n'est pas
de porter de jugement, c'est de permettre à des gens de se comprendre
pour arriver à l'élaboration d'une solution commune. La
médiation peut se faire au niveau du "scoping", donc à un niveau
très haut dans l'étude d'impact, au niveau de la consultation sur
les directives de l'étude d'impact, pour permettre de nettoyer les
questions d'amont et, ensuite, elle peut se faire au niveau de la fin du
dossier, quand il apparaît qu'il peut y avoir un règlement dans le
dossier, c'est-à-dire, donc, que les intervenants ne s'opposent pas
à la justification du projet, ils estiment que le projet peut se
faire...
Mme Pelchat: Mais je vous arrête tout de suite...
M. Beauchamp: ...mais ils veulent discuter sur des
manières de le faire.
Mme Pelchat: Au niveau de la médiation...
Le Président (M. Garon): Le temps étant
écoulé, je vais demander au député de La Prairie
de...
Mme Pelchat: M. le Président...
Le Président (M. Garon): Bien, qu'est-ce que vous
voulez?
Mme Pelchat: ...deux petites minutes, au niveau de la
médiation.
Le Président (M. Garon): Oui, mais qu'est-ce que vous
voulez? Le temps est écoulé et, après ça...
M. Lazure: S'il m'en reste, je vous les repasserai, Mme la
députée. Merci, M. le Président. (17 h 30)
II me fait plaisir, au nom de l'Opposition, de souhaiter la bienvenue
à M. Beauchamp. Je ne peux pas m'empêcher de revenir sur la
question que posait la députée de Vachon à savoir pourquoi
l'article 2, le paragraphe 2 n'avait pas été promulgué.
Pour avoir été, avec le président de notre commission, un
peu complice de cette décision-là, je dois dire que
l'interprétation de M. Beauchamp est tout à fait conforme et que
c'étaient les mêmes arguments qu'aujourd'hui, effectivement. Mais
la différence, c'est que, comme société, on a
évolué depuis 10 ans au Québec. Moi, je pense que oui, M.
le Président. La société québécoise a
évolué beaucoup, beaucoup, ne serait-ce que la multiplication des
groupes environnementaux qu'on retrouve partout, partout dans les
régions du Québec.
Il y a une conscience environnementale qui existe aujourd'hui, qui
n'existait pas il y a 10 ans. Si, à la suite de ces travaux-ci, on
n'assistait pas à la mise en vigueur, à la promulgation du
paragraphe 2, là ça serait à désespérer.
Ça serait à désespérer. Mais, il faut
espérer de toute façon que dans un an, un an et demi... Il est
possible qu'on retourne, M. le Président, aux affaires. Puis, à
ce moment-là, bien, on pourra réparer notre erreur. On pourra
réparer notre erreur.
M. Beauchamp, à la fin de votre mémoire là, vous
dites: Que des études approfondies soient entreprises sur divers sujets
avant de revoir la procédure en profondeur. Mais, ça m'a fait
penser aux discussions qu'on a eues aujourd'hui et hier sur les discussions
publiques portant sur les projets gouvernementaux, sur les politiques
gouvernementales. Avec l'expérience que vous avez, est-ce que vous
pouvez nous dessiner un portrait du forum? Est-ce que ça serait le
Bureau d'audiences publiques, est-ce que ça serait une commission
parlementaire, est-ce que ça serait un nouvel organisme ou un
mélange de plusieurs organismes? Qui pourrait tenir ces débats
publics et comment?
M. Beauchamp: Premièrement, je mettrais un petit
bémol, même si moi aussi je pense qu'on a intérêt
à discuter des politiques avant de discuter des projets. Permettez-moi
de vous dire que ce n'est pas parce que vous allez avoir discuté des
politiques que le monde ne voudra pas discuter des projets! La raison est bien
simple. Consultez-moi donc sur une politique
générale qui s'adresse à l'ensemble du
Québec et qui va se produire d'ici trois à cinq ans. Je vais vous
dire: Je n'ai pas le temps d'y aller, c'est très intéressant,
mais je n'ai pas le temps. Mais, si vous me dites que, demain, les
pylônes arrivent dans ma cour, là ça m'intéresse!
Par le biais du projet, je cherche toujours à remonter à la
politique en me disant: Vous voyez bien que c'est la politique qui n'a pas de
bon sens.
Alors, ce n'est pas parce qu'il va y avoir des discussions sur les
politiques que les politiques vont être acceptées unanimement,
mais ça va donner au gouvernement une forme de légitimité.
Juste un exemple, rappelons-nous le fameux débat sur l'énergie
promis en 1980 par M. Joron, promis ensuite par son successeur, son nom
m'échappe, il a été au Conseil du trésor
après.
Des voix: M. Bérubé.
M. Beauchamp: M. Bérubé. Une fois l'élection
de 1981 arrivée, M. Bérubé ne se retrouve pas à
Énergie et Ressources, c'est M. Duhaime qui se retrouve à
Énergie et Ressources. Il prend le débat sur l'énergie et
le met de côté. En 1983, je siège à Sherbrooke sur
une commission pour une ligne de transport. Première conclusion... Le
rapport est signé par moi et par Peter Jacobs. Si, moi, je suis
flaillé, Peter l'est moins que moi. La première conclusion
à laquelle on arrive, c'est: débat sur l'énergie, parce
qu'on n'est plus capable de voir clair dans les dossiers. 1983. En 1987, j'ai
dit: Première conclusion sur le dossier de la ligne, de la
sixième ligne, débat sur l'énergie. Évidemment,
là, maintenant, on arrive dans un cul-de-sac parce que le débat
n'a pas été nettoyé et que le monde s'engouffre à
chaque fois.
Donc, c'est bon les débats sur les politiques, quelques-uns. Pas
tout le temps à la planche, mais quelques-uns, fondamentaux, qui sont
cruciaux.
M. Lazure: Vous avez absolument raison. J'ai une deuxième
question.
M. Beauchamp: Qui peut les faire, le BAPE? Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Beauchamp: Le BAPE peut les faire. Le BAPE peut les faire,
c'est sûr, sauf que la procédure, telle qu'elle est
définie, avec son quatre mois... Vous savez, quatre mois là, pour
poser les questions, recevoir les mémoires, et bâtir le dossier,
surtout si vous avez à vous promener dans l'ensemble du Québec,
c'est infaisable. Alors, là, si vous voulez soumettre les consultations
sur les politiques et les grandes orientations au BAPE, il faut mandater par 6
pour extensionner les mandats, pour les faire plus larges que six mois. Oui, le
BAPE a une expertise, le BAPE a un équipement là-dessus, il y a
une tradition de consultation publique, c'est le bon instrument pour faire
ça. Moi, je pense que ce n'est pas nécessairement le seul, mais
c'est probablement le meilleur.
M. Lazure: Deuxième question.
Le Président (M. Garon): C'est justement pourquoi il ne
faut pas enlever la parole. C'est à cause d'un vieux principe de droit
qui dit qu'on ne peut pas donner et retenir en même temps. Comme je vous
avais donné la parole, je vous l'ai laissée.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: Ma deuxième question portait sur...
M. Beauchamp: Je vois que M. le Président est subtil comme
toujours!
M. Lazure: Oui. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: Sur l'implication précoce du public que vous
préconisez comme bien d'autres, et avec laquelle on est d'accord, nous,
en tout cas, est-ce que vous pensez que ça demande des changements au
règlement actuel ou pas?
M. Beauchamp: Écoutez, si on veut l'appliquer d'une
manière obligatoire, oui, ça demande un changement. Si vous le
mettez sur une base volontaire, vous n'avez pas besoin de changement puisqu'il
n'y a pas d'injustice, les parties conviennent de faire ça. La
thèse que je maintiens, moi, c'est que, si vous donnez une chance aux
gens de désantagoniser la procédure en se parlant dès le
départ et en se parlant en présence d'un tiers neutre...
Hydro-Québec fait des consultations, mais, au bout du processus,
le monde veut manger les gens d'Hydro-Québec parce que
Hydro-Québec fait la consultation et préside l'assemblée
elle-même. Mais, s'il y a un tiers qui est un commissaire mandaté
sur un mandat par 6.3 pour un mois, avec les moyens adéquats, vous allez
établir des processus de communication avec les acteurs.Vous avez toutes
les chances au monde pour que la pression soit moins dure quand arrivera le
temps de prendre des décisions à la fin.
M. Lazure: Tout à fait d'accord.
M. Beauchamp: Moi, là-dessus, je pense que c'est une des
carences de notre système. C'est qu'il n'y a pas
d'éléments pour permettre aux gens de se parler et de se parler
d'une manière transparente. J'ajouterais là-dessus que ce
n'est
pas un attaché politique, qui conte le diable à quelqu'un,
qui fait faire des communications transparentes. Mais, si on peut
trouver...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: Je le sais. C'est un sage qui parle.
M. Beauchamp: non, non, elle est aux deux niveaux.
M. Lazure: C'est un sage qui parle.
M. Beauchamp: J'ai vu des abus dans les deux systèmes,
alors...
M. Lazure: Oui.
M. Beauchamp: ...ça, ce n'est pas grave.
M. Lazure: Ma troisième question, M. le
Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: Je suis sûr que M. Beauchamp peut nous en parler
longuement, le mode de nomination du président du BAPE et des membres du
Bureau d'audiences publiques.
M. Beauchamp: Non. Écoutez-moi bien. M. Lazure:
Allez-y.
M. Beauchamp: S'il y a un gars qui est mal placé pour
parler du mode de nomination, c'est moi, puisque je suis un ancien chef de
cabinet. Il est donc normal que le gouvernement ait confiance en des gens qu'il
connaît. Qu'ils soient d'un parti ou de l'autre, mon opinion fondamentale
c'est que c'est la compétence qui doit prévaloir. Quand on m'a
nommé, je dois avouer qu'on m'a nommé vite, pour des raisons de
circonstances. La fameuse feuille jaune est devenue blanche la même
journée, etc.
M. Lazure: Oui.
M. Beauchamp: Dans la mesure où la procédure a
été entachée, son image a été ternie
à cause de certaines... Je vais vous donner un exemple bête, mais
c'est difficile. À un moment donné, il y a un attaché
politique d'un comté qui était directement impliqué et qui
a été nommé commissaire ad hoc sur un dossier. C'est
sûr que, si j'avais été président, ce
commissaire-là n'aurait jamais siégé sur ce
dossier-là pour une raison bien simple, c'est que le Conseil des
ministres ne peut pas nommer un commissaire sur un dossier, ça
relève du président. Il peut le nommer comme commissaire ad hoc
au Bureau, mais c'est le président qui affecte les gens aux
tâches. Par ailleurs, si le ministre Léger ou M. Ouellette avaient
nommé un gars en disant: Celui-ci, tu le mets sur tel dossier, je ne
sais pas ce que j'aurais fait. Mais voyez-vous, ça, c'est le
genre...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Beauchamp: Je ne le sais pas. C'est-à-dire que je pense
que j'aurais dit non et que j'aurais gagné mon point. Comprenez-vous?
Mais je dois dire qu'à toutes les fois où des commissaires ad hoc
ont été nommés dans mon temps ils ont tous
été nommés sur ma recommandation. M. Lincoln et M.
Ouellette ont accepté toutes mes recommandations. De temps en temps,
j'ai vérifié si telle figure était agréable ou pas.
Ça, c'est correct. Je peux avoir deux candidats, je peux comprendre
qu'on ne veuille pas d'un candidat. Je pourrais donner des noms. Ça veut
dire ceci. C'est que je pense que, compte tenu que le discrédit a
été jeté sur des petites choses comme ça, des
attachés de M. Ryan, des attachés d'un autre, il y a un doute qui
est créé. J'aurais tendance à essayer de mettre un petit
mécanisme d'annonce ou de vérification, un peu comme on fait aux
États-Unis. On annonce qu'on va nommer un tel et on reçoit les
commentaires. Si on fait ça et que les commentaires font surgir des
informations qu'on n'avait absolument pas devinées... S'il y avait moyen
de mettre l'équivalent d'un processus comme ça, ça
aiderait.
M. Lazure: Ou commission parlementaire, Assemblée
nationale... comme le Protecteur du citoyen. L'environnement et le citoyen, les
deux choses sont aussi importantes l'une que l'autre.
M. Beauchamp: Peut-être... M. Lazure:
Peut-être...
Le Président (M. Garon): Alors, je vous remercie, M.
Beauchamp.
M. Beauchamp: Merci, monsieur.
Le Président (M. Garon): Le temps étant
dévolu, je vous remercie de votre contribution animée.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Garon): Nous suspendons les travaux de la
commission pendant quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 41)
(Reprise à 17 h 42)
Le Président (M. Garon): Nous reprenons les
travaux de la commission en invitant les représentants de
Lauralco inc, c'est-à-dire M. Philippe Thaure, vice-président,
Alumax, et M. José P. Dorais, procureur, à s'approcher de la
table des délibérations. Vous avez une demi-heure à votre
disposition, c'est-à-dire que, normalement, vous prenez 10 minutes pour
faire votre exposé, 10 minutes pour le parti ministériel et 10
minutes pour le parti de l'Opposition. Ce que vous prendrez en plus leur sera
soustrait; ce que vous prendrez en moins leur sera ajouté en vertu du
vieux principe de Lavoisier que rien se se perd, rien ne se crée.
À vous, la parole.
Lauralco inc.
M. Thaure (Philippe): Mesdames et messieurs, MM. les
députés, d'abord, je tiens à remercier la commission de me
permettre d'expliquer de vive voix et de raconter un petit peu ce que nous
avons vécu pendant la construction de Lauralco. Je suis
vice-président d'Alumax. Je suis responsable au niveau corporatif pour
le projet de Lauralco. Donc, s'il y a des choses qui ne vont pas, j'en suis
responsable; des choses qui vont bien aussi, j'en prends le
bénéfice.
J'ai eu le privilège, à travers ma carrière, de
construire des usines, pas forcément des mégaprojets, pas
forcément des usines d'alumine-rie, mais d'autres usines aussi, dans
différents pays. Donc, j'ai acquis, si vous voulez, une
expérience en Australie, en Europe, aux États-Unis sur les
problèmes, disons, de permis et aussi les problèmes de relations
pendant la construction d'une large usine.
Je dois, je crois, attirer l'attention de la commission sur le fait
qu'il n'y a pas d'investissement possible sans un certain avantage
stratégique et que les règlements que nous devons suivre, quand
nous faisons un investissement, doivent être établis en fonction
de ces avantages stratégiques.
Je crois que les mégaprojets qui sont, la plupart du temps,
l'oeuvre d'une ou plusieurs sociétés multinationales ont tous les
mêmes caractéristiques. Il y a, dans une société
nationale, à cause de la publicité qu'elle retient, une
volonté de se comporter comme un bon citoyen. En bon citoyen, nous
voulons protéger l'environnement. Il y a toujours une volonté de
protéger l'environnement et d'utiliser les meilleures technologies. Nous
ne pouvons pas - nous et nos collègues - agir de telle sorte que nous
n'utilisions pas les meilleures technologies.
Il y a toujours, quand on décide - puisqu'on fait des choix
à travers le monde suivant les règles d'opportunité - une
crainte de l'inconnu, si vous voulez. Quand nous faisons un gros projet, que
nous investissons 1 000 000 000 $, nous devons faire des hypothèses sur
le marché à l'avenir. Nous devons faire aussi un certain nombre
d'hypothèses sur le projet lui-même.
Ce que nous n'aimons pas: nous n'aimons pas l'inconnu. Donc, nous aimons
bien que les règles du jeu soient bien établies et que ces
règles ne changent pas durant le projet. Nous sommes amenés, si
vous voulez... Par exemple, sur le projet de Lauralco, nous avons 200 contrats
différents, nous avons 400 contrats d'achat. Il faut mener tout
ça, pendant une période de deux ans, à la queue leu leu,
dans un ordre très strict. Sans ça, nous avons un tas de
problèmes, pas seulement nous, mais les gens qui travaillent pour nous.
Ce que nous voulons, c'est que les bases et les règles du jeu soient
fermement établies.
Vous avez certainement lu le mémoire. Il y a quatre choses que
nous souhaiterions et que nous pensons qui seraient bonnes pour le
Québec. Nous avons eu un certain nombre de difficultés. Fort
heureusement, nous avons été capables de les résoudre
avec, d'ailleurs, l'aide des Québécois. Il y a eu quelques petits
problèmes sérieux. J'ai passé quelques nuits blanches,
mais, enfin, tout s'est résolu.
Le premier point, c'est qu'il faut que les procédures
d'évaluation et d'examen soient raccourcies et simplifiées et
qu'elles aient un échéancier fixe. Si vous voulez, quand on
s'adresse à des problèmes... Tous les problèmes que l'on a
avec le ministère de l'Environnement sont toujours les mêmes. Les
règles sont assez souples et il n'y a pas toujours des
échéanciers fixes. D'ailleurs, dans les problèmes
politiques, de manière générale, il n'y a que le
ministère des finances et des impôts qui a des
échéanciers fixes. Tout le reste, ça se promène, on
n'a pas le temps, on n'a pas eu les pouvoirs, etc. Je crois que c'est une chose
qui est excessivement importante.
Les règles de procédure des audiences publiques, je crois,
doivent être honnêtes, courageuses, claires et elles doivent
permettre à tout le monde de s'exprimer, y compris le promoteur. Il
faut, je crois, donner à peu près le même temps à
toutes les parties pour s'exprimer. Il ne faut pas qu'il y ait une tendance
à ce qu'un mouvement quelconque puisse, par exemple, monopoliser les
séances publiques alors qu'il représente, en
général, ou peut représenter une fraction très
faible sur la source de ses intérêts. Ces mégaprojets sont
des projets qui vont soulever toujours de la controverse, c'est un fait
certain, ce n'est pas possible autrement. Disons que l'opposition se limite
à quelques pour cent des gens pour que la majorité, puisque nous
sommes dans une démocratie et que c'est la règle de la
majorité, puisse en bénéficier.
Le troisième point, si vous voulez, nous souhaiterions et nous
n'avons aucune objection à ce que ces grands projets industriels soient
sujets à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts
sur l'environnement. Comme je vous l'ai dit, j'ai vécu dans des pays de
droit anglo-
saxon, l'Australie et les États-Unis, où il y a des
"public hearings" pour définir ces grands projets, dans des pays de
droit romain, en France, etc., où c'est beaucoup plus limité. La
puissance administrative ou la puissance bureaucratique est telle que c'est la
bureaucratie qui décide ce qui est bon et ce qui n'est pas bon, disons,
le facteur politique étant beaucoup moins important.
Je crois que le dernier point qui est un point technique, mais qui est
un point important parce que ça nous a coûté beaucoup
d'argent, beaucoup de temps et, finalement, d'argent aux contribuables
québécois, c'est de ne pas imposer d'avoir des plans de
détail d'une usine soumis au MENVIQ pour être revus par les
ingénieurs du MENVIQ.
Un projet comme le nôtre comporte, avec les dessins des vendeurs,
quelque chose comme 10 000 dessins. La plupart sont inutiles pour comprendre ce
qui se passe du point de vue de la protection de l'environnement, du point de
vue, par exemple, de l'écoulement des eaux ou du point de vue du rejet
des fumées, etc. Il faut, je crois, simplement sur la base d'un
engineering de base, pouvoir déterminer si un projet est, disons,
satisfaisant ou n'est pas satisfaisant.
Voilà, si vous voulez, les quatres points que nous nous
permettons de soulever. Je vous l'ai dit, j'ai eu beaucoup d'expériences
dans beaucoup de pays différents. Nous sommes, je crois, si vous voulez,
ouverts. Nous n'avons pas peur des audiences publiques. L'essentiel, c'est
qu'elles soient faites dans un échéancier donné et
qu'elles soient menées, comme le ministère des impôts ou
des finances, avec des dates précises. Pour que les choses puissent
avancer, il ne faut pas que nous nous trouvions d'un seul coup bloqués
dans un univers kafkaïen dont on n'arrive absolument plus à se
sortir parce qu'il y a des règlements dans tous les sens qui nous
bloquent.
Mesdames et messieurs, voilà ce que j'avais à vous dire et
je serais très heureux de répondre à vos questions.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci beaucoup, M. Thaure. Pour vous situer, mon
comté est sur la Côte-Nord.
M. Thaure: Oui.
M. Maltais: Alors, en tout premier lieu, j'aimerais vous
remercier d'être ici avec nous. Vous n'êtes pas des gens inconnus,
Lauralco, pour les députés...
Une voix: Pour la commission.
M. Maltais: ...pour la commission et pour les
députés aussi, car nous avons dû passer quelques nuits
blanches pour vous remettre sur la bonne ligne, pour vous permettre de
reconduire votre projet important économiquement, nécessaire au
Québec pour son développement.
J'aimerais, bien sûr, saluer en vous cette grande expertise des
mègaprojets internationaux. Ce n'est pas tous les jours qu'on a
l'occasion de recevoir une personne aussi compétente, avec une aussi
vaste expérience. Vous allez faire profiter l'ensemble des
Québécois, j'en suis sûr, des connaissances que vous avez
acquises dans toutes les parties du monde.
Le problème de Lauralco est un problème, en tout cas, qui,
pour les parlementaires, a été un problème aigu. Nous
sommes d'accord, en principe et au départ, sur les recommandations que
vous nous faites. Nous sommes, comme parlementaires, en tout cas du
côté gouvernemental, totalement d'accord.
Mais avant d'élaborer plus loin, j'aimerais vous rappeler aussi
que le gouvernement peut avoir ses torts, que la société
québécoise peut avoir ses torts, il est vrai. Mais moi, ce qui me
chicote, et je profite de l'occasion pour vous le souligner bien humblement,
c'est que, dans mon comté, on a construit pour 5 000 000 000 $
d'alumineries, dans ma région, dont Reynolds à Baie-Comeau qui
produit 600 tonnes d'aluminium, c'est-à-dire trois fois gros comme
Lauralco, et Alouette qui est en train de se construire, quelque chose comme
250 ou 300 tonnes, ce qui est un petit peu plus gros que chez vous aussi. Nous
n'avons pas eu ces petits problèmes. Nous n'avons pas eu de nuits
blanches à passer.
Sans accuser Lauralco de ne pas avoir bien fait ses devoirs - et
ça, jamais je n'irai jusqu'à le dire - la façon dont elle
a fait ses devoirs, peut-être pas la compagnie, mais les gens qui
l'entouraient... Sans être méchant avec personne, le travail a
été... À notre égard, comme membres de
l'Assemblée nationale et députés, si vous voulez avoir une
note, nous vous donnons zéro. Nous n'y allons pas par quatre chemins
parce que c'est nous qui avons dû en subir les affres à cause de
gens qui n'ont pas, à notre avis, bien rempli leurs devoirs, que vous
aviez conviés et payés.
Lorsque l'Assemblée nationale est obligée de passer trois
projets de loi pour implanter une aluminerie au Québec, c'est qu'il y a
quelqu'un en quelque part dans l'engrenage qui n'a pas fait sa job. Quand
l'Assemblée nationale est obligée de faire des dérogations
au zonage agricole, à deux reprises, c'est qu'il y a quelqu'un en
quelque part dans l'engrenage qui n'a pas fait sa job. Je ne veux pas dire que
c'est vous, M. Thaure. Vous êtes un homme au-dessus de ces
choses-là, mais vos subalternes ont travaillé comme des pieds,
excusez l'expression. C'est une expression québécoise.
Comme parlementaires, nous ne voulons plus que ça se reproduise.
Autant vous, ça vous a
coûté de l'argent, autant nous, ça nous a
coûté des plumes. Nous sommes conscients... Le Québec est
ouvert aux mégaprojets dans la mesure où c'est fait selon la
compréhension des gens du Québec et aussi selon vos
intérêts. Vous êtes des gens d'affaires qui brassez de
l'argent et l'objectif, en venant au Québec, ce n'est pas de perdre de
l'argent. Ce serait faux de dire ça. Vous voulez, bien sûr,
profiter de certains avantages que le Québec offre et nous sommes fiers
de vous accueillir en vous offrant ces avantages. Nous sommes fiers aussi
d'accueillir les emplois que vous créez, mais nous ne sommes pas fiers
de la façon dont certaines des personnes à qui vous aviez
confié des responsabilités ont travaillé.
Je me permettrais de relever - parce que, votre mémoire, vous y
avez contribué, mais vous y avez contribué avec certains de vos
professionnels que vous avez, j'imagine, honorablement bien payés - des
erreurs de fond. Autant vous avez dit, monsieur Thaure, qu'il y a eu des
erreurs de la part du gouvernement, autant je pense qu'il y en a eu chez vous.
Lorsqu'on accuse, par exemple, le ministre d'avoir pris quatre mois à
signer un avis, alors qu'il a été signé dans quatre jours,
c'est faux, M. Thaure. Vos professionnels, les gens qui vous ont
rapporté ces faits, il y a quelqu'un qui ne vous a pas dit toute la
vérité à quelque part dans l'engrenage.
Ce que je veux vous dire, du côté du gouvernement, c'est
que nous sommes prêts à faire les sacrifices qui s'imposent comme
société. Nous sommes un peuple d'ouverture pour les
mégaprojets parce qu'on en a besoin pour se développer et nous
les aimons. Alouette, à Sept-îles, est très bien
traitée par la population de Sept-îles et elle traite très
bien la population. Reynolds, à Baie-Comeau, est une compagnie qui
traite très bien les gens de Baie-Comeau et, en contrepartie, elle est
très bien traitée par les gens de Baie-Comeau. ABI à
Bécancour. Vous en avez d'autres succcursales au Québec, Alumax.
Vous avez rencontré partout une collaboration continuelle; vous avez
même rencontré des syndicats complaisants; vous avez même
rencontré des gouvernements qui ont été prêts
à faire des petits accrocs à la procédure normale pour
aider, au Québec, ces mégaprojets parce que nous sommes
conscients de leur nécessité.
En contrepartie, ce que nous demandons, c'est, lorsque des gens aussi
importants que votre compagnie investissent chez nous, de vous assurer que les
mandats que vous donnez aux personnes pour vous représenter... C'est
peut-être eux autres de temps en temps. Au lieu de botter toujours le
même derrière, c'est-à-dire le gouvernement, bottez
quelqu'un à qui vous avez confié un mandat et qui est grassement
payé.
Il n'y a pas personne qui a fait de discours plus percutants que moi
pendant des nuits pour que Lauralco soit installée et qu'on
déroge aux lois, par-dessus lesquelles on a passé. Relevez les
galées! D'ailleurs, je vous en ai fait parvenir une copie; je ne sais
pas si vos subalternes vous l'ont donnée. C'est parce que je croyais
à la nécessité et au bien-fondé des emplois dans
Portneuf. Mais, je n'étais pas de bonne humeur de la façon dont
les professionnels nous ont fait veiller. Et vous êtes les seuls, au
Québec, qui avez eu autant de dérogations à la loi pour
implanter un projet. Voilà! Merci beaucoup, et je le dis sans amertume.
Je dis la vérité telle que les parlementaires l'ont
vécue.
M. Thaure: J'en prends note et je suis heureux de vos
commentaires. C'est la première fois que l'on fait ce genre de
commentaires, si vous voulez. Je suis très heureux...
M. Maltais: Vous savez, je suis un peu spécial.
M. Thaure: Je crois qu'il ne faut pas regarder, si vous voulez,
le passé, la commission doit se pencher sur l'avenir. Il y a eu des
difficultés à Lauralco, vous avez certainement une opinion sur la
raison de ces difficultés; j'ai moi-même une opinion sur la raison
de ces difficultés. Nous avons mené, je crois, enfin je vous
explique franchement, un projet d'une façon excessivement rapide, avec
des données qui n'étaient pas toujours prêtes. Nous avons
été amenés, disons, à préparer le champ de
bataille au fur et à mesure que la bataille se déroulait.
Mais, je crois que nous avons essayé de faire ça d'une
façon très honnête et nous avons, si vous voulez... Je
crois que nous sommes en train de réussir. Nous n'employons que des gens
de la région de Portneuf. Nous avons développé un grand
programme de formation et d'éducation. Nous regardons cela, disons, avec
un oeil très favorable et nous sommes, pour l'instant, très
satisfaits du déroulement de notre projet. Je crois qu'il faut regarder
l'avenir et qu'il ne faut pas que ce genre de choses se reproduise. Quand vous
vous installez dans un parc industriel et que vous découvrez que le parc
industriel n'existe pas, eh bien! ça crée des problèmes.
Il faut expatrier des gens, il faut faire un certain nombre de choses et
ça pose des problèmes. Ça ne devrait pas, ça ne
devrait pas, les choses devraient se dérouler d'une façon
naturelle. Laissons les questions de détails. Je ne sais pas si les
chiffres qui ont été donnés dans le mémoire sont
exacts, mais, enfin, M. Lundahl, qui est l'expert, s'il y a des questions
techniques, pourrait certainement vous répondre, M. le
député. (18 heures)
M. Maltais: C'est à vous, M. Thaure, que je veux
m'adresser.
M. Thaure: Oui.
M. Maltais: Vous, on ne vous a pas vu en commission
parlementaire, on ne vous a pas vu à l'Assemblée nationale, mais
c'est à vous qu'on aurait aimé parler à cette
époque, dommage. Je vous comprends, vous aviez d'autres chats à
fouetter. Ce que je veux bien vous dire, c'est que nous n'avons pas aimé
le passé, mais nous sommes là pour nous corriger, aussi, autant
le gouvernement qui a mal fart ses devoirs - nous prenons la partie du
blâme qui nous revient, nous le prenons comme société aussi
- autant les gens de l'Opposition que les gens du pouvoir. On l'a
constaté. C'est exactement pour ça qu'on a fait cette commission
parlementaire, et nous sommes heureux que vous veniez témoigner devant
nous. C'est pour ça, pour nous corriger. Vos quatre points, on n'en
discute pas. On est totalement d'accord avec vous pour l'avenir.
M. Thaure: Voilà, oui.
M. Maltais: Lorsque j'ai lu votre mémoire, c'est que vous
m'avez référé malgré moi au passé. Sur le
passé, j'avais quelque chose à dire et j'ai profité de
l'occasion. Je vous félicite aussi pour la façon dont vous avez
parlé de l'emploi des gens de Portneuf. Disons que vous l'avez fait
surtout au niveau des programmes de formation. Vous êtes une des
premières qui se lancent à former l'emploi régional. Ce
que vous faites bien, on doit vous le dire avec beaucoup de béatitude.
J'espère que vous allez continuer dans ce domaine-là et que vous
allez être un initiateur pour les autres grandes entreprises qui
viendront au Québec, pour qu'elles se servent des gens des
régions au lieu d'importer continuellement une main-d'oeuvre qui,
souvent, rend un petit peu en marge la population locale. Au lieu de faire
venir vos experts, vous avez décidé de les former. Vous avez tout
notre appui et toute notre admiration là-dedans. Alors, je vous
remercie, il ne me reste plus de temps. Je cède la parole à mon
ami, M. le député de La Prairie.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition,
je souhaite la bienvenue à M. Thaure et à ses
collègues.
M. Thaure: Merci bien.
M. Lazure: Je dois dire que je souscris aux propos du
député de Saguenay. Il a son ton, j'ai mon ton, mais le fond de
ses propos, j'y souscris, parce que nous avons effectivement été
désappointés, déçus en commission parlementaire sur
les préparatifs. Je me souviens, par exemple, de toute la question du
dézonage agricole qui était impliquée dans ça et
qui aurait pu être évitée. Au fond, c'est peut-être
aussi le choix du site parce qu'on ne peut pas s'empêcher - je vais
prendre juste deux minutes sur le passé... Mais le choix du site, ce
n'est pas de votre faute, M. Thaure. Alors là. II y a peut-être un
partage de blâme. C'est le comté de Portneuf, bon. C'est un beau
comté, le comté de Portneuf. Il fallait à un moment
donné que quelqu'un décide où allait être construite
cette aluminerie. Ce n'était peut-être pas le site idéal,
le comté de Portneuf, étant donné surtout qu'il n'y avait
pas de parc industriel à ce moment-là, vous le dites
vous-même.
Mais, il y a eu beaucoup d'erreurs aux différentes étapes
de la préparation du projet. Je ne me rappelle pas si c'était SNC
ou Lavalin, peu importe, mais on a été très critique -
c'était Lavalin - si vous lisez les remarques qu'on a faites lors de la
commission parlementaire, avant même le projet de loi, là. Bref,
je ne veux pas y revenir.
M. Thaure: On pourrait y revenir parce que c'est un
problème très intéressant. Si on avait le temps, on
pourrait élaborer. J'ai travaillé chez Pechiney avant et c'est
moi qui ai pris le site d'ABI. Alors, je connais toute l'histoire des deux
côtés. Au moins, ce qui est très bien au Québec, que
ce soient les péquistes au gouvernement ou les autres, c'est que
l'approche est toujours la même. Je crois que c'est très bien pour
choisir un Investissement industriel.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: M. le Président, je voudrais demander à
M. Thaure ce qu'il veut dire exactement quand il dit que l'approche est la
même?
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Ça inquiète le député de La
Prairie.
M. Lazure: Oui. Parlez-vous de l'approche des fonctionnaires ou
des politiciens?
M. Thaure: Non, mais, si on veut faire des investissements, il
n'y a qu'une voie possible, il faut utiliser les avantages que le Québec
possède. L'approche, elle, elle se fait la plupart du temps par
l'intermédiaire d'Hydro-Québec, par l'intermédiaire du
ministère du développement économique, de la même
manière, avec des sites industriels préétablis. Le site de
Deschambault, je l'ai vu pour la première fois avant de voir le site
d'ABI. Je pense que c'est une très bonne approche. Il y a les
disponibilités de main-d'oeuvre, de construction et de... C'est logique,
c'est une... Vous devez être félicités parce que j'ai vu
les mêmes problèmes en Australie, les mêmes problèmes
en France ou aux États-Unis. Ils sont bien moins structurés,
moins étudiés, moins approfondis, plus politiques. C'est presque,
pratiquement, une approche apolitique et je trouve que c'est
très bien. ¦ M. Lazure: c'est dans la partie
apolitique, par conséquent, que vous voyez des ressemblances entre les
deux partis.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: Ça, ça me va. Mais vos quatre
recommandations, nous aussi ça nous va, sauf la quatrième. Pour
la quatrième, moi, j'ai des questions quand même à
poser.
M. Thaure: A l'article 22?
M. Lazure: Oui, c'est ça. "Modifier l'article 22 (...) de
manière à ce que les certificats d'autorisation puissent
être émis sans que les plans d'ingénierie de détail
n'aient à être soumis. Pour cela, il pourrait être
nécessaire de donner le pouvoir au ministre de l'Environnement d'imposer
des conditions aux promoteurs dans les certificats d'autorisation." Pouvez-vous
élaborer un peu?
M. Thaure: Pardon?
M. Lazure: Pouvez-vous élaborer un peu?
M. Thaure: Ah bien! c'est ce que je viens de dire, si vous
voulez. Quand vous partez sur un projet, ce que vous appelez un
mégaprojet, ceci comporte énormément de plans. On a un
engineering de base qui est fait, qui représente peut-être 200
à 300 plans, et, ensuite, on procède avec l'engineering de
détail. Cet engineering de détail ne peut être fait que
lorsque le projet est en route parce que nous dépendons des vendeurs,
des contracteurs locaux qui nous disent: Ah! on peut faire ça, on ne
peut pas faire ça. On peut vous donner tel genre de machine, mais cette
machine, on ne la fait plus. C'est une nouvelle machine, elle est plus grosse,
çà change les plans de génie civil, etc.
Donc, cet engineering de détail ne peut se faire que lorsque le
projet avance. Par contre, si vous voulez, les principes de base sont
arrêtés dans l'engineering de base, et cet engineering de base
vous donne les grandes règles, les grandes lignes, les lignes
directrices et la manière dont l'usine va être construite, la
manière dont les fumées vont être traitées, la
manière dont les eaux vont être recyclées, etc.
Alors, l'idée c'est de dire: Bon, bien, basé sur ces
schémas de principe, oui, on peut vous donner un permis, mais on veut
s'assurer que, si vous avez dit que la quantité d'eau est de tant de
mètres cubes à l'heure, bien, c'est tant de mètres cubes
à l'heure, plus ou moins 5 %, qu'il ne va pas y avoir de variance ou
alors, s'il y a une demande de variance, que ça soit fait d'une
façon officielle.
Je crois, si vous voulez... S'il faut aller chercher 11 permis pour
construire une usine, chaque permis demandant de longues séances,
ça n'est absolument pas utile. Ça n'apporte rien. Au contraire,
je crois que l'on se perd dans les détails et qu'on ne voit plus,
disons... On voit les arbres, mais on ne voit plus la forêt.
M. Lazure: Moi, je pense que, M. le Président...
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: ...l'expression... Tout réside dans
l'interprétation du mot "détail", plan d'ingénierie de
détail. Qu'est-ce qui sera considéré plan
d'ingénierie de détail par rapport au plan d'ingénierie de
base? On peut concevoir que certains plans d'ingénierie de
détail, très détaillés, puissent ne pas être
exigés avant le certificat d'autorisation. Mais, c'est dangereux, c'est
une pente assez glissante. Qu'est-ce qui arriverait s'il y avait
émission du certificat d'autorisation sur la base des plans
généraux, et non pas des plans de détail, et que, par la
suite, il y avait des erreurs graves commises?
M. Thaure: Bien, à ce moment-là, si vous laissez...
si une variance n'a pas été demandée par rapport à
ce que la société s'était engagée à faire,
il faut prendre des mesures correctives.
M. Lazure: Ce que vous recommandez là, est-ce que c'est...
À votre connaissance, on peut retrouver ça aux États-Unis
dans certains états ou au Canada? L'expérience internationale que
vous avez...
M. Thaure: L'expérience, si vous voulez, le Québec
est le seul "pays" du monde où il faut fournir des plans de
détail. Même les Australiens, qui sont très ennuyeux, ne
demandent pas de plans de détail. Ils vont sur des plans de base avec
des objectifs. Il faut se donner des objectifs. Il faut dire: Nous allons
recirculer, retraiter les eaux. Nous allons avoir une émission
limitée à tant de particules par million, etc. Voilà! Ce
sont des objectifs qu'il faut se donner et, ensuite, disons, le MENVIQ ou
l'organisme équivalent a des inspecteurs qui viennent d'une
manière régulière voir si vous respectez les
règles, ce qui me paraît tout à fait normal, quoi.
M. Lazure: Je retiens que le Québec est le seul "pays" du
monde... Ça, ça me fait plaisir.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Thaure: Je l'ai fait volontairement, M. le
député.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: en tout cas, de ce côté-ci, on ne dit pas
non à la quatrième recommandation, mais ça serait à
étudier de très près parce que tout réside dans la
notion de ce qui est détail ou pas détail. mais ceci étant
dit, nous sommes d'accord avec vous qu'il faut raccourcir les délais
dans les procédures de...
M. Dufour: M. le Président, peut-être que j'aurais
une petite question.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Jonquière, il vous reste...
M. Dufour: On pourrait en ajouter beaucoup parce qu'on...
Le Président (M. Garon): ...1 minute 15 secondes.
M. Dufour: ...a vécu tout ça. Supposons, par
exemple, que, pour les normes environnementales concernant la pollution, les
particules par million, etc., ce n'est pas respecté après la mise
en marche. Comment verriez-vous, comme compagnie... parce que là, le
gouvernement va être pris dans un dilemme aussi.
M. Thaure: Oui.
M. Dufour: II y a des coûts. Les coûts ont
été respectés et, là, il y a des erreurs qui se
sont produites. Comment verriez-vous l'ingérence ou l'attitude
gouvernementale par rapport à ça?
M. Thaure: M. le député, il faut savoir si on peut
le corriger ou pas et quelles sont les raisons. Le ministère des
armées a ce problème d'une manière régulière
ou l'aviation. Il commande un avion, il a une liste de performances et, quand
l'avion vole, il n'obtient pas les performances. Alors, qu'est-ce qu'on fait,
à ce moment-là? Il faut essayer de les corriger et de voir pour
quelles raisons ceci s'est passé. Les usines d'aluminium, nous sommes
dans un univers bien connu. Toutes les usines d'aluminium du monde marchent de
la même manière. Le procédé a 105 ans, il n'a jamais
été amélioré et il est connu vraiment de la cave au
grenier, du grenier à la cave. On ne doit pas avoir ce problème.
Par contre, vous pouvez avoir le problème avec des industries chimiques,
avec des industries de pointe où les processus ne sont pas bien connus
et pas bien établis. À ce moment-là, il faut essayer de
corriger. Si on ne peut pas corriger et si le problème est tel que...
Bien, tant pis! C'est une erreur. Il faut arrêter si ça
dépasse un certain nombre de bornes.
M. Dufour: Vous allez jusque-là? O.K.
Le Président (M. Garon): Alors, je vous remercie, M.
Thaure, ainsi que les gens qui vous accompagnent, de la présentation que
vous avez faite à la commission. Le temps dévolu étant
écoulé, j'ajourne maintenant les travaux de la commission
à demain matin, jeudi, 9 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 14)