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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente des affaires culturelles reprend
ses travaux sur l'étude du projet de loi no 3, Loi sur les archives.
Les membres de la commission sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Leduc
(Fabre), M. Champagne (Mille-Îles), M. Vaugeois (Trois-Rivières),
M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M.
Hains (Saint-Henri), M. Proulx (Saint-Jean), M. Richard (Montmorency), M. Ryan
(Argenteuil), M. Saintonge (Laprairie).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blouin
(Rousseau), M. Dauphin (Marquette), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Leduc (Saint-Laurent), M.
Rochefort (Gouin), M. Vallières (Richmond).
Voici l'ordre du jour. Tout d'abord, il y a des mémoires pour
dépôt seulement: le mémoire de la Société
d'histoire des Cantons de l'Est; la Société d'histoire des six
cantons; le mémoire de M. Réal Bélanger. Et nous devons
ajouter aussi, pour dépôt, le mémoire qui apparaît
à l'article 7, le Centre de recherches des Cantons de l'Est.
Nous entendrons les représentants suivants: MM. Denys Chouinard,
Carol Couture et Jean-Yves Rousseau; l'Université McGill; MM. Gilbert
Caron, Guy Dinel, Gérard Goyer et Mme Carole Saulnier;
l'Université du Québec à Rimouski; le Comité des
chercheurs des Archives nationales du Québec; M. G. Bélisle; la
Société historique du comté de Richmond; la
Société historique du comté de Brome et
Société d'histoire de Missisquoi; la Société
historique du Saguenay; la Société historique de la
Gaspésie.
Alors, j'inviterais MM. Denys Chouinard, Carol Couture et Jean-Yves
Rousseau à prendre place. Vous savez que ce matin, nous avons
terminé assez tard dans la nuit, vers 1 heure. Je demanderais aux
personnes d'essayer - si leur mémoire est un peu volumineux - de le
synthétiser et de nous faire part des points essentiels pour pouvoir
disposer d'un temps raisonnable pour chaque groupe. Normalement, nous devons
travailler de 10 h 15 jusqu'à 12 h 30. Nous allons reprendre
après la période de questions, autour de 16 h 15 jusqu'à
18 heures. Nous espérons pouvoir terminer pour 18 heures les auditions
des groupes à l'ordre du jour.
Je demanderais au représentant du groupe de s'identifier et de
nous présenter son mémoire.
MM. Denys Chouinard, Jean-Yves Rousseau et Carol
Couture
M. Couture (Carol): Mon nom est Carol Couture,
représentant du groupe Denys Chouinard, Jean-Yves Rousseau et Carol
Couture.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
chers collègues, qui, du domaine des archives, du simple
intéressé au spécialiste, n'a pas entendu parler de la loi
sur les archives? Tous savaient pour se l'être laissé dire, d'une
façon ou d'une autre, que cette fameuse loi était en
préparation, qu'elle en était à sa énième
version, que l'on n'en finissait pas de la voir, de la revoir, de la faire, de
la refaire, et quoi encore. Malheureusement, tout ce temps n'a pas permis de
combler les attentes.
Le problème majeur que présente ce projet de loi
réside dans le fait qu'il privilégie une vision limitative des
archives qui est pour le moins peu probante tant du point de vue chronologique
que géographique. En effet, alors que depuis les années cinquante
un peu partout à travers le monde s'est installée et a
été avantageusement expérimentée une approche
globale des archives qu'on définit comme étant tous les documents
produits ou reçus par une administration dans l'exercice de ses
activités et ce, indépendamment de leur âge, le
gouvernement du Québec se prépare à adopter une loi
rétrograde en ce qu'elle considère les archives comme
n'étant constituées que de documents inactifs.
Il faut bien se rendre compte qu'en faisant cela le gouvernement ne
ferait que risquer de propager dans d'autres organismes le problème de
structure qu'il a eus et qu'il a toujours avec la question des archives qu'il
ne sait pas où situer depuis l'abolition du Secrétariat
d'État, en 1969. À l'encontre de toute logique, de
l'évolution de la discipline qu'est l'archivistique, des
expériences concrètes vécues par d'autres pays tels que
les États-Unis, l'Angleterre, les Pays-Bas, l'Allemagne, à
d'autres niveaux de gouvernement - tel que le gouvernement canadien - et dans
beaucoup d'autres institutions publiques et privées, faut-il
croire que le gouvernement du Québec adopterait pour sa toute
première loi sur les archives un texte législatif qui n'aurait
pour effet que de le placer loin derrière en ce domaine?
Pour faire connaître notre opposition à ce projet de loi et
pour bien justifier les positions que nous défendons, nous
présentons ce mémoire, dont la première partie sera
consacrée à l'étude du projet de loi comme tel,
première partie dans laquelle nous ferons état de
considérations d'ordre général et de remarques
particulières à certains articles. Toutefois, il est
évident, selon nous, que même avec les corrections
proposées en première partie, le projet de loi sur les archives,
par l'approche de l'archivistique qu'il sous-tend, ne saura jamais permettre
l'établissement d'une véritable politique de traitement des
archives du gouvernement, et là est le drame.
Nous nous permettrons donc, dans une deuxième partie, de
présenter rapidement ce qu'aurait pu être, avec un tout autre
projet de loi, une politique de traitement des archives. On pourrait être
tenté de voir cette seconde partie comme étant consacrée
à une approche théorique n'ayant que peu de liens avec la
réalité. Attention, cependant; une véritable politique de
traitement des archives n'est pas un être de raison, c'est bel et bien un
outil administratif dont l'efficacité et la rentabilité ont
déjà été démontrées. Il serait
hasardeux d'en repousser du revers de la main les composantes et les
articulations.
En ce qui concerne les considérations générales on
pourra résumer assez rapidement ainsi qu'en ce qui a trait à
l'ensemble de la première partie, c'est-à-dire les remarques
particulières à certains articles parce qu'en gros beaucoup de
choses ont été dites sur cela, hier, mais on se permettra tout de
même d'insister un peu sur certains points.
D'abord le manque de rigueur terminologique. Je pense qu'on n'a pas de
temps à perdre là-dessus. D'ailleurs M. le ministre nous a
annoncé hier, et on en a pris bonne note, qu'il y aurait des efforts de
faits de ce côté.
Qu'on nous permette malgré tout de citer en exemple les termes
comme "archives publiques", "archives privées" qu'on ne définit
pas. Surtout le terme "archives" qui n'est pas défini.
Le souci de préciser ce que sont les documents actifs et
semi-actifs au chapitre II du projet de loi vient voiler quelque peu la
réalité qu'on croyait découvrir au fur et à mesure
qu'on faisait une lecture de cette loi.
En effet, tout au long du projet de loi on sent bien que le
législateur ne veut pas, par une loi sur les archives, s'impliquer dans
le traitement des mêmes documents pendant qu'ils ont une valeur
administrative, c'est-à- dire pendant qu'ils sont actifs ou
semi-actifs.
Par ailleurs, il a très bien compris que les archives auxquelles
il pense seront justement composées d'une partie des documents actifs et
semi-actifs et qu'il doit se préoccuper de ces derniers s'il veut se
laisser quelque chance de constituer sérieusement lesdites archives.
Il fallait donc dans un même texte trouver le moyen de voir
à la constitution d'un quelque chose dont on ne voulait pas ou dont on
ne pouvait pas confier la charge au ministère des Affaires culturelles.
D'où la difficulté de suivre la logique d'un projet de loi sur
les archives, qui, dès son second chapitre traite de ce qu'on n'a pas
voulu définir comme étant des archives. On constate que l'absence
de définition des archives pose un problème plus
académique quand elle mène à parler sans pouvoir le faire
des documents qui tôt ou tard constitueront ces archives. Le moins que
l'on puisse dire c'est que ce n'est pas par la logique qu'on aura
évité l'écueil politique que pose au Québec une
définition globale des archives et qu'une définition restrictive
de ces archives soulève aussi de sérieuses difficultés
puisqu'elle n'est pas apte à délimiter tout le champ
d'activité qu'on souhaite occuper.
Une deuxième remarque générale en ce qui concerne
le projet de loi. On le titre: Intervention dispersée plutôt que
concentrée. Je crois que ce qui est important de retenir de cette partie
c'est le fait qu'on oublie ou on semble oublier que le rôle premier que
le gouvernement doit se donner dans le traitement des archives, son premier
mandat ou sa première priorité doit être les documents
produits par l'organisme gouvernemental.
Il faut déplorer qu'en ce qui touche les documents du
gouvernement, le législateur ait limité l'intervention de la loi
sur les archives aux documents inactifs et à des catégories bien
précises et par trop limitées les documents
énumérés à l'article 16.
Certes, a-t-on prévu que des calendriers de conservation
devraient être approuvés par le ministère des Affaires
culturelles et c'est encore heureux.
Toutefois on se rend vite compte qu'en ce qui a trait aux documents du
gouvernement on ne fait ici que confirmer une pratique déjà
établie et que l'examen que le ministère des Affaires culturelles
fera de ces calendriers s'inscrit dans le cadre d'une loi qui, dans son essence
même, ne veut tenir compte que des documents inactifs. Par ailleurs, par
le calendrier de conservation le législateur a voulu quand même
étendre son intervention à l'ensemble des organismes publics
définis comme étant organismes publics aux termes de la loi 65,
soit environ 5000 organismes.
Il faut applaudir à l'effort ainsi fait
pour tenter de rationaliser la conservation des documents de ces
organismes. Toutefois on reste sceptique face à cette dispersion des
efforts devant le peu de volonté que le législateur semble
vouloir mettre à la rationalisation du traitement complet des documents
gouvernementaux.
La troisième et dernière remarque qui touche l'ensemble de
la loi touche les calendriers de conservation. Il est heureux de constater que
le calendrier de conservation, cet outil administratif qu'on pourrait appeler
la dynamique de la théorie des trois âges dont on a souvent
parlé depuis hier, c'est-à-dire les documents actifs, semi-actifs
et inactifs, le but du calendrier de conservation c'est exactement de rendre
dynamique cette vision qui peut être statique jusqu'à un certain
point quand on définit le document comme étant actif, semi-actif
et inactif. Donc, le calendrier est un outil qui va permettre de dynamiser
cette théorie. Ce que nous prévoyons c'est que par l'utilisation
qu'on va faire du calendrier de conservation, de par la loi qui ne touche que
le traitement des documents inactifs, on va sous-utiliser cet instrument.
On pourrait comparer cela, si vous voulez, à l'effort qui a
été fait dans la loi française quand on parle de "liste
d'éliminables". Dans la loi française on a pris les calendriers
et on a extrait de ces calendriers les documents qui pourront être
éliminés. Naturellement, ceux qui restent sont les documents qui
devront être conservés. C'est ce qu'on veut faire avec les
calendriers, alors que lorsqu'on parle de calendriers dans la loi on pourrait
être appelé à croire qu'on va traiter les documents actifs,
semi-actifs et inactifs, ce qui n'est pas le cas.
Tout ce qu'on fera, c'est qu'on identifiera des séries de
documents qui seront des archives publiques à l'expiration des
périodes d'activité, de semi-activité, tel qu'on le
précise d'ailleurs à l'article 7.
Considérations d'ordre particulier. Naturellement, il y a le
fameux article 2 où tout ce qu'on peut dire c'est d'ajouter avec les
autres qu'on aurait souhaité une définition très
précise des archives. En fait, la définition ou le manque de
définition peut mener à des interprétations qui peuvent
paraître extrêmement farfelues mais qui peuvent quand même se
présenter. On a un exemple que je ne perdrai pas de temps à
donner ici mais qui démontre qu'en vertu d'une... Si on parle d'une
définition qui est celle de l'UNESCO, qui a déjà
été mentionnée, on pourrait être appelé
à démontrer que les documents actifs et semi-actifs d'un
ministère, par exemple, sont les archives privées alors que les
documents inactifs sont les archives publiques puisqu'on dit: Les archives
privées c'est tout ce qui n'est pas public.
Remarques sur l'article 8. D'une part, il est prévu selon cet
article que les organismes publics devront soumettre leur calendrier de
conservation respectif à l'approbation du ministre des Affaires
culturelles. Sachant qu'une telle opération ne pourra être
très rapide si tous arrivent en même temps et connaissant, par
ailleurs, les problèmes d'espaces consacrés à la
conservation de documents périmés que pourrait causer un tel
embouteillage, nous soumettons l'idée d'établir un
échéancier précis pour l'approbation des calendriers de
conservation, de sorte qu'avant la date prévue d'adoption de leurs
calendriers respectifs les organismes puissent continuer à traiter leurs
documents.
D'autre part, des questions se posent. Est-ce que l'approbation du
ministère des Affaires culturelles, telle que décrite à
l'article 8, évitera d'avoir à se munir de la permission d'autres
ministères pour éliminer des documents ou cela ne sera-t-il en
définitive qu'une étape supplémentaire? Par exemple,
est-ce qu'il faudra, dans le cas de documents financiers, s'assurer d'avoir la
permission du ministère du Revenu, comme c'est le cas
présentement, ou si l'approbation du calendrier par le ministère
des Affaires culturelles évitera cette démarche? Si tel
n'était pas le cas, serait-il possible de faire en sorte que le
ministère des Affaires culturelles devienne l'interlocuteur unique pour
les organismes publics et qu'il se charge de s'assurer auprès des autres
ministères qu'ils sont eux aussi d'accord avec les calendriers
proposés?
On s'en rend bien compte, ceci éviterait aux organismes publics
une foule de démarches longues et onéreuses et s'inscrirait bien
dans les efforts déjà entrepris à d'autres niveaux par le
gouvernement pour réduire les complexités administratives.
Article 10. Je me permets de revenir sur l'article 10 malgré tout
ce qu'on a pu en dire. On doit relier le contenu de cet article, comme cela a
déjà été démontré, à l'article
19 et, selon nous, c'est un non-sens des plus flagrants. On peut comprendre
l'intérêt qu'ont les personnes élues à voir de tels
articles apparaître dans un texte de loi, mais il est inacceptable pour
les chercheurs et pour les citoyens en général que leurs
élus puissent se défiler aussi facilement une fois leur mandat
venu à échéance.
On pourrait entreprendre une longue argumentation où on
démontrerait l'importance du témoignage que fournissent les
documents dont il est question ici. Qu'il suffise de constater l'aberration
d'une situation résultant du fait que les documents de ceux qui sont les
décideurs politiques ne sont reconnus d'intérêt public que
si ceux-ci le jugent à propos. Se rend-on compte que cela peut signifier
qu'en vertu du projet de loi no 3 sur les archives, le premier
ministre, un ministre, le président de la Communauté
urbaine de Montréal, le président d'une commission scolaire, le
président d'un conseil d'hôpital pourraient quitter leur poste et
partir avec tous les documents qu'ils ont produits ou reçus en cette
qualité, et ce en toute légalité? C'est impensable,
irresponsable. (10 h 30)
Si on n'a pas le courage politique d'affirmer une
propriété sur de tels documents, qu'on ait au moins le soin de ne
pas traiter ce point en supprimant tout simplement le deuxième
paragraphe de l'article 10 et l'article 19, de façon à ne pas
consacrer implicitement un droit de propriété qui, pour la
postérité, aurait avantage à demeure flou. À ce
niveau-là, je voudrais attirer l'attention sur une ambiguïté
qui est revenue à plusieurs reprises hier - encore là, n'ayant
pas de définition d'archives publiques, on comprend cette
ambiguïté - mais où on disait souvent: Peut-être que
5% à 10% des documents des députés sont des documents qui
peuvent être confidentiels, qu'il peut être embêtant de
rendre communicables. Des archives publiques ne sont pas nécessairement
des archives communicables. On peut conserver des archives publiques qui
peuvent être communiquées très loin dans le temps. C'est
par des règles de "communicabilité" qu'on va établir
justement, à partir de quand certains documents pourront être
consultés dans certaines catégories de documents. Il ne faut pas
faire de lien nécessaire entre archives publiques et documents
communicables au public.
À l'article 13, je veux simplement mentionner que le terme
"conservation" employé à cet article pose des problèmes
parce qu'en archivistique, le terme "conservation" a un sens qui est
relativement précis alors qu'ici on ne sait pas trop si c'est juste la
conservation physique ou si c'est l'ensemble de la conservation qui peut aller
du traitement jusqu'à la conservation.
Article 14. À la lecture de cet article qui n'aura d'autre
résultat qu'une décentralisation, on peut se demander quel sera
le rôle imparti aux Archives nationales du Québec. Certes, cette
institution continuera d'assurer la conservation et le traitement de ce dont
elle a la garde mais qu'en sera-t-il des documents qui deviendront inactifs
à compter de l'adoption de la loi sur les archives? De plus, à
quoi auront servi les efforts de régionalisation que les Archives
nationales du Québec ont faits depuis 1975 si on les met en concurrence
avec d'autres organismes publics et privés?
En ce qui concerne l'article 16, c'est simplement pour faire part de
notre étonnement. Alors qu'ailleurs dans le projet de loi on traite
toujours des documents inactifs, comment se fait-il qu'ici on ne retrouve plus
cette limite? Serait-ce qu'on reconnaît pour ce type de documents le fait
qu'ils constituent des archives dès leur création? Si oui,
comment expliquer logiquement qu'il en soit autrement pour tous les autres
documents?
Article 17. Étant donné l'importance des types de
documents que touche cet article, c'est-à-dire ceux mentionnés
aux paragraphes 1 à 5 de l'article 16, il eut été
préférable de faire une obligation de déposer en
remplaçant le mot "peuvent" par "doivent".
En ce qui concerne le chapitre IV. On passe rapidement. Si on se reporte
aux notes explicatives qui apparaissent au début du projet de loi, le
but de ce chapitre est - je cite les objectifs - "d'apporter aux services
d'archives privées une aide technique et financière." Le moyen
pour y arriver réside dans le fait que les services d'archives
privées devront prendre l'initiative de se faire agréer selon
l'article 24. Il est à prévoir que l'objectif est quelque peu
illusoire étant donné le peu d'empressement que les archives
privées mettront à se faire agréer de façon
à pouvoir conserver le plus d'autonomie possible, même si cela
devait impliquer l'absence de subvention.
Article 30. Il aurait fallu étendre la portée de cet
article aux organismes publics puisque plusieurs d'entre eux font des
acquisitions d'archives privées et participent ainsi activement à
la conservation et au traitement du patrimoine archivistique. D'ailleurs, ce
fait est reconnu et déjà agréé par les Archives
nationales du Québec si on considère que plusieurs services
d'archives de la région montréalaise, dont les Archives
nationales du Québec, région de Montréal étudient
justement depuis quelques mois déjà les possibilités de
concertation dans le domaine de l'acquisition. Il faudrait donc
reconnaître ce fait et ajouter après le mot "ministre" les mots
suivants "ou d'un organisme public".
Article 35. Il faut insister sur le caractère on ne peut plus
tatillon d'un tel article qui, si on le compare au laxisme des articles 10,
paragraphes 2 et 19, peut nous mener à conclure au fait qu'il y a
là deux poids deux mesures.
Il nous apparaît que l'élément le plus important
pour ces documents qu'on peut retrouver un peu partout, c'est de les
connaître, de savoir qui les possède, où ils se trouvent.
Or, il est loin d'être certain que le contenu de l'article 35 va
encourager les détenteurs de tels documents à les signaler.
L'effet sera probablement contraire. Nous proposons donc de faire
disparaître cet article.
Article 38. Nous ne comprenons pas comment, dans le cadre d'une
politique de gestion des archives publiques composées principalement des
documents inactifs, un ministre peut, avec une certaine
crédibilité,
fournir une expertise sur des documents actifs qui ne sont justement pas
des archives publiques. Nous rappelons que pour ce faire, il eut fallu donner
une définition beaucoup plus large des archives du type de celles
mentionnées à la page 6. Cet article est une autre preuve qui
démontre qu'on ne peut logiquement établir une véritable
politique de traitement des archives en se basant sur une définition
limitative.
Deuxième partie du mémoire intitulée: Une politique
de traitement des archives du gouvernement: ne pas confondre avec le projet de
loi no 3 sur les archives. Tel que nous l'avons annoncé en introduction,
cette partie sera essentiellement consacrée à présenter la
situation qu'on se serait attendu que produise une loi sur les archives en ce
qui a trait principalement aux archives du gouvernement. Nous insistons sur
cette restriction importante. En effet, qui d'autre que le gouvernement peut et
doit voir à la rationalisation du traitement des archives qu'il produit?
Certes, ne faut-il pas dénier l'importance du rôle qu'il a
à jouer dans le traitement des archives des organismes publics et
même dans le traitement des archives privées. Toutefois, sa
première priorité doit demeurer à tout prix les archives
institutionnelles, c'est-à-dire celles produites par les
ministères et organismes gouvernementaux. Ignorer ce fait ne peut
qu'engendrer un état de confusion peu souhaitable. En définitive,
l'État pourra jouer son rôle, en ce qui touche le traitement des
archives des organismes publics et privés, d'autant mieux et avec
d'autant plus de crédibilité qu'il aura su assurer d'abord une
véritable rationalisation dans son propre champ d'activité. Or,
à notre humble avis, la loi sur les archives telle qu'elle existera,
selon le projet qui nous est soumis, ne saura respecter cette
priorité.
Comme on l'a déjà mentionné
précédemment, le projet de loi sur les archives présente
ces dernières comme n'étant constituées que de documents
inactifs, c'est-à-dire des documents n'ayant plus d'utilité pour
l'administration qui les a produits, sauf les quelques exceptions
prévues à l'article 16. Il faut s'en rendre compte, cette
approche est tentante en ce qu'elle permet, du moins en ce qui concerne
l'appareil gouvernemental du Québec, d'ajuster la théorie
à la pratique puisqu'il est de notoriété publique qu'au
Québec les ministères et organismes gouvernementaux ne veulent
sous aucun prétexte voir s'ingérer le ministère des
Affaires culturelles dans le traitement de leurs documents pendant que ces
derniers ont une valeur administrative. Ainsi, adopter une loi qui limite
l'action dudit ministère aux documents inactifs aurait sans doute l'heur
de plaire à plusieurs. On pourrait presque parler d'une politisation de
l'archivistique.
Toutefois, la réalité archivistique ainsi que la
réalité administrative pure et simple sont tout autres et on
pourrait être pour le moins surpris de constater que le gouvernement du
Québec tente de privilégier une approche aussi limitative,
d'autant plus que la pratique autant que la théorie démontrent
clairement que cette vision de l'archivistique et du traitement des archives
est nettement dépassée. On ne peut inopinément vouloir
transposer sur le plan théorique les problèmes pratiques que pose
la question du traitement des archives au Québec et forcer ainsi la
théorie à reconnaître une pratique dont l'approche est
faussée.
Présentement, au gouvernement du Québec, le partage des
tâches en ce qui a trait aux archives est le suivant: chaque unité
est autonome et responsable de ses documents actifs. Les semi-actifs, quand les
unités le désirent, sont pris en dépôt par le
ministère des Travaux publics et les inactifs (archives ayant acquis une
valeur historique) quand les unités respectent les calendriers de
conservation, tombent sous la responsabilité des Archives nationales du
Québec. Un partage des tâches est certes nécessaire et
personne ne peut nier ce fait. Toutefois, il est aussi évident que
partager des tâches ne nie pas la nécessité d'une
concertation minimale pour que, sans en arriver à la grande
standardisation, il demeure possible d'établir des priorités et
qu'une relative unité d'approche et d'intervention puisse être
réalisable, ce qui est hautement souhaitable tant en ce qui concerne le
traitement des documents qu'en tout autre domaine. Autant il apparaîtrait
anachronique de laisser à chaque unité entière autonomie
sur la gestion du personnel ou sur la gestion des espaces, autant il serait
hasardeux de le faire pour les archives.
Il faut donc reconnaître que le traitement des documents existe au
Québec et, d'ailleurs, la plupart des ministères et organismes
gouvernementaux s'occupent de leurs documents. Toutefois, toutes ces actions
pourraient profiter au centuple si elles étaient chapeautées par
une unité ayant un mandat de coordination. Or, personne ne semble
s'entendre sur cette dernière. Le projet de loi qu'on propose, par
l'approche qu'il privilégie, ne fait que reproduire ce fait et tente de
faire reconnaître et d'officialiser une situation aberrante où le
traitement de l'ensemble des documents, produits dans le cadre des
activités du gouvernement, relève de tellement de monde qu'il ne
relève en définitive de personne, personne n'ayant de mandat
précis dans ce domaine. À vouloir trop déléguer un
pouvoir, il en devient tellement délayé qu'il est inexistant.
Il nous apparaît important, avant de choisir définitivement
cette voie pour le moins obscure et limitative, de le faire en toute
connaissance de cause en sachant
pertinemment que, pour toutes sortes de bonnes raisons,
économiques, politiques ou autres, on est prêt à se refuser
un certain nombre d'avantages qu'aurait pu offir l'établissement d'une
véritable politique de traitement des archives. Ainsi le
législateur prendra-t-il une décision éclairée et
saura-t-il, par la suite, en assumer toutes les conséquences?
Qu'est-ce qu'une politique de traitement des archives? C'est un
façon concertée et réfléchie de mettre sur pied les
moyens qui permettent le traitement efficace et rentable de tous les documents
produits ou reçus par une administration. La politique de traitement des
archives doit avoir pour but la planification, la mise en place et le soutien
de tous moyens, c'est-à-dire réglementation, structure,
programme, qui rendent possible un contrôle rationnel, efficace et
rentable de la création, de l'utilisation, du repérage et de la
conservation à plus ou moins long terme des documents que cette
administration produit ou reçoit dans l'exercice de ses
activités.
Il va sans dire que toute cette politique s'appuie sur une logique
administrative selon laquelle l'ampleur de toute solution à quelque
problème doit être à la mesure de l'importance du
problème concerné. Ainsi, une politique de traitement des
archives n'est pas du prêt-à-porter. Elle peut et doit être
adaptée à l'entité qu'elle veut desservir, dans le cas
présent, l'appareil gouvernemental québécois. Pour
être opérationnelle, la politique de traitement des archives doit
être tissée sur le canevas fourni par la théorie des trois
âges dont on a déjà longuement parlé ici.
Quelles seraient les justifications? Pourquoi le gouvernement devrait
être justifié de se doter d'une politique de traitement des
archives? Au gouvernement du Québec, comme ailleurs, plusieurs raisons
expliquent l'émergence des besoins de se doter d'une politique de
traitement des archives. On peut mieux comprendre cette émergence quand
on établit une comparaison entre ce secteur d'activité qu'est le
traitement des archives et d'autres secteurs d'activité telle la gestion
du personnel, la gestion des espaces, etc. Force nous est de constater alors
que, en ce domaine comme en d'autres, l'augmentation des besoins traditionnels,
jumelée à l'apparition de nouveaux besoins, fait que
l'administration concernée doit se donner les moyens nécessaires
et proportionnels à solutionner les problèmes existants, suivant
ainsi l'évolution des besoins.
Pour ne pas allonger indûment le contenu de ce mémoire,
nous nous contenterons ici de signaler ces besoins qui ont été
plus longuement analysés dans un volume récemment paru et
titré "Les archives au XXe siècle". Ces besoins sont
l'augmentation phénoménale du support de l'information que sont
les documents, le caractère éphémère de cette
information, le ralentissement de l'augmentation des espaces disponibles pour
le stockage de l'information, l'augmentation de la rapidité du
repérage de l'information, l'obligation légale de conserver de
plus en plus de documents pour des périodes de temps relativement
longues, l'obligation de conserver des documents en permanence pour fins
d'études rétrospectives. Tous ces besoins existent dans
l'ensemble des administrations où on a une émergence du besoin de
traitement de documents.
Il est clair que la réponse à ces besoins ne peut
résider dans une intervention ne se rapportant qu'à un de ces
éléments. On pourrait, par exemple, tenter de réduire
l'information. Toufefois, la complexité administrative et surtout les
services plus abondants dont elle découle n'y survivraient pas. Par
ailleurs, ce serait peine perdue et partie remise que de tout conserver et
d'augmenter en conséquence les espaces de stockage, puisqu'ils sont de
plus en plus rares et dispendieux et que, de toute façon, ce ne serait
que reporter la solution à un problème existant. Quelle serait
l'utilité, par exemple, de mettre sur pied des systèmes
permettant, par le microfilm, la miniaturisation de documents qui, pour la
plupart, tel qu'on l'a dit, ont un caractère de plus en plus
éphémère.
Serait-il possible que de telles solutions ne régleraient que
partiellement le problème? Seule une action concertée et
réfléchie, dont les efforts porteraient sur chacun des
éléments pourrait fournir une alternative intéressante.
Cette action concertée et réfléchie réside
précisément en une politique de traitement des archives telle que
nous l'avons définie précédemment.
De quoi est composée cette politique de traitement des archives?
D'abord, d'une législation; premier élément,
élément législation ou réglementation. Il faut
entendre par législation ou réglementation toute disposition
officielle - loi, règlement, directive - que se fournit l'organisation
en ce qui a trait au traitement de ces documents. Cette loi ou
réglementation doit être un élément facilitant
l'application des solutions proposées par le programme de traitement.
Elle définit, entre autres, le mandat et les modalités
d'intervention de la structure ou du service qui doit voir à
l'application du programme, ce sur quoi porte le programme, supports
d'information visés, ressources, tâches à accomplir, etc.,
et les moyens de contrôle permettant d'en vérifier l'application.
Enfin, selon l'organisme, la législation ou réglementation peut
prévoir des sanctions pour les contrevenants. (10 h 45)
Deuxième élément, une structure. Le type de
structure dont il est question ici
comprend d'abord l'ensemble des ressources humaines, c'est-à-dire
un personnel suffisant en quantité et en qualité qui, dans une
organisation donnée, a pour tâche de voir à l'application
de la réglementation, à la mise en place ainsi qu'à la
bonne tenue des différents éléments du programme de
traitement des documents. Par ailleurs, des ressources physiques,
c'est-à-dire tous les locaux et équipement nécessaires
à l'accomplissement de ces tâches, et des ressources
financières sont tout aussi nécessaires pour épauler ces
ressources humaines.
Autre facteur important, et peut-être plus au niveau
gouvernemental qu'ailleurs, cette structure doit prendre place dans
l'organisation, pouvoir compter sur des appuis et bénéficier
d'une situation dans l'organigramme général qui lui permette
d'établir des relations d'égal à égal avec toutes
les autres composantes de l'organisation.
Dans le cas qui nous intéresse, la structure est
personnalisée par les Archives nationales du Québec qui
relèvent du ministère des Affaires culturelles. Dans le contexte
actuel et dans celui que créerait le projet de loi no 3, il importe de
souligner qu'en plus, il faut tenir compte de toutes les ressources qui, en
dehors du ministère des Affaires culturelles, ont comme mandat de voir
au traitement des documents. De fait, la plupart des ministères et
organismes gouvernementaux y consacrent un certain nombre de ressources.
Malheureusement, même sous le régime du projet de loi no 3, on ne
pourrait parler de structure au sens où on l'entend ici car il n'y
aurait pas la concertation nécessaire à ce que tous les efforts
puissent s'inscrire dans le cadre d'une véritable politique de
traitement. Ce sont, en définitive, plusieurs efforts qui demeureraient
isolés tant et aussi longtemps qu'une concertation ne sera pas devenue
possible grâce à l'action d'une unité qui aurait pour
mandat, entre autres choses, de produire cette concertation.
Troisième élément de notre politique, le programme.
Conçu et appliqué par la structure en fonction de la
législation ou de la réglementation, il doit comprendre tous les
éléments nécessaires au traitement complet, efficace et
rentable des documents de l'organisation. Ces éléments doivent
porter sur tous les documents produits par l'organisation dans l'exercice de
ses activités, et ce, de leur création jusqu'à leur
élémination ou tout au long de leur conservation permanente,
quand c'est le cas.
Il faut distinguer les éléments constitutifs, qui forment
le corps du programme, des éléments de soutien dont l'appui est
indispensable à l'existence et au bon fonctionnement des premiers. Dans
les ministères et organismes gouvernementaux, certains de ces
éléments sont appliqués mais le manque de coordination ne
permet pas de profiter des avantages qu'offrent les mêmes
éléments inscrits dans un programme. L'application du projet de
loi no 3 ne viendra pas améliorer cette situation.
Pour ne pas allonger indûment le contenu du mémoire, nous
nous contenterons ici de signaler ces éléments qui sont
d'ailleurs mentionnés aussi dans le volume Les archives au XXe
siècle. Il y a donc la rationalisation de la création, de la
diffusion et de la réception des documents, la rationalisation du
traitement des documents actifs, du traitement des documents semi-actifs, du
traitement des documents inactifs, du traitement des documents essentiels, pour
terminer avec deux éléments qui viennent appuyer les premiers:
l'inventaire des documents et le fameux calendrier de conservation.
Ainsi peuvent être résumés les
éléments qui composent la politique de traitement des archives et
des documents qui les constituent. Il ressort de tout ceci que tel qu'il existe
présentement, le projet de loi no 3 n'est que l'élément
législation d'une politique de traitement qui fixe un mandat restreint
à la structure que sont les Archives nationales du Québec, en ce
sens qu'il limite leur champ d'activité au traitement des documents
inactifs qui n'est, comme on l'a vu, qu'un élément parmi tant
d'autres d'un programme de traitement d'archives.
Si le législateur veut, par son projet de loi no 3, restreindre
l'action gouvernementale en matière d'archives au traitement des seuls
documents inactifs, qu'il le fasse en changeant le titre de la loi pour "Loi
sur les archives historiques", reconnaissant ainsi les limites de son action et
ne laissant pas croire qu'il prétend proposer une politique de
traitement des archives dont l'approche est, répétons-le,
beaucoup plus globale que la seule préoccupation des documents
inactifs.
En conclusion, à première vue et pour l'oeil non averti,
le projet de loi sur les archives paraît intéressant en ce qu'il
se donne pour objectif de mettre sur pied une politique de traitement des
archives en obligeant les organismes publics à conserver leurs archives
et en encourageant les institutions privées à en faire autant.
Cependant un examen plus approfondi du projet mène à des
conclusions fort différentes et laisse bien voir que de s'établir
un objectif est une chose et de se donner des moyens pour l'atteindre en est
une autre.
Les nombreuses imprécisions terminologiques, le manque de rigueur
logique, la faiblesse de volonté politique en ce qui concerne le
traitement complet et efficace des documents gouvernementaux, le peu
d'éléments neufs que ce projet apporte quand on le compare avec
les lois qui
antérieurement touchaient les archives, Loi sur le
ministère des Affaires culturelles, Loi sur les biens culturels, nous
amènent à douter de l'efficacité du projet de loi et
déçoivent ceux qui attendaient naïvement une loi plus
novatrice. Tout au plus confirme-t-on des pratiques existantes et regroupe-t-on
dans cette loi des éléments antérieurement
dispersés. Enfin, il pourrait apparaître inquiétant qu'on
profite justement de la préparation d'une loi sur les archives pour
rayer de tout le système législatif l'institution nationale
d'archives, soit les Archives nationales du Québec.
Il faut déplorer, en définitive, qu'on ait mis autant de
temps et de soin à bâtir quelque chose de si peu probant qui
éloigne l'État du leadership archivistique. Trop tard se
rendra-t-on peut-être compte qu'il eût été infiniment
souhaitable qu'une loi sur les archives soit le produit d'un consensus qui
aurait pu facilement être atteint n'eût été du trop
grand secret dans lequel s'est concocté ce projet. À moins
qu'elles ne soient faussement perçues, les archives n'ont rien pour
constituer un champ de bataille politique et on en a une preuve. Merci.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Couture. Je dois
vous rappeler que je ne peux accorder plus de 7 à 8 minutes pour la
période d'échange de questions, parce que l'exposé a
déjà duré 35 minutes. Il va falloir, à l'avenir,
essayer d'abréger les exposés. Alors, je ne puis accorder que 5
minutes à chacune des parties pour aller à l'essentiel des
questions ou commentaires.
M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M.
Couture et lui dire qu'il nous a signalé des lacunes importantes
auxquelles on essaiera de remédier dans le projet de loi final, puisque
c'est un projet de loi précisément soumis à la
consultation afin de percevoir le type de lacunes qui nous ont
été signalées par M. Couture.
J'aurais toutefois deux questions à lui poser. En ce qui a trait
aux archives, aux documents des députés, je trouve que vous
évacuez rapidement le problème que cela peut poser. Je pense que
vous étiez là hier quand j'ai abordé le problème
ayant trait aux... Penons mon exemple pour ne pas me servir de l'exemple d'un
autre: Très souvent, j'ai des électeurs ou électrices qui
m'apportent des documents en sachant fort bien qu'ils viennent consulter
à la fois le député, mais surtout l'avocat. Vous dites
qu'il y a peut-être moyen de régler ce problème-là
avec le principe de l'incommunicabilité pour un certain temps. Qui
déciderait de l'incommunicabilité, selon vous?
M. Couture: Dans un tel cas, c'est le donateur des archives,
c'est-à-dire vous- même.
M. Richard: Alors, vous vous réconcilieriez avec un
article qui dirait: À moins que le député ou l'élu
ne juge qu'il s'agit d'un document qui lui a été remis sous le
sceau de la confidentialité.
M. Couture: Oui, après examen avec l'unité qui sera
responsable de la cueillette de ces archives. En fait, on pourrait traiter ces
documents de la même façon qu'on traite les fonds qu'on appelle
les fonds privés d'archives.
M. Richard: Je peux me rallier facilement à une vue comme
celle-là. Cela ne me pose pas de problème...
M. Couture: C'est que...
M. Richard: ...sauf que, encore une fois, évidemment, le
donateur serait tenu d'exhiber son document à d'autres personnes.
M. Couture: Oui, mais qui sont quand même...
M. Richard: N'oubliez pas qu'en ce qui a trait, par exemple,
à l'avocat, parfois c'est de nature hautement confidentielle. C'est
périlleux.
M. Couture: Oui, mais dans un cas comme cela, je pense qu'il faut
au moins accepter que l'archiviste, les gens responsables de la cueillette,
puissent regarder ces documents et qu'on compte, non pas sur le secret
professionnel, mais sur leur éthique professionnelle. Tout cela, en fin
de compte, pour éviter que pour une petite partie, une mince partie des
documents, on doive traiter l'ensemble comme ne pouvant jamais être
consulté.
M. Richard: Prenons un cas, pas forcément typique, mais en
tout cas qui peut se présenter - peut-être un cas extrême,
toutefois - d'un document qui nous révèle la commission d'un
crime remis au député, mais un peu à titre d'avocat aussi,
par un électeur. Vous laisseriez quelqu'un prendre connaissance de ce
document-là pour juger de l'incommunicabilité?
M. Couture: Quelqu'un qui peut le faire selon la fonction qu'il
occupe, oui.
M. Richard: Oui, mais il n'est pas lié par le secret
professionnel.
M. Couture: Non, mais qui est lié quand même...
M. Richard: ...lié par des règles de morale ou par
des règles d'éthique, mais pas
lié par le secret professionnel. En tout cas, je pense que vous
percevez un peu le...
M. Couture: Oui. À ce moment-là, je pense que si on
ne peut résoudre ce problème, c'est que, au mieux, on pourrait
dire que la personne concernée, le donateur des documents jugera
lui-même ce qui peut être communicable de ce qui ne l'est pas. Mais
c'est bien sûr qu'on revient au fait que la personne pourrait dire qu'il
n'y a rien de communicable là-dedans. On ne règle pas la
difficulté. C'est pour cela que, devant ce problème,
peut-être que la solution la plus sage est de retirer un article
semblable en ce sens que, au moins, on ne reconnaît pas de fait la
propriété sur ces documents et qu'on compte, là, sur une
certaine sagesse administrative qui, espérons-le, va s'instaurer.
M. Richard: Là-dessus, j'aurais tendance à vous
donner raison. Il y a un élément... Ce qu'on cherchait à
faire par le projet de loi c'est d'être au moins incitateur ou, au moins,
pédagogique pour amener l'ensemble des parlementaires, surtout - on
songeait, bien sûr, aux parlementaires d'abord - à remettre leurs
documents et à ne pas se les approprier. L'ennui - c'est
l'élément de frustration - ce n'est que dans un cas
peut-être sur 1000 qu'on ne peut pas remettre. Donc, on ne peut pas avoir
une règle générale pour dire: vous devez tout remettre.
C'est le problème. C'est un cas sur 1000. Il y en a très
très peu.
M. Couture: Mais si je peux me permettre, M. le ministre,
d'après l'exemple que vous me donnez, c'est un fait que cela peut
être embêtant pour quelqu'un...
M. Richard: Je vous donne un exemple que j'ai vécu dans
mon propre bureau de comté.
M. Couture: ...de montrer ces documents-là, d'accord. Mais
je pense qu'il faut compter, comme vous le disiez tout à l'heure, sur
l'éthique professionnelle des gens qui vont regarder ces documents. En
fin de compte, ils sont quand même là, non pas pour le plaisir de
la chose, mais justement pour évaluer ces documents, et dans tous les
cas afin d'aider le donateur à établir des règles de
communicabilité sur ses documents. Très souvent, c'est l'inverse
qui se produit. On dit au donateur: Peut-être que pour tel type de
documents, il faudrait penser à amener une restriction alors que les
gens n'y avaient pas pensé. Souvent, on est même plus conservateur
que le donateur. Je pense, dans ce domaine, que l'expertise archivistique peut
jouer un rôle extrêmement important.
M. Richard: En tout cas, il y aurait à consulter le
barreau parce que je ne suis pas sûr que ce ne serait pas une
dérogation aux règles du barreau. D'après le notaire
Leduc, député de Saint-Laurent, qui était présent
hier, cela s'applique également aux notaires. Cela peut s'appliquer
également aux médecins qui sont liés par le secret
professionnel.
M. Couture: Oui, mais je regarde dans toutes les administrations
où on traite ces documents. Ce n'est pas parce que ces documents ont
été créés sous le sceau d'un secret professionnel
qu'on ne peut pas les traiter. Les spécialistes dans le traitement des
documents traitent ces documents de la même façon et avec la
même bonne volonté que les autres documents. Sauf que, à ce
moment-là, bien sûr, il faut prendre des précautions
supplémentaires. Je pense que pour le petit pourcentage de documents qui
peuvent être touchés c'est vraiment embêtant de rayer tout
le reste de la carte.
M. Richard: Là-dessus, vous avez raison. Maintenant, une
dernière question.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, on doit faire
vite.
M. Richard: On a longuement parlé hier du statut des
Archives nationales. Je comprends que votre mémoire a été
rédigé avant les interventions d'hier. Je ne pense pas
qu'aujourd'hui vous soutiendriez qu'on fait disparaître le statut
législatif des Archives nationales, comme...
M. Couture: D'ailleurs, ce n'est pas ce que j'ai affirmé.
J'ai bien mentionné qu'on rayait du système législatif les
Archives nationales, sans diminuer pour autant leur statut.
M. Richard: Parce qu'elles ne sont pas rayées du
système législatif. Elles n'existaient pas là-dedans.
M. Couture: Je sais bien. Mais on en parlait quelque part
à un moment donné, et ce quelque part n'existe plus.
M. Richard: Oui, mais ce dont on parlait...
M. Couture: Je suis tout à fait d'accord avec vous pour
dire que cela ne diminue pas le rôle.
M. Richard: Oui. Bon.
M. Couture: Sauf que, dans mon esprit - et je suis sûr de
ce que j'avance - c'était bien mentionné dans les lois que
c'était là. Maintenant, dans la loi, on dit qu'on enlève
ces articles. De cette façon, on raye du système
législatif.
M. Richard: Oui, mais, encore une fois, ce qui était
mentionné...
M. Couture: ...n'aurait pas dû l'être.
M. Richard: ...et ce qui était décrit
n'était pas l'institution. C'était le regroupement de documents.
Ce qui donnait une trop faible portée, si je peux m'exprimer ainsi, aux
Archives nationales. Une des raisons pour lesquelles on n'a pas retenu la
description de l'article 20 c'est que les Archives nationales étaient
décrites, dans l'article 20 de la Loi sur le ministère des
Affaires culturelles, comme un regroupement de documents, alors que c'est
devenu, avec le temps - cela est bien reconnu dans votre document - beaucoup
plus qu'un regroupement de documents. Je vous remercie, M. Couture.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. M. le
député de Saint-Henri. (Il heures)
M. Hains: M. Couture, ce matin vous y allez vraiment de main de
maître. La main de fer est là mais le velours n'est pas tellement
épais. C'est pour cela que vous rejoignez vraiment mes
appréhensions et mes critiques; je ne sais pas si vous étiez
là lors de l'ouverture hier. Votre mémoire est vraiment un des
plus constructifs et des plus articulés qu'on ait eu jusqu'ici sans
vouloir diminuer le mérite des autres. Le ministre pourrait fort bien
s'en inspirer comme il indiquait, par ailleurs hier, qu'il s'inspirerait
beaucoup des documents qui lui seraient présentés. Maintenant sur
deux points qui sont tout à la fin de votre mémoire, je reviens
sur votre opinion. Il importe, compte tenu de l'importance et du nombre des
critiques, de qualifier le point de vue de consultation préalable au
dépôt. Je pourrais parler longtemps là-dessus mais je vais
raccourcir. Est-ce que vraiment vous avez été vous-mêmes
consulté avant ce dépôt de loi sur le contenu du
projet?
M. Couture: D'aucune façon.
M. Hains: D'aucune façon, parce que M. le ministre nous
dit toujours qu'il a fait des tournées de consultations. Mais, dans la
chose expresse du dépôt est-ce que vraiment vous avez
été consulté?
M. Couture: Non.
M. Hains: Non, d'ailleurs vous dites vous-même que cela a
été concocté un petit peu dans leur secret. Merci.
Maintenant, quant à la réglementation, c'est encore la
même chose. J'espère qu'elle sera le fruit d'une consultation. On
semblait dire aussi, M. le ministre, que cela semblait déjà
commencé. Est-ce que je me trompe,
M. le ministre? Au sujet de la réglementation, est-ce que la
consultation...
M. Richard: Vous ne vous trompez pas. J'ai dit qu'elle serait
déposée en même temps que la commission parlementaire qui
ferait l'étude article par article.
M. Hains: Non, mais le point sur lequel j'insiste, est-ce que,
actuellement, il se fait de la consultation auprès de ces gens qui nous
entourent, qui viennent ici pour témoigner? Est-ce qu'ils ont
été consultés ou est-ce qu'ils seront
consultés?
M. Richard: Ils seront consultés. M. Hains: ...futur M.
Richard: Oui.
M. Hains: Oui, merci. Maintenant, je pense bien que je
n'insisterai pas beaucoup sur l'autre point. Je voulais revenir...
M. Richard: M. le député de Saint-Henri, je
voudrais vous signaler une chose. La consultation, pour être efficace,
doit partir d'un document. On ne peut pas consulter dans le vide. On
rédige les règlements et on consultera après avoir un
projet de règlement qu'on amendera. On ne consultera pas dans le vide
pour dire aux gens: Qu'est-ce que vous voulez avoir comme règlement?
Encore faut-il concevoir un premier jet de règlement à partir
duquel on va consulter. C'est exactement la même chose qu'on fait
aujourd'hui avec un projet de loi qui a été soumis à une
commission parlementaire après une première lecture,
précisément pour consulter l'ensemble des intervenants,
l'ensemble des intéressés, exactement comme on l'avait fait, on a
rédigé un projet de loi à partir des interventions
soumises au cours de ma tournée. Il y a 22 mémoires qui ont
été soumis sur les archives au cours de ma tournée. Cela
s'appelle, M. le député de Saint-Henri, de la consultation. Je ne
sais pas comment vous appelez cela.
Mme Bacon: Est-ce que vous vous êtes inspiré de ces
mémoires pour préparer votre projet de loi?
M. Richard: Évidemment. Une des raisons pour lesquelles on
est venu assez rapidement avec ce projet de loi, c'est que les 22
mémoires parlaient de l'urgence d'adopter un projet de loi sur les
archives.
M. Hains: M. le ministre, quand j'étais professeur et que
mes élèves faisaient des devoirs, des rédactions, des
compositions, je me donnais toujours la peine de les corriger avant de les
mettre au propre. Alors, c'est
cela que je veux dire. Vous avez quand même fait un brouillon de
ce projet de loi. Cela n'a pas été imprimé du jour au
lendemain comme cela. Moi, j'aurais aimé, en tout cas...
M. Richard: II y a eu 29 brouillons, M. le député
de Saint-Henri.
M. Hains: Oui, depuis 5 ans que vous en faites, je le sais.
M. Richard: Pas moins que depuis 5 ans.
M. Hains: Je veux dire ceci: quand même si ces
gens-là, disons M. Couture et les autres, qui sont passés
précédemment avaient été consultés avant
d'aller se briser les dents inutilement contre des obstacles rendus presque
impossibles et qui font que ce matin, moi, encore une fois, je suis prêt
à demander de retirer la loi parce que il y a trop d'amendements. Je
vous ai dit hier qu'il y avait 60% des articles sur lesquels on demandait des
amendements. Alors, cela va être un cataplasme, qui ne sera vraiment pas
plaisant, de toutes les corrections possibles et imaginables. C'est cela que je
veux dire, c'est ce que j'entends par consultation. C'est cela que j'aurais
aimé. Il me semble que c'est tellement normal que quand on
s'apprête à lancer quelque chose comme cela, qui a beaucoup
d'importance, que les gens du milieu attendent depuis si longtemps, surtout sur
des points - ce n'est peut-être pas une consultation
générale mais sur certains points plus précis - dont il me
semble qu'une consultation rapide et expresse...
M. Richard: M. le député de Saint-Henri, comment
appelez-vous ce qu'on est en train de faire ce matin?
M. Hains: C'est de la consultation, je suis d'accord mais le
projet est quand même là.
M. Richard: Bon, je vous réfère au livre de
règlement, aux techniques parlementaires. Vous allez deviner que cela ne
sera pas des cataplasmes.
M. Hains: En tout cas, comme je le disais hier, le
bébé vient très mal au monde et c'est très
douloureux pour tout le monde. Voilà, je ne reviendrai pas non plus sur
les archives. Je suis du même avis que monsieur. Je crois que, veut, veut
pas - j'en parlais hier avec M. le conservateur - dans la loi qui s'en vient,
on leur enlève leur prestige, qui faisait un peu la fierté de
tous les archivistes. C'est sur ce point que j'ai insisté auprès
de M. le conservateur hier, lui disant que lui acceptait la chose, mais que
moi, je faisais cela pour le prestige des archives, pour son propre prestige
personnel, malgré que je ne le connaissais pas, parce que c'est un titre
quand même qui est très grand parmi nous. Quand on dit le
conservateur des archives...
M. Richard: Éminemment prestigieux, M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Je ne vois pas pourquoi on veut un peu le mettre dans
le placard et laisser le socle vide. Voilà. J'ai terminé. Merci,
M. Couture.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci.
Université McGill
On va entendre maintenant le représentant de l'Université
McGill. Je dois rappeler qu'il ne faudrait pas que l'exposé
dépasse quinze minutes par mémoire pour accorder dix minutes de
questions.
M. Caya (Marcel): Merci. M. le Président, M. le ministre,
M. le porte-parole de l'Opposition, MM. les députés...
Le Président (M. Brouillet): Voulez-vous vous identifier,
s'il vous plaît!
M. Caya: Marcel Caya, directeur du service des archives de
l'Université McGill. Je parle au nom de l'institution qui est
l'Université McGill.
M. Richard: C'est votre chapeau de McGill aujourd'hui.
M. Caya: C'est mon chapeau de McGill. Cela ne vous fait rien que
je le fasse en français?
M. Richard: Est-ce que McGill est une université
anglophone?
M. Caya: On le dit. Les archives sont souvent comparées
à la mémoire de la nation. C'est commode, c'est facile. La
mémoire, généralement, ne coûte rien et ne
dépense pas d'énergie. Pour un gestionnaire des archives, quand
même, c'est un peu différent. Si on voulait comparer - encore
là vous me concéderez que toute comparaison est un peu
boîteuse - le rôle des archives dans l'administration d'une
institution ou d'un gouvernement, on pourrait facilement le comparer à
celui du réfrigérateur de la famille. Le
réfrigérateur dans la famille n'est jamais le centre
d'attraction, mais il est essentiel à la vie de toute famille, du moins
en Amérique du Nord, parce que cela touche les besoins de tous. On
discute très rarement du rôle du réfrigérateur dans
la
famille. On n'en discute que lorsque le réfrigérateur
fonctionne mal ou lorsqu'on veut en changer. Contrairement à la
mémoire, le réfrigérateur requiert un minimum de
ressources, un minimum d'énergie et un minimum d'investissements pour
remplir le rôle qui lui est dévolu. Également, le
réfrigérateur, pour bien jouer son rôle, doit être
bien géré, même si ce n'est que de façon implicite.
La grosseur et le type de réfrigérateur doivent surtout
être adaptés aux besoins de la famille. Il doit être ni trop
gros ni trop petit.
C'est là que j'en viens à mon rôle de gestionnaire
du service des archives de l'Université McGill. Je décris, dans
le mémoire, un peu en guise d'introduction, ce que nous sommes. Les
archives sont contrôlées par l'Université McGill, pour
l'Université McGill. Elles sont adaptées au type de gestion
décentralisée de l'Université McGill et, jusqu'à un
certain point, l'université souhaiterait que cela continue de cette
façon. En résumant, de façon très succincte, le
mémoire pour passer à la discussion, je décris, en guise
d'introduction, les coordonnés essentielles du service fondé en
1962. Donc, il est relativement jeune, mais c'est quand même le doyen des
services d'archives universitaires au Québec.
Sur le plan quantitatif, le service des archives assure la garde de 8000
pieds cubes de documents de valeur permanente et de 5000 pieds de documents
semi-actifs. Puisque l'université est avant tout un centre
d'enseignement et de recherche, les archives ne jouent pas un rôle
strictement administratif mais contribuent également à
améliorer les programmes de recherche et d'enseignement de
l'université. À cet égard, les fonds d'archives
administratives sont enrichis par un certain nombre de fonds d'archives
privées susceptibles d'aider à la recherche académique.
Ainsi, l'université assume depuis quelques années la conservation
de fonds d'archives comme celui de la Bourse de Montréal et de certains
organismes maintenant disparus du Québec anglophone comme le Montreal
Council for Social Agencies, les Espaces verts de Henry Morgan ainsi qu'un
certain nombre d'autres. Le service des archives en plus conserve, en vertu
d'un agrément de dépôts, les archives de la
conférence Montréal-Ottawa de l'Église Unie du Canada.
Je passe rapidement sur des commentaires qui ont déjà
été faits relativement aux définitions. Je tiens quand
même à souligner ici que la loi ne dit absolument rien sur les
effets extraterritoriaux en ce qui a trait à l'Université McGill
qui possède, aux dernières nouvelles, deux centres de recherche
à l'extérieur de la province. J'aimerais savoir si
éventuellement le matériel créé par ces
unités est couvert par la loi.
Quant aux calendriers de conservation -et là j'en viens aux
positions officielles - il est difficile de voir comment, dans notre cas
précis, le recours à l'approbation ministérielle pour les
calendriers de conservation va améliorer la désignation et la
conservation des documents d'archives publiques. Il serait, à notre
avis, beaucoup plus pratique et économique que le gouvernement, comme il
est mentionné à l'article 44, exempte automatiquement toutes les
institutions publiques possédant déjà un service
d'archives professionnel de l'obligation de soumettre ces calendriers de
conservation pour approbation par le ministère des Affaires culturelles.
Tout au plus, il serait acceptable que l'on reconnaisse de façon plus
directe dans cette loi le rôle potentiel des Archives nationales en tant
que véritables archives de l'État dans tout ce processus et qu'on
leur accorde sous cet article un droit d'inspection exerçable
périodiquement comme les vérificateurs gouvernementaux le font
quant à l'administration des fonds publics par les
universités.
Au sujet de la compilation du calendrier de conservation, nous voudrions
ainsi insister sur le besoin de maintenir toute la flexibilité
nécessaire dans la rédaction. Je parle dans le mémoire un
peu de la cuisine et d'un certain nombre de coûts qui ont
été évalués d'après des études qui
ont été faites. Je souligne que s'il y a des obligations qui sont
faites aux organismes publics de présenter des calendriers de
conservation, rien n'est dit au sujet des délais maximaux que le
ministère ou le ministre devrait utiliser comme limite pour donner une
réponse quant à l'approbation ou la désapprobation du
calendrier de conservation. Il me semble que si l'obligation est faite dans la
loi de présenter les calendriers de conservation, l'obligation du
ministère devrait également être aussi dans la loi et non
pas simplement attendre de faire l'objet d'un règlement.
Un problème qui a été soulevé par un certain
nombre de professeurs à l'université puisque dans le cadre de
leurs activités normales, ils produisent un certain nombre de documents,
ils sont engagés pour produire ces documents de recherche et
d'enseignement, ils sont payés pour le faire. Selon la logique de la
loi, tel que les définitions sont précisées, on devrait
s'attendre que l'on demande de soumettre des calendriers de conversation pour
le matériel de recherche et d'enseignement des professeurs. Jusqu'ici,
je dois vous faire part de l'attitude peut-être laxiste des archives de
l'Université McGill qui ont toujours considéré ce
matériel comme étant la propriété des individus qui
le créent et qui considèrent qu'il est plus pratique d'agir
ainsi. (Il h 15)
En continuant de considérer ce matériel comme étant
des archives privées, on augmente nos chances que le bon matériel
nous soit, éventuellement, retourné ou donné par les
professeurs, à titre individuel, peut-être un peu comme on
s'attend que les députés vont le faire parce que c'est l'endroit
logique ici pour le faire. On s'attend, parce qu'ils ne sont pas obligés
de garder dans leurs archives un certain nombre précis de documents
découlant de leurs fonctions, que les professeurs vont être
portés à en garder beaucoup plus, à garder les brouillons,
à garder, également, les copies de rapports annotés qui,
pour l'historien, seront des sources encore beaucoup plus riches quant à
l'évolution du travail d'un individu ou de sa recherche.
Les commentaires généraux. Je me dois ici de transmettre
une note légale sur laquelle nos conseillers juridiques ont voulu
insister. Il s'agit, en fin de compte, de s'assurer que les personnes qui
seront tenues de verser des documents aux Archives nationales ou à tout
autre dépôt d'archives pour conservation de matériel soient
compensées adéquatement. Le projet de loi dit très peu de
choses, mais le ministre nous a assurés, hier, que cela serait
précisé dans les règlements.
Finalement - je vais conclure sur ce point, le service des archives de
l'université est présentement l'instrument par lequel elle exerce
toute sa liberté de disposition de ses documents comme elle le juge
approprié et cela, en vertu des avis de professionnels dont
l'université a retenu les services. En particulier, dans un grand nombre
de cas, des séries de correspondance font l'objet d'un
échantillonnage que contrôle le service des archives. L'article
21, qui défend d'une façon stricte l'élimination et la
modification de toutes les archives publiques, complique sérieusement ce
processus normal d'échantillonnage que pratiquent tous les services
d'archives professionnels.
Je voudrais également faire référence à la
pratique renouvelée de ce processus de réexamen du
matériel de valeur permanente. Ce n'est pas parce qu'en 1982, par
exemple, du matériel a été versé aux archives,
parce que jugé de valeur permanente, que dans 20 ans les archivistes ne
voudront pas réexaminer ce matériel à la lumière de
tous les autres dépôts d'archives et qu'ils ne voudront pas juger
que ce matériel est maintenant constitué d'un double ou d'une
source moins riche qui fait double effet par rapport à du
matériel acquis un petit peu plus tard.
À l'intérieur d'un service d'archives professionnel, ces
choses peuvent se faire facilement. En faisant intervenir toute la machine
gouvernementale, il me semble que le processus va être alourdi
indûment. Il me semble qu'il faudrait dans le cas où des services
se dotent de professionnels, leur laisser toute la latitude possible, en
comparant un petit peu le service que l'archiviste rend à son
institution au service que le médecin rend à son patient.
Malgré toutes les prescriptions que le Collège des
médecins ou que le ministère des Affaires sociales peut vouloir
émettre, le médecin doit quand même rester maître de
sa pratique professionnelle.
Je termine sur cela. Merci.
M. Richard: Je vous remercie, M. Caya, de cette contribution
extrêmement valable et positive aux travaux de la commission. Je voudrais
répondre immédiatement à une question que vous avez
soulevée à savoir si la loi s'appliquerait aux sections
d'archives de l'université McGill qui sont en dehors du Québec.
Ma réponse, c'est non. La loi n'a pas de portée
extraterritoriale. Je prends bonne note des lacunes que vous nous avez
signalées et qui vont nous permettre de bonifier le projet de loi.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: M. Caya, je vous félicite et je vous remercie de
votre mémoire. Il est court mais vous posez des questions qui sont
très valables. M. le ministre vient de répondre à la
première de vos questions sur le sujet des extraterritoriaux.
Une chose m'a impressionné et c'est la première fois qu'on
en parle, c'est à la page 7 de votre mémoire où vous
dites: "Nous ne voyons dans le projet de loi aucune application de la Charte
des droits et libertés de la personne dans la province de Québec.
Spécifiquement l'article 6 qui prévoit la jouissance paisible et
la libre disposition des biens de chaque personne." Est-ce que vous voyez
vraiment dans la loi une contravention à ce grand principe de la
loi?
M. Caya: Je n'y vois aucune contravention. Ce qu'on désire
exprimer ici c'est qu'on n'en voit pas d'application. Vous me pardonnerez de ne
pouvoir détailler beaucoup plus cette question. Ce sont vraiment des
questions juridiques qui concernent beaucoup plus les avocats soucieux de
protéger les droits. Dans notre cas, il s'agit de s'assurer que les gens
soient compensés adéquatement pour les montants qu'ils ont
dépensés à conserver un certain matériel durant un
certain nombre d'années très souvent.
M. Hains: On pourrait poser la question à M. le
ministre.
À la page 7 vers la fin on se réfère à
l'article 41. J'ai fait aussi mention aux articles 33, 34, et 35 par exemple,
où M.
Caya nous dit que nous ne voyons dans leur projet de loi aucune
application de la Charte des droits et libertés de la personne dans la
province de Québec qui prévoit la jouissance paisible et libre
des dispositions des biens de chaque personne. Pensez-vous qu'il n'y a pas un
conflit dans cette question de vouloir s'emparer des biens ou empêcher
qu'ils soient sortis de la province de Québec?
M. Richard: Non. Ce serait, par exemple, la même chose pour
remettre en cause plusieurs des dispositions de la Loi sur les biens culturels.
Que je sache, jamais personne n'a contesté la légalité des
dispositions de la Loi sur les biens culturels.
M. Hains: Je vais me fier... M. Richard: En tout
cas...
M. Hains: Oui, c'est cela. Cela pourrait devenir tout de
même un sujet de contestation, non?
M. Richard: C'est davantage une réponse d'avocat que de
député.
M. Hains: Pardon?
M. Richard: ...une réponse d'avocat que de
député. Mais à première vue je ne vois pas...
M. Hains: Non, je vous le demande bien sincèrement.
M. Richard: ...mais on va l'analyser toutefois.
M. Hains: Une autre question aussi que vous pose M. Caya. C'est
en haut de la page 7. Le problème de la propriété des
archives créé par les professeurs.
M. Richard: Oui.
M. Hains: On semble un peu dire ceci: Que la loi devrait contenir
une précision concernant ce matériel de sorte que les chercheurs
et les créateurs des universités ne soient pas
inquiétés outre mesure.
M. Richard: Les publications des professeurs sont toujours leur
propriété.
M. Hains: Je vous demande cela parce que vous n'aviez pas
répondu à l'inquiétude de M. Caya sur ce sujet. Il en
faisait un article au début de la page 7.
M. Caya: C'est qu'avant d'en arriver aux publications les
professeurs créent un matériel de recherche assez important dans
le cadre de leurs fonctions normales. On pourrait, dans une application
tatillonne qui n'est pas votre intention, je suis certain, obliger à
faire des calendriers de conservation pour ce matériel et
également obliger ces personnes à verser le matériel aux
archives. C'est simplement le vocabulaire...
M. Richard: Cela ne m'inquiète pas puisque ce sont les
archivistes des universités qui auront à faire appliquer la
loi.
M. Caya: À ce moment-là, si les archivistes des
universités les appliquent en contravention avec la loi, est-ce qu'ils
risquent l'amende ou la prison? Vous leur laissez la porte ouverte pour
m'emprisonner facilement.
M. Richard: II n'y a plus de place dans les prisons, M. Caya.
M. Caya: Vous me rassurez.
M. Hains: Une minute. Madame, juste un instant.
Le Président (M. Brouillet): Mme la député
de Chomedey.
Mme Bacon: Juste une petite question,
M. Caya. À la page 5, il est question du calendrier de
conservation. Est-ce que votre inquiétude s'applique strictement
à votre université ou, suivant les informations que vous nous
donnez, est-ce qu'on pourrait la voir s'appliquer à d'autres?
M. Caya: On a essayé d'adopter une position assez
générale pour se demander quelle serait la façon la plus
pratique et la plus économique de rejoindre les objectifs -parce qu'on
convient que beaucoup de nos budgets proviennent du gouvernement - tout en
n'ajoutant pas aux coûts et aux délais. La solution qu'on propose
ici c'est quelque chose qui se rapproche un petit peu de la proposition
d'agrément de services privés. C'est que, possiblement, un
certain nombre de services d'institutions publiques, déjà
dotés de tous les instruments pourraient être exemptés, au
moins pour une période de début assez longue, de tout ce
processus. À l'Université McGill cela pose un certain nombre de
problèmes parce que le système de gestion est tellement
décentralisé que tout le processus de création
première des calendriers de conservation, s'il est fait de façon
trop rapide, va nous donner des heures de centralisateur, ce qui va nous nuire
dans un programme de gestion des documents qu'on voudrait appliquer trop
rapidement. On a un programme de gestion des documents. On voudrait l'appliquer
en tant que service et non pas en tant qu'application d'une loi. Nous croyons
que c'est la meilleure manière de le faire. Mais cela va prendre du
temps.
Mme Bacon: En fait, M. Caya, ce que vous suggérez comme
correction serait sur ce droit d'inspection qui pourrait être
exercé périodiquement, par exemple. Est-ce que vous iriez aussi
loin qu'indiquer les périodes?
M. Caya: En fin de compte, si un service d'archives agissait
comme il le devait, les gens pourraient venir inspecter n'importe quand. On
pourrait leur ouvrir nos livres comme on ouvre nos livres comptables.
Mme Bacon: Vous n'iriez pas aussi loin qu'indiquer la
période, dans la réglementation, par exemple?
M. Caya: Je ne pense pas que ce serait nécessairement
utile. Je pense que leur personnel a beaucoup d'autres chats à fouetter.
S'ils veulent venir vérifier comment cela se fait, bien ou mal, ils sont
libres de venir le faire.
Mme Bacon: Merci.
M. Hains: Juste une petite remarque pour terminer. Je m'excuse,
M. Caya, je vous appelais M. Caza, peut-être parce que vous avez l'air
d'un monseigneur, Mgr Caza. Je vous remercie de votre mémoire.
M. Caya: C'est la première fois que j'entends cela.
Mme Bacon: Ce n'est pas la même religion.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Caya.
MM. Gilbert Caron, Guy Dinel, Gérard Goyer et
Mme Carole Saulnier
J'invite maintenant les représentants du groupe de MM. Gilbert
Caron, Guy Dinel, Gérard Goyer et Mme Carole Saulnier, archivistes.
Avant de demander au porte-parole de s'identifier, j'ai regardé un peu
votre texte et pour entrer dans les limites de quinze minutes, il faudra soit
accélérer un peu le débit ou en résumer certaines
parties. Je vous laisse le choix. Si vous voulez vous identifier et nous
présenter les personnes qui vous accompagnent.
M. Dinel (Guy): Mon nom est Guy Dinel, à ma gauche, M.
Gérard Goyer, à ma droite Mme Carole Saulnier et M. Gilbert
Caron.
M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les
députés, sans être les représentants officiels de
l'institution qui nous emploie, je tiens à préciser au
départ que le présent mémoire a été
principalement étudié en fonction de l'application du
présent projet à un organisme décrit aux paragraphes 4
à 7 de l'annexe. Les archivistes et les autres personnes
intéressées à la protection et à la mise en valeur
du patrimoine archivistique québécois attendent depuis fort
longtemps une législation portant spécifiquement sur les
archives. Une telle législation n'a jamais été
adoptée au Québec et cette lacune s'est fait sentir à
plusieurs reprises au cours des dernières années. Parce que les
archives constituent une partie importante du patrimoine culturel
québécois, il importe de leur accorder une attention
particulière.
Le projet de loi sur les archives est annoncé depuis
déjà quelques années mais sa préparation
était entourée d'un mystère qu'on qualifie
d'impénétrable. Cette préparation sans consultation
préalable a semé le doute et même l'inquiétude dans
l'esprit de plusieurs personnes. Ceci est malheureux car la mise en place d'une
telle législation nécessitera la collaboration de tous les
intervenants.
La préparation du projet de loi 3 sur les archives a
nécessité plusieurs années de réflexion au sein de
l'appareil gouvernemental et il est malheureux que les personnes et les
organismes intéressés par ce projet de loi ne puissent disposer
que de quelques jours pour l'analyser et le commenter. À notre avis, un
délai plus long aurait été justifié compte tenu de
l'absence de consultation préalable et du fait que le projet de loi
s'adresse à toute une variété d'organismes tant publics
que privés.
Je vais essayer de vous présenter rapidement des commentaires
généraux et encore plus rapidement passer à des
commentaires spécifiques article par article.
Nul ne peut s'élever contre la vertu et c'est pourquoi nous
adhérons aux principes généraux qui sous-tendent le projet
de loi 3. Assurer la conservation, la mise en valeur et la diffusion des
archives publiques et encourager les détenteurs d'archives
privées à en prendre soin sont autant d'éléments
qui doivent effectivement servir de base à une loi sur les archives au
Québec. Ces objectifs témoignent de la volonté
réelle du gouvernement de préserver cette partie importante du
patrimoine national. Pourtant tout en étant d'accord avec les principes
de base du projet de loi, nous croyons que, dans sa forme actuelle, le texte
présenté ne permettra pas d'atteindre tous les objectifs
fixés.
Je vais essayer de faire assez rapidement quelques commentaires
généraux. Le premier, la portée du projet de loi. Dans sa
forme actuelle, le projet de loi no 3 est conçu pour être
appliqué d'abord et avant tout aux organismes publics décrits aux
paragraphes 1 à 3 de l'annexe.
La formulation de certains articles, notamment les articles 10, 16, 19,
29, 30, 31, 32, 33 et 34 laissent croire que le
législateur a parfois oublié d'adapter le texte de loi
à la réalité des différents types d'organismes
touchés par la loi.
D'une part, par exemple, les catégories de documents
décrits à l'article 16 ont leur pendant dans les
universités et dans les municipalités.
D'autre part, les articles 29, 30 et 31 laissent croire que toutes les
archives privées sont remises au ministre alors que dans les faits
certaines institutions publiques, par exemple, les universités, en font
déjà l'acquisition directement.
À notre avis, dans sa forme actuelle, le projet de loi no 3 ne
devrait pas être appliqué aux organismes décrits aux
paragraphes 4 à 7 de l'annexe. Il ne tient pas compte de la
réalité de leur fonctionnement, cette lacune s'expliquant
principalement par le manque de consultations préalables.
Dans un premier temps, le gouvernement devrait limiter son action aux
archives des organismes publics décrits aux paragraphes 1 à 3 de
l'annexe.
Je passe sur la question de la terminologie en insistant juste sur un
mot qui m'apparaît important, le mot "conservation", qu'on utilise
à toutes les sauces. On n'en a pas parlé beaucoup hier; il
faudrait préciser ce terme "conservation". Il peut avoir un sens
très restrictif ou un sens très large.
Les pouvoirs du ministre. Limite du mandat. Il est souhaitable que la
loi sur les archives fournisse au ministre des Affaires culturelles des moyens
efficaces d'intervention sur tous les documents produits par l'État et
ce, indépendamment que ces documents soient actifs, semi-actifs ou
inactifs.
La gestion des documents administratifs actifs et semi-actifs a une
influence directe sur la constitution des archives proprement dites d'où
la nécessité d'une action concertée. À cet
égard, il y a donc lieu de déplorer que le projet de loi 3 limite
à un timide rôle de conseiller, à l'article 38,
l'intervention du ministre des Affaires culturelles dans le domaine de la
gestion des documents actifs et semi-actifs et restreigne son action aux
documents inactifs et aux documents énumérés à
l'article 16.
À notre avis, l'intervention prévue au niveau des
calendriers de conservation est nettement insuffisante. On a parlé hier
des modèles de fonctionnement en vigueur aux Archives publiques du
Canada et au National Archives and Records Service aux États-Unis. En
plus de limiter l'action du ministre des Affaires culturelles aux seuls
documents inactifs, le projet de loi no 3 contient diverses dispositions qui
restreignent également l'intervention du ministre auprès de
certaines personnes et de certains organismes. C'est notamment le cas pour les
élus titulaires d'une fonction non élective (article 10), pour
les membres de l'Assemblée nationale (article 19 ) et pour les
organismes publics qui détiennent les archives décrites aux
paragraphes 1 à 5 de l'article 16. Ainsi donc, contrairement aux
attentes, le projet de loi ne désigne pas une autorité unique qui
serait responsable de la conservation des archives publiques au niveau
gouvernemental.
Pouvoirs discrétionnaires. Tels que formulés, certains
articles du projet de loi laissent entendre que le ministre peut agir de
façon unilatérale dans le domaine des archives. Ce pouvoir n'aura
certes pas pour effet de rétablir le climat de confiance souhaité
vis-à-vis de la loi sur les archives dont la préparation a
déjà semé l'inquiétude. Par exemple, selon
l'article 14, le ministre peut déposer à ses propres conditions
des archives publiques auprès d'un organisme public ou d'un service
d'archives privées agréé. Cet article ne laisse donc
aucune place à la négociation, faisant fi de toute entente
préalable. Je me fie au texte exact de la loi.
Je vais parler directement de la délégation. Le projet de
loi no 3 confère des pouvoirs étendus au ministre des Affaires
culturelles. Certes, bien que cela n'apparaisse pas explicitement dans le texte
du projet de loi, il va de soi que le ministre déléguera au
conservateur des Archives nationales du Québec la plus grande partie de
ses pouvoirs en ce domaine. Or, compte tenu de l'ampleur de la tâche
à accomplir, nous croyons que cette délégation sera
insuffisante, surtout en ce qui concerne les articles touchant les organismes
publics décentralisés. L'article 43 prévoit une
disposition à cet effet, mais nous croyons qu'il devrait être
précisé. À certaines conditions, le ministre devrait
désigner un responsable de l'application de la loi sur les archives dans
un organisme public décentralisé. Dotée de toute
l'autorité nécessaire, cette personne pourrait intervenir
à tous les niveaux de l'organisme et négocier toutes les ententes
relatives aux archives avec le ministre des Affaires culturelles. Cette
délégation de pouvoir a pour but de réduire les
coûts d'application de la loi sur les archives, d'en améliorer
l'efficacité concernant l'application tout en respectant les principes
fondamentaux contenus dans le projet de loi. À ce sujet, il y aurait
peut-être lieu de s'inspirer de certains articles de la loi 65.
Légalisation de certaines pratiques non conformes à la
protection du patrimoine archivistique québécois. En fait, je
pense que je n'insisterai pas sur cette question. Cela touche, finalement, les
espèces de privilèges, qu'on semble percevoir, accordés au
législateur. Autrement dit, la loi est très contraignante pour la
plupart des organismes publics et privés et même pour des
individus, tandis que les articles 10 et 19 laissent voir
qu'il y aurait peut-être deux poids, deux mesures.
La réglementation. Il importe maintenant de bien distinguer ce
qui peut faire l'objet de la loi et ce qui devrait plutôt être
réservé aux règlements. Cette pratique,
généralement acceptée, a été
respectée dans le cadre de l'élaboration du projet de loi no 3,
ce qui empêche de bien saisir le véritable sens de certains
articles et leurs réelles implications. En effet, le projet de loi sur
les archives comprend quatre articles (13, 14, 18 et 26) dont la signification
est intimement liée aux règlements. Dans le cas de ces articles,
dont certains sont fondamentaux, c'est la réglementation qui
précisera leur véritable portée. Il va de soi que cette
situation empêche toute discussion sur les articles en question.
Quant aux commentaires particuliers, j'y vais très
rapidement.
Les articles 2 et 3. Je veux tout simplement apporter mon appui à
un témoignage qui est venu hier de la part du Séminaire de
Québec voulant que - je pense que le ministre n'a pas répondu
à toutes ces questions - les organismes qui ont une charte, les
organismes anciens du genre du Séminaire de Québec, qui disposent
de documents anciens et qui sont, si on s'en fie à la description de
l'annexe, subventionnés seulement depuis 1969-1970... Dans les
mêmes archives on peut retrouver des archives publiques au sens de la loi
et des archives privées. Je pense qu'il y aurait lieu de... C'est tout
simplement un appui à une intervention d'hier.
En ce qui concerne les articles 6, 7 et 8, on peut dire que les
principaux problèmes anticipés à ce chapitre sont
liés, à notre avis, à la nécessité pour les
organismes de soumettre leur calendrier de conservation à l'approbation
du ministre des Affaires culturelles. Le nombre d'organismes touchés par
la loi, près de 5000, et la diversité des champs
d'activité des commissions scolaires, des maisons d'enseignement, des
municipalités nuiront à l'application de l'article 8. À
notre avis, le ministre des Affaires culturelles ainsi que la Commission des
biens culturels ne possèdent pas actuellement l'expertise
nécessaire à l'évaluation des calendriers de conservation
de tous les organismes visés par la loi.
Il y a danger que l'application de cet article 8 retarde indûment
la procédure d'élaboration et de mise en oeuvre des calendriers
de conservation. Le ministre devrait restreindre son action à cet
égard aux organismes publics décrits aux paragraphes 1 à 3
de l'annexe. En ce qui concerne les organismes publics
décentralisés il devrait, à certaines conditions,
déléguer cette responsabilité à une personne
possédant l'expertise nécessaire au sein de l'organisme ou d'un
ensemble d'organismes.
Je passe rapidement, je m'excuse. À l'article 38, le
deuxième paragraphe laisse entendre que la politique de gestion des
archives publiques implique une intervention du ministre des Affaires
culturelles en ce qui a trait aux documents actifs et semi-actifs. Il serait
déplorable que le ministre des Affaires culturelles agisse uniquement
à titre de conseiller en cette matière. En effet, une action
concertée en ce qui concerne les documents actifs et semi-actifs est
nécessaire et vitale pour assurer une gestion efficace des archives
publiques.
Aux articles 49, 50 et 51, les amendes prévues ne semblent pas
toujours proportionnelles à la gravité de l'offense, à
notre point de vue. Ainsi, le fait de ne pas avoir préparé un
calendrier de conservation ou de ne pas l'avoir fait approuver n'est passible
que d'une amende mineure, de 50 $ à 500 $, tandis que la personne qui
déménage des documents anciens - c'est peut-être souvent un
individu, une personne physique - si elle n'a pas averti le ministre, est
passible d'une amende qui peut s'élever jusqu'à 25 000 $. Cette
différence est importante à notre point de vue, compte tenu du
fait que le calendrier de conservation constitue un point majeur du
présent projet de loi.
En conclusion, les principes généraux qui sous-tendent le
projet de loi 3 sont louables parce qu'ils visent à mettre en place pour
la première fois au Québec une politique nationale de gestion des
archives. En obligeant les organismes publics à conserver et à
mettre en valeur leurs archives et en encourageant les services d'archives
privées à en faire autant, le législateur manifeste sa
ferme intention de protéger spécifiquement cette partie du
patrimoine culturel québécois.
Malgré le consensus qui semble se dessiner en faveur des
objectifs généraux visés par le projet de loi, l'analyse
des articles nous amène à des conclusions passablement
différentes car les moyens mis de l'avant pour atteindre ces objectifs
sont insuffisants, à notre avis. L'absence d'une autorité unique
qui serait responsable de la gestion des archives publiques, la timide
intervention du ministre des Affaires culturelles dans la gestion des documents
actifs et semi-actifs, et la protection de certaines chasses gardées ne
sont que quelques exemples de lacunes constatées au cours de notre
analyse. À la rigueur, moyennant des modifications importantes, ce
projet de loi est acceptable si sa portée est restreinte aux organismes
publics décrits aux paragraphes 1 à 3 de l'annexe.
Si le législateur maintient son intention d'intervenir
auprès de tous les organismes publics et auprès des archives
privées, le projet de loi devrait tout simplement être
retiré et réexaminé dans son entier après
avoir fait l'objet d'une consultation beaucoup plus large.
Je tiens cependant à préciser qu'il faudrait quand
même que ce délai de consultation se fasse dans une période
relativement courte.
Merci.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Merci.
Est-ce que M. le ministre aurait quelques commentaires?
M. Richard: Oui, je voudrais remercier M. Dinel et dire, en ce
qui a trait aux universités et à la question qu'il posait,
à savoir la distinction à faire entre les archives privées
et les archives publiques, que quand il s'agit des universités, en vertu
de l'annexe, tel que proposé dans le projet, les universités sont
des institutions publiques au sens de la loi.
M. Dinel: Le seul problème, à mon point de vue, ce
serait pour les fonds privés qui sont déjà détenus
par les universités. Ce sont des fonds privés qui sont acquis au
moyen de contrats. (Il h 45)
M. Richard: Ce serait la même règle qui
s'appliquerait pour nous en ce qui a trait à l'acquisition des fonds
privés. D'autre part, M. Dinel fait remarquer que l'exercice auquel on
procède présentement est peut-être l'exercice de
consultation le plus transparent, le plus utile et le plus démocratique.
Compte tenu des 53 mémoires qui auront été
déposés, vous ne me suggérez tout de même pas de
recommencer après.
M. Dinel: Non. J'ai bien...
M. Richard: J'imagine que vous me suggérez de tenir compte
des recommandations et des suggestions qui ont été
formulées, mais vous ne me suggérez pas de revenir en commission
parlementaire avec le projet de loi tel qu'amendé.
M. Dinel: Non. La seule chose que je déplore, en fait...
Je pense que j'ai insisté là-dessus, j'ai parlé souvent de
consultation préalable. Je pense qu'il y aurait eu lieu de faire une
consultation peut-être moins démocratique auprès des
représentants de certains types d'organismes touchés par le
projet de loi et je pense surtout aux organismes publics
décentralisés.
M. Richard: Depuis que j'ai effectué cette grande
tournée dans le Québec, j'ai nettement un préjugé
à l'égard des consultations très ouvertes et très
transparentes.
M. Dinel: Je ne pense pas que ce soit à l'occasion de
consultations publiques de ce type qu'on puisse avoir des résultats
concrets dans la préparation du projet de loi.
M. Richard: Parce que autrement, on aurait pu m'accuser d'avoir
concocté cela en catimini avec quelques intervenants. Là, tous
les intéressés pouvaient se présenter et formuler leurs
recommandations. Je me sens bien plus en mesure maintenant de bonifier le
projet de loi que je ne l'aurais fait en consultant deux ou trois groupes ou
quatre ou cinq individus. C'est la consultation la plus large possible qui est
celle de la consultation après la première lecture.
M. Dinel: II ne faut pas oublier, M. le ministre, que votre
tournée, si je me souviens bien, s'inscrivait dans le cadre d'une
tournée très générale, basée sur la
régionalisation du ministère des Affaires culturelles. À
ce moment-là...
M. Richard: C'est vrai. Il y a eu 22 mémoires, toutefois,
sur les archives, mais là, plus 53, je commence à appeler cela de
la consultation.
M. Dinel: D'accord.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Saint-Henri aurait-il un mot à nous dire?
M. Hains: Seulement un petit mot. Vous voyez, M. Dinel, que M. le
ministre a vraiment l'estomac délicat et qu'il a vraiment de la
misère à digérer certaines pilules, surtout celle que vous
lui offrez à la fin de votre mémoire où vous dites: "Si le
législateur maintient son intention d'intervenir auprès de tous
les organismes publics..."
M. Richard: M. le Président, je vous l'ai rappelé
hier matin, c'est le matin que le député de Saint-Henri devient
partisan.
Des voix: Ah! Ah!
M. Hains: Je suis très heureux de voir que ma partisanerie
est partagée par presque tous ceux qui présentent des
mémoires. En tout cas... Il faudrait retirer ce projet de loi, le
réexaminer en entier après avoir fait l'objet d'une consultation
beaucoup plus large. Voilà la conclusion qu'apportait M. Dinel.
C'était seulement pour taquiner un peu M. le ministre.
M. Richard: Pourriez-vous lui poser une question pour moi?
Qu'entend-il par "une consultation plus large"? Là, il y a 53
mémoires. Doit-on...
M. Hains: II vient justement de le dire.
M. Dinel: En fait, c'est une consultation plus étendue
dans le temps, dans le sens que... Je parle pour les organismes publics
décentralisés. Parfois, c'est seulement changer un mot ou deux
à certains articles du projet de loi. Or, la préparation du
présent mémoire - je vous le dis franchement - cela s'est fait
à la course. Cela s'est fait rapidement, compte tenu des délais.
Il ne nous a pas été possible de faire une analyse très
méticuleuse de chacun des articles et leur portée réelle,
parce que certains articles portent à interprétation. Je tiens
bien, par exemple, à rappeler au porte-parole de l'Opposition que nous
adhérons au principe du projet de loi et nous tenons à ce qu'un
projet de loi sur les archives soit adopté dans les meilleurs
délais, sauf qu'en ce qui concerne les organismes publics
décentralisés, je pense qu'il y aurait moyen de...
M. Hains: Moi aussi, M. Dinel. Je suis vraiment d'accord avec
vous là-dessus, parce que comme vous le dites, on ne peut pas être
contre la vertu et comme je suis un homme vertueux, j'accepte, moi aussi, les
grands principes qui sous-tendent ce projet de loi. Mais comme vous aussi, j'ai
beaucoup d'appréhension quant à la façon dont c'est
présenté.
M. Richard: Cela vous arrive d'être contre la vertu!
M. Hains: Seulement une petite question avant de terminer.
À la page 6 de votre mémoire, vous dites ceci: "Le ministre
devrait désigner un responsable de l'application de la loi des archives
dans un organisme public décentralisé." Avez-vous une
idée, quand même... Qui pourrait être cette personne?
M. Dinel: Oui. En fait, on en a parlé hier. Cela peut
prendre la forme, par exemple, dans les municipalités... Je dis bien,
par exemple, à certaines conditions. Il faudrait qu'elle remplisse
certaines conditions préalables, autrement dit, être reconnue
comme ayant une certaine expertise dans le domaine des archives. Ce pourrait
être, par exemple, dans le cas d'une municipalité, le greffier ou
l'archiviste. Dans le cas des universités, ce pourrait être le
secrétaire général de l'institution qui, par son mandat, a
déjà la responsabilité de s'occuper des archives de
l'institution.
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président, j'aimerais poser une question
concernant les pouvoirs discrétionnaires et revenir là-dessus,
parce que le ministre, de temps à autre, pense qu'il en a trop et,
d'autres fois, qu'il n'en a pas assez. Je ne voudrais pas qu'il s'en plaigne.
Vous indiquez qu'à l'article 14, le ministre peut déposer,
à ses propres conditions, des archives publiques auprès d'un
organisme public ou d'un service d'archives privées agréé.
Cet article ne laisse donc aucune place à la négociation faisant
fi de toute entente préalable. Est-ce que vous avez
préparé un article que vous aimeriez voir à la place de
l'article 14 ou si vous attendez qu'il y ait des corrections de faites?
M. Dinel: Non, c'est parce qu'il en a été question
hier et je pense qu'il s'agirait tout simplement d'ajouter quelques chose
après "entente préalable".
Mme Bacon: Et cela satisferait, d'après vous, l'ensemble
des groupes qui viennent ici.
M. Dinel: Oui. Cela s'applique à différents autres
articles aussi. Il s'agirait simplement d'ajouter un mot ou deux. Cela nous
satisferait.
Mme Bacon: Parce que le ministre va certainement en prendre bonne
note.
Une voix: Certainement.
M. Richard: C'est déjà fait, Mme la
députée de Chomedey. Cela a été fait hier soir.
Une voix: C'est un ministre intelligent.
Mme Bacon: Mon autre question s'adresse au ministre. À la
page 9 du mémoire, on indique que le Séminaire de Québec
et le monastère des Ursulines constituent deux bons exemples à
cet égard. En conséquence, les archives de ces organismes
sont-elles toutes publiques, à la fois publiques et privées ou
privées? Le projet de loi devra être clarifié à ce
sujet.
M. Richard: C'est privé cela, hein?
Mme Bacon: Je pense que ce serait au ministre de
répondre.
M. Richard: Les archives de l'enseignement sont publiques et les
archives de la communauté sont privées.
Mme Bacon: Est-ce que cela répond à votre
question?
M. Dinel: À partir de quelle date? Les archives de
l'enseignement au Séminaire de Québec peuvent remonter à
1670, 1680. Le Séminaire de Québec est un organisme
subventionné seulement depuis 1969.
M. Richard: À partir du moment où elles sont
reconnues d'intérêt public.
M. Dinel: D'accord.
Le Président (M. Brouillet): Merci beaucoup.
M. Richard: Merci, M. Dinel, à vous et à vos
collègues.
Le Président (M. Brouillet): Nous allons entendre
maintenant des représentants de l'Université du Québec
à Rimouski. Je demanderais à la représentante de
s'identifier, s'il vous plaît!
Professeurs d'histoire de l'UQAR
Mme Thivierge (Nicole): Je suis Nicole Thivierge. Je parle au nom
des professeurs d'histoire du département des lettres et sciences
humaines de l'Université du Québec à Rimouski.
C'est en tant qu'utilisateurs et utilisatrices d'archives que nous
venons nous exprimer ici et non pas comme archivistes. C'est un mémoire
très court peut-être à cause de l'esprit de synthèse
légendaire des historiens. C'est un mémoire peut-être plus
intuitif dans le sens que nous ne connaissons pas tous les mécanismes de
la profession d'archiviste. Mais cela laissera plus de place aux questions des
membres.
M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les membres de la
commission, les archives constituent la mémoire d'un peuple. Toute
action entreprise afin de veiller à leur conservation et à leur
diffusion se révèle profitable à sa quête
d'identité, à sa prise de conscience nationale et à son
épanouissement.
Les historiens et historiennes du département des lettres et
sciences humaines de l'Université du Québec à Rimouski ne
peuvent qu'approuver le principe d'un projet de loi qui prévoit assurer
la conservation, la mise en valeur et la diffusion des archives publiques et
semi-publiques, même en incitant les détenteurs d'archives
privées à les rendre accessibles et en tentant de contrôler
le transport des documents historiques hors du Québec.
Permettez-nous, cependant, d'exprimer certaines réserves quant
à son application. En effet, un aspect important de ce projet de loi
nous laisse perplexe à cause des dangers qu'il contient. Il s'agit du
contrôle total que l'on semble octroyer au ministre. Je comprends qu'on
va parler de délégation de pouvoirs, mais, à un moment
donné, tel que présenté présentement, cela nous
paraît dangereux, et non seulement dans cette loi, mais aussi dans toutes
les autres lois concernant les archives, tel que précisé aux
articles 56, 57, 58 du chapitre VIII.
Nous comprenons ici que les Archives nationales du Québec ainsi
que leur conservateur et les autres fonctionnaires n'existent plus
légalement, qu'ils deviennent "la chose" du ministre. Nous croyons
urgent de nous interroger sur les risques que présente un tel
phénomène qui laisserait tout le contrôle de la
conservation - et surtout de l'élimination - des documents à
l'arbitraire politique, alors que ce contrôle devrait se trouver entre
les mains de fonctionnaires compétents, formés pour cette
tâche et, en principe, neutres.
Prenons l'exemple de l'article 21 de la section II du chapitre III du
projet de loi qui dit: "...le ministre peut autoriser l'élimination
d'archives publiques qu'il estime irrémédiablement
détériorées. Il peut également autoriser
l'élimination d'archives publiques dont il estime que la conservation ne
présente plus d'intérêt historique". Comment un ministre,
un politicien peut-il se targuer de posséder la compétence voulue
pour juger de l'état d'un document ou de sa pertinence historique? Nous
le verrions plus apte à estimer sa pertinence politique...
Jusqu'à quel point ne risque-t-il pas lui-même d'être
tiraillé par certains conflits d'intérêts?
Nous avons déjà souligné l'importance de cette loi
en regard de son incitation à la conservation des archives
privées. Compte tenu de l'importance de certaines de ces archives - je
pense aux archives des communautés religieuses,
d'évêchés, de fabriques et j'en passe - n'y aurait-il pas
lieu de donner un peu plus de mordant à cette loi? On sait que certains
de ces documents regorgent de données très riches sur notre
passé lointain, 100 ans et plus, et dans certains cas, ces mêmes
données sont uniques. Quant au contrôle sur l'exode des documents
à l'étranger, on y a vu seulement dans le moment une
espèce de contrôle d'inventaire. C'est-à-dire qu'on garde
un contrôle de ce qui part, mais on n'empêche pas les documents de
partir. Cela nous semble une bonne idée, mais ça ne va
peut-être pas assez loin.
On a donc voulu présenter un mémoire très succinct
afin de ne pas perdre de vue l'essentiel. Si ce projet de loi est rempli de
promesses - on est pour le principe du projet de loi - il ouvre aussi la porte
à une pratique dangereuse où risquerait de trôner un
arbitraire politique menaçant notre histoire. Un peuple sans histoire
n'a pas de conscience, et sans conscience, il ne peut accéder à
son autonomie. Je termine ici.
M. Richard: Je vous remercie, Mme Thivierge. J'ai une question
à vous poser.
Mme Thivierge: Oui.
M. Richard: Le conservateur, de qui voulez-vous qu'il
relève?
Mme Thivierge: Je comprends qu'il peut relever d'un
ministère. Quand je parle du conservateur, je parle de l'institution, du
poste. En aucune façon son rôle ou sa tâche n'est
soulignée dans le projet de loi. Quand on pense conservateur, on pense
ministre. C'est toujours le ministre. Pour moi, un conservateur ou tout haut
fonctionnaire qui s'occupe de la gestion de documents historiques ou non, c'est
un fonctionnaire, ce n'est pas un politicien. Il me semble que sa place doit
être soulignée, de même que pour les archives. Je
n'étais pas là hier, pour les séances de la
journée, peut-être que ces cas ont été
réglés.
M. Richard: Mais il faut bien que le conservateur relève
d'une autorité ultime.
Mme Thivierge: Oui.
M. Richard: Cette autorité ultime, ce n'est qu'une
technique législative, mais à laquelle on est forcément
assujetti. Il faut bien inscrire le ministre, mais pensez-vous que c'est le
ministre qui, quotidiennement...
Mme Thivierge: Absolument pas.
M. Richard: ...va régler les problèmes des Archives
nationales?
Mme Thivierge: Absolument pas. M. Richard: C'est le
conservateur.
Mme Thivierge: Mais tel que le projet de loi est
rédigé, on ne sent pas ces pouvoirs. Il peut faire ceci, il peut
faire cela.
M. Richard: Je vais vous donner un exemple: La loi dit que c'est
le ministre de la Justice qui poursuit dans les millions de causes qu'il y a au
Québec. Inutile de vous dire que le ministre de la Justice n'en prend
pas une, n'en plaide pas une.
Mme Thivierge: Non, non.
M. Richard: Elle dit même que c'est lui qui plaide pour la
couronne, mais ce sont les procureurs de la couronne.
Mme Thivierge: Mais pourquoi, alors?
M. Richard: II faut que ce soit rattaché à une
autorité ultime. On ne peut laisser dans le vide juridique, si je peux
m'exprimer ainsi, le conservateur et les Archives nationales.
Mme Thivierge: Je comprends, mais pourquoi le conservateur et les
Archives nationales ne paraissent-ils pas dans la loi?
M. Richard: Parce que dans toutes les lois à travers le
monde où il est question d'Archives nationales et de conservateur, c'est
dans les règlements que cela paraît, parce que les Archives
nationales sont une direction générale du ministère des
Affaires culturelles. Le directeur général des Archives
nationales est le conservateur. (12 heures)
Mme Thivierge: Dans cette loi-ci, le ministre peut faire ceci ou
peut faire cela.
M. Richard: Oui, mais c'est toujours comme cela.
Mme Thivierge: Après avoir consulté une commission,
disons, ou les fonctionnaires compétents, mais il peut ou ne peut pas
ou, enfin, ne doit pas. Je comprends que c'est une institution et que ce sont
des termes. Par contre, je ne vois pas pourquoi dans la loi que
n'apparaîtrait...
M. Richard: Jamais on ne voit apparaître l'organigramme
d'un ministère dans une loi.
Mme Thivierge: Non, sans parler de l'organigramme. Là,
c'est un peu exagéré.
M. Richard: Bon. Alors, si je parlais, par exemple, des Archives
nationales, qui est une direction générale du ministère,
cela m'amènerait peut-être aussi à parler de la Direction
générale du patrimoine et des autres directions
générales du ministère ou de celle des arts et des
lettres.
Mme Thivierge: Comment se fait-il que dans les autres lois les
mots "Archives nationales" apparaissaient?
M. Richard: Non. Les mots "Archives nationales" apparaissaient
une fois, je le répète, à l'article 20...
Mme Thivierge: Oui, c'est cela. Je n'étais pas
là.
M. Richard: ...de la Loi sur le ministère des Affaires
culturelles parce que les Archives nationales, avant la création du
ministère des Affaires culturelles, étaient un service du
Secrétariat de la province. On a voulu dire par là que ce service
relevait du ministère des Affaires culturelles, et la définition
qui apparaît signifie uniquement un regroupement de documents et non pas
une institution ou une entité juridique.
Mme Thivierge: II est sûr que dans tout ce jargon
juridique, on peut discuter longtemps. Cela nous paraissait, tel
qu'exprimé, dangereux. On se sentait pris. Comme c'est important
pour nous, non seulement comme métier mais aussi comme les documents
anciens sont très importants et, sans parler du présent
gouvernement, une loi est faite pour...
M. Richard: Non, cela veut dire qu'à ce moment-là
c'est le ministre qui, ultimement, prend la décision.
Mme Thivierge: C'est cela.
M. Richard: Mais c'est une décision des Archives
nationales qu'il ratifie.
Mme Thivierge: Oui, mais il peut prendre des décisions
sans passer par les Archives nationales. Je veux dire qu'un ministère
peut brûler des documents à un moment donné dans son
histoire. Enfin, juridiquement.
M. Richard: C'est assez impensable.
Mme Thivierge: Oui, mais il peut le faire.
M. Richard: Oui, mais le ministre des Affaires culturelles ne
resterait pas là longtemps, s'il faisait cela. Il faut raccrocher cela
à une autorité quelconque.
Mme Thivierge: Oui.
M. Richard: II ne faut pas que ce soit dans le vide. Quand vous
lisez "le ministre des Affaires culturelles...", transposez par "le
conservateur" et cela va vous donner exactement la réalité du
vécu.
Mme Thivierge: Oui, j'ai bien vu. D'accord. Mais l'inverse peut
aussi se transposer. Cela veut dire que cela laisse la place à l'inverse
aussi. Chaque fois qu'on pense que ce peut être les fonctionnaires
compétents qui font telle ou telle élimination de dossiers ou
telle conservation, on peut lire aussi "le politicien".
M. Richard: Oui. Vous semblez ne pas avoir plus d'estime qu'il
n'en faut pour les hommes et les femmes politiques.
Mme Thivierge: Non. Je suis peut-être réaliste. Je
pense, comme historienne, qu'en regardant le passé, je regarde aussi
beaucoup l'avenir. Je pense aussi à tous les gouvernements qui vont se
succéder...
M. Richard: Vous savez, je suis un ancien professeur d'histoire
qui a mal tourné.
Mme Thivierge: Oui.
M. Richard: Mon collègue également est un ancien
professeur d'histoire, voyez-vous. M. Hains: On le sait.
Une voix: ...du Collège royal de Saint-Jean.
M. Hains: ...et de poésie.
M. Richard: Je vous remercie encore une fois, Mme Thivierge.
M. Hains: Mme Thivierge, votre mémoire est vraiment court
mais rempli de belles phrases qui cachent, cependant, des inquiétudes.
J'espère que cette confession que vous venez de faire, qui est
légitime, va vraiment vous apporter la paix. À se confesser,
paraît-il que cela fait du bien.
Vous dites, à la fin: "Si ce projet de loi est rempli de
promesses, il ouvre aussi la porte à une pratique dangereuse où
trônera un arbitraire politique menaçant notre histoire". Vous
écoutez. Ce n'est pas moi qui ai dit cela, c'est madame. "Un peuple sans
histoire n'a pas de conscience..."
M. Richard: Elle ne l'a pas dit sur le même ton, par
contre.
M. Hains: "Sans conscience, il ne peut espérer
accéder à son autonomie". J'espère que vous ne voulez pas
dire autre chose que ce que vous dites là, n'est-ce pas? D'accord.
Mme Thivierge: J'ai l'habitude de...
M. Hains: Maintenant, une seule petite question, Mme Thivierge.
À un moment donné, à la page 2, vous dites ceci: "Compte
tenu de l'importance de certaines de ces archives, les archives de
communautés religieuses, d'évêchés et de fabriques,
n'y aurait-il pas lieu de donner plus de mordant à cette loi?"
J'aimerais savoir ce que vous voulez qu'on morde de plus là-dedans?
Mme Thivierge: Cela revient un peu à ce qui a
été dit tout à l'heure. On parlait du Séminaire de
Québec, des Ursulines qui regorgent de documents très
précieux et très riches. Je conçois que ce sont des
archives privées et que cela leur appartient. N'y-aurait-il pas des
moyens d'incitation un peu plus forts pour permettre que certaines parties de
ces documents qui ne regardent pas la communauté, les choses
privées de la communauté, soient un peu plus faciles
d'accès? Dans le cas de ces vieilles institutions religieuses, souvent
ce sont les seuls documents qu'on a sur un sujet donné. Je pense aussi
aux archevêchés. On a un peu répondu à cela. La
partie publique de leurs activités, comme l'enseignement
subventionné, sera à l'avenir ouverte.
M. Hains: Je vous remercie.
Le Président (M. Brouillet): Merci beaucoup, madame. Nous
allons entendre maintenant les représentants du Comité des
chercheurs des Archives nationales du Québec.
Comité des chercheurs des Archives nationales
du Québec
M. Robert (Jean-Claude): Jean-Claude Robert, historien. Je
représente le Comité des chercheurs des Archives nationales du
Québec, comité qui regroupe des chercheurs de nombreuses
disciplines. Il y a des historiens, des généalogistes, des
étudiants en histoire, des historiens amateurs. Le mémoire qu'on
vous a soumis représente le fruit des discussions de ce comité.
C'est donc du point de vue des chercheurs que nous nous sommes
résolument placés. Je ne vous énumérerai pas
l'ensemble du mémoire. Je pense que le temps file et aussi qu'on peut
être désavantagé, étant le dernier intervenant avant
le dîner, ce qui est toujours embêtant. J'aimerais plutôt
soulever trois questions de principe qui nous apparaissent importantes dans ce
projet de loi et ensuite soulever un certain nombre d'interrogations par
rapport aux 25 propositions de modification que nous avons faites.
Tout d'abord, le comité des chercheurs s'estime d'accord avec le
principe d'une loi. On a vu avec plaisir arriver ce projet de loi qui
était attendu - je pourrais citer Deschamps - "attendu comme le Messie".
Néanmoins, la lecture du projet nous a laissés sur notre
appétit et nous laisse très inquiets. Les trois principes, les
voici.
Le premier - on me dit qu'il a été soulevé hier,
vous m'excuserez de revenir là-dessus - c'est la nécessité
d'une meilleure définition des archives. En bonne méthodologie,
il faut commencer par là parce que tout ce dont on va discuter, si on ne
s'est pas entendu sur une définition commune des archives, cela revirera
à un dialogue de sourds. Quand j'ai vu le projet de loi, je me suis
précipité sur mon Littré, le vieux Littré, et j'ai
regardé la définition des archives. On dit que cela vient du grec
-vous le saviez sans doute comme moi - et que, à proprement parler,
c'était la demeure des magistrats supérieurs puis le
dépôt des pièces officielles. C'est comme cela que je
conçois les archives. C'est-à-dire que parmi les pièces
officielles, il y en a qui deviendront historiques, d'autres qui ne le seront
peut-être pas, mais leur principe intégrateur c'est d'être
des pièces officielles. J'ai l'impression que le projet de loi a
fonctionne un peu a l'envers pour définir les archives. C'est un peu
comme si un zoologiste voulait définir les poissons par le filet en
disant: Je fais un filet, je le fous à l'eau et ce qui va ressortir
c'est du poisson. Voilà le concept de poisson que je vais imposer. Je
pense qu'il est extrêmement dangereux de fonctionner comme cela et, pour
nous, il apparaît important qu'on revienne là-dessus et qu'on
remette ce projet-là sur de bonnes bases.
Deuxième principe, qui découle du premier d'ailleurs. Il y
a une nécessité évidente que la loi crée un
responsable unique ayant préséance sur tout pour la conservation
des archives. Je m'explique. C'est bien entendu que dans le projet de loi on
voit apparaître le ministre régulièrement, d'un article
à l'autre. Je n'ai rien contre cela sauf que je sais aussi - on me
détrompera si j'erre - qu'il existe des domaines où le ministre
n'a pas de responsabilité: par exemple, dans le cas des documents
conservés dans les bureaux d'enregistrement. On me dit que cela
relève d'une loi différente de celle des archives. Je dis que
nous avons un besoin essentiel d'un responsable unique qui ait les mêmes
pouvoirs que le Vérificateur général, quelqu'un qui puisse
aller fouiner. Allez-y, je vous le recommande, et vous reviendrez vert de rage
comme moi. Il y en a qui prennent d'autres couleurs, moi je verdis. Vous allez
voir les conditions de conservation de certains documents historiques. Par
exemple, je pense à des livres de renvoi anciens, à des documents
notariés. Je pense aussi à d'autres types de documents. Pensons
à toutes les archives judiciaires de Montréal qui sont dans une
espèce de "no man's land". D'ailleurs, j'y reviendrai tantôt. Ce
projet de loi permet de faire disparaître cela d'un coup de plume. Alors,
on a donc un besoin important d'avoir une autorité qui soit capable
d'intervenir partout où des documents officiels sont conservés et
pourraient être susceptibles d'être mal conservés.
Troisième principe. Pour appuyer ce responsable unique, il est
absolument fondamental qu'il y ait une institution reconnue par la loi et
dotée d'une stature qui en fasse autre chose qu'une officine d'un
ministère pour lui permettre d'être le réservoir de
l'expertise nécessaire à la mise en application de la loi. Je
m'explique. Dans notre esprit au comité, il reviendrait à une
institution - et, bien sûr, cela pourrait être les Archives
nationales du Québec - d'être identifiée comme telle et
d'avoir, non seulement la garde des vieux documents, mais d'avoir la
responsabilité de l'exécution des fonctions d'élagage des
documents semi-actifs et inactifs. Un exemple qui me vient à l'esprit:
on parlait ce matin de confidentialité, mais prenez le cas des dossiers
individuels des militaires canadiens: ils sont conservés et sont la
propriété du ministère de la Défense nationale.
Vous savez comme moi que ces gens-là n'ont pas
l'humour frivole. Alors ils veulent absolument que personne ne mette son
nez là-dedans, sauf que ce sont les archivistes qui en ont la gestion.
Les archivistes font la gérance de ces documents pour le compte du
ministère de la Défense nationale du Canada. C'est à
quelque chose comme cela que je pense lorsque j'évoque l'importance
d'une institution qui soit dotée d'une stature suffisante pour imposer
le respect et, aussi, avoir les moyens d'exécuter ces tâches.
Quant aux 25 projets de modification que j'ai déposés, je
ne voudrais pas les passer sous réserve. Je voudrais peut-être
soulever un certain nombre d'interrogations avant de me taire. La question des
calendriers est absolument fondamentale si on lit entre les lignes et autour
des paragraphes. Bien sûr, un calendrier signifie que c'est par là
qu'on va déterminer le droit de "vie ou de mort" entre guillemets, des
documents. Il m'apparaît important que la juridiction sur ces calendriers
soit bien définie par la loi, beaucoup plus qu'elle ne l'est maintenant.
Autre chose, il m'apparaît également important que dans la
réglementation sur les calendriers ou la définition des
calendriers, on donne les possibilités aux responsables des archives de
retourner dans un organisme public et d'interpeller le calendrier pour en
proposer des modifications. Vous savez, les questions que les historiens posent
changent avec les générations et il est fort possible qu'un
document, qui est tout à fait intéressant pour nous, maintenant,
soit considéré comme absolument inutile dans 75 ans, ou alors,
que par excès de zèle, un archiviste ou un préposé
quelconque ait décidé de conserver tel ou tel mémorandum
téléphonique ad vitam aeternam. Alors, il est important que l'on
puisse revenir là-dessus. Un exemple à ce propos: il y a un
certain nombre d'accidents dans l'histoire où des documents, qui
n'avaient aucune valeur, en ont acquis beaucoup plus tard que lors de leur
préparation. Je pense ici aux documents des baptêmes, des mariages
et des sépultures. Ils étaient faits pour répondre
à des préceptes religieux et, bien entendu, très
rapidement les gens les ont utilisés pour des fins
généalogiques. Mais il a fallu attendre 1946, 1950 pour qu'on
imagine d'utiliser ces sources pour faire la reconstitution de familles. Une
nouvelle discipline est née, c'était la démographie
historique. À l'Université de Montréal, il y a l'immense
projet de M. Hubert Charbonneau, qui est en train, grâce à ces
documents, de tout reconstituer les familles. C'est un exemple pour vous
montrer à quel point il faut faire attention dans des calendriers pour
ne pas détruire et, en même temps, pour laisser une certaine
souplesse aux utilisations futures. (12 h 15)
Autre question. Le fameux article 10, le deuxième alinéa
mérite et si je peux citer Achille Talon ici "Cela me donne même
des petits boutons"... Je ne vois pas pourquoi les archives des ministres ne
seraient pas considérées comme faisant partie des documents
publics; et j'aurais une question là-dessus: où s'arrêtent
les archives personnelles du ministre et celles de son ministère puisque
la loi dit bien: "dans l'exercice de ses fonctions."
Alors, est-ce qu'un malin ministre -parce qu'il y a peut-être des
ministres malins - pourrait vouloir prendre une définition très
extensible et sortir avec toute sa documentation? Est-ce que, techniquement, la
loi, telle que je la lis - à moins que je ne sache pas lire, cela se
peut - permet cela? J'aimerais bien qu'on me réponde
là-dessus.
Autre problème. C'est la question du délai d'application
de la loi, toute la question des dispositions transitoires. Je suis
extrêmement inquiet des grands trous que je vois dans cette loi. Par
bouts, cela me fait penser à un gruyère. Par exemple, à
l'article 61, parce qu'on ne nomme pas les archives judiciaires, si j'ai bien
compris, à un moment donné les archives judiciaires pourraient
simplement, d'un coup de plume, détruire toutes leurs archives parce
qu'elles ne sont pas là-dedans. Je pense qu'il faudrait que toutes la
question des dispositions transitoires soit revue et que l'on fasse bien
attention.
Autre chose aussi. Je parlais avec des collègues historiens et
archivistes qui travaillent dans les municipalités et dans les corps
parapublics. Si on adopte une loi qui est extrêmement contraignante en
termes financiers pour ces corps, j'aurais grand peur que pour éviter
cela, profitant de l'espèce de flottement, on décide de bazarder
tous les documents et qu'on puisse répondre de bonne foi au ministre:
Nous n'avons aucun document inactif ancien. Cela existe déjà
ailleurs. Il y a des municipalités - je ne vous les nommerai pas - qui
disent que toutes leurs archives avant telle date sont disparues
providentiellement dans l'incendie de l'hôtel de ville alors qu'on sait
que ces archives existent. Ma crainte serait justement que, profitant de cette
loi, les archivistes ou les maires décident de faire disparaître
de grands pans parce qu'ils n'auraient pas les moyens de les traiter.
J'aurais pu parler plus longuement mais je voudrais arrêter ici
pour qu'on discute peut-être un peu des questions que j'ai
soulevées. Ah! Une dernière également pour dire que je
trouve les articles 34 et 35 absolument incroyables. Ceux qui font l'obligation
de remettre un document au ministre c'est de faire fi des lois et des pratiques
administratives antérieures à la Confédération. Par
exemple, quand M. Jacques Viger était inspecteur des routes et des
chemins dans la ville de Montréal, vers
1820, les documents qu'il produisait étaient sa
propriété. Or maintenant, c'est considéré comme un
document officiel. Je pense que ces articles ont une espèce de saveur
rétro qui m'inquiète énormément et j'aimerais que
l'on renverse complètement la vapeur sur ces articles et qu'on les rende
plutôt incitatifs pour faire en sorte que les gens qui possèdent
ces documents se fassent connaître. Déjà cela, ce serait
extraordinaire. Autrement je craindrais que ces documents, suivant les
principes bien connus, soient chassés hors du territoire très
rapidement.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Robert. M. le
ministre.
M. Richard: Je vous remercie, M. Robert. C'est fort
intéressant mais je trouve que vous avez évacué certains
problèmes un peu rapidement. Le premier qui me vient à l'esprit
est le problème de la séparation des pouvoirs. Je comprends qu'il
y a les objectifs poursuivis par une loi sur les archives mais je pense que
vous allez reconnaître d'emblée que ces objectifs ne peuvent venir
en contradiction avec les principes fondamentaux de notre régime
politique.
Il y a un principe dans notre régime politique qui est celui de
la séparation des pouvoirs. Pourquoi vous ne retrouvez pas les archives
judiciaires? C'est que je ne peux pas. Pourquoi vous ne retrouvez pas les
archives de l'Assemblée nationale? Pour la même raison. C'est une
loi de l'exécutif votée par l'Assemblée nationale mais qui
doit respecter l'indépendance du pouvoir judiciaire et
l'indépendance de l'Assemblée nationale.
Ce qu'on peut faire par la suite - et je l'ai expliqué hier -
c'est de conclure des accords, mais en respectant l'indépendance de ces
deux pouvoirs. Je comprends que cela peut nous empêcher d'atteindre aussi
parfaitement qu'on le souhaiterait les objectifs d'une loi sur les archives,
mais je ne peux tout de même pas bousculer l'ordre des choses.
M. Robert: Si vous me le permettez, M. le ministre,
j'apprécie votre respect pour l'indépendance, mais n'y a-t-il pas
des précédents? Je pense ici à la loi sur la protection
des documents personnels, c'est-à-dire une loi ou une commission qui
relève de l'Assemblée nationale et qui, elle, a juridiction
partout?
M. Richard: Oui, mais elle n'a pas du tout les pouvoirs qu'on
veut donner quand même dans la loi sur les archives. C'est
essentiellement différent.
M. Robert: Je m'excuse, mais les seuls pouvoirs que notre
mémoire propose c'est au niveau de la conservation.
M. Richard: Non, non, mais vous avez trois ou quatre institutions
qui relèvent non pas de l'exécutif mais de l'Assemblée
nationale elle-même, et pour cause. On comprend facilement pourquoi quand
on voit le type d'institutions. Vous avez l'Ombudsman qui relève de
l'Assemblée nationale, pour en assurer l'indépendance
complète. Le Directeur général des élections et du
financement des partis politiques, et c'est la formule qu'on a trouvé
pour la Loi sur l'accès à l'information, qui n'est qu'une loi sur
l'accès à l'information. Il n'y a pas de gestion
là-dedans. C'est très différent. On ne pourrait pas
concevoir une loi sur les archives, en tout cas on serait les seuls à
l'avoir fait, relevant de l'Assemblée nationale, qui ne peut pas, par
exemple, subventionner. Cela suppose l'indépendance complète et
totale: qui ne peut pas subventionner, qui ne peut pas faire de projet de
développement et qui ne relèverait pas du Conseil du
trésor.
M. Robert: Vous me permettrez de rester sceptique. Je pense que
vous êtes sûrement capable...
M. Richard: Je vous permets de rester sceptique, mais je suis
sûr que quand vous pousserez un petit peu plus loin votre analyse vous
allez dire: Oui, cela a du bon sens parce qu'il ne peut pas en être
autrement. Ce sont les règles de l'exercice démocratique.
M. Robert: Si vous le voulez, M. le ministre, posons le
problème autrement. La seule chose qui m'intéresse c'est que les
documents officiels soient conservés dans des conditions
adéquates. Je me dis que si, ici, dans cette province, il y a des
élus qui sont là pour voir à la bonne marche de ces
choses, je resterais tout à fait comme deux ronds de flan si on me
disait que c'est impossible parce qu'il y a des chevauchements. Je me dis que
cela n'a pas de sens. Je pense qu'il y a un problème énorme,
aigu, qu'on ne voit pas parce qu'il se déroule dans les caves. Je le
sais car j'y travaille régulièrement.
Il y a une détérioration constante des archives qui sont
sous la garde des autres instances. On peut peut-être faire de jolies
discussions académiques sur la séparation des pouvoirs, mais
quand allons-nous intervenir pour empêcher la dégradation
constante, inexorable et inéluctable de ce patrimoine?
M. Richard: Vous, il n'y a qu'une chose qui vous
intéresse, c'est ce que vous avez dit. Moi, il y en a deux. La
conservation de nos archives, bien sûr, c'est une chose et,
deuxièmement, le respect de l'ordre constitutionnel, qui est une valeur
tout aussi importante. Je ne pourrais pas, en vertu
d'une loi... Jamais les juges n'accepteraient que l'exécutif
s'immisce dans la gestion et leur impose ce type de contrainte, de même
le président de l'Assemblée nationale. Mais ce qu'il est possible
de faire, toutefois, tout en respectant l'ordre des choses, c'est d'aboutir
à des accords, d'aboutir à des ententes qui nous permettent
d'atteindre les mêmes objectifs, mais en respectant l'ordre des choses et
en respectant l'exercice démocratique tel qu'on le pratique au
Québec.
M. Robert: Je ne les vois pas dans votre loi.
M. Richard: D'autre part, il y a un autre problème que
vous avez traité un peu rapidement. Assez curieusement, vous saisissez
bien la problématique mais, en même temps que vous saisissez la
problématique, vous ne voyez pas la difficulté d'application. En
ce qui a trait à l'article 10, vous saisissez la problématique
parce que vous nous dites: Oui, comment faire la distinction entre un document
qui est, de nature, purement personnel, parfois strictement confidentiel, et un
document qui est reçu ou produit dans l'exercice d'une fonction?
Comment faire la distinction, ce n'est pas tout à fait facile.
D'autre part, je reprends votre argument, l'argument que vous avez
utilisé pour les municipalités: être trop contraignant,
est-ce que ce ne serait pas inciter à la disparition des documents?
M. Robert: II y a deux points là-dessus...
M. Richard: Et, entre guillemets, à la "non-production de
documents" aussi.
M. Robert: II y a deux points à considérer. Ce
serait être naïf de croire que dans une loi sur les archives, il ne
doit pas y avoir de provision pour soustraire certains documents jugés
confidentiels pour des raisons X, Y ou Z, au regard des chercheurs. En
principe, je pense que dans toute loi des archives, il y a des archives qui
seront communiquées et d'autres qui ne seront pas communiquées.
Ce à quoi je m'oppose c'est à l'apparition du deuxième
alinéa qui en fait maintenant une règle générale.
Je préférerais qu'on supprime ce deuxième alinéa,
de manière qu'il puisse y avoir un modus vivendi qui s'installe. Je sais
que...
M. Richard: Là-dessus, on est d'accord.
M. Robert: II faudrait...
M. Richard: Là-dessus, on est d'accord.
M. Robert: Pour l'enlever?
M. Richard: On est tout à fait d'accord, à moins de
trouver une formulation qui serait beaucoup plus incitatrice et moins
générale que celle-là.
M. Robert: Eh bien, vous me rassurez sur ce point.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Saint-Henri, est-ce que vous aimeriez ajouter quelque chose?
M. Hains: Juste un petit mot, M. Robert. J'ai bien aimé
votre discours. C'est à la fois imagé et sérieux. Mais,
quand vous vous choquez, vous nous avez dit que cela vous fait verdir.
J'aimerais mieux vous voir rougir. Surtout, tâchez de ne pas bleuir parce
que cela annonce toujours une crise qui est très grave.
Vous nous dites aussi que vous aimez beaucoup les formules incitatrices,
que vous aimez la négociation, l'information. Cela a toujours
été mon idéal aussi. La contrainte, la violence, les
amendes et toutes ces choses-là, c'est pour moi une gaine qui me fait
toujours souffrir.
Dans votre mémoire, à la page 1, vous dites que vous
aimeriez avoir quelqu'un qui serait vraiment responsable des archives. Vous
parlez d'archiviste en chef et, tout de suite après, de la banalisation
des Archives nationales du Québec. Je pense que là-dessus, on se
rejoint énormément. Est-ce que vous pourriez quand même
nous dire plus expressément ce que vous attendez de ces deux
points-là?
M. Robert: Je pense que je l'ai un peu évoqué
tantôt. Je peux peut-être y revenir plus longuement.
M. Hains: Oui, c'est cela.
M. Robert: Pour moi, c'est évident, pour le comité
des chercheurs, c'est évident qu'on doit à tout prix identifier
une institution majeure dans les officines gouvernementales qui aura la charge
d'appliquer cette loi. Pour nous, c'est évident que cela revient aux
Archives nationales parce qu'elles ont l'expertise pour le faire. Ce que
j'appelle l'expertise, c'est que moi, on pourrait bien m'appeler en
consultation pour me demander d'évaluer le degré de
détérioration d'un vieux papier. Mais, là-dessus, je
m'excuse, tout historien que je sois, je suis un peu comme un primitif
décontracté. Je peux voir si le papier est magané, pas
très magané, ou en bon état. Ce sont à peu
près mes critères. Alors, je pense que, quand on est rendu
à ce niveau-là, on a besoin d'un réservoir d'expertises
qui est très coûteux à constituer. Je pense que le
Québec s'est doté depuis bien des années de ce
réservoir-là. Il est encore loin d'être
parfait, mais les améliorations sont constantes. Alors, je me dis
qu'il ne faut pas arrêter là. Il faut aller plus loin et en faire
l'institution première de gestion des archives, puisque c'est là
qu'autrement, comme on dirait en anglais, on fait des fous de nous autres
mêmes, parce qu'on a des archivistes et on ne les consulte pas. Ils ne
sont même pas interpellés nommément dans la loi sur des
questions de conservation. Il y a un article où, je pense, on fait
même allusion à un comité des biens culturels pour des
archives. Si c'est pour la question de détérioration, je
m'excuse, ils ne sont pas nécessairement plus compétents que je
ne le suis. C'est un peu cela le sens de notre intervention. On aimerait que
les archives soient dotées d'une stature importante qui en fasse
l'institution responsable de la gestion des archives, des documents
publics.
M. Hains: Merci beaucoup.
M. Richard: Juste un détail, M. Robert. J'ai
signalé que la composition de la Commission des biens culturels serait
modifiée en conséquence pour ne pas, justement, que les Archives
nationales qui relèvent du ministre des Affaires culturelles soient, en
quelque sorte, juge et partie.
M. Robert: D'accord. Vous excuserez un historien de travailler
sur pièce exclusivement. Ce n'était pas dans le projet de
loi.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Nous
remercions M. Robert. Il est maintenant 12 h 30.
M. Richard: Est-ce que nous pourrons finir? Il en reste cinq.
Le Président (M. Brouillet): II nous reste encore cinq
mémoires.
M. Richard: II nous faut finir avant 18 heures absolument.
Le Président (M. Brouillet): Je ne sais pas si...
M. Richard: Je suis occupé à 18 heures. J'ai un
engagement à 17 heures et je le retarde d'une heure.
Le Président (M. Brouillet): Si on pouvait avoir le
consentement pour entendre un autre mémoire, cela nous donnerait plus de
garantie de terminer entre 16 h 15 et...
M. Richard: Mon collègue m'a demandé de...
Le Président (M. Brouillet): Ah! M. le
député de Saint-Henri a un engagement. Il y a un conseil des
députés de son parti.
M. Richard: Je vais respecter la parole que je lui ai
donnée.
Le Président (M. Brouillet): Nous devons suspendre et nous
nous retrouverons ici à 16 heures, 16 h 15 au plus tard. Espérons
que la période de questions ne sera pas trop longue. Nous essaierons de
terminer à 18 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise de la séance à 16 h 25)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente élue des affaires culturelles reprend
ses travaux sur l'étude du projet de loi sur les archives. Nous sommes
rendus à la présentation du mémoire de M. Bélisle.
Je demanderais à M. Bélisle de prendre place, s'il vous
plaît, à la table. Je vous demanderais de vous identifier, s'il
vous plaît, et de procéder.
Avant de débuter je rappelle à tous les gens que pour cet
après-midi nous devons terminer à 18 heures, ce qui donne
à peu près - nous avons cinq mémoires à entendre -
20 minutes par mémoire. Il ne faudrait pas que les exposés
dépassent 10 minutes au maximum et il restera 10 minutes pour la
période de questions.
M. Germain Bélisle
M. Bélisle (Germain): Je m'appelle G. Bélisle et
suis directeur de la bibliothèque de l'Université Bishop. Je vais
essayer de résumer un peu ce que j'ai ici. Ayant participé ce
matin à ce qui s'est dit, il y a un certain nombre de
répétitions. Je vais donc essayer d'élaguer ces
choses.
Le point de vue que je présente ici est plutôt le point de
vue d'une institution universitaire qui a ramassé au cours des
années énormément de documentation concernant le
territoire où elle se trouve. Il y a à ce moment certains
problèmes particuliers. Les donateurs cherchant une certaine
sécurité pour la documentation personnelle privée
pourraient se sentir un peu effrayés si certaines parties du projet de
loi tel que présenté étaient publiées ou
acceptées de cette façon.
Le mémoire comme tel voit d'abord les objectifs du projet de loi.
Premier point: la conservation, la mise en valeur et la diffusion des archives
publiques. Il me semble qu'il serait peut-être plus réaliste de
parler d'accès facile aux documents publics que de diffusion comme
telle. La diffusion représenterait pour moi beaucoup plus d'efforts et
il y aurait des dépenses assez
considérables pour publier énormément de choses sur
les archives, mais faciliter l'accès à la documentation serait
certainement très apprécié.
L'aide technique et financière aux services d'archives
privées, est aussi un programme intéressant. C'est quand
même asez délicat, la façon dont cela pourrait se faire, et
je vois très bien que cette chose pourrait se réaliser si
c'était par contrat négocié librement entre les parties:
le ministre et le secteur d'archives privées.
Le troisième élément, c'est le contrôle de la
sortie hors Québec des documents anciens présentant un
intérêt historique. C'est aussi assez délicat comme
application. Il reste que, comme je le dis ici, c'est assez difficile
d'empêcher un citoyen canadien, qui a tous les droits de se fixer
où il désire au Canada avec sa famille et ses biens, de quitter
le Québec et d'amener avec lui certains documents. Je vois difficilement
l'application de la loi à ce moment.
Le texte de la loi comme tel m'a semblé en tout cas assez mal
structuré. C'est-à-dire que pour des profanes qui doivent
l'appliquer chez eux, cela devient très complexe. Avec beaucoup
d'explications et d'analyses on arrive à comprendre certaines parties
mais il reste que, selon les promesses du ministre, il y a beaucoup de choses
qui vont être remises en place. C'est ce que nous espérons. Quant
à la politique des archives - je pense que c'est là le point
principal - on n'a peut-être pas suffisamment étudié
jusqu'où elle devait aller, compris tout l'aspect des archives publiques
ou privées et inclus dans le terme "archives" aussi, les documents
actifs ou semi-actifs, parce qu'il n'existe pas vraiment de documents inactifs.
Dans des archives, c'est inactif par rapport à une administration
donnée, mais ça devient actif à un autre point de vue.
Cela reste des définitions à préciser.
Concernant la structure actuelle, on me dit qu'on n'a pas trop à
s'inquiéter quant aux Archives nationales. Leur statut légal
n'est pas impliqué, on aura probablement encore les mêmes genres
de services à l'intérieur des régions; ce qui est
très appréciable. Nous avons constaté, avec l'ouverture
des archives régionales de l'Estrie, un accroissement
d'intérêt. C'est un aspect très positif qu'il faut garder,
cette forme de décentralisation et de travail rapproché du
milieu.
Quelques remarques maintenant sur le texte lui-même. Le premier
chapitre devrait comprendre des définitions aussi complètes que
possible concernant ce qui est un document privé, public, actif,
semi-actif ou inactif. Il restera toujours une zone grise par laquelle un
document pourrait être considéré privé sur un
certain aspect et public si on prend la définition telle
qu'énoncée ou, selon qu'il est déposé devant ou
groupe ou organisme public, il deviendrait public, même s'il est
d'origine privée.
Une autre chose qu'il faudrait probablement préciser, c'est la
propriété. Qui est propriétaire de quoi? Je pense que
c'est assez important pour les ententes ou les contrats qu'il y aura à
passer plus tard entre le ministère ou les Archives nationales et les
propriétaires. Est-ce qu'une université peut être
propriétaire ou le gouvernement? Est-ce qu'une personne est
réellement propriétaire ou le dépôt d'archives
privées reste propriétaire? Et jusqu'à quel point... Il
faudrait préciser ces points.
On pourrait aussi parler de don ou de vente de document au lieu de
remise de document, à l'article 4, par exemple. Il le faudrait, parce
que la remise ne précise pas sous quelle forme. Il n'y a pas de
connotation avec la propriété antérieure. On remet quelque
chose qui appartient déjà à l'autre, la plupart du temps.
C'est lui redonner ce qui lui revient. Alors que souvent, c'est un don ou si
c'est une vente de document qui pourrait se passer à ce
moment-là, pour changer le propriétaire, qu'est-ce qu'on entend
par dépôt de document? Calendrier de conservation? Il y a beaucoup
de termes à préciser.
Au chapitre II, quant à moi, ce chapitre est mal
désigné, il devrait s'intituler calendrier de conservation, ce
qui est l'objet de la plupart des articles, plutôt que Documents actifs
ou semi-actifs. Le sujet est plutôt le calendrier de conservation.
Au chapitre III, Archives publiques, un point semble un peu particulier.
On énumère à l'article 16, neuf documents et on dit: De un
à tel numéro, ça ira à tel endroit. L'article 19
dispose des paragraphes un à cinq de l'article 16. L'article 18 fait de
même pour les paragraphes six à huit et, au paragraphe neuf,
restent les documents des bureaux d'enregistrement. Il y a probablement une
explication derrière tout cela, mais je ne l'ai pas vue. L'article 19
devrait faire l'objet d'un règlement beaucoup plus que d'un texte de
loi, parce qu'il donne un surprenant pouvoir au ministre, soit de transformer
automatiquement en archives publiques tout document que lui remet un ex-membre
de l'Assemblée nationale, telle sa correspondance personnelle ou autre.
Ce n'est pas spécifié que ce sont uniquement les documents
publics que le député peut avoir. Alors, tout ce qui pourrait
être remis deviendrait document public alors qu'il pourrait être
aussi un document privé.
Le chapitre IV concernant les archives privées. Là aussi,
j'ai trouvé que les pouvoirs du ministre sont assez illimités. Le
ministre peut agréer, aux conditions qu'il détermine, il peut
octroyer une subvention, par contre le service d'archives privées
agréé doit conserver... N'y a-t-il pas, dans les termes
utilisés, une possibilité de créer une impression que le
fait d'être agréé pour un
service d'archives privées équivaut, d'une certaine
façon, à céder la propriété, ou l'usage, ou
l'utilisation des documents au ministre pour recevoir une certaine somme
d'argent? Je suis conscient que ce n'est pas l'intention, mais la perception de
plusieurs personnes qui ont lu cela, c'est qu'elles ont trouvé que cela
ne permettait pas de dire: Que le ministre passe une entente avec un service
d'archives privées, qu'il signe un contrat, et les deux parties ont des
responsabilités et des avantages. Dans ce texte, on ne voit pas les
avantages qu'une société pourrait avoir, sauf de se soumettre
à une certaine surveillance et à certaines obligations, sans
être sûre de rien, parce que le ministre peut octroyer une
subvention, il n'est pas certain de l'octroyer.
M. Richard: M. Bélisle, avec votre permission, je vous
poserai immédiatement une question, parce que ce point m'apparaît
important. Quand on accrédite un musée, pour autant que je sache,
on ne s'approprie pas le musée ni ses collections et, pourtant, c'est un
texte parfaitement identique qui s'applique au musée
accrédité. Quand on agrée une librairie privée,
pour autant que je sache, on ne l'exproprie pas et on ne s'approprie pas les
livres de la librairie. Pourtant, c'est un texte parfaitement identique qui
s'applique aux librairies. Je ne peux pas concevoir comment vous pouvez lire ce
texte pour lui faire dire autre chose que ce qu'il dit vraiment de façon
tellement claire que dans d'autres lois, cela n'a jamais soulevé le
moindre problème, à moins qu'on veuille vraiment s'acharner
à voir un problème. Ce texte-là existe dans beaucoup
d'autres lois et n'a jamais soulevé le moindre problème. Il n'y a
pas un musée qui nous a dit: On ne veut pas d'accréditation. Vous
allez vous approprier nos collections. Sauf que lorsqu'un musée est
accrédité, c'est parce qu'il est conforme à certaines
règles s'appliquant dans le domaine de la muséologie. Quand un
dépôt d'archives sera agréé, c'est parce qu'il sera
conforme à des règles minimales devant s'appliquer à la
conservation d'archives ni plus ni moins. Quel reproche vous seriez en droit de
nous adresser si on disait: N'importe qui pourra conserver les archives, quelle
qu'en soit l'importance? Tout ce qu'on dit c'est qu'il faudra des conditions
minimales répondant aux normes dans ce domaine. Ne faites pas dire, je
vous en prie, à l'article ce qu'il n'a jamais voulu dire et, à
mon humble avis, ce qu'il ne dit pas.
M. Bélisie: Si je lis le texte: "Un service d'archives
privées, agréé doit conserver ses archives
conformément au règlement du gouvernement et les rendre
accessibles".
M. Richard: Voilà. L'objectif de la loi, c'est non
seulement la conservation des archives mais leur accessibilité. Si on a
des archives et qu'on paie pour cela, que l'État paie pour cela, c'est
pour les rendre accessibles au public.
M. Bélisie: C'est vrai, M. le ministre.
M. Richard: C'est tout ce que l'article veut dire.
M. Bélisie: Mais l'article 25 dit: "Le ministre peut
octroyer une subvention à un service d'archives privées
agrée."
M. Richard: Bien sûr.
M. Bélisie: Alors, "peut"...
M. Richard: ...parce que si on veut...
M. Bélisie: ...est-ce que cela veut dire "peut" "doit"
selon une convention établie entre les deux parties?
M. Richard: Évidemment.
M. Bélisie: Si c'est "doit" selon un contrat signé
entre les deux parties, je n'ai aucune objection.
M. Richard: Ce n'est pas "doit". Ce n'est pas absolument
nécessaire qu'on verse une subvention, mais le cas
échéant, on pourra le faire.
Je vais vous donner un exemple très concret. Le musée de
Gaspé est en mesure, cela est évident et reconnu par tout le
monde, de conserver certaines archives et de les rendre accessibles au public.
Si on souhaite qu'il le fasse pour les gens de la région de
Gaspé, on peut dire aux responsables: Vous répondez aux normes
minimales en la matière, on va vous donner une subvention pour que vous
puissiez vous occuper de ces archives et les rendre accessibles au public.
M. Bélisie: À ce moment, vous voulez avoir un
musée privé agréé pour lui confier des archives
publiques.
M. Richard: C'est-à-dire que oui, cela est possible.
Exactement le cas, mais c'est le musée en tant que dépôt
d'archives qui sera agréé.
M. Bélisie: C'est parfait. Mais je lis le texte et ce
n'est pas clair - que cela veut dire que c'est pour confier des archives
publiques. Il y a un autre article plus loin ailleurs qui dit oui, le ministre
peut confier des archives publiques. Le problème pour moi c'est de
mettre cela ensemble et que cela devienne clair.
M. Richard: II peut être agréé sans se faire
confier d'archives.
M. Bélisle: II peut être agréé sans se
faire confier... Il peut vous demander l'agrément pour avoir un appui
financier, ce qui serait bon.
M. Richard: Oui, voilà. La loi se veut souple
précisément pour être en mesure de répondre à
plusieurs problèmes qui vont se présenter et c'est ce que cela
veut dire. Il ne faut pas y voir autre chose que ce que cela veut dire. Encore
une fois, c'est exactement le même type de disposition qu'on retrouve
dans d'autres lois et jamais les musées ne nous ont dit: Vous voulez
accaparer nos musées. Pour subventionner des musées on regarde si
cela correspond à des normes minimales s'appliquant dans le domaine
muséologique. Quand c'est le cas, on dit: Très bien, vous
êtes accrédités. Si vous êtes
accrédités, on vous verse telle subvention. Je ne peux pas
reconnaître et subventionner n'importe quel organisme qui s'improviserait
musée.
M. Bélisle: Non, je suis d'accord. C'est la même
chose pour les archives. Il y a des gens qui ont des archives. Ils ont des
documents d'archives. Il n'ont pas vraiment un service d'archives, mais ils ont
des documents d'archives. Ils pourraient devenir un service d'archives s'il y
avait une assistance quelconque parce qu'il y a des sociétés
d'histoire qui ont beaucoup de documents d'archives, mais qui ont de la
difficulté à en faire un service d'archives.
M. Richard: Voilà.
M. Bélisle: Et une assistance, un contrat, une entente
pourrait amener cette collection à devenir éventuellement un
service d'archives agréé.
M. Richard: Voilà.
M. Bélisle: Je suis d'accord là-dessus. Mais je
trouve que le texte actuel a besoin de certaines clarifications. Je ne suis pas
archiviste, mais j'ai quand même certaines responsabilités
d'archives et je voudrais bien que le texte que j'ai à lire, à
interpréter soit compréhensible et que je n'aie pas besoin d'un
conseiller juridique à tout bout de champ pour le comprendre.
M. Richard: De quelle disposition précisément
parlez-vous?
M. Bélisle: De tout le chapitre IV concernant les archives
privées. Il y a beaucoup de choses qu'il faudrait... (16 h 45)
M. Richard: Écoutez, M. Bélisle, il me semble que
l'article no 24, qui est la clef de voûte de tout le chapitre, est
limpide: "Le ministre peut, après avoir pris l'avis de la Commission des
biens culturels, agréer aux conditions qu'il détermine un service
d'archives privées qui lui en fait la demande."
M. Bélisle: Bon.
M. Richard: "Aux conditions qu'il détermine", cela veut
dire les conditions telles qu'établies par règlement.
M. Bélisle: C'est justement un des points: "Aux conditions
qu'il détermine".
M. Richard: Bien sûr.
M. Bélisle: Moi, je me dis qu'un service peut
agréer, après entente avec...
M. Richard: Oui, mais l'entente...
M. Bélisle: ...à des conditions que les deux
s'accordent à accepter.
M. Richard: Mais, l'entente est implicite là-dedans,
puisque personne n'est obligé de demander l'agrément. Comme
personne n'est obligé de demander l'agrément et comme le
ministère ou les archives ne sont pas obligés de l'accorder,
à moins que cela réponde à ces conditions, c'est dans le
cadre d'une entente.
M. Bélisle: Qu'on le dise.
M. Richard: C'est ce que cela dit. Cet article n'est pas
inventé, il n'est pas nouveau, on le retrouve dans beaucoup de projets
de loi. C'est presque un article passe-partout quand il s'agit de
reconnaître, d'accréditer ou d'agréer.
M. Bélisle: Cela va pour une librairie, je l'admets. Pour
un musée, cela ressemble plutôt à un service d'archives. La
librairie, il faut qu'elle réponde à certaines normes parce
qu'elle est dans le commerce. Mais dans le cas qui nous occupe, je sais que les
gens butent sur cela. Maintenant, si vous pensez que c'est tellement clair,
qu'il n'y a pas de problème, on va passer à autre chose.
Le Président (M. Brouillet): Je vous rappelle qu'il
faudrait peut-être aller aux quelques points qui restent, à
l'essentiel.
M. Bélisle: L'autre point dont je veux parler concerne les
documents anciens. Là aussi, cela revient aux questions de
définition. Je cite le cas d'un document que nous avons qui
représente certains petits problèmes. Il concerne la nomination
de René-Edouard Caron comme lieutenant-
gouverneur de la province, sous le grand sceau du Canada. Donc, il y a
un intérêt très marqué pour la province. Par contre,
c'est un document canadien. Alors, dans la définition des articles 35
à 37, comment classer ce document? C'est juste pour évoquer
certaines complexités qui vont se présenter pour les gens qui
auront à travailler avec le texte de loi.
M. Richard: Parlez-vous de l'article 35? M. Bélisle:
Oui.
M. Richard: Là-dessus, vous avez peut-être un peu
raison. On l'a mis dans le premier projet de loi, parce que vous savez qu'on a
vécu des problèmes considérables à cause de
l'absence de dispositions en la matière. Et j'avoue candidement que je
ne sais pas trop comment régler le problème.
M. Bélisle: Je pense qu'il faut garder quelque chose, mais
peut-être le raffiner un peu, je ne sais pas.
M. Richard: Plus incitatif. C'est très difficile
d'être contraignant, je le reconnais bien volontiers, M.
Bélisle.
M. Bélisle: Alors, je remercie la commission de m'avoir
écouté.
Le Président (M. Brouillet): Merci bien, M.
Bélisle.
M. Richard: Je vous remercie M. Bélisle, en vous rassurant
et en vous disant qu'on prendra bonne note des suggestions que vous nous faites
d'une manière aussi positive.
Le Président (M. Brouillet): Je demanderais au
député de Saint-Henri de nous donner le mot de la fin.
M. Hains: M. Bélisle, vous avez apporté de
très judicieuses remarques et j'ai pris la peine d'écrire dans le
coin de votre mémoire "Très bien". C'est vraiment...
M. Richard: II a la nostalgie de l'enseignement. Vous l'avez
constaté, n'est-ce pas?
M. Hains: C'est cela.
M. Proulx: Je pense qu'il va y retourner en 1985.
M. Hains: Vous allez peut-être y retourner avant moi.
Faites attention.
Quelquefois, vos remarques sont assez dures. Je prends la page 2
où vous dites: "Le texte semble avoir subi la torture d'un
comité. Il est mal structuré; il est difficile à
comprendre..." Je suis heureux que M. le ministre me dise que c'est vrai; cela
veut dire qu'il va y voir et que cela va être réparé.
"...et beaucoup de choses interprétées." Un peu plus loin, au
chapitre 4, à la page 4, vous nous dites: "Les pouvoirs du ministre sont
presque illimités". C'est ce que je lui avais dit, mais il ne me croyait
pas. Cela aidera à une meilleure compréhension.
M. Richard: M. le député de Saint-Henri, je
voudrais vous rappeler que, ce matin, on a dit que le ministre n'avait pas
assez de pouvoir.
M. Hains: Je vais vous dire quelque chose. Je relisais...
M. Bélisle: J'ai dit que cela ne concernait que le
problème des archives privées. Les archives publiques, c'est
autre chose.
M. Hains: Si vous regardez dans l'administration - c'est naturel,
toutefois -c'est presque comique. À l'article 38: "Le ministre des
Affaires culturelles élabore...". À l'article 39: "Le ministre
assure...". À l'article 40: "Le ministre est chargé de...".
À l'article 41: "Le ministre peut...". À l'article 42: "Le
ministre peut certifier..." À l'article 6: "Le ministre peut..."
À l'article 44: "Le ministre peut..."
M. Richard: Cela veut dire que c'est un ministre qui a
l'intention d'assumer ses responsabilités...
M. Hains: J'en suis tout heureux.
M. Richard: ...et de ne pas les faire porter par d'autres, M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Mais c'est frappant quand même. Je comprends
très bien votre petite remarque: "Les pouvoirs du ministre sont presque
illimités". Mais il est capable, paraît-il, de les supporter.
Voilà, c'est bon...
Le Président (M. Brouillet): C'est... M. Hains:
Non, ce n'est pas terminé.
Le Président (M. Brouillet): Non? Très bien.
M. Hains: Maintenant, à la page 5, soyons sérieux,
vous dites: "Je ne veux pas commenter plus avant le projet de loi, mais je
crois que les exemples, les interrogations concernant les cinq premiers
chapitres suffisent pour justifier une révision complète de la
politique du gouvernement sur les archives, ce qui facilitera beaucoup la
rédaction d'un projet de loi clair, précis et
applicable." Là-dessus, chapeau! Je pense qu'on s'en rend compte
à ce moment-ci, presque tous les trois, M. le ministre, moi et vous
ensemble. Je pense qu'il y aura bientôt de bonnes nouvelles à ce
sujet. Merci. Je vous félicite.
Le Président (M. Brouillet): Alors, je remercie...
M. Richard: Merci, M. Bélisle.
Le Président (M. Brouillet): Nous allons inviter la
Société historique du comté de Richmond. Je rappelle aux
membres de la commission, ainsi qu'aux intervenants, qu'il nous reste 70
minutes. Cela fait environ 17 minutes par mémoire. Je demanderais alors
aux gens de la commission de se discipliner.
Société historique du comté de
Richmond
Mme Westman (Thelma): M. le Président...
Le Président (M. Brouillet): Si vous voulez vous
identifier et présenter les personnes qui vous accompagnent.
Mme Westman: Oui. Nous sommes tous membres de la
Société historique du comté de Richmond. Je suis Thelma
Westman, vice-présidente. À ma droite, M. Donald Healy,
ex-président et Mme Ester Healy, archiviste. Nous voulons, avec votre
permission, vous présenter notre mémoire en anglais. Par contre,
nous avons fait une traduction en français de ce que nous voulons dire,
nous pouvons la distribuer si vous voulez.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, vous pouvez
la distribuer.
Vous pouvez commencer, madame, si vous voulez.
Mme Westman: Je vais donner la parole à M. Healy qui
parlera en anglais.
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
M. Healy (Donald): First: the Richmond County Historical Society
wishes to commend the Ministère des Affaires culturelles, for his
concern and interest in the preservation of archives, public or private, of
Québec as outlined in bill 3. We are in accordance with the spirit of
this law.
I will elaborate very briefly here, because I know we are limited for
time, but we recognize that a good many valuable artifacts and a good many
valuable archives have already been lost from Québec and we recognize
that to some extent the law is closing the door after the horse is out.
The Society appreciates or has appreciated the assistance provided by le
Ministère des Affaires Culturelles and the cooperation we have received
over a period of several years. The financial assistance provided has made it
possible for us to offer a level of services to the community and a level of
activities beyond which we could not otherwise afford.
Richmond County Historical Society was incorporated in 1962, with a
purpose of discovering, collecting and conserving the records, be they written
or otherwise, which tell the History of Richmond County and vicinity. As part
of the Society's Functions we operate a small museum located in Melbourne.
These efforts involve the commitment and energies of a great many volunteers
from the community. The people of the community have entrusted the Richmond
County Historical Society with artifacts and archival material of Richmond
County in the form of gifts or loans upon the reliance that the museum workers
will document, care for, display, preserve and make accessible to the public
all those articles. The Richmond County Historical Society would be in breach
of the trust of the donors and lenders, should ownership or custody of these
articles be relinguished to anyone.
We feel that Bill 3 could better serve the public interest if the bill
would take into account the concerns we outline following.
We recognize the need for competent technical assistance in the
preservation and protection of archival material. We trust that the Ministry
shall execute the present law in such a fashion as to consider the limitations
under which small community museums function. All of us here recognize that
small museums operate under less than ideal conditions and I think we all
recognize too that those of us who work in them do the very best we can to
conserve the things that we have, but we do have limited resources, just as you
have limited resources, and we work within those limits and we think we work
reasonably well.
Following the guidelines set forth by the Government of Québec, a
previous government, and with the help of volunteers of the community we have
classified and indexed our archives. We recognize the benefits of a Universal
Archival system, however, we feel that the system presently incorporated meets
the needs of the community.
It should elaborate a little bit there. It is a fact of life in our
community, not by design, but by circumstances that virtually all the archival
materials we have in our possession are in the English language. Not that we
would not like more material in the French language. We would. We welcome them
and we do receive a few things and
this will increase we hope. As a result though, it is natural that most
of the people who come to us for information with respect to family history
research or other areas of research, function most easily in English and
therefore we are quite concerned that we maintain a system of cataloguing which
makes it easy for those people to function in our museum. Now, this does not
suggest in any way that we are not willing to have a bilingual cataloguing
system, that would be normal and this is what we aim for. We do have limited
resources, we have limited skills, we do the best we can in this respect. We
would not want to see a system which would limit us, for example, to having a
cataloguing system in French only because it would just make it too difficult
for people to use the material that we have.
With respect to disposal of public archives as detailed in article 27 of
the bill, we recommend that in the event that the Minister may consider a
public archive has ceased to be of historical interest, that the Minister
should consult the keepers of local archives to determine whether such items
might best be deposited with them in preference to their destruction.
We are not certain, you see, from the wording of the bill, as we have
studied it, exactly what he means when he says: The Minister may authorize
their disposal. So, think that if there is something, in the Minister's opinion
that may no longer be of historical interest it may be of historical interest
at a local level and we we would like to, at least, be consulted in a case like
that.
We hope that article 14, for example, will be exercised with generosity
and trust.
Now in application of article 27 of the bill, we pray to recommend that
the Minister consult the keepers of local archives and encourage the deposition
of documents within the locality from which they originate.
With respect to ancient documents, the Richmond County Historical
Society has always considered as sacred the right of ownership of our
contributors. As a consequence of our respect of their trust people of the
community have willingly transferred ownership to us of many precious
artifacts. We feel that the best interests of the people are served when the
rights of ownership are respected. In fact, we are afraid that if the rights of
ownership are in any way threatened that the willingness of people to
contribute to our archives or yours will drop off drastically.
In conclusion, as we are in accordance with the spirit of Bill 3
concerning archives, we hope and expect that through the continued cooperation
between the Ministère des Affaires culturelles and the Richmond County
Historical Society, members of the community of Richmond and vicinity will be
guaranteed the services they justly deserve in the future, we pray the
Ministère des Affaires culturellles will take note of the work that has
already been done by our Society and will participate in aiding it to preserve
its local character and nature. I have been involved with our Society long
enough and recently in the rewriting of our by-laws to come to respect a very
great deal, not just the quantity of work that has been done by people before
me in the brief 20 year period, but the high quality of work that has been
done. We are very proud of that.
It is the society's opinion that the interests of all cercerned are best
served when the archives are accessible locally. So, obviously, we do not want
to lose the things we have.
The Society considers that private ownership of ancient documents should
be respected.
We trust that our concerns shall be seriously considered and that the
law will reflect the spirit of these concerns and be applied accordingly.
Now, it says in our English brief that due to time limitations the
present brief has not been translated, since that time it has been. We have a
few more copies with us and if the Minister would like extra copies, we can
provide a few more or we could send them at a later date too.
Thank you very much.
Le Président (M. Brouillet): Merci M. Healy.
M. Richard: I want to thank you, Mr Healy, and your colleagues
for the presentation of your very constructive brief but I would like to ask
you a question. It appears that in Bill 3 you see some reasons to feel for the
right of property of the documents of the contributors of the Society. What
modifications would you propose, because let me tell you this: we have no
intention to acquire any property belonging to your archives or any private
archives and let me also tell you that we have no intention to interfere with
your cataloguing method.
M. Healy: Good. We are very glad to hear that. Surely one of the
purposes for us being here is clarification. I hope we are not seen as being
antagonistic towards the Ministère des Affaires Culturelles.
M. Richard: Not at all.
M. Healy: I hope that I have made our position fairly clear in
this respect. In some areas we just do not know fully enough what the real
intentions are. Now, I find your words comforting. I would like to see, in
print perhaps, if some clarification could be made, assurance that this
will hold true. You see, you tell me that you have no intention of taking away
our materials or of altering our system.
M. Richard: M. le Président est-ce que vous me permettez
de demander à mon collègue de T rois-Rivières...
Une voix: D'enlever son cigare.
M. Richard: ...d'avoir la prospérité moins
évidente.
M. Vaugeois: Est-ce que je vous nuis M. le ministre? Mon cigare
n'est pas allumé.
M. de Bellefeuille: Je voudrais invoquer la loi no 20.
M. Vaugeois: ...
M. Healy: Now, if there are other questions and if people would
prefer to forward questions in French Mrs Westman is prepared to handle those
questions.
M. Richard: We will try to be clearer in the final bill.
M. Healy: Thank you.
Le Président (M. Brouillet): II y aurait peut-être
encore une question de la part de la députée de Chomedey.
Mme Bacon: I had also detected, Mr. Healy, a kind of a fear from
your part of a threat by Bill 3 on your local system as keepers of local
archives and I think that the Minister has answered some of your questions and
your concerns about Bill 3. Is there any specific article that you are most
concerned with or are there any changes that would help you be really relieved
of some concerns that you already have.
M. Healy: Yes. I will zero in on very few. Article 21 - the
second paragraph concerns us - "The Minister may also authorize the disposal of
public archives if he considers that their preservation has ceased to be of
historical interest".
Now we would like to know whether, when he uses the word "disposal", he
means destruction or perhaps placement of those articles with organizations
like ours or other organizations in the community from which these things
originate?
M. Richard: Cela s'applique uniquement aux archives
publiques.
Mme Bacon: It applies only to public archives?
M. Healy: Yes, what I have in mind is this. The Minister may have
in his possession a public archive which he considers no longer of historical
interest. In that event we would like, if it should originate from our area,
consideration, perhaps depositing that article with us rather than simply
having it destroyed or set aside.
Mme Bacon: You mean, to keep them locally?
M. Healy: Yes because it may prove to be of interest to us when
it might not be to him.
M. Richard: It is exactly what the practice has been to this
day.
M. Healy: Yes, this is why...
M. Richard: We do not intend to change that practice.
M. Healy: Good that is what I wanted to hear. Article 35: "No
person holding the original or an authentic copy of an ancient document - one
hundred years old or more -in whatever form may validly remove it permanently
from Québec unless he sends prior written notice of at least 60 days to
the Minister". I would like...
M. Richard: We will change it completely. It will disappear.
M. Healy: That is comforting because you see I would not want to
be made a criminal for giving my grandfather's birth certificate to my
sister-in-law in Ottawa since she is the family historian. All right? Have I
made it clear? Thank you very much.
Mme Bacon: Thank you.
Le Président (M. Brouillet): Merci beaucoup. Nous allons
entendre maintenant la Société historique du comté de
Brome et la Société d'histoire de Missisquoi. Je demanderais au
porte-parole de s'identifier, nous présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Société historique du comté de
Brome et Société d'histoire de Missisquoi
M. Turner (Peter): Je suis Peter Turner, avocat de Cowansville,
je représente les deux sociétés: celle de Missisquoi et
celle de Brome; Mme Mclntosh à ma droite immédiate, qui est
présidente de la Société de Missisquoi et Mademoiselle
Phelps, à mon extrême droite, qui est l'archiviste du comté
de Brome.
Je remarque que plusieurs des points, qui nous concernent ont
déjà été discutés par
d'autres personnes qui nous ont précédés, surtout
Richmond, qui vient de terminer. Néanmoins, je pense que je pourrais
parler un peu des articles au chapitre IV.
Je vous donnerai une brève introduction parce que c'est important
qu'on fixe un peu le contexte de ces deux sociétés. Après
ça, on signalera les deux inquiétudes principales - nous n'avons
pas révisé la loi ligne par ligne, j'ai voulu le faire comme
avocat, mais on n'a pas voulu que je fasse l'analyse détaillée
pendant quatre jours...
M. Richard: Cela aurait coûté trop cher et vous avez
raison.
M. Turner: On a ressorti les deux points principaux.
M. Richard: Je connais les tarifs.
M. Vaugeois: Ils sont plus élevés que ceux d'un
historien.
M. Turner: Malheureusement, ils sont beaucoup moins
élevés pour les membres des deux sociétés.
Ces deux sociétés existent depuis au-delà d'un
siècle. Elles reçoivent des archives locales d'une origine tout
à fait particulière pour au-delà d'un siècle. Vous
savez, notre région a été colonisée par les
Loyalistes de l'Empire uni vers le milieu ou la fin du XIXe siècle. Ces
gens ont maintenu jusqu'à maintenant une société tout
à fait particulière, une communauté assez bien
définie, une communauté minoritaire avec un caractère bien
défini.
Les deux sociétés maintiennent chacune un musée -
des établissements assez évolués - et dans ces deux
musées se trouvent des archives assez détaillées. Par
exemple, ensemble les sociétés reçoivent au-delà de
300 demandes généalogiques par année, souvent des
États-Unis ou d'autres provinces. Elles gardent des
bénévoles entraînés comme archivistes et tout
à fait professionnels sauf qu'ils ne sont pas payés à
cause de leurs liens spéciaux à la communauté. Comme la
Société de Richmond et d'autres sociétés semblables
et peut-être à cause un peu de leur vocation comme gardiennes
d'une culture minoritaire, elles reçoivent beaucoup de leurs documents,
de leurs "artefacts" si vous voulez, comme prêts des familles originaires
de la région; aussi on pourrait dire "in trust". Souvent, ce ne sont pas
des dons. La façon dont on reçoit ces biens, ces archives etc.
est tout à fait spéciale; c'est un peu comme si on donnait ces
biens à nos voisins, à nos représentants communautaires.
They are kind of like, if you will, the family historians for the entire
region. Elles ne reçoivent pas toujours leurs archives d'une
façon strictement contractuelle ou légale, c'est plutôt "in
trust"...
M. Richard: Des dons en fiducie.
M. Turner: ...en fiducie, justement. Cela soulève une
certaine responsabilité qu'on considère spéciale.
En ce qui concerne les installations des archives, cela vous
intéressera de savoir qu'à Missisquoi, on a bâti, il y a
deux ans, une installation pour les archives, qui est considérée
comme une des meilleures petites archives au pays. C'est climatisé
spécialement, c'est à l'épreuve du feu, avec toutes les
techniques modernes et cela a été fait entièrement avec
des fonds privés. À Brome, on a aussi des archives qui sont
protégées d'une façon professionnelle, mais c'est moins
élaboré.
La cueillette et la classification des archives se font selon le
système "national cards", système canadien, à Brome depuis
trente ans et à Missisquoi, depuis dix ans. Tout est catalogué
selon ce système et je dois vous signaler que cela devient une
inquiétude très sérieuse. Je suis soulagé d'avoir
entendu le ministre, il y a quelques instants, déclarer qu'il n'avait
pas l'intention de s'immiscer dans le système de catalogue qui existe
présentement. (17 h 15)
M. Richard: Pas du tout.
M. Turner: Vous pourriez prendre des milliers d'heures pour
cataloguer selon un système. Les conséquences pourraient
être sérieuses car s'il fallait tout recataloguer selon un nouveau
système recommandé par le ministre, nos archives deviendraient
effectivement un chaos.
M. Richard: Et cela me coûterait trop cher alors.
M. Turner: Maintenant, en ce qui concerne particulièrement
les craintes au chapitre IV. M. le ministre, l'article 27 devrait
peut-être vous être souligné: "Si un service d'archives
privées agréé cesse ses activités ou ne se conforme
pas à la loi ou au règlement applicable, le ministre peut prendre
toute mesure nécessaire pour assurer la conservation des archives de ce
service".
Voici la crainte particulière des personnnes qui sont venues de
Richmond et des autres qui sont en face de vous. On voit qu'il est important de
réaliser qu'une demande doit être faite pour qu'on soit
agréé. Il est effectivement loisible, sinon nécessaire,
qu'on soit agréé selon les termes de la loi.
Si vous prenez en considération notre fiducie spéciale en
rapport avec l'article 27, si l'un de ses musées cessait de fonctionner
ou, pour une raison ou une autre, ne voulait pas suivre les règlements
qui seront établis,
le ministre pourrait prendre toute mesure nécessaire pour assurer
la conservation des archives de ce service. C'est donc dire que toutes ses
archives privées... Le mot qui manque, M. le ministre, est le mot
"publiques". Si vous voulez ajouter ce que je crois être votre intention,
vous pourriez dire simplement "des archives publiques de ce service". And with
that we will go home happy.
M. Richard: Your are right. A word is missing and it is
important.
M. Turner: Avec ce mot vous constaterez, M. le ministre et les
membres de la commission, que ces sociétés pourraient faire une
demande d'accréditation, si elles décident de
s'agréer, sans aucune crainte que les archives privées deviennent
sous le pouvoir discrétionnaire du ministre.
M. Richard: II n'en est pas question, M. Turner, et je
répète que nous n'avons surtout pas l'intention d'intervenir dans
le cataloguage d'aucune manière. Ce que nous cherchons, essentiellement,
c'est d'aider à la conservation des archives, même quand il s'agit
d'archives privées. Je ne serais pas d'accord avec un projet de loi
tatillon qui chercherait à modifier les méthodes de cataloguage
en vigueur dans des dépôts d'archives privées.
Vous n'avez donc pas à nourrir d'inquiétude à cet
égard.
Le Président (M. Brouillet): Le député de
Saint-Henri voudrait ajouter un mot, peut-être bref?
M. Hains: Oui, très très bref. Je ne ferais que
vous féliciter vraiment pour votre intérêt pour les
archives ainsi que pour vos magnifiques réalisations dans ce domaine. Je
regarde: Société d'histoire de Missisquoi: 600 membres;
Société de Brome: 500 membres. Je trouve donc que c'est
magnifique. Je me permets peut-être un petit message publicitaire,
à savoir que votre député, M. Pierre Paradis, qui assiste
présentement à une autre commission parlementaire, est fier de
vous et vous salue.
M. Richard: Merci, M. Turner. Vous avez plaidé avec
brio.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Je voudrais seulement en profiter pour poser une
question parce que j'ai souvent vu votre installation - ma femme est originaire
de votre région - et j'ai toujours admiré le soin jaloux avec
lequel vous prenez soin de votre patrimoine et des vieux papiers. Mais, compte
tenu de l'évolution des Cantons de l'Est, quelle est l'ouverture de vos
archives envers les personnes qui se sont ajoutées aux populations
d'origine? Dans la composition des membres qu'on vient de donner, quelle est la
proportion, par exemple, je dirais, de Canadiens français ou de gens
d'autres ethnies, qui se sont ajoutés à vos effectifs et dans
quelle mesure prennent-ils exemple sur vous pour vous confier des
documents?
M. Turner: Je vais traduire à moins que vous puissiez le
demander en anglais.
M. Vaugeois: Traduisez. Cela va être mieux traduit.
Mme Mclntosh (Dorothy): Very definitely, we welcome any French
documents, yes. We have not as yet had as many French documents as we would
desire. We do have perhaps 25% of our members who are French and we are hoping
that there will be more. We have everything in our museums and our archives
which need to be translated. Naturally, we do not translate all documents. But
anything which is explaining anything is translated in to French and we welcome
French visitors. In fact, a majority of our visitors are French speaking and we
hope this will increase.
Le Président (M Brouillet): Nous vous remercions. Thank
you very much.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Brouillet): Nous invitons maintenant la
Société historique du Saguenay à se présenter
à la table.
Je vous rappelle que nous disposons d'environ 17 minutes. Je pense bien
que vous pourriez faire l'exposé dans une dizaine de minutes et garder
cinq ou sept minutes pour les questions.
M. Bergeron (Robert): Nous vous garantissons de nous soumettre
à vos conditions, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Si vous voulez vous
identifier et présenter les personnes qui vous accompagnent.
Société historique du Saguenay
M. Bergeron: Oui, M. le Président. M. le ministre, Mme et
MM. les députés, je m'appelle Robert Bergeron. Je suis le
président de la Société historique du Saguenay. À
ma droite, M. Léonidas Bélanger, qui est un des anciens
présidents de la société et qui a pendant 25 ans...
M. Bélanger (Léonidas): 35 ans.
M. Bergeron: ...35 ans, travaillé avec Mgr Victor
Tremblay. À mon extrême gauche - je ne sais pas si c'est le mot
juste pour le qualifier - M. Jean-Marie Coulombe, ancien président
également de la Société historique du Saguenay et M.
Roland Bélanger, l'archiviste. Je demanderais à M. Roland
Bélanger de vous lire notre mémoire de onze pages.
M. Bélanger (Roland): Nous nous réjouissons de la
présentation d'un projet de loi sur les archives. C'est un
événement attendu depuis longtemps et qui s'imposait. Ce projet
de loi a pour objectif d'assurer la conservation, la mise en valeur et la
diffusion des archives publiques, d'apporter au service d'archives
privées une aide technique et financière et de contrôler le
transport hors du Québec des documents anciens présentant un
intérêt historique.
M. le Président, nous venons vous exprimer notre point de vue sur
le chapitre IV portant sur les archives privées. Nous appuyons
l'idée d'agrément d'un service d'archives privées,
étant une excellente manière d'assurer leur stabilité.
Dans le mémoire présenté par les trois
sociétés historiques de la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean à M. le ministre Clément Richard, lors de
sa tournée de consultation dans tout le Québec, nous affirmions
que les sociétés historiques demeurent trop facilement
oubliées quand il s'agit d'établir les politiques du
ministère des Affaires culturelles. Elles le sont encore si on se fie au
reportage publié à propos de la dernière
réorganisation administrative et des nouvelles orientations des
objectifs et mandats.
Pourtant, nous ne pouvons parler de la conservation de notre patrimoine
immobilier naturel et archivistique sans parler des multiples initiatives
émanant de nos sociétés historiques. Pourtant,
d'après leur vocation, elles sont bien placées et bien
préparées pour conserver notre patrimoine. Nous pouvons
même affirmer sans craindre de nous tromper que nos
sociétés historiques sont de véritables diffuseurs de
l'histoire, que bon nombre de leurs membres les plus actifs sont de
véritables fonctionnaires rendant de précieux services de
recherche et d'expertise auprès de représentants du gouvernement.
Pourtant, les sociétés historiques occupent une situation
particulière dans leur milieu et se rendent accessibles à tous
les niveaux de la population. L'essentiel de notre suggestion au ministre
consistait dans le versement aux sociétés historiques reconnues
selon des critères établis une subvention annuelle et statutaire
de 1 $ par tête de population pour le territoire couvert par chaque
société. Nous proposions certaines modalités pour fixer le
montant à verser.
M. le Président, derrière l'idée d'agrément
nous voyons une formule de reconnaissance. Nous croyons à ses chances de
succès car elle sera sans doute structurée à l'image de
celle qui prévaut dans le secteur des musées.
L'idée d'agréer un service d'archives privées va en
conformité avec une opinion universellement reconnue. En effet, à
la suite d'une enquête internationale portant sur la mission des archives
et les tâches des archivistes, Robert-Henri Bauthier, de l'École
nationale des Chartes, affirme dans son rapport publié dans les actes
des Ile et 12e conférences internationales de la table ronde des
archives, je cite: "Sur le plan de la stricte doctrine il y a quasi
unanimité des réponses. Les archives n'ont pas normalement
vocation pour fonctionner en tant qu'institution de recherche historique car il
y a dans la plupart des pays des académies, des institutions
dépendant des universités, des centres nationaux de recherche,
des commissions d'histoire nationale ou régionale qui ont pour
tâches spécifiques de prendre initiative de travaux collectifs
dans le domaine historique ou de subventionner ceux-ci. Les services d'archives
ne peuvent se substituer à eux".
C'est M. Guy Duboscq qui disait dans le Manuel d'archivistique que
"l'Histoire s'écrit principalement à l'aide des documents
officiels mais il lui manquerait beaucoup si elle ne se référait
à des sources privées. Certains aspects de l'histoire
économique, familiale ou sociale ne peuvent apparaître qu'en
faisant appel à ce genre de sources."
Par l'agrément vous pouvez consacrer le rôle que jouent les
dépôts d'archives privées tel les sociétés
d'histoire en matière de conservation et de recherche historique
animées par des historiens locaux qui savent souvent mieux que quiconque
utiliser ces archives. La subvention émanant de l'agrément
consoliderait ces organisations qui doivent constamment faire face à des
difficultés financières. Cette contribution directe du
gouvernement ouvre de nouvelles perspectives de consolidation et de
développement pour certaines d'entre elles. Il nous semble que par ce
moyen le MAC peut s'associer d'excellents partenaires dans la
réalisation de ces objectifs.
La Société historique du Saguenay qui existe depuis 1934,
soit 50 ans l'année prochaine, ne pourrait-elle pas en devenir un? Sa
réputation dépasse nos frontières et nous pouvons certes
affirmer qu'elle joue le rôle d'une véritable ambassadrice. C'est
d'ailleurs une des plus importantes sociétés historiques au
monde.
C'est en 1934 que Mgr Victor Tremblay s'entoure d'une équipe et
fonde la Société historique du Saguenay. Il s'est donné
comme mission d'assurer la conservation d'archives par nécessité.
En effet, à ce moment, l'histoire de la région n'était pas
écrite. Les manuels d'histoire ne parlaient pas de la
région et aucun organisme ne se consacrait à la
conservation d'archives. Voulant écrire l'histoire de la région,
Mgr Victor Tremblay se disait qu'il ne pouvait l'inventer et la création
d'un centre de documentation devenait donc pour lui une nécessité
et un moyen.
En 1934, on faisait oeuvre de pionniers et nous continuons toujours
l'oeuvre de la société sur les mêmes bases. Une
collaboration étroite s'est établie avec les Archives nationales
du Québec, l'Université du Québec à Chicoutimi, la
Bibliothèque centrale de prêts d'Alma, le Musée du
Saguenay-Lac-Saint-Jean et la Société historique d'Alma. Ainsi la
Société historique du Saguenay n'est plus seule dans le
décor mais pour chacun de ces organismes, chacun a sa place et joue un
rôle reconnu comme tel. Chacun a besoin de l'autre à un moment ou
l'autre.
C'est un fait admis de tous la société historique
répond à un besoin et constitue un pivot majeur pour la mise en
valeur de notre histoire régionale et le développement des
connaissances historiques.
Voici une liste sommaire des organismes qui recourent à nos
services et avec qui nous collaborons à la réalisation de
certaines activités ou certains projets. Le Carnaval souvenir de
Chicoutimi, les Fêtes du Saguenay, le Conseil régional de la
culture, les Aménagements Maria-Chapdelaine, le Musée Louis
Hémond, le Bureau régional du ministère des Affaires
culturelles, la Commission de toponymie du Québec, la Commission des
biens culturels, le Centre régional des ANQ à Chicoutimi, la
Fédération des Sociétés d'histoire du
Québec, etc.
M. le Président, vous trouverez en annexe un bref historique de
la Société historique du Saguenay et le rapport annuel de
l'archiviste de 1978 à 1981, ceci pour vous permettre d'en
connaître davantage sur nos réalisations et d'apprécier
notre travail. (17 h 30)
Tous les usagers sont unanimes dans leur témoignage. Nous
retrouvons à la Société historique du Saguenay une
documentation unique et les personnes ressources qui peuvent les orienter vers
d'autres avenues de recherche grâce à leur vaste réseau de
relations et à leur expérience. Nombreux sont les chercheurs qui
se déclarent privilégiés de pouvoir consulter sur place
des archives et de la documentation, des sources imprimées de tout
genre, des collections de journaux locaux, une riche bibliothèque et des
mémoires de vieillards; de tout sur presque tout.
La Société historique du Saguenay a fait preuve
d'originalité par ses méthodes d'acquisition d'archives et
d'information, par son système de consultation et par la
complémentarité de tout ce que les chercheurs retrouvent à
leur disposition.
La Société historique du Saguenay a posé un geste
capital au moment de la mise sur pied du centre régional des ANQ
à Chicoutimi en 1978 en lui prêtant le fonds d'archives Mgr Victor
Tremblay. En utilisant la même méthodologie qui a si bien servi
Mgr Victor, un nouveau fonds d'archives et une nouvelle documentation furent
constitués. Aujourd'hui, nous pouvons vous dire que nous nous retrouvons
devant un matériel documentaire tout aussi important quantitativement et
d'un intérêt non négligeable. Permettez-moi de vous donner
trois exemples parmi nos multiples acquisitions: Fonds Gonzague-de-Mauraige,
constitué de papiers fonciers et divers papiers de famille couvrant la
période s'étendant de 1597 à nos jours. Le premier
document est une charte sur parchemin datée du 7 février 1597.
C'est le plus ancien document provenant de France au Québec.
Deuxièmement, une dame nous a confié une correspondance amoureuse
fort intéressante, document inhabituellement conservé dans les
dépôts d'archives.
Troisièmement, le fonds Alcan, constitué de
négatifs d'anciens employés, de films et de dossiers de presse
des dernières négociations avec ses employés.
Il existe donc toute une dynamique autour de la société
historique, une confiance et un attachement indéfectibles. La
Société historique du Saguenay est devenue une véritable
institution qui mérite d'être maintenue et qui pourrait davantage
se développer. L'agrément nous apparaît comme un moyen
efficace et peu coûteux pour y contribuer. En matière d'histoire
régionale et de conservation d'archives régionales, il se vit un
cas exceptionnel au Saguenay-Lac-Saint-Jean qui fait l'envie de toutes les
régions du Québec et bien au-delà même. La
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean est appelée à vivre de
grands moments dans l'avenir comme attrait touristique. La
Société historique du Saguenay, si on lui en donne les moyens,
pourrait être un support et un outil importants. Comment peut-on imaginer
un scénario de développement touristique pour la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, sans s'assurer la collaboration et les services
d'information de la Société historique du Saguenay?
Imaginons un seul instant ce que serait la recherche sur notre
région sans la contribution des Félix-Antoine Savard, Lorenzo
Anger, Victor Tremblay, René Bélanger et Léonidas
Bélanger, sans les multiples publications préparées par
ces collaborateurs bénévoles, sans toute la documentation
accumulée par ces "avides ramasseurs", pour reprendre leur propre
expression.
Permettez-moi de retenir votre attention encore quelques instants avec
des
observations plus particulières. Tout d'abord, l'agrément
ne devrait modifier en rien nos modes de fonctionnement actuels. La subvention
pourrait être établie de la même manière que pour le
secteur des musées. Quant aux normes de conservation des archives et de
leur accessibilité, nous travaillons continuellement dans le même
sens de ces exigences. Nous interprétons l'article 28.2 de la
manière suivante: la reproduction correspond à ce que nous
appelons des microfilms de sécurité. Pour le reste, nous sommes
d'un avis favorable.
Nous tenons à vous remercier, M. le Président, de nous
avoir prêté une oreille attentive. Vous devinez bien que nous
aurions souhaité avoir plus de temps pour la préparation de notre
mémoire. Merci.
M. Richard: Je voudrais remercier M. Bélanger et ses
collègues et vous dire que je suis assez conscient du travail
indispensable que font dans tout le Québec les sociétés
historiques. Occasionnellement, sur des projets qui nous sont soumis, nous
n'hésitons pas au ministère à subventionner des
sociétés historiques. Toutefois, j'attire votre attention sur le
fait que la recommandation que vous formulez, ayant pour effet d'amener le
ministère des Affaires culturelles à verser 1 $ per capita, cela
représenterait environ 6 250 000 $. Vous vous imaginez bien que c'est
hors de portée pour le ministère des Affaires culturelles.
M. Bélanger (Roland): Si vous permettez, M. le ministre.
Je n'en ai pas fait mention dans le texte que je viens de vous signaler, mais
dans une référence je signale un extrait du mémoire
où, en contrepartie, on dit que la subvention ne dépasserait pas
le montant que la société irait chercher dans son milieu. Donc,
si une société recueillait 10 000 $ dans sa localité, la
subvention ne dépasserait pas 10 000 $ au lieu de 60 000 ou de 100 000
de population qui pourrait exister dans ce secteur. Il y avait des
mécanismes, c'est pour cela que je parlais de modalités.
M. Richard: II y avait des tickets modérateurs.
M. Bélanger (Roland): Oui, évidemment. M.
Richard: Je vous remercie.
M. Hains: Voilà: Moi aussi, franchement, je suis
agréablement surpris de voir tout le soin que vous apportez à la
conservation de notre patrimoine. Je vous en félicite. Cela fait du bien
de voir que des gens, dans le bout du Saguenay comme partout à travers
la province, savent apprécier ces trésors du passé. Je
vous remercie beaucoup. J'aurais un petit mot à ajouter: On est 6 000
000, il faut se parler. Il faudrait dire aussi: II y a 6 000 000 $, il faut se
les partager.
Le Président (M. Brouillet): Alors, sur ce mot, nous
laissons M. le ministre réfléchir et méditer longtemps. Je
crois que c'est tout. Nous vous remercions beaucoup de votre rapport.
Nous invitons maintenant la Société historique de la
Gaspésie - une autre belle région du Québec - à
venir nous présenter son mémoire.
Une voix: Enfin! Des bons bleus!
Le Président (M. Brouillet): Alors, M. Le Moignan, si vous
voulez vous identifier personnellement.
Société historique de la
Gaspésie
M. Le Moignan (Michel): Pour le journal des Débats, je
suis Michel Le Moignan, vice-président de la Société
historique de la Gaspésie. À ma droite...
M. Richard: ...quelque part.
M. Le Moignan: Je cherche cela avidement. À ma droite, M.
Jean-Marie Fallu, directeur du musée, et à ma gauche, il n'y a
personne. M. le Président, nous avons éprouvé quelques
moments d'anxiété, cet après-midi, mais nous sommes
heureux de voir que nous avons une vingtaine de minutes à notre
disposition. J'espère que vous n'oubliez pas que nous avons dû
quitter Z4 heures avant tous nos amis qui sont passés ici, et que nous
allons réintégrer nos demeures, nos foyers 24 heures,
également, après tous les autres. C'est pour cela que je
n'abuserai pas de votre patience. En vous présentant notre
mémoire, nous allons nous en tenir à un aspect assez particulier,
celui qui concerne le milieu de la Gaspésie avec ses archives, sa
société historique et son musée.
M. le Président, en 1962, alors que le ministère des
Affaires culturelles du Québec s'organisait lentement, à l'autre
coin de la province, à Gaspé plus précisément,
naissait la Société historique de la Gaspésie.
Gaspé fait partie de la région 01, un territoire qui
s'étend de La Pocatière aux Îles-de-la-Madeleine, soit une
distance de presque 500 milles. Comme la ville de Gaspé est
située à l'extrême est, elle se trouve donc à 250
milles de Rimouski. Je vous demanderais de bien noter ces petits points. Cette
situation géographique n'est pas étrangère aux
problèmes que connaît l'Est du Québec.
Comme la lumière vient toujours de l'est... la Gaspésie
n'a jamais compté sur les
initiatives de la métropole du Bas-Saint-Laurent pour passer
à l'action. Dans le domaine de la recherche et de la conservation des
archives, elle fut la première à lancer le cri d'alarme. Ce qui
faisait dire à l'Écho du Bas-Saint-Laurent, de Rimouski, en avril
1963, et je cite: "La Gaspésie vient de nous damer le pion, il nous
reste à suivre son exemple".
En septembre 1962, la Société historique de la
Gaspésie voyait le jour. Un de ses premiers gestes fut de lancer un
appel à la population lui demandant de conserver les "vieux papiers".
Dès le premier numéro de la Revue d'histoire de la
Gaspésie, le président écrivait ceci: "Tous ces documents,
dès que les circonstances le permettront, seront classifiés,
indexés et, de cette façon, nous serons en mesure d'organiser un
centre de recherches..."
M. Claude Allard, le directeur de la revue, précisait davantage:
"La différence, c'est que tout l'effort de notre société
historique se traduit par l'accumulation de documents qui auront un jour leur
utilité. Toute avance de notre part est un acquis et un
déblaiement utiles aux générations d'historiens qui se
pencheront sur nos premiers balbutiements. Et si une telle publication avait
l'effet d'amplifier l'effort de préservation des documents
témoins du passé, ce serait déjà digne de
mention."
Ces appels furent entendus et les archives de la Société
historique de la Gaspésie n'ont cessé de s'enrichir depuis lors.
Nous en reparlerons d'ailleurs un peu plus loin. Il y a quelques années,
les autorités des Archives nationales du Québec mettaient de
l'avant une politique de décentralisation des archives. C'est ainsi que
furent créés les centres régionaux d'archives, dont celui
de Rimouski, qui a comme mandat de regrouper les fonds d'archives publiques et
privées du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine.
Nous sommes évidemment en faveur d'une telle
régionalisation. Cette dernière, cependant, ne tient pas compte
de la réalité gaspésienne tant sur les plans
géographique que culturel. Pour desservir toute la région 01, le
centre régional des Archives nationales du Québec à
Rimouski compte sur les services d'un seul archiviste. Malgré la
compétence et le bon vouloir de cette personne, elle ne peut s'occuper
adéquatement des archives sur un territoire aussi vaste. Pour venir
à Gaspé aller-retour, elle doit faire 500 milles. En
conséquence, son action se limite donc à la région
immédiate de Rimouski, soit le Bas-Saint-Laurent.
De plus, il faut tenir compte d'un autre facteur tout aussi important.
Nous voulons dire le fait que les Gaspésiens ont une histoire qui leur
est propre et qu'ils possèdent aussi une identité culturelle et
ethnique tout à fait différente de celle des habitants du
Bas-Saint-Laurent et encore des Madelinots. Le gouvernement du Québec a
reconnu cette réalité spacio-culturelle à la
Gaspésie par la création, en 1977, du Musée
régional de Gaspé et, tout récemment, en 1982, par la
venue du service Radio-Québec Gaspésie et
Îles-de-la-Madeleine.
Sur le plan archivistique, les deux principaux fonds d'archives
privées qui se trouvent en Gaspésie sont situés à
Gaspé. Il s'agit des archives de la Société historique de
la Gaspésie et celles de l'Évêché de Gaspé.
Les principaux fonds d'archives gouvernementales qui nous préoccupent
concernent le Palais de justice de Percé, celui de New Carlisle et celui
de Sainte-Anne-des-Monts. En raison de problèmes de conservation et de
manque d'espace, il est question de transporter ces archives au centre
régional des Archives nationales du Québec à Rimouski, ce
à quoi nous nous opposons fortement. Nous pensons que ces archives, qui
témoignent du passé des Gaspésiens, doivent demeurer en
Gaspésie. Pour ce faire, nous demandons que soit créé un
centre régional des archives en Gaspésie même.
Au cours des 20 dernières années, la Société
historique de la Gaspésie a été le principal maître
d'oeuvre des archives en Gaspésie. Grâce à son action dans
le milieu, elle a sauvegardé un patrimoine archivistique d'une richesse
inestimable. Le fonds d'archives de la Société historique de la
Gaspésie comprend 305 pieds linéaires d'archives manuscrites
imprimées, iconographiques, sonores et cinématographiques portant
sur des sujets relatifs à la Gaspésie: compagnies de pêche,
institutions scolaires et religieuses, coopératives,
municipalités, commerces, douanes, personnalités publiques,
auteurs, actes notariés et le reste.
Malgré l'importante cueillette d'archives que nous avons
effectuée depuis 20 ans, nous trouvons déplorable que le
principal fonds d'archives témoignant de 200 ans de l'histoire
gaspésienne soit rendu à l'extérieur de la
Gaspésie. Cela se passait entre 1962 et 1964, à l'époque
où la Société historique de la Gaspésie, qui
n'avait pas de locaux appropriés mais qui désirait que ces
archives soient sauvegardées, laissa partir à Ottawa les archives
de la compagnie Charles Robin et Collas, une entreprise de pêche qui a
maintenu un réseau d'établissements de pêche en
Gaspésie de 1766 à 1964. C'était malheureusement à
la même époque que les Archives nationales du Québec
montraient peu d'intérêt aux archives régionales. (17 h
45)
Depuis, les choses ont évolué. En 1977, la création
du musée régional de Gaspé, subventionné
entièrement par le ministère des Affaires culturelles du
Québec,
permettait entre autres à la Société historique de
la Gaspésie d'y abriter son fonds d'archives dans les conditions les
plus adéquates. Grâce à une aide financière des
Archives nationales du Québec, une première phase d'inventaire de
nos archives a été réalisée. Accessibles sur
demande, nos archives ont permis la réalisation de nombreuses et
importantes publications, notamment: l'Histoire de la Gaspésie, la
première histoire régionale du Québec, un ouvrage de 808
pages publié conjointement par la Société historique de la
Gaspésie, l'Institut québécois de recherche de la culture
et les éditions Boréal express.
En vingt ans, nos archives ont intéressé 173 chercheurs
à écrire 485 articles qui totalisent plus de 4000 pages dans les
numéros publiés par la revue "Gaspésie", qui s'appelait
avant 1977 "La revue d'histoire de la Gaspésie". De nombreux autres
ouvrages ou études publiés par des organismes du ministère
des Affaires culturelles, "Parcs Canada" etc. ou par des individus, furent
alimentés par nos archives: des monographies paroissiales, des
études généalogiques et beaucoup d'autres.
Grâce aux efforts soutenus de nombreux bénévoles, la
Société historique de la Gaspésie détient un fonds
d'archives régionales qui mériterait d'être plus accessible
aux chercheurs. Présentement, aucun archiviste n'est en poste afin
d'effectuer le travail archivistique que ce fonds d'archives mériterait
dans le domaine des acquisitions, du catalogage, fichiers de
référence, entretien mineur et le reste.
Sans compter sur l'aide gouvernementale, la Société
historique de la Gaspésie a mis sur pied, en vingt ans, le principal
fonds d'archives d'envergure régionale en Gaspésie. Nous
attendons donc du présent projet de loi sur les archives qu'il
reconnaisse de fait le contexte particulier de la Gaspésie en
créant un centre régional des archives en Gaspésie.
Dans un mémoire qu'elle présentait au ministre des
Affaires culturelles, lors de sa tournée de consultation, en avril 1982,
la Société historique de la Gaspésie réclamait que
le ministère des Affaires culturelles conserve dans le milieu les fonds
d'archives propres aux Gaspésiens.
Nous nous interrogions à l'époque sur la
nécessité et le danger que représente pour la
Gaspésie un centre régional d'archives situé à
Rimouski. "Pourquoi, disait-on, arracher du milieu gaspésien des
témoins de notre histoire aussi précieux que nos archives?
Pourquoi, avant de construire une boîte des archives à Rimouski,
ne pas consolider des dépôts d'archives déjà
existants et aussi importants que celui de la Société historique
de la Gaspésie.
Heureusement que ces propos que nous tenions et que d'autres
intervenants tenaient à la même occasion ne sont pas tombés
dans l'oreille d'un sourd. C'est avec grande satisfaction que nous avons pu
constater, à la lecture de son rapport de consultation publié en
décembre 1982, que le ministre avait bien saisi le sens de nos
revendications et que celles-ci étaient partagées et senties par
la plupart des autres intervenants. Je vous cite simplement, à la page
235, quelques petits extraits de ce rapport: "On dit, entre autres, que les
intervenants sont peu nombreux dans toutes les régions à parler
d'archives à l'exception de la région Bas-Saint-Laurent - et ici,
on oublie encore une fois d'indiquer Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, comme
si la Gaspésie faisait partie du Bas-Saint-Laurent - et on observe une
préoccupation plus marquée pour ce sujet. C'est l'étendue
du territoire qui est à l'origine de cet intérêt, en ce
sens que les intervenants sont venus s'opposer au transfert des archives de la
Gaspésie vers Rimouski. Tous les intervenants de la région de
l'Est du Québec qui ont parlé des archives ont soulevé
cette question".
Ce rapport note plus loin que "c'est la régionalisation qui
retient massivement l'attention des intervenants culturels", mais que, pour la
région de l'Est du Québec, cette régionalisation va plus
loin que de créer un centre d'archives à Rimouski, et je cite
encore une fois: "Dans le Bas-Saint-Laurent -précise le rapport -
plusieurs participants ont soulevé la question de la concentration des
archives à Rimouski. Dans ce coin du Québec, la
régionalisation ne veut pas uniquement dire la création d'un
centre régional des archives dans chacune des régions, cela veut
dire aussi "régionaliser dans la région". Trois intervenants
culturels, la Société historique de la Gaspésie,
l'Université du Québec à Rimouski et l'historien Mario
Mimeault, sont venus demander au ministre, M. Clément Richard, de doter
la Gaspésie d'un centre régional des archives comme il en existe
un à Rimouski". Le message était donc clair. Les intervenants
culturels de la Gaspésie et l'Université du Québec
à Rimouski étaient unanimes à exiger que les archives des
Gaspésiens soient conservées en Gaspésie. Les
Gaspésiens ont vécu, il n'y a pas si longtemps, la fermeture de
certains villages. Ils ont connu les déchirements d'être
expropriés, soit de Forillon ou encore de l'île Bonaventure.
Pourquoi faut-il en plus leur enlever leur patrimoine archivistique? Pourquoi
les Gaspésiens n'ont-ils pas le droit de conserver chez eux ce qui leur
appartient de plus précieux, leurs racines, c'est-à-dire leurs
archives?
Finalement, nous avons quelques recommandations relatives à ce
projet de loi sur les archives. La Société historique de la
Gaspésie applaudit à l'action du présent gouvernement qui
vise à doter l'État
québécois d'une loi sur les archives. Par ailleurs, nous
constatons, à regret, que ce projet de loi ne fait mention nulle part de
la préoccupation majeure des Québécois en matière
d'archives, soit la régionalisation. C'est pourquoi nous vous soumettons
des recommandations qui devraient, pour certaines, faire partie de la loi et,
pour d'autres, servir de ligne de conduite dans l'application effective de la
loi.
Considérant que le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et les
Îles-de-la-Madeleine représentent une région trop
étendue pour être desservie par un seul centre régional des
archives; considérant que les Gaspésiens ont une histoire qui
leur est propre et qu'ils possèdent une identité culturelle et
ethnique distincte de celle des habitants du Bas-Saint-Laurent et des
Îles-de-la-Madeleine; considérant que d'importants fonds
d'archives publiques et privées existent en Gaspésie et qu'il est
urgent qu'ils soient préservés; considérant que le
patrimoine archivistique des Gaspésiens ne devrait pas être
conservé ailleurs qu'en Gaspésie; considérant que les
archives judiciaires provenant des palais de justice situés dans la
région doivent demeurer dans le territoire gaspésien;
considérant qu'à l'occasion de la tournée de consultation
du ministre dans tout le Québec la "régionalisation" est
l'élément qui a retenu le plus l'attention des intervenants en
matière d'archives; considérant que lors de cette consultation
les intervenants de la région 01 furent de toutes les régions du
Québec ceux qui manifestèrent le plus d'intérêt pour
ce domaine des archives; considérant encore qu'à cette occasion
la plupart des intervenants de la région 01 soulevèrent la
question de la concentration des archives à Rimouski et qu'ils furent
unanimes à revendiquer la création d'un centre régional
des archives en Gaspésie;
Nous recommandons donc, premièrement, que la Gaspésie soit
dotée d'un centre régional des archives et, deuxièmement,
que la création d'un centre régional des archives en
Gaspésie soit inscrite dans le projet de loi no 3 sur les archives.
Ici, en terminant, on signale le rôle que la société
historique a joué depuis 21 ans dans notre milieu, l'encouragement
qu'elle a apporté aux travaux de recherche, les nombreuses publications
- 80 numéros jusqu'à maintenant - de notre revue L'histoire de la
Gaspésie, notre fonds d'archives et en même temps le fait que nous
avons aussi un musée qui est très bien coté -
classé musée A - parmi les quatre musées qui sont dans
cette catégorie au Québec; considérant également
que nous traitons nos archives selon la méthodologie en cours aux
Archives nationales du Québec et qu'on dispose de locaux qui conviennent
très bien à ce centre régional des archives.
Nous demandons donc, en résumé, que la Gaspésie
soit dotée de ce centre régional des archives. Merci.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Le Moignan. Il nous
reste cinq minutes à partager entre M. le ministre et le
représentant de l'Opposition.
M. Richard: M. Le Moignan, je voudrais vous remercier et vous
dire que nous sommes tous heureux de vous revoir aujourd'hui.
M. Le Moignan: Je suis content de voir que vous m'avez
écouté, M. le ministre.
M. Richard: Je cède la parole au député de
Saint-Henri et je vais revenir plus tard.
M. Hains: Je comprends vraiment votre brillant et chaleureux
plaidoyer, M. Le Moignan, pour la création d'un centre d'archives en
Gaspésie. Vous nous dites, dans votre plaidoyer, que vos demandes ne
sont pas tombées dans l'oreille de sourds. Je vous répète
encore le mot de l'Évangile, parce que je suis toujours bon
chrétien: N'arrêtez pas, frappez et on vous ouvrira.
M. Richard: Vous être Pharisien aussi.
M. Hains: Priez et on vous exaucera.
M. Richard: Vous êtes Pharisien un peu.
M. Hains: Soyez persistant, M. Le Moignan, et le ministre vous
sera un jour clément.
M. Richard: Je suis habitué à celle-là.
Le Président (M. Brouillet): Une minute, M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: II faudra peut-être que la commission
consente à prolonger ses travaux de quelques instants, mais je voudrais
tout simplement ne pas rater l'occasion de dire à notre ancien
collègue, M. Le Moignan, ci-devant député de Gaspé,
le plaisir que nous avons à le revoir. Avant que vous ne repartiez pour
votre lointain Extrême-Orient, M. Le Moignan et M. Fallu, je voudrais
vous dire, M. Le Moignan, que, bien que votre présence nous manque, il y
a un certain type d'esprit que vous avez illustré chez nous qui est
encore présent, qui est encore vivant, puisque c'est le
député de Saint-Henri, comme vous avez pu le constater, qui s'en
est fait l'avocat. Le député de Saint-Henri joue parmi nous un
peu le rôle que vous jouiez, bien que n'étant pas, comme dit le
député de Saint-Jean, un bleu, car c'est plutôt un rouge,
mais il manifeste un grand attachement pour les
valeurs culturelles que vous avez défendues parmi nous.
Je tiendrai, dans les semaines qui viendront, à rappeler au
ministre la demande que vous faites parce que votre mémoire a
l'avantage, la qualité de ne pas "s'éjarrer" dans toutes les
directions, de présenter essentiellement une demande. Je me ferai votre
porte-parole auprès du ministre pour insister sur l'intérêt
que présente cette demande.
M. Le Moignan: Merci, M. le député de
Deux-Montagnes.
Le Président (M. Brouillet): II reste encore une ou deux
minutes, est-ce que quelqu'un d'autre a des questions?
M. Le Moignan: Vous pouvez prolonger, car on n'est pas
pressés, nous, à présent.
M. Vaugeois: II n'a pas le droit de parole.
M. Proulx: Est-ce que vous avez la nostalgie de
l'Assemblée nationale, M. le curé? Est-ce que cela vous manque,
à la paroisse de Barachois? L'an passé, je me promenais sur la
route et je vous ai vu, seul, assis sur la galerie de votre presbytère.
On s'est reconnu et on s'est envoyé la main. On a ressassé de
vieux souvenirs.
M. Le Moignan: J'ai essayé de vous retenir et je n'ai pas
réussi. Pour être honnête, dans les débuts, je
pensais beaucoup à l'Assemblée nationale. J'aime
l'Assemblée nationale et j'ai apprécié, depuis hier,
l'hospitalité que j'ai retrouvée chez les anciens
collègues et chez tout le personnel ici. Aujourd'hui, vous le savez, on
ne peut pas faire deux choses à la fois. Je me trouve très bien
à Barachois. Je travaille un peu avec M. Fallu au musée, quand
j'ai une chance. C'est très consolant, surtout avec les demandes qu'on
fait ici aujourd'hui. Si jamais nos demandes sont exaucées, on va
être encore plus contents.
M. Proulx: Est-ce que vous vous occupez de ramasser les archives
de l'Union Nationale?
M. Le Moignan: Oui, précieusement.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Richard: M. Le Moignan, vous l'avez indiqué tout
à l'heure dans votre mémoire, vos paroles ne sont pas
tombées dans l'oreille de sourds et on fera l'impossible pour vous
donner satisfaction, sachant d'avance que ce n'est pas toujours facile de
donner satisfaction aux Gaspésiens en général et à
la Société historique de la Gaspésie en particulier. Je
pense qu'il y a des choses qui sont possibles dans l'immédiat et
d'autres à moyen terme.
M. Le Moignan: Merci, M. le ministre.
M. Richard: Je tiens à reconnaître le travail
absolument extraordinaire qui a été fait et qui est toujours fait
par la Société historique de la Gaspésie. Je sais qu'elle
s'est attelée à la tâche pour les fêtes de 1984 et
que ce sera réussi comme d'habitude. J'ai eu l'occasion de vous
rencontrer à quelques reprises, chez vous en Gaspésie,
c'est-à-dire les membres de la Société historique de la
Gaspésie ainsi que ceux et celles qui s'occupent du musée. C'est
assez extraordinaire de voir ce qui s'est fait de la part de ces deux
institutions pour assurer le développement culturel de votre
région. Je pense qu'on vous en sait tous gré. Voilà.
Le Président (M. Brouillet): Je remercie toutes les
personnes qui se sont présentées ici pour nous faire part de leur
mémoire ainsi que tous les membres de la commission. Maintenant, je
crois que le ministre aurait quelque chose à annoncer avant que l'on
ajourne nos travaux.
Motion proposant la réimpression du projet de
loi
M. Richard: M. le Président, conformément aux
dispositions de l'article 119 de notre règlement, je voudrais proposer
que, avant la deuxième lecture, le projet de loi soumis, après la
première lecture, à la commission parlementaire pour entendre les
mémoires, soit réimprimé. Je voudrais proposer la
réimpression de ce projet de loi.
M. Hains: Ai-je le droit de vous appuyer?
M. Richard: Vous avez le droit.
M. Hains: Cela me fait grand plaisir.
M. Vaugeois: Est-ce que nous avons le droit d'applaudir, M. le
Président?
Le Président (M. Brouillet): La commission est donc
d'accord pour la réimpression. Je demande au rapporteur de faire le
rapport de la commission le plus tôt possible. Étant donné
que la commission a accompli le mandat qui lui avait été
confié, j'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 02)