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(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente des affaires culturelles se
réunit aujourd'hui pour entreprendre l'étude du projet de loi no
3, Loi sur les archives.
Les membres de cette commission sont: Mme Bacon (Chomedey), MM. Leduc
(Fabre), Champagne (Mille-Îles), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dupré (Saint-Hyacinthe), Hains
(Saint-Henri), Proulx (Saint-Jean), Richard (Montmorency), Ryan (Argenteuil),
Saintonge (Laprairie).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Blouin (Rousseau),
Dauphin (Marquette), Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM^
Leduc (Saint-Laurent), Rochefort (Gouin), Vallières (Richmond)
remplacé par Marx (D'Arcy McGee).
M. Marx: De toute façon, l'accent n'était pas tout
à fait français, mais j'accepte.
M. Proulx: C'est toute une acquisition.
Le Président (M. Brouillet): Excusez, M. Marx dont le
comté est D'Arcy McGee. C'est bien cela.
Il conviendrait maintenant de se désigner un rapporteur. Est-ce
que vous avez un nom à me suggérer, M. le ministre?
M. de Bellefeuille: M. le Président, je propose M.
Jean-Paul Champagne.
M. Proulx: J'appuie cette proposition. M. Marx:
Étant donné son expérience...
Le Président (M. Brouillet): Le rapporteur de la
commission sera M. Champagne (Mille-Îles).
Voici l'ordre du jour. Je vais tout d'abord vous faire
l'énumération des mémoires pour dépôt
seulement. Après, je vous indiquerai la liste des personnes qui vont se
faire entendre aujourd'hui.
Voici la liste des mémoires pour dépôt seulement: La
section d'histoire de l'Université du Québec à
Trois-Rivières, M. Grégoire Rioux; la ville de Forestville, M.
Gaston Fallu; la Société de l'histoire des familles du
Québec; le Conseil de bande des Naskapee de Schefferville; la
Société historique du centre du Québec inc, M. Claude
Lessard, archiviste; la Bibliothèque centrale de prêt de la
Côte-Nord; la Société historique du golfe inc,
Sept-Îles; la Société d'histoire de Val-D'Or, MM
Réal Boucher et Guy Perreault; le Conseil régional de la culture,
Mauricie-Bois-Francs Centre-du-Québec; le département des
techniques de la documentation du cégep de Trois-Rivières; le
séminaire de Nicolet; la Commission de développement culturel des
Îles-de-la-Madeleine et Municipalité régionale de
comté des Îles-de-la-Madeleine; la Société
historique et généalogique de Trois-Pistoles inc; le Centre de
traduction montagnaise; la bibliothèque municipale de Sept-îles;
la Société historique de Havre-Saint-Pierre; le Centre de
recherche en civilisation canadienne-française de l'Université
d'Ottawa; M. Gaston Kirouac; la Société historique de Stanstead;
la Société historique de Gatineau; le Conseil de la culture de
l'Abitibi-Témiscamingue; la ville de Port-Cartier et la Commission
professionnelle des secrétaires généraux.
Maintenant, voici la liste des organismes qui se feront entendre
aujourd'hui.
L'Association des archivistes du Québec inc; l'Institut
d'histoire de l'Amérique française; le Centre d'études
canadiennes-françaises de l'Université McGill...
M. de Bellefeuille: À quel numéro?
Le Président (M. Brouillet): C'est le troisième
groupe qui se fera entrendre aujourd'hui.
Centre d'études canadiennes-françaises de
l'Université McGill; la Commission scolaire de
Saint-Jérôme; la Communauté urbaine de Montréal; la
ville de Montréal; la ville de Québec; le Service des archives du
séminaire de Sherbrooke inc; le séminaire de Québec; M.
Mario Audet, archiviste; l'Association des photographes professionnels du
Québec Inc; la Fédération des Sociétés
d'histoire du Québec; la Société
généalogique canadienne-française; le Conseil de la
culture de l'Estrie; l'Association des anglophones de l'Estrie; M. Armand
Gagné, archiviste, archidiocèse de Québec; M.
Paul-Émile Guy et M. Mario Mimeault.
Tous ces groupes devraient être présentés ici,
aujourd'hui. Comme vous le voyez, nous avons du travail sur la table.
M. Champagne: M. le Président. Le Président (M.
Brouillet): Oui.
M. Champagne: C'est simplement à titre d'information,
est-ce que le numéro 4, sur la feuille, vous l'avez bien
cité?
Le Président (M. Brouillet): Je l'ai mentionné
parmi les documents pour dépôt seulement.
M. Champagne: Parfait, la Commission professionnelle des
secrétaires généraux.
Le Président (M. Brouillet): C'est cela, pour
dépôt seulement.
M. Champagne: C'est remplacé par...
Le Président (M. Brouillet): En troisième, il est
remplacé par le Centre d'études canadiennes-françaises de
l'Université McGill.
J'inviterais maintenant le premier groupe, les représentants de
l'Association des archivistes du Québec.
M. Richard: M. le Président, il y a des
déclarations préliminaires de la part du critique de l'Opposition
et du ministre des Affaires culturelles.
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
J'inviterais M. le ministre des Affaires culturelles à nous faire part
de ses commentaires. Après, nous entendrons le représentant
officiel de l'Opposition.
M. le ministre.
Remarques préléminaires M.
Clément Richard
M. Richard: M. le Président, mesdames et messieurs membres
de la commission parlementaire, ces audiences publiques de la commission
permanente des affaires culturelles constituent pour moi les dernières
consultations avant que le Québec ne dispose, enfin, d'une loi sur ses
archives. Ce ne sera pas trop tôt si l'on songe qu'il aura fallu plus de
20 années de réflexions, de consultations, de discussions et de
travaux préparatoires pour que naisse un projet de loi sur les archives
québécoises.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais vous faire part de mes
commentaires à la suite de différents articles de journaux parus
récemment et de certains mémoires qui seront
présentés devant les membres de cette commission. Il me semble,
en effet, important - je m'adresse également au critique officiel de
l'Opposition, le député de Saint-Henri - de préciser que
le projet de loi sur les archives ne vise nullement à réduire le
rôle joué actuellement par les Archives nationales du
Québec ou encore à éliminer cet organisme du champ de la
gestion du patrimoine archivistique québécois.
Par ailleurs, il faut que nous sachions que les Archives nationales,
tout comme les autres institutions nationales rattachées au
ministère des Affaires culturelles, n'ont pas, en vertu des lois qui les
régissent, de statut juridique propre. Elles sont des directions
générales et, à ce titre, elles exercent des pouvoirs qui
leur sont délégués par le ministre tuteur. À
côté du droit, il y a le vécu qui, au cours des
décennies précédentes, a amené mes
prédécesseurs au Secrétariat de la province d'abord et au
ministère des Affaires culturelles ensuite à laisser se
développer et à s'affirmer les institutions nationales. À
telle enseigne qu'elles sont devenues aux yeux du public des institutions
nommément identifiées et jouissant dans les faits de la marge
d'autonomie nécessaire à l'exécution de leur mandat. Cette
réalité qui a permis aux Archives nationales de devenir ce
qu'elles sont, il ne saurait être question de la remettre en cause.
Cela dit, le sujet qui nous occupe, contrairement à ce qu'on
pourrait croire à première vue, est complexe et soulève de
nombreux problèmes d'application. Pensons simplement, en première
analyse, aux difficultés que pose la définition du concept de la
notion d'archives. Dans le langage courant, on attribue au mot "archives" trois
significations différentes. Ainsi, lorsqu'on parle d'archives, on fait
parfois référence aux documents conservés par des
institutions ou des individus. En d'autres temps, le même mot est
utilisé pour désigner le lieu où sont entreposés
ces documents. Enfin, il n'est pas rare que nous utilisions le mot "archives"
pour dénommer une institution dont le mandat est d'assurer la garde et
l'exploitation des documents. Par ailleurs, les archives - entendons ici les
documents -résultent par essence de la production documentaire courante
et constituent un bien culturel difficile à isoler.
Ainsi, nous ne saurions envisager la protection et la gestion des
archives sans égard aux politiques et pratiques de ceux qui les
créent, non pas - il faut le signaler -dans une optique culturelle, mais
bel et bien, cela va de soi, dans une perspective de fonctionnement
opérationnel. Malgré tout, plusieurs facteurs nous incitent
présentement à agir et à doter le Québec d'une loi
sur les archives qui soit à la fois efficace et cohérente.
Au premier chef, il faut mentionner l'indéniable hausse de
l'intérêt pour la recherche en archives ainsi qu'en
témoigne la mise sur pied, au cours des dernières années,
de nombreuses sociétés d'histoire et de généalogie
et la place de plus en plus
importante occupée par l'enseignement de l'histoire et des
sciences humaines dans les écoles secondaires, les collèges et
les universités. En second lieu, il faut signaler la croissance dans
certains cas vraiment exponentielle des masses documentaires et la
multiplication des supports dont la gestion, la conservation et l'exploitation
posent de plus en plus de problèmes et exigent l'allocation de
ressources de plus en plus considérables. (10 h 30)
Le troisième facteur qui appelle à l'action, les nombreux
constats d'irréparables pertes d'information précieuse pour la
connaissance de la société québécoise. Ici, M. le
Président, les exemples foisonnent. Je me contenterai simplement
d'évoquer la sortie vers les États-Unis puis le rachat par le
gouvernement canadien au coût de 500 000 $ de documents portant, entre
autres, sur la période 1759-1774 et sur les événements de
1837 et 1838. Par ailleurs, alors que des efforts viennent d'être
consentis pour encadrer la gestion de l'information gouvernementale - je me
réfère à l'adoption récente de la loi 65 - nous ne
saurions laisser sans protection législative et réglementaire
cette source d'information essentielle et destinée à la
conservation permanente que sont les archives.
Enfin, dernier facteur, alors que la plupart des pays du monde disposent
d'outils législatifs et réglementaires leur permettant d'assurer
une saine gestion de leur patrimoine archivistique - je pense ici à la
loi française de 1979, modifiant celle de 1973 en l'adaptant aux besoins
de notre temps; je pense également aux lois adoptées par les
provinces canadiennes et par la plupart des pays en voie de
développement au cours des 20 dernières années - il est
donc urgent que le Québec prenne à son tour les mesures
nécessaires pour assurer la préservation, mais aussi pour
faciliter l'exploitation de cette portion non négligeable de son
héritage que sont les archives.
Le projet de loi soumis aujourd'hui pour étude aux membres de
notre commission et au sujet duquel des intervenants des milieux directement
concernés auront l'occasion de faire entendre leur point de vue a pour
objet l'ensemble des archives québécoises. À ce titre, il
est d'abord important de garder à l'esprit qu'il porte sur tous les
supports de la documentation archivistique, d'une part, sur les documents
qualifiés de traditionnels, qu'il s'agisse de manuscrits, de textes
dactylographiés, de photographies et de films ou encore de cartes et de
plans, mais également sur les supports de facture récente issus
de la révolution technologique, comme les bandes magnétiques et
magnétoscopiques. Par ailleurs, il faut aussi prendre en
considération le fait que ce projet de loi sur les archives ne touche
que les documents qui n'ont pas été soumis au processus
d'édition et qui n'ont pas fait l'objet d'une distribution commerciale.
C'est d'ailleurs là une des caractéristiques qui distinguent les
archives du livre ou du disque et qui en font un produit unique.
Enfin, autre trait distinctif dont il faut tenir compte. Les archives
dont il est question dans ce projet de loi sont, pour une large part, des
documents inactifs produits ou reçus par un organisme public, par un
individu ou par une institution privée ayant perdu leur raison
d'être première, mais présentant néanmoins un
intérêt historique qui justifie leur conservation à long
terme. La notion d'archives, telle qu'entendue dans ce projet de loi, recouvre
également certaines catégories de documents publics actifs et
semi-actifs, toujours utiles et utilisables pour des fins administratives et
juridiques, mais dont le contenu, tels les lois, les plans cadastraux ou les
ententes intergouvernementales revêtent un intérêt
indéniable pour la connaissance de l'évolution de notre
société. Le projet de loi sur les archives - on l'aura compris -
ne couvre donc qu'une partie de la masse documentaire produite ou
accumulée par les diverses composantes de notre société
dans le cours de leurs activités courantes. Il n'intéresse que la
portion évaluée par les spécialistes à 5% ou 10% de
l'ensemble susceptible d'apporter un éclairage significatif sur notre
histoire.
S'agissant de définir les objectifs du présent projet de
loi, je dirai d'abord qu'il a pour but premier de doter les organismes publics
et les détenteurs d'archives privées d'un outil qui leur permette
de gérer efficacement leurs archives et qu'il vise ultérieurement
à protéger les archives québécoises actuelles et
à venir en faciliter l'accès et l'utilisation.
Pour atteindre ce double objectif, des mesures ont été
prévues à quatre paliers différents d'intervention.
D'abord, au niveau de l'appareil d'État lui-même; ensuite à
celui des organismes publics décentralisés, puis en regard des
services d'archives privés et enfin, de certains aspects de la gestion
des documents d'archives eux-mêmes.
Une première série de dispositions concerne exclusivement
les archives publiques produites ou reçues par le gouvernement ou
l'Assemblée nationale, les tribunaux et les organismes en relevant. Dans
la foulée des principes déjà annoncés dans la Loi
sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection
des renseignements personnels, obligation leur est faite de préparer et
de faire approuver un calendrier de conservation, outil reconnu de nos jours
essentiel pour la gestion des stocks documentaires, notamment, pour en
déterminer la durée de vie en phase active et semi-active et pour
en prévoir le sort en
phase inactive.
À brève échéance, cette mesure, à
première vue contraignante, aura des retombées positives en ce
qu'elle assurera la préservation de l'information pertinente et en ce
qu'elle réduira de façon appréciable les coûts de
recherche des renseignements et d'emmagasinage de documents inutiles. De plus,
la majorité de ces organismes publics seront amenés, en vertu du
chapitre III du projet de loi, à confier la garde de leurs archives, par
voie de remise ou de dépôt, à une institution unique
rattachée au ministère des Affaires culturelles, les Archives
nationales du Québec.
Cette centralisation des responsabilités au sein d'une
institution, disposant de l'expertise nécessaire et déjà
en contact avec les clientèles utilisatrices, nous semble devoir offrir
trois avantages marquants. D'une part, elle permettra le regroupement
d'archives, et son corollaire: l'élagage de documents inactifs et
inutiles, actuellement dispersés, souvent conservés dans des
conditions inadéquates et virtuellement inaccessibles; d'autre part,
elle fournira des garanties certaines quant à la conservation
sécuritaire et ordonnée des biens culturels de nature
archivistique; enfin, elle offrira aux citoyens des conditions plus
avantageuses d'exercice de leur droit d'accès à l'information
publique.
Le second volet d'intervention s'adresse aux organismes publics
décentralisés, c'est-à-dire les corps municipaux, locaux
et régionaux, les communautés urbaines, les commissions
scolaires, les maisons d'enseignement publiques ou reconnues comme telles,
ainsi que les établissements constitués en vertu de la Loi sur
les services de santé et les services sociaux. Tout comme dans le cas
des organismes publics centralisés, le projet de loi no 3 demande
à ces institutions publiques de dresser et de faire approuver leur
calendrier de conservation. Elle ne leur fait cependant pas obligation de
remettre ou de déposer leurs archives à une institution
gouvernementale centralisée. En fait, il m'apparaît que ces
organismes doivent assurer eux-mêmes la garde de leurs archives et en
garantir l'accès. D'abord, parce que - j'en suis convaincu - ils
comptent au nombre de leurs responsabilités sociales celle de participer
activement à la préservation du patrimoine culturel de notre
collectivité; ensuite, parce que proches des milieux qui ont
contribué à créer les archives qu'ils détiennent,
ils sont généralement seuls en mesure de mettre à la
disposition . de ceux qu'ils servent ou représentent l'héritage
documentaire communautaire; enfin, parce que la conservation de leurs archives
leur garantit l'autonomie dont ils ont besoin dans leur rapport de force avec
les autres institutions publiques ou privées.
Le troisième secteur d'activité touche les archives
privées et les services qui en assurent la garde et la diffusion. Ici,
vous l'aurez noté, l'approche est différente de celle
adoptée à l'égard des organismes publics. La
démarche procède, en fait, des mêmes principes qui ont
guidé le processus de régionalisation enclenché au
ministère des Affaires culturelles. Elle vise en quelque sorte à
laisser aux intervenants du milieu la marge de manoeuvre dont ils ont besoin
pour satisfaire aux exigences de leur mandat, mais également à
leur apporter le support nécessaire à l'atteinte de leurs
objectifs. Elle tend, à certains égards, à favoriser la
mise en place de véritables réseaux de centres privés
d'archives capables d'offrir à leur clientèle des services de
qualité. Elle conduit, enfin, le ministre des Affaires culturelles et
son institution désignée, les Archives nationales du
Québec, à s'associer des partenaires et à collaborer avec
eux à la promotion de la conservation et de l'accessibilité des
archives privées.
C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la notion
d'agrément mentionnée une première fois à l'article
14 et développée à la section 1 du chapitre VI du projet
de loi. Le concept, il faut le rappeler, n'est pas nouveau. Il est connu depuis
un certain nombre d'années déjà dans les milieux des
librairies et des musées. Essentiellement, l'agrément
confère à son détenteur un statut spécial qui
atteste d'un certain niveau de développement et qui le classe au nombre
des services d'archives dont le fonctionnement est conforme aux exigences
scientifiques de l'archivistique. Les avant-projets de règlements
présentement à l'étude prévoient, en effet, que
l'admissibilité à l'agrément sera fonction de la
qualité des équipements et méthodes de conservation, des
conditions d'accessibilité et de diffusion et de la compétence
des personnes affectées aux diverses opérations du service
demandeur. Ces critères de base sont d'autant plus nécessaires
que, dans une perspective de régionalisation et d'actions
concertées en vue de laisser les archives dans leur milieu naturel, nous
envisageons de pouvoir confier, après analyse des besoins des
clientèles, à ces services d'archives, des lots d'archives
publiques susceptibles d'enrichir les mémoires collectives locales ou
régionales.
Au chapitre des archives privées, de façon plus
générale, le projet de loi prévoit pour le
ministère des Affaires culturelles, un triple rôle de support,
collaboration et suppléance. C'est ainsi que le ministère, par le
biais des Archives nationales, pourra continuer d'apporter aux gardiens
d'archives privées, une aide technique ou financière: c'est ainsi
qu'il collabore lui-même à la garde d'archives privées et
qu'il entend, à cette fin, participer à l'élaboration de
plans d'actions concertées visant à partager le
mandat global et à définir le plus clairement possible les
champs d'intervention des partenaires impliqués. C'est ainsi, enfin,
qu'il compte pouvoir lui-même assumer le mandat de services en
difficultés et de mieux favoriser l'engagement de nouveaux partenaires
aptes à prendre la relève.
Enfin, le dernier champ couvert par le projet de loi no 3 porte sur les
normes et conditions de gestion des documents eux-mêmes. Ici, les
dispositions, sans affecter toutes les opérations de mise en valeur des
archives, sont variées.
Les unes prévoient certains délais pour
l'élaboration des calendriers de conservation et pour la
préparation des listes de versement de documents publics anciens.
D'autres concernent l'élimination des archives publiques, voire de
documents actifs et semi-actifs et stipulent qu'elles ne sauraient se faire
sans l'approbation du ministre des Affaires culturelles.
Des mesures sont également prévues pour rendre accessibles
des archives publiques dans le respect du droit des citoyens à la
protection des renseignements personnels. Ainsi, des documents non accessibles
en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et
sur la protection des renseignements personnels pourront l'être, mais
seulement 100 ans après leur date de production ou, dans le cas de ceux
comportant des renseignements nominatifs, 30 ans après la date du
décès de la personne concernée. Ces délais sont
à l'évidence amplement suffisants pour garantir le droit à
la confidentialité de tout citoyen.
Par ailleurs, dans le but d'améliorer l'efficacité de la
gestion globale du patrimoine archivistique québécois et de
minimiser les dangers de perte de documents riches d'information,
précieux ou anciens, des dispositions prévoient que les archives
reconnues ou classées biens culturels soient inventoriées et que
copie de l'inventaire soit obligatoirement remise au ministre. Dans le
même esprit, des interdictions sont faites quant au fractionnement des
fonds d'archives, une pratique commerciale qui nous a jusqu'ici fait perdre
d'inestimables corpus documentaires.
C'est également dans une perspective de contrôle plus
étanche de notre héritage archivistique qu'ont été
préparés les articles relatifs aux documents anciens. Ils visent
à une meilleure gestion de la circulation hors Québec de
documents datant de plus de 100 ans et à empêcher la sortie au
profit d'institutions étrangères des pièces les plus
précieuses pour notre histoire. Ils tendent, par ailleurs, à
permettre à l'État de récupérer ses propres
archives créées à même les deniers publics et
à mettre un terme à cette malheureuse pratique du rachat, souvent
à prix fort, des documents anciens qui faute d'une saine gestion des
archives, ont échappé au contrôle de leur
propriétaire.
(10 h 45)
Enfin, outre les clauses modifiant certaines lois existantes en fonction
des principes énoncés dans la future loi sur les archives, le
gouvernement se réserve, ainsi que le veut la pratique, le pouvoir de
réglementer l'application de la loi. À cet égard, des
avant-projets de règlements sont présentement à
l'étude et font l'objet de consultation auprès des principaux
intéressés. Ils fournissent à ceux qui auront à
appliquer cette loi les indications précises sur les normes de
compilation, de rédaction et d'approbation des calendriers de
conservation. Ils indiquent les procédures à suivre dans les cas
de remise, de dépôt, d'élimination et de conservation
d'archives publiques. Eu égard, aux services privés d'archives
agréés, ils précisent la marche à suivre pour la
demande d'agrément, les conditions d'éligibilité et les
exigences opérationnelles pour le maintien du statut.
Ce ne sont là, je tiens à le répéter, que
des avant-projets. Le cas échéant, ils seront adaptés en
fonction des résultats des discussions qui auront cours tout au long du
cheminement de ce projet de loi à l'Assemblée nationale.
Voilà donc l'essentiel de ce projet de loi no 3 sur les archives,
une première dans l'histoire législative du Québec.
Après bientôt quatre siècles de présence continue de
notre collectivité sur cette portion du continent nord-américain,
le temps est venu d'agir, d'investir des énergies dans la garde et la
diffusion de ces archives qui témoignent de notre vécu et
expliquent ce que nous sommes devenus. À première vue, les
efforts à consentir peuvent apparaître importants. Pourtant,
à y regarder de plus près, ils rapporteront gros et non seulement
du seul point de vue de la préservation de notre héritage
documentaire. Ils permettront en effet aux détenteurs d'archives et
particulièrement aux gardiens d'archives publiques de mettre de l'ordre
dans leur stock documentaire, de dégager le mort-terrain qui,
présentement, cache les filons d'archives et partant, de rationaliser
l'allocation de leurs ressources.
Par ailleurs, alors que l'ordinateur a déjà
commencé à bouleverser singulièrement notre gestion des
écritures et de l'information, il devient urgent de consolider l'acquis
avant qu'il ne soit trop tard et d'appréhender le futur. Ici, le
défi sera d'autant plus facile à surmonter que nous aurons
prévu de bons outils de gestion de l'information d'intérêt
historique à venir. Nous serions d'autant plus impardonnables de ne rien
faire face à nos archives que le public québécois est en
droit d'exiger le libre accès à l'information qui le concerne et
que ceux qui ont pour loisir ou métier de
comprendre les fondements de notre société doivent avoir
enfin en main des données justes qui nous renvoient une image
fidèle de ce que nous sommes devenus.
La présentation de ce projet de loi démontre
concrètement que le ministère des Affaires culturelles entend
assumer tous les volets de sa mission. Après avoir
présenté au public il y a quelques jours un programme d'action
axé sur la création, je soumets aujourd'hui à votre
discussion un document sur la conservation.
Le lien entre ces deux aspects de la vie culturelle est très
étroit. En effet, nos créateurs méritent tout le
crédit pour leur vitalité et leur originalité, mais il est
permis de croire que s'ils sont si différents des autres artistes
nord-américains, c'est d'abord parce qu'ils sont issus d'un peuple dont
l'histoire particulière est connue par ses archives.
Enfin, je voudrais remercier à l'avance tous les individus, tous
les groupes ou associations qui ont déposé des mémoires et
qui viendront dans bon nombre de cas les présenter devant cette
commission.. Je puis les assurer que toute mon attention leur est acquise et
que nous sommes disposés à bonifier ce projet de loi.
Déjà les mémoires soumis m'ont convaincu, M. le
Président, que nous devrions y apporter des modifications importantes,
notamment en ce qui a trait aux définitions.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre.
La parole est au représentant de l'Opposition. Vous applaudirez
à la fin quand nous aurons suspendu les travaux.
M. Roma Hains
M. Hains: M. le Président, M. le ministre, chers
collègues, mesdames et messieurs. Nous sommes vraiment heureux de vous
recevoir à cette commission parlementaire qui étudiera le projet
de loi no 3, portant sur les archives. Les échos des médias
d'information nous ont révélé la joie d'avoir enfin un
projet de loi sur les archives, mais aussi la frustration de plusieurs de vos
organismes de même que vos attentes et vos espoirs.
C'est avec attention et sympathie que nous, de l'Opposition,
écouterons vos nombreuses représentations et vos remarques
judicieuses. Vous êtes d'un milieu érudit, voué avec
respect, et même avec une certaine tendresse, au patrimoine de chez nous
et aux mémoires de notre histoire.
Le nombre imposant de vos dossiers -plus d'une soixantaine - nous dit
mieux que toute autre preuve votre intérêt et votre attachement
à ce riche héritage du passé et à ce trésor
de l'avenir. Soyez-en félicité et soyez assuré de
rencontrer chez nous une oreille et un esprit attentifs.
Puis-je d'abord vous donner un raccourci de l'historique qui nous a
menés aujourd'hui au projet de loi no 3 sur les archives? Depuis les
années de la révolution tranquille, plusieurs gouvernements ont,
au Québec, posé certains jalons en vue de l'adoption d'une loi
sur les archives. Dès 1965, Pierre Laporte, alors ministre des Affaires
culturelles, posait dans un livre blanc, un livre qui n'a jamais vu le jour,
les grands postulats d'une politique culturelle québécoise.
La recommandation 49 avait précisément pour but la
création d'une loi sur les archives. Malheureusement, le changement de
gouvernement qui survint en 1966 relégua le texte de M. Laporte aux
archives!
Reconnaissant l'apport inestimable des archives au patrimoine
québécois, l'Union Nationale créait les Archives
nationales du Québec ainsi que le poste de conservateur des Archives
nationales. Par ces changements, on voulait, dans un premier temps, rapatrier
sous le seul chapeau du ministère des Affaires culturelles, les
activités de conservation des archives pour des raisons apparentes
d'économie. On voulait également adapter ces activités de
conservation à une définition plus moderne de
l'archivistique.
Ce fut donc au ministre des Affaires culturelles, via le conservateur
des ANQ, qu'incomba la responsabilité de mettre de l'ordre dans ce
système.
Je vais en sauter quelques-unes...
Une voix: Ah! dommage.
M. Hains: Dommage? Cela vous intéresse? Je ne voudrais pas
être trop long, je ne voudrais pas dépasser le temps de M. le
ministre.
Une voix: On a toujours de beaux textes de votre part et on les
apprécie.
M. Hains: II ne devait pas cependant suivre une
législation ayant pour objet direct les archives, législation qui
aurait permis d'asseoir de façon légale les intentions du
gouvernement de l'époque.
Le développement des archives, de leur conservation et de leur
mise en valeur était tributaire, malheureusement, des maigres ressources
du MAC.
En 1975, le ministre des Affaires culturelles de l'époque, M.
Jean-Paul L'Allier, reprenant le constat maintes fois
répété de la faiblesse des structures et des ressources
allouées pour la protection et la mise sur pied d'une politique des
archives, se proposait de changer la situation. La création de la
Commission de la bibliothèque et des Archives nationales était
annoncée. Par
l'entremise de cette commission, le Québec allait être en
mesure de se donner de véritables politiques en matière
d'archivistique, couplées à des objectifs précis en
bibliothéconomie.
Malgré la noble vision que possédait le ministre des
archives de ce temps, M. Jean-Paul L'Allier, ni la commission ni la loi sur les
archives ne virent le jour. On assiste cependant en la même année
1975, par le Conseil du trésor, à l'émission de directives
communes visant l'établissement de calendriers de conservation des
documents administratifs ainsi qu'à une procédure de disposition
des documents inutiles. Du même coup, on lançait une entreprise de
régionalisation des ANQ en vue de doter chaque région
administrative du Québec d'un centre voué à jouer le
rôle décrit plus haut.
Ces centres sont aujourd'hui implantés, bien qu'il faille encore
considérer certains ajustements par rapport à des exigences
géographiques dont les régions administratives ne tiennent pas
suffisamment compte. On pense, notamment, aux ANQ de Rimouski qui doivent
couvrir toute la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie et
dont les habitants de cette dernière région s'opposent au
transfert des archives de Gaspé vers Rimouski, problème qui fait
d'ailleurs l'objet de plus d'un mémoire qui seront
présentés ces jours-ci. Trois ans plus tard, en 1978, le
gouvernement du Parti québécois constatait à son tour,
dans un livre blanc intitulé "La politique québécoise du
développement culturel" la nécessité de
légiférer dans le domaine des archives. On nous apprenait
à ce moment-là que le ministre des Affaires culturelles en
était à la rédaction d'un projet de loi en ce sens et
qu'il devait être présenté sous peu. Il aura donc fallu
attendre cinq ans avant qu'un tel projet de loi sur les archives ne vienne
à être présenté à l'Assemblée
nationale, et c'est la loi no 3. La gestation, M. le ministre, a
été longue et pénible. L'accouchement semble avoir
été douloureux, car le bébé se présente,
paraît-il, un peu mal et semble porter des marques nombreuses de
malformation.
M. Marx: Pas viable.
M. Hains: Projet de loi no 3. J'en saute un peu. Les notes
explicatives de ce projet de loi sur les archives nous apprennent que le
ministre des Affaires culturelles entend se donner les moyens de conserver, de
mettre en valeur et de diffuser les archives publiques, qu'il entend aider
financièrement et techniquement les services d'archives privées
ainsi que la possibilité d'agréer un tel service
conformément à la loi. On y présente également
l'obligation pour les organismes publics d'établir un calendrier de
conservation. De plus, le projet de loi prévoit le contrôle de la
sortie du Québec des documents présentant une valeur historique.
L'analyse du projet de loi découlera de ces objectifs, de même
qu'une approche reliée à la vision moderne de
l'archivistique.
Problèmes de définition. Dès le premier abord, le
projet de loi no 3 présente certains défauts quant à la
précision des termes employés qui nuisent grandement à la
compréhension et à l'interprétation du texte
législatif. La définition du terme "archives publiques" qui nous
est proposée en vertu des articles 2, 7, 16 et 19 ne correspondrait
qu'à des documents dits historiques. Si on s'en réfère
à ce qui est généralement entendu comme archives dans le
milieu des archivistes, il faudrait plutôt se référer
à la notion des trois âges d'un document. C'est pour cette raison
qu'un humoriste a dit que c'était un peu une loi pour l'âge d'or
des archives ou du troisième âge.
M. Richard: Vous avez raison, cela va devenir l'âge d'or
des archives.
M. Hains: Espérons, mais pas le troisième
âge. Chaque document passe par une période active où il est
d'un usage courant pour l'organisme qui l'a produit ou reçu. Vient
ensuite la phase semi-active où le document n'est utilisé que
sporadiquement et, en tout dernier lieu, vient la phase inactive où se
retrouvent les documents d'intérêt historique. Il va sans dire que
le passage d'une étape à l'autre implique un tri et
l'élimination d'un certain nombre de documents. Le rôle de
l'archiviste consiste judicieusement à déterminer, en fonction de
ces trois âges, les besoins et les contraintes imposées à
l'organisme sur un plan de conservation. Il est donc important, dans cette
optique, de suivre un document dès sa création jusqu'à son
élimination ou sa conservation. (Il heures)
Le projet de loi ne traduit pas explicitement cette
réalité. Par exemple, à l'article 5, on définit ce
que sont les documents actifs et semi-actifs sans pour autant définir ce
qu'est un document inactif. Ce n'est qu'en se référant aux
articles 2, 7, 16 et 19, et l'on finit par comprendre que documents inactifs
égalent archives publiques. Toujours, selon l'article 2, tout ce qui ne
correspond pas à des archives publiques doit être compris comme
archives privées. Ainsi, les documents actifs et semi-inactifs d'un
ministère, à titre d'exemple, doivent être entendus comme
des archives privées. Il y a aussi beaucoup d'accrocs dans ces textes,
à la terminologie archivistique et une définition très
limitative que sont les archives publiques.
L'autorité du ministre des Affaires culturelles. Une politique
archivistique telle qu'instaurée selon les normes de la profession
nécessite une action hautement concertée à
défaut de faire référence à une seule
autorité. Dans le cas qui nous occupe, le ministre s'est virtuellement
arrogé tout pouvoir dans le projet de loi sur les archives. Pour
commencer, le ministre est responsable de l'approbation des calendriers de
conservation que lui soumettront des organismes publics ainsi que toute autre
modification ultérieure. L'imprécision des termes du ministre le
porte à quelques écarts vraiment prosaïques. On dit,
à l'article 38, que, dans le cadre d'une politique de gestion des
archives publiques, donc, des documents inactifs, le ministre est chargé
de conseiller des organismes publics sous la gestion de leurs documents actifs
et semi-actifs. Le ministre a peut-être oublié ici l'article 8
où il approuve les calendriers de conservation et, forcément, un
calendrier de conservation et des prévisions à l'endroit des
documents actifs et semi-actifs. Autrement, comment ces organismes
pourraient-ils transmettre leurs documents inactifs au ministre des Affaires
culturelles à l'expiration de la période de conservation?
Le ministre détermine aussi beaucoup d'autres choses. À
l'article 14, il peut, aux conditions qu'il détermine, déposer
des archives publiques auprès d'un organisme public ou d'un service
d'archives privées agréé. Le ministre peut ainsi
décider de la redistribution des archives publiques aux conditions qu'il
détermine dans n'importe quel service agréé ou organisme
public sans que le service ou l'organisme visé n'ait son mot à
dire d'après la loi. Il y a fort à parier qu'un tel
impondérable découragera bien des services d'archives
privées à demander d'être agréés. Dans la loi
9 sur le cinéma et la vidéo, j'avais parlé de
l'omniprésence de M. le ministre. Ici, on peut parler un peu aussi de
son omnipotence. Il y a encore une loi avec tous ces "omni". Comme je vous le
disais, M. le ministre, vous allez certainement entrer au musée de la
renommée que se propose le ministère de Québec.
À l'article 21, le ministre peut également autoriser
l'élimination d'archives publiques dont il estime que la conservation ne
présente plus d'intérêt historique. Alors, qu'il interdit
cette procédure à travers toute la province, le ministre se
réserve, sur la loi de son seul jugement, d'éliminer des archives
ne présentant pas d'intérêt historique. L'article 24
confirme, quant à lui, le droit du ministre d'agréer aux
conditions qu'il détermine un service d'archives privées. Encore
une fois, ceci se fait sans aucune référence ou aucun
règlement à venir. Une telle disposition ne pourra qu'encourager
la politisation et le patronage des archives au Québec. Non content des
dispositions de l'article 21 qui donne un pouvoir absolu, le ministre se donne
un semblant de consultation à l'article 41, alinéa 6, au sujet de
l'aliénation des archives publiques. Pourquoi le ministre ne se
donnerait-il pas la peine d'avoir un avis favorable de la Commission des biens
culturels pour aliéner les archives publiques, alors qu'il peut
paisiblement les éliminer en vertu de l'article 21?
Une telle centralisation des activités de conservation, de mise
en valeur et de diffusion, dans les mains du seul ministre est vraiment
difficile à accepter. Le projet de loi prévoit également,
à l'article 67 - et j'arrive à votre petite remarque de tout
à l'heure, M. le ministre - l'abrogation de la section 5 de la loi
actuelle sur les affaires culturelles d'aujourd'hui, l'abolition, par
conséquent, des Archives nationales du Québec. Tout le personnel
et le réseau des ANQ seront intégrés au ministère
même. À proprement parler, il n'existera plus, sur l'empire de la
loi 3 sur les archives, que des antennes du ministère des Affaires
culturelles sur le coup immédiat des décisions du ministre.
Pourtant, il ne semble pas que les ANQ aient joué un rôle aussi
mauvais. Si tel était le cas, ce serait à cause du gouvernement,
faute d'allouer souvent des ressources suffisantes. Comment justifier une telle
décision d'éliminer de la loi les ANQ pour probablement les
reléguer à la Gazette officielle du Québec, le tout sans
véritable débat public?
La coordination harmonieuse d'une politique de gestion des archives au
plan administratif et gouvernemental aurait peut-être
nécessité une commission indépendante sur le modèle
proposé dans le livre vert de 1975 ou, encore, sur le droit à
l'information ou, enfin, sur toute autre formulation quelconque.
Une telle commission assurerait aux yeux du public, des chercheurs et
des éventuels donateurs, ainsi que chez les services d'archives
privées une certaine distance par rapport aux influences politiques
partisanes qui gravitent malheureusement toujours autour d'un ministre issu
d'une formation politique. Si, pour des restrictions budgétaires, il
était impossible à ce gouvernement actuel de
légiférer, dans ce domaine dans des conditions plus propices, une
aide véritable et rationnelle, il aurait peut-être
été mieux d'attendre plutôt que de légiférer
ainsi.
Je passe à un autre point: Les avis de la Commission des biens
culturels. Notamment, pour les articles 8, 24 et 41, le ministre peut prendre
avis de la Commission des biens culturels. Pour certains, cette mesure
étonne, mais s'explique par le fait qu'il faut trouver remplaçant
aux défuntes ANQ qui, d'une certaine façon, auraient
été à la fois juge et partie. Cependant, en vertu de
l'article 62, il ne s'agit pas, à proprement parler, de la commission
qui donne avis au
ministre, mais bien d'un groupe de trois personnes
désignées par la commission, chargées d'intervenir au nom
de la commission. Il n'est pas fait mention que ces trois personnes - je parle
toujours de l'article 62 - devront répondre devant la commission ou le
ministre de quoi que ce soit, pas plus qu'on ne précise que ce seront
obligatoirement des gens de la commission, de l'extérieur ou de l'une
des deux parties. Aucune mention n'est faite non plus de la durée des
mandats qui seront conférés. Des précisions à ce
chapitre se doivent vraiment d'être fournies par M. le ministre.
Articles 10 et 19: Ces deux articles dispensent les personnes
élues, notamment les parlementaires, de verser les documents concernant
l'exercice de leurs fonctions. Cette dispense est d'autant plus étrange
que l'on oblige les employés des organismes publics à remettre de
tels documents. Hors de tout doute que de tels documents des personnes
élues peuvent représenter un intérêt historique de
première importance et que de laisser à leur seule
discrétion le soin de remettre lesdits documents risque de prolonger une
tradition de silence de la part des élus québécois. Des
règles d'accessibilité pourraient offrir des garanties de
confidentialité suffisantes pour permettre que les élus soient
obligés de remettre leurs archives.
Article 17: Étrangement, les documents visés aux
alinéas 1 à 5 de l'article 16, malgré qu'ils sont reconnus
comme archives publiques, ne font pas l'objet d'une obligation de remise au
ministre. Ils ne peuvent qu'être disposés, c'est-à-dire que
si jamais l'un des organismes visés décide de déposer les
documents désignant l'article 16, il en est toujours le
propriétaire, car, selon l'article 4, un dépôt ne
transfère pas la propriété.
Des dispositions pourraient être prises à tout le moins
pour qu'une copie certifiée desdits documents soit dirigée vers
le MAC si, par exemple, l'Assemblée nationale tient absolument à
conserver les originaux des lois. Autrement, on ne fera que maintenir une
dispersion de certaines archives reconnues publiques, alors que les objectifs
décelables du projet de loi consistent en une centralisation des
activités reliées aux archives publiques.
Article 33. Cet article pose de sérieux problèmes
d'interprétation que le ministre se devrait de résoudre. On y
mentionne qu'il est interdit à des fins commerciales de fractionner un
fonds d'archivé reçu ou produit par une personne dans l'exercice
de ses fonctions. Doit-on comprendre ici, comme fonction, les seuls emplois des
organismes publics mentionnés à l'annexe du projet de loi ou
toute autre activité que l'on peut retrouver dans la
société en général? Il faudrait également
parler de ce qu'est un fonds d'archivé. Doit-on comprendre que c'est un
ensemble de documents produits par une personne qui, selon ses fonctions ou ses
activités, peuvent être regroupés en autant de fonds ou
bien si toute l'oeuvre et les possessions d'un individu ne consiste qu'en un
seul et unique fonds.
Cette dernière disposition qui est, en principe, excellente en ce
sens qu'elle met fin à un fractionnement des archives, peut quand
même tomber dans un extrême regrettable. Si on devait comprendre
par fonds la production entière d'une personne, il pourrait arriver des
situations où un chercheur universitaire, par exemple, se verrait
obligé de laisser en un bloc les fruits de sa recherche en
microbiologie, ses poèmes, étant donné qu'il peut
très bien être poète, écrivain, compositeur et
graphiste. Le problème se poserait également pour un architecte
écrivain ou pour toute autre personne exerçant
séparément et simultanément plus d'une profession ou d'une
activité. D'ailleurs, les mémoires pullulent de ces cas typiques
comme ceux-ci.
Article 34. Le ministre s'arroge ici le droit de se faire remettre, par
toute personne, des documents produits ou détenus par un organisme
public antérieurement au 1er juillet 1967 et qui seraient en sa
possession. Cette disposition risque d'avoir un effet contraire aux objectifs
de diffusion des archives publiques à la base du projet de loi. Des gens
qui, faute des préoccupations de l'État, auraient entrepris de
conserver soigneusement ce type de document, se verront frustrés d'un
droit acquis sans aucune compensation.
Il se peut d'ailleurs que des documents aient été
dûment achetés des autorités à un moment ou un autre
de leur vie. Ces gens auront vraisemblablement le réflexe de cacher ces
documents privant ainsi des chercheurs et le public des renseignements qu'ils
pourraient révéler, et ceci serait la faute du présent
article.
Cet article devrait plutôt avoir un caractère incitatif et
inviter des gens à faire connaître ces documents et le ministre
pourrait en faire tenir l'inventaire. Si c'est la question
d'accessibilité ou de conservation dans les conditions idéales
qui le préoccupe, il pourra très bien en faire faire des copies
ou les acquérir s'ils ne sont pas conservés dans des conditions
valables. Ces pouvoirs lui sont conférés par l'article 41.
Autrement, les documents devront rester en possession de ceux qui en ont
assuré la garde jusqu'à ce jour.
Article 35. Cet article est la parfaite continuité du
précédent. Personne ne pourra transporter, hors du Québec,
un document de plus de 100 ans sans avoir l'autorisation du ministre. Pour ce,
toute personne doit en transmettre avis au ministre dans les 60 jours
précédant son départ. Il s'agit ici de tout document
ancien, sans distinction entre
les documents familiaux d'un groupe ou d'une famille d'immigrés
ou des textes écrits de la main de Georges-Étienne Cartier.
À tout le moins le ministre aurait pu restreindre ses intentions au
document d'intérêt historique pour le Québec et non de tout
document ancien qui se trouverait sur le territoire québécois.
Cet article aura également pour effet de voir des gens dissimuler des
documents de peur de devoir un jour les abandonner aux mains du ministre,
surtout selon une défénition aussi arbitraire. (Il h 15)
Dans le cas des articles 33, 34 et 35, surtout pour ces deux derniers,
les interventions proposées par le ministre se posent en une
véritable police des archives qu'il n'a certainement pas les moyens de
mettre sur pied. S'il veut faire fonctionner le tout il ne pourra que compter
sur la délation, ce qui n'est certainement pas le moyen le plus
honorable d'enrichir un patrimoine archivistique.
Article 40. Les notes explicatives du projet de loi disent que le
ministre est chargé d'apporter au service d'archives privées une
aide technique et financière. Cet objectif est cependant contredit par
l'article 40. Dans le premier paragraphe le ministre nous dit qu'il est
chargé de la promotion, de la conservation et de l'accessibilité
des archives privées. Mais il dit dans le second paragraphe que seuls
les services agréés pourront avoir une aide technique.
Compte tenu des conditions de dépendance qui sont liées
à la reconnaissance d'un service d'archives privé il est fort
probable que beaucoup d'entre eux voudront rester entièrement
privés. Cependant le ministre joue ici de la carotte et du bâton
en disant que les services privés seront aidés s'ils sont
agréés. Cette tactique est inadmissible et si le ministre veut
vraiment aider des services privés, qu'il le fasse vraiment aussi
ouvertement et sans entourloupettes.
Article 60. Vous me trouvez sévère, M. le ministre?
L'article 60 traite des délais d'application de la loi. Il
prévoit que les organismes publics devront transmettre leur calendrier
de conservation - pour approbation du ministre - dans l'année qui suivra
la date d'entrée en vigueur de la loi. Ce qui signifie qu'environ 5000
calendriers se retrouveront sur le bureau du ministre dans le temps de le
dire.
Il est cependant fort probable que ce seront plutôt des demandes
de rapport de date qui arriveront. Une seule année sera certainement
insuffisante à de trop nombreux organismes pour préparer de tels
calendriers, qui exigent que tous les différents services soient
concertés pour identifier des besoins et des périodes de
conservation, et d'en prévoir les modalités ou, le cas
échéant, d'en ajuster les diverses composantes aux exigences du
ministre dans ce domaine.
Ces dispositions auraient pu tenir compte de la mise en vigueur de la
loi 65 sur l'accès à l'information qui impose des changements
considérables à la façon de fonctionner de ces
organismes.
De plus, il sera interdit à tout organisme de détruire
tout document avant que ne soit approuvé le calendrier de conservation,
ce qui, pour de gros organismes comme la CUM, certaines commissions scolaires
ou des commissions de transport qui fonctionnent avec déjà
certaines règles de conservation, posera de sérieux
problèmes d'entreposage. Et, compte tenu du nombre important de
calendriers approuvés par le ministre, les délais d'acceptation
risquent aussi d'être très longs. Le ministre devrait
prévoir pour ces organismes déjà dotés de
calendriers de conservation qu'ils pourront fonctionner sous ces règles
jusqu'à l'approbation des nouvelles. Pour éviter des
délais inutiles et des corrections fastidieuses pour nombre de
fonctionnaires et d'organismes le ministre pourrait aussi proposer des
calendriers types pour certaines catégories d'organismes reliés
tant par leur sphère d'activités que par leur importance en
termes de volumes de documents. Ces dispositions permettraient certainement
d'éviter bien des désagréments et des dépenses
d'énergie inutiles. Une approche rationnelle pour implanter de tels
calendriers pourrait également comporter une approche par étapes,
soit par types d'organismes ou par volumes de documents à traiter. Il ne
sert à rien de précipiter tout le monde dans le même bain
en même temps alors que l'on pourrait économiser du temps et de
l'argent à bien coordonner une telle entreprise. Il est peut-être
important d'implanter des calendriers de conservation, mais certainement pas en
catastrophe. Souvent, la précipitation est l'ennemie de la
perfection.
Ces remarques, M. le Président et M. le ministre, et combien
d'autres vous seront reprises et commentées par les groupes qui
défileront à notre commission durant les prochains jours. Puis-je
vous dire, M. le ministre, que j'ai trouvé dans les mémoires
soumis des demandes d'amendement à 48 articles sur les 79 que renferme
cette loi no 3, soit une moyenne de 60% d'insatisfaction sur un ou plusieurs
points à la fois.
Vous n'aurez pas devant vous aujourd'hui, je crois, un groupe de "fans"
qui, lors de l'étude du projet de loi sur le cinéma, ne cessaient
de vous applaudir, de vous séduire et de vous minauder. Comme vous le
savez, j'ai été heureux et accueillant envers ces gens du milieu
du cinéma. Aujourd'hui, c'est un autre auditoire. Ce sont aussi des gens
heureux d'avoir enfin un projet de loi sur les archives, mais qui pleurent
encore une fois sur le bébé difforme
et dystrophique que vous leur avez présenté.
Dans presque tous les mémoires, vous avez dû trouver, comme
moi, cette offre de collaboration et presque cette peur de déplaire,
mais aussi ce profond et sincère désir d'avoir enfin une loi qui
réponde au besoin du milieu et aux exigences de la profession.
Pourquoi ne pas avoir consulté ces experts du métier?
Pourquoi ne pas vous être entouré de ces chercheurs professionnels
qui oeuvrent dans le plus grand respect des archives, ces mémoires de
notre histoire? Aucun blâme pour les fonctionnaires qui ont vraiment
bâti ce projet de loi, mais pourquoi cette absence remarquée du
conservateur des archives, alors que le président de l'Institut du
cinéma faisait la roue et la proue lors de la loi 109? La roue et la
proue, M. Proulx. Mais c'est "e" à la place de "x". Voilà.
Pourquoi la commission préparatoire de Guy Fournier et son livre,
son projet sur l'excellence et la survie du cinéma et ici rien sur la
consultation préparatoire à cette loi no 3? Pourtant, tous ces
honnêtes travailleurs ne demandaient qu'à vous aider et à
collaborer pour sortir et engendrer un bijou de loi, digne de ce monde
érudit, consciencieux et progressif. C'est un projet pour le
"troisième âge", c'est bien, mais qui oublie les périodes
actives et ne se penche que sur les parchemins.
Vous avez manqué, M. le ministre. Avec vous, nous
écouterons les doléances de ces gens et leurs regrets, mais aussi
leur désir de coopération et leur rêve à eux aussi
de l'excellence. Comme moi, vous arriverez peut-être à la
même conclusion: il faut retirer cette loi, la remodeler, l'amender, la
revitaliser. Les pontages et rafistolages seraient trop nombreux et dangereux.
Il faut vraiment un coeur neuf. Ces gens qui vous entourent témoignent
de leur intérêt et de leur sympathie. Avec vous, ils veulent
rédiger et bâtir un projet de loi qui fera le bonheur de leur
milieu et l'envie des connaisseurs archivistes. Merci.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le
député de Saint-Henri. Maintenant quelques minutes, M. le
ministre, avant de passer à l'audition des mémoires.
M. Clément Richard (réplique)
M. Richard: M. le Président, j'ai pris bonne note de
certaines observations faites par le député de Saint-Henri qui
semble subir la mauvaise influence de ses collègues de l'Opposition
depuis quelque temps et qui devient un tantinet partisan, ce qu'on doit
regretter.
M. Hains: On laissera la parole...
M. Richard: ...ceci étant dit, M. le Président, je
voudrais juste signaler des omissions très sérieuses du
député de Saint-Henri, d'abord, quand il parle de consultation.
Il a oublié justement qu'il y a eu 20 ans de consultation. Il a
oublié que j'ai fait une tournée au cours de laquelle j'ai
reçu 22 mémoires portant sur les archives. Il a aussi
oublié - cela est encore plus impardonnable - que nous sommes
précisément à consulter les principaux
intéressés pour bonifier le projet de loi.
Plus grave encore, M. le Président, et cela est vraiment
impardonnable de la part d'un député critique officiel de
l'Opposition en matières culturelles, le député de
Saint-Henri a affirmé que nous abolissions les Archives nationales du
Québec.
On peut accepter une pareille erreur émanant d'un citoyen non
familier avec les institutions à caractère public mais je
voudrais lui demander sur quoi il se base, en vertu de quelles dispositions
législatives on fait disparaître les Archives nationales du
Québec dont on a créé toutes les succursales au cours des
dernières années. Je lui rappellerai que c'est à partir de
1977 jusqu'en 1979 qu'on a créé des archives nationales à
Chicoutimi, à Hull, à Sherbrooke, à Rimouski, à
Rouyn-Noranda et à Sept-Îles. Je pose cette simple question au
député de Saint-Henri. Sur quoi vous basez-vous, M. le
député de Saint-Henri? Et ignoriez-vous par hasard que les
Archives nationales n'ont jamais vécu en vertu d'un loi constitutive,
qu'il n'y a jamais eu de loi constitutive des Archives nationales, que les
Archives nationales n'ont jamais constitué une entité juridique
propre et que même la Loi sur le ministère des Affaires
culturelles ne prévoyait pas la création comme entité
juridique propre des Archives nationales. Les Archives nationales ont toujours
été et elles continueront de l'être mais avec, je pense, un
élan nouveau compte tenu qu'il y aura cette loi; elles ont toujours
été un service, une direction générale du
ministère des Affaires culturelles. Une direction
générale, bien sûr, qui a pris de l'ampleur au cours des
dernières années, notamment avec les succursales des Archives
nationales du Québec un peu partout, la régionalisation des
archives sur les territoires québécois. Mais il est important que
le député de Saint-Henri retire cette phrase malheureuse qui peut
induire tellement de nos concitoyens et concitoyennes en erreur en affirmant
qu'on voulait abolir les Archives nationales. Il n'en a jamais
été question, au contraire. C'est encore plus impardonnable parce
que je prenais la peine de rectifier cette erreur qui a été
répandue dès le début de mon texte.
Alors, M. le député de Saint-Henri, je regrette de vous
dire que cela c'est une omission très importante que vous avez commise.
Je ne voudrais pas que nos concitoyens et concitoyennes soient induits
en erreur à partir de cette affirmation qui n'avait pas
été, c'est le moins qu'on puisse dire, vérifiée
avant.
Voilà, j'ai hâte qu'on entende les principaux
intéressés qui ont des observations à faire sur le projet
de loi. Et encore une fois, nous sommes là pour le bonifier ce projet de
loi. C'est ce que nous nous apprêtons a faire en entendant les principaux
intéressés.
Une dernière observation, le député de Saint-Henri,
encore une fois a souvent lu l'article 24 en omettant une partie essentielle de
cet article. M. le Président, je vous réfère au texte du
député de Saint-Henri. Chaque fois qu'il a lu l'article 24 il a
pris bien soin d'oublier une partie de phrase qui dit: "Après avoir pris
l'avis de la Commission des biens culturels..." Toute l'interprétation
du député de Saint-Henri est faite en omettant cette partie de
phrase. Le député de Saint-Henri est coupable ce matin de
plusieurs omissions dont il aura peine à se faire pardonner. Mais je
suis sûr qu'il reviendra à de meilleurs sentiments au fur et
à mesure qu'il entendra les parties intéressées.
Voilà M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre a posé
une question au député de Saint-Henri. J'aimerais que le
député s'en tienne uniquement au coeur de la réponse
à cette question parce que certainement cela pourra revenir dans le
débat par la suite.
M. Richard: Oui.
Le Président (M. Brouillet): Pour que nous puissions
passer le plus tôt possible à l'audition des personnes qui sont
ici.
Brièvement, si vous voulez.
M. Hains: Une petite remarque très courte.
Premièrement ce n'est pas du tout une question de partisanerie dans tout
ce que j'ai dit. C'est une étude très objective du projet de loi.
Vous connaissez, je crois, assez mon sens de la collaboration pour retirer
peut-être vous aussi ce mot-là de m'être laissé dire
que je me suis laissé aller à la partisanerie dans cette
critique.
Deuxièmement, si on regarde l'article dont je faisais mention,
l'article 67, M. le ministre - c'est là que vous m'avez posé
surtout votre question - à l'article 67 on dit ceci: "La section V de la
loi est abrogée." La section V de la loi c'est justement la section qui
parle des ANQ. (Il h 30)
M. Richard: Oui, mais c'est là...
M. Hains: Et vous y revenez ensuite, M. le ministre aux articles
57 et 58. Ce que j'ai voulu affirmer...
M. Richard: Demandez à votre collègue de gauche, il
vous expliquera que les Archives nationales du Québec, en vertu de la
section V de la Loi sur le ministère des Affaires culturelles, telles
que définies dans la loi ne constituent pas une entité juridique
propre.
M. Hains: Je suis d'accord avec vous. M. Richard: Bon!
M. Hains: Mais vous dites à l'article 57: "Le conservateur
des Archives nationales ainsi que les fonctionnaires (...) deviennent, sans
autre formalité, des fonctionnaires et employés du
ministère des Affaires culturelles". Cela veut dire qu'ils perdent quand
même... Ils ne perdent peut-être pas ce que vous dites... Je n'ai
pas parlé de destruction ou, enfin, de la disparition des ANQ...
M. Richard: D'abolition. C'est le terme que vous avez
utilisé, c'est encore pire.
M. Hains: J'ai parlé de leur identité propre parce
qu'ils passent actuellement sous votre juridiction et par le fait même on
leur enlève - veut, veut pas - une certaine indépendance qu'ils
avaient précédemment.
M. Richard: M. le Président, encore une fois, en dehors de
toute partisanerie, pour faire plaisir au député...
M. Hains: Voilà! Merci.
M. Richard: ...de Saint-Henri, ils ne passent pas sous la
juridiction du ministre des Affaires culturelles. J'invite le
député de Saint-Henri à lire la section V: "Les Archives
nationales - c'est pourquoi cela est abrogé, parce que c'est devenu bien
plus qu'un regroupement de documents - sont des documents." C'est tellement
plus que cela maintenant, à partir du vécu des Archives
nationales, qu'il était important de n'induire personne en erreur et de
ne pas dire qu'il ne s'agissait que de documents. C'est une institution qui
n'est pas une entité juridique puisque cela a toujours été
une direction générale du ministère des Affaires
culturelles.
Si le député de Saint-Henri acceptait mon invitation de
venir au ministère des Affaires culturelles...
M. Hains: Un de ces jours.
M. Richard: ...invitation que je lui ai formulée si
souvent, il comprendrait que les Archives nationales, c'est une direction
générale qui a pris beaucoup d'importance au cours des
dernières années. Donc, on ne pouvait plus parler des archives
comme
n'étant que des documents. C'est à cela que le
député de Saint-Henri se réfère. Il faut corriger
cela dès le départ parce qu'on commettra la même erreur
durant deux jours, tout le temps qu'on entendra les intervenants. Ce n'est pas
une entité juridique, cela ne l'a jamais été, mais c'est
devenu une institution véritablement nationale surtout depuis qu'on l'a
régionalisée et depuis qu'il y en a dans neuf régions du
Québec. On n'abolit pas les Archives nationales, bien au contraire, et
je suis sûr que maintenant le député de Saint-Henri a bien
saisi.
M. Hains: J'aimerais bien poursuivre.
Le Président (M. Brouillet): II faudrait...
M. Hains: Je pense d'ailleurs que cela reviendra dans certains
mémoires et on pourra en parler plus longuement. Quant à mon mea
culpa, je ne le fais pas encore, j'attends d'être plus certain
d'être coupable.
Le Président (M. Brouillet): Merci, messieurs. Nous
demandons maintenant au premier groupe, l'Association des archivistes du
Québec, de bien vouloir prendre place à la table qui leur est
réservée.
J'invite le ou la porte-parole à s'identifier et à nous
présenter la personne qui l'accompagne.
Auditions
Association des archivistes du Québec
Mme Larouche-McClemens (Monique): Mon nom est Monique
Larouche-McClemens, présidente de l'Association des archivistes du
Québec Inc. J'aimerais vous présenter M. Guy Dinel, qui est un
ancien président de l'association aussi.
M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de
l'Opposition, MM. les députés ministériels et MM. les
députés de l'Opposition, mesdames et messieurs, il nous fait
plaisir de vous présenter notre mémoire.
L'Association des archivistes du Québec compte 500 membres,
représentant les secteurs public, para-public et privé de la
province. Cette association professsionnelle qui existe depuis quinze ans est
le seul regroupement ayant pour objet l'archivistique, terme englobant deux
spécialités de la science des archives, soit la gestion des
documents administratifs et la gestion des documents historiques.
Depuis plusieurs années, l'Association des archivistes du
Québec attendait avec enthousiasme la venue d'une loi essentielle, loi
devant couvrir les secteurs d'activités professionnelles de ses membres.
Le projet de loi no 3, intitulé Loi sur les archives, certes
démontre la clairvoyance du législateur. Ce projet constitue un
pas en avant. Cependant, le texte du projet de loi doit subir de profondes
modifications pour qu'il se conforme aux théories et pratiques du milieu
professionnel.
La présentation de notre mémoire s'inscrit, d'une part,
dans le cadre d'une volonté de notre association de mettre le
Québec au diapason de la scène internationale dans le domaine de
l'archivistique et, d'autre part, dans le but d'assurer la gestion, la
conservation et la protection efficaces du patrimoine documentaire
québécois.
Le mémoire est en deux parties: neuf commentaires
généraux et des commentaires spécifiques.
Commentaires généraux. 1- Considérations d'ordre
termilogi-que:
L'absence de définitions claires et précises et les
nombreuses contradictions qui en découlent tout au long du texte de loi
empêchent l'élaboration d'une politique archivistique globale
adaptée, d'une part, aux besoins du Québec et, d'autre part,
conforme aux pratiques archivistiques à l'échelle
internationale.
Entre autres, la définition du terme "archives publiques" telle
qu'énumérée à l'article 2 constitue une
définition extrêmement limitative compte tenu de la portée
de la définition du terme "archives" telle qu'appliquée par le
milieu professionnel ainsi que celle communément acceptée sur le
plan international. La définition que l'UNESCO donne des archives est la
suivante: "L'ensemble des documents, quelle que soit leur date ou leur nature,
réunis (élaborés ou reçus) par une personne
physique ou morale (publique ou privée) pour les besoins de son
existence et l'exercice de ses tâches, conservé d'abord pour
servir de preuve et pour ses besoins administratifs, conservé ensuite
pour leur valeur d'information générale."
En bref, le terme "archives" regroupe trois phases successives
d'activités dans la vie d'un ou des documents, soit des périodes
active, semi-active et inactive. Ce qui devient problématique dans le
texte du projet de loi intitulé Loi sur les archives, c'est qu'on semble
attribuer au terme "archives" une notion de documents inactifs uniquement. Les
documents inactifs constituent environ 5% à 10% de la masse documentaire
d'une entité quelconque, que ce soit du gouvernement ou d'une compagnie
quelconque.
Il serait, à notre avis, préférable d'éviter
toute ambiguïté en précisant les définitions
appropriées. Dans l'éventualité où cette solution
ne serait pas retenue, il serait préférable de changer le titre
du projet de loi pour le rendre conforme à son contenu.
En effet, pourquoi parler d'une loi sur les archives dont la
portée ne touche qu'une mince partie de leur nature. Il serait beaucoup
plus adéquat de parler d'une loi sur les documents historiques si l'on
ne procède pas à des modifications profondes du texte actuel. 2-
Scission de la sphère d'activité de l'archiviste:
Conformément à ce qui précède, l'adoption de
cette loi viendra créer de nombreux problèmes sur le plan
professionnel. L'archivistique est la science des archives. Un archiviste est
le professionnel de la science des archives. L'Association des archivistes du
Québec regroupe ces professionnels de l'archivistique qui, dans certains
cas, deviennent spécialisés pour le traitement soit des documents
actifs, semi-actifs, inactifs ou pour l'ensemble des trois.
Si le projet de loi est adopté, il serait dorénavant
consacré, de par ce texte de loi, qu'un archiviste, ou professionnel de
la science des archives, est un spécialiste du traitement des documents
inactifs dits historiques. Qu'advient-il des archivistes du milieu qui sont
spécialistes des trois périodes d'activité des documents
ou spécialistes des deux autres périodes d'activité:
active et semi-active? Est-ce que ces derniers devront changer le titre de leur
profession et même de leur association pour s'adapter à la
portée d'une loi non conforme au milieu québécois et
international?
L'Association des archivistes a récemment participé
activement à la mise en place de cours et de certificats en
archivistique dans plusieurs universités québécoises. Ces
cours couvrent les trois phases de la vie des documents. Afin d'éviter
les ambiguïtés qui pourraient découler de cette loi, deux
solutions s'offrent: soit que la portée de la loi s'étende
à toutes les périodes de la vie d'un document, soit que l'on
rende son titre conforme à son contenu, c'est-à-dire qu'on se
limite au traitement et à l'identification des documents inactifs dits
historiques.
Troisième commentaire général: La
délégation des nombreux pouvoirs du ministre. Il serait
préférable et nécessaire, croyons-nous, pour le bon
fonctionnement de l'application de la loi que les pouvoirs du ministre soient
le plus possible délégués, en particulier pour les
modalités reliées aux calendriers de conservation, aux
responsables des organismes parapublics - dans l'annexe, ce sont les
éléments 4 à 7 - et, dans les autres cas, au conservateur
des Archives nationales du Québec.
Autre commentaire, le législateur et l'application de la loi.
L'existence des articles 10 et 19 crée, à notre avis, une
situation pour le moins bizarre à savoir qu'ils viennent permettre au
législateur de se dégager, en quelque sorte, de l'application de
la loi. Des commentaires précis à cet effet ont été
émis dans la partie du mémoire qui traite de plusieurs articles
séparément.
Autre commentaire: Projet de loi conçu au départ pour les
organismes gouvernementaux centralisés. Il nous apparaît
évident qu'au départ ce projet de loi avait été
conçu et préparé pour ne porter que sur les organismes
gouvernementaux centralisés, soit ceux visés aux articles 1
à 3 de l'annexe. Il semble que l'on ait par la suite
décidé d'étendre sa portée aux organismes
parapublics (donc, 4 a 7) sans avoir changé ou modifié le contenu
de certains articles du projet de loi, comme les articles 10 et 16.
Commentaire sur les règlements. Plusieurs articles du projet de
loi se réfèrent à une réglementation qui n'est pas
encore connue. Cette réglementation intimement liée à la
mise en application de la loi pourrait se révéler très
contraignante pour les milieux impliqués. Exemple: les articles 13, 14,
26 et 44.
Autre commentaire: Une loi ayant une portée très
limitative sur l'ensemble de la masse documentaire du gouvernement
québécois. Dans le cadre d'une loi sur les archives, le
gouvernement aurait dû accorder plus d'importance aux trois phases de la
vie des documents gouvernementaux. Il est ici bien clair que l'on vise à
protéger le patrimoine québécois. Il aurait
été certainement plus efficace d'éviter la dispersion des
documents en adoptant une législation permettant un rôle majeur au
niveau de la vie active et semi-active des documents. La sélection et le
traitement des documents inactifs n'en auraient été que
facilités. Bien qu'il soit toujours difficile d'établir des
comparaisons, nous croyons que la structure mise en place aux gouvernements
canadien et américain devrait nous servir de modèle de
fonctionnement. Incidemment, le gouvernement fédéral, par une Loi
sur les archives, s'apprête à officialiser cette structure
administrative en intégrant archives historiques et gestion de documents
dans un même texte de loi.
Autre commentaire: Le rôle des Archives nationales du
Québec: Au cours des dernières années, les Archives
nationales du Québec, ou ANQ, ont établi à grands frais un
réseau provincial de centres régionaux d'archives. Les Archives
nationales du Québec jouent un rôle de chef de file dans le
domaine de l'archivistique en se spécialisant dans le traitement des
documents inactifs dits historiques. Non seulement on aurait pu prévoir
un rôle accru des Archives nationales du Québec dans le traitement
et la conservation des documents actifs et inactifs, mais, en plus de ne rien
apporter à cet égard, le rôle des Archives nationales du
Québec se voit légalement diminué, pour ne pas dire
inexistant car laissé au bon vouloir du ministre de décider de la
participation ou
non des Archives nationales du Québec dans les modalités
de l'application de la loi. Il semble que la Commission des biens culturels
viendra remplacer les Archives nationales du Québec dans le rôle
que l'on aurait pu s'attendre que les Archives nationales du Québec
jouent, compte tenu de leur expertise établie depuis longtemps. (Il h
45)
J'aimerais citer en référence le règlement
d'application du 21 mai 1980 pour l'article 89 de la Loi sur les cités
et villes où, par exemple, le rôle du conservateur des Archives
nationales était clairement identifié. Ce projet de loi no 3
abroge l'article 89 de la Loi sur les cités et villes et ne
prévoit aucune modalité pour la réapparition du rôle
du conservateur des Archives nationales en ce sens.
Dernier commentaire général. Inversion du processus de
direction. Il aurait été souhaitable que le texte du projet de
loi amène l'énoncé d'une véritable politique
archivistique pour l'ensemble des documents de l'État
québécois. Au lieu de demander aux quelque 5000 organismes ou
institutions touchés par la loi de préparer et transmettre pour
approbation un calendrier de conservation des documents, divers groupes de
travail spécialisés devraient être mis en place. Ces
groupes de travail auraient pour mandat d'élaborer des calendriers types
de conservation de documents qui seraient, par la suite, transmis pour
application moyennant une certaine marge de manoeuvre relativement à
l'ajout ou au retrait de règles de conservation.
L'archivistique, dans son sens global, professionnel, se verra
scindée pour les documents du gouvernement du Québec entre divers
organismes sans aucune coordination, que ce soit administré par le biais
des directives émises par le Conseil du trésor, par le
ministère des Affaires culturelles et par les instances responsables de
la loi 65 sur l'accès à l'information.
Commentaires spécifiques sur certains articles du projet de loi.
Article 2. L'absence d'une définition claire et précise de
certains termes: archives, archives privées, archives publiques,
documents actifs, semi-actifs et inactifs et traitement et conservation de
documents, est à la source de nombreux problèmes
d'interprétation et d'application aux termes de la loi. La
communauté internationale des archivistes semble d'accord pour
définir comme archives l'ensemble des documents actifs, semi-actifs et
inactifs d'un organisme. Faute d'une définition globale, le texte de
l'article 2 amène l'énoncé suivant: Si, par
l'interprétation de cet article, ne sont archives publiques que les
documents inactifs, nous serions portés à croire que les archives
semi-actives et actives d'une entité gouvernementale sont des archives
privées, donc plus ou moins touchées par la loi.
Ambiguïté certaine qui n'existerait pas si des
définitions claires avaient été établies. Une autre
contradiction, à titre d'exemple, peut être soulevée sur
les notions d'archives publiques telles que mentionnées aux articles 2
et 38. À titre de suggestion, nous suggérons le texte suivant:
Sont archives publiques les documents détenus par un organisme public -
excusez, c'est parce que je prends la loi 65, l'article 1 - dans l'exercice de
ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public
ou par un tiers. Cela s'applique, quelle que soit la forme de ces documents,
écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autres.
Article 4. Il aurait été préférable de
parler de versement en lieu et place de remise de documents, versement
étant le terme consacré dans le milieu professionnel pour le
transfert de propriété d'un document inactif.
Le chapitre II du texte de projet de loi présente certaines
ambiguïtés, si on se réfère à la
définition limitative mentionnée à l'article 2. En fait,
on se demande comment il se fait que la portée de la loi vienne toucher
une certaine facette - soit le calendrier de conservation des documents -des
documents actifs et semi-actifs sans toucher le reste et en plus sans qu'il
n'en soit fait mention dans ce qui devrait être une définition un
peu plus large à l'article 2.
Articles 6, 7 et 8. Comment le ministère des Affaires culturelles
peut-il juger du bien-fondé des décisions relatives aux
périodes d'activité ou de semi-activité des documents
qu'il ne connaîtrait que par le biais d'un calendrier de conservation
établi loin des prémisses du même ministère? Certes,
aura-t-il sans doute une expertise importante à fournir quant à
décider de ce qui pourra être éliminé ou de ce qui
devra être conservé. Bref, l'intervention du ministre à ce
niveau viendra alourdir le processus décisionnel d'approbation et de
révision des calendriers. Nous croyons qu'il sera difficile de trouver
au ministère des Affaires culturelles et à la Commission des
biens culturels "l'expertise en archivistique" nécessaire à
l'approbation des calendriers qui, dans bien des cas, seront très
spécifiques.
Nous suggérons que le ministre délègue son pouvoir
d'approbation aux personnes responsables dans chacun des organismes
énumérés à l'annexe aux nos 4 à 7. Le
ministre pourrait demander le dépôt des calendriers à titre
informatif. Il est de plus utile de souligner que des programmes de subventions
temporaires ne pourraient aider compte tenu de l'obligation pour les personnes
de connaître l'environnement de l'organisme et le cheminement de
l'information interne qui circule. De plus, il serait préférable
dans plusieurs cas que des groupes de travail soient mandatés pour
préparer dans les divers domaines d'intervention, par exemple
municipal et scolaire, des calendriers types qui seraient par la suite transmis
aux institutions, ceci ayant pour conséquence majeure des
économies de temps et d'argent.
Article 9: Pourquoi un fichier informatisé? Pourquoi ne pas
parler de fichier en général, terme plus large et par le fait
même plus global?
Suggestion: enlever le terme "informatisé" de l'article.
Article 10: Nous croyons normal qu'un employé laisse sous la
garde de l'organisme qui l'engageait les documents reçus ou produits en
cette qualité. Il est certainement positif de le rappeler. Par ailleurs,
on s'aperçoit que les sources d'information les plus
intéressantes pour la recherche, notamment les bureaux des ministres,
peuvent être exclues de cette obligation. Bref, l'article 10 vient
consacrer une pratique qui va à l'encontre du patrimoine, soit la
conservation par une personne de documents de nature publique, présente
et/ou future. Qu'arrive-t-il aux documents d'une personne élue titulaire
d'un poste électif, par exemple, un recteur d'université, un
maire, etc?
Suggestion: Toute personne qui cesse d'être titulaire d'une
fonction élective - on doit ajouter ici "ou non-élective" - au
sein d'un organisme public, doit laisser sous la garde de cet organisme les
documents qu'elle a reçus ou produits en cette qualité. On
ajouterait un deuxième paragraphe qui se lirait comme suit: Des
règles d'accessibilité aux documents confidentiels devraient
être établies, incluant des prescriptions, en tenant compte de la
nature de l'information contenue dans ces documents.
Article 13. Dans le milieu professionnel, le terme "conservation"
réfère à la garde, au traitement et à la mise en
valeur de l'information contenue dans les documents. Si tel est le cas pour le
texte de loi, nous devrions donc lire cet article avec l'article 44.
D'où nos nombreuses inquiétudes pour ce qui pourrait ressembler
à une loi-cadre ayant un impact majeur par la réglementation
à venir.
Article 14. Ce texte amène une "contrainte majeure possible" pour
un service d'archives privées agréé ou un organisme
public. En fait, on parle ici d'une obligation d'acquérir, aux
conditions du ministre, un fonds d'archives publiques. L'impact de cet article
se fera nécessairement sentir au moment où un service d'archives
songera à être agréé. Cet article verra certainement
à limiter ce type de demande (service agréé). Ce texte
pourrait être plus acceptable formulé ainsi.
Suggestion: Le ministre peut, après avoir pris l'avis de la
Commission des biens culturels et après entente avec un organisme public
ou un service d'archives privées agréé, déposer
auprès de ces derniers des archives publiques en vertu de la
présente loi. Le deuxième paragraphe demeurerait.
Article 16. La série des documents énumérés
à l'article 16 vient en contradiction avec la définition
limitative telle que mentionnée à l'article 2. En fait, on ne
parle plus à l'article 16 de documents inactifs, mais bien plutôt
de documents passant par les phases successives de documents actifs,
semi-actifs et inactifs. Une autre notion est sous-entendue à
l'intérieur de cet article 16. Il s'agit des documents officiels du
gouvernement, documents ayant un impact juridique. De plus, il faudrait ajouter
les documents officiels des organismes parapublics. Citons, à titre
d'exemple, les statuts, les chartes, les procès-verbaux des
municipalités, commissions scolaires, règlements divers, etc.
À titre de suggestion, sont réputés archives publiques,
les documents officiels des organismes compris dans l'annexe. Citons à
titre d'exemple: ...(en ayant soin d'en ajouter quelques-uns).
J'aimerais apporter une remarque ici. Un protonotaire de Montréal
me faisait remarquer la semaine dernière qu'il y a une erreur dans la
formulation juridique de cet article. Je n'ai pas d'autre détail, mais
il faudrait remplacer le mot "par" par le mot "aux", d'après ce qu'on me
dit. D'accord? Je voulais seulement passer le message.
Article 17. Il semble plus ou moins adéquat que les documents
d'une valeur aussi importante que les documents officiels mentionnés
à l'article 16 ne seront que déposés auprès du
ministre. Dans le milieu professionnel, un dépôt constitue une
notion de propriété faisant que la propriété des
documents demeure à l'organisme qui les a produits. Il faudrait alors
remplacer "déposées" par "versées", pour assurer la notion
d'un transfert de propriété.
De plus on peut présumer qu'un des objectifs du projet de loi est
de faire des Archives nationales du Québec l'endroit unique pour la
conservation des archives gouvernementales. Or, encore une fois, cet article
vient consacrer des pratiques allant à l'encontre de l'esprit de la loi,
soit une dispersion des documents officiels du gouvernement au sein des
différentes agences gouvernementales.
Suggestion: Les archives publiques visées aux paragraphes 1
à 5 dans l'article 16 devraient être remises (ou versées)
au ministre. Divers articles de loi devraient alors être
modifiés.
Article 19. Cet article confirme que les documents produits ou
reçus d'un membre de l'Assemblée nationale sont des archives
privées, alors qu'à notre point de vue cette personne exerce une
fonction publique payée à même les deniers publics, au
même titre que n'importe quelle fonction. Dans
l'éventualité où ces documents seraient
perçus comme archives publiques, l'incitation à remettre les
documents au départ de la personne devrait être plus forte.
Suggestion: II faudrait, à tout le moins, enlever du texte
l'expression "qui juge à propos". Maintenir l'article 19 dans sa forme
actuelle va à l'opposé de ce qui est écrit dans les notes
explicatives du projet de loi, à savoir: assurer la conservation, la
mise en valeur et la diffusion des archives publiques.
Article 21. Suggestion: II faudrait ajouter au texte: "Le ministre
décidera après avoir reçu l'avis de la Commission des
biens culturels".
Articles 22 et 23. Nous sommes favorables au contenu de ces articles car
ils favorisent une accessibilité accrue aux chercheurs tout en
éliminant la rectification possible des archives publiques après
le décès de la personne concernée.
Articles 24 et 25. Selon les termes de ces articles, le ministre peut
aider financièrement les services d'archives privées qu'il aurait
agréés. Ces articles amènent plusieurs interrogations.
Entre autre, on peut percevoir une incitation, par le biais d'une subvention,
à devenir agréé. Mais qu'en est-il pour les services qui
ne sont pas intéressés à se faire agréer? Cet
article ne va-t-il pas à l'encontre de l'intention du législateur
tel que défini à l'article 40?
Article 27. Tel que mentionné précédemment, le
terme "conservation" réfère autant à la garde qu'au
traitement des documents et à sa mise en valeur. Il serait aussi
intéressant de connaître l'intention du législateur. Il
faudrait, sur ce point, référer aux éléments des
articles 13 et 44 pour apporter un peu plus de lumière. Encore une fois,
les problèmes viennent de l'absence de définition claire et
précise des termes.
Article 28. L'obligation reliée au paragraphe 3, qui consiste
à permettre l'accès aux archives pour fins de recherche, peut
aller à l'encontre des priorités des dépôts ou
centres d'archives. Dans le cas où les dépôts ne comptent
qu'un seul ou deux employés, il peut être difficile de se
soumettre à cette modalité.
Articles 30, 31 et 32. Les modalités d'application de ces
articles devraient être élargies aux organismes parapublics, tels
que cités aux annexes 4 à 7. En conséquence, les pouvoirs
du ministre devraient être transmis conformément.
Article 33. Cet article réfère à un principe bien
connu de l'archivistique, soit le "respect des fonds". Par contre, on va ici
à l'encontre des libertés individuelles dans certains cas
d'applications, par exemple: les peintures, gravures, pièces des
auteurs-compositeurs, etc. On va même jusqu'à empêcher la
vente possible de certaines collections de peintures, par exemple, en
pièces détachées. Afin de prévenir certains abus,
il y aurait lieu de préciser ce qu'on entend par "document".
Article 34. Pour demeurer conforme aux éléments
mentionnés précédemment, le terme "verser" devrait
être inséré en lieu et place du terme "remettre". (12
heures)
Article 35. Cet article ne dit pas ce qu'on semble vouloir dire. Enfin,
pour demeurer logique, cet article devrait être appliqué avec le
gros bon sens. Il semble ridicule de songer qu'une famille décidant de
déménager, par exemple, en Ontario ne puisse partir avec ses
documents familiaux, de style photographies de famille, transmis de
génération en génération sans avoir au
préalable à demander une autorisation écrite au ministre.
Qu'en est-il au sujet des archives imprimées? Notre suggestion est qu'il
faudrait remplacer les termes "d'un document ancien, quelle qu'en soit la
forme" par "d'un document d'intérêt historique pour le patrimoine
québécois".
Article 38. Comment, dans le cadre d'une politique de gestion des
archives publiques composées principalement de documents inactifs, un
ministre peut-il proposer des interventions sur des documents qui ne sont
justement pas des archives publiques telles que définies à
l'article 2. Pour se conformer à la pensée du législateur
et éviter ainsi les contradictions, le deuxième paragraphe
devrait être rayé.
Article 40. On mentionne que le ministre est chargé de promouvoir
la conservation et l'accessibilité des archives privées. Pour ce
faire, le ministre fournirait l'aide technique à tout service d'archives
privées agréé. Compte tenu du but que le ministre s'est
fixé, soit la promotion des archives privées, pourquoi l'aide
technique ne sera-t-elle pas fournie aux organismes qui n'auront pas
décidé de se faire agréer? Notre suggestion est de
modifier le deuxième paragraphe ainsi: À cette fin, il doit
fournir l'aide technique à tout service d'archives privées ou
publiques ayant comme fonction la garde, le traitement et la mise en valeur
d'archives privées.
Article 43. Il faudrait que le ministre délègue l'ensemble
des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi aux personnes
responsables dans tous les organismes publics, principalement dans les
organismes parapublics. Les pouvoirs du ministre pourraient, dans les autres
cas, être délégués au conservateur des Archives
nationales du Québec qui possède l'expertise
nécessaire.
Si nos commentaires ne sont pas acceptés, nous suggérons
la modification suivante: Le ministre peut déléguer uniquement au
conservateur des Archives nationales du Québec les pouvoirs que lui
confère la présente loi.
Article 44. La portée de ces règlements
futurs sur l'ensemble des fonctions archivistiques peut, sans contredit,
devenir déterminante pour ne pas dire extrêmement contraignante
pour les organismes assujettis à la loi. Jusqu'où ira la
réglementation? Personne ne peut le dire. Il semble ici que l'on ait
prévu d'aller chercher, par voie de règlement, des pouvoirs qui
pourraient très largement dépasser les termes de base. De plus,
les distinctions terminologiques doivent s'établir entre, par exemple,
"catégories d'organismes publics ou de documents inactifs ou d'archives
publiques".
Il y a une question qu'on voudrait poser: Est-ce qu'il est possible de
connaître aujourd'hui le texte des règlements?
M. Richard: On en a, mais ils ne sont pas tous prêts.
Mme Larouche-McClemens: Ils ne sont pas tous prêts,
d'accord.
Articles 49, 50 et 51. La répartition des sommes relatives aux
amendes payables à la suite d'infractions n'est pas proportionnelle au
degré d'importance des infractions. Il devient ainsi surprenant de
constater que l'amende relative à l'établissement d'un calendrier
de conservation soit moins élevée, 500 $, que les
éléments mentionnés à l'article Il relativement
à la destruction d'un document actif ou semi-actif avant l'expiration de
la date prévue audit calendrier de conservation, soit 3000 $.
Article 60. Le délai d'un an mentionné pour l'application
est minime. La majorité des 5000 organismes touchés par la loi
devra demander une extension, compte tenu des difficultés toujours
inhérentes à la préparation d'un calendrier de
conservation. Nous croyons qu'il serait ici préférable de parler
d'un délai maximal de trois ans en lieu et place de celui d'un an,
compte tenu du fait que les organismes publics en sont encore aux
modalités d'application de la loi 65, Loi sur l'accès à
l'information.
Mon intervention se terminera sur une question et la lecture d'une
résolution de notre conseil d'administration. La question est la
suivante: Ne serait-il pas intéressant de prévoir ici ce que le
ministre des Communications, M. Bertrand, a appelé une clause
crépusculaire, soit des modalités permettant d'ajuster le texte
de loi en fonction des réalités d'application, modalités
qui pourraient être prises d'ici à cinq ans? C'était ma
question.
La résolution du conseil de... J'aimerais vous lire le texte
suivant. "Extrait du procès-verbal de la 45e réunion du conseil
d'administration qui s'est tenue à Québec le 20 mai 1983. Il est
proposé par Nicole Sauvé-Leblanc, appuyé par Marie-France
Fortier, que le conseil d'administration dûment mandaté par
l'assemblée générale tenue le 20 mai 1983 entérine
le mémoire préparé au nom de l'association et qui sera
présenté lors de la commission parlementaire des affaires
culturelles du 24 mai 1983 relativement au projet de loi no 3 intitulé
"Loi sur les archives". Cette résolution a été
adoptée à l'unanimité."
En guise de conclusion, nous tenons à affirmer l'adhésion
de l'Association des archivistes du Québec aux principes qui
sous-tendent le projet de loi no 3 portant sur les archives. Cependant, afin de
faciliter sa mise en application, nous croyons que des modifications
importantes doivent être apportées à ce projet de loi avant
son adoption par l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Merci,
madame. Je dois vous rappeler que nous allons ajourner à 12 h 30. Il
reste quelque 20 ou 25 minutes. Je demanderais d'abord à M. le ministre
d'intervenir par des questions, je suppose, et des commentaires et
après, le représentant de l'Opposition.
M. Richard: M. le Président, je vous remercie et je
voudrais remercier Mme Larouche-McClemens d'une contribution extrêmement
constructive et intéressante visant à bonifier le projet de loi
qui est soumis. Je veux immédiatement assurer l'Association des
archivistes que plusieurs des suggestions contenues dans le mémoire de
l'association seront retenues dans le projet de loi final.
J'ai maintenant quelques questions à vous poser. Vous affirmez
également que le pouvoir juridique - si j'ai bien saisi votre
affirmation - des Archives nationales se trouve diminué par le projet de
loi. Je voudrais savoir sur quoi vous vous basez pour faire une pareille
affirmation.
Mme Larouche-McClemens: On ne parle pas vraiment de pouvoir
juridique. On parle du pouvoir de l'expertise reconnue dans le milieu. J'ai ici
le texte de l'arrêté ministériel du 21 mai 1980, comme j'en
ai fait mention tantôt, relativement à l'article 89 de la Loi sur
les cités et villes. Dans ce texte, il y a plusieurs mentions du
rôle du conservateur des Archives nationales. Dans le texte de loi devant
lequel on se retrouve, le projet de loi no 3, il n'y a plus de mention du
rôle du conservateur des Archives nationales.
M. Richard: Mais non, forcément - il faudrait tout de
suite dissiper tout malentendu - parce que même dans la loi
française, par exemple, c'est dans les règlements qu'on parle du
conservateur et des Archives nationales. Il en sera de même pour le
présent projet de loi. Non seulement il n'est pas diminué, mais
j'ai plutôt le sentiment qu'avec le projet de loi, il sera accru parce
que les Archives nationales -
encore une fois, j'insiste là-dessus - n'ont jamais
constitué une entité juridique propre et le seul texte
législatif qui en parle -puisqu'il y a des règlements qui parlent
des Archives nationales - est un texte tellement flasque et tellement mou
qu'à mon avis, il fallait l'abroger, parce que, autrement, cela n'aurait
pas indiqué la réalité du vécu des Archives
nationales. On disait dans la Loi sur le ministère des Affaires
culturelles que les Archives nationales, c'étaient des documents. Comme
c'est beaucoup plus que cela maintenant et que c'est véritablement
devenu une institution qui fait partie intégrante - il est vrai - du
ministère des Affaires culturelles, c'est ainsi qu'on retrouve tout le
temps le ministre tuteur comme responsable puisque comme les Archives
nationales font partie intégrante du ministère, le ministre
tuteur est toujours responsable. Non seulement cela n'exclut pas la
délégation de pouvoir, mais...
Mme Larouche-McClemens: D'accord. Pour nous...
M. Richard: ...elle est carrément implicite.
Mme Larouche-McClemens: Excusez-moi. Pour nous, elle
n'était pas si claire que cela. On est bien content de savoir que la
réglementation viendra préciser que le conservateur des Archives
nationales se voit déléguer des pouvoirs directement, parce qu'on
avait des inquiétudes au plan... D'après ce que dit le ministre,
on peut être porté à croire que celui-ci pourrait
déléguer des pouvoirs à gauche, à droite, selon son
bon vouloir.
M. Richard: Cela ne peut pas être comme cela dans là
réalité.
Mme Larouche-McClemens: Tant mieux.
M. Richard: Cela ne le sera pas en vertu des règlements
qui seront adoptés. D'autre part, je vous rappelle encore une fois qu'en
ce qui a trait aux définitions, je trouve que vous avez parfaitement
raison. Il va falloir être beaucoup plus clair en ce qui a trait aux
définitions.
J'ai une autre question à vous poser.
Le Président (M. Brouillet): Excusez, peut-être que
sur ce point-là, monsieur aimerait peut-être revenir.
M. Dinel (Guy): En fait, c'est juste pour nous faire part de
notre réticence sur cet article. Cela ne touche pas vraiment le pouvoir
légal des Archives nationales. Plusieurs articles du projet de loi
déterminent une limite d'intervention du ministre des Affaires
culturelles. Ce que je veux dire par là, c'est que par exemple, pour la
gestion des documents administratifs dans les ministères,
peut-être que, actuellement dans la pratique...
M. Richard: ...c'est comme cela.
M. Dinel: Oui, c'est peut-être comme cela dans la pratique,
sauf que cela n'est pas indiqué dans le projet de loi. Le projet de loi
limite l'intervention des Archives nationales au niveau des documents actifs et
semi-actifs, en premier lieu.
Deuxièmement, le projet de loi précise et rend
légales certaines pratiques, notamment la conservation de certains
documents officiels dans des unités ou dans des organismes qui sont
autres que les Archives nationales. Je pense aux paragraphes 1 et 5, je pense
à l'article 16 où on dit que certains types de documents peuvent
être conservés aux bureaux d'enregistrement par exemple og encore
à l'Assemblée nationale. Le projet de loi, en l'officialisant, en
le légalisant, légalise ces pratiques, donc automatiquement,
à notre point de vue, peut diminuer le rôle des archives ou
l'intervention du ministre des Affaires culturelles à ce niveau, en le
légalisant, ce qui n'était pas le cas auparavant.
M. Richard: II y a deux façons de régler le
problème: soit par une intervention législative où on dit
que c'est le ministre qui est responsable de la gestion de tous les documents
actifs, semi-actifs et inactifs ou alors, la loi nous permettant de conclure
des accords avec, entre autres, le Conseil du trésor qui a
déjà une politique de gestion des documents ou avec
l'Assemblée nationale. Je peux vous dire que cela va être l'une ou
l'autre des deux solutions qui sera retenue. Je pense qu'avec
l'Assemblée nationale, ce sera probablement plus facile de conclure un
accord autorisé en vertu de la loi. C'est plus simple et cela respecte
le principe de l'autonomie de l'Assemblée nationale par rapport au
pouvoir exécutif. Je pense que cela est plus simple. J'ai
déjà abordé la question d'ailleurs avec le
président de l'Assemblée nationale qui, non seulement n'est pas
réticent, mais est tout à fait d'accord pour conclure une entente
avec le ministre des Affaires culturelles dans le cadre de la loi sur les
archives.
Encore une fois, vous affirmez dans votre mémoire que la
Commission des biens culturels viendra remplacer les Archives nationales. Je ne
vois rien dans le projet de loi qui permet de faire une pareille affirmation.
Là-dessus, M. le député de Saint-Henri, si je peux me
permettre, a très bien saisi le fait que chaque fois qu'on fait appel
à la Commission des biens culturels, c'est pour éviter que le
ministre soit juge et
partie, puisque les Archives nationales sont partie intégrante du
ministère des Affaires culturelles; donc le ministre se trouverait juge
et partie et en conflit d'intérêts s'il avait à prendre
seul toutes les décisions. De là l'importance de faire appel
à un organisme qui va donner son avis au ministre des Affaires
culturelles. Jamais dans mon esprit - je ne l'ai pas retrouvé - il n'a
été de notre intention de remplacer les Archives nationales par
la Commission des biens culturels.
Mme Larouche-McClemens: Notre commentaire allait en vertu des
articles 6, 7 et 8. En fait, on sait que la Commission des biens culturels
existe mais dans le sens des propos que j'ai lus tout à l'heure,
l'expertise en archivistique, nous ne croyons pas qu'elle existe actuellement
à la Commission des biens culturels. Il y a beaucoup de
spécialistes, bien entendu, mais je pense qu'il n'y a pas de
spécialistes en archivistique. C'était dans ce sens-là
qu'on faisait nos remarques. (12 h 15)
Dans plusieurs cas vous prendrez l'avis de la Commission des biens
culturels et comme il n'y a pas d'archiviste ou d'expert en archivistique au
sein de la Commission des biens culturels, on disait que c'est peut-être
le rôle des ANQ qui en prend encore.
M. Richard: Là-dessus je peux vous rassurer. D'abord, il
est bien indiqué que le rôle de la Commission des biens culturels
est toujours consultatif. Ce n'est pas un organisme décisionnel.
D'autre part, il est bien entendu qu'on fera en sorte que la composition
de la Commission des biens culturels soit modifiée pour y inclure une
expertise dans le domaine. Cela va de soi. Je peux vous rassurer
là-dessus. Je pense même que les prochaines nominations tiendront
compte du nouveau rôle consultatif qui sera attribué à la
Commission des biens culturels.
Mme Larouche-McClemens: D'accord. Pour répondre...
M. Richard: En plus, à l'article 62: "Les fonctions
attribuées à la commission par la Loi sur les archives - en
parlant de la Commission des biens culturels - sont exercées en son nom
par un comité constitué de trois personnes
désignées par la commission."
Mme Larouche-McClemens: Mais elles ne sont pas encore
nommées.
M. Richard: Non, mais on peut imaginer que ces trois personnes
auront quand même l'expertise dans le domaine...
Mme Larouche-McClemens: D'accord.
M. Richard: II s'agissait en somme d'éviter de
créer, encore une fois, un nouvel organisme...
Mme Larouche-McClemens: D'accord.
M. Richard: ...uniquement pour répondre aux besoins de la
Loi sur les archives et d'utiliser un organisme qui a bien fait son travail
dans d'autres secteurs et qui a déjà une partie du mandat puisque
la commission avait déjà le mandat de s'occuper des documents
historiques.
Mme Larouche-McClemens: D'accord. Je dois vous donner raison sur
la question posée. La dernière phrase du paragraphe h)
prête peut-être à confusion dans le sens où vous
l'avez interprétée. On vient d'expliquer ce que l'on voulait
dire.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, est-ce que
vous préférez...
M. Richard: Ce ne sera pas très long.
Mme Larouche-McClemens: La dernière phrase qui se lit
comme suit: "II semble que la Commission des biens culturels viendra remplacer
les Archives nationales du Québec dans le rôle que l'on aurait pu
s'attendre que les Archives nationales jouent, compte tenu de leur expertise
établie depuis longtemps." C'est la formulation qui prête
peut-être à confusion mais l'esprit était correct.
M. Richard: Quant à l'article 14, il est pour nous
très important, Mme Larouche-McClemens, parce qu'il ne s'agit pas
d'obliger encore une fois quiconque à se faire agréer, mais tout
ce qu'on veut, c'est d'être sûr que les archives seront
confiées à des organismes capables de s'en occuper. La
formulation que vous proposez, à mon avis, c'est blanc bonnet bonnet
blanc par rapport à celle qui existe là. "Aux conditions qu'il
détermine" veut dire après entente. Vous remplacez "aux
conditions qu'il détermine"...
Mme Larouche-McClemens: Non.
M. Dinel: On n'a pas la même interprétation de
certains mots. Aux conditions qu'il détermine - que le ministre
détermine - ne sous-entend pas nécessairement qu'il y ait entente
préalable, à mon point de vue.
M. Richard: Non, mais c'est évident qu'on se
réserve le droit de déterminer si un organisme quelconque est en
mesure d'assurer, sur des bases scientifiques...
M. Dinel: D'accord.
M. Richard: ...la conservation des archives. Il y aura un
règlement, après consultation, qui prévoira les conditions
pour ne pas confier les archives à n'importe qui.
M. Dinel: C'est la formulation même de l'article qui porte
à confusion.
M. Richard: C'est-à-dire que la formulation qui est
là est celle que l'on retrouve dans toutes les lois, ou à peu
près, du Québec, quand cela sera suivi d'.un règlement.
"Aux conditions qu'il détermine" veut dire...
M. Dinel: C'est parce qu'on peut laisser voir que finalement le
ministre peut, aux conditions qu'il détermine... L'interprétation
qu'on pouvait donner à cela, c'est qu'il peut, à sa
discrétion, déposer les archives publiques dans un organisme
public ou service d'archives privées. "Peut" ne laisse aucune place,
à notre avis, à la négociation ou à une entente
possible.
M. Richard: C'est-à-dire que la place à la
négociation est là, sauf qu'on ne veut pas être
obligé...
M. Dinel: D'accord.
M. Richard: Vous le comprendrez, on ne veut pas être
obligé de déposer des archives auprès d'un organisme qui
n'est pas en mesure d'en assurer la conservation.
M. Dinel: Pour autant que l'organisme -je pense à une
institution du genre université - ne soit pas obligé d'accepter
un fonds d'archives que le ministre veut lui donner.
M. Richard: Ah mais non! II n'y a absolument rien
là-dedans qui permet de conclure que l'organisme sera obligé
d'accepter un fonds d'archives parce qu'on n'agrée personne de
force.
M. Dinel: Non mais un organisme, par exemple une
université, fait partie des organismes publics au sens de la loi.
À ce moment, comme il n'est pas question d'entente préalable, on
pourrait, je pense que, selon le texte de l'article 14 de la loi...
M. Richard: Écoutez, pour vous satisfaire, après
"aux conditions qu'il détermine" - vous comprenez le pourquoi de cela -
on peut ajouter "et après entente", ce qui réapparaissait
implicite.
M. Dinel: C'est uniquement ce qu'on demande.
M. Richard: Mais, après entente. Est-ce que cela
irait?
M. Dinel: Oui.
M. Richard: Le dernier problème que je voudrais aborder -
avant-dernier, j'en aurai un petit dernier après - c'est: À qui
délégueriez-vous les pouvoirs en ce qui a trait aux organismes
qui n'ont pas d'archivistes?
Mme Larouche-McClemens: Pour les organismes qui ont des
archivistes, on leur demande de déléguer les pouvoirs au
responsable de services d'archives. Pour ceux qui n'en ont pas, on les
laisserait au conservateur des Archives nationales.
M. Richard: Alors, au conservateur des Archives nationales, c'est
déjà dans la loi. On est obligé de mettre, encore une
fois, le ministre tuteur. C'est uniquement la mécanique.
Mme Larouche-McClemens: C'est sous-entendu dans les
règlements.
M. Richard: Cela va de soi que c'est le conservateur des Archives
nationales. Cela a été implicite.
Mme Larouche-McClemens: Oui, mais pour ceux-là qui ont un
archiviste, ce serait aux archivistes directement ou au responsable des
services et pour les autres, au conservateur.
M. Richard: II est bien entendu qu'il y a 5000 organismes. Ce
n'est pas le ministre qui, de facto, va approuver tous les calendriers de
conservation. Il va de soi que ce sont les Archives nationales, en vertu de
pouvoirs délégués par le ministre.
M. Dinel: Est-ce que je peux pousser juste un petit peu plus loin
dans ce sens?
M. Richard: Bien sûr.
M. Dinel: Pourquoi n'a-t-on pas adopté une façon de
procéder qu'on retrouve dans la loi 65, à savoir de
désigner une personne dans un organisme? Je vise surtout les organismes
de 4 à 7 de l'annexe, à savoir les organismes parapublics ou les
organismes publics décentralisés. Pourquoi n'a-t-on pas
adopté une pratique, en fait, qui a été adoptée
dans la loi 65, à savoir de désigner une personne dans un
organisme comme étant responsable de l'application de la Loi sur les
archives dans cet organisme? Cette personne pourrait désigner,
déléguer son pouvoir à une autre. C'est le cas, par
exemple, dans les universités; c'est le recteur qui détient le
pouvoir d'application de la loi 65 et délègue son pouvoir
à une autre personne.
M. Richard: Cela a été envisagé, sauf
que c'est un travail tellement spécialisé qu'on peut
difficilement prévoir à qui pourrait être confiée la
tâche. On se rend bien compte qu'il y a peut-être des
précisions à apporter en ce qui a trait à ce chapitre.
Dernière question ou, plutôt, une observation en ce qui a trait
aux archives des députés. Le problème est certain - et
d'ailleurs des mémoires l'ont très bien saisi -c'est que les
documents déposés auprès de députés, pas
toujours, je dirais même assez rarement sont parfois des documents dont
le député est saisi dans une fonction qui est en quelque sorte
liée, en tout cas, de facto, sinon légalement, au secret
professionnel. Je ne sais pas trop comment concilier cela. Comme il est parfois
difficile de dissocier la fonction ministérielle de la fonction de
député, cela nous a posé un problème
considérable et j'avoue que nous sommes réceptifs à toutes
les suggestions à cet égard parce qu'il est certain que parfois
un électeur - c'est le suffrage universel, ce n'est pas un travail
uniquement administratif - s'adresse à son député en
étant bien conscient que le député est lié en
quelque sorte par un secret qui participe de la nature du secret professionnel.
Donc, aller remettre, verser ou déposer de pareils documents, je pense
que ce serait manquer à ce secret.
Je ne sais pas trop comment concilier cela et je reconnais que l'article
est un peu boiteux a cause de cela.
Mme Larouche-McClemens: Les ententes qui se produisent dans le
milieu, par exemple, les universités qui acquièrent des fonds
d'archives privées le font très souvent par voie de contrat, de
la même manière que les Archives nationales ont acquis le fonds de
M. Bertrand par la voie de Mme Bertrand. Je pense que ce serait une
modalité d'application, bien entendu, qui tiendrait compte de toutes
sortes de prescriptions sur la consultation possible aussi, l'émission
de prescriptions.
M. Richard: C'est-à-dire que ce qu'on souhaiterait, c'est
un article très incitatif qui...
Mme Larouche-McClemens: En disant qu'on va négocier un
contrat.
M. Richard: ...ne peut pas être trop contraignant et qui ne
peut pas surtout atteindre des objectifs contraires, parce que le danger, c'est
que les hommes et les femmes politiques se mettent à jeter des documents
pour ne pas être obligés de...
Mme Larouche-McClemens: Oui, mais là, le petit "qui le
juge à propos" fait penser aux gens qu'ils peuvent ne pas le faire. Non?
Quand on dit à quelqu'un: Tu peux faire cela... "Qui le juge à
propos", on suggère l'idée qu'on peut ne pas juger à
propos de le faire.
M. Richard: Oui, mais c'est parce que... Je sais bien que c'est
très difficile à concilier. D'autre part, les
députés m'ont fait valoir: Tel document, je ne veux pas le
remettre. Donc, ne m'obligez pas à le remettre.
M. Dinel: Je suis d'accord qu'il y a des documents personnels ou
des documents privés dans les archives d'un député. Le
problème, c'est qu'il y a aussi, à mon point de vue, des
documents publics dans les archives des députés. Il faudrait
penser...
M. Richard: Peut-être faire cette distinction entre le
caractère privé et le caractère public. Je ne sais pas si
on peut la faire, la distinction.
M. Dinel: Soit faire une distinction ou tout simplement penser
à utiliser des règles qui existent déjà. Quand on
fait l'acquisition d'un fonds d'archives, on négocie avec la personne
des règles d'accessibilité. Même s'il y a des documents
privés dans un fonds public, les documents peuvent être rendus
accessibles uniquement après un certain nombre d'années, par
exemple.
M. Richard: Autant que je sache, personne à
l'Assemblée nationale n'est opposé à cela. L'objection qui
existe et qui est formelle, c'est de nous dire, par exemple: Vous ne nous
forcerez pas...
M. Dinel: Oui, oui, c'est cela.
M. Richard: ...à remettre ou à verser tel document.
C'est d'essayer de trouver un compromis entre l'obligation de conserver
certains documents confidentiels et l'incitation à remettre les
documents qui ne sont pas purement confidentiels. C'est pour cette raison que
ce n'est pas très facile.
M. Dinel: Je pense que seulement en...
M. Richard: Je pense qu'il faut que cela demeure plus incitatif
que c'est là. Là-dessus, je serais porté à vous
rejoindre, mais cela ne peut pas être autre chose que très
incitatif.
M. Dinel: C'est cela. Si l'article se lisait simplement comme
suit: Sont également réputées être des archives
publiques les documents remis au ministre par tout membre de l'Assemblée
nationale après avoir cessé d'exercer ses fonctions...
M. Richard: Oui, mais c'est trop large. Cela couvre des documents
qui sont
confidentiels.
M. Dinel: Oui.
Le Président (M. Brouillet): Oui, madame.
Mme Larouche-McClemens: D'accord. Peut-on changer de sujet?
M. Richard: Oui, j'ai terminé.
Le Président (M. Brouillet): Avant de changer de sujet -
parce que nous devrons suspendre la séance dans quelques minutes -je
crois que M. le député de Trois-Rivières aurait un mot
à dire sur cette question.
M. Vaugeois: Oui. Je ne voudrais pas dire tout ce que j'ai
à dire sur la loi à ce moment-ci, mais seulement sur ce point,
puisque c'est celui dont vous discutez. C'est un point de vue sur lequel on a
déjà échangé, M. Richard et moi. Il y a des choses
qu'on pense personnellement mais qu'on ne peut pas imposer, et ce que vous
allez exprimer sur ce point précis est également très
important. Il va peut-être nous aider à amener nos
collègues à reconsidérer cette question. On n'a pas de
position comme telle dans notre caucus. Je ne pense pas que le caucus
libéral en ait non plus et, selon l'intérêt que nos
documents peuvent présenter pour les professionnels, on va être
obligé de prendre position. Il y a des positions individuelles qui ont
déjà été prises. Je pense que M. Richard aura
tendance à faire comme moi quand il quittera. Vous savez sans doute
qu'en ce qui me concerne un des premières choses que j'ai faites quand
M. Lévesque m'a invité à quitter a été de
demander que tous mes documents, autant de député que de
ministre, de membre du Conseil du trésor, de membre du Conseil des
ministres et de ministre de deux ministères, a été de
m'assurer qu'aucun document n'allait disparaître. J'ai exigé que
les gens de mon cabinet renoncent à revoir même ce qu'ils avaient
pu mettre dedans pour qu'ils soient livrés aux archives dans
l'état où ils se trouvaient ce jour-là. Je ne crois pas
à autre chose pour l'homme politique ou pour le fonctionnaire. Comme
j'ai été un peu historien, je pense que c'est dans
l'intérêt même de l'homme politique de ne pas chercher
à tricher là-dessus, parce que les historiens sont vicieux, M. le
Président.
Des voix: Ah! Ah!
(12 h 30)
M. Vaugeois: Ils imaginent ce qu'ils ne peuvent pas retracer et
j'imagine mal faire une biographie d'un homme politique alors qu'on
s'intéresserait seulement à sa vie publique. Il n'y a personne
qui fait de biographie comme cela. D'ailleurs, on cherche toujours
derrière l'artiste, derrière le peintre, derrière l'homme
politique, à trouver l'homme et à trouver la femme. Si l'on veut
épurer les documents pour cacher l'homme ou cacher la femme ou cacher la
personne humaine, il y a des gens qui fabriqueront une personne. La fabrication
des inventeurs, des sorciers, qui sont les historiens est toujours bien moins
intéressante que la vérité.
À ce sujet, je pense qu'on pourrait plaider, à
l'intérieur de notre caucus, pour que les hommes politiques cessent de
faire comme autrefois. Ce que j'ai toujours trouvé de plus horrible, le
jour où un ministre quitte son ministère ou un homme politique
quitte son gouvernement, c'est la photographie dans le journal qui nous le
montre emportant ses dossiers. Il y a même là d'ailleurs, pour
l'administration publique, un problème majeur. Quand je me rappelle la
photo de Raymond Garneau qui partait avec ses dossiers comme ministre des
Finances, cela veut dire que le nouveau ministre des Finances se retrouve sans
dossier de son prédécesseur. Il est obligé de se tourner
vers les dossiers de l'administration. On sait très bien qu'il peut y
avoir des choses qui se traitent dans un cabinet de ministre sur un plan
politique qui n'ont pas leur pendant sur le plan administratif. Même pour
la continuité de l'administration publique, il peut y avoir un
problème grave. Il y a également une question de prescription. On
peut mettre une prescription sur les dossiers de l'homme politique, cela, tout
le monde le comprendra.
Encore là, j'ai été partisan d'une
accessibilité immédiate pour tout ce que j'ai remis aux archives,
mais il y a d'autres contraintes. Comme dans mes documents, il y a des
documents qui ne m'appartiennent pas personnellement, je ne peux donc pas
décider pour les autres. Ceux qui ont traité avec moi ont le
droit d'être protégés s'ils le demandent. Je tiens à
ce que la vérité sorte le plus vite possible, mais il y a des
gens qui ne sont pas intéressés. Il y a des gens qui mettront une
prescription et c'est aussi leurs documents. J'ai été membre du
Conseil du trésor, celui-ci a droit d'avoir ses prescriptions sur les
documents que je tenais du Conseil du trésor et ainsi de suite. Donc, on
peut jouer sur la prescription.
Mais permettre à l'homme politique de partir avec ses dossiers -
je termine là-dessus - détruire des dossiers et ainsi de suite ou
les faire remettre par ses héritiers 30 ans plus tard une fois qu'ils
ont été nettoyés - on sait ce que c'est, nous, les gens de
Trois-Rivières, on a comme cela des dossiers politiques qui ont
été bien des fois nettoyés - je crois que c'est une
mauvaise avenue. Mais c'est à vous à le dire, de la même
façon que vous avez à vous exprimer sur les
définitions.
J'arrête ici. Je reviendrai sur ces
questions, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Nous devons
suspendre nos travaux jusqu'après la période de questions, vers
15 h 15 ou 15 h 30. Nous reviendrons avec le même groupe pour permettre
aux membres de l'Opposition de poser quelques questions. Nous suspendons.
(Suspension de la séance à 12 h 33)
(Reprise de la séance à 15 h 41)
Le Président (M. Brouillet): Mesdames, messieurs, la
commission parlementaire des affaires culturelles reprend ses travaux. Nous en
étions à entendre le mémoire de l'Association des
archivistes du Québec. Nous avons déjà consacré 25
minutes à une période de questions et d'échanges. Si vous
êtes d'accord avec moi, nous allons peut-être y consacrer encore un
maximum de 15 minutes pour passer ensuite à d'autres mémoires.
Nous en avons encore plusieurs devant nous.
M. Vaugeois: M. le Président. Le Président (M.
Brouillet): Oui.
M. Vaugeois: Pourriez-vous confirmer que j'ai
régularisé ma situation comme membre de la commission?
Le Président (M. Brouillet): Très bien, M.
Vaugeois. Vous faites bien de me le rappeler. Je voulais justement signaler que
M. Charbonneau (Verchères) est remplacé par M. Vaugeois
(Trois-Rivières).
M. Richard: Mon collègue n'est plus irrégulier!
Le Président (M. Brouillet): Alors, nous allons laisser la
parole au député de Saint-Henri.
M. Hains: Juste un petit mot à l'endroit de Mme
Larouche-McClemens - si on le prononce à la française, c'est
cela? J'ai admiré, Mme Larouche, votre brillante intervention de ce
matin ainsi que celle des membres de votre comité. Avec une
délicatesse vraiment féminine, vous avez insisté sur de
nombreux points que j'avais moi-même soulevés, mais vous, vous
avez eu la grâce de ne pas attaquer trop difficilement ou de
choquer...
M. Richard: Elle avait la grâce, tout court, M. le
Président.
M. Hains: La grâce, tout court, et la grâce de ne pas
choquer M. le ministre.
Quant à moi, j'ai juste une petite question très simple.
Est-ce que vous avez été consultée vraiment de
façon expresse sur le projet de loi no 3 sur les archives?
Mme Larouche-McClemens: Vous voulez dire avant que...
M. Hains: Oui, disons juste avant?
Mme Larouche-McClemens: Non, l'association des archivistes n'a
pas été consultée.
M. Hains: Merci.
Avant de céder la parole, M. le Président, est-ce que je
pourrais faire une mise au point sur l'incident de ce matin relativement aux
ANQ? Cela va?
Le Président (M. Brouillet): Oui.
M. Hains: Alors, il est important quand même que j'apporte
ici quelques clarifications aux propos tenus ce matin à l'endroit des
Archives nationales du Québec. Il est entendu que le projet de loi no 3,
qui est présentement à l'étude, n'abolit pas les ANQ en
tant que service du réseau, et qu'il n'a jamais été
question de voir dans les ANQ une entité juridique indépendante
du ministère des Affaires culturelles. Voilà un des points. Le
lien de responsabilité du ministre en cette matière est
clairement établi au sens de la loi. Cependant, les dispositions
prévues aux articles 62, 56 et 57, qui abrogent la section V de la Loi
du ministère des Affaires culturelles et qui, par le fait même,
raient du texte de la loi le poste de conservateur des Archives nationales,
sans toutefois rien modifier à la réalité des
activités de conservation des archives publiques, font que le texte de
loi ne reconnaît plus officiellement la délégation de
pouvoirs du ministre en matière de conservation envers le conservateur.
Cela va jusque là?
M. Richard: Continuez.
M. Hains: Ce qu'il faut maintenant comprendre, c'est que cette
délégation se fera par voie réglementaire. Nous jugerions
préférable que les dispositions législatives indiquent
bien la nature du rôle du conservateur et des ANQ plutôt que de
laisser ces mesures aux aléas de la réglementation à
venir. À ce chapitre, plutôt que d'abroger la section V, le
ministre aurait très bien pu rendre conforme la définition des
Archives nationales du Québec qui y est donnée au rôle
actuel du réseau des ANQ, sans pour autant en faire une institution
juridique. Il aurait ainsi inscrit dans la loi -ce qu'il fera probablement dans
la réglementation - la nature de la délégation
des pouvoirs qu'il entend opérer à l'intérieur de
son ministère en ce qui concerne l'application de la politique
archivistique du gouvernement. C'est donc dans ce sens qu'il faut comprendre la
nature de mon opposition à l'abrogation de la section V et il n'est
nullement question de prétendre que le ministre procédera par le
biais du projet de loi no 3 à une cessation des activités du
réseau des ANQ. Voilà. C'était une mise au point que je
voulais faire.
M. Richard: M. le Président. Le Président (M.
Brouillet): Oui.
M. Richard: Je veux applaudir à ces propos de mon
collègue, à ces nouvelles observations marquées au coin de
l'honnêteté, de la sérénité et de la
non-partisanerie.
M. Hains: Voilà, merci.
Le Président (M. Brouillet): Que c'est beau! Que c'est
beau! Alors, continuons sur cette lancée. Maintenant, je crois que le
député de Saint-Laurent aurait une période de questions
à entreprendre.
M. Leduc (Saint-Laurent): Voici: Dans vos remarques, vous dites
que la loi ne retient, dans les définitions d'archives, que le terme
"documents inactifs". Comment auriez-vous vu un projet de loi qui aurait
été conforme à votre vue d'ensemble en ce qui concerne les
archives? Vous dites qu'il aurait peut-être fallu retenir
également les termes "documents actifs et semi-actifs". Comment
auriez-vous vu le fonctionnement de cette loi ou l'organisation de la loi?
Est-ce que ce ne serait pas un coût exorbitant, s'il fallait qu'on
retienne également les documents actifs et semi-actifs?
Mme Larouche-McClemens: Premièrement, l'article 2
définit les archives publiques en partant des documents inactifs.
À ce sujet, disons que j'ai expliqué précédemment
pourquoi la définition "documents inactifs" n'était pas conforme
à ce qui était écrit là, de par la vision globale
de notre profession, etc. Des coûts exorbitants, non, parce que les
modalités qui touchent l'actif et le semi-actif relèvent
déjà d'autres autorités du gouvernement du Québec,
que ce soit le Conseil du trésor, la Commission d'accès à
l'information, les Travaux publics pour la gestion du semi-actif et j'en oublie
peut-être. Mais, ce qu'on dit, nous, ce serait de rapatrier sous une
même couverture, une même autorité, une politique globale de
gestion du patrimoine archivistique. Est-ce que cela répond à
votre question?
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites qu'il aurait fallu inclure
également les documents actifs et semi-actifs. Comment les auriez-vous
traités dans l'intervalle?
Mme Larouche-McClemens: Je ne comprends pas tellement votre
question.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites qu'il ne faudrait pas qu'on
s'attache seulement aux documents inactifs.
Mme Larouche-McClemens: Oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Bon. Vous dites qu'il faudrait
également retenir les termes "documents actifs et semi-actifs".
Mme Larouche-McClemens: Comment on traiterait l'actif et le
semi-actif? Qu'est-ce qu'il faudrait établir?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.
Mme Larouche-McClemens: D'accord. Dans un premier temps, on
établit une mainmise sur les règles de conservation qui touchent
à l'ensemble des trois âges, si on peut dire, des documents. Mais
il y a différents systèmes, différentes façons,
différentes méthodes qui s'appliquent au traitement des documents
actifs, que ce soit par le biais de l'élaboration de systèmes de
classement, que ce soit, pour le semi-actif, des modalités de
pré-archivage ou l'identification, par exemple, des documents essentiels
d'un ministère ou d'une agence gouvernementale qui, dans
l'éventualité d'une situation d'urgence, serait requise pour
assurer le recouvrement légal de certains documents ainsi que la reprise
d'activités. Il y a différentes modalités de notre
profession qui touchent l'actif, le semi-actif et l'inactif. Les
modalités sont dans ce sens-là: Comment traiter, comment
établir un système de classement, etc? Il est évident que
cela ne devrait pas faire partie du texte de loi. C'est le concept. Ce qu'on
souligne, c'est qu'on aurait dû inclure, peut-être, dans ce texte
de loi, enfin, regrouper ce qui est éparpillé dans
différents ministères du gouvernement.
M. Dinel: Je peux peut-être ajouter une chose à ce
sujet-là. Il ne faut pas oublier que les documents d'archives ou les
documents inactifs, dont on parle, représentent à peu près
8% à 10% de la masse totale. Si on n'intervient pas au niveau des
documents actifs et semi-actifs, il y a de très fortes chances - c'est
le cas et c'est la réalité depuis plusieurs années -qu'une
partie de ce qui devrait être du patrimoine culturel disparaisse ou soit
mal conservée, pas nécessairement par mauvaise volonté, et
finalement, n'aboutisse pas aux Archives nationales du Québec.
Pourquoi?
Parce qu'on n'est pas intervenu, on ne les a pas identifiés
dès le départ.
En intervenant dans un programme de gestion de documents, comme on
l'appelle, ou un programme de gestion de documents administratifs, cela rend
service à l'administration tout en assurant finalement une conservation
adéquate des documents qui ont une valeur historique.
Mme Larouche-McClemens: Cela nous permet de sélectionner,
à travers les phases actives et semi-actives, des documents qui,
éventuellement, pourront aboutir. Cela permet une meilleure vision de
l'ensemble.
M. Dinel: Quant au coût, on peut dire, si on prend
l'exemple américain ou si on prend l'exemple de plusieurs grosses
compagnies, que c'est peut-être l'élément qui pourrait
même être rentable pour l'entreprise qu'on pourrait appeler le
gouvernement. Alors que l'aspect culturel est toujours très difficile
à rentabiliser en termes de coût monétaire, c'est
peut-être là vraiment que cela peut devenir rentable, ainsi que
dans l'efficacité également.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'on ne risque pas d'avoir un
certain braquage vis-à-vis des organismes, dont surtout ceux
mentionnés dans l'annexe, aux alinéas 4 à 7?
Déjà, certaines municipalités ont indiqué que le
coût du calendrier leur semblait peut-être inacceptable. On demande
déjà des subventions au ministre. Évidemment, en ce qui
concerne les organismes mentionnés aux trois premiers alinéas de
l'annexe, cela peut peut-être aller, mais en ce qui concerne les
organismes des alinéas 4 à 7, vous risquez d'avoir des
problèmes avec eux parce qu'ils manifestent déjà de
grandes réticences.
Mme Larouche-McClemens: Oui mais, si vous permettez, les
organismes mentionnés aux alinéas 4 à 7 sont
déjà régis par la Loi sur l'accès à
l'information, la loi 65, qui les oblige à organiser, à
structurer l'information pour pouvoir fournir au public des renseignements sur
les documents d'intérêt public. Alors, les calendriers de
conservation sont quelque chose qui vient s'ajouter. On avait certaines
réticences relativement, peut-être, aux modalités dans
lesquelles cela doit être développé. Les coûts qui
sont soulignés sont des coûts... parce que cela part à la
source. Dans notre mémoire, on a souligné que les calendriers
devraient être établis en haut et descendre, en termes de
calendrier type, de calendrier modèle.
De toute façon, les municipalités, par exemple, sont
déjà prises avec la loi 65. C'est une autre loi qui s'ajoute,
mais c'est pour l'ensemble du patrimoine, éventuellement, et de
l'accès aux documents publics.
M. Dinel: Je pense qu'on dit bien dans le mémoire,
à deux ou à trois reprises, que le projet de loi, à notre
avis, a d'abord été conçu pour les organismes
prévus aux alinéas 1 à 3 de l'annexe. Quand on veut
appliquer ce projet de loi aux organismes parapublics ou aux organismes publics
décentralisés, effectivement, il y a beaucoup de corrections ou
plusieurs points à améliorer pour le rendre conforme.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est peut-être pas à
vous mais plutôt au ministre que je devrais demander ce qu'il pense de la
demande de ces organismes, surtout à la suite de l'article 13. Plusieurs
mentionnent qu'ils voudraient peut-être avoir certaines subventions pour
se conformer à la réquisition de l'article 13.
M. Richard: M. le Président, si je peux me permettre la
petite explication suivante, je dirais à mon collègue que d'abord
nous envisageons de prolonger le délai qui est prévu et que,
normalement, déjà, les organismes qui ont des archives
importantes ont à leur emploi des archivistes et qu'il y a
déjà un calendrier. C'est pour les petits organismes que cela
peut poser le plus de problèmes mais, avec un calendrier commun et
l'aide technique du ministère, je ne pense pas que ce soit
insoluble.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais les commissions scolaires n'ont
sûrement pas d'archivistes.
M. Richard: Les commissions scolaires ont déjà
souvent des calendriers de conservation et là-dessus, Mme la
présidente ou Mme le président a raison parce que, normalement,
même le gouvernement, par le biais du Conseil du trésor, a une
politique de conservation des documents actifs et semi-actifs. Ce qui manque
peut-être au projet de loi, c'est l'arrimage entre la politique du
Conseil du trésor et celle du ministère des Affaires culturelles.
Nous en sommes conscients; on nous l'a rappelé dans plusieurs
mémoires, notamment dans celui de l'Association des archivistes et on
verra à corriger cette lacune.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites donc que l'application de
cette loi n'entraînera pas de coûts...
M. Richard: Non, non, parce que c'est essentiellement une
tâche administrative. Cela n'entraînera pas des coûts
prohibitifs.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'est-ce que cela veut dire
"prohibitifs"?
M. Richard: Non, non. Ce n'est jamais coûteux de mettre de
l'ordre dans ces
choses, M. le député.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai certains doutes.
M. Richard: C'est le désordre qui coûte plus
cher.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que la modalité - je
reviens à madame - du calendrier de conservation vous semble
satisfaisante? Est-ce que c'est une modalité qui devrait être
adéquate?
Mme Larouche-McClemens: C'est extrêmement
intéressant d'avoir des calendriers de conservation, c'est même
nécessaire. La modalité dont vous faites mention, est-ce que
c'est celle de l'adoption et de la révision des règles de
conservation qu'il faut acheminer en haut?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.
Mme Larouche-McClemens: Oui, cela nous crée un
problème. C'est pour cela que dans notre mémoire, on demande que
les pouvoirs du ministre relativement à l'adoption de calendriers de
conservation soient délégués pour éviter la
paralysie peut-être du fonctionnement, de paralyser le fonctionnement
pour 5000 organismes. On demande de descendre cela au niveau des organismes
parapublics pour ce qui était des quatre à sept et, pour les
autres, de descendre ces pouvoirs au niveau du conservateur des archives
nationales.
Le Président (M. Brouillet): C'est très bien.
M. Richard: M. le Président, je voudrais seulement
ajouter, pour mon collègue, le député de
Saint-Laurent...
Le Président (M. Brouillet): Oui.
M. Richard: ...qu'une bonne gestion administrative des documents
- je le dis très sérieusement - est source d'économies
très importantes pour le repérage et le stockage des documents,
parce que si on en stocke trop, il est bien sûr qu'il y a des coûts
rattachés à cela. Je pense que je n'aurai pas à convaincre
un notaire de l'importance de mettre de l'ordre dans les documents.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'y avez peut-être pas
objection mais cela dépend du coût, n'est-ce-pas? Il y a le
coût-avantages ici.
Le Président (M. Brouillet): Savez-vous, pour terminer
avec ce groupe, ce mémoire, il y a M. le député de
Deux-Montagnes qui avait demandé la parole tantôt. Nous allons
terminer avec une question du député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je vais
peut-être vous décevoir. Il s'agit peut-être plus de
quelques petites remarques modestes que d'une question. Je voudrais revenir
à la page A du mémoire, le paragraphe h) sur le rôle des
Archives nationales du Québec. À mon tour je retiens les
précisions que le député de Saint-Henri a
apportées.
Je dois ajouter qu'il y a à ces questions un aspect qui, à
mon avis, demeure préoccupant. C'est par rapport à
l'évolution de nos institutions parlementaires. Il y a effectivement une
évolution de nos institutions parlementaires qui fait que nous assistons
à une érosion des pouvoirs législatifs à l'avantage
du pouvoir exécutif. C'est une des raisons pour lesquelles il y a en
cette enceinte une réforme parlementaire qui est en gestation; un des
principaux phénomènes auxquels nous nous heurtons comme
parlementaires, c'est précisément celui de cette érosion
de nos pouvoirs, érosion qui se fait principalement au moyen de ce que
nous appelons la législation déléguée ou la
réglementation. (16 heures)
L'Exécutif réclame de plus en plus de pouvoirs
délégués, de pouvoirs exercés par
réglementation, de pouvoirs qui échappent par conséquent,
à partir de ce moment, au contrôle parlementaire. Une des
réponses que nous tentons d'apporter à ce problème, c'est
d'assurer un contrôle parlementaire sur la législation
déléguée. C'est une nouveauté puisque, dans
l'état actuel des choses, il n'existe pas de contrôle
parlementaire une fois que le pouvoir a été attribué, une
fois que le pouvoir de réglementation a été
délégué.
Je m'aventure sur un terrain que notre collègue, le
député de Trois-Rivières, connaît beaucoup mieux que
moi, mais je le fais pour rappeler l'importance des travaux auxquels il se
consacre à l'heure actuelle. C'est peut-être moins gênant
pour moi de le dire que pour lui. À l'heure actuelle, le
député de Trois-Rivières dirige justement les travaux
d'une commission parlementaire qui étudie la législation
déléguée et dont l'hypothèse de travail est
précisément que les parlementaires pourront assurer ou exercer un
certain contrôle sur cette législation
déléguée. C'est une réponse apportée
à ce problème de l'érosion du pouvoir parlementaire. Je
signale la chose parce que je pense qu'elle est importante. Ce ne sont pas
seulement des joujoux de parlementaires, je pense que c'est important pour
l'opinion publique et pour les groupes qui existent dans notre
société de s'assurer que cette masse croissante de pouvoirs
délégués, de pouvoirs de réglementation qui
est confiée à l'Exécutif, c'est important pour
l'opinion publique de savoir que les parlementaires se préoccupent de
reprendre un certain contrôle de la chose, puisque ce sont les
parlementaires qui représentent la population, qui représentent
le public.
En somme, la question est de savoir que la main droite, dans ce
Parlement, sait ce que fait la main gauche. Nous sommes, aujourd'hui, en train
d'étudier une loi qui diminue le pouvoir proprement législatif et
qui ajoute au pouvoir réglementaire. Il faut le faire en sachant
très bien que cette même institution, le Parlement, se
préoccupe de reprendre un certain contrôle sur la
législation déléguée. Il est important que
l'opinion publique appuie ce mouvement. Il est important que l'opinion publique
sache que cela est en train de se faire. Il ne faut pas que cela se
déroule en vase clos parce que la population dans son ensemble est
très touchée par ce genre de problème. Il peut arriver
à partir du moment où le pouvoir est
délégué, à partir du moment où il devient
pouvoir de réglementation, qu'il soit exercé à l'insu de
l'opinion publique, dans l'état actuel des choses. C'est pour cela que
j'insiste sur l'importance d'assurer un certain contrôle parlementaire
puisque c'est nous qui sommes chargés de voir à ce que cela ne se
fasse pas à l'insu de l'opinion publique, de voir à ce que cela
ne se fasse pas en cachette, en catimini, mais de faire en sorte que les
parlementaires puissent, à un moment donné, exercer un
contrôle réel sur ce pouvoir délégué.
En deuxième lieu, M. le Président, je voudrais dire un mot
sur la question des documents, de quelque âge des documents qu'il
s'agisse, des députés. La première chose qui me frappe -
bien sûr, je reconnais qu'il y a là un élément de
secret professionnel qui pourrait exiger un certain délai avant que ces
documents deviennent accessibles - c'est qu'en cette matière nous sommes
juge et partie. J'en conclus qu'il est particulièrement important que
des groupes autres que les parlementaires se prononcent sur cette question pour
nous guider. Comme nous sommes juge et partie, je doute qu'il nous soit
possible de mobiliser toute la sagesse voulue. Il est à craindre, comme
nous sommes juge et partie, que le jugement que nous portons là-dessus
comme juge soit coloré par le fait que nous sommes impliqués
comme partie. Par conséquent, je suis heureux de noter les observations
qu'on nous fait là-dessus. J'espère que les autres intervenants
devant nous nous diront aussi ce qu'ils pensent de cette question. Quant
à moi, je n'éprouve pas les pudeurs que j'ai pu constater chez
certains de mes collègues. Je considère que mes paperasses, pour
le peu d'intérêt qu'elles puissent avoir, devraient être
livrées aux gens dont c'est le métier de décider si oui ou
non cela a de l'intérêt pour d'éventuels chercheurs. Je ne
veux pas me substituer à ces gens. J'entends bien que mes paperasses
soient livrées aux archives pour être acheminées, soit au
panier, soit ailleurs, selon l'opinion des experts. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le
député. Pour terminer, je laisse la parole à Mme la
présidente, si elle a un mot à ajouter.
Mme Larouche-McClemens: Pour terminer, j'aimerais rappeler que
l'Association des archivistes du Québec est favorable au projet de loi,
mais demande que certaines modifications soient faites avant son adoption.
Le Président (M. Brouillet): Merci bien.
M. Richard: Souhaitez-vous une adoption rapide?
Mme Larouche-McClemens: Bien sûr!
Le Président (M. Brouillet): L'Opposition semble
d'accord.
Une voix: Certainement.
M. Hains: Pour autant que la loi va être
bonifiée.
Le Président (M. Brouillet): Très bien; alors, nous
remercions les représentants de l'Association des archivistes du
Québec.
Nous allons entendre maintenant le deuxième groupe, les
représentants de l'Institut d'histoire de l'Amérique
française. Si vous voulez prendre place à la table.
J'inviterais le porte-parole du groupe à se présenter,
à s'identifier et à nous présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Institut d'histoire de l'Amérique
française
M. Mathieu (Jacques): Mon nom est
Jacques Mathieu. Je suis président de l'Institut d'histoire de
l'Amérique française. Mes collègues sont: à ma
gauche, M. Marcel Caya, aussi membre de l'exécutif et à ma
droite, M. John A. Dickinson, également membre de l'exécutif.
M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de
l'Opposition, chers collègues, MM. les députés, en
préliminaire, je voudrais tout d'abord remercier le ministre de nous
donner la possibilité de réagir sur le projet de loi. Les
remerciements n'allant pas sans leur corollaire, il me faut exprimer quelques
regrets quant au délai pour réagir, d'où le fait que la
position qui est adoptée et qui est présentée aujourd'hui
est davantage celle de l'exécutif que celle de l'ensemble de
l'association que nous n'avons pas pu consulter de façon
élargie, regret aussi de ne pas avoir été consultés
au moment de l'élaboration de la loi. C'est un défaut de
consultation qui fait de ce projet, une loi un peu repliée sur
elle-même.
Qu'est-elle, en définitive, cette loi? Elle est à notre
avis une loi de fonctionnaire, en ce sens qu'elle révèle fort peu
de préoccupations de nature gouvernementale et qu'elle n'en a pas la
largeur de vue attendue. À ce point de vue, elle ne soutient, à
notre avis, sous aucun rapport, la comparaison avec la loi d'accès
à l'information. Elle est aussi une loi préparée, je
dirais, par un petit service d'un petit ministère. Elle n'est pas cette
loi de l'institution que sont les Archives nationales du Québec. Je
corrigerai en disant loi d'une direction générale, mais d'une
direction générale dont l'action reste limitée par son
orientation culturelle, son faible poids politique, ses maigres ressources
financières et ses ressources humaines déjà trop
dispersées.
M. le ministre, en l'absence d'entité juridique, on a une
direction générale. Je pense qu'il faut reconnaître
malgré tout que, pour les gens de ce côté-ci de la
clôture, les Archives nationales du Québec, restent cette
institution supérieure que la société reconnaît
comme compétente pour gérer ses documents et préserver la
mémoire de la nation. Autrement dit, pour la société, les
Archives nationales gardent toujours leurs majuscules.
Elle est aussi une loi de fonctionnaires en quête de pouvoirs qui
se traduit - je donnerai deux exemples - par une différence de ton entre
les chapitres III et IV. Face aux organismes publics, on protège toutes
les chasses gardées. Dans le chapitre IV, on se réserve tous les
droits, sans limite et sans reconnaissance de ce qui s'y fait. Une quête
de pouvoir qui se traduit même dans le choix des mots. Pourquoi, par
exemple, parler de service d'archives agréé, que l'on
agrée, évidemment, plutôt que de service d'archives
associé? À partir de là, M. le ministre, il me semble
qu'il n'y a pas de quoi se scandaliser et nous n'avons surtout pas l'intention
de jouer aux purs et de vouloir être plus purs que les autres. Par
contre, les archivistes ont fait leur travail en fonction de leurs fonctions et
de leurs responsabilités. Il nous semble maintenant qu'il revient aux
hommes d'État d'épurer un peu le projet et d'en élargir la
portée.
Dans quel sens, dirions-nous? Il n'est pas de notre intention de dicter
le travail et les réflexions des représentants de la population,
mais il nous semble que quelques grands axes peuvent être
signalés. Nous croyons, d'une part, qu'il faille reconnaître une
institution d'archives consacrée à la mémoire de la nation
et à la gestion de la documentation gouvernementale. Nous croyons qu'il
faut aussi une meilleure reconnaissance des pouvoirs, des compétences et
des réalisations des organismes visés à l'annexe 4
à 7 du projet de loi. Il nous semble également que cet
élargissement devrait comprendre l'instauration d'un pouvoir effectif de
responsabilité sur l'ensemble de la conservation des archives publiques.
Enfin, le recours à une commission responsable et compétente aux
fins d'approbation de calendriers de conservation, de sélection et
d'élimination, et la reconnaissance du rôle joué par les
institutions privées d'archives; à ce titre, comme premier
élément, la clarification de la place des fonds privés
dans les archives publiques.
À partir de ces données contextuelles, une prise de
position pour situer notre intervention. En principe, dans ses grandes lignes,
sur la base de départ qui nous est fournie et compte tenu de l'apport
que les hommes d'État peuvent ajouter à l'amélioration de
la loi, nous l'appuyons. Nous l'appuyons pour plusieurs raisons. C'est d'abord
un besoin qui est ressenti depuis longtemps. Cette loi, ce projet constitue
aussi un énoncé général sur lequel on pourra
s'appuyer pour savoir quelle attitude prendre. Il constitue également un
premier pas vers la gestion des documents par l'approbation des calendriers de
conservation. Il favorise l'instauration de pratiques archivistiques dans les
organismes gouvernementaux décentralisés et, à tout le
moins, par défaut, il respecte les dépôts d'archives
privées. On conviendra, malgré tout, qu'il s'agit de bien petits
pas. C'est pourquoi des améliorations précises, concrètes,
nous semblent souhaitables.
Au départ, il y aurait de sérieuses omissions à
corriger: la première, l'absence d'une autorité responsable et
collective en matière de conservation des archives publiques et d'une
autorité unique; la seconde, l'absence de rôles vraiment
importants dans le domaine archivistique pour les Archives nationales.
En effet, il faut dégager un constat qui traduit une question de
principe et un problème de perception. Telles que
présentées ici, les Archives nationales sont ramenées au
rang d'un simple service logé à l'intérieur d'un
ministère. Prenons l'exemple de l'énumération de l'article
16, un article qui ne doit pas tromper, car, comme l'indique l'article suivant,
il s'agit de cas d'exception. Ces archives, dont la valeur est reconnue comme
d'intérêt historique dès le moment de leur création,
échappent à la juridiction des ANQ, puisqu'elles peuvent
être remises. Ainsi, les documents majeurs de l'État, lois,
décrets, arrêtés, rapports de commissions d'enquête,
cadastres, etc., ne sont pas confiés à la garde des Archives
nationales. Il nous semble que c'est tronquer par le haut le mandat et la
responsabilité
des Archives nationales. (16 h 15)
Dans la structure actuelle de l'appareil gouvernemental et de
l'administration publique, la localisation des Archives nationales à
l'intérieur d'un ministère comporte-t-elle de si graves entraves
à l'exercice de son mandat? Nous comprenons mal qu'elles doivent
être réduites à ce rôle de service. Si tel est le cas
cependant, il faudrait envisager sérieusement la possibilité d'en
faire un organisme libéré d'attaches ministérielles et
relevant directement de l'Assemblée nationale. À tout le moins,
la proposition d'une commission semblable à celle existant en vertu de
la loi d'accès à l'information saurait-elle donner au
gouvernement ou à l'État un moyen d'atteindre ses
finalités en matière d'archives au Québec? D'où une
première proposition générale de l'Institut d'histoire de
l'Amérique française, celle de créer une commission des
archives sur le modèle de la commission chargée de l'application
de la loi d'accès à l'information.
Le projet de loi comporte d'autres faiblesses, qui nous apparaissent
importantes. Nous n'avons pas l'intention de les énumérer toutes,
mais de nous en tenir à l'essentiel et chacun de nous, selon ses
compétences particulières, traitera de ces questions, chapitre
par chapitre. M. Marcel Caya.
M. Caya (Marcel): Je m'en voudrais, en abordant les deux premiers
chapitres, de répéter des choses qui ont déjà fait
l'objet d'agréments et de concessions de la part du ministre, à
savoir la question des définitions. Je ne veux pas ajouter ici la
critique; c'est un peu évident. Je voudrais quand même dire ce que
nous, on souhaiterait voir dans la définition du terme "archives". Nous
sommes d'accord pour dire que l'utilisation du terme "inactif" ne renvoie pas
à l'essentiel de la définition d'archives, mais plutôt
à une périodicité et à un traitement. Nous
voudrions quand même retrouver, dans le sens de la définition du
terme "archives", le renvoi à la notion de document de valeur
permanente, valeur permanente qui peut être confirmée dès
la création du document dans certains cas, et qui est acquise par le
contexte dans lequel les documents sont utilisés dans d'autres cas.
La définition d'archives ne doit pas faire
référence à la fréquence d'utilisation du document.
Elle ne doit pas non plus être confinée à l'utilisation
possible du document. Vous noterez que, dans la définition actuelle, on
définit les archives comme étant des documents de valeur
historique qui devraient comporter une seule utilisation possible, une
utilisation qui est complétée par bien d'autres, comme par
exemple la valeur de preuve pour l'existence des droits des citoyens qui,
à mon avis, serait probablement l'une des principales valeurs que les
citoyens du Québec devraient réclamer. Également, dans les
définitions, on aimerait retrouver le fait que les archives recoupent
l'ensemble des documents reçus et produits par un organisme et cette
notion de l'ensemble est très importante pour préserver le
contexte dans lequel les documents sont créés, contexte qui fait
l'objet des observations de nature historique par les chercheurs qui,
éventuellement, consulteront les documents.
Au chapitre premier, si je peux y consacrer quelques autres paroles, je
voudrais formuler le souhait qu'on y ajoute de façon très
systématique un certain nombre de définitions. À titre de
suggestion, il me semble qu'on devrait définir clairement le terme
"archives publiques", comme document de l'État englobant à la
fois les archives du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif et
du pouvoir judiciaire. On pourrait également, pour clarifier les choses,
fournir une définition au moins des termes "conservateur des Archives
nationales" ou "Archives nationales" comme institution, parce que le terme
"archives" comme tel étant utilisé, comme vous l'avez bien dit ce
matin, M. le ministre, souvent à trois sauces différentes, cela
prête souvent à confusion lorsqu'il est utilisé dans le
texte même.
On a souligné déjà que le terme "remise" devrait
être remplacé par le terme "versement". Il faudrait
également définir dès le début l'utilisation du
terme "dépôt" et définir dans cette section, "documents
actifs, semi-actifs et inactifs". Finalement, il me semble qu'il faudrait
définir le calendrier de conservation pour ce qu'il est vraiment et non
pas tenter d'en faire un calendrier de traitement en y ajoutant les
prescriptions de la loi 65 en même temps.
Au chapitre II, notre proposition principale, comme l'a dit le
président de l'institut, est la création d'une commission des
archives, faisant rapport annuellement à l'Assemblée nationale.
Elle aurait pour mission principale de superviser le processus de
préparation et d'approbation des calendriers et surtout leur
application. Parce que la situation budgétaire actuelle est difficile,
nous comprendrons que, dans un premier temps, on veuille s'en tenir à un
organisme qui se révélerait peut-être moins lourd
administrativement, sinon budgé-tairement. On voudrait à tout le
moins qu'un organisme ou qu'un comité, semblable au comité
d'archéologie de la Commission des biens culturels, puisse commencer
à faire le travail de façon experte et de façon
compétente. Mais le ministre a déjà, jusqu'à un
certain point, donné son avis sur cette question et nous sommes
encouragés par ses prises de position.
La nomination de membres d'un comité - nous voulons le souligner
- implique la nomination d'experts à l'extérieur du gouver-
nement et surtout d'experts compétents à juger de la
valeur permanente des documents soumis.
Le chapitre II, comme tel, traite des documents semi-actifs et actifs.
Nous ne voulons pas ici demander que les Archives nationales aient
nécessairement un rôle d'intervention qui brimerait les
administrateurs qui sont les premiers créateurs de ces documents, dans
leur utilisation de ces documents. Nous voulons quand même rappeler que
les Archives nationales sont le seul organisme gouvernemental
présentement habilité à superviser et à conseiller
les ministères dans les fonctions de gestion des documents. Ceci
n'empêche pas la collaboration éventuelle du Conseil du
trésor. À cet égard, je voudrais souligner
l'expérience du gouvernement fédéral qui, depuis
déjà 1954, a confié aux Archives publiques du Canada la
double fonction de conseiller et de superviser dans tout le domaine des
documents semi-actifs et même, d'intervenir à l'occasion lorsque
les documents n'avaient pas atteint la période semi-active mais en
étaient encore à leur période active.
Ce système qui confère à l'archiviste
fédéral, donc, le directeur des Archives publiques du Canada, le
statut de sous-ministre, lui donne l'autorité nécessaire pour
intervenir comme le gardien des documents publics dans tous les
ministères. Ce système a fait l'objet de l'approbation
internationale. Ce système est aussi utilisé dans un grand nombre
d'organismes mentionnés dans les paragraphes 4 à 7 de l'annexe,
nommément un certain nombre d'universités, des
municipalités et même un certain nombre de commissions
scolaires.
Donc, en résumé, l'institut propose que le contrôle
de l'approbation des calendriers et de l'application soit rendu unique en ce
sens que ce soit confié à un seul organisme qui devra
répondre de ses décisions et nous croyons que le meilleur
mécanisme pour réaliser cette fonction serait la création
d'une commission responsable du traitement des documents publics devant
l'Assemblée nationale.
Je termine sur ces mots et je laisse la parole à M. Jacques
Mathieu, pour l'analyse du chapitre III.
M. Mathieu (Jacques): Quant au chapitre III nous proposons de
supprimer certains articles, en particulier l'article 14, qui prévoit la
possibilité de confier la garde d'archives à des organismes
privés. C'est un article dont la formulation pose de graves
problèmes et il nous semble - même si nous ignorons les pouvoirs
complets du ministre -que cela relève de ses pouvoirs
discrétionnaires que cette possibilité de confier la garde de
documents à d'autres.
Le problème de fond de l'inscription de cette mesure dans la loi
tient à une perspective de décentralisation qui risque
d'être tout à fait exagérée, un émiettement
néfaste des coûts incontrôlables, une incohérence de
gestion et des pressions terribles auxquelles il serait difficile pour le
ministre de résister.
Imaginons un instant - vous allez dire que l'exemple est pris au hasard
mais il n'est peut-être pas farfelu - que l'on veuille confier au
Musée de Gaspé des archives du ministère de la Justice. Il
faudra bientôt envisager des solutions semblables pour la Beauce,
Joliette, Charlevoix, Château-Richer, Montmagny, etc. Quel serait le
coût final d'une telle dispersion? Est-ce que les archives seraient
suffisamment protégées? Est-ce qu'elles seraient suffisamment
bien traitées par un personnel compétent et suffisant en nombre?
Quels seraient les effets pour la recherche? Je pense que le ministre, avant de
se prononcer dans chaque cas, devrait en faire une étude très
sérieuse et peut-être réserver à son pouvoir
discrétionnaire cette possibilité.
Les articles 16, 17 et 18, à notre avis, pourraient
également être supprimés. Au départ, il s'agit de
documents ayant valeur permanente et qui devraient être sous la
responsabilité supérieure de l'institution d'archives. Si le
ministre estime important que ces documents qui ont une valeur historique
dès le moment de la création doivent être
protégés, deux autres moyens sont à sa disposition: soit
de reporter l'énumération dans l'article 2 qui les
définit, soit de leur accorder une place de choix dans les calendriers
de conservation.
Au reste, si le législateur souhaite maintenir cette
définition on ne voit pas pourquoi il ne l'étendrait pas aux
archives des organismes identifiés aux paragraphes 4 à 7 de
l'annexe.
Un mot de l'article 19 qui concerne les archives des
députés. C'est là, je pense, où l'on voit qu'un
défaut de consultation préalable nous laisse un peu dans les
difficultés, dans le vague. Il n'en reste pas moins que notre prise de
position peut entrer en ligne de compte et elle se traduit par un appui sans
équivoque à l'article tel que formulé, à tout le
moins dans ses composantes majeures.
J'explicite un peu notre prise de position. Plusieurs personnes estiment
que les députés, parce qu'ils sont rémunérés
par l'État, devraient remettre à l'État les documents
accumulés dans l'exercice de leurs fonctions. À ce point de vue,
l'article pourrait même laisser l'impression que les représentants
élus du gouvernement se placent au-dessus de la loi qu'ils
officialisent. D'autres suggèrent aussi de distinguer les archives du
bureau de comté et celles du bureau du Parlement. (16 h 30)
Des raisons d'ordre théorique et pratique et très
immédiates, conjoncturelles, nous incitent plutôt à appuyer
le principe de cet article dans sa formulation. Nous sommes bien conscients que
traiter des documents versés aux ANQ plutôt que des documents
accumulés par les députés a pour effet de
considérer comme archives privées les documents produits ou
reçus par les députés dans l'exercice de leurs fonctions.
Il nous semble que le député n'est pas d'abord un employé
de l'État, qu'il n'a pas le statut d'employé de l'État;
c'est un représentant élu de la population. Dans son rôle
de représentant du peuple, le député, comme d'autres
élus, est appelé à traiter de matières et de
situations qui peuvent concerner les droits de la personne. À ce titre
et sans détenir de mandat de ses commettants, il peut estimer
préférable de ne pas divulguer ou rendre ultérieurement
accessible le contenu de ses documents ou d'une partie de ses documents. Il
peut juger aussi que la connaissance de ses archives est utile au devenir
collectif de ses citoyens et en léguer la teneur au profit de la
postérité.
De façon très réaliste, nous sommes
persuadés qu'une telle définition est encore à l'heure
actuelle indispensable à l'acceptation d'une loi sur les archives. Nous
préférons laisser à la conscience individuelle ce choix de
verser les documents des députés à l'Assemblée
nationale. Dieu merci si, collectivement, les députés
décidaient de remettre aux Archives nationales leurs documents, mais il
me semble qu'actuellement il est convenable que cela puisse être au
niveau individuel. Je pense qu'il faut davantage inciter les élus
à garder et à classer leurs documents, à les verser
éventuellement aux ANQ, aux conditions de consultation qu'ils estiment
souhaitables et obtenir en retour un juste crédit d'impôt. Le
ministre devrait s'engager dans les pratiques incitatives, à la suite de
son prédécesseur peut-être, à faire une
intervention, à ouvrir la voie, à créer des orientations
nouvelles pour inciter ses collègues à verser leurs
documentations aux Archives nationales.
Quant à la section sur l'élimination, il nous semble que
toute cette section doit être faite de façon publique avec un
comité d'évaluation, un comité d'étude et faire
l'objet d'un rapport officiel. Je ne crois pas qu'on puisse invoquer des
prétextes de retard pour faire des éliminations rapides sur la
seule volonté du ministre. Il me semble qu'il faut avoir obligatoirement
recours à un comité d'experts pour procéder à cette
élimination.
Le chapitre IV sera traité par mon collègue, M.
Dickinson.
M. Dickinson (John A): Pour commencer, quelque chose que nous
n'avons pas inclus dans le mémoire; nous y avons pensé par la
suite. Dans ce projet de loi, nulle part on ne parle du statut des fonds
privés qui sont déposés dans les archives publiques, que
ce soit dans les Archives nationales ou dans les archives d'institutions
publiques comme les universités. Nous pensons qu'il y aurait lieu de
clarifier le statut de ces fonds privés quant à leur
accessibilité, leur mode de traitement et de conservation.
En ce qui concerne les archives privées, le ministre dans ce
chapitre se réserve vraiment tous les droits significatifs,
contrairement au chapitre sur les archives publiques, par le biais de
l'agrément et des subventions et, dès lors, il peut imposer ses
conditions. Cependant, l'absence de normes et de règlements ne nous
permet pas de juger facilement des volontés et des moyens que le
gouvernement entend se donner dans la réalité concrète.
D'après ce que le ministre nous a dit ce matin et tout à l'heure,
on peut croire que plusieurs réticences seraient levées par ces
règlements quand on les aura. Malheureusement, on ne les a pas vus
encore et on ne connaît pas la teneur des règlements; c'est
peut-être un défaut. Si je peux exprimer un voeu pour d'autres
problèmes semblables, je pense qu'on pourrait éviter une certaine
frustration de la part des intervenants de ce côté-ci, si le
public connaissait les règlements avant d'être obligé de
préparer des mémoires à une commission parlementaire. Cela
éviterait certaines incompréhensions, certaines
ambiguïtés, et certainement cela lèverait certaines
réticences surtout en ce qui concerne le chapitre VI sur la gestion.
L'autre problème soulevé tout à l'heure par un
député est de savoir si on doit agir par voie de règlement
ou par voie législative. C'est à l'Assemblée nationale
à débattre cette question et non pas à nous.
En ce qui concerne les archives privées reconnues ou
classées en vertu de la Loi sur les biens culturels, les alinéas
de cet article posent quelques problèmes avec les pratiques de mise en
application de la Loi sur les biens culturels et des programmes de subventions.
Jusqu'à un certain point, il est possible que l'application de ces
articles risque de bouleverser les priorités d'un dépôt
d'archives qui fonctionne déjà et qui peut être un peu
embarrassé par une nouvelle réglementation qui lui tombe dessus.
Probablement qu'ici, il faudrait donc que la loi ait un caractère
incitatif bien plus que coercitif pour que ces règlements soient
respectés en fin de compte.
En ce qui concerne l'article 33, l'Association des archivistes du
Québec est déjà intervenue. Nous souscrivons aussi en
principe à cet article que les fonds ne devraient pas être
fractionnés. Cependant, il faudrait mieux définir ce qui
constitue une fraction. Il nous semble que le problème de
fonds ici constitue la concurrence entre différents
dépôts pour l'acquisition de fonds d'archives. Cet article ne
règle pas vraiment ce problème de fonds. Il y aura toujours
concurrence. Ce n'est pas par cette loi qu'on pourra éliminer les
Archives publiques du Canada, par exemple, et cela peut être inapplicable
ou difficilement applicable pour certaines personnes exerçant deux ou
trois différentes fonctions en même temps.
Le chapitre V pose un problème très sérieux dans la
mesure où il donne à la loi une portée rétroactive.
L'article 34, par exemple, fait fi du fait que certains documents, que nous
considérons aujourd'hui du domaine public, étaient
considérés à l'époque du domaine privé. On
n'a qu'à noter que les greffes des notaires sous le régime
français, c'était une propriété privée, non
pas une propriété publique. Encore, aujourd'hui, les notaires
tant que leurs greffes sont actifs, les conservent et peuvent conserver les
greffes d'autres avant eux. Donc, nous pensons que le devoir du ministre est de
déclarer des documents publics anciens et de les rendre incitatifs, au
lieu de faire de ces gens des criminels s'ils se trouvent en possession de
documents qu'ils auraient peut-être loyalement acquis et dont on voudrait
peut-être les déposséder par la suite.
Nous proposons de modifier complètement l'article 35 pour le
rendre incitatif plus que punitif. C'est l'article qui comporte l'une des
peines les plus graves. On comprend et, je pense tout le monde voit la
nécessité de protéger le patrimoine culturel du
Québec en s'assurant que des tranches majeures portant sur l'histoire du
Québec ne sortent pas du Québec et soient conservées ici.
Cependant, de la manière que c'est formulé, cela a l'air un peu
tatillon, surtout pour des gens de communautés culturelles d'origines
diverses. Leurs grands-parents habitaient en Italie ou en Grèce, ils ont
des papiers, des photos, des documents de famille, de leurs parents, on les
force à déclarer ces papiers quand ils veulent
déménager. Je pense que la suggestion de l'Association des
archivistes du Québec sur tout document ayant un intérêt
historique pour le Québec améliorerait du moins cet article.
Cet article me semble aussi inapplicable, puisque ce serait très
difficile et avoir une loi qui incite presque les citoyens à ne pas le
respecter, je ne pense pas que c'est quelque chose qu'on devrait rechercher. Ce
serait impossible de contrôler les frontières entre le
Québec et l'Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick pour
vérifier que personne ne sorte une photo de famille qui date de plus de
cent ans ou une lettre de son grand-père. Donc, ce de point de vue
là, cela rend un peu inefficace cet article.
En ce qui concerne la gestion, il semble bien que la
réglementation accordera un rôle beaucoup plus important aux
Archives nationales du Québec, au conservateur des Archives nationales
du Québec. C'est ce que nous souhaitons. Nous aimerions bien être
consultés sur la réglementation, du moins un peu plus, pour
savoir un peu ce qui se passera avant que les règlements ne soient
publiés dans la Gazette officielle et prennent effet. Je pense
qu'à défaut d'avoir été consultés ailleurs,
peut-être, à cette étape, on s'offre un peu de concertation
là-dessus.
En ce qui concerne les autres parties, il est évidemment
difficile de juger de ce qui concerne la gestion sans avoir vu les
règlements. Il y a seulement le sixième alinéa de
l'article 41 que nous proposons de supprimer. Les archives publiques, dans leur
ensemble, font partie du patrimoine collectif des Québécois et ne
devraient en aucun cas être aliénées. D'ailleurs,
d'après la définition des archives publiques, ce sont des
documents qui présentent un intérêt historique. Si ces
documents présentent un intérêt historique, c'est qu'ils
devraient être conservés ici. On ne devrait pas permettre au
gouvernement d'aliéner des documents quand on défend aux
particuliers d'aliéner des documents. C'est encore le problème du
gouvernement qui se met au-dessus de la loi. Je ne sais pas si le ministre veut
aliéner des archives, mais je ne vois pas vraiment l'utilité de
cet alinéa.
Au chapitre VII, en ce qui concerne les sanctions, nous n'avons vraiment
rien à dire.
Au chapitre VIII, il y a surtout une question qu'on voudrait vous poser
au sujet de l'article 61: "Un organisme public visé au paragraphe 1°
de l'annexe qui le ..., détient des documents inactifs doit en
transmettre la liste au ministre avant le ... et les lui remettre sur demande".
À l'annexe, donc, ceci comprend le gouvernement: Conseil
exécutif, etc. Est-ce qu'il y a une raison pour éliminer les
organismes aux alinéas deux et trois de l'annexe I? Nous pensons surtout
aux documents des cours de la justice qui sont conservés par des
protonotaires. Je pense qu'il faudrait peut-être aussi inclure ces
documents dans l'énumération pour préserver...
M. Richard: Je peux vous répondre immédiatement, si
vous voulez.
M. Dickinson: Oui.
M. Richard: Le problème que cela pose - on l'a
évoqué ce matin - c'est que le lieutenant-gouverneur et
l'Assemblée nationale... C'est le principe de la séparation des
pouvoirs. Il faut donc intervenir par ententes et non pas imposer par des lois.
Mon collègue, Pierre de Bellefeuille, tout à l'heure, parlait
justement de l'érosion des
pouvoirs législatifs. C'est un peu, en quelque sorte, pour
ménager le pouvoir législatif. Mais, en même temps, je ne
peux pas imposer quelque chose à l'Assemblée nationale, contre
son gré. C'est le pouvoir exécutif qui applique la loi par la
suite. Alors il faut intervenir, mais par ententes avec, entre autres, le
lieutenant-gouverneur et l'Assemblée nationale et surtout, le pouvoir
judiciaire, pour qui c'est la même chose.
M. Dickinson: Donc, cela répond, c'est qu'on est un peu
inquiet que...
M. Richard: La distinction... Non, en tout cas, on espère
qu'on n'aura pas à être inquiet, puisqu'il y aura des ententes qui
seront conclues dans le cadre de cette loi. Mais je ne peux pas imposer des
contraintes au pouvoir judiciaire - à moins qu'il n'y consente - ou
à l'Assemblée nationale. Mais je sais, en ce qui a trait à
l'Assemblée nationale, que le président m'a dit qu'il
était tout disposé à conclure des accords qui atteindront,
finalement, exactement les mêmes fins.
M. Dickinson: Pour conclure, Jacques Mathieu.
M. Mathieu (Jacques): Voilà, M. le Président, qui
clôt l'essentiel de notre analyse et de notre perception du projet de
loi, un projet qui, s'il était adopté avec les modications que
nous avons suggérées, nous semblerait pouvoir doter le
Québec d'une instrumentation législative susceptible de
protéger efficacement son patrimoine archivistique.
Le Président (M. Brouillet): Merci bien. Avant de laisser
la parole au ministre, j'inviterais les parlementaires, dans la mesure du
possible, à se limiter à environ une demi-heure...
M. Richard: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): ...pour les échanges,
questions et discussions. (16 h 45)
M. Richard: Je serai très bref puisqu'il me semble que
déjà un certain nombre de problèmes ont été
évacués ce matin. J'aurais toutefois une question à poser
aux intervenants que je voudrais également remercier. Des observations
extrêmement pertinentes ont été formulées par M.
Mathieu, M. Caya, M. Dickinson et je veux leur dire qu'on tiendra compte de
plusieurs de ces observations et que les règlements seront prêts
à être déposés au moment de l'étude, article
par article, en commission parlementaire.
Il y a une chose toutefois que j'arrive mal à saisir, ce sont les
réticences à l'égard de l'article 14, dont, je le
reconnais, j'étais plutôt fier, puisque cela nous permet
d'utiliser parfois les compétences et l'expertise d'archives
privées et je vois mal pourquoi on devrait s'interdire cela dans
certains cas. Je vois mal comment cela rendrait les archives moins accessibles.
Au contraire, c'est dans un objectif d'accessibilité, de plus grande
accessibilité que l'article 14 a été conçu, et,
remarquez, après avoir pris l'avis de la Commission des biens culturels
au sein de laquelle siégera un comité d'archives. Il ne faudrait
pas l'oublier, au sein de la Commission des biens culturels, il y aura, comme
pour l'archéologie, un comité d'archives de trois membres et la
composition de la Commission des biens culturels va être modifiée
en conséquence. Il y a tellement de garde-fous là-dedans qu'il me
semble qu'on n'aurait pas intérêt à vouloir
éliminer, supprimer l'article 14 pour pouvoir compter sur toutes les
compétences qui existent au Québec.
M. Mathieu (Jacques): Je pense qu'il y a - et je ne peux qu'y
revenir de cette façon - un risque d'émiettement
considérable selon lequel chaque dépôt, chaque
société pourrait vouloir conserver des archives publiques
à l'occasion. Il y a aussi le fait que cela se fait par le biais d'un
article législatif, celui qui crée un service d'archives
privées agréé, qui risque d'introduire deux poids, deux
mesures. Il faut bien voir, par exemple, que, par l'article 40, l'aide
technique n'est fournie qu'aux services d'archives privées
agréés, ce qui est déjà bien différent des
services d'archives privées ordinaires ou réguliers, dont on ne
tient pas compte. Et là, il me semble qu'il y a deux poids, deux mesures
pour les partenaires.
Troisièmement, vous revenez sur le comité d'archivistes de
la CBC. La CBC, bien sûr, n'est qu'une commission consultative et on dit
en plus "que le ministre peut" et non "que le ministre doit". Quelle est la
compétence, finalement, d'un tel comité pour juger à la
fois de ces pratiques de décentralisation et des autres pratiques de
calendriers de conservation, d'échantillonnage, de sélection? Il
me semble qu'il faut un organisme avec des pouvoirs plus étendus,
notamment un pouvoir de consultation élargi, qui puisse rendre publiques
ses décisions bien plus rapidement que ce comité de la CBC.
M. Richard: Mon Dieu, je pense que la Commission des biens
culturels peut rendre publics ses avis très rapidement. Non seulement
elle peut les rendre publics, mais vous savez que maintenant elle peut
même les rendre publics sans demander la moindre permission au ministre.
Donc, en ce qui a trait à ce que vous appelez l'émiettement,
le
comité, il me semble, en serait un peu conscient.
Deuxièmement, le ministre aussi - on l'espère, en tout cas
- serait un peu conscient de ce problème. Alors, vous avez un double
garde-fou qui m'apparaît important, nécessaire. Juste un
détail, le ministre peut, après avoir pris l'avis de la
commission; il doit donc prendre l'avis de la commission. Je voudrais dissiper
la confusion: Vous avez dit: Le ministre peut, il ne doit pas. Il doit prendre
l'avis de la commission, mais il peut, après avoir pris cet avis . qui
est obligatoire, confier la garde à des archives privées.
En ce qui a trait à l'agrément maintenant, personne ne
sera obligé de soumettre sa candidature, si je peux m'exprimer ainsi,
à l'agrément. Mais l'agrément me paraît absolument
essentiel, puisqu'on ne peut pas confier les archives à n'importe qui.
Quiconque pense avoir l'expertise et quiconque pense pouvoir conserver les
archives dans des conditions reconnues pourra demander un agrément.
À ce moment-là, on pourra le faire. L'agrément existe pour
les musées. L'agrément existe même pour les librairies.
Personne n'est obligé de demander l'agrément, mais c'est pour
nous permettre d'avoir des critères. Si on n'avait pas mis
d'agrément, vous auriez pu nous le reprocher à bon droit: Mon
Dieu! vous voulez confier les archives à n'importe qui! Mais on a dit:
Non, on ne veut pas les confier à n'importe qui, on veut les confier
à des gens qui ont l'expertise, qui connaissent cela et qui sont
capables d'assurer les conditions permettant la conservation des archives.
Donc, il y aura des critères. La somme de ces critères est
l'agrément.
M. Dickinson: Pourquoi "privatiser" le domaine public?
M. Richard: Pardon?
M. Dickinson: Pourquoi "privatiser" le domaine public? Au
Québec, depuis 20 ans, on se bat pour rendre publiques des choses
privées comme l'éducation. Maintenant, dans cette loi, on va
à contre-courant, on veut "privatiser" les choses qui étaient
auparavant publiques.
M. Richard: Je vais répondre à cela. Dans le
domaine culturel, il est extrêmement important - je le vis tous les jours
- de faire appel aux ressources des différents milieux. L'État
n'est pas obligé d'être omniprésent. L'État ne
contrôle pas les grandes troupes de théâtre. L'État
ne contrôle pas les orchestres symphoniques. L'État ne veut rien
contrôler en matière culturelle. Je pense que cela pourrait
être extrêmement nocif. Faire appel aux ressources des milieux,
à leur compétence et à leur expertise, en tout cas, c'est
vers cela que je m'achemine tous les jours pour ne pas nous priver, enfin, nous
n'avons pas les moyens de nous priver de toute cette expertise et de toute
cette compétence. Pourquoi tout rassembler dans les mains de
l'État? Il me semble que ce serait asphyxiant pour le
développement culturel du Québec. M. le Président, j'ai
terminé.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, M. le
député de Saint-Henri, vous avez la parole.
M. Hains: M. Mathieu, j'ai vraiment admiré la verdeur de
vos opinions et de vos paroles, surtout dans votre introduction. C'était
pour moi aussi revigorant que la verdure du printemps. Dès le
début de votre mémoire, vous soulignez deux omissions
sérieuses à la page 1. La première omission est l'absence
d'une autorité unique. Pourtant, j'y vois partout le ministre des
Affaires culturelles. La deuxième omission est l'absence de tout
rôle important pour les Archives nationales. Vous dites, à la page
1: "Les Archives nationales auraient dû être
considérées comme l'institution supérieure que
l'État s'est donnée pour assurer la sauvegarde et la
mémoire de la nation".
Rapidement, comment verriez-vous le rôle des Archives
nationales?
M. Mathieu (Jacques): Je vais laisser M. Marcel Caya
répondre à cela, si vous le permettez.
M. Caya: Les Archives nationales devraient, pour autant que nous
concevons leur rôle idéalement, être des archives de
l'État, chargées juridiquement de superviser l'application des
calendriers de conservation et de superviser également le respect de
tout le processus archivistique qui veut que, à partir d'un ensemble de
documents actifs, on en arrive à juger lesquels d'entre eux ont une
valeur permanente pour les fonctions de l'État.
Lorsque je dis "archives de l'État", cela fait
référence à une notion différente qui semble
être celle qui a été adoptée dans la loi actuelle,
qui est celle de "archives gouvernementales" et qui doit s'inspirer constamment
des politiques ponctuelles et changeantes à mesure que
l'évolution de l'histoire du Québec se produit. Les archives de
l'État devraient avoir, sur l'information et sur les documents de
l'État, les mêmes pouvoirs que le Vérificateur
général a sur les finances du gouvernement et ce pouvoir de voir
à la saine administration et à la bonne gestion des documents ne
devrait pas être l'objet d'une politique mais être plus
précisément le mandat, la mission d'un service
indépendant.
M. Mathieu (Jacques): Si vous permettez, je compléterai
pour répondre à la première partie de votre question: En
quoi le ministre n'est-il pas l'autorité unique? Il n'est pas
l'autorité unique parce que cette autorité est limitée
premièrement aux documents inactifs, deuxièmement aux documents
qui présentent un intérêt historique et
troisièmement, il n'est pas autorité unique non plus dans la
mesure où il y a toute une énumération de séries
documentaires extrêmement importantes qui ne relèvent pas du
ministre et ce sont celles qui sont énumérées à
l'article 16.
M. Richard: M. le Président, avec la permission de mon
collègue que je ne veux pas interrompre. Je voudrais seulement relever
ceci qui est probablement la source de toute l'ambiguïté. L'article
38 dit exactement, M. Caya, ce que vous venez de nous dire, remplacez "Affaires
culturelles" par "Archives nationales": Le ministre des Archives nationales
élabore et propose au gouvernement une politique de gestion des archives
publiques; il coordonne la mise en oeuvre de cette politique et en surveille
l'application.
Le ministre des Affaires culturelles est à la fois le ministre
des Archives nationales qui sont partie intégrante des affaires
culturelles. Alors, la description que vous venez de nous faire, et fort
à propos d'ailleurs, correspond exactement à l'article 38.
M. Dickinson: Pas tout à fait, puisqu'il est question des
archives publiques et, dans la définition des archives publiques, cela
limite et nous voudrions que ce soit étendu.
M. Richard: Oui. Alors là, l'observation de M. Mathieu,
toutefois, était pertinente parce qu'il reste au moins à inclure
l'arrimage avec le Conseil du trésor par une disposition
législative ou par une entente.
M. Caya: M. le ministre, je conviens des difficultés
présentes de réaliser notre rêve de ce que devrait
être... Je tiens simplement à préciser que dans notre
conception, la distinction essentielle, c'est que les archives de l'État
auraient automatiquement contrôle de la gestion non seulement de
l'exécutif mais également du législatif et du judiciaire
alors que tant qu'on utilise le pouvoir du ministre ici et lorsqu'on prend les
contraintes qui se posent, on doit forcément s'en tenir à
légiférer strictement à ce qui est l'exécutif et
recourir à des ententes pour le reste.
J'aimerais beaucoup avoir une vision du futur d'ici deux ans, trois ans,
pour voir où on en sera rendu dans ces ententes. Je sais qu'il y a
toutes sortes de difficultés à traiter avec le judiciaire; je
suis content de voir que les difficultés sont aplanies avec
l'Assemblée nationale non seulement quant à la conservation de
ses propres archives mais également, j'espère, quant à la
conservation possible de fonds privés d'anciens
députés.
M. Richard: Je peux même vous dire que le président
de l'Assemblée nationale m'a dit que, quant à lui, il
était tout à fait disposé à ce que les archives de
l'Assemblée nationale soient déposées aux Archives
nationales, mais en respectant sa souveraineté.
M. Caya: Parfaitement d'accord. Quant à nous, il y a un
aspect ici qui est sous-jacent lorsqu'on réclame un rôle accru, un
rôle plus centralisé, un contrôle meilleur de la part des
Archives nationales ou même de la part du comité de la CBC. C'est
qu'il s'agit en fin de compte, dans un organisme gouvernemental quand
même restreint, de réunir autant que possible toutes les
compétences disponibles pour réussir à faire le travail et
déjà, au nombre d'archivistes encore relativement petit qu'il y a
au Québec, si on regarde tout ce que la loi veut réaliser, vous
conviendrez avec moi qu'il y a une tâche ici pour 26 heures par jour de
la part d'à peu près tout le monde. (17 heures)
Le Président (M. Blouin): Merci monsieur. M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Aux pages 6 et 7 de
votre mémoire, vous faites référence au fait qu'une
commission établie sur le modèle de la Commission des biens
culturels serait la meilleure formule pour gérer la politique
archivistique de l'État et qu'au pire une commission restreinte serait
adéquate, c'est-à-dire sur le modèle de la Commission
d'accès à l'information. Vous faites d'ailleurs
référence à un livre vert qui aurait proposé une
telle commission ressemblant à la Commission des biens culturels. Est-ce
que vous faites référence à ce moment-là au rapport
de 1975 de M. L'Allier?
M. Mathieu (Jacques): De 1976, oui.
M. Dauphin: De 1976. J'aimerais que vous nous précisiez
plus amplement les avantages qu'il y aurait pour chacune des formes de
commission par rapport à la situation centralisée dans les mains
du ministre qui nous est proposée.
M. Mathieu (Jacques): Je tenterai de l'expliquer seulement par un
exemple. C'est la difficulté de savoir ce qui demain sera utile à
la recherche. Vous convenez avec moi que ce ne sont surtout pas les historiens
qui sont prophètes, pas plus que les archivistes, ni personne. Une
commission élargie sur le
modèle de la Commission des biens culturels aurait pu
réunir un certain nombre de compétences qui auraient pu juger des
documents qui, demain, pourraient être utiles à la recherche. Il
faut surtout envisager un mécanisme absolument indispensable, celui de
l'échantillonnage et de l'échantillonnage scientifique.
C'est pour cela que le comité de la Commission des biens
culturels ne nous paraît pas suffisamment doté de pouvoirs de
consultation élargis pour pratiquer une technique ou un
échantillonnage satisfaisant selon l'éventail, la gamme des types
de documents qui sont offerts. Alors qu'une commission sur le modèle de
la Commission d'accès à l'information pourrait faire venir devant
elle, selon le cas, des experts venant de divers horizons en fonction des
documents dont on étudierait le problème de conservation:
évidemment, le conservateur en chef des Archives nationales; bien
sûr, des administrateurs; évidemment, je le pense bien, des
historiens, mais aussi à l'occasion des sociologues, des
démographes, des psychologues. Donc, des gens qui, sur l'étude
des dossiers, pourraient fournir à cette commission une expertise qui
est longue, qui est extrêmement difficile à faire parce que la
technique d'échantillonnage est fonction de principes scientifiques,
d'une part, mais elle est fonction également de la documentation qui est
accumulée.
Je pense que les gens dans le domaine de l'histoire accepteront bien que
l'échantillon le plus satisfaisant, c'est celui par la lettre B.
L'échantillon par la lettre B n'est pas possible dans des documents qui
sont conservés dans des registres au jour le jour. Comment, à ce
moment-là, contrer cette difficulté? Qu'est-ce qu'on accepte de
perdre et de ne pas perdre? Il nous semble que c'est un travail à temps
complet que de procéder à cette étude surtout en vue des
calendriers de conservation et compte tenu de l'éventail
extrêmement large des types de dossiers qu'on sera amené à
consulter et à étudier.
M. Dauphin: J'aurais seulement une autre question, M. le
Président, si vous me le permettez. C'est en rapport avec l'article 33
qui semble poser un problème d'interprétation en raison de
l'absence de définition du terme "fonds d'archives" - on y a fait
référence un peu tantôt - ainsi que de l'imprécision
qui est rattachée au terme "fonction", dont on ne sait pas s'il se
rattache à une fonction exercée dans un organisme public ou toute
autre activité. J'aimerais vous demander quelle serait la
définition que vous donneriez au terme "fonds d'archives", car votre
mémoire n'en fait pas mention. Procéderiez-vous à des
regroupements selon les diverses activités pratiquées ou les
oeuvres réalisées par une personne?
M. Mathieu (Jacques): Je pense qu'il existe dans les manuels
d'archivistique et dans la discipline scientifique qu'est l'archivistique des
définitions qu'on pourrait regarder et à partir desquelles on
pourrait préciser quelque chose de sensé. Je ne me risquerais
certainement pas à proposer une définition comme cela.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député de Marquette. M. le ministre.
M. Richard: Juste une dernière observation. La Commission
des biens culturels que vous connaissez bien a tous les pouvoirs que vous
exigez de l'autre commission et on fait l'économie d'une commission.
Elle a le pouvoir de tenir des audiences publiques, le pouvoir d'engager des
experts, le pouvoir de consulter qui elle veut. Alors, pourquoi devrions-nous
faire double emploi et ne pas faire l'économie d'une commission,
d'autant plus qu'elle va être encore plus polyvalente et plus sensible
à la conservation de l'ensemble des biens culturels au Québec?
L'expertise des autres va être un apport extrêmement
intéressant pour les archives du Québec, il me semble, au lieu
d'être en cercle fermé. Il y aura toute l'expertise de ceux qui
sont des experts en muséologie ou de ceux qui sont des experts en
histoire. Mon Dieu! il me semble que l'on doit pour une fois faire
l'économie d'une commission.
M. Mathieu (Jacques): Je pense qu'à dépenses
égales ou à frais égaux, il serait
préférable d'avoir une commission restreinte indépendante,
d'une part, et, d'autre part, ce comité sera appelé...
Rappelez-vous les termes de la loi, l'étude des calendriers de
conservation et cela veut dire pour chacune des séries documentaires
produites, les techniques d'échantillonnage qui seront maintenues. Je ne
crois pas que des gens qui se réuniraient deux jours par mois,
même sur proposition des personnes qui viennent exposer des dossiers,
puissent arriver à faire une sélection qui soit acceptable. C'est
extrêmement important au contraire d'autres documents, parce que les
archives, c'est le document inédit et unique. Un document détruit
est un document perdu et qu'on ne peut pas retrouver. Voilà.
M. Richard: Je crois plutôt je me permets de diverger
d'opinion avec vous là-dessus - qu'il est important que les archivistes
soient en contact quotidien avec les autres qui s'occupent de la conservation
des biens culturels au Québec et inversement.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
Alors, M. le député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Merci, M. le Président. J'aurai quatre
commentaires que je ferai rapidement, compte tenu de l'heure, mais qui
appelleront des commentaires éventuellement de nos collègues
devant nous. D'abord, cela tourne autour des articles 33, 34 et 35. Dans votre
mémoire, vous faites allusion à des crédits d'impôt
possibles pour des parlementaires qui remettraient leur fonds. Par ailleurs,
l'article 34 ferait obligation à toute personne qui aurait des documents
de les remettre. Il y a une espèce de négation de la
propriété. Vous avez relevé cela, mais peut-être
qu'à la lumière de l'article 33 et de l'article 35, vous pourriez
ajouter autre chose. Mon commentaire serait que vous êtes assez gentils
et assez réalistes vis-à-vis des parlementaires que vous ne
voulez pas qu'ils s'obligent par une loi à remettre leurs documents. Je
prends acte de cela. Vous faites une distinction entre un ministre qui est un
fonctionnaire et un député. Votre distinction est très
juste. Est-ce que c'est faire preuve de réalisme que de laisser aux
parlementaires le soin de décider s'ils s'obligeront par une loi ou pas?
On verra bien par les débats qui vont suivre. On aura l'occasion de
discuter de tout cela en commission parlementaire et d'en discuter entre nous.
Je dirai seulement un chose à ce moment, c'est que je trouve un peu
regrettable que, chez les parlementaires québécois qui veulent
passer à l'histoire, alors que chacun des partis politiques veut prendre
le pouvoir pour transformer le Québec et faire des grandes choses, on
soit aussi méfiant sur les traces qu'on va laisser de gestes absolument
éclatants et qu'on se demande si vraiment on ne devrait pas s'obliger
à laisser des traces et faire en sorte que ces traces soient
conservées et scrutées par d'autres qui viendront après
nous.
La loi d'accès à l'information protège les
personnes et protège l'information sur les personnes. Mon point de vue,
c'est qu'on peut assurer cette protection la vie durant, pour deux
générations à venir ou plus, mais il devrait arriver un
moment où on devrait récupérer l'accès à
l'information à ces documents. On peut faire des prescriptions et on
peut prévoir cela dans nos lois, mais là, vous êtes
généreux, vous glissez le crédit d'impôt, est-ce une
façon d'essayer de soudoyer les parlementaires? En tout cas, le
résultat est qu'on n'a pas eu de loi pour les obliger et on m'informait
qu'il y a à peu près 5% des hommes politiques qui sont
passés au Québec et dont des documents sont conservés aux
archives. Il y a 5% à peu près sur tous les parlementaires qui
sont passés qui ont laissé une trace qu'on retrouve aux archives.
Chez les premiers ministres qui sont ici, à part la photo, il y en a
à peu près 25, il y en a quatre ou cinq sur lesquels les archives
conservent quelque chose de significatif. Alors, pour des gens qui ont
donné leur vie à la chose publique et qui ont voulu passer
à la postérité et changer le Québec, à part
la photo, on n'a pas grand-chose. Il me semble qu'il faudra reparler de
cela.
Deuxième point. M. le ministre nous dit avec fierté et
à juste titre - pour la fierté -qu'un projet de règlement
est prêt et que nous l'aurons quand on pourra étudier le projet de
loi. C'est une chose importante. On pourra faire un débat public
également autour du projet de règlement. Mais vous aviez raison,
vous autres, ceux qui vous ont précédés et ceux qui vous
suivront, de vous inquiéter quand même de tout ce qu'il y a dans
les règlements, parce qu'aussi longtemps que ce Parlement n'aura pas
assuré un contrôle parlementaire de la réglementation, le
premier règlement pourra faire l'objet d'un débat public si le
ministre le veut bien, mais rien n'oblige le ministre à soutenir le
débat public. Après, cela devient l'affaire de l'administration.
Comme vous l'avez souligné, ce projet de loi se ressent
déjà un peu de la marque de l'administration publique, des
administrateurs publics. On peut prévoir qu'ils vont se retrouver entre
eux et à loisir dans la réglementation; si ce n'est pas dans la
première, ce sera dans les subséquentes. Je crois que
là-dessus on peut être vigilant à moins que nos travaux en
cours sur la réglementation n'assurent un contrôle parlementaire,
donc, un débat public, pour chaque étape non seulement de la
première, mais des modifications à venir.
Troisièmement, vous avancez une préoccupation que tout
historien ne peut manquer d'avoir devant les Archives nationales. Le ministre a
bien expliqué la question et cela a été, je pense,
nuancé par l'Opposition. Mais il reste quand même que, pour ceux
qui sont habitués à voir les archives précéder
même dans le temps le ministre des Affaires culturelles - ce sont des
institutions comme celles-là qui ont un jour donné l'idée
au législateur de créer un ministère des Affaires
culturelles aujourd'hui, on voit ces institutions
récupérées et réintégrées quelque
part dans le ministère et devenir un service dans le
ministère.
Il y a une logique à cela, le ministre l'a expliquée et
peut la réexpliquer. Mais il reste quand même que les institutions
ne sont pas sclérosées, qu'elles vivent. Je souhaiterais qu'avec
les années cette institution, grâce au milieu, d'ailleurs, et
grâce à sa qualité propre, puisse se réaffirmer
comme quelque chose qui puisse se situer au-dessus de la mêlée,
parce que je pense que, tôt ou tard, les archives publiques redeviendront
maîtresses de plus que de ce qu'on leur concède, dans un premier
temps,
ici. Le Conseil du trésor, un jour ou l'autre, à mon avis,
va sauter avant les archives du Québec. Ce jour-là,
peut-être que les archives du Québec pourront redevenir
maîtresses d'une politique générale de la gestion
documentaire. Les archivistes l'ont bien fait ressortir, ils ne sont pas
là que pour les affaires à caractère historique, ils sont
aussi là pour les documents actifs et les documents inactifs.
J'aimerais qu'on ait un jour une institution qui se situe au-dessus de
la mêlée et qui nous assure que les politiciens, les hommes
politiques ne pourront pas faire le ménage dans les documents, que les
hauts fonctionnaires ne pourront pas faire le ménage et qu'il y a
quelqu'un qui surveillera cela. On s'est donné un organisme de
contrôle pour l'accès à l'information. Il me semble qu'on
devrait aussi s'assurer, par l'intermédiaire d'un organisme qui est
au-dessus de la mêlée, que les documents ne seront pas
détruits. Parce que toute notre législation actuelle rendra les
gens beaucoup plus méfiants, on va courir le risque plus qu'auparavant
que des choses ne s'écrivent plus ou que des choses soient
détruites au fur et à mesure.
M. le ministre, je vais dévoiler un secret de ministre
aujourd'hui: Dans les bureaux de ministres - il est bon que vous sachiez cela -
il existe généralement un appareil pour détruire les
documents. Cela ne date pas du gouvernement actuel. D'ailleurs...
M. Marx: C'est la faute du fédéral.
M. Vaugeois: ...les ministres actuels, en général,
sont tellement respectueux et tellement préoccupés de faire
passer le Québec sur un autre plan qu'ils seraient bien malvenus de
détruire des documents. Mais ce genre d'appareil existe. Je crois qu'un
organisme... Je comprends, d'ailleurs, M. le président Mathieu, que ce
soit une de vos préoccupations quand vous voulez qu'une commission ou
qu'un groupe surveille cela de façon propre au-delà même de
la Commission des biens culturels. Le point de vue du ministre là-dessus
peut faire en sorte que vous puissiez vous réconcilier. La
préoccupation, à mon avis, est là. Un jour ou l'autre, je
me prends à rêver d'une institution d'archives qui soit au-dessus
et qui donne le ton à toutes les institutions d'archives qui se trouvent
dans le secteur privé ou public. Autrement, M. le ministre, je vais vous
faire une prédiction - je suis historien, mais ces temps-ci je suis
plutôt prophète; c'est notre métier de législateur
qui fait de nous des prophètes - c'est que, si on adopte le projet de
loi à peu près comme il est là, on va avoir beaucoup
d'ordre, beaucoup de méthode pour les documents inactifs. Les historiens
ne s'en plaindront pas trop, pour ceux qui sont là, parce que, pour le
travail qu'ils peuvent faire, ce sont ces documents qui les intéressent,
mais pour ceux qui les suivront et pour l'administration publique, il y aura un
problème, parce qu'on va en venir, avec ce genre de loi... Je pense
qu'on l'améliorera encore, mais, de toute façon, cela
m'étonnerait qu'on puisse venir à bout de la résistance
totale du Conseil du trésor. S'il restait...
M. Richard: Je suis plus optimiste. (17 h 15)
M. Vaugeois: Très bien. S'il restait une différence
trop importante entre les documents actifs et semi-actifs,
responsabilité de tel groupe, et les documents inactifs,
responsabilité des archives des archivistes, à mon avis, on
aurait plus de facilité dans l'administration publique à
retrouver des documents du XVIIIe et du XIXe siècle. Ceux-là, on
les retrouverait comme cela. On pourrait en tout cas les faire parler, etc., et
on continuerait à chercher désespérément les
documents de l'année en cours, les documents de l'année
passée et les documents des dix dernières années. C'est
cela, le drame de l'administration publique. C'est que, comme on n'a pas de
solide politique de gestion documentaire, comme on n'a pas de solides
règles de gestion documentaire, comme on a fait toutes les grandes
réformes dans cet État québécois sauf la
réforme de la gestion documentaire, c'est cela qui coûte cher, M.
le député. Cela coûte les yeux de la tête, parce que
les entrepôts débordent de documents qui sont tout croches, mal
classés. Et, à un moment donné, on fait le ménage
là-dedans au nom d'un seul principe, celui de l'espace dont on a besoin,
l'espace qu'on veut récupérer. On brûle des choses qui ont
de la valeur et on conserve des choses qui n'en ont pas. Et cela, ça
coûte les yeux de la tête.
L'administration qui nous a précédés, comme celle
qui est en place, a des cauchemars quotidiens avec des documents importants qui
viennent d'être reçus, qui viennent d'être traités,
dont on a à nouveau besoin et qu'on ne retrouve pas. Et je suis
d'ailleurs assez inquiet pour les historiens qui vont suivre, parce que comme
la masse documentaire est toujours plus grande, comme les règles de
gestion documentaire sont de plus en plus floues et qu'il y a des chapelles un
peu partout, je pense que vous n'insisterez jamais assez sur l'économie
à réaliser et sur l'importance qu'il y a, au-delà de ce
qui est matière historique, à faire en sorte que ce Québec
- pourquoi pas par le biais de ce projet de loi - se donne une politique de
gestion documentaire qui touche l'ensemble des documents. Cela ne veut pas dire
que les archivistes vont vouloir rentrer dans le bureau du sous-ministre et
gérer quotidiennement ses documents, mais il y a
des règles de gestion documentaire qui seraient fort utiles
à l'État québécois. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Trois-Rivières, de cet exposé. Je donne
maintenant la parole à M. le député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): On parle beaucoup de calendrier de
conservation. Or, je présume qu'on devrait s'en remettre, à un
moment donné, à un calendrier type. Je ne pense pas que tous les
organismes aient les moyens de se bâtir un calendrier propre. Je voudrais
savoir - cela m'intéresse, mais je ne sais pas au juste ce qu'on peut
avoir - ce qu'est au juste et ce que cela comporterait, selon vous, un
calendrier de conservation type. Il serait peut-être temps qu'on le
sache. Pour moi, en tout cas. Je ne sais pas si les autres le savent.
M. Caya: Je vous avoue d'abord ma réticence devant le
concept de calendrier de conservation type parce que toutes les administrations
et tous les services, je l'espère, ont des fonctions différentes
et, en conséquence, ils créent forcément des documents qui
sont différents. Le modèle de calendrier de conservation
s'inspire d'abord d'une liste des séries, des types différents de
documents conservés par un service ou l'autre et statue, au moment
où les documents sont à leur période active, sur leur
période de conservation précisant combien de temps telle
série de dossiers -par exemple, des lettres des citoyens relatives
à la préparation du budget 1982 -sera conservée. Il statue
sur la période de temps pendant laquelle ce matériel sera
d'utilité courante, active, sur la préparation du budget qui est
l'activité principale visée. Il statue également sur la
période de temps pendant laquelle le matériel devrait être
conservé durant la période semi-active, c'est-à-dire sur
la durée de la période pendant laquelle ce matériel
conserve une certaine valeur légale, fiscale, ou autre, ou simplement
une valeur de référence, pour savoir, par exemple, si tel
président de telle chambre de commerce répète le
même mémoire depuis cinq ans, ou différentes choses comme
cela. Et, finalement, on décide d'un moment où le document ou la
série de documents devrait être, soit détruite, soit
envoyée de façon permanente à un dépôt qui
sera le dépôt des Archives nationales pour être
conservée de façon permanente, si la série de documents a
une valeur permanente. Il s'agit, en fin de compte, à partir d'une
série de descriptions de ce que sont les dossiers, descriptions de leur
contenu, de leur caractère, de décider à l'avance de ce
qui va arriver plutôt que d'avoir à inspecter, une fois les
entrepôts ou les classeurs remplis, tout le matériel et à
décider de façon très rapide, parce que les espaces sont
remplis, ce qu'on devrait faire des documents. Et, parce que la plupart des
organismes conservent les mêmes fonctions et offrent les mêmes
services de façon continue, il devient très facile de fixer ces
calendriers de conservation, car les mêmes types de documents sont
constamment créés, et même si les documents ne sont pas
semblables, ils conservent des qualités qui sont semblables. C'est un
petit peu dans tout ce processus d'analyse des documents qui est fait de
façon régulière que des sommes d'énergie et
d'argent importantes sont réalisées parce que, une fois que le
calendrier de conservation est fait, il est habituellement fait pour une
très longue période de temps. On n'a pas à
réexaminer chacun des dossiers un par un. On peut les traiter par de
grands ensembles. Je ne sais pas si cela répond à votre
question.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député. Merci à vous, monsieur. Alors, s'il n'y a pas
d'autres questions de la part des députés, je remercie les
représentants de l'Institut d'histoire de l'Amérique
française.
J'invite maintenant les représentants de la Commission
professionnelle des secrétaires généraux. Non, ce n'est
pas cela? Auparavant, nous entendrons les représentants du Centre
d'études canadiennes-françaises de l'Université McGill. Je
m'excuse. Je les invite à prendre place à la table des
invités. Je demande au représentant du Centre d'études
canadiennes-françaises de l'Université McGill de bien vouloir
s'identifier pour les fins du journal des Débats et ensuite de nous
présenter le plus succinctement possible son exposé. Par la
suite, nous inviterons les députés qui ont des renseignements
supplémentaires à vous demander de bien vouloir le faire.
Centre d'études
canadiennes-françaises
de l'Université McGill
M. Lamonde (Yvan): Mon nom est Yvan Lamonde. Je suis professeur
d'histoire à l'Université McGill et directeur du Centre
d'études canadiennes-françaises. Le mémoire que je soumets
a reçu aussi l'appui du département d'histoire de
l'Université McGill.
M. Richard: Seriez-vous assez gentil de vous déplacer un
peu plus vers le centre?
M. Lamonde: Voilà.
M. Richard: Le député de Saint-Laurent trouve que
vous étiez pas mal à gauche.
Moi, je trouvais que vous étiez à droite.
M. Lamonde: M. le Président, M. le ministre, M. le
représentant de l'Opposition, mesdames et messieurs les
députés. Insistons, dès le début, pour
reconnaître l'intérêt au double titre de simple citoyen et
de professionnel de la présentation d'un tel projet de loi. Mon
mémoire est relativement bref. J'aborderai quatre points, dont deux avec
plus d'emphase.
Voyons d'abord, les effets de l'article 57 sur ce que, moi aussi, je
considère le nouveau statut ou la nouvelle présence juridique des
Archives nationales du Québec et, conséquemment, le nouveau
pouvoir du ministre. Ensuite, je discuterai de la philosophie du chapitre IV
sur les services agréés d'archives privées. Enfin, je
poserai quelques questions à propos de la non-définition du terme
"document" et à propos de la responsabilité en matière de
documents semi-actifs et actifs. Les deux derniers points me paraissant plus
secondaires, j'insisterai sur les deux premiers.
Les articles 57 et 58 me semblent avoir des conséquences
décisives. À les lire, il me semble que ces articles amenuisent
la présence juridique des Archives nationales et reconnaissent mal s'ils
ne la disqualifient pas, une institution qui personnifie - cela me semble
crucial - l'expertise professionnelle par excellence au niveau de l'État
et du Québec. Je me demande pourquoi, si j'ai bien saisi à la
lecture, on minimiserait des ressources qui sont là et une expertise qui
vient à peine d'atteindre sa maturité.
L'article 57 me semble paradoxal parce que, l'an passé, une autre
loi, la loi 65, créait, elle, une nouvelle institution. Or, on a
l'impression que les Archives nationales du Québec en prennent un
certain coup, si vous me permettez l'expression. Il me semble qu'il y a une
diminution potentielle des responsabilités et des pouvoirs des ANQ et du
conservateur qui me semble s'opérer au profit du ministre. Je suis
conscient que le ministre est l'élu responsable devant
l'Assemblée nationale, mais je crois que les Archives nationales
devraient être une institution d'État et non de gouvernement.
Évidemment, en conséquence, et là je donne suite
aussi au mémoire de l'Institut d'histoire de l'Amérique
française, il me semble que les Archives nationales du Québec
devraient - un peu comme le donnent à entendre les propos de M.
Vaugeois, le député de Trois-Rivières - garder toute la
distance possible à l'égard du pouvoir politique. Tous les
ministres des Affaires culturelles ne seront peut-être pas aussi
exemplaires que l'actuel ministre.
Conséquemment, il faut mesurer les implications d'un tel service
qui tombe plus manifestement, il me semble, sous la responsabilité du
ministre.
Évidemment, la situation est un peu... Notre présence ici
est modifiée à partir du moment où nous n'avons pas la
réglementation et où nous apprenons que tout ce qui est implicite
dans la loi va devenir magiquement explicite dans la réglementation.
Nous nous permettons - en tout respect, soyez-en certains, M. le
président et M. le ministre - de vouloir des garanties explicites quant
à cette question de la délégation du pouvoir du ministre
des Affaires culturelles vers le conservateur.
Notre impression, après avoir lu et relu le projet de loi, nous
fait voir une perte de pouvoirs des Archives nationales au profit du ministre.
Dans le cas des Archives nationales, dans le cas de documents d'information
publique, il nous semble même risqué que cette
délégation de pouvoirs ne soit pas accompagnée de clauses
très claires montrant bien la non-tentation et la non-possibilité
d'intervention du ministre dans le processus d'élimination ou de
conservation des archives.
Il y a d'autres effets possibles. Alors, je veux donc vous dire que nous
sommes devenus en position minoritaire parce que nous nous faisons dire depuis
le début que nous avons tous mal lu le projet de loi; mais nous croyons
tous - peut-être que ceux qui vont suivre aussi vont avoir le même
sentiment - qu'il y a une perte de pouvoirs quelque part et on se fait dire:
Ahl Non, non, ce n'est pas le cas, vous verrez.
La situation est un peu pipée. Nous lisons tous mal et nous
devrions relire éventuellement la réglementation, s'il y a un tel
débat public. Néanmoins, le plus positivement possible, cette
question de distance des Archives nationales, cette mesure pour les situer
au-dessus de la mêlée nous semble importante et le Québec
pourrait donner l'exemple là-dessus et se doter d'Archives nationales
au-dessus de la mêlée politique et sans possibilité
d'intervention d'un ministre des Affaires culturelles qui disons, ne serait pas
exemplaire.
D'autres effets inquiétants aux articles 56 et 58 me semblent
déjà perceptibles dans le projet de loi lui-même. C'est
qu'à aucun moment il ne semble que cette différence ou cette
négligence face aux Archives nationales soit perceptible dans le projet
de loi, car, partout - vous l'aurez noté - dans le texte du projet de
loi, chaque fois que le ministre va chercher un avis - mais peut-être que
cela encore est tellement implicite qu'il ne faut pas insister - il va le
chercher, à notre connaissance, en dehors de l'expertise traditionnelle
reconnue au Québec et ailleurs, il va la chercher à la Commission
des biens culturels. (17 h 30)
Pourquoi le réflexe ne serait-il pas que, quand le ministre veut
avoir un avis ou
quelque personne, il ait ce bon réflexe naturel de se souvenir
que l'expertise, depuis maintenant plus de 60 ans, est aux Archives nationales
et non à la Commission des biens culturels? J'aimerais bien savoir si
c'est implicite, ce recours spontané, que le futur ministre exemplaire
aura. J'aimerais avoir des garanties que ce processus implicite de
délégation de pouvoirs sera effectivement là. Est-ce trop
demander? J'espère que non.
En ce qui concerne le chapitre sur la régionalisation,
c'est-à-dire l'agrément des services d'archives privées,
le nouveau pouvoir du ministre, si tel est le cas, apparaît clairement en
ce qui concerne les services agréés d'archives privées qui
sont agréés par le ministre qui peut y faire déposer des
archives publiques et qui les subventionne. Comprenez bien, notre seul souci,
au-delà des gouvernements, est de minimiser au maximum, sinon
d'empêcher que des corrélations se fassent entre le fait qu'on
puisse subventionner et le fait de faire déposer des documents dans des
services privés. Nous croyons que la philosophie du chapitre IV sur les
archives privées devrait être explicitée par le ministre ou
par le conservateur actuel. Nous y voyons pour notre part une volonté
d'accessibilité maximale aux archives publiques et ce qui paraît
être un complément à l'actuelle régionalisation des
Archives nationales du Québec.
Sur cette volonté d'accessibilité, M. le ministre, nous
voulons vous suivre et vous soutenir. Nous sommes sensibles à une
accessibilité publique plus grande, à la consultation accrue et
vraisemblablement à la cueillette plus dynamique d'archives grâce
à ce processus de décentralisation. À titre d'exemple,
certaines archives publiques du ministère des Pêcheries produites
à Gaspé sont effectivement susceptibles de consultation dans la
région; le seraient-elles au centre de Rimouski des Archives nationales
ou dans un service agréé d'archives privées à
Gaspé? Cette décentralisation plus forte soulève
néanmoins des questions: celle de l'expertise, celle du financement.
Comment la réglementation d'agrément - non encore connue au
moment où j'écrivais, mais dont vous nous avez donné les
trois critères oralement ce matin -garantira-t-elle - vous y avez fait
allusion, je le reconnais - une expertise égale à celle des
Archives nationales? Quels seront aussi les coûts de cette expertise, de
l'aménagement sécuritaire de ces lieux privés de
conservation publique? Le ministre qui peut octroyer des subventions à
des services agréés d'archives privées espère sans
doute une augmentation de son budget à ce poste. Mais nous formulons
néanmoins une appréhension: cette fragmentation possible
n'entravera-t-elle pas le financement des Archives nationales du Québec?
Comment le ministre conçoit-il le futur budget des Archives nationales
dans ce nouveau contexte où les enfants se multiplient? Nous nous
demandons si c'est nécessaire de multiplier, au rythme où semble
le laisser entendre le projet de loi, les services privés
agréés. Il nous semble que dans l'état actuel des choses,
les Archives nationales du Québec viennent à peine de
compléter un processus de régionalisation avec l'ouverture du
centre régional de Sept-Îles, il y a un an ou deux. La question
que nous posons, c'est: est-ce que l'actuelle et nouvelle
régionalisation est objectivement, noir sur blanc, discutable? Est-elle
objectivement insatisfaisante? Et tout complément par des services
agréés serait-il objectivement plus économique et plus
fonctionnel? Il nous semble que les réponses à ces questions, si
elles sont connues, devraient être facilement communiquées et nous
convaincre de la pertinence de multiplier ces services agréés.
Mais si les réponses ne sont pas connues - à savoir
l'expérience de décentralisation est-elle assez vieille pour
qu'on en fasse une évaluation valable? - si les réponses ne sont
pas connues et si on rie peut pas dire très clairement que ce serait
plus économique et plus fonctionnel de procéder avec une
régionalisation poussée, qu'en est-il d'un projet de loi de cette
sorte dans l'éventualité où on n'a pas les réponses
à ces questions?
Alors, sur la définition des documents, je vous laisse lire le
document, je ne veux pas éterniser le débat. C'est la même
chose sur la question du semi-actif et de l'actif où je noterai tout
simplement que l'expérience des Archives publiques du Canada donne
à penser que la responsabilité des documents semi-actifs par les
Archives nationales risquerait d'être tout aussi économique, sinon
plus fonctionnelle et pourrait constituer un geste de confiance peut-être
minimal à l'égard d'archives que l'on prétend et veut
qualifier de nationales.
Quant à la question de l'expertise de la Commission des biens
culturels pour laquelle j'ai beaucoup de respect dans son pouvoir de
consultation, pourquoi les Archives nationales, elles-mêmes, ne
seraient-elles pas cet organisme que le ministre consulterait
spontanément plutôt que de créer une nouvelle commission -
elle est déjà là la Commission des biens culturels -
d'engager trois archivistes qui iront à la Commission des biens
culturels, alors que les fameux leviers de commande sont déjà
là? Pourquoi ne pas les prendre là où ils sont,
c'est-à-dire aux Archives nationales du Québec? Bref, notre souci
aura été d'obtenir les garanties les plus claires d'une
démarcation entre le pouvoir politique et les Archives nationales, une
reconnaissance du rôle des archives et du conservateur et aussi de poser
la question de l'économie et de l'efficacité d'une
régionalisation plus poussée comme veut le faire le
présent projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup.
M. le ministre.
M. Richard: Je vous remercie, M. Lamonde. Je pense que c'est une
contribution importante, mais je voudrais encore une fois revenir sur le grand
malentendu et vous référer à l'article 20 de la Loi sur le
ministère des Affaires culturelles, pas le projet de loi.
C'est le moment où on parle d'Archives nationales jusqu'à
maintenant dans nos lois. C'est à l'article 20 qui est la loi
constitutive du ministère des Affaires culturelles. Quand j'ai pris
connaissance de cet article 20, je me suis rendu compte assez facilement que
cela ne correspondait pas à la réalité des choses.
L'article 20 dit: Les Archives nationales du Québec comprennent les
documents de nature publique ou privée ainsi que les documents
historiques que le conservateur acquiert ou qui sont confiés à sa
garde, conformément aux dispositions de la présente loi et des
règlements adoptés en vertu de la présente section par le
gouvernement. Ce n'est pas la description, je pense que vous allez le
reconnaître, d'une institution qu'on fait là. On décrit les
Archives nationales comme un regroupement de documents. Depuis lors, bien
sûr que les Archives nationales, dans leur vécu, sont devenues de
véritables institutions au point qu'elles ont pignon sur rue et que,
finalement, tout le monde a été en quelque sorte induit en erreur
au fil des ans. Le projet de loi dans l'article 57 que vous contestez, ce qu'il
veut, c'est reconnaître enfin dans une loi que les fonctionnaires -c'est
un article transitoire - sont des fonctionnaires du ministère des
Affaires culturelles. Alors on peut dire: Oui, il faut que ce soit au-dessus de
la mêlée, comme le dit le député de
Trois-Rivières, mais encore faudra-t-il toujours qu'il y ait une
autorité compétente émanant de l'État puisque ce
sera toujours, qu'on le veuille ou non, un organisme d'État. Si c'est un
organisme d'Etat, il faut bien que cela soit rattaché à quelque
ministère quelque part. À partir de là, quand on parle du
ministre des Affaires culturelles, il faut toujours comprendre les Archives
nationales. Ce sont précisément les Archives nationales qui vont
aller consulter la Commission des biens culturels. C'est cela qu'il faut
comprendre. Mais il faut toujours une autorité. On ne peut pas suspendre
dans le vide l'institution qui est maintenant sous la forme d'une direction
générale. La seule autre solution, j'y ai songé -
d'ailleurs, encore là, il y aurait un ministre responsable, un ministre
tuteur - cela aurait été de constituer un conseil
d'administration, de former véritablement une corporation au sens du
Code civil avec tous les droits... Oui, avec une régie,
l'équivalent, par exemple, de la Place des Arts ou l'équivalent,
par exemple, de ce qu'on veut faire avec les musées.
L'obstacle pour cette solution remarquez que je vais le proposer avec
les musées qui deviennent des corporations autonomes relevant toujours,
bien sûr, quand même, d'un ministre tuteur qui n'intervient pas
dans le quotidien - en ce qui a trait aux archives et la raison pour laquelle
je me suis arrêté dans cette voie, c'est que les archives sont
appelées à intervenir dans l'ensemble des ministères;
c'est le rôle même des Archives nationales de s'immiscer, en
quelque sorte, dans l'ensemble et dans chacun des ministères. Je croyais
que ce n'était pas la bonne solution d'avoir une corporation autonome
qui se serait fait fermer les portes constamment dans les autres
ministères. C'est pourquoi il n'y avait pas moyen d'envisager la
possibilité d'avoir une corporation au sens du Code civil.
Ce qu'on fait, dans le projet de loi, c'est qu'on reconnaît enfin
les Archives nationales. Chaque fois que vous voyez "le ministre", bien
sûr, il a une responsabilité politique ultime, mais vous devez
lire "les Archives nationales". Qui va aller consulter la Commission des biens
culturels? Il est bien évident que cela ne sera pas le ministre qui ira
consulter chaque fois la Commission des biens culturels, ce sont les Archives
nationales, qui relèvent, bien sûr, ultimement, d'un ministre
tuteur.
M. Lamonde: M. le ministre, peut-être avons-nous
été gâtés par une situation idéale. Tout en
comprenant qu'il faut bien qu'une institution de l'État relève,
à quelque part dans l'organigramme, de l'État, nous avions
été habitués à une réalité et a une
perception d'un conservateur des Archives nationales à propos duquel il
n'y avait aucune ambiguïté quant aux possibilités
d'interférence politique. Il ne faut pas attacher le grelot
démesurément, mais je pense qu'il est légitime de se
garantir, en ce qui concerne la conservation de documents publics
d'information, contre l'élimination de documents qui peut être
potentiellement faite par le ministre; c'est important dans la vie
démocratique. Pour nous, le conservateur, même s'il relevait dans
l'organigramme du ministre, avait ce statut d'un homme indépendant du
politique et, conséquemment, nous garantissant qu'il n'y aura pas
d'élimination quelconque...
M. Richard: Mais, M. Lamonde, c'est là la confusion. Cela
ne change rien, mais rien au statut du conservateur. Il demeure le directeur
général d'une direction générale du
ministère, comme il l'a toujours été. Mais, que je
sache, le ministre ne s'est jamais immiscé là-dedans. La preuve,
d'ailleurs, vous la fournissez de façon on ne peut plus
éloquente, vous dites: II n'y avait pas d'ambiguïté. Il n'y
a pas davantage d'ambiguïté aujourd'hui, cela ne change rien. C'est
une situation de fait, tout simplement, qu'on transpose dans la loi.
M. Lamonde: Mais comment...
M. Richard: Le directeur général des archives est
un fonctionnaire. Il a toujours été un fonctionnaire du
ministère des Affaires culturelles. La seule distinction est qu'il
était nommé sous le grand sceau, mais les deux derniers n'ont pas
été, m'a-t-on dit, nommés sous le grand sceau.
M. Marx: Est-ce que je pourrais poser seulement une petite
question au ministre? Quelle serait la difficulté, par exemple,
d'intégrer la section V, les Archives nationales, de la Loi sur le
ministère des Affaires culturelles, dans la loi actuelle, en faisant
tous les changements nécessaires pour que cela soit
intégré dans la nouvelle loi? Cela va de soi que le ministre
aurait la responsabilité administrative comme il l'a aujourd'hui.
Pourquoi pas... (17 h 45)
M. Richard: La seule chose, c'est que c'est moins conforme
à la réalité, puisque les deux derniers conservateurs, me
dit-on, n'ont pas été nommés sous le grand sceau.
M. Marx: On va les nommer sous le grand sceau et on va faire cela
rétroactivement pour les deux, pour s'assurer qu'ils n'ont pas
posé d'actes illégaux.
M. Richard: II y en a un qui est parti.
M. Marx: Pourquoi ne pas intégrer la section V de la Loi
sur le ministère des Affaires culturelles dans le nouveau projet de loi
et faire les concordances nécessaires et tout le monde serait
heureux?
M. Richard: Oui, mais cela donnerait quoi au juste?
M. Marx: Cela donnerait qu'on aurait un conservateur qui aurait
des pouvoirs définis dans la loi, premièrement. Dans la section
V, on définit un certain nombre des pouvoirs du conservateur. On parle,
comme vous l'avez déjà dit aussi, implicitement d'une
institution, les Archives nationales, et ainsi de suite. Et, si cela ne donne
rien, donc cela ne va pas changer vos intentions...
M. Richard: Voilà, je vais ajouter des choses à des
fins purement didactiques ou pédagogiques dans la loi. Le
problème, c'est avec le comité de législation. Vous qui
êtes juriste, vous savez que les juristes et que les légistes,
surtout, n'aiment pas les choses inutiles dans les projets de loi.
M. Marx: Mais vous êtes le seul qui voit que cela ne change
rien.
M. Richard: Je vais même convaincre...
M. Marx: Tout le monde pense qu'il y a quelque chose d'important.
Vous êtes le seul à dire: On n'a rien changé dans le
nouveau projet de loi. Et tout le monde voit qu'il y a quelque chose de
changé.
M. Richard: Bien sûr, parce que... M. Marx: Vous
êtes le seul à dire...
M. Richard: Bien sûr qu'il y a des choses qui ont
changé. Il y a une reconnaissance des Archives nationales qui
n'étaient pas reconnues autrement que par l'article 20. Regardez
l'article 20 et vous allez voir que ce n'est pas la description d'une
institution et encore moins d'une corporation au sens du Code civil.
M. Vaugeois: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Trois-Rivières.
M. Vaugeois: J'aurais une suggestion pour créer un emploi.
Ce serait peut-être intéressant que M. le ministre commande une
petite note - peut-être que lui, n'en aurait pas besoin, mais cela
pourrait nous éclairer ainsi que certaines personnes qui se trouvent
dans cette salle - une petite note pour retracer la naissance de ce service des
archives, son évolution au cours des dernières années. Je
ne suis pas sûr, mais je sais que, quand on a créé le
ministère des Affaires culturelles, c'est un historien, Guy
Frégault, qui a joué un rôle de premier plan dans cette
création. Et cela a été le grand drame de Guy
Frégault, comme un peu le mien d'ailleurs, de ne jamais avoir pu aboutir
à une loi des archives. Or, Frégault, quand il a travaillé
à la loi du ministère, avait la volonté, avec son
ministre, d'aller rapidement à une loi des archives. Et j'aimerais cela
-je ne veux pas m'avancer plus parce que le terrain est glissant - que
quelqu'un dans vos effectifs, un historien en chômage s'il s'en trouve,
ait cette commande pour nous éclairer sur ce qui s'est passé
avant la création du ministère - parce que les archives ont
presque un demi-siècle d'existence juridique avant l'existence du
ministère - et depuis que le ministère existe. L'affaire qui a
traîné le plus longtemps dans ce ministère, c'est
très certainement un projet de loi des archives. Et là-dessus,
M.
le ministre, je change de place et je me joins aux gens de cette salle
pour vous encenser à l'infini de ce que, enfin, vous pouvez mettre sur
cette table un projet des archives. Mais, maintenant que le projet est public,
on va vous aider à lui donner cette saveur que vos collègues ne
vous ont pas laissé le loisir d'y mettre. Ce qui pourrait nous
éclairer, ce serait une note qui retracerait ce qui s'est
passé.
M. Richard: C'était un service du Secrétariat de la
province qui est devenu, au moment de la création du ministère
des Affaires culturelles, un service du ministère des Affaires
culturelles. À l'origine, encore une fois, c'était un service du
Secrétariat de la province. Et là, M. le député de
Trois-Rivières, on n'invente rien. Ce qu'on fait là, c'est
exactement ce qui existe, par exemple, en France. J'en ai discuté
longuement d'ailleurs avec l'archiviste qui avait été
l'invité au congrès de l'Association des archivistes -
l'archiviste français qui était inspecteur général,
je crois. C'est exactement la même chose qu'ils ont en France, les
Archives nationales étant un service du ministère de la Culture
en France.
M. Vaugeois: M. le Président, je ne veux pas faire de
débat...
M. Richard: Si vous voulez avoir un historique plus
précis, je n'ai pas d'objection...
M. Vaugeois: C'est cela.
M. Richard: ...à demander aux Archives nationales de
vérifier dans leurs archives pour voir si elles n'ont pas l'histoire
complète des Archives nationales.
M. Marx: M. le ministre. M. Richard: Oui.
M. Marx: Dans la section V de la loi actuelle, on définit
les pouvoirs du conservateur aux articles 19 à 26 ou à 27. Dans
le projet de loi, les pouvoirs ne sont pas définis. C'est le ministre
qui va les définir par la suite dans un règlement ou dans une
directive ministérielle.
M. Richard: Bien oui. Bien sûr. Il y a un projet de
règlement, mais je vous signale tout de suite l'article 21 qui est
peut-être le plus important de la Loi sur le ministère des
Affaires culturelles. "Le conservateur peut, avec l'autorisation du ministre,
acquérir à titre gratuit ou onéreux l'original ou la copie
de tout document qui, à son avis, devrait être conservé".
Vous voyez, c'est avec l'autorisation du ministre. Cela ne change rien. C'est
toujours là.
M. Marx: Mais je pense que l'un des changements est le suivant:
dans la loi actuelle, à la section V, les pouvoirs du conservateur, dans
un certain sens, se trouvent définis; en vertu du projet de loi, ils
seront délégués...
M. Richard: II va se retrouver dans...
M. Marx: ...par le ministre. Donc, une délégation
qui pourrait changer sans passer par le biais de l'Assemblée nationale.
Dans la section V de la loi actuelle, c'est inscrit. Le ministre ne peut pas,
bien sûr, adopter un règlement pour modifier ce qu'il y a dans la
loi. Je pense que c'est le fond de l'affaire. Ce qu'on demande, c'est que ce
soit plutôt dans la loi que dans les règlements. Je pense que le
ministre pourrait aménager son projet de loi pour incorporer cette
idée.
Le Président (M. Blouin): Vous aviez un...
M. Richard: On va regarder cela attentivement.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Vous aviez un
bref commentaire à ajouter?
M. Lamonde: Oui. Enfin, je vois que le message s'est bien rendu
et qu'il semble y avoir une volonté de tenir compte de ce souci de
garantir l'étanchéité, non pas des pouvoirs mais des
interventions possibles du ministre dans la Loi sur les archives et de donner
toute son ampleur impartiale et non partisane au conservateur des Archives
nationales.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: M. Lamonde, je suis vraiment heureux de vous avoir
encore entendu parler des Archives nationales parce que je crois que, pour tout
le monde - et c'est vrai -cela nous cause vraiment un choc de voir une
institution de prestige comme celle-là devenir une simple officine du
Parlement et du ministère.
Une voix: Du Parlement?
M. Hains: Du ministère. Excusez-moi. C'est presque lui
faire un peu le même sort qu'on avait fait autrefois à la statue
de Duplessis, qu'on avait mise dans un placard. Pour moi c'est le contraire,
car j'aurais aimé, dans ce projet, qu'on mette vraiment nos Archives
nationales sur un piédestal prestigieux et même sur la colline
parlementaire. Ici, je m'adresse à M. Garon, qui est ici et qui est
notre conservateur, je
crois. C'est cela. Je ne m'abuse pas. Il est assis là
silencieusement et humblement. J'aurais vraiment aimé avoir ses
commentaires sur ce sujet, étant donné que nous avons eu
déjà, lors de la commission sur le cinéma, une longue
intervention du président de l'Institut du cinéma. Quant à
moi, je vous félicite, M. Lamonde, de votre brève intervention
qui a soulevé de très longues interventions de la part du
ministre, et avec raison. Je crois que cela demeure un point très
important du projet de loi no 3. Je vous remercie au nom de l'Opposition.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Au nom de tous
les membres de cette commission, je remercie M. Lamonde, le représentant
du Centre d'études canadiennes-françaises de l'université
McGill. Sur ce, la commission élue permanente des affaires culturelles
suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 54)
(Reprise de la séance à 20 h 23)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaîti
La commission permanente des affaires culturelles reprend ses travaux.
Il y a une petite modification à l'ordre du jour. Le Service des
archives du séminaire de Sherbrooke a dû quitter et son
mémoire sera déposé seulement. Il en sera ainsi du Conseil
de la culture de l'Estrie, mémoire pour dépôt
seulement.
Nous allons entendre tout d'abord la Commission scolaire
Saint-Jérôme. Il y a quelques petites modifications qui ont
été négociées dans l'ordre des autres intervenants.
Il y aura la ville de Montréal, l'Association des anglophones de
l'Estrie, la Communauté urbaine de Montréal puis nous reprenons
la suite, la ville de Québec et tous les autres dans l'ordre.
Je demanderais au porte-parole de la Commission scolaire
Saint-Jérôme de s'identifier et de nous présenter les
personnes qui l'accompagnent.
Commission scolaire Saint-Jérôme
M. Cyr (Raymond): Mon nom est
Raymond Cyr, président du conseil; m'accompagnent Mme Louise
Paradis, biblio-technicienne à la commission scolaire et M. Raymond
Courtemanche, le secrétaire général de la commission.
Le Président (M. Brouillet): Avant que vous poursuiviez,
j'aimerais peut-être rappeler certaines lignes de conduite que nous
allons nous imposer, étant donné le temps relativement restreint
qui nous reste et le nombre de mémoires que nous aimerions entendre ce
soir. Je demanderais au porte-parole d'essayer de synthétiser le plus
possible vu que chacun a pris connaissance du texte dans son
intégralité. Je demanderais aussi aux membres de la commission
d'être sobres et brefs dans leurs questions et commentaires. M. Cyr.
M. Cyr: Merci, M. le Président, M. le ministre, M. le
responsable de l'Opposition, MM. les députés. Je vais vous lire
l'introduction, par la suite on référera aux articles.
Pour nous, la nécessité de la loi 3, la Loi sur les
archives, ne fait pas de doute. Cette loi va obliger chaque organisme à
mettre en valeur son patrimoine, parce que les archives révèlent
une partie importante de la vie culturelle et sociale de ceux et celles qui
nous ont précédés.
Cette loi va permettre la protection des archives publiques et
privées; elle va permettre de sauver du temps et de l'argent aux
organismes parce que les documents actifs et semi-actifs seront bien
classés et codifiés, rendant plus facile leur accès. Cette
loi va permettra de réduire les espaces occupés par les
documents; elle sera aussi un appui pour les gestionnaires travaillant en
gestion documentaire. Nous suggérons, cependant, plusieurs corrections
ou modifications à ce projet de loi.
Nous croyons que la loi devrait établir de façon claire et
formelle qui est le propriétaire des documents actifs, semi-actifs et
les archives. Est-ce le ministre? Est-ce l'organisme public?
Nous croyons que la notion de propriété des documents
apporte une vision totalement différente dans la conception de la loi
selon que la propriété des documents revient au ministre ou
à la Commission scolaire Saint-Jérôme, dans le cas
présent.
Voici les suggestions que nous vous faisons pour améliorer le
projet de loi no 3, intitulé Loi sur les archives,
présenté par M. le ministre Clément Richard. On va juste
référer aux articles et on va le faire conjointement avec M.
Courtemanche.
Au sens de la présente loi, chapitre II article 5, les
suggestions qu'on veut vous faire sont...
M. Courtemanche (Raymond): Les deux définitions que le
projet de loi comporte nous semblent trop vagues et nous suggérons les
trois définitions suivantes. Les trois définitions ont
été axées autour des mots "actif" "semi-actif" "inactif".
C'est donc la fréquence de consultation qui est le thème des
trois définitions.
Pour nous, un document actif est un document nécessaire à
l'administration courante de l'entreprise dont la fréquence de
consultation justifie sa conservation au
bureau (plus d'une fois par mois).
Un document semi-actif est un document utile à l'administration
dont la fréquence de consultation ne justifie pas sa conservation dans
les bureaux (moins d'une fois par mois ou occasionnelle). Pour nous, cela est
dans un local spécial avec accès deux fois par jour.
Un document inactif est un document ne présentant plus un
intérêt administratif immédiat mais dont la valeur
secondaire, soit historique, soit administrative, justifie sa conservation. Il
est peu ou pas consulté.
M. Cyr: Au chapitre II, article 6, la question qu'on se pose est:
Est-ce que les documents produits par le service audiovisuel (photos, posters,
diapositives, rubans, films) pour l'enseignement sont compris dans cet
article?
M. Courtemanche: Sur ce point, on attire votre attention M. le
Président car si c'est le cas - et probablement que ce sera le cas -
tous les documents produits par les écoles constituent une masse
importante de documents. Inévitablement la conservation des archives va
exiger des locaux et ces locaux doivent répondre à certains
standards: un local ignifuge avec une température et une humidité
contrôlées. A-t-on prévu dans les règlements un
budget pour le coût de ces installations?
M. Cyr: Chapitre II, article 8. Pourquoi soumettre à
l'approbation du ministre le calendrier de conservation et chacune des
modifications? N'est-ce pas un contrôle inutile? N'est-ce pas inutilement
trop lourd? Le ministre a-t-il un délai précis pour
répondre?
M. Courtemanche: Nous suggérons que le ministre s'en
tienne à l'article 6 qui dit: "tout organisme doit établir et
tenir à jour un calendrier de conservation...". Tout au plus, nous
pensons que le ministre pourrait exiger de l'organisme une lettre certifiant
que le calendrier est établi et tenu à jour. Si l'article est
maintenu tel quel, nous suggérons que le ministre s'oblige à
donner une réponse dans un délai fixé, par exemple 30
jours, sinon le calendrier est considéré comme étant
approuvé parce que sans cela il faudrait garder trop de documents en
attente et attendre trop de décisions administratives.
Les organismes ont un an pour établir leur calendrier si on
réfère à l'article 60. Nous pensons que ce délai
est trop court. Il serait raisonnable d'accorder un délai plus long, par
exemple trois ans, quatre ans ou cinq ans. Il s'agirait d'aller dans le sens de
l'échéancier proposé pour l'application de la loi 65, Loi
sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection
des renseignements personnels.
M. Cyr: Au chapitre II, article 10, premier paragraphe. Comment
contrôler l'application de cet article lorsqu'une personne
démissionne? Est-ce l'individu qui fractionne le fonds des archives ou
la commission scolaire qui est passible d'amende de 300 $ à 3000 $?
Au chapitre III, article 13. La commission scolaire a organisé
ses archives de 1864 à 1971. Actuellement, elle organise le classement
uniforme de documents actifs. Les règles qu'entend publier le ministre
vont-elles bouleverser ces organisations? Nous pensons que les futures
règles devraient s'appliquer aux organismes qui n'ont pas encore
commencé à organiser leurs archives. (20 h 30)
Au chapitre III de l'article 14, la question qui se pose: Est-ce que ces
archives seront organisées avec leur dépôt auprès de
l'organisme public ou est-ce l'organisme public qui devra organiser ces
archives et qui en paiera les coûts?
Le chapitre III à l'article 21, pourquoi faut-il demander
l'autorisation du ministre pour éliminer des archives publiques que
l'organisme estime irrémédiablement
détériorées?
M. Courtemanche: M. le Président, nous pensons que la
Commission scolaire Saint-Jérôme a des gens suffisamment
compétents et responsables et qui ont assez de jugement pour
procéder sans autorisation du ministre. Nous pensons que le ministre
pourrait jouer un rôle de consultant sur la restauration en cas de
désastre. En fait, cet article ne pose-t-il pas la question de savoir
qui est propriétaire des archives? La suggestion que nous voulons faire
au ministre, est que nous pensons que le ministre doit indiquer très
clairement à qui appartiennent les archives publiques d'un organisme.
Nous croyons que les archives publiques de la Commission scolaire
Saint-Jérôme appartiennent à la Commission scolaire
Saint-Jérôme. C'est la commission scolaire qui a
créé ces archives ou qui en a hérité. Ce sont les
diverses administrations qui les ont accumulées et qui les ont
conversées jusqu'à nos jours. C'est l'administration actuelle qui
les a protégées, restaurées, classifiées,
codifiées, indexées et rendues accessibles. C'est grâce au
sens des responsabilités de la Commission scolaire
Saint-Jérôme si les archives sont dans l'état actuel
d'accessibilité. La motivation des commissaires et de ses
employés à garder et à prendre soin de ces archives est
très forte. Il faut continuer à maintenir cette motivation. Nous
croyons que cela ne serait plus le cas si ces archives devenaient les archives
du ministre des Affaires culturelles.
Nous croyons que le ministre a intérêt à
développer et à maintenir le sentiment d'appartenance des
organismes à l'égard des archives publiques. Cela constituerait
un bon
placement pour lui en ressources humaines, matérielles et
financières.
M. Cyr: Pourquoi faut-il obtenir la permission du ministre pour
éliminer les archives publiques dont la conservation ne présente
plus d'intérêt historique? C'est une référence au
deuxième paragraphe.
M. Courtemanche: Nous croyons que cette question pourrait
être réglée par les articles 6 et 7 du chapitre II qui dit
que l'organisme public doit établir un calendrier de conservation des
documents actifs, semi-actifs et des archives. Rendu à la date
d'expiration indiquée au calendrier, un document est détruit.
M. Cyr: Chapitre III, article 22. Est-ce à l'organisme
à faire des recherches pour savoir si une personne est morte avant de
divulguer des renseignements la concernant?
M. Courtemanche: Nous croyons que c'est au demandeur de faire la
preuve qu'une personne est morte pour avoir accès à des documents
contenant des renseignements nominatifs relatifs à cette personne.
M. Cyr: En plus de faire une loi, le ministre des Affaires
culturelles veut élaborer une politique de gestion des archives
publiques. Il veut coordonner la mise en oeuvre de cette politique et en
surveiller l'application. Nous croyons que le ministre se donne un pouvoir
excessif. La Commission scolaire Saint-Jérôme deviendrait un
exécutant du ministère des Affaires culturelles. Nous croyons que
le ministre devrait plutôt exiger que les organismes publics se donnent
une politique de gestion des archives publiques, des règles et des
procédures.
Nous croyons que le ministre devrait plutôt faire appel au sens
des responsabilités des organismes publics et à la motivation des
organismes publics pour la conservation de leurs archives et de leur
patrimoine. À la limite, dans le cas d'un organisme qui ne se dote pas
d'une politique de gestion documentaire, le ministre pourrait maintenir le
texte de l'article 38, paragraphe 1.
Nous croyons que le ministre devrait plutôt s'attacher à
créer un réseau de partenaires entre lui et les organismes
publics, qu'il devrait plutôt exercer avec ardeur et dynamisme le
rôle qu'il se donne au paragraphe 2 de l'article 38.
Chapitre VI, section I, article 41, paragraphe 1. Ne faudrait-il pas que
la loi indique que l'organisme se nomme un répondant?
M. Courtemanche: Nous suggérons que l'organisme se nomme
un répondant par règlement de délégation de
pouvoirs.
M. Cyr: Au chapitre VI, section I, article 41, paragraphes 4 et
5. La loi ne devrait-elle pas indiquer que c'est aux frais du ministre? Il faut
se poser la question: "Le ministre peut acquérir des archives, ou des
copies, ou reproduire des archives", la question ne devrait-elle pas indiquer
que c'est aux frais du ministre? À qui ces frais vont-ils incomber?
Le chapitre VI, section I, article 43, s'agit-il d'une personne ou d'un
titulaire d'un emploi dans l'organisme?
M. Courtemanche: Si oui, nous suggérons d'ajouter les mots
"dans l'organisme" après le mot "emploi". Le ministre a ici l'occasion
d'avoir un répondant par organisme ou de voir à ce que
l'organisme se nomme un répondant par règlement de
délégation de pouvoir.
M. Cyn On se pose la question à savoir s'il s'agit d'un
enquêteur.
M. Courtemanche: Nous suggérons que le texte indique que,
dans les cas spéciaux, le ministre nomme un enquêteur qui a tel
pouvoir délégué par le ministre que lui confère la
présente loi.
M. Cyr: En conclusion, nous désirons vous rappeler notre
accord à la nécessité de cette loi. Il est fondamental,
cependant, que le ministre modifie la loi en partant des quatre
paramètres suivants: Du principe que les documents actifs, semi-actifs
et les archives appartiennent aux organismes publics, en l'occurrence, à
la commission scolaire. Seulement dans le cas particulier d'exception, le
ministre est propriétaire; deuxièmement, de la motivation des
organismes publics à garder, prendre soin et mettre en valeur leurs
archives; dans un troisième temps, d'un rôle d'aide et de conseil
de la part du ministre à l'égard des organismes;
quatrièmement, du désir du ministre de créer un
réseau de partenaires avec les organismes publics - en l'occurence, la
Commission scolaire Saint-Jérôme - qui sont des entités
autonomes, responsables, dotées de personnels compétents et
soucieux de bien administrer leurs documents et de mettre en valeur leur
patrimoine.
On a essayé de le faire le plus rapidement possible, M. le
Président. Vous nous permettrez, quelquefois... Cela s'enchaîne
mal, mais compte tenu que vous aviez déjà pris connaissance du
dossier.
Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie beaucoup. M.
le ministre.
M. Richard: Je voudrais remercier madame et messieurs de leur
intervention qui a été, je pense, à certains
égards, très pertinente. Je voudrais leur dire qu'on
tiendra bonne note de ces observations au moment de la rédaction
finale du projet de loi.
Il y a une chose au sujet de laquelle je voudrais les rassurer
immédiatement, c'est que quand les Archives nationales vont
acquérir des archives, ce sera aux frais du ministère, pas du
ministre personnellement, toutefois.
M. Cyr: M. le Président, il faut comprendre que notre
document est peut-être moins technique, mais qu'il est beaucoup plus
pratique. Une commission scolaire de l'ordre de la Commission scolaire
Saint-Jérôme, avec 12 000 élèves, a jusqu'à
maintenant consacré 600 000 $ aux archives. On ne les a pas
traitées jusqu'à maintenant. On est seulement rendu en 1971 avec
nos archives. Vous comprendrez que dans une projet de loi de cette importance,
on est soucieux de savoir si on aura des fonds pour nous supporter dans la
continuation et dans les exigences de la future loi.
M. Richard: M. le Président, je voudrais rassurer les
intervenants sur deux choses. D'abord, nous estimons que la loi, une fois
adoptée, aura pour effet de faire économiser des sommes
importantes aux commissions scolaires. Deuxièmement, en ce qui a trait
à la propriété des archives, il me semble que la loi est
très claire là-dessus: elles demeurent la propriété
des organismes parapublics. Il n'a jamais été dans l'intention du
législateur de devenir propriétaire des archives qui
appartiennent à des organismes tels que les municipalités ou les
commissions scolaires. Là-dessus, vous n'avez pas à entretenir ou
à nourrir d'inquiétudes.
Encore une fois - j'insiste là-dessus -c'est que nous pensons
que, à tort ou à raison, ce projet de loi aura pour effet de
faire économiser à moyen terme des sommes importantes à
l'ensemble des administrations publiques et parapubliques.
Le Président (M. Brouillet): M. Courte-manche.
M. Courtemanche: M. le Président, ce que je voudrais
signaler, c'est qu'il est exact que, une fois qu'on a mis de l'ordre dans nos
archives, qu'on s'est donné un système de gestion documentaire
bien organisé, c'est très juste et très exact de dire que
c'est économique pour une administration publique d'avoir accès
à ces documents et de répondre rapidement aux besoins de
l'administration. Sauf que, pour faire cela, cela coûte cher et c'est
très long. Nous, on a un vécu là-dessus. En fait, cela
fait six ans qu'on fait de la gestion documentaire sur le bras de la commission
scolaire. On a mis deux employés à temps plein dans ce dossier.
Deuxièmement, on a demandé de l'aide à notre gouvernement,
sans possibilité pour le moment. C'est grâce à trois
subventions du fédéral de 250 000 $ qu'on a pu indexer nos
archives, classifier et nettoyer tout cela, de 1864 à 1972. Ce que je
veux dire, c'est que cela a coûté cher, que cela a
été long, laborieux. Cela n'est pas facile. Aujourd'hui, on est
fiers. Tous les organismes qui vont avoir à faire ce cheminement devront
vivre le même genre de problèmes que nous. Et ce que je voulais
signaler au ministre dans cet article-là, c'est que cela va coûter
cher. Une fois que c'est fait, cela va bien, mais pour s'y rendre, c'est une
autre paire de manches.
M. Richard: M. le Président, nous n'avons plus qu'à
nous féliciter de constater que le travail a été fait et
que, pour une fois, le gouvernement fédéral aura
été éminemment utile à la communauté de
Saint-Jérôme. Je suis le premier à m'en
féliciter.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Oui. M. Cyr, j'ai vraiment bien aimé votre
présentation. Après un copieux souper comme celui qu'on vient de
prendre, vous nous avez ramené au dessert du jour, les archives. On voit
que vous côtoyez des professeurs qui ont le sens de la pédagogie
et, en même temps, un sens pratique. Je suis tout heureux de voir que,
pour avoir du secours, vous avez frappé à la bonne porte. Votre
dialogue avec M. Courte-manche...
M. Richard: Vous aussi, M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Je suis ce que je suis et je m'en félicite.
Votre dialogue avec M. Courtemanche nous a vivement intéressés.
Je vous félicite vraiment pour votre mémoire qui est succinct et
pour votre belle présentation. Quant aux questions, je vais laisser la
parole, si M. le Président le permet, à mon collègue de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voulais revenir sur la question de
propriété. Je me suis posé la question à savoir qui
était propriétaire de ces archives? Évidemment, l'article
12, à mon sens, est très clair. Les organismes qui sont
régis par l'article 12, je pense que quand on dit "remettre", cela veut
dire qu'à ce moment-là, on est sûr que le ministère
va être propriétaire. On s'entend là-dessus pour l'article
12, "remettre au ministre les documents". À l'article 4, on dit: Dans la
présente loi, la remise d'un document en transfère la
propriété.
En ce qui concerne l'article 13, on n'en parle pas. Est-ce qu'il n'y
aurait pas lieu, pour éviter toute ambiguïté, qu'on
établisse très clairement, en ce qui concerne les
organismes mentionnés aux paragraphes 4 à 7, qu'ils vont
retenir la propriété, en fait? Ce n'est pas dit,
évidemment. Ils ont des obligations...
M. Richard: M. le Président, cela me paraît assez
évident, mais je n'ai pas la moindre objection à l'ajouter, si
cela doit avoir pour effet de rendre le texte plus clair.
M. Leduc (Saint-Laurent): Merci. À l'article 12, on dit
bien "remettre au ministre", alors qu'à l'article 13, on n'en fait pas
état parce qu'on dit "conserve".
M. Richard: C'est parce qu'on tient pour acquis qu'on n'exproprie
pas. L'expropriation étant toujours une mesure d'exception, elle doit
être mentionnée de façon très expresse, très
explicite. Et comme on n'exproprie pas, on n'a pas songé à
l'indiquer.
Le Président (M. Brouillet): Nous vous remercions.
M. Richard: Merci, madame et messieurs.
M. Cyr: On vous remercie de nous avoir donné l'occasion de
présenter un mémoire.
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
Nous allons entendre maintenant les représentants de la ville de
Montréal. J'inviterais le porte-parole à s'identifier et à
nous présenter les personnes qui l'accompagnent. (20 h 45)
Ville de Montréal
M. Lorange (Pierre): Mon nom est Pierre Lorange. Je suis
vice-président du comité exécutif de la ville de
Montréal. À ma droite immédiate, M. Henri
Gérin-Lajoie, l'administrateur de l'information administrative et des
dossiers; à ma gauche immédiate, Me Neuville Lacroix,
assistant-directeur du contentieux de la ville de Montréal; à sa
gauche immédiate, Me Richard Verdon, du contentieux; à la gauche
de Me Verdon, M. Jacques Panneton, qui est au Service des activités
culturelles de la ville de Montréal.
Avant de vous adresser quelques mots, j'ai ici des copies. Si le
président veut les distribuer. Il s'agit de quelques notes
d'introduction du mémoire de la ville de Montréal.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
membres de la commission parlementaire. Par le projet de loi no 3 soumis
à l'étude de cette commission on invite entre autres les
organismes publics, dont la ville de Montréal, à prendre les
moyens appropriés pour assurer la conservation, la mise en valeur et la
diffusion des archives publiques. Si nous souscrivons d'emblée à
de tels objectifs nous émettons toutefois certaines réserves
à l'égard des mécanismes envisagés par le projet de
loi pour assurer la réalisation de la fin visée par le
législateur.
Tout au long de ce projet de loi on semble confondre la nature d'un
document avec son utilisation; l'emploi des expressions "documents actifs",
"semi-actifs" et "inactifs" réfère davantage à un
système de gestion de documents qui relève de la régie
interne d'un organisme plutôt que de la conservation d'un document
représentant un certain intérêt historique.
Nous ne croyons pas nécessaire de mettre en oeuvre un
système administratif complexe et coûteux pour atteindre les
objectifs envisagés par le gouvernement.
Ou bien un document a un caractère historique ou bien il n'en a
pas. Le fait qu'il soit actif, semi-actif ou inactif n'a aucune pertinence avec
la nature du document. C'est pourquoi nous soumettons qu'il n'est pas utile de
procéder à l'établissement d'un calendrier de conservation
de documents actifs, semi-actifs ou inactifs. Ce qui importe c'est de s'assurer
qu'un document qui représente selon nous un intérêt
historique puisse être conservé soit dans son état
original, soit par un procédé de reproduction approprié.
Comme le mot "document" n'est aucunement défini dans la loi et qu'il
n'existe aucun paramètre permettant de préciser ce qu'est un
document inactif présentant un caractère historique, il nous
semble indispensable que le ministre énonce des critères à
cet égard par voie réglementaire.
L'autre moyen envisagé que nous avons indiqué dans notre
mémoire serait de demander aux organismes publics de soumettre au
ministre, dans un délai d'un an sujet à extension, la liste de
leurs critères. Une fois cet exercice accompli la loi pourrait
prévoir que les organismes fournissent dans un délai de cinq ans
la liste de leurs documents présentant un intérêt
historique, le ministre pouvant toujours, après entente, accorder un
délai additionnel.
Pourquoi une telle période? Parce qu'à notre avis il faut
éviter que ces mesures n'engendrent un nouveau fardeau fiscal pour le
contribuable.
De plus, suite à l'inventaire des documents qui représente
un travail important face à la masse des dossiers entreposés
à la ville, l'évaluation de ces derniers nous oblige à
recourir au service d'un personnel expérimenté et qualifié
qui n'est pas toujours disponible.
Il ne faut pas oublier que dans cette période de crise
économique l'action
prioritaire des gouvernements est d'abord orientée vers la
relance économique et les énergies du personnel en place sont
canalisées vers la réalisation d'un tel objectif. Ceci ne
signifie pas pour autant que l'on ne doive pas se soucier de la protection du
patrimoine historique. À ce sujet, rien ne s'oppose à ce que l'on
étale davantage dans le temps la mise en oeuvre du processus de
conservation, de mise en valeur et de diffusion des archives publiques. Bien au
contraire, on pourra éviter ainsi de créer des remous au niveau
des structures administratives, des coûts et du personnel requis.
En mars 1982, la ville de Montréal a établi une politique
de gestion des documents échelonnée sur une période de
cinq ans en vue, premièrement, de rationaliser les espaces dans le
domaine de l'occupation des bâtiments; deuxièmement, de
réduire la masse des documents et, troisièmement,
d'accélérer le repérage d'informations administratives par
une manutention réduite de documents. Or l'établissement du
calendrier de conservation que veut imposer le projet de loi peut avoir pour
effet de retarder indûment cette politique en obligeant les 26 services
et organismes de la ville à se concentrer sur le repérage et
l'évaluation des documents représentant un intérêt
historique et ce, dans un délai très court. Qu'il suffise de
mentionner, pour se rendre compte de l'ampleur du problème, que les 26
services et organismes municipaux ont produit au cours de l'année 1981
les documents suivants: En photocopies, au-delà de 15 000 000 de
feuilles; en impressions de toutes sortes, 32 500 000 feuilles; aux ateliers,
travaux publics, 5 000 000 de feuilles; dans les rapports, service
d'informatique, 30 000 000 de feuilles et dans les ateliers, les plans, aux
travaux publics, 263 000.
Le projet de loi tel que soumis non seulement semble une intervention
injustifiée dans la gestion des documents d'un organisme administratif
mais encore il peut avoir pour effet de paralyser l'implantation d'une
politique de gestion de documents par l'organisme administratif; surtout que le
gouvernement peut, par règlement, déterminer les normes et
conditions de gestion, de conservation, d'élimination de documents ou
d'archives, lesquelles pourraient se révéler incompatibles avec
celles de l'organisme public. Il pourrait en résulter la création
de deux systèmes de gestion de documents fonctionnant en
parallèle. Nous sommes tout à fait disposés, en
collaboration avec le ministre et les membres de cette commission, à
rechercher des avenues qui, tout en respectant l'objectif légitime du
gouvernement, n'aient pas pour effet de pénaliser en coût, en
matériel et en personnel les organismes administratifs.
Dans le cadre de l'entente du Vieux-Montréal entre le ministre et
la ville de Montréal, nous avons déjà obtenu des
résultats tangibles grâce à la coopération des deux
gouvernements. Ce que nous visons principalement à obtenir c'est que le
projet de loi établisse des mécanismes souples, qu'il
précise davantage la portée et la nature des documents à
conserver et qu'il permette l'élimination de documents tout en assurant
leur reproduction; qu'il prévoie dans les plus brefs délais la
mise en place d'une réglementation respectant ces objectifs et qu'il
n'impose pas de contraintes inutiles aux organismes publics.
Nous avons exposé dans notre mémoire certains
éléments de solution et certains correctifs à apporter au
projet de loi. Nous n'entendons pas les reprendre un à un ici mais nous
devons de nouveau attirer l'attention de la commission sur les
conséquences néfastes de l'article 34 du projet de loi.
Nous vous remercions, M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de la commission, de votre bienveillante attention et nous sommes
disponibles pour répondre aux questions des membres de la
commission.
Le Président (M. Brouillet): Merci bien, monsieur. Alors
la parole est au ministre.
M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M.
Lorange et ses collaborateurs pour avoir tenu à se déplacer pour
faire entendre leur point de vue. Ceci étant dit j'aurais quand
même quelques questions à poser à M. Lorange.
M. Lorange, est-ce que la ville de Montréal n'a pas
déjà ses trois catégories de documents,
c'est-à-dire documents inactifs, semi-actifs et actifs?
M. Lorange: Si vous voulez, je vais demander à M. Henri
Lajoie, qui a la charge de la documentation et du centre des archives, de vous
donner la réponse exacte.
M. Gérin-Lajoie (Henri): II est évident que dans
tout organisme on possède toujours des documents actifs, semi-actifs et
inactifs. Mais la forme que la ville a choisie, dans ses interventions depuis
1966, cela a été de répondre aux demandes des
différents services. Le greffier de la ville a la conservation des
documents officiels. Le fonds d'archives de la ville va jusqu'à 1796 au
niveau des procès-verbaux, jusqu'à 1833 au niveau des
règlements. Tous les documents inhérents aux décisions du
conseil, des diverses commissions sont conservés par la division des
archives.
Les interventions de la ville se sont dirigées vers les besoins
des services pour leurs documents administratifs depuis 1966. En 1981 on a
proposé un énoncé de politique
pour la gestion, c'est-à-dire une étape suivante où
on aura l'inventaire et l'évaluation des autres documents. Cela
ressemble beaucoup à ce qui est mentionné dans la loi mais comme
on le disait, c'est conforme au rythme de la ville. On ne connaît pas
évidemment la réglementation prévue par le projet de loi
qui pourrait être compatible, mais qui pourrait aussi être
différente.
M. Richard: M. le Président, c'est ce que je voulais
indiquer par ma question. Finalement, les catégories proposées
par le projet de loi sont des catégories universelles qu'on retrouve
même au sein de l'administration de la ville de Montréal. On ne
bouscule donc pas - si je peux me permettre l'expression - l'administration de
la ville de Montréal puisque déjà, elle retient les
mêmes catégories. Quant au délai pour le calendrier, sans
doute a-t-on involontairement oublié les dispositions de l'article 60
qui permettent justement de prolonger le délai. Dans ces conditions, je
vois mal pourquoi la ville de Montréal qui doit et est un modèle
à cet égard devrait s'opposer à ce que tout le monde
réclame, tous ceux qui s'y connaissent en la matière
réclament, c'est-à-dire d'avoir ces trois catégories de
documents: actifs, semi-actifs et inactifs.
Puisqu'il y a une extension du délai qui est prévue par
l'article 60, cela répond tout à fait au desiderata de la ville
de Montréal qui demande d'avoir une politique souple.
M. Lorange: Tout dépend, M. le ministre, de
l'interprétation que vous ferez et que la ville de Montréal fera
également des documents actifs, inactifs ou semi-actifs. C'est là
où il peut se produire une situation où la ville serait
appelée à accumuler des tas de documents absolument inutilement
dans ses espaces de rangement. Quant à l'article 60, je demanderais
peut-être à mon collègue de gauche d'en faire une
évaluation. Selon notre évaluation, il s'agit ici d'un article
qui dépend de la bonne volonté du ministre. Nous savons qu'il est
réceptif aux bonnes négociations, mais il me semble que l'article
est clair et qu'il donne un an à un organisme "ou à une date
postérieure fixée par entente avec le ministre".
M. Lacroix (Neuville): Si vous me le permettez, M. le ministre,
d'ajouter à ce que M. Lorange a dit, c'est que dans votre projet de loi
vous énoncez à l'article 2 ce qui est censé être une
définition. Vous dites: "Sont des archives publiques:" et là vous
commencez en disant: "les documents inactifs présentant un
intérêt historique..." À l'esprit du projet de loi, il nous
apparaît que l'intention du ministre est d'assurer la conservation de
documents qui ont un caractère historique ou potentiellement historique.
Vous incluez par la suite dans le projet de loi des notions qui ne nous
semblent pas conformes à ce qui doit être la conservation ou la
préservation de documents historiques. Le fait qu'on qualifie, au niveau
d'une administration, d'actif, semi-actif ou inactif pour des fins purement
administratives n'a pas de rapport en soi avec le fait que le document
présente un caractère historique ou non. Il peut
représenter ou ne pas représenter; qu'il soit actif, semi-actif
ou inactif n'a aucune importance en soi. L'importance est qu'il ait un
intérêt historique. (21 heures)
J'attire l'attention du ministre particulièrement sur l'article
7. Quand vous dites qu'on a déjà une politique de gestion de
documents, c'est exact, mais à l'intérieur du cadre de l'article
7, vous imposez d'identifier les séries de documents qui seront des
archives publiques parmi tous les documents actifs, inactifs et semi-actifs que
vous définissez dans votre projet de loi. C'est cela qui nous
apparaît imposer aux organismes publics en somme dans un délai qui
est très court, un an, de faire cet exercice, de classifier d'abord des
documents actifs, semi-actifs ou inactifs à l'intérieur pour les
fins de l'administration qui sont celles de la ville de Montréal. Cela
peut être une autre fin pour un autre organisme, mais ce qui est
important, c'est de déterminer l'intention du législateur, c'est
de conserver le patrimoine. Pour conserver le patrimoine, il faut identifier
les documents anciens. Je suis d'accord qu'on fasse le repérage et qu'on
établisse la liste, mais ce qu'on veut savoir, pour les fins du
Québec, c'est où, dans les organismes publics, se trouvent des
documents qui représentent un intérêt historique et qu'on
puisse les conserver pour la postérité. C'est cela l'exercice,
finalement.
Qu'on fasse des distinctions actives, semi-actives ou inactives, je
pense qu'on se livre à des exercices qui sont un peu
éphémères ou inutiles, parce que le document est actif
à un moment donné, il devient semi-actif, il est inactif et
redevient actif. Alors, dans la définition que vous donnez, le document
inactif, s'il redevient actif, ce n'est plus une archive publique. Enfin, ce
sont toutes ces notions-là qu'on trouve et qui n'ont pas de
nécessité dans le projet de loi.
M. Richard: M. le Président, je voudrais tout de
même préciser que le projet de loi ne vise pas à obliger
les organismes ou quiconque à garder des documents que j'appellerais,
pour les fins de mon propos, inutiles. C'est exactement le contraire, puisque
par le calendrier proposé, on veut justement permettre de favoriser
l'élimination de documents en fonction des dates qui sont inscrites au
calendrier.
Comme l'article 60 donne toute la souplesse voulue pour
l'établissement ou la confection du calendrier, je pense que les
problèmes que vous soulevez ne se rencontreront pas dans la
réalité des faits.
M. Lorange: Si une autre personne que vous était ministre,
M. Richard...
M. Richard: Vous savez fort bien par définition, M.
Lorange que tous les ministres des Affaires culturelles sont affables, souples
et progressistes.
M. Lorange: Mais j'apprécierais tout de même...
M. Proulx: Et non partisans.
M. Lorange: ...cette précision dans l'article 60 qui
prévoirait une période de cinq ans pour le dépôt de
la liste des documents.
Mme Lavoie-Roux: Deux autres ministres durant cinq ans.
M. de Bellefeuille: Selon la moyenne, oui.
M. Lacroix: M. le ministre, permettez-moi d'ajouter un
commentaire.
M. Richard: Je suis déjà au-dessus de la
moyenne
M. Lacroix: On se demande quelle est la nécessité
de ce calendrier. Au fond, le calendrier, c'est pour permettre au gouvernement
et aux organismes de déterminer si un document représente ou pas
un intérêt historique. Il va falloir le conserver s'il en
représente un. Vous ajoutez des notions d'actif ou de semi-actif
après; c'est là qu'on doit avoir un calendrier parce que vous
ajoutez ces notions dans votre projet de loi.
M. Richard: M. le Président, je ne sais pas si les
intervenants ont entendu ceux qui les ont précédés
à la barre, mais ceux-ci accordaient beaucoup d'importance au
calendrier. On ne peut pas, il me semble, concevoir de loi sur les archives
sans en même temps prévoir des calendriers de conservation.
Ces calendriers ont deux objectifs: le premier est d'assurer la
conservation des documents à valeur historique et le second, qui n'est
pas sans importance pour une institution aussi importante que la ville de
Montréal, c'est de permettre l'élimination des documents
inutiles. Alors, il me semble que vous devriez assez naturellement
épouser ces deux objectifs.
M. Lacroix: Remarquez bien que nous épousons les objectifs
du ministre, mais c'est dans la façon de faire que nous demandons s'il y
a nécessité d'établir... J'ai entendu les intervenants et
je comprends que pour des fins d'archives, c'est évident qu'on doive
conserver un document. Je peux conserver un document. S'il a un
caractère historique, on devrait normalement toujours le conserver. Ce
qui est important, c'est de le conserver...
M. Richard: Oui, mais qui va décider?
M. Lacroix: C'est la question qui se pose lorsqu'on regarde
l'article 7. C'est nous qui devons décider, d'abord, dans ces documents
actifs et semi-actifs, lesquels ont un intérêt historique. Si
c'est nous qui décidons, à partir du moment où on va
décider, si le ministre nous impose de les conserver, qu'on fasse les
calendriers que l'on voudra, on sera obligé de les conserver.
M. Richard: Oui, sauf que vous pourrez procéder à
l'élimination de ceux qui...
M. Lacroix: On pourra peut-être procéder plus
rapidement, aussi, s'ils sont identifiés immédiatement.
M. Richard: Voilà. Montréal fait parfois cette
erreur de considérer que toutes les villes au Québec sont de
l'importance de Montréal, M. le Président. Je voudrais rappeler
à M. Lorange que Montréal est la grande ville au Québec et
qu'une loi...
M. Lorange: Nous nous en rendons compte de temps en temps.
M. Richard: Voilà, tant mieux! Une loi doit tenir
compte...
Une voix: Ce n'est plus comme avant.
M. Richard: ...de l'ensemble du Québec et pas seulement de
Montréal, quelle qu'en soit l'importance.
M. Lorange: Mais vous comprendrez notre appréhension et
nos craintes.
M. Richard: Mais s'il y a une ville, M. Lorange, si vous me le
permettez, à qui cette loi ne posera pas de problèmes, c'est bien
la ville de Montréal.
M. Lacroix: Peut-être que le ministre pourra nous exempter
des dispositions de la loi comme il en a le pouvoir.
M. Richard: Encore que non, M. le Président.
M. Marx: J'ai une question sur le... M.
le ministre.
M. Richard: On ne sait jamais, on n'aura pas toujours le
même exécutif, on n'aura pas toujours le même maire. On ne
sait jamais à qui on a affaire.
M. Lorange: Voulez-vous dire à Québec ou à
Montréal?
M. Richard: À Montréal, M. le Président.
M. Marx: M. le Président, j'aurais seulement une question
pour enchaîner avec ce que le ministre a dit. Il n'y a pas si longtemps,
on adoptait la loi 67 qui concerne le non-emprisonnement pour des amendes
impayées. Le ministre n'a pas appliqué cette loi à toutes
les municipalités. En fait, il a dit qu'il n'appliquerait pas cette loi
à la ville de Montréal avant qu'il n'ait le temps et la
possibilité de prendre des engagements et de discuter de cela avec la
ville de Montréal. Mais je ne vois pas la différence entre la loi
67 où le ministre dit qu'il exemptera la ville de Montréal tant
qu'il n'aura pas la possibilité de discuter de cette question et du
projet de loi sous étude avec la ville. On pourrait peut-être
faire la même chose, je crois que c'est ce qui est demandé, si
j'ai bien compris, par la ville de Montréal?
M. Lorange: C'est-à-dire que...
M. Marx: C'est-à-dire de dire que toute loi qui est
appliquée à la ville de Montréal, à tout le monde,
de la même façon; ce n'est pas vrai.
M. Lorange: Nous sommes d'accord en principe, nous l'avons dit et
nous le disons également dans le mémoire que nous avons
déposé il y a quelques jours à la commission. Là
où se situent nos appréhensions - nous l'avons dit depuis le
début - est sur la définition des mots. D'abord, nulle part dans
la loi on ne définit correctement ce que signifie le mot "document".
Nulle part, également, dans la loi, on ne précise le terme de
cinq ans pour le dépôt de cette liste que nous pensons être
important pour la ville de Montréal. On vous l'a donné en
chiffres dans nos notes, ici. Par exemple, à la page 4, on retrouve la
quantité de documents que la ville de Montréal produit dans un
an, ces documents se chiffrent à environ 85 000 000 de pièces.
Vous vous imaginez, si chaque pièce devait être conservée
et apportée à Québec, cela pourrait faire quelque chose
comme 85 camions chargés de 1 000 000 de pièces de documents.
C'est évident que c'est un exemple peut-être un peu trop
simplifié.
Mais il n'en demeure pas moins que lorsque l'on considère le
coût de l'espace pris par des rangements de documents, cela peut devenir
extrêmement onéreux. C'est la raison pour laquelle nous attachons
beaucoup d'importance sur la signification des mots "actif, semi-actif et
inactif, historique" et également au mécanisme de mise en place
de la loi.
M. Richard: M. le Président, tout le monde aurait pu noter
comme moi que le député de D'Arcy McGee est un méchant
séparatiste montréalais. Mais je voudrais dire...
M. Marx: De Montréal-Ouest.
M. Richard: Je voudrais rappeler que la ville de Montréal
a proposé déjà, avant même la loi, un plan
quinquennal, que cela nous sied parfaitement dans le cadre de l'article 60, et
que le projet de loi ne vise pas à imposer des contraintes inacceptables
aux municipalités, bien au contraire. Il vise à assurer une
collaboration entre les municipalités et le ministère des
Affaires culturelles et, compte tenu du fait qu'il y a déjà un
plan quinquennal de conservation à la ville de Montréal, il n'y a
pas beaucoup de problèmes à l'horizon quant à nous.
M. Lorange: Est-ce que je peux vous demander si vos propos sont
enregistrés?
M. Richard: Mes propos sont enregistrés, y compris les
premiers que j'ai tenus, M. Lorange.
Le Président (M. Brouillet): Est-ce qu'il y aurait quelque
autre question?
M. de BeUefeuille: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Saint-Henri et après, le député de Deux-Montagnes.
M. Hains: M. Lorange, très brièvement. Comme
toujours, on peut dire que la ville de Montréal porte le drapeau en
avant et bien haut dans les archives comme dans les autres domaines. C'est
déjà un immense travail, je m'amuse un peu, parce que je veux
agrémenter un peu enfin ces sujets qui sont tellement arides, mais je
dis quand même ce que je veux dire.
M. Richard: Comment, c'est aride?
M. Hains: Déjà un immense travail est
effectué dans ce projet de loi et M. le ministre doit être
vraiment fier des progrès déjà obtenus. Ce qui
m'étonne, c'est que le volume de feuilles, de pièces, est de 80
000 000, soit exactement 100 fois le nombre de feuilles qu'il y avait dans
les
derniers décrets du Parlement.
C'est un mémoire vraiment condensé et nul doute que le
calendrier qu'on veut vous imposer aura pour vous une extension de 60 mois par
année. Je passe maintenant la parole à mon confrère,
à mon collègue.
M. Lorange: Est-ce à dire qu'on travaille dix fois plus
à Montréal qu'à Québec?
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Hains: M. le ministre pourrait peut-être vous
répondre mais je sais que vous travaillez fort bien et que je vous
admire toujours avec beaucoup d'intensité. Merci.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: J'ai écouté l'échange
qu'il y a eu dans le texte que vous nous avez présenté, au bas de
la page 1 et au haut de la page 2, où il est question de documents
à caractère historique. Au haut de la page 2, vous dites: "Ce qui
importe, c'est de s'assurer qu'un document qui présente un
intérêt historique puisse être conservé soit dans son
état original, soit par un procédé de reproduction
approprié."
J'ai l'impression que cela nous indique qu'il y a peut-être une
légère ambiguïté ou une légère
équivoque quant au sens de l'expression "document à
caractère historique". Cela peut vouloir dire deux choses. Cela peut
vouloir dire un document de nature à être utilisé par des
chercheurs en histoire ou bien cela peut vouloir dire un document qui en
lui-même a un intérêt historique et doit être
conservé à ce titre parce que, en lui-même, il a un
intérêt historique. C'est comme la différence entre le
rapport Malouf, qui est de nature à être utilise par des
chercheurs en histoire, et l'exemplaire du rapport Malouf annoté
manuscritement par le maire Drapeau. Cela est une pièce qui
mérite de figurer elle-même dans les archives, et même je
dirais d'être tenue à l'écart des chercheurs dans la mesure
où on a trouvé des chercheurs qui découpaient les
documents avec une lame de rasoir pour...
M. Lorange: Pourrais-je vous poser une question?
M. de Bellefeuille: Je vous en prie, M. Lorange.
M. Lorange: Est-ce que le rapport de la Baie-James constitue
également un document historique?
M. de Bellefeuille: Cela se peut fort bien.
M. Lorange: C'est tout.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Saint-Laurent, s'il vous plaît.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, si j'ai bien compris, vous
dites: C'est une loi dont on pourrait se passer, mais on veut bien
l'accepter.
M. Richard: Ah! Ah! Ah!
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites que cela va
représenter un coût. Est-ce que vous avez évalué ce
coût-là, parce qu'on m'a dit cet après-midi qu'apparemment
il n'y avait pas de coût car cette loi-là n'entraînait pas
de coût et que c'était finalement une économie? Vous
prétendez le contraire, si j'ai bien compris. Je voudrais
peut-être savoir ce que cela pourrait représenter comme coût
pour la ville de Montréal. Est-ce que vous avez fait des
estimations?
M. Lorange: On pourrait peut-être demander à M.
Gérin-Lajoie, qui est beaucoup plus familier avec ce domaine-là
de faire une perspective. (21 h 15)
M. Gérin-Lajoie: Évidemment, en dollars, c'est
assez difficile de calculer le coût. Ce qu'on calcule surtout, c'est que
cela canalise le temps d'un personnel qualifié. C'est
généralement un personnel de commande, pour évaluer le
document. On peut procéder aux inventaires avec du personnel
d'exécution. Mais lorsque arrive la question d'évaluer, pour
faire ressortir les documents à portée historique ou pour
déterminer le nombre de mois susceptibles d'être utiles au niveau
administratif, il y a aussi l'aspect juridique qu'il faut faire ressortir.
À ce moment-là, on a souvent recours à notre contentieux.
Il y a aussi l'aspect de la recherche qui est à relever par des
personnes qui sont directement reliées aux utilisateurs. Ce n'est pas
facile de regarder dans la typologie de nos documents un type qui est en
demande ou qui pourrait éventuellement être en demande chez des
chercheurs. Dans ce cas, évidemment, cela relève du personnel de
commande. Le personnel de commande, chez nous, est nolisé à
toutes sortes de choses. La loi 65 exige beaucoup de choses aussi. On
est en train d'organiser un système informatisé pour les index
à travers les services. Alors, si on arrête ces travaux-là
pour faire l'évaluation des documents, cela nécessite des
coûts additionnels, non en termes de dollars, mais de temps.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais il est
certain que c'est une charge pour la ville de Montréal?
M. Gérin-Lajoie: À court terme, c'est une charge,
c'est cela.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais savoir également en
quoi l'article 34 peut être néfaste. Vous parlez des
conséquences néfastes de l'article 34 du projet de loi. En quoi
peut-il être néfaste pour la ville de Montréal?
M. Gérin-Lajoie: M. Panneton a des commentaires à
faire à ce sujet-là. Il est peut-être plus familier
avec des problèmes de ce genre, et je pense qu'il pourrait
répondre à votre question.
M. Panneton (Jacques): Notre observation a été
relevée avant le fait ce matin par M. le ministre Clément Richard
lorsqu'il a précisé que le projet de loi no 3 visait des
documents n'ayant pas fait l'objet de publication. Je pense qu'il serait
très important que ces précisions soient apportées dans la
loi, parce que l'article 34, tel que rédigé, pourrait amener les
bibliothèques québécoises à vider au profit du
ministre des Affaires culturelles leurs collections de publications officielles
émises par les gouvernements du Québec avant 1867. Nous avons
établi une liste de 28 groupes génériques de ces
publications que la ville de Montréal possède dans les
collections de sa bibliothèque. Mais, de façon
générale, il y a toujours au moins une demi-douzaine à une
douzaine de bibliothèques québécoises qui possèdent
également ces documents-là. Il n'est évidemment pas, je
pense, dans l'esprit du législateur, de faire le plein de multiples
copies. Mais, tel que rédigé, l'article 34 pose cette
difficulté.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, en
réponse à cette observation?
M. Richard: Oui, M. le Président, très
brièvement. D'abord, quand on parle de 85 000 000 de documents, je pense
que, manifestement, on fait état de toutes les copies et photocopies. Ce
n'est pas ce qui est exigé évidemment. Il faut oublier le chiffre
de 85 000 000, parce que ce qui intéresse les archives, c'est l'original
ou une copie et non pas 85 000 000 de documents. Donc, il ne faut pas se
laisser induire en erreur par ce chiffre de 85 000 000.
D'autre part - j'insiste là-dessus, notamment au
bénéfice de M. le député de Saint-Laurent, si on
accepte le plan quinquennal proposé par la ville de Montréal - et
je viens de dire que ce plan, quant à nous, nous sied - on entre dans
les coûts administratifs normaux de la ville de Montréal. On
n'ajoute donc strictement rien aux coûts administratifs normaux de la
ville de Montréal, puisqu'elle a déjà un plan quinquennal
de gestion de ces documents. Encore là, il ne faudrait pas induire les
citoyens et les citoyennes en erreur en disant que cela va ajouter aux
coûts de la ville de Montréal, dans la mesure où on accepte
son plan quinquennal. Bien sûr, si on lui dit: Ce que vous deviez faire
en cinq ans, vous allez le faire en trois ans, on va ajouter à ses
coûts. Mais j'ai pris la peine de dire que le plan quinquennal nous sied
et, quant à nous, en tout cas, on espère qu'il sera
déposé par la ville de Montréal. Donc, on n'ajoute
absolument rien aux coûts administratifs, qui sont des coûts
normaux et qui ont pour effet, comme on l'a évoqué tout à
l'heure finalement, de représenter des économies importantes
puisque c'est mettre de l'ordre dans la gestion des documents.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous êtes d'accord
avec cet énoncé?
M. Lorange: En partie oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous adoptez un plan quinquennal,
est-ce que vous êtes d'accord pour dire que cela n'occasionnera pas de
frais additionnels?
M. Lorange: Actuellement, l'administration de la ville de
Montréal a demandé une étude pour la gestion de ses
documents, une étude qui pourrait mener à un plan quinquennal de
gestion de toute la documentation de la ville de Montréal. Selon la
considération que l'on donne aux termes prévus dans la loi, cela
pourra vouloir dire un système de gestion parallèle à
celui de la ville. C'est là que cela peut ajouter des coûts. Si,
évidemment, la loi ne vient que préciser certaines actions que la
ville posera pour la gestion de ces documents, c'est une autre chose. Mais nous
pensons que, dans leur interprétation, les termes de la loi sont
tellement peu clairs que cela peut porter à confusion,
c'est-à-dire l'interprétation donnée par le
ministère et l'interprétation donnée par la ville de
Montréal.
M. Leduc (Saint-Laurent): En fait, vous dites que c'est la
réglementation qui pourrait être coûteuse.
M, Lorange: Bien sûr.
M. Richard: M. le Président, je voudrais éclaircir
une chose. M. Lorange vient nous dire: On a commencé une étude
sur la confection d'un plan de gestion de nos documents alors que, dans votre
mémoire, M. Lorange, vous dites: En mars 1982, la ville de
Montréal a établi une politique de gestion des documents
échelonnée sur une période de cinq ans.
M. Lorange: Oui, bien sûr. M. Richard: Alors, c'est
fait?
M. Lorange: C'est fait, mais, à travers ce plan
quinquennal, évidemment, toutes les études ne sont pas
déjà faites, sauf que c'est en marche actuellement.
M. Richard: C'est déjà établi sur cinq
ans.
M. Lorange: Oui, exactement.
M. Richard: Très bien. Merci, M. le Président.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'aimerais vous entendre
préciser votre opinion sur l'article 34, quant au point de vue de la
ville de Montréal. Je pense que c'est très pertinent. .
M. Richard: M. le député de Saint-Laurent, je pense
qu'avec raison l'intervenant a signalé que j'avais dit ce matin, que
j'avais pris la peine ce matin de préciser que le problème
soulevé par M. l'intervenant serait réglé.
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de L'Acadie, vous avez une question?
Mme Lavoie-Roux: Oui, M. le Président. C'est simplement
une demande d'information aux porte-parole de la ville de Montréal. Dans
le passé, quelle a été votre politique quant à la
conservation des documents appartenant aux différentes
municipalités qui ont été annexées?
M. Gérin-Lajoie: Les documents des municipalités
annexées sont conservés aux archives de la ville par le greffier;
ce sont les mêmes politiques que si c'étaient des documents
municipaux. On a tous les procès-verbaux de toutes les
municipalités et on a tous les documents inhérents qui nous
été remis par les municipalités, qu'on parle de
Pointe-aux-Trembles, de Saint-Michel, de Saraguay, de Sainte-Cunégonde,
de Saint-Henri, de Rivière-des-Prairies. De 1882 à aujourd'hui,
tous les documents sont aux archives de la ville et ils sont soumis aux
mêmes règles que les documents municipaux. Tous les documents
officiels sont conservés par le greffier. On a même des
requêtes qui pourraient être jugées, comme disait Me
Lacroix, sans portée historique, mais ils sont conservés aux
archives de la ville.
Mme Lavoie-Roux: Tous les documents qui étaient la
propriété de ces municipalités, mis à part les
procès-verbaux, mais qu'elles avaient pu acquérir au cours des
années, par exemple Maisonneuve, tout cela est conservé dans les
archives de la ville de Montréal.
Le Président (M. Brouillet): Pour terminer, M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne: Merci. M. Lorange, vous avez certaines
appréhensions, vous dites cela à la page 2 du document: un
travail important face à la masse des dossiers entreposés
à la ville. Vous parliez tout à l'heure de chiffres exorbitants,
de 80 000 000 de feuilles. Je pense qu'il y a à cataloguer cela, qu'il y
a un tri à faire, mais vous avez aussi des techniques modernes, vous
avez aujourd'hui des microfilm que vous pouvez employer; peut-être que la
ville l'emploie actuellement. C'est une question que je pose.
M. Gérin-Lajoie: Depuis 1947.
M. Champagne: Tout à l'heure, vous parliez d'une
énormité de documents; on peut aussi les cataloguer sur microfilm
ou grâce à d'autres techniques modernes. Il ne s'agirait
peut-être pas d'exagérer, parce que vous dites aussi "soit par un
procédé de reproduction approprié". Le ministère
des Affaires culturelles a justement son édifice des Archives nationales
de biais avec l'hôtel de ville. Vous avez l'ancien palais de justice sur
la rue Notre-Dame, mais nos Archives nationales sont en partie là et,
dans le sous-sol, vous avez des centaines de caisses de documents, des actes
notariés entre autres, qui seront éventuellement mis sur
microfilm. J'ai eu la chance de visiter les Archives nationales sur la rue
Notre-Dame et je profite de l'occasion pour rendre un hommage à tous les
notaires du Québec, du passé surtout, et le député
de Saint-Laurent est de cette classe, parce qu'on...
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne suis pas encore rendu
là.
M. Richard: II est du passé?
M. Champagne: Quand même, le conservateur de nos archives,
sur la rue Notre-Dame, m'expliquait que c'était exceptionnel ici au
Québec, considérant que les notaires, depuis le début de
la colonie, ont fait un travail de bénédictin. On a quand
même là une richesse incalculable.
M. Vaugeois: Les curés aussi. Les curés...
M. Champagne: Oui. Les notaires, les curés. On va les
mettre sur le même pied peut-être, M. le député de
Saint-Laurent?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, oui. Les notaires, les
curés.
M. Champagne: Enfin, est un hommage que je veux rendre aux
notaires, parce qu'ils ont fait un travail patient. Il s'agit de cataloguer
cette richesse culturelle. Je pense que les techniques modernes sont bienvenues
dans tout ce débat.
M. Richard: Une toute petite...
Le Président (M. Brouillet): Oui, monsieur...
M. Verdon (Richard): Verdon.
Le Président (M. Brouillet): M. Gagnon voudrait...
M. Verdon: M. Verdon. En rapport avec ce que M. le
député vient de dire des techniques modernes de reproduction de
documents, nous nous demandons s'il ne serait pas opportun de spécifier
dans la loi que l'obligation de la conservation d'un document - surtout que le
terme "document", de l'avis de tout le monde, semble-t-il, n'est pas
défini et manque de consistance - est-ce qu'il ne serait pas
approprié, dis-je, et même nécessaire de spécifier
que l'obligation de conservation peut être remplie du moment que
l'organisme public reproduit ces documents sur microfilm - enfin, on pourrait
énumérer toutes les techniques admissibles -et qu'il peut
disposer du papier ou le détruire, faire ce qu'il veut du papier
lui-même, une fois que cette reproduction a été accomplie?
Autrement, on ne sait pas si l'obligation porte sur l'original, sur une
photocopie, sur un microfilm, un microdisque ou...
Le Président (M. Brouillet): Nous allons laisser le
ministre répondre et dire le mot de la fin parce que nous...
M. Richard: M. le Président, on voit tout de suite
l'importance des calendriers parce que justement, dans les calendriers, on va
indiquer ce qu'on peut conserver comme originaux ou avec un support technique
différent. On voit tout de suite l'importance des calendriers.
D'autre part, j'ai une dernière question - mais très
brève celle-là - à poser à M. Lorange. Est-ce que
les archives de Montréal sont accessibles au public?
M. Lorange: En principe, oui.
M. Richard: Oh! Que je n'aime pas votre réponse.
M. Lorange: Bien oui...
M. Richard: C'est quoi le principe?
M. Lorange: Cela dépend de la considération que
vous donnez à un document: public et non public. Tous les documents
publics sont accessibles à la population, c'est-à-dire que tous
les documents qui sont en dépôt chez le greffier de la ville
peuvent être consultés ou même acquis.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Une petite courte, M.
le député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Je ne sais pas si cela a été
souligné, M. le Président, mais, puisqu'on vient de parler de
support documentaire, si cela n'a pas été souligné, je
tiens à le préciser, de toute façon le support
documentaire habituel que nous utilisons, c'est-à-dire le papier,
appelle un autre support documentaire, parce que le papier que nous utilisons
dans l'administration actuelle est un papier acide qui est lui-même une
matière périssable.
De toute façon, il faut envisager de passer à un autre
support documentaire et, quand on passe à un autre support documentaire,
on va généralement à la microfiche ou au disque, au
vidéodisque, et on peut loger des centaines de milliers de documents sur
un même support documentaire qui ne prend pas de place. De toute
façon, ce transfert doit être fait.
Je pense que c'est important de l'avoir en mémoire, car, parfois,
on pense que les documents vont se conserver parce qu'ils sont bien
rangés. C'était vrai pour les documents du XIXe siècle,
mais ce n'est plus vrai, momentanément, pour les documents actuels que
nous manipulons. Consolation pour les gens de l'Opposition, ce que nous faisons
actuellement au pouvoir, c'est quelque chose de périssable.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Nous
remercions tous les représentants de la ville de Montréal.
M. Lorange: Merci, M. le ministre. Merci, MM. les membres et
madame, de votre accueil si chaleureux.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Nous allons entendre
maintenant des représentants de l'Association des anglophones de
l'Estrie.
Si vous le voulez, nous allons suspendre pour deux minutes. M. le
ministre a dû nous quitter. Il reviendra très bientôt.
(Suspension de la séance à 21 h 31)
(Reprise de la séance à 21 h 36)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre! Nous allons
entendre les représentants de l'Association des anglophones de l'Estrie.
Je demanderais à la porte-parole de s'identifier
et de nous présenter les personnnes qui l'accompagnent.
Association des anglophones de l'Estrie
Mme Goodfellow (Marjorie): Merci, M. le Président. Je suis
Marjorie Goodfellow, présidente de l'Association des anglophones de
l'Estrie. Mes collègues sont Mme Andrée Turgeon qui est membre du
bureau de notre association et Mme Gail Klinck qui est animatrice au sein de
notre association.
Tout d'abord, je veux féliciter le ministre pour avoir
abordé ce sujet. Cela était dû et depuis longtemps. Au
cours des années, nous avons remarqué la regrettable perte de
plusieurs pièces de notre patrimoine dont des documents publics et des
documents privés. La plupart du temps, cette perte était
causée par l'ignorance en ce qui concerne la valeur intellectuelle,
sinon fiscale de ces documents ou vieilles choses. Il s'agit aussi des
priorités des organismes publics. Je donne un exemple - je ne lis pas le
mémoire, c'est une présentation - le corps d'un livre
relié en cuir contenant les procès-verbaux des réunions du
conseil d'une ville située dans les Cantons de l'Est. Le
secrétaire a entreposé ce dossier à l'intérieur de
son garage personnel. Il s'agissait là de très mauvaises
conditions pour la préservation d'un document ancien. Si une loi
semblable à ce projet est adoptée, j'ose espérer que cette
histoire ne se répétera pas et si le ministre réussit
cela, je l'en félicite sincèrement.
Nous éprouvons des inquiétudes quant au manque de
sensibilisation au sein de la population concernant les archives et les
documents concernés. À cause de ce manque de sensibilisation et
même avec des prévisions dans le projet de loi, les buts ne seront
pas atteints. Il faut informer la population sur: premièrement, ce
qu'est un document en termes d'archives; deuxièmement, comment le
conserver et en assurer la garde; troisièmement, comment trouver le bon
endroit pour sa mise en valeur et pour permettre sa disponibilité pour
fins de consultations. Il faut souligner que nous sommes ici comme
représentantes de l'Association des citoyens. À ce titre, nous
traitons dans notre mémoire des préoccupations majeures de
quelques-uns de nos membres. Voici quelques extraits. Mme Turgeon.
Mme Turgeon (Andrée): Le premier point porte sur les
archives publiques. L'article 15 pose un problème majeur pour les
sociétés d'histoire et les musées. Dans le cas où
le ministre désire déposer des archives auprès d'archives
agréées, ces archives auront-elles le droit de refuser de garder
ce matériel? Un tel refus serait-il contraire aux statuts et aux
règlements auxquels les archives agréées devront se
soumettre? Ou, un tel dépôt entraîne des frais
supplémentaires pour les services d'archives privées
agréées, le ministre endossera-t-il ces coûts?
Au sujet de l'élimination d'archives publiques, au chapitre III,
à l'article 21, nous espérons que le ministre, avant de disposer
arbitrairement de toutes archives publiques qu'il considère sans
intérêt historique, consultera largement la localité
d'origine concernée par ces documents, recueillera les opinions des
sociétés d'histoire ou, s'il n'en existe pas, celles des experts
locaux afin de déterminer si oui ou non ce document constitue un
intérêt historique pour cette communauté. Ce qui est
intéressant pour les populations locales ne sera peut-être pas
nécessairement intéressant pour le ministre.
Au sujet des archives privées, nous sommes
particulièrement préoccupés par le chapitre IV, article
27, qui stipule que si un service d'archives privées agréé
cesse ses activités ou ne se conforme pas à la loi ou aux
règlements applicables, les archives privées de cette institution
perdront leur droit existant de déterminer de l'avenir de sa
propriété. Ce qui, nous présumons, signifie la perte de
son accréditation. Cet article pose les problèmes suivants: la
tradition de conservation et de préservation des archives dans les
Cantons de l'Est est issue d'une grande confiance qu'ont accordée les
différentes communautés aux sociétés d'histoire et
aux musées qui veillent sur la protection de leurs archives et de leurs
objets anciens. Nous craignons que le travail dévoué et
inlassable des sociétés d'histoire et des musées soit
menacé par ce qui pourrait être perçu comme un
contrôle centralisé et sans garantie sur les archives par un corps
gouvernemental lointain et quelque peu désintéressé.
Nous croyons qu'un tel règlement pourrait effrayer les donateurs
éventuels de déposer ou de permettre l'utilisation de leurs
documents ou collections par les musées locaux dans la crainte que le
ministre décide d'assumer le contrôle sur leur collection et de la
relocaliser ailleurs. De même, les individus qui possèdent
actuellement des archives déposées dans des musées locaux
peuvent choisir de retirer leurs collections plutôt que de risquer de
perdre leur droit de propriété. Ces réactions possibles
peuvent être au détriment du travail de recherche futur et de la
préservation de documents historiques, spécialement ceux qui ne
sont pas encore documents anciens.
L'article sous-entend que les règlements non encore
définis peuvent imposer des charges financières aux
sociétés d'histoire et aux musées pour se conformer aux
standards de conservation qui pourront être établis par le
ministère des Affaires culturelles. Pour cette raison, les
règlements spécifiques de
l'article 27 auraient dû être inclus dans le texte du projet
de loi. Le ministre ne doit pas s'attendre que la population accepte sur parole
toute une série de règlements qui pourraient entraîner une
charge financière sérieuse ou, résulter en une perte
complète de ses archives.
L'article présente d'autres difficultés pour les
sociétés d'histoire et les musées en termes de
problèmes de catalogage et de classification des archives. Le ministre
reconnaîtra-t-il les milliers d'heures-hommes consacrées à
l'organisation des systèmes de classification universellement
acceptés, tout comme ceux qui sont faits sur mesure pour répondre
à des besoins spécifiques et aux désirs de la population
locale?
Nous sommes en désaccord avec l'article 28 qui oblige tout
propriétaire de documents reconnus ou classifiés d'adhérer
aux conditions ministérielles qui peuvent imposer une contrainte ou
même empiéter sur la vie privée. Même si les
intentions de l'article sont bonnes, les droits et libertés individuels
doivent être protégés plutôt que d'être soumis
au contrôle de l'État.
Nous encouragerions le ministre à créer des programmes
pour augmenter la prise de conscience sociale à l'égard de ce qui
constitue des documents historiques significatifs et la responsabilité
des citoyens de les conserver et de les préserver.
Nous recommandons que l'intervention de l'État soit un dernier
ressort appliqué uniquement lorsque l'éducation du public et la
persuasion individuelle n'ont pas donné de résultat.
Au sujet des documents anciens, le principe décrit dans le
chapitre V nous plaît. Cependant, la définition de ce qui
constitue un document ancien doit être clarifiée. Les droits
individuels, tel que mentionné auparavant en rapport avec l'article 28,
sont aussi à prendre en considération ici.
L'article 37 est l'équivalent de l'expropriation et, comme tel,
est inacceptable. (21 h 45)
En conclusion, M. le ministre, nous aimerions inciter le
ministère des Affaires culturelles à poursuivre son effort de
clarification du projet de loi. La période de temps allouée pour
l'étude, la rédaction et la présentation des
mémoires a été très courte. Nous recommandons que
plus de temps soit accordé pour permettre un examen en profondeur et une
plus ample consultation qui résultera en un document législatif
qui répondra aux besoins de la société du
Québec.
Puisque la conservation et la préservation des archives a
été et reste encore la préoccupation de bien des groupes
et des individus dans les Cantons de l'Est, nous remercions le
ministère, M. le ministre, de nous accorder la possibilité de
comparaître devant cette commission.
Le Président (M. Brouillet): Merci bien, madame. Les
commentaires de M. le ministre.
M. Richard: Je voudrais remercier Mme Goodfellow et ses
collègues de cette intervention. Je voudrais engager le dialogue aux
fins de les rassurer sur deux points. D'abord, quant à l'article 27, je
voudrais rappeler qu'uniquement dans le cas d'un service d'archives
privées agréé - et personne n'est obligé de se
faire agréer - si les archives sont menacées de perdition, mais
seulement à cette condition, le ministre peut prendre les mesures pour
en assurer la conservation. L'article 27, entre nous, ne va pas très
très loin. D'abord, il y a une première condition, il faut que ce
soit un service drarchives agréé, personne
n'étant obligé de se faire agréer. S'il y a
agrément, cela signifie qu'il y a eu une entente entre le service
d'archives et le ministère. Le ministre ne peut intervenir, au fond, que
si l'entente n'est pas respectée de telle sorte qu'il m'apparaît
que la méfiance que vous exprimez en ce qui a trait à
l'application de l'article 27 ne serait pas tout à fait
justifiée.
En ce qui a trait à l'article 28, je voudrais vous rappeler que
c'est uniquement dans le cas d'archives privées reconnues ou
classées en vertu de la Loi sur les biens culturels, ce qui est
extrêmement rare. Il n'y a au Québec présentement que douze
fonds d'archives reconnues ou classées et, dans chacun de ces fonds, le
ministère n'est intervenu pour subventionner les propriétaires
afin d'en assurer la conservation. Encore là, il m'apparaît qu'il
s'agit d'une méfiance un peu excessive puisqu'il n'y a, dans tout le
Québec, que douze fonds d'archives reconnues ou classées et
qu'à chaque fois, si le passé est garant de l'avenir, le
ministère n'est intervenu pour aider les propriétaires à
en assurer la conservation.
Le Président (M. Brouillet): Oui, madame.
Mme Goodfellow: Nos craintes sont peut-être mal
fondées, mais nous avons plusieurs points d'interrogation puisque nous
ne savons pas le contenu des règlements. Je pense que les archives
privées qui demandent à être agréées pourront
perdre leur accréditation pour une raison ou une autre. Je n'en connais
pas les raisons. Alors, à la suite de cela, qu'est-ce qui va
arriver?
L'autre question concerne une personne qui a un fonds de documents
à classer plus tard, dans l'avenir, parce que le projet de loi
prévoit une accumulation de ces documents, je suppose. Étant
donné ce fait, supposons que j'aie un document à classer. Je ne
veux
pas être obligée de recevoir le public ou les chercheurs
dans ma maison, je ne veux pas les laisser entrer. Alors, ce sont deux exemples
de questions auxquelles nous n'avons pas de réponse jusqu'à
maintenant.
M. Richard: Encore une fois, je vous explique que le classement,
en ce qui a trait aux documents, est extrêmement rare, pour ne pas dire
rarissime. Et quand il existe le classement, au sujet d'un document, ce sont un
peu les mêmes règles qui s'appliquent que quand il s'agit d'un
bien immobilier. Dans le cas d'un bien immobilier, il y a des règles
auxquelles un propriétaire est assujetti; c'est la même chose.
Mais, en ce qui a trait aux biens immobiliers, c'est fréquent, c'est
très fréquent. Il y a des centaines de maisons dans ma propre
circonscription électorale, à l'île d'Orléans, qui
sont des monuments classés, et les propriétaires sont assujettis
aux règles de la Loi sur les biens culturels. La même chose pour
un document et, encore une fois, c'est tellement rare en ce qui a trait aux
documents. Il y a douze fonds d'archives au Québec...
Mme Goodfellow: Nommez-les.
M. Richard: ...jusqu'à maintenant. Mon
prédécesseur pourrait nommer cela de mémoire, j'en ai la
conviction.
Le Président (M. Brouillet): Les fonds d'archives à
Trois-Rivières et les monuments historiques à l'île
d'Orléans.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Vaugeois: Le premier fonds classé, c'était le
fonds Hart qui permet de retracer l'histoire des Juifs en Amérique. On
ne peut pas nous le reprocher. Et c'est nous qui avions conservé cela
modestement, dans le hameau trifluvien.
Mme Lavoie-Roux: Et l'autre, c'est l'île
d'Orléans.
M. Vaugeois: Non, c'est la famille Boucher.
Le Président (M. Brouillet): Est-ce qu'il y aurait encore
des questions?
M. Richard: La députée de L'Acadie est
classée dans son intégralité.
Mme Lavoie-Roux: Elle a été un peu
gâtée, mais...
M. Richard: Oui, avant que mon prédécesseur
n'arrive au ministère des Affaires culturelles.
Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est l'autre avant qui n'était
pas bon.
M. Richard: C'est l'hommage que je dois lui rendre.
M. Vaugeois: Un de plus.
Le Président (M. Brouillet): Est-ce qu'il y a encore des
questions de la part des membres de la commission? M. le député
de Saint-Henri.
M. Vaugeois: Moi, c'est seulement lié à la
dernière question. C'est très bref.
Le Président (M. Brouillet): Ah bon!
Réglons cela.
M. Vaugeois: Je voudrais clarifier avec Mme Goodfellow la
question qu'elle pose. Disons que, par hypothèse, elle a des documents
à la maison qui sont classés. Avec son accord, est-ce que,
immédiatement, cela lui donne l'obligation de les ouvrir aux chercheurs?
C'était la question et la réponse du ministre, c'est non. Moi,
comme historien, je vous suggérerais, si vous avez des documents, de les
confier à des archives accessibles.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si, chez moi, j'ai des documents et que
je suis agréé, je veux cesser mes activités, je dois
obtenir ou je dois les offrir pour obtenir le consentement du ministre pour les
céder?
M. Richard: Si on vous a confié des documents, M. le
député...
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, et je veux les céder.
M. Richard: Si on vous a confié des documents...
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, non, c'est l'article 27.
M. Richard: Non, non, pour les autres, vous gardez vos documents
sauf ceux qu'on vous a confiés, dont on vous a confié la
garde.
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, je veux les céder. Disons
que je ne suis plus intéressé à les garder, je veux les
céder.
M. Richard: Vous avez le droit de les céder.
M. Leduc (Saint-Laurent): Sans consentement?
M. Richard: Vous avez le droit de les céder sans
consentement.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est pas ce que vous avez dit
tantôt. Vous avez dit qu'on était soumis à peu près
aux mêmes règles que celles qui prévalent pour les biens
culturels.
M. Richard: M. le député de Saint-Laurent, je
parlais de documents classés ou reconnus en vertu de la Loi sur les
biens culturels. Il n'y en a que douze.
M. Vaugeois: Vous n'avez aucune chance d'en avoir.
M. Richard: Attention, tu ne connais pas sa fortune.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela veut donc dire que c'est ce que
Madame mentionnait tantôt quand elle évoquait la
possibilité de pouvoir en disposer et elle devra obtenir le
consentement.
M. Richard: Non, non, ce n'est pas cela qu'évoquait
madame. Sous toute réserve, je pense que le député de
Trois-Rivières a très bien saisi ce qu'elle évoquait dans
le cas des documents classés ou reconnus. En vertu de la Loi sur les
biens culturels, il y a certains biens culturels classés ou reconnus.
Et, ces biens culturels classés ou reconnus, sont assujettis à
certaines contraintes comme faisant partie du patrimoine national. Dans le cas
des documents, c'est très rare. Autant c'est fréquent dans le
domaine des biens immobiliers, autant c'est rare dans le domaine des documents,
puisqu'il n'y a que douze fonds d'archives classés au Québec. Et
je suppose, sous toute réserve, que la plupart de ces douze
appartiennent déjà à l'État.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous voulez dire que l'article no 27...
En fait, il n'y pas d'application pour l'article no 27?
M. Richard: Oui, il y en a une, mais elle est rare, très
rare.
M. Leduc (Saint-Laurent): Sauf pour les douze.
M. Richard: Pour les douze et s'il y en a un autre par
année. Je n'en ai pas vécu depuis que je suis là. Cela
fait deux ans que je suis au ministère des Affaires culturelles, je ne
pense pas en avoir vécu. Je n'ai pas eu à classer un document ou
à reconnaître un document en deux ans. C'est très rare.
Ceux qui ont été découverts, le sont déjà.
Alors, on peut prévoir qu'il n'y en aura pas beaucoup et pour être
classé, cela prend l'avis de la Commission des biens culturels.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ensuite, cela prendrait, bien
sûr, la permission...
M. Richard: Oui, cela serait un document d'une telle valeur qu'il
ferait partie du patrimoine national à ce moment-là.
Le Président (M. Brouillet): Y aurait-il d'autres
questions?
M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Je pense que je vais laisser le mot de la fin
dans un instant au député de Saint-Henri qui fera cela
admirablement. Je voulais seulement poser une question à Mme Goodfellow.
J'essaie de comprendre à la page 3 de votre texte, au haut de la page,
le point 1 qui se termine par cette phrase-ci: "Nous avons très peur que
l'intérêt acquis des sociétés historiques et des
musées soit menacé par ce qui pourrait être perçu
comme un contrôle centralisé et sans garantie sur les archives par
un corps gouvernemental lointain et quelque peu
désintéressé." Cela m'étonne un peu, madame, parce
que je crois comprendre que les Archives nationales sont
déconcentrées et régionalisées. Vous faites, je
suppose, affaires avec les archives à Sherbrooke; par conséquent,
ce n'est pas lointain. Il devrait être évident que ce service est
très intéressé à ce que vos communautés ont
fait, les sociétés historiques, les musées qui existent
chez vous.
Mme Goodfellow: Nous recevons un très bon service des
archives régionales à Sherbrooke, mais nous ne savons pas
où sont les administrateurs. Excusez-moi, mais des fois, je pense que
les personnes qui travaillent à Québec sont un peu loin de
nous.
M. de Bellefeuille: II serait peut-être utile de noter que
ce n'est pas du tout un des effets de la loi de centraliser les pouvoirs.
N'est-ce pas, M. le ministre?
M. Richard: Pas du tout, au contraire, on nous a reproché
d'ailleurs - si vous étiez là cet après-midi et ce matin -
de permettre ce que certains ont appelé l'émiettement des
archives.
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. le Président. Tout
d'abord, je veux remercier l'Association des anglophones de l'Estrie. Cela me
fait un peu drôle d'entendre les anglophones de l'Estrie et non pas les
anglophones des Cantons de l'Est.
Mme Goodfellow: C'est pourquoi je dis toujours l'Association des
"Townshippers", mais c'est notre nom juridique.
Mme Lavoie-Roux: C'est votre nom juridique. Au nom de la
légalité, on fait bien des choses.
Mme Goodfellow: Je ne néglige jamais.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que, non seulement je pense, mais je
suis convaincue qu'à l'égard de la conservation et de l'histoire
des archives, vous avez été un exemple au Québec
particulièrement au point de vue des petites agglomérations,
alors que cela a été un souci qui est arrivé dans les
Cantons de l'Est bien avant que l'on retrouve le même
intérêt dans d'autres petites villes du Québec; cela a
été un peu la même chose pour le développement des
bibliothèques, par exemple, dans des petites localités comme
Beebe, ou Eaton Corner. C'est assez intéressant.
Tout à l'heure, le ministre a fait allusion aux archives
régionales. Il y a aussi des conseils régionaux de la culture.
J'aimerais vous demander si la communauté anglophone est
représentée dans le Conseil régional de la culture dans
les Cantons de l'Est.
Mme Goodfellow: Oui, nous avons deux membres du comité sur
le patrimoine qui travaillent au Conseil régional de la culture de
l'Estrie.
Mme Lavoie-Roux: Depuis combien de temps avez-vous ces
membres-là?
Mme Goodfellow: Depuis le début de notre association,
environ 1980. (22 heures)
Mme Lavoie-Roux: 1980. Et quand ont été
créés les conseils régionaux de la culture?
M. Richard: Vers 1978. Je me permettrai d'ajouter que les
anglophones de l'Estrie sont même représentés au sein de la
Commission des biens culturels par une éminente personnalité de
cette région, qui s'intéresse beaucoup en particulier aux biens
culturels et aux archives, Mme Anne MacLaren.
Mme Lavoie-Roux: Je m'en réjouis, parce que cela a
commencé en 1978 et, finalement, en 1980, on a jugé bon de nommer
des représentants de la communauté anglophone dans les Cantons de
l'Est. Je sais fort bien que, au point de départ, on avait
intentionnellement - je ne dis pas que c'est de la part du ministère, du
moins, pas à Québec - exclu les anglophones du Conseil
régional de la culture dans les Cantons de l'Est. C'est pour cela que
votre nomination remonte à 1980. On a corrigé une lacune qui,
à mon point de vue, était tout à fait inacceptable.
Est-ce que, dans les fonds d'archives que vous avez, ce sont surtout des
prêts ou des dons? C'est parce que vous faites allusion au fait que des
membres de la communauté pourraient vouloir reprendre des documents qui
leur appartiennent. Quelles sont vos règles relativement aux archives
que vous conservez? Parce que, souvent, vos archives sont reliées
à vos sociétés d'histoire, aussi.
Mme Goodfellow: Oui, comme association, nous n'avons pas
d'archives, sauf celles que nous créons pendant notre existence. Mais,
au sein des musées et des sociétés historiques, il s'agit
des deux catégories: les dons et les prêts. Je ne sais pas si cela
répond à votre question.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez les deux? Mme Goodfellow: Les
deux.
Mme Lavoie-Roux: Quels sont vos règlements? Est-ce que
vous avez des règlements généraux ou si chaque
société fait ses propres règlements? Y a-t-il un
modèle particulier? Comment procédez-vous?
Mme Goodfellow: II y a des contrats qui varient d'un endroit
à un autre, d'une société à une autre. Mais
peut-être que Mme Turgeon pourrait répondre plus
précisément.
Mme Turgeon: Comme les sociétés d'histoire sont
chacune gérées par des gens de la communauté, il y a
différents contrats qui ont été pensés et faits au
cours des années. Ce sont des conditions que les deux parties acceptent.
Une entente quant à ce qu'on peut faire, de la façon dont on peut
garder les documents, qui peut les consulter, le droit de les photocopier, de
les apporter pour consultation ou de les consulter sur place. Chaque
société d'histoire, musée ou bibliothèque a de
telles ententes qu'elle fait avec la personne qui fait un dépôt,
soit un prêt ou un don.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je comprends votre inquiétude
à certains égards. Je pense que le ministre vous a donné
des assurances sérieuses quant à ses intentions réelles.
Mais, en lisant le projet de loi, on constate qu'il y a beaucoup de pouvoirs
qui reviennent au ministre et il y a beaucoup de place pour des
règlements. Je n'y étais pas ce matin, j'étais retenue
ailleurs, mais j'imagine que ce ne sont pas les premiers qui expriment des
inquiétudes quant à la multitude de règlements qui sont
prévus dans le projet de loi. Je comprends qu'il y en a
peut-être une partie qui sont indispensables et qu'il faut
procéder ainsi. Mais, il me paraît y en avoir à beaucoup
d'endroits. Dans ce sens, même si les gens en face de nous n'aiment pas
se le faire rappeler, on sait que vous êtes très forts sur les
règlements et sur les...
M. de Bellefeuille: On a été les premiers à
le dire ce matin, madame.
Mme Lavoie-Roux: Oui? C'est cela...
M. Vaugeois: II a amorti la déréglementation.
Mme Lavoie-Roux: Vous trouviez qu'il y en avait beaucoup, vous
aussi?
M. Vaugeois: On s'en est rendu compte. Mme Lavoie-Roux:
C'est drôle... M. Richard: Moi aussi.
Mme Lavoie-Roux: ...je pensais que tout cela était d'abord
discuté au cabinet des ministres et au cabinet du ministre,
malgré tout, c'est arrivé jusqu'à cette table-ci?
M. Vaugeois: On a même créé une commission
d'étude là-dessus, madame.
M. de Bellefeuille: C'est pour cela que le Parlement existe,
madame.
Mme Lavoie-Roux: Heureusement. Je veux vous remercier.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci.
M. Hains: Pour terminer...
Le Président (M. Brouillet): Un mot du
député de Saint-Henri.
M. Hains: Nous sommes très heureux de vous avoir
reçues parmi nous. Vous formez un comité féminin qui
apporte parmi nous la grâce et la jeunesse. Vous êtes vraiment
agréées parmi nous, surtout que votre mémoire porte sur
des points très intéressants malgré qu'il recèle de
temps en temps beaucoup d'inquiétude et non sans raison, je crois.
Espérons que les amendements que nous allons apporter au projet de loi
no 3 pourront calmer votre méfiance et votre inquiétude. Soyez
assurées que nous de l'Opposition appuierons vos demandes qui sont
légitimes et bien placées. On vous remercie de votre
collaboration.
M. Richard: M. le Président, avant d'ajouter aux
grâces du député de Saint-Henri, j'aurais une question a
poser à Mme la députée de L'Acadie qui vient de
m'apprendre quelque chose...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Richard: ...que j'ignorais.
Mme Lavoie-Roux: Je pensais qu'un ministre savait tout.
M. Richard: Oui. Ce n'est pas sans importance. Vous avez dit tout
à l'heure que le Conseil régional de la culture de l'Estrie avait
déjà refusé d'admettre les anglophones. Est-ce que j'ai
bien compris?
Mme Lavoie-Roux: J'ai dit que pendant un certain temps - et c'est
ce que j'ai voulu vérifier - il n'y avait pas de représentation
anglophone au Conseil régional de la culture de l'Estrie. Cela a
été confirmé par les dates qui nous ont été
données de part et d'autre, tant de votre part que de la part de
l'association.
M. Richard: II n'y a pas eu de...
Mme Lavoie-Roux: Au comité provisoire - parce qu'il y a eu
un comité provisoire avant la formation officielle du Conseil
régional de la culture de l'Estrie - j'avais appris de sources
sûres que les gens s'opposaient à la nomination de
représentants de la communauté anglophone. C'est pourquoi je me
réjouis du fait qu'aujourd'hui il y en ait, comme vous l'avez
signalé. Ce qui me paraissait une anomalie a été
corrigée. Je pense qu'on peut s'en réjouir.
M. Richard: Vous me rassurez. Je ne tolérerais
jamais...
Mme Lavoie-Roux: Je pourrais vous donner mes sources, si vous le
voulez.
M. Richard: ...qu'une telle discrimination existe.
Le Président (M. Brouillet): Mme
Goodfellow, vous avez...
Mme Goodfellow: Je peux dire que nous sommes chez nous à
Sherbrooke et dans les Cantons de l'Est, et que nous travaillons très
bien avec nos collègues d'expression française. Nous sommes
très bien acceptés, je peux vous l'assurer.
M. Richard: Je voudrais vous remercier, Mme Goodfellow, ainsi que
vos deux collègues.
Le Président (M. Brouillet): Merci bien, mesdames.
Mme Goodfellow: Merci.
Le Président (M. Brouillet): Nous allons maintenant passer
à l'audition d'un autre mémoire, celui de la Communauté
urbaine de Montréal. J'inviterais la porte-parole à s'identifier
et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.
Communauté urbaine de Montréal
Mme Rivard (Louise): Louise Rivard, avocate au contentieux de la
Communauté urbaine de Montréal. À ma droite, M. Michel
Marsan, section gestion des documents.
M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les
députés, à titre d'organisme public visé au
paragraphe 5 de l'annexe du projet de loi no 3, la Communauté urbaine de
Montréal devra voir à l'application de ladite loi et devra entre
autres se conformer aux articles 6, 7 et 8 dudit projet de loi.
Ces articles l'obligeront à établir, à tenir
à jour un calendrier de conservation des documents actifs et
semi-actifs, à y indiquer leur période de conservation respective
et à identifier lesquels de ces documents seront des archives publiques
à l'expiration de ces périodes.
Jusqu'à présent, la Communauté urbaine de
Montréal, par une résolution de son comité exécutif
datée du 25 novembre 1982, a autorisé la mise en application d'un
programme de gestion des documents. Elle s'est dotée également
d'un comité permanent de gestion des documents qui a pour mandat de
recommander à son comité exécutif les règles de
conservation et de destruction desdits documents pour l'ensemble de la
communauté.
Ce comité permanent a déjà amorcé son
travail. Cependant, permettez-nous de vous soumettre, par la présente,
les quelques questions soulevées par les membres dudit comité,
lors de la lecture du projet de loi no 3.
Relativement à l'obligation de produire le calendrier de
conservation selon l'article 8 du projet de loi, vous comprendrez que la
Communauté urbaine de Montréal, composée d'une quinzaine
de services, ne pourra établir son calendrier de conservation et le
soumettre en son entier à l'intérieur du délai prescrit
par l'article 60, soit un an après l'entrée en vigueur du
présent projet de loi.
À cet effet, nous prenons bonne note des remarques que M. le
ministre a faites préalablement aujourd'hui relativement à
l'article 60. Également, la Communauté urbaine de Montréal
pourrait-elle sectionner son calendrier de façon qu'il soit
approuvé par étapes?
À l'expiration de la période de conservation prévue
au calendrier, en tant qu'organisme public, la Communauté urbaine de
Montréal devra assumer la conservation des archives publiques,
conformément aux règles prescrites par règlement suivant
l'article 13 du projet de loi.
La Communauté urbaine de Montréal peut-elle
espérer, aux fins de l'application de l'article 13 et peut-être
même de l'article 14, se voir octroyer une subvention aux mêmes
termes prévus à l'article 25 relativement à un service
d'archives privées agréé?
M. le ministre, ces questions vous sont posées, comme vous pouvez
le voir, dans la courte lettre que nous vous avions adressée le 17 mai
1983, parce que la Communauté urbaine de Montréal est en voie
d'organisation relativement aux archives et nous ne voulons pas faire de faux
pas, parce que tout faux pas entraînerait des dépenses
énormes.
M. Richard: M. le Président, in absentia.
Le Président (M. Brouillet): Je reviens. On voulait nous
couper le courant. Je tiens à dire présentement que nous devions
terminer à 22 heures, mais il y a eu un consentement des parties pour
poursuivre au moins jusqu'à 23 heures. Nous pourrons reconsidérer
notre décision à 23 heures, à savoir si on poursuit
jusqu'à minuit. Une minute, s'il vous plaît!
Alors, ils vont y voir demain.
M. Richard: M. le Président, je remercie Mme Rivard et son
collègue de la communauté urbaine. Je voudrais répondre
très brièvement aux deux questions qu'ils nous formulent. Je vais
inverser l'ordre des réponses par rapport aux questions. La
Communauté urbaine de Montréal ne sera pas subventionnée
pour mettre de l'ordre dans la gestion de ses documents.
Quant à l'autre question, la Communauté urbaine de
Montréal pourrait-elle sectionner son calendrier de façon qu'il
soit approuvé par étapes? Je réponds avec empressement,
oui.
Mme Rivard: Si je peux me permettre... M. Richard: II y a
un non et un oui.
Mme Rivard: Je sais que ce sectionnement fera sûrement
partie de l'entente prévue à l'article 60.
M. Richard: Voilà: (22 h 15)
Mme Rivard: Pour ce qui est de mes collègues de la ville
de Montréal, vous avez parlé d'un plan quinquennal. Est-ce qu'on
peut entrevoir une période même qui pourrait aller au-delà
de cinq ans? Comme je vous ai expliqué, nous sommes en période
d'organisation à tout niveau. Nous avions maintenant pris de l'avance.
Comme vous le voyez, notre résolution voulant commencer à mettre
de l'ordre dans nos choses date du 25
novembre 1982. Comme nous sommes encore dans un état
embryonnaire, nous ne voulons pas faire de faux pas et tout simplement
collaborer.
M. Richard: Je dois vous signaler que c'est quand on est à
l'époque embryonnaire qu'il est le plus facile de mettre de l'ordre dans
la gestion des documents. C'est beaucoup plus facile que quand on a de
l'âge et qu'il faut repérer tous les documents. Encore là,
les Archives nationales et leur conservateur seront, je n'en doute pas,
très souples à cet égard.
Mme Rivard: Ils seront à l'écoute.
M. Richard: Ils seront à l'écoute de la
communauté urbaine comme des autres organismes.
Mme Rivard: Alors, je vais retourner à Montréal
avec ces bonnes paroles. Merci beaucoup.
M. Richard: Je vous remercie. Mon collègue, le
député de Trois-Rivières a...
M. Vaugeois: Je ne veux pas avoir préséance.
M. Hains: Allez-y, allez-y.
M. Vaugeois: Ce sont vos questions qui me suggèrent des
questions au ministre et je pense que c'est le moment de les poser. Comme il y
a certaines obligations de faites à des organismes, M. le ministre, on a
l'article 78 qui nous dit que: La présente loi a effet à compter
du" ...là sera la date du dépôt du présent projet de
loi; donc dans quelques jours, quelque part en mai 1983. La loi aura effet
à partir de mai 1983.
Par ailleurs, l'article 79 nous dit: "La présente loi entre en
vigueur le jour de sa sanction." Je voudrais vous demander qu'elles sont vos
intentions à cet égard? Est-ce que vous souhaitez tout de suite
provoquer la sanction du projet de loi dès le mois de juin si possible,
et avant que les règlements eux-mêmes puissent entrer en vigueur,
ou si vous prévoyez une période de délai assez longue pour
la mise au point des règlements?
Je comprends que vous nous avez déjà dit que les projets
de règlement seraient prêts au moment où nous
étudierons le projet de loi. On sait que ce sont des projets de
règlement et que cela fait l'objet d'ajustements. Or l'expérience
nous démontre que cela prend facilement un an avant que les projets de
règlement soient prêts, approuvés, parce qu'il y a toute la
procédure de la Gazette officielle, il y a déjà des
délais légaux pour que les règlements entrent en vigueur.
Qu'est-ce qui va compter pour la communauté urbaine? Est-ce que c'est le
dépôt de la loi, l'entrée en vigueur ou si cela va
être la mise au point avec l'entrée en vigueur des
règlements?
M. Richard: Nous tenons, M. le député de
Trois-Rivières, à ne pas précipiter indûment les
choses et à faire en sorte que les règlements soient connus au
moment de la mise en vigueur de la loi.
M. Vaugeois: Dans le cas de la communauté urbaine, elle
sera régie par quoi? La date de dépôt du projet de loi,
l'entrée en vigueur de la loi ou l'entrée en vigueur des
règlements?
M. Richard: Elle doit tenir compte de la date du
dépôt de la loi qui est le 31 mars mais, forcément, tant
que la loi n'est pas en vigueur, tant qu'elle n'a pas été
sanctionnée, elle n'a pas d'effet.
M. Vaugeois: M. le Président, vous me permettrez un
commentaire d'après une expérience de parlementaire. Vous avez du
temps devant vous, parce que, entre l'entrée en vigueur de la loi,
malgré la meilleure bonne volonté du ministre, et la mise au
point des règlements, il y a un processus très long. Cela fait
l'objet d'une négociation dans l'administration et
généralement d'ailleurs l'administration revérifie
auprès des organismes concernés ce qui est réaliste. Donc,
on peut dire sans moquerie qu'il y a des délais inévitables
devant vous. La vérité, c'est que même si le ministre
accepte d'évaluer cela par étapes, de l'approuver par
étapes, il reste que c'est bon de le savoir tout de suite.
Mme Rivard: Nous serons toujours tenus au contenu du
règlement. Ce que nous voulions par notre intervention, c'est de faire
part au ministre de l'état dans lequel nous nous trouvions, soit
embryonnaire, et s'entendre. Je pense qu'à l'article 60, comme l'a
mentionné plus tôt aujourd'hui, M. le ministre, tout pourra faire
l'objet d'une entente et même les dates, car il n'y a pas lieu de
mentionner de date parce que c'est l'entente qui prévaudra surtout. Si
j'ai bien compris ce qu'on a dit aujourd'hui.
M. Richard: Vous avez très bien compris.
Le Président (M. Brouillet): Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
M. Hains: Ce n'est pas une question, c'est une conclusion.
Le Président (M. Brouillet): Conclusion, très
bien.
M. Hains: Je vais passer pour un
homme très léger si cela continue. Mme Rivard, M. le
ministre m'a coupé vraiment les deux questions que je voulais vous
poser, par ses réponses. Il m'a coupé en même temps le
souffle. Je n'ose pas dire que c'est votre présence qui m'a coupé
le souffle. Je vous remercie de votre gracieuse collaboration ainsi que celle
de M. Marsan. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter un bon retour
à Montréal, notre belle ville à nous deux.
M. de Bellefeuille: Cela, M. le Président, c'est le mot de
la fin et le fin du mot.
M. Hains: Merci.
Une voix: Merci, bonsoir.
Le Président (M. Brouillet): Bonsoir et merci.
Nous entendrons maintenant le représentant de la ville de
Québec. Je demanderai au porte-parole de s'identifier et de nous
présenter ses collaborateurs.
Ville de Québec
M. Gagnon (Gilles): Merci, M. le Président. Je m'appelle
Gilles Gagnon, je suis conseiller exécutif de la ville de Québec.
À ma droite, Mme Ginette Noël, chef de la division des archives,
et, à ma gauche, Me Antoine Carrier, greffier de la ville de
Québec.
M. le Président, M. le ministre, messieurs les
députés, mesdames, messieurs, je vais lire brièvement le
document, sauf la dernière partie dans les modifications à
apporter à la forme puisque nous aurons traité du contenu de
chacun des articles en passant. Je vais tâcher de lire assez
rapidement.
À cause de l'importance qu'elle accorde à son patrimoine
archivistique, la ville de Québec tient à présenter son
point de vue sur le projet de loi no 3 concernant les archives. Les
observations qui suivent ne prétendent pas à
l'exhaustivité, mais suggèrent des éléments de
réflexion à prendre en considération pour modifier le
projet actuel dans l'intérêt des archives municipales.
Ce projet de loi constitue un premier pas vers une politique d'action
dans le domaine des archives au Québec. Il témoigne de la
volonté du gouvernement d'identifier et de préserver les archives
historiques du Québec et d'encourager les détenteurs à en
prendre soin.
Dans le domaine de la terminologie, non seulement il n'existe pas
suffisamment de définitions dans le projet, on en découvre
quelques-unes par déduction à la lecture du document, mais celles
qui sont utilisées ne correspondent pas nécessairement aux normes
internationalement admises par l'ensemble des archivistes. Par exemple, la
définition d'archives publiques, article no 2, est très
limitative si on la compare à celle employée par l'UNESCO qui se
lit comme suit: "L'ensemble des documents, quelle que soit leur date ou leur
nature, réunis, élaborés ou reçus par une personne
physique ou morale, pour les besoins de son existence et l'exercice de ses
tâches, conservés d'abord pour servir de preuve et pour ses
besoins administratifs, et conservés ensuite pour leur valeur
d'information générale..." Il aurait été plus
conforme aux pratiques archivistiques reconnues d'utiliser le terme "versement"
au lieu de "remise". Je pense que cela a déjà été
mentionné au cours de la journée.
Délégation. Dans le projet no 3, tel qu'il se
présente actuellement, le ministre des Affaires culturelles a beaucoup
de pouvoirs. Il peut seul, ou après avoir reçu un avis de la
Commission des biens culturels, remettre en question des décisions
internes émanant d'une municipalité. On peut sérieusement
se demander si malgré toute leur bonne volonté, le ministre des
Affaires culturelles et la Commission des biens culturels possèdent la
connaissance suffisante des dossiers municipaux pour renverser des
décisions que le milieu croyait justifiées. Nous sommes en
conséquence partisans de l'insertion dans le projet de loi sur les
archives de la notion de personne désignée. Le ministre des
Affaires culturelles pourrait s'inspirer, pour ce faire, de la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels.
Réglementation. L'application de cette loi aura un impact sur
l'établissement des priorités dans les municipalités. Les
effets de cette loi sur les activités archivistiques sont actuellement
impossibles à évaluer parce qu'ils dépendent trop d'une
réglementation qu'on ne connaît pas encore, les articles nos 13 et
44, entre autres. Il faudrait que le ministère divulgue dans le texte de
loi les grandes orientations qu'il entend prendre dans le domaine de la
conservation des documents puisque c'est là que réside le plus
grand impact de la loi sur nos opérations. Il ne faut pas oublier que la
conservation dans un sens large inclut aussi le traitement. On peut donc penser
à des interventions dans l'élaboration d'instruments de recherche
et autres.
Nous croyons que l'ajout de spécifications est possible car si
les articles 13 et 44 ne sont pas assez précis, d'autres par contre le
sont peut-être trop et ressemblent davantage à des
règlements. Par exemple, l'article no 7 décrit dans le
détail les éléments qu'on devrait retrouver dans un
calendrier de conservation et l'article no 36 énumère tout ce qui
doit se retrouver sur un
avis de transport de documents hors du Québec.
L'article 45 prévoit un mécanisme permettant aux
organismes touchés de se prononcer sur un règlement concernant la
Loi sur les archives. Cependant, nous sommes d'avis qu'il faudrait consulter
les municipalités au moment de l'élaboration de tout
règlement pouvant avoir une incidence sur la conservation et le
traitement des archives municipales.
De toute évidence, cette loi semble avoir été
rédigée par rapport aux documents gouvernementaux. La meilleure
preuve à l'appui de cette affirmation, c'est qu'il n'y pas eu de
consultation à ce sujet dans les autres milieux. Le ministère
veut simplement transposer des politiques, mais à plusieurs
égards la loi ne répond pas aux besoins spécifiques des
municipalités. On y revient dans les articles 16, 19, 30 et 34 plus
loin.
Certains documents municipaux déjà réputés
archives historiques, les procès-verbaux et règlements entre
autres ne figurent pas dans la loi comme étant des archives historiques,
l'article 16. D'autre part, des mesures de protection et des
prérogatives applicables aux documents gouvernementaux ne le sont pas
aux documents municipaux, dans les articles 30 à 32, par exemple.
Si le ministère des Affaires culturelles veut que la Loi sur les
archives atteigne les objectifs d'identification et de préservation de
toutes les archives historiques du Québec qu'il s'est fixés il
devra lui apporter un certain nombre de modifications.
Le chapitre suivant présente en détail les corrections que
la ville de Québec juge souhaitables d'apporter à la Loi sur les
archives pour qu'elle s'applique de manière uniforme à toutes les
archives du Québec qu'elles qu'en soient leur origine, gouvernementale,
municipale ou autres.
Modifications: Ajouter un article permettant de déléguer
des pouvoirs ou des responsabilités aux municipalités et
prévoir un mécanisme pour désigner la ou les personnes
responsables.
L'article 8 portant sur l'approbation par le ministre des calendriers de
conservation. Le ministre pourra-t-il réellement approuver les
calendriers de conservation de près de 5000 organismes en plus des
organismes gouvernementaux, dans les prochaines années?
Nous proposons de limiter l'obligation des organismes publics à
déposer auprès du ministre leur calendrier respectif et ce, dans
des délais raisonnables.
L'article 10 portant sur l'obligation faite aux fonctionnaires et
l'exception prévue pour les élus de laisser les documents qu'ils
ont produits ou reçus dans l'exercice de leur fonction au sein d'un
organisme public. Retirer le deuxième paragraphe de cet article. Quel
principe invoquer pour justifier qu'un élu ne soit pas tenu de laisser
des documents qu'il a produits ou reçus dans le cadre d'une fonction au
sein d'un organisme public?
L'article 13 portant sur les règles de conservation des archives
publiques. Trop général malgré les nombreuses implications
qu'il sous-tend, cet article mériterait d'être
précisé. Il faudrait y retrouver les orientations des
règles de conservation.
L'article 16 portant sur un certain nombre de documents
réputés archives publiques. Compléter la liste en y
ajoutant les documents municipaux de même type car, à l'instar du
gouvernement, les municipalités détiennent un certain nombre de
documents immédiatement de valeur historique ou actifs pendant une
très longue période.
L'article 19 portant sur des documents les membres de l'Assemblée
nationale. Cette mesure incitatrice prévue pour les membres de
l'Assemblée nationale devrait avoir un pendant pour les
municipalités puisqu'on y retrouve là également les
élus.
L'article 21 portant sur l'élimination de certains documents. Cet
article est le seul où le ministre peut décider sans prendre
aucun avis. Pourtant on parle de destruction. On peut imaginer un
néophyte demandant au ministre l'autorisation de détruire des
documents importants. Ce dernier serait-il en mesure de décider du
bien-fondé de la demande? Le ministre devrait au moins obtenir un avis
favorable de la Commission des biens culturels avant d'autoriser
l'élimination de tout document.
Dans les articles 30 à 32 portant sur les archives privées
déposées auprès du ministre. Cette possibilité de
soustraire certains documents à la Loi sur l'accès aux documents
des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels
pourrait constituer un avantage pour les municipalités comme pour le
gouvernement et l'histoire en général y retrouverait son
bénéfice.
L'article 34 portant sur une mesure permettant de prendre possession de
documents anciens. On pourrait le compléter d'un alinéa
supplémentaire qui permettrait aux municipalités de
récupérer les documents importants pour son histoire qui sont
encore éparpillés.
L'article 38 portant sur l'élaboration d'une politique de gestion
des archives publiques. Comment se fait-il que l'on parle ici de documents
actifs ou semi-actifs alors que la loi, si on se réfère à
l'article 2, se confine aux documents inactifs. Il y a là matière
à confusion.
L'article 44 sur les règlements à venir. Notre remarque de
l'article 13 s'applique aussi dans ce cas-ci. (22 h 30)
Pour les modifications à apporter à la forme, comme je le
mentionnais tout à
l'heure c'est une question d'organisation et je pense que je
n'insisterai pas sur les éléments qui sont là-dedans, vous
les avez entre les mains. Espérons, M. le Président et M. le
ministre, que ces différentes suggestions seront prises en
considération pour parfaire encore un peu le projet de loi qui, nous le
savons tous, a déjà subi plusieurs polissages. Nous sommes
conscients qu'une loi sur les archives a son importance; aussi croyons-nous
qu'il ne faut rien négliger pour la rendre conforme le plus possible
à la réalité archivistique québécoise.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Gagnon. M. le
ministre.
M. Richard: À mon tour, M. le Président, je
voudrais remercier M. Gagnon et ses collègues et poser une question et
faire une observation. La question est: Qui, selon vous, doit être la
personne désignée à laquelle seraient
délégués les pouvoirs?
M. Gagnon (Gilles): M. le ministre, j'ai une bonne idée de
cette personne qui pourrait être désignée mais je vais
laisser l'occasion à ma collègue, Mme Ginette Noël qui est
chef des archives de la ville depuis déjà quelques
années.
M. Richard: Vous avez de nouveaux locaux.
M. Gagnon (Gilles): Je pense qu'elle a de bonnes idées
là-dessus. On a des...
M. Richard: Vous avez de nouveaux locaux et c'est accessible au
public.
M. Gagnon (Gilles): Certainement.
M. Richard: Voilà.
Le Président (M. Brouillet): Madame.
Mme Noël (Ginette): Comme on l'a dit dans le document cela
pourrait être, comme dans la loi 65, une haute autorité dans la
ville, soit le maire ou le gérant ou autre qui, lui, verrait à ce
que ses fonctionnaires établissent des politiques en matière de
gestion des archives.
M. Richard: Je voudrais maintenant faire une observation. C'est
que l'article 16... Si nous avons conçu l'article 16 - je pense que vous
l'aviez un peu deviné mais -c'est qu'au gouvernement ce sont des
ministères différents qui gèrent les documents aux trois
stades: actifs, semi-actifs et inactifs. Il n'en est pas nécessairement
ainsi ailleurs. Par exemple, à la ville de Québec, qui
gère les documents aux trois stades?
Mme Noël: Je suis d'accord avec vous. Excusez. Est-ce que
vous me permettez de répondre?
Le Président (M. Brouillet): Allez, allez.
Mme Noël: Je suis d'accord avec vous mais si on se
réfère à la définition d'"archives publiques" dans
le projet de loi actuel ou à l'article 2, à la ville de
Québec, ne seraient archives publiques que des documents inactifs
présentant un intérêt historique reçus ou produits
par un organisme public dans l'exercice de ses activités. Or nous avons
à la ville des documents qui sont encore actifs et qui sont
réputés archives historisques tels vos règlements et...
À l'article 16 vous parlez de projet de loi, original d'une loi,
original d'un décret ou d'un arrêté. Nous avons à la
ville de Québec le pendant, c'est-à-dire des règlements et
autres documents qui ne sont pas inactifs. Vous n'entendez pas ce que je dis?
Oui?
C'est dans ce sens que nous aimerions que nos documents historiques
soient tous compris dans votre projet de loi parce que si on le lit comme il
est il n'y a que les documents inactifs qui seraient archives historiques, ce
qui n'est pas le cas, comme au gouvernement.
M. Gagnon (Gilles): II faudrait peut-être ajouter, M. le
ministre, qu'avant la loi 65 la personne qui est désignée pour
être responsable de l'accessibilité aux documents est la plus
haute autorité de la ville. Il n'y aurait rien qui s'oppose à ce
que, dans ce cas-ci, ce soit la même personne qui soit
désignée que dans le cas de la loi 65 qui, par la suite, pourrait
elle-même désigner quelqu'un qui serait chargé plus
particulièrement de cet aspect.
M. Richard: Dernière observation, M. le Président.
Avec votre permission je voudrais signaler à M. Gagnon et ses
collègues que le ministre des Affaires culturelles n'a pas l'intention
de se substituer aux Archives nationales pour approuver les calendriers de
conservation.
Mme Noël: Vous avez dit aux Archives nationales?
M. Richard: Oui. Pour approuver les calendriers de conservation
il faut bien mettre, exactement comme vous me le suggérez, pour
désigner le maire et ce n'est certainement pas le maire, ce sera
plutôt vous, Mme Noël, n'est-ce-pas? J'en suis persuadé. De
même que vous me suggérez le maire comme personne
désignée, de même la loi retient un nom qui, en
l'occurrence, est l'autorité ultime, c'est-à-dire le
ministre..
Mme Noël: Les Archives nationales, il
nous apparaît difficile qu'elles puissent approuver des
calendriers de conservation en provenance de cinq mille organismes dans peu de
temps.
M. Richard: Oui, sauf qu'elles sont réparties un peu
partout sur le territoire du Québec. Il y a neuf succursales - si je
peux me permettre l'expression - qui pourraient se partager la tâche.
Cela ne doit pas être plus pénible que pour le maire d'approuver
le calendrier pour une municipalité.
Mme Noël: C'est plus pénible car il connaît
quand même les documents municipaux. Je ne pense pas que les archivistes
des Archives nationales du Québec, malgré qu'ils puissent avoir
une certaine connaissance, en aient autant que ceux du milieu
concerné.
M. Richard: Pas pour les documents municipaux, mais ils sont
réputés connaître ce que sont des archives.
M. Carrier (Antoine): Ne pourrait-on pas prévoir une
disposition dans le cas des corporations municipales? Vous êtes le
ministre responsable pour les organismes gouvernementaux. Si on ajoutait un
paragraphe ou un article après l'article 43 qui dirait que dans le cas
des municipalités, c'est la personne qui détient la plus haute
autorité dans ces corporations...
M. Richard: Cela serait un peu risqué dans certains cas,
Me Carrier, puisque justement on doit avoir une loi pour inciter à la
conservation des archives.
Le Président (M. Brouillet): Le député de
Saint-Laurent a une question.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites à la page 4 de votre
mémoire que de toute évidence cette loi a été
rédigée en fonction des documents gouvernementaux. Vous dites
qu'il y a sûrement une différence entre la gestion de documents -
enfin, c'est ce qu'on peut déduire - gouvernementaux et les archives
municipales, les documents municipaux. Est-ce qu'on pourrait savoir quelle
sorte d'ajustements vous voudriez prévoir dans la loi de façon
qu'on ait une gestion adéquate pour ces documents des
municipalités ou d'autres organismes?
Mme Noël: Nous avons, dans les différents articles
où c'était approprié, mentionné les modifications
qu'il y aurait lieu d'apporter à la loi. Aux pages 5 et suivantes,
à tous les articles où cela nous apparaissait nécessaire
on ajoutait une précision pour les archives des organismes publics
décentralisés.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'avez pas de différence
spécifique entre les deux types. Vous ne pouvez pas mentionner certaines
différences entre les deux types de gestion?
Mme Noël: C'est qu'il n'y a pas de différence dans la
gestion comme telle. On aimerait que certaines des prérogatives de la
loi qui s'appliquent aux documents gouvernementaux s'appliquent aussi pour les
organismes décentralisés.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites à la page 5: "Nous
proposons de limiter l'obligation des organismes publics à
déposer auprès du ministre leurs calendriers respectifs et ce
dans des délais raisonnables." Je veux bien comprendre les
"délais raisonnables", mais lorsque vous parlez de limiter l'obligation
quant au dépôt des calendriers, je ne comprends pas comment vous
pouvez limiter cela.
Mme Noël: À l'article 8 on demande de porter nos
calendriers de conservation à l'approbation du ministre. Nous, on
préférerait simplement avoir à déposer les
calendriers de conservation déjà approuvés par les
autorités en place dans les municipalités.
M. Gagnon (Gilles): II ne faut peut-être pas trop attacher
d'importance au mot "limiter". On voulait se limiter à un
dépôt de calendriers déjà approuvés par le
conseil ou l'exécutif de la ville sans être obligé de les
faire approuver par le ministre par la suite. On pensait qu'un calendrier qui
était bien bâti au départ par la ville et approuvé
comme tel pouvait avoir toutes les garanties d'un calendrier efficace et qu'on
ne serait pas tenu d'attendre son approbation pour le rendre
opérationnel.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites que vous n'avez pas
été consultés, que les municipalités n'ont pas
été consultées avant la rédaction du projet de loi.
Je vais poser la question au ministre: M. le ministre, vous proposez-vous de
consulter les municipalités avant de rédiger les
règlements? Enfin, vous êtes en train de les rédiger.
M. Richard: M. le Président, je n'ai aucune objection
à consulter les municipalités sur les règlements
puisqu'elles ont été consultées en ce qui a trait à
la loi sur les archives, pas spécifiquement, mais au moment de ma
tournée où, encore une fois, je le répète,
plusieurs mémoires - il y en a eu 22 - ont porté
spécifiquement sur les archives. C'est à partir des demandes
formulées dans les mémoires qui m'ont été
présentés au cours de ma tournée à travers le
Québec que j'ai jugé urgent de présenter
cette loi sur les archives.
Bien sûr, toutes les municipalités, n'ont pas
été nommément consultées.
Le Président (M. Brouillet): Oui. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
vous dire, M. Gagnon, Mme Noël et M. Carrier, que vous répondez
à une de mes attentes parce que si vous étiez là ce matin,
vous vous rappellerez peut-être que j'avais exprimé le
désir que les groupes qui se présentent devant nous nous
éclairent sur la question des paperasses des députés,
parce que les députés sont évidemment, par rapport
à leurs archives personnelles, aux documents qu'ils accumulent, dans une
situation où ils sont à la fois juge et partie. Or, dans votre
mémoire, si je comprends bien, vous êtes en faveur du versement
aux archives des documents des élus. Vous ne vous intéressez pas
seulement aux documents des députés, vous vous intéressez
aux documents des élus municipaux. J'imagine que vous avez raison en ce
qui me concerne. Mais je voudrais vous demander comment vous répondez
à une des objections que l'on formule à ce sujet. Quand on dit
que les papiers des députés devraient être versés
aux archives, on fait une analogie avec le secret professionnel. On signale que
les papiers des députés contiennent des renseignements personnels
sur des tiers et que, par conséquent, dans l'esprit d'une loi que nous
avons adoptée récemment, la loi 65, qui protège les
particuliers contre la divulgation de renseignements personnels, il pourrait
être mal indiqué de divulguer des renseignements contenus dans les
documents accumulés par les députés. Comment
répondez-vous à cette objection?
M. Gagnon (Gilles): Je ne ferai que référence
à l'article 19. Bien sûr, on demande aux membres de
l'Assemblée nationale, et par voie de conséquence, aux
élus municipaux de faire le dépôt quand on juge à
propos de le faire. Au moment où le député pourrait
être appelé à déposer ses documents pour
répondre à la partie que vous mentionnez sur la question des
documents qui sont absolument personnels ou qui contiennent des informations
sous le couvert de la confidentialité, quand on juge à propos de
remettre des documents je pense bien qu'on peut faire un premier tri de
certains documents. Même si on avait toujours fait ce tri, on n'aurait
peut-être pas l'observation que le député de
Trois-Rivières faisait cet après-midi, qu'on avait à peine
5% des documents des élus qui sont passés au Québec depuis
1967... Je ne peux pas croire que les autres 95% étaient des documents
strictement confidentiels. C'est qu'on a probablement négligé de
les remettre pour toutes sortes de raisons qu'on n'a pas à identifier.
En tout cas, je verrais un premier tri. D'abord, je retire les documents qui
contiennent des informations strictement sous le couvert confidentiel ou qu'on
ne voudrait pas divulguer. Si pour le reste, on ne voit pas d'objection
à remettre les documents, pour quelle raison ne les remettrait-on
pas?
M. de Bellefeuille: Votre réponse m'inquiète.
Qu'est-ce que cela veut dire de retirer les documents qui contiennent les
renseignements personnels ou confidentiels? Cela veut dire qu'ils ne sont plus
disponibles pour l'archivage. Il me semble qu'il faut trouver un autre moyen
parce que ces renseignements peuvent être de toute première
importance pour les chercheurs. (22 h 45)
M. Gagnon (Gilles): Entre ne rien avoir, M. le
député, et avoir toute la documentation d'un élu, à
laquelle il a soustrait un certain nombre de dossiers qu'il jugeait trop
pertinents à des problèmes de confidentialité ou de secret
professionnel, entre ne rien avoir et avoir tout le reste, il me semble que
c'est déjà une très grosse amélioration. En tout
cas, j'ai l'impression que le pourcentage de M. le député de
Trois-Rivières, pour les historiens, serait certainement grandement
amélioré. Je ne peux pas croire que tous les documents d'un
élu ont un caractère confidentiel à ce point qu'il va les
retirer tous.
M. de Bellefeuille: Vu la nature humaine, ce que je constate,
c'est que, quand c'est important, il y a des gens qui sont un peu maniaques de
la confidentialité. Dès que c'est important, vite, c'est secret.
C'est gênant, puisque si c'est important, les chercheurs en auront
besoin. Est-ce qu'il n'y a pas un autre mécanisme? Qu'est-ce que vous
pensez d'un autre mécanisme... D'abord, le tri, en ce qui me concerne,
je préférerais que ce ne soit pas moi qui le fasse. Il y a des
professionnels dans ce domaine à qui je ferais confiance. Il y a un
autre mécanisme qui consiste à fixer un délai dans le
temps. Le professionnel dirait: C'est un renseignement de nature personnelle,
on le gèle pour 20 ans ou... Je ne sais pas quelle est la période
de temps magique. Est-ce que vous seriez favorable à un mécanisme
de ce genre, selon lequel les renseignements jugés personnels
demeureraient confidentiels pendant une période de temps X, après
quoi, les chercheurs y auraient accès?
Mme Noël: Je crois, M. le ministre, que ce matin,
l'Association des archivistes a présenté une motion de
modification à cet égard et nous sommes favorables à cette
même modification. D'ailleurs, ce que nous voulions souligner dans cet
article, c'est qu'il
n'y avait pas de pendant pour les élus municipaux. On voulait
insister sur le fait que les élus municipaux soient aussi incités
à déposer leurs archives dans les dépôts, où
il y en a, dans les municipalités ou ailleurs, mais qu'il y ait une
mesure incitatrice pour ce type d'élus, qui existe dans notre
société.
M. de Bellefeuille: II reste à savoir, madame, si les
mesures incitatrices sont suffisantes. Je serais plutôt enclin...
Mme Noël: ...si le projet de loi était
modifié...
M. de Bellefeuille: ...à envisager une forme ou une autre
de contrainte.
Mme Noël: On serait favorable, nous aussi, si le
projet...
Le Président (M. Brouillet): Me Carrier aurait un mot
à ajouter.
M. Carrier: M. le député, vous avez dit
tantôt que vous hésitiez à faire vous-même le tri et
le confier à des spécialistes. Il reste quand même,
à ce moment-là, le problème de la confidentialité
du document ou encore, de l'information; le spécialiste ne pourra pas
dire si c'est confidentiel ou non. Il sera là en tant que technicien
pour dire...
M. de Bellefeuille: À cet égard, j'accepte
volontiers l'idée d'un tri qui a été mentionnée par
M. Gagnon. Mais le tri, à ce moment-là, vise à noter,
à indiquer que tel document est de nature confidentielle pour telle
raison plutôt qu'à retirer le document.
M. Carrier: Absolument; d'ailleurs, vous avez certaines
dispositions dans le projet de loi no 65 sur la confidentialité de
certaines informations. On pourrait peut-être faire une analogie dans les
deux lois et arriver à une espèce de consensus
là-dessus.
M. Richard: M. le Président, je pense que Me Carrier a
très bien saisi l'ampleur du problème. Je pense que 99,9% des
documents de députés peuvent être versés aux
archives publiques et ne causent pas de problèmes quand il s'agit de
l'administration publique, quelle que soit l'importance des documents. Mais il
y a des cas, de temps en temps - je pense en particulier à des documents
de députés - où un électeur ou une électrice
vient trouver son député et lui confie un document de nature
vraiment très confidentielle. Souvent, en plus, il y a confusion,
surtout dans le cas de ceux qui sont avocats: beaucoup d'électeurs et
d'électrices viennent les consulter à la fois comme avocat et
comme député. À ce moment-là, c'est tout à
fait assimilable - ou le notaire - au secret professionnel.
Je ne voudrais même pas, quant à moi, tout disposé
que je suis, à verser certains documents aux archives. C'est là
la difficulté. Je suis tout à fait favorable à cela, mais
je ne voudrais pas manquer au secret professionnel qui, manifestement, me lie
quand plusieurs des électeurs et électrices viennent me trouver
et remettre leurs documents aux archives même avec une prescription. Je
pense que vous avez saisi l'ampleur du problème. Ce qui est dommage,
c'est que ce n'est pas vrai pour 99,9% des cas où on pourrait verser.
J'ai en mémoire des cas même tout récents où des
gens m'ont véritablement confié des documents d'une nature tout
à fait confidentielle qu'ils ne m'auraient jamais confiés
d'ailleurs s'ils avaient su qu'un jour je les verserais à des
archives.
C'est peut-être la même chose pour le notaire. C'est pour
cela que j'ai de la difficulté, et je le reconnais d'emblée,
à rédiger cet article. Je suis tout à fait d'accord avec
le député de Trois-Rivières et mon collègue pour
dire qu'il faudrait en verser le plus possible. Mais comment rédiger la
règle qui nous permettrait de verser ces documents?
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Juste une petite question pour faire sérieux.
Vous demandez en page 5... Je veux dire de ma part, je parle de moi. Vous
demandez en page 5 que soit incluses à l'article 13 les orientations que
le ministre entend donner aux règles de conservation. Très
brièvement, est-ce que vous pourriez quand même me donner une
petite idée de ce que pourraient être ces orientations que vous
demandez?
Mme Noël: On en a parlé beaucoup au niveau de la
réglementation. C'est notre désir aussi de voir exactement dans
quelle voie s'engagent les Archives nationales au niveau des obligations qui
seront faites aux organismes de décentraliser pour conserver leurs
archives.
M. Hains: C'est compliqué. Nos remerciements à vous
trois, surtout à M. Gagnon. Je vous dis en terminant que vous avez
vraiment le franc-parler des Québécois et que vous
n'hésitez pas à affirmer, malgré toutes les assertions de
M. le ministre, qu'il y a peut-être eu un manque de consultation
vis-à-vis des municipalités. J'espère que M. le ministre
saura consulter les autorités municipales avant de mettre la
dernière touche à la loi et surtout, peut-être, aux
règlements qui viendront compléter cette loi.
M. Richard: M. le Président, je ne peux
pas m' empêcher de répondre à cette affirmation.
M. Hains: C'était dans le texte à plusieurs
endroits...
M. Richard: J'ai noté que le député de
Saint-Henri est partisan le matin et en fin de soirée.
M. Hains: ...de la consultation.
M. Richard: Entre les deux, cela va.
M. Hains: Non, mais si cela venait de moi...
M. Richard: Le matin, c'est parce qu'il n'est pas
réveillé et en fin de soirée c'est parce qu'il
s'endort.
M. Hains: Je suis très alerte, mais je crois que M. Gagnon
l'a maintes fois répété, il s'est plaint d'un manque de
consultation dans son mémoire. Alors, ce n'est pas moi qui ai dormi
pendant ce temps.
M. Richard: M. le Président, y a-t-il meilleur exercice
démocratique et meilleur exercice de consultation que ce qu'on est en
train de faire présentement?
M. Hains: J'accepte cela et c'est ce que j'ai dit, que
j'espère que vous en tiendrez compte dans les retouches à la loi
et surtout dans la réglementation.
M. Richard: Vous le verrez, M. le Président.
M. Hains: Merci. C'est cela que j'attends de vous.
Le Président (M. Brouillet): Je crois que le
député de Trois-Rivières aurait aussi son petit mot
à dire.
M. Vaugeois: C'est-à-dire que le député de
Deux-Montagnes a relevé l'essentiel de ce que je voulais relever, mais,
comme on a rapelé des choses que j'avais dites ce matin et que je les ai
dites un peu rapidement, je voudrais les préciser. Il y a à peu
près 5% des hommes politiques qui ont été élus au
Québec, ici, au Parlement, depuis 1792 qui ont laissé des traces
aux archives. Quant aux premiers ministres, il y en a quatre ou cinq qui ont
des documents significatifs. Je pense bien que j'ai été un peu
catégorique. On a quelques documents sur chacun d'eux qui viennent de
différentes sources. Des documents en importance un peu significative,
il y en a pour quatre ou cinq premiers ministres.
Je voudrais revenir sur le point soulevé par le
député de Deux-Montagnes et également sur ce que le
ministre a rappelé encore une fois. On diffère un petit peu
d'opinions. Ce sont des opinions qui n'ont pas été
tranchées dans le programme du parti et on a le droit d'avoir des
opinions là-dessus. Je comprends que...
M. Richard: C'est tranché dans le programme du parti, M.
le Président. Le député de Trois-Rivières se permet
d'avoir des opinions.
M. Vaugeois: Est-ce que c'est un compliment que vous me faites,
M. le ministre?
M. Richard: Un compliment, M. le Président.
M. Vaugeois: M. le Président, est-ce que c'est inscrit? Je
comprends qu'il s'agit du mémoire de la ville de Québec. Je vais
vous demander de réagir à cela. Est-ce que les élus de
votre conseil, maire en tête, ont eu l'occasion de considérer tous
les aspects du mémoire et ceux qui les concernent d'abord? Pour moi,
c'est assez important. Cela signifierait que des élus pour lesquels j'ai
beaucoup d'estime, d'admiration et d'amitié ont pris une position que
nous ici, n'avons pas encore prise. Cela pourrait nous servir de point de
référence. Cela est dit de façon très claire dans
le mémoire - M. le ministre, je me permets d'attirer votre attention
là-dessus - en page 5: La ville de Québec nous invite à
retirer le deuxième paragraphe de l'article no 10. Je pense que c'est
très clair. Ce sont des élus qui s'expriment et qui disent: Nous,
on ne veut pas de faveur, quand un élu occupe une fonction non
élective. Soit dit en passant, j'aimerais que vous me donniez des
exemples. Peut-être que cela ne se produit pas à la ville de
Québec étant donné l'importance de la municipalité,
mais votre expérience du niveau municipal pourrait peut-être nous
fournir des exemples qui feraient que l'article 10 permettrait à des
gens dans une petite municipalité de partir avec pas mal de documents
parce qu'un élu a occupé une fonction qui normalement est
occupée par un non-élu. Si cela avait été le cas,
lui, il aurait dû remettre les documents. Mais, comme la fonction
était occupée par un élu, il n'est pas tenu de rapporter
les documents. Des élus nous incitent donc à faire sauter le
deuxième paragraphe de l'article 10. Je trouve cela intéressant.
Mais cela ne touche pas et je pense que cela ne peut jamais toucher les
élus de l'Assemblée nationale. Encore là, M. le ministre,
je vous inviterais à nous donner des exemples, à savoir si cela
était possible de s'appliquer pour un élu de l'Assemblée
nationale, le deuxième paragraphe de l'article 10.
À la page 6, la ville de Québec nous
dit: On aimerait cela qu'il y ait une mesure incitatrice pour les
élus des municipalités, pour les inciter à remettre leurs
documents. Et vous revenez à la charge, d'ailleurs - ce n'est pas une
distraction de votre part - en page 9, en disant: À l'article 19, on
voudrait mettre davantage l'accent sur la mesure incitatrice que sur le fait
que ce type de documents devienne des archives publiques. Je pense que votre
position est très claire. J'aimerais que vous me disiez clairement que
c'est la position de la ville et donc, également, des élus de
l'administration de la ville de Québec.
Je me permets un commentaire avant de m'arrêter. Même si je
respecte profondément ce que vient de dire le ministre et que je ne
doute pas qu'il ait raison sur 0,1% des cas, il reste que je crois, moi, que
les archivistes sont tout à fait aptes à juger du
caractère des documents qu'on leur confie parce que la loi 65
établit déjà le caractère des documents des
hôpitaux qui traitent de choses très intimes. Des gens ne sont pas
détruits parce qu'on touche des questions intimes. Des documents des
tribunaux, des documents d'enquêtes policières, etc., peuvent
pénétrer dans la vie personnelle des gens. On n'a pas
décidé de détruire tout ce qui touchait la vie personnelle
des gens. Ce qu'on a décidé, à mon avis, c'est de
protéger la vie privée des gens et cela veut dire une
prescription très longue. Cela peut être une prescription de 100
ans.
Je prendrai comme exemple les Européens qui, pour des moments
extrêmement douloureux de leur histoire, des moments de guerre, des
moments d'actes absolument odieux, n'ont pas décidé de
détruire les papiers compromettants, mais d'établir des
prescriptions. Et, après un certain nombre d'années, la
vérité retrouve ses droits et les gens ont le droit de savoir ce
que les générations précédentes ont vécu
comme problèmes, comme situations douloureuses et ainsi de suite. Si le
Vatican ouvre ses archives, si les pays qui ont été en guerre
s'ouvrent mutuellement leurs archives, il me semble que, nous, on pourrait,
à la limite, avoir des prescriptions très longues -et les
archivistes sont compétents pour cela - mais cela ne devrait pas
autoriser l'élu à faire le ménage dans ses documents. Je
partage l'avis de mon collègue de Deux-Montagnes et je pense que le
ministre serait également d'accord sur l'essentiel: Quand un homme
politique commence à faire le ménage, il y a des risques qu'il le
fasse dans l'intérêt de ce qu'il veut laisser comme image. Moi, je
préfère faire confiance aux archivistes là-dessus: qu'ils
fassent le ménage, qu'ils établissent les prescriptions. Et je
pense que les archivistes sont prudents. Ils protégeront la vie
privée des gens et, en cas de doute, ils mettront une prescription plus
longue que pas assez. Mais, il me semble que c'est vers cela qu'on devrait
aller.
Maintenant, je voudrais vous entendre me dire quelle a été
très clairement la position des élus de la ville de Québec
dans la rédaction de ce mémoire.
M. Gagnon (Gilles): Me Carrier.
M. Carrier: Je peux vous répondre à ce sujet, M. le
député de Trois-Rivières, en disant que si, effectivement,
nous sommes ici en tant que représentants de la ville de Québec,
c'est que cela reflète l'idéologie et la pensée des
membres du comité exécutif et des membres du conseil de la ville
de Québec. Il n'y a aucun doute à ce sujet.
M. Vaugeois: Est-ce que vous me permettez de dire, M. le
Président, que moi, cela m'impressionne beaucoup? Je trouve cela
admirable parce que ce n'est pas courant.
M. Carrier: Quant à votre deuxième question sur le
premier paragraphe de l'article 10, ce pourrait être, par exemple, le cas
d'un greffier de n'importe quelle ville. On dit: "Toute personne qui cesse
d'être titulaire d'une fonction non élective au sein d'un
organisme public - donc un greffier, un fonctionnaire, dans un organisme public
-doit nécessairement laisser à l'organisme dont elle fait partie
ses documents". Et au deuxième paragraphe, on dit: "Le premier
alinéa ne s'applique pas à une personne élue, titulaire
d'une fonction non élective au sein d'un organisme public". Prenons, par
exemple, le maire de la ville de Québec, qui siégerait comme
représentant de la ville au sein d'un organisme qui s'appellerait la
CTCUQ. Vous avez le cas patent au deuxième paragraphe. Nous pensons que
cela devrait s'appliquer quand même. (23 heures)
M. Vaugeois: M. le ministre, avez-vous des exemples où un
membre élu de l'Assemblée nationale pourrait occuper une fonction
non élective et, à ce titre, ne pas être tenu de remettre
les documents de la fonction non élective?
M. Richard: Un adjoint parlementaire. Pour faire la distinction,
prenons un autre exemple, le chef de l'Opposition.
M. Vaugeois: D'accord.
M. Gagnon (Gilles): Est-ce qu'on peut dire qu'un ministre occupe
une fonction élective?
M. Richard: Non, il n'occupe pas une fonction
élective.
M. Gagnon (Gilles): Mais il n'a pas été élu
ministre, il a été nommé.
M. Richard: Non, mais la difficulté est de faire la
distinction très nette dans un projet de loi entre les documents qu'il
reçoit comme député...
M. Gagnon (Gilles): C'est cela.
M. Richard: ...et les documents qu'il reçoit comme
ministre.
M. Gagnon (Gilles): Exactement.
M. Richard: Là-dessus, en tout cas, je ne veux pas
éterniser la discussion mais je ne partage pas l'avis de mon
collègue, le député de Trois-Rivières. Je
n'accepterai jamais, nonobstant un projet de loi, de déposer, de verser
des documents qui m'auront été remis à titre confidentiel,
à la fois comme député et comme avocat. Je me sens
lié par le secret professionnel et je ne vois pas, si on ne peut pas
obliger un membre du barreau à verser des documents, ou un membre de la
Chambre des notaires -ici, nous sommes deux qui, je pense, percevons bien le
problème et je pense que Me Carrier l'a saisi aussi - je n'accepterai
pas que ce soit un tiers, un arbitre, qui juge de la question, qui tranche la
question à savoir si un document qui m'a été remis
à titre confidentiel l'a été ou non.
Le Président (M. Brouillet): Pour terminer sur cette
question, Me Carrier.
M. Carrier: J'aurais une suggestion à faire
là-dessus. Dans la mesure où ce serait possible, ce serait
d'envisager deux possibilités: premièrement, d'être
relevé de son secret professionnel par le barreau; deuxièmement,
d'avoir le consentement de la personne qui a fait la confidentialité de
se faire relever de cela. Ce seraient les deux seuls cas où on pourrait
atteindre l'objectif qu'on veut. À ce moment-là, on couperait
peut-être les 0,5% en deux et on atteindrait peut-être les
99,75%.
M. Vaugeois: M. le Président, on connaît l'estime
que je porte au ministre et je respecte bien l'intervention très
catégorique qu'il vient d'avoir. J'aimerais quand même que la
question reste un petit peu ouverte parce qu'on a des exemples - je les ai
évoqués rapidement tout à l'heure - de gens en
autorité à la tête d'États souverains. On a des gens
à la tête d'organismes aussi conservateurs que le Vatican. J'ai
répété tout à l'heure des exemples d'archives de
guerre, etc. Je comprends son point de vue. Il y a l'aspect professionnel mais,
en pratique, je peux dire que j'ai consacré plusieurs années de
ma vie à travailler dans le fonds Hart et ce fonds Hart a
été conservé parce que des hommes de loi, notaires et
avocats, qui avaient traité les papiers de cette famille pendant
plusieurs générations, n'ont pas détruit les papiers de la
famille. Aujourd'hui, ils se retrouvent conservés dans des archives et
c'est la source la plus importante pour l'étude des Juifs en
Amérique du Nord.
Là-dedans, il se trouve des documents qui ont un caractère
personnel et intime. Ils ont été conservés et je pense que
c'est aux archivistes et aux historiens de traiter cette documentation de
façon respectueuse. À choisir entre détruire et conserver,
je pense que je préfère la conservation et je
préfère faire confiance un peu aux générations qui
suivent. Je comprends cependant qu'il y ait des problèmes professionnels
qui se posent. Je voudrais qu'on chemine là-dedans et qu'on prenne le
temps de regarder cela un petit peu plus avant et de respecter les
problèmes que les uns et les autres peuvent avoir. Quant à moi,
la destruction, au nom du caractère privé, c'est de couper un peu
court.
Le Président (M. Brouillet): Je pense que nous allons
clore le débat là-dessus. Pourtant, je pense bien que le
débat n'est pas clos pour autant, mais, au moins, pour ce soir. Il est
23 h 05. Je vous fais part que nous avons maintenant entendu huit groupes sur
un ordre du jour qui en comprenait seize, une fois qu'on en a enlevé
deux dont les mémoires étaient pour dépôt
seulement.
Pour demain, on a un ordre du jour établi pour entendre quinze
organismes qui sont déjà convoqués. Je vous demande si
nous poursuivons l'audition des groupes qui sont ici ce soir. Est-ce que les
groupes sont tous présents: le Séminaire de Québec? M.
Mario Audet? L'Association des photographes professionnels? Oui. La
Fédération des sociétés d'histoire du
Québec? La Société généalogique
canadienne-française? M.
Armand Gagné? Oui. M. Paul-Émile Guy? M. Mario Mimeault?
Bon.
Alors, il y en a trois qui ne sont pas présents ce soir. Parmi
les huit qui restent, il y en aurait cinq. Ceux qui ne sont pas là et
qui ne peuvent pas revenir, leur mémoire serait déposé
tout simplement, comme certains qui ont dû quitter avant. Il y a un ordre
du jour pour demain qui comporte encore quinze groupes. Si vous voulez qu'on
poursuive, c'est à vous de décider.
M. Vaugeois: Moi, je vais me discipliner, M. le Président,
je vous promets cela.
Le Président (M. Brouillet): Si chacun se discipline... On
a brassé plusieurs questions à venir jusqu'à maintenant.
Il s'agit de voir les questions qui n'ont pas encore
été abordées dans les mémoires qui seront
présentés.
M. Hains: Si je peux être relevé de mon
obligation...
Le Président (M. Brouillet): Alors, nous poursuivons
jusqu'à minuit. Merci, messieurs. Nous allons entendre le
représentant du Séminaire de Québec. J'inviterais donc le
porte-parole à s'identifier et à nous présenter la
personne qui l'accompagne.
Séminaire de Québec
M. Lépine (Louis-Joseph): Je suis l'abbé
Lépine, supérieur général du Séminaire de
Québec. À ma gauche se trouve l'archiviste du séminaire,
M. Georges-Henri Drouin.
Pour donner l'exemple, je vais essayer d'aller rapidement.
J'élimine toute l'introduction pour me limiter à ce qui concerne
plus spécifiquement les dépôts d'archives privées ou
les institutions d'enseignement.
On a reproché plusieurs fois ce matin au projet de loi de manquer
de définitions à certains termes, mais j'ai remarqué en
plus -ce qui n'a pas été souligné - qu'on a employé
au moins un terme dans une acception qui semble un peu étendue et
peut-être un peu ambiguë. Dans le chapitre I, à l'article 3,
on dit que les organismes publics visés dans la présente loi sont
énumérés à l'annexe, et le titre de l'annexe est
simplement "Organismes publics". Si je comprends bien cet article-là, on
nous dit que, parmi tous les organismes publics qui existent, seuls sont
visés dans la loi ceux qui sont énumérés dans
l'annexe. Par conséquent, les organismes cités dans l'annexe sont
à toutes fins utiles des organismes publics et pas seulement aux fins de
la loi, et c'est un peu surprenant de voir, au paragraphe 6 , dans ces
organismes publics, les institutions déclarées
d'intérêt public ou reconnues à des fins de subventions en
vertu de la Loi sur l'enseignement privé. Je remarque aussi que ce sont
des termes - je ne sais pas s'ils sont définis quelque part - qui ont
une acception très spéciale quand on parle d'un organisme public,
parapublic ou privé. Je remarquais ce matin Mme Noël employer, je
pense, de façon instinctive le terme "organisme parapublic" à
plusieurs reprises dans son texte. Même M. le ministre tout à
l'heure a employé le terme "organisme parapublic", lorsque les
représentants de la ville de Montréal se sont
présentés. Je me demande s'il n'y a pas là une
ambiguïté qui pourrait à l'avenir poser des
problèmes, si, par hasard, le ministre ou le gouvernement adoptait un
projet de loi et parlait d'organismes publics dans un sens très strict,
alors qu'il ne veut pas introduire dans cette loi les organismes parapublics ou
privés.
Mais, comme déjà, il y a un précédent de
créé dans ce projet de loi et dans la loi 65, je crois, cela
pourrait causer des problèmes. Pour cela, je suggère qu'on
corrige l'article 3. Je ne veux pas dire que l'on doit être exclu de la
loi, mais c'est une question de terminologie. On devrait peut-être lire
l'article 3 ainsi: "Les organismes publics, parapublics et privés,
visés dans la présente loi, sont énumérés
dans l'annexe," et comme corollaire, changer le titre de l'annexe: "Organismes
publics, parapublics et privés, visés dans la présente
loi". Si c'est accepté, il faudra aussi vérifier beaucoup
d'autres articles de la loi où on emploie tout simplement les mots
"organismes publics", afin de bien les préciser.
Je me demande aussi, par rapport au paragraphe 6 de l'annexe, qui
spécifie que les institutions déclarées
d'intérêt public ou reconnues à des fins de subventions, en
vertu de la Loi sur l'enseignement privé, sont soumises à la
présente loi, quelle est la portée exacte de cet article. Je
crois comprendre, dans le contexte, que c'est parce que ces institutions
émargent au budget de l'État, par les subventions qu'elles
reçoivent, qu'elles sont soumises à cette loi. Est-ce à
dire que seuls sont considérés comme archives publiques, au sens
de l'article 2, les documents produits ou reçus par ces institutions,
depuis qu'elles ont été déclarées
d'intérêt public? Ou encore, est-ce que tous les documents
produits ou reçus depuis le début de leur existence sont
déclarés d'intérêt public en vertu de la Loi sur
l'enseignement privé?
La question peut paraître oiseuse mais elle a son importance. Je
vais essayer de le démontrer en me limitant au cas du Petit
Séminaire de Québec. J'imagine que la même situation
prévaut dans beaucoup d'autres institutions d'enseignement. Pour bien
comprendre le problème - je ne veux tout de même pas remonter au
déluge - il faut quand même expliquer que le séminaire a
été fondé en 1663 par une charte royale de Louis XIV et
que le Petit Séminaire de Québec - il faudrait distinguer les
deux, le Séminaire de Québec et le Petit Séminaire de
Québec - qui est une des oeuvres de cette communauté de
prêtres, a été fondé cinq ans plus tard, en 1668.
Mais le Petit Séminaire de Québec, la maison d'enseignement,
depuis 1969 seulement, a sa propre charte comme filiale du Séminaire de
Québec.
Évidemment, depuis cette époque, depuis ce temps, la
communauté du Séminaire de Québec a accumulé de
très nombreux documents. Il a organisé un service d'archives qui
est, au sens du projet de loi, un service d'archives privées mais que
nous avons mis à la disposition des chercheurs depuis de nombreuses
années.
Parallèlement, maintenant, la
succursale, la filiale du Petit Séminaire de Québec,
maison d'enseignement, a produit et produit encore des documents, lesquels,
à la fin de notre période d'activité, nous versons au
service des archives du séminaire, qui est le service d'archives
historiques privées de ce que l'on pourrait appeler la maison
mère.
Si nous nous en tenons à l'article 13, le Petit Séminaire,
maison d'enseignement, devrait assumer lui-même la conservation de ses
archives historiques. Il devrait, par conséquent, organiser son propre
service d'archives historiques à côté du service qui existe
déjà mais qui relève de la communauté du
Séminaire de Québec et non pas de l'institution d'enseignement,
soit le Petit Séminaire.
Pour revenir à la question posée plus haut, si tous les
documents produits ou reçus par le Petit Séminaire depuis la
fondation, en 1668, sont des archives publiques au sens de la loi, il nous
faudrait alors enlever tous ces documents du service existant des archives
privées de la communauté du Séminaire de Québec
pour les remettre au nouveau service d'archives du Petit Séminaire.
Sinon, le ministre pourrait se prévaloir de son droit de revendiquer des
archives publiques possédées sans droit, dont on parle à
l'article 41, 2e paragraphe.
Il semble qu'il y a là une anomalie, probablement facile à
régler, mais c'est peut-être mieux de la régler à
l'occasion du projet de loi plutôt que de la régler à la
pièce avec chacune des institutions qui peuvent exister dans la
province.
Quelques modifications légères à l'article 28. On
énumère les obligations imposées à une personne qui
a la garde ou la propriété d'archives privées reconnues ou
classées en vertu de la Loi sur les biens culturels. Au paragraphe 2, on
spécifie que cette personne doit permettre au ministre de
procéder à la reproduction de ces archives. Il serait
peut-être convenable d'ajouter "après entente ou autorisation",
car cette personne pourrait avoir des raisons valables de ne pas permettre la
reproduction d'un document privé. (23 h 15)
Au paragraphe 5 du même article, on précise que cette
personne doit aviser le ministre au moins 30 jours avant le transport de ces
archives dans un autre lieu au Québec. Je ne sais pas si c'est un terme
juridique, mais on indique uniquement le transport de propriété.
Si c'est un transport physique, j'imagine que le ministre n'exige pas
d'être avisé chaque fois que l'on prête un document
d'archives pour une exposition dans la province de Québec, mais qu'il
tient à l'être si le document change de dépôt. Si tel
est le cas, ce serait peut-être préférable d'employer le
terme relocalisation au lieu de transport. Une petite question en passant;
Est-ce que le terme "personne" désigne uniquement une personne physique
ou est-ce aussi une personne morale dans cet article?
Enfin, à l'article 40, on dit que le ministre peut fournir de
l'aide technique à tout service d'archives privées
agréé. J'ose recommander que l'on ajoute "et pécuniaire"
après "aide technique". Je sais que la chose est indiquée
à l'article 25, mais cela ne fait pas de tort de donner un
deuxième coup de marteau sur le clou.
En terminant, je me permets deux remarques aux articles 6, 7 et 8. On
stipule que chaque organisme doit établir lui-même son calendrier
de conservation et le soumettre au ministre pour approbation. Je ne voudrais
pas revenir sur tout ce qui a été dit là-dessus, mais,
peut-être que pour les organismes d'enseignement qui produisent tous des
documents du même genre, il serait plus facile et plus efficace qu'un
groupe soit chargé de prévoir un projet type de calendrier
à distribuer à ces organismes qui pourraient le modifier, selon
les conditions locales, très rapidement et le remettre ensuite à
qui de droit. Ce serait peut-être un service à rendre, ce serait
plus efficace. Je ne me prononce pas pour les autres genres d'organismes.
Enfin, l'article 45. Il est dit qu'un projet de règlement sera
publié à la Gazette officielle. Quelques-uns en ont parlé
et ce serait vraiment intéressant si on pouvait aussi avoir une
consultation sur les règlements. Je me limite à cela et je vous
remercie, M. le Président, de nous avoir permis de présenter ces
remarques.
Le Président (M. Brouillet): Merci bien. M. le
ministre.
M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier
à mon tour M. Lépine du Petit Séminaire de Québec
de même que le Séminaire de Québec. Je vois que vous
êtes organisés à peu près comme une multinationale.
Cette blague étant faite, je voudrais faire deux mises au point. En ce
qui a trait, M. Lépine, à l'ajout de parapublic, je n'ai pas la
moindre objection. C'est tout à fait conforme à l'esprit, comme
vous l'avez bien saisi d'ailleurs, de la loi.
En ce qui a trait à l'autre ambiguïté, à
savoir si c'est au Séminaire ou au Petit Séminaire que la loi va
s'appliquer, les règles d'interprétation stipulent que, lorsqu'il
y a ambiguïté comme celle que vous soulevez, c'est toujours
l'interprétation la plus restrictive qui s'applique. En
conséquence, dans l'état actuel de la disposition, la
règle ne s'appliquerait qu'au Petit Séminaire de Québec et
donc pas au Séminaire de Québec.
Le Président (M. Brouillet): Est-ce que...
M. Lépine: C'est là qu'est le problème,
M. le ministre.
M. Richard: Votre collègue de gauche, M. le
député de Saint-Henri, va vous confirmer cela.
Le Président (M. Brouillet): Auriez-vous un commentaire
à la suite de cela?
M. Lépine: Oui, M. le ministre, justement, cela s'applique
au Petit Séminaire comme maison d'enseignement. Est-ce que cela veut
dire que le Petit Séminaire, maison d'enseignement, sera obligé
d'établir son propre dépôt d'archives historiques publiques
à côté du service d'archives que nous avons
déjà et qui appartient à la communauté, et non pas
au Petit Séminaire? C'est là le problème.
M. Richard: Non, on peut les confier au Séminaire.
M. Lépine: Sans que ce soit contraire à la loi.
M. Richard: Sans que ce soit contraire à la loi. Il n'y a
pas de problème.
Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre dit
qu'il n'y a pas de problème? On verra.
M. Richard: On ne verra pas, il n'y a pas de problème, M.
le Président.
Le Président (M. Brouillet): II n'y en a pas. Cela va.
M. Hains: D'ailleurs, cela sera écrit dans le journal des
Débats et vous pourrez prendre cela comme preuve à l'appui que
vous pouvez y aller en toute liberté. C'est cela.
M. Vaugeois: M. le Président, ce n'est pas la meilleure
garantie parce que ce que dit le ministre en commission n'a pas valeur de loi.
C'est la loi qui fait force de loi. Je pense quand même qu'il y a des
avis...
M. Hains: C'est le meilleur interprète quand
même.
M. Vaugeois: ...et qu'il y a une interprétation
raisonnable de faite. Il n'y a pas d'inquiétude.
M. Hains: C'est cela, je pense bien.
M. Vaugeois: Je ne sais pas si le ministre l'a fait mais je tiens
à rappeler que, de toute façon, le comportement du
Séminaire concernant ses archives, quelles que soient les nuances qu'on
puisse faire, est absolument exemplaire et remarquable.
Comme chercheur, j'ai pu profiter de l'excellence de vos gens et de
votre organisation. C'est presque unique au Québec. Il y a d'autres
institutions qui conservent bien leurs archives mais vous l'avez fait de
façon absolument remarquable. Alors, la loi n'est pas pour commencer
à vous faire des chinoiseries.
M. Richard: C'est pourquoi on espère, le
député de Trois-Rivières et moi-même, j'en suis
sûr, de même que les députés de Saint-Henri et de
Saint-Laurent, voir plusieurs de ces archives exhibées, au moment de
l'ouverture du nouveau musée du Séminaire.
Le Président (M. Brouillet): Nous y serons.
M. Lépine: II faut souligner que, évidemment, dans
le nouveau musée du Séminaire, il y aura un étage
réservé aux archives avec toutes les garanties de conservation et
de protection, etc., grâce au ministre et aux subventions
gouvernementales.
M. Richard: Alors, il n'y aura pas trop de problème
avec...
M. Vaugeois: Aux ministres, au pluriel. M. Lépine:
Aux ministres, oui.
Le Président (M. Brouillet): Je crois que c'est complet.
Nous remercions beaucoup les représentants du Séminaire.
Maintenant, nous entendrons M. Mario Audet. Est-ce que M. Audet est ici? Je ne
crois pas. Non. Nous entendrons alors l'Association des photographes
professionnels du Québec. S'il vous plaît, veuillez vous
identifier et présenter la personne qui vous accompagne.
Association des photographes professionnels
M. Amyot (André): Merci. Mon nom est André Amyot.
Je suis le président provincial de l'Association des photographes
professionnels du Québec. À ma droite, il y a M. Alain Michon,
qui est l'ancien président provincial et aussi propriétaire des
Studios O. Allard photographes Inc., de Montréal, et aussi
détenteur d'un dépôt d'archives.
M. le Président, M. le ministre, M. le représentant de
l'Opposition, mesdames et messieurs les membres de la commission parlementaire.
À titre de président de l'Association des photographes
professionnels du Québec, je me fais le porte-parole de ceux et celles
qui, depuis plusieurs générations, sont les témoins
visuels des événements qui ont marqué notre
patrimoine.
Nous sommes en contact avec plus de
1200 photographes et nous représentons officiellement
au-delà de 300 créateurs d'images qui ont sur pellicule le
développement et la progression des régions du Québec.
Nous aimerions, par ce mémoire, vous sensibiliser sur les
archives photographiques et sur les problèmes auxquels font face les
photographes professionnels du Québec.
À la suite du dépôt du projet de loi sur les
archives et des réunions d'information tenues à Montréal,
il nous fait plaisir de vous soumettre les observations se rapportant aux
différents articles qui concernent notre profession. Par ce
mémoire, l'association et ses membres espèrent contribuer
positivement à la conservation du patrimoine photographique au
Québec.
Nos remarques portent sur les archives photographiques qui, à
première vue, semblent ignorées et, plus particulièrement,
sur les fonds d'archives photographiques privées.
M. Michon (Alain): Nous laissons les archives publiques des
ministères au soin des spécialistes. Nous nous occupons des
petits dépôts photographiques, des archives des artisans ou de
compagnies qui ont des archives photographiques en leur possession.
M. Amyot: Voici quelques raisons qui motivent l'association
à participer à ce débat public. Premièrement, le
peu d'activité des Archives nationales dans le domaine des archives
photographiques. Par exemple, on a un manque d'animation et aussi il y a de
faibles acquisitions de dépôts photographiques qui font partie des
Archives nationales. Deuxièmement, une plus grande manifestation
d'intérêt de la part d'institutions et d'organismes publics ou
privés, extérieurs au Québec comme, par exemple, Ottawa,
Toronto et les États-Unis. Troisièmement, la destruction
d'archives photographiques pour des motifs économiques et financiers. En
premier lieu, il y a le manque d'espace et l'augmentation des frais de loyer.
En deuxième lieu, il y a la récupération et les ventes des
sels d'argent et des acétates. En troisième lieu, il y a la
destruction des négatifs au nitrate, qui sont un risque d'incendie.
M. Michon: Le problème que rencontrent les photographes,
c'est qu'on jette les négatifs jusqu'aux cinq dernières
années, les raisons étant le faible taux de nouvelles commandes
ou l'intérêt porté aux négatifs et aux anciens
dossiers; le patrimoine sur les épaules d'un simple photographe à
ses frais et sans aide lui apporte des problèmes financiers.
Du côté des archives, si on avait de l'aide quant aux
méthodes de reproduction, des cours sur les meilleures méthodes
de conservation, plus de facilité pour obtenir de l'aide pour maintenir
nos archives et nos dossiers dans l'ordre, ce serait... On rencontre de plus en
plus de compagnies des États-Unis et de Toronto qui offrent d'acheter
nos négatifs pour les faire fondre et ainsi récupérer les
sels d'argent et le nitrate. Cela vient de New York, cela vient de Toronto,
puisque les personnes les ont laissés partir pour avoir des fonds
directement dans leur commerce plutôt que de voir cela dormir.
Un autre problème, ce sont les frais d'entreposage,
l'augmentation du loyer. Les personnes ne savent plus quoi faire avec cela.
Alors elles s'en débarrassent et gardent simplement les documents
photographiques des cinq dernières années pour fins de commandes
par leurs clients.
On ne met pas en cause ici le personnel des archives, qui est
très dévoué et qui collabore en ce sens, on ne met pas le
personnel en doute aux archives.
M. Amyot: L'association désire rappeler aux membres de la
commission le potentiel et l'importance de la variété des
documents photographiques produits par ses membres et les photographes qu'elle
rejoint dans des domaines aussi variés que le portrait, la photographie
commerciale, industrielle, journalistique, architecturale et d'autres.
D'ailleurs, on n'a qu'à regarder dans cette salle pour avoir la preuve
de cette allégation.
L'association recommande qu'à l'article 2, les documents
d'archives photographiques à caractère public ou privé
soient nommément désignés au chapitre du champ
d'application de la loi. Cette précision apporterait un
élément à d'éventuelles définitions qui,
présentement, font défaut au projet de loi.
À l'article 6 - nous proposons d'ajouter à la
dernière phrase le mot "photographique" pour la lire comme suit: "Que
ces documents soient sous forme écrite, graphique, sonore,
photographique, visuelle, informatisée ou autre."
M. Michon: Je crois qu'il est important pour notre
interprétation d'avoir le terme "photographique", compte tenu des
archives figurées aux termes de loi. On vise aussi le caractère
public et privé des compagnies et des individus et on laisse le soin aux
spécialistes de définir tous les termes qui vont aller dans le
texte de loi en ce qui concerne le manque d'information.
M. Amyot: En ce qui concerne le chapitre IV, l'aide
accordée par le ministre ne devrait pas être
réservée exclusivement à un service d'archives
agréé. Dans les notes explicatives, il est mentionné que
ce projet de loi a pour objet entre autres choses d'apporter au service
d'archives privées une
aide technique et financière.
L'association souhaite que cet objectif se traduise plus clairement par
les articles dans le texte de la loi afin que les dépôts
d'archives photographiques privées et surtout les petits
dépôts connaissent mieux les possibilités réelles
qui sont prévues.
Il faut encourager les photographes actuels et la relève à
bien conserver les valeurs du patrimoine qu'ils bâtissent et à s'y
intéresser.
M. Michon: De là la nécessité pour les
Archives nationales d'informer les photographes de tous les mécanismes
et des occasions de se recycler et de maintenir à jour et en bonne
condition leurs archives. Et, en plus, par les règlements qu'on attend,
on pourra définir les conditions d'agréer et ensuite les articles
que l'on pourra définir pour les petits dépôts. On
prévoit que cela ne soit pas exclusivement pour des archives
agréées et les conditions aussi pour agréer par
règlement.
M. Amyot: À l'article 24, les conditions d'agrément
ne doivent pas être accessibles uniquement aux dépôts les
plus riches et les plus connus. (23 h 30)
M. Michon: Lorsque des artisans photographes ont des sujets de
photographie ou ont des dépôts d'archives et qu'on en fait la
demande, on se demande: Qu'est-ce qu'on a chez nous ou qu'est-ce qui peut
être intéressant? Maintenant, lorsque ce sont des archives connues
comme la fondation McDonald ou Bronfman, ce sont des noms connus, ils ont
déjà des comités, les fonds sont là, cela va bien
pour faire des demandes, pour faire des modifications mais, lorsque ce sont des
archives qui sont en voie de création, qui s'accumulent de la
troisième à la quatrième génération, il est
important que, même si elles ne sont pas connues, elles puissent avoir de
l'appui; ce sont celles qui, plus tard, seront consultées par les
Archives nationales.
M. Amyot: À l'article 25, outre les subventions aux
services d'archives privées agréés, nous recommandons que
le gouvernement favorise la conservation d'archives photographiques
privées au moyen de crédits d'impôt accordés aux
propriétaires d'archives non agréés qui en font la demande
lorsque ces archives sont accessibles et jugées d'intérêt
historique et culturel.
M. Michon: Une des suggestions qu'on fait, c'est le crédit
d'impôt pour ceux qui sont non agréés ou qui en font la
demande. Si ce sont des archives qui sont consultées par des historiens,
des archives qui sont référées par des départements
d'archives et qui sont utilisées ou qui sont susceptibles d'être
intéressantes, une façon de les encourager serait un
crédit d'impôt. Cela maintiendrait les archives
opérationnelles, ce qui permettrait d'avoir un appui financier ou au
moins moral des archives pour cette aide à la conservation. Ou il
pourrait y avoir une allocation d'aide à la conservation sous forme de
papier antiacide, de boîtes, d'étagères, tout le support.
Qu'on ait au moins une allocation ou des crédits d'impôt et aussi
les règlements qui vont régir cela pour qu'on sache à quoi
s'en tenir à cet effet.
M. Amyot: À l'article 26, les règlements
prévus pour la conservation des archives doivent être
réalistes et tenir compte du contexte économique et des
implications financières face aux propriétaires de petits
dépôts. Dans les notes explicatives de la page 2, troisième
paragraphe, dernière phrase, nous lisons: "Un tel service devra
conserver ses archives conformément à la loi et les rendre
accessibles au public." À l'article 26, il est mentionné: "les
rendre accessibles"; les mots "au public" ne figurent plus à ce
niveau.
Nous aimerions nous assurer que l'accessibilité ne soit pas
synonyme de gratuité, car le processus de consultation des archives est
délicat pour les documents et demande un temps de recherche souvent long
et précieux. Les membres de l'association ne visent pas à une
surexploitation commerciale des archives photographiques en leur possession.
Toutefois, ils ne peuvent assumer à eux seuls les frais de ce patrimoine
d'archives au détriment de leurs activités professionnelles
courantes.
M. Michon: Mettre un dépôt d'archives ouvert au
public ou aux personnes concernées... Aux personnes concernées,
cela va, au public passe encore, mais on ne peut ouvrir tous les dossiers de
négatifs au public sans savoir si on sait les manipuler. On peut mettre
des fichiers - mais, encore là, ce n'est pas informatisé - de
cartes pour l'accessibilité aux dossiers. Si le personnel est
réduit ou si on n'a pas tout le personnel, comme on l'a mentionné
ce matin, deux ou trois personnes pour couvrir toute l'étendue, si on
demande l'accessibilité au public, il faudra encore prévoir un
autre mécanisme de fichiers ou d'autres personnes pour travailler
à ce dépôt d'archives. Encore là,
l'accessibilité ne devrait pas... Lorsqu'on demande des
réimpressions au tarif des Archives nationales ou au tarif des Archives
publiques à Ottawa - les deux sont similaires - cela doit être aux
frais de la personne qui utilise les archives.
M. Amyot: L'article 27. Nous sommes en désaccord avec cet
article qui donne au ministre le pouvoir de prendre toute mesure
nécessaire pour assurer la conservation des archives d'un service
privé agréé. La portée de cet article semble
beaucoup trop grande pour l'objectif poursuivi et peut porter à
l'excès. Si, après une expérience de X nombre
d'années d'agrément, un propriétaire souhaite se
désister ou annuler l'agrément, il devrait pouvoir le faire sans
pénalité ou perte et sans être assujetti à une
mesure répressive. Il pourra continuer d'en assurer la garde et la
conservation tout comme auparavant et, de plus, conserver tous ses droits de
propriété.
M. Michon: II avait été mentionné une loi
incitatrice. Ce terme avait été bien aimé et cet
après-midi il y a quelqu'un qui a parlé d'une prise de
conscience. Cet article peut porter sur une prise de conscience. Maintenant, on
peut concevoir que M. le ministre ou les archives craignent qu'un
dépôt d'archives se détériore, que les gens s'en
occupent moins, mais vous ne voulez pas perdre d'archives. Nous pensons que si
un dépôt d'archives est agréé et qu'après X
années d'expérience, on s'aperçoit qu'être
agréé est un "paquet de troubles", entre guillemets, et qu'on
désire se désister, qu'arrive-t-il du dépôt
d'archives? Est-ce que vous désirez le reprendre ou si le
propriétaire peut en conserver la garde et continuer comme avant de
gérer son dépôt d'archives? Je présume que ce sera
dans les règlements, qu'il ne doit pas le perdre ou perdre les droits
qu'il avait auparavant.
M. Amyot: Alors, à l'article 28: Conformément au
voeu du ministre, nous l'avisons par la présente que les archives
photographiques privées sur négatif nitrate, quoique non
agréées, non reconnues ni classées, sont en voie de
détérioration accélérée et avancée.
Ces négatifs viennent des années vingt et trente. Il est
important que les aides techniques et financières soient disponibles
afin d'encourager la sauvegarde et la restauration de ce patrimoine.
M. Michon: Je pense qu'il est important de dire pour la
conservation des archives que présentement, tout ce qui est au niveau
des archives privées se détériore au complet. Si on
désire sauver ce patrimoine-là, il faut procéder à
une réimpression par contact de négatifs 8x10, de négatifs
14x17 ou de négatifs 5x7, des négatifs de verre qui, dans les
boîtes ou les dossiers deviennent des cristaux aussitôt qu'on les
ouvre. Il y a des risques d'incendie; donc, on perd toute la collection
d'archives. Il serait important de procéder à une
réimpression, ensuite de se départir des négatifs et de
conserver uniquement les réimpressions. Encore là, il y a les
frais qui sont occasionnés par cela. Lorsqu'on parle de milliers et de
milliers de négatifs, cela peut être là. Vous êtes au
moins informés que cela se détériore.
M. Amyot: À l'article 29, l'association recommande que
l'article se lise comme suit: "Tout détenteur d'archives privées
peut demander au ministre d'en assumer la garde à des conditions
déterminées par convention entre le propriétaire et le
ministre. Sous réserve des conditions déterminées par
convention, le ministre peut assumer cette garde ou déposer les archives
auprès d'un organisme public ou d'un service d'archives privées
agréé."
Nous croyons nécessaire qu'un certain type de convention, soit le
dépôt, permette d'assumer au propriétaire l'accès
rapide et l'utilisation de ses archives, ou le retrait de son fonds, lorsqu'il
le juge nécessaire. Il n'est pas souhaitable dans certains cas que des
archives photographiques d'une région soient
déménagées par le ministre, pour quelque raison que ce
soit, dans une autre région du Québec.
M. Michon: Le point important, c'est que ce soit, par convention,
établi entre les personnes, que cela ne soit pas unilatéral mais
après discussion, et le photographe devra pouvoir se
référer à son dossier facilement. Nous avons des
confrères photographes qui doivent demander accès à leurs
négatifs pour satisfaire à la demande d'un client et cela peut
prendre de trois semaines à un mois et même plus. Par contre,
c'est pire que cela du côté d'Ottawa, c'est une consolation qu'on
a.
M. Amyot: À l'article 33: Cet article tel que
formulé, trop vaste et trop radical, peut porter atteinte au droit de
propriété. Nous recommandons que cet article soit
reformulé plus explicitement.
M. Michon: II y a un point qui peut être valable.
Maintenant le désir... Il y a les photographes qui ont toujours eu leur
collection en leur possession, quelques-uns l'ont cédée aux
Archives nationales, aux archives publiques, d'autres veulent la
transférer à un autre dépôt d'archives qui peut
être en Ontario. Si l'article pouvait être mieux formulé
pour qu'on puisse avoir toute la profondeur entre les lignes; sinon, on le
trouve radical dans ce sens-là.
M. Amyot: L'article 35. Cet article est également trop
vaste et général. Nous recommandons plutôt que les
détenteurs de documents photographiques anciens qu'ils jugent
d'intérêt historique et culturel soient invités à
aviser le ministre de tout déménagement définitif
éventuel hors du Québec.
L'article 36. À la suite de notre recommandation à
l'article 35, nous ne voyons pas l'utilité de l'article 36, entendu
que le contenu de l'avis serait laissé à la
discrétion des personnes concernées.
M. Michon: C'est l'aspect incitatif qu'on vise de ce
côté-là. Qu'ils soient invités et non pas... Il y a
des collections privées qui appartiennent à des particuliers. Au
moins, qu'ils soient invités à le faire auprès du
ministre.
M. Amyot: L'article 40, au deuxième alinéa. Nous
recommandons que le mot agréé à la fin de la phrase soit
supprimé. Cette recommandation vise l'extension de l'aide technique au
plus grand nombre possible de services d'archives intéressés et
intéressants. Nous recommandons aussi que les responsables du programme
de l'inventaire national offrent leur collaboration à l'association et
aux autres personnes intéressées, afin que soit entrepris
l'inventaire des archives photographiques au Québec.
Nous recommandons que le gouvernement favorise la mise en valeur des
archives photographiques, notamment au moyen d'expositions sur le territoire
québécois et dans les délégations du Québec
à l'étranger.
M. Michon: Sous cet aspect, nous pourrions, grâce à
l'association, monter une banque d'archives photographiques par région
au Québec. Avec votre inventaire et avec tous nos membres à
travers la région, si vous désirez avoir un pool d'information et
de recherche sur des personnalités politiques, et des
événements au Québec on pourrait les retracer à
travers les banques et grâce à tous les membres de l'association.
Aussi, avec l'information et l'encouragement à la conservation, il
serait possible aussi d'avoir de plus grandes expositions et de montrer tout le
patrimoine disponible au Québec. La dernière idée qui
aurait été émise, ce serait le projet d'un centre
international de la photographie, comme il y a une maison du cinéma
à Montréal. S'il y avait un centre, il pourrait y avoir un
musée et des expositions de photographie. Alors, avec cette idée
d'animation et ce projet de présenter le patrimoine photographique au
Québec à travers tous les différents organismes, ce serait
possible d'encourager tous les jeunes photographes et les dépôts
privés à conserver leurs archives.
M. Amyot: Alors, nous tenons à remercier les membres de la
commission parlementaire de l'attention que vous portez à ce dossier.
Soyez assurés de notre entière collaboration et de notre
désir de sauvegarder le patrimoine québécois.
Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie.
M. le ministre, vos commentaires.
M. Richard: M. le Président, je veux remercier les
représentants de l'Association des photographes professionnels du
Québec, leur dire que je suis assez conscient qu'ils soulèvent un
problème très particulier et leur dire qu'on va tenter de prendre
en considération les observations qu'ils ont faites. Mais je veux leur
demander en même temps de réfléchir sur la portée de
l'agrément. Je pense que cela a été mal perçu, et
qu'ils seraient tout à fait d'accord avec les objectifs poursuivis par
les dispositions de la loi en ce qui a trait à l'agrément.
À mon humble avis, s'il n'y a pas d'agrément, il ne peut pas y
avoir d'aide technique et financière. Ce qui justifie l'aide
financière, c'est précisément les critères qui font
qu'un organisme est agréé on non.
M. Amyot: Je vois surtout qu'on est un peu dans
l'obscurité à ce niveau-là. On ne sait pas ce que
l'agrément concerne. On ne sait pas ce que cela implique.
M. Richard: Personne ne sera obligé de se faire
agréer, et l'agrément, ce sera dans le cadre d'une entente
à intervenir entre un organisme quelconque, une association et le
ministère des Affaires culturelles, les Archives nationales. Si
l'organisme est agréé, cela lui donne droit à certaines
subventions, parce qu'il remplit les conditions de conservation. Alors, je ne
veux pas que les Archives nationales soutiennent financièrement un
organisme qui n'est pas en mesure d'assurer la conservation. Ce sont des
critères de conservation.
De même qu'aux musées, par exemple, on ne peut pas
subventionner quelqu'un qui dirait: Moi, j'ai un musée, donc,
subventionnez-moi. Il y a un agrément en vertu duquel on subventionne
les musées qui sont accrédités.
M. Michon: On va attendre les règlements et les conditions
à cette étape-là.
M. Richard: Voilà!
M. Michon: Pour autant qu'ils soient accessibles à un plus
grand nombre de personnes.
M. Richard: Après, vous allez vous réconcilier avec
la notion d'agrément.
M. Michon: Enfin, avec l'agrément...
Le Président (M. Brouillet): Y aurait-il d'autres
questions?
Nous vous remercions beaucoup pour votre présentation. C'est
très bien. C'était concis et clair.
Nous accueillons maintenant la
Fédération des Sociétés d'histoire du
Québec. Je demanderais au porte-parole de s'idendifier et de nous
présenter son collègue. (23 h 45)
Fédération des Sociétés
d'histoire
M. Racine (Denis): Mon nom est Denis Racine, avocat,
trésorier de la Fédération des Sociétés
d'histoire du Québec. À ma droite, je vous présente M.
Marc Beaudoin, gestionnaire de documents et l'ex-président de la
fédération. Cela va?
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
M. Racine: M. le Président, M. le ministre, MM. les
parlementaires, étant donné l'heure tardive, je ne ferai pas la
lecture intégrale du mémoire qui vous a été soumis,
je ne vais m'en tenir qu'aux considérations principales et, notamment,
aux cinq recommandations que vous trouverez à la dernière
page.
En premier lieu, un aspect fort important qui touche un grand nombre de
nos sociétés concerne la question des archives privées et
de l'agrément. Au lieu de travailler cet aspect, nous avons
préféré le laisser à la Société
historique du Saguenay, qui est un gestionnaire fort important d'archives
privées et qui sera devant vous demain, je crois, et vous fera part de
nos recommandations.
Notre première recommandation se lit ainsi: "Que des aspects
importants de la future politique de gestion et de conservation des archives
soient déterminés par voie législative." Dans notre
esprit, il semblait y avoir une petite ambiguïté à l'article
38, qui dit que le ministre des Affaires culturelles élabore et propose
au gouvernement une politique de gestion des archives publiques et à
l'article 44, qui parle de déterminer les normes et conditions de
gestion et de conservation.
Dans la mesure où les règlements comprennent
entièrement la politique proposée qui serait plutôt de
nature administrative, à l'article 38, alors que les règlements,
c'est de la législation déléguée, et dans la mesure
où, effectivement, ces règlements comprennent entièrement
la politique, je crois que nous pourrions être satisfaits de ce que M. le
ministre a dit concernant la publication des règlements dans un proche
avenir, avant la mise en vigueur de la loi. Par contre, si ce n'est pas le cas,
nous demandons que la politique de gestion soit déterminée par
règlement de façon qu'un débat public ait lieu et non pas
que cela se fasse par voie administrative.
Notre deuxième recommandation - on en a parlé ce matin -
fait l'objet de longs débats: Que les Archives nationales du
Québec obtiennent un statut d'autonomie qui leur permette de
jouer un rôle actif et décisif dans la conception et l'application
quotidienne de la politique de gestion. J'en parlerai rapidement, M. le
ministre. Ce matin, on a parlé longuement... Nous sommes un peu
déçus. Nous nous attendions à une loi sur les Archives
nationales et non pas à une loi qui abolit le poste
déterminé par voie législative dans votre loi constitutive
du conservateur des Archives nationales et en fait un simple fonctionnaire
comme tous les autres. Je crois qu'avec le temps les chercheurs se sont
associés et sont fiers de ce que sont les Archives nationales et de
l'autorité qu'a le conservateur. Je pense que l'autorité du
conservateur... D'ailleurs, c'est la même chose au fédéral,
la loi P-27 concernant les archives publiques des statuts refondus du
fédéral donne au conservateur fédéral, à
l'archiviste fédéral un statut législatif. Nous pensons
que ce statut rend le poste de conservateur plus crédible et lui donne
plus d'autorité que le poste d'un simple fonctionnaire. C'est pourquoi
nous nous serions attendus à une évolution dans le sens que les
Archives nationales acquièrent un statut législatif plutôt
qu'un statut de service gouvernemental. Enfin, M. le ministre, je crois que,
à moins que je ne me trompe, le privilège des relations
interministérielles appartient au sous-ministre et au sous-ministre
associé, alors que le conservateur des Archives nationales aurait un
rang de directeur général.
Sur ce dernier point, je pense qu'il faut distinguer le rôle de
conservation et le rôle d'acquisition des archives. Évidemment,
les Archives nationales jouent un rôle important au niveau de
l'acquisition. Cependant, un rôle encore plus important est celui de la
conservation. À ce niveau, je pense que le conservateur ou les Archives
nationales possèdent une juridiction qu'on pourrait facilement rendre
indépendante des pouvoirs du ministre.
Troisième recommandation: Que les ministères des Affaires
culturelles et de la Justice règlent les conflits de loi potentiels
entre la Loi sur les archives, le Code civil et la Loi sur les bureaux
d'enregistrement dans la perspective qu'une part importante des vieux documents
conservés à l'heure actuelle dans les bureaux soit versée
aux sections régionales des Archives nationales.
Nous avons constaté dans les bureaux d'enregistrement que,
même si le Code civil et la Loi sur les bureaux d'enregistrement
faisaient des registrateurs des gardiens d'archives, ce n'est quand même
malheureusement pas, peut-être par faute de moyens, une
préoccupation fort importante. Je crois que nous avons vu des
dépôts d'archives conservés dans un état fort
pitoyable et qu'il serait avantageux que les Archives nationales reprennent
ces
documents, notamment au niveau des documents actifs.
Je crois que dans la loi, les documents des bureaux d'enregistrement,
à l'article 16, paragraphe 9, sont considérés comme
archives publiques mais tout ce qu'ils auraient au niveau de l'effet de la loi
serait visé par les normes de conservation que le ministre
édicterait en vertu de l'article 44. Nous souhaitons un versement de ce
côté-là, dans les archives, en tout cas des plus vieux
documents des bureaux d'enregistrement.
Quatrième recommandation: Que les moyens énoncés
aux articles 35, 36 et 37 soient révisés en fonction d'une
politique plus réaliste et incitatrice à la conservation de nos
archives en territoire québécois et à la confection
d'instruments de recherche et de connaissance adéquats. On a
souligné ce matin que ces articles étaient
particulièrement vagues, touchaient des archives d'ordre privé,
d'ordre familial. Il en va de même des archives d'ordre corporatif
à l'époque où l'on parle d'archéologie
industrielle. Je crois qu'au lieu de développer des moyens restrictifs,
encore que le but soit noble, des articles 34 et 35, une politique beaucoup
plus incitatrice serait plus de mise.
Enfin, cinquième recommandation: Que l'on ramène à
50 ans de la date de fermeture des greffes l'obligation faite aux notaires, aux
arpenteurs et aux protonotaires de verser ces greffes aux Archives nationales.
À l'heure actuelle, l'obligation faite aux notaires et par voie de
conséquence aux protonotaires est de verser aux archives les greffes
d'arpenteurs et de notaires 100 ans après la date de fermeture des
greffes. Or, 100 ans après la date de fermeture, si les greffes ont
été ouverts pendant 50 ans, cela nous met en 1833.
M. le ministre, vous êtes sans doute au courant que vers 1850 - de
nombreux archivistes ici pourront le confirmer - il y a eu un problème
au niveau de la qualité du papier. Je crois que l'état
déplorable dans lequel sont conservées ces archives dans les
palais de justice nous inciterait à recommander le verserment de ces
archives le plus tôt possible aux Archives nationales. Remarquez qu'on
n'est pas à cheval sur les 50 ans, mais à tout le moins qu'on
ramène cela à une date qui permette une protection plus efficace
de ces archives.
Cela complète, M. le ministre, les principales recommandations de
la fédération.
Le Président (M. Brouillet): Bien, merci.
M. Richard: Au sujet de votre dernière remarque, je
voudrais simplement dire que c'est un problème qui relève
essentiellement, comme vous le savez, du ministère de la Justice.
En ce qui a trait au statut d'autonomie des Archives nationales, je ne
sais pas si vous avez voulu indiquer qu'il y avait un changement par rapport
à la situation actuelle, mais il n'y en a pas. Je ne le
répéterai jamais assez, je suppose, mais il n'y en a pas. Il y a
toujours eu une autorité ultime. Je pense que vous allez
reconnaître qu'on ne peut pas accrocher dans le vide une institution,
fût-elle une institution d'État.
J'ajouterai à cela que vous commettez une petite erreur quand
vous dites que les relations avec les autres ministères se font toujours
au niveau sous-ministériel, à des fins administratives, tel n'est
pas le cas. Je prendrai le premier exemple qui me vient à l'esprit qui
est l'exemple du grand patron du bureau d'informatique gouvernemental qui
relève du ministre des Communications mais qui est un directeur
général qui intervient pour tous les ministères ou dans
l'ensemble des ministères. Ce n'est pas le statut
sous-ministériel qui importe, en l'occurrence.
M. Racine: M. le ministre, je ne veux pas poursuivre longtemps
cette discussion. Il me semble que c'est prendre une comparaison qui...
Évidemment, toute comparaison est boiteuse. Je pense que le
président des élections ou le Directeur général des
élections n'aurait pas la même autorité s'il était
nommé par le gouvernement que s'il était nommé par
l'Assemblée nationale. Par voie de similitude, je pense que le
conservateur des Archives nationales n'a pas le même prestige, la
même autorité et la même crédibilité
vis-à-vis du public s'il est nommé sous le grand sceau en
fonction d'un poste déterminé par la législation
plutôt que nommé comme n'importe quel autre fonctionnaire peut
l'être.
M. Richard: Je vous avoue que je ne savais même pas, avant
il y a quelques semaines, que, normalement, dans le passé, le
conservateur était nommé sous le grand sceau. Je ne le savais
même pas et je ne suis pas sûr que mon prédécesseur
aux Affaires culturelles le savait. Cette différence-là n'a
jamais été faite.
M. Racine: C'est-à-dire que, effectivement, elle n'a
jamais été faite. J'espère...
M. Richard: Donc, je me rends bien compte que cela a une valeur
de symbole parce que plusieurs s'en rendent compte. Mais le conservateur
lui-même ne s'en était jamais rendu compte.
M. Racine: J'espère, M. le ministre, qu'on n'aura pas de
problèmes d'illégalité.
M. Richard: Et j'espère qu'il aura l'occasion de
s'exprimer demain pour vous en faire la démonstration.
M. Racine: Je pense que les chercheurs québécois
sont...
M. Richard: L'élan qui a été donné
aux Archives nationales et le statut que les Archives nationales ont fini par
acquérir, tout cela a été fait depuis que le conservateur
n'est plus nommé sous le grand sceau.
M. Racine: C'est votre interprétation, M. le ministre.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous souhaitez qu'on
maintienne son statut?
M. Racine: Non seulement qu'on maintienne son statut, mais nous
aurions souhaité que les Archives nationales, en tant qu'institution, au
même titre qu'on l'a fait avec les musées, soient
créées par voie législative et ne soient pas simplement
une institution du gouvernement. M. le ministre a exprimé des objections
ce matin - ou cet après-midi, je ne me souviens pas. Je pense que ces
objections peuvent être aisément surmontées dans la mesure
où on sépare le rôle de conservation du rôle
d'acquisition des Archives nationales. Je pense qu'au niveau de l'acquisition
et de la détermination de la politique de conservation pour les
organismes du gouvernement, le ministre a un rôle à jouer et,
évidemment, les Archives nationales aussi au niveau consultatif.
D'ailleurs, on recommande que ce rôle ressemble à celui que joue
la Commission des biens culturels. Au niveau de la conservation, je pense que
les Archives nationales, en tant qu'institution, au même titre que le
Musée du Québec, par exemple, devraient être
créées par voie législative, ce qui leur assurerait une
viabilité au sein d'un organisme d'État et non pas d'un simple
service gouvernemental comme tel.
M. Richard: Oui, mais, à ce moment-là, Me Racine,
cela supposerait la création d'une corporation composée d'un
conseil d'administration dont les membres seraient nommés par le
gouvernement et qui serait responsable à un ministre tuteur.
M. Racine: Oui.
M. Richard: Bien oui, mais...
M. Racine: M. le ministre, vous l'avez fait avec le
Musée.
M. Richard: Oui.
M. Racine: Bon, alors...
M. Richard: Et j'ai expliqué ce matin pourquoi on ne
pourrait pas le faire avec les archives: c'est qu'à ce moment-là
on ne voit pas comment les archives, avec un conseil d'administration et,
supposons, un président ou un directeur général, ou un
président-directeur général, interviendraient dans la
gestion des documents de chacun des ministères. Cela affaiblirait
considérablement les Archives nationales. C'est pour ne pas les
affaiblir que je n'ai pas opté pour cette solution.
M. Racine: Mais, M. le ministre...
M. Richard: Je vois mal le Grand Théâtre, par
exemple, qui est une corporation, relevant du ministre des Affaires
culturelles. Il y a toujours une autorité ultime, bon. Je vois mal le
Grand Théâtre se mettre à imposer ses desiderata au
ministère des Finances, au Conseil du trésor, ou au
ministère des Affaires sociales.
M. Racine: Mais, M. le ministre, je pense qu'il faut
séparer la fonction acquisition et gestion d'archives au niveau
gouvernemental et la fonction de conservation des archives dites nationales,
conservées aux Archives nationales. Et, à ce niveau-là, je
pense que les Archives nationales sont une institution - le mot le dit -
nationale et je pense que, de toute façon, il paraît un peu
prétentieux qu'un simple service du gouvernement s'intitule national au
point de départ. À ce moment-là, je pense que les
chercheurs - ils vous l'ont dit toute la journée - sont très
attachés à ce statut d'autonomie et d'institution d'État
que sont les Archives nationales. Cela n'empêche pas le ministre, sur
consultation des Archives nationales, de jouer un rôle fort important
dans la gestion et dans les politiques de conservation à mettre de
l'avant dans les organismes du gouvernement. (Minuit)
M. Richard: Me Racine, je voudrais une fois de plus vous
préciser - et je pense que le dialogue devrait être facile - qu'en
vertu de la législation actuelle, les Archives nationales, ce ne sont
que des documents. En vertu de l'article 20, qui décrit les Archives
nationales, ce ne sont que des documents, alors que, depuis quelques
années, on leur a donné pignon sur rue et on les a
véritablement transformées dans leur vécu en institution.
On ne modifie pas cette situation. Votre proposition est peut-être
originale mais enlever la moitié de la fonction des Archives nationales,
jamais je ne m'y résoudrais parce que ce serait affaiblir
considérablement les Archives nationales et leur dire: Désormais,
vous ne vous occuperez plus d'acquisition. Cela me paraît contradictoire
avec les objectifs que vous poursuivez d'avoir un statut important pour les
Archives nationales. Vous me demandez de leur enlever la moitié de
leurs
fonctions. Encore une fois, c'est peut-être original comme
proposition, mais je n'ai vu cela nulle part ailleurs dans le monde entier,
séparer la fonction de conservation de l'acquisition. Les meilleures
archives, quant à moi, pour acquérir, sont les Archives
nationales parce que ce sont les meilleures pour conserver.
M. Racine: M. le Président, je me permettrais d'ajouter
quelque chose.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Allez.
M. Racine: II n'y a pas si longtemps, les Archives nationales
n'avaient absolument aucun mandat autre que celui de la conservation des
documents des ministères. C'était le Conseil du trésor qui
devait, par l'intermédiaire d'un comité interministériel,
accepter les calendriers de conservation et établir les règles
qui, entre autres, ont été établies vers 1975. À
cette époque-là, même le Conseil du trésor, qui est
quand même, au gouvernement, un organisme supposément très
puissant, a eu peine à faire accepter par les ministères les
délais de conservation et leur application. Pensez-vous que les Archives
nationales, comme institution relevant du ministère des Affaires
culturelles dans l'appareil gouvernemental, vont être en mesure de jouer
le rôle que le Conseil du trésor a eu de la difficulté
à remplir?
M. Richard: Oui, à la condition qu'on ne les ampute pas
d'une part importante de leur mission.
M. Racine: Une nouvelle mission, M. le ministre. Puis-je vous
rappeler que la proposition de M. L'Allier, en 1975, comportait la
création d'une commission des archives et de la bibliothèque qui
avait précisément un rôle dans l'acquisition. Je me suis
peut-être mal exprimé dans la définition des râles
respectifs mais il n'en reste pas moins que j'y vois une différence.
Cette commission, proposée par M. L'Allier dans le temps, avait
précisément ce rôle.
M. Richard: Nous faisons l'économie d'une commission en
proposant que ce soit la Commission des biens culturels qui joue le rôle
que M. L'Allier voulait faire jouer à la commission des archives.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Trois-Rivières.
M. Vaugeois: M. le Président, sous réserve d'un
examen plus approfondi de tout cela, je pense que ce que nous propose le
ministre est vivable. On peut certainement expérimenter cela. Il reste
quand même que je ne voudrais pas qu'on pense avoir réglé
toute la question, si jamais on se rallie à cela - je pense que cela a
des chances de se produire ainsi - quand on a adopté la loi sur
l'accès à l'information, le principe étant l'accès
à l'information, on a placé les responsables sous
l'autorité de l'Assemblée nationale. Ces gens ont une
autorité sur l'ensemble de l'appareil gouvernemental et
étatique.
Quand on parle de la fonction d'archiviste, il s'agit encore là
d'accès à l'information, mais plus tard. Pour tout de suite, on
est conscient qu'on ne peut pas, pour différentes raisons. Par exemple,
les documents du Conseil du trésor, les documents du Conseil des
ministres, les documents de certaines autres sortes, mais ce sera pour plus
tard. C'est un aspect de ce qui nous préoccupe et c'est l'aspect majeur
de la loi, car ce sont des documents inactifs pour plus tard.
Donc, on pourrait faire exactement le même raisonnement et
convenir que celui et ceux qui sont responsables de cela, seront, eux aussi,
comme les responsables de l'accès immédiat, ceux qui sont
responsables de l'accès plus tard sont également des gens qui
tiennent leur autorité de l'Assemblée nationale. Je ne dis pas
que c'est la seule solution mais je dis qu'on pourrait tout à fait
transposer ce qui se fait pour l'accès à l'information et la
relation qu'il y a avec le Parlement pour ceux qui sont responsables de
l'accès pour plus tard. C'est une première chose.
La deuxième chose, je sais ce que le directeur des archives dit
au ministre actuellement, parce qu'il m'a déjà dit la même
chose quand j'étais ministre. Je voudrais, là-dessus, mettre en
garde l'un et l'autre. Ce que le ministre a dit tout à l'heure est vrai.
Ce que dit M. Robert Garon au ministre est vrai aussi à savoir que le
directeur des archives a des relations avec tout le monde, que cela va bien et
tout cela et qu'on convainc, qu'on persuade et qu'on peut presque contraindre
en certains cas. Encore que, s'il fallait faire l'histoire de tout cela, il
faudrait admettre qu'à certains moments cela a été
difficile et que les relations dans l'administration publique n'ont pas
toujours été faciles. Si le projet de loi ne voit le jour que
maintenant, c'est parce qu'il y a eu des luttes dans l'administration publique,
il faudrait dire tout cela. D'ailleurs, si on voulait faire l'histoire de ce
projet de loi, on n'y parviendrait pas parce qu'on n'a probablement pas
conservé les ancêtres de ce projet de loi. Nos problèmes
vont jusque là. Je mettrais au défi quelqu'un de m'amener ici
tous les projets de loi qui se sont succédé avant d'arriver
à celui-ci. Je mets publiquement au défi le directeur des
archives de nous amener cet ensemble de documents.
Ce que je veux dire - cela va être
intéressant de toute façon - c'est que les relations entre
deux directions générales, les choses nouvelles qu'on initie
passent par les directeurs généraux; c'est la règle dans
l'administration publique. Quand une chose est réglée, les
directeurs généraux disent à leurs membres: Parlez-vous
maintenant et réglez vos affaires, ne nous en parlez plus. Là,
vous réglez le quotidien. Le sous-ministre est là et, avec son
expérience, il me dira si cela pourrait fonctionner autrement, si les
gens de deux directions générales pourraient régler les
affaires à l'insu des directeurs généraux, les choses
nouvelles.
De la même façon, les relations entre les ministères
ne pourraient pas se faire sans que le ministre ou le sous-ministre soit mis au
courant quand on franchit des étapes nouvelles, quand on fait des choses
nouvelles, etc. Les sous-ministres ont besoin d'être au courant et les
ministres ont besoin d'être au courant. Autrement, il n'y a pas de
coordination possible et plus rien ne fonctionne. Une fois les choses
réglées et la correspondance échangée, en ce qui
concerne les ministres ou les sous-ministres, on dit aux directeurs
généraux: Allez-y, réglez cela, le cadre est le suivant.
On a établi le cadre. Évidemment, un directeur
général peut avoir l'impression qu'il fait des choses nouvelles
mais, s'il fait des choses nouvelles, vraiment nouvelles, il doit prendre la
précaution de retourner au niveau des sous-ministres et que les choses
soient clarifiées entre les sous-ministres.
Je voudrais bien qu'on s'entende sur ce sujet. C'est possible pour un
directeur général des Archives nationales de traiter avec les
autres ministères. Ce sera toujours dans des cadres qui auront
été établis en ce qui a trait aux ministres et aux
sous-ministres parce que les relations entre les ministères passent par
là. C'est ma conception de l'administration publique, c'est ma
conception de n'importe quelle administration. Il me semble que cela doit
rester dans le décor, quand on regarde ce qu'implique le fait de
demander à un directeur général d'aller au loin. Surtout
que, si on élargit le cadre de la loi, si on va au-delà de la
conservation, le directeur général pourrait avoir à
collaborer avec le Conseil du trésor, par exemple, pour
l'élaboration d'une politique de gestion documentaire. Cela lui donne un
autre statut que celui d'être directeur général
échangeant avec le secrétaire du Conseil du trésor, ou
celui d'être sous-ministre échangeant avec le Conseil du
trésor, ou celui de quelqu'un tenant son mandat du Parlement. Je vous
assure que le Vérificateur général, qui a
déjà des problèmes avec le secrétaire du
trésor, pourrait témoigner ici que s'il n'était que
directeur général dans un ministère, ses problèmes
seraient encore plus considérables, et c'est normal.
Je ne conclus pas. Le cheminement du ministre à cet égard,
d'ailleurs, est extrêmement significatif. On a un ministre qui
s'intéresse à la chose et qui nous a enfin déposé
un projet de loi. Alors, on ne chique pas la guenille, on veut avec lui
bonifier ce projet de loi. On sait que c'est l'homme pour faire les batailles.
Quand on s'exprime devant lui, ce n'est pas en vain; même s'il est
minuit, il est capable de faire les batailles. Il les a faites afin de nous
présenter ce projet de loi. Puisque nous sommes maîtres de la
situation, on se dirige vers l'adoption d'une loi et il ne faudrait pas que
cela nous glisse entre les doigts et, parce qu'une expérience a
été rassurante, se méprendre sur la signification des
bonnes relations entretenues à partir de ce qui était
perçu comme une direction générale. Lorsque les vrais
problèmes se poseront, là se révéleront les
difficultés.
Je conclus sur cela, M. le Président. Je remercie les gens non
pas nécessairement de revenir à la charge, mais de montrer des
préoccupations qui, à mon avis, ont une certaine correspondance
avec la réalité.
M. Richard: M. le Président, juste une observation. Il est
évident, je pense, que mon collègue de Trois-Rivières n'a
pas voulu indiquer qu'il suggérait que cela relève de
l'Assemblée nationale parce que cela est impossible en droit et en fait.
C'est absolument impossible. Je lui rappellerai que la loi sur le droit du
public à l'information gouvernementale ne donne à aucun
organisme, même pas à la commission, le soin de gérer des
documents de l'Exécutif. C'est toute la théorie de la
séparation des pouvoirs qui est remise en cause dans cela.
D'autre part, je ne sache pas qu'il existe un seul organisme relevant de
l'Assemblée nationale qui aurait le droit, par exemple, de subventionner
ou qui aurait un budget au même titre qu'un ministère.
M. Vaugeois: Le Directeur général des
élections.
M. Richard: Un budget de développement. Il ne subventionne
pas, c'est un cadre très précis.
M. Vaugeois: II nous paie.
M. Richard: Oui, et c'est l'exception à la règle
parce que cela ne peut pas relever de l'Exécutif, justement. C'est par
rapport à la fonction parlementaire elle-même. Or la gestion de
documents de l'Exécutif ne relève pas de la fonction
parlementaire et c'est absolument impossible; il y aurait contradiction dans
les termes. À moins qu'on change de régime politique.
M. Vaugeois: Je ne veux pas lancer de
débat, M. le Président, mais l'acceptation des pouvoirs a
subi plusieurs accrocs ces dernières années de telle façon
que c'est difficile de s'y référer mais la Bibliothèque de
la Législature, par une loi même qu'on a votée ici, se
voulait gardienne des archives des parlementaires. Je pense d'ailleurs qu'on
l'a votée comme cela. La Bibliothèque de la Législature a
quand même un budget et la présidence, cela existe aussi. Et la
présidence - vous connaissez cela, M. le ministre - de
l'Assemblée nationale existe, gère des budgets et peut aussi en
distribuer.
M. Richard: Oui. Et cela ne peut pas subventionner. Je le sais
trop bien pour avoir été quatre ans président de
l'Assemblée nationale.
M. Vaugeois: Et vous n'avez pas subventionné?
M. Richard: Je n'ai jamais subventionné, sauf le
député de Trois-Rivières pour quelques voyages à
l'étranger.
M. Vaugeois: À Ottawa.
Le Président (M. Brouillet): Messieurs, je pense que...
Enfin, les débats demeurent toujours ouverts. Il serait temps
peut-être de clore avec la présentation des messieurs qui sont
devant nous, la Fédération des Sociétés d'histoire
du Québec. Je vous remercie et je dois revenir devant les membres de
cette commission pour avoir l'autorisation de poursuivre. On s'est entendus
jusqu'à minuit. Il reste en présence la Société
généalogique canadienne-française.
Une voix: Elle n'est pas là.
Le Président (M. Brouillet): Elle n'est pas là.
Bon. M. Armand Gagné est ici. M. Paul-Émile Guy.
Une voix: II n'est pas là.
Le Président (M. Brouillet): II n'est pas là. Alors
il reste présent M. Armand Gagné.
Des voix: ...
Le Président (M. Brouillet): Pardon?
Une voix: M. Mario Mimeault.
Le Président (M. Brouillet): Ah oui! M. Mario Mimeault.
Bon. Alors il reste... Alors vous avez eu le courage d'attendre jusqu'à
cette heure. Je pense que la commission serait d'accord pour vous entendre. M.
Armand Gagné, archiviste, archidiocèse de Québec et M.
Mario Mimeault. Si vous voulez vous identifier.
M. Armand Gagné
M. Gagné (Armand): Oui. Mon nom est Armand Gagné,
archiviste de l'archidiocèse de Québec.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Vous pouvez
procéder.
M. Gagné: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés. Je préviens d'abord M. le ministre que j'ai
déjà procédé à une amputation, une
élimination considérable de mon mémoire sans avoir, au
préalable, présenté mon catalogue de conservation. Alors
je réclame son indulgence au départ.
Sur ce - je continue encore à éliminer - le
deuxième point que je voulais soulever... Si j'ai bien compris, au
moment où le Séminaire de Québec est venu ici à la
barre, M. le ministre avait dit qu'il ne voyait pas d'objection à ce que
l'annexe au projet de loi soit sous-titrée, comme l'avait indiqué
le rapporteur du séminaire, organisme public, organisme parapublic et
organisme privé. Mais dans sa réponse, M. le ministre a
parlé d'organisme public et simplement de parapublic. Il n'a pas
prononcé le mot "privé". J'aimerais bien avoir sa confirmation
à savoir s'il est prêt à sous-titrer l'annexe avec ces
trois expressions.
Aussi, j'ajouterais que sur ce rapport d'institution
déclarée d'intérêt public, qui est une incise au
sixième alinéa de l'annexe, je voudrais dire que la formulation
de tout alinéa ou de tout article mettant éventuellement en cause
dans ce projet de loi les institutions déclarées
d'intérêt public ou reconnues etc. dignes de subvention, ne
devrait laisser aucune ambiguïté sur le statut de droit
privé de ces institutions. (0 h 15)
Troisième point. De même qu'il existe une disposition qui
permet à un service d'archives privées d'être
agréé, à l'article 24, de même doit-il en exister
une qui permette au même service d'archives privées d'être
désagréé à la demande du propriétaire.
J'ajoute que cette lacune du projet de loi devrait être comblée
par une disposition inscrite dans la loi et non dans la seule
réglementation.
Cinquième point. Les articles 22 et 23 sur l'accès aux
archives publiques, qui seront éventuellement consultées par une
vaste clientèle de tout âge et de toute condition, doivent, dans
l'actuel projet de loi, être comptés au nombre des articles les
plus imparfaits. Voici rapidement pourquoi: la formulation en est fort lourde
et non moins obscure; elle fait par surcroît référence
à une autre loi, la loi 65, pour l'application de ses dispositions; elle
n'offre aucune dérogation aux dispositions du législateur,
nonobstant le lointain article 44 dont le
contenu n'est pas très en rapport avec ces deux articles 22 et
23; ni aucune disposition sur le secret professionnel qui est une
responsabilité des archivistes; ni enfin aucune disposition obligeant le
ministre à motiver un refus d'accès à des archives qui
sont publiques.
Sixième point, dans l'article 32 relatif aux archives
privées déposées auprès du ministre et dont il
peut, en vertu de cet article, autoriser la consultation de la manière
prévue aux articles 10 et Il de la loi 65, je propose qu'on ajoute
l'article 12 de la même loi 65 qui se lit comme suit: "Le droit
d'accès à un document s'exerce sous réserve des droits
relatifs à la propriété intellectuelle." Je dois dire que
je suis un peu surpris depuis ce matin de n'avoir pas entendu cette
expression-là, ni aucune disposition qui puisse protéger les
droits relatifs à la propriété intellectuelle. Il ne
suffit pas qu'un chercheur puisse être autorisé à consulter
un document d'archives, ni non plus à se procurer une copie par
xérographie ou autrement pour qu'il puisse se dire: Bien là, j'ai
le droit de tout reproduire dans une thèse ou dans un livre que je vais
faire. C'est une urgence, je crois. Il y a une éducation
considérable à faire ici au Québec sous ce
rapport-là. C'est le temps qu'il y ait une disposition
législative qui mette les choses bien au clair.
Comme dernier point, qui n'en est pas tout à fait un, je
rappellerais tout simplement, pour faire suite à toutes les
interventions d'aujourd'hui, combien il y a d'insistance aussi sur le nom du
ministre qui intervient continuellement dans le projet de loi. Au dire de M. le
ministre lui-même, le mot était indiqué parce qu'il fallait
faire référence à quelque chose de légal. Les
Français, pour une fois, ont fait une chose fort simple: la loi
française sur les archives qui a été promulguée le
3 janvier 1979. Je remarque que dans toute cette loi on ne parle jamais du
ministre ou enfin d'une autorité légale. On ne parle pas des
archives nationales non plus. On a choisi un moyen terme qui me paraît
judicieux, qui est "l'administration des archives". Voilà, cela revient
continuellement. Il n'y a rien de légal là-dedans et la loi a
été promulguée. Bien sûr, il y a beaucoup de
jurisprudence qui se brasse outre-mer, mais cela porte sur d'autres points.
Je termine. Vous savez que Bossuet avait eu l'imprudence de
prêcher à 1 heure du matin. Je réclame la même
indulgence que ses auditeurs lui ont montrée. Il y en a un seul qui
s'était plaint qu'il n'avait jamais entendu prêcher aussi
tôt et aussi tard.
Le Président (M. Brouillet): Nous vous remercions. M. le
ministre, vos commentaires.
M. Richard: Je vous remercie, M. Gagné. J'aurais un
très bref commentaire en ce qui a trait à la
propriété intellectuelle. Je n'ai pas tout à fait bien
saisi votre remarque là-dessus puisque, quand il s'agit d'archives
publiques, par définition, les droits d'auteur ne s'appliquent pas et
quand il s'agit d'archives privées, au mieux ou au pire, selon le point
de vue d'où on se place, c'est une loi de juridiction
fédérale sur laquelle nous n'avons point d'emprise, M.
Gagné.
M. Gagné: Oui, mais...
M. Richard: Je le regrette. Vous ne l'ignorez pas, mais...
M. Gagné: Je le regrette infiniment, M. le ministre, mais
pourquoi... C'est justement ce qui fait l'objet de l'article 12 de la loi 65,
que j'ai lu, "Le droit d'accès à un document s'exerce sous
réserve des droits relatifs à la propriété
intellectuelle". Cette loi 65 veut justement régir l'accès aux
organismes publics.
M. Richard: Oui. Mais quand il s'agit d'archives publiques, cela
ne s'applique pas.
M. Gagné: Bien, est-ce que je lis mal cet article 12 de la
loi 65?
M. Richard: Oui. La loi 65 est la protection du droit du public
à l'information. Là, il s'agit d'archives. C'est très
différent.
M. Gagné: Oui.
M. Richard: Vous lisez très bien la loi 65, mais je ne
suis pas sûr que vous lisez très bien la loi 3.
M. Gagné: Ce chapitre 2 est intitulé "Accès
aux documents des organismes publics".
M. Richard: Oui, c'est cela.
M. Gagné: Alors, si ce sont des documents, c'est de
juridiction provinciale et si ce sont des archives, c'est de juridiction
fédérale pour les droits littéraires.
M. Richard: Non, c'est que, des archives publiques, quand c'est
public, par définition, il n'y a pas de droits d'auteur qui
s'appliquent.
M. Gagné: Oui, mais je ne vois vraiment pas que l'auteur
d'un livre, vous le savez, puisse reproduire...
M. Richard: Ah oui! Mais pour un livre, justement, M.
Gagné, cela ne s'applique pas.
M. Gagné: Même si c'est un document d'archives
publiques, je ne vois vraiment pas qu'il puisse se sauver avec une copie...
M. Richard: Non, non, mais un livre ne constitue pas une archive
au...
M. Gagné: Non, non, mais pour reproduire dans un livre,
dont il sera éventuellement l'auteur officiellement dans les librairies,
n'est-ce pas? Il va s'approprier, par photocopie ou autrement, un document
d'archives publiques qu'il va reproduire comme cela sans demander
l'autorisation, aux Archives nationales en l'occurrence, de reproduire ce
document-là. Il me semble que c'est de l'honnêteté
intellectuelle qui n'a rien à faire avec le fédéral.
Peut-être vais-je trop loin en mentionnant ici les droits d'auteur ou les
droits littéraires? C'est là que la notion de "publiques"
accroche, d'après vous, M. le ministre, n'est-ce pas? Mais, au
fond...
M. Richard: Je ne sais pas. J'allais voir...
M. Gagné: ...il y a une question d'honnêteté
intellectuelle et pour laquelle il y a une éducation très
considérable à faire ici, au Québec, sous ce rapport.
M. Richard: Vous avez parfaitement raison là-dessus. Je
vous suis allègrement. Mais je n'avais pas à saisir la
portée. On va l'analyser attentivement à partir de vos remarques
et on verra s'il y a lieu de les appliquer. Je vous remercie.
M. Hains: Seulement une petite remarque, peut-être. Au
troisième point, vous parlez d'archives privées qui auraient le
droit d'être désagréées. Vous insistez pour que cela
soit inscrit aussi dans la loi.
M. Gagné: Et non pas dans la réglementation. Cette
requête serait faite de la part du propriétaire, bien sûr.
S'il y a une disposition qui prévoit l'agrément, je me demande
bien pourquoi il n'y en aurait pas une prévoyant aussi le
"désagrément". Excusez-moi, le français accroche
peut-être ici, le mot n'est pas dans les dictionnaires.
M. Hains: Est-ce que cela vous causerait un
désagrément, M. le ministre, de mettre cela dans la loi? Je
voudrais que vous répondiez à la question de notre auditeur.
M. Richard: Au sujet de l'agrément? M. Hains: Du
"désagrément".
M. Richard: On va analyser cela très sérieusement,
M. le député.
M. Hains: Je vous remercie infiniment.
Le Président (M. Brouillet): Merci bien. Nous avons
maintenant avec nous M. Mario Mimeault qui a eu la vaillance d'attendre
patiemment.
Une voix: C'est fatigant pour lui.
Le Président (M. Brouillet): Est-ce que vous pourriez vous
identifier, monsieur...
M. Mario Mimeault
M. Mimeault (Mario): Mon nom est
Mario Mimeault, je suis professeur d'histoire, un des petits vicieux
qu'on mentionnait ce matin.
M. Vaugeois: Est-ce que vous parlez des professeurs?
M. Mimeault (Mario): Non, des historiens, des petits historiens,
donc, petits vicieux.
Maintenant, j'ai bien peur d'avorter, même pas d'accoucher,
puisque je veux moi aussi couper. Je vais simplement donner la raison de mon
intervention qui se rapporte à la Gaspésie et à ses
archives. Le ministre des Affaires culturelles, M. Clément Richard, a
présenté le projet de loi no 3 ou va le présenter
bientôt. Par l'article 14 de ce projet de loi, chapitre III, Archives
publiques, section I, remise ou dépôt: "Le ministre peut,
après avoir pris l'avis de la Commission des biens culturels et aux
conditions qu'il détermine, déposer des archives publiques
auprès d'un organisme public ou d'un service d'archives privées
agréé en vertu de la présente loi. L'organisme ou le
service assume alors la conservation de ces archives conformément aux
règles prescrites par règlement."
Le ministère des Affaires culturelles, en fait, a entrepris un
programme de décentralisation des Archives nationales du Québec,
de régionalisation, dit-on au MAC. Or, en vertu d'une première
étape, on a établi à Rimouski un centre régional
des Archives nationales pour la région du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. On oubliait, d'une part, que la
Gaspésie constitue un milieu distinct du Bas-Saint-Laurent tant par sa
géographie, ses origines ethniques, ses caractéristiques
culturelles que son histoire. D'autre part, on faisait fi de
l'éloignement de ce centre par rapport au bassin culturel
gaspésien dont on le voulait conservateur de son patrimoine et qui en
rendait la fréquentation, à toutes fins utiles, impossible.
Rien ne justifierait le déménagement des archives
produites en Gaspésie, même publiques. Ce projet de loi ne nous
garantit pas la poursuite du programme de décentralisation du MAC, dont
seule la phase
dite de sous-régionalisation nous assurerait la conservation de
notre patrimoine en permettant au ministre de désigner un service
d'archives privées et véritablement gaspésien.
Nous voulons que l'on remanie le projet de loi no 3, Loi sur les
archives, pour qu'il engage le MAC à compléter son programme de
décentralisation des Archives nationales avant que le ministre puisse
déterminer les dépositaires des archives publiques.
Je vais être concret et résumer les six ou sept autres
pages. Il se passe ceci: Percé se trouve à 487 kilomètres
de Rimouski d'où on prendrait, à Percé, les archives pour
les y amener. Je faisais déjà la remarque à M. le ministre
dans sa tournée: Prenez les Archives nationales de Québec et
déplacez-les - vous vous rappelez, M. le ministre? - de ...
M. Richard: 459 kilomètres.
M. Mimeault (Mario): ...459 kilomètres à l'Ouest
seulement et vous savez où elles vont?
M. Richard: À Ottawa.
M. Mimeault (Mario): C'est en plein cela. C'est ce que vous
faites avec nous autres, les Gaspésiens. Ce n'est pas Ottawa, c'est
Rimouski et Rimouski, c'est notre Ottawa.
Demain, un de vos anciens confrères, M. Le Moignan, reprendra le
problème que je développais dans cela. Je veux que cela reste
à Rimouski... Pardon, c'est un lapsus linguae catastrophique! Je veux
que cela reste en Gaspésie et non pas que cela s'en aille à
Rimouski. En tant qu'historien, en tant que professeur, en tant que chercheur,
si vous enlevez cela, moi, je suis obligé, non pas de faire 40 milles
maintenant, mais 250 milles. La Société historique, Michel Le
Moignan vous expliquera demain la catastrophe qui se produirait si on ne
poursuit pas ce programme de décentralisation.
La conclusion. En résumé, voici les principales raisons
qui militent en faveur de la création d'un tel centre à
Gaspé, ce que tendait à développer notre mémoire:
premièrement, conserver les documents historiques produits par la
région dans la région, c'est ce que nous voulons;
deuxièmement, garder les archives gaspésiennes à
proximité des sociétés historiques ou à vocation
patrimoniale susceptible d'y travailler - Michel Le Moignan parlera dans ce
sens; troisièmement, conserver pour les chercheurs gaspésiens qui
travaillent sur l'histoire régionale la disponibilité des sources
de notre histoire et maintenir la facilité d'accès qu'ils en ont
actuellement, ce qu'un déménagement rendrait impossible; enfin,
quatrièmement, Rimouski n'est pas une ville de la Gaspésie, cela
est important, mais comme elle dit elle-même la métropole du
Bas-Saint-Laurent, elle s'est battue pour avoir ce titre-là, à
part cela. Je m'en rappelle car je restais à Rimouski. Cette ville ne
partage pas nos intérêts culturels, encore moins doit-elle abriter
notre héritage culturel? Laissez-nous ce rôle. (0 h 30)
Je vous remercie de votre patience, de votre courage et je me
félicite aussi du mien.
Le Président (M. Brouillet): Nous vous remercions. Les
commentaires de M. le ministre.
M. Richard: M. Mimeault, je pense que c'est à nous
à vous remercier de votre patience. Comme vous êtes le dernier je
vais en profiter pour excuser, je pense, la commission auprès de tous
les intervenants des délais qu'on peut difficilement éviter.
J'ai pu comprendre, même tardivement, que vous étiez en
désaccord avec ceux qui réclamaient aujourd'hui qu'on n'acquiesce
pas au projet d'émiettement de ce qu'ils appellent l'émiettement
des Archives nationales. Je dois toutefois vous rappeler que la politique des
Archives nationales vise à assurer la plus large diffusion possible,
notamment à permettre partout où cela peut se faire d'avoir au
moins les microfilms. On ne peut pas échapper aux difficultés que
nous causent les distances dans ce pays du Québec; on n'échappera
jamais à cela. Je sais que les distances entre la Gaspésie et
Rimouski sont plus importantes que celles entre Québec et
Montréal, par exemple. Il y a d'autres régions du Québec
qui sont extrêmement étendues, et c'est vrai également pour
la Côte-Nord, c'est vrai pour l'Abitibi. Il y a de ces immenses
régions au Québec et il n'est pas toujours possible d'assurer
à l'ensemble des régions du Québec les mêmes
services qui sont offerts dans les régions plus populeuses là
où existent d'importantes municipalités ou d'importantes villes.
On essaie de le faire autant que possible, mais on n'y parvient pas
toujours.
M. Mimeault: Je suis parfaitement d'accord avec vos propos
concernant les microfilms. Alors, laissez-nous les documents et envoyez les
microfilms à Rimouski.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Trois-Rivières aurait un mot.
M. Vaugeois: Je suis un peu responsable de la
régionalisation. C'est pendant que j'étais aux Affaires
culturelles qu'on a déménagé les archives sur le site du
campus universitaire. On a fait la régionalisation. On a quand
même rapproché un dépôt régional. On vous a
soustrait quelque chose comme
200 ou 250 kilomètres par rapport à Québec. Il
reste que vous posez un problème particulier. Je vous rappellerai, M. le
ministre, que les premiers qui m'avaient posé un semblable
problème c'étaient les Beaucerons. Bien que plus près de
Québec que vous, de Rimouski, les autres sont plus loin de coeur encore
que vous pouvez l'être de Rimouski. Ils ont une vitalité de
recherche, de travaux sur la région qui est extrêmement
éloquente. Je pense que c'est un problème que le ministre, avec
ses fonctionnaires, est capable d'apprécier.
J'aimerais en profiter simplement pour dire que la situation actuelle,
malgré toutes ses faiblesses et tout, a quand même permis à
la Gaspésie de se donner une histoire régionale probablement la
plus complète, la plus poussée. Il n'y a pas une région
qui a une histoire aussi complète et aussi poussée que celle que
vous avez maintenant.
M. Mimeault: Parce qu'on les avait à la main.
M. Vaugeois: Cela a été grâce à vos
archives, grâce au ministère des Affaires culturelles.
M. Mimeault: Aussi, c'est exact.
M. Vaugeois: Grâce à d'excellents chercheurs et
grâce à un excellent éditeur, il ne faudrait pas oublier
cela non plus.
M. Richard: M. le Président, je voudrais seulement ajouter
au bénéfice de tout le monde que la notion d'agrément a
été conçue en songeant d'abord à Gaspé.
M. Mimeault: D'accord.
M. Richard: C'est pourquoi, j'ai refusé de renoncer
à cette notion-là toute la journée, si vous avez
été là toute la journée.
M. Mimeault: Oui, oui.
M. Richard: Parce que cela peut aider à régler des
problèmes très particuliers comme celui de Gaspé.
M. Mimeault: Définitivement si cela part, nous, on est
foutus et on le sait.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Saint-Henri.
Une voix: Cela ne partira pas.
M. Mimeault: On en prend bonne note, comme vous le dites
souvent.
M. Hains: Je voulais ajouter un petit mot. J'ai le coeur
sensible, M. Mimeault, et probablement que j'aurais fait un très mauvais
avocat. Mais devant votre plaidoyer, il faut être avocat et ministre
pour...
M. Richard: Voulez-vous insinuer que je n'ai pas le coeur
sensible?
M. Hains: Pour vous résister, il faut être avocat et
ministre en même temps.
Le Président (M. Brouillet): Sur ce, nous allons terminer
nos travaux pour aujourd'hui. Je remercie tout le monde. Nous ajournons
jusqu'à demain, 10 heures.
M. Richard: Moi aussi, M. le Président, je voudrais
remercier tout le monde et en particulier le président qui a eu une
patience absolument extraordinaire et qui a réussi à créer
l'harmonie au sein de cette commission toute la journée.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, nous
ajournons jusqu'à demain 10 heures.
(Fin de la séance à 0 h 36)