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Commission permanente de l'agriculture
Etude des crédits du ministère de
l'Agriculture
Séance du vendredi 18 avril 1975
(Onze heures vingt-cinq minutes)
M. Lafrance (président de la commission permanente de
l'agriculture): A l'ordre, messieurs!
Nous reprenons l'étude des crédits du ministère de
l'Agriculture où nous l'avions laissée à la
dernière séance, c'est-à-dire au programme 3,
élément 3.
Mise en valeur des productions animales
M. Lessard: M. le Président, élément 3: Mise
en valeur des productions animales. Je voudrais d'abord parler du programme
concernant le boeuf et je ne veux pas faire tout le résumé de la
situation, mais je me permets de faire un bref résumé. On sait
que l'an dernier, à cause de problèmes dans la vente de la
production du boeuf de l'Ouest, le gouvernement canadien, suite à des
pressions de ses producteurs, décidait de freiner des importations en
provenance des Etats-Unis, sous prétexte, comme le disait lui-même
le ministre à cette commission parlementaire, du DES. On décidait
donc d'interdire d'importer des animaux nourris au DES, ce qui était le
cas de toute la production bovine et porcine en provenance des Etats-Unis.
Les conséquences, c'est que tous les magasins à
succursales du Québec, qui ne pouvaient pas importer du boeuf en
provenance des Etats-Unis, se retrouvèrent dans un marché captif
en provenance de l'Ouest. Il y a eu, comme le disait le ministre, la riposte
américaine, l'embargo sur la viande de boeuf et de porc en provenance du
Canada. En fait, ceux qui ont été le plus touchés ont
été les producteurs du Québec, naturellement, puisque 75%
de leur production se vendait aux Etats-Unis.
En conséquence, ce fut l'effondrement des prix, la crise
d'octobre et le gouvernement décida, après des pressions
considérables de la part des agriculteurs, après avoir
passé par-dessus la tête du ministre mais en tout cas
de...
M. Toupin: Cela vous fait donc plaisir de dire ça.
M. Lessard: ... descendre dans la rue et de verser $22 millions.
Cette crise était, justement, ce que tenta de minimiser tout le temps le
ministre, une des conséquences du fait qu'on ne contrôlait pas
l'importation du boeuf en provenance des autres pays comme c'est le cas dans
d'autres secteurs aussi.
Ma question est celle-ci, étant donné aussi que
l'enquête qui se fait actuellement, concernant ce qui se passe on
connaît les noms des enquêteurs en question, dont deux
travaillaient pour des compagnies multinationales dans ce secteur je
voudrais demander au ministre s'il entend continuer son programme pour
encourager une production plus forte du boeuf au Québec et s'il entend
prendre les mesures nécessaires pour que la situation que je viens de
décrire se renouvelle, de telle façon que ce seront encore les
consommateurs québécois et les contribuables
québécois qui devront payer pour le fait que le ministre n'a pas
de pouvoir de contrôle. Si le ministre n'est pas incompétent
individuellement, il l'est en ce qui concerne la juridiction provinciale sur le
contrôle du marché intérieur.
Quelles sont les mesures qu'entend prendre le ministre pour faire face
à la possibilité d'un renouvellement de cette situation? Est-ce
que le ministre entend encore encourager les producteurs je vois le
programme à continuer dans le secteur du boeuf?
M. Toupin: M. le Président, je voudrais simplement faire
quelques commentaires avant de donner une réponse à cette
question. Le député de Saguenay aime revenir très souvent
sur l'idée que les producteurs agricoles du Québec ont
rencontré le conseil des ministres. Il a l'impression, à ce
moment-là, que c'est le conseil qui a tout décidé,
etc.
Je voudrais tout simplement lui rappeler ceci: Tous les groupes du
Québec rencontrent régulièrement le premier ministre et le
conseil des ministres. Depuis 1970, les producteurs agricoles n'avaient pas
encore eu l'occasion de rencontrer le premier ministre. Avant cela, on le
faisait tous les ans, à l'aide de mémoires, dans le temps des
gouvernements précédents.
Depuis 1970, il n'était jamais arrivé que les producteurs
rencontrent le conseil des ministres et le premier ministre. Nous avons
profité de cette occasion pour regarder avec les producteurs comment se
posait, non seulement le problème des bovins, mais tous les
problèmes de l'agriculture québécoise. C'est tout à
fait normal et nous allons répéter ce geste d'année en
année, à l'avenir. Je considère que, non seulement c'est
normal, mais c'est nécessaire, c'est essentiel que tous mes
collègues soient sensibilisés aux problèmes agricoles et
que les producteurs viennent le leur dire eux-mêmes. Hésiter ou
éviter de faire cela, ce serait empêcher les producteurs d'avoir
accès à tous les moyens dont le gouvernement dispose pour bien
saisir leur situation.
Ceci dit, M. le Président, la production bovine au Québec
va continuer de se développer. Il y eut augmentation, cette
année. Je discutais, hier, avec M. Ferdinand Ouellet de
l'université Laval qui est responsable de la faculté de
l'économie rurale. Il me disait que les dernières statistiques
démontraient qu'il y avait eu une augmentation substantielle de la
production bovine au Québec depuis
quelques années. Cela pouvait vraiment se chiffrer par environ
15% ou 18% d'augmentation. D'ailleurs, les faits sont là. C'est que nous
nous sommes retrouvés, dans le total de la production bovine
nord-américaine, nous aussi au Québec, avec des surplus de
production à tous les niveaux.
Nous allons continuer de promouvoir cette production, notamment la
production des éleveurs spécialisés, celle qu'on appelle
la production des éleveurs naisseurs.Les programmes réguliers
vont demeurer en vigueur. Si le sous-ministre veut tantôt donner quelques
précisions sur les montants additionnels qu'on donnera cette
année par rapport à ce qu'on donnait l'an dernier, pour de plus
amples précisions, je pourrai lui demander de donner ces chiffres. Mais,
ce programme va demeurer en vigueur, voire, sera intensifié sur le plan
de l'aide.
Il reste maintenant les autres problèmes, ceux de
l'élevage des bovins laitiers et ceux de l'élevage des bovins
pour fins de finition. Nous avons, l'an dernier, établi un programme qui
n'était pas tellement dynamique sur le plan de l'aide économique,
mais il l'était beaucoup sur le plan de la motivation, un programme qui
permettait de mettre en place des parcs d'engraissement. Il y a eu quelques
expériences faites l'an dernier. Ces expériences se sont
avérées bonnes sur le plan de la production. Elles se sont
avérées moins bonnes sur le plan de la rentabilité
à cause de la conjoncture dans laquelle nous nous sommes
retrouvés tout d'un coup en octobre dernier à cause de
l'effondrement des prix partout au Canada et également aux
Etats-Unis.
Il ne faut pas oublier...
M. Lessard: Combien de producteurs y ont répondu?
M. Toupin: Très peu. Il y a très peu de parcs
d'engraissement au Québec. On est parti à zéro, tout
compte fait, en I970. On a commencé à s'occuper vraiment du
problème en I972. On a élaboré une programmation en I973
et on a voulu l'appliquer un peu plus raisonnablement ou rationnellement en
I974. Mais, là-dessus, nos conclusions ne sont pas finales. On va suivre
les expériences et on va voir ce que cela va donner sur le plan des
parcs d'engraissement.
Sur le plan de l'élevage des bovins laitiers, on rencontre le
problème suivant: Quand un producteur laitier demande $12 ou $13 le cent
livre de lait, pour son lait, il est difficile de lui demander de se servir de
ce même lait pour faire du bovin laitier. Cela ne lui devient plus
possible de faire du bovin à base de lait, parce que ce n'est plus
lucratif pour lui de le faire.
C'est plus lucratif de vendre son lait que de le faire absorber par un
veau quel qu'en soit le prix, même si le prix se maintenait au niveau des
années 1972/73, il y aurait encore là hésitation, de la
part des producteurs laitiers, de finir des bovins laitiers à cause du
prix du lait. Il ne faut pas oublier aussi que les bovins laitiers pour un
producteur laitier, c'est marginal en termes de revenu.
Dans les formules d'indexation que nous travaillons avec les
producteurs, nous tenons compte des coûts de production des bovins
laitiers, mais nous ne tenons pas compte du prix de vente des bovins laitiers,
de telle sorte que, s'il y a profit, tant mieux, cela sera du profit en
surplus. S'il y a perte, cela se trouve inclus dans les coûts de
production, dans les indexations. On a placé le producteur de telle
sorte qu'il ne soit pas pris entre l'étau du choix de faire un veau pour
fins de profit ou faire du lait plutôt, là où le profit est
assuré.
On regarde des méthodes nouvelles pour l'élevage des
bovins laitiers. Il y a déjà plusieurs producteurs au
Québec. Cela a été notre surprise, à la suite des
enquêtes qui ont été menées. Il y a
déjà plusieurs producteurs au Québec qui achètent
des veaux laitiers à bas âge, à deux ou trois semaines, les
rendent à 400 ou 500 livres et les revendent l'automne. Il y en a
plusieurs, beaucoup plus qu'on pensait. C'est surtout là où s'est
manifestée l'augmentation de la production bovine. Il y a les F-l, les
croisements, où on rencontre un certain nombre de problèmes de
marché là comme ailleurs. L'an dernier, on leur a assuré
le prix qui se trouvait dans les contrats. Pour I975, la politique
gouvernementale n'est pas encore annoncée. Je ne pense pas qu'on puisse
le faire immédiatement parce qu'il faut attendre que le programme soit
au moins assez amorcé pour que nous puissions annoncer cette politique,
si toutefois il y en a une qui est mise de l'avant. Il faut attendre aussi le
comportement des marchés. Je ne sais pas comment le marché se
retrouvera en octobre ou en novembre quant à ces bovins. L'exemple le
plus typique, lorsque M. Whelan a annoncé sa politique d'aide aux
producteurs de pommes de terre, les producteurs du Nouveau-Brunswick ont fait
tomber tout de suite le prix des pommes de terre de 25%, 30%, et même
40%, voire même 50% dans des cas, parce qu'ils touchaient une subvention
de $1.67 du gouvernement fédéral. Ils ont dit: II faut vendre nos
pommes de terre pour toucher à cette subvention. Donc, on les a
données, nos pommes de terre. On les a vendues à des prix
ridicules, les pommes de terre. Ce n'est pas parce qu'elles n'auraient pas pu
se vendre autrement. Le consommateur est prêt à payer plus que ce
qu'il paie actuellement pour les pommes de terre. Il les a presque pour rien,
actuellement, comparativement aux autres denrées alimentaires. C'est
donc dire que, lorsque nous présentons et préparons une
politique, il faut en même temps préparer une stratégie,
pas une stratégie politique, mais une stratégie
économique, pour qu'une intervention gouvernementale ne vienne pas
briser tes structures normales du marché. Concernant le F-l, cette
politique sera annoncée en temps et lieu.
M. Lessard: Concernant le boeuf, le ministre dit que, pour ne pas
que la structure gouvernementale vienne briser le marché, parce que
là, le programme de la génisse, le F-l, on va en parler tout
à l'heure...
Concernant le boeuf comme tel, est-ce que le ministre, même s'il
m'affirme qu'il a l'intention de
continuer ses politiques, parcs d'engraissement, etc., entend prendre
des mesures pour empêcher qu'un autre gouvernement vienne, dans une
action qu'il prend, créer un effondrement des prix, de façon,
vous comprendrez, M. le Président, que ceux qui avaient suivi le
programme qui était prôné par le ministre, qui avait
été lancé par le ministre dans l'élevage du boeuf,
se trouvent dans une incertitude considérable, actuellement, parce qu'on
ne sait pas ce qui va se passer dans ce marché? Est-ce que le ministre,
pour pouvoir continuer de promouvoir son programme, a des mesures
concrètes qu'il pourrait prendre pour protéger un peu le
marché intérieur québécois contre l'importation
possible en provenance d'ailleurs?
M. Toupin: Evidemment, pour donner une sécurité aux
producteurs agricoles québécois dans le domaine du bovin, il peut
y avoir au moins deux ou trois mesures qui peuvent être mises de l'avant.
Une première mesure qui pourrait être mise de l'avant, ce serait
de contrôler la production, faire comme on fait dans le grain, dans le
blé pour l'Ouest, et comme on fait dans le lait pour l'Est, et dans le
poulet et les oeufs depuis quelque temps, contrôler la production,
s'entendre avec les autres provinces du pays et dire après, au
gouvernement fédéral: Vous allez mettre des barrières pour
qu'il n'entre pas plus que tant de bovins sur le marché, pour que les
prix ne s'effondrent pas. Même si on prenait cette méthode, cette
tactique, on serait...
M. Lessard: Vous voulez dire, la création d'un plan
conjoint national.
M. Toupin: C'est-à-dire de dix plans conjoints provinciaux
avec une coordination nationale.
M. Lessard: Avec une coordination nationale. Est-ce que cela a
été respecté, en ce qui concerne les oeufs, cette entente,
cette supervision nationale avec des plans conjoints provinciaux?
M. Toupin: C'est respecté 50-50, selon le comportement des
producteurs d'oeufs du Canada. Quand les producteurs d'oeufs du Canada ne
respectent pas leurs ententes, leurs contingents, et que le gouvernement
fédéral ou que le gouvernement d'une province demande au
gouvernement fédéral d'imposer des restrictions pour les
importations, on nous répond ceci et on nous dit: Respectez vos
contingents et on va respecter les nôtres. Je trouve que c'est un
raisonnement sain, un raisonnement normal, en soi.
M. Lessard: Est-ce que les producteurs québécois
ont respecté leur entente?
M. Toupin: A 80%, en ce qui concerne le total des quotas, mais il
y a encore une dizaine de producteurs québécois qui produisent
hors quota, et sur lesquels nous n'avons absolument aucun contrôle. Ce
n'est pas sorcier de produire des oeufs aujourd'hui. Dans six mois, tu vas
augmenter ta production de 20%. Ce n'est pas un gros problème, avec les
techniques d'alimentation et les techniques génétiques dont
disposent les producteurs. C'est facile maintenant de produire des oeufs.
M. Lessard: Si on revient aux bovins, le ministre parle d'une
mesure, d'une possibilité d'un plan conjoint national...
M. Toupin: J'ai dit qu'il y en avait trois. La première
est celle-ci qu'on devrait examiner.
M. Lessard: Où en sommes-nous rendus?
M. Toupin: Lorsque nous faisons cela, lorsque nous demandons aux
autres provinces et au Québec, par conséquent, des quotas de
production, il faut être conscients que nous venons de limiter, par
conséquent, nos possibilités d'expansion de production. Parce que
le Québec produit 25% ou à peu près de ses viandes
bovines, cela serait malheureux, aujourd'hui, qu'il accepte de limiter sa
production bovine dans une entente nationale. Ce serait malheureux parce qu'on
s'enlève toute possibilité d'expansion.
L'autre possibilité qui nous reste est un contrôle de
production à l'intérieur de la province avec une expansion
possible des quotas de production et avec une politique de revenu garanti,
c'est-à-dire qu'on va garantir aux producteurs un prix minimum, une
sorte de stabilité de prix et de revenus. Cette politique comporte des
dangers. Si nous assurons un prix aux producteurs qui soit le moindrement
rentable, vous allez assister, nécessairement, à un surplus de
production et, si la production devient trop grande, trop en surplus, les prix
tomberont, par conséquent, et cela coûtera des fortunes au
gouvernement, et vous me disiez hier que les subventions étaient des
cataplasmes. Je ne voudrais pas instaurer, par une politique de revenu, une
politique de cataplasme. Je voudrais bien maintenir une politique de prix de
marché, accompagnée, de temps en temps, dans les périodes
creuses, de politiques d'aide gouvernementale. C'est la deuxième
méthode qu'on peut utiliser.
La troisième méthode est celle-ci: C'est celle qui existe
présentement, et celle qui existe présentement a permis aux
producteurs québécois de développer la production bovine.
C'est celle des marchés libres. Elle a permis de développer la
production bovine. C'est celle des marchés libres. Elle a permis de
développer la production bovine. Elle a permis d'augmenter notre
production bovine. Alors, c'est aussi une méthode qu'on doit examiner,
et intervenir au moment où les périodes sont creuses. Ce qui
était important pour nous l'an dernier, au Québec, ce
n'était pas d'être obligé le gouvernement de
verser $20 millions ou $22 millions aux producteurs. Ce n'est pas cela qui
était inquiétant pour nous.
Je disais: Qu'est-ce que les producteurs feront avec leurs bovins? Si on
vend les bovins, on recule, par conséquent. Il faut garder les bovins.
C'est pour cela que notre mesure s'est appliquée,
non seulement à ceux qui vendaient leurs bovins, mais surtout
à ceux qui ne les vendaient pas. Au fond, on a payé le gars pour
garder ses bovins chez lui. C'est ce que nous avons fait. On a aussi pris un
risque en faisant cela. On s'est dit: Où cela nous amènera-t-il
l'an prochain? Avec quoi allons-nous rester sur les bras, l'an prochain, comme
bovins? Où va-t-on prendre les aliments et où va-t-on prendre les
marchés pour être capable de mettre en marché ces bovins,
parce qu'on ne peut pas les rendre à 2,000 livres. Il faut vendre ces
bovins.
Alors, là, les marchés semblent vouloir se raffermir un
peu; pas au niveau des bovins laitiers. Au niveau des bovins laitiers,
actuellement, c'est parfait. C'est zéro. C'est parfait en termes de
zéro.
Au niveau des autres bovins qui classent un peu, les prix ne sont pas
trop mal. Ils se raffermissent, tout au moins, un peu.
Je ne sais pas comment cela se situe, c'est environ $0.40 la livre par
bovin qui peut être classé, $0.50. Cela commence à avoir du
bon sens. Cela correspond au moins aux intrants, sinon aux revenus du
producteur. Il est possible que d'ici l'automne, le marché se
raffermisse et qu'on puisse entrer dans l'argent au moins de ceux qui mettront
en marché des bovins finis. Quant au bovin laitier, tant qu'il n'a pas
atteint un niveau de quatre ou six semaines ou même mieux maintenant de
400 livres à l'automne, il n'y a pas de marché ou très peu
de marché pour cela présentement. Il n'y en a pas.
M. Lessard: Qui est responsable de la classification?
M. Toupin: Les prix sont à terre. M. Lessard: La
classification...
M. Toupin: Oui. Si on veut développer une production
bovine au Québec, il va falloir réviser la classification parce
que la classification qui sert présentement pour les producteurs de
bovins des provinces de l'Ouest et de l'Ontario s'applique assez difficilement
au Québec. Cela ne veut pas dire que les producteurs
québécois ne produisent pas un bovin de même valeur, de
même qualité, ce sont exactement les mêmes viandes, mais la
tradition veut que ce soit de cette façon que la méthode de
classification s'applique.
M. Lessard: De telle façon que notre bovin est
sous-évalué.
M. Toupin: Dans certains cas, non pas tous les bovins, notamment
les bovins laitiers qui ont atteint 500 ou 600 livres; ils sont probablement de
temps en temps sous-évalués en termes de valeur, mais ce qu'on ne
sait pas aussi, quand les chaînes ou les abattoirs achètent ces
bovins et qu'on les paie en bas du prix de classification des autres provinces,
le consommateur paie-t-il le même prix pour ce bovin? C'est cela qu'on ne
sait pas. On n'est pas capable de savoir actuellement quelle différence
il y a entre le prix payé et le prix vendu et où va le profit,
d'où...
M. Lessard: II peut changer de classe.
M. Toupin: ... la commission d'enquête du gouvernement
fédéral. Vous pouvez la critiquer, c'est votre droit, mais on
verra par la suite si ceux qui ont été nommés ont fait un
bon boulot. Tout au moins il y a des indices qui commencent à se faire
sentir.
M. Lessard: Consommateurs avertis.
M. Toupin: Oui. Alors, grosso modo, c'est la situation dans la
production bovine dans laquelle nous nous trouvons. Je le disais au
début, je le répète, nos programmes statutaires vont
demeurer, l'aide à la production d'élevage des bovins
spécialisés dans l'Abitibi, dans le Saguenay-Lac-St-Jean et dans
d'autres régions du Québec. On va continuer d'encourager les
parcs d'engraissement, mais actuellement on se creuse les méninges pour
savoir ce qu'on doit faire cette année ou l'an prochain dans la
production des veaux laitiers. C'est cela notre problème.
M. Lessard: Est-ce que le Québec, en ce qui concerne la
classification... C'est une chose qui revient assez souvent quand on discute
avec les producteurs. Ils ont l'impression que leurs animaux sont
extrêmement sous-évalués et sont très mais
classés et à l'avantage des acheteurs qui, par ailleurs, vont
reclasser, quand ils vont vendre le boeuf, on va le placer dans une autre
classe et on...
M. Toupin: D'abord, il y a un comité fédéral
provincial qui a été créé et on réexamine
les normes, parce qu'on peut bien avoir nos propres normes au Québec,
mais pour le Québec, on sait qu'on exporte des viandes. Il faut que nos
normes soient acceptées par les autres provinces et par le pays si on
veut avoir le marché canadien. C'est une première chose. Il ne
faut pas oublier une chose, c'est que l'application des normes de
qualité du bovin est reliée à beaucoup d'autres choses que
des formules sur papier, c'est relié très souvent et surtout au
mode de mise en marché, à la commercialisation qu'on a.
Quand on parle des petits abattoirs au Québec, comment demander
à un petit abattoir qui abat huit ou dix bêtes par semaine, de
respecter une norme, il n'a pas l'équipement pour le faire. Il est
difficile d'aller faire l'inspection chez lui parce que très souvent, on
ne sait pas quand l'abattage se fait, on ne sait pas quel type d'animaux il
achète, etc. Le mode de mise en marché influence directement la
classification du bétail qu'on met en marché. Pour le porc, on a
presque réglé ce problème. 80% du porc du Québec,
actuellement, est vendu dans des abattoirs "Approuvé Québec" ou
"Approuvé Canada" et, par conséquent, on est capable d'appliquer
une réglementation. On a réglé le problème du porc,
mais, pour les autres 20%, ce sont peut-être des porcs de moins
grande
qualité qui sont vendus dans des petits abattoirs et dont les
prix offerts aux producteurs semblent satisfaisants puisqu'on n'a pas, à
ce niveau, de réaction.
Pour le bovin, ça se pose autrement. Il faut régler aussi
le mode de commercialisation. Cela ne veut pas dire qu'il faut fermer les
établissements. Cela veut dire qu'il faut régler le mode de
commercialisation, soit qu'on vende directement à un petit abattoir ou
qu'on crée des encans locaux avec des normes précises, nue des
inspecteurs soient aux encans et que les petits abattoirs aillent acheter aux
encans.
Il y a un tas de moyens qu'on peut mettre de l'avant, le regroupement
des abattoirs, etc., c'est une politique qui est prévue au budget et
qu'on verra au programme 5. On verra à ce moment quels sont les
programmes qu'on apportera au niveau de la mise en marché, notamment, du
bovin au chapitre des abattoirs.
M. Roy: M. le Président... M. Lessard: $22 millions...
M. Roy: Quand on discute de la question du bovin et qu'on regarde
la situation du Québec, par rapport à l'ensemble canadien, je me
pose toujours une question, je suis toujours de plus en plus inquiet quand
j'entends parler des normes de qualité établies par le
fédéral.
M. Toupin: Fédéral-provincial.
M. Roy: Mais en accord avec le fédéral. On n'a pas
le même type de bovins au Québec que dans les autres provinces. Je
m'inquiète du fait qu'on n'en tienne pas compte suffisamment, on essaie
d'en tenir compte dans certains milieux mais on n'en tient pas compte
suffisamment. La base de l'agriculture au Québec, encore actuellement,
est l'industrie laitière. Or, le type de bovins que nous avons, en
grande majorité à Québec, est un bovin laitier.
Actuellement, les cultivateurs qu'on fasse le tour du Québec pour
bien examiner la situation ont une possibilité d'en passer un
certain nombre dans les petits abattoirs locaux. Mais, lorsqu'il s'agit d'aller
dans les grands abattoirs, ça ne passe pas à cause du
système de classification fédéral. Quand je regarde une
région rurale ou semi-urbaine comme la région, chez nous, quand
je vois les épiciers du coin qui sont alimentés, actuellement,
par du boeuf qui vient des grands abattoirs de classe fédérale
D-1, D-2, D-3 il y a différentes classes de différents
types quels sont les animaux qui sont classés pour offrir cette
qualité de viande, actuellement, dans les marchés ruraux du
Québec? Quel est le problème de nos abattoirs organisés
dans la province de Québec, avec la classification provinciale?
Qu'on regarde la concurrence qu'il y a dans tous les supermarchés
actuellement, qu'on aille examiner où s'alimentent les grandes
chaînes d'alimentation actuellement, au Québec.
On se rend compte d'une chose, c'est qu'on perd du terrain
continuellement. Quand j'entends parler de plans conjoints je ne suis
pas contre les plans conjoints, au contraire il ne faudrait pas croire
que la formule de plan conjoint, c'est un absolu vers lequel les cultivateurs
devront se diriger et qu'ils ont là la solution. Il y a là
quelques solutions.
Mais si les plans conjoints sont laissés pour compte et qu'on
laisse aux plans conjoints le soin de régler le problème, c'est
évident que les agriculteurs, une fois qu'ils se seront donné des
plans conjoints, se retrouveront dans des situations pénibles.
La région, le comté que j'habite, a peut-être
vécu plus qu'ailleurs des expériences de plans conjoints, elle a
peut-être été plus victime qu'ailleurs de la situation. Je
vais rappeler à l'attention du ministre, puisqu'on a parlé de la
formule du plan conjoint tantôt et du plan qui a été
voté, le seul au Québec, dans le cadre d'un produit qui n'avait
même pas de concurrence en Ontario, ni dans les maritimes, il s'agit des
produits de l'érable. On a voté un plan conjoint, un des premiers
plans conjoints de la province, à part cela, le plan conjoint du sucre
et du sirop d'érable de Québec-Sud.
Quand les agriculteurs ont eu ce mécanisme de négociation
et qu'ils se sont assis à une table avec les acheteurs, qu'est-ce qui
est arrivé? Les acheteurs ont dit non. Et les agriculteurs, avec leur
plan conjoint, ont gardé leurs produits chez eux, parce qu'il n'y avait
rien d'autre pour être capable de les soutenir, rien d'autre. Ceci a eu
pour effet que le plan conjoint a connu des difficultés
épouvantables. Les cultivateurs ont été obligés de
faire des déboursés additionnels pour être capables de
soutenir leur organisme. Ils s'étaient donné un outil, ils y
tenaient à cet outil et ils y tiennent encore. On ne peut pas les
blâmer, au contraire, parce qu'ils ont réellement un outil valable
entre les mains.
Si à ce moment-là, le gouvernement était intervenu
et avait dit: Voici, nous avons une politique de soutien des prix. Nous allons
prendre votre produit et nous allons l'entreposer. Vous négocierez quand
le moment sera venu.
Quand le bovin de boucherie est prêt à livrer, comme
lorsque la récolte des pommes de terre est prête, comme lorsque la
récolte du sirop d'érable vient de se faire, ce sont des produits
qui, dans la majorité des cas et dans la quasi-totalité des cas,
sont périssables. Le cultivateur ne peut pas les garder.
Quel est son véritable pouvoir de négociation dans le
cadre des plans conjoints? C'est une question qu'il va falloir finir par
examiner. Quand on a un produit périssable entre les mains, qu'on veut
négocier et que l'autre ne veut pas, qu'est-ce que le cultivateur va
faire? Il va garder son produit et il va le perdre.
Combien de dizaines et de dizaines de milliers de dollars ont
étéperdus parce que, dans les mécanismes de
négociation et du fait que les cultivateurs ont négocié,
face aux obstacles qu'ils ont affrontés de la part du commerce
organisé...
M. Lessard: Et il n'y a pas d'acheteurs.
M. Roy: Et il n'y a pas d'acheteurs. Que voulez-vous qu'ils
fassent? Dans le domaine des bovins de boucherie, à l'heure actuelle,
que voulez-vous qu'ils fassent, les cultivateurs?
Vous parliez d'une telle formule de plan conjoint, de quotas de
production, etc., mais, avant de parler des quotas de production, il faudrait
commencer par regarder si on est capable de remplir les demandes de la
consommation jusqu'à présent.
C'est pour cela, M. le Président. Je comprends que c'est
difficile, à l'étude des crédits, parce que le
problème est extrêmement complexe. Mais il y a une philosophie de
base qui manque au ministère de l'Agriculture. Il y a une philosophie de
base qui manque et tout le reste en découle.
M. Toupin: Ce n'est pas difficile. C'est quoi, la philosophie de
base?
M. Roy: La philosophie de base, c'est qu'actuellement on regarde,
pour essayer de sauver quelques produits agricoles et on ne semble pas
intéressé a étudier le cas de l'agriculteur.
M. Toupin: Oui, mais qu'est-ce que c'est pour vous, le cas de
l'agriculteur?
M. Roy: Le cas de l'agriculteur, aujourd'hui, c'est qu'il est
obligé d'abandonner. Les ventes à l'enchère se
multiplient. Même si le ministre nous a donné des statistiques
l'autre jour concernant l'établissement agricole, je pense être
assez bien placé pour le savoir. Actuellement, nous sommes en train de
créer des superunités agricoles qui, tantôt, vont valoir
$200,000, $250,000, $300,000.
On va se retrouver au Québec parce qu'il y a tout un autre
problème qui découle de cela avec à peu près
2% ou 3% des agriculteurs, des travailleurs sur les fermes, qui vont être
propriétaires.
M. Toupin: Oui.
M. Roy: Alors que 95% des travailleurs ne seront pas
propriétaires des fermes. Je serais tenté ici de raconter un fait
qui s'est produit ailleurs, parce qu'on a été obligé de
faire une certaine révolution à un moment donné, parce que
les fermes et la production étaient entre les mains de grosses
compagnies.
C'est ce qu'on est en train de bâtir au Québec
actuellement. On est en train de bâtir des superunités agricoles
avec l'endettement pyramidal à l'intérieur de ce domaine, puisque
le ministre en est rendu à parler de crédit agricole à
$150,000, $200,000, $250,000.
C'est quand même assez inquiétant. Quand on arrive à
discuter des bovins de boucherie comme tels, du cas de l'agriculteur jusqu'ici,
que peut-on faire, dans le système actuel et dans les structures
actuelles, avec la philosophie actuelle du min istère?
M. Toupin: Je l'ai dit hier. Quand on a ouvert les
crédits, je vous dit que vous aviez une philosophie sur laquelle on
n'était pas pleinement d'accord. C'est qu'il faut faire une
distinction...
M. Roy: C'est là votre problème.
M. Toupin: Oui. ...très nette, entre l'agriculture
économique et l'agriculture sociale. C'est cela qu'est le
problème de fonds. On a choisi l'agriculture économique. Comment
voulez-vous...
M. Roy: C'est votre erreur.
M. Toupin: C'est possible que ce soit une erreur.
M. Roy: C'est une erreur fondamentale.
M. Toupin: Mais, on n'a pas pris cette décision, les
yeux...
M. Roy: L'agriculture supercapitaliste, c'est cela que vous avez
choisi.
M. Toupin: ...fermés, on a pris cette décision
à partir de statistiques, à partir de rentabilité. Comment
voulez-vous faire concurrencer un éleveur de bovins
québécois avec 60 acres de terre avec un producteur de l'Ouest
qui en a 350? Comment voulez-vous le faire concurrencer? Après cela,
vous viendrez chiâler qu'on n'est pas capable de produire de viande au
Québec.
Il faut être réaliste là-dedans. On n'est pas les
seuls à avoir pris cette option. Même dans les pays les plus
socialisés, c'est exactement les formules qu'ils prennent, les grandes
unités, parce que tu n'es pas capable de trouver une rentabilité
à ces petites unités. C'est cela qu'est le problème social
dans l'agriculture. On a choisi l'aspect du développement
économique de l'agriculture.
Comment est-ce possible de faire produire un producteur laitier avec dix
ou douze vaches? L'affaire des bidons dont vous nous avez parlé,
avez-vous regardé le problème comme il le faut quand...
M. Roy: Oui, j'ai regardé le problème. M.
Toupin: ...les statistiques là-dedans... M. Lessard: Je veux
qu'on me permette...
M. Toupin: Ecoutez, je vais répondre à vos
questions.
M. Roy: Oui.
M. Toupin: Quelles sont les statistiques là-dedans?
L'âge moyen de ces producteurs était de 55 ans.
M. Lessard: C'est cela, c'est pour leur permettre de se
retirer.
M. Toupin: Attendez, laissez-moi finir.
Le deuxième critère, ce sont des producteurs dont la
moyenne ne dépassait pas onze vaches. La moyenne de production par vache
était de 4,000 livres, alors qu'au Québec elle approche les 9,000
livres de lait. On demande au gouvernement de maintenir ces gars en place sur
le plan agricole. Je me dis: Ce n'est pas mon rôle de faire cela, c'est
le rôle d'un autre ministère de faire cela. Cela pose des
problèmes sociaux quand une industrie ferme ses portes, cela pose des
problèmes sociaux quand la forêt recule à des centaines de
milles des usines et qu'on doit faire voyager les travailleurs à l'autre
bout de la province dans le Nord, cela pose des problèmes. Mais, il y a
des politiques sociales et économiques qui s'appliquent à ces
problèmes. Pourquoi va-t-on considérer l'agriculture comme
étant encore un secteur boiteux. Sauvons ceci et sauvons cela et
essayons de multiplier les mesures gouvernementales pour sauver à gauche
et à droite. Non, le rôle de l'agriculture, c'est un rôle
économique, c'est un secteur économique, mais il doit payer le
compte dans ses politiques des aspects sociaux du problème, mais non pas
une politique sociale pour régler un problème
économique.
On l'a bâtie comme cela l'agriculture au cours des années
cinquante et soixante avec la colonisation et avec les expéditions de
vaches en Abitibi, alors que tout le monde faisait de l'argent avec cela, sauf
les producteurs. Ce sont des politiques qui ont été
expérimentées et qui n'ont pas donné les résultats
escomptés. Pourquoi, aujourd'hui, allons-nous nous rembarquer dans des
problèmes comme ceux-là? On est prêt à regarder
comment on peut, graduellement, amenuiser ce problème sans briser les
structures sociales d'un milieu. On le fait, on ne provoque pas la vente de
fermes à 100%, on met des politiques. Il s'agit de trouver le type de
ferme qui soit le moindrement rentable.
Revenons maintenant au problème de fonds dont on discutait
tantôt. La classification, c'est vrai, c'est fondamental pour nous. On
commence à produire du bovin au Québec. On ne parlait pas de
bovins il y a cinq ou six ans au Québec. Il y avait quelques producteurs
isolés qui faisaient l'expérience, notamment dans les Cantons de
l'Est.
Maintenant, on a élargi cette politique presque dans toute la
province, pour au moins l'élevage des génisses, ce qu'on appelle
les éleveurs naisseurs, comme première expérience. On
s'oriente, graduellement, vers les parcs d'engraissement. Mais, on sent bien,
en même temps, qu'on ne peut pas limiter notre production bovine à
cela, parce que la vocation québécoise, ce n'est pas une vocation
céréalière, c'est une vocation fourragère.
C'est-à-dire qu'on peut faire des plantes fourragères ici, mais
très peu de céréales à cause du climat et du sol.
Il faut en produire, des céréales, mais on ne peut pas penser
devenir des producteurs de céréales. C'est pour cela que notre
auto-approvisionnement se situe au niveau des fermes, beaucoup plus qu'au
niveau des marchés. On amène un producteur avec 300 acres de
terre à produire ce dont il a besoin sur sa ferme.
Faites le tour du comté. Même dans la région du
député de Beauce-Sud, combien de silos ont été
construits dans votre région depuis deux ou trois ans? C'est fantastique
de voir comment les silos se sont développés chez vous. Qu'est-ce
que les gars font avec cela? Ils font de la luzerne, du maïs, quand cela
est possible et au trèfle. Ils mettent cela dedans et alimentent leur
bétail avec cela. Cela en est de l'auto-approvisionnement. Ce n'est pas
nécessaire de faire de l'orge pour avoir l'auto-approvisionnement, ce
n'est pas nécessaire de l'avoine pour avoir l'auto-approvisionnement.
C'en est une politique d'auto-approvisionnement. Il se situe au niveau des
fermes.
On aurait pu mettre une aide au niveau de la construction de silos, mais
on sait que chaque fois qu'on donne une subvention pour aider à la
construction ou l'achat de quelque chose, il y a toujours quelqu'un qui se
trouve quelque part pour aller chercher la piastre qu'on donne. On
préfère laisser les producteurs comme cela et assurer une
politique de revenu agricole, d'où l'augmentation du prix du lait,
chaque fois, évidemment, que le problème se pose. On n'a pas
réglé le problème pour toutes les productions.
Donc, la classification, pour les producteurs bovins, est fondamentale,
d'où un comité technique fédéral-provincial pour
voir comment on peut amender les normes. La mise en marché, par
l'intermédiaire des plans conjoints, je suis bien d'accord avec vous. Si
vous restreignez l'application d'un plan conjoint, seulement à la
négociation, vous affrontez le problème que vous avez
décrit. Si vous regardez plus loin que cela, si vous pouvez faire de
votre plan conjoint une agence de vente, une agence de commercialisation, comme
les coopératives tentent de le faire et qu'elles ne parviennent pas
à faire parce qu'elles n'ont pas le contrôle du produit, c'est bon
que cela se fasse ainsi, c'est très bon. La Commission canadienne du
blé, sa grande qualité, c'est cela. C'est une agence de vente, ce
n'est pas une négociation, c'est une agence de vente. Il ne s'agit pas
de faire une agence de vente pour contrôler et empêcher tout le
monde d'embarquer dedans, mais au moins contrôler le minimum. L'agence de
vente peut entreposer, l'agence de vente peut trouver des marchés,
l'agence de vente peut sélectionner les acheteurs. Elle peut tout faire
cela dans le sirop d'érable. On peut se servir de la coopérative
pour faire une agence de vente, à condition que les producteurs
embarquent dedans.
Si la coopérative ne parvient pas à faire marcher une
agence de vente, comment le ministère y parviendra-t-il? Parce qu'on est
du ministère, on va aller chercher Jos qui produit du sirop
d'érable. On va le prendre par les oreilles et on va dire: Jos, tu vas
vendre ton sirop... Ce n'est pas parce qu'on est le gouvernement qu'on peut
faire cela. On respecte la liberté des gens. On vole. On veut qu'ils se
donnent à eux leur propre organisation de mise en marché. C'est
tout ce qu'on leur demande là-dedans. Après, on pourra instaurer
des politiques de soutien, des prix à long terme, mais d'abord exploiter
les marchés. C'est dangereux, la politi-
que qui veut qu'on établisse des politiques de soutien de prix
sans tenir compte des marchés. C'est très dangereux, parce que
vous allez développer un producteur avec une mentalité de
production. Vous allez lui enlever l'idée que sa production doit
être vendue sur un marché. Ce qui va compter pour lui, c'est
produire pour faire une piastre, jamais produire pour vendre. Cela ne tient
pas. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas un ouvrier, un agriculteur. Un
agriculteur, c'est un gars qui produit un produit pour le mettre en
marché.
M. Roy: Le ministre est plus intelligent que cela.
M. Toupin: Ecoutez, essayez de décrire autrement la
situation. Donnez-moi la thèse contraire si vous êtes capable de
me la donner dans ce niveau.
M. Roy: Je pense que le ministre a touché et vient de
toucher le problème fondamental. Je tiens à le lui dire ce matin,
parce que je pense qu'on peut comprendre actuellement la raison fondamentale
pour laquelle il y a tant de problèmes en agriculture. Je tiendrais
à dire une chose au ministre, particulièrement ce matin. Le
ministre vient de nous dire que l'agriculture, c'est une question
économique et de regarder l'agriculture au niveau de
l'économique. Je tiens à dire ceci: Lorsque l'économique
n'est pas au service du social, elle est au service du capital. L'agriculture
du Québec est au service du capital. C'est la philosophie qui anime le
ministre ce matin, c'est la philosophie qui anime le ministère.
L'agriculture, au service du capital, n'est plus au service du social. Par
contre, si cela vous énerve, vous interviendrez tantôt, vous
demanderez la parole au président, vous ferez comme moi.
Le Président (M. Lafrance): Vous ne l'avez pas
demandée.
M. Roy: Quand j'entends... A un moment donné, on nous
dit... Quand on parle d'un rôle social de l'industrie... On est en train
de parler du rôle social, actuellement, des mines d'amiante dans la
province de Québec, parce qu'elles ont un rôle social. Le premier
secteur de l'activité économique n'a pas de responsabilité
sociale.
M. Toupin: Je demande au député de Beauce-Sud
de...
M. Roy: Cela ne sert à rien de continuer la discussion sur
ce plan philosophique...
M. Toupin: Le député de Beauce-Sud a très
mal saisi la façon...
M. Roy: Cela ne sert à rien de discuter la question sur le
plan philosophique. D'ailleurs, on le savait depuis un certain temps, parce que
les subventions qui ont été accordées au niveau de
l'industrie laitière... C'est à partir de ce moment que les
agriculteurs du Québec ont eu une multitude de problèmes. Quand
le fédéral a commencé à accorder des subventions et
qu'il a accordé des subventions en fonction de quotas, en incitant les
agriculteurs à augmenter une production, et on les a obligés
à s'endetter dans une période de temps relativement courte, il y
a un grand nombre de producteurs qui n'ont pas été capables de le
faire. Alors que, si la politique de subvention du fédéral de
soutien des prix dans le lait, qui a été une mesure qui a quand
même permis à l'industrie laitière de sortir du marasme,
avait été animée d'une autre philosophie que celle de
viser des grandes et des super-unités de production, on aurait
subventionné un minimum de production chez les agriculteurs et on aurait
permis aux petits de devenir des moyens et on aurait permis aux moyens de
devenir des plus gros.
M. Toupin: C'est exactement ce qui se fait. M. Roy: Non, cela n'a
pas existé.
M. Toupin: C'est exactement ce qui se fait actuellement. La
démarche que vous...
M. Roy: Actuellement, on tente de renverser. Il est tard, parce
qu'il y en a la moitié qui ont abandonné.
M. Toupin: La démarche que vous décrivez, c'est
exactement celle qui s'est faite depuis quatre ou cinq ans. C'est
exactement...
M. Roy: Deux ou trois ans.
M. Toupin: ... point pour point. On voit des petites fermes qui
deviennent des moyennes et des moyennes qui deviennent des grosses. Evidemment,
il va falloir être raisonnable tantôt. Cela ne veut pas dire qu'il
faudrait bâtir des fermes de 1,000 acres et de 1,500 acres et de 3,000
acres. C'est une autre affaire. C'est un autre problème. La philosophie
du ministère veut que ce soit une ferme familiale avec un minimum de 150
ou de 200 acres.
M. Roy: Là, vous voulez vous en venir avec des fermes de
1,000 acres et des fermes...
M. Toupin: Non, j'ai dit le contraire. J'ai dit: II faut
éviter cela. C'est cela qu'il faut éviter. Mais il faut
éviter autant le contraire, soit tenter de produire sur 30 acres. Entre
les deux, il y a la place de la ferme familiale. C'est l'option qu'on a prise.
D'ailleurs, je ne veux pas discuter plus longuement. Je vous dis que
l'économique agricole doit tenir compte de son problème social,
à l'intérieur de son économique, mais l'économique
agricole ne doit pas régler les problèmes sociaux des autres
secteurs économiques. C'est cela que j'ai voulu dire tantôt.
M. Roy: Les autres secteurs? On n'a jamais dit cela.
M. Toupin: Bien! Je vous dis, moi, que c'est la politique du
ministère. On est social dans notre économique, mais on ne se
mêle pas des problèmes sociaux des autres. S'il y a des
problèmes sociaux en agriculture, qui sont des problèmes sociaux,
non pas des problèmes socio-agricoles, des problèmes sociaux dans
un milieu donné, ce n'est pas mon problème à moi. C'est
clair?
M. Fraser: M. le Président, puis-je faire des remarques
sur cela?
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Huntingdon.
Une Voix: Pardon?
M. Fraser: II y a un contrôle normal sur les grandeurs des
fermes. Pour certaines choses, c'est plus facile d'avoir des travailleurs. Mais
pour le lait, pour avoir des employés ou des gens pour travailler sur
une ferme, c'est très difficile. C'est presque impossible d'avoir de la
main-d'oeuvre compétente.
M. Roy: C'en est un problème.
M. Toupin: C'est cela que le député...
M. Fraser: Quand vous avez un contrôle... Si la famille
elle-même peut faire le travail elle a 60, 75 vaches elle
peut faire cela elle-même. D'accord! Si tu vas plus loin que cela, tu
tombes dans le domaine de la main-d'oeuvre ouvrière, et boum! tu as de
la misère, tu as toutes les peines possibles dans cela.
M. Lessard: C'est l'équilibre qu'il faut avoir.
M. Fraser: Comme cela, vous avez un contrôle automatique
sur la grandeur des fermes laitières et cela va plus loin que ce que le
cultivateur est capable de faire lui-même, ainsi que sa famille. Dans
bien des cas, ils travaillent comme des boeufs. Je suis passé par
là et je le sais.
M. Lessard: Justement, mais suite à ce que dit le
député de Huntingdon, il y a un danger, décrit aussi par
le député de Beauce-Sud, qu'on voit de plus en plus,
particulièrement dans l'élevage du porc, dans l'engraissement du
porc, le danger, dis-je que l'agriculteur devienne un ouvrier au service des
autres, danger que la grande entreprise commence à établir
graduellement son monopole sur l'agriculture, et je pense que cela s'en vient
de plus en plus. C'est cela qu'il faut craindre quand le ministre, à un
moment donné, ne nous établit pas de politique pour avoir un
certain contrôle sur cela. C'est qu'on sait, par exemple, que dans la
transformation des aliments, il y a actuellement, qu'on le veuille ou non, un
cartel, comme il y en a un dans le domaine du pétrole, et non seulement
dans le domaine du pétrole, mais au niveau de la distribution du
pétrole, le cartel part d'en haut et descend. Pour la viande, pour le
boeuf, on commence à voir venir ce cartel qui part d'en haut. Moi, je
suis d'accord avec le ministre, dans le sens qu'on ne peut pas en arriver
à retourner à une agriculture de quinze et de vingt vaches. Il
faut en arriver à un équilibre, comme le soulignait le
député de Huntingdon. L'Union des producteurs agricoles insiste
tout le temps sur la ferme familiale. Mais le danger qui commence à
apparaître, semble-t-il, c'est que les monopoles commencent à
descendre au niveau de la base, commencent à s'emparer graduellement de
l'agriculture, de telle façon qu'après le petit agriculteur va
être poigné dans un drôle de problème. C'est un peu
ce que le député de Beauce-Sud soulève. D'abord, je
comprends qu'il a sa loi du zonage qui s'en vient, etc., mais est-ce que le
ministre prévoit des mesures? Je sais bien que c'est bien difficile
d'empêcher les gros d'acheter les petits, et ainsi de suite...
M. Toupin: ... oui...
M. Lessard: ... mais est-ce qu'on prévoit des mesures
pour... Parce que le jour où ce sera devenu un monopole, là, ils
viendront en chercher des subventions du gouvernement. Quand le ministre parle
du rôle social...
M. Fraser: Ils ne l'auront jamais, le monopole.
M. Lessard: Quand le ministre refuse d'aider le petit agriculteur
sous forme de subvention, il y a une chose qu'on constate: C'est que certains
ministres, dont le ministre de l'Agriculture on en parlera pour Quebec
Poultry ne refuse pas de subventionner, à un certain moment,
à même l'argent de contribuables, de grandes entreprises
financières. Prenons Terres et Forêts, par exemple, comme Rayonier
Québec, chez nous... Le jour où cela arrivera qu'il aura
établi un monopole, soyez assurés qu'eux trouveront bien les
moyens de venir chercher de l'argent des contribuables pour obtenir des
subventions, quitte, après cela, à établir des prix
monopolistiques. Là, on y goûtera!
Est-ce que le minus... le ministre, non pas le minus habens, mais le
ministre, M. le Président, entend prendre ou prévoit des mesures
pour compenser cela...
M. Toupin: J'espère que le député de
Saguenay ne fait pas de projection. Non?
M. Lessard: Non.
M. Toupin: Oui, M. le Président, on prévoit des
mesures. Je vais les énumérer. D'ailleurs, non seulement
sont-elles prévues mais certaines sont concrétisées dans
des lois et d'autres viendront dans des lois qui sont déposées en
première lecture. C'est que le problème qu'affrontent notamment
les producteurs sans sol, les producteurs de porc, les producteurs d'oeufs, les
producteurs de poulet, les problèmes que ces entreprises affrontent sont
très souvent des problèmes de financement.
Le tout commence la plupart du temps par
l'achat de poussins, de porcelets, etc, financé par une
compagnie. C'est la compagnie qui finance l'élevage, et le producteur
devient presque automatiquement une sorte d'agent à forfait producteur
de porcs. Alors, on se dit: Un des moyens pour régler le problème
est de mettre du crédit à la disposition des producteurs, du
crédit à long terme, du crédit à court terme, du
crédit à moyen terme.
M. Lessard: Parfois, cela l'endette tellement plus qu'il est
obligé de vendre.
M. Toupin: Oui, mais il ne faut pas oublier une chose. On dit que
le problème est un problème de financement. D'accord? Le
producteur dit que cela lui coûte moins cher de se faire financer par une
grande entreprise que de se financer lui-même à même une
banque. Très souvent, les banques sont réticentes à
financer les producteurs. Le crédit à la production qu'on a
déposé avant les Fêtes, je pense la loi a
été adoptée où on peut emprunter
jusqu'à $50,000 garantis en totalité par le gouvernement, cette
loi commencera à s'appliquer à partir du 15 mai parce qu'il a
fallu refaire toute la réglementation. Alors tout producteur pourra,
à ce moment, faire affaires avec une banque ou avec une caisse pour
financer un élevage garanti par le gouvernement. C'est une
première démarche que nous avons faite vis-à-vis des
producteurs. La deuxième démarche que nous avons faite...
M. Lessard: Pour empêcher qu'il soit financé par les
compagnies.
M. Toupin: Par les compagnies et par la suite, être pris
pour vendre son porc et être pris partout, c'est-à-dire devenir
forfaitaire. Ainsi, il pourra garder au moins une bonne partie de son
indépendance. Il y a une deuxième politique qu'on a mise de
l'avant et qu'on discute avec les producteurs. Là où il y a des
plans conjoints, notamment pour le poulet et pour les oeufs, on demande aux
fédérations de ne pas émettre de quota à d'autres
qu'à des producteurs individuels, d'arrêter d'émettre des
quotas à des compagnies.
M. Lessard: Ouais.
M. Toupin: Mais oui, mais cela est une responsabilité de
producteurs. Si les producteurs veulent la donner au gouvernement, c'est une
autre affaire. Je suis prêt à l'examiner. Mais c'est une
responsabilité de producteurs. On est d'accord pour que les producteurs
prennent leur place dans leur entreprise. C'est leur entreprise. Ce n'est pas
à nous. Nous sommes là pour tenter de mettre des lois à
leur disposition et des mesures compensatoires quand le problème se
pose.
M. Lessard: Bien souvent, les compagnies prennent des moyens
détournés pour avoir des quotas.
M. Toupin: Oui, bien sûr, mais les règlements de
quota sont assez rigides et assez sévères, et elles peuvent les
formuler de la façon qu'elles veulent bien les formuler, pour
éviter que cela soit ainsi. On a commencé à
réfléchir là-dessus. Dans le domaine des oeufs, cela se
pose de moins en moins et dans le domaine du poulet, attendez six ou sept
semaines et une couple de mois, et vous verrez le tournant qu'on va prendre.
Pour le moment, je ne peux vous en parler, mais nous allons bientôt
prendre un tournant dans ce secteur parce que les quotas...
M. Lessard: Est-ce qu'il n'est pas trop tard?
M. Toupin: II n'est pas encore pris.
M. Lessard: Est-ce qu'il ne serait pas trop tard?
M. Toupin: II n'est jamais trop tard pour apporter une correction
à une situation quand on a les moyens de le faire et, dans ce cas, on a
les moyens de le faire très concrètement. C'est une
deuxième mesure que nous avons prise.
Une troisième mesure qu'on prend est qu'on incite de plus en plus
les producteurs à rester indépendants dans leur production. Vous
me direz que c'est une incitation morale, mais il faut quand même
accompagner nos programmes et nos politiques de ce que nous appelons, nous, une
sorte de publicité, une sorte d'information. Cela fait partie de nos
publications et cela fait partie du contenu des contacts qu'on a avec les
producteurs.
Le problème suivant demeurera toujours et on est d'accord
avec vous autres là-dessus, on ne s'entêtera pas longtemps
à discuter sur cette question les centres de décision sont
de plus en plus, voire presque à 75% entre les mains des distributeurs.
On ne peut plus parler de centres de décision, même au niveau des
transformateurs. Ce sont les grands magasins à succursales qui,
actuellement, sont les centres de décision.
M. Lessard: Le gros problème n'est pas au niveau de la
production. Les agriculteurs ou les producteurs sont prêts à
produire pour autant qu'à un certain moment on leur assure des prix. Je
comprends que le ministre va me répondre que sa loi qui s'en vient, sa
loi de stabilisation des revenus agricoles... Mais si on n'en arrive pas
à contrôler la commercialisation, si on continue et je suis
encore dans le sujet du bovin, M. le Président de laisser aux
grandes entreprises le soin d'être les acheteurs, bien souvent
d'être leseul acheteur... On a, par exemple, en ce qui concerne le
veau... Les producteurs se disent: II n'y a pratiquement qu'un seul acheteur
actuellement qui fait cette fonction et on en a parlé à la
commission, M. Bonneau, mais si on ne touche pas à ce problème,
c'est qu'à ce moment, comme le disait le député de
Beauce-Sud, les producteurs, parce qu'il y a un produit qui peut se perdre, ne
sont pas capables de négocier.
Chaque fois, on a demandé au ministre de faire enquête sur
la situation au niveau de la commercialisation. Vous allez me dire: Le
gouvernement fédéral a fait cette enquête. Cela inaugure
mal quand on voit qu'un ancien sous-ministre fédéral devenu
administrateur de plusieurs sociétés alimentaires, la
directrice du service de la consommation de la société
Steinberg de 1969 à 1974 et un économiste, propriétaire de
deux importantes firmes d'élevage de bestiaux en Alberta, ont
été choisis pour former la commission d'enquête sur la
commercialisation du boeuf au Canada. Je vous avoue que j'ai de drôles
d'inquiétudes devant cette commission d'enquête, parce que
justement ils font enquête sur eux-mêmes. Ce sont des
employés de grandes entreprises. Je pense que, quand le ministre parle
de plans conjoints qui en arrivent au niveau de la commercialisation, si on
n'arrive pas à toucher ce problème fondamental, soit
d'empêcher le monopole de l'achat les compagnies s'entendent dans
les encans régionaux les subventions que le gouvernement va
donner comme les $22 millions dont on parlera tout à l'heure, vont
être des subventions indirectes par l'intermédiaire du producteur
à la grande entreprise ou les grandes compagnies de distribution et de
transformation. C'est là qu'est le danger. On va prendre de l'argent du
contribuable pour subventionner indirectement, ce qu'on a fait quand on a
versé les $22 millions. Au lieu d'agir sur le problème de la mise
en marché, on s'est fermé les yeux: On ne touche pas à
cela, on va verser $22,500,000 aux producteurs, quitte à laisser les
grands intermédiaires faire ce qu'ils voudront sur le marché.
C'est le problème qui m'apparaît grave et si on en n'arrive pas
à empêcher ces monopoles, on subventionnera et, comme je le disais
au début des travaux de cette commission parlementaire, l'agriculture
deviendra un tonneau sans fond au profit des autres et non au profit des
agriculteurs.
Est-ce que le ministre entend prendre des mesures, comme ministre de
l'Agriculture du Québec, ou est-ce qu'il entend laisser encore toute
cette responsabilité à la commission d'enquête dont les
commissaires ont été des administrateurs ou des employés
de grandes compagnies de commercialisation et de distribution?
M. Toupin: M. le Président, je ne pense pas que ce soit
parce qu'un homme a fait de la politique qu'on va lui enlever toute
crédibilité dans un autre secteur d'activité, même
si c'est connexe à la politique. C'est la même chose dans ce
secteur.
M. Lessard: On aurait pu, au moins, accepter les producteurs.
M. Toupin: J'essaie de donner une interprétation aux
affirmations que vous faites. Je ne connais pas ces hommes de façon
intime. J'ai peut-être rencontré à quelques reprises ces
bonshommes. On verra, à la suite de l'enquête, ce qui pourra
sortir. Cette enquête est en cours présentement. On peut avoir des
inquiétudes. On peut avoir des préjugés, on peut avoir un
tas de choses vis-à-vis de ces enquêtes. Vous avez raison d'avoir
des inquiétudes.
M. Lessard: Le ministre ne trouve-t-il pas curieux que les
consommateurs et les producteurs ne soient même pas membres de cette
commission? Il n'y a même pas un représentant des consommateurs,
un représentant des producteurs à cette commission. Il y a des
députés libéraux qui doivent se poser des questions.
Le Président (M. Lafrance): II y en a qui veulent en
poser. Alors, je demanderais, si vous voulez, de demander la parole et on va...
J'avais retenu le député de Lotbinière. On va permettre au
ministre de répondre, on ira au député de
Lotbinière et on reviendra au député de Saguenay et au
député de Beauce-Sud.
M. Toupin: Cette commission va faire des auditions publiques et
déjà tout le monde a accès à la présentation
de mémoires et à la présentation d'opinions qui ne seront
pas toujours partagées même entre ceux qui auront des opinions sur
la question de l'alimentation au Québec, notamment au chapitre des
viandes. Voyons ce que donnera cette enquête et si cette enquête
n'est pas satisfaisante, on verra par la suite si c'est nécessaire d'en
faire une ou de ne pas en faire pour nous.
M. Lessard: On en fera une autre.
M. Toupin: Vous nous dites c'est vous-même qui le
disiez tantôt Est-ce que vous attendez que toutes les solutions
viennent d'ailleurs? Il y a un type de solution qui se prépare, qui
vient d'un autre ordre de gouvernement. Alors, voyons ce que cela donnera et,
après, on verra si c'est satisfaisant ou non et on prendra les
décisions qui s'imposeront.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Lotbinière.
M. Massicotte: M. le Président, on sait qu'il existe des
comités sectoriels pour étudier différentes productions,
aller jusqu'à la mise en marché des consommateurs. Est-ce qu'il
existe un comité consultatif semblable pour la situation
générale de l'agriculture au Québec?
M. Toupin: Non. Il n'existe pas de comité consultatif
général. On a plutôt choisi. Il a été
question à un moment donné d'un conseil provincial de
l'agriculture, je ne sais pas trop quoi, on a parlé d'une chambre
agricole, quelque chose comme ça.
Avant de s'embarquer dans ça, on s'est dit: Essayons de voir ce
qu'il est possible de faire avec ce que nous avons. Nous avons des
comités ad hoc pour chacune des productions au niveau de la Régie
des marchés agricoles du Québec, formés et nommés
par le ministère de l'Agriculture, et c'est chacun de ces comités
qui étudie en profondeur la situation d'une production en particulier et
qui nous fait des recommandations, tant sur son développement que sur sa
commercialisation, mais plus particulièrement sur sa commercialisation.
Nous avons, en plus, les différents comités plus
spécialisés et qui ont une portée beaucoup plus large, par
exemple le Conseil de production végétale, le Conseil de
production animale, où on retrouve les spécialistes, et le
conseil de production alimentaire, quelque chose comme ça, où les
spécialistes nous font des recommandations pour la préparation
des grandes politiques.
M. Lessard: Ils font une enquête.
M. Toupin: Oui. On travaille en étroite collaboration avec
l'UPA, avec la Coopérative fédérée, qui sont quand
même des organismes représentatifs du milieu, avec le Conseil de
l'alimentation, par exemple, le Conseil des salaisons, avec l'Association des
abattoirs, l'Association des meuniers. Même si on n'est pas toujours
d'accord, on se réunit quand même très souvent.
Le Président (M. Lafrance): J'ai compris tout à
l'heure que le député de Saguenay avait d'autres questions.
M. Lessard: Est-ce que le ministre entend présenter un
mémoire à cette commission d'enquête?
M. Toupin: Non.
M. Lessard: Pourquoi? Parce que vous n'avez pas de statistiques,
vous n'avez pas fait d'études précises sur la commercialisation
du boeuf au Québec?
M. Toupin: Non, on a probablement assez de statistiques pour
porter un jugement sur ce qui pourrait apparaître comme étant des
faiblesses ou des non-faiblesses dans le secteur de la commercialisation des
viandes, mais je pense que cette enquête s'adresse surtout aux
associations de consommateurs, aux associations de producteurs, plutôt
qu'aux gouvernements provinciaux.
M. Roy: Quand cette commission a été formée,
est-ce que le gouvernement du Québec a été mis au
courant?
M. Toupin: Oui, on n'a pas été consulté sur
la nomination des membres, mais on a été mis au courant de la
formation de la commission.
M. Roy: Avez-vous été consulté sur les
objectifs de cette commission?
M. Toupin: Non.
M. Roy: Est-ce que vous avez fait connaître certains points
de vue? Est-ce que vous avez fait des recommandations?
M. Toupin: C'est-à-dire que le mandat confié aux
commissaires nous apparaissait assez large quant à nous, en tout
cas, si on l'accomplit pleinement pour couvrir les problèmes
qu'on voulait voir couverts au Québec.
M. Roy: En somme, cela veut dire que vous étiez, en
quelque sorte, satisfaits du mandat de cette commission?
M. Toupin: C'est-à-dire que, si c'est nous qui l'avions
créée, peut-être aurions-nous donné un mandat plus
large dans d'autres secteurs, mais, étant donné que c'est une
enquête qui touche seulement les viandes, dans ce secteur, cela nous
apparaissait assez large. Si les consultations se font aux endroits où
elles doivent être faites, j'ai l'impression qu'on est capable d'aller
chercher les renseignements qu'il faut pour porter un bon jugement.
M. Lessard: Et des membres?
M. Toupin: On n'a pas été consulté sur les
membres.
M. Roy: Vous n'avez pas fait parvenir des protestations, des
notes, des remarques, des recommandations.
M. Toupin: Non, ce n'est pas notre enquête et je n'avais
pas l'intention de...
M. Roy: Non, mais même si ce n'est pas votre enquête,
vous avez quand même votre mot à dire.
M. Toupin: Je n'avais pas l'intention...
M. Roy: L'agriculture est une juridiction partagée entre
le fédéral et les provinces.
M. Lessard: La priorité du fédéral.
M. Roy: Actuellement, c'est devenu une grande priorité
fédérale dans laquelle le Québec n'a pas ou à peu
près pas droit au chapitre.
M. Toupin: Ce n'est pas ce que le gouvernement
fédéral dit de ce temps-ci.
M. Roy: Ce que le gouvernement fédéral dit, c'est
une chose, et ce que le gouvernement fédéral fait en est une
autre. Je suis surpris de voir que le ministre ne semble pas vouloir profiter
du fait...
M. Lessard: II vous laisse...
M. Roy: ...qu'au Québec, actuellement, il y a quand
même des points sur lesquels on appuie le ministre. Le ministre ne s'en
sert pas auprès de ses... Comment est-ce que le député de
Saguenay appelle ça, son "monologue" fédéral? Il ne s'en
sert même pas. Il y a quand même des points sur lesquels il y a une
certaine unanimité à l'Assemblée nationale
vis-à-vis des problèmes agricoles du Québec.
M. Lessard: C'est le député de Verdun qui appelle
ça comme ça.
M. Toupin: Evidemment, on soutient que les juridictions, de la
façon qu'elles sont décrites dans la constitution, doivent
demeurer ce qu'elles sont. C'est-à-dire qu'on n'a cédé
absolument aucun pouce sur quelque juridiction que ce soit, même en
commercialisation...
M. Lessard: C'est le fédéral.
M. Toupln: ...ou dans le secteur de l'inspection; on s'entend
avec les autres provinces et on fonctionne. On ne cède pas de
juridiction.
M. Lessard: Le fédéral fait comme une femme
à l'intérieur du foyer. Il vous laisse l'impression de mener
alors qu'en fait, c'est lui qui mène tout.
M. Toupin: Si vous considérez le fédéral
comme la femme au foyer, je n'ai pas d'inconvénient; chez nous, c'est
moi qui "run".
M. Roy: Est-ce que vous savez, M. le ministre...
M. Lessard: C'est-à-dire que vous avez l'impression de
"runner".
M. Roy: C'est une impression, mais vous savez, M. le ministre,
quand on a perdu la guerre, il est pas mal tard pour négocier la
paix.
M. Toupin: Très souvent, pour négocier la paix, on
alimente une petite guerre bien saine, bien normale et on finit par gagner la
paix.
M. Lessard: M. le Président, concernant le montant de $22
millions. Est-ce que les $22 millions ont été entièrement
versés? J'ai déposé une question au feuilleton à ce
sujet. Est-ce que les normes et les critères ont été
respectés? Je pense qu'on s'est aperçu, lorsque la subvention a
été versée, qu'il y avait beaucoup plus de producteurs
après l'annonce de la subvention qu'il y en avait avant. Il y a
même eu des transports de bovins, de région en région.
J'aimerais que le ministre nous fasse un compte rendu de la situation,
pour voir si cela a été complètement versé. Le
ministre joue dans le secret en ce qui concerne la liste que j'avais
demandée, liste de ceux qui avaient contribué à la Loi de
l'assurance-récolte. Le ministre nous dit que c'est secret.
Dans le plan des génisses dont nous allons parler tout à
l'heure, la liste est encore secrète. Est-ce que le ministre va me
répondre que les producteurs qui ont reçu $22 millions paraissent
sur une liste secrète également? J'espère que non.
M. Toupin: M. le Président, chaque assuré de
l'assurance-récolte au Québec et chaque
bénéficiaire des politiques du ministère de l'Agriculture
au Québec, on peut toujours les rendre publics à partir d'une
question au feuilleton. Vous avez toujours le droit d'avoir cela. Il n'y a pas
de problème. La seule chose...
M. Lessard: Est-ce que le ministre est informé de la
réponse que j'ai reçue?
M. Toupin: La seule chose qu'on ne peut pas faire, c'est qu'on ne
peut pas rendre publics des contrats intervenus entre le gouvernement et un
individu. On ne peut pas faire cela. Mais on peut rendre publics des versements
qu'on fait aux pro- ducteurs, c'est public, d'ailleurs. Il n'y a pas de
problème là-dessus.
M. Lessard: Est-ce que vous refusez de rendre publique la liste
des personnes qui ont participé au plan d'assurance-récolte?
M. Toupin: Lorsque vous parlez de contrats individuels, lorsque
vous me demandez de les rendre publics, vous voulez savoir combien de personnes
se sont assurées au Québec. Je n'ai pas d'inconvénient
à vous le dire, il y en a 3,000. On leur a versé tant de
subventions.
Mais lorsque vous me demandez de divulguer le nom du gars qui a
signé un contrat d'assurance-récolte, je ne pense pas qu'on
puisse le rendre public, parce que ce sont des relations individuelles entre un
individu et le gouvernement. Je ne pense pas qu'on doive rendre les noms
publics.
M. Lessard: Dans le cas des producteurs qui ont reçu des
versements en relation avec le montant de $22 millions de subvention qui a
été versé par le gouvernement, est-ce que cette liste peut
être rendue publique?
M. Toupin: Encore là, j'hésite à mettre des
noms. Quelle réaction aura tel producteur si je rends public qu'on lui a
versé $15,000, $18,000 ou $7,000 sur sa politique d'aide. Je peux dire
les montants qui ont été versés par région.
M. Lessard: M. le Président, c'est qu'il y a des normes et
des critères. Si, à un moment donné, le gouvernement verse
$7,000, $8,000 ou $9,000 sur un nombre de têtes. Le voisin du producteur
est au courant qu'il avait tant de têtes en élevage, à
cette période. Il n'y a aucune honte, étant donné que ce
n'est pas de l'assistance sociale; c'est déguisé, mais ce n'est
pas directement de l'assistance sociale.
M. Toupin: C'est loin d'être de l'assistance sociale. Ce
n'est même pas déguisé.
M. Lessard: Je ne vois pas du tout, pour la protection des
deniers publics, en quoi le ministre se cacherait derrière ce secret
ministériel, le non-intérêt public, pour ne pas nous donner
la liste des personnes, des producteurs qui ont reçu des montants de
subvention du gouvernement.
Il y a des doutes sérieux sur la façon dont a
été distribué le montant de $22 millions.
M. Toupin: Je ne me cacherai pas derrière le nom des
producteurs. Si le député de Saguenay veut savoir ce qu'Arthur
Séguin a reçu dans le comté de Témiscouata, qu'il
aille trouver Arthur et qu'il lui demande.
M. Lessard: Ce sont $22 millions qui ont été pris
dans les poches des contribuables.
M. Toupin: Cela m'apparaît évident, de ce
côté-là. Oui, on rend public et si notre
administration publique n'est pas bonne, si on gaspille les deniers de
l'Etat...
M. Lessard: Vous cachez tout.
M. Toupin: ...il y a des moyens de le savoir. Vous les connaissez
ces moyens.
M. Lessard: Comment? Combien y avait-il de producteurs au
Québec qui ont reçu des subventions?
M. Toupin: On va vous les donner les producteurs agricoles. La
liste des producteurs agricoles, je n'ai pas d'inconvénient à la
rendre publique.
M. Lessard: La liste des producteurs qui ont reçu une
subvention...
M. Toupin: Vous me demandez de rendre publique une subvention
qu'un producteur reçoit, vous me demandez d'entrer dans la
comptabilité du producteur et dans ses affaires personnelles. Cela ne me
regarde pas.
M. Lessard: En tout cas, M. le Président, ces $22 millions
qui ont été dans la poche des contribuables...
M. Toupin: Je vais vous donner des explications.
M. Lessard: ...le ministre, parce qu'il ne veut pas rendre la
liste publique, nous dit: Allez voir chacun des producteurs. Autrement dit,
c'est de nous dire: J'ai décidé de donner $22 millions et vous ne
saurez pas de quelle façon j'ai donné ces $22 millions? Je trouve
cela assez grave, d'autant plus qu'il y a des doutes sérieux de la part
d'un certain nombre de producteurs sur la façon dont l'argent a
été distribué et sur les personnes qui ont reçu cet
argent.
M. Toupin: M. le Président, pourrais-je donner des
précisions avant que le député de...
M. Lessard: C'est sérieux, cette chose.
Le Président (M. Lafrance): Justement, si vous permettez,
M. le ministre, avant...
M. Lessard: II y a des producteurs, semble-t-il, qui
n'étaient pas producteurs, qui ont reçu des subventions.
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre! Avant d'aller plus loin...
M. Toupin: Le député de Saguenay avance des
choses...
Le Président (M. Lafrance): ...il faudrait mettre un peu
plus d'ordre dans les interventions. Il y a déjà trois
députés qui ont demandé la parole. Je vous prierais, avant
de parler, de demander à la présidence le droit de parole.
M. Lessard: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Lafrance): Tout à l'heure, il y a
eu une intervention de la part du député de Beauce-Sud qui a
mentionné que, si les députés libéraux voulaient
parler, ils doivent demander la parole. Il y en a trois qui l'ont
demandée. On va accorder le droit de parole à tout le monde,
soyez sans inquiétude, mais l'on ne voudrait pas que vous vous
interrompiez, que les membres de la commission interrompent d'autres membres de
la commission. On va mettre un peu d'ordre, on va s'entendre et on va
parler.
M. Lessard: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Saguenay.
M. Lessard: Interprétez-vous le droit de parole que vous
accordez à un député comme étant la
possibilité pour lui de poser une seule question au ministre et que,
après cela, ce soit un autre député qui puisse parler?
Le Président (M. Lafrance): Non.
M. Lessard: J'avais encore le droit de parole.
Le Président (M. Lafrance): Je n'interprète pas
cela comme cela. D'ailleurs, je n'ai encore donné le droit de parole
à personne.
M. Lessard: Mais vous me l'aviez donné.
Le Président (M. Lafrance): Je n'interprète pas
cela comme cela.
M.Giasson: Vous l'avez prouvé, M. le Président, en
permettant une multitude de questions au député de Saguenay ou au
député de Beauce-Sud.
M. Lessard: Oui, mais le président semble contester cette
décision.
Le Président (M. Lafrance): Absolument pas, ce que je veux
dire, M. le ministre, c'est que je vais accorder le droit de parole à
chacun.
M. Lessard: Je suis bien d'accord.
Le Président (M. Lafrance): Si vous permettez, on a
parlé toute la matinée de différents sujets. On va y
revenir, on va vider le sujet, si vous voulez. Seulement, on voudrait donner la
chance à tout le monde de parler. Je voudrais tout simplement que, selon
notre règlement, chacun des députés qui veut intervenir
demande au président, chaque fois qu'il intervient, le droit de
parole.
M. Lessard: Chaque fois que je pose une question?
Le Président (M. Lafrance): Oui.
M. Lessard: Même si vous me l'avez accordé
avant?
Le Président (M. Lafrance): Oui, c'est pour avoir de
l'ordre. Autrement, chacun s'interrompt et c'est pour cela que...
M. Lessard: Ce n'est pas cela, ma question de règlement,
M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Non, regardez...
M. Lessard:...il est vrai que, sur les $22 millions, j'ai
posé plusieurs...
Le Président (M. Lafrance): Vous êtes...
M. Lessard: Sur la question de règlement, il faut savoir
comment on va agir, parce que, si chaque fois que je veux poser une question
supplémentaire au ministre, je vous demande le droit de parole, cela va
aller mal.
Le Président (M. Lafrance): On va avoir de l'ordre.
M. Lessard: J'ai attaqué un problème, à
savoir les $22 millions. J'ai commencé à interroger le ministre
sur ces $22 millions. Vous m'aviez accordé le droit de parole.
Le Président (M. Lafrance): Non, vous ne me l'aviez pas
demandé.
M. Lessard: Oui, vous m'avez dit, M. le Président: Le
député de Saguenay.
Le Président (M. Lafrance): Non. D'accord, je vous
l'accorde.
M. Lessard: Vous avez précisé vous-même le
député de Saguenay.
Le Président (M. Lafrance): Je vous l'accorde.
Allons-y.
Vous avez posé une question au ministre. Le ministre a dit qu'il
était capable de répondre à votre question. Si vous
voulez, on va le laisser répondre à la question. D'accord.
M. Lessard: D'accord, quitte, à un moment donné,
à lui en poser à nouveau après.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Allez-vous permettre
aux autres de poser des questions?
M. Lessard: Oui, je suis d'accord.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Cela va.
M. Ostiguy: ...
Le Président (M. Lafrance): Le ministre de l'Agriculture
sur la question du député de Saguenay.
M. Toupin: M. le Président, je pense que le
député de Saguenay laisse planer des doutes très
sérieux sur l'administration de cette politique d'aide aux producteurs.
Je vais d'abord lui expliquer comment nous avons procédé.
Après, s'il y a des doutes fondés, il pourra mettre des noms sur
la table et on pourra faire enquête. On verra après si ses doutes
étaient fondés ou non.
M. Lessard: Ce n'est pas moi qui suis le ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin: M. le Président, si vous mettez en doute une
subvention versée, prouvez vos doutes, arrêtez de laisser planer
des doutes sur la tête de tout le monde en n'affirmant rien.
M. Lessard: Je...
M. Toupin: Je vais vous donner la réponse maintenant,
d'accord? On vous a laissé le droit de parole tantôt. Vous avez
décrit ce droit dans votre intervention. Je vais concrétiser le
mien aussi.
On a versé jusqu'ici $21,358,958 pour les bovins, aux producteurs
de bovins en général et, plus précisément,
$21,358,958.20. Cela comprend les bovins laitiers, les $0.25, les
éleveurs-naisseurs et tous ceux qu'on pouvait identifier très
rapidement.
On a versé $458,295 au F-1. Il reste encore une région
à régler, c'est la région de la Beauce, je pense,
où ce n'est pas tout à fait réglé et où cela
va probablement coûter $80,000 ou $85,000.
Il y a, maintenant, une aide spéciale aux producteurs de veaux
laitiers. Là-dessus, on a été prudent, parce qu'on ne
savait pas exactement où se trouvaient ces producteurs. Qu'est-ce qu'on
a fait? Cela valait autant pour les deux premières interventions,
c'est-à-dire pour l'aide spéciale aux producteurs de bovins et
pour les F-1, cela valait aussi pour ces deux productions. Nous avons
créé des comités de producteurs dans le milieu...
M. Giasson: Pour le veau?
M. Toupin: ...pour le veau et pour toutes les
catégories.
M. Giasson: Toutes les productions de bovins.
M. Toupin: Oui, on a créé des comités de
producteurs. Tous les dossiers douteux et même des dossiers où on
avait déjà statué que des producteurs avaient des doutes,
on a tout remis ces dossiers aux comités de producteurs. Ce sont ces
derniers qui ont fait les sélections. Ce n'est pas nous qui les avons
faites. Ce sont les producteurs agricoles en comité. Nous étions
présents au comité, bien sûr. Ce sont des producteurs
agricoles en comité qui ont décidé si tel producteur y
avait droit ou s'il n'y avait pas droit. S'il y a des doutes dans
l'administration d'une politique comme celle-là, comme le laisse
sous-entendre le député de Saguenay, j'aimerais bien qu'on
m'apporte des cas. Je vais les resoumettre aux comités, parce que les
comités existent encore. Si le comité s'est trompé dans
son évaluation,
on en discutera avec lui. Il est possible qu'il se soit trompé
lui aussi. Je pense qu'il n'y a personne de parfait. Il faudrait absolument,
si, toutefois, on laisse planer des doutes, qu'on apporte des noms sur la
table, parce que, personnellement, je n'accepterai pas cela. Je n'accepterai
pas non plus de compromettre des producteurs, au niveau d'un comité,
à qui j'ai demandé précisément de faire partie du
comité pour régler ces problèmes, parce que je voulais,
là-dedans, que cela vienne des producteurs, ces sélections. Je ne
voulais pas qu'on m'accuse après cela d'avoir sélectionné
moi-même les producteurs. Ce sont eux qui se sont
sélectionnés entre eux. S'il y a des problèmes
précis, soulevez les problèmes.
M. le Président, il reste encore, probablement je vais
prendre un chiffre, je ne l'ai pas en tête, peut-être que les
sous-ministres l'ont environ 2,000 cas qui sont en suspens et qu'on va
reprendre au niveau des comités. Il va rester, ensuite, un certain
nombre de cas, peut-être 300 ou 400 cas, qui n'entraient pas dans le
programme, mais qui, après examen, auraient peut-être dû
entrer dans le programme. On va réviser notre mesure si
nécessaire pour donner justice à tout le monde.
M. Lessard: Le ministre refuse de déposer la liste.
M. Toupin: Ecoutez, je vous ai donné ma version.
Tantôt, je vais aller plus loin que cela. Je vais en discuter avec mes
collègues au conseil des ministres. Je vais en parler à certains
groupes de producteurs. Si les producteurs n'ont pas d'inconvénient, je
vais rendre la liste publique, si le conseil des ministres est d'accord. Je
vais la rendre publique.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Montmagny-L'Islet.
M.Giasson: M. le ministre, pour ce qui est de la liste des
agriculteurs d u Québec qui ont été éligibles
à cette règle, je pense que, par la Fédération des
producteurs de lait, c'est là que vous avez pris vos sources pour
connaître qui détient des quotas de lait, parce q ue cela
était payé à tant par 100 livres de lait... On pourrait
avoir cela, j'imagine, de la Fédération des producteurs de lait
si elle n'a pas d'objection à publier cela.
M. Toupin: Ces gens sont hésitants à publier leur
liste de quotas; évidemment, je ne sais pas s'ils la publieront ou s'ils
peuvent la rendre publique, mais, en tout cas...
M. Giasson: Je ne verrais pas pourquoi ils s'opposeraient
à la publier. Il s'agit d'une aide qu'ils ont reçue de l'Etat. Je
n'imagine pas que cela puisse créer des problèmes...
M. Toupin: La Commission canadienne du lait hésite
à nous donner, au ministère, la liste de leurs contingents dans
la province de Québec, parce qu'ils se disent que c'est
confidentiel...
M. Giasson: Pour cette partie, je pense que cela va assez bien.
Il y a l'autre partie, les subventions, l'aide que vous avez apportée
aux vrais producteurs de bovins, que ce soient boeufs de boucherie, F-1, que ce
soient producteurs de veaux. Vous dites que vous vous en êtes remis, pour
savoir qui était éligible, à une liste d'agriculteurs qui
émanaient de comités d'agriculteurs...
M. Toupin: C'est-à-dire que...
M. Giasson: Comités des producteurs agricoles. Est-ce que
c'étaient des comités créés par l'UPA ou des
comités créés bona fide dans le champ?
M. Toupin: Des comités créés par le
ministère en collaboration avec les producteurs. On travaillait avec
l'UPA là-dessus. On a suggéré que des comités
soient créés, que ce soient les producteurs eux-mêmes qui
statuent sur des cas litigieux pour que les producteurs ne disent pas entre
eux: Lui a droit, lui n'a pas droit, lui a droit, lui n'a pas droit. Pour
éviter toutes ces confrontations très souvent inutiles, on a
demandé la collaboration des producteurs et ils nous l'ont
donnée.
M. Giasson: Oui, mais au-delà de tout cela, vous avez
également utilisé les services de vos agronomes et techniciens
dans le champ.
M. Toupin: Bien sûr, l'application se fait du
ministère.
M. Giasson: Ces comités de producteurs agricoles ont fait
la liste, ont fait le "listing", si vous me permettez le terme, de ceux qui
étaient admissibles, mais toujours en partant de normes et de
critères préétablis par le ministère. Lundi
dernier, j'ai reçu le président du syndicat des producteurs de
bovins de ma région. J'avais eu des appels téléphoniques
de producteurs. Ce que j'aimerais examiner aujourd'hui avec vous, ce sont les
normes sur lesquelles vous vous êtes basés. J'aimerais avoir
l'échantillonnage précis de ces normes.
M. Toupin: On peut vous les remettre, si vous voulez...
M. Giasson: Parce que, là où le président a
des doutes sur l'application de la politique, c'est sur les normes à la
base qui éliminent un certain nombre de producteurs qui ont subi, tout
autant que les gros, les contrecoups de la mauvaise situation de
commercialisation dans le boeuf; si on ne les aide pas, si on ne revoit pas ces
normes, on en fait presque automatiquement une clientèle pour nos
bureaux payeurs d'allocations sociales dans nos comtés.
M. Toupin: Je pense que j'ai donné réponse à
cela tantôt, mais je vais reprendre la réponse que j'ai
donnée. La demande se fait au ministère, et une fois que les
demandes sont faites, tous les cas qui sont clairs dans l'esprit de tout le
monde... Un producteur laitier, cela s'identifie. Un producteur de bovins qui
fait déjà partie de programmes du ministère, on sait
combien il a de bo-
vins. Tous ceux-là, les comités ne s'en sont pas
occupés. C'est quand on est arrivé dans les cas où on
n'était pas certain du nombre de têtes sur les fermes. Les
agronomes allaient faire des enquêtes, mais le ministère a cru
bon, avant de prendre une décision finale, de le confier à un
comité, le comité dont on parle, d'agriculteurs. Ils nous
faisaient une recommandation: On les accepte ou on les refuse. On en a
refusé, dans certaines régions, jusqu'à45%. La
sélection faite, on s'est rendu compte du problème que vous avez
soulevé. Il y a des producteurs qui n'entrent pas dans les normes.
J'apporte un exemple: On disait: Pourêtre admissible à la mesure
des 400 livres, le producteur laitierqui afaitdu bovin laitier, pour qu'il soit
admissible à la mesure pour ses bovins, il fallait qu'il en produise au
moins 20...
M. Giasson: Qu'il en produise 20 ou qu'il ait 20 vaches
productrices?
M. Toupin: C'est pour les éleveurs-naisseurs. Mais
là, je parle des veaux laitiers, c'est surtout là que le
problème se pose.
M. Giasson: Les veaux laitiers.
M. Toupin: Oui. Le producteur de lait qui a fait l'élevage
de bovins laitiers avec sa ferme. Il prenait ses veaux laitiers, les
engraissait, les rendait à 400 livres. On disait: On les rendra
admissibles ceux-là, à compter de 20. Chaque fois qu'un
producteur laitier aura 20 bovins de 400 livres et plus sur sa ferme, on
commencera à payer à compter du sixième. On lui laisse
porter les cinq premiers, et pour les autres, lesquinzeou lesdix-huit autres,
on intervient. On en a rencontré, dans plusieurs cas, qui avaient
dix-huit, dix-neuf bovins. On s'est dit: Ce n'est quasiment pas juste...
M. Giasson: C'est commun.
M. Toupin: II va falloir réviser cette question. Cela va
coûter peut-être quelque $100,000 de plus, mais il va falloir, je
pense, aider ces gars. Cela veut dire qu'il faudra changer notre
critère.
Un autre problème qu'on a eu aussi au niveau des
éleveurs-naisseurs. C'est qu'on exigeait qu'il y ait un minimum de
vaches dans l'étable. Dans certains cas, il n'y avait pas ce minimum.
Ceux-là aussi, qui sont des nouveaux producteurs, on va réviser
leur cas et probablement qu'on amendera notre mesure cette année, si,
toutefois, il y a des cas criants qui se posent dans ce secteur. C'est cela qui
fait, actuellement, l'objet, et au niveau des comités régionaux
et au niveau du ministère, de l'élaboration de normes nouvelles
pour venir en aide à ces producteurs qui n'étaient pas
admissibles à la première mesure.
M. Giasson: Maintenant, dans le cas du vrai type de bovins de
boucherie, quelles sont les normes sur lesquelles vous étayez vos
paiements?
M. Toupin: Pour les bovins de boucherie, on partait de... Le
sous-ministre va vous les donner. On peut les déposer, il n'y a pas
d'inconvénient.
M. Giasson: Je voudrais, avant de les déposer, les
connaître.
M. Toupin: On peut les résumer à ceci: Que ce soit
pour l'éleveur-naisseur de bovins de boucherie ou pour
l'éleveur-finisseur, en dehors de la définition d'être un
producteur agricole, il doit, dans les normes actuellement, posséder un
minimum de 20 vaches en production, lorsqu'il est éleveur-naisseur, et
un minimum de 10, dans certaines zones du Québec où,
déjà, le programme régulier d'hivernement ou d'aide
à l'hivernement s'applique, nommément le Nord-Ouest
québécois et l'Est du Québec, qui est, à ce moment,
résidant, bien sûr, ou non, dans les régions.
Mais je pense que le principal critère au sujet duquel vous avez
mentionné qu'il y avait des difficultés et que nous avons
constatées à l'heure actuelle cela a été
mentionné par le ministre tout à l'heure qui font l'objet
d'une révision à l'heure actuelle, c'est par rapport à ces
éleveurs, soit finisseurs ou naisseurs, qui détiennent moins de
vingt têtes à l'heure actuelle, par rapport à l'aide
apportée aux producteurs laitiers. Nous y faisons un déductible
de cinq, mais s'ils en avaient sept ou huit, à ce moment, ils avaient
accès à trois au programme. Donc, il y a là un
désiquilibre que nous regardons à l'heure actuelle.
M. Giasson: Mais pourquoi n'auriez-vous pas appliqué votre
minimum à dix vaches pour tout l'ensemble du territoire au lieu de
limiter cela à l'est du Québec et à l'Abitibi?
M. Toupin: Parce que nos programmes...
M. Giasson: Parce que vous avez toute une série de zones,
de petites paroisses, qui sont aussi mal poignées que l'est du
Québec et que l'Abitibi? C'est le cas du haut de Bellechasse, de
Montmagny-L' Islet, de la Beauce, peut-être des petites paroisses de
Lotbinière.
M. Toupin: II faut se reporter à l'objectif qui nous a
habités lors de la mise en place d'un programme d'aide à
l'hivernement pour favoriser l'augmentation du pourcentage de production de
bovins de boucherie au Québec en I97I. Nous avons jugé, pour
qu'un agriculteur puisse espérer développer une production qui
lui assure un seuil de rentabilité qui puisse progresser, et non pas un
seuil de viabilité, qu'il y avait nécessité d'un minimum
de vingt vaches en production pour permettre la création d'un troupeau
qui soit par lui-même en condition normale, en mesure de faire vivre son
homme, et nous avons accordé certains particularismes à ce
facteur général de vingt vaches pour les régions de l'est
du Québec et du Nord-Ouest québécois, justement, parce
qu'il y avait là des facteurs bien particuliers, différents
à ce moment, nous le croyons, des autres zones.
M. Giasson: Des facteurs différents qui peuvent exister
dans la partie sud de mon comté et des comtés voisins.
M. Toupin: Oui. Je crois que le fondement, comme le sous-ministre
vient de le dire...
M. Giasson: Qu'est-ce que vous voulez? Dans nos paroisses d'en
haut, nos gars vivent de quoi? D'un peu d'agriculture, coupe du bois chaque
année. Les autres font de l'exploitation érablière. C'est
l'entité agricole qu'on a dans ces paroisses.
M. Toupin: C'est vrai.
M. Giasson: Mais parce que le gars est obligé d'avoir
plusieurs champs de production pour trouver le revenu nécessaire
à sa famille, on va dire: Bien, tu n'as pas de rentabilité pour
vivre exclusivement de cela dans l'avenir parce que tu vas être
obligé de continuer d'aller dans le bois et de faire du sirop
d'érable. Tu n'es pas éligible. C'est inacceptable.
M. Toupin: Comme le disait le sous-ministre tantôt, il y a
une explication qui se donne. Lorsque nous avons préparé cette
politique, notamment au chapitre des bovins, nous avons voulu nous baser sur
des entités le moindrement rentables. On se disait: Un producteur de
bovins qui a moins de vingt vaches qui fait du bovin ne peut vivre avec
cela.
M. Giasson: II ne vit pas uniquement avec cela et vous avez
raison.
M. Toupin: Oui. D'accord... ou il a d'autres
activités...
M. Giasson: Oui.
M. Toupin: ... ou il a un revenu à côté qui
peut être le lait, qui peut être le sirop d'érable, les prod
uc-teurs agricoles. On n'avait pas de statistique là-dessus. On
n'était pas certain qu'en prenant la décision d'aller en bas de
vingt, on prendrait une bonne décision. On s'est dit: Pour une
première démarche, couvrons d'abord ceux qui correspondent
à nos politiques régulières, c'est-à-dire nos
politiques qui visent, graduellement, à faire des producteurs de bovins.
Couvrons d'abord ce champ et après cela, regardons vis-à-vis des
bovins laitiers on se dit: Le gars qui fait seulement du bovin laitier à
400 livres, si il en met dix en marché par année, il ne vit pas
avec cela. On est parti, à un certain moment, de 40 pour se ramener
graduellement à 20 pour couvri r les producteurs laitiers qui faisaient
aussi de l'élevage de bovins laitiers.
Là aussi on s'est arrêté à 20 pour les
troupeaux parallèles, comme on les appelle au ministère, les
troupeaux laitiers et les troupeaux de bovins. Là aussi on s'est
arrêté à 20 parce que cela correspondait encore à
nos normes pour l'élevage bovin. Pour les parcs d'engraissement, cela ne
créait pas de problème. Pour les engraisseurs, cela ne
créait pas de problème non plus parce que le gars qui vit de
l'engraissement a au moins 50 à 60 têtes. Il n'y a eu aucun
problème. Les problèmes se situent vis-à-vis des deux
qu'on vient de nommer. On les a mis de côté au départ, non
pas pour les laisser totalement de côté. On s'est dit: On ne sait
pas exactement ce qui se passe dans tout cela et on ne connaît pas assez
ces gars. Laissons faire l'enquête. On est allé plus loin que
cela. On a dit à nos bureaux régionaux et à nos bureaux
locaux: Acceptez toutes les demandes. Peu importe que le gars ait dix vaches,
huit, neuf, acceptez toutes les demandes. On va les prendre et on va analyser
cela. Après, si on se rend compte qu'il y a là matière
à intervention, on fera une intervention et on est rendu au stade de
votre idée, quand vous nous dites qu'il faut réévaluer et
refaire cette politique pour ceux-là. Il n'y a pas d'erreur dans mon
esprit. Je suis d'accord sur cela.
M. Giasson: Comme ça, ce n'est pas absolu comme norme.
M. Toupin: Non.
M. Giasson: Un minimum de 20 dans certaines régions et un
minimum de dix dans deux zones particulières.
M. Toupin: Actuellement, ça l'est, mais les normes vont
être changées et on va les rendre admissibles pour cette
année.
M. Giasson: Aux producteurs qui communiquent avec moi, je peux
dire, sans les tromper, que le ministère doit réviser sa norme
minimale dans une région comme la nôtre.
M. Toupin: Oui, on peut la ramener à dix, mais là,
il faut analyser plus loin. Il faut faire attention là-dessus.
Peut-être faudra-t-il mettre d'autres normes. Par exemple, le gars qui
travaille prenons le cas de Maskinongé de 8 heures
à 4 heures à l'usine de meubles à Maskinongé et qui
a huit, neuf ou dix veaux sur sa ferme, est-ce qu'on doit intervenir pour ce
gars? Je ne sais pas.
M. Giasson: Ce n'est pas ce que j'ai à l'esprit.
M. Toupin: C'est pour cela qu'il ne faudrait pas que la norme
soit "at large". Il faudrait qu'elle mentionne des cas précis. Le gars
qui vit de la ferme ou qui va chercher tant pour le veau ou pour le sirop
d'érable et tant sur son boisé, on va l'identifier et on va le
payer.
Le Président (M. Lafrance): Dans l'ordre des
interventions, les honorables députés de Verchères, de
Lotbinière, par la suite, de Beauce-Sud et de Huntingdon. L'honorable
député de Verchères.
M. Ostiguy: M. le Président, dans les mesures d'aide
à la production animale, le ministère avait un programme qui
s'appelait: L'aide à des éleveurs qui subissent des pertes de
bovins ou d'ovins par des maladies à évolution aiguë, des
intoxications ou des accidents spécifiques à la ferme. C'est dans
le même programme.
M. Roy: Mais on change de sujet.
M. Lessard: On a discuté aussi du F-1.
M. Ostiguy: C'est dans le même programme.
M. Giasson: Toujours dans le même sujet, une autre
question. Pour recevoir la subvention, est-ce qu'il est absolument requis
d'être membre de l'UPA?
M. Toupin: II faut vendre pour $1,000 de produits agricoles par
année.
Une Voix: II n'est pas nécessaire d'être membre de
l'UPA.
M. Tremblay: M. le Président...
M. Toupin: II faut simplement vendre pour $1,000 de produits
agricoles par année.
Le Président (M. Lafrance): Je veux écouter avec
attention la question du député de Verchères.
M. Ostiguy: De toute façon, elle est dans le programme
3.
Le Président (M. Lafrance): Programme 3, d'accord.
M. Ostiguy: II arrive surtout, M. le Président ma
question s'adresse au ministre que, dans la région agricole de
Saint-Hyacinthe, la région agricole 6, il y a des éleveurs qui
auraient été remboursés par cette mesure, d'autres ont
soumis des demandes et le programme avait été discontinué.
Est-ce que le ministre peut nous dire s'il a l'intention de remettre cette
mesure en vigueur pour des fins spécifiques telles que les maladies
chroniques dans des troupeaux de la région no 6?
M. Toupin: C'est une politique d'aide qui existe au
ministère depuis plusieurs années. On l'a améliorée
depuis un certain temps.
C'est un palliatif à une assurance-bétail pour l'avenir.
C'est un palliatif. Tant et aussi longtemps qu'on aura pas cette
assurance-bétail, on devra procéder avec ces mesures. Cette
mesure couvre les producteurs laitiers notamment qui sont victimes, avec leur
troupeau, d'épidémies quelconques identifiées, non pas une
maladie qui intervient, comme celle qui peut être attribuable à un
manque de prudence ou des choses comme ça, mais ce qui peut être
considéré une maladie épidémique.
On a identifié ces maladies dans une certaine mesure, mais les
fonctionnaires du champ ont interprété un peu plus largement que
d'habitude cette politique, de telle sorte que si on avait laissé
évoluer cette politique, interprétée comme elle
l'était par certains fonctionnaires, on s'orienterait probablement vers
quelque chose comme $8 millions ou $10 millions, on serait en train de couvrir
toutes les pertes animales au Québec. On entrerait indirectement dans
l'assurance-bétail qui était payée entièrement par
l'Etat, sans primes, etc. On ne pouvait pas faire ça. Ce qu'on a fait,
ç'a été d'arrêter la mesure pour un bout de temps
pour la réviser, la resserrer un peu pour que son interprétation
soit beaucoup plus claire dans la tête de tous ceux qui auront à
l'appliquer et la remettre en vigueur une fois que ces précisions seront
apportées.
Si ma mémoire est bonne, je pense que cela est fait. On a
précisé la mesure et on l'a rappliquée. Le problème
qu'on a, c'est qu'il y a des producteurs qui ont été payés
en vertu de l'ancienne mesure et qui n'auraient pas dû l'être. Il y
en a d'autres qui sont dans le même cas et qui, en vertu de la nouvelle
mesure, ne pourront pas être payés. Qu'est-ce qu'on doit faire,
est-cequ'on doit payer tout le monde ou si on doit demander à ceux qui
en ont reçu, qui n'avaient pas droit d'en recevoir, de rembourser le
ministère pour cela? C'est la décision qui se discute
actuellement au ministère.
M. Ostiguy: Mais si vous avez remis la mesure ou si vous
êtes pour la remettre bientôt, est-ce que vous avez les maladies
bien spécifiques sur lesquelles vous allez payer actuellement?
M. Toupin: Le sous-ministre va vous expliquer ces techniques.
En fait, M. le Président, le programme auquel vous vous
référez, dans ses fondements, n'a pas été
modifié. Je pense que ce qu'on a essayé d'expliquer, c'est que,
dans l'interprétation qui aété faite par nos individus, il
y a des maladies qui sont bien claires. Lorsque nous parlons de pertes subies,
soit par suite d'une maladie à évolution aiguë, d'une
intoxication, d'un accident spécifique, de la foudre, d'incendie,
d'électrocution, etc., il n'y a pas de problème.
M. Roy: Et il y en a.
M. Toupin: Là où s'est posé le
problème très concrètement dans la région de
Saint-Hyacinthe, c'est lorsqu'on disait que cette aide s'applique aussi
à la stérilité bovine, de nature infectieuse ou
alimentaire, de même qu'à certaines maladies dont la
sévérité et la chronicité permettent
d'établi run pronostic de non-rentabilité à long terme et
pour lesquelles il n'existe aucun moyen efficace de prévention et de
traitement, ce, aux conditions qui suivent: II faut établir très
clairement auparavant, par nos laboratoires, la nature de l'infection ou de la
déficience avant qu'on puisse commencer quoi que ce soit. C'est dans cet
aspect plus particulier de la réglementation du programme où nous
n'avions pas, pour des raisons particulières, toutes les réponses
aux dossiers, II nous a fallu, à un moment donné, suspendre
temporairement ce programme pour ensuite le remettre, mais laissant, bien
sûr, durant cette interpériode, des problèmes très
particuliers, que vous soulevez, d'agriculteurs qui ont reçu et d'autres
qui n'ont pas reçu; nous sommes actuellement à faire une analyse
systématique de ces cas où le dilemme mentionné tout
à l'heure se pose.
M. Ostiguy: Pour mon collègue d'Iberville et
moi-même, est-ce que cela voudrait dire que tous les dossiers qui vous
ont été soumis et qui n'ont pas eu réponse, vont
être réétudiés à leur valeur et que vous
allez sortir de ces dossiers des maladies pour
lesquelles le programme s'appliquerait maintenant?
M. Toupin: Absolument. Là où il est question de
maladies chroniques, aiguës ou de maladies infec-tueuses
particulières ou d'accidents qui seraient survenus, la situation est
très claire. Lorsque nous devons constater, pour certaines autres
maladies de nature infectieuse ou alimentaire, ou faire un constat par les
laboratoires pour déterminer la nature exacte de la maladie, ces
cas-là, bien sûr, sont très difficiles, étant
donné que le travail spécifique n'a pas été fait au
moment où il était nécessaire de l'indiquer.
Donc là, il y a un problème bien particulier pour cet
aspect spécifique du programme relié à certaines maladies
alimentaires ou infectieuses.
Quant à l'autre aspect de maladies aiguës ou chroniques, ou
d'accidents, il n'y a aucun problème, les agriculteurs qui sont
touchés par ces problèmes particuliers ont accès au
programme, tel qu'existant.
M. Ostiguy: Est-ce qu'on pourrait s'attendre à une
vulgarisation de cette nouvelle assistance, cette nouvelle aide aux
producteurs, dans les régions où...
M. Toupin: Normalement, il y a des informations en tout cas,
à tous les niveaux de nos bureaux locaux et bureaux régionaux
concernés.
M. Giasson: Sur le même sujet, M. le
Président...
Le Président (M. Lafrance): Vous me placez dans un
dilemme, parce que j'avais justement préparé la liste des
orateurs. Il y avait le député de Lotbinière, de
Beauce-Sud et de I'Islet.
M. Giasson: Je suis d'accord pour autant que je puisse
revenir,..
M. Massicotte: Sur le même sujet, je peux laisser mon droit
de parole.
M. Giasson: Lorsque, dans le cas de maladies...
Le Président (M. Lafrance): Etant donné que c'est
sur le même sujet, on peut permettre une question
supplémentaire.
M. Giasson: ...comme la leucémie ou la leu-cose, qui
amènent...
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Montmagny-L'Islet, si vous me permettez, étant
donné qu'on a été assez rigide...
M. Giasson: C'est le député de Lotbinière
qui vient de me donner son droit de parole.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Le
député de Lotbinière prendra la place du
député de Montmagny-L'Islet à la suite des autres
orateurs.
Le député de Montmagny-L'Islet sur une dernière
question, parce qu'on est obligé de terminer.
M. Giasson: Lorsque les cultivateurs sont obligés
d'éliminer de façon absolue, totale, tout le troupeau qui est
atteint de leucose, au-delà de l'aide minimale prévue, qu'est-ce
que vous avez comme solution?
M. Toupin: Le gouvernement provincial n'en a pas, parce que le
gouvernement fédéral en a une là-dessus. Oui, je pense que
le gouvernement fédéral a une politique là-dessus, sur les
maladies nommées et reconnues par le gouvernement
fédéral.
M. Giasson: Je vous parle de la leucose.
M. Toupin: Une maladie particulière, je ne sais pas si
elle est reconnue, cette maladie.
M. Giasson: Leucémie, cancer.
M. Toupin: II faudrait prendre le nom de la maladie et prendre
des informations. Comment l'écrivez-vous?
M. Giasson: Leucose.
M. Toupin: C'est comme la leucémie.
M. Giasson: C'est le programme qui est là. Il va falloir
en avoir un.
M. Toupin: On aborde au fond tout le problème de
l'assurance-santé animale, non pas l'assurance-santé,
l'assurance-bétail, l'assurance-vie.
M. Roy: Cela veut dire que je serai le premier à
intervenir à la prochaine séance?
Le Président (M. Lafrance): Je retiens le nom du
député de Beauce-Sud en premier, de Huntingdon et de
Lotbinière par la suite, pour la prochaine séance.
M. Toupin: M. le Président, avant de terminer la
séance...
Le Président (M. Lafrance): Le ministre.
M. Toupin: ...est-ce que les membres de la commission seraient
d'accord pour que, mercredi matin, je pense, au début de la
séance, nous commencions par le programme Financement agricole, parce
que le sous-ministre et quelques autres fonctionnaires du ministère
doivent se rendre dans d'autres provinces du pays pour analyser un certain
nombre de lois et participer à un certain nombre de conférences
importantes. Ils ne pourront être présents ici avant jeudi
matin.
Si on est d'accord, on pourrait commencer par le financement agricole,
c'est-à-dire l'Office du crédit agricole, mercredi matin,
à dix heures, si telle est l'heure de la commission parlementaire.
M. Roy: Je serais d'accord, entre autres, à une condition,
c'est que, jeudi matin, il y a une autre séance de la commission
parlementaire des engagements financiers. Nous siégeons tous les deux,
le député de Saguenay et moi-même, sur la commission
parlementaire des engagements financiers. Je pense qu'il y aurait lieu de
prévoir que la commission parlementaire de l'agriculture soit remise
à vendredi.
M. Toupin: A vendredi. Parfait.
M. Roy: Cela veut dire qu'il n'y aura pas de séance mardi
concernant les crédits du ministère de l'Agriculture, cela va
aller à mardi matin...
M. Toupin: Mercredi matin.
M. Roy: ...mercredi matin, je m'excuse.
M. Toupin: Ou jeudi soir, si la commission des engagements
financiers est terminée.
M. Roy: C'est toujours fini à midi, lacommission
parlementaire.
M. Toupin: On pourrait prendre jeudi soir ou jeudi
après-midi, si toutefois vous êtes disponibles.
M. Lessard: II ne faudrait pas que le ministre prenne l'habitude
de nous charrier comme cela d'un programme à l'autre. Le ministre
comprendra qu'on se prépare...
M. Toupin: M. le Président, on devrait charrier
plus...
Le Président (M. Lafrance): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 13 h 2)