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Version finale

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Le mardi 4 février 2025 - Vol. 47 N° 177

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Table des matières

Affaires du jour

Projet de loi n° 88 —  Loi modifiant la Loi concernant le régime de négociation des conventions
collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal

Adoption du principe

M. Jean Boulet

Mme Madwa-Nika Cadet

Mise aux voix

Renvoi à la Commission des institutions

Mise aux voix

Projet de loi n° 82 —  Loi concernant l'identité numérique nationale et modifiant d'autres
dispositions

Adoption du principe

M. Éric Caire

Mme Michelle Setlakwe

M. Haroun Bouazzi

Mme Linda Caron

Mise aux voix

Renvoi à la Commission des finances publiques

Mise aux voix

Affaires courantes

Déclarations de députés

Saluer le projet socioprofessionnel Café-In de l'organisme Servio

M. Sylvain Lévesque

Souligner la Semaine de la canne blanche

Mme Linda Caron

Rendre hommage à M. Brian Illick

M. Sébastien Schneeberger

Partager une lettre du comité des usagers du 388

M. Sol Zanetti

Souligner l'efficacité des interventions préventives d'Hydro-Québec dans la circonscription
d'Argenteuil

Mme Agnès Grondin

Dans le cadre du Mois de l'histoire des Noirs, souligner le travail et l'engagement de citoyens
de la circonscription de Notre-Dame-de-Grâce

Mme Désirée McGraw

Rendre hommage à Mme Jo-Anne Donoghue

Mme Suzanne Tremblay

Souligner le 250e anniversaire du siège du fort Saint-Jean

M. Louis Lemieux

Rendre hommage à M. Gilles Bourdon

Mme Marie-Louise Tardif

Rendre hommage à Mme Monique Vézina

Mme Maïté Blanchette Vézina

Souligner la Semaine nationale de prévention du suicide

M. Lionel Carmant

Féliciter Mme Sylvie Héon, lauréate du Prix d'alphabétisation du Conseil de la fédération

M. Bernard Drainville

Présence du consul général de Turquie, M. Zeki Öztürk

Décision de la présidence concernant la demande de débat d'urgence au sujet de l'imposition de
tarifs douaniers par les États-Unis


Déclarations ministérielles

Tarifs douaniers américains

M. François Legault

M. Marc Tanguay

Mme Ruba Ghazal

M. Paul St-Pierre Plamondon

Dépôt de documents

Dépôt de rapports de commissions

Consultations particulières sur le projet de loi n° 86— Loi visant à assurer la pérennité du
territoire agricole et sa vitalité

Consultations particulières sur le projet de loi n° 81— Loi modifiant diverses dispositions
en matière d'environnement


Questions et réponses orales

Mesures pour limiter l'impact d'éventuels tarifs douaniers sur les exportations vers
les États-Unis

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault

Productivité des entreprises québécoises

M. Frédéric Beauchemin

Mme Christine Fréchette

M. Frédéric Beauchemin

Mme Christine Fréchette

M. Frédéric Beauchemin

Mme Christine Fréchette

Modernisation du régime forestier

M. André Fortin

Mme Maïté Blanchette Vézina

M. André Fortin

Mme Maïté Blanchette Vézina

M. André Fortin

Mme Maïté Blanchette Vézina

Réorganisation du système de santé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

M. Marc Tanguay

M. François Legault

Contrats attribués à Amazon

Mme Ruba Ghazal

M. François Legault

Mme Ruba Ghazal

M. François Legault

Mme Ruba Ghazal

M. François Legault

Encadrement de l'hébergement touristique collaboratif

M. Andrés Fontecilla

Mme Caroline Proulx

M. Andrés Fontecilla

Mme Caroline Proulx

M. Andrés Fontecilla

Mme Caroline Proulx

Mesures pour diversifier les exportations

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

Hausse du salaire minimum

M. Alexandre Leduc

M. Jean Boulet

M. Alexandre Leduc

M. Jean Boulet

M. Alexandre Leduc

M. Jean Boulet

Réorganisation du système de santé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

Motions sans préavis

Souligner l'importance de continuer le travail visant à contrer la menace économique de
nouveaux tarifs douaniers et appeler tous les parlementaires et tous les Québécois à unir
leurs efforts en ce sens

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Affaires du jour

Débat d'urgence sur l'imposition de tarifs douaniers par les États-Unis

Mme Christine Fréchette

Mme Ruba Ghazal

M. André Albert Morin

M. Pascal Paradis

Mme Alejandra Zaga Mendez

M. Christopher Skeete

M. Frédéric Beauchemin

Mme Maïté Blanchette Vézina

M. Youri Chassin

Mme Madwa-Nika Cadet

M. Samuel Poulin

M. Eric Lefebvre

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures )

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Bon matin. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Vous pouvez vous asseoir.

Affaires du jour

Donc, nous débutons nos travaux aux affaires du jour. Donc, M. le leader adjoint, pouvez-vous nous indiquer nos travaux?

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, bonjour, Mme la Présidente. Un bonheur de vous retrouver ce matin pour poursuivre nos travaux. J'en profite pour saluer l'ensemble des collègues. Et je vous demanderais de bien vouloir appeler l'article 7 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 88

Adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, à l'article 7 du feuilleton, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal.

M. le ministre du Travail, je vous cède la parole pour votre intervention.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Évidemment, c'est un projet de loi qui concerne un dossier bien, bien particulier du monde des relations de travail, et c'est plus particulièrement le régime de négociation collective applicable aux policières et policiers ainsi qu'aux pompières et pompiers qui sont à l'emploi des municipalités du Québec. En raison du caractère essentiel de leur travail, ces salariés ne bénéficient pas du droit de grève. Pour compenser l'absence de ce droit, le cadre légal prévoit d'autres mécanismes qui viennent régir les négociations entre ces employés et les municipalités. Le but du projet de loi modifiant la Loi concernant le régime de négociation de conventions collectives et de règlement de différends dans le secteur municipal est de s'assurer que ces travailleurs bénéficient d'un mécanisme adéquat, indépendant et équilibré comme substitut à la grève.

Le projet de loi n° 88 intervient pour corriger une partie du régime mis en place en 2016 par le précédent gouvernement. Plus précisément, il s'agit d'éléments liés spécifiquement aux mécanismes d'arbitrage applicables aux policiers et aux pompiers. Les modifications sont rendues nécessaires en raison de décisions judiciaires. En effet, en octobre 2021, la Cour supérieure avait déclaré inconstitutionnels les articles 10, 11, 12, 25 et 26 de la loi. Ces articles concernent la composition et la sélection d'un conseil de règlement de différends destiné à mener à bien les négociations qui n'ont pas abouti dans le cadre du processus de négociation. À noter également que la cour avait validé plusieurs autres dispositions concernant, entre autres, la durée des conventions collectives, les critères d'évaluation utilisés par le conseil de règlement de différends et le partage des honoraires du conseil.

En août 2024, la Cour d'appel a maintenu le jugement de la Cour supérieure. La Cour d'appel a ensuite donné un délai de six mois au législateur pour modifier la loi et remplacer le mécanisme prévu. L'échéancier prévu est le 28 février 2025, dans à peu près trois semaines. Ça explique pourquoi nous devons agir avec diligence afin d'adopter ce projet de loi. La cour a essentiellement considéré que le mode de nomination des trois membres du conseil de règlement des différends était inadéquat, notamment parce qu'il ne permettait pas aux parties de participer de façon significative au choix des décideurs.

Le présent projet de loi, Mme la Présidente, propose ainsi un nouveau mécanisme d'arbitrage en remplacement du conseil de règlement des différends et allège le processus de nomination des arbitres agissant dans les dossiers concernant, je le réitère, les policiers, policières, les pompiers et pompières à l'emploi des municipalités. On y définit des critères permettant au ministre du Travail de constituer une liste de personnes aptes à agir comme arbitres de différends dans le cadre de négociations collectives. Et la liste en question est constituée d'arbitres dont les noms ont été proposés conjointement par les associations représentatives des municipalités, l'Union des municipalités et la Fédération québécoise des municipalités, les régies intermunicipales, les policiers, les pompiers du secteur municipal regroupés en association.

C'est ensuite à partir de cette liste que les parties décident... ou choisissent, plutôt, après consultation, un arbitre à qui soumettre le différend. En l'absence d'entente sur l'identité de l'arbitre, le projet de loi prévoit, comme ce sont les règles habituelles prévues dans le Code du travail, que le ministre procède à une nomination, toujours parmi cette liste qui a fait l'objet d'un consensus entre les parties.

Le projet prévoit la possibilité, pour le ministre, d'ajouter des noms à cette liste-là, au besoin, à partir de la liste qui a été confectionnée par le Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui regroupe, bien sûr, les associations patronales et les centrales syndicales.

Le projet de loi prévoit également la possibilité, pour chacune des parties, de désigner un assesseur afin de la représenter et d'assister l'arbitre lors de l'audition et, si nécessaire, pendant le délibéré.

De plus, le projet de loi propose que la rémunération des arbitres nommés pour l'arbitrage de tout différend dans le secteur municipal suive les dispositions du Règlement sur la rémunération des arbitres, adopté en vertu du code québécois du travail.

Je crois que ces modifications permettent d'obtenir l'équilibre recherché et de répondre aux préoccupations formulées par la cour. On a déposé quelques amendements de concordance. Je me suis assuré de les transmettre, de les déposer à mes collègues des partis de l'opposition, dans un souci, bien sûr, de collaboration.

En terminant, je veux également prendre un moment pour remercier les personnes et les groupes qui ont participé aux consultations particulières. Certains groupes ne sont pas venus, exprimant un accord total avec les dispositions du projet de loi. Les parties qui sont venues ont fait certaines recommandations. Évidemment, on a tout étudié avec attention et considération. Et, lors des travaux législatifs, bien, vous le savez, c'est important de s'assurer que toutes les parties, toutes les personnes qui participent à l'étude détaillée aient une bonne compréhension d'un projet de loi ainsi que de ses objectifs.

Puisque les modifications concernent un aspect assez circonscrit de la loi, je suis convaincu, avec mes collègues gouvernementaux, avec les collègues des partis d'opposition, qu'on va pouvoir assurer un cheminement avec le plus de célérité possible de ce projet de loi là. C'est pourquoi, Mme la Présidente, j'invite les membres de cette Assemblée à adopter le principe de ce projet de loi afin que nous puissions résoudre la situation actuelle dans les délais requis. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Maintenant, la prochaine intervenante, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. À vous la parole.

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Donc, à mon tour d'intervenir sur l'adoption du principe du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal. Je remercie, donc, le ministre, donc, pour son allocution et sa présentation, donc, des différents éléments que nous retrouvons au projet de loi. Et d'emblée, Mme la Présidente, donc, je rassure les partis, donc, que notre formation politique, le Parti libéral du Québec, donc, votera en faveur du principe du projet de loi n° 88.

Mme la Présidente, avant de vous parler de ce qui se retrouve au projet de loi, j'imagine que vous avez déjà entendu parler, donc, de la locution «municipalités, créatures des provinces», hein? C'est ainsi qu'on les nomme sur le plan constitutionnel. Et on le dit, donc, dans notre régime constitutionnel canadien, donc, une séparation, donc, des pouvoirs, donc, a été dévolue au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux, et laissant, donc, les municipalités dans le giron des provinces, en les appelant communément «créatures».

Lorsque le Parti libéral du Québec était au pouvoir, c'était absolument important pour nous de nous assurer, donc, que les municipalités soient bien plus que ce que nous nommons, donc, dans le jargon constitutionnel, donc, des créatures, mais deviennent des gouvernements de proximité. C'est à cet égard que notre gouvernement libéral s'est assuré de pouvoir octroyer des pouvoirs supplémentaires à ces municipalités, d'abord, en les nommant... en les reconnaissant, plutôt, comme gouvernements de proximité. Et ça, j'imagine aussi que c'est une locution que vous avez entendue de plus en plus, au cours des dernières années, parce que ça commence, donc, à intégrer... celle-ci commence à intégrer le jargon de notre environnement politique, de notre univers politique. Donc, nos municipalités sont dorénavant des gouvernements de proximité.

• (10 h 10) •

Dans cet esprit, donc, en les nommant gouvernements de proximité, en s'assurant d'octroyer des pouvoirs spéciaux à la ville de Québec, à Montréal, en s'assurant de faire de Montréal... octroyer à Montréal un statut de métropole, donc, dans la foulée, donc, de ces différentes modifications là est née la loi sur les régimes de négociation... pardon, la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, donc, une loi, donc, qui s'assurait, donc, de reconnaître le caractère distinct des municipalités.

Vous le savez peut-être, Mme la Présidente, mais auparavant, donc, plusieurs dispositions du Code du travail portaient, donc, sur, donc, le... bien, en fait, sur le régime de négociation des policiers et des pompiers municipaux. Le ministre, donc, l'a mentionné, donc, un article distinct du Code du travail, donc, prévoit l'effet que les policiers et les pompiers municipaux ne bénéficient pas du droit de grève. Donc, ça, c'est en vertu du Code du travail. Donc, tout ce qui concernait la négociation des conventions collectives dans le milieu municipal ne se retrouvait, donc, qu'à travers, donc, le giron du Code du travail de façon générale, avec quelques dispositions distinctes, donc, bien précises. Mais il nous apparaissait opportun, en considérant que nos municipalités, donc, sont redevables à la population et répondent, donc, à certains principes différents... c'est des principes distincts, de ceux qui régissent, donc, les entreprises privées, qu'elles bénéficient au même titre que les employés de la fonction publique québécoise, par exemple, d'un régime distinct. C'est un élément que préserve le projet de loi n° 88.

On vous nomme quelques-uns de ces principes, Mme la Présidente, en disant, donc, les principes devant guider en tout temps la détermination des conditions de travail dans le secteur municipal, soit : le fait qu'en qualité d'institution démocratique une municipalité est redevable auprès de ses contribuables et qu'elle doit donc utiliser le produit, donc, des taxes et tarifs pour assumer la prestation de services publics; donc, le principe que l'attraction et le maintien à l'emploi de personnel qualifié commandant des conditions de travail justes et raisonnables eu égard aux qualifications requises, aux tâches à exécuter, à la nature des services rendus; l'équité entre les membres du personnel, bien évidemment; et le fait qu'il est de la responsabilité de l'employeur de pourvoir à l'embauche de personnel qualifié et de gérer ses effectifs de manière à combler ses besoins opérationnels. Donc, ça vous donne, donc, un concept... vous octroie, donc, un contexte, donc, supplémentaire pour bien saisir comment, donc, le projet de loi... comment la loi n° 24, donc le projet de loi n° 110 à l'époque, dans quel contexte celui-ci avait été déposé.

Le ministre l'a aussi mentionné plus particulièrement, mais donc le projet de loi mettait de l'avant, à titre de nouveauté, entre autres nouveautés, différents critères que, bon, à l'époque le conseil de règlement des différends devait suivre pour rendre sa décision, par exemple, donc, la situation financière et fiscale de la municipalité, les conditions de travail applicables aux salariés concernés, les conditions de travail applicables aux autres salariés de la municipalité, la politique de rémunération et des dernières majorations consenties par le gouvernement aux employés des secteurs public et parapublic, des conditions de travail applicables dans les municipalités et régies intermunicipales semblables, les exigences relatives à la saine gestion des finances publiques, la situation économique locale et la situation des perspectives salariales et économiques du Québec.

Il faut savoir, Mme la Présidente, que ces critères-ci, donc, du... en fait, plusieurs, donc, de ces critères, donc, étaient nouveaux avec l'adoption de la loi n° 24 en 2016, mais le concept de critères n'était pas nouveau en droit québécois. Le Code du travail prévoyait, à l'article 99.5, qui a depuis été abrogé, qu'il fallait, donc, que... que l'arbitre devait tenir compte de l'équité interne, de l'équité externe ainsi que de la situation des perspectives salariales économiques du Québec. Donc, ce concept n'était pas nouveau.

Donc, la loi étant... ayant été contestée et évidemment, donc, avec un juste dialogue entre les différentes instances qui composent notre État de droit, ce que nous saisissons, c'est qu'une grande partie... une grande, en fait, majorité de ce qui se retrouvait, donc, à la loi n° 24, donc, a été préservé par les tribunaux, dont les critères, mais qu'effectivement que certaines dispositions ont été invalidées, principalement, en fait, donc, les dispositions, donc, concernant l'établissement d'un conseil de règlement des différends. Le ministre, donc, l'a mentionné, nous faisons la même interprétation des décisions de la Cour supérieure de 2021 et de la Cour d'appel de 2024 qu'on... portant, donc, surtout sur le mode de nomination des membres du conseil de règlement des différends.

C'est donc avec cet esprit ouvert et cet esprit de juriste, de lentille constitutionnelle que nous abordons, donc, l'étude du projet de loi n° 88. Je le répète, Mme la Présidente, donc, une bonne partie, donc, de l'essence de ce qui y avait été déposé en 2016 se retrouve donc préservée, donc, dans le caractère du projet de loi n° 88. Nous avons bien pris connaissance, ma collègue la députée de Robert-Baldwin, qui m'accompagne dans... et qui m'a accompagnée lors des consultations particulières et qui m'accompagnera lors de l'étude détaillée du projet de loi dès cet après-midi, donc, des nouvelles, donc, dispositions qui sont propres au projet de loi n° 88, et c'est avec grande attention que nous les étudierons dans le détail.

Je tiens à mon tour à remercier, donc, je l'ai dit, le ministre, j'ai aussi parlé de ma collègue. Je veux, bien sûr, remercier l'ensemble des collègues, autant de la partie gouvernementale que des autres partis d'opposition qui ont enrichi le débat, donc, par leurs différentes questions aux groupes. Ça nous permet toujours d'apprendre, Mme la Présidente.

Je remercie à mon tour, donc, les groupes qui nous ont permis de bonifier notre réflexion, évidemment, sur les mécanismes de règlement de différends opportuns, qui sont venus en commission parlementaire, donc, le Conseil provincial du secteur incendie, la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, la Fraternité des policiers et policières de Montréal et Me Michel Coutu. Je remercie aussi, donc, les groupes qui auront déposé des mémoires et qui nous auront permis de mieux réaliser notre travail de législateur comme à l'accoutumée. Et, tout simplement, Mme la Présidente, donc, dire que nous nous reverrons ici lors de l'adoption du projet de loi n° 88. Merci beaucoup.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci à vous, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le projet de loi n° 88?

Mise aux voix

Alors, comme il n'y a pas d'autre intervention, le projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la Commission des institutions

M. Caire : Merci, Mme la Présidente. Conformément à l'article 243 de notre règlement, je fais motion afin que le projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, soit déféré à la Commission des institutions pour son étude détaillée et que le ministre du Travail soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté. M. le leader adjoint, pour la suite de nos travaux.

M. Caire : Pourriez-vous appeler l'article 2 du feuilleton, Mme la Présidente?

Projet de loi n° 82

Adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui. Donc, à l'article 2 du feuilleton, M. le ministre de la Cybersécurité et du Numérique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 82, Loi concernant l'identité numérique nationale et modifiant d'autres dispositions.

Alors, je vous cède la parole, M. le ministre.

M. Éric Caire

M. Caire : Oui. Merci, Mme la Présidente. Donc, très heureux d'intervenir sur le principe de cet important projet de loi qui touche, oui, effectivement, vous l'avez mentionné d'entrée de jeu, Mme la Présidente, l'identité numérique, mais d'autres dispositions tout aussi importantes pour la progression de la transformation numérique de l'État dans son ensemble, mais aussi de la société civile, ce qui est une première, et je reviendrai là-dessus, Mme la Présidente.

Donc, l'identité numérique, qu'est-ce que c'est? Essentiellement, Mme la Présidente, c'est la façon dont on s'y prend pour identifier de façon unique un citoyen dans l'univers numérique, essentiellement. Maintenant, cette identité numérique là va évidemment se décliner dans différents services. On est tout à fait habitué à... au fait de s'identifier et s'authentifier. Lorsqu'on va se connecter sur une prestation électronique de service, on va sur un site Web, on nous demande d'entrer le mot de passe, le mot de passe, le nom d'usager. Maintenant, petite modification supplémentaire, on va vous envoyer un code, on s'assure que vous êtes bien la personne que vous prétendez être. Ça, on est habitué à ça.

• (10 h 20) •

Maintenant, là où on va un peu plus loin, Mme la Présidente, c'est quand on parle d'attestation numérique. Qu'est-ce que c'est, l'attestation numérique? Puis on a tous en poche notre permis... bien, tous, la plupart des Québécois ont en poche un permis de conduire, une carte d'assurance maladie et d'autres pièces justificatives qui émanent du gouvernement. On les a en papier, on va à l'urgence, on sort notre carte d'assurance maladie. Malheureusement, petit excès de vitesse, M. l'agent nous demande notre permis de conduire. On est habitué à ça. On est aussi habitué, Mme la Présidente, par exemple, à aller acheter du vin à la SAQ, et donc, là, on se fait demander : Avez-vous l'âge légal? Et là on sort notre permis de conduire, on sort notre carte d'assurance maladie. Ce faisant, Mme la Présidente, il y a un bris de sécurité. Pourquoi? Parce que ce qu'on vous demande, c'est : Avez-vous l'âge légal pour acheter de l'alcool? C'est tout. Et la réponse à cette question-là devrait être oui ou non. Mais la réponse à cette question-là, c'est votre date de naissance, votre nom, votre prénom, votre adresse, votre numéro de permis de conduire ou votre numéro d'assurance sociale, votre classe de conducteur. C'est ça, la réponse qu'on donne, Mme la Présidente, quand on nous pose cette question-là, et ça, c'est beaucoup trop.

Alors, Mme la Présidente, l'identité numérique, donc les attestations numériques qu'on pourra utiliser éventuellement sur nos téléphones intelligents vont nous permettre non seulement de répondre à des questions : Avez-vous l'âge légal? Êtes-vous citoyen de? Êtes-vous résident de ou êtes-vous assuré? Avez-vous participé au régime d'assurance maladie?, en ne donnant que les informations nécessaires, sans plus, mais sans moins, évidemment.

Et là il y a tous les aspects dans notre vie, Mme la Présidente, où on sait qu'on pose ces gestes-là et où on sait que l'univers numérique va nous permettre, évidemment, différentes possibilités. Donc, l'identité numérique, Mme la Présidente, c'est quoi? C'est un meilleur contrôle sur les informations qu'on donne quand on a besoin de s'identifier, de s'authentifier.

L'identité numérique, Mme la Présidente, c'est aussi une capacité à numériser les services. Je l'ai dit, j'ai l'expérience, comme beaucoup de Québécois, où je vais à l'urgence pour un problème de santé, où j'arrive à l'urgence, appuie sur un petit piton, sort un numéro. Pourquoi? Je ne sais pas. Bien, parce que, dans la chaîne de services, il faut qu'on sache à quel moment, moi, je vais pouvoir être servi. Alors, on a le petit papier, on est au XXIe siècle, là, puis on m'imprime un petit papier avec un numéro, au XXIe siècle.

Bon, je me présente au comptoir où on finit par m'appeler. Je donne mon petit numéro. On me dit : Bien, avez-vous votre carte d'assurance maladie? Absolument. Je mets la carte d'assurance maladie. Et là on m'imprime un bracelet. Ah! Pourquoi? Alors, je mets le bracelet, c'est parce que... au cas où vous tomberiez inanimé, il faut qu'on soit capable de vous identifier. O.K., mais c'est parce que je viens de vous donner ma carte d'assurance maladie qui a une photo dessus puis tous les renseignements. Pourquoi j'ai besoin d'imprimer un petit papier pour m'identifier alors que j'ai ma carte d'assurance maladie? Je ne sais pas. Mystère et fromage mou.

Et là je me présente à l'admission. On me dit : Avez-vous votre carte d'hôpital? Bien, non, pourquoi? Vous voulez que je fasse quoi avec une carte d'hôpital? Ah! là, ça prend la carte d'hôpital. Et là, Mme la Présidente, s'enclenche un processus où la carte d'hôpital... on va imprimer des papiers qui vont être envoyés à l'administration, qui vont être envoyés je ne sais pas où, qui vont...

Mme la Présidente, tout ça pourrait être numérisé, tout ça pourrait faire l'objet d'une transformation numérique. Imaginez les gains d'efficacité, imaginez la rapidité avec laquelle on pourrait traiter tout ça jusqu'au bureau du médecin, si on était capable. Et le point d'émission de ça, c'est quoi? Bien, c'est ça, c'est les attestations numériques, Mme la Présidente. Et imaginez l'ensemble des services pour lesquels on pourrait augmenter l'efficacité de l'État et donc augmenter la qualité des services, augmenter la disponibilité des services et augmenter la confidentialité des services dans l'univers numérique.

Alors, Mme la Présidente, c'est ça, l'identité numérique, c'est ça, la volonté de l'identité numérique. Et je vous dirais qu'en consultations particulières, cette volonté-là a été saluée par la très grande majorité des intervenants.

Maintenant, il y a des risques. C'est vrai, je veux dire, ce n'est pas un univers parfait, il y a des risques. On nous a dit : Il ne faut pas centraliser toutes les informations, parce que sinon, évidemment, une fuite de données devient catastrophique. Encore là, Mme la Présidente, je vous dirais que l'état actuel du gouvernement du Québec, c'est ça qui est problématique, parce qu'on nous a dit : Là, vous allez créer le registre d'identité numérique, vous allez concentrer toutes les informations d'identité d'un citoyen dans un registre. C'est vrai. Ce qu'il faut comprendre, Mme la Présidente, c'est que, quand un ministère ou un organisme donne une prestation de services aux citoyens, il fait exactement ça, il crée son propre registre d'identité des citoyens. Pourquoi? Parce qu'avant de donner un service, il a besoin d'identifier le citoyen à qui il donne le service.

Donc, ce n'est pas un registre d'identité numérique qu'il y a au gouvernement du Québec, c'est des dizaines, voire des centaines. Et ça, c'est autant de surfaces d'attaque, c'est autant de possibilités de fuites de données qu'on ne souhaite pas.

Donc, Mme la Présidente, loin d'être un problème, la vision du gouvernement, c'est, au contraire, d'éliminer ces dizaines de registres là et de s'assurer qu'il n'y en a qu'un. Pourquoi? Un, pour des questions de sécurité. Vous comprendrez que c'est plus facile et ça consomme moins de ressources de protéger un seul que d'en protéger des dizaines. Je pense que tout le monde comprend ça assez aisément. Ensuite, ça évite la distorsion, les doublons dans les informations, parce que ces dizaines de fichiers là ne peuvent pas être mis à jour en temps réel.

Donc, mon identité, dans un service que je consomme régulièrement, risque d'être à jour. Mais il y a des services qu'on consomme beaucoup moins régulièrement, et ça, ça se peut qu'il y ait des informations qui datent, qui soient périmées, mais qu'on conserve, qu'on continue d'avoir, et ce qui fait que vous allez recevoir une lettre à une adresse à laquelle vous n'habitez plus depuis 10 ans. Pourquoi? Parce que les fichiers ne sont pas à jour. Et ça, c'est arrivé, au gouvernement du Québec : Voyons donc, je n'habite plus là ça fait des années, voulez-vous bien me dire pourquoi que vous m'envoyez une lettre? Bien, parce que les fichiers ne sont pas à jour. Donc, s'il y a un fichier unique auquel tout le monde se réfère, bien, tout le monde a une information qui est à jour, qui est à date.

Autre avantage, Mme la Présidente, avec l'identité numérique, le citoyen se connecte, voit évidemment ses renseignements d'identité et contrôle ses renseignements d'identité. Pensez au fameux changement d'adresse, Mme la Présidente, le chemin de croix, le parcours du combattant que c'est, de changer son adresse dans l'administration publique. Pourquoi? À cause de ces dizaines et ces dizaines de fichiers dont je vous parlais. Le fait d'en avoir un seul, unique, le citoyen fait son changement d'adresse puis c'est terminé. Puisque c'est la source de tous les services publics, tout le monde vient chercher son information là, bien, tout le monde a une adresse à jour, tout le monde à la bonne adresse, tout le monde a les bons changements faits en temps réel, et le citoyen retrouve le contrôle sur ses données. Alors, ça, Mme la Présidente, ça aussi, c'est dans le projet de loi.

Pour l'identité numérique, Mme la Présidente, ça prend évidemment un cadre législatif, parce qu'il faut évidemment que, l'univers numérique, on puisse travailler avec des pièces qui sont reconnues, qui sont authentiques, authentifiées, et ça prend un cadre juridique. Nous créons ce cadre juridique pour l'utilisation de l'identité numérique nationale.

Autre élément, Mme la Présidente, très important, la cybersécurité. On le sait, un des trois enjeux les plus importants pour n'importe quel gouvernement à travers le monde, c'est la protection des systèmes d'information et la protection des renseignements personnels. Le ministère de la Cybersécurité, et ça, je pense que c'est un secret bien gardé, a évidemment la responsabilité de la cybersécurité des systèmes d'information du gouvernement du Québec, mais, avec l'avènement du ministère, son rôle dépasse celui du gouvernement. Sa mission, c'est une mission régalienne. Elle est sur l'ensemble du territoire québécois. Or, Mme la Présidente, pour être capable d'assumer cette fonction-là, bien, il faut avoir connaissance des faits, et malheureusement, sur le territoire québécois, il y a des attaques réussies pour lesquelles on n'est pas avisés. On n'est pas au courant ou alors on l'est, mais tellement longtemps après les faits qu'il n'y a plus d'intervention possible.

Donc, le projet de loi fait deux choses. D'une part, il rend obligatoire la divulgation des incidents de sécurité au ministère pour les organismes publics, mais il va aussi permettre au gouvernement d'établir par règlement des secteurs névralgiques pour lesquels le secteur public-privé sera tenu aux mêmes obligations. On le sait, Mme la Présidente, il y a des secteurs, comme l'énergie, le transport, l'alimentation... Ce sont des secteurs qui sont névralgiques pour l'économie québécoise, pour la société en général, et on a vu, dans le passé, des cyberattaques qui ont évidemment créé des soucis assez majeurs, mais ces cyberattaques-là n'étant pas déclarées, la capacité d'agir et d'interagir devient assez difficile, la capacité d'informer aussi, Mme la Présidente, parce que, si un secteur est particulièrement attaqué, si on n'est pas avisés de ces attaques-là, on ne peut pas le savoir. On ne peut pas détecter que, de toute évidence, le secteur de l'énergie fait l'objet d'attaques concertées, alors qu'avec la divulgation obligatoire on va pouvoir le savoir et on va... Ça va nous permettre d'aviser les sociétés et les entreprises qui sont visées par cette menace-là de s'y préparer. Ça va nous permettre de déterminer le type d'attaque, l'origine de l'attaquant. Bref, avec l'information, Mme la Présidente, c'est beaucoup plus facile de se protéger. Donc, ça, le projet de loi vient faire ça, et je pense que c'est une avancée extrêmement importante.

• (10 h 30) •

Autre élément du projet de loi, Mme la Présidente, le courtier en infonuagique. Puis, je vous dirais, particulièrement dans le contexte qu'on vit avec la crise, je pense qu'on peut appeler ça la crise tarifaire... Le courtier en infonuagique, Mme la Présidente, c'est un modèle qu'on a mis en place au début du précédent mandat. Qu'est-ce que ça fait en gros? Bien, c'est ça, c'est un courtier. Donc, les entreprises qui offrent des services en infonuagique vont se qualifier selon les critères très stricts du courtier, mais, une fois qu'on est inscrit, ça permet aux ministères et organismes de choisir avec quelle entreprise ils veulent faire affaire, et c'est au choix... pourvu que ce soit un... une des entreprises, pardon, qualifiées à la liste du courtier, c'est au choix du ministère et de l'organisme de choisir l'entreprise avec laquelle il veut faire affaire.

On élargit la portée du courtier, qui devient, donc, le courtier en ressources informationnelles. Il se... trois nouveaux secteurs pour lesquels le courtier va pouvoir agir, et l'avantage de ça, Mme la Présidente, par rapport, disons, au modèle conventionnel des appels d'offres, bien, c'est qu'une fois que l'entreprise est qualifiée, comme je l'ai dit, le ministère et l'organisme peut choisir, peut choisir sans enfreindre nos règles internationales, sans enfreindre nos ententes, sans enfreindre nos lois, notamment la Loi sur les contrats des organismes publics, peut choisir l'entreprise avec laquelle il veut faire affaire.

Mme la Présidente, est-ce que j'ai besoin de vous dire que, dans le contexte actuel, il serait beaucoup plus facile de dire... par exemple, de favoriser une entreprise québécoise, canadienne, européenne, que dans un contexte classique du cadre des appels d'offres? Donc, pour moi, ça, c'est une avancée. On le limite quand même à certains secteurs qui sont plus névralgiques pour les opérations du gouvernement, parce qu'effectivement on pense qu'il ne faut pas non plus délaisser le modèle des appels d'offres, qui a ses avantages, très certainement.

Un autre élément, Mme la Présidente, qui est important, c'est tout le secteur des télécommunications. Le ministère de la Cybersécurité et du Numérique a, par héritage, la responsabilité d'assumer les télécommunications, que ce soit le fameux réseau RENIR pour la sécurité publique, que ce soit le RITM ou sa version modernisée, le Réseau gouvernemental des télécommunications, etc. Donc, le ministère a, par héritage, qui était au CSPQ, qui a été à l'ITQ, qui est maintenant au ministère, cette responsabilité-là, mais il ne l'a pas de façon légale. Résultat des courses, Mme la Présidente, n'importe quel ministère ou organisme qui veut se lancer dans un projet de télécom, légalement, a le droit de le faire, il peut le faire.

Ça pose différents problèmes. Ça pose des problèmes au niveau de la coordination, du déploiement du réseau de télécom québécois. Ça pose des problèmes au niveau des choix technologiques qui sont faits. Or, il faut s'assurer d'avoir des technologies qui sont compatibles. Il faut aussi faire des choix technologiques qui sont sécuritaires, Mme la Présidente. On l'a vécu avec les caméras Hikvision, qui sont produites en Chine. On sait que, bon, maintenant, le ministère a interdit l'acquisition de ces caméras-là. Mais, avant que ça se fasse, il y en a quand même qui ont été acquises, qui ont été installées dans nos réseaux, puis maintenant il faut gérer ça. Donc, au niveau des acquisitions, de la sécurité, des choix des fournisseurs, ça peut poser différents problèmes. On l'a vu avec nos homologues canadiens, qui, pour surveiller les frontières, ont acquis des drones chinois. C'est leur choix.

Bon, alors, pour toutes ces raisons-là, Mme la Présidente, on va donner maintenant légalement la responsabilité de la coordination, le déploiement et la gestion du réseau, des différents réseaux de télécommunications du gouvernement, au MCN. Ce qui ne veut pas dire qu'un ministère ou un organisme ne pourrait pas y aller de son projet, sauf que ce projet-là sera considéré comme un projet en ressources informationnelles au sens de la loi, et donc devra requérir des autorisations nécessaires, d'abord l'approbation du MCN et ensuite l'approbation du Conseil du trésor au niveau des dépenses.

Donc, on donne un meilleur contrôle au gouvernement sur le déploiement de son réseau, et je pense que ça, c'est quelque chose d'important et de majeur pour... Surtout qu'aujourd'hui je pense que tout le monde est d'accord pour dire que les réseaux de télécommunications, c'est l'infrastructure du XXIe siècle, et c'est important pour le gouvernement d'assurer le contrôle de cet aspect-là du développement de sa transformation numérique. Ces infrastructures-là sont névralgiques, et on doit être capables de les déployer selon une vision, un plan qui est cohérent, et le projet de loi va nous permettre de faire ça.

Donc, Mme la Présidente, je ne veux pas aller beaucoup plus loin. Je pense que j'ai donné les grandes lignes. Il y a d'autres petites subtilités qui sont inhérentes au projet de loi, mais les grandes lignes, je vous les ai exposées avec les motifs. Et donc, pour cette raison, Mme la Présidente, je recommande à cette Assemblée de voter en faveur du principe du projet de loi. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Maintenant, nous allons... nous allons continuer avec la prochaine intervenante. Mme la députée de Mont-Royal—Outremont, à vous la parole.

Mme Michelle Setlakwe

Mme Setlakwe : Merci, Mme la Présidente. À mon tour, donc, de prendre la parole ce matin à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 82, Loi concernant l'identité numérique nationale et modifiant d'autres dispositions, ce projet de loi qui avait été déposé par le gouvernement de la CAQ à la fin de la dernière année, 2024.

Ce projet de loi, qui vise à établir une identité numérique nationale pour les citoyens québécois, est un projet de loi très important qui aura un impact majeur sur nous tous. Certes, cette idée d'introduire une identité numérique nationale aura un impact potentiellement très positif, car les Québécois s'attendent aux meilleurs services numériques de la part de l'administration publique. L'identité numérique nationale deviendrait la seule façon de s'identifier, tant dans le monde réel que dans le monde numérique. Elle vise à permettre aux citoyens de s'authentifier en ligne pour accéder aux services gouvernementaux de manière sécuritaire. Du moins, c'est ce que l'on souhaite, Mme la Présidente.

L'identité numérique nationale fonctionnerait comme un substitut pour les documents d'identité physiques tels le passeport, le permis de conduire, les certificats de naissance, etc. Ces avancées, on doit le souligner, elles peuvent être très positives, nous en convenons, mais on parle d'un projet de loi qui a aussi le potentiel d'affecter négativement les Québécois au niveau notamment de la sécurité des données et de la protection de leurs renseignements personnels. La transparence, la planification, la communication, l'encadrement et le déploiement de ce grand projet nécessiteront la plus grande rigueur, la plus grande prudence.

À l'opposition officielle, nous voterons pour le principe, car nous partageons le souhait de moderniser les services de l'État. C'est un projet de société qu'il nous faut entamer. Offrir aux citoyens des services numériques accessibles, sécuritaires et adaptés à leurs besoins, nous ne pouvons pas être contre cet objectif, Mme la Présidente. Il faut le souligner, par ailleurs, nous avons accumulé un retard important dans ce domaine. Dans d'autres juridictions... et permettez-moi ici de me référer au mémoire qui a été déposé par l'expert en cybersécurité, M. Steve Waterhouse. Il mentionne, d'entrée de jeu dans son mémoire, que le travail de préparation ne fait que s'allonger d'année en année, alors que d'autres gouvernances ont réellement fait le choix de numériser les transactions entre les citoyens et les institutions, entre autres Singapour, la Suède, l'Estonie, la Belgique, l'Inde, le Danemark, les Pays-Bas, le Nigéria. Donc, si on regarde ce qui se fait ailleurs, on constate qu'ici, au Québec, il est grand temps qu'on avance vers cette identité numérique, qu'on avance dans ce projet, je dirais, tous ensemble, parce que c'est un projet structurant pour les Québécois.

• (10 h 40) •

Évidemment, Mme la Présidente, vous vous en doutez, je vais arriver avec certains bémols, mais, sur le principe, le principe, sur l'objectif, sur l'idée de moderniser l'État québécois, il est certain que l'opposition officielle ne se mettra pas dans le chemin du progrès, du moins dans l'intention de procéder à cette avancée. Et donc nous nous assurerons que tous les enjeux et toutes les préoccupations qui ont été mis de l'avant dans le cadre des consultations et dans les mémoires soumis soient discutés en commission parlementaire lors de l'étude détaillée. Tout au long du processus, comme toujours, nous contribuerons de façon constructive à l'analyse article par article du projet de loi afin de le bonifier, car nous espérons sincèrement que cette identité numérique nationale, d'une part, facilitera l'obtention des services publics pour le plus grand nombre possible de Québécois et qu'il réduira les risques de fraude, comme les vols d'identité, l'hameçonnage, les fuites, etc. Il faudra donc trouver l'équilibre entre l'efficience administrative, la protection des renseignements personnels et l'inclusion numérique. Bref, il faudra chercher l'équilibre entre simplicité et sécurité.

Un élément que je me dois de mettre de l'avant comme énorme bémol à notre vote en faveur du principe du projet de loi n° 82, Mme la Présidente, le projet d'identité numérique nationale, c'est beaucoup plus que le libellé de cette pièce législative. Le ministre doit rassurer la population, fédérer les Québécois et mettre de l'avant un plan et une feuille de route qui assurera le succès de ce projet structurant. Le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, qui a joué un rôle déterminant dans le déploiement de SAAQclic et qui a admis que ce déploiement avait été un fiasco, saura-t-il cette fois-ci réunir les conditions gagnantes pour mener à bien ce projet structurant d'identité numérique? Permettez-moi de lever ce drapeau, Mme la Présidente. D'ailleurs, la Vérificatrice générale du Québec, dans son mémoire, nous rappelait les différents travaux d'audit qu'elle a effectués au fil des ans, et elle invite le ministère ou le ministre de Cybersécurité et du Numérique à consulter et considérer les résultats de certains de ses travaux, et, à cet égard, elle attire l'attention sur trois principaux enjeux dans son mémoire fort pertinent.

Elle a traité de la cybersécurité et de la protection des renseignements personnels. Elle a aussi traité de l'accessibilité et de la qualité des services aux citoyens. Et enfin elle a parlé de gestion de projet et, quand elle parle de gestion de projet, Mme la Présidente, elle nous dit qu'il est important de bien définir les besoins. Elle nous dit que ça prend une bonne planification, que c'est essentiel afin de limiter les retards et les dépassements de budget. Plus loin, elle mentionne que le MCN doit s'assurer d'avoir les ressources humaines compétentes pour réaliser le projet. Elle mentionne aussi que le processus contractuel pour ce projet ne doit pas rendre le ministère dépendant d'un seul fournisseur.

Donc, ce seront des questions qu'on pourra discuter davantage en étude détaillée parce qu'on a beau avoir cette intention louable de moderniser l'État, encore faut-il s'assurer que tout le gouvernement soit derrière ce projet avec les ressources humaines et financières adéquates pour le mener à bien pour les Québécois et assurer que les Québécois aient confiance en ce nouveau système. Donc, quand je parle des conditions gagnantes qui sont nécessaires à la réussite de ce projet, je parle d'éléments qui ne se retrouvent pas forcément dans le projet de loi, mais qui sont cruciaux à la réussite du projet, notamment ceux qui ont été mis de l'avant dans le mémoire de la Vérificatrice générale.

Avant tout, Mme la Présidente, et ça a été dit et redit en consultations, il faut bien communiquer le projet aux citoyens afin qu'ils voient l'utilité du système et qu'ils comprennent en quoi l'identité numérique leur offrira une meilleure accessibilité aux services gouvernementaux. Donc, l'importance de bien communiquer avec la population est primordiale dans ce dossier. Comment cette identité numérique nationale va-t-elle simplifier la vie des Québécois? Ça peut paraître simpliste, là, mais, si on veut qu'il y ait une adhésion, une acceptabilité sociale, si on veut que ça fonctionne, puis qu'on fédère les Québécois, puis qu'ils participent à ce nouveau régime, assurons-nous de bien communiquer, prenons le temps d'investir dans cette communication, dans cette transparence, pour atteindre une acceptabilité sociale élevée.

À cet égard, d'ailleurs, permettez-moi de me référer à un passage du mémoire de l'observatoire international sur les impacts sociétaux de l'intelligence artificielle et du numérique, Obvia. À la page 8 de leur mémoire, ils parlent donc des expériences internationales en matière d'identité numérique, on l'a mentionné, il y a plusieurs cas d'espèce en Estonie, l'Australie, etc., et de s'en inspirer pour les bonnes pratiques. Bon, d'autres juridictions, on peut s'en inspirer pour tirer des leçons de ce qui a été appris car... et là c'est... Le passage pertinent est le suivant : «Ces études de cas démontrent que l'utilité perçue d'une identité numérique nationale est essentielle à son adoption, voire à son succès. Pour assurer cette utilité, on nous dit, à l' Obvia, il faut impliquer différents acteurs gouvernementaux et privés dans le processus ainsi qu'inclure la population utilisatrice pour développer un système répondant à ses besoins.» J'ai trouvé d'ailleurs leur mémoire très utile et très pertinent dans le cadre de notre étude... de notre étude du projet de loi. Donc, essentiellement, les citoyens doivent avoir confiance dans cette identité numérique. L'acceptabilité sociale, encore une fois, constitue un enjeu fondamental, et elle se construit inévitablement par la confiance.

Dans ce contexte, je me demande si le ministre n'a pas déjà manqué à son premier devoir dans ce dossier. Moi, ça m'a étonnée quand le projet de loi a été déposé, à la fin de l'année 2024 : Pourquoi il n'y a pas eu de conférence de presse lors du dépôt? Ce projet de loi là est extrêmement important. Il a été déposé... Je pense, c'était la semaine où il y avait le dépôt de la mise à jour économique. Ça a été déposé en douce dans le contexte, donc, de cette mise à jour économique. J'ai trouvé ça étonnant, Mme la Présidente, alors que nous savons que la façon d'aborder ce grand projet aura une incidence sur son taux d'acceptation et d'utilisation. On espère que le ministre va se reprendre, et va exercer son leadership, et va bien communiquer le projet à l'aide de ses équipes pour que, dès le début, les citoyens le comprennent et aient envie d'y adhérer.

À cet égard-là, je me réfère encore au mémoire de l'Obvia, à la page 11. Bon, eux, ils nous parlent d'une enquête qui a été menée auprès de 2 000 citoyens québécois l'an dernier, au printemps 2024, portant sur la confiance, le partage de données et l'identité numérique. Et leur enquête a montré que 25 % des personnes interrogées ne sont pas du tout ouvertes à l'identité numérique. Mais, plus spécifiquement, une grande majorité de répondants, près de 87 %, s'est déclarée favorable à l'utilisation de l'identité numérique si certaines conditions étaient respectées. Donc, il y a énormément de potentiel ici, Mme la Présidente, si les conditions gagnantes sont respectées.

Par exemple, sur le plan de la sécurité, les citoyens seraient plus ouverts à l'identité numérique si le gouvernement implantait de meilleurs systèmes de sécurité ou s'il s'assurait de limiter le nombre d'endroits où les renseignements d'identification sont détenus. Sur le plan du service, une meilleure communication avec le gouvernement et une réduction du délai des prestations seraient des éléments qui favoriseraient l'adhésion citoyenne à l'identité numérique.

Enfin, l'enquête a fait ressortir que les craintes sont plus élevées lorsque l'identité numérique touche au partage de données fiscales ou de données de santé. Ça se comprend. Toutes les initiatives de partage de données qui satisfont les attentes citoyennes en matière de partage de renseignements de santé devraient être mieux acceptées.

Alors, voilà pour les mises en garde. Encore une fois, objectifs louables : moderniser l'État, assurer qu'il y ait des... que les citoyens québécois puissent bénéficier pleinement de tous ces outils technologiques qui sont extraordinaires, mais dans la confiance, dans la transparence, etc.

Par ailleurs, et c'est important, la Vérificatrice générale en a parlé, elle traite de cet élément-là dans son mémoire, le succès du projet va dépendre des ressources que le gouvernement y investira. Je parle de ressources financières et humaines adéquates. Dans le contexte du déficit record de 11 milliards de dollars, des coupures budgétaires qu'on observe de la part du gouvernement de la CAQ et du manque d'expertise à l'interne au ministère de la Cybersécurité et du Numérique, qui le pousse à recourir de façon excessive à la sous-traitance, et aussi dans le contexte du gel d'embauche, il est tout à fait normal, Mme la Présidente, qu'on se pose ces questions avant de donner notre aval final au projet.

Alors, on va demander, dans le cadre de l'étude détaillée, des explications. On va questionner le ministre sur sa vision. On va s'assurer qu'il ait donc parlé à ses collègues et que ce soit vraiment tout le gouvernement, avec toutes les ressources nécessaires, qui soit derrière ce projet. Tout ça, ce n'est pas juste, là, pour... Quand on dit qu'on va talonner et questionner le ministre, ce n'est pas juste pour nous rassurer, nous, là, les groupes d'opposition. C'est pour rassurer les Québécois, rassurer... les rassurer que les conditions gagnantes sont rencontrées pour le bien des Québécois, qui n'ont clairement pas envie de faire les frais, encore une fois, d'une planification bâclée.

• (10 h 50) •

Mme la Présidente, le gouvernement doit apprendre de ses erreurs, et les Québécois peuvent compter sur nous à cet égard, non pas pour ralentir indûment le projet, mais pour soulever des préoccupations légitimes entendues de la part de plusieurs experts durant les consultations particulières.

Revenons brièvement sur les consultations particulières, donc, qui se sont tenues sur deux jours la semaine dernière. Ce fut un exercice très enrichissant. Je remercie tous les experts, les groupes, tous les intervenants, toutes les personnes qui sont venues faire des présentations de grande qualité et aussi toutes les personnes et groupes qui ont soumis des mémoires. Merci pour la qualité des échanges. Merci pour vos recommandations. On a pris connaissance, on va continuer d'en prendre connaissance pour pouvoir soulever... mentionner vos préoccupations et discuter avec le ministre de potentiels amendements à la pièce législative.

Je l'ai mentionné précédemment, ce projet soulève plusieurs enjeux importants. Permettez-moi d'en aborder quelques-uns. Steve Waterhouse en a fait d'ailleurs un résumé dans son mémoire. Il décline les enjeux de façon très sommaire, très efficace. Il parle d'infrastructures. Les gouvernements ont besoin de réseaux robustes, capables de gérer une forte demande et de protéger les données. On a besoin, donc, aussi de s'assurer que la cybersécurité est au rendez-vous. Le ministre en a parlé dans son allocution. La confiance du public est un élément clé. J'en ai parlé.

La culture numérique, ma collègue de La Pinière, qui était avec moi durant les consultations particulières, je suis certaine qu'elle va en parler dans son allocution. Aussi, s'assurer qu'on puisse rejoindre et inclure le plus grand nombre de Québécois possible. Il faut tenir compte de cette fracture numérique et ne laisser personne de côté. Et évidemment M. Waterhouse fait référence à nos lois sur la protection des données.

Bon, pour revenir sur la protection des renseignements personnels et de la vie privée, la CAI, la Commission d'accès à l'information du Québec souligne que l'évolution de l'identité numérique nationale accroît les risques liés à la protection de renseignements personnels, bon, ça va de soi. Donc, un encadrement juridique insuffisant pourrait diminuer la protection de la vie privée des citoyens et entraîner une perte de confiance envers cette identité numérique nationale.

Au niveau de la sécurité des données, le syndicat des professionnels du gouvernement du Québec exprime des préoccupations quant à l'hébergement centralisé d'une grande quantité de données personnelles et confidentielles, soulignant l'importance de mettre en place des ressources humaines et financières adéquates pour assurer la cybersécurité du projet.

Il y a toute la question de la collecte de données biométriques aussi. C'est un élément qui est revenu souvent durant les consultations. Entre autres, la Ligue des droits et libertés, bon, eux s'opposent à l'utilisation de la biométrie dans le cadre de l'identité numérique nationale. On a entendu de fortes réserves de plusieurs intervenants, car ces données biométriques sont... étant intrinsèques à la personne, ne peuvent être modifiées comme un identifiant ou un mot de passe en cas de compromission. Le SPGQ, donc le syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, partage cette inquiétude et recommande de se limiter à des données d'identité simples pour l'accès aux services gouvernementaux.

Il y a toute la question de l'accessibilité des services, Mme la Présidente. Encore une fois, la convivialité et l'accessibilité devront être au rendez-vous. Il sera important, et ça, on ne peut pas le répéter assez souvent, de ne pas laisser de côté tout un pan de la population qui n'est pas doté d'une littératie numérique adéquate leur permettant de bénéficier des outils technologiques. Le Protecteur du citoyen insiste sur la nécessité de maintenir l'accessibilité des services gouvernementaux par des moyens traditionnels, que ce soit en personne, par téléphone, par la poste, pour les citoyens qui le préfèrent, afin d'éviter toute forme de coercition à utiliser l'identité numérique nationale.

Un autre enjeu qui a été... qui est très important, c'est l'hébergement des données et la souveraineté numérique. La question de l'hébergement des données est très importante et elle a été soulevée à maintes reprises durant les consultations, Mme la Présidente. Nous discuterons avec la... avec le ministre de sa vision à cet égard. S'assurera-t-il que les données soient entreposées dans une infrastructure infonuagique souveraine ou stockées dans une structure gouvernementale? Comment empêchera-t-on que les données puissent transiter ou être hébergées hors du Québec?

Des acteurs comme Micrologic plaident pour que les données des Québécois demeurent sous contrôle québécois, recommandant l'intégration du principe de souveraineté numérique et l'établissement de seuils minimaux de contrats avec des entreprises locales pour la gestion des données numériques nationales. Toute la question de l'approvisionnement local et d'encourager la participation de nos entreprises locales lors d'octroi de contrats gouvernementaux est un sujet, on s'entend, Mme la Présidente, d'actualité extrêmement important dans le contexte de la menace de tarifs qui plane sur notre société et qui nous inquiète tous. Donc, on aura clairement des questions pour le ministre, à savoir quelle est sa vision et quels éléments est-il... sur lesquels est-il en train de travailler pour encourager une participation accrue de l'expertise québécoise.

Il y a la question de l'interopérabilité et son encadrement juridique. La Ligue des droits et libertés exprime des préoccupations concernant l'interopérabilité de l'INN, là, l'identité numérique nationale, avec d'autres systèmes, soulignant le risque de dérives si l'encadrement juridique n'est pas suffisamment étoffé. Elle appelle à un débat public transparent et informé sur l'ensemble du projet, incluant le portefeuille numérique, son architecture, son mode de fonctionnement et de gouvernance, son utilité et son financement. Je pense qu'on ne veut pas... oui, le débat est important, et je pense que les préoccupations qui ont été mises de l'avant par la Ligue des droits et libertés, on doit en tenir compte maintenant, pas dans une optique de ralentir, parce qu'il faut rattraper le retard, assurons-nous d'être transparents, assurons-nous d'encourager ou d'exhorter le gouvernement à bien communiquer pour justement rassurer la population afin qu'elle adhère au projet.

L'Institut de gouvernance numérique souligne, quant à lui, qu'au-delà de l'interopérabilité et la reconnaissance mutuelle des identités numériques à travers le pays ce projet doit également mobiliser toutes les forces vives, toutes les forces vives de notre... de la société québécoise. J'ai trouvé intéressant leur mémoire, un autre mémoire de grande qualité. À la fin, lorsqu'ils... cet institut conclut, ils nous disent qu'au-delà des collaborations institutionnelles... bon, notamment avec... On sait que la Colombie-Britannique a déjà son système en place et qu'éventuellement, si on en arrive à bien comprendre la feuille de route du ministre, il y aurait cette interopérabilité avec d'autres juridictions. «Le projet, selon l'Institut de gouvernance numérique, doit mobiliser toutes les forces vives de la société québécoise. Les citoyens, les organisations de la société civile, les experts en technologie, les juristes et les chercheurs doivent être impliqués activement dans le processus.» Ils l'ont déjà été, là, dans le cadre des consultations. Ça démontre... ce genre de commentaire démontre à quel point c'est un projet important et structurant pour le Québec.

«Le Québec bénéficie d'une expertise de premier plan en matière de gouvernance numérique, d'identité numérique autosouveraine et de technologies décentralisées, comme en témoignent les travaux des organisations et des chaires de recherche actives dans ces domaines. Ces ressources peuvent jouer un rôle stratégique en accompagnant le gouvernement dans ses efforts de conception, de mise en oeuvre et de gestion d'une identité numérique nationale.» Des commentaires fort pertinents, Mme la Présidente.

Il y a la question du profilage. Écoutez, cette question du profilage a été soulevée par plusieurs acteurs. Et permettez-moi de revenir encore une fois à l'excellent mémoire de l'Obvia, à la page 10, qui nous met en garde, qui nous dit qu'«à chaque fois qu'un citoyen utilise son identité numérique, cette action peut créer des empreintes électroniques qui sont susceptibles d'être collectées et stockées de manière automatique. En fonction du choix d'architecture effectué pour implémenter l'identité numérique, en particulier si les données collectées sont centralisées, il devient possible de les croiser facilement et de générer de nouvelles données qui peuvent mener à un profilage précis et à des risques de surveillance.» Bon, on va s'assurer que la pièce législative, donc le projet de loi n° 82, prévoit les bonnes balises, parce qu'effectivement il peut y avoir des croisements entre les différentes banques de données. C'est un élément sur lequel on aura des discussions en étude détaillée, Mme la Présidente.

Je reviens brièvement sur les préoccupations qui ont été mises de l'avant par la CAI, la Commission d'accès à l'information. La présidente a mentionné... elle a levé un drapeau au niveau des sanctions. S'il y a du profilage, elle veut être sûre d'avoir une mainmise, qu'elle puisse avoir le pouvoir d'imposer des sanctions, et il y aura lieu de regarder tout le corpus législatif pour s'assurer que ce soit le cas.

• (11 heures) •

Bon, finalement, j'en arrive bientôt à ma conclusion, je vais faire, donc, un bref rappel des facteurs clés de réussite. Je trouve tellement que certains des mémoires ont été extrêmement bien conçus, là, que ça vaut la peine d'y revenir. Il y avait celui de... celui que j'ai déjà cité, le mémoire de la SFPQ, à la page 6, là, donc, ils font tout un... SPGQ, je suis désolée. Il y en a eu... Il y en avait tellement qu'on les a lus avec tellement d'intérêt. Ils font... J'y arrive. Ils font un retour sur les facteurs clés de succès, et je trouve ça vraiment un bon résumé. Donc, en approchant de la conclusion : «Les facteurs clés de réussite pour la mise en oeuvre du projet de loi n° 82 et l'ensemble des pouvoirs existants que la loi confère au ministère de la Cybersécurité et du Numérique depuis sa création : diminuer la dépendance du gouvernement face à la sous-traitance en technologies de l'information et de la communication, moderniser rapidement la classification des emplois en technologies de l'information et de la communication et les conditions de travail pour tenir compte des réalités du marché de l'emploi dans ce domaine et, finalement, procéder à l'embauche de ressources internes pour combler les postes vacants le plus rapidement possible, notamment des ressources qui font de la programmation ainsi que de l'analyse et de l'architecture organique.»

Donc, on a beau avoir, là, la meilleure pièce législative, puis on va travailler en collaboration pour peaufiner le projet de loi, si on n'a pas réuni ces facteurs clés de réussite, on n'arrivera pas à déployer un système qui sera fonctionnel et utile pour les Québécois. Encore une fois, assurons-nous que les Québécois ne soient pas les victimes, là, d'une planification bâclée. Assurons-nous d'avoir toutes les ressources en place. Et, à cet égard-là, le ministre devra parler à ses collègues, notamment au Conseil du trésor, pour s'assurer que les ressources humaines et l'expertise interne soient présentes ainsi que les ressources financières pour mener ce projet à bien.

Donc, Mme la Présidente, en conclusion, nous discuterons de tous ces enjeux avec le ministre lors de l'étude détaillée afin d'assurer une mise en oeuvre respectueuse des droits des citoyens. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Maintenant, nous allons poursuivre avec M. le député de Maurice-Richard.

M. Haroun Bouazzi

M. Bouazzi : Merci, Mme la Présidente. Chers collègues, très heureux d'être ici pour commenter ce projet de loi que je pense important. Donc, d'entrée de jeu, je rappelle que... j'annonce que nous allons voter pour.

Mme la Présidente, ce projet de loi parle d'identité numérique, et nous avons besoin d'une identité numérique qui se tient, au Québec, pour moderniser nos services, pour accélérer nos services et pour permettre à la fonction publique de pouvoir mieux répondre aux besoins de nos concitoyennes et concitoyens et à leurs attentes, aussi, parce qu'évidemment, à l'ère du numérique, nous ne pouvons pas continuer à être à la remorque, en retard sur ces questions-là.

Donc, je ne ferai pas plus que ça l'éloge de l'importance de l'identité numérique, mais je vais revenir sur un certain nombre de risques associés à cette démarche : d'abord, la question des services et du risque d'avoir, en fin de compte, une diminution de services associés à ce projet; deuxièmement, les problèmes, les risques de sécurité et de droits fondamentaux associés à ce projet; et enfin, comment mettre en place une fonction publique à la hauteur du défi qui est le nôtre.

Alors, d'abord sur la question de la diminution des services, donc, le ministre nous a rappelé, à juste titre, à plusieurs reprises, que l'identité nationale n'était pas... l'identité numérique n'était pas obligatoire et que c'était seulement un choix. Soit, mais il y a des choix qui peuvent devenir obligatoires si, en fin de compte, les services ailleurs ne sont pas à la hauteur des attentes.

Nous avons tous en tête déjà une grande transformation numérique de la plus grande coopérative au Québec, pour ne pas la nommer, la banque Desjardins, qui a numérisé, à travers un énorme effort, une énorme partie de ses services numériques et qui s'est retrouvée à fermer un certain nombre de succursales, surtout en région, ce qui a, bien sûr, pénalisé toutes les personnes qui ne sont pas à l'aise avec les services numériques. Et il ne faudrait surtout pas que la fonction publique se retrouve dans la même situation, car il est imaginable que, dans des moments d'austérité, des moments où on coupe partout, on se retrouve à... sous prétexte d'automatiser, de numériser, se trouver à couper les fonctionnaires qui servent les citoyennes et les citoyens.

Or, Mme la Présidente, il y a vraiment beaucoup de personnes qui sont mal à l'aise avec la technologie, qui ont... il y a une fracture numérique, il y a des problèmes de littératie numérique. Et les personnes qui ont du mal avec la technologie sont plus nombreuses parmi les moins nantis, parmi les personnes les plus âgées, parmi les personnes qui ont des niveaux d'éducation inférieurs à la moyenne. Il y a aussi les personnes qui auraient pu y arriver, mais qui paniquent. On connaît tous, autour de nous, un oncle, une tante, une grand-mère qui a fait des bêtises, des fois, sur son ordinateur, qui a effacé un fichier par erreur et qui se retrouve paniquée, alors même qu'elle aurait pu y arriver, parce qu'elle a peur de faire des bêtises. Donc, ça va très, très loin, ça va très, très loin, cette difficulté associée aux solutions numériques. Et, au-delà de la formation, on se retrouve, en fait, à... Si on pousse au tout numérique, si, de facto, on se retrouve avec des solutions numériques qui prennent plus de place, on se retrouve, en fin de compte, à avoir des personnes qui étaient dans une autonomie déjà et qui se retrouvent en perte d'autonomie parce qu'elles dépendent de d'autres pour les aider.

Donc, en parallèle avec le plan A, qui est les solutions purement numériques, il ne faut pas un plan B pour la solution qui est humaine, d'humain à humain, mais il faut un autre plan A aussi pour les solutions d'humain à humain. Il faut que cette transformation numérique soit une extraordinaire chance pour dégager du temps de qualité de nos fonctionnaires pour pouvoir servir ceux qui en ont le plus besoin, dont ceux que je viens de citer, les aînés, les personnes moins nanties, les personnes les moins éduquées, les personnes avec des déficiences intellectuelles, qui ont besoin d'accompagnement humain et non pas des numéros de téléphone qui nous accompagneraient à faire la même chose que ce que le numérique aurait fait, à savoir remplir un formulaire sur... On a besoin de cette approche humaine de la fonction publique.

Le deuxième point, c'est la question des risques associés à la sécurité et les risques associés aux droits fondamentaux. D'abord, même, encore une fois, si on se retrouve avec une identité numérique qu'on va utiliser non seulement sur Internet, mais possiblement aussi dans nos interactions avec la police, par exemple, bien, il se pourrait que cette identité, de facto, devienne comme une carte d'identité. Or, voici maintenant quelques siècles que nous n'avons pas de carte d'identité, Mme la Présidente, au Québec et au Canada, et pour cause, parce qu'avoir une carte d'identité viendrait toucher directement le droit à l'anonymité.

Et on le sait, et les études sont nombreuses, que les pays qui ont mis en place des cartes d'identité nationale se retrouvent avec une police qui se sent légitime d'arrêter n'importe qui dans la rue pour demander cette dite carte sans raison. Les cas de profilage sont abondants, notamment en France, mais on pourrait nommer à peu près n'importe quel pays qui a une carte d'identité nationale. Or, la meilleure manière d'éviter que la police se sente légitime de demander une carte d'identité nationale, c'est de ne pas en avoir, Mme la Présidente, et c'est un choix de société que nous avons fait ici, en Amérique du Nord, et qu'il va falloir respecter.

• (11 h 10) •

Ensuite, il y a la question des données que ce système-là va stocker. On nous parle de l'utilisation possible de la biométrie, c'est-à-dire des données intrinsèques à l'être humain, qui sont immuables et qui ne changeront pas : la rétine de l'oeil, la forme du visage, les empreintes digitales. Tout ça, c'est des choses qui ne changeront pas, contrairement à un mot de passe. Et donc, si ces données-là se font voler, vous imaginez évidemment à quel point est-ce que ces données sont personnelles, confidentielles, et qui pourraient être utilisées à toute sauce. Et donc une de nos premières recommandations, c'est de ne jamais stocker aucune donnée qui ne soit pas obligatoire pour faire fonctionner ce système. Il faut garder le minimum de données possible pour pouvoir faire en sorte que la solution soit fonctionnelle.

Le deuxième point, c'est : qu'allons-nous faire avec ces données? Et le gouvernement nous dit : Dans le projet de loi, nous allons interdire le profilage avec les données. J'espère bien, Mme la Présidente, parce que le profilage est interdit par la loi. Ceci étant dit, malheureusement, étant donné l'historique de ce gouvernement, laissons-nous quand même le bénéfice du doute. Rappelons qu'aujourd'hui même il y a des cas de profilage systémique dans notre police, dans notre police nationale, au SPVM, à la SQ, où des personnes noires ont 400 % plus de chances d'être arrêtées pour rien, des personnes autochtones ont 400 % plus de chances d'être arrêtées pour rien, les personnes arabes ont 300 % plus de chances d'être arrêtées sans raison valable. Et ce n'est pas Québec solidaire qui le dit, Mme la Présidente, c'est, bien sûr, la Ligue des droits et libertés, c'est, bien sûr, la commission droits de la personne, de la jeunesse, mais c'est aussi des décisions de justice qui blâment ce gouvernement qui malheureusement, encore une fois, a porté en appel sans jamais apporter une alternative aux décisions, aux politiques publiques et aux actions de la police, pour pouvoir permettre aux policiers de faire leur travail sans en arriver à pénaliser de facto des minorités racisées.

Et donc ils nous disent : Nous n'allons pas faire de profilage avec les données. Soit, c'est une bonne nouvelle. Mais pourquoi pourrions-nous faire quoi que ce soit d'autre que d'identifier les personnes, avec ces données-là? Pourquoi allons-nous donner des données personnelles au gouvernement, et que le gouvernement décide après coup de faire de l'intelligence artificielle sur nos données, basé sur autre chose que l'idée d'identifier les personnes, et donc la raison même d'avoir ramassé ces données-là? Bien, pour nous, la question est simple, il n'y en a pas, de raison. Si on accumule des données personnelles sur les gens pour faire fonctionner une identité numérique, ça doit servir à une seule chose, l'identification numérique des citoyennes et des citoyens.

Surtout que nous sommes dans un moment charnière, Mme la Présidente, de manière technologique, c'est-à-dire qu'il faut réussir à imaginer un avenir qui avance très, très vite, qui avance très, très vite, où les interconnexions sont de plus en plus nombreuses et où les technologies s'accumulent. Évidemment, il y a l'infonuagique, il y a l'intelligence artificielle, le big data, je ne sais pas, moi, les imprimantes 3D, les «blockchains», les chaînes de... etc., et il faut se poser la question : Comment est-ce que ces choses-là vont interagir?

Or, imaginons, Mme la Présidente, qu'on a un système qui accumule la reconnaissance faciale pour l'identité numérique, qui centralise toutes ces données-là et que, d'un autre côté, c'est un projet qui traîne depuis longtemps, dont on entend parler de temps en temps, où on voudrait avoir des caméras sur les vestes des policiers et des policières. L'investissement est déjà là, l'infrastructure est déjà là. Et on peut tout à fait imaginer qu'en temps réel, avec très, très peu d'investissement, on se retrouve à capter tous les visages de tous les manifestants, de tous les passants dans la rue, par cette caméra accrochée à nos représentants de l'ordre, qu'ils soient envoyés à cette base de données qui, en temps réel, reconnaîtrait 100 % des personnes qui sont présentes à une manifestation. C'est déjà un problème, mais on peut aller plus loin. On peut recouper ces données-là très facilement, étant donné qu'on a une identification sûre de la personne qu'on vient de croiser dans la manifestation, pour savoir qui est en congé longue durée et qui ne devrait pas être là parce qu'il est censé être sur le CNESST, qui est... qui n'a pas respecté telle ou telle condition, qui n'est pas immigrant avec ses papiers. Et, quand on voit la chasse à l'homme qui a été ouverte au sud de nos frontières et à quel point est-ce que des principes démocratiques peuvent malheureusement bifurquer, il faut absolument qu'on y réfléchisse tout de suite pour ne pas permettre à des prochains gouvernements de mettre en place, basé sur de la technologie, des États qui briment les droits et libertés des citoyennes et citoyens et qui briment le droit à la citoyenneté, qui briment notre droit à une démocratie et, plus spécifiquement, le droit à l'anonymité dans la rue.

Restons sur les données, Mme la Présidente. Il y a la question de la transparence associée à l'utilisation de nos données. Et donc, à chaque utilisation de nos données, il y a un log qui va s'accumuler au fur et à mesure du temps sur l'utilisation. Bien, nous, ce qu'on pense, c'est que ce log-là doit être accessible par une et une seule personne, c'est la seule vraie propriété des données, qui est le citoyen qui est concerné. C'est-à-dire qu'à tout moment un citoyen devrait être capable d'aller sur ce système-là pour savoir qui a validé son identité, dans quel contexte, et donc valider que c'est bien lui-même qui a eu accès à ça. Mais, en même temps, ni le gouvernement ni personne d'autre ne pourrait être capable de vérifier cela, parce que, sinon, ça va être un formidable outil de flicage, Mme la Présidente. Imaginez, vous allez à la SAQ, vous montrez votre identité pour montrer que vous avez plus de 18 ans, hop! une ligne, vous allez à une autre SAQ, hop! une autre ligne, vous allez à la SAAQ, vous allez... etc., et là on a, ligne par ligne, où est-ce que vous allez, pourquoi vous y allez. Même sur des questions d'assurance, par exemple, l'idée même que vous consommez de l'alcool est loguée. Mais de quel droit l'État saurait ce genre d'information? Eh bien, nous, on pense que c'est très, très important que, dans ce projet de loi, on y réfléchisse tout de suite pour permettre une véritable confiance et transparence envers l'utilisation de notre identité numérique.

Ensuite, il y a des questions de sécurité. Il y a des questions de sécurité associées à l'idée d'avoir une énorme base de données qui a toutes ces informations personnelles sur les citoyennes et citoyens, et l'idée est de dire : Bien, nous allons la sécuriser, vous... n'ayez pas de crainte. Bien, commençons par dire où vont être stockées les données avant de dire comment elles vont être sécurisées.

A priori, l'idée serait, c'est ce qu'on entend, de les mettre sur l'infonuagique. Rappelons ici, Mme la Présidente, que nous avons un grave problème avec l'utilisation de grosses compagnies, pour ne pas les nommer, AWS d'Amazon, Azure de Microsoft, le cloud de Google, qui sont des clouds qui appartiennent à des multinationales du Sud, des multinationales avec toutes sortes de dérives, Mme la Présidente, où les P.D.G. ont un manque de scrupules, dont évidemment personne ne peut douter aujourd'hui, mais, en plus, qui sont assujettis à des législations qui ne sont pas les nôtres, à savoir le CLOUD Act, Mme la Présidente. Que permet le CLOUD Act? Il permet, le CLOUD Act, sous certaines conditions, d'obliger ces compagnies-là de partager leurs informations sur des citoyens qui sont stockées chez eux avec le gouvernement américain sans même prévenir les personnes dont les données ont été données au gouvernement.

J'ai moi-même déposé une motion la semaine dernière qui demandait au gouvernement de s'assurer que ni des compagnies étrangères, et avant tout américaines étant donné les politiques du CLOUD Act, et ni l'idée même d'avoir ces données à l'étranger, même si c'est des compagnies canadiennes ou québécoises, ne soit envisagée par ce gouvernement, et, à notre grande tristesse, cette motion a été refusée par la partie majoritaire, par le groupe de la CAQ. Nous espérons, ceci étant dit, que cela ne durera pas, Mme la Présidente, et qu'évidemment ces données-là ne vont pas être stockées sur des serveurs à l'étranger ou par des compagnies étrangères.

• (11 h 20) •

Maintenant, une fois qu'on a dit ça, il y a deux options qui s'offrent à nous, une qui consiste à dire : Nous allons les stocker dans un cloud d'une compagnie locale ou nous allons les stocker dans un cloud privé, c'est-à-dire un cloud qui est «hosté», qui est organisé à l'intérieur même de nos ministères. La question se pose, Mme la Présidente, mais imaginez le risque associé à l'idée d'avoir une compagnie qui fleurit, qui marche bien, qui a un cloud local et que, demain matin, Google, Amazon ou Microsoft décide tout simplement de l'acheter. Du jour au lendemain, elle est assujettie à des législations étrangères.

Donc, ou bien on légifère, pour ne pas permettre cette perte de souveraineté numérique par rapport à nos compagnies numériques pour qu'elles ne puissent pas se faire acheter avec tous les serveurs et toutes les données qu'il y a à l'intérieur, ou bien on s'assure d'avoir une solution qui nous garde toutes nos données à l'intérieur même des murs virtuels de nos ministères, à travers ce qu'on appellerait un cloud privé, tout en collaborant évidemment avec des spécialistes de la technologie.

Le dernier point. Donc, on a parlé des services qui pourraient reculer, des questions de droits fondamentaux, les questions de risques associés. Je ne rentrerai pas ici, Mme la Présidente, sur la question de stockage sur des systèmes distribués parce que, malheureusement, je pense que je perdrais les gens qui nous écoutent et... mais je me permettrais de dire qu'une technologie basée sur le «blockchain», donc les chaînes de blocs, devrait être très sérieusement étudiée, même si j'ai très, très peu, très, très peu d'attentes dans ce sens-là, je dois l'avouer. Mais la chaîne de blocs apporterait de manière structurelle une sécurité qu'une grosse base de données centralisée ne peut pas apporter, apporterait une transparence de manière structurelle qu'une grosse base de données ne peut pas apporter. Je ne rentrerai pas plus dans des détails techniques.

La dernière question, c'est la question de la fonction publique : comment avoir une fonction publique à la hauteur du défi. Et malheureusement les dernières années ont montré un certain nombre de fiascos qui se sont produits et reproduits année après année. Or, le virage numérique ne fait que commencer, c'est maintenant que nous allons faire les plus gros investissements. Dans les perspectives du gouvernement, si mes souvenirs sont bons, il y avait 10 milliards de dollars de projets, sur les huit prochaines années, qui allaient être mis sur la table. Or, nous manquons d'expertise dans la fonction publique. Tous les intervenants sont venus nous expliquer le risque associé à avoir peu d'expertise. Nous avons des postes qui sont ouverts. Autour de 10 %, voire même, des fois, 15 %, 17 % des postes en fonction du profil, en fonction du rôle sont à pourvoir depuis maintenant beaucoup trop longtemps. Non seulement ils sont à pourvoir, mais il y a eu en plus un gel d'embauche, Mme la Présidente. Ça fait qu'on a du mal à comprendre comment nous allons régler ce problème-là.

Et ça, ça ouvre, et comme vous le savez, Mme la Présidente, j'ai été 15 ans dans l'industrie, et je dois avouer que du non-sens, j'en ai vu vraiment beaucoup au fur et à mesure des années, ça ouvre la porte à des situations qui sont totalement absurdes, où on a des consultants qui viennent sous prétexte qu'on ne peut pas payer comme du monde les fonctionnaires qu'on a, les analystes, les développeurs, les architectes de solutions, les architectes d'entreprise, les «data scientists», ce que vous voulez, sous prétexte qu'on n'est pas capable de les payer comme quelque chose qui s'approcherait même un peu de ce que l'industrie peut payer ailleurs. On se retrouve à prendre des consultants qu'on paie le double, le double pour faire exactement la même job, et dont on ne peut plus se passer.

Des consultants, il y a deux catégories, en fait, il y a ceux qui restent un an, deux ans, trois ans, jusqu'à 10 ans de suite comme consultants, et c'est-à-dire qu'on aurait eu un poste où on payait bien les gens, on aurait quand même économisé beaucoup d'argent. Mais il y a aussi ceux qui débarquent, et puis qui pensent avoir des solutions à tout, et puis qui trouvent toutes sortes de solutions comme ça, avec une assurance absolument incroyable, comme ce qu'on peut voir chez les grosses boîtes de consultants, et qui partent ensuite, et qui laissent tous les problèmes pour ceux qui restent sur place. Et donc c'est des gens qui ne vivent jamais les conséquences de leurs décisions.

Or, Mme la Présidente, 80 % des coûts des projets se font, entre le moment où il est livré et le moment où il est décommissionné, 80 % se fait en maintenance. Et donc avoir des consultants qui arrivent et qui ne vivent pas la maintenance qui va venir après fait en sorte qu'ils ne prennent pas les meilleures décisions pour la suite des choses pour les Québécoises et Québécois, pour le ministère, pour la maintenabilité. Tout ce qu'ils veulent faire, c'est... ils ont des clauses dans un contrat, check, check, check. Si, un jour, il y a un changement, je veux dire, c'est limite si, quand on ne leur dit pas bonjour, ils disent : Ce n'est pas prévu, c'est une demande de changement, il faut augmenter les prestations. C'est quelque chose, Mme la Présidente.

Il faut absolument arrêter notre dépendance à ce système de consultation. On a parlé de toute la question de la santé et des infirmières. Sachez, Mme la Présidente, que le prochain gros scandale des dépenses totalement indues que nous allons avoir, moi, je veux bien le parier, sera dans les prestations des informaticiens et informaticiennes, prestataires de services et des grosses boîtes de consultation. Donc, de grâce, de grâce, assurons-nous de bien payer nos fonctionnaires. La sécurité de nos données, notre sécurité, la qualité de nos services va en dépendre, assurons-nous d'embaucher les personnes dont on a besoin. La transition énergétique... la transition numérique va durer encore un autre 10 ans, en imaginant qu'elle s'arrête, ce n'est pas comme si nous n'allons pas avoir du travail à n'en plus finir pour toutes ces personnes.

Je tiens d'ailleurs à saluer tous les fonctionnaires qui travaillent actuellement au Numérique. S'ils y sont, c'est aussi parce qu'ils y croient, parce que je peux vous jurer, Mme la Présidente, qu'ils peuvent avoir toutes sortes d'emplois beaucoup mieux payés à l'extérieur du fonctionnaire... du ministère et leur travail est vraiment essentiel et leur expertise... et eux, ils le savent, ils le voient, leur expertise est vraiment importante.

Donc, je vais conclure, Mme la Présidente, en disant, premièrement, la prémisse de base, nous accueillons avec joie une identité numérique. Ça va accélérer, améliorer les services donnés aux citoyens. Pour les personnes qui sont doués en technologie, ça va vraiment faciliter leur vie, et Dieu sait qu'on en a besoin.

Maintenant, il y a trois risques. Un, c'est qu'en fin de compte ça diminue le service donné aux personnes qui ne passent pas par le numérique, qui sont les personnes les plus marginalisées, les personnes âgées, les personnes pauvres, les personnes les moins diplômées. Il y a un risque face à la dérive sécuritaire, la dérive policière, la dérive antidémocratique, et ça, il va falloir être très, très vigilants pour que cette identité ne serve qu'à ce dont elle a été faite pour et non pas à devenir un formidable mouchard, une manière de savoir ce que font les fonctionnaires... les citoyennes et citoyens, de pouvoir recouper ces données-là avec autre chose, de pouvoir faire de l'intelligence artificielle, de pouvoir les profiler. Il va falloir s'assurer de bien protéger ces données-là. Et, en fin de compte, il va falloir renforcer la fonction publique pour qu'elle puisse répondre aux enjeux associés à cette transformation numérique, qui n'est pas une mince affaire. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, nous allons poursuivre avec l'intervention de Mme la députée de La Pinière.

Mme Linda Caron

Mme Caron : Merci, Mme la Présidente. Alors, ça me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur l'adoption du principe du projet de loi n° 82, Loi concernant l'identité numérique nationale et modifiant d'autres dispositions.

Alors, c'est un projet de loi qui ratisse très, très large afin de créer une identité numérique nationale et qui mise beaucoup, et je dirais même trop, sur la réglementation pour préciser des volets importants de l'identité, du projet d'identité numérique nationale. Et d'ailleurs, la Vérificatrice générale du Québec fait un appel à la prudence au gouvernement à ce sujet-là à la fin de son mémoire, qu'elle est venue nous présenter en commission parlementaire la semaine dernière.

• (11 h 30) •

Comme indiqué dans les notes explicatives du projet de loi, l'identité numérique nationale est un ensemble de moyens dont dispose l'État pour permettre à toute personne, donc à vous et moi, à vous aussi, Mme la Présidente, d'avoir un accès sécurisé aux prestations électroniques de services gouvernementaux ainsi qu'un niveau de confiance élevé lors de nos transactions avec les organismes publics et dans la collectivité, notamment à l'aide d'attestations numériques gouvernementales. Autrement dit, avec ce projet de loi, le gouvernement veut créer pour tous, vous, et moi, et Mme la Présidente ici présente, sans l'obliger... sans obliger les personnes à l'utiliser, mais veut créer, donc veut pouvoir créer pour tous une identité numérique qui va nous donner un accès sécurisé aux divers services publics qui sont offerts en ligne par le gouvernement ou par des organismes et ministères du gouvernement.

Et, bien entendu, il faut que la sécurité de cette identité soit sans faille. Il faut que l'accès soit sans faille pour que, vous, et moi, et Mme la Présidente, nous ayons confiance au système pour pouvoir l'utiliser sans crainte, sans crainte pour nos données personnelles, sans crainte de nous faire voler notre identité, sans crainte que des personnes qui, dans le cadre de leur travail, ont accès à nos informations... sans crainte qu'ils aient accès à toutes nos informations, mais confiance qu'ils aient accès seulement aux informations nécessaires pour faire leur travail et nous servir, et aussi que, lorsqu'on utilise l'identité numérique pour nous authentifier ou pour montrer qu'on est majeur, bien, on n'a pas besoin de montrer... les gens qui vérifient n'ont pas besoin d'avoir ou le système n'a pas besoin d'avoir notre date de naissance au complet, mais simplement l'année pour montrer qu'on est majeur. C'est ce qui est visé par le projet de loi. Et, quand je parle de confiance, c'est un élément extrêmement important. On sait que les institutions dans la société ne fonctionnent que si elles ont la confiance du public. Alors, l'identité numérique nationale, c'est d'une importance assez grande que c'est appelé à devenir une institution, et ça prend la confiance du public pour que ça fonctionne.

Durant les interventions en commission parlementaire, on a cité... certains groupes ont cité l'exemple de la Colombie-Britannique, où l'objectif d'utilisation est très faible, environ 10 %, parce qu'il n'y a pas eu une communication, il n'y a pas... les étapes à faire au préalable de l'instauration, de l'implantation de l'identité numérique n'ont pas été faites pour rassurer le public, pour expliquer au public, pour que ce soit simple d'utilisation pour le public. Et donc la confiance n'y est pas. Et, bien entendu, ce n'est pas ce qu'on veut pour le Québec. On veut que le système fonctionne bien, qu'il soit solide et qu'on puisse y avoir confiance.

Alors, c'est clair que, le projet de loi, c'est dit en toutes lettres, qu'on veut faciliter l'accès et protéger les informations. On ne veut pas nuire aux citoyens. Le projet de loi, c'est clair là-dessus, c'est un projet de loi qui veut simplifier la vie et qui se... et qui veut que ça fonctionne bien. Et je pense que, dans cette salle, les 125 députés sont bien d'accord avec ça. Le hic, c'est qu'il y a très loin de la coupe aux lèvres. Premièrement, le Québec est en retard sur toute la ligne en ce qui concerne l'identité numérique de ses citoyens et citoyennes. Plusieurs groupes invités à prendre... à présenter leurs mémoires en commission parlementaire nous l'ont dit. C'est un constat qui fait consensus, y compris au gouvernement, et c'est pour ça que le projet de loi n° 82 est déposé. On s'entend, donc, que le projet de création d'une identité numérique est souhaitable et nécessaire. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous allons appuyer le principe du projet de loi.

Par contre, ce que nous avons entendu en commission parlementaire la semaine dernière nous a démontré que le gouvernement du Québec et le ministère de la Cybercité et du Numérique ne sont pas du tout prêts à légiférer en la matière. En plus des nombreux angles morts du projet de loi que les groupes ont fait ressortir, le ministère de la Cybercité et du Numérique est loin d'être prêt à mener ce projet à bien des égards : que ce soit au chapitre des ressources, les ressources et les compétences nécessaires au sein du ministère, elles n'y sont pas, la vision et la planification du projet également.

Puis là la Vérificatrice générale, parce que ce n'est pas moi qui invente ça, là, la Vérificatrice générale du Québec a utilisé le mot «planification», je pense que c'est un maître-mot, et on l'a vu dans d'autres projets, c'est le talon d'Achille du gouvernement. Et le passé étant garant de l'avenir, la Vérificatrice générale est revenue dans son mémoire sur les résultats de certains de ses travaux passés, dans un passé pas si lointain, pour attirer l'attention sur trois enjeux principaux, dont je vais vous parler, la cyber... premièrement, la cybersécurité et la protection des renseignements personnels; deuxièmement, l'accessibilité et la qualité des services aux citoyens; et, troisièmement, la gestion de projets.

Alors, pour la cybersécurité et la protection des renseignements personnels, la Vérificatrice nous dit... On sait que ces éléments-là sont cruciaux. Les données personnelles doivent être protégées. Malheureusement, elle a constaté à plusieurs reprises des lacunes à ce sujet dans différentes entités. En novembre 2023, je vous disais que ça ne faisait pas si longtemps, elle a constaté que des améliorations étaient nécessaires pour réduire les risques d'atteinte à la confidentialité de ces renseignements. Et, parmi les points à améliorer, elle avait noté la gestion des accès aux informations personnelles, la gestion des risques et des incidents liés à la confidentialité, ainsi que les actions de sensibilisation et de formation du personnel concerné. Deux ans plus tôt, en novembre 2021, elle avait mentionné aussi des améliorations nécessaires pour les accès, les coupe-feux et les alertes de sécurité automatisées, les tests d'intrusion. Et, en juin 2020, elle avait recommandé aussi d'améliorer les contrôles et les mesures de sécurité pour le personnel qui a des accès privilégiés, de réviser périodiquement les accès informatiques de l'ensemble du personnel et de renforcer la surveillance par les instances du gouvernement.

Alors, c'est absolument essentiel de se reporter à ces recommandations passées que la Vérificatrice générale a faites pour s'assurer qu'on met toutes les chances, que le gouvernement met toutes les chances de son côté pour que les objectifs du projet de loi n° 82 soient atteints.

En matière d'accessibilité et de qualité des services, la Vérificatrice générale a aussi constaté des lacunes, par exemple, en novembre 2023, au sujet de Services Québec, qui n'était toujours pas devenu un guichet multiservice d'envergure pour simplifier l'accès aux services gouvernementaux pour les citoyens, alors que c'était l'objectif. Et, aussi, dans son rapport d'octobre 2020, pour le Réseau national intégré de radiocommunication, le RENIR, elle avait constaté la qualité des services offerts aux utilisateurs du réseau, qui n'avait pas atteint non plus le niveau qui était désiré. Alors, elle souligne que ça va être important de simplifier et faciliter, améliorer l'accès pour les citoyens aux services gouvernementaux, comme il est espéré avec le projet de loi n° 82, mais, pour ça, ça prend aussi l'adhésion des organismes qui vont être impliqués.

Je vois que le temps file, alors je ne vais pas m'étirer trop longtemps sur la question du traitement des incidents informatiques, qui doit être efficace et rapide, comme elle l'a mentionné dans son rapport, en page 8, et la nécessité de tester, tester et tester — c'est moi qui répète — avant la mise en service, en page 9 du rapport de la Vérificatrice générale.

Je vais m'arrêter, par contre, sur la gestion de projet, sur laquelle elle insiste en page 10, parce qu'une bonne planification de... une bonne planification est essentielle, vraiment essentielle afin de limiter les retards et les dépassements de budget qui sont souvent attribuables à des problèmes dans la planification des projets, qu'il s'agisse de consulter les utilisateurs, les citoyens et les organismes gouvernementaux ou bien qu'il s'agisse des processus pour sélectionner les fournisseurs, qui, soit dit en passant, ne doivent pas rendre le ministère de la Cybersécurité et du Numérique dépendant d'un seul fournisseur, ou le gouvernement du Québec, ou les Québécois, par leurs données, ne doivent pas dépendre d'un seul fournisseur, et, à plus forte raison, de fournisseurs étrangers, dans le contexte actuel.

La planification, ça comprend aussi la nécessité de se doter des ressources humaines compétentes pour réaliser le projet, compétentes mais en nombre suffisant, et aussi d'avoir les ressources matérielles et financières nécessaires. Alors, à ce sujet, on le saura peut-être en étude détaillée, mais la question qui se pose : Quelle somme le ministre de la Cybersécurité et du Numérique a-t-il convaincu le ministre des Finances d'allouer à ce projet? Pour l'instant, c'est une donnée inconnue.

Bref, pour que le projet de loi atteigne ses objectifs, pour qu'il soit bon et sécuritaire pour les Québécois, il faut plus que le projet de loi qui est sur la table dans sa forme actuelle, il faut de nombreux amendements au projet de loi, mais il faut surtout une feuille de route pour couvrir tous les aspects de la gestion de ce projet, les aspects qui sont dans les volets d'angles morts du projet de loi. Et, pour qu'une feuille de route soit solide et exhaustive, il faut qu'elle réunisse toutes les conditions gagnantes, et, pour ça, bien, il faut y mettre des ressources, il faut y mettre du temps, aussi, et de la planification. Alors, le gouvernement serait avisé de préparer cette feuille de route avant de procéder plus avant avec l'étude détaillée du projet de loi, à mon avis, pour que la sécurité des données des Québécois soit assurée, pour que tout le monde adhère à ce projet de loi et au système d'identité numérique et que ça fonctionne.

• (11 h 40) •

Tout à l'heure, ma collègue députée de Mont-Royal—Outremont a déjà abordé les enjeux de traçabilité des données, de souveraineté numérique, de l'hébergement des données au Québec, de l'autosouveraineté des citoyens par rapport à leurs propres données, de la communication et de la transparence garantes de l'acceptabilité sociale de l'identité numérique, de la biométrie, du profilage, de l'interopérabilité des systèmes. Et, sur le profilage, je veux simplement préciser que je ne crois pas, ma collègue non plus, que le gouvernement veuille faire du profilage. Ce n'est pas du tout ça ici. Quand on parle de profilage, et les groupes qui sont venus en commission parlementaire l'ont bien mentionné, c'est que, lorsqu'il existe des données à différents endroits, et surtout avec l'intelligence artificielle, parce que, même si on... Le projet de loi ne parle pas beaucoup d'intelligence artificielle. L'intelligence artificielle est déjà utilisée dans les processus techniques, disons, de ça. Alors, l'intelligence artificielle sera nécessairement présente dans l'identité numérique nationale. Alors, avec l'intelligence artificielle, c'est aussi facile d'aller chercher des données un peu partout, de les amalgamer, disons, et d'en déduire des déductions.

Et il y a un groupe qui n'était pas présent en commission parlementaire, qui n'a pas été invité à faire sa présentation, mais qui a tout de même déposé un mémoire, c'est le Centre Alpha-Sourd Rive-Sud, qui nous rappelle... Et vous vous en rappellerez sûrement, parce que ça a fait les manchettes il y a quelques années, la question du profilage des gens bénéficiaires de l'aide sociale en France. Alors, ce que le système faisait, c'est qu'il tentait de chercher les risques de fraude du système, et finalement il y avait... il ciblait les mères monoparentales dans un certain secteur parce qu'elles étaient plus nombreuses et disait : Bon, bien, voilà, ce sont des personnes qui risquent de frauder l'aide sociale. Alors là, soit qu'elles étaient coupées ou que les... elles étaient surveillées davantage, et ça, ce n'était pas une visée du gouvernement français, mais ça découlait de l'utilisation de la technologie.

Alors, je le dis bien, loin de moi l'idée de donner de mauvaises intentions au gouvernement sur le profilage. Quand on parle de profilage dans le cadre de l'identité numérique nationale, c'est vraiment des systèmes qui peuvent finir par réunir des données et profiler certains groupes à qui on pourrait couper les services ou leur rendre l'accès très difficile aux services. Alors, je tenais à faire cette précision-là.

Je reviens au mémoire de la Vérificatrice générale, en page 7, où elle dit, justement : «Il est prévu dans le projet de loi de ne pas pénaliser ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas avoir un identifiant numérique national.» Et elle nous dit qu'«il sera important de s'assurer que ce sera effectivement le cas et que ceux-ci pourront accéder facilement et efficacement à tous les services gouvernementaux».

Alors, je vais vous parler ici de l'enjeu de la littératie, la littératie, point, et la littératie numérique. Il y a triste constat, très triste constat, seuls 46,8 % des Québécois, donc moins d'un sur deux, seuls 46,8 % des Québécois maîtrisent les compétences en littératie pour lire, apprendre, agir à partir de ce qu'ils lisent. Ça veut dire que 53,2 % des Québécois ne maîtrisent pas ces compétences. Certains ne savent pas lire du tout. D'autres savent lire, mais ils ne comprennent pas ce qu'ils lisent. Du moins, ils ne comprennent pas assez bien le sens des mots, le sens des mots mis ensemble, donc le sens des phrases, pour être capables de savoir ce qu'il faut faire, de comprendre ce qui leur est expliqué par écrit. C'est énorme.

Alors, le Centre Alpha-Sourd Rive-Sud, toujours lui, nous dit... nous met en garde, en disant : «Le fait de fixer des cibles et des taux d'utilisation pour l'identité numérique sous-entend que ce moyen d'accéder aux services publics sera probablement favorisé.» On comprend qu'on veut simplifier... Le gouvernement veut simplifier la vie et l'accès aux services par ce projet de loi, par la création d'une identité numérique, mais ne veut pas l'imposer. Mais, quand on regarde ces chiffres-là sur la littératie, on se dit : Ça va être difficile d'atteindre un 30 %, 35 %, 40 %, 50 %, même, d'utilisation parce qu'il faut y adhérer, comme je le disais tout à l'heure, il faut avoir confiance que le système fonctionne bien. Ça prend de la communication pour ça, d'où l'idée... le besoin d'avoir une feuille de route pour identifier toutes ces étapes du projet. Mais, si autant de personnes ne peuvent pas comprendre, ces personnes-là ne pourront pas utiliser l'identité numérique nationale.

Et aussi ce que le Centre Alpha-Sourd nous rappelle... en fait, ce qu'il nous dit, c'est que, sur le terrain, on observe déjà que l'accès aux alternatives non numériques est plus complexe, par exemple, parce que les bureaux de service ferment et qu'il faut se déplacer sur de plus longues distances pour avoir un service en personne, alors il faut se déplacer. S'il y a des bureaux qui ferment, il y en a moins, donc les distances sont plus grandes, ça coûte plus cher, il faut être mobile, il faut y aller. Alors, il ne faut pas oublier ce point-là. En ne rendant pas l'utilisation d'identité numérique obligatoire, ça veut dire qu'on ne veut pas laisser ces personnes pour compte, mais il faut que les conditions soient réunies pour que ces personnes ne soient pas laissées pour compte. Alors, ça, c'est fort important pour la question de littératie, point.

Maintenant, en terminant, j'arrive à la question de la littératie numérique. Je pense aux aînés. Je suis certaine que, s'il y a des jeunes qui nous écoutent, ils ont déjà aidé leurs parents ou leurs grands-parents à s'y retrouver sur un média social ou bien sur d'autres applications sur leur téléphone ou sur leur tablette. Mais sachons... gardons en tête que l'identité numérique, c'est sensible, comme information, et il y a toute la question des finances. Et, malheureusement, la maltraitance financière est un fléau qui affecte les aînés, et, malheureusement, la maltraitance, les chiffres nous montrent que c'est souvent... ça vient plus souvent de la part de membres de la famille que de l'extérieur. Alors, il faut être très, très, très vigilants pour les aînés par rapport à l'identité numérique nationale.

Sur ce, je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée, pour votre intervention. Maintenant, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le projet de loi n° 82?

Mise aux voix

Comme il n'y a pas d'autre intervention, le projet de loi n° 82, Loi concernant l'identité numérique nationale et modifiant d'autres dispositions, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la Commission des finances publiques

M. Caire : Oui, Mme la Présidente. Conformément à l'article 243 de notre règlement, je fais motion afin que le projet de loi n° 82, Loi concernant l'identité numérique nationale et modifiant d'autres dispositions, soit déféré à la Commission des finances publiques pour son étude détaillée et que le ministre de la Cybersécurité et du Numérique soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté. M. le leader adjoint, pour la suite de nos travaux.

M. Caire : Oui, Mme la Présidente. Pouvez-vous suspendre nos travaux jusqu'à 13 h 40, s'il vous plaît?

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Bien sûr. Donc, afin de permettre la tenue des affaires courantes, cet après-midi, je suspends les travaux jusqu'à 13 h 40.

(Suspension de la séance à 11 h 50)

(Reprise à 13 h 40)

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Alors, bonjour à toutes, bonjour à tous. Collègues, prenez place, nous allons débuter nos travaux.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Nous sommes à la rubrique Déclarations des députés. Et, sans plus tarder, je reconnais M. le député de Chauveau.

Saluer le projet socioprofessionnel Café-In de l'organisme Servio

M. Sylvain Lévesque

M. Lévesque (Chauveau) : Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec fierté que je mets en valeur le projet socioprofessionnel Café-In, mis sur pied par l'organisme Servio, anciennement L'Association des TCC des deux rives, à Loretteville.

Je salue, dans les tribunes, le directeur général, Benoit Durand, le directeur adjoint Rive-Sud, Simon Demers, la directrice adjointe Rive-Nord, Caroline Gauvin la responsable philanthropique, Annabelle Ross, l'agent de communication, Jean-Luc Jolivet, et le responsable du Café-In, Patrick Bérubé Deschamps.

Après plusieurs mois de travail, c'est le 2 octobre dernier, journée du 35e anniversaire de Servio, que le projet socioprofessionnel Café-In a été inauguré. S'inscrivant dans les pas de la populaire cuisine collective, Café-In permet à ses membres de mettre la main à la pâte dans tout ce que produit le service de restauration. Ouvert au public, Café-In est une occasion de sensibiliser la population aux réalités que vivent les personnes ayant subi un traumatisme craniocérébral modéré ou sévère.

Bon succès, Café-In! Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de Chauveau. Et bienvenue parmi nous.

Je reconnais maintenant Mme la députée de La Pinière.

Souligner la Semaine de la canne blanche

Mme Linda Caron

Mme Caron : En cette Semaine de la canne blanche, j'attire notre attention sur le sort de plus de 200 000 Québécois et Québécoises en situation de handicap visuel à la suite d'un accident, d'une maladie ou du vieillissement.

Cinq capsules illustrant un cas vécu seront diffusées chaque jour, cette semaine, sur le canal YouTube du Regroupement des aveugles et des amblyopes du Québec afin de nous sensibiliser au parcours du combattant et aux délais déraisonnables pour obtenir le moindre service.

De quatre enjeux majeurs découle la détérioration des services de réadaptation : le manque d'information sur les services disponibles, la pénurie de personnel dans les centres de réadaptation, l'inadéquation entre formation exigée et besoins du terrain, la déshumanisation du processus d'intervention.

Vivement des services en temps opportun pour assurer l'autonomie des personnes aveugles et malvoyantes.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de La Pinière. La parole revient maintenant à M. le député de Drummond—Bois-Francs.

Rendre hommage à M. Brian Illick

M. Sébastien Schneeberger

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. Aujourd'hui, je souligne l'intronisation de M. Brian Illick au Temple de la renommée des affaires de la Chambre de commerce et d'industrie Drummond. Il devient ainsi le 38e bâtisseur.

En 1993, il prend la tête de la compagnie d'assurance fondée par son père. Il entreprend alors une phase d'expansion qui mènera à six sociétés d'assurance avec une centaine d'employés. Curieux de nature, Brian Illick devient co et propriétaire de 17 compagnies dans le domaine de la restauration, l'alimentation, l'imprimerie, et l'ambition le porte même à fonder Les Vallons de Wadleigh, un vignoble à Ulverton.

Philanthrope de nature, il s'implique auprès d'une quinzaine d'organismes, président de la chambre de commerce, du club de hockey des Voltigeurs, bénévole auprès du Club Rotary, Centre Normand-Léveillé, Société canadienne du cancer et la Fondation Sainte-Croix/Heriot, mais, le tout, c'est sa gentillesse et son humour que nous apprécions le plus.

Brian, tu mérites amplement cet honneur. Nous sommes fiers de toi.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs. Je cède maintenant la parole à M. le député de Jean-Lesage.

Partager une lettre du comité des usagers du 388

M. Sol Zanetti

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Voici des extraits d'une lettre remise au ministre de la Santé et des Services sociaux de la part du comité des usagers du 388, que le CIUSSS de la Capitale-Nationale s'apprête à fermer par manque de vision.

Je cite : «Cette annonce de fermeture a eu l'effet d'une bombe, anéantissant d'un seul coup tout espoir de guérison. La prévention coûte beaucoup moins cher que les hospitalisations et tout le monde devrait avoir la possibilité de choisir l'approche qu'il juge la plus appropriée. Le 388 est bien plus qu'un centre de traitement des psychoses : c'est une communauté où chacun retrouve confiance, sourire et espoir. On a vu des pairs s'épanouir. Devenir artistes, enseignants, fonctionnaires, infirmiers. La rapidité avec laquelle ce lieu permet à ses usagers de se reconstruire est remarquable. Il faut maintenir le traitement du 388 et même en implanter de semblables partout dans la province, plutôt que de le faire disparaître.»

En espérant, M. le Président, que ces paroles justes seront entendues.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de Jean-Lesage. Au tour, maintenant, de Mme la députée d'Argenteuil.

Souligner l'efficacité des interventions préventives d'Hydro-Québec
dans la circonscription d'Argenteuil

Mme Agnès Grondin

Mme Grondin : Merci. Au cours des dernières années, la région des Laurentides a été touchée par plusieurs aléas climatiques, particulièrement en Argenteuil, où la force du vent a remporté le duel sur de nombreuses infrastructures, laissant les citoyens dans un noir total trop longtemps.

En milieu rural forestier, la gestion de la végétation près des lignes électriques est un enjeu de sécurité. Depuis plusieurs mois, les équipes d'Hydro-Québec effectuent des interventions préventives, au déplaisir de certains propriétaires amoureux de leurs paysages quotidiens. Mais, lundi dernier, toute la province a été balayée par de grands vents et des rafales qui dépassaient les 90 kilomètres à l'heure. Dans ma circonscription, très peu de pannes ont été répertoriées. Du jamais-vu, M. le Président.

Je tiens donc à saluer la collaboration entre les équipes d'Hydro, les ouvriers en émondage et, dans certains cas, les municipalités, qui ont su trouver la meilleure façon que nos coeurs restent au chaud.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée d'Argenteuil. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Dans le cadre du Mois de l'histoire des Noirs, souligner le
travail et l'engagement de citoyens de la circonscription
de Notre-Dame-de-Grâce

Mme Désirée McGraw

Mme McGraw : Merci, M. le Président. En ce mois de février, le Mois de l'histoire des Noirs, et notamment, c'est une occasion en or pour reconnaître et rendre hommage aux immenses contributions des communautés noires, ici, à la société québécoise.

Dans mon comté de Notre-Dame-de-Grâce, cet héritage est particulièrement prononcé, avec un leadership fort, génération après génération.

I'm honored to recognize three of NDG's most prominent black leaders, with us here today, whose contributions to our community are nothing short of heroic. We have with us Nadine Collins, a radiant champion of women in NDG and everywhere, who serves as executive director of Women on the rise; Simeon Pompey, who leads both the Caribbean Coalition Network of Montréal and comité jeunesse NDG while also teaching at Dawson College, he is a local superstar. Miranda Potts is the executive director of Outreach and Education at the Eva Marsden Center for Social Justice and Aging and an unwavering advocate for seniors everywhere in our community.

Merci pour votre engagement. On est très fiers de vous. Merci.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Et bienvenue à vous à notre Assemblée nationale.

Je reconnais maintenant Mme la députée de Hull.

Rendre hommage à Mme Jo-Anne Donoghue

Mme Suzanne Tremblay

Mme Tremblay : Merci, M. le Président. En décembre dernier, j'ai eu le plaisir et l'honneur de remettre la Médaille de la députée de l'Assemblée nationale du Québec à une figure incontournable du monde culturel en Outaouais, Mme Jo-Anne Donoghue.

Auteure-compositrice, scénariste et metteure en scène d'oeuvres originales, elle se dévoue depuis plus de 35 ans aux arts de la scène à Gatineau et dans l'Outaouais.

Fondatrice, directrice de L'Artishow, elle a créé une véritable plateforme de production, de formation et d'encadrement pour la relève artistique en Outaouais. Elle croit fermement en la possibilité de bâtir une industrie culturelle forte et ancrée dans notre région, offrant ainsi aux artistes un espace pour grandir et s'épanouir. Son engagement auprès de la jeunesse a permis de former plusieurs artistes talentueux.

Par sa passion et son dévouement, elle a profondément enrichi la culture de l'Outaouais et marqué durablement son milieu artistique. Elle poursuit son engagement en partageant son expertise à travers de nombreux projets, inspirant ainsi toute une communauté.

Merci, Mme Donoghue, pour votre contribution exceptionnelle.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de Hull. Et la parole revient maintenant à M. le député de Saint-Jean.

Souligner le 250e anniversaire du siège du fort Saint-Jean

M. Louis Lemieux

M. Lemieux : M. le Président, je me souviens. Donc, un peu d'histoire sur le sujet du 51e État américain, qui est d'autant plus sur toutes les lèvres que le nouveau président américain nous plonge dans un scénario de guerre commerciale en même temps qu'il nous invite à devenir son 51e État.

Cette lubie américaine commence en 1775, lors de leur guerre d'indépendance. Les Britanniques contrôlaient alors le territoire qui est devenu le Canada.

Il y a donc exactement 250 ans cette année, les Américains partaient à l'assaut de Québec. Chemin faisant, ils se sont butés au fort Saint-Jean, qu'ils ont dû assiéger, et c'est le fort Saint-Jean qui a probablement... et son siège, qui a probablement tout changé dans la suite de l'histoire de notre nation. Le petit poste militaire sur le Richelieu du temps, devenu aujourd'hui Saint-Jean-sur-Richelieu, a permis de retenir les forces américaines pendant plusieurs semaines, entraînant leur défaite à Québec.

Nous ne sommes donc pas devenus américains cette fois-là, ni les autres tentatives depuis. Notre réponse a toujours été et demeurera : Non, merci.

• (13 h 50) •

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Merci pour ce morceau d'histoire.

Et je reconnais maintenant Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Rendre hommage à M. Gilles Bourdon

Mme Marie-Louise Tardif

Mme Tardif : Après une vie professionnelle bien occupée à titre de comptable pour différentes entreprises, M. Gilles Bourdon a pris une retraite bien méritée.

En fait, sa retraite a duré trois jours. Il a accepté de revenir travailler pour l'organisme SIT Mauricie à titre de coordonnateur au développement des affaires.

Il faut dire qu'il est très dynamique, convaincant, persévérant et travaillant. C'est lui qui rencontre les entreprises et qui vante les avantages de donner à sous-contrat certaines tâches aux personnes vivant avec une problématique de santé mentale. Et, en grande partie grâce à lui, plus de 20 personnes minutieuses et travaillantes s'épanouissent sur des plateaux de travail.

À 77 ans, Gilles aime encore s'occuper des clients et des travailleurs.

Merci, Gilles. Vous êtes merveilleux.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice. Au tour, maintenant, de Mme la députée de Rimouski.

Rendre hommage à Mme Monique Vézina

Mme Maïté Blanchette Vézina

Mme Blanchette Vézina : Merci. Merci, M. le Président. Aujourd'hui, je voudrais rendre hommage à une femme d'exception de ma circonscription qui est décédée récemment, Mme Monique Vézina.

Femme politique et gestionnaire, Monique était une personne de conviction, d'engagement, qui a toujours recherché une plus grande justice sociale. Elle a grandement contribué à l'avancement des femmes et à leur participation à la vie publique. Ce sont des femmes comme Monique Vézina qui ont ouvert la voie aux femmes en politique.

Née à Rimouski en 1935, elle s'est impliquée dans de nombreux organismes du Bas-Saint-Laurent. Députée de la circonscription de Rimouski-Témiscouata à la Chambre des communes de 1984 à 1993, Monique a dirigé plusieurs ministères. En tant que personnalité politique, elle a pris part à de nombreux projets qui auront marqué le Québec, le développement socioéconomique de l'Est du Québec.

En 2005, Monique Vézina reçoit l'insigne d'officière de l'Ordre national du Québec.

À Marie-Andrée, Mireille, Marie-Claire et Marc, mes plus sincères condoléances. Monique et Jean Yves vont continuer de veiller sur vous. Merci.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de Rimouski. Je reconnais maintenant M. le député de Taillon.

Souligner la Semaine nationale de prévention du suicide

M. Lionel Carmant

M. Carmant : Merci, M. le Président. J'ai eu le plaisir de participer, avec le député de Vanier-Les Rivières, au lancement des activités de la semaine de prévention du suicide, un événement annuel de sensibilisation et de mobilisation chapeauté par l'Association québécoise de prévention du suicide depuis 1991.

Jusqu'au 8 février, de nombreuses activités auront lieu un peu partout au Québec, dans chaque communauté, pour sensibiliser les citoyens et les décideurs à l'ampleur du problème et à mobiliser la population afin que tous jouent un rôle actif pour le prévenir. L'objectif est également de mieux faire connaître les ressources disponibles, dont la ligne 1 866 appelle, le 535353 et suicide.ca, en plus de normaliser et encourager la demande d'aide.

Je tiens donc à exprimer toute ma gratitude envers les personnes qui oeuvrent ensemble à prévenir le suicide et à offrir de l'aide aux personnes en détresse psychologique. Votre travail est indispensable, et sachez que la population est derrière vous, mobilisée pour agir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de Taillon. Et la parole revient maintenant à M. le député de Lévis.

Féliciter Mme Sylvie Héon, lauréate du Prix d'alphabétisation
du Conseil de la fédération

M. Bernard Drainville

M. Drainville : M. le Président, depuis 2004, le Prix d'alphabétisation du Conseil de la fédération souligne les efforts exceptionnels des apprenants adultes dans le domaine de l'alphabétisation, et ce, à travers le pays.

Aujourd'hui, je suis fier de vous présenter la lauréate du Prix d'alphabétisation du Conseil de la fédération de l'année 2024 pour le Québec, Mme Héon, qui est ici avec nous.

Âgée de 54 ans — on l'applaudit — âgée de 54 ans, mère monoparentale de trois enfants, Mme Héon est un exemple de courage et de détermination.

À l'automne 2023, elle a effectué un retour aux études au centre de formation Rimouski-Neigette. Grâce à ses efforts, elle a réalisé des progrès spectaculaires.

Elle est également bénévole dans un organisme qui vient en aide aux victimes de violence entre partenaires. Elle est source de fierté pour ses enfants, qui voient bien que, malgré les obstacles, on peut réaliser de grandes choses. Grâce au soutien de l'équipe du centre Rimouski-Neigette, elle poursuit maintenant des études universitaires dans le domaine psychosocial.

Je vous invite à vous joindre à moi pour applaudir à nouveau Mme Sylvie Héon, fière lauréate québécoise du prix...

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Félicitations, Mme Héon! Merci, M. le député de Lévis.

Alors, écoutez, voilà qui met fin à la rubrique Déclaration des députés. Je remercie chaque collègue pour votre déclaration.

Nous allons suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 13 h 55)

(Reprise à 14 h 04)

La Présidente : Bonjour, tout le monde. Vous êtes nombreux aujourd'hui, en ce mardi 4 février 2025. Mesdames messieurs, bienvenue. Le parlement du Québec, c'est chez vous.

Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Merci beaucoup. Veuillez vous asseoir.

Présence du consul général de Turquie, M. Zeki Öztürk

Eh bien, aujourd'hui, j'ai le plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, du consul général de Turquie, M. Zeki Öztürk, à l'occasion de sa visite de prise de poste.

Décision de la présidence concernant la demande de débat d'urgence
au sujet de l'imposition de tarifs douaniers par les États-Unis

Voilà. J'ai reçu, conformément aux dispositions de l'article 88 et suivants du règlement, une demande de débat d'urgence de la part du leader du deuxième groupe d'opposition concernant l'imposition par les États-Unis de tarifs douaniers de 25 % sur les produits canadiens.

Le leader du deuxième groupe d'opposition allègue qu'après plusieurs semaines de spéculations et de débats hypothétiques la menace des tarifs se concrétise, compromettant l'économie québécoise et la stabilité de plusieurs entreprises et travailleurs. Il soutient que l'imposition de tarifs entraînera des répercussions directes sur l'économie du Québec, en ce qu'elle va nuire à la compétitivité des entreprises québécoises, menacer des milliers d'emplois, freiner les investissements, fragiliser les chaînes d'approvisionnement et augmenter le coût de la vie. Le leader du deuxième groupe d'opposition fait également valoir qu'il est essentiel que les élus puissent prendre la parole pour démontrer leur engagement, discuter de solutions et rassurer la population et les commerçants qui ont des inquiétudes face à l'incertitude économique engendrée par lesdits tarifs. C'est pourquoi, selon lui, un tel débat doit se faire de manière urgente, et ce, malgré la décision de surseoir à l'application des tarifs annoncée hier.

À la lumière des critères qui découlent du règlement et de notre jurisprudence parlementaire, j'en viens aux constats suivants quant à la recevabilité ce cette demande.

Tout d'abord, elle porte sur un sujet précis et d'une importance particulière. La jurisprudence a établi que le sujet doit concerner une crise aiguë et soudaine ou l'aggravation d'une telle crise. Dans le cas présent, bien que la menace d'imposition de tarifs douaniers ait été dans l'actualité depuis un certain temps, cette menace était hypothétique jusqu'à sa concrétisation par le président des États-Unis le 1er février dernier. En ce sens, la mise à exécution de la menace constitue une aggravation soudaine de la situation. Il est vrai que le président des États-Unis a annoncé hier que ces tarifs seront suspendus pour un mois, mais cela ne rend pas l'enjeu moins important. Le Québec doit quand même se préparer à leur entrée en vigueur, et la crise est toujours sérieuse. Je reviendrai d'ailleurs sur cet aspect dans ma conclusion.

Il faut également que le sujet relève de la compétence de l'Assemblée. Cela est clairement le cas ici, comme le démontre la jurisprudence traitant de débats d'urgence sous l'angle de mesures économiques étrangères ayant des impacts sur l'économie québécoise. En effet, bien qu'ils aient une dimension internationale et pancanadienne, les tarifs douaniers imposés par les États-Unis entraîneront des conséquences tangibles au Québec, le Québec qui dispose de nombreux moyens d'action financiers et commerciaux afin d'y répondre.

La présidence doit aussi se demander si le sujet ne peut ou n'aurait pu être discuté autrement. Elle doit considérer s'il a été abordé dans d'autres circonstances et les occasions prochaines de le faire. Nous en sommes à la première journée où l'Assemblée siège depuis la mise à exécution de la menace des tarifs douaniers. Il s'agit donc de la première occasion dont l'Assemblée disposera pour réellement débattre de cet enjeu. Bien qu'une déclaration ministérielle portera également sur ce sujet dans quelques minutes, il s'agit d'une procédure parlementaire distincte, avec un objectif différent, qui ne peut se faire qu'à l'initiative de l'Exécutif. Ce geste posé par l'Exécutif illustre néanmoins l'importance accordée à l'imposition de ces tarifs.

Cela m'amène au principal critère de recevabilité, qui demeure l'évaluation de l'urgence de tenir un tel débat. Il faut que les circonstances soient exceptionnelles et le sujet d'une importance telle qu'il justifie l'interruption des travaux législatifs, et il revient à la présidence d'interpréter ce critère. En l'espèce, je considère que la gravité de la situation est d'une telle ampleur qu'elle justifie la tenue d'un débat d'urgence. La population est en droit de s'attendre à une réaction des parlementaires, et ces derniers doivent pouvoir s'exprimer sur le sujet. Cela est d'autant plus vrai que j'ai été informée que les parlementaires sont d'accord pour la tenue de ce débat d'urgence.

Alors, pour toutes ces raisons, je déclare la demande de débat d'urgence formulée par le leader du deuxième groupe d'opposition recevable.

Cela dit, oui, M. le leader du deuxième groupe d'opposition, je vous reconnais.

• (14 h 10) •

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Nous vous remercions tous et toutes pour cette décision importante. Dans les circonstances exceptionnelles qui nous occupent, voire historiques, il est essentiel que les élus puissent s'adresser aux Québécois et aux Québécoises au sein de leur Parlement. Merci beaucoup.

La Présidente : Et je vous rappelle à toutes et à tous que le débat aura lieu un peu plus tard aujourd'hui.

Déclarations ministérielles

Nous poursuivons les affaires courantes. À la rubrique Déclarations ministérielles, M. le premier ministre.

Tarifs douaniers américains

M. François Legault

M. Legault : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Je tenais, aujourd'hui, à m'adresser à tous les élus de l'Assemblée nationale et à tous les Québécois parce qu'on fait face à une attaque économique brutale des États-Unis, une attaque brutale contre le Canada, contre le Québec.

Malgré le report des tarifs, la menace plane toujours au-dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès, et l'incertitude créée par M. Trump a déjà des effets négatifs sur l'économie du Canada, sur l'économie du Québec.

L'incertitude, c'est un poison pour l'économie. L'incertitude, ça rend frileuses toutes les entreprises qui ont des projets d'investissement. C'est un peu comme si l'économie du Canada et du Québec était sur pause. Je répète qu'on doit commencer à renégocier l'accord de libre-échange avec les États-Unis le plus vite possible, ne pas attendre la révision qui est prévue en 2026, mais le faire le plus vite possible pour, justement, se débarrasser de cette incertitude.

L'économie, ce n'est pas anodin. C'est l'économie qui nous permet d'investir en éducation, en santé, dans la culture, de prendre toutes les responsabilités de l'État. L'économie, la création de richesse, ce n'est pas une fin en soi, mais c'est un moyen qui nous permet de pouvoir avancer, de pouvoir aller au-devant de nos ambitions.

Notre principal partenaire économique nous menace de nous attaquer. En quelques jours, notre monde a changé. Pour qu'on soit en mesure de passer au travers, il va falloir un énorme effort collectif, avec beaucoup de détermination, beaucoup d'endurance.

D'abord, sans dramatiser la situation, on ne doit pas se faire d'illusions, le peuple québécois est un peuple d'exportateurs, et 71 %, depuis plusieurs années, de nos exportations se font aux États-Unis. Si l'administration Trump s'entête, ce qui nous attend, dans les prochains mois, ce sont des milliers de travailleurs qui risquent de perdre leurs emplois. Ce qui nous attend, ce sont des chefs d'entreprise qui vont être obligés de se démener, dans certains cas, pour survivre. Et, Mme la Présidente, j'ai vécu une situation comme ça en 1990, quand j'étais président d'une compagnie aérienne, lorsqu'il y a eu la guerre du Golfe. On se retrouvait dans une situation où il y avait une explosion par 10 du coût du carburant, on n'était plus capables d'assurer nos avions, donc on a pensé y passer. Et donc je suis très sensible au stress, à l'anxiété que vivent nos dirigeants d'entreprise qui exportent aux États-Unis.

Ce qui nous attend, malheureusement, c'est que certaines industries soient frappées de plein fouet, entre autres des industries qui font vivre beaucoup de familles dans les régions du Québec. Je pense à l'industrie forestière, je pense à la transformation de l'aluminium, je pense à l'industrie agroalimentaire. On ne va pas se dorer la pilule. Si M. Trump nous impose des tarifs de 25 %, les experts nous prédisent plus de 100 000 pertes d'emplois au Québec.

Évidemment, on doit se tenir debout face à l'administration Trump, puis on est prêts à le faire, toutes les provinces ensemble. Il y aura... il y aurait des mesures, donc, autant fédérales que de la part du gouvernement du Québec. Mais, Mme la Présidente, on doit faire attention de ne pas se faire mal à nous-mêmes. Je comprends qu'il y en ait qui souhaitent qu'on réplique durement, fortement, qu'on mette des contre-tarifs, dollar pour dollar, mais on doit garder la tête froide. Il faut être intelligents. Faire mal au gouvernement Trump, oui, mais faire mal à nos propres entreprises, non. Il faut être prudents.

Je vous donne un exemple, Mme la Présidente. On importe des États-Unis beaucoup d'intrants. J'ai rencontré des entreprises dans le secteur de l'aluminium, du métal qui nous disent : Si, demain matin, on met des contre-tarifs sur nos intrants qui viennent des États-Unis, nos produits finaux ne seront plus compétitifs, donc on ne sera plus capables de les vendre en Europe, partout dans le monde. Donc, il faut être prudents, il faut être intelligents dans notre réplique.

Évidemment, ce que tout le monde souhaite, c'est que M. Trump recule. Mais, quand on voit aller M. Trump, je pense qu'on ne peut pas se fier là-dessus puis penser que c'est ça qui va arriver.

Donc, Mme la Présidente, on a le devoir d'entreprendre un grand, un long chantier pour rendre notre économie moins dépendante aux États-Unis. Comment on fait ça? Bien, d'abord, il faut se dire qu'on n'est pas démunis. Depuis quelques années, notre économie croît à un rythme plus rapide que celle du reste du Canada. Je l'ai souvent répété, mais, il faut quand même le constater, depuis six ans notre PIB par habitant, donc notre richesse par habitant, a crû plus rapidement que le PIB par habitant du reste du Canada. On a aussi, au Québec... on est chanceux d'avoir des instruments d'État qui sont puissants, avec Hydro-Québec, avec la Caisse de dépôt, avec Investissement Québec. On a aussi des institutions financières fortes comme la Banque Nationale, comme Desjardins, dont j'ai rencontré le président hier, puis qui nous promettent leur appui dans cette lutte. On a aussi des compagnies d'assurance. On a nos fonds des travailleurs, la FTQ, CSN. Puis on a plusieurs belles institutions qui sont selon le modèle qu'on a appelé le modèle québécois.

Donc, qu'est-ce qu'on doit faire? La première chose qu'on doit faire, à court terme, c'est de se préparer à aider les entreprises à passer au travers, donc aider du côté des liquidités, mais immédiatement il faut travailler aussi sur le structurel. On doit déployer l'économie du Québec d'une nouvelle façon. On doit redéployer l'économie du Québec région par région. Dans les dernières décennies, ça a été vrai sous tous les gouvernements depuis des décennies, on a trop misé sur la proximité du marché américain. On a réussi à augmenter les exportations dans le reste du monde, mais, avec le boom économique qu'il y a eu lieu aux États-Unis, il y a eu une augmentation importante aussi aux États-Unis. Donc, le 71 % est stable depuis très longtemps. Donc, il faut maintenant redéployer notre économie dans des nouveaux marchés internationaux.

Mais, avant de parler des marchés internationaux, il ne faut pas oublier le meilleur marché, le marché du Québec. Acheter québécois, c'est ce qui est le plus efficace pour protéger nos emplois. C'est vrai pour le gouvernement, c'est vrai pour les entreprises, c'est vrai pour les consommateurs. Je pense que ça doit être notre premier chantier. On doit miser avant tout sur nous-mêmes. On doit développer ce réflexe de regarder d'abord vers le Québec, d'abord vers nos produits, d'abord vers nos technologies, vers notre savoir-faire.

• (14 h 20) •

Le deuxième marché d'exploitation... d'exportation du Québec, c'est le reste du Canada. Et on a un chantier, là aussi, il faut bien se l'avouer. On doit augmenter nos échanges avec le reste du Canada et, oui, on doit travailler à un vrai libre-échange entre les provinces canadiennes.

Nos entreprises doivent aussi tout faire pour fabriquer ici, au Québec, des produits pour remplacer les produits qu'on importe d'ailleurs. Et Investissement Québec est prêt à aider tous les bons projets. Mais on doit aussi redéployer notre économie dans des secteurs où on a des avantages compétitifs. On ne peut pas être bons dans tout, mais on a plusieurs avantages compétitifs. On a développé une expertise en aérospatiale. On a des grandes alumineries. On a des minéraux critiques. On est forts en intelligence artificielle. On est forts en informatique, en électronique, en quantique. Et surtout, surtout, Mme la Présidente, on a de l'énergie renouvelable.

Ça fait plusieurs années que je travaille à relancer les grands chantiers chez Hydro-Québec parce que je suis convaincu, depuis longtemps, qu'Hydro-Québec, c'est la plus grande force du Québec. Et on a maintenant un plan ambitieux chez Hydro-Québec pour doubler sa capacité. Ça veut dire qu'on parle du plus grand chantier de toute l'histoire du Québec. Puis on ne parle pas dans 10 ans, on parle de maintenant.

En décembre dernier, j'ai signé une entente avec le premier ministre de Terre-Neuve jusqu'en 2085. Les tarifs qui sont dans ces ententes vont nous permettre d'économiser 200 milliards de dollars par rapport à tous les projets alternatifs qu'on aurait pu faire. Et, Mme la Présidente, on entend souvent dire : Les politiciens pensent à court terme, pensent à la prochaine élection, mais, quand on a signé l'entente avec Terre-Neuve, on a d'abord pensé aux prochaines générations.

On travaille aussi sur plein de projets, au Québec, plein de projets dans l'éolien pour aussi augmenter la puissance des centrales, que ce soit dans le Nord-du-Québec, à La Grande, que ce soit sur la Côte-Nord. Pas plus tard que la semaine passée, j'étais avec les représentants d'une nation innue puis une MRC pour annoncer un grand projet éolien au Saguenay—Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord.

L'immense chantier d'Hydro-Québec, ça va créer un premier boom économique dans nos régions quand on va les construire, donc on parle des prochains mois, des prochaines années, mais on va avoir ensuite un deuxième boom économique quand les entreprises vont se développer ici, au Québec, avec un avantage compétitif incomparable, de l'énergie renouvelable à bas coût. Et il faut qu'on regarde... qu'on garde les yeux sur les prochaines décennies, sur le long terme. Même s'il y a de la résistance, actuellement, l'économie de l'avenir, c'est l'électricité, c'est l'économie verte. Et là-dessus le Québec est dans une position extraordinaire, puis il faut se le dire, il faut en profiter.

Donc, bref, on a des faiblesses qu'on traîne depuis des décennies, qu'on doit absolument corriger, notre productivité, la surréglementation, la bureaucratie, la taxation, on a beaucoup travaillé là-dessus depuis 2018, mais il reste encore beaucoup de travail à faire, et on a surtout, surtout, une trop grande dépendance au marché américain.

Donc, on a des faiblesses, mais on a aussi des forces, des grandes forces. On a un grand chantier générationnel. On a un grand chantier chez Hydro-Québec, mais on a aussi un grand chantier pour redéployer l'économie de chacune des régions du Québec dans des nouveaux marchés mais aussi dans des secteurs où on est capable de gagner. Il va falloir que tout le Québec s'y mette.

Aujourd'hui, je tends la main à tous les députés qui siègent ici, à l'Assemblée nationale. Je tends la main à nos entrepreneurs, à nos travailleurs, à nos chercheurs, à tous les Québécois. On va avoir besoin de tout le monde dans cette grande corvée. On est ouverts à toutes les idées, toutes les suggestions. Le monde, notre monde est en train de changer. Je n'ai pas toutes les réponses, mais ce que je sais, c'est qu'on doit se relever les manches, on doit se battre, puis on doit le faire ensemble, intelligemment, à la québécoise. Vive le Québec! Merci.

(Applaudissements)

La Présidente : Merci, M. le premier ministre. Et, par souci d'équité, chaque groupe parlementaire pourra s'exprimer durant 15 min 12 s.

M. le chef de l'opposition officielle, à vous, maintenant, pour vos commentaires.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Évidemment, évidemment, la menace tarifaire de Donald Trump crée de l'inquiétude partout, partout au Québec, partout au Canada, de l'anxiété, également, non seulement chez nos gens d'affaires, mais de l'anxiété chez les travailleurs, les travailleuses. Il faut s'occuper de notre monde.

Je reviendrai sur ce qu'a dit le premier ministre. Aussi important soit le débat, aussi unis pouvons-nous être à cette Assemblée nationale, quand même, quand même, les choses doivent être dites. Ce gouvernement est dans sa septième année. J'aurai l'occasion, durant mon 15 min 12 s, Mme la Présidente, de faire état notamment du degré de non-préparation que ce gouvernement-là nous met devant cette situation-là, un gouvernement qui n'a pas fait l'économie d'une priorité, Mme la Présidente, un gouvernement qui a vu... Et je vois que ça réagit beaucoup du côté de la banquette ministérielle, parce qu'on a l'impression de venir briser un peu, un peu ce qui voulait être fait aujourd'hui, à savoir une sorte de grand rassemblement, que tout va bien puis qu'on regarde en avant. On a perdu sept ans avec la Coalition avenir Québec.

Je vous donne une seule statistique, et celles et ceux qui maugréent en face, Mme la Présidente, pourront nous répondre si c'est vrai ou faux. La vérité est que, durant les cinq années de la Coalition avenir Québec, la productivité de nos entreprises est à 0,1 %. 0,1 %. À toutes fins pratiques, c'est 0 %, de gains de productivité pour nos entreprises, nos PME. Alors que le premier ministre vient de dire : Je n'ai pas toutes les réponses, on lui en faisait, pendant sept ans, Mme la Présidente, des propositions. On en faisait, des propositions, on a sonné l'alarme, Mme la Présidente. Et aujourd'hui le Québec n'est pas où il aurait dû être, n'eût été de ces années-là, évidemment, de la Coalition avenir Québec.

Évidemment, face aux menaces, et j'y reviendrai dans mon 15 minutes, face aux menaces de Donald Trump, Mme la Présidente, force est de constater qu'hier le sursis n'est que, finalement, la fin du premier domino qui est tombé. Il y en aura d'autres, dominos. Donald Trump va revenir, il faut en être conscients. La menace, il y a un sursis quant à la menace, mais, dans 30 jours très exactement, nous nous retrouverons fort probablement comme hier matin, lorsque nous avions, c'était imminent, évidemment, les tarifs qui allaient nous tomber dessus, qui allaient lourdement affecter nos entreprises, nos travailleurs au Québec et au Canada.

• (14 h 30) •

Donc, ce sursis fait en sorte, aujourd'hui, que nous avons 30 jours additionnels, collectivement, pour se préparer. Et l'opposition officielle libérale va continuer de faire ce qu'elle a fait, durant les six dernières années : faire des propositions tangibles et demander des choses très, très concrètes au gouvernement, qu'il agisse, qu'il prépare les choses et qu'il arrête de les subir, Mme la Présidente.

Donc, le Canada, le Québec au premier titre, doit se serrer les coudes. On doit se serrer les coudes, on doit se défendre puis on doit être meilleurs. On doit se serrer les coudes avec nos alliés du Canada. N'en déplaise à certains ici, en cette Chambre, le marché économique canadien est un marché extraordinaire. 40 millions d'habitants, Mme la Présidente. C'est 1 300 milliards d'échanges économiques entre le Québec et le Canada annuellement, c'est un peu plus de 3,5 milliards par jour d'échanges économiques. Ce marché, ce grand marché économique canadien là, nous devons réaliser toute l'importance qu'il a dans nos vies de façon très tangible, et un Québec isolé, un Québec seul, pour celles et ceux qui imaginent le grand soir de la souveraineté, ne saurait répondre de façon aussi efficace et aussi déterminante que le marché économique canadien.

On l'a déjà dit, nous, libéraux : Québécois, c'est notre façon d'être Canadiens. On l'a bâti, ce pays-là, il nous appartient, puis on a des leviers économiques formidables. Les chiffres sont là, ils parlent. Quand le Canada et le Québec parlent d'une même voix, les États-Unis écoutent, Mme la Présidente. Ce n'est pas pour rien que Donald Trump a décidé de mettre de l'avant un sursis de 30 jours. Il y a une réussite là. Mais la partie ne fait que commencer. Donald Trump sera là pendant quatre ans. Le long terme, c'est quatre ans. Le moyen terme, c'est peut-être deux ans, Mme la Présidente, avec les élections de mi-mandat. On verra quels auront été les impacts au sein de nos alliés, États américains, les États bleus, notamment, tels que New York, faire en sorte de stimuler les échanges diplomatiques. Québec a sa carte à jouer. Québec a sa carte à jouer, mais dans le concert fédéral, dans le concert canadien, où nous devons protéger les intérêts du Québec et parler d'une seule et même voix, et chacun doit prendre son bâton du pèlerin puis aller porter ce message-là, très fort, à l'effet que le Québec et le Canada ne se laisseront pas faire, et on saura répliquer, donc, se serrer les coudes, se défendre et être meilleurs pour développer notre économie, aider nos entrepreneurs et développer nos marchés.

Je reviens sur se serrer les coudes, préparer l'aide. On se souvient de la pandémie qui nous est tombée dessus, Mme la Présidente. On s'en rappelle tous, le vendredi 13 mars ou le samedi 14 mars 2020, du jour au lendemain, le gouvernement, à ce moment-là, a mis de l'avant différents programmes. 3 milliards ont été mis de l'avant. Ça s'était fait dans la précipitation. La Vérificatrice générale du Québec avait déposé un rapport, en novembre 2021, disant qu'il y avait eu des ratés, disant que les critères n'avaient pas été appliqués de façon transparente et que d'une région à l'autre les critères étaient appliqués de façon différente, ce qui fait que certaines entreprises n'avaient pas eu droit à cette aide-là. Là, le premier ministre, il le sait. Depuis le 6 novembre dernier, il sait que c'est Donald Trump. Il sait depuis plus de deux mois que, les tarifs, la menace est là, et là il a un 30 jours de plus pour préparer l'aide, s'assurer que l'aide soit bien ciblée, soit efficace et aide non seulement, évidemment, à soutenir nos entreprises, mais à soutenir aussi, ultimement, nos emplois, les travailleuses et travailleurs du Québec. Ça, c'est se serrer les coudes, Mme la Présidente.

Et également, sous le chapitre de se serrer les coudes, et je reviendrai sur les contre-tarifs, mais le fruit des contre-tarifs, ce qu'Ottawa irait chercher à titre de contre-tarifs doit revenir, quant au Québec, sur des... à des PME, à des entrepreneurs pour soutenir des emplois qui seront identifiés notamment par l'apport du Québec. Ottawa ne peut pas faire cavalier seul quant à la redistribution du fruit des contre-tarifs, Québec doit faire... doit être dans le coup. Ça, ça veut dire que le premier ministre doit s'en assurer dès maintenant — il a 30 jours pour le faire — s'en assurer dès maintenant. On ne veut pas l'entendre se plaindre dans deux, trois mois, Mme la Présidente, dire que, finalement, on n'a pas eu d'entente puis, ce qui se passe, on n'est pas d'accord avec ce qui se passe. Il doit assumer la place du Québec au sein de la fédération canadienne et assumer ce leadership-là. Donc, redistribution des contre-tarifs, Québec doit d'ores et déjà... Puis j'imagine qu'il avait déjà commencé à le faire, parce qu'il avait été annoncé, avant que le sursis ne soit prononcé par Trump, qu'il avait déjà commencé à faire : Voici la vision du Québec, voici notre réalité sur le terrain et voici comment vous pouvez l'aider. Et, en passant, que 100 % du fruit produit de ces contre-tarifs-là aille à l'aide directe, à celles et ceux qui font face aux impacts de Trump, et non pas dans le fonds consolidé, ne serait-ce que partie, c'est important.

Se défendre, Mme la Présidente, c'est nos premières demandes. Le premier ministre a dit : L'ALENA devra être révisé en 2026. Ça, c'est l'an prochain. Le premier ministre a dit : On ne doit pas attendre, il faut commencer déjà à s'activer. Le premier ministre nous l'a promis deux fois plutôt qu'une, depuis l'élection de Donald Trump, qu'il allait, exemple, nommer un négociateur en chef. Il ne l'a toujours pas nommé. Je l'avais interpelé ici, en cette Chambre, fin novembre, début décembre, il avait dit : Oui, oui, oui, ce sera fait avant que Donald Trump ne soit assermenté. Ça a eu lieu le 20 janvier, et aujourd'hui on n'en a toujours pas, le 4 février, le lendemain du sursis de 30 jours. Alors, à un certain moment donné, c'est beau, les beaux discours, c'est important d'avoir des bons discours, mais il faut agir, Mme la Présidente. C'était une promesse réitérée plus d'une fois par le premier ministre, on n'a toujours pas notre négociateur en chef. Où s'en va le Québec?

Également, il faut déployer, intensifier notre offensive diplomatique avec des élus, parce qu'on a des alliés aux États-Unis, avec des élus à Washington, avec des États clés. Je parlais de l'État de New York, le Connecticut, l'Illinois, ce sont des États bleus, des États démocrates, et ce sont les trois premiers qui reçoivent nos exportations, New York, Connecticut, Illinois. Il faut s'activer, parler par la diplomatie québécoise. Ça existe, la diplomatie québécoise. Il faut s'activer pour faire en sorte de préparer ce qui risque de se passer dans 30 jours et que pression vienne de l'interne, aux États-Unis. On l'a demandé et on ne voit pas de façon tangible et concrète cette activation des relations bilatérales diplomatiques.

On doit obtenir du Conseil de la fédération... On est tous heureux de voir qu'ils se réunissent de façon un peu plus soutenue, mais on doit mettre sur pied une cellule de crise, une cellule qui va préparer la réplique canadienne, dans laquelle le Québec pourra avoir une voix forte. Il faut formaliser ces rencontres. Il faut ni plus ni moins qu'avoir une cellule de crise et, oui, déjà penser au renouvellement de l'ALENA, parce qu'ultimement pour Trump, c'est ça, le gain qu'il voudra, c'est resigner un ALENA, pour lui, 2.0. Bien, il faut déjà préparer nos arguments et préparer ce que nous sommes prêts à mettre sur la table, nous, Québécoises et Québécois, être intelligents sur ce qui fait le plus de sens, ce qui ne nous pénalise pas davantage, nous. Et, en ce sens-là, il faut élaborer cette... il faut élaborer cette stratégie-là.

Être meilleurs, Mme la Présidente, une fois qu'on a parlé de se serrer les coudes, de se défendre, bien, il faut être meilleurs. Il faut accélérer la diversification de nos exportations. Sous le premier ministre, les exportations du Québec aux États-Unis sont à un peu plus de 73 %, alors qu'elles étaient moindres, autour de 69 %, 70 %, avant.

Le premier ministre avait promis, en 2019, avait parlé de doubler les échanges commerciaux avec la France. Six ans plus tard, les échanges sont exactement les mêmes, ça stagne. En ce sens-là, Mme la Présidente, il faut diversifier nos exportations. Oui, diversifier nos exportations en Europe, en France, mais également développer tout le marché de l'Asie. Et il faut être moins dépendants face aux États-Unis. Pour ça, il faut aider nos manufacturiers et exportateurs, il faut aider nos PME par des programmes ciblés qui vont faire en sorte, qui sait, qu'aujourd'hui les jeunes pousses seront des joueurs excessivement importants à l'international. Et déjà les jeunes pousses sont excessivement importantes ici, au Québec, parce que ce sont des gens qui signent des chèques de paie, qui font vivre notre économie.

Puis on va en reparler dans le temps qu'il me reste, Mme la Présidente, du fait qu'ultimement, un gouvernement, c'est stimuler l'économie, avoir des finances publiques en ordre puis donner les services. C'est un échec sur ces trois chapitres, Mme la Présidente. On ne pourra pas nous faire accroire que l'économie va bien, Mme la Présidente, quand on sait qu'au Québec il y a 940 000 personnes par mois qui sont en ligne devant les banques alimentaires, imaginez-vous ça, près de 1 million de notre monde en ligne, par mois, dans les banques alimentaires. Savez-vous aussi que 20 % de ces Québécoises et Québécois ont un emploi? Le contrat social, sous la CAQ, a été brisé. Vous aviez un emploi, jadis, vous pouviez vous en tirer. Aujourd'hui, 20 % de ceux qui sont en ligne d'attente pour les banques alimentaires ont un emploi. C'est sous la CAQ. On ne peut pas dire que l'économie va bien quand on constate ça. On ne peut pas dire que l'économie va bien, Mme la Présidente, quand même au niveau de l'itinérance, imaginez-vous ça, des concepts qui, normalement, ne vont pas ensemble, bien, la CAQ les aura mariés, l'itinérance, 16 % des personnes qui sont en situation d'itinérance ont un emploi. Pouvez-vous imaginer ça, Mme la Présidente? On ne peut pas dire que l'économie va bien. On ne peut pas dire que le premier ministre nous a bien préparés à ce que l'on vit présentement. Et ça fait des années, il est dans sa septième année, qu'on martèle ces arguments-là, qu'on martèle ces propositions-là, que l'on fait référence à cela.

Le premier ministre a parlé de la foresterie. Il est où, le nouveau régime forestier au Québec, Mme la Présidente? Le nouveau régime forestier, c'est 57 000 emplois. On a vu les feux de forêt en 2023, on a vu la nécessité d'avoir un nouveau régime, faire en sorte que l'on puisse tirer notre épingle du jeu. C'est des milliers d'emplois partout en région. Et, le nouveau régime, on ne le voit toujours pas, Mme la Présidente. Ça, ça viendrait assurer que l'on peut renforcer le Québec.

• (14 h 40) •

Vous nous avez entendus, Mme la Présidente, entendus bien avant Donald Trump, ici, au Parti libéral du Québec, parler de quoi? Québec d'abord, s'occuper de notre monde. On dirait qu'aujourd'hui M. le premier ministre a voulu l'introduire dans son discours. Ça fait maintenant sept ans qu'on lui dit : Aïe! Québec d'abord, occupez-vous de notre monde. Et les exemples très tangibles que je vous ai donnés, Mme la Présidente, font en sorte que le Québec n'a pas été bien préparé.

On pourrait parler... Parce qu'il a parlé d'Hydro-Québec, il a parlé d'électricité, Mme la Présidente, alors qu'on sait qu'il a donné 365 mégawatts à Northvolt, qui était son fer de lance économique, c'est pour ça qu'il faisait de la politique, Northvolt. Vous me jugerez à l'aune de Northvolt. Northvolt, on voit où ça s'en va, Mme la Présidente. Northvolt, c'est en train de prendre le champ carrément, Mme la Présidente. Et, pendant ce temps-là, tu as 365 mégawatts, l'équivalent de la consommation de la ville de Longueuil, qui est gelé parce qu'ils ont signé une mauvaise entente avec Northvolt.

Mme la Présidente, c'est ça, le résultat d'un gouvernement qui n'a pas su prévoir, d'un gouvernement qui n'a pas su s'occuper de notre monde. On va répéter les demandes que l'on fait, accroître la productivité. On va répéter les demandes de faire en sorte qu'on ait un régime fiscal beaucoup plus performant, beaucoup plus efficient pour nos PME. On va continuer à demander à ce gouvernement-là de diminuer de façon tangible le fardeau administratif. La FCEI a dit que c'était plus de 730 heures par année pour une PME, pour brasser du papier puis de la paperasse. Ça, ce sont des impacts d'économies évidemment très tangibles.

Alors, à ce gouvernement en fin de régime, Mme la Présidente, à ce gouvernement-là, oui, qui fait face aux menaces de Donald Trump, mais c'est collectivement que nous faisons... faisons face aux menaces de Donald Trump, nous allons jouer notre rôle, pleinement notre rôle, du Parti libéral du Québec, le parti de l'économie, de l'opposition officielle, pour faire en sorte que les 9 millions de Québécoises et Québécois aient voix au chapitre, qu'on puisse bien se préparer au sein de la fédération canadienne, profiter de notre pays qu'on a bâti, d'un Québec fort, Mme la Présidente, et nous aurons l'occasion de constater la pertinence et l'importance de notre... de nos institutions. Ensemble, on va être capables, Mme la Présidente.

La Présidente : Merci, M. le chef de l'opposition officielle. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier pour ses commentaires. Nous vous écoutons, madame.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Dans un moment comme celui-là, je ne ferai pas de détour, il faut appeler un chat un chat. Nous avons devant nous l'empire américain dans sa version la plus décomplexée. Nous avons devant nous un empereur voyou, un «bully» de la pire espèce, un intimidateur qui se fiche complètement des lois, des règles et des traités.

D'ailleurs, j'entendais le premier ministre dire qu'il veut renégocier l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, mais Trump, cet accord-là qu'il a lui-même signé, il ne le respecte même pas. Encore faut-il le renégocier, cet accord-là, dans l'intérêt des Québécois et Québécoises et qu'il soit respecté par Trump. Mais, avec Trump, on ne sait pas à quoi s'attendre.

Il y en aura pour dire que l'orage va passer. Il y en aura pour dire que l'Oncle Sam va revenir à la raison, que Donald Trump va finir par comprendre que c'est dans l'intérêt de l'économie américaine et du peuple américain de cultiver de bonnes relations avec ses voisins. Nous, les Québécois et Québécoises, on est des gens optimistes, mais on est aussi lucides. René Lévesque disait, en 1969 : «Il y a deux Amériques, il y a un visage sombre et ténébreux et il y a un visage lumineux.» Dans les dernières 48 heures, Donald Trump, malheureusement, nous a montré son vrai... son vrai visage, un visage sombre.

Même si la menace d'une guerre commerciale est écartée pour le moment, allons-nous rejouer dans le même film dans un mois, dans deux mois, dans trois mois? Allons-nous rejouer dans ce film-là pendant quatre ans? C'est impensable. Est-ce que c'est comme ça qu'un ami traite ses amis, à coups de menaces, en faisant du chantage? Pierre Elliott Trudeau disait, lorsqu'il parlait aux Américains : «Être votre voisin, c'est comme dormir avec un éléphant. Quelque douce et placide que soit la bête, on subit chacun de ses mouvements et de ses grognements.»

Mme la Présidente, depuis des décennies, on a fait le choix d'un rapprochement toujours plus grand entre le Québec et les États-Unis. On traite chaque conflit, comme le bois d'oeuvre, comme une petite bosse sur la belle route du libre-échange, comme une petite chicane de couple dans un mariage de raison. À chaque fois que l'éléphant nous dicte quelque chose, on finit par lui obéir, en espérant qu'il se rendorme.

Aujourd'hui, les choses ont changé. Le Québec ne peut plus se permettre comme auparavant de mettre tous ses oeufs dans ce panier-là. Notre économie, nos emplois, notre politique ne peuvent plus dépendre des sautes d'humeur d'un mauvais voisin. Moi, je dis aujourd'hui : Ça suffit. Ça suffit de subir, ça suffit d'être pris en otages. Nous avons devant nous Donald Trump. C'est une menace, oui, mais c'est aussi un défi pour le Québec, et c'est à nous de saisir et de relever ce défi.

Je disais tantôt que nous, les Québécois et Québécoises, on est optimistes, on est lucides, et, j'ajouterais, on est capables. On est le peuple qui a fait la Révolution tranquille, on est le peuple qui a fait Hydro-Québec. Acheter chez nous, c'est possible. Innover chez nous, c'est possible.

Notre économie est beaucoup trop dépendante des États-Unis. Tout le monde le dit aujourd'hui, mais ce n'est pas nouveau, ça fait très longtemps qu'on le dit et qu'on en est conscients, mais on n'a jamais agi. Alors, c'est le temps, maintenant, de saisir cette crise-là, cette opportunité-là et de transformer notre économie. Trouvons des marchés, de nouveaux marchés pour les produits qui sont fabriqués ici, au Québec. Soyons le meilleur marché pour nos produits, pour les produits d'ici. Et l'exemple, Mme la Présidente, doit venir d'en haut, l'exemple doit venir du gouvernement du Québec lui-même.

Les Américains ont une expression que j'aime bien, que je vais dire en anglais, «putting your money where your mouth is», ou, en bon Québécois, il est temps que les bottines suivent les babines. C'est le moment, Mme la Présidente, d'arrêter de donner des contrats aux Amazon de ce monde, c'est le moment de se choisir enfin. Et je dis ça sans aucune, mais aucune rancune pour le peuple américain, qui ne mérite pas ce que le président américain actuel est en train de lui faire subir. On doit aussi être solidaires du peuple américain, qui souffre de la situation actuelle et qui risque de continuer à souffrir.

Tantôt, je lisais l'éditorial d'une infirmière, sur Facebook, Florence Saint-Arnaud, et je la cite : «Comment ça se fait, donc, que ça prend une pandémie ou le "power trip" monumental d'un président arrogant, dénigrant et littéralement insultant pour notre fierté nationale pour que le discours sociétal et l'intérêt de la population se tournent vers les entreprises d'ici?» Mme la Présidente, Florence a raison. À chaque crise, à chacune des crises, que ce soient les gouvernements ou le monde économique, le monde des affaires, tout d'un coup tout le monde découvre en même temps l'achat local, la souveraineté alimentaire, la souveraineté économique. Et tout de suite après, quand la crise se résorbe, on oublie ça, et c'est «business as usual».

Mais le peuple québécois, lui, il est déjà rendu ailleurs. Le peuple québécois, on le sent encore aujourd'hui, plus que jamais, il est très mobilisé. Des Florence Saint-Arnaud comme cette agricultrice, il y en a plein partout, dans toutes nos régions, au Québec. Alors, quoi qu'il arrive en mars, ne faisons pas l'erreur de revenir au «business as usual». Choisissons nos travailleurs et travailleuses, choisissons nos entrepreneurs, choisissons nos artisans et artisanes, choisissons nos agriculteurs et agricultrices, choisissons le Québec, ce Québec dont nous rêvons, dont je rêve qu'il soit un jour indépendant et qu'il participe avec le concert des nations à faire face à des «bullies» comme Trump. Choisissons-nous, Mme la Présidente.

J'ai entendu, tout à l'heure, le premier ministre dire qu'il était ouvert à toutes les propositions. Des propositions, à Québec solidaire, on en a plein. Des propositions pour l'autonomie alimentaire, pour la souveraineté économique, ce n'est pas d'hier, là, qu'on en a, ça fait des années et des années, depuis notre fondation, depuis 20 ans, qu'on a des propositions, et malheureusement très peu... les gouvernements ne les prennent pas en compte.

Donc, je veux profiter de cette fenêtre d'ouverture de la part du premier ministre, qui dit que toutes les solutions sont bonnes et il veut les entendre. Je l'invite à écouter attentivement le débat d'urgence, tout à l'heure, et à nous écouter. Et j'espère qu'il va tenir compte de nos propositions, et j'espère même qu'il va mettre certaines, au moins, de nos propositions en oeuvre, parce que c'est comme ça qu'on sortira forts de cette crise. Merci, Mme la Présidente.

• (14 h 50) •

La Présidente : Merci, Mme la députée de Mercier. Et je cède maintenant la parole à M. le chef du troisième groupe d'opposition pour ses commentaires.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Merci, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, je veux dire que je comprends l'intention du gouvernement de vouloir rassurer les entrepreneurs, j'en suis. Je pense, en fait, que les 125 députés ici veulent tous le bien de nos entreprises. Tout le monde veut que l'économie du Québec soit une affaire de succès. Mais, je dois quand même le dire d'entrée de jeu, j'ai entendu très peu de mesures concrètes, très peu de mesures spécifiques et beaucoup de lieux communs dans ce discours du premier ministre. À ce stade-ci, je pense que les Québécois s'attendent que le gouvernement mette de l'avant un plan et des mesures réfléchies, des mesures adaptées à la situation. Et je constate que, dans les deux premières minutes de ce discours du premier ministre, on retrouve les expressions «attaque brutale», «menace», «épée de Damoclès», on a dit le mot «incertitude» trois fois, «poison», «attaquer», «angoisse», «frapper de plein fouet», j'en passe. Respectueusement soumis, Mme la Présidente, ce qu'on veut du gouvernement, dans les situations délicates et complexes, ce n'est pas qu'il accentue la peur et l'inquiétude, ni qu'il fasse des mises en scène médiatiques comme on l'a connu en temps de pandémie. Ce qu'on veut, c'est de la clarté...

Des voix : ...

M. St-Pierre Plamondon : Ils ne veulent pas l'entendre, mais je vais le répéter, Mme la Présidente. Ce qu'on veut, c'est de la clarté, de la clarté sur ce qu'on compte faire, de manière à générer ici un débat éclairé et transparent sur la valeur de ces orientations.

Mme la Présidente, avant d'intervenir, le Parti québécois a fait ses devoirs, on a rencontré plusieurs gens d'affaires dans les chambres de commerce, on vient de rencontrer le président de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, on a parlé aux syndicats, et le constat, c'est que, des mesures spécifiques, des mesures précises à mettre en place dès maintenant, il y en a, à commencer par la diversification. «Diversification», c'est le mot qui devrait guider nos priorités, en ce moment, parce qu'on le dit depuis plusieurs années sans qu'on agisse, ici, au Québec, le Québec est beaucoup trop dépendant d'un seul marché, en l'occurrence les États-Unis. Près de 75 % de nos exportations internationales sont vers les Américains. Et, sous la CAQ, cette dépendance s'est accentuée. Elle a passé, en 10 ans, de 69 % à 75 % aujourd'hui. Et, pendant ce temps-là, l'Europe, c'est un maigre 6 %, un minuscule 1,6 %, 1,7 % pour la France, un maigre 1 % vers le Royaume-Uni. Et c'est nettement insuffisant dans le contexte géopolitique. Ça crée un environnement de vulnérabilité pour le Québec dans le cadre de négociations comme on connaît en ce moment. Donc, l'urgence, ce n'est pas seulement d'envoyer nos gens aux États-Unis, mais bien de les envoyer aux quatre coins de la planète, où il y a une demande pour notre savoir-faire et nos produits, donc le Mexique, l'Europe, l'Amérique latine, l'Asie, l'Afrique. Le Parti québécois propose et offrira sa pleine collaboration pour que l'on mette rapidement sur pied les plus grandes missions commerciales de notre histoire, des équipes Québec pour diversifier nos partenaires commerciaux et nos exportations. C'est tout le personnel diplomatique québécois qui doit être mis à contribution, et ce, dès maintenant. On en parle depuis plusieurs semaines. Il faut mobiliser nos entrepreneurs, nos grandes organisations de travailleurs.

En passant, je me suis entretenu avec les grandes centrales syndicales. Elles m'indiquent qu'elles sollicitent depuis plusieurs semaines une rencontre avec le premier ministre sur la question des tarifs. Elles attendent toujours. Donc, parler, également, aux syndicats, parler à toute personne avec un carnet d'adresses susceptible de faire la promotion des entreprises québécoises pour qu'on fasse cette diversification, de manière chirurgicale mais très proactive.

Nous avons d'ailleurs une chance inouïe, puisque les Européens vont vraisemblablement nous accueillir à bras ouverts. On les écoute, dans les derniers jours, ils nous invitent à fortifier nos liens commerciaux et feront face aux mêmes défis que nous dans quelques semaines à peine.

Or, nous n'avons rien entendu de précis de la part du premier ministre dans son allocution, donc pas de mission commerciale, pas de date précise, pas de préparation par secteurs économiques, pas de préparation par régions du monde que nous comptons visiter. Je comprends, puis j'ouvre les guillemets, je comprends qu'il affirme vouloir redéployer notre économie dans de nouveaux marchés, mais le constat, c'est qu'à part cet énoncé général il n'y a rien de concret, rien de précis.

Pour que la diversification de nos marchés ne soit plus qu'un... soit plus qu'un rêve théorique, il faut également encourager fiscalement nos entrepreneurs, il faut que ça devienne payant d'aller chercher de nouveaux clients dans d'autres marchés. C'est ce qui va permettre de vrais changements de fond, c'est ce qui va permettre de changer nos habitudes, qui, malheureusement, sont les États-Unis, presque entièrement, et ça depuis longtemps.

Donc, à nouveau, on n'entend pas de mesure claire ni précise de la part du gouvernement aujourd'hui. Le Parti québécois propose de créer un réel incitatif à la diversification des exportations en rendant tout nouveau revenu d'exportation non imposable. C'est précis, c'est clair.

Nous n'avons rien entendu, non plus, de précis par rapport à la réduction du fardeau fiscal de nos PME. Il faut privilégier cette avenue de réduction du fardeau fiscal et non pas retourner aux subventions tous azimuts et aux programmes d'aide généraux qu'on a connus durant la pandémie, parce que, oui, de nombreuses questions demeurent par rapport à l'efficacité de ces subventions. Où sont allés les centaines de millions à des compagnies bidons et fantômes à l'étranger? Pourquoi est-ce qu'on a refusé d'entamer de quelconques démarches de récupération de ces sommes? Quels sont les... Quels étaient les critères de la CAQ lorsqu'elle attribuait des subventions à des entreprises comme le bijoutier Birks, qui a obtenu plus de 10 millions de dollars en aide financière? Subventionner tous azimuts ne permettra pas aux entreprises de se réorienter vers de nouveaux marchés, et ça devrait être ça, la priorité, en ce moment.

Donc, de manière générale, nous sommes d'avis que ce gouvernement a beaucoup trop subventionné les entreprises en général depuis les sept dernières années et les résultats n'ont pas été au rendez-vous, comme en témoigne un déficit historique de 11 milliards de dollars. Il faut donc changer d'approche et réduire le fardeau fiscal, particulièrement de nos PME. Je n'ai rien entendu de concret en ce sens. Il faut également rapidement mettre sur pied un grand plan de réduction de la bureaucratie et de la paperasse de manière à ce que ces entreprises se concentrent sur cette adaptation, sur cette nouvelle mission. À nouveau, je n'ai rien entendu de spécifique ou de concret de la part du gouvernement, que des affirmations générales et assez floues.

Mme la Présidente, j'invite également le gouvernement à considérer de réindustrialiser le Québec pour nous donner une économie basée sur des circuits courts et des produits faits ici, au Québec. La Fédération des chambres de commerce du Québec a identifié 40 opportunités au sein de six industries dans lesquelles le Québec pourrait être compétitif. J'aimerais entendre de la part du premier ministre qu'on va continuer en ce sens-là et nommer spécifiquement quel est le plan de match à ce niveau-là, parce que ça ferait une différence énorme dans la santé de notre économie.

En ces temps d'incertitude, Mme la Présidente, il y a quand même des évidences. On n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre devant un grand défi. Le Québec vient de faire le pire déficit de son histoire, à 11 milliards, notamment parce que ce gouvernement a dépensé sans compter, et ce 11 milliards de déficit, ce n'est ni la faute de Donald Trump ni la faute de la pandémie. Ce déficit est grave au point d'amener le gouvernement à faire des coupures dans toutes les directions, en ce moment, santé, éducation, services sociaux, et donc le Québec a peu d'espace, peu de marge de manoeuvre vis-à-vis les défis qui s'en viennent. Augmenter ce déficit qui est déjà historique, à 11 milliards, amènerait potentiellement une décote, amènerait potentiellement le Québec dans une spirale vers le bas dans le cadre duquel notre coût d'emprunt augmenterait à nouveau. Ce n'est donc pas une option.

• (15 heures) •

Nous l'avons demandé à plusieurs reprises, et on le redemande, on veut que le gouvernement fasse preuve de transparence et nous présente rapidement son plan de compressions pour chacun des ministères touchés par les coupures actuellement. Et, s'il a l'intention de subventionner des entreprises, advenant l'imposition de tarifs par les Américains, il doit le faire de manière transparente, de sorte qu'on puisse évaluer l'impact sur nos finances publiques très fragiles et l'impact sur d'autres coupures en santé, d'autres coupures en éducation, d'autres coupures dans les services sociaux qui ont déjà lieu en ce moment.

En termes clairs, peu importe la teneur des événements qui auront lieu avec nos voisins du Sud dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois, il n'est pas question de retourner dans un environnement similaire à ce que nous avons connu durant la pandémie, et ce, d'aucune manière. En clair, on ne reviendra pas à la gouvernance par décrets. On ne reviendra pas à des subventions tous azimuts dans un environnement où il y a très, très, très peu de reddition de comptes. On a particulièrement besoin de transparence et de reddition de comptes dans les circonstances très, très fragiles que sont les nôtres, qu'est la nôtre.

Si le premier ministre doit jouer son rôle, cela signifie que les oppositions doivent également jouer leur rôle, parce que dans trop de dossiers les Québécois ont fait les frais de l'improvisation caquiste, et, à 11 milliards de déficit, il n'y a plus d'espace pour de l'improvisation qui vire au vinaigre. Le Parti québécois va continuer de faire des propositions et d'être constructif, comme on l'a fait dans les dernières semaines, mais on ne s'empêchera pas de faire notre travail lorsque les orientations ou les déclarations du gouvernement sont potentiellement problématiques. Le premier ministre doit l'accepter et le comprendre. On ne peut absolument pas retomber dans une forme de pensée unique où toute remise en question des orientations de la CAQ était vue comme un manque de solidarité envers le Québec. Je crois que toute cette Chambre a à coeur le Québec, en plus... bien plus encore a à coeur ses travailleurs, ses entrepreneurs, mais on peut avoir des différences de points de vue très légitimes en ces temps difficiles. Réfléchir et proposer, ce sont les bases de notre démocratie, et c'est encore plus important quand les situations sont complexes. Assumons ces principes fondamentaux de la démocratie.

Donc, en conclusion, Mme la Présidente, je veux m'adresser directement aux entrepreneurs et aux travailleurs qui vivent un moment d'incertitude pour les prochaines semaines. Sachez que nous comprenons que c'est une situation exigeante et sachez que notre rôle, comme députés, c'est de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour générer des solutions pragmatiques le plus rapidement possible. Et donc le Parti québécois, comme les autres partis d'opposition, je n'en doute pas, vont redoubler d'ardeur pour trouver les solutions les plus susceptibles d'aider l'entrepreneuriat, d'aider également notre capacité à s'adapter. Nous croyons que la solution, elle passe par là essentiellement. Laissons les entrepreneurs et les travailleurs du Québec travailler. Enlevons tout ce qu'il y a d'embûches et faisons-leur confiance, nous ne serons pas déçus. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente : Merci, M. le chef du troisième groupe d'opposition. Maintenant, M. le premier ministre, souhaitez-vous vous prévaloir de votre droit de réplique? Parfait.

Alors, mesdames messieurs, aujourd'hui il n'y a pas de présentation de projets de loi.

Des voix : ...

La Présidente : Article 32. Je vous invite au silence.

Dépôt de documents

À la rubrique Dépôt de documents, M. le ministre de l'Éducation.

M. Drainville : Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi de déposer le rapport annuel 2023‑2024 du Comité d'agrément des programmes de formation à l'enseignement transitoire. Merci.

Des voix : ...

La Présidente : Oui. C'est un petit peu bruyant ici. Nous allons poursuivre. Mme la ministre des Affaires municipales.

Mme Laforest : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, permettez-moi de déposer le rapport de mise en oeuvre de la Stratégie gouvernementale pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires 2018‑2022, prolongée jusqu'en 2024, ainsi que la Stratégie gouvernementale pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires 2025‑2029. Merci, Mme la Présidente.

(Applaudissements)

La Présidente : Ces documents sont déposés. À cette étape-ci, les députés ont le droit d'applaudir. M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, Mme la Présidente. Je dépose les réponses aux questions inscrites au feuilleton le 28 novembre 2024 par les députées de D'Arcy-McGee et de Jeanne-Mance—Viger.

Et je dépose également la réponse du gouvernement à la pétition déposée en Chambre le 20 novembre 2024 par la députée des Mille-Îles.

La Présidente : Ces documents sont déposés.

Pour ma part, je dépose le nouveau diagramme de l'Assemblée en date d'aujourd'hui.

Et j'ai reçu préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Conformément à l'article 97.1 du règlement, je dépose copie du texte de ce préavis.

Dépôt de rapports de commissions

À la rubrique Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la Commission de l'aménagement du territoire et député de Drummond—Bois-Francs.

Consultations particulières sur le projet de loi n° 86

M. Schneeberger : Merci, Mme la Présidente. Alors, je dépose le rapport de la Commission de l'aménagement du territoire qui, les 28, 29, 30 janvier 2025, a tenu des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 86, Loi visant à assurer la pérennité du territoire agricole et sa vitalité.

La Présidente : Ce rapport est déposé. Mme la présidente de la Commission des transports et de l'environnement et députée de Westmount—Saint-Louis.

Consultations particulières sur le projet de loi n° 81

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Je dépose le rapport de la Commission des transports et de l'environnement qui, les 28, 29 et 30 janvier et 4 février 2025, a tenu des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 81, Loi modifiant diverses dispositions en matière d'environnement.

La Présidente : Ce rapport est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je cède maintenant la parole, en question principale, au chef de l'opposition officielle.

Mesures pour limiter l'impact d'éventuels tarifs douaniers
sur les exportations vers les États-Unis

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Parfait, Mme la Présidente. Alors, après le beau discours, on va tester, maintenant, la résolution du gouvernement puis voir si c'est un gouvernement pertinent ou pas, parce que, là, ça fait sept ans qu'on perd. On a des questions précises, j'espère qu'on va avoir des réponses précises, aujourd'hui. J'espère que le premier ministre, il est prêt, parce qu'il y a des Québécoises et Québécois qui ont souffert sous ce gouvernement-là, d'ici, Mme la Présidente, pendant sept ans...

Des voix : ...

La Présidente : Un instant! Je suis debout. Article 32, article 37. Demeurez assis. Gardez le silence. Je vous vois, je vous entends. C'est moi qui fais un appel au règlement. Je vous demande de respecter le décorum. C'est la période des questions, une seule personne a le droit de parole ici, c'est le chef de l'opposition officielle, et on l'écoute.

M. Tanguay : Oui, Mme la Présidente. Puis on va la prendre, la parole, pour défendre les 9 millions de Québécoises et Québécois qui ont été abandonnés sous ce gouvernement-là, qui a affaibli l'économie puis qui a mis à mal les finances publiques, Mme la Présidente. Aujourd'hui, on se retrouve Gros-Jean comme devant devant Donald Trump. Mme la Présidente. C'est ça, le bilan de la Coalition avenir Québec.

On a des questions très précises. Ça fait des années qu'on lui pose des questions, puis qu'on a toujours de l'à-peu-près, puis qu'il dit : Ça va venir, ça va venir, découragez-vous pas. Mais là, Mme la Présidente, on a besoin qu'il se ressaisisse pour les deux seules années qu'il leur reste.

Alors, question, Mme la Présidente. Le premier ministre a déclaré sur X, je le cite : «On va rediriger les travailleurs qui vont perdre leur emploi vers d'autres secteurs porteurs d'avenir. Hydro-Québec, par exemple.» On sait que, sur le terrain, la Fédération des chambres de commerce, la P.D.G., Véronique Proulx, a affirmé le 31 janvier, et je la cite : «Comme employeurs, les gens ont travaillé très, très fort pour attirer et retenir les travailleurs. Advenant qu'il y ait des mises à pied, on espérait pouvoir les garder et les former.»

Alors, Mme la Présidente, comme il est en train de préparer des programmes pour soutenir, notamment, les emplois, peut-il confirmer que son principal facteur, ce ne sera pas de transférer les jobs à Hydro-Québec mais de soutenir les emplois?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui, Mme la Présidente. Bon, d'abord, revenons aux faits, là, parce que, dans l'introduction, on nous disait qu'on avait mal réussi. La vérité, c'est que quand on regarde 2003, quand les libéraux sont arrivés au pouvoir, quand on regarde le PIB par habitant, il y avait un écart de 20 % avec le reste du Canada. 15 années plus tard, il y avait toujours un écart de 20 %. Donc, zéro progrès en 15 ans. Qu'est-ce qu'on a aujourd'hui, en 2024? On est rendus... on est passés de 20 % d'écart à 14 % d'écart de PIB. Pourquoi? Parce que l'économie du Québec a eu une croissance plus grande que celle du reste du Canada, ce qui n'était pas arrivé pendant les années libérales.

Maintenant, Mme la Présidente, je l'ai dit tantôt puis je vais le répéter, déjà on a des programmes, chez Investissement Québec, pour augmenter la productivité, pour diversifier les marchés, pour être capables de voir quels sont les nouveaux produits qu'on est capables de fabriquer au Québec. Mais, Mme la Présidente, il faut être réalistes, on n'arrivera pas, demain matin, à remplacer tous les produits qui sont exportés aux États-Unis par des exportations en Europe, en Asie. Donc, pendant la période intérimaire, ce qu'on dit, c'est qu'on va demander aux employés, par exemple, du secteur manufacturier qui risquent de perdre leur emploi de se requalifier pour aller travailler sur...

• (15 h 10) •

La Présidente : En terminant.

M. Legault : ...la construction de nouveaux barrages ou de rehaussement de barrages...

La Présidente : Première complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : O.K. À la toute fin, on commençait à avoir un début de réponse à notre question. Si je comprends bien, le premier ministre, puis il me corrigera si j'ai mal compris, son programme d'aide ne sera pas pour conserver les emplois dans nos industries, mais ce sera pour les requalifier, parce qu'il y a un problème de 35 000 travailleurs pour l'hydroélectricité.

Est-ce que son programme d'emploi sera d'abord et avant tout, principalement pour maintenir les emplois de, notamment, nos manufacturiers et exportateurs, nos industries, ou ça va être de la requalification pour aller boucher d'autres emplois?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bon, Mme la Présidente, le Québec exporte chaque année 87 milliards de dollars de produits aux États-Unis. S'il y a des tarifs de 25 %, c'est assez clair qu'on ne sera pas capables, à court terme, de remplacer tous les emplois qui étaient reliés aux exportations américaines. Évidemment, on travaille déjà, avec toutes les entreprises manufacturières, à diversifier les marchés. Ça veut dire exporter plus dans le reste du Canada, exporter plus en Europe, en Asie. Nos délégations, déjà, sont orientées, puis je leur ai dit depuis que je les rencontre, depuis six ans : exportations.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Je ne l'ai pas compris, Mme la Présidente, le raisonnement du premier ministre quand il dit que, quand il y aura un tarif de 25 %, ils vont perdre les emplois, tout ce qu'il va nous rester à faire, ça va être de les envoyer ailleurs puis de les requalifier, plutôt que de prévoir ce qu'ils demandent. Les manufacturiers et exportateurs le demandent, les industries le demandent : Ayez un programme pas de requalification, dès qu'un emploi est en péril on vous sort de là puis on vous envoie ailleurs, parce qu'en passant on n'avait pas prévu les 35 000 emplois nécessaires pour Hydro-Québec et compagnie. Ce qu'ils veulent, c'est un programme de maintien en emploi le temps que la reprise soit là.

Est-ce que...

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bien là, ce que je comprends, c'est que le Parti libéral dit, supposons qu'on perd 100 000 emplois parce qu'on n'exporte plus aux États-Unis... ce que propose le Parti libéral, c'est de payer tout ce monde-là pour rester en emploi.

Mme la Présidente, on va faire tous les efforts possibles, tous les efforts possibles pour être capables de remplacer des produits qu'on importe, pour être capables de diversifier nos marchés, pour être capables, dans certains cas, que des entreprises manufacturières changent de produits, manufacturent d'autres produits. On est en contact avec eux autres, Investissement Québec, la Caisse de dépôt, le ministère de l'Économie.

La Présidente : Troisième complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Je vais lui... Je vais l'aider, je vais reciter Véronique Proulx, P.D.G. de la FCCQ, 31 janvier, écoutons-la bien : «Comme employeurs, les gens ont travaillé très, très fort pour attirer et retenir les travailleurs. Advenant qu'il y ait des mises à pied, on espérait pouvoir les garder et les former.» Fin de la citation.

Mme la Présidente, ce n'est pas compliqué à comprendre, les manufacturiers et exportateurs, nos industries, nos entreprises veulent garder leurs employés, ne veulent pas se faire dire : Ah! bien, il m'en manque 35 000 ailleurs, on va les prendre...

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui, Mme la Présidente, comme l'a expliqué la ministre de l'Économie, il y aura deux étapes. Dans une première étape, il y aura des liquidités qui seront offertes aux entreprises pour maintenir le plus possible d'employés en poste. Par contre, si les tarifs de 25 % se maintiennent pendant plusieurs mois, bien, il va falloir effectivement être capables de travailler à diversifier puis, oui, reformer dans d'autres secteurs les travailleurs qui, malheureusement, étaient attachés aux exportations américaines.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de Marguerite-Bourgeoys.

Productivité des entreprises québécoises

M. Frédéric Beauchemin

M. Beauchemin : Mme la Présidente, en 2018, on a laissé un surplus de 7 milliards et des services publics solides, on a laissé la marge de manoeuvre nécessaire pour affronter les crises. Depuis, la CAQ a dilapidé les finances publiques, épuisé nos réserves et laissé un déficit record, affaiblissant nos services et notre résilience. La CAQ sera jugée comme gouvernement qui a gaspillé notre marge de manoeuvre, n'a rien fait pour améliorer la productivité.

Depuis cinq ans, aucun gain de productivité, rien, zéro. Pourtant, plus de productivité, c'est plus de richesse, plus de revenus pour l'État.

Le Parti libéral a proposé des solutions, mais la ministre ne semble pas comprendre l'ampleur du problème. Comment la ministre va relancer notre productivité? Comment va-t-elle définir le succès? Parce que zéro, là, c'est zéro.

Des voix : ...

La Présidente : La réponse de la ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie. On l'écoute.

Mme Christine Fréchette

Mme Fréchette : Oui, merci, Mme la Présidente. On le sait, la productivité, c'est un enjeu, un enjeu de longue date qu'il y a pour l'économie québécoise et, je dirais, l'économie canadienne. Quand on se compare aux États-Unis, c'est sûr que le niveau de rehaussement de la productivité n'a pas été le même. Et je dirais que c'est un enjeu marqué aussi depuis la pandémie. Et, à l'intérieur même du Canada, bon, le Québec a besoin de rehausser sa productivité.

Alors, c'est un problème qu'on avait ciblé déjà et pour lequel on déploie des efforts considérables. Avec Investissement Québec, il y a un accompagnement qui est fait auprès des entreprises pour les amener à investir davantage dans les technologies, dans les nouvelles technologies, de manière à rehausser leur niveau de productivité. Et on a également... on a développé une enveloppe, l'automne dernier, on l'a annoncé en novembre dernier, une enveloppe, Mme la Présidente, de 4,5 milliards de dollars, présentée et portée par Investissement Québec, pour accompagner les entreprises d'une manière encore plus marquée, pour rehausser la productivité. Alors, c'est une enveloppe qui va être déployée au cours des trois prochaines années, et il y a deux volets intéressants...

La Présidente : En terminant.

Mme Fréchette : ...pour lesquels je pourrai revenir en complément.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Frédéric Beauchemin

M. Beauchemin : C'est écrit noir sur blanc, page D.6 du budget : aucun gain de productivité en cinq ans. Une économie en mauvaise posture, sous ce gouvernement-là, Mme la Présidente. Pour renverser ce désastre, on doit encourager nos PME à investir, stimuler la recherche, le développement et l'innovation. Je l'entends, la ministre, Mme la Présidente, mais je n'entends pas comment elle va définir la réussite de son programme.

Comment définissez-vous le succès? Parce que zéro, c'est...

La Présidente : La réponse de la ministre.

Mme Christine Fréchette

Mme Fréchette : Oui, Mme la Présidente. Alors, le programme d'Investissement Québec se déploie de deux manières. D'une part, on veut aider financièrement les entreprises à procéder à des investissements dans les technologies, et ça, ça passe par des aides financières, qui débutent à 250 000 $. Il y a des moratoires, également, pour ce qui est du remboursement, pouvant aller jusqu'à 48 mois. Donc, vraiment quelque chose d'intéressant pour inciter les entreprises, parce qu'on sent qu'il manque parfois d'élan pour aller de l'avant avec des investissements. On sait que ce sont des investissements importants, alors on est là pour les accompagner. Et il y a également une aide qui se fait à travers l'accompagnement par les experts d'Investissement Québec auprès des entreprises pour les aider à adopter la bonne approche...

La Présidente : En terminant.

Mme Fréchette : ...et à déployer les bonnes mesures pour faire en sorte de rehausser la productivité.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Frédéric Beauchemin

M. Beauchemin : C'est un problème qui nous frappe tous, Mme la Présidente. Ça fait qu'au lieu de choisir les gagnants le gouvernement devrait aider toutes nos entreprises. Je veux une mesure concrète, une simple, puis je vais vous en proposer une : une fiscalité optimale pour nos PME. Ça, c'est la façon de faire pour aider toute l'économie en même temps, parce qu'on va tous faire face aux tarifs de Donald Trump.

Est-ce que la ministre comprend que la fiscalité optimale est la solution?

La Présidente : La réponse de la ministre.

Mme Christine Fréchette

Mme Fréchette : Oui. Mme la Présidente, je m'étonne que le collègue veuille qu'on aide toutes les entreprises, parce qu'en fait ce programme-là, chez Investissement Québec, il est accessible à l'ensemble des entreprises qui souhaitent s'investir dans une démarche de rehaussement de la productivité. Et j'aimerais rappeler à ce sujet-là que, Investissement Québec, 91 % de ses interventions sont faites auprès de PME, sont faites auprès d'entreprises ayant moins de 200 employés. Et plus de 40 % de ces interventions sont faites auprès d'entreprises ayant moins de 20 employés. Alors, c'est dire à quel point l'approche d'Investissement Québec rejoint tout le monde. Et on engage l'ensemble des entreprises, on les invite, en fait...

La Présidente : En terminant.

Mme Fréchette : ...à s'investir davantage dans le rehaussement de la productivité, et on a les outils pour ce faire.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de Pontiac.

Modernisation du régime forestier

M. André Fortin

M. Fortin : Mme la Présidente, la période de 30 jours avant les possibles tarifs, c'est un sursis et rien de plus, on ne peut pas se permettre de les gaspiller. C'est vrai au niveau des règles interprovinciales, c'est vrai au niveau de l'allègement bureaucratique et fiscal, de la productivité, mais, Mme la Présidente, c'est vrai au niveau de notre régime forestier aussi.

Nos compagnies forestières sont déjà dans une situation plus que précaire. Elles paient des tarifs de 15 % aux Américains, mais, en plus, on a beaucoup de règles internes ici, au Québec, qui empêchent nos entreprises d'être compétitives. Et tout le monde ici, là, est d'accord, il faut moderniser le régime forestier. La CAQ l'a promis en 2018, ça n'a pas été fait. Ils l'ont promis en 2022, ça n'a pas été fait. La ministre a promis de le faire avant l'élection, l'industrie s'est fâchée. Là, elle promet de le faire cet hiver, mais on l'attend encore.

Là, là, ça presse plus que jamais. Si on ne fait pas les changements nécessaires, nos compagnies n'ont aucune chance le jour où Donald Trump impose ces nouveaux tarifs.

Qu'est-ce que la ministre attend pour aller de l'avant avec une réforme?

• (15 h 20) •

La Présidente : La réponse de la ministre des Ressources naturelles et des Forêts.

Mme Maïté Blanchette Vézina

Mme Blanchette Vézina : Merci, Mme la Présidente. Je suis contente de pouvoir me lever pour parler de cette filière si importante pour l'économie de nos régions, l'économie du Québec, et, oui, qui était, en ce moment, touchée déjà par des tarifs, par des droits compensateurs en raison du conflit du bois d'oeuvre.

Mme la Présidente, je pense qu'il faut rectifier certaines situations. Puis moi, je suis en contact avec l'industrie depuis deux ans, depuis que j'ai été nommée, et ce qu'ils me disent, c'est qu'il faut moderniser, effectivement, le régime forestier, et c'est ce que je fais en ce moment. Et vous savez quoi, Mme la Présidente? Pourquoi on en est là aujourd'hui? C'est le régime forestier adopté par le gouvernement libéral. Au jour 1, on m'a répété que, depuis l'adoption de ce régime-là, l'environnement d'affaires n'est pas bon, ils ont des problématiques avec leur compétitivité en raison du régime forestier.

Mme la Présidente, je suis engagée à moderniser le régime, on est en action et, oui, des changements vont être apportés, mais on n'est pas les... on n'est pas les bras croisés, Mme la Présidente. On a mis en place cet automne un régime... pas un régime, pardon, une aide financière pour soutenir les entreprises, 100 millions qui ont été annoncés pour soutenir celles qui sont victimes de ces droits compensateurs.

Alors, Mme la Présidente, moi, j'ai un tableau, j'ai un tableau ici. On aime démontrer avec des chiffres ce qu'on fait. Pour les quatre... la moyenne par année sur...

La Présidente : Première complémentaire.

M. André Fortin

M. Fortin : Mme la Présidente, il n'y a pas personne qui pense que les solutions avancées il y a 15 ans c'est encore celles dans un nouveau marché aujourd'hui. Mais la ministre est là, son gouvernement est là depuis sept ans, et ils ne l'ont pas changé, le régime forestier. Elle nous promet la même chose, mais elle ne le fait pas. Juste dans les derniers mois, là, il y a des usines qui ont fermé dans les Laurentides, en Outaouais, en Haute-Mauricie, au Lac-Saint-Jean, puis j'en passe. Il y a des centaines et des centaines de travailleurs qui ont perdu leur emploi, et ça n'a pas fait avancer la ministre.

Les tarifs, là, ça va être le dernier clou pour bien des usines. On a 30 jours pour les protéger, c'est tout. Allez-vous déposer votre réforme?

La Présidente : La réponse de la ministre.

Mme Maïté Blanchette Vézina

Mme Blanchette Vézina : C'est... Je pense, c'est ma collègue la ministre des Transports et de la Mobilité durable qui l'a dit souvent, là, le sans-gêne libéral. Dès le jour 1, dès le jour 1, les partenaires de la filière ont dit combien c'était un régime qui n'allait pas fonctionner. Et aujourd'hui on doit encore une fois corriger les erreurs du Parti libéral.

Mais là je vais revenir à ce que je voulais vous expliquer tout à l'heure. 100 millions qu'on a annoncés dès cet automne, la ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, pour soutenir, donc, les entreprises qui vivent en ce moment avec des tarifs, donc, les impacts des tarifs, ils les ont, et, sur la moyenne par année, sur quatre ans, donc on a fait une moyenne du gouvernement, les investissements du gouvernement libéral puis du gouvernement de la CAQ, on est à 433 millions de dollars, qu'on soutient, pour les entreprises de la filière, pour se moderniser. Et on est...

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. André Fortin

M. Fortin : Il ne faudrait pas faire la moyenne des usines qui ont fermé au cours des dernières années.

Mme la Présidente, là, les travailleurs de la forêt, ils ont entendu le premier ministre dire : Bien, vous pourrez travailler sur les barrages, vous pourrez travailler sur des nouveaux projets d'école en banlieue de Montréal, mais, si vous habitez à La Tuque, à Maniwaki ou dans... ou ailleurs, Mme la Présidente, là, le choix numéro un, ce n'est pas de s'expatrier en banlieue de Montréal pour aller travailler sur les projets d'école, c'est de travailler chez eux.

Est-ce que la ministre peut démontrer une écoute de tous ces gens-là qui pendant des années se battent pour un nouveau régime forestier puis le déposer tout de suite?

Des voix : ...

La Présidente : Pas de bravo. La réponse de la ministre.

Mme Maïté Blanchette Vézina

Mme Blanchette Vézina : En termes d'écoute, Mme la Présidente, je ne pense pas avoir de leçons à avoir du Parti libéral. Ça fait... Ils ont été 15 ans au pouvoir, et les changements qu'ils ont apportés ont été décriés dès le départ.

Ça fait deux ans. On a eu des feux de forêt. J'ai consulté les parties prenantes. On est prêts à déposer un régime forestier bientôt. Effectivement, on souhaite cette modernisation. Et, ce que j'entends de la part du Parti libéral, je suis contente de l'entendre, ils vont vouloir, donc, nous aider, ils vont collaborer pour l'adoption d'un projet de loi si important pour nos régions, pour nos travailleurs, pour l'économie du Québec. Donc, je m'attends à une collaboration de leur part. Je serai très heureuse de pouvoir parler plus en détail avec eux.

Et je voulais d'ailleurs les inviter à collaborer, dans les prochains jours...

La Présidente : En terminant.

Mme Blanchette Vézina : ...à l'élaboration du projet de loi. Donc, s'ils veulent répondre à mon invitation, ce sera avec plaisir.

La Présidente : En question...

Des voix : ...

La Présidente : Mon Dieu qu'il y a de l'électricité dans l'air aujourd'hui! En question principale, je...

Des voix : ...

La Présidente : C'est de l'amour, oui. Je vous entends, vous aussi. En question principale — on reprend notre sérieux — en question principale, je reconnais maintenant le député de Pontiac.

Réorganisation du système de santé

M. André Fortin

M. Fortin : Avec raison, Mme la Présidente, à peu près tout le monde au Québec est inquiet des tarifs de M. Trump, mais il y a à peu près autant de monde inquiet par ce qui se passe en santé en ce moment. Les gens de l'Outaouais qui devraient avoir un test pour la résonance magnétique en trois mois mais qui l'ont en 20 mois sont très inquiets. Les gens à Trois-Pistoles, où le gouvernement menace de fermer leur urgence de nuit, ils sont très inquiets. Les gens en Abitibi, où le gouvernement ferme des programmes qui fonctionnent très bien en matière de santé mentale, sont inquiets. Les gens à Montréal qui voient leurs soins à domicile diminués sont inquiets. Les gens partout au Québec qui voient leurs chèques d'emploi-service coupés sont tous très inquiets.

Mme la Présidente, comment un premier ministre qui a promis de ne faire aucune coupure en santé pas plus tard qu'en avril... comment il peut justifier 1,5 milliard de coupures en quatre mois?

La Présidente : La réponse du ministre de la Santé.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Mme la Présidente, je commencerais, aujourd'hui... Je pense qu'il y a une question aussi bien mettre les choses au clair. J'ai beaucoup de respect pour le travail du député de Pontiac puis je comprends le rôle de l'opposition. Je ne suis pas certain que c'est toujours la bonne approche, mais je le respecte, je le respecte. Par contre, Mme la Présidente, j'aimerais parler aux Québécois puis leur dire une chose : dans le réseau de la santé, là, tous les jours, on sert plus de 125 000 personnes, tous les jours. Ça, ça veut dire aux urgences, ça veut dire dans nos cliniques, ça veut dire dans nos CHSLD, etc. Et, en plus de ces 125 000 personnes, on sert plus de 400 000 personnes annuellement en soins à domicile.

Est-ce que, dans ces temps difficiles là, où on est en train de faire une transformation du réseau de la santé... est-il normal qu'il y ait des endroits où ça aille moins bien que d'autres puis qu'on soit capables de citer comme aujourd'hui et comme le fait souvent le député de Pontiac?

Je vous le dis, je respecte ça, c'est son rôle. Moi, savez-vous c'est quoi, mon rôle, Mme la Présidente? C'est de faire fonctionner le réseau, faire la transformation que les Québécois s'attendent. Puis c'est ça qu'on va continuer à faire...

La Présidente : En terminant.

M. Dubé : ...parce qu'il faut faire les changements qui sont nécessaires. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente : Première complémentaire.

M. André Fortin

M. Fortin : Bien, le rôle du ministre de la Santé, c'est aussi d'être transparent avec la population. Et, la semaine dernière, il nous a dit : Jamais on n'a demandé au réseau de couper 1,5 milliard en quatre mois. Le problème, c'est que tout le monde, y compris Santé Québec, y compris sa P.D.G., avait compris exactement ça. Pire, Mme la Présidente, le ministre et Santé Québec ont appris dans le journal qu'il y aurait des cibles spéciales de coupures pour certaines régions.

Alors là, tout le monde est mêlé. Les patients font les frais parce que les gestionnaires ne comprennent pas la commande du gouvernement. Est-ce qu'il peut s'expliquer?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Mme la Présidente, je veux être très clair, là, moi, je pense... je parle à la direction de Santé Québec deux à trois fois par semaine, dans les moments qu'on vit en ce moment, puis je pense qu'ils comprennent très bien où on en est rendus, ils comprennent très bien ce qu'on a à faire. Ça fait que je ne sais pas à quoi réfère le député de Pontiac, mais moi, je pourrais vous dire que nos commandes sont très claires au niveau de Santé Québec. On leur a demandé de transformer le réseau.

Je vous ai dit plusieurs fois, Mme la Présidente, puis je me permets de répondre encore aujourd'hui, oui, on a dit qu'il y avait des fermetures de postes. C'est normal, on doit réorganiser le réseau. On a trop de gens qui travaillaient de jour, de semaine, et on doit avoir des gens qui travaillent de soir, de fin de semaine. Qu'on aime ou pas...

La Présidente : En terminant.

M. Dubé : ...cette réponse-là, Mme la Présidente, c'est la réalité. C'est ça qu'on a demandé à Québec de... à Santé Québec de faire.

La Présidente : Deuxième complémentaire. Et, pour ce faire, je cède la parole au chef de l'opposition officielle.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Parfait, Mme la Présidente. Le ministre vient de dire qu'on vit dans la réalité. Bien, parfait. On va demander au premier ministre quelle est la réalité caquiste. Là, avant les fêtes, c'était clair et reconnu, c'était 1,5 milliard de coupures en santé. On présentait ça comme... disant : Il faut qu'ils respectent les budgets. C'était 1,5 milliard. Là, le ministre, dans les derniers jours, dernières semaines, fin janvier, a fait volte-face. Ce ne serait plus 1,5 milliard.

Alors, on va demander au premier ministre : Combien, les coupures, en santé? Combien?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, j'invite le chef de l'opposition officielle à aller revoir la mise à jour du ministre des Finances qui a été déposée l'automne dernier, la page E.42. Il va voir qu'il y a toujours une augmentation de prévue pour le budget du ministère de la Santé.

Maintenant, Mme la Présidente, je pense que le ministre de la Santé a été assez transparent, il y a eu des dépassements au-dessus de ce qui a été accordé au réseau de la santé, on est... il est en train de voir comment on peut se rapprocher du budget, qui est en croissance.

Puis, Mme la Présidente, c'est important de le rappeler, depuis six ans, le budget de la santé a augmenté de 50 %. C'est du jamais-vu.

• (15 h 30) •

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant la députée de Mercier.

Contrats attribués à Amazon

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Il y a 10 jours, Amazon a fermé ses sept entrepôts au Québec. Jeff Bezos traitait déjà ses employés québécois comme de la schnout, maintenant il les jette à la rue comme des vieux Kleenex. Encore une fois, une multinationale américaine préfère fermer au lieu de négocier avec ses travailleurs et travailleuses québécois. Et le pire dans tout ça, Mme la Présidente, c'est que cette multinationale reçoit des contrats publics et de l'argent public.

Quand Amazon s'essuie les pieds sur les travailleurs et travailleuses du Québec, Amazon ne mérite pas de tapis rouge de la part du gouvernement. Les employés licenciés demandent au gouvernement de fermer le robinet d'argent public, de l'argent des Québécois vers Amazon. Contrats pour les données, achats gouvernementaux, tout ça doit cesser.

Est-ce que ça gêne le premier ministre que son gouvernement fasse encore affaire avec Amazon? Est-ce que c'est ça qu'on veut encourager, au Québec, de la part d'entreprises étrangères qui traitent mal nos travailleurs ici, au Québec?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, je suis d'accord avec la cheffe du deuxième groupe d'opposition. Ce qu'a fait Amazon, c'est inacceptable. On n'a même pas été avisés qu'il y aurait des mises à pied, ça a été fait de façon sauvage.

Maintenant, Mme la Présidente, j'ai demandé à la présidente du Conseil du trésor de revoir les contrats avec Amazon. Évidemment, il faut faire attention, là, pour ne pas avoir un boomerang où Amazon gagne parce qu'on casse un contrat. On va regarder d'abord pour les prochains contrats, on va essayer d'éviter Amazon. Puis on est en train de regarder si on peut briser, effectivement, les contrats avec Amazon.

Il faut regarder aussi c'est quoi, les alternatives, c'est quoi, les alternatives. Il ne faut pas... comme je le disais tantôt dans ma déclaration, il ne faut pas se faire plus mal que le mal qu'on essaie de faire à la gang de M. Trump.

La Présidente : Première complémentaire.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Bien, je suis vraiment contente. On est pas mal d'accord, là, ces derniers temps avec... le premier ministre et moi. Donc là, là, ce que je vais lui proposer... Puis j'aime beaucoup mieux sa réponse maintenant que sa première, qu'il a dit de façon intuitive, où il me disait : C'est un contrat public... privé, je ne peux rien faire avec ça. C'est important que le premier ministre du Québec... de montrer que c'est lui, le boss ici, au Québec, et non pas Jeff Bezos.

Maintenant, on ne lui demande pas de faire n'importe quoi. Moi, ce que je veux l'entendre dire, c'est : Oui, j'ai un engagement ferme pour arrêter de faire affaire avec Amazon. C'est ce que je veux l'entendre dire.

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bien, soyons très clairs, Mme la Présidente, c'est vrai que, depuis un bout de temps, on a une espèce de complicité, la cheffe du deuxième groupe d'opposition et moi. En fin de semaine, je pensais faire un débat d'urgence. Tout à coup, je la vois nous demander un débat d'urgence. Vraiment, là, exceptionnel comme complicité.

Maintenant, bien, je répète ce que j'ai dit à propos d'Amazon. Idéalement, on voudrait s'en passer. On est en train de regarder ce qu'on peut faire avec les contrats existants puis on est en train de regarder ce qu'on fait pour la suite des choses.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Vu qu'on est sur la même longueur d'onde, aujourd'hui, j'aimerais quand même entendre le premier ministre aller plus loin puis dire qu'il a un engagement ferme pour au moins travailler sur un plan de transition pour arrêter d'être dépendants d'Amazon, qu'on brise les contrats ou pas. Et ce qu'il doit faire aussi, c'est développer une expertise au Québec, hein, parce que les données, c'est quelque chose de sensible, on ne va pas les donner à des entreprises étrangères. Il y a aussi des aspects de sécurité.

Est-ce qu'il s'engage aussi, au moins, à développer une expertise ici, au Québec, d'avoir des acteurs québécois...

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, on se rappellera tous qu'on a essayé, pendant la COVID, de remplacer Amazon par Le Panier bleu. Ça pose deux défis importants. D'abord, il faut avoir un site qui est aussi beau, je dirais, que celui... ou aussi facile à utiliser que celui d'Amazon, puis ça suppose aussi d'avoir une livraison à domicile partout.

Donc, Mme la Présidente, il n'y a rien que je rêverais de plus que de remplacer Amazon, qui souvent, sans s'en rendre compte, nous vend des produits américains. Donc, oui, on regarde cette possibilité-là, mais on va le faire d'une façon intelligente.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de Laurier-Dorion.

Encadrement de l'hébergement touristique collaboratif

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : Merci, Mme la Présidente. Au Québec, on a une ministre du Tourisme et, heureusement, on a une mairesse de Montréal qui fait la job de la ministre du Tourisme, Mme la Présidente. Voilà la triste réalité.

Jeudi dernier, la ville de Montréal a pris une décision très claire pour défendre la population de la métropole : fini, les Airbnb à Montréal hors de la saison estivale. C'est plus de 2 000 unités de logement qui vont être libérées pour les locataires à la recherche d'un logement. Au lieu de se réjouir de la nouvelle, la ministre du Tourisme s'est empressée d'aller dire que la mairesse Valérie Plante cherche un coupable pour son inaction. L'inaction, la complaisance, le tapis rouge pour Airbnb, c'est la ministre du Tourisme, Mme la Présidente. Ce qui est clair, depuis des années, c'est que la ministre du Tourisme banalise et minimise l'effet néfaste d'Airbnb dans nos villes. Ça, ce n'est pas une fiction, et les gens le savent depuis des années.

Est-ce que la ministre du Tourisme trouve ça normal que la mairesse de Montréal fasse sa job?

La Présidente : La réponse de la ministre du Tourisme.

Mme Caroline Proulx

Mme Proulx :  Ce n'est pas de mauvaise foi, Mme la Présidente, je n'ai pas entendu la fin de la question, je suis vraiment désolée. En toute honnêteté, là, je ne l'ai pas entendue. Alors, je vais essayer de répondre au député.

La première des choses, Mme la Présidente, je dois admettre que la mairesse Plante n'a pas consulté le ministère du Tourisme avant sa sortie de la semaine dernière, qui allait, donc, faire en sorte qu'il n'y aurait plus d'hébergement courte durée à Montréal sur la résidence principale. Nous, on est un gouvernement pragmatique. Il y a des gens qui veulent s'acheter une maison à Montréal, il y a des gens qui veulent s'établir à Montréal, et, avec leur résidence principale, ce qu'ils font, c'est que, quelques semaines par année, ils vont chercher une somme qui va leur permettre, bien, de payer un paquet de services, que ce soit Hydro-Québec, que ce soient les taxes municipales. Il y a des gens qui nous ont écrit, là, c'est 5 500 $ de taxes municipales, à Montréal. Donc, c'est un revenu d'appoint pour ces gens-là dont va priver la mairesse de Montréal, avec cette interdiction-là. Il va y avoir un far Web qui va se créer, ce qu'on a tenté de défaire avec le projet de loi n° 25. Et, moi, ce qui m'inquiète, c'est non seulement la sécurité des touristes, parce que c'est une priorité du gouvernement...

La Présidente : En terminant.

Mme Proulx : ...mais la réputation de Montréal.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : Il y a un grave manque de cohérence, ici, dans l'action gouvernementale, Mme la Présidente. Pendant que la ministre de l'Habitation a toutes les peines du monde pour sortir quelques unités de logement avec son Programme d'habitation abordable, la ministre du Tourisme préfère que des multinationales américaines retirent des milliers d'unités de logement du marché montréalais et partout à travers le Québec. Le gouvernement fait preuve d'un grave manque de cohérence. Ce qu'il tente de faire d'une main, il le détruit de l'autre.

C'est ça, la vision pour régler la crise du logement...

La Présidente : La réponse de la ministre.

Mme Caroline Proulx

Mme Proulx : Mme la Présidente, on ne retire pas de logements, c'est la résidence principale. 99 % du temps est passé dans la résidence principale.

D'ailleurs, je questionne beaucoup les chiffres de la mairesse de Montréal. Elle parle de 2 000 illégaux. Je ne sais pas où elle prend ces chiffres-là. Ce n'est pas les chiffres qu'on a, nous. Et il faut faire une grande distinction, là. La résidence principale n'enlève pas de logement locatif à Montréal et ailleurs au Québec.

Puis un autre élément que je tiens à souligner, Mme la présidence... la Présidente, pardon, c'est qu'il y avait trois inspecteurs pour tout le territoire de Montréal. Et, la ville de Montréal, les arrondissements, ils les donnaient, les autorisations pour faire de l'exploitation courte durée. Elle se réveille aujourd'hui.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : La ministre ne connaît carrément pas la réalité. C'est justement des milliers d'unités de logement qui ne sont pas des résidences principales qui sont retirées du marché locatif. Elle devrait mieux s'informer, la ministre. Depuis six ans, par sa complaisance envers Airbnb, elle travaille contre la population de Montréal.

Est-ce qu'elle va se rétracter...

La Présidente : Oui. M. le leader du gouvernement, quel est votre appel au règlement?

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, ce sont de graves accusations, ce sont des propos blessants, de la part du député, il devrait retirer. Écoutez, ce qu'il a dit, c'est qu'il a accusé la ministre d'un fait, ici, qu'on ne peut pas tolérer en cette Assemblée, Mme la Présidente.

La Présidente : Moi, je vous demanderais de faire attention. Je vais vous reconnaître. Mais quel est votre appel au règlement, M. leader du deuxième groupe d'opposition?

M. Cliche-Rivard : Mme la Présidente, le mot n'est pas de lexique, il est permis. La critique est juste. Voilà.

La Présidente : Le mot n'est effectivement pas au lexique, mais je vous demande de faire attention dans votre critique pour ne pas imputer des intentions malveillantes aux collègues. Faites attention. Poursuivez. Il vous reste 10 secondes.

M. Fontecilla : Est-ce que la ministre va s'excuser auprès de la population de Montréal et collaborer enfin avec la mairesse de Montréal?

La Présidente : La réponse de la ministre.

Mme Caroline Proulx

Mme Proulx : D'abord et avant tout, Mme la Présidente, il y a des entreprises québécoises, hein, qui sont sur le Web et qui font de l'hébergement courte durée. Et on souhaite avoir de plus en plus de ces entreprises québécoises là qui vont venir s'intégrer dans le marché québécois de façon responsable, dans le cadre réglementaire du gouvernement du Québec.

Je ne sais pas si j'ai le droit de nommer des entreprises, mais, puisque vous plantez Airbnb à fond de caisse, bien, je vais parler de WeChalet, qui est une entreprise québécoise, de chez nous, qui fait de l'hébergement touristique courte durée. Et vous savez quoi, Mme la Présidente? Elle joue dans les règles du gouvernement du Québec. Elle joue dans le cadre de la loi n° 25. Alors, j'invite les Québécois à continuer d'encourager les entreprises québécoises.

• (15 h 40) •

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le chef du troisième groupe d'opposition.

Mesures pour diversifier les exportations

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Mme la Présidente, le Parti québécois plaide depuis un bon moment pour que la priorité du gouvernement soit la diversification de nos partenaires économiques. On le sait, on est trop dépendants des marchés américains. C'est près de 75 % de nos exportations internationales. Mais, pendant ce temps-là, bien, c'est un maigre 6 % de nos exportations vers l'Europe, dont un très maigre 1,7 % vers la France et 1 % vers le Royaume-Uni. Donc, c'est vraiment très loin du potentiel de ces marchés-là pour nos entreprises.

Donc, malgré nos désaccords, je suis content, je note que le premier ministre souscrit à ce grand objectif de diversifier nos exportations dans son discours il y a quelques instants, mais on ne peut pas s'en tenir à des affirmations générales, là. Il faut comprendre que, pour changer des habitudes aussi ancrées, ça va prendre des mesures fortes et surtout des mesures précises qu'on peut comprendre. Et le gouvernement, là-dessus, a une obligation de résultat. Il faut que ça devienne payant pour que nos entreprises se dirigent vers d'autres marchés.

Le Parti québécois propose de créer un réel incitatif à la diversification des exportations en rendant tout nouveau revenu d'exportation non imposable. Je tends la main au premier ministre pour qu'il aille de l'avant.

Est-ce qu'il peut nous dire s'il est d'accord, oui ou non, avec cette mesure claire et précise?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, ça fait des décennies que tous les gouvernements, que ce soient libéraux, péquistes ou caquistes, disent : On doit diversifier nos marchés, on est beaucoup trop dépendants des États-Unis.

Il y a six ans, quand je suis arrivé, j'ai demandé, à l'époque, à la ministre des Relations internationales, puis j'ai redemandé la même chose à la nouvelle ministre des Relations internationales, qu'il y ait une priorité dans les délégations du Québec à l'étranger : aider les entreprises québécoises à augmenter leurs exportations. Je me rappelle d'ailleurs que des anciens du PQ m'ont blâmé pour mettre trop d'emphase sur l'économie dans les délégations du Québec à l'international.

Maintenant, quelle est la situation, depuis 2018? Depuis 2018, les exportations du Québec hors États-Unis ont augmenté de 12 %. Par contre, aux États-Unis, on a eu un boom économique, il y a eu une augmentation de 35 %. Le bon côté des choses, par contre, c'est quand on regarde les exportations du Québec dans les autres provinces du Canada. Depuis 2018, on a eu une augmentation de 34 %.

Donc, Mme la Présidente, on ne peut pas aller dire aux entreprises québécoises : N'augmentez pas vos exportations aux États-Unis. Ce qu'on fait, c'est qu'on les aide à augmenter leurs exportations dans le reste du monde, dans les autres provinces. Mais, Mme la Présidente, il reste qu'on a un marché — puis on ne changera pas la géographie — qui est juste à côté de nous autres...

La Présidente : En terminant.

M. Legault : ...donc c'est un petit peu normal que ce ne soit pas facile de changer ses habitudes.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Mme la Présidente, je note que le premier ministre souligne en effet que notre dépendance aux États-Unis a augmenté sous la CAQ, mais surtout je note que, je pose une question précise, à savoir est-ce qu'il est d'accord pour défiscaliser les revenus d'exportation, on n'a pas de réponse.

Donc je vais aller vers une autre proposition concrète et claire du Parti québécois. On propose de mettre sur pied rapidement les plus grandes missions commerciales de toute notre histoire, des équipes Québec avec nos entreprises, vers les pays qui ont des synergies sur le plan économique.

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Bien, Mme la Présidente, on n'a pas attendu la suggestion du Parti québécois pour faire des missions à l'étranger. Je rappelle au chef du troisième groupe d'opposition qu'il n'y a pas longtemps j'étais à Paris, puis, avec Henri-Paul Rousseau, j'ai rencontré une série d'entreprises françaises qui sont intéressées à investir au Québec. Puis on a rencontré aussi des entreprises où on pourrait exporter en France. Et j'ai parlé avec M. Macron. Ce qu'on essaie de faire, c'est que la France soit la porte d'entrée du Québec en Europe. Donc, on travaille là-dessus. Henri-Paul Rousseau y travaille. Je voudrais que ça augmente plus vite...

La Présidente : En terminant.

M. Legault : ...les exportations à l'extérieur. Donc on va continuer de le faire.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Je reconnais que le premier ministre s'est déjà rendu en France, mais ma question, elle est beaucoup plus pointue. On est en situation très, très urgente, selon ce que le premier ministre nous dit, et je demande : Est-ce que, concrètement, le premier ministre peut nous dire à quelle date nos missions commerciales à l'étranger commencent pour diversifier? Et je ne parle pas d'un aller-retour à Davos ou d'une rencontre qui a eu lieu je ne sais pas quand, là. Est-ce qu'on a un plan de match maintenant? Est-ce qu'on peut avoir de l'information?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bon, d'abord, effectivement, le chef du troisième groupe d'opposition vient de le dire, il y a quelques semaines, si ce n'est pas quelques jours, la ministre de l'Économie était à Davos, là où sont réunies toutes les grandes entreprises internationales. Elle a aussi profité de son voyage en Europe pour aller à Munich. Elle prévoit, au cours du mois d'avril, aller à Londres, donc, être capable d'aller augmenter nos exportations. En juin, elle sera au Bourget, on sait comment c'est important pour l'aéronautique. Le ministre délégué à l'Économie était à Toronto pour augmenter nos exportations dans les autres provinces.

La Présidente : En terminant.

M. Legault : Donc, Mme la Présidente, le chef du troisième groupe d'opposition défonce une porte ouverte, on est...

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

Hausse du salaire minimum

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Vendredi dernier, le ministre du Travail a profité de l'éclipse médiatique sur les tarifs pour annoncer en douce la hausse annuelle du salaire minimum. Et on comprend le malaise, on comprend sa gêne, c'était de 0,35 $, Mme la Présidente, 2,2 % de hausse seulement. Pendant ce temps-là, l'indice du TAL pour l'augmentation des loyers est, lui, à 6 %. Puis ça, c'est pour ceux qui restent dans leurs logements, parce que, on le sait, quand le locataire change, ça peut facilement atteindre 10 %, 15 % à 20 %. L'alimentation, de son côté, c'est de 3 % à 5 % d'augmentation, jusqu'à 6 % pour la viande. Les deux principaux postes de dépenses des personnes à revenus modestes vont donc dépasser l'augmentation caquiste du salaire minimum. Puis ça, c'est sans compter les efforts... les effets potentiels de la guerre commerciale qui nous pend toujours au-dessus de la tête. Autrement dit, on appauvrit les plus pauvres, parmi les plus pauvres de nos travailleurs, qui n'avaient déjà pas un revenu suffisant pour vivre décemment.

Nous, à QS, on pense que chaque personne qui se lève le matin pour aller travailler devrait recevoir un salaire lui permettant de vivre dignement. Le ministre, lui, pourquoi il n'est pas d'accord avec ça?

La Présidente : La réponse du ministre du Travail.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Évidemment, à chaque année, le 1er mai, on augmente le salaire minimum et on s'inspire d'un certain nombre d'indicateurs. D'abord, protéger le pouvoir d'achat des personnes à faibles revenus, mais respecter aussi la capacité de payer des PME, qui embauchent les personnes qui sont, généralement, au salaire minimum.

Devant l'insécurité économique actuelle, devant les mises à pied, les licenciements potentiels, il faut être extrêmement prudent puis prendre une décision qui est équilibrée puis respectueuse du marché de l'emploi. Je rappellerai à mon collègue qu'année après année la chaire en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke nous place en tête de peloton en termes de salaire minimum ajusté au coût de la vie. C'est le troisième salaire minimum le plus élevé au Canada. Et, ceci dit, ça respecte, ça protège le pouvoir d'achat, c'est une augmentation de 2,22 %, tout à fait équivalente à l'inflation anticipée du 1er mai 2025 au 30 avril 2026.

La Présidente : En terminant.

M. Boulet : Donc, on est fiers de ce salaire minimum. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Avec la hausse de 0,35 $, le gouvernement traverse le supposément infranchissable mur du 50 % du salaire moyen en passant à 50,5 %, une vraie révolution. Quand le ministre est arrivé en fonction, il ne voulait rien savoir de dépasser 47 %. Mais qu'est-ce qui l'empêche de faire un pas supplémentaire? Pourquoi ne pas aller à 53 %? Ça donnerait 16,90 $. À 55 %, ça donnerait 17,55 $. On n'est pas à 20 $ de l'heure, mais on s'en approcherait pas mal plus que le ridicule 16,10 $ qui vient d'être mis sur la table par le ministre.

Est-ce que le ministre peut m'expliquer pourquoi il pense que notre monde qui travaille fort ne mérite pas au moins 20 $ de l'heure?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Mme la Présidente, on est tous... on a, évidemment, la même sensibilité pour les personnes qui sont au salaire minimum. Et le ratio entre le salaire minimum et le salaire horaire moyen, avec le 16,10 $, est de 50,52 %, donc une augmentation équivalente à celle reçue par l'ensemble des travailleurs et travailleuses au Québec.

Et, une autre statistique qui est quand même assez révélatrice, on a, au Québec, une augmentation... en ce qui concerne le taux de couverture de la mesure du panier de consommation, on passe de 113 % à 115 %.

La Présidente : En terminant.

M. Boulet : Donc, encore une fois, c'est une décision équilibrée. Merci.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : L'année passée, Mme la Présidente, on a augmenté de 0,50 $. À 40 heures-semaine, ça donnait une augmentation de 20 $ pour une semaine, ce n'était pas grand-chose. Cette année, avec son 0,35 $, à 40 heures-semaine ça donne combien, Mme la Présidente? Ça donne 14 $ pour une semaine, d'augmentation du salaire minimum, pour des gens qui nous nourrissent, nettoient... fait toute la job un peu partout au Québec.

Est-ce que c'est suffisant, 14 $ d'augmentation par semaine, du salaire minimum...

La Présidente : Bon, je dois vous arrêter ici, monsieur, vous connaissez le décorum, nous ne pouvons pas utiliser d'objet, et ce n'est pas un tableau didactique. Il vous reste trois secondes.

M. Leduc : Les gens méritent mieux, au Québec, M. le ministre. Travaillez mieux.

• (15 h 50) •

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Oui, Mme la Présidente, cette hausse, encore une fois, elle est équivalente à l'inflation anticipée, elle protège le pouvoir d'achat des personnes à faibles revenus, elle respecte la capacité de payer. Il ne faut pas non plus mettre en péril les emplois des personnes que nous voulons protéger. Ne négligeons pas aussi la qualité du filet social québécois, le Régime québécois d'assurance parentale, les garderies à contribution réduite. On est reconnus comme ayant des lois progressistes, généreuses et qui permettent, à ce salaire minimum là, d'être, encore une fois...

La Présidente : En terminant.

M. Boulet : ...respectueux de tous les acteurs du marché de l'emploi. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente : En question principale, je reconnais le député de Pontiac.

Réorganisation du système de santé

M. André Fortin

M. Fortin : Vendredi, après que le ministre de la Santé a dit que jamais il n'avait demandé au réseau de la santé de couper 1,5 milliard en quatre mois, il y a un chroniqueur qu'on connaît tous qui a demandé, à la radio : Bien, si je suis gestionnaire en santé, qu'est-ce que je fais avec ma tronçonneuse, Mme la Présidente? Parce que les coupures, en ce moment, là, elles sont bien réelles. L'urgence à Trois-Pistoles, elle va fermer parce qu'il y a eu une commande d'avoir des coupures dans cette région-là, Mme la Présidente. Alors, je vais me réessayer avec le ministre de la Santé pour que tout le monde dans le réseau puisse avoir un minimum de clarté.

Si ce n'est pas 1,5 milliard, combien de coupures est-ce que le gouvernement de la CAQ demande de faire, en santé? Et est-ce qu'on peut avoir un budget exact pour chacune des régions? Parce qu'en ce moment il y a des gens qui perdent des services parce que les gestionnaires n'ont aucune idée de ce qu'ils ont besoin de faire comme coupures.

La Présidente : La réponse du ministre de la Santé.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Mme la Présidente, j'ai déjà répondu maintes fois. Ce qu'on demande à nos gestionnaires, c'est de respecter les budgets qu'on leur a donnés. J'ai des conversations très régulières, comme j'ai expliqué, Mme la Présidente, avec l'équipe de Mme Biron. Ils savent très bien ce qu'ils ont à faire. C'est des gens qui connaissent maintenant le réseau. Ils ont des discussions avec tous les P.D.G. Ils sont là pour accompagner ceux qui ont plus de difficultés que d'autres, on le reconnaît.

Alors, Mme la Présidente, cette équipe-là sait ce qu'elle a à faire. C'est une grande transformation de notre réseau, puis on fait pleinement confiance à ces gens-là pour trouver des solutions. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente : Alors, cela met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique Motions sans préavis, et, pour ce faire, je cède la place au troisième vice-président de l'Assemblée nationale. Merci pour votre attention.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Alors, bon après-midi, collègues. En fonction de nos règles et de l'ordre de présentation des motions sans préavis, je reconnais un membre du groupe de la deuxième opposition, M. le député des Îles-de-la-Madeleine... de la troisième opposition, troisième, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : ...Parti québécois, finalement. Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec le député de Pontiac, le député de Rosemont et la députée de Vaudreuil, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec la suspension du paiement des primes salariales octroyées au personnel d'encadrement et à la haute direction de Santé Québec tant qu'il y aura des compressions dans le réseau de santé du Québec.»

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Il n'y a pas de consentement. Ce qui nous amène vers la prochaine motion, d'un membre du groupe formant le gouvernement, et je cède la parole à Mme la ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie.

Souligner l'importance de continuer le travail visant à contrer la menace économique
de nouveaux tarifs douaniers et appeler tous les parlementaires
et tous les Québécois à unir leurs efforts en ce sens

Mme Fréchette : Oui. M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la députée de Verdun, le député de Jean-Talon, la députée de Vaudreuil et le député d'Arthabaska :

«Que l'Assemblée nationale affirme l'importance de continuer le travail visant à contrer la menace économique que représente les tarifs douaniers proposés par l'administration Trump;

«Qu'elle réitère la nécessité de développer et de promouvoir encore davantage l'achat local et d'encourager les consommateurs québécois à acheter des produits du Québec;

«Qu'elle rappelle l'importance de poursuivre la diversification de nos marchés d'exportation afin de réduire notre dépendance économique envers le marché américain et d'accentuer nos échanges commerciaux avec les autres provinces canadiennes et le reste du monde;

«Qu'elle appelle tous les parlementaires et tous les Québécois à unir leurs efforts face à cette nouvelle menace économique.»

Merci.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Lévesque (Chapleau) : Consentement, sans débat, M. le Président.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Consentement, sans débat. Donc, cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Adopté. Pour la prochaine motion, qui revient à un membre du groupe de l'opposition officielle, je reconnais M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Beauchemin : M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec le chef du troisième groupe d'opposition, la députée de Vaudreuil et le député de Saint-Jérôme :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte que selon le Budget 2024‑2025 du gouvernement caquiste, la croissance de la productivité au Québec est de 0,1 % sur les cinq dernières années;

«Qu'elle prenne acte que cette situation place l'économie et toutes les entreprises du Québec en situation de faiblesse accrue dans le cadre du contexte tarifaire actuel;

«Qu'enfin, elle demande au gouvernement caquiste de doter le Québec d'une politique de gains réels en matière de productivité et d'établir des objectifs clairs de recherche, de développement et d'innovation en ce sens.»

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Lévesque (Chapleau) : ...pas de consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Il n'y a pas de consentement. Ce qui nous amène vers la prochaine motion, qui revient au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, M. le Président. J'aimerais saluer, dans les gradins, des délégations syndicales, M. Luc Vachon, de la CSD, M. Steve Couillard, Mme Jessica Harvey, d'Unifor, et M. Pascal Côté, de la CSQ. Ils sont l'économie québécoise, eux et elle aussi, et ils attendent un rendez-vous avec le premier ministre.

Mme la Présidente... M. le Président, pardon, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante conjointement avec le député de Jean-Talon :

«Que l'Assemblée nationale constate que le Premier ministre consulte des dirigeants de grandes entreprises et de sociétés d'État du Québec dans l'objectif de redéfinir notre économie dans un contexte d'instabilité;

«Qu'elle rappelle que l'avenir de l'économie du Québec ne peut être décidé en huis-clos sans tenir compte des intérêts de toute la société québécoise;

«Qu'elle rappelle que les organisations syndicales représentent les intérêts des travailleuses et des travailleurs, dont celles et ceux qui risquent de perdre leurs emplois au courant des prochaines semaines;

«Qu'ainsi, l'Assemblée nationale demande au gouvernement d'élargir ses consultations, pour redéfinir l'économie québécoise, au reste de la société civile, notamment les syndicats, les représentants de l'économie sociale et les groupes écologistes.»

Merci.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Lévesque (Chapleau) : Il n'y a pas de consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Il n'y a pas de consentement.

Avis touchant les travaux des commissions

Ce qui nous amène à la rubrique des avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président.

J'avise cette Assemblée que la Commission de l'aménagement du territoire va poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 79, la Loi édictant la Loi sur les contrats des organismes municipaux et modifiant diverses dispositions principalement aux fins d'allègement du fardeau administratif des organismes municipaux, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 19 h 15, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

La Commission de l'économie et du travail va poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 87, la Loi concernant principalement le développement et la mise en valeur de terrains industriels et la gouvernance de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 19 h 15, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

La Commission des institutions va entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 88, la Loi modifiant la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 19 h 15, à la salle Pauline-Marois.

• (16 heures) •

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le leader adjoint du gouvernement.

Pour ma part, je vous annonce que la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes se réunira en séance publique aujourd'hui, après les avis touchant les travaux des commissions, vers 15 h 15, jusqu'à 17 h 40, à la salle Marie-Claire-Kirkland, afin de procéder à la deuxième phase des consultations particulières et auditions publiques dans le cadre des travaux de la commission.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

À la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous informe que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Cette motion se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte que le ministre de la Santé exige des compressions budgétaires de 1,5 milliard de dollars au réseau de la santé d'ici le 31 mars 2025;

«Qu'elle rappelle que Santé Québec a aboli plusieurs centaines de postes à travers toutes les régions et annoncé de multiples réductions de services;

«Qu'elle reconnaisse que le système public de santé fait déjà face à un manque de personnel soignant, à des fermetures d'urgences et à la vétusté des établissements;

«Qu'elle exige que Santé Québec rende public le plan complet des compressions budgétaires en santé;

«Qu'enfin, l'Assemblée nationale reconnaisse que le gouvernement du Québec doit prendre la responsabilité des 1,5 milliard de dollars de compressions en santé et de ses conséquences sur les services aux citoyens.»

Affaires du jour

La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour.

Débat d'urgence sur l'imposition de tarifs douaniers par les États-Unis

Aux affaires du jour, l'Assemblée tiendra maintenant le débat d'urgence au sujet de l'imposition de tarifs douaniers par les États-Unis demandé par M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

Je vous informe que la répartition du temps de parole se fera comme suit : 57 minutes allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 31 min 4 s allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 20 min 34 s allouées au deuxième groupe d'opposition, 6 min 51 s allouées au troisième groupe d'opposition, 1 min 30 s allouée à chacun des députés indépendants. Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. Enfin, je rappelle aux députés indépendants que, s'ils souhaitent intervenir au cours du débat, ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Je cède maintenant la parole à Mme la ministre de l'Économie.

Mme Christine Fréchette

Mme Fréchette : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je tiens d'abord à saluer le collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne, qui vous a fait la demande de tenir un débat d'urgence sur l'imposition des tarifs sur les exportations canadiennes vers les États-Unis, tarifs que je qualifie de taxe Trump. Malgré le report...

Des voix : ...

Mme Fréchette : Est-ce que je poursuis? Oui? Malgré le report de 30 jours de l'imposition des tarifs, je crois tout de même que cette conversation est importante. Il s'agit d'une bonne nouvelle, mais la menace n'est pas terminée, donc il faut poursuivre le travail.

Alors, M. le Président, je salue également les partis d'opposition qui appuient le gouvernement de la CAQ dans le cadre des menaces de l'administration Trump envers le Canada. D'ailleurs, les parlementaires ont adopté à l'unanimité une motion de l'Assemblée nationale soulignant notre opposition à cette imposition de tarifs douaniers. Permettez-moi de vous la relire rapidement, puisque je pense qu'elle met l'accent sur le caractère d'unité qui habite les Québécois face à cette menace. Cette motion allait comme suit :

«Que l'Assemblée nationale exprime sa ferme opposition à ce que des tarifs douaniers soient imposés sur des produits canadiens exportés aux États-Unis;

«Qu'elle affirme qu'il n'est pas dans l'intérêt des États-Unis de créer un conflit commercial avec le Canada et le Québec;

«Qu'elle réitère l'importance d'être prêt à toute éventualité afin de protéger l'économie et les entreprises québécoises; et

«Qu'elle réitère l'importance de rester unis face à la menace de tarifs douaniers.»

Maintenant, M. le Président, certaines personnes se retiennent de dire que l'imposition de tarifs de 25 % constitue une guerre commerciale, mais, n'ayons pas peur des mots, c'est réellement ce qui est en train de se produire, si l'Administration américaine va de l'avant.

Les États-Unis sont en contravention complète avec nos accords de libre-échange et ils s'attaquent directement à notre économie, à nos entreprises et aux emplois des Québécois, et ça, c'est inacceptable.

Je sais que ça préoccupe tous les députés des oppositions autant que nous, à la Coalition avenir Québec. Et plus encore, je sais que plusieurs sont inquiets pour la suite des choses. Les États-Unis, on le sait, ils constituent notre premier partenaire commercial. Plus de 70 % des exportations québécoises de marchandises sont destinées au sud de la frontière. Ces exportations, elles sont liées à plus de 400 000 emplois au Québec, et il y a plus de 9 300 entreprises québécoises qui brassent des affaires en sol américain.

Alors, ma première responsabilité, c'est de protéger notre économie, et nos emplois, et nos entreprises. Avec le comité Québec—États-Unis, présidé par le premier ministre M. Legault, et sur lequel je siège avec sept autres de mes collègues ministres, nous nous rencontrons très régulièrement pour ficeler différents scénarios d'actions et rester en phase avec ce qui circule sur le terrain.

En parallèle, on se garde très connectés avec le milieu des affaires pour envisager les meilleurs scénarios possibles. La semaine dernière, par exemple, j'ai rencontré la cellule économique Beauce—États-Unis, créée par le député de Beauce-Sud. Je souhaite comprendre, bien sûr, la réalité de nos PME en région. Alors, j'ai rencontré, hier aussi, une soixantaine de chefs d'entreprise afin de prendre leur pouls sur les impacts qu'auraient des tarifs et surtout sur les solutions que le gouvernement peut apporter pour soutenir l'économie et les entreprises.

Hier, le premier ministre et moi-même avons rencontré M. Guy Cormier, président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, et M. Laurent Ferreira, président et chef de la direction de la Banque Nationale, afin de sonder le milieu économique et financier pour assurer le développement du Québec.

Je le répète, M. le Président, notre priorité, c'est de protéger notre économie et nos emplois, et, M. le Président, nous allons nous battre pour y arriver. Je continuerai à tenir des réunions régulières avec les représentants des principales associations économiques pour discuter des secteurs qui seront les plus touchés, par exemple, comme ceux de l'aéronautique, de l'aluminium, de l'industrie forestière, de l'agriculture, de l'agroalimentaire et des semi-conducteurs, pour ne nommer que ceux-là.

En plus de tout ça, notre gouvernement continue de faire pression sur le fédéral pour qu'il resserre la gestion de la frontière canado-américaine, et je salue le pas que le premier ministre Justin Trudeau a fait hier en ce sens. On a interpelé aussi le fédéral pour s'assurer d'être impliqués dans les négociations à venir en ce qui a trait à la révision de l'accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, afin que les intérêts du Québec soient bien pris en considération. Bref, on est actifs sur plusieurs fronts.

Par ailleurs, le gouvernement du Québec a développé, au fil des années, un solide réseau à l'international. Avec des délégations partout dans le monde, le Québec est l'un des seuls États fédérés à être aussi présent à l'étranger. Il est essentiel de travailler en étroite collaboration avec les États-Unis pour leur faire valoir le haut degré d'intégration de la relation commerciale entre nos deux nations.

Et, dans cette optique, il faut dire qu'on était au travail avant l'élection du nouveau président. Le Québec est encore plus prêt qu'en 2016 pour travailler avec une administration Trump. En prévision des élections, on a notamment augmenté de 20 % nos effectifs aux États-Unis et on a rehaussé les représentations de Miami et de Washington au statut de délégations.

Cela dit, il faut tout de même commencer à considérer davantage de marchés d'exportation alternatifs, comme l'Europe, comme l'Amérique latine, comme l'Asie, pour être moins dépendant du marché américain. J'étais à Davos récemment pour poursuivre notre discussion avec d'autres marchés d'exportation et pour rencontrer des entreprises québécoises qui ont un pied-à-terre à l'étranger. Le message que j'ai porté là-bas, c'est que le Québec est un partenaire d'affaires de premier plan pour réaliser des projets d'envergure. On doit profiter davantage des opportunités découlant de nos accords de libre-échange, comme celui avec l'Union européenne ou encore avec l'accord transpacifique, et faire valoir à nos partenaires que le Québec est la place pour développer leurs entreprises.

Dans l'avenir, on doit aussi promouvoir davantage le commerce interprovincial avec nos partenaires canadiens. Mon collègue le ministre délégué à l'Économie et député de Sainte-Rose fait d'ailleurs partie d'un comité sur le commerce intérieur avec des représentants du gouvernement fédéral et de toutes les provinces et territoires. Ils se sont rencontrés pas plus tard que vendredi dernier pour établir une liste des barrières qui pourraient être éliminées rapidement afin de faciliter nos échanges, et le ministre vous en parlera plus en détail, M. le Président. La situation actuelle nous démontre clairement qu'il est essentiel pour les entreprises québécoises de diversifier leurs marchés d'exportation, et il faut y voir dès maintenant.

Cela dit, une chose m'est apparue claire ces derniers temps avec les propos tenus par le président Trump, c'est qu'on doit faire le point sur nos atouts, sur ce qui nous distingue et sur ce qui fait du Québec un partenaire incontournable pour les Américains, parce que ce sont nos atouts qui vont faire la différence dans le cadre des négociations et des échanges à venir.

Par exemple, en matière d'énergies propres, est-ce qu'on est vraiment conscients que l'énergie renouvelable produite au Québec équivaut à 22 % de toute l'énergie renouvelable produite aux États-Unis? Le Québec est une véritable puissance nord-américaine en matière d'énergie renouvelable. Or, c'est un actif recherché et un actif dont la valeur va aller croissante dans un contexte de transition énergétique comme celui que l'on connaît.

• (16 h 10) •

Si on prend également l'aluminium, ça va être très difficile pour les États-Unis de se passer de nous, surtout qu'ils ne souhaitent plus importer d'aluminium de Chine. Pourquoi? Parce que le Québec produit plus de 70 % de tout l'aluminium primaire en Amérique du Nord. Et, avec notre technologie révolutionnaire, qui est appelée Elysis, on va se démarquer encore plus comme leader de cette industrie en produisant l'aluminium le plus vert au monde. Et c'est vrai non seulement pour l'aluminium, mais dans une série d'autres secteurs stratégiques.

Notre expertise et notre capacité d'innover en matière d'aérospatiale, en matière de sciences de la vie et technologies de la santé, en matière d'intelligence artificielle, de technologies quantiques, de semi-conducteurs, notre expertise dans ces domaines-là est reconnue à travers le monde. Il faut être fier de nous, de nos atouts et des secteurs dans lesquels on est des leaders et il nous faut miser sur ces forces pour nous démarquer à l'échelle internationale.

Ma collègue la députée de Rimouski, ministre des Ressources naturelles et des Forêts et ministre responsable de la région du Bas-Saint-Laurent et de la région de la Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, vous en parlera d'ailleurs plus longuement, mais on dispose aussi d'un nombre important, il faut le souligner, de minéraux critiques et stratégiques sur notre territoire, qui vont nous permettre de propulser l'innovation et le développement technologique dans plusieurs secteurs. Je pense aussi à la filière batterie, où le Québec est une véritable plaque tournante à l'échelle nord-américaine.

Et cette liste de nos atouts, bien sûr, elle n'est pas exhaustive. Je pourrais vous parler de nos forces, en fait, encore longtemps parce que notre tissu industriel foisonne d'ingéniosité et de PME innovantes qui apportent des solutions à la fine pointe de la technologie et aux grandes entreprises québécoises, canadiennes et internationales.

D'ailleurs, ce qui est clair, c'est que Donald Trump a tout faux lorsqu'il dit qu'il n'a pas besoin du Canada et, par conséquent, du Québec. Les États-Unis s'appuient sur de nombreuses entreprises et secteurs d'activité du Québec pour plusieurs de leurs chaînes d'approvisionnement d'importance. Les contrecoups subis par les Américains avec l'imposition de tarifs, notamment en matière de hausse de prix de nos exportations, vont se faire sentir dans plusieurs sphères, plusieurs sphères économiques et politiques aux États-Unis, s'il advenait que des tarifs soient imposés. Et la pression exercée par les entreprises américaines sur leurs dirigeants va rapidement suivre. Déjà, la saga des derniers jours a généré un vent d'inquiétude chez plusieurs dirigeants politiques et économiques et chez plusieurs dirigeants d'entreprise aux États-Unis. On doit rester proche de ces alliés parce qu'il n'y a rien comme un Américain pour convaincre un Américain.

Maintenant, comme je l'ai dit, mon objectif premier, c'est de protéger nos entreprises et protéger notre économie. Notre gouvernement sera au rendez-vous pour soutenir celles qui pourraient être particulièrement touchées en raison de l'importance de leurs exportations vers les États-Unis. C'est le rôle de notre gouvernement de les aider à demeurer productives, à demeurer compétitives sur leur marché et à les aider à travailler cette période difficile, si le président américain met sa menace à exécution.

Sur ce, je vais m'arrêter ici, M. le Président, mais, comme vous l'avez entendu, je pourrais parler encore longtemps de tous les atouts que le Québec a à offrir au monde et à quel point l'administration Trump se trompe avec une menace de guerre tarifaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la ministre. Je reconnais tout de suite Mme la cheffe du deuxième groupe d'opposition et députée de Mercier.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Merci beaucoup, M. le Président. Je suis vraiment très heureuse de me lever aujourd'hui pour le débat d'urgence qui a été demandé par le leader de Québec solidaire. On vit aujourd'hui un moment historique, et c'était très important que tous les députés à l'Assemblée nationale, on puisse s'exprimer et on puisse apporter des propositions face à la situation exceptionnelle qu'on vit. Un débat d'urgence, c'est quelque chose de rare, d'exceptionnel, mais la situation qu'on vit en ce moment, face aux menaces de Trump, mérite cette procédure d'urgence exceptionnelle à l'Assemblée nationale. Donc, je suis très, très fière qu'on puisse tenir ce débat-là à la demande de Québec solidaire, et je remercie Mme la présidente de l'avoir accepté.

Même si on a un sursis, là, de 30 jours sur les tarifs de 25 % sur nos exportations, l'instabilité économique créée par les menaces de Trump, bien, mérite qu'on continue à agir de façon rapide et à répondre par des mesures aussi exceptionnelles face à cette instabilité. Même si les tarifs n'ont pas lieu maintenant ou n'auront pas lieu dans un mois ou dans deux mois, ça mérite quand même qu'on travaille activement à protéger notre économie, à protéger les travailleurs et travailleuses, parce que cette instabilité-là crée déjà un impact sur notre économie et sur les gens, les Québécois et Québécoises.

Je veux aussi remercier tous les partis politiques qui ont accepté aussi de participer à ce débat. Ça a été accueilli avec ouverture, et c'est important de le souligner, parce que les citoyens et citoyennes du Québec aiment ça, quand leurs élus qui les représentent travaillent ensemble pour leur bien-être, pour défendre leurs intérêts. Moi, je sens énormément, et je suis certaine que c'est la même chose pour vous, M. le Président, et la même chose pour tous les élus ici, à l'Assemblée nationale, je sens énormément de colère, de peur, d'inquiétude de la part de nos citoyens et citoyennes. Et on doit ici... nous avons la responsabilité de pouvoir travailler fort ensemble pour les rassurer et pour trouver des solutions pour eux et pour notre avenir.

Et, même si je trouve que c'est important qu'on travaille en collaboration, c'est tout à fait correct et c'est même bénéfique que nous ne soyons pas tous d'accord. Moi, j'ai hâte d'entendre les solutions, par exemple, de nos collègues du gouvernement, j'ai entendu, tout à l'heure, la ministre de la CAQ, la ministre de l'Économie, d'entendre nos collègues du Parti libéral, du Parti québécois, mais ça ne veut pas dire que nous allons tout le temps être d'accord. Et ça, c'est correct, de ne pas être d'accord ensemble, c'est même important, c'est même sain dans une démocratie saine. Et il faut encore plus le souligner aujourd'hui, alors qu'on voit que la démocratie aux États-Unis, dans la société extrêmement polarisée des États-Unis de Trump, à quel point elle est malade, cette démocratie. Donc, on doit en tenir... en prendre soin encore beaucoup plus et avoir des débats, des réels débats. Même si nous ne sommes pas d'accord, ça ne veut pas dire que nous ne travaillons pas dans l'intérêt des Québécois et Québécoises.

On vit une époque nouvelle, on fait face à Trump, un homme qui ne respecte aucune loi, qui ne respecte aucune règle, aucun traité, un mythomane qui nous mène en bateau avec des problèmes imaginaires, comme le fentanyl qui transite du Canada vers les États-Unis, surtout le fentanyl perçu par les autorités américaines en provenance du Canada, c'est... sur toute cette quantité de fentanyl qui est perçue par les autorités américaines, seulement 0,2 % proviennent du Canada. C'est minime, ce n'est rien. De vouloir mettre à mal toute l'économie au Canada, toute cette relation d'amitié qui existe entre le Québec, entre le Canada et les États-Unis pour ce problème-là, qui n'en est pas un, qui n'est pas un problème d'urgence, c'est vraiment tout à fait irraisonnable de la part de cet homme-là. Vraiment, Trump, il faut se le dire, et se le répéter, et se le rappeler, c'est un homme qui n'a que faire de la réalité. Pour lui, la réalité, les faits, ça n'existe pas.

Donc, la première chose raisonnable qu'on doit faire, c'est de ne pas embarquer dans son délire, de ne pas lui donner raison. Comme j'ai entendu ici, à l'Assemblée nationale, on ne peut pas donner raison à cet homme-là parce qu'il ment. Et les faits, on ne doit pas les laisser tomber parce qu'on veut lui plaire. On ne veut pas lui plaire à n'importe quel prix. Ce qu'on veut, c'est protéger notre monde. C'est la responsabilité du gouvernement, c'est notre responsabilité comme élus, et, pour ça, il ne faut pas faire non plus n'importe quoi.

La deuxième chose à faire, qui est très importante, et je l'ai mentionné tout à l'heure, dans la réplique à la déclaration ministérielle du premier ministre, c'est de rendre notre économie moins dépendante des États-Unis et plus résiliente. Notre économie, depuis des décennies, est beaucoup trop imbriquée avec les États-Unis. Et c'est impossible de tout changer ça du premier coup par un coup de baguette magique. On ne sera pas prêts à changer notre économie, à la rendre plus autonome face aux États-Unis le 1er mars, mais ça ne veut pas dire qu'il faut qu'on s'assoie sur nos mains, ça ne veut pas dire que le statu quo peut continuer, au contraire. Souvent, on le dit, hein, dans les crises, c'est aussi une opportunité pour se relever, c'est une opportunité pour changer les choses, c'est une opportunité pour prévenir aussi les situations qui pourraient être difficiles dans l'avenir pour notre... pour nous, pour notre économie. Il faut commencer à diversifier, donc, notre économie. Il faut un plan complet de diversification de notre économie.

Ma collègue la députée de Verdun, tout à l'heure, quand elle va participer à ce débat d'urgence, va nommer plusieurs propositions que nous avons, à Québec solidaire. Et on ne l'a pas... on n'a pas pensé à ça récemment, depuis Trump, on n'y a même pas pensé uniquement depuis la pandémie, l'achat local, avoir une autonomie économique, avoir une autonomie aussi dans le secteur agroalimentaire, une souveraineté alimentaire, une souveraineté économique. Ça fait des années qu'on en parle, à Québec solidaire, ça fait des années que nous avons des propositions. Et on le fait depuis notre fondation, depuis 2006, c'est peu dire.

Même pendant la pandémie, on l'a répété, on se rappelle, pendant cette situation urgente où on a eu un... on a fait face à un virus qu'on ne connaissait pas. On s'est rendu compte à quel point on était dépendants, par exemple, pour les instruments médicaux, pour les produits pharmaceutiques des États-Unis et d'autres entreprises dans le monde. Et ça fait depuis la fondation de Québec solidaire quasiment que mon collègue l'ancien député de Mercier, Amir Khadir, parle de Pharma-Québec, un pôle de production de nos médicaments ici, de nos instruments médicaux, de recherche aussi. Qu'est-ce qui a été fait depuis ce temps-là, depuis 20 ans? Rien. Qu'est-ce qu'on attend? On attend le prochain virus? Parce que je ne veux pas être un oiseau de malheur, mais c'est tout à fait possible que le monde fasse encore face à un autre virus, et on ne sera encore pas prêts. À un moment donné, il faut faire des bilans des crises, et il faut apprendre, et il faut agir surtout.

• (16 h 20) •

D'ailleurs, la semaine dernière, ma collègue la députée de Verdun avait posé une question à la ministre de l'Économie, de nous présenter un plan de réplique aux tarifs douaniers de Trump, et la ministre avait dit qu'elle travaillait sur ça, qu'elle était en rencontre avec les entreprises. Je comprends qu'elle a continué, avec le premier ministre, à rencontrer des entreprises. Cette fin de semaine, le premier ministre aussi disait qu'il regardait des avenues possibles, qu'il veut réduire notre dépendance. Est-ce qu'il y a un plan? S'il y a un plan, ça va être important que le gouvernement nous le présente de la façon la plus transparente.

C'est important, le débat d'urgence qu'on est en train de mener ici. On a deux heures de débat sur comment contrer les menaces de Trump, mais, si le gouvernement, qui a tous ses ministères et qui a toute la fonction publique à son service pour aider les Québécois... bien, ce serait important aussi de nous impliquer puis de nous le sortir, ce plan-là, pour qu'on puisse en parler puis qu'on fasse ça de façon transparente et non pas de le garder pour eux puis qu'on le découvre avec tout le monde. Donc, cet aspect-là est aussi très important.

Comment est-ce que le gouvernement peut agir très, très rapidement, là, pour protéger les Québécois face à cette instabilité économique? Bien, le premier ministre, il l'a dit, on risque, à cause des tarifs de Trump, de perdre 100 000 emplois, 100 000 emplois dans différents secteurs, surtout dans le privé. Bien, il ne faudrait pas que lui aussi, comme premier ministre, contribue à mettre des gens à la porte. Et en ce moment, malheureusement, depuis quelques semaines, il y a eu des coupures : compressions en santé, 1 000 employés de moins en un mois; dans Chaudière-Appalaches, 30 postes coupés en santé mentale. On ne peut pas se permettre de couper des emplois alors qu'il y a des emplois qui sont déjà menacés par Trump. Donc, déjà là, d'arrêter les coupures et les jobs dans les services publics, c'est déjà un pas qui va être très important.

Pensons à une famille... un couple, un homme qui travaille, par exemple — je dis un homme parce que souvent, malheureusement, ce genre d'emplois sont genrés, puis je vais y revenir — qui travaille, par exemple, dans le secteur de l'aluminerie et qui perd son emploi à cause des tarifs de Trump, parce qu'il y a des coupures dans l'industrie et dans la compagnie où il travaille, et la mère de famille... par exemple, une famille de deux enfants, la mère de famille qui travaille dans le système de santé et qui voit son poste coupé à cause des décisions du ministre de la Santé ou de Santé Québec, bien, je veux dire, cette famille-là va s'appauvrir. Donc, il y a, déjà là, une possibilité pour le premier ministre d'aider des Québécois à ne pas s'appauvrir.

Une des raisons pour laquelle on a demandé ce débat d'urgence et aussi pour laquelle j'ai demandé à M. le premier ministre d'écouter nos propositions, nous, les oppositions, puis aussi de les mettre en application, c'est parce que, des fois, le gouvernement, peut-être en étant pressé, il ne peut pas rencontrer tout le monde, bien, des fois, il y a des angles morts. Et on l'a vu pendant la pandémie, quand il y a eu le couvre-feu, ma collègue la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques avait levé le drapeau rouge en disant : Il est possible qu'il y ait des itinérants qui soient dehors, qui n'aient pas aucun lieu où se rendre. Et malheureusement, le pire est arrivé, un itinérant est décédé parce qu'il était dans la rue, il n'avait nulle part où aller. Et ça sert à ça, le travail des oppositions et de Québec solidaire.

Un angle mort dans la situation actuelle, c'est l'impact économique sur les femmes, hein? M. Legault nous dit qu'il veut contrer, ça veut dire qu'il veut que les chômeurs...

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Je vais vous rappeler, Mme la députée de Mercier, donc, on appelle les élus par leur titre.

Mme Ghazal : J'ai dit «M. Legault»? Ah! je suis désolée. Merci. Pardon. M. le premier ministre.

Donc, j'ai entendu M. le premier ministre aussi dire qu'il voudrait que les chômeurs construisent des barrages. Tout ça, c'est des secteurs d'économie, des secteurs d'emploi à majorité masculine, et c'est souvent le cas, quand le gouvernement veut construire des infrastructures, faire des barrages. Et on est d'accord avec ça, il faut que le gouvernement investisse dans les infrastructures qui servent à tout le monde. On veut aussi rapidement avoir une ligne bleue, rapidement construire le tramway. Ça crée de l'emploi pour que les gens qui tombent au chômage puissent travailler. Mais c'est quand même des emplois dans les... à forte majorité masculine. C'est important que le gouvernement n'ait pas dans son angle mort les emplois à majorité féminine, qui sont, pour la grande majorité, dans les services publics. Par exemple, en santé, c'est 82 % de femmes; dans les... en enseignement, droit et services sociaux, communautaires, gouvernementaux, 73 % de femmes. Donc, ça, c'est un angle mort que le gouvernement devrait faire... auquel il devrait faire attention.

Et je demanderai aussi au gouvernement... Oui, ils sont connectés avec le secteur économique, avec les entreprises, ils rencontrent des P.D.G., des hauts dirigeants d'entreprise. C'est très important aussi de ne pas oublier les travailleurs et travailleuses, les syndiqués, les représentants des travailleurs, travailleuses, de ne pas oublier aussi de les rencontrer, de les écouter, parce qu'ils sont des acteurs très importants pour notre économie. Et ce n'est pas vrai que le gouvernement, en aidant par toutes sortes de moyens les entreprises, les... que l'argent va percoler comme par magie et que les travailleurs et travailleuses vont s'enrichir. Ce n'est pas ce qu'on a vu. À chaque fois qu'il y a des situations économiques difficiles, l'argent qu'on donne ne percole pas nécessairement. Il faut des mesures fortes et que le gouvernement n'ait pas dans son angle mort les emplois à prédominance féminine et aussi les travailleurs et travailleuses. Donc, c'est très urgent qu'il les rencontre et qu'il les considère comme des acteurs économiques importants pour les Québécois et Québécoises.

Donc, merci. Merci beaucoup. Et je remercie encore une fois tous les collègues de participer à ce débat d'urgence qui a été demandé par Québec Solidaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de Mercier. Et je reconnais maintenant M. le député de l'Acadie.

M. André Albert Morin

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, c'était important pour moi, cet après-midi, de prendre la parole dans le cadre de ce débat d'urgence proposé par le deuxième groupe d'opposition, en lien avec les tarifs qui sont imposés ou qui vont être imposés puisqu'à la toute dernière minute il y a eu un sursis imposé éventuellement par le président américain.

C'est une situation sans précédent, et je peux très bien comprendre, M. le Président, l'inquiétude des Québécois et des Québécoises face à ces menaces venant pourtant d'un pays que l'on considérait comme étant un pays allié et ami, mais je connais aussi la résilience des Québécois et des Québécoises. Et, s'il y a une nation qui est capable de faire preuve de créativité, c'est bien la nation québécoise. Je vous dirai que cette incertitude que nous vivons doit devenir une opportunité, et ma formation politique, le Parti libéral du Québec, sera toujours là pour le Québec, pour son économie. Nous sommes le parti de l'économie. Pour nous, ça a toujours été le Québec d'abord, et on va s'occuper de, évidemment, s'occuper de notre monde.

Et je vous dirai que, présentement, un des moyens les plus efficaces pour redonner confiance aux gens qui nous écoutent, c'est de leur démontrer qu'on est capables de travailler ensemble, qu'on est unis, qu'on travaille au sein de la fédération canadienne et qu'on est capables d'agir rapidement. Toutes nos forces doivent être mises à contribution. On a le talent, les idées, l'expertise pour le faire. Et la population du Québec pourra toujours compter sur ma formation politique, le Parti libéral du Québec. Il faut donc travailler ensemble à préparer une contre-attaque, parce que, comme je le soulignais précédemment, nous avons un sursis. Espérons qu'il sera de 30 jours, on ne sait jamais. Et j'ai donc écouté avec attention l'allocution du premier ministre, et il y avait beaucoup de paroles, mais je n'ai pas vu ni entendu rien de très concret de la part du gouvernement. Et je pense qu'aujourd'hui, si on a besoin de quelque chose, ce sont des initiatives concrètes. Et je vous dirai que, pour l'opposition officielle, j'en ai, des mesures à proposer, des idées à partager avec les élus de cette Chambre et avec le gouvernement.

Je vous dirai qu'il est important et... de pouvoir utiliser notre diplomatie, nos délégations à l'extérieur du Québec pour aider l'économie québécoise. Le premier ministre a parlé, il disait : Moi, j'ai insisté pour que nos délégations s'occupent d'économie. Soit, mais moi, j'ai hâte d'avoir un plan très concret du gouvernement pour nous expliquer et pour expliquer à la population ce qu'ils entendent faire d'une façon très concrète. Moi, j'en ai, des suggestions.

D'abord, des états généraux avec notre diplomatie québécoise pour être capables d'identifier clairement quelles sont nos dépendances économiques afin d'être capables de combler ces dépendances, faire le point avec nos délégués, travailler conjointement avec la fédération canadienne, les autres provinces, mais évidemment, bien sûr, avec les affaires... le ministère des Affaires étrangères du Canada.

• (16 h 30) •

Créer une cellule de crise pour qu'on soit capables de diversifier nos marchés, notre économie. On en a déjà parlé, mais il faut véritablement un plan et un plan qui soit clair, un plan qui soit énoncé clairement, en toute transparence pour que les Québécois et les Québécoises soient au courant de ce que leur gouvernement va faire. Et croyez-moi, nous, dans l'opposition officielle, on va y veiller.

Mais permettez-moi de revenir à notre réseau de diplomates au Québec. Le Québec est privilégié. Nous avons un réseau très étendu dans les autres provinces canadiennes, mais beaucoup aux États-Unis. Et ça, je pense qu'il est très important que le gouvernement nous présente un plan, un plan qui soit cohérent pour voir quels sont, finalement, les missions, les critères, les objectifs qui sont donnés à nos représentants à l'étranger. Et je vous dirai que, quand on regarde la liste des délégations générales et des délégations, il y en a plusieurs aux États-Unis, dans des villes importantes, mais il ne faut pas non plus oublier l'importance de dialoguer avec des élus américains, et là aussi le Québec est très bien positionné, et je pense notamment au Council of State Governments, aux États-Unis, et le National Conference of State Legislatures où le Québec peut agir d'une façon efficace.

Donc, il faut que tous ces efforts-là soient mis en place pour que nous puissions diversifier notre économie, mais faire en sorte que nos entreprises soient évidemment protégées, très important. Pourquoi parler aux élus américains? Je demeure convaincu que, si jamais le président des États-Unis d'Amérique change d'idée, bien, ça va venir de l'interne, des gens qui le conseillent, et donc d'où l'importance d'entretenir de bonnes relations

Mais je disais également diversifier nos marchés. Il n'y a pas que les États-Unis d'Amérique. Pensons notamment aux États unis du Mexique avec lesquels il y a un traité de libre-échange et avec lesquels il faut continuer à développer un partenariat pour diversifier nos marchés. Ça m'apparaît être totalement essentiel, et ça, c'est une mesure concrète.

Mais je vous dirai également : Pensons à l'Europe, pensons aux marchés européens. Et, là encore, le Québec, à l'international, a des antennes, a des liens dans plusieurs organismes internationaux. Je pense à l'Organisation mondiale du commerce qui est là, avec le Canada, l'Organisation de coopération et de développement économiques. Le Québec est représenté via la délégation canadienne. La francophonie économique... Et j'en ai déjà parlé en cette Chambre précédemment, M. le Président, il faut développer ces marchés, et, dans la francophonie économique, que ce soit le CONFEMEN, le CONFEJES ou l'OIF, le Québec est membre à part entière de l'Organisation internationale de la Francophonie. Nous participons à leurs initiatives économiques.

Donc, faisons en sorte que, dans cette diversification des marchés, ce ne soit pas uniquement le marché américain, qu'on soit capables de diversifier et qu'on soit capables d'avoir un plan cohérent pour être capables d'agir évidemment dans l'ensemble de la Francophonie, et en particulier en Europe.

Le premier ministre nous disait qu'il a rencontré notre délégué à Paris. Bien, soit, excellent! Quelles sont les cibles? Le gouvernement aime ça parler de tableaux de bord. Est-ce qu'on pourrait nous partager le tableau de bord? Est-ce qu'on pourrait nous expliquer quels sont les objectifs, comment ils vont les atteindre? Parce qu'en toute transparence ça permettrait évidemment aux Québécois et aux Québécoises d'y voir plus clair. Il faut être capable, donc, de fixer des objectifs économiques, et donc d'avoir un plan.

Et là-dessus, évidemment, j'aimerais bien entendre la ministre des Relations internationales, parce qu'il nous faut planifier. Il faut être capable de savoir exactement où on s'en va, que ce soit en Europe, que ce soit au sein de la Francophonie mondiale, mais que ce soit également en Asie. Et donc ça, c'est excessivement important. L'Asie est un marché qui est en pleine évolution, et il faut que le Québec soit capable de se positionner tout à fait à l'international.

Je vous dirai également que, face aux Américains, nous devons évaluer toutes nos possibilités. Malheureusement, avec les décisions du président américain actuel, on se rend compte qu'il y a un élément qui n'existe plus, et c'est celui de la prévisibilité. Et dans le monde des affaires, dans le monde des relations internationales, s'il y a un élément qui est important, c'est celui-là. Donc, il faut être capable de diversifier, mais d'avoir évidemment un plan.

Et je vous dirais qu'au niveau des éléments très concrets, revoir les contrats gouvernementaux avec les États-Unis, évaluer la possibilité de les annuler, évidemment faire ça d'une façon cohérente et intelligente, voir s'il n'y aura pas des pénalités, bien, il faut quand même regarder tous ces éléments-là pour que le Québec soit bien positionné pour aider nos entreprises québécoises. L'achat local est un élément, une façon de faire que le gouvernement doit continuer, mais surtout amplifier, ça m'apparaît tout à fait important. Revoir toutes nos chaînes d'approvisionnement, on en a parlé pendant la pandémie, mais là il faudrait arrêter d'en parler, il faudrait le faire, et le temps presse.

Donc, je m'attends également de notre premier ministre qu'il soit présent lors d'événements internationaux importants avec les Américains. J'en parlais la semaine dernière, il y aura bientôt, à Washington, une rencontre des gouverneurs. Il est très important que le Québec y soit, mais que notre premier ministre exerce un rôle de leadership et qu'il soit là pour parler à ses homologues américains. Ceci m'apparaît tout à fait essentiel.

Donc, oui, il faut réagir, mais il faut un plan, il faut faire preuve de transparence, il faut être capable de diversifier nos marchés et d'avoir un plan global au niveau, évidemment, de nos relations internationales, travailler conjointement avec le gouvernement canadien pour être capable de bien positionner le Québec et travailler avec les autres provinces pour faire en sorte que notre économie soit dorénavant diversifiée, qu'on soit capable d'aider des entreprises et surtout, surtout, qu'on ait un plan. Je pense que, s'il y a quelque chose qu'on peut retenir de ce débat et qu'il faudra faire, c'est évidemment parler de transparence. Nous, on est là pour collaborer, mais encore, là, faudrait-il que le gouvernement ait un plan, un plan clair pour le Québec, pour nos gens, parce que nous, évidemment, on va y veiller. Et, comme je vous le soulignais d'emblée, et je termine là-dessus, pour nous, au Parti libéral du Québec, c'est le parti de l'économie, et ça va être nos gens, et ça va être le Québec d'abord. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de l'Acadie. Et je reconnais maintenant M. le député de Jean-Talon.

M. Pascal Paradis

M. Paradis : Merci au collègue de la deuxième opposition de nous offrir cette opportunité de discuter de ce thème extrêmement important, avec l'appel du premier ministre tout à l'heure ici, en Chambre, à ce qu'on collabore. Il nous invite aussi à garder la tête froide. On est d'accord à répondre à cet appel — en fait, on y répond — à la collaboration, dans une ère où, oui, on a besoin d'unité au Québec face à une nouvelle administration américaine qui fait fi des règles du droit commercial international en adoptant des mesures d'une ampleur inédite, avec cette menace de tarifs qui plane toujours sur nos têtes.

• (16 h 40) •

Mais je trouve ça intéressant que le gouvernement, donc le premier ministre, dans son discours, je le cite, nous dit qu'il tend la main à tous les députés, qu'il tend la main aux entrepreneurs, aux travailleurs, aux chercheurs, à tous les Québécois, qu'on va avoir besoin de tout le monde dans cette grande corvée, qu'on est ouverts à toutes les idées, à toutes les suggestions. J'invite le gouvernement et j'invite le premier ministre, déjà, à tenir parole et à faire ce qu'il dit. Parce que le Parti québécois a offert, il y a presque un mois déjà, qu'on discute ensemble et qu'on ait une stratégie commune, qu'on se rencontre, qu'on se parle. On n'a même pas eu de réponse encore du premier ministre à la lettre que le chef de la troisième opposition lui a transmise.

On apprend aujourd'hui — il nous parle des travailleurs — que les grandes centrales québécoises ont demandé à le rencontrer pour parler de cette question-là, et ils ont... ils n'ont pas eu de réponse. Le premier ministre du Canada le fait. Au Danemark, par exemple, parce qu'il y a une menace relativement au Groenland, la première ministre s'est empressée de regrouper les forces vives. Et là le premier ministre nous parle de le faire à la Québécoise mais n'accepte même pas encore la main. Elle est déjà tendue, de la part des oppositions, et on n'a toujours pas de réponse.

Il y a eu une motion, qu'on vient de proposer aujourd'hui, elle a été refusée, pour qu'on parle à tous les acteurs, notamment ceux de l'économie sociale, les syndicats; ça a été refusé. La première opposition a proposé qu'on s'entende sur la nomination d'un négociateur en chef, d'un porte-parole de nos intérêts commerciaux, toujours pas de réponse. Alors, s'il y a une main tendue, il faut que ce soit la réalité.

Soutenir nos entreprises, nous dit-on dans le discours, qui ont des problèmes de liquidités. Mais qu'est-ce que ça signifie? Est-ce que ça signifie qu'on va répéter les mêmes erreurs que pendant la pandémie? Est-ce qu'on s'apprête déjà à avoir un plan de subventions? Si oui, quel est-il? Quel est ce plan? On n'en sait rien. En fait, on ne sait rien encore des intentions du gouvernement dans sa réaction face à cette menace de tarifs de l'administration américaine.

Idem pour les frontières. Ça fait des années qu'au Parti québécois on parle de l'importance d'avoir une gestion normale de nos frontières, pas une gestion d'un État postnational où s'occuper de nos frontières, ce n'est pas important, voire c'est quelque chose de mal. C'est juste la normalité pour les États de s'occuper de leurs frontières.

Aujourd'hui comme par les années passées, ce n'est pas juste la présente administration, les États-Unis nous disent : C'est une préoccupation pour nous aussi, et on veut voir des actions concrètes. Là, le gouvernement fédéral vient de présenter son plan frontière hier. Mais où est le gouvernement du Québec là-dedans? Quelle est sa voix relativement à la question de la gestion de la frontière? Que dit le ministre de la Sécurité publique, qui encore il y a quelques jours, il y a deux semaines, ridiculisait ceux qui disaient que, oui, il y a des problèmes de trafic à la frontière puis il faut s'en occuper? Alors, quel est le plan du Québec par rapport à ce que le gouvernement fédéral a proposé hier et quels sont les intérêts, comment veillent-ils, le ministre de la Sécurité publique et le gouvernement du Québec, à la protection des intérêts du Québec à l'intérieur de cette phase de négociation qui commence, qui s'amorce avec les États-Unis puis se continue avec les États-Unis?

Donc, parlant des intérêts du Québec, on l'a mentionné tout à l'heure dans l'intervention de notre chef, la question de la diversification est extrêmement importante, et, bravo, le gouvernement du Québec l'a enfin entendue. Ça fait des semaines, nous, qu'on dit qu'à court, moyen et long terme c'est ça, la priorité. Alors, que la ministre se mette en action, son absence en Chambre sera motivée, M. le Président. Qu'elle parle au monde entier, pas seulement au Canada, pas seulement à l'intérieur de nos frontières, qu'elle aille en Europe, qu'elle aille en Asie, qu'elle aille en Afrique, qu'elle aille en Amérique latine et qu'elle amène avec elle une véritable équipe Québec, une autre proposition du Parti québécois à laquelle on attend toujours une réponse qui n'a toujours pas été formée. Donc, qu'il y ait des missions commerciales d'une envergure sans précédent qui soient organisées dès maintenant. Ça se fait, ça. Puis nos partenaires nous attendent, ils ont les mêmes inquiétudes, ils voient les mêmes choses que nous. S'assurer que notre réseau diplomatique international est optimal : Est-ce que nous avons les bonnes personnes dans tous les bons postes? Est-ce qu'on a assez de l'expertise québécoise qui est regroupée au sein de cette véritable équipe Québec pour qu'on puisse tirer le maximum de cette expertise qu'on a au Québec en affaires internationales?

Quel est le plan par rapport aux petites et moyennes entreprises? On a proposé, nous, déjà, il y a plusieurs jours, des mesures fiscales pour favoriser les exportations, les nouvelles exportations, de les rendre non imposables. Que répond le gouvernement à ça? L'accompagnement des petites et moyennes entreprises, débureaucratiser, enlever les embûches. Est-ce qu'on va continuer à donner notre argent à des multinationales étrangères ou on va investir encore plus dans nos entreprises locales? L'achat local, on n'a pas réussi Le Panier bleu, mais comment on va faire pour favoriser les efforts québécois pour l'achat local? Qu'en est-il des achats gouvernementaux? Qu'en est-il du contenu québécois des projets d'éoliennes qu'on annonce? Qu'est-ce qui va se passer avec l'argent des contre-tarifs, s'il y a des contre-tarifs, dans une guerre commerciale? Est-ce que le Québec va avoir son mot à dire? Est-ce qu'on va toucher notre part des recettes ou ça va aller dans le fonds consolidé fédéral? S'il y a une guerre commerciale, quelles mesures budgétaires? Parce que ce gouvernement a affaibli la position du Québec avec les dépenses frivoles des sept dernières années, des mesures fiscales mal avisées. Qu'est-ce qui va se passer avec l'électricité du Québec? Est-ce qu'on met ça sur la table en premier ou on va ne pas laisser l'Alberta s'en tirer à bon compte en disant : Tout sauf le pétrole? C'est le pétrole, notre principal outil de négociation.

Alors, on demande du gouvernement, M. le Président, de la transparence, une véritable ouverture au dialogue, un véritable plan, et on sera prêts à travailler ensemble, sinon on va faire notre travail...

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, merci. Merci, M. le député de Jean-Talon. Et je reconnais maintenant Mme la ministre... Attendez. Je l'ai vue avant, je l'ai vue avant. Donc, je cède la parole...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Est-ce qu'il y a une entente?

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Parfait. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Verdun.

Mme Alejandra Zaga Mendez

Mme Zaga Mendez : Merci, M. le Président. Moi, ce que j'ai le goût de vous parler dans mon intervention, ce sont des propositions. Je pense que c'est le moment d'amener des idées sur la table. On a entendu le premier ministre nous dire qu'on va lancer une corvée nationale, et c'est le temps de discuter comment, dès maintenant, on va être capables de trouver des solutions pour défendre le Québec. Mais, pour ça, M. le Président, il faut qu'on soit d'accord sur une chose : c'est qui, la priorité, qui on va mettre, d'abord et avant tout, dans toutes les différentes solutions que nous allons trouver. Et, pour nous, c'est simple, notre priorité, ce sont les travailleurs et travailleuses du Québec. Il faut que tout le monde ici, on s'entende sur ça, le plan de sauvetage, l'aide qu'on va donner aux entreprises. Il faut penser d'abord, avant tout, aux travailleurs et travailleuses. On le sait, c'est quoi, les principaux secteurs qui vont être touchés dans notre économie. C'est l'aluminium, parce qu'il y a 96 % des exportations qui s'en vont vers les États-Unis, c'est près de 8 milliards de dollars. C'est la... aéronefs, 64 % des exportations vers les États-Unis et une valeur de 6 milliards de dollars.

Et je veux vous parler plus en détail de deux secteurs. Nos produits alimentaires, c'est 89 % d'exportations et une valeur de 3 milliards de dollars. Et ici je fais attention, ce n'est pas des travailleurs, travailleuses, c'est nos producteurs et productrices agricoles, nos agriculteurs qui nous nourrissent, qui nourrissent le Québec, qui prennent soin de nos terres et qui déjà, à chaque fois qu'on négocie des traités de libre-échange, ils sont menacés. On sait que les États-Unis veulent aussi avoir le contrôle de l'offre en ce qui concerne les produits laitiers, ils veulent inonder le marché québécois de leurs produits. Il faut qu'on soit capable de protéger nos producteurs et productrices d'une façon particulière.

Il y a un secteur important et qui n'est pas le moindre, c'est le secteur du bois d'oeuvre : 95 % des exportations, une valeur de 3 milliards. C'est près de 57 000 emplois qui sont à risque en foresterie. Puis il faut comprendre que, depuis la mi-août, Washington a déjà imposé des tarifs de 14,5 % sur les importations de bois d'oeuvre canadien. Ça veut dire qu'une menace de 25 % s'ajoute au 14 %, ce qui donne un total de 40 %. Et ça, ça peut être dramatique, voire fatal pour les 57 000 personnes qui travaillent en foresterie au Québec.

Ce n'est pas seulement des chiffres qu'on présente. Derrière chaque chiffre, il y a des histoires, il y a des travailleurs, il y a des familles, il y a des communautés entières qui risquent de se trouver sans emploi si on ne commence pas dès maintenant à mettre des mesures.

• (16 h 50) •

Comme je vous disais, tous les plans de sauvetage et des aides à ces secteurs doivent avoir comme priorité nos travailleurs et travailleuses. Et je salue la présence des membres des syndicats qui sont ici pour nous le rappeler. Ça veut dire quoi? L'aide qu'on donne, chaque dollar qu'on donne, que ce soit en subvention ou en prêt, ce soit destiné pour maintenir des emplois. Ce qu'on ne veut pas voir, c'est des P.D.G. qui vont se voter des bonis ou augmenter les dividendes aux actionnaires. C'est l'argent qui doit aller directement dans la sauvegarde des emplois. C'est de l'argent qui doit maintenir nos fermes familiales et ne pas être au profit des grands conglomérats de l'alimentation. Nous, ce qu'on souhaite, puis c'est la première solution qu'on met sur la table, qu'il y ait une condition : à chaque subvention et prêt qu'on donne, que ce soit directement pour aider nos travailleurs et travailleuses, et, s'il ne peut pas sauver l'emploi dans cette entreprise, bien, qu'on soit capable de les accompagner, parce que, malheureusement, il y a certains secteurs qui vont bouger, on ne le souhaite pas, mais il va falloir les accompagner. Et là l'État doit jouer un rôle, parce que l'État peut être un employeur exemplaire, mais, en ce moment, l'État québécois ne l'est pas.

Notre deuxième mesure qu'il faut mettre dès maintenant, c'est arrêter les coupes dans le secteur public. Ce n'est pas possible que la CAQ, qui fait des grands discours sur la nécessité de protéger les emplois, soit le premier architecte des pertes d'emplois actuellement au Québec. J'ai le goût de nous rappeler ce que ma collègue la députée de Mercier nous disait : il y a 1 000 emplois en santé, en l'espace d'un mois, qui sont... qui ont disparu, qui ont été coupés, et c'est inacceptable. Ce n'est pas acceptable qu'en ce moment on coupe dans la fonction publique. Pour un couple ou un ménage, si une personne perd son emploi dans la foresterie puis se tourne vers l'autre personne, puis cette personne-là n'a plus son emploi comme infirmière auxiliaire, ça ne marche pas. L'État doit arrêter de couper des postes, c'est la chose à faire.

Le troisième volet dont j'ai le goût de vous parler rapidement, c'est de s'attaquer au coût de la vie. Les Québécois et Québécoises ont un seul portefeuille. Ils vont sortir du même compte de banque... ils vont absorber le prix des tarifs, ils vont absorber les hausses à l'épicerie puis ils vont absorber aussi la hausse des loyers. Notre... Le moyen que nous, on demande, c'est de plafonner les hausses de loyer et limiter cette hausse à l'inflation autour de 3 %. On vous rappelle que c'est... ce que le TAL a annoncé, c'est un minimum de 6 %. C'est énorme. Dans un environnement d'instabilité, on ne peut pas continuer comme ça. Plafonner la hausse du loyer à 3 % va permettre de donner l'oxygène et nous préparer aux... à absorber le coût de la vie, qui risque d'augmenter.

Finalement, il faut parler de santé économique au Québec. C'est presque à chaque crise ou cycle qu'on se rappelle qu'on a un marché local, on se rappelle qu'on doit soutenir nos entreprises au Québec. Et ça, il faut arrêter de juste être en réaction, il faut être encore plus proactif. Il faut continuer à mettre tous les efforts pour augmenter notre demande de produits locaux. Qu'est-ce que ça veut dire, augmenter la demande? Ça veut dire que l'État québécois doit s'engager à mettre des quotas d'achat de produits locaux dans l'alimentation dans nos institutions, dans la construction des infrastructures. Désormais, chaque édifice et infrastructure qu'on construit, une école, un hôpital ou un tramway, doit être fait avec des matériaux faits au Québec. Chaque fois qu'on va à l'hôpital puis qu'on demande un repas, là-dedans, on doit trouver des ingrédients puis des produits québécois. C'est pour ça qu'il faut des quotas qu'on a dans l'approvisionnement des marchés publics.

J'aurais pu vous parler également d'autres solutions, comme changer notre code du bâtiment pour encourager la construction du bois d'oeuvre ou relancer tous nos projets de transport en commun. C'est une façon d'augmenter la demande, de créer de l'emploi, un emploi qui est durable et qui va nous permettre de sauvegarder, ici, notre économie. C'est ça, nos différentes attentes, M. le Président, et je vous remercie pour le temps.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de Verdun. Et je reconnais maintenant M. le ministre de... ministre délégué à l'Économie.

M. Christopher Skeete

M. Skeete : Merci beaucoup, M. le Président. On se côtoie souvent en lien avec la lutte au racisme, mais, vous avez raison, je suis aussi le ministre délégué de l'Économie.

Bien, vous savez, nous vivons des moments, ma foi, de changement et de bouleversement. L'économie traditionnelle, le monde traditionnel qu'on a connu, de l'ère Deuxième Guerre mondiale, est terminé, M. le Président. C'est mon constat des dernières semaines, des dernières années, les normes internationales, les amitiés internationales vont changer.

Vous savez, j'ai eu la chance, depuis le début de mon mandat, à voyager assez souvent aux États-Unis. J'ai fait des missions à New York, j'ai fait des missions au Texas, j'ai fait des missions en Californie. Et, partout où je vais, les gens comprennent l'importance de faire affaire avec le Québec. Par contre, il y a comme un narratif, une trame de fond de protectionnisme qu'on a vu grandir depuis les dernières années. On se fait souvent critiquer, M. le Président : Ah! la CAQ n'a rien vu voir... vu venir. Mais, M. le Président, c'est faux, ça fait longtemps qu'on voit venir cette montée du protectionnisme.

C'est la raison pour laquelle on est rendu maintenant à 10 bureaux du Québec aux États-Unis. On a augmenté les effectifs, on a rajouté 22 personnes sur le territoire américain pour essayer de renforcer le message qu'on est un partenaire de choix. M. le Président, 32 États sur 50 comptent le Canada comme premier partenaire d'échange. Comment on peut penser que le Canada fait partie des problèmes que les États-Unis vivent? M. le Président, ça m'échappe, mais force est de constater qu'on est ailleurs.

La bonne nouvelle, M. le Président, jamais le Québec n'a été aussi présent à l'international, jamais. Vous savez, M. le Président, on a fait, en 2019, une réforme d'Investissement Québec. Cette réforme d'Investissement Québec nous a permis de mettre l'accent sur le commerce international à l'intérieur de nos missions du Québec. Finis les représentations simplement pour représenter. Maintenant, on avait des objectifs chiffrés pour nos délégations. Résultat des courses, M. le Président, selon Investissement Québec, c'est 13 milliards de retombées économiques qu'on a vues grâce à cette nouvelle formule mise de l'avant depuis 2019.

On s'est fait critiquer, M. le Président. Les oppositions nous ont dit : Vous dépensez trop, vous en faites trop, vous êtes trop présents, vous attirez trop d'entreprises, on veut juste le local, on veut juste le local. Puis, aujourd'hui, tout à coup, quand on réalise notre dépendance, en tant que... d'économie d'exportation, là, tout à coup : Bien là, faites plus de missions. Faites plus de missions, M. le Président, c'est ça qu'ils nous disent aujourd'hui. Comme si on ne le savait pas, comme si on n'a pas écrit le livre, M. le Président.

J'ai rigolé aujourd'hui parce qu'on nous disait : Il faut multiplier les missions à l'Europe. Il faut aller en Europe, apparemment. Comme si on ne le savait pas. Imaginez, M. le Président, si j'arrivais demain en cette Chambre puis je vous disais : Aïe! On est allés en Suède puis on a attiré une entreprise dans la transition énergétique. Qu'est-ce que les gens diraient aujourd'hui? Il y a à peine quelques mois dans cette Chambre, les oppositions critiquaient le gouvernement du Québec sur un projet avec une entreprise suédoise en lien avec la transition écologique, qui nous aide à faire la transition verte, qui joue dans notre créneau d'avenir.

Alors, les oppositions qui, aujourd'hui, ont vu la lumière sur la diversification de nos échanges, je pense qu'aujourd'hui force est de constater qu'on avait raison. Puis je suis content qu'on ait eu raison, parce que les retombées économiques nous ont permis de réduire l'écart de richesse avec l'Ontario encore cette année, M. le Président. L'année passée, on est passé de 16 % à 13 % d'écart de richesse avec l'Ontario. Maintenant, c'est plus 11 %, 11,9 %. On continue de réduire l'écart de richesse avec l'Ontario. Sur toute la planète, c'est au Québec... on est la deuxième juridiction qui a eu le plus de croissance en termes de dollars dans ton portefeuille. Imaginez la crise économique, imaginez l'inflation qu'on a vécue, M. le Président, imaginez à quel point ça a fait mal. Puis nous, toutes choses étant égales par ailleurs, on s'en sort mieux que les autres. Imaginez la détresse ailleurs. Une chance qu'on avait une vision économique depuis le début. Une chance qu'on a visé bien. Une chance qu'on a changé le mandat d'Investissement Québec pour aller à l'international et diversifier nos accords et nos échanges.

Le premier ministre l'avait dit tantôt, c'est vrai, nos transactions, notre volume a augmenté vers les États-Unis. C'est vrai. Parce que c'est un marché de proximité, parce qu'il y avait un boom économique aux États-Unis, c'est vrai. Mais l'histoire ne dit pas tout, quand on regarde cette donnée-là. On a aussi réussi à augmenter le volume de transactions, le volume de dollars, le volume d'échanges avec d'autres pays.

• (17 heures) •

Mais on n'a pas arrêté là, M. le Président. Moi, j'ai la chance d'être le représentant du gouvernement du Québec à l'intérieur de l'ALEC, l'accord du libre-échange du Canada. L'ALEC se réunit à toutes les années pour discuter de comment on peut réduire les barrières qui existent entre les provinces. Il y en a, des barrières. Puis j'ai entendu un peu des gens ici, mais surtout les médias puis les groupes de pression, dire : Bien, le Québec, lui, il est un mauvais élève dans les échanges interprovinciaux. Puis ils se servent du métrique... un métrique, M. le Président, le nombre d'exceptions que le Québec a.

Une exception, là, pour les gens qui nous écoutent, c'est... dans le fond, on se dit : Oui, bien, nous autres, on est d'accord avec ça, mais on se donne le droit de ne pas répondre favorablement à cette disposition-là, même si on est d'accord avec le principe. Je vais vous donner un exemple.

Dans la mobilité de la main-d'oeuvre, M. le Président, 30 % du temps, on donne l'accréditation équivalente en dedans de cinq jours. Notre niveau de service est de 30 jours, dans la moyenne des transactions qu'on va avoir, pour accorder cette équivalence-là. Mais ce qui alourdit le processus, c'est l'exigence du Québec sur le français. Moi, je pense que c'est normal qu'un ordre professionnel exige le français pour quelqu'un qui veut travailler et vivre au Québec. Mais ça, c'est une exception, ça fait gonfler les exceptions, et donc les gens disent : Le Québec a des exceptions.

En voulez-vous une autre, exception, M. le Président? Nous, on est la seule juridiction qui dit : Si tu veux faire l'acquisition d'une terre agricole, bien, il faut que tu sois résident du Québec. Pourquoi qu'on fait ça? Pour protéger nos terres agricoles puis de s'assurer qu'elle est exploitée par des Québécois, pas pour des fins de spéculation. Bien oui, c'est une exception que les autres n'ont pas puis que nous, on a.

Mais je vous demande : Dans ces deux exemples que je vous ai donnés, est-ce qu'on peut vraiment chiffrer un problème? Moi, je pense que ça frappe l'imaginaire, le Québec a plus d'exceptions. Mais est-ce que vraiment, vraiment, si on enlevait cette barrière-là... Notre société serait affaiblie, je crois, puis je ne suis pas sûr qu'on augmenterait le commerce pour autant. Nous, on a décidé que c'était plus important de mettre l'emphase sur la reconnaissance mutuelle et l'harmonisation des lois. Des termes techniques, je vais vous l'expliquer rapidement, M. le Président.

Moi, si je fabrique un casque ici, au Québec, je peux créer un casque qui est conforme à toutes les entités québécoises, mais ça ne veut pas dire que le casque, lui, il est conforme à ce qui est écrit dans les lois de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique. Parce qu'eux, de leur côté, dans leurs Parlements, ils ont écrit une loi pour leur casque, qui était conforme à ce qu'eux, ils voulaient. Le problème, il est là. C'est qu'on est 10 Parlements, trois territoires qui, chacun d'entre nous, vont écrire des lois qui sont bonnes pour nous, mais le réflexe de dire, oui, mais est-ce que ça cause une barrière avec les autres n'y était pas avant. Là, maintenant, on commence à avoir ce réflexe-là. On commence à l'avoir, mais est-ce qu'on peut se dire qu'un casque fait en Alberta ou en Colombie-Britannique devrait être conforme pour le Québec? Moi, je pense que oui.

Puis il y a du travail à faire sur la reconnaissance mutuelle. C'est ça qu'on appelle la reconnaissance mutuelle et c'est là-dessus qu'on s'est engagés, vendredi dernier, à Toronto, de travailler avec mes homologues ministres de l'Économie, responsables des accords de libre-échange. On s'est dit : On ne va pas s'éparpiller sur tous les secteurs, tous les produits qui peuvent exister en dessous du soleil. On s'est dit : On va se concentrer sur cinq à 10 dispositions précises pour voir c'est quels... ceux qui ont le plus de valeur pour nous, ceux qui vont nous permettre d'aller plus rapidement.

La bonne nouvelle, M. le Président, c'est que, d'ici le mois de mars, on va avoir une cartographie d'où mettre nos efforts. Puis, même avant ça, le Québec s'est engagé à contribuer en participant dans un projet pilote sur le camionnage pour harmoniser les règles du camionnage. Ça n'a pas été facile, M. le Président. Les différents ministères, pas juste au Québec, un peu partout, ils n'aiment pas ça quand on leur dit quoi faire. Ils n'aiment pas ça quand on force des façons différentes de faire. Puis ils n'aiment surtout pas trop, trop s'harmoniser parce qu'ils se disent toujours : On est différents. Mais, en bout de ligne, c'est ça, les barrières qui existent à l'intérieur du commerce... du commerce libre à l'intérieur du Canada, et c'est là-dessus qu'on s'attarde, M. le Président, pas les exceptions qui sont un arbre qui cache la forêt.

Juste pour vous dire, pour confondre les sceptiques, parce que je pense que ça vaut la peine de le dire, j'ai parlé des délégations du Québec un peu partout dans le monde, mais le saviez-vous qu'on a aussi des délégations à l'intérieur du Canada? On a des bureaux à Moncton, à Ottawa, à Toronto. On a une antenne à Calgary puis à Vancouver, M. le Président. Le rôle de ces gens-là, c'est d'accompagner les entreprises québécoises à exporter leurs produits à l'intérieur des provinces et d'aider les entreprises qui sont dans ces provinces-là à venir chez nous investir.

Puis la bonne nouvelle, M. le Président, c'est que ça marche tellement bien que, dans ma rencontre de vendredi, on s'est engagés auprès des pairs, mes homologues ministres d'Économie... qu'on va leur montrer c'est quoi, la formule du Québec, parce que la réalité, c'est que nous, la valeur de nos importations de biens et de services en provenance des autres provinces s'élève à 95,9 milliards de dollars. Ça représente 32,8 % des importations du Québec. On est des champions. Puis le premier ministre aime ça quand on se compare à l'Ontario. L'Ontario, c'est 24,8 %, ça fait qu'on bat l'Ontario en termes d'importations des autres provinces.

Ce narratif que, le Québec, il n'est pas performant, j'en doute. Les chiffres disent le contraire. Le commerce québécois avec les autres provinces, en 2021, c'était 172 milliards de dollars, et, depuis 2018, on a vu une augmentation de 51 milliards dans le commerce interprovincial en six ans, une augmentation de 34 %. Alors, je n'achète pas que le Québec ne fait pas sa part, mais on peut continuer à en faire plus. Je vous parlais d'harmonisation, reconnaissance mutuelle. Il y a beaucoup, beaucoup de travail à faire à ce niveau-là.

L'autre affaire qu'on doit travailler, c'est l'achat local. Moi, je suis responsable de l'achat local, et on a un organisme qui s'appelle Les Produits du Québec. Les Produits du Québec, c'est un joyau. Imaginez, M. le Président, un organisme qui certifie des biens pour être sûr qu'ils sont réellement faits au Québec. Avant, n'importe qui se disait Québécois, ça disait que c'était québécois parce que, bien, j'ai une adresse postale au Québec, j'ai deux, trois employés au Québec, mon produit, il a été peinturé au Québec, c'est un produit du Québec. Non. Les Produits du Québec ont une norme certifiée, certifiable et valide, qui leur permet de donner une distinction particulière.

Alors, les gens qui veulent encourager l'achat local, je vous regarde aujourd'hui, je vous le dis : Repérez ce logo-là, c'est la manière d'encourager l'achat local au Québec. C'est plus de 200 entreprises qui ont été certifiées, c'est plus de 95 000 produits qui ont été certifiés, et ça, depuis seulement trois ans. L'achat local, ce n'est rien de nouveau pour nous. Ma collègue la secrétaire du conseil du... la présidente du Conseil du trésor a passé une loi qui donne le droit aux entreprises de mesurer le qualificatif dans les appels d'offres. C'est un changement historique, M. le Président. Pour la première fois, on ne se fie pas seulement sur le prix le moins cher pour faire les acquisitions gouvernementales. Maintenant, on peut attitrer une notion qualificative, un produit du Québec. Bien, il est-tu vraiment moins cher, ton produit, s'il a fait 10 000 kilomètres dans un conteneur puis qu'il n'a pas eu des retombées économiques? Mais peut-être on devrait évaluer les retombées économiques à l'intérieur des appels d'offres. Puis, en réplique au président, on va regarder toutes les façons de faire pour encourager l'entreprise québécoise. Le premier ministre l'a dit, je m'engage également à le faire, on doit continuer à vouloir faire de l'achat local une priorité.

Puis je vais me permettre de vous faire une observation, M. le Président, parce que... je parlais tantôt des oppositions qui, aujourd'hui, peut-être, réalisent que, oui, on a peut-être été un peu sévères avec les désirs du gouvernement d'aller chercher des contrats à l'extérieur, notamment en Europe, notamment en Suède, on va se le dire comme ça. Bien, une autre place où est-ce que les oppositions n'ont pas rendu la vie facile pour l'achat local, c'est dans le dossier du Panier bleu. Ce qu'on a réalisé avec Le Panier bleu, M. le Président, c'est que les entreprises québécoises n'étaient pas prêtes à la transformation numérique. Il y a eu des délais, il y a eu des problématiques à remplir les... la technologie, de développer, de mettre les entreprises à point pour qu'ils puissent livrer, signer les contrats d'entrepôt. Les gens l'oublient, là, mais Amazon était déficitaire pendant plus de 10 ans avant d'être rentable. Le Panier bleu, c'était quelques années. Puis je peux vous dire que les questions des oppositions n'étaient pas tendres. Quand on parle de solidarité, M. le Président, c'est surtout ça qu'on veut dire. C'est qu'à un moment donné... faites votre travail, je le respecte, votre travail, mais on avait une opportunité en or, puis malheureusement je pense qu'on a tiré dans la chaloupe. Je pense qu'on a tiré dans la chaloupe, M. le Président.

Vous allez me permettre de parler de mon autre passion, l'innovation, en terminant. Mon collègue, aujourd'hui, parlait de l'écart de productivité, puis il a raison, il y a un enjeu de productivité, au Québec. On doit augmenter notre productivité. Notre avenir en dépend. C'est aussi simple que ça. Et j'invite les gens, les entreprises à venir nous voir, il y a des programmes qui existent, au ministère de l'Économie, qui peuvent vous accompagner dans votre transition numérique, mais c'est la solution pour nous sortir de tous les défis futurs qui peuvent venir. Immunisez-vous du nouveau monde, qui va être plus difficile, moins prévisible et surtout plus dangereux. Merci, M. le Président.

• (17 h 10) •

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le ministre délégué à l'Économie. Et je reconnais maintenant M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Frédéric Beauchemin

M. Beauchemin : Merci beaucoup, M. le Président. Évidemment, on est dans une situation un peu compliquée. L'ordre mondial, comme on le connaît, a définitivement été changé. Ce qu'on croyait être un ami n'est pas vraiment le cas maintenant. Donc, on doit s'adapter, c'est normal. Je pense que ça fait partie, en fait, de tout bon modèle d'affaires. On doit rester agiles. On doit rester concrets sur les actions qui sont apportées pour s'assurer que, justement, on ne s'endort pas sur notre modèle d'affaires puis que, là, finalement, on se retrouve à se réveiller quelques années plus tard puis on n'est plus bons, on s'est fait dépasser par la compétition.

Mais, pour moi, ça a toujours été un phénomène intéressant. Quand j'étais dans le privé puis je regardais comment le gouvernement, comme le gouvernement de la CAQ, comment les autres gouvernements ont agi, j'ai toujours trouvé qu'il y avait une drôle de façon de se comparer puis de dire : On était... On est capables de réussir, on a fait du progrès, on est là pour vous, etc. Je trouve ça vraiment difficile quand on entend le premier ministre puis le ministre délégué, là, à l'Économie de nous dire : On va très bien, si on se compare à l'Ontario. C'est probablement le truc le plus vieux en marketing. Pour que tu paraisses bien, prends l'élève le plus cancre de la classe, O.K., puis dis : J'ai une meilleure note que lui. Il y a 32 élèves dans la classe, O.K., c'est le 32e, puis tu es le 31e élève.

Moi, ce n'est pas ma définition du succès. Moi, dans ma tête à moi, là, ce n'est pas de même que j'ai élevé mes enfants, ce n'est pas de même que j'ai encouragé tous les employés que j'ai eus. Je me suis toujours assuré d'une chose, c'est qu'on s'assure qu'on va vers l'avant, d'avoir un objectif d'être les meilleurs. Malheureusement, quand on se compare à l'Ontario, on fait l'erreur de se comparer contre le pire élève. On devrait se comparer contre les États-Unis qui, eux, ont une croissance phénoménale de leur PIB par habitant. On a pris du retard, au Québec, par rapport à ce qui se passe aux États-Unis. On a pris un énorme retard. Donc, moi, d'entendre le ministre délégué puis le premier ministre dire : On va bien, on va bien, on va bien, on est meilleurs que l'Ontario... On a pris du retard.

Puis je comprends que c'est important de faire la promotion, faire le marketing pour s'assurer qu'on puisse bien paraître dans l'opinion publique, là, mais la réalité, O.K., c'est que ce gouvernement-là a pris du retard. Puis aujourd'hui j'en ai parlé en Chambre, il y a eu zéro gain de productivité, au Québec, dans les cinq dernières années, sous la gouverne de ce gouvernement-là. Il y a eu des gains de productivité... puis ça dérange peut-être les gens au gouvernement, là, de l'entendre, là, mais il y a eu des gains de productivité aux États-Unis, des doubles, des multiples, par rapport à ce que nous, on a été capables de faire depuis 2018.

Donc, on n'est pas là pour dire que, tu sais, Mme la Marquise, tout va bien, là, au contraire. Le rôle de l'opposition, c'est de faire réaliser la concrète réalité à tous les citoyens, mais surtout au gouvernement. De se comparer au pire élève de la classe pour dire : PIB par habitant, ça va bien, Mme la Marquise, pendant que, «by the way», aux États-Unis puis ailleurs dans le monde, il y a une croissance de loin plus phénoménale qu'au Canada, ce n'est vraiment pas la chose à faire. C'est d'en fait s'assurer qu'on met un peu, là, de maquillage là-dessus puis on espère que le client achète. Mais la réalité, c'est que ça ne va pas bien, l'économie. Parce que, quand on n'est pas capable de faire des gains en productivité, M. le Président, c'est notre pouvoir d'achat qui diminue, c'est notre qualité de vie, c'est le standard de vie de tous les Québécois qui est affecté.

Ça fait depuis que je suis élu que je parle de ça ici, dans cette Chambre, puis la première fois qu'on en entend parler, c'est cette semaine, comme quoi c'est important, de la part de ce gouvernement-là, de soudainement avoir peut-être une idée que des gains en productivité, c'est important. C'est la pierre angulaire, c'est la variable première dans n'importe quelle équation de bonne gestion de l'économie, on doit avoir des gains de productivité. M. le Président. Ce n'est pas ce que j'ai entendu dans les deux dernières années, et là, soudainement, on se réveille, du côté du gouvernement.

Vous savez, on peut parler de diversification de notre économie, mais force est de constater qu'en 2018 il y avait 68 % de toutes les exportations du Québec qui allaient aux États-Unis. Aujourd'hui, c'est 73 %. Donc, on est encore en train de manger encore plus le Kool-Aid américain puis se dire : C'est encore mieux. Puis on a rentré le bras dans l'engrenage encore plus loin. C'est ça qui s'est passé. On avait un objectif, semble-t-il, noble de vouloir tripler nos exportations avec la France : 2018, 1,6 milliard; 2024, 1,6 milliard. Il y a eu quand même six années d'inflation là-dedans, là. Un dollar de 2024 vaut moins qu'un dollar de 2018. Donc, M. le Président, c'est comme dire : Nos exportations ont, en fait, baissé.

Ça fait que moi, j'écoute le gouvernement puis j'écoute le ministre délégué à l'Économie nous dire : C'est une priorité, on n'a rien inventé de nouveau, tatati, tatata. J'entends tout ça, là, O.K., mais les chiffres sont têtus, là, solide, O.K.? On a augmenté nos exportations aux États-Unis, sous la CAQ, on a diminué nos exportations vers l'Europe, sous la CAQ. On a fait l'inverse de diversifier notre économie. On n'a pas été capables d'avoir de gain de productivité, en plus de ça, M. le Président.

Vous savez, j'ai entendu l'exemple du Panier bleu. Je pense que ça prend la couenne dure, normalement, là, pour amener un projet à terme. Puis je le sais bien, là, qu'Amazon ça a pris 10 ans avant que ce soit profitable. Ça fait 35 ans que je suis dans les marchés, je l'ai vue, moi, la réalisation, quand est-ce que le «break even» est arrivé pour Amazon. Je le comprends, comment difficile c'est. J'en avais parlé avec le ministre de l'Économie, M. Fitzgibbon, que je connaissais d'une autre époque. J'ai dit : Pierre, ça va prendre des années, là. Ce n'est pas une affaire d'un an ou deux, là, c'est des années avant que Le Panier bleu puisse être profitable. Soyons juste transparents sur le sujet, disons-le aux Québécois, prenons le temps de bien l'expliquer. Au lieu de faire ça, on a plié bagage parce qu'on était tanné de la critique. Écoutez, en négociation, en gestion du risque, en affaires, il faut avoir la couenne dure.

Un autre exemple, le USMCA, là, US-Mexico-Canada Agreement, là, négociation en 2026, O.K., en 2026. On n'est même pas encore en train d'avoir eu les attentes du président Trump, à savoir qu'est-ce qu'il va vouloir faire sur cette renégociation-là, qu'on a déjà plié, là, le genou, puis on a dit : Nous, on est prêts à renégocier. M. le premier ministre l'a déjà dit, là, il veut renégocier tout de suite, il est prêt, là, c'est important qu'on le fasse tout de suite. Négociation 101, là, gardons les cartes proches. Pourquoi tout de suite dire qu'on est prêt à donner ça? On est prêt tout de suite à dire qu'on veut renégocier. Il va nous demander autre chose de plus, là, c'était... sinon il aurait fallu qu'il nous demande ça, mais là, maintenant, c'est checké, on l'a, les Canadiens, les Québécois le veulent, on y va. Ça fait que c'est... négociation 101.

Tout ça, c'est un contexte, M. le Président, qu'il est important de comprendre parce qu'en négociation avec quelqu'un qui joue «rough» comme ça, l'important, là, O.K., c'est de s'assurer que, de notre côté à nous, on est solides. Puis il y a plusieurs façons de faire en sorte que, de notre côté, l'économie du Canada, l'économie du Québec soient solides.

Spécifiquement pour l'économie du Québec, là, ça fait, encore une fois, deux ans que je le mentionne ici, dans cette Chambre, rendons notre fiscalité plus optimale, soyons plus justes envers toutes nos PME, assurons-nous que le taux d'imposition soit compétitif par rapport à d'autres juridictions et soyons capables de s'adapter aux réalités. Là, on a un vent de face solide, là. On doit s'adapter au fait que la fiscalité américaine pour les entreprises va baisser. On doit donc envisager de faire la même chose. Mais au lieu de faire ça, la réponse que j'ai eue de la part de la ministre de l'Économie, tout à l'heure, en période des questions, c'est de me faire une liste, encore, exhaustive de tous les programmes où est-ce que le gouvernement a choisi d'aider un joueur ici, un joueur là, un joueur ici, un joueur là.

• (17 h 20) •

Vous savez, je l'entends, la ministre, là, je la... je comprends ce qu'elle fait, là. Je sais, là, que c'est bon parce que c'est vraiment ciblé. On aide telle personne dans tel coin du Québec, parce que ça, c'est des gens qui vont être capables de parler positivement pour nous, tatati, tatata. Je la comprends, cette histoire-là, là, mais toutes les entités du gouvernement mises ensemble, là, c'est beau s'ils aident 10 000 PME. O.K.? C'est beau, là, je suis généreux, si je dis qu'ils aident 10 000 PME. Mais moi, ce que je veux, c'est qu'on aide nos 270 000 PME.

Puis le rôle du gouvernement, là, ce n'est pas choisir le gagnant. Le rôle du gouvernement, c'est de créer des conditions gagnantes pour que tous puissent avoir une chance de gagner. Bien, dans le contexte spécifique de la fiscalité puis de l'aide administrative, comment que le gouvernement peut la définir, peu importe, là, de choisir : On donne l'argent à eux autres, puis pas à eux autres, puis à eux autres, puis pas à eux autres, là, simplifions l'affaire. Rendons la fiscalité, pour toutes nos entreprises, plus compétitive, donnons une chance à tous de pouvoir gagner. Parce que le prochain Couche-Tard, là, il est quelque part au Québec, là. Je ne sais pas il est où, là, mais il est quelque part au Québec, puis, si on lui donne ce break-là, bien, peut-être qu'il va justement avoir une chance de percoler, il va peut-être justement devenir le prochain Couche-Tard.

Ça fait que de choisir le gagnant comme le gouvernement le fait actuellement, ça va à l'encontre même du développement économique. C'est ça que j'essaie de dire, M. le Président. Pour moi, c'est important qu'on le comprenne. La fiscalité, ça va jouer massivement dans le succès de s'assurer que nous, de notre côté, on fait ce qu'il faut pour s'assurer de gagner.

Évidemment, là, on parle de reporter en 2026, comme le fédéral a fait, la taxe sur l'innovation, la taxe sur l'inclusion, taxe sur le gain en capital, la taxe sur l'entrepreneuriat. Voyons donc! C'est la pire chose qu'on doit faire. Même d'en parler, que c'est retardé à 2026... Allons-y tout de suite puis disons-le, là : On ne le fera pas. Aidons nos entrepreneurs à avoir confiance. Là, on fait juste reporter la douleur encore une fois. Les barrières, là, entre chacune des provinces, c'est essentiel qu'elles tombent. Je suis content d'entendre, là, qu'on mette l'épaule à la roue puis qu'on veut aller dans cette direction-là. C'est la bonne chose à faire, mais, vous savez, juste pour qu'on puisse aligner les flûtes avec tout le monde, là, pour le Québec, faire tomber les barrières des autres provinces pour qu'ils puissent acheter les produits québécois, c'est l'équivalent positif des tarifs de Trump, qui, eux, évidemment, sont négatifs... et qu'on a les moyens de se donner l'énergie pour passer à travers la tempête. Assurons-nous que c'est translucide, assurons-nous que c'est transparent pour tous les Québécois, assurons-nous de le faire.

On a besoin d'avoir, autant au Québec qu'au gouvernement central, un plan national d'infrastructures. C'est une approche qui est similaire en Europe puis c'est similaire dans des pays d'Europe comme la France, comme en Angleterre, c'est la même chose aux États-Unis. On n'a pas ce phénomène-là au Canada. Peut-on se coordonner pour au moins être équipés avec les mêmes leviers? Comment se fait-il qu'on n'est pas capables d'avoir cette conversation-là avec le gouvernement central? Comment se fait-il que la CAQ ne le fait pas? Ça me dépasse, M. le Président. Pour moi, c'est comme un fruit, là, très bas dans l'arbre, qu'on devrait aller cueillir.

Vous savez, on parle d'innovation, on parle de productivité, on parle de recherche et développement. Tout ça, c'est attaché, là, mais il y a une séquence. Il faut faire la recherche et développement de façon ciblée, de façon vraiment intelligente pour s'assurer qu'on ait de l'innovation, puis l'innovation, là, il faut la transmettre par la suite à nos entreprises pour qu'elles puissent être plus productives. Ça ne prend pas la tête à Papineau, c'est exactement ça, la séquence. Soyons originaux dans la façon qu'on veut faire les choses pour qu'on en arrive à cet objectif.

Mais je pense qu'au-delà de tout ça, une chose que je me suis rendu compte, c'est que, depuis que je suis ici, là, je n'entends jamais, peu importe quel ministre avec lequel on va discuter, je n'entends jamais les définitions de «succès». Comment on va définir la réussite de mon programme? Comment on va définir le fait que je vais engager des millions de dollars dans cette direction-là? Comment se fait-il qu'on a augmenté les budgets de 50 % en santé puis on n'a même pas émis le moindre objectif de performance? Comment se fait-il qu'on n'est pas capables de se dire : En productivité, on veut faire un gain de, disons, 1 %, O.K.? Puis comment qu'on va définir le succès, c'est : Voyons voir comment cette productivité-là s'enclenche trimestre après trimestre, puis, si ça ne fonctionne pas, il faut revisiter le programme. Assurons-nous qu'on dépense intelligemment l'argent des Québécois pour faire des gains en productivité. On est fiduciaires de l'argent des Québécois, M. le Président.

Donc, la clé, c'est de mettre en place les conditions gagnantes pour que nous, on puisse soutenir ce vent de tempête là. J'en ai fait la liste. La priorité, c'est définitivement les barrières interprovinciales, définitivement des gains en productivité, puis aussi faire une bonne gestion de ça en ayant des mesures claires et précises de comment on va vouloir atteindre ces objectifs-là, parce que sinon, encore une fois, on va perdre l'argent des Québécois, on va dépenser comme des marins en cavale. Malheureusement, M. le Président, on n'a plus cette flexibilité. Merci.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Et, comme prochain intervenant, je reconnais Mme la ministre des Ressources naturelles et responsable des Forêts.

Mme Maïté Blanchette Vézina

Mme Blanchette Vézina : Merci, M. le Président. Je tiens d'abord à saluer le travail qui s'est fait dans les derniers jours pour répondre à l'attaque injustifiée de notre voisin du Sud. On a fait un front commun face aux actes qui menaçaient notre économie, notre stabilité économique, et ça a permis d'obtenir un sursis. Le premier ministre l'a dit tout à l'heure, le monde a changé en quelques jours. Bien, ce que j'ai vu dans les derniers jours, M. le Président, c'est un Québec uni, un Québec résilient, un Québec prêt à se battre, et les Québécois s'attendent de nous, s'attendent des députés qu'on travaille ensemble face à ce défi et qu'on s'élève au-dessus de la mêlée.

La ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie l'a dit tout à l'heure, notre priorité, à l'heure actuelle, c'est de protéger notre économie, nos travailleurs, nos entreprises québécoises. La collègue de Verdun a mentionné qu'il y avait des syndicats dans la salle. D'ailleurs, je tiens à les saluer s'ils sont toujours présents. Oui, on a eu un sursis de 30 jours, mais on n'est pas à l'abri de cette guerre commerciale. Les menaces qui plombent au-dessus de nos têtes ne sont pas que négatives par contre. Le Québec a des possibilités à saisir, et c'est là-dessus que, mes collègues et moi, on travaille et on va continuer de travailler dans les prochaines semaines.

Malgré l'ouverture de l'administration Trump hier, l'incertitude demeure. Le premier ministre a été clair, notre premier choix a toujours été d'éviter un conflit commercial avec notre principal partenaire. Mais, devant l'incertitude, on ne va pas baisser les bras, on ne va pas rester les bras croisés. On va regarder les choses en face. La menace d'imposer des tarifs par le président Trump représente une attaque directe contre notre économie et contre des milliers d'emplois au Québec. Le Québec, c'est la richesse de nos régions, la compétence de nos travailleurs, la résilience de nos entreprises et une situation géographique pleine d'opportunités. Depuis l'arrivée de notre gouvernement, notre objectif a toujours été de se battre pour l'épanouissement des Québécois.

Le président des États-Unis joue un jeu où, au final, on va tous être perdants. En attaquant les Québécois, en attaquant les Canadiens, c'est aux Américains aussi auxquels il s'est attaqué. Et j'insiste, les mesures de Trump font d'abord et avant tout mal aux Américains eux-mêmes, et Trump l'a même reconnu dimanche matin. En cas de tarifs, ils vont rapidement se faire sentir avec une augmentation du coût de la vie, un ralentissement des mises en chantier et des pertes d'emplois. Plusieurs économistes craignent un regain marqué de l'inflation, cette même inflation que déteste Trump.

Maintenant, malgré la situation qui est tendue, il est important de maintenir nos canaux de communication avec les Américains. On voit ce que ça donne, ça nous permet de négocier avec lui. Le Québec va continuer de porter la voix de nos entreprises, de nos travailleurs et de nos régions auprès des autorités américaines dans les prochains mois. Les États-Unis sont notre partenaire commercial, avec lequel on a construit une économie de manière très intégrée.

Comme le premier ministre l'a dit, on va être là pour accompagner les entreprises qui vont être touchées. Ça fait d'ailleurs plusieurs mois que le comité d'action Québec—États-Unis se rencontre et qu'on planifie la suite des choses. Ma collègue de l'Économie en a parlé tout à l'heure, on est là, on travaille pour protéger notre économie et les Québécois face aux actions de nos voisins du Sud.

Je tiens à vous assurer que nous sommes en constante communication avec les différents secteurs touchés par cette hausse de tarifs ou cette potentielle hausse des tarifs. Le premier ministre ainsi que mes collègues, la ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, le ministre des Finances, également moi-même, on a tenu des séries de rencontres, la semaine dernière et cette semaine, avec plusieurs sociétés d'État et entreprises. Je suis en communication également constante avec les acteurs du secteur minier et forestier. Le signal est clair, on est prêts. On est prêts à se battre.

• (17 h 30) •

D'ailleurs, le premier ministre va se rendre à Washington dans les prochaines semaines pour rencontrer des acteurs clés qui pourront défendre la pertinence de notre partenariat économique avec les Américains. Et je ferai de même dans deux semaines à Miami, parce qu'on veut occuper le terrain et mettre un maximum de pression pour faire reculer les États-Unis. Notre premier ministre a même été très proactif, il s'est entretenu avec le président américain à la suite de son élection. Alors, on est en action puis... On est en action, M. le Président.

On a fait pression sur le fédéral également pour qu'il resserre la gestion de la frontière canado-américaine, et force est de constater que le fédéral a entendu nos demandes. D'ailleurs, Justin Trudeau a annoncé qu'il allait renforcer la frontière avec de nouveaux hélicoptères, des technologies et du personnel présent. Et, de notre côté, on a été clairs aussi sur le rôle de la Sûreté du Québec, qui agit à titre de troisième ligne de défense, en assurant la sécurité par des enquêtes visuelles le long de la frontière. Par ailleurs, on a déjà interpelé le fédéral pour être à la table de négociations avec le Canada et les États-Unis afin que les intérêts du Québec soient respectés.

Bref, M. le Président, on est actifs sur plusieurs fronts. L'important, en ce moment, c'est de rester calme et de se serrer les coudes. On travaille en continu à minimiser les impacts sur les personnes qui seront affectées par ces décisions, par les décisions futures du président Trump. Prenons le bois, par exemple. C'est très clair, une guerre commerciale serait dommageable, très dommageable pour l'économie québécoise, canadienne et américaine. Le bois, c'est une de nos exportations les plus importantes, mais c'est avant tout un secteur qui génère plus de 50 000 emplois dans plus de 900 municipalités au Québec, dans toutes les régions du Québec. La filière forestière, elle représente plus de 10 % des emplois, ça, dans 552 villes du Québec. C'est majeur. Parmi eux, on retrouve des communautés forestières, je les appelle comme ça, la forêt occupant une place centrale dans la vitalité économique de leurs municipalités et des municipalités voisines. Lorsqu'une usine est en opération dans une communauté, ça crée des emplois, ça stabilise le nombre d'habitants, ça permet aux conjoints de trouver un emploi localement aussi, ça permet aux enfants d'aller à l'école, d'occuper nos écoles, ça permet d'utiliser les services dans nos régions. Alors, vous comprendrez que notre communauté... tout le sens d'une communauté forestière, c'est ça, c'est que ça gravite autour d'une ou de plusieurs entreprises liées à l'activité forestière. Mais une usine qui ferme, c'est ultimement une communauté qui en assume les conséquences, et on va tout faire pour éviter ce genre de situation. Que ce soit pour la récolte, le transport, les scieries ou les efforts de reboisement, on est chanceux d'avoir des travailleurs qui sont au rendez-vous.

Nos entreprises subissaient déjà des droits compensateurs de 14,4 % sur les exportations canadiennes de bois d'oeuvre vers les États-Unis. Alors, en effet, on a un conflit, là, du bois d'oeuvre depuis 2017, une pression déjà qui affecte l'industrie forestière. Ces droits compensateurs sont injustifiés, car nos exportations viennent compléter les besoins en bois d'oeuvre des Américains. D'ailleurs, c'est 10 %, M. le Président, des importations américaines qui proviennent du Québec. C'est majeur pour eux et c'est majeur pour nous. S'ils importent autant de notre bois, c'est qu'ils ne sont pas autosuffisants, malgré ce que dit le président Trump.

L'augmentation des droits de 25 % se traduirait d'abord par une augmentation des coûts directs pour les consommateurs américains. On pourrait, par la suite, observer un ralentissement du nombre de mises en chantier aux États-Unis, ce qui impactera tous les acteurs des deux côtés de la frontière. Et le difficile accès déjà à la propriété va connaître une nouvelle contrainte. Notre voisin américain a besoin, en moyenne, de 35 % de ses besoins en bois d'oeuvre de l'extérieur pour ses mises en chantier de maisons et de logements.

Les coûts de transport avantageux, dont la proximité des marchés... la faible valeur du dollar canadien rend les produits québécois plus attrayants pour les importateurs de bois américain. Le coût des maisons aux États-Unis a fortement augmenté au cours des quatre dernières années, tant pour les loyers que pour les prix d'achat d'une propriété. Et les tarifs douaniers auront... auraient des effets inflationnistes, car les importateurs, ceux qui paient cette taxe à l'importation, bien, ils vont refiler la facture à ceux qui achètent leurs produits.

Mais on ne restera pas les bras croisés. Ce qu'on souhaite faire, c'est utiliser cette situation d'incertitude à notre avantage, à l'avantage du Québec, parce qu'on pense que c'est important d'utiliser chaque occasion que nous avons pour moderniser nos façons de faire. On se doit de penser en dehors de la boîte pour la valorisation de nos ressources naturelles. On a déjà commencé un virage d'innovation et une modernisation de la filière forestière. Et les partenaires, ils sont prêts. On a différents programmes de modernisation qu'on a mis en place, notamment le programme Innovation Bois. J'étais, M. le Président, au Saguenay—Lac-Saint-Jean avant Noël, j'ai annoncé des sommes importantes pour la filière forestière pour, justement, moderniser l'industrie.

On parle d'investissements par les entreprises mais aussi par le gouvernement du Québec pour aider et soutenir l'innovation. Ça peut être de la cogénération, soit de la production d'énergie avec des résidus forestiers, l'implantation d'une usine de biocharbon et d'hydrogène vert, l'ajout de nouveaux équipements nécessaires sur les... des machines à papier pour produire des nouveaux produits spécialisés, l'automatisation de la planification d'une production sur mesure, de la réalité augmentée pour les processus, l'implantation d'une flotte de véhicules à guidage automatique pour le transport de produits finis vers des quais de chargement, le tri automatisé, la modernisation de lignes de tri et de conditionnement de bois. Alors, la liste que je viens de vous faire, M. le Président, ça regroupe que quelques exemples de projets qu'on a soutenus dans les dernières années, qui sont réalisés dans nos régions du Québec.

Et, lorsque je me déplace sur le terrain, je suis toujours impressionnée de voir la capacité d'innover des Québécois. Ça vient aider la filière à se moderniser et à créer un marché intérieur. On a commencé, donc, avec le programme Innovation Bois pour utiliser le bois du Québec dans nos grands chantiers. On a aussi entamé un virage dans... pour nos grandes infrastructures. On va encourager, d'ailleurs, à faire... les entreprises à faire de même. On peut penser à favoriser l'utilisation du bois dans la construction. On a aussi un programme en ce sens-là qui permet plus d'utilisation du bois dans la construction. Ma collègue de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, dispose de leviers pour accroître... Oui, pardon, hein, je ne peux pas nommer. Donc, ma collègue à l'Habitation, pardon, dispose de leviers pour accroître la part du bois dans la construction de logements sociaux et abordables. Déjà, il y a des initiatives intéressantes de modules préfabriqués en bois.

En plus de favoriser des matériaux innovants, on s'affranchit de l'impact des tarifs douaniers quand on crée ce marché intérieur. Des actions qui, lorsqu'elles sont cumulées, vont permettre au Québec de consommer davantage de bois que nous produisons plutôt que de l'exporter.

L'incertitude économique apporte déjà des impacts sur l'économie, et c'est certain que, si les tarifs entrent en vigueur, ça va être difficile pour l'économie du Québec. Mais on va être là pour les Québécois et pour nos régions. Le Québec a des leviers pour tirer son épingle du jeu, j'en suis convaincue. Et, comme je le disais plus tôt, on est en action déjà.

De mon côté, je travaille d'arrache-pied à moderniser le régime forestier québécois. En offrant plus de prévisibilité, d'agilité, on souhaite protéger les emplois de la filière forestière partout au Québec, surtout en région, d'ailleurs. On s'attend, donc, à avoir la collaboration des partis d'opposition pour adopter rapidement ce nouveau régime qu'on déposera prochainement.

Un autre des atouts du Québec, ce sont les minéraux critiques et stratégiques. Toutes les nouvelles technologies qu'on utilise aujourd'hui nécessitent des minéraux critiques et stratégiques. Et les Américains, mais également les autres pays d'Europe, d'Asie en ont grandement besoin. Les minéraux critiques et stratégiques sont nécessaires partout, pas seulement pour les batteries de véhicules électriques, mais aussi pour l'énergie solaire, les éoliennes, les semi-conducteurs, et j'en passe, les téléphones intelligents. La demande de graphite, elle augmente, le cobalt aussi devrait augmenter et multiplier par 100 d'ici 2040. Mais, au Québec, on a ces minéraux-là en grande quantité et on va accélérer nos efforts pour les extraire et pour transformer le minerai québécois. On le sait, le marché des États-Unis va être en croissance, mais celui de plusieurs autres pays également, et c'est là où on peut se démarquer.

M. le Président, j'ai été en Europe cet automne, justement, pour travailler nos canaux de relations avec les partenaires européens. On était là avant l'arrivée de M. Trump et on va continuer de travailler avec nos partenaires européens pour développer ces marchés, déployer des chaînes d'approvisionnement avec l'Europe, notamment avec le port de Rotterdam. Donc, on travaille et on est en action. Une chose est certaine, nos ressources sont un atout important. Nos ressources suscitent un vif intérêt des partenaires internationaux, notamment dans le contexte actuel de réalignement des chaînes de valeur et d'approvisionnement, et on va s'assurer de tirer profit de cette grande richesse que nous avons.

M. le Président, je peux vous assurer que nous suivons la situation en temps réel et que nous continuerons d'agir dans le meilleur intérêt des Québécoises et des Québécois. À titre d'exemple, lors de la mise à jour économique, notre gouvernement a mis en place un programme de près de 100 millions de dollars pour soutenir les entreprises forestières déjà visées par les tarifs du conflit du bois d'oeuvre, et on va continuer d'être présents.

Dans cette période d'incertitude, il faut se serrer les coudes, et c'est beau de voir les gens mobilisés, les Québécois mobilisés. Ma collègue la ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie le disait un peu plus tôt, nous sommes dans une guerre commerciale, et il ne faut pas avoir peur de le nommer. On est dans une période difficile, certes, mais le Québec travaille en étroite collaboration avec le gouvernement fédéral pour négocier une entente gagnant-gagnant avec les États-Unis, et on ne se laissera pas faire. Notre premier ministre, il a les deux mains sur le volant et il a toute ma confiance pour protéger les Québécoises et les Québécois. Merci, M. le Président.

• (17 h 40) •

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la ministre. Je reconnais maintenant, selon le principe d'alternance, M. le député de Saint-Jérôme. Je vous rappelle, M. le député de Saint-Jérôme, que vous disposez de 1 min 30 s. Allez-y.

M. Youri Chassin

M. Chassin : Merci, M. le Président. Alors, évidemment, on fait un débat d'urgence sur une décision fondamentalement injuste, et je pense qu'on peut tous le reconnaître, une décision qui est évidemment de nature économique dans ses conséquences, mais de nature politique dans la décision qui est prise. Et je pense que Trump espère nourrir chez ses concitoyens une perception politique que lui se bat pour les États-Unis et lui rendre sa grandeur, mais c'est là où il faut s'attaquer à cette décision, M. le Président, à mon avis.

Donc, c'est probablement une posture de négociation, mais les gouvernements, ici, québécois et canadien, devraient répliquer notamment par une campagne de publicité. Et, si je peux me permettre de suggérer cette publicité aux États-Unis, elle devrait porter sur un message de : «If you say, "Stand by me," I say, "Don't hit me, then."» Évidemment, c'est la réponse, pour moi, qui est peut-être absente des discours à l'heure actuelle, cette réponse politique, en appeler au coeur des Américains.

Il y a aussi un volet plus économique. Est-ce qu'on peut être solidaires entre Canadiens? Est-ce que l'énergie enclavée dans l'Ouest pourrait profiter d'un projet comme GNL Québec? Est-ce qu'on peut revoir? Est-ce que la bureaucratie qui existe ici pourrait être diminuée? Ou encore les règles du marché interprovincial, qui correspondent à des tarifs, quelle ironie, M. le Président, de 25 %, ça aussi, c'est politique et ça aussi, c'est injuste.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de Saint-Jérôme. La parole revient maintenant à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Cadet : Merci, M. le Président. J'ai décidé d'intervenir dans ce débat d'urgence cet après-midi parce que j'ai été ahurie plus tôt par les propos du premier ministre en période de questions, qui nous parlait de la situation des travailleurs. En fait, ce que j'ai constaté par les propos du premier ministre aujourd'hui, mais ce n'est pas la première fois, lors de sa toute première intervention, il y avait fait allusion, samedi soir, lors de son point de presse, également, donc, il s'est aussi empressé, donc, de parler, donc, de son désir de déplacer des emplois du secteur manufacturier aux chantiers d'Hydro-Québec et au secteur de la construction. Donc, ce que j'ai constaté, c'est que notre premier ministre du Québec préfère abandonner le secteur manufacturier en temps de crise, au moment où ce secteur-là a le plus besoin de son premier ministre.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Allez-y, M. le leader adjoint du gouvernement.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Alors, je vais demander à Mme la députée de Bourassa-Sauvé de poursuivre dans sa critique du gouvernement, mais avec prudence. Allez-y, madame.

Mme Cadet : M. le Président, en fait, la question que je me pose, c'est : Comment le premier ministre du Québec peut affirmer, comme il l'a déjà fait autrement, vouloir défendre coûte que coûte le secteur dans cette guerre tarifaire quand il est immédiatement prêt à lui prendre son atout le plus précieux, soit ses travailleurs? Comment le premier ministre du Québec peut affirmer vouloir diversifier les marchés vers d'autres... bien, en fait, donc, diversifier nos exportations qui sont, comme l'a exprimé mon collègue, donc, de Marguerite-Bourgeoys... qui sont, de façon disproportionnée, vers les États-Unis, donc, d'exporter, donc, vers des marchés comme ceux de l'Europe, comme ceux de l'Asie, quand le premier ministre, donc, ne laisse pas la chance au secteur manufacturier de pouvoir conserver ses travailleurs?

Puis je veux rappeler quelque chose, parce que, quand... Tu sais, on nous parle de diversification ici, là. On a tous vécu la période de la COVID. Je vais vous donner l'exemple du secteur aéronautique, qui, donc, en temps de COVID, manifestement, donc, avait... n'était plus en mesure, donc, de pouvoir retenir ses travailleurs. Bien, quand ça a été le moment de la relance, ça a été très difficile de ramener ces travailleurs qui avaient quitté vers d'autres secteurs d'activité vers le milieu aéronautique, et on en paie encore les frais aujourd'hui.

Donc, ce que... Le message que je veux lancer au premier ministre du Québec et à la CAQ de façon générale, c'est de ne pas toucher à ces travailleurs et, en fait, de rassurer le secteur de façon générale, mais, ça, quand je vous pose ces questions-là et puis, quand j'entends le premier ministre, bien, je me dis, M. le Président, que c'est un petit peu la marque de commerce de la CAQ, hein? On le sait, avec la CAQ, on pellette par en avant, on ne planifie pas, mais surtout on improvise, parce que ce qu'on voit, parce que je trouve important de le nommer, M. le Président, c'est qu'en ce moment, quand le premier ministre nous nomme les chantiers d'Hydro-Québec puis la construction, ce n'est pas anodin, ce ne sont pas des exemples comme ça qui sont offerts au grand public québécois.

On se rappellera qu'au cours des deux dernières années... Bien, par exemple, en ce qui a trait au milieu de la construction, je me suis levée plusieurs fois ici pour dénoncer les formations accélérées dans le secteur de la construction, qui ont été un échec, au point où le ministre du Travail, la ministre de l'Emploi ont été obligés, donc, en fait, de changer d'idée et de ne plus mettre de l'avant ces formations-là, parce que ça ne fonctionne pas. J'ai siégé sur l'étude du projet de loi n° 51 qui cherchait, donc, à offrir plus de mobilité de la main-d'oeuvre dans le secteur de la construction, et ce qu'on voit... et ce que j'avais dit à ce moment-là, c'est que, bon, j'étais en faveur du principe, mais que, justement, on n'allait pas assez loin, que ce qui nous était présenté n'allait pas nous donner les résultats escomptés.

Donc là, on le voit, le premier ministre a des objectifs à remplir autrement, et ce qu'il voit, c'est que, quand on lui posait ces questions-là, bien, la CAQ n'avait pas de réponse, n'avait pas de solution à nous offrir. Et là c'est comme si, bien, Donald Trump vient offrir une réponse au gouvernement actuel, vient offrir une solution au gouvernement actuel : chantiers d'Hydro-Québec, le plan d'action d'Hydro-Québec 2035, 35 000 travailleurs par année seront requis. Chaque fois qu'on a demandé au premier ministre qu'est-ce qu'il allait faire avec ça, il n'en avait pas, de réponse.

Ce que nous souhaitons lancer comme message, aujourd'hui, au Parti libéral du Québec, c'est que le premier ministre ne pourra pas utiliser ces travailleurs pour pouvoir répondre aux problèmes auxquels il n'avait pas de solution auparavant. Les travailleurs québécois ne sont pas de la marchandise à exporter d'un secteur d'activité à l'autre. On vient d'entendre la ministre des Ressources naturelles nous parler avec passion du secteur, du milieu forestier, de la filière forestière, et d'à quel point il s'agit d'une filière qui crée de la vitalité dans nos régions, une filière, en fait, qui fait en sorte que les travailleurs... où les travailleurs, en fait, sont fiers de travailler. Est-ce que ce sont des filières comme celles-là, comme la filière forestière, que le premier ministre du Québec souhaite démantibuler, avec les propos qu'il a tenus aujourd'hui en Chambre, avec les propos qu'il a tenus, il y a quelques jours à peine, à la population québécoise. J'espère que non, parce qu'aujourd'hui son rôle, selon le Parti libéral du Québec, c'est de rassurer les entreprises, c'est de nous assurer, comme l'a dit le collègue de Marguerite-Bourgeoys, de leur offrir des allègements fiscaux, de leur offrir le soutien nécessaire, mais surtout, surtout, de soutenir ce secteur-là coûte que coûte afin qu'il croisse, parce que, on le sait, il n'y a eu aucune croissance du secteur manufacturier sous la CAQ au cours des quatre prochaines années, et, sous le Parti libéral du Québec, on vous le certifie, M. le Président, ce sera différent. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. Je reconnais maintenant M. le député de Beauce-Nord.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Beauce-Sud. Ah oui! Beauce-Sud. Allez-y, monsieur...

M. Samuel Poulin

M. Poulin : ...il nous reste combien de temps?

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Il vous reste 15 min 29 s.

M. Poulin : Excellent, M. le Président. Alors, je tenais, évidemment, à intervenir cet après-midi concernant ce débat d'urgence qui concerne, évidemment, les relations entre le Canada et les États-Unis, mais, intimement, les relations entre le Québec et les États-Unis.

Je suis député de Beauce-Sud, effectivement, M. le Président, une circonscription de 24 municipalités, où la douane d'Armstrong se retrouve, d'ailleurs, chez nous. Important de dire aussi, M. le Président, que les liens entre la Beauce et les États-Unis sont forts depuis fort longtemps. Je ne veux pas trop tomber dans les échanges personnels, mais c'est aussi très social, nos relations que nous avons avec les Américains. Il n'est pas rare que nous avons un chalet du côté du Maine. Nous, c'était le cas au lac Moosehead, à Greenville, plus précisément, et j'ai encore des amis qui ont des chalets dans le Maine. On a eu des terrains dans le Maine, dans le Vermont. Plusieurs ont des cabanes à sucre, également, du côté des États-Unis. On a des gens qui font la frontière à tous les jours, chez nous, que ce soit pour le travail mais également sur le plan personnel. Alors, nos liens avec les Américains, ils sont sincères, ils sont de longue date. Beaucoup de Québécois, évidemment, vont passer des étés aux États-Unis, vous connaissez les destinations.

Alors, aujourd'hui, on peut le dire : Ah! il y avait une dépendance aux États-Unis. Moi, je dirais plutôt qu'il y avait un lien normal et tout à fait naturel avec les Américains, M. le Président, et d'autant plus d'une région comme la mienne, extrêmement manufacturière, extrêmement acéricole, extrêmement agricole, pour nous, il était tout à fait normal de travailler avec les Américains, tout comme eux travaillent avec nous, également, M. le Président. Ce n'était pas une relation qui était unidirectionnelle. Nous avons des partenaires américains.

Je viendrai, dans les prochaines secondes, M. le Président, aux enjeux que nous avons, à l'incertitude des quatre prochaines années, aux discussions que j'ai eues avec des entrepreneurs, dans les dernières heures, jusqu'à 22 heures hier soir, ce matin, et ça va se continuer ce soir parce que plusieurs sont du côté américain, présentement, pour aller discuter avec leurs partenaires. Rien de mieux que de se voir dans les yeux pour décider si on va continuer de travailler ensemble. On peut faire des échanges téléphoniques, on peut se parler par courriel, mais rien de mieux que d'être sur place.

Alors, hier, je discutais avec des entrepreneurs qui étaient aux Illinois, qui étaient dans l'État de New York, qui discutaient toujours avec leurs entreprises, parce que le choc est beaucoup venu lundi, M. le Président, de la part des Américains, en ce qui a trait aux tarifs canadiens. Nous, on la vivait, l'incertitude, depuis déjà plusieurs semaines, mais ça s'est vraiment passé lundi, du côté des Américains, on l'a vu avec les sondages qui ont été publiés, où, visiblement, une forte majorité des Américains n'appuient pas la direction de Donald Trump. On l'a vu avec des chambres de commerce américaines qui sont sorties. Alors, il n'y a rien de mieux que d'être sur le terrain.

• (17 h 50) •

Et, en fin de semaine, je me suis aussi rappelé des souvenirs. Parce que je suis issu d'une famille, évidemment, de l'industrie forestière de la Beauce, et je me suis souvenu quand les tarifs américains avaient frappé ma famille. Parce que la crise du bois d'oeuvre, M. le Président, ça ne date pas d'hier, ça fait plusieurs années qu'il y a ce conflit-là. Et je me souviens de mon père qui avait 60 employés et qui est passé de 20 à zéro. Je me souviens du stress qu'il y avait dans la famille. Je me souviens des annonces de mises à pied que nous avons faites dans l'entreprise familiale. Et les Beaucerons le savent, là, pour se connaître depuis toujours, qu'ils peuvent compter sur moi, au plus profond de moi-même, parce que je comprends la réalité de nos entreprises, je comprends ce que les familles ont vécu et je comprends ce qu'elles pourraient potentiellement vivre aussi, M. le Président. Parce que, lorsqu'on exporte, et c'était le cas de mon père, à plus de 90 % aux États-Unis, bien, du jour au lendemain, quand tu as des tarifs de 10 %, de 15 %, ta marge de profit, elle n'existe plus. Alors, tu dois prendre des décisions à savoir si tu continues ton séchage, ton planage, mais ça devient extrêmement difficile.

Et je sais exactement... Et, encore dans les derniers jours, quand je parlais avec les entrepreneurs, j'avais l'impression de parler avec un membre de la famille. On me demandait : Est-ce que je devrais déplacer ma machinerie dans mon entrepôt américain? Est-ce que je devrais commencer à déplacer des employés du côté des États-Unis? Puis, évidemment, ça relève de décisions d'affaires, ultimement, parce qu'il y a toujours la balance des risques lorsqu'on prend une décision comme celle-là. Mais je sais une chose, avec tous les entrepreneurs de la Beauce à qui j'ai parlé dans les dernières semaines, puis je l'annonce, M. le Président, qu'il n'y a personne qui a un genou à terre. Personne, personne, personne. On est persévérants, on est lucides.

Des voix : ...

M. Poulin : Non, mais c'est vrai. C'est vrai, il n'y a personne qui a un genou à terre. Et on est persévérants, on est lucides, on est réalistes. On sait ce dont on peut avoir à faire face parce qu'on a vécu des tarifs, évidemment, notamment dans le bois d'oeuvre dans les dernières années. Alors, on le sait. Mais il n'y a personne, M. le Président, qui nous appelle en panique. Au contraire, nos gens sont structurés, ils sont organisés, et c'est pour cette raison-là que j'ai mis en place une cellule économique dans les dernières semaines, ce qui nous a permis de revoir de fond en comble notre économie régionale, mais aussi de refaire des plans d'affaires d'entreprises.

Et je veux saluer le travail extraordinaire qui est accompli par Beauce-Centre Économique, par Développement économique Nouvelle-Beauce, le Conseil Économique de Beauce, qui célèbre ses 50 ans, dont le premier président était Jean-Denis Poulin, mon grand-père, soit dit en passant, et où on s'assoit avec des entrepreneurs présentement, et on leur offre de revoir leur plan d'affaires, et de dire : Est-ce qu'on est capables, avec Investissement Québec, de vous aider actuellement au niveau des liquidités? Parce qu'il y a un travail qui se fait actuellement. On nous dit : Est-ce qu'il y a des mesures concrètes? Oui, il y a des mesures concrètes. Ça ne fait pas la une des journaux, M. le Président. Vous comprenez que les entrepreneurs ne veulent pas alerter non plus trop vite leurs partenaires ou ne veulent pas alerter trop vite leurs employés. Puis, avec le 30 jours que Trump vient de nous donner, là, bien, ils avaient raison, nos entrepreneurs, de dire : Il faut être structurés puis il faut être organisés.

Puis le gouvernement du Québec doit aussi aller au rythme de nos entreprises. Oui, on peut prévoir. C'est notre rôle, on le fait à tous les jours. Mais, lorsqu'un entrepreneur prend une décision, il doit être capable de pouvoir parler évidemment à son député, à un partenaire économique assez rapidement pour voir si on est capables de l'appuyer dans cette décision-là. Des fois, c'est des bonnes nouvelles, des fois, c'est des moins bonnes nouvelles, mais il faut être capable de pouvoir suivre le désir des entrepreneurs en temps réel.

Et nos organisations économiques ont rejoint, hier, j'avais la liste, plus d'une soixantaine d'entreprises. On leur a demandé : Comment ça va? Comment vont vos partenaires? Est-ce que vous avez de la liquidité? Est-ce qu'il y a des emplois que vous comptez mettre à pied? Pour avoir l'élément le plus à jour possible et de pouvoir être prêts. Et on a eu un travail aussi préalable qui s'est fait dans les dernières semaines, notamment, et je veux la remercier, ma collègue, la ministre de l'Emploi, et où on s'est assis avec Services Québec, et on a dit : Est-ce qu'on est prêts à accueillir une manne de travailleurs qui pourraient perdre leur emploi, ce qu'on ne souhaite pas, M. le Président, mais pour lequel il faut se préparer? Est-ce qu'on connaît le nombre d'emplois vacants en Beauce? Vous savez, moi, chez nous, c'est le taux de chômage le plus bas au Canada, là, 2,19 %.

Alors, c'est sûr que j'ai encore des emplois vacants dans des marchés intérieurs, dans des entreprises qui se tournent vers l'Europe. Est-ce qu'on a la liste pour faire en sorte que ces employés-là, qui pourraient perdre leur emploi, on puisse les relocaliser rapidement? C'est fait. Il y a des postes vacants au CISSS, on a la liste. Il y a des postes vacants à la commission scolaire, on a la liste. On est prêts à faire face à cette situation-là, qui pourrait être difficile dans le meilleur scénario comme dans le pire.

On travaille également, aussi, M. le Président, et ça, c'est hyperimportant de le mentionner, comme gouvernement, dans tous nos projets publics, qui font une différence dans les régions du Québec. On en a fait depuis 2018. On a construit un complexe multisports à Saint-Georges. 36 millions de notre gouvernement. Qui a remporté l'appel d'offres? Constructions Binet de Saint-Benoît-Labre dans Beauce-Sud. Deux ans de travail pour les travailleurs. On a fait une maison des aînés dans le comté de Beauce-Sud. Qui a remporté le contrat? Vous allez me dire : Il est chanceux. Constructions Binet, Saint-Benoît-Labre, deux ans de travail pour les travailleurs. On a investi dans les routes de Beauce-Sud, M. le Président, comme jamais ça s'est fait dans les dernières années. Les gens me le disent : 269, 173, 204, on n'a jamais vu ça. Qui remporte ces contrats-là? Des entrepreneurs locaux de la Beauce, M. le Président.

Alors, oui, le gouvernement du Québec a un rôle à jouer dans le développement économique de nos régions. On n'a pas attendu, évidemment, Donald Trump, mais on l'a fait dans les dernières années pour s'assurer d'avoir des investissements massifs qui font travailler notre monde. Et il y a une chose qui est sûre, c'est que des investissements de 36 millions, puis d'une quarantaine de millions, puis de plus de 100 millions sur les routes, M. le Président, ça ne se serait pas fait dans les dernières années au Québec. C'est parce qu'on a eu un leadership, on a eu une détermination. Et ça a fait travailler notre monde. Et ça, je tiens à le mentionner, parce que, oui, il y a le travailleur, mais il y a aussi la famille. Et je peux vous dire qu'avec mon collègue le député de Beauce-Nord, on travaille, et je sais, comme l'ensemble de mes collègues ici, à continuer d'avoir des investissements dans nos infrastructures dans les prochaines années, parce qu'on en a pour quatre ans avec ce président américain là, pour s'assurer de mettre notre monde au travail. C'est gagnant-gagnant. C'est gagnant pour la société, mais c'est aussi gagnant pour les travailleurs.

Également, on l'a vu, il y a eu un mouvement de solidarité important, M. le Président, envers l'achat local. On avait fait, dans les dernières années, Achetons beauceron, Ma Beauce d'abord. On va remastériser le tout et faire en sorte de proposer une nouvelle campagne pour appuyer l'achat local dans nos régions. Il faut savoir que, même dans les dernières années, dans les derniers mois, il y a beaucoup de nouveaux produits québécois qui gagnent à être connus, M. le Président, qui gagnent, évidemment, à être reconnus sur les tablettes, puis je veux saluer le travail de nos commerçants locaux, qui ont réussi à positionner de plus en plus, dans les derniers jours, les produits québécois, les produits canadiens, puis je veux les remercier. C'est dommage que, par moment, ça prend une crise pour faire des choses, mais les crises, c'est des opportunités, puis la solidarité, c'est aussi de poser des gestes comme ceux-là. Acheter, c'est voter, et je sais que nos citoyens en font de plus en plus le choix, et, en Beauce, on va trouver, évidemment, une façon de pouvoir le faire et de mettre le tout de l'avant.

Je vous parlais aussi, M. le Président, des entreprises, mais il ne faut pas oublier l'agriculture. Elle est tellement, tellement importante dans nos municipalités. Chez nous, là, c'est 1 916 fermes familiales. Hier, j'étais dans mon bureau avec les producteurs de lait, qui sont fondamentaux. Non seulement il faut protéger la gestion de l'offre dans toutes nos discussions à l'international... Et j'espère que le Canada, peu importe le prochain gouvernement, va jouer un rôle de leader, à ce niveau-là, pour protéger la gestion de l'offre, qui permet à des milliers de fermes, partout dans les régions du Québec, de vivre.

Et je ne suis pas certain que l'ensemble des politiciens ont la même position sur la gestion de l'offre, mais, dans les temps d'incertitude, c'est peut-être le temps de revoir leur position et de se dire qu'on se doit d'appuyer nos fermes. C'est important, aussi, le modèle de ferme familiale. On sait qu'il y a... on doit les appuyer pour la relève agricole, on doit les appuyer pour l'aide à l'automatisation, à la machinerie. Bien, moi, j'ai des municipalités dans le comté de Beauce-Sud, M. le Président, que les taxes municipales, plus de 50 % viennent du milieu agricole. Alors, vous comprenez que, si l'agriculture rencontre des défis, c'est tout notre tissu économique qui va jouer un rôle.

Je veux vous parler, M. le Président, du sirop d'érable, vous ne serez pas surpris. On a maintenant la Journée nationale de l'érable. 1 000 productions acéricoles en Beauce, M. le Président. C'est l'endroit au Québec où il y a le plus de production acéricole qui est concentrée. Puis je regardais la liste de représailles du fédéral, il s'y trouvait, le sirop d'érable, on ne l'avait pas oublié, évidemment. Mais c'est important, parce que c'est un des plus beaux modèles qu'il n'y a pas, là. Ce sont du sirop d'érable qui se trouve sur les plus grands restaurants de New York, qui a été produit dans des rangs à Saint-Robert-Bellarmin, M. le Président. C'est ça, le modèle de l'acériculture, c'est nos cabanes à sucre qui s'en vont dans la réserve québécoise, et qui, par la suite, fait en sorte qu'on exporte aux États-Unis. Et il faut le mentionner, que ça, c'est une des plus grandes fiertés qu'on se doit d'avoir.

Mais je peux vous dire qu'il y a un impact économique parce que nos cabanes à sucre, M. le Président, oui, on en a encore qui sont un petit peu plus artisanales, à la bouilloire, mais d'autres ont beaucoup automatisé. Moi, j'en ai visité énormément en Beauce, là, et je peux vous dire que c'est impressionnant, le travail qui est fait pour augmenter la réserve de sirop d'érable. Alors, il faut aussi protéger ce système-là, parce que c'est des hommes puis des femmes qui mettent du temps, de l'énergie. Souvent, c'est du travail qui se fait sur une période pas seulement de trois mois par année, mais six mois, huit mois. Alors, il faut protéger ça, le mentionner et le saluer.

Dans les prochaines semaines, on sera extrêmement avisé, M. le Président, parce qu'évidemment là, le président américain a parlé de 30 jours. En fin de semaine, qu'est-ce qu'il va dire je ne le sais pas, dans une semaine, qu'est-ce qu'il va dire je ne le sais pas, mais il y a une chose qui est sûre, c'est qu'on en a pour quatre ans. Alors, il y a une nouvelle incertitude économique qui vient de s'installer non seulement au Québec, au Canada et en Beauce pour les prochaines années. Et on ne pourra jamais mettre de côté nos partenaires américains. C'est la plus longue, évidemment, douane que nous avons. Nous avons des liens très, très forts avec eux en termes d'accessibilité, d'environnement réglementaire, alors on ne pourra jamais les mettre éternellement de côté, M. le Président.

• (18 heures) •

Et on va... on doit entretenir les discussions avec nos partenaires américains, parce qu'il n'est pas vrai que les Américains appuient tous leur président. Et, moi, s'il y a une chose que je fais la différence, M. le Président, c'est la différence entre les Américains et leur président, parce que ce n'est pas la même chose. Cependant, on est avec lui pour les quatre prochaines années et on dit : Il joue avec nous, mais il joue aussi avec notre argent, avec notre économie, avec nos emplois.

Alors, il y aura tout un travail de fait dans les prochaines années pour redéfinir nos relations avec les États-Unis en termes de libre-échange, pour revenir aux valeurs profondes que Brian Mulroney avait mises de l'avant et qui avaient été tant appréciées aussi par les Canadiens, en termes de nouveaux marchés puis de nouvelle économie. À l'époque, ça avait permis, dans une région comme la mienne, dans le domaine, par exemple, de l'acier, de l'aluminium, de pouvoir aller de l'autre côté... nos compagnies de camionnage, M. le Président, à quel point le libre-échange est important pour eux. Vous comprenez que, si des entreprises ne peuvent plus aller du côté des États-Unis, les entreprises de camionnage doivent très, très vite s'orienter vers le marché canadien. Alors, c'est tout un défi également pour la deuxième ligne.

Nos compagnies de logiciels en informatique vivent l'incertitude présentement avec des commandes qui ne se font pas. Un concessionnaire automobile me dit : Je me suis fait canceller une commande de quatre véhicules, d'une grande entreprise. Alors, même ces gens-là sur la deuxième ligne vivent l'incertitude économique, M. le Président.

Mais il y a une chose qui est sûre, c'est qu'ils peuvent compter sur une équipe économique, évidemment, par notre premier ministre, qui a énormément d'expérience, qui est la personne, selon moi, la plus crédible dans la situation actuelle pour défendre les entrepreneurs, il en est un, il nous en a parlé cet après-midi, mais ils peuvent compter sur une équipe qui sera extrêmement alerte, M. le Président, qui n'ira pas dans la précipitation, mais qui va aller au rythme de nos entrepreneurs, parce que c'est eux qui connaissent leur marché, c'est eux qui connaissent leurs partenaires américains, c'est eux qui connaissent leurs employés. Et on va tout faire pour les aider, les supporter, travailler avec eux, parce qu'on est le gouvernement des régions et on va y mettre tout notre coeur, toutes nos énergies et toutes nos fins de semaine dans les prochaines années. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de Beauce-Sud. Et je reconnais maintenant M. le député d'Arthabaska.

M. Eric Lefebvre

M. Lefebvre : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, M. le Président, depuis que je fais de la politique active que je prône un Québec fort à l'intérieur d'un Canada uni, et je pense que c'est exactement ce qu'il faut faire. Il faut poser des gestes concrets pour protéger nos frontières, pour protéger notre économie, mais il faut le faire pour nous. Il ne faut pas le faire pour Donald Trump.

Je veux saluer aujourd'hui l'initiative qui a été faite par Entreprise Victoriaville et sa région, d'avoir mis sur pied une cellule d'action. Et ça, ça a été fait conjointement avec la chambre de commerce Bois-Francs—Érable, la Jeune Chambre de Victoriaville, S.A.D.C. Arthabaska-Érable, la BDC, Développement économique Canada, Cité Innovation, Investissement Québec, Carrefour Québec International.

Comme vous voyez, M. le Président, la région se prend en main. On veut soutenir nos entreprises pour les impacts des tarifs. On veut atténuer les répercussions, renforcer notre région et diversifier nos marchés. Et, quand on parle de diversifier nos marchés, chaque crise offre des opportunités. Et là on a des opportunités de développement économique avec des nouveaux partenaires, puis ces partenaires-là, c'est les partenaires canadiens d'est en ouest.

Et on a une problématique, présentement, c'est plus difficile de faire affaire avec les autres provinces que de faire affaire avec les États-Unis. Un exemple, c'est au niveau des transports. La réglementation, présentement, entre nos provinces n'est pas coordonnée. On doit travailler pour faciliter les échanges commerciaux entre nos provinces. Et ce que je veux dire, M. le Président : Courage aux entrepreneurs, aux travailleurs et travailleuses qui vont être touchés, et que je serai toujours...

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député d'Arthabaska. Alors, voilà qui met fin au débat d'urgence sur l'imposition de tarifs douaniers par les États-Unis. M. le leader adjoint du gouvernement.

Ajournement

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je vous demanderais de bien vouloir ajourner nos travaux à demain, s'il vous plaît, 9 h 40.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Alors, par conséquent, nous ajournons nos travaux au mercredi 5 janvier... 5 février, pardon, à 9 h 40.

(Fin de la séance à 18 h 06)