Journal des débats de l'Assemblée nationale
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
Le
mardi 4 février 2025
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Vol. 47 N° 177
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Intervenants par tranches d'heure
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Soucy, Chantal
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Lévesque, Mathieu
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Boulet, Jean
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Caire, Éric
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Soucy, Chantal
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Setlakwe, Michelle
9 h 30 (version révisée)
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(Dix heures
)
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Bon
matin. Nous allons nous recueillir quelques instants.
Vous pouvez vous asseoir.
Affaires du jour
Donc, nous débutons nos travaux aux
affaires du jour. Donc, M. le leader adjoint, pouvez-vous nous indiquer nos
travaux?
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
bonjour, Mme la Présidente. Un bonheur de vous retrouver ce matin pour
poursuivre nos travaux. J'en profite pour saluer l'ensemble des collègues. Et
je vous demanderais de bien vouloir appeler l'article 7 du feuilleton, s'il
vous plaît.
Projet de loi n° 88
Adoption du principe
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc,
à l'article 7 du feuilleton, M. le ministre du Travail propose l'adoption
du principe du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi concernant le
régime de négociation des conventions collectives et de règlement des
différends dans le secteur municipal. M. le ministre du Travail, je vous cède
la parole pour votre intervention.
M. Jean Boulet
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Évidemment, c'est un projet de loi qui concerne un dossier bien,
bien particulier du monde des relations de travail, et c'est plus particulièrement
le <régime de négociation...
>
10 h 01 (version non révisée)
M. Boulet : ...des relations
de travail, et c'est plus particulièrement le régime de négociations
collectives applicable aux policières et policiers ainsi qu'aux pompières et
pompiers qui sont à l'emploi des municipalités du Québec. En raison du
caractère essentiel de leur travail, ces salariés ne bénéficient pas du droit
de grève. Pour compenser l'absence de ce droit, le cadre légal prévoit d'autres
mécanismes qui viennent régir les négociations entre ces employés et les
municipalités. Le but du projet de loi modifiant la Loi concernant le régime de
négociation de conventions collectives et de règlement de différends dans le
secteur municipal est de s'assurer que ces travailleurs bénéficient d'un
mécanisme adéquat, indépendant et équilibré comme substitut à la grève.
Le projet de loi numéro 88 intervient pour
corriger une partie du régime mise en place, en 2016, par le précédent
gouvernement. Plus précisément, il s'agit d'éléments liés spécifiquement aux
mécanismes d'arbitrage applicables aux policiers et aux pompiers. Les
modifications sont rendues nécessaires en raison de décisions judiciaires. En
effet, en octobre 2021, la Cour supérieure avait déclaré inconstitutionnels les
articles 10, 11, 12, 25 et 26 de la loi. Ces articles concernent la composition
et la sélection d'un conseil de règlement de différends, destiné à mener à bien
les négociations qui n'ont pas abouti dans le cadre du processus de
négociation. À noter également que la cour avait validé plusieurs autres
dispositions concernant, entre autres, la durée des conventions collectives,
les critères d'évaluation utilisés par le conseil de règlement de différends et
le partage des honoraires du conseil.
En août 2024, la Cour d'appel a maintenu
le jugement de la Cour supérieure. La Cour d'appel a ensuite donné un délai de
six mois au législateur pour modifier la loi et remplacer le mécanisme prévu.
L'échéancier prévu est le 28 février 2025, dans à peu près trois semaines, ça
explique pourquoi nous devons agir avec diligence afin d'adopter ce projet de
loi.
La cour a essentiellement considéré que le mode de
nomination des trois membres du conseil de règlement des différends était
inadéquat, notamment, parce qu'il ne permettait pas aux parties de participer
de façon significative aux choix des décideurs.
Le présent projet de loi, madame la
Présidente, propose ainsi un nouveau mécanisme d'arbitrage en remplacement du
Conseil de règlement des différends et allège le processus de nomination des
arbitres agissant dans les dossiers concernant, je le réitère, les policiers,
policières, les pompiers et pompières à l'emploi des municipalités. On y
définit des critères permettant au ministre du Travail de constituer une liste
de personnes aptes à agir comme arbitres de différends dans le cadre de
négociations collectives. Et la liste, en question, est constituée d'arbitres
dont les noms ont été proposés conjointement par les associations
représentatives des municipalités, l'Union des municipalités et la Fédération
québécoise des municipalités, les régies intermunicipales, les policiers, les
pompiers du secteur municipal regroupés en association.
C'est ensuite, à partir de cette liste,
que les partis décident... ou choisissent, plutôt, après consultation, un
arbitre à qui soumettre le différend. En l'absence d'entente sur l'identité de
l'arbitre, le projet de loi prévoit, comme ce sont les règles habituelles
prévues dans le Code du travail, que le ministre procède à une nomination,
toujours parmi cette liste qui a fait l'objet d'un consensus entre les parties.
Le projet prévoit la possibilité, pour le ministre, d'ajouter des noms à cette
liste-là, au besoin, à partir de la liste qui a été confectionnée par le Comité
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui regroupe, bien sûr, les
associations patronales et les centrales syndicales. Le projet de loi prévoit
également la possibilité, pour chacune des parties, de désigner un assesseur
afin de la représenter et d'assister l'arbitre lors de l'audition et, si
nécessaire, pendant le délibéré.
De plus, le projet de loi propose que la
rémunération des arbitres nommés pour l'arbitrage de tout différend dans le
secteur municipal suive les dispositions du règlement sur la rémunération des
arbitres, adopté en vertu du code québécois du travail. Je crois que c'est...
10 h 06 (version non révisée)
M. Boulet : ...ces
modifications permettent d'obtenir l'équilibre à rechercher et de répondre aux
préoccupations formulées par la cour. On a déposé quelques amendements de
concordance. Je me suis assuré de les transmettre, de les déposer à mes collègues
des partis de l'opposition, dans un souci, bien sûr, de collaboration.
En terminant, je veux également prendre un
moment pour remercier les personnes et les groupes qui ont participé aux
consultations particulières. Certains groupes ne sont pas venus, exprimant un
accord total avec les dispositions du projet de loi. Les parties qui sont
venues ont fait certaines recommandations. Évidemment, on a tout étudié avec
attention et considération. Et, lors des travaux législatifs, bien, vous le
savez, c'est important de s'assurer que toutes les parties, toutes les
personnes qui participent à l'étude détaillée aient une bonne compréhension d'un
projet de loi ainsi que de ses objectifs. Puisque les modifications concernent
un aspect assez circonscrit de la loi, je suis convaincu, avec mes collègues
gouvernementaux, avec les collègues des partis d'opposition, qu'on va pouvoir
assurer un cheminement avec le plus de célérité possible de ce projet de loi
là. C'est pourquoi, Mme la Présidente, j'invite les membres de cette Assemblée
à adopter le principe de ce projet de loi afin que nous puissions résoudre la
situation actuelle dans les délais requis. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le ministre. Maintenant, la prochaine intervenante, Mme la députée de
Bourassa-Sauvé. À vous la parole.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Donc, à mon tour d'intervenir sur l'adoption du principe du projet
de loi n° 88, Loi modifiant la Loi concernant le régime de négociation des
conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur
municipal. Je remercie, donc, le ministre, donc, pour son allocution et sa
présentation, donc, des différents éléments que nous retrouvons au projet de
loi. Et d'emblée, Mme la Présidente, donc, je rassure les partis, donc, notre
formation politique, le Parti libéral du Québec, donc, votera en faveur du
principe du projet de loi n° 88.
Mme la Présidente, avant de vous parler de
ce qui se retrouve au projet de loi, j'imagine que vous avez déjà entendu
parler, donc, de l'allocution municipalités, créatures des provinces, hein, c'est
ainsi qu'on les nomme sur le plan constitutionnel, et on le dit, donc, dans
notre régime constitutionnel canadien, donc, une séparation, donc, des
pouvoirs, donc, a été dévolue au gouvernement fédéral et aux gouvernements
provinciaux et laissant donc les municipalités dans le giron des provinces, en
les appelant communément «créatures». Lorsque le Parti libéral du Québec était
au pouvoir, c'était absolument important pour nous de nous assurer que... donc,
que les municipalités soient bien plus que ce que nous, donc, nommons dans le
jargon constitutionnel, donc des créatures, mais deviennent des gouvernements
de proximité. C'est à cet égard que notre gouvernement libéral s'est assuré de
pouvoir octroyer des pouvoirs supplémentaires à ces municipalités, d'abord en
les nommant... en les reconnaissant, plutôt, comme gouvernements de proximité.
Et ça, j'imagine aussi que c'est une allocution que vous avez entendue de plus
en plus au cours des dernières années parce que ça commence donc à intégrer...
celle-ci commence à intégrer le jargon de notre environnement politique, de
notre univers politique. Donc, nos municipalités sont dorénavant des
gouvernements de proximité.
Dans cet esprit, donc, en les nommant
gouvernements de proximité, en s'assurant d'octroyer des pouvoirs spéciaux à la
ville de Québec, à Montréal, en s'assurant de faire de Montréal... à Montréal
un statut de métropole, donc, dans la foulée, donc, de ces différentes
modifications là est née la Loi sur les régimes de négociation... pardon, la
Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de
règlement des différends dans le secteur municipal, donc, une loi, donc, qui s'assurait,
donc, de reconnaître le caractère distinct des municipalités. Vous le savez
peut-être, Mme la Présidente, mais auparavant, donc, plusieurs dispositions du
Code du travail se portaient, donc, sur... donc le... Bien, en fait, sur le
régime de négociation des policiers et des pompiers municipaux, le ministre,
donc, l'a mentionné, donc, un article distinct du Code du travail, donc,
prévoit à l'effet que les policiers et les pompiers municipaux ne bénéficient
pas du droit de grève. Donc, ça, c'est en vertu du Code du travail. Donc, tout
ce qui concernait la négociation des conventions collectives dans le milieu
municipal se retrouvait, donc, qu'à travers, donc, le giron du du Code du
travail de façon générale, avec quelques...
10 h 11 (version non révisée)
Mme Cadet : ...il y avait
quelques dispositions donc distinctes, donc bien précises, mais il nous
apparaissait opportun, en considérant que nos municipalités, donc, sont
redevables à la population et répondent donc à certains principes différents. C'est
des principes distincts de ceux qui régissent donc les entreprises privées qu'elles
bénéficient au même titre que les employés de la fonction publique québécoise,
par exemple, d'un régime distinct. C'est un élément que préserve le projet de
loi... le projet de loi n° 88.
On vous nomme quelques-uns de ces
principes, madame la... Mme la Présidente, en disant donc les principes devant
guider en tout temps donc les interrelations des conditions de travail dans le
secteur municipal, soit le fait qu'en qualité d'institution démocratique une
municipalité est redevable auprès de ses contribuables et qu'elle doit donc
utiliser le produit, donc, des taxes et tarifs pour assurer la prestation de
services publics, donc, le... les principes que l'attraction, le maintien à l'emploi
de personnel qualifié, comment des conditions travail justes et raisonnables eu
égard aux qualifications requises, aux tâches à exécuter, à la nature des
services rendus, l'équité entre les membres du personnel bien évidemment, et le
fait qu'il est de la responsabilité de l'employeur de pourvoir l'embauche de
personnel qualifié, et de gérer ses effectifs de manière à combler ses besoins
opérationnels. Donc, ça vous donne donc un concept d'octroi dans un contexte
donc supplémentaire pour bien saisir comment donc le projet... comment la loi n° 24, donc le projet de loi n° 110 à l'époque, dans
quel contexte celui-ci avait été déposé.
Le ministre l'a aussi mentionné plus
particulièrement, mais donc le projet de loi mettait de l'avant, à titre de
nouveautés... entre autres nouveautés, différents... différents critères que,
bon, à l'époque que le Conseil de règlement des différends devait suivre pour
rendre sa décision, par exemple, donc, la situation financière et fiscale de la
municipalité, les conditions de travail applicables aux salariés concernés, les
conditions de travail applicables aux autres salariés de la municipalité, la
politique de rémunération et des dernières majorations consenties par le gouvernement
aux employés des secteurs public et parapublic, des conditions de travail
applicables dans les municipalités et régies intermunicipales semblables, les
exigences relatives à la saine gestion des finances publiques, la situation
économique locale et la situation des perspectives salariales économiques du
Québec.
Il faut savoir, Mme la Présidente, que ces
critères-ci donc du... En fait, plusieurs donc de ces critères donc étaient
nouveaux avec l'adoption de la loi n° 24 en 2016.
Mais le concept de critères n'était pas nouveau en droit québécois. Le Code du
travail prévoyait, à l'article 99.5, qui a depuis été abrogé, qu'il
fallait... donc que l'arbitre devait tenir compte de l'équité interne, de l'équité
externe ainsi que de la situation des perspectives salariales économiques du
Québec. Donc ce concept n'était pas nouveau. Donc, la loi étant... ayant été
contestée et évidemment donc avec une juste, juste dialogue entre les
différentes instances qui composent notre État de droit, ce que nous saisissons,
c'est qu'une grande partie, une grande majorité en fait de ce qui se retrouvait
donc à la loi n° 24, donc, a été préservé par les
tribunaux, dont les critères, mais qu'effectivement que certaines dispositions
ont été invalidées, principalement en fait, donc, les dispositions, donc,
concernant l'établissement d'un Conseil de règlement des différends. Le
ministre donc l'a mentionné, nous faisons la même interprétation des décisions
de la Cour supérieure de 2021 et de la Cour d'appel de 2024, qu'on... portant
donc surtout sur le mode de nomination des membres du Conseil de règlement des
différends.
C'est donc avec cet esprit... c'est donc
avec cet esprit ouvert et cet esprit de juriste, de lentille constitutionnelle,
que nous abordons donc l'étude du projet de loi n° 88. Je le répète, Mme
la Présidente, donc, une bonne partie, donc, de l'essence de ce qui y avait été
déposé en 2016 se retrouve donc préservée, donc dans le caractère du projet de
loi n° 88. Nous avons bien pris connaissance, ma
collègue la députée de Robert-Baldwin, qui m'accompagne dans... et qui m'a
accompagnée lors des consultations particulières et qui m'accompagnera lors de
l'étude détaillée du projet de loi dès cet après-midi, donc, des nouvelles donc
dispositions qui sont propres au projet de loi n° 88,
et c'est avec grande attention que nous étudierons dans le détail.
Je tiens à mon tour à remercier donc, je l'ai
dit, le ministre, j'ai aussi parlé de ma collègue. Bien sûr, remercier l'ensemble
des collègues, autant de la partie gouvernementale...
10 h 16 (version non révisée)
Mme Cadet : ...de la partie
gouvernementale que des autres partis d'opposition qui ont enrichi le débat,
donc, par leurs différentes questions aux groupes. Ça nous permet toujours d'apprendre,
Mme la Présidente. Je remercie à mon tour, donc, les groupes qui nous ont
permis de bonifier notre réflexion, évidemment, sur les mécanismes de règlement
de différends opportuns, qui sont venus en commission parlementaire. Donc, le
Conseil provincial du secteur incendie, la Fédération des policiers et
policières municipaux du Québec, la Fraternité des policiers et policières de
Montréal et Me Michel Coutu. Merci aussi, donc, les groupes qui auront déposé
des mémoires et qui nous auront permis de mieux réaliser notre travail de
législateur comme à l'accoutumée. Et, tout simplement, Mme la Présidente, donc,
dire que nous nous reverrons ici lors de l'adoption du projet de loi n° 88.
Merci beaucoup.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci
à vous, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le projet
de loi n° 88? Alors, comme il n'y a pas d'autre intervention, le projet de
loi n° 88, Loi modifiant la Loi concernant le régime de négociation des
conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur
municipal, est-il adopté?
Des voix : Adopté.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Caire : Merci, Mme la
Présidente. Conformément à l'article 243 de notre règlement, je fais
motion afin que le projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi concernant le
régime de négociation des conventions collectives et de règlement des
différends dans le secteur municipal, soit déféré à la Commission des
institutions pour son étude détaillée et que le ministre du Travail soit membre
de ladite commission pour la durée du mandat.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci.
Cette motion est-elle adoptée?
Des voix : Adopté.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté.
M. le leader adjoint, pour la suite de nos travaux.
M. Caire : Pourriez-vous
appeler l'article deux du feuilleton, Mme la Présidente?
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui.
Donc, à l'article deux du feuilleton, M. le ministre de la Cybersécurité et du
Numérique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 82, Loi
concernant l'identité numérique nationale et modifiant d'autres dispositions.
Alors, je vous cède la parole, M. le ministre.
M. Caire : Oui. Merci, Mme la
Présidente. Donc, très heureux d'intervenir sur le principe de cet important
projet de loi qui touche, oui, effectivement, vous l'avez mentionné d'entrée de
jeu, Mme la Présidente, l'identité numérique, mais d'autres dispositions tout
aussi importantes pour la progression de la transformation numérique de l'État
dans son ensemble, mais aussi de la société civile, ce qui est une première, et
je reviendrai là-dessus, Mme la Présidente.
Donc, l'identité numérique, qu'est-ce que
c'est? Essentiellement, Mme la Présidente, c'est la façon dont on s'y prend
pour identifier de façon unique un citoyen dans l'univers numérique,
essentiellement. Maintenant, cette identité numérique là va évidemment se
décliner dans différents services. On est tout à fait habitué à... au fait de s'identifier,
s'authentifier, lorsqu'on va se connecter sur une prestation électronique de
service, on va sur un site web, on nous demande d'entrer le mot de passe, le
mot de passe, le nom... le nom d'usager. Maintenant, petite modification supplémentaire,
on va vous envoyer un code. On s'assure que vous êtes bien la personne que vous
prétendez être. Ça, on est habitués à ça.
Maintenant, là où on va un peu plus loin, Mme
la Présidente, c'est quand on parle d'attestation numérique. Qu'est-ce que c'est,
l'attestation numérique? On a tous en poche notre... bien, tous, la plupart des
Québécois ont en poche un permis de conduire, une carte d'assurance maladie et
d'autres pièces justificatives qui émanent du gouvernement. On les a en papier,
on va à l'urgence, on sort notre carte d'assurance maladie. Malheureusement,
petit excès de vitesse, M. l'agent nous demande notre permis de conduire. On
est habitué à ça. On est aussi habitué. Mme la Présidente, par exemple, à aller
acheter du vin à la SAQ, et donc là, on se fait demander : Avez-vous l'âge
légal? Et là on sort notre permis de conduire, on sort notre carte d'assurance
maladie. Ce faisant, Mme la Présidente, il y a un bris de sécurité. Pourquoi?
Parce que ce qu'on vous demande, c'est : Avez-vous l'âge légal pour
acheter de l'alcool? C'est tout. Et la réponse à cette question-là devrait être
oui ou non. Mais la réponse à cette question-là, c'est votre date de naissance,
votre nom, votre prénom, votre adresse, votre numéro de permis de conduire ou votre
numéro d'assurance sociale, votre classe de conducteur. C'est ça, la réponse qu'on
donne, Mme la Présidente, quand on nous pose cette question-là, et ça, c'est
beaucoup trop.
Alors, Mme la Présidente, l'identité
numérique, donc, les attestations numériques qu'on pourra utiliser,
éventuellement, sur nos téléphones intelligents, vont nous permettre non
seulement de répondre à des questions : Avez-vous l'âge légal? Êtes-vous
citoyen de? Êtes-vous résident de, ou êtes-vous assuré...
10 h 21 (version non révisée)
M. Caire : ...participant au
régime d'assurance maladie en ne donnant que les informations nécessaires, sans
plus, mais, sans moins, évidemment. Et là il y a tous les aspects, dans notre
vie, madame la Présidente, où on sait qu'on pose ces gestes-là et où on sait
que l'univers numérique va nous permettre, évidemment, différentes
possibilités.
Donc, l'identité numérique, madame la
Présidente, c'est quoi? C'est un meilleur contrôle sur les informations qu'on
donne quand on a besoin de s'identifier, de s'authentifier. L'identité
numérique, madame la Présidente, c'est aussi une capacité à numériser les
services. Je l'ai dit, j'ai eu l'expérience, comme beaucoup de Québécois, où je
vais à l'urgence pour un problème de santé, où j'arrive à l'urgence, appuie sur
un petit piton, sort un numéro. Pourquoi? Je ne sais pas. Parce que dans la
chaîne de services, il faut qu'on sache à quel moment, moi, je vais pouvoir
être servi. Alors, on a le petit papier, on est au XXIe siècle puis on
m'imprime un petit papier avec un numéro, au XXIe siècle. Bon. Je me présente
au comptoir où on finit par m'appeler. Je donne mon petit numéro. On me dit:
Bien, avez-vous votre carte d'assurance maladie? Absolument. Je mets la carte
d'assurance maladie. Et là on m'imprime un bracelet. Ah! Pourquoi? Alors, je
mets le bracelet, au cas où vous tomberiez inanimé, il faut qu'on soit capable
de vous identifier. OK Mais c'est parce que je viens de vous donner ma carte
d'assurance maladie qui a une photo dessus puis tous les renseignements.
Pourquoi j'ai besoin d'imprimer un petit papier pour m'identifier alors que
j'ai ma carte d'assurance maladie? Je ne le sais pas, mystère et fromage mou.
Et là je me présente à l'admission. Om me
dit: Avez-vous votre carte d'hôpital. Bien, non. Pourquoi? Vous voulez que je
fasse quoi avec une carte d'hôpital? Ah! mais ça prend la carte d'hôpital. Et
là, madame la Présidente, s'enclenche un processus où la carte d'hôpital, on va
imprimer des papiers qui vont être envoyés à l'administration, qui vont être
envoyés, je ne sais pas où, qui vont... Madame la Présidente, tout ça, tout ça
pourrait être numérisé, tout ça pourrait faire l'objet d'une transformation
numérique. Imaginez les gains d'efficacité, imaginez la rapidité avec laquelle
on pourrait traiter tout ça jusqu'au bureau du médecin, si on était capable. Et
le point d'émission de ça, c'est quoi? Bien, c'est ça, c'est les attestations
numériques, Mme la Présidente. Et imaginez l'ensemble des services pour lesquels
on pourrait augmenter l'efficacité de l'État et donc augmenter la qualité des
services, augmenter la disponibilité des services et augmenter la
confidentialité des services dans l'univers numérique. Alors, madame la
Présidente, c'est ça, c'est ça, l'identité numérique, c'est ça, la volonté de
l'identité numérique. Et je vous dirais qu'en consultation particulière, cette
volonté-là a été saluée par la très grande majorité des intervenants.
Maintenant, il y a des risques. C'est
vrai, je veux dire, ce n'est pas un univers parfait, il y a des risques. On
nous a dit: Il ne faut pas centraliser toutes les informations, parce que,
sinon, évidemment, une fuite de données devient catastrophique. Encore là,
madame la Présidentej je vous dirais que l'état actuel du gouvernement du
Québec, c'est ça qui est problématique, parce qu'on nous a dit : Là, vous allez
créer le registre d'identité numérique, vous allez concentrer toutes les
informations d'identité d'un citoyen dans un registre. C'est vrai. Ce qu'il faut
comprendre, madame la Présidente, c'est que, quand un ministère ou un organisme
donne une prestation de services aux citoyens, il fait exactement ça. Il crée
son propre registre d'identité des citoyens. Pourquoi? Parce qu'avant de donner
un service, il a besoin d'identifier le citoyen à qui il donne le service.
Donc, ce n'est pas un registre d'identité
numérique qu'il y a au gouvernement du Québec, c'est des dizaines, voire des
centaines. Et ça, c'est autant de surface d'attaque, c'est autant de possibilités
de fuites de données qu'on ne souhaite pas. Donc, madame la Présidente, loin
d'être un problème, la vision du gouvernement, c'est, au contraire, d'éliminer
ces dizaines de registres là et de s'assurer qu'il n'y en a qu'un. Pourquoi?
Un, pour des questions de sécurité, vous comprendrez que c'est plus facile, et
ça consomme moins de ressources de protéger un seul que d'en protéger des
dizaines. Je pense que tout le monde comprend ça assez aisément. Ensuite, ça
évite la distorsion, les doublons dans les informations, parce que ces dizaines
de fichiers là ne peuvent pas être mis à jour en temps réel.
Donc, mon identité, dans un service que je
consomme régulièrement, risque d'être à jour. Mais il y a des services qu'on
consomme beaucoup moins régulièrement, et ça, ça se peut qu'il y ait des
informations qui datent, qui soient périmées, mais qu'on conserve, qu'on
continue d'avoir, et ce qui fait que vous allez recevoir une lettre à une
adresse à laquelle vous n'habitez plus depuis 10 ans...
10 h 26 (version non révisée)
M. Caire : ...hein,
pourquoi? Parce que les fichiers ne sont pas à jour. Et ça, c'est arrivé au
gouvernement du Québec. Voyons donc! Je n'habite plus là, ça fait des années.
Voulez-vous bien me dire pourquoi vous m'envoyez une lettre? Bien, parce que
les fichiers ne sont pas à jour. Donc, si c'est un fichier unique auquel tout
le monde se réfère, bien, tout le monde a une information qui est à jour, qui
est à date.
Autre avantage, Mme la Présidente, avec l'identité
numérique. Le citoyen se connecte, voit évidemment ses renseignements d'identité
et contrôle ses renseignements d'identité. Pensez au fameux changement d'adresse,
Mme la Présidente, le chemin de croix, le parcours du combattant que c'est de
changer son adresse dans l'administration publique. Pourquoi? À cause de ces
dizaines, ces dizaines de fichiers dont je vous parlais. Le fait d'en avoir un
seul, unique, le citoyen fait son changement d'adresse puis c'est terminé.
Puisque c'est la source de tous les... de tous les services publics, tout le
monde vient chercher son information là. Bien, tout le monde a une adresse à
jour. Tout le monde à la bonne adresse. Tout le monde a les bons changements,
faits en temps réel, et le citoyen retrouve le contrôle sur ses données.
Alors ça, Mme la Présidente, ça aussi, c'est
dans le projet de loi. Pour l'identité numérique, Mme la Présidente, ça prend
évidemment un cadre législatif, parce qu'il faut évidemment que l'univers
numérique, on puisse travailler avec des pièces qui sont reconnues, qui sont
authentiques, authentifiées, et ça prend un cadre juridique. Nous créons ce
cadre juridique pour l'utilisation de l'identité numérique nationale.
Autre élément, Mme la Présidente, très
important, la cybersécurité. On le sait, c'est un des trois enjeux les plus importants
pour n'importe quel gouvernement à travers le monde, c'est la protection des
systèmes d'information, la protection des renseignements personnels. Le
ministère de la Cybersécurité, et ça c'est, je pense que c'est un secret bien
gardé, a évidemment la responsabilité de la cybersécurité des systèmes d'information
du gouvernement du Québec, mais avec l'avènement du ministère, son rôle dépasse
celui du gouvernement. Sa mission, c'est une mission régalienne. Elle est sur l'ensemble
du territoire québécois.
Or, Mme la Présidente, pour être capable d'assumer
cette fonction-là, bien, il faut avoir connaissance des faits. Et
malheureusement, sur le territoire québécois, il y a des attaques réussies pour
lesquelles on n'est pas avisé, on n'est pas au courant, ou alors on l'est, mais
tellement longtemps après les faits qu'il n'y a plus d'intervention possible.
Donc, le projet de loi, c'est deux choses. D'une part, il rend obligatoire la
divulgation des incidents de sécurité au ministère pour les organismes publics,
mais il va aussi permettre au gouvernement d'établir par règlement des secteurs
névralgiques pour lesquels le secteur public-privé sera tenu aux mêmes
obligations.
On le sait, Mme la Présidente, il y a des
secteurs comme l'énergie, le transport, l'alimentation, ce sont des secteurs
qui sont névralgiques pour l'économie québécoise, pour la société en général.
Et on a vu dans le passé des cyberattaques qui ont évidemment créé des soucis
assez majeurs. Mais ces cyberattaques-là n'étant pas déclarées, la capacité d'agir
et d'interagir devient assez difficile. La capacité d'informer aussi, Mme la
Présidente, parce que si un secteur est particulièrement attaqué, si on n'est
pas avisé de ces attaques-là, on ne peut pas le savoir. On ne peut pas détecter
que, de toute évidence, le secteur de l'énergie fait l'objet d'attaques
concertées, alors qu'avec la divulgation obligatoire, on va pouvoir le savoir
et on pouvoir, on va... ça va nous permettre d'aviser les sociétés et les
entreprises qui sont visées par cette menace-là de s'y préparer. Ça va nous
permettre de déterminer le type d'attaque, l'origine de l'attaquant, bref avec
l'information, Mme la Présidente, c'est beaucoup plus facile de se protéger.
Donc ça, le projet de loi vient faire ça, et je pense que c'est une avancée
extrêmement importante.
Autre élément du projet de loi, Mme la
Présidente, le courtier en infonuagique. Puis, je vous dirais, particulièrement
dans le contexte qu'on vit avec la crise, je pense qu'on peut appeler ça la
crise tarifaire, le courtier en infonuagique, Mme la Présidente, c'est un
modèle qu'on a mis en place au début du précédent mandat. Qu'est-ce que ça fait
en gros? Bien, c'est ça, c'est un courtier. Donc, les entreprises qui offrent
des services en infonuagique vont se qualifier selon des critères très stricts
du courtier. Mais une fois qu'on est inscrit, ça permet aux ministères et
organismes de choisir avec quelle entreprise ils veulent faire affaire. Et c'est
au choix, pourvu que ce soit un... une des entreprises, pardon, qualifiées à la
liste de courtiers, c'est au choix de... du ministère et de l'organisme de
choisir l'entreprise avec laquelle il veut faire affaire.
On élargit la portée du courtier, qui
devient donc le courtier en ressources informationnelles. Il y a trois nouveaux
secteurs pour lesquels le courtier va pouvoir agir. Et l'avantage de ça, Mme la
Présidente, par rapport, disons, au modèle conventionnel des appels d'offres,
bien, c'est qu'une fois qu'une entreprise...
10 h 30 (version révisée)
M. Caire : ...entreprise est
qualifiée, comme je l'ai dit, le ministère et l'organisme peut choisir, peut
choisir sans enfreindre nos règles internationales, sans enfreindre nos
ententes, sans enfreindre nos lois, notamment la Loi sur les contrats des
organismes publics, peut choisir l'entreprise avec laquelle il veut faire
affaire.
Mme la Présidente, est-ce que j'ai besoin
de vous dire que, dans le contexte actuel, il serait beaucoup plus facile de
dire... par exemple, de favoriser une entreprise québécoise, canadienne,
européenne, que dans un contexte classique du cadre des appels d'offres? Donc,
pour moi, ça, c'est une avancée. On le limite quand même à certains secteurs
qui sont plus névralgiques pour les opérations du gouvernement, parce qu'effectivement
on pense qu'il ne faut pas non plus délaisser le modèle des appels d'offres,
qui a ses avantages, très certainement.
Un autre élément, Mme la Présidente, qui
est important, c'est tout le secteur des télécommunications. Le ministère de la
Cybersécurité et du Numérique a, par héritage, la responsabilité d'assumer les
télécommunications, que ce soit le fameux réseau RENIR pour la sécurité
publique, que ce soit le RITM, ou sa version modernisée, le Réseau
gouvernemental des télécommunications, etc. Donc, le ministère a, par héritage,
qui était au CSPQ, qui a été à l'ITQ, qui est maintenant au ministère, cette
responsabilité-là, mais il ne l'a pas de façon légale. Résultat des courses, Mme
la Présidente, n'importe quel ministère ou organisme qui veut se lancer dans un
projet de télécom, légalement, a le droit de le faire, il peut le faire.
Ça pose différents problèmes. Ça pose des
problèmes au niveau de la coordination, du déploiement du réseau de télécom
québécois. Ça pose des problèmes au niveau des choix technologiques qui sont
faits. Or, il faut s'assurer d'avoir des technologies qui sont compatibles. Il
faut aussi faire des choix technologiques qui sont sécuritaires, Mme la
Présidente. On l'a vécu avec les caméras Hikvision, qui sont produites en Chine.
On sait que, bon, maintenant, le ministère a interdit l'acquisition de ces
caméras-là. Mais, avant que ça se fasse, il y en a quand même qui ont été
acquises, qui ont été installées dans nos réseaux, puis maintenant il faut
gérer ça. Donc, au niveau des acquisitions, de la sécurité, des choix des
fournisseurs, ça peut poser différents problèmes. On l'a vu avec nos homologues
canadiens, qui, pour surveiller les frontières, ont acquis des drones chinois.
C'est leur choix.
Bon, alors, pour toutes ces raisons-là, Mme
la Présidente, on va donner maintenant, légalement, la responsabilité de la
coordination, le déploiement et la gestion du réseau, des différents réseaux de
télécommunications du gouvernement, au MCN. Ce qui ne veut pas dire qu'un
ministère ou un organisme ne pourrait pas y aller de son projet, sauf que ce
projet-là sera considéré comme un projet en ressources informationnelles au
sens de la loi et donc devra requérir des autorisations nécessaires, d'abord l'approbation
du MCN et ensuite l'approbation du Conseil du trésor au niveau des dépenses.
Donc, on donne un meilleur contrôle au
gouvernement sur le déploiement de son réseau, et je pense que ça, c'est
quelque chose d'important et de majeur pour... Surtout qu'aujourd'hui je pense
que tout le monde est d'accord pour dire que les réseaux de télécommunications,
c'est l'infrastructure du XXIe siècle, et c'est important pour le
gouvernement d'assurer le contrôle de cet aspect-là du développement de sa
transformation numérique. Ces infrastructures-là sont névralgiques, et on doit
être capables de les déployer selon une vision, un plan qui est cohérent, et le
projet de loi va nous permettre de faire ça.
Donc, Mme la Présidente, je ne veux pas
aller beaucoup plus loin. Je pense que j'ai donné les grandes lignes. Il y a d'autres...
d'autres petites subtilités qui sont inhérentes au projet de loi, mais, les
grandes lignes, je vous les ai exposées avec les motifs. Et donc, pour cette
raison, Mme la Présidente, je recommande à cette Assemblée de voter en faveur
du principe du projet de loi. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le ministre. Maintenant, nous allons... nous allons continuer avec la
prochaine intervenante. Mme la députée de Mont-Royal—Outremont,
à vous la parole.
Mme Setlakwe : Merci, Mme la
Présidente. À mon tour, donc, de prendre la parole, ce matin, à l'étape de l'adoption
du principe du projet de loi n° 82, Loi concernant l'identité numérique
nationale et modifiant d'autres dispositions, ce projet de loi qui avait été
déposé par le gouvernement de la CAQ à la fin de la dernière année, 2024. Ce
projet de loi qui vise à établir une identité numérique nationale pour les
citoyens québécois est un projet de loi très important qui aura un impact...
Mme Setlakwe : ...pour les
citoyens québécois est un projet de loi très important qui aura un impact
majeur sur nous tous. Certes, cette idée d'introduire une identité numérique
nationale aura un impact potentiellement très positif, car les Québécois
s'attendent aux meilleurs services numériques de la part de l'administration
publique. L'identité numérique nationale deviendrait la seule façon de s'identifier,
tant dans le monde réel que dans le monde numérique. Elle vise à permettre aux
citoyens de s'authentifier en ligne pour accéder aux services gouvernementaux
de manière sécuritaire. Du moins, c'est ce que l'on souhaite, Mme la
Présidente.
L'identité numérique nationale
fonctionnerait comme un substitut pour les documents d'identité physiques, tels
le passeport, le permis de conduire, les certificats de naissance, etc. Ces
avancées, on doit le souligner, elles peuvent être très positives, nous en
convenons, mais on parle d'un projet de loi qui a aussi le potentiel d'affecter
négativement les Québécois, au niveau notamment de la sécurité des données et
de la protection de leurs renseignements personnels. La transparence, la
planification, la communication, l'encadrement et le déploiement de ce grand
projet nécessiteront la plus grande rigueur, la plus grande prudence.
À l'opposition officielle, nous voterons
pour le principe, car nous partageons le souhait de moderniser les services de
l'État. C'est un projet de société qu'il nous faut entamer. Offrir aux citoyens
des services numériques accessibles, sécuritaires et adaptés à leurs besoins,
nous ne pouvons pas être contre cet objectif, Mme la Présidente. Il faut le
souligner, par ailleurs, nous avons accumulé un retard important dans ce
domaine. Dans d'autres juridictions... et permettez-moi ici de me référer au
mémoire qui a été déposé par l'expert en cybersécurité, M. Steve
Waterhouse. Il mentionne d'entrée de jeu, dans son mémoire, que le travail de
préparation ne fait que s'allonger d'année en année, alors que d'autres
gouvernances ont réellement fait le choix de numériser les transactions entre
les citoyens et les institutions, entre autres Singapour, la Suède, l'Estonie,
la Belgique, l'Inde, le Danemark, les Pays-Bas, le Nigéria. Donc, si on regarde
ce qui se fait ailleurs, on constate qu'ici, au Québec, il est grand temps
qu'on avance vers cette identité numérique, qu'on avance dans ce projet, je
dirais, tous ensemble, parce que c'est un projet structurant pour les
Québécois.
• (10 h 40) •
Évidemment, Mme la Présidente, vous vous
en doutez, je vais arriver avec certains bémols, mais, sur le principe, le
principe, sur l'objectif, sur l'idée de moderniser l'État québécois, il est
certain que l'opposition officielle ne se mettra pas dans le chemin du progrès,
du moins dans l'intention de procéder à cette avancée. Et donc nous nous
assurerons que tous les enjeux et toutes les préoccupations qui ont été mis de
l'avant dans le cadre des consultations et dans les mémoires soumis soient
discutés en commission parlementaire lors de l'étude détaillée. Tout au long du
processus, comme toujours, nous contribuerons de façon constructive à l'analyse
article par article du projet de loi afin de le bonifier, car nous espérons
sincèrement que cette identité numérique nationale, d'une part, facilitera
l'obtention des services publics pour le plus grand nombre possible de
Québécois et qu'il réduira les risques de fraude, comme les vols d'identité,
l'hameçonnage, les fuites, etc. Il faudra donc trouver l'équilibre entre
l'efficience administrative, la protection des renseignements personnels et
l'inclusion numérique. Bref, il faudra chercher l'équilibre entre simplicité et
sécurité.
Un élément que je me dois de mettre de
l'avant comme énorme bémol à notre vote en faveur du principe du projet de loi
n° 82, Mme la Présidente, le projet d'identité numérique nationale, c'est
beaucoup plus que le libellé de cette pièce législative. Le ministre doit
rassurer la population, fédérer les Québécois et mettre de l'avant un plan et
une feuille de route qui assurera le succès de ce projet structurant. Le
ministre de la Cybersécurité et du Numérique, qui a joué un rôle déterminant
dans le déploiement de SAAQclic, et qui a admis que ce déploiement avait été un
fiasco, saura-t-il cette fois-ci réunir les conditions gagnantes pour mener à
bien ce projet structurant d'identité numérique? Permettez-moi de lever ce
drapeau, Mme la Présidente. D'ailleurs, la Vérificatrice générale du Québec,
dans son mémoire, nous rappelait...
Mme Setlakwe : ...d'ailleurs,
la Vérificatrice générale du Québec, dans son mémoire, nous rappelait les
différents travaux d'audit qu'elle a effectués au fil des ans, et elle invite
le ministère ou le ministre de Cybersécurité et du Numérique à consulter et
considérer les résultats de certains de ses travaux, et, à cet égard, elle
attire l'attention sur trois principaux enjeux dans son mémoire fort pertinent.
Elle a traité de la cybersécurité et de la
protection des renseignements personnels. Elle a aussi traité de
l'accessibilité et de la qualité des services aux citoyens. Et enfin elle a
parlé de gestion de projet, et, quand elle parle de gestion de projet, Mme la
Présidente, elle nous dit qu'il est important de bien définir les besoins. Elle
nous dit que ça prend une bonne planification, que c'est essentiel afin de
limiter les retards et les dépassements de budget. Plus loin, elle mentionne
que le MCN doit s'assurer d'avoir les ressources humaines compétentes pour
réaliser le projet. Elle mentionne aussi que le processus contractuel pour ce
projet ne doit pas rendre le ministère dépendant d'un seul fournisseur.
Donc, ce seront des questions qu'on pourra
discuter davantage en étude détaillée parce qu'on a beau avoir cette intention
louable de moderniser l'État, encore faut-il s'assurer que tout le gouvernement
soit derrière ce projet avec les ressources humaines et financières adéquates
pour le mener à bien pour les Québécois et assurer que les Québécois aient
confiance en ce nouveau système. Donc, quand je parle des conditions gagnantes
qui sont nécessaires à la réussite de ce projet, je parle d'éléments qui ne se
retrouvent pas forcément dans le projet de loi, mais qui sont cruciaux à la
réussite du projet, notamment ceux qui ont été mis de l'avant dans le mémoire
de la Vérificatrice générale.
Avant tout, Mme la Présidente, et ça a été
dit et redit en consultations, il faut bien communiquer le projet aux citoyens
afin qu'ils voient l'utilité du système et qu'ils comprennent en quoi
l'identité numérique leur offrira une meilleure accessibilité aux services
gouvernementaux. Donc, l'importance de bien communiquer avec la population est
primordiale dans ce dossier. Comment cette identité numérique nationale va-t-elle
simplifier la vie des Québécois? Ça peut paraître simpliste, là, mais, si on
veut qu'il y ait une adhésion, une acceptabilité sociale, si on veut que ça
fonctionne, puis qu'on fédère les Québécois, puis qu'ils participent à ce
nouveau régime, assurons-nous de bien communiquer, prenons le temps d'investir
dans cette communication, dans cette transparence, pour atteindre une
acceptabilité sociale élevée.
À cet égard, d'ailleurs, permettez-moi de
me référer à un passage du mémoire de l'observatoire international sur les
impacts sociétaux de l'intelligence artificielle et du numérique, OBVIA. À la
page 8 de leur mémoire, ils parlent, donc, des expériences internationales
en matière d'identité numérique, on l'a mentionné, il y a plusieurs cas d'espèce
en Estonie, l'Australie, etc., et de s'en inspirer pour les bonnes pratiques.
Bon, d'autres juridictions, on peut s'en inspirer pour tirer des leçons de ce
qui a été appris car... et là c'est... Le passage pertinent est le
suivant : «Ces études de cas démontrent que l'utilité perçue d'une
identité numérique nationale est essentielle à son adoption, voire à son
succès. Pour assurer cette utilité — on nous dit, à l'OBVIA — il
faut impliquer différents acteurs gouvernementaux et privés dans le processus
ainsi qu'inclure la population utilisatrice pour développer un système
répondant à ses besoins.» J'ai trouvé d'ailleurs leur mémoire très utile et
très pertinent dans le cadre de notre étude… de notre étude du projet de loi.
Donc, essentiellement, les citoyens doivent avoir confiance dans cette identité
numérique. L'acceptabilité sociale, encore une fois, constitue un enjeu
fondamental, et elle se construit inévitablement par la confiance.
Dans ce contexte, je me demande si le
ministre n'a pas déjà manqué à son premier devoir dans ce dossier. Moi, ça m'a
étonnée, quand le projet de loi a été déposé à la fin de l'année 2024,
pourquoi... pourquoi il n'y a pas eu de conférence de presse lors du dépôt. Ce
projet de loi là est extrêmement important. Il a été déposé… Je pense, c'était
la semaine où il y avait le dépôt de la mise à jour économique. Ça a été déposé
en douce dans le contexte, donc, de cette mise à jour économique. J'ai trouvé
ça étonnant, Mme la Présidente, alors que nous savons que la façon d'aborder ce
grand projet aura une incidence sur son taux d'acceptation et d'utilisation. On
espère que le ministre va se reprendre...
Mme Setlakwe : ...et
d'utilisation. On espère que le ministre va se reprendre, et va exercer son
leadership, et va bien communiquer le projet à l'aide de ses équipes pour que,
dès le début, les citoyens le comprennent et aient envie d'y adhérer.
À cet égard-là, je me réfère encore au
mémoire de l'Obvia, à la page 11. Bon, eux, ils nous parlent d'une enquête
qui a été menée auprès de 2 000 citoyens québécois l'an dernier, au
printemps 2024, portant sur la confiance, le partage de données et
l'identité numérique. Et leur enquête a montré que 25 % des personnes
interrogées ne sont pas du tout ouvertes à l'identité numérique. Mais plus
spécifiquement une grande majorité de répondants, près de 87 %, s'est
déclarée favorable à l'utilisation de l'identité numérique si certaines
conditions étaient respectées. Donc, il y a énormément de potentiel ici, Mme la
Présidente, si les conditions gagnantes sont respectées.
Par exemple, sur le plan de la sécurité,
les citoyens seraient plus ouverts à l'identité numérique si le gouvernement
implantait de meilleurs systèmes de sécurité ou s'il s'assurait de limiter le
nombre d'endroits où les renseignements d'identification sont détenus. Sur le
plan du service, une meilleure communication avec le gouvernement et une
réduction du délai des prestations seraient des éléments qui favoriseraient
l'adhésion citoyenne à l'identité numérique.
Enfin, l'enquête a fait ressortir que les
craintes sont plus élevées lorsque l'identité numérique touche au partage de
données fiscales ou de données de santé. Ça se comprend. Toutes les initiatives
de partage de données qui satisfont les attentes citoyennes en matière de
partage de renseignements de santé devraient être mieux acceptées.
Alors, voilà pour les mises en garde.
Encore une fois, objectifs louables : moderniser l'État, assurer qu'il y
ait des... que les citoyens québécois puissent bénéficier pleinement de tous
ces outils technologiques qui sont extraordinaires, mais dans la confiance,
dans la transparence, etc.
Par ailleurs, et c'est important, la
Vérificatrice générale en a parlé, elle traite de cet élément-là dans son
mémoire, le succès du projet va dépendre des ressources que le gouvernement y
investira. Je parle de ressources financières et humaines adéquates. Dans le
contexte du déficit record de 11 milliards de dollars, des coupures
budgétaires qu'on observe de la part du gouvernement de la CAQ et du manque
d'expertise à l'interne au ministère de la Cybersécurité et du Numérique, qui
le pousse à recourir de façon excessive à la sous-traitance, et aussi dans le
contexte du gel d'embauche, il est tout à fait normal, Mme la Présidente, qu'on
se pose ces questions avant de donner notre aval final au projet.
Alors, on va demander, dans le cadre de
l'étude détaillée, des explications. On va questionner le ministre sur sa
vision. On va s'assurer qu'il ait donc parlé à ses collègues et que ce soit
vraiment tout le gouvernement, avec toutes les ressources nécessaires, qui soit
derrière ce projet. Tout ça, ce n'est pas juste, là, pour... Quand on dit qu'on
va talonner et questionner le ministre, ce n'est pas juste pour nous rassurer,
nous, là, les groupes d'opposition. C'est pour rassurer les Québécois,
rassurer... les rassurer que les conditions gagnantes sont rencontrées pour le
bien des Québécois, qui n'ont clairement pas envie de faire les frais, encore
une fois, d'une planification bâclée.
• (10 h 50) •
Mme la Présidente, le gouvernement doit
apprendre de ses erreurs. Et les Québécois peuvent compter sur nous à cet
égard, non pas pour ralentir indûment le projet, mais pour soulever des
préoccupations légitimes entendues de la part de plusieurs experts durant les
consultations particulières.
Revenons brièvement sur les consultations
particulières, donc, qui se sont tenues sur deux jours la semaine dernière. Ce
fut un exercice très enrichissant. Je remercie tous les experts, les groupes,
tous les intervenants, toutes les personnes qui sont venues faire des
présentations de grande qualité, et aussi toutes les personnes et groupes qui
ont soumis des mémoires. Merci pour la qualité des échanges. Merci pour vos
recommandations. On a... On a pris connaissance, on va continuer d'en prendre
connaissance pour pouvoir soulever... mentionner vos préoccupations et discuter
avec le ministre de potentiels amendements à la pièce législative.
Je l'ai mentionné précédemment, ce projet
soulève plusieurs enjeux importants. Permettez-moi d'en aborder quelques-uns.
...en a fait d'ailleurs un résumé dans son... dans son mémoire. Il décline les
enjeux de façon très sommaire, très efficace. Il parle d'infrastructure. Les
gouvernements ont besoin de réseaux robustes, capables de gérer une forte
demande et de protéger...
Mme Setlakwe : ...robuste,
capable de gérer une forte demande et de protéger les données. On a besoin,
donc, aussi de s'assurer que la cybersécurité est au rendez-vous. Le ministre
en a parlé dans son allocution. La confiance du public est un élément clé. J'en
ai parlé.
La culture numérique, ma collègue de La Pinière,
qui était avec moi durant les consultations particulières, je suis certaine
qu'elle va en parler dans son allocution aussi, s'assurer qu'on puisse
rejoindre et inclure le plus grand nombre de Québécois possible. Il faut tenir
compte de cette fracture numérique et ne laisser personne de côté. Et
évidemment M. Waterhouse fait référence à nos lois sur la protection des
données.
Bon, pour revenir sur la protection des
renseignements personnels et de la vie privée, la CAI, la Commission d'accès à
l'information du Québec souligne que l'évolution de l'identité numérique
nationale accroît les risques liés à la protection de renseignements
personnels, bon, ça va de soi. Donc, un encadrement juridique insuffisant
pourrait diminuer la protection de la vie privée des citoyens et entraîner une
perte de confiance envers cette identité numérique nationale.
Au niveau de la sécurité des données, le
syndicat des professionnels du gouvernement du Québec exprime des
préoccupations quant à l'hébergement centralisé d'une grande quantité de
données personnelles et confidentielles, soulignant l'importance de mettre en
place des ressources humaines et financières adéquates pour assurer la
cybersécurité du projet.
Il y a toute la question de la collecte de
données biométriques aussi. C'est un élément qui est revenu souvent durant les
consultations. Entre autres, la Ligue des droits et libertés, bon, eux
s'opposent à l'utilisation de la biométrie dans le cadre de l'identité
numérique nationale. On a entendu de fortes réserves de plusieurs intervenants,
car ces données biométriques sont... étant intrinsèques à la personne, ne
peuvent être modifiées comme un identifiant ou un mot de passe en cas de
compromission. Le SPGQ, donc, le syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec partage cette inquiétude et recommande de se limiter à des données
d'identité simples pour l'accès aux services gouvernementaux.
Il y a toute la question de
l'accessibilité des services, Mme la Présidente. Encore une fois, la
convivialité et l'accessibilité devront être au rendez-vous. Il sera important,
et ça, on ne peut pas le répéter assez souvent, de ne pas laisser de côté tout
un pan de la population qui n'est pas doté d'une littératie numérique adéquate
leur permettant de bénéficier des outils technologiques. Le Protecteur du
citoyen insiste sur la nécessité de maintenir l'accessibilité des services
gouvernementaux par des moyens traditionnels, que ce soit en personne, par
téléphone, par la poste, pour les citoyens qui le préfèrent, afin d'éviter
toute forme de coercition à utiliser l'identité numérique nationale.
Un autre enjeu qui a été... qui est très
important, c'est l'hébergement des données et la souveraineté numérique. La
question de l'hébergement des données est très importante et elle a été
soulevée à maintes reprises durant les consultations, Mme la Présidente. Nous
discuterons avec la... avec le ministre de sa vision à cet égard.
S'assurera-t-il que les données soient entreposées dans une infrastructure
infonuagique souveraine ou stockées dans une structure gouvernementale? Comment
empêchera-t-on que les données puissent transiter ou être hébergées hors du
Québec?
Des acteurs comme Micrologic plaident pour
que les données des Québécois demeurent sous contrôle québécois, recommandant
l'intégration du principe de souveraineté numérique et l'établissement de
seuils minimaux de contrats avec des entreprises locales pour la gestion des
données numériques nationales. Toute la question de l'approvisionnement local
et d'encourager la participation de nos entreprises locales lors d'octroi de
contrats gouvernementaux est un sujet, on s'entend, Mme la Présidente,
d'actualité extrêmement important dans le contexte de la menace de tarifs qui
plane... qui plane sur notre société et qui nous inquiète tous. Donc, on aura
clairement des questions pour le ministre, à savoir quelle est sa vision et
quels... quels éléments est-il... sur lesquels est-il en train de travailler
pour encourager une participation accrue de l'expertise québécoise.
Il y a la question de l'interopérabilité
et son encadrement juridique. La Ligue des droits et libertés exprime des
préoccupations concernant l'interopérabilité de l'INN, là, l'identité numérique
nationale avec d'autres systèmes, soulignant le risque de dérives si
l'encadrement juridique n'est pas suffisamment étoffé. Elle appelle à un débat
public transparent et informé sur l'ensemble du projet, incluant le portefeuille
numérique, son architecture, son mode de fonctionnement et de gouvernance, son
utilité et son financement et d'utilisation. On espère que le ministre va se
reprendre et va exercer son leadership et va bien le communiquer, le projet...
Mme Setlakwe : ...je pense
qu'on ne veut pas... oui, le débat est important et je pense que les
préoccupations qui ont été mises de l'avant par la Ligue des droits et
libertés, on doit en tenir compte maintenant, pas dans une optique de ralentir
parce qu'il faut rattraper le retard, assurons-nous d'être transparents,
assurons-nous d'encourager ou d'exhorter le gouvernement à bien communiquer
pour justement rassurer la population afin qu'elle adhère au projet.
L'Institut de gouvernance numérique
souligne, quant à lui, qu'au-delà de l'interopérabilité et la reconnaissance
mutuelle des identités numériques à travers le pays ce projet doit également
mobiliser toutes les forces vives... toutes les forces vives de notre... de la
société québécoise. J'ai trouvé intéressant leur mémoire, un autre mémoire de
grande qualité. À la fin, lorsqu'ils... cet institut conclut, ils nous disent
qu'au-delà des collaborations institutionnelles... bon, notamment avec... On
sait que la Colombie-Britannique a déjà son système en place et
qu'éventuellement, si on en arrive à bien comprendre la feuille de route du
ministre, il y aurait cette interopérabilité avec d'autres juridictions. «Le
projet, selon l'institut numérique... l'Institut de gouvernance numérique, doit
mobiliser toutes les forces vives de la société québécoise. Les citoyens, les
organisations de la société civile, les experts en technologie, les juristes et
les chercheurs doivent être impliqués activement dans le processus.» Ils l'ont
déjà été, là, dans le cadre des consultations. Ça démontre... ce genre de
commentaire démontre à quel point c'est un projet important et structurant pour
le Québec. «Le Québec bénéficie d'une expertise de premier plan en matière de
gouvernance numérique, d'identité numérique autosouveraine et de technologies
décentralisées, comme en témoignent les travaux des organisations et des
chaires de recherche actives dans ces domaines. Ces ressources peuvent jouer un
rôle stratégique en accompagnant le gouvernement dans ses efforts de
conception, de mise en œuvre et de gestion d'une identité numérique nationale.»
Des commentaires fort pertinents, Mme la Présidente.
Il y a la question du profilage. Écoutez,
cette question du profilage a été soulevée par plusieurs acteurs. Et
permettez-moi de revenir, encore une fois, à l'excellent mémoire de l'Obvia, à
la page 10, qui nous met en garde, qui nous dit qu'«à chaque fois qu'un
citoyen utilise son identité numérique, cette action peut créer des empreintes
électroniques qui sont susceptibles d'être collectées et stockées de manière
automatique. En fonction du choix d'architecture effectué pour implémenter
l'identité numérique, en particulier si les données collectées sont
centralisées, il devient possible de les croiser facilement et de générer de
nouvelles données qui peuvent mener à un profilage précis et à des risques de
surveillance.» Bon. On va s'assurer que la pièce législative, donc le projet de
loi n° 82, prévoit les bonnes balises. Parce qu'effectivement il peut y
avoir des croisements entre les différentes banques de données. C'est un
élément sur lequel on aura des discussions en étude détaillée, Mme la
Présidente.
Je reviens brièvement sur les
préoccupations qui ont été mises de l'avant par la CAI, la Commission d'accès à
l'information. La présidente a mentionné... elle a levé un drapeau au niveau
des sanctions. S'il y a du profilage, elle veut être sûre d'avoir une mainmise,
qu'elle puisse avoir le pouvoir d'imposer des sanctions, et il y aura lieu de
regarder tout le corpus législatif pour s'assurer que ce soit le cas.
• (11 heures) •
Bon, finalement, j'en arrive bientôt à ma
conclusion, je vais faire donc un bref rappel des facteurs clés de réussite. Je
trouve tellement que certains des mémoires ont été extrêmement bien conçus, là,
que ça vaut la peine d'y revenir. Il y avait celui de... celui que j'ai déjà
cité, le mémoire de la SFPQ, à la page 6, là. Donc, ils font tout un...
SPGQ, je suis désolée. Il y en a eu... Il y en avait tellement qu'on les a lus
avec tellement d'intérêt. Ils font... j'y arrive. Ils font un retour sur les
facteurs clés de succès et je trouve ça vraiment un bon résumé. Donc, en
approchant de la conclusion : «Les facteurs clés de réussite pour la mise
en œuvre du projet de loi n° 82 et l'ensemble des pouvoirs existants que
la loi confère au ministère de la Cybersécurité et du Numérique depuis sa
création :
Diminuer la dépendance du gouvernement
face à la sous-traitance en technologies de l'information et de la
communication; moderniser rapidement la classification des emplois en
technologies de l'information et de la <communication...
>
11 h 01 (version non révisée)
Mme Setlakwe : ...en
technologies de l'information et de la communication et les conditions de
travail pour tenir compte des réalités du marché de l'emploi dans ce domaine et
finalement procéder à l'embauche de ressources internes pour combler les postes
vacants le plus rapidement possible, notamment des ressources qui font de la
programmation ainsi que de l'analyse et de l'architecture organique.
Donc, on a beau avoir, là, la meilleure
pièce législative puis on va... on va travailler en collaboration pour
peaufiner le projet de loi, si on n'a pas réuni ces facteurs clés de réussite,
on n'arrivera pas à déployer un système qui sera fonctionnel et utile pour les
Québécois. Encore une fois, assurons-nous que les Québécois ne soient pas les
victimes, là, d'une... d'une planification bâclée. Assurons-nous d'avoir toutes
les ressources en place et à cet égard là, le ministre devra parler à ses
collègues, notamment au Conseil du trésor, pour s'assurer que les ressources
humaines et l'expertise interne soient présentes, ainsi que les ressources
financières pour mener ce projet à bien.
Donc, Mme la Présidente, en conclusion,
nous discuterons de tous ces enjeux avec le ministre lors de l'étude détaillée
afin d'assurer une mise en œuvre respectueuse des droits des citoyens. Merci, Mme
la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
Mme la députée. Maintenant, nous allons poursuivre avec M. le député de
Maurice-Richard.
M. Bouazzi : Merci, Mme la
Présidente. Chers collègues, très heureux d'être ici pour commenter ce projet
de loi que je pense important. Donc, d'entrée de jeu, je rappelle que j'annonce
que nous allons voter pour.
Mme la Présidente, ce projet de loi parle
d'identité numérique, et nous avons besoin d'une identité numérique qui se
tient au Québec pour moderniser nos services, pour accélérer nos services et
pour permettre à la fonction publique de pouvoir mieux répondre aux besoins de
nos concitoyennes et concitoyens et à leurs attentes aussi, parce qu'évidemment
à l'ère du numérique nous ne pouvons pas continuer à être à la remorque en
retard sur ces questions- là. Donc, je ne ferai pas plus que ça l'éloge de l'importance
de l'identité numérique, mais je vais revenir sur un certain nombre de risques
associés à cette démarche.
D'abord, la question des services et du
risque d'avoir en fin de compte une diminution de services associés à ce
projet. Deuxièmement, les problèmes... les risques de sécurité et de droits
fondamentaux associés à ce projet. Et enfin, comment mettre en place une
fonction publique à la hauteur du défi qui est le nôtre? Alors, d'abord sur la
question de la diminution des services. Donc, le ministre nous a rappelé, à
juste titre à plusieurs reprises, que l'identité nationale n'était pas l'identité
numérique, n'était pas obligatoire et que c'était seulement un choix. Soit.
Mais il y a des choix qui peuvent devenir obligatoires si en fin de compte, les
services ailleurs ne sont pas à la hauteur des attentes. Nous avons tous en
tête déjà une grande transformation numérique de la plus grande coopérative au
Québec, pour ne pas la nommer, la banque Desjardins, qui a numérisé, à travers
un énorme effort, une énorme partie de ses services numériques et qui s'est
retrouvée à fermer un certain nombre de succursales, surtout en région. Ce qui
a bien sûr pénalisé toutes les personnes qui ne sont pas à l'aise avec les
services numériques. Et il ne faudrait surtout pas que la fonction publique se
retrouve dans la même situation, car il est imaginable que, dans des moments d'austérité,
des moments où on coupe partout, on se retrouve à, sous prétexte d'automatiser,
de numériser, se trouver à couper les fonctionnaires qui servent les citoyennes
et les citoyens.
Or, Mme la Présidente, il y a vraiment
beaucoup de personnes qui sont mal à l'aise avec la technologie, qui ont... il
y a une fracture numérique, qu'il y a des problèmes de littératie numérique. Et
les personnes qui ont du mal avec la technologie sont plus nombreuses parmi les
moins nantis, parmi les personnes les plus âgées, parmi les personnes qui ont
des niveaux d'éducation inférieurs à la moyenne. Il y a aussi les personnes qui
auraient pu y arriver mais qui paniquent. On connaît tous autour de nous un
oncle, une tante, une grand-mère qui a fait des bêtises, des fois, sur son
ordinateur...
11 h 06 (version non révisée)
M. Bouazzi : ...a fait
des bêtises des fois sur son ordinateur, qui a effacé un fichier par erreur et
qui se retrouve paniqué alors même qu'elle aurait pu y arriver parce qu'elle a
peur de faire des bêtises. Donc, ça va très, très loin, ça va très, très loin,
cette difficulté associée aux solutions numériques. Et au-delà de la formation,
on se retrouve en fait à... Si on pousse au tout numérique, si de facto on se
retrouve avec des solutions numériques qui prennent plus de place, on se
retrouve en fin de compte à avoir des personnes qui étaient dans une autonomie
déjà et qui se retrouvent en perte d'autonomie parce qu'elles dépendent de d'autres
pour les aider.
Donc, en parallèle avec le plan A qui est
les solutions purement numériques, il ne faut pas un plan B pour la solution
qui est humaine, d'humain à humain, mais il faut un autre plan A aussi pour les
solutions d'humain à humain. Il faut que cette transformation numérique soit un
extraordinaire... une extraordinaire chance pour dégager du temps de qualité de
nos fonctionnaires pour pouvoir servir ceux qui en ont le plus besoin, dont
ceux que je viens de citer, les aînés, les personnes moins nanties, les
personnes les moins éduquées, les personnes avec des déficiences
intellectuelles qui ont besoin d'accompagnement humain et non pas des numéros
de téléphone qui nous accompagneraient à faire la même chose que ce que le
numérique aurait fait, à savoir remplir un formulaire sur téléphone. On a
besoin de cette approche humaine de la fonction publique.
Le deuxième point, c'est la question des
risques associés à la sécurité et les risques associés aux droits fondamentaux.
D'abord, même encore une fois, si on se retrouve avec une identité numérique qu'on
va utiliser non seulement sur Internet, mais possiblement aussi dans nos
interactions avec la police, par exemple, bien, il se pourrait que cette
identité de facto devienne comme une carte d'identité. Or, voici maintenant
quelques siècles que nous n'avons pas de carte d'identité, Mme la Présidente,
au Québec et au Canada. Et pour cause! Parce qu'avoir une carte d'identité
viendrait toucher directement le droit à l'anonymité. Et on sait, et les études
sont nombreuses, que les pays qui ont mis en place des cartes d'identité
nationale se retrouvent avec une police qui se sent légitime d'arrêter n'importe
qui dans la rue pour demander cette dite carte sans raison. Les cas de
profilage sont abondants, notamment en France, mais on pourrait nommer à peu
près n'importe quel pays qui a une carte d'identité nationale.
Or, la meilleure manière d'éviter que la
police se sente légitime de demander une carte d'identité nationale, c'est de
ne pas en avoir, Mme la Présidente. Et c'est un choix de société que nous avons
fait ici, en Amérique du Nord, et qu'il va falloir respecter.
Ensuite, il y a la question des données
que ce système-là va stocker. On nous parle de l'utilisation possible de la
biométrie, c'est-à-dire des données intrinsèques à l'être humain qui sont
immuables et qui ne changeront pas, la rétine de l'œil, la forme du visage, les
empreintes digitales. Tout ça, c'est des choses qui ne changeront pas,
contrairement à un mot de passe. Et donc, si ces données-là se font voler, vous
imaginez évidemment à quel point est-ce que ces données sont personnelles, confidentielles,
et qui pourraient être utilisées à toutes les sauces? Et donc une de nos
premières recommandations, c'est de ne jamais stocker aucune donnée qui ne soit
pas obligatoire pour faire fonctionner ce système. Il faut garder le minimum de
données possible pour pouvoir faire en sorte que la solution soit
fonctionnelle.
Le deuxième point, c'est que, qu'allons-nous
faire avec ces données? Et le gouvernement nous dit dans le projet de loi, nous
allons interdire le profilage avec les données. J'espère bien, Mme la
Présidente, parce que le profilage est interdit par la loi. Ceci étant dit,
malheureusement, étant donné l'historique de ce gouvernement, laissons...
laissons-nous quand même le bénéfice du doute. Rappelons qu'aujourd'hui même il
y a des cas de profilage systémique dans notre police, dans notre police
nationale, au SPVM, à la SQ, où des personnes noires ont 400 % plus de
chances d'être...
11 h 11 (version non révisée)
M. Bouazzi : ...les personnes
autochtones en 400 % plus de chances d'être arrêtées pour rien, les
personnes arabes ont 300 % plus de chances d'être arrêtées sans raison
valable. Et ce n'est pas Québec solidaire qui le dit, Mme la Présidente, c'est bien
sûr la Ligue des droits et libertés, c'est bien sûr la Commission droits de la
personne, de la jeunesse, mais c'est aussi des décisions de justice qui blâment
ce gouvernement, qui, malheureusement, encore une fois, a porté en appel sans
jamais apporter une alternative aux décisions, aux politiques publiques et aux
actions de la police pour pouvoir permettre aux policiers de faire leur travail
sans en arriver à pénaliser de facto des minorités racisées.
Et donc ils nous disent : Nous n'allons
pas faire de profilage avec les données, soit, c'est une bonne nouvelle, mais
pourquoi pourrions-nous faire quoi que ce soit d'autre que d'identifier les
personnes avec ces données-là? Pourquoi allons-nous donner des données
personnelles au gouvernement et que le gouvernement décide après coup de faire
de l'intelligence artificielle sur nos données, basée sur autre chose que l'idée
d'identifier les personnes, et donc la raison même d'avoir ramassé ces
données-là? Bien, pour nous, la question est simple, il n'y en a pas, de
raison. Si on accumule des données personnelles sur les gens pour faire
fonctionner une identité numérique, ça doit servir à une seule chose, la... l'identification
numérique des citoyennes et des citoyens.
Surtout que nous sommes dans un moment
charnière, Mme la Présidente, de manière technologique, c'est-à-dire qu'il faut
réussir à imaginer un avenir qui avance très, très vite, qui avance très, très
vite, où les interconnexions sont de plus en plus nombreuses et où les
technologies s'accumulent. Évidemment, il y a l'infonuagique, il y a l'intelligence
artificielle, le big data, je ne sais pas, moi, les imprimantes 3D, les
blockchains, les chaînes de... etc. Et il faut se poser la question :
Comment est-ce que ces choses-là vont interagir?
Or, imaginons, Mme la Présidente, qu'on a
un système qui accumule la reconnaissance faciale pour l'identité numérique,
qui centralise toutes ces données-là et que, d'un autre côté, c'est un projet
qui traîne depuis longtemps, dont on entend parler de temps en temps, où on
voudrait avoir des caméras sur les vestes des policiers et des policières. L'investissement
est déjà là, l'infrastructure est déjà là. Et on peut tout à fait imaginer qu'en
temps réel avec très, très peu d'investissement, on se retrouve à capter tous
les visages de tous les manifestants, de tous les passants dans la rue, par
cette caméra accrochée à nos représentants de l'ordre, qu'ils soient envoyés à
cette base de données qui, en temps réel, reconnaîtrait 100 % des
personnes qui sont présentes à une manifestation, c'est déjà un problème, mais
on peut aller plus loin. On peut recouper ces données-là très facilement, étant
donné qu'on a une identification sûre de la personne qu'on vient de croiser
dans la manifestation, pour savoir qui est en congé longue durée et qui ne
devrait pas être là parce qu'il est censé être sur le CNESST, qui est... qui n'a
pas respecté telle ou telle condition, qui n'est pas... qui n'est pas immigrant
avec ses papiers. Et, quand on voit la chasse à l'homme qui a été ouverte au
sud de nos frontières et à quel point est-ce que des principes démocratiques
peuvent malheureusement bifurquer, il... il faut absolument qu'on y réfléchisse
tout de suite pour ne pas permettre à des prochains gouvernements de mettre en
place, basé sur de la technologie, des États qui briment les droits et libertés
des citoyennes et citoyens, et qui briment le droit à la citoyenneté, qui
briment notre droit à une démocratie, et plus spécifiquement le droit à l'anonymité
dans la rue.
Restons sur les données, Mme la Présidente,
il y a la question de la transparence associée à l'utilisation de nos données.
Et donc, à chaque utilisation de nos données, il y a un log qui va s'accumuler
au fur et à mesure du temps sur l'utilisation. Bien, nous, ce qu'on pense, c'est
que ce log-là doit être accessible par une et une seule personne, c'est la
seule vraie propriété de... des données, qui est le citoyen qui est concerné, c'est-à-dire
qu'à tout moment un citoyen devrait être capable d'aller sur ce système-là pour
savoir qui a validé son identité, dans quel contexte, et donc valider que c'est
bien lui-même qui a eu accès à ça. Mais, en même temps, ni le gouvernement ni
personne d'autre ne pourrait être capable de vérifier cela...
11 h 16 (version non révisée)
M. Bouazzi : ...parce que
sinon ça va être un formidable outil de flicage, Mme la Présidente. Imaginez,
vous allez à la SAQ, vous montrez votre identité pour montrer que vous avez
plus de 18 ans. Hop! une ligne. Vous allez à une autre SAQ. Hop! une autre
ligne. Vous allez à la SAAQ, vous allez, etc. Et là on a, ligne par ligne, où
est-ce que vous allez, pourquoi vous y allez. Même sur des questions d'assurance,
par exemple, l'idée même que vous consommez de l'alcool est loguée. Mais de
quel droit l'État aurait ce genre d'information? Eh bien, nous, on pense que c'est
très, très important que, dans ce projet de loi, on y réfléchisse tout de suite
pour permettre une véritable confiance et transparence envers l'utilisation de
notre identité numérique.
Ensuite, il y a des questions de sécurité.
Il y a des questions de sécurité associées à l'idée d'avoir une énorme base de
données qui a toutes ces informations personnelles sur les citoyennes et
citoyens. Et l'idée est de dire : Bien, nous allons la sécuriser. Vous, n'ayez
pas crainte. Bien, commençons par dire où vont être stockées les données avant
de dire comment elles vont être sécurisées. A priori, l'idée serait, c'est ce
qu'on entend, de les mettre sur l'infonuagique.
Rappelons ici, Mme la Présidente, que nous
avons un grave problème avec l'utilisation de grosses compagnies, pour ne pas
les nommer, AWS d'Amazon, Azure de Microsoft, le Cloud de Google, qui sont des
clouds qui appartiennent à des multinationales du Sud, des multinationales avec
toutes sortes de dérives, Mme la Présidente, où les P.D.G. ont un manque de
scrupules dont, évidemment, personne ne peut douter aujourd'hui, mais en plus
qui sont assujettis à des législations qui ne sont pas les nôtres, à savoir le
CLOUD Act, Mme la Présidente. Que permet le CLOUD Act? Il permet, le CLOUD Act,
sous certaines conditions, d'obliger ces compagnies-là de partager leurs
informations sur des citoyens, qui sont stockées chez eux, avec le gouvernement
américain sans même prévenir les personnes dont les données ont été données au
gouvernement.
J'ai moi-même déposé une motion la semaine
dernière qui demandait au gouvernement de s'assurer que ni des compagnies
étrangères et avant tout américaines, étant donné les politiques du CLOUD Act,
et ni l'idée même d'avoir ces données à l'étranger, même si c'est des
compagnies canadiennes ou québécoises, ne soit envisagée par ce gouvernement.
Et à notre grande tristesse, cette motion a été refusée par la partie
majoritaire, par le groupe de la CAQ. Nous espérons, ceci étant dit, que cela
ne durera pas, Mme la Présidente, et qu'évidemment ces données-là ne vont pas
être stockées sur des serveurs à l'étranger ou par des compagnies étrangères.
Maintenant, une fois qu'on a dit ça, il y
a deux options qui s'offrent à nous. Une qui consiste à dire : Nous allons
les stocker dans un cloud d'une compagnie locale ou nous allons les stocker
dans un cloud privé, c'est-à-dire un cloud qui est hosté, qui est organisé à l'intérieur
même de nos ministères. La question se pose, Mme la Présidente. Mais imaginez
le risque associé à l'idée d'avoir une compagnie qui fleurit, qui marche bien,
qui a un cloud local et que, demain matin, Google, Amazon ou Microsoft décident
tout simplement de l'acheter. Du jour au lendemain, elle est assujettie à des
législations étrangères. Donc, ou bien on légifère pour ne pas permettre cette
perte de souveraineté numérique par rapport à nos compagnies numériques, pour
qu'elles ne puissent pas se faire acheter avec tous les serveurs et toutes les
données qu'il y a à l'intérieur, ou bien on s'assure d'avoir une solution qui
nous garde toutes nos données à l'intérieur même des murs virtuels de nos
ministères, à travers ce qu'on appellerait un cloud privé, tout en collaborant
évidemment avec des spécialistes de la technologie.
Le dernier point. Donc, on a parlé des
services qui pourraient reculer, des questions de droits fondamentaux, les
questions de risques associés. Je ne rentrerai pas, ici, Mme la Présidente, sur
la question de...
11 h 21 (version non révisée)
M. Bouazzi : ...question de
stockage sur des systèmes distribués parce que, malheureusement, je pense que
je perdrais les gens qui nous écoutent et mais... mais je me permettrais de
dire qu'une technologie basée sur le blockchain, donc les chaînes de blocs
devraient être très sérieusement étudiées, même si j'ai très très peu, très
très peu d'attentes dans ce sens-là, je dois l'avouer. Mais... mais la chaîne
de blocs apporterait de manière structurelle une sécurité qu'une grosse base de
données centralisée ne peut pas apporter, apporterait une transparence de
manière structurelle qu'une grosse base de données ne peut pas apporter. Je ne
rentrerai pas plus dans des détails techniques.
La dernière question, c'est la question de
la fonction publique. Comment avoir une fonction publique à la hauteur du défi?
Et malheureusement, les dernières années ont montré un certain nombre de
fiascos qui se sont produits et reproduits année après année. Or, le virage
numérique ne fait que commencer. C'est maintenant que nous allons faire les
plus gros investissements. Dans les perspectives du gouvernement, si mes
souvenirs sont bons, il y avait 10 milliards de dollars de projets,
sur les huit prochaines années, qui allaient être mis sur la table. Or, nous
manquons d'expertise dans la fonction publique. Tous les intervenants sont
venus nous expliquer le risque associé à avoir peu d'expertise. Nous avons des
postes qui sont ouverts autour de 10, voire même 10, des fois, 15, 17 %
des postes en fonction du profil, en fonction du rôle sont à pourvoir depuis
maintenant beaucoup trop longtemps. Non seulement ils sont à pourvoir, mais il
y a eu en plus un gel d'embauche, Mme la Présidente. Ça fait qu'on a du mal à
comprendre comment nous allons régler ce problème-là. Et ça, ça ouvre, et comme
vous le savez, Mme la Présidente, j'ai été 15 ans dans l'industrie et je
dois avouer que du non-sens, j'en ai vu vraiment beaucoup au fur et à mesure
des années, ça ouvre la porte à des situations qui sont totalement absurdes, où
on a des consultants qui viennent sous prétexte qu'on ne peut pas payer comme
du monde les fonctionnaires qu'on a, les analystes, les développeurs, les
architectes de solutions, les architectes d'entreprise, les data scientists, ce
que vous voulez, sous prétexte qu'on n'est pas capable de les payer comme
quelque chose qui s'approcherait même un peu de ce que l'industrie peut leur
payer ailleurs. On se retrouve à prendre des consultants qu'on paye le double,
le double pour faire exactement la même job et dont on ne peut plus se passer.
Des consultants, il y a deux catégories en fait. Il y a ceux qui restent un an,
deux ans, trois ans, jusqu'à 10 ans de suite comme consultants, et c'est-à-dire
qu'on aurait eu un poste où on payait bien les gens, on aurait quand même économisé
beaucoup d'argent. Mais il y a aussi ceux qui débarquent et puis qui pensent à
avoir des solutions à tout et puis qui trouvent toutes sortes de solutions
comme ça, avec une assurance absolument incroyable, comme ce qu'on peut voir
chez les... chez les grosses boîtes de consultants, et qui partent ensuite et
qui laissent tous les problèmes pour ceux qui restent sur place. Et donc c'est
des gens qui ne vivent jamais les conséquences de leurs décisions.
Or, Mme la Présidente, 80 % des coûts
des projets se font entre le moment où il est livré et le moment où il est
décommissionné, 80 % se fait en maintenance. Et donc avoir des consultants
qui arrivent et qui ne vivent pas la maintenance qui va venir après fait en
sorte qu'ils ne prennent pas les meilleures décisions pour la suite des choses
pour les Québécoises et Québécois, pour le ministère, pour la maintenabilité.
Tout ce qu'ils veulent faire, c'est... ils ont des clauses dans un contrat,
check, check, check. Si, un jour, il y a un changement, je veux dire, c'est
limite si on ne leur dit pas bonjour, ils disent : Ce n'est pas prévu, c'est
une demande de changement. Il faut augmenter les prestations. C'est quelque
chose, Mme la Présidente.
Il faut absolument arrêter notre
dépendance à ce système de consultation. On a parlé de toute la question de la
santé des infirmières. Sachez, Mme la Présidente, que le prochain gros scandale
des dépenses totalement indues que nous allons avoir, moi, je veux bien le
parier, sera dans les prestations des informaticiens et informaticiennes,
prestataires de services et des grosses boîtes de consultation. Donc, de grâce,
de grâce, assurons-nous de bien payer nos fonctionnaires. La sécurité de nos
données, notre sécurité, la qualité de nos services va en dépendre, assurons-nous
d'embaucher les personnes dont on a besoin. La transition énergétique... la
transition numérique va durer encore un autre...
11 h 26 (version non révisée)
M. Bouazzi : ...10 ans,
en imaginant qu'elle s'arrête. Ce n'est pas comme si nous n'allons pas avoir du
travail à n'en plus finir pour toutes ces personnes.
Je tiens d'ailleurs à saluer tous les
fonctionnaires qui travaillent actuellement au Numérique. S'ils y sont, c'est
aussi parce qu'ils y croient, parce que je peux vous jurer, Mme la Présidente,
qu'ils peuvent avoir toutes sortes d'emplois beaucoup mieux payés à l'extérieur
du fonctionnaire... du ministère. Et leur travail est vraiment essentiel et
leur expertise... et eux, ils le savent, ils le voient, leur expertise est
vraiment importante.
Donc, je vais conclure, Mme la Présidente,
en disant, premièrement, la prémisse de base, nous accueillons avec joie une
identité numérique. Ça va accélérer, améliorer les services donnés aux citoyens
pour les personnes qui sont doués en technologie, ça va vraiment faciliter leur
vie, et Dieu sait qu'on en a besoin. Maintenant, il y a trois risques. Un, c'est
que c'est... en fin de compte, ça diminue le service donné aux personnes qui ne
passent pas par le numérique, qui sont les personnes les plus marginalisées,
les personnes âgées, les personnes pauvres, les personnes les moins diplômées.
Il y a un risque face à la dérive sécuritaire, la dérive policière, la dérive
antidémocratique. Et ça, il va falloir être très, très vigilants pour que cette
identité ne serve qu'à ce dont elle a été faite pour et non pas à devenir un
formidable mouchard, une manière de savoir ce que font les fonctionnaires...
les citoyennes et citoyens, de pouvoir recouper ces données-là avec autre
chose, de pouvoir faire de l'intelligence artificielle, de pouvoir les
profiler. Il va falloir s'assurer de bien protéger ces données-là. Et, en fin
de compte, il va falloir renforcer la fonction publique pour qu'elle puisse
répondre aux enjeux associés à cette transformation numérique, qui n'est pas
une mince affaire. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le député. Maintenant, nous allons poursuivre avec l'intervention de Mme la
députée de La Pinière.
Mme Caron : Merci, Mme la
Présidente. Alors, ça me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur l'adoption
du principe du projet de loi n° 82, Loi concernant l'identité numérique
nationale et modifiant d'autres dispositions.
Alors, c'est un projet de loi qui ratisse
très, très large afin de créer une identité numérique nationale et qui mise
beaucoup, et je dirais même trop, sur la réglementation pour préciser des
volets importants de l'identité, du projet d'identité numérique nationale. Et d'ailleurs
la Vérificatrice générale du Québec fait un appel à la prudence au gouvernement
à ce sujet-là à la fin de son mémoire, qu'elle est venue nous présenter en
commission parlementaire la semaine dernière. Comme indiqué dans les notes
explicatives du projet de loi, l'identité numérique nationale est un ensemble
de moyens dont dispose l'État pour permettre à toute personne, donc à vous et
moi, à vous aussi, Mme la Présidente, d'avoir un accès sécurisé aux prestations
électroniques de services gouvernementales ainsi qu'un niveau de confiance
élevé lors de nos transactions avec les organismes publics et dans la
collectivité, notamment à l'aide d'attestations numériques gouvernementales.
Autrement dit, avec ce projet de loi, le gouvernement veut créer pour tous,
vous et moi et Mme la Présidente, ici présente, sans l'obliger, sans obliger
les personnes à l'utiliser, mais veut créer, donc veut pouvoir créer pour tous
une identité numérique qui va nous donner un accès sécurisé aux divers services
publics qui sont offerts en ligne par le gouvernement ou par des organismes,
ministères du gouvernement.
Et, bien entendu, il faut que la sécurité
de cette identité soit sans faille. Il faut que l'accès soit sans faille pour
que vous et moi et Mme la Présidente, nous ayons confiance au système pour
pouvoir l'utiliser sans crainte, sans crainte pour nos données personnelles,
sans crainte de nous faire voler notre identité, sans crainte que des personnes
qui, dans le cadre de leur travail, ont accès à nos informations... sans
crainte qu'ils aient accès à toutes nos informations, mais confiance qu'ils
aient accès seulement aux informations nécessaires pour faire...
11 h 31 (version non révisée)
Mme Caron : ...leur
travail et nous servir, et aussi que lorsqu'on utilise l'identité numérique
pour nous authentifier ou pour montrer qu'on est majeur, bien, on n'a pas
besoin de montrer... les gens qui vérifient n'ont pas besoin d'avoir ou le système
n'a pas besoin d'avoir notre date de naissance au complet, mais simplement l'année
pour montrer qu'on est majeur. C'est ce qui est visé par le projet de loi. Et
quand je parle de confiance, c'est un élément extrêmement important. On sait
que les institutions dans la société ne fonctionnent que si elles ont la
confiance du public. Alors, l'identité numérique nationale, c'est d'une
importance assez grande que c'est appelé à devenir une institution, et ça prend
la confiance du public pour que ça fonctionne.
Durant les interventions en commission
parlementaire. On a cité, certains groupes ont cité l'exemple de la
Colombie-Britannique, où l'objectif d'utilisation est très faible, environ
10 %, parce qu'il n'y a pas eu une communication, il n'y a pas eu... Les
étapes à faire au préalable de l'instauration de l'implantation de l'identité
numérique n'ont pas été faites pour rassurer le public, pour expliquer au
public, pour que ce soit simple d'utilisation pour le public. Et donc la
confiance n'y est pas. Et, bien entendu, ce n'est pas ce qu'on veut pour le
Québec. On veut que le système fonctionne bien, qu'il soit solide et qu'on
puisse y avoir confiance.
Alors, c'est clair que le projet de loi, c'est
dit en toutes lettres, qu'on veut faciliter l'accès et protéger les
informations. On ne veut pas nuire aux citoyens. Le projet de loi, c'est clair
là-dessus, c'est un... c'est un projet de loi qui veut simplifier la vie et qui
se... et qui veut que ça fonctionne bien. Et je pense que, dans cette salle,
les 125 députés sont bien d'accord avec ça.
Le hic, c'est qu'il y a très loin de la
coupe aux lèvres. Premièrement, le Québec est en retard sur toute la ligne en
ce qui concerne l'identité numérique de ses citoyens et citoyennes. Plusieurs
groupes invités à prendre... à présenter leurs mémoires en commission
parlementaire nous l'ont dit. C'est un constat qui fait consensus, y compris au
gouvernement. Et c'est pour ça que le projet de loi no 82 est déposé. On s'entend
donc que le projet de création d'une identité numérique est souhaitable et
nécessaire. C'est pourquoi d'ailleurs, nous allons appuyer le principe du
projet de loi.
Par contre, ce que nous avons entendu en
commission parlementaire la semaine dernière nous a démontré que le
gouvernement du Québec et le ministère de la Cybersécurité et du Numérique ne
sont pas du tout prêts à légiférer en la matière. En plus des nombreux angles
morts du projet de loi que les groupes ont fait ressortir, le ministère de la
Cybersécurité et du Numérique est loin d'être prêt à mener ce projet à bien des
égards, que ce soit au chapitre des ressources, les ressources et les
compétences nécessaires au sein du ministère, elles n'y sont pas, de la vision
et la planification du projet également.
Puis là la Vérificatrice générale, parce
que ce n'est pas moi qui invente ça, là, la Vérificatrice générale du Québec a
utilisé le mot «planification», je pense que c'est un maître-mot, et on l'a vu
dans d'autres projets, c'est le talon d'Achille du gouvernement. Et le passé
étant garant de l'avenir, la Vérificatrice générale est revenue dans son
mémoire sur les résultats de certains de ses travaux passés, dans un passé pas
si lointain, pour attirer l'attention sur trois enjeux principaux, dont je vais
vous parler, la cyber... Premièrement, la cybersécurité et la protection des
renseignements personnels; deuxièmement, l'accessibilité et la qualité des
services aux citoyens : et troisièmement, la gestion de projet.
Alors, pour la cybersécurité et la
protection des renseignements personnels, la vérificatrice nous dit... On sait
que ces éléments-là sont cruciaux. Les données personnelles doivent être
protégées. Malheureusement, elle a constaté à plusieurs reprises des lacunes à
ce sujet dans différentes entités. En novembre 2023, je vous disais que ça ne
faisait pas longtemps, elle a constaté que des améliorations étaient
nécessaires pour réduire les risques d'atteinte à la confidentialité de ces
renseignements. Et parmi les points à améliorer, elle avait noté la gestion des
accès aux informations personnelles, la gestion des risques et des incidents
liés à la confidentialité, ainsi que les actions de sensibilisation et de
formation...
11 h 36 (version non révisée)
Mme Caron : ...de
sensibilisation et de formation du personnel concerné. Deux ans plus tôt, en
novembre 2021, elle avait mentionné aussi des améliorations nécessaires
pour les accès, les coupe-feux et les alertes de sécurité automatisées, les tests
d'intrusion. Et, en juin 2020, elle avait recommandé aussi d'améliorer les
contrôles et les mesures de sécurité pour le personnel qui a des accès
privilégiés, de réviser périodiquement les accès informatiques de l'ensemble du
personnel et de renforcer la surveillance par les instances du gouvernement.
Alors, c'est... c'est absolument essentiel de se reporter à ces recommandations
passées que la Vérificatrice générale a faites pour s'assurer qu'on met toutes
les chances, que le gouvernement met toutes les chances de son côté pour que
les objectifs du projet de loi n° 82 soient atteints.
En matière d'accessibilité et de qualité
des services, la Vérificatrice générale a aussi constaté des lacunes. Par
exemple, en novembre 2023, au sujet de Services Québec qui n'était toujours pas
devenu un guichet multiservice d'envergure pour simplifier l'accès aux services
gouvernementaux pour les citoyens, alors que c'était l'objectif. Et aussi, dans
son rapport d'octobre 2020, pour le Réseau national intégré de radiocommunication,
le RENIR, elle avait constaté la qualité des services offerts aux utilisateurs
du réseau qui n'avait pas atteint non plus le niveau qui était désiré. Alors,
elle souligne que ça va être important de simplifier et faciliter, améliorer l'accès
pour les citoyens aux services gouvernementaux, comme il est espéré avec le
projet de loi n° 82. Mais, pour ça, ça prend aussi l'adhésion
des organismes qui vont être impliqués. Je vois que le temps file, alors je ne
vais pas m'étirer trop longtemps sur la question du traitement des incidents
informatiques qui doit être efficace et rapide, comme elle l'a mentionné dans
son rapport en page 8, et la nécessité de tester, tester, tester, et
tester — c'est moi qui répète — avant la mise en service,
en page 9 du... du rapport de la Vérificatrice générale.
Je vais m'arrêter, par contre, sur la
gestion de projet, sur laquelle elle insiste en page 10, parce qu'une
bonne planification de... une bonne planification est essentielle, vraiment
essentielle afin de limiter les retards et les dépassements de budget, qui sont
souvent attribuables à des problèmes dans la planification des projets, qu'il s'agisse
de consulter les utilisateurs... les citoyens et les organismes gouvernementaux
ou bien qu'il s'agisse des processus pour sélectionner les fournisseurs, qui,
soit dit en passant, ne doivent pas rendre le ministère de la Cybersécurité et
du Numérique dépendant d'un seul fournisseur, ou le gouvernement du Québec ou
les Québécois, par leurs données, ne doivent pas dépendre d'un seul fournisseur
et, à plus forte raison, de fournisseurs étrangers dans le contexte actuel.
La planification, ça comprend aussi la
nécessité de se doter des ressources humaines compétentes pour réaliser le projet,
compétentes mais en nombre suffisant, et aussi d'avoir les ressources
matérielles et financières nécessaires. Alors, à ce sujet, on le saura peut
être en étude détaillée, mais la question qui se pose : Quelle somme le
ministre de la Cybersécurité et du Numérique a-t-il convaincu le ministre des
Finances d'allouer à ce projet? Pour l'instant, c'est une donnée inconnue.
Bref, pour que le projet de loi atteigne
ses objectifs, pour qu'il soit bon et sécuritaire pour les Québécois, il faut
plus... il faut plus que le projet de loi qui est sur la table dans sa forme
actuelle, il faut de nombreux amendements au projet de loi, mais il faut
surtout une feuille de route pour couvrir tous les aspects de la gestion de ce
projet, les aspects qui sont dans les volets d'angles morts du projet de loi.
Et pour qu'une feuille de route soit solide et exhaustive, il faut qu'elle
réunisse toutes les conditions gagnantes et pour ça, mais il faut y mettre des
ressources, il faut y mettre du temps aussi et de la planification. Alors, le
gouvernement serait avisé de préparer cette feuille de route avant de procéder
plus avant avec l'étude détaillée du projet de loi, à mon avis, pour que la
sécurité des données des Québécois soit assurée, pour que tout le monde adhère
à ce projet de loi... à ce projet de loi et au système d'identité numérique, et
que ça fonctionne.
Tout à l'heure, ma collègue députée de Mont-Royal—Outremont a déjà abordé les enjeux de traçabilité des
données, de souveraineté numérique, de l'hébergement des données au Québec, de
l'autosouveraineté des citoyens par rapport à leurs propres données, de la
communication et de la transparence garantes de l'acceptabilité sociale de l'identité
numérique, de la biométrie, du profilage, de l'interopérabilité, des systèmes.
Sur le profilage, simplement préciser que je...
11 h 42 (version non révisée)
Mme Caron : ...je veux
simplement préciser qu'il y a... je ne crois pas, ma collègue non plus, que le
gouvernement veuille faire du... du profilage, ce n'est pas du tout ça ici.
Quand on parle de profilage, et les groupes qui sont venus en commission
parlementaire l'ont bien mentionné, c'est que, lorsqu'il existe des données à
différents endroits, et surtout avec l'intelligence artificielle... parce que
même si on... le projet de loi ne parle pas beaucoup d'intelligence
artificielle, l'intelligence artificielle est déjà utilisée dans les processus
techniques, disons, de ça. Alors, l'intelligence artificielle sera
nécessairement présente dans l'identité numérique nationale. Alors, avec
l'intelligence artificielle, c'est aussi facile d'aller chercher des données un
peu partout, de les amalgamer, disons, et d'en déduire des déductions.
Et le... il y a un groupe qui n'était pas
présent en commission parlementaire, qui n'a pas été invité à faire sa
présentation, mais qui a tout de même déposé un mémoire, c'est le Centre Alpha-Sourd
Rive-Sud qui nous rappelle, et vous vous en rappellerez sûrement, parce que ça
a fait les manchettes il y a quelques années, la question du profilage des gens
bénéficiaires de l'aide sociale en France. Alors, ce que le système faisait,
c'est qu'il tentait de chercher les risques de fraude du système. Et,
finalement, il y avait... il ciblait les mères monoparentales dans un certain
secteur, parce qu'elles étaient plus nombreuses et disaient: Bon, bien, voilà,
ce sont des personnes qui risquent de frauder l'aide sociale.
Alors là, soit qu'elles étaient coupées ou
elles étaient surveillées davantage. Et ça, ce n'était pas une visée du
gouvernement français, mais ça découlait de l'utilisation de la technologie.
Alors, je le dis bien, loin de moi l'idée de donner de mauvaises intentions au
gouvernement sur le profilage. Quand on parle de profilage dans le cadre de
l'identité numérique nationale, c'est vraiment des systèmes qui peuvent finir
par réunir des données et profiler certains groupes à qui on pourrait couper
les services ou leur rendre l'accès très difficile aux services. Alors, je
tenais à faire cette précision-là.
Je reviens au mémoire de la Vérificatrice
générale en page 7, où elle dit justement: «Il est prévu, dans le projet de
loi, de ne pas pénaliser ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas avoir un
identifiant numérique national.» Et elle nous dit qu'«il sera important de
s'assurer que ce sera effectivement le cas et que ceux-ci pourront accéder
facilement et efficacement à tous les services gouvernementaux». Alors, je vais
vous parler ici de l'enjeu de la littératie, la littératie, point, et la
littératie numérique. Le triste constat, très triste constat, seuls 46,8 %
des Québécois, donc, moins d'un sur deux, ce 46,8 % des Québécois maîtrisent
les compétences en littératie pour lire, apprendre, agir à partir de ce qu'ils
lisent. Ça veut dire que 53,2 % des Québécois ne maîtrisent pas ces
compétences. Certains ne savent pas lire du tout, d'autres savent lire, mais
ils ne comprennent pas ce qu'ils lisent, du moins, ils ne comprennent pas assez
bien le sens des mots, le sens des mots mis ensemble, donc, le sens des
phrases, pour être capables de savoir ce qu'il faut faire, t de comprendre ce
qui leur est expliqué par écrit. C'est énorme.
Alors, le Centre Alpha-Sourd Rive-Sud,
toujours lui, nous dit... met en garde en disant: Le fait de fixer des cibles
et des taux d'utilisation pour l'identité numérique sous-entend que ce moyen
d'accéder aux services publics sera probablement favorisé. On comprend qu'on
veut simplifier. Le gouvernement veut simplifier la vie et l'accès aux services
par ce projet de loi, par la création d'une identité numérique, mais ne veut
pas l'imposer. Mais, quand on regarde ces chiffres-là sur la littératie, on se
dit: Ça va être difficile d'atteindre 30, 35, 40, 50 %, même
d'utilisation, parce qu'il faut...
11 h 47 (version non révisée)
Mme Caron : ...y adhérer,
comme je le disais tout à l'heure, il faut avoir confiance que le système
fonctionne bien. Ça prend de la communication pour ça d'où l'idée... le besoin
d'avoir une feuille de route pour identifier toutes ces étapes du projet. Mais
si autant de personnes ne peuvent pas comprendre, ces personnes-là ne pourront
pas utiliser l'identité numérique nationale.
Et aussi ce que le Centre Alpha-Sourd nous
rappelle... en fait, ce qu'il nous dit, c'est que, sur le terrain, on observe
déjà que l'accès aux alternatives non numériques est plus complexe, par
exemple, parce que les bureaux de service ferment et qu'il faut se déplacer sur
de plus longues distances pour avoir un service en personne. Alors, il faut se
déplacer. S'il y a des bureaux qui ferment, il y en a moins, donc, les
distances sont plus grandes, ça coûte plus cher. Il faut être mobile, il faut y
aller. Alors, il ne faut pas oublier... oublier ce point-là en ne rendant pas l'utilisation
d'identité numérique obligatoire, ça veut dire qu'on ne veut pas laisser ces
personnes pour compte. Mais il faut que les conditions soient réunies pour que
ces personnes ne soient pas laissées-pour-compte. Alors ça, c'est fort
important pour la question de littératie, point.
Maintenant, en terminant, j'arrive à la
question de la littératie numérique. Je pense aux aînés. Je suis certaine que,
s'il y a des jeunes qui nous écoutent, ils ont déjà aidé leurs parents ou leurs
grands-parents à s'y retrouver sur un média social, ou bien sur d'autres
applications sur leur téléphone ou sur leur tablette. Mais, sachons, gardons en
tête que l'identité numérique, c'est sensible comme information et il y a toute
la question des finances. Et, malheureusement, la maltraitance financière est
un fléau qui affecte les aînés et, malheureusement, la maltraitance, les
chiffres nous montrent que c'est souvent... ça vient plus souvent de la part de
membres de la famille que de l'extérieur. Alors, il faut être très, très, très
vigilant pour les aînés par rapport à l'identité numérique nationale. Sur ce,
je vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
Mme la députée, pour votre intervention. Maintenant, est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur le projet de loi n° 82? Comme il n'y a pas d'autre
intervention, le projet de loi n° 82, Loi concernant l'identité numérique
nationale et modifiant d'autres dispositions, est-il adopté?
Des voix : Adopté.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Caire : Oui, Mme la
Présidente. Conformément à l'article 243 de notre règlement, je fais motion
afin que le projet de loi n° 82, Loi concernant l'identité numérique nationale
et modifiant d'autres dispositions, soit déféré à la Commission des finances
publiques pour son étude détaillée et que le ministre de la Cybersécurité et du
Numérique soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Cette
motion est-elle adoptée?
Des voix : Adopté.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté.
M. le leader adjoint, pour la suite de nos travaux.
M. Caire : Oui, Mme la
Présidente. Pouvez-vous suspendre nos travaux jusqu'à 13 h 40, s'il vous plaît?
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Bien
sûr. Donc, afin de permettre la tenue des affaires courantes cet après-midi, je
suspends les travaux jusqu'à 13 h 40.
(Suspension de la séance à 11 h 50)