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Version finale

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Le mercredi 23 octobre 2024 - Vol. 47 N° 155

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Souligner la Semaine nationale de l'action communautaire autonome

Mme Chantal Rouleau

Souligner le succès du gala reconnaissance des personnes responsables de services de garde
éducatifs en milieu familial, communautaire et en entreprise du Haut-Richelieu

M. Louis Lemieux

Souligner la Semaine d'action du Front commun des personnes assistées sociales du Québec

M. Andrés Fontecilla

Souligner le 50e anniversaire de Transport Guy-Levasseur

Mme Amélie Dionne

Rendre hommage à Mme Mélanie Noël

Mme Geneviève Hébert

Souligner le 50e anniversaire de l'Organisme d'éducation, d'intégration et de loisirs pour
personnes handicapées visuelles

M. François Bonnardel

Souligner la bravoure des pompiers Stéphane Gemme et Jean-François Noël

Mme Suzanne Roy

Souligner le 75e anniversaire de la ville de Bois-des-Filion

M. Mario Laframboise

Souligner le 45e anniversaire de la Maison Unies-vers-femmes

M. Mathieu Lévesque

Souligner le 50e anniversaire de l'organisme Les Soupapes de la bonne humeur

M. François Jacques

Souligner le 30e anniversaire de l'Association hispanophone de Laval

Mme Sona Lakhoyan Olivier

Souligner le 45e anniversaire du Comité des organismes sociaux de Saint-Laurent

Mme Marwah Rizqy

Présence de Mme Françoise David, ex-parlementaire de l'Assemblée nationale

Dépôt de documents

Dépôt de pétitions

Exiger que la ville de Montréal respecte le cheminement du projet de raccordement de la
route Cavendish-Cavendish selon l'échéancier déposé devant le BAPE


Questions et réponses orales

Délais d'attente en chirurgie

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault

Délais d'attente en chirurgie

M. André Fortin

M. Christian Dubé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

Modification de la cartographie des zones inondables

Mme Virginie Dufour

M. Benoit Charette

Mme Virginie Dufour

M. Benoit Charette

Mme Virginie Dufour

M. Benoit Charette

Conditions de travail des éducatrices en service de garde

Mme Jennifer Maccarone

Mme Sonia LeBel

Mme Jennifer Maccarone

Mme Sonia LeBel

Mme Jennifer Maccarone

Mme Sonia LeBel

Accès aux soins de santé

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

Réforme du système de santé

M. Vincent Marissal

M. Christian Dubé

M. Vincent Marissal

M. Christian Dubé

M. Vincent Marissal

M. Christian Dubé

Financement des écoles à vocation religieuse

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

Investissement du gouvernement dans Northvolt

M. Haroun Bouazzi

Mme Christine Fréchette

Motions sans préavis

Nommer de nouveau M. Norman Boucher membre de la Commission d'accès à l'information

Document déposé

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Affaires du jour

Projet de loi n° 71 —  Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le
régime d'assistance sociale

Adoption du principe

Mme Chantal Rouleau

Mme Elisabeth Prass

Mme Désirée McGraw

Mme Christine Labrie

Mme Brigitte B. Garceau

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée demande au gouvernement de légiférer pour inscrire le
principe de laïcité au sein de la Loi sur l'instruction publique et de la Loi sur les services
de garde éducatifs à l'enfance, ainsi que de mettre fin au financement public des écoles
religieuses

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. Bernard Drainville

Mme Marwah Rizqy

Motion d'amendement

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. André Albert Morin

M. Pascal Bérubé

M. Jean-Bernard Émond

Mme Ruba Ghazal

Mme Valérie Schmaltz

M. Louis Lemieux

Mme Michelle Setlakwe

M. Pascal Bérubé (réplique)

Mise aux voix de l'amendement

Vote reporté

Projet de loi n° 71 —  Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le
régime d'assistance sociale

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Mme Brigitte B. Garceau (suite)

M. Pascal Paradis

Mme Linda Caron

Mme Sona Lakhoyan Olivier

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, bon mercredi matin, chers collègues.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Je vous invite, s'il vous plaît, à bien vouloir vous asseoir, car nous en sommes à la rubrique Déclarations de députés. Et, ce matin, la première déclaration sera celle de Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Souligner la Semaine nationale de l'action communautaire autonome

Mme Chantal Rouleau

Mme Rouleau : Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec un immense plaisir que nous accueillons aujourd'hui, dans nos tribunes, le Réseau québécois de l'action communautaire autonome.

Au Québec, l'action communautaire autonome, c'est plus de 54 000 travailleuses et travailleurs regroupés au sein de 4 500 organismes. Ce sont des acteurs de terrain essentiels, dont l'engagement fait une différence concrète et à qui nous témoignons toute notre gratitude.

Dans le cadre de la semaine nationale qui leur est dédiée, je tiens à réitérer que nous continuons d'être à l'écoute de leurs besoins afin qu'ils puissent se concentrer sur leur mission. Dans le cadre du plan d'action gouvernemental en action communautaire, rappelons le rehaussement des seuils d'audit, qui a réduit la charge administrative de près de 2 000 organismes communautaires, ainsi que les plus de 2 milliards de dollars que nous avons engagés, cette année, en action communautaire.

À vous toutes, à vous tous, je vous souhaite une excellente Semaine nationale de l'action communautaire autonome.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Et, à toute l'équipe du RQ-ACA, bienvenue dans votre Assemblée nationale.

Maintenant, nous sommes prêts à passer à la prochaine déclaration, et ce sera celle de M. le député de Saint-Jean.

Souligner le succès du gala reconnaissance des personnes responsables de
services de garde éducatifs en milieu familial, communautaire
et en entreprise du Haut-Richelieu

M. Louis Lemieux

M. Lemieux : M. le Président, vendredi soir se tenait chez nous le premier gala reconnaissance des personnes responsables des services de garde éducatifs en milieu familial, communautaire et en entreprise.

Et le nom est bien choisi, pas juste la «reconnaissance», mais parce que nous avons lancé en début d'année, dans le Haut-Richelieu, Entrepreneur-e pour l'enfance, un programme financé par le milieu pour servir d'incitatif supplémentaire pour la création de nouvelles places en milieu familial, dont nous avons toujours besoin. On a travaillé ensemble avec nos partenaires, la MRC du Haut-Richelieu, Desjardins et les trois députés de la région, avec les deux bureaux coordonnateurs de la région, et ça fonctionne. Il y avait de quoi célébrer, vendredi, puisque 25 nouveaux services dans la région en avaient profité, tellement que le fonds de plus de 100 000 $ amassé est épuisé, ce qui fait qu'on travaille en ce moment sur une deuxième ronde de financement pour confirmer une deuxième phase, et autant de nouveaux entrepreneurs pour l'enfance, à qui je veux témoigner, au nom de tous les concitoyens de Saint-Jean, toute notre reconnaissance. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jean. Et maintenant nous poursuivons notre rubrique avec la déclaration de M. le député de Laurier-Dorion.

Souligner la Semaine d'action du Front commun des
personnes assistées sociales du Québec

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Aujourd'hui, j'aimerais souligner la Semaine d'action du Front commun des personnes assistées sociales, qui vise à dénoncer certains aspects du projet de loi n° 71, une réforme de l'aide sociale qui est à l'étude en ce moment.

Dans le cadre de cette campagne, j'ai reçu la visite du BRAS Villeray, un important organisme de défense des personnes sur l'aide sociale dans ma circonscription. Le BRAS Villeray m'a remis un avis de réclamation, comme en reçoivent régulièrement les bénéficiaires de l'aide sociale. Cet avis était ironiquement adressé à la ministre de la Solidarité sociale et au premier ministre du Québec. De cette façon, le groupe voulait attirer l'attention sur la précarité dans laquelle vivent des milliers des Québécoises et Québécois.

En adoptant une approche punitive, du p.l. n° 71, celui-ci ne permet pas d'améliorer les conditions de vie des personnes assistées sociales.

Les demandes du Front commun des personnes assistées sociales méritent toute notre attention. L'aide sociale doit couvrir les besoins de base des personnes les plus vulnérables de notre société et être réellement un plan de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Laurier-Dorion. Et nous sommes maintenant à la déclaration de Mme la députée de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

Souligner le 50e anniversaire de Transport Guy-Levasseur

Mme Amélie Dionne

Mme Dionne : Merci, M. le Président. Aujourd'hui, j'aimerais souligner les 50 ans de l'entreprise Transport Guy-Levasseur à Pohénégamook, dans la belle région du Témiscouata.

C'est en 1974 que M. Levasseur procédait à l'achat de son premier camion, afin d'oeuvrer principalement en forêt. Lors de ses débuts, l'entreprise comptait environ trois camions, et les employés étaient principalement les frères de M. Levasseur. Aujourd'hui, après 50 ans d'opération, Transport Guy-Levasseur compte à son actif 75 camions, 175 remorques et 75 employés.

Passionné et déterminé, M. Levasseur a su inculquer ses valeurs entrepreneuriales à ses deux filles, Véronique et Nellie Levasseur, qui développent également leur entreprise à Pohénégamook. Je tiens à souligner leur présence ici, dans nos tribunes, ce matin, ainsi que Mme Céline Morel, conjointe de M. Levasseur.

Merci de votre contribution au dynamisme de votre milieu, et je vous souhaite de poursuivre votre route pour encore 50 ans. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Rivière-du-Loup—Témiscouata. Et je vous souhaite, évidemment, bienvenue dans votre Assemblée nationale.

Nous allons maintenant passer à la prochaine déclaration, et ce sera celle de Mme la députée de Saint-François.

Rendre hommage à Mme Mélanie Noël

Mme Geneviève Hébert

Mme Hébert : M. le Président, le Conseil des arts et des lettres du Québec a décerné en 2023 le prix de l'Artiste de l'année en Estrie à l'écrivaine Mélanie Noël, ici présente dans nos tribunes.

Journaliste à La Tribune de 2005 à 2022, elle avait obtenu le prix Judith-Jasmin en 2015. Comme parolière, elle collabore avec plusieurs artistes québécois. Ses paroles sont sur trois albums lauréats d'un Félix au Gala de l'ADISQ. Sa poésie accompagne les images d'artistes visuels dans les musées et galeries. Et, avec le photographe René Bolduc, elle a publié en 2018 l'album Les futurs disparus. Elle a aussi publié deux recueils de poésie, Inséparables distances et Piéger l'éternité, aux Écrits des Forges, ainsi que deux romans chez Hamac, Debout dans vos absences en 2023 et L'intimité du chaos en 2024. M. le Président, il y a même une vidéo sur sa démarche artistique qui est disponible à La Fabrique culturelle de Télé-Québec.

Mme Noël, votre écriture de l'intime nous touche droit au coeur.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Saint-François. Et, Mme Noël, bienvenue chez vous ici, à l'Assemblée nationale.

Je suis maintenant prêt à reconnaître le prochain intervenant, et, pour cette déclaration, ce sera M. le député de Granby.

Souligner le 50e anniversaire de l'Organisme d'éducation, d'intégration
et de loisirs pour personnes handicapées visuelles

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. En septembre dernier, l'organisme l'OEIL célébrait un moment important dans l'histoire de tout organisme, soit son 50e anniversaire.

Le nom de l'OEIL se définit comme étant un organisme d'éducation, d'intégration et de loisirs pour personnes handicapées visuelles. Ils réussissent, par leurs actions, à regrouper et représenter les personnes handicapées visuelles de la Haute-Yamaska, informer leurs membres des ressources existantes au niveau de la déficience visuelle et briser l'isolement des personnes handicapées visuelles, entre autres choses.

Leur programmation d'activités est particulièrement variée. Que ce soit l'aquaforme, l'improvisation, déjeuners-conférences ou encore même du yoga, ils permettent à des gens d'avoir accès à des événements et activités essentiels, accessibles et conçus pour eux. À travers les années, ils sont devenus une référence dans la région pour quiconque a des questions en lien avec les problèmes visuels de toutes sortes. Ils tiennent même un important souper à l'aveugle, où des centaines de personnes se rassemblent pour souligner une réalité différente de la nôtre.

Je tiens à féliciter Pierre Champagne, comme D.G. de l'organisme, le C.A., et tous les bénévoles, sans qui ces personnes seraient beaucoup plus démunies. Au nom de tous les usagers et partenaires de la région, merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Granby. Et nous poursuivons maintenant avec la déclaration de Mme la députée de Verchères.

Souligner la bravoure des pompiers Stéphane Gemme
et Jean-François Noël

Mme Suzanne Roy

Mme Roy (Verchères) : Merci, M. le Président. J'aimerais rendre hommage à deux pompiers remarquables de Saint-Amable, Jean-François Noël et Stéphane Gemme, qui se trouvent parmi nous avec leurs familles. Leur courage et leur engagement méritent toute notre reconnaissance.

En pleine soirée de hockey, un moment qui devait être convivial a soudainement pris une tournure dramatique. Sans hésiter, ils sont intervenus avec sang-froid et expertise et ont ainsi permis de ramener à la vie un être cher.

Jean-François et Stéphane incarnent ce que signifie véritablement être pompier, un dévouement sans faille, un professionnalisme à toute épreuve et une détermination à protéger les autres, que ce soit en service ou dans leur quotidien.

Pour souligner leur bravoure, j'ai le grand plaisir d'annoncer que j'aurai l'honneur de leur remettre la Médaille de la députée en reconnaissance de leur acte héroïque.

Merci, messieurs. Vous êtes une source d'inspiration pour tous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Verchères. Et, M. Gemme, M. Noël, bienvenue chez vous ici, à l'Assemblée nationale.

Pour la prochaine déclaration, je reconnais M. le député de Blainville.

Souligner le 75e anniversaire de la ville de Bois-des-Filion

M. Mario Laframboise

M. Laframboise : M. le Président, aujourd'hui je veux rendre un hommage particulier à la ville de Bois-des-Filion à l'occasion de son 75e anniversaire de fondation.

Une première concession a été accordée en 1723, puis, en 1945, un groupe de propriétaires a formé une association de citoyens afin de revendiquer de meilleurs services. Mais c'est en 1948 que le gouvernement sanctionne la création de la municipalité du village de Saint-Maurice de Pont David. Le 30 avril 1949, le nom de la municipalité change pour celui du village de Bois-des-Filion. Cependant, ce n'est qu'en 1980 que le statut de ville est accordé. Aujourd'hui, Bois-des-Filion, porte d'entrée de la route verte, compte territoire de 4,3 kilomètres carrés et 10 159 citoyens.

Je salue le travail des élus municipaux qui se sont succédé tout au long de cette évolution, et plus particulièrement au maire en place, M. Gilles Blanchette, et ses conseillers et conseillères.

Puisque le présent n'est jamais qu'un passé futur, à tous les Filionois et toutes les Filionoises d'hier à aujourd'hui, je vous souhaite un bon 75e anniversaire. Vous donnez à la ville sa couleur et sa beauté et ses plus grandes qualités. Célébrons ensemble l'avenir prometteur de Bois-des-Filion. Merci.

• (9 h 50) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Blainville. Et maintenant nous poursuivons notre rubrique avec M. le député de Chapleau.

Souligner le 45e anniversaire de la Maison Unies-vers-femmes

M. Mathieu Lévesque

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup, M. le Président. Aujourd'hui, je tiens à rendre hommage à la Maison Unies-vers-femmes de Gatineau, dans Chapleau, en Outaouais, un organisme essentiel dans notre communauté qui célèbre son 45e anniversaire.

Depuis 45 ans, la Maison Unies-vers-femmes poursuit sa mission de contrer la violence conjugale en offrant de l'aide et un milieu d'hébergement confidentiel et sécuritaire aux femmes ainsi qu'à leurs enfants victimes de violence conjugale.

Je tiens à souligner le travail exceptionnel de l'équipe dévouée de la Maison Unies-vers-femme, qui ne ménage aucun effort afin de venir en aide à ces femmes et à ces enfants. Grâce à leur écoute et à leur accompagnement tout au long du parcours que représente ce fléau de notre société qu'est la violence conjugale, les intervenantes de la Maison Unies-vers-femmes permettent à ces femmes et à leurs enfants de retrouver la sécurité et une vie plus libre, sans honte ni culpabilité.

Votre engagement ainsi que votre dévouement font toute la différence au quotidien. Vous êtes des modèles au sein de notre communauté et vous pouvez être très fières de vos accomplissements.

Toutes mes félicitations et bon 45e anniversaire!

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Chapleau. Et maintenant, pour la prochaine déclaration, nous allons entendre M. le député de Mégantic.

Souligner le 50e anniversaire de l'organisme
Les Soupapes de la bonne humeur

M. François Jacques

M. Jacques : Merci, M. le Président. Dans le cadre de la Semaine nationale de l'action communautaire, je veux souligner les 50 ans des Soupapes de la bonne humeur.

Cet organisme de ma circonscription travaille chaque jour à l'amélioration des conditions de vie des personnes en situation de handicap.

En fondant Les Soupapes de la bonne humeur, en 1974, M. Maurice Richard a voulu créer un lieu d'échange pour des personnes souvent isolées. Il militait pour qu'on reconnaisse leur valeur et leur importante contribution à la société. C'est ainsi que, depuis cinq décennies, l'organisme a offert un accueil chaleureux et un soutien respectueux et de qualité aux centaines de personnes et leurs proches qui y sont passés.

Je veux donc remercier chaleureusement tous les bénévoles et les équipes qui se sont succédé aux Soupapes de la bonne humeur. Leur dévouement et leur impact sont inestimables pour notre communauté.

Je vous souhaite un bon 50e anniversaire. Et longue vie à votre bel organisme! Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Mégantic. Et maintenant nous allons entendre la déclaration de Mme la députée de Chomedey.

Souligner le 30e anniversaire de l'Association hispanophone de Laval

Mme Sona Lakhoyan Olivier

Mme Lakhoyan Olivier : Merci, M. le Président. Aujourd'hui, c'est avec une immense fierté que nous célébrons les 30 ans de l'Association hispanophone de Laval.

Depuis trois décennies maintenant, cette organisation est un véritable point de ralliement pour la communauté hispanophone, offrant un lieu d'échange pratique d'espagnol et de partage culturel au coeur de notre ville.

L'Association hispanophone de Laval s'est engagée avec passion à promouvoir la culture hispanique tout en favorisant l'intégration harmonieuse de ses membres dans la société québécoise. Que ce soit à travers des événements culturels, des activités éducatives ou le soutien communautaire, elle a su tisser des liens solides entre les générations et les cultures.

Je tiens à rendre hommage aux leaders, bénévoles et partenaires qui ont contribué au succès de cette association, dont le rôle dans la promotion de la diversité et de la richesse culturelle est inestimable.

Bravo et félicitations pour vos 30 ans! Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : «Gracias!» Merci beaucoup, Mme la députée de Chomedey. Et maintenant nous allons entendre la déclaration de Mme la députée de Saint-Laurent.

Souligner le 45e anniversaire du Comité des
organismes sociaux de Saint-Laurent

Mme Marwah Rizqy

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. Je souhaite souligner le 45e anniversaire de la table de quartier de Saint-Laurent, le COSSL.

Depuis 1979, ce comité regroupe des acteurs de toutes les sphères dans la communauté afin de travailler à l'atteinte d'un objectif commun, celui d'améliorer la qualité de vie de l'ensemble des Laurentiens et Laurentiennes.

L'équipe du COSSL, sous la direction de M. Philippe Marchand, est le noyau d'une force mobilisatrice ayant pour objectif d'identifier les différents besoins des familles laurentiennes et de s'assurer de rencontrer leurs objectifs à eux.

On dit que l'union fait la force. Bien, chez nous, à Saint-Laurent, avec le COSSL, bien, les acteurs, là, sont vraiment incontournables pour le développement social au sein de ma circonscription, mais aussi grâce à une équipe formidable.

Je désire donc saluer le travail exceptionnel du conseil d'administration, Philippe Marchand et ses équipes, mais aussi l'ensemble des bénévoles. À vous tous, un sincère merci pour ce que vous faites pour les familles laurentiennes de Saint-Laurent. Bon 45e anniversaire!

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Saint-Laurent. Et cela met fin à la rubrique Déclarations des députés.

Et je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 55 )

(Reprise à 10 h 06)

La Présidente : Oh! Bonjour, tout le monde, vous êtes nombreux. Je vous vois juste quand j'arrive ici. Bienvenue chez vous. Bienvenue au parlement du Québec.

Messieurs dames les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie beaucoup. Veuillez vous asseoir.

Présence de Mme Françoise David, ex-parlementaire de l'Assemblée nationale

Alors, aujourd'hui, j'ai le plaisir de souligner la présence, dans nos tribunes, de Mme Françoise David, ancienne députée de Gouin.

Nous poursuivons les affaires courantes.

Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

À la rubrique Dépôt de documents, Mme la ministre des Affaires municipales.

Mme Laforest : Oui. Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi de déposer le bilan 2022‑2023 de la mise en oeuvre de la Stratégie gouvernementale pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires 2018‑2022 au sein de l'administration. Merci.

La Présidente : Ce document est déposé. M. le leader du gouvernement, vous en avez quelques-uns.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, Mme la Présidente. Je dépose les réponses aux questions inscrites au feuilleton le 24 septembre 2024 par la députée de Robert-Baldwin.

Je dépose également les réponses du gouvernement aux pétitions déposées en Chambre le 28 mai 2024 par la députée de Westmount—Saint-Louis, le 11 septembre 2024 par la députée de D'Arcy-McGee et le député des Îles-de-la-Madeleine, ainsi que le 12 septembre 2024 par le député des Îles-de-la-Madeleine. Merci.

La Présidente : Ces documents sont déposés.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions

À la rubrique Dépôt de pétitions, Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Exiger que la ville de Montréal respecte le cheminement du projet
de raccordement de la route Cavendish-Cavendish
selon l'échéancier déposé devant le BAPE

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 2 965 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant que depuis 2005 les travaux visant le prolongement de la voie de circulation artérielle du boulevard Cavendish (Cavendish/Cavendish/Royalmount) relèvent de la ville de Montréal et l'agglomération selon l'article 118.85 de la Loi sur l'exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations;

«Considérant qu'en 2017 le gouvernement du Québec a transféré les terrains de l'Hippodrome à la ville de Montréal pour 1 $, afin de construire des logements à la condition suivante : Article 5.2.3 : Le lien Cavendish-Cavendish est une route qui relève de sa — Montréal — responsabilité et elle s'engage à inscrire ce dernier au plan de transport de l'agglomération et à son programme triennal d'immobilisation;

«Considérant qu'en 2022 la ville de Montréal a soumis un avis de projet au BAPE en confirmant "le rôle crucial du projet Cavendish pour le développement du quartier Namur-Hippodrome (QNH)";

«Considérant qu'en 2024 la ville de Montréal a retiré le projet de raccordement Cavendish-Cavendish du budget d'agglomération et de son nouveau plan d'urbanisme-mobilité du QNH, en violation avec l'accord de l'Hippodrome;

«Considérant qu'afin de réaliser la mobilité durable cela prend une route sur laquelle peuvent circuler tous les modes de transport;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, signataires, demandons au gouvernement du Québec d'exiger, en conformité avec l'entente de 2017, que la ville de Montréal respecte le cheminement du projet de raccordement de la route Cavendish-Cavendish selon l'échéancier déposé devant le BAPE et qu'elle l'inclue dans le budget décennal d'immobilisations de l'agglomération, afin d'obtenir le financement gouvernemental pour le logement et/ou les infrastructures du QNH.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.

• (10 h 10) •

La Présidente : Cet extrait de pétition est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions, donc.

Il n'y a pas de réponses orales non plus aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Et j'ai été avisée qu'après la période des questions et réponses orales il pourrait y avoir un vote requérant l'approbation des deux tiers des membres de l'Assemblée.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant rendus à la période de questions et de réponses orales. Pour ce faire, je cède la parole, en question principale, au chef de l'opposition officielle.

Délais d'attente en chirurgie

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci, Mme la Présidente. La CAQ est dans sa septième année. Au cours des six années...

Des voix : ...

M. Tanguay : Il y en a qui rient. Je ne pense pas qu'ils ont beaucoup de motifs pour rire de ça, parce que, dans les six années, ils ont abandonné les Québécoises et Québécois dans le système de santé.

La Presse, ce matin, bouleversant. M. Fillion, 66 ans, c'est un mécanicien. Il est retraité. Il souffre. Pourquoi? Il attend depuis deux ans une chirurgie pressante pour sa hanche droite. Il témoigne ce matin, dans La Presse, de l'échec du premier ministre en santé. Il est atteint, donc, Mme la Présidente, il ne peut plus faire de marche, il monte et descend les escaliers en s'accrochant à la main courante, la douleur le réveille la nuit. Il a affirmé : «Je veux profiter de ma vie à la retraite. Ce sont des années qui me sont enlevées.»

Aujourd'hui, il y a moins de salles d'opération, Mme la Présidente, aujourd'hui, en fonction, qu'il y en avait avant la pandémie. Avant la pandémie, c'était 469; aujourd'hui, c'est 382. 162 000, 162 000 Québécoises et Québécois sont sur la liste d'attente d'une chirurgie, ce qui fait dire à la Dre Nancy Roy, cheffe de service de chirurgie générale au CIUSSS de l'Outaouais : «Les excuses habituelles des vacances d'été, des fêtes, de la relâche ne tiennent plus la route en novembre. Les médecins spécialistes veulent opérer, mais ils n'ont pas de salle d'opération.»

Ça, c'est la responsabilité du premier ministre. Pour les deux dernières années qu'il lui reste, il répond quoi à M. Fillion?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Mme la Présidente, d'abord, on pourrait faire le bilan des six années. Je ne reviendrai pas sur le bilan économique, où on a été bien mieux que l'ancien gouvernement libéral.

Maintenant, parlons du réseau de la santé. Rappelons-nous ce qu'a laissé le gouvernement libéral, un réseau de la santé où il y avait eu des coupures, où tout le monde était démotivé.

Bon, évidemment, dans le premier mandat, COVID. Pour sauver des milliers de vies, on reporte des chirurgies. On est encore en train de faire du rattrapage. Mais, comme je l'ai souvent dit, Mme la Présidente, on n'arrivera jamais, jamais, jamais à avoir un réseau de la santé efficace tant qu'on n'aura pas des nouvelles conventions collectives avec les infirmières et avec les médecins. Bonne nouvelle, Mme la Présidente, la semaine dernière, enfin, après un an et demi à demander plus de flexibilité au syndicat des infirmières, à demander qu'on puisse déplacer les infirmières là où les besoins sont les plus pressants, entre autres pour des chirurgies, ce qui était une demande du syndicat des spécialistes, des médecins spécialistes, on a réussi à avoir une entente, ce que jamais les libéraux n'ont réussi à faire. Donc, première étape, là, très importante. Ça va prendre peut-être deux ou trois mois avant qu'on puisse signer les documents, mais ça va faire des grands changements dans le réseau.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Les grands changements dans le réseau, Mme la Présidente, M. Fillion, il en fait les frais. C'est l'heure des bilans pour le gouvernement du premier ministre. Ça fait six ans révolus, il est dans sa septième année, il ne lui en reste que deux.

Ce matin, on apprend qu'il n'a pas les moyens de subir une opération à la hanche, M. Fillion, au privé. Son médecin de famille l'a référé, à sa demande, à un orthopédiste de l'hôpital de Hawkesbury, en Ontario. L'attente pour l'intervention serait de six à huit mois.

Il aime ça se comparer à l'Ontario, le premier ministre. Il est-tu fier de son bilan?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Mme la Présidente, je l'expliquais, on a une première partie très importante de faite que jamais aucun gouvernement, depuis 25 ans, n'a réussie, c'est-à-dire aller chercher de la flexibilité avec les infirmières, ce qui devrait être l'a b c de la bonne gestion, pouvoir déplacer les infirmières là où les besoins sont plus urgents.

Maintenant, Mme la Présidente, je ne vous apprendrai rien qu'on est en négociation avec les deux syndicats de médecins, incluant le syndicat des médecins spécialistes. Ce syndicat des médecins spécialistes nous disait : Pour pouvoir mieux opérer, opérer de façon plus efficace, on a besoin de l'entente...

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Mme la Présidente, il y a toujours une excuse pour la CAQ, toujours, toujours une excuse pour la CAQ. Puis, il y a deux semaines, le ministre de la Santé disait : Bien, l'excuse, c'est le vieillissement de la population, comme si on ne sait pas ça depuis 20 ans, 15 ans, 10 ans, cinq ans, Mme la Présidente. En ce sens-là, ils ont déposé, en 2021, un plan de rattrapage...

Des voix : ...

La Présidente : Vous connaissez la règle, là. Il y a une seule personne qui a droit de parole ici, c'est le chef de l'opposition officielle. Vous gardez le silence, vous l'écoutez. Poursuivez...

M. Tanguay : ...un plan de rattrapage, chirurgies plus d'un an d'attente. 2021, échec. 2022, échec. 2023, échec. Ce sont leurs plans. C'est ça que vaut leur parole : échec.

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Mme la Présidente, encore récemment, le syndicat des médecins spécialistes disait : C'est important d'avoir l'entente avec la FIQ, avec le syndicat des infirmières, pour qu'on puisse déplacer des infirmières dans des salles de chirurgie. On a obtenu cette entente. Évidemment, ça va prendre quelques mois avant que ce soit mis en place, ce qui est normal.

Par contre, le discours du syndicat des spécialistes est en train de changer, en disant : Bien, on voudrait avoir d'autre chose aussi. Écoutez, je pense que les médecins spécialistes peuvent en faire plus dans les chirurgies. Puis on va continuer de négocier puis on ne baissera pas...

La Présidente : Troisième complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Mme la Présidente, les 162 000 Québécoises et Québécois qui sont sur la liste d'attente, dont M. Fillion, qui en est réduit à aller en Ontario pour avoir le service, ils ne veulent pas entendre les excuses du premier ministre quand ça fait, lui, six ans révolus qu'il est là. Ce que veulent entendre les 162 000 Québécoises et Québécois, M. Fillion, qui souffre, qui est à la retraite... Il a 66 ans, il a travaillé toute sa vie, payé des taxes toute sa vie, Mme la Présidente, puis il n'est pas capable d'avoir les services.

Pour ses deux dernières années, il va faire quoi?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Mme la Présidente, le gouvernement libéral a été au pouvoir pendant 15 ans. Donc, il y a eu plusieurs négociations avec les syndicats d'infirmières, avec les syndicats de médecins. Et, à chaque fois, Mme la Présidente, à chaque fois, le gouvernement libéral a baissé les bras, a refusé d'exiger plus d'efficacité de la part des infirmières, plus d'efficacité de la part des médecins spécialistes, plus d'efficacité, plus de prise en charge de la part des médecins de famille.

Contrairement au Parti libéral, nous, on va avoir le courage de faire les changements nécessaires dans le réseau de la santé.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de Pontiac.

Délais d'attente en chirurgie

M. André Fortin

M. Fortin : Après six années complètes au pouvoir, là, je me demande comment le ministre de la Santé peut justifier le fait qu'il y a des patients qui attendent trois ans pour une chirurgie du genou. Je me demande comment le ministre de la Santé peut justifier qu'en novembre il va y avoir une seule salle d'opération ouverte à l'Hôpital de Gatineau. Je me demande comment le ministre de la Santé peut justifier que dans nos hôpitaux, au Québec, il y a moins de salles d'opération ouvertes depuis qu'il est ministre. Je me demande comment le ministre peut dire, peut justifier qu'on a exactement le même nombre de chirurgies qu'avant ses multiples plans de rattrapage. Je me demande comment le ministre de la Santé peut justifier que des patients attendent huit mois avant de commencer des traitements de cancer. Je me demande comment le ministre de la Santé peut justifier qu'il y a 836 patients atteints de cancer qui attendent depuis deux mois pour leur chirurgie, alors que lui-même nous dit qu'il ne devrait y en avoir aucun. Je me demande comment le ministre de la Santé, il peut justifier le fait qu'il y a presque 1 million de Québécois qui attendent pour une consultation avec un spécialiste.

Est-ce qu'il a des explications à nous donner à matin ou est-ce qu'il va nous référer à Santé Québec?

La Présidente : La réponse du ministre de la Santé.

M. Christian Dubé

M. Dubé : ...de bas niveau. Mais c'est correct, ça fait partie de l'opposition, puis je vais y aller.

Mme la Présidente, je veux juste être clair pour que les Québécois nous entendent ce matin. En continuité avec... Mme la Présidente...

La Présidente : M. le leader de l'opposition officielle. Quelle est votre question de règlement?

M. Derraji : Qu'il retire «bas niveau». J'ai l'impression... entendu «bas niveau», Mme la Présidente. Ce sont des propos...

La Présidente : M. le leader du gouvernement, brièvement.

M. Jolin-Barrette : ...que je partage également. L'opposition est capable de faire un meilleur travail, avec une plus grande...

Des voix : ...

La Présidente : Je suis debout. Merci. Je vais trancher. Un, je n'ai pas entendu. Deux, soyez respectueux les uns avec les autres. Je veux entendre les explications du ministre. Il vous reste 1 min 3 s.

M. Dubé : Mme la Présidente, j'ai déjà eu beaucoup de respect pour le député de Pontiac, mais je reconnais maintenant que c'est chose du passé. Très bien.

Alors, Mme la Présidente, Mme la Présidente...

Des voix : ...

La Présidente : M. le leader... Alors, le respect, ça commence par s'écouter les uns les autres. Les questions sont importantes, les réponses aussi, et vous devez demeurer silencieux. C'est dans votre règlement, que j'applique. M. le ministre, poursuivez.

M. Dubé : Alors, ceci étant dit, Mme la Présidente, je veux être très clair pour que les Québécois comprennent. Avec ce que le premier ministre vient de dire, il est très clair que la FMSQ, en ce moment, est en train de mettre la négociation dans le jeu. Et je vais m'expliquer pour que tous les Québécois comprennent aujourd'hui.

• (10 h 20) •

La FMSQ avait demandé, dans les derniers mois, de s'assurer qu'on ait le nombre d'infirmières nécessaire pour ouvrir les blocs. C'est exactement ce qu'on a obtenu. Il y a un fonds qui a été mis, 400 millions, par l'argent de l'IPAM, pour être disponible. Moi, ce que j'entends depuis quelques jours, malgré le règlement, malgré le règlement de l'IPAM, qui prévoit 400 millions pour les infirmières, maintenant que l'entente est signée avec la FIQ : Bien là, peut-être que la FMSQ... Puis je veux juste être certain que ce n'est pas ce qu'ils disent, mais, hier, on m'a appelé pour me dire que peut-être le 400 millions, il ne serait pas disponible jusqu'à tant que la négociation soit terminée. C'est ça, la...

La Présidente : Première complémentaire.

M. André Fortin

M. Fortin : Voici la réalité que vivent des femmes au Québec, là. Il y en a plus que jamais qui attendent pour leurs chirurgies du cancer du sein. Dans certaines régions, ces femmes-là, elles ont attendu un an pour passer une mammographie. Dans ces mêmes régions là, elles se butent à des salles d'opération, dans les hôpitaux publics, qui sont fermées et qui empêchent qu'elles aient leurs chirurgies. Ces femmes-là, là, elles souffrent, elles sont inquiètes et elles n'ont pas les moyens de se payer des échecs du ministre de la Santé.

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Mme la Présidente, je vais avoir beaucoup d'empathie pour tous les cas qui vont m'être présentés, comme c'est depuis la pandémie, toujours. Par contre, chacun doit prendre ses responsabilités. Ici, j'en appelle à la FMSQ, surtout aux syndicats. Je ne parle pas des médecins, là. Je parle de tactiques de négociation syndicales pour prendre la population en otage pour que les négociations avancent selon eux.

Le Parti libéral a joué dans ce jeu-là, Mme la Présidente, pendant des années. On ne fera pas ça, nous. Nous, ce qu'il faut, c'est protéger les patients, puis on n'acceptera pas que les négociations soient faites de la façon dont les libéraux l'ont fait pendant des années.

Des voix : ...

La Présidente : Pas de bravo, vous connaissez la règle. Deuxième complémentaire.

M. André Fortin

M. Fortin : Ça, c'est un objectif partagé, que tout le monde prenne sa responsabilité, incluant le ministre de la Santé. La responsabilité ministérielle, c'est la sienne. Alors, quand il y a des patients, là, qui doivent retourner en chimio après leur opération parce que le cancer a progressé pendant qu'ils attendaient sur des listes d'attente, c'est sa responsabilité. Quand il y a des patients atteints du cancer du côlon qui doivent aller aux urgences pour des occlusions parce qu'ils attendent depuis tellement longtemps leur chirurgie, c'est sa responsabilité.

Est-ce qu'il peut la prendre, sa responsabilité?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Mme la Présidente, je pense que, mes responsabilités, à la Santé, je les ai prises depuis plusieurs années. Et il y a une chose qui est très claire, Mme la Présidente, on fait plus de chirurgies en ce moment qu'on en faisait à la même époque l'an dernier et l'autre année. Les statistiques sont claires. Notre enjeu, c'est le nombre de salles d'opération. Et c'est pour ça qu'on est contents d'avoir réglé avec la FIQ, mais il faut que la FMSQ suive. Et, la FMSQ, il y a un bloc de 400 millions qui est disponible. J'ai très hâte d'entendre le Dr Oliva, de clarifier aux Québécois que cet argent est disponible maintenant pour qu'on puisse ouvrir les blocs opératoires. J'ai très hâte de l'entendre, d'éviter la confusion qui s'est communiquée sur les marchés au cours des derniers jours. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant la députée de Mille-Îles.

Modification de la cartographie des zones inondables

Mme Virginie Dufour

Mme Dufour : Merci, Mme la Présidente. Alors, les consultations pour la révision des zones inondables se sont terminées la semaine dernière, alors que la majorité des cartes n'étaient même pas disponibles. On constate encore une fois une action gouvernementale sans préparation et sans prendre en compte les répercussions pour les Québécois, des Québécois qui vont voir leurs maisons, leur patrimoine perdre de la valeur, des Québécois qui vont avoir un problème avec leurs assurances ou même qui se demandent s'ils vont pouvoir renouveler leur hypothèque.

Et aujourd'hui, bien, ils font face à un mur. C'est un mur parce que les consultations, elles sont maintenant fermées. Et, pire encore, on ne leur donne aucun moyen pour contester les cartes. Dans la CMM, le seul endroit où sont sorties des cartes, bien, on constate de nombreuses aberrations, mais il n'y a aucun moyen pour les citoyens de contester.

Donc, ce que je demande, aujourd'hui, ce que je demande au gouvernement, bien, c'est de mettre en place un mécanisme pour demander la révision des cartes des zones inondables.

Est-ce que le ministre va être à l'écoute des Québécois?

La Présidente : La réponse du ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.

M. Benoit Charette

M. Charette : Merci, Mme la Présidente. C'est une question qui est très importante, et on a eu l'occasion d'apporter un certain nombre de précisions au cours des dernières semaines. Deux révisions en cours actuellement, celle des cartes des zones inondables, qui, dans certains cas, n'avaient pas été mises à jour depuis plus de 30 ans. Donc, on comprend que la connaissance s'est développée au cours de ces 30 dernières années. On comprend que la réalité a changé au cours des 30 dernières années avec les changements climatiques. On a eu des épisodes très forts en 2017, en 2019, d'autres épisodes par la suite aussi. Donc, c'est un exercice qui est fondamental, et j'espère que l'opposition officielle ne s'oppose pas à la mise à jour de ces cartes-là. Donc, une première réforme, et elle est à la charge des municipalités et des MRC, cette mise à jour des cartes.

L'autre réforme tout aussi importante, c'est la réglementation. Actuellement, nous sommes ou nous ne sommes pas en zone inondable. On vient ajouter des cotes de risque pour, justement, faire en sorte que les biens et les personnes soient protégés, pour que les gens puissent savoir quel est le risque auquel ces personnes-là encourent.

Donc, pour ce qui est des cartes des zones inondables, c'est un travail qui revient aux MRC. La CMM n'a pas aidé. Et on leur a dit à l'avance, en publiant les cartes avant que la réglementation soit adoptée...

La Présidente : Première complémentaire.

Mme Virginie Dufour

Mme Dufour : Mme la Présidente, je n'ai pas entendu de réponse à la question précédente. Est-ce qu'on va mettre en place un mécanisme pour contester les cartes? Et ça, ce n'est pas juste moi qui le demande, là, le Protecteur du citoyen aussi. Puis la demande spécifique du protecteur, c'est que le ministère de l'Environnement élabore et mette en place un processus simple et accessible de révision de la cartographie des zones inondables. C'est clair. Les citoyens demandent ce mécanisme-là.

Alors, est-ce que le ministre va le faire?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Benoit Charette

M. Charette : Et un des mandats de la collègue serait de transmettre une information qui est juste. Je la lis régulièrement sur les réseaux sociaux, et malheureusement elle contribue à la confusion. Ce qu'il faut savoir, ces cartes, elles ne sont pas adaptées, à l'heure où on se parle, pour une raison bien, bien, simple : la réglementation n'est pas adoptée. Elle n'est pas édictée, cette réglementation. Il y a des changements qui sont en cours, et ces changements sont travaillés avec l'UMQ et la FQM, et ce sera annoncé au cours des prochaines semaines, des prochains mois, vraisemblablement. Donc, on ne peut pas contester une carte qui n'est pas encore adoptée. Et ce serait bien que la collègue, à travers ses communications, puisse transmettre cette information juste là aux citoyens et aux citoyennes.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Mme Virginie Dufour

Mme Dufour : Comment les citoyens peuvent se positionner sur une réglementation quand ils ne connaissent même pas l'impact de ce qui va être adopté? C'est pour ça qu'on dit que, d'abord, les cartes auraient dû être publiées, avant la fin des consultations. Mais aussi, une fois qu'elles seront publiées, il faut pouvoir les contester, parce qu'il y a des aberrations. La CMM a produit des cartes, c'est la seule, d'ailleurs, qui l'a fait, et il y a déjà plusieurs cas qui m'ont été transmis, d'aberrations.

Il faut pouvoir les contester, ces nouvelles cartes là. Est-ce que le ministre va le faire?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Benoit Charette

M. Charette : Beaucoup, beaucoup, beaucoup de confusion, je le dis en tout respect, dans la question posée. On ne peut pas contester quelque chose qui n'est pas adopté. Est-ce qu'on s'entend là-dessus? Et la consultation n'est pas terminée. Officiellement, les municipalités, les citoyens avaient jusqu'au 17 octobre pour présenter leurs mémoires. Nous avons de nouveau prolongé. Les citoyens, les municipalités savent fort bien qu'ils ont encore quelques jours avant de présenter les préoccupations qui sont les leurs, qui peuvent être très légitimes dans certains cas. Et après seulement on pourra parler de modification, après seulement on pourra parler d'édiction, et, à ce moment-là, les cartes pourront être présentées aux citoyens.

La CMM a présenté ses cartes avant même que la réglementation soit édictée...

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant la députée de Westmount—Saint-Louis.

Conditions de travail des éducatrices en service de garde

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Mme la Présidente, c'est la troisième semaine nationale des éducatrices en petite enfance. Cette semaine, on va parler beaucoup de ces femmes pour souligner leur travail auprès de tout-petits. On va dire que leur travail est essentiel, qu'elles sont indispensables, qu'elles permettent aux enfants de développer leur plein potentiel, qu'elles permettent aux parents d'aller travailler l'esprit tranquille, qu'elles sont des femmes de coeur.

Mais, cette semaine, elles ne veulent pas seulement qu'on lance des fleurs, elles veulent qu'on passe aussi de la parole aux actes. Elles veulent qu'on reconnaisse leur travail, comme l'a fait l'Île-du-Prince-Édouard, dans les dernières années, en les payant comme elles le méritent.

Mme la Présidente, est-ce que la ministre trouve ça normal que les éducatrices de l'Île-du-Prince-Édouard sont mieux payées que celles du Québec?

• (10 h 30) •

La Présidente : La réponse de la présidente du Conseil du trésor.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Bien, merci, Mme la Présidente. Ça va me permettre de rectifier les faits. Les éducatrices du Québec sont mieux payées que celles de l'Île-du-Prince-Édouard. On va reprendre ce qui a été pris dans l'article, qui s'est basé, malheureusement, sur une étude qui ne faisait pas la distinction entre les heures travaillées.

Présentement, quand on prend le taux horaire, parce qu'on peut comparer des pommes avec des pommes, le taux horaire d'une éducatrice au Québec, avec les offres actuelles sur la table, est à plus de 32 $ de l'heure. Le taux horaire d'une éducatrice à l'Île-du-Prince-Édouard est à 30 $ de l'heure. Quand on... Mais, quand on ramène sur une base annuelle, il faut le ramener sur la même base. Les éducatrices de l'Île-du-Prince-Édouard travaillent 40 heures par semaine, celles au Québec travaillent moins de 32 heures par semaine. J'ai tenté, dans la dernière négociation, de les convaincre, en mettant plus d'argent, de faire plus d'heures, mais, quand on les ramène toutes sur la base de 40 heures, les éducatrices, annuellement, au Québec, font plus de 4 000 $ de plus que celles à l'Île-du-Prince-Édouard.

Ceci étant dit, ceci étant dit, on continue à négocier, parce que, pour nous, c'est un réseau très important.

La Présidente : Première complémentaire.

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Mme la Présidente, la semaine dernière, Radio-Canada nous apprenait que le Québec avait perdu sa première place en matière de petite enfance. C'est une première en 25 ans. L'Île-du-Prince-Édouard nous a donné une solide leçon en valorisant la profession d'éducatrice en petite enfance. Ils ont non seulement attrapé, mais ils ont dépassé le Québec. Les spécialistes parlent maintenant du modèle des Maritimes plutôt que du modèle québécois. C'est gênant.

Est-ce que la CAQ va redonner au Québec le rôle de son leader en petite enfance?

La Présidente : La réponse de la présidente du Conseil du trésor.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Oui, bien, je vais réitérer ma réponse pour être capable de bien me faire comprendre. C'est inexact. Ce qui est écrit dans le journal cette semaine était basé sur une étude de l'Ontario. L'étude de l'Ontario indiquait en note de bas de page qu'il fallait le baser sur les heures travaillées, que l'éducatrice au Québec, c'est sur une base de 35 heures-semaine, bien qu'elle fasse plus autour de 32 et même moins, et l'éducatrice à l'Île-du-Prince-Édouard, c'est 40 heures-semaine, 40 heures-semaine. Je serais très heureuse si on pouvait conclure une entente à 40 heures-semaine, ça viendrait régler beaucoup de problèmes pour ma collègue. Donc, c'est une question d'heures travaillées. Le taux horaire au Québec est à plus de 32 $, le taux horaire à l'Île-du-Prince-Édouard est à plus de 30 $... est à 30 $. On a toujours été avant-gardistes. C'est eux qui nous ont...

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Mme la Présidente, la décision du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard a permis d'attirer des éducatrices qualifiées, de retenir les éducatrices déjà en place, d'améliorer la qualité des services offerts, aussi, aux enfants. Pendant la même période, le Québec a diminué le ratio des éducatrices qualifiées, a diminué la qualité des services aux enfants dans notre réseau.

Mme la Présidente, gouverner, c'est faire des choix. Est-ce que la ministre va choisir nos éducatrices?

La Présidente : La réponse de la présidente du Conseil du trésor.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Alors, cent fois sur le métier remettez votre ouvrage. Les éducatrices au Québec, au moment où on se parle, avec l'offre qui est sur la table, sont mieux payées que l'ensemble du reste du Canada, donc, certainement, que l'Île-du-Prince-Édouard. L'Île-du-Prince-Édouard, quand elle a offert 50 %, c'est parce qu'elle était 50 % en arrière du Québec. Alors, on a toujours été avant-gardistes. Au moment où on se parle, et la négo n'est pas terminée, les éducatrices, sur une base horaire... sur un taux horaire comparable, font plus que les éducatrices de l'Île-du-Prince-Édouard. Et, si le syndicat des éducatrices me dit : Mme LeBel, on signe à 40 heures, je pense, ça va aller plus vite.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le chef du deuxième groupe d'opposition.

Accès aux soins de santé

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Pendant la dernière campagne électorale, le premier ministre nous a monté un beau grand bateau, il nous a dit : On va construire des hôpitaux privés en face des hôpitaux publics, tout ce beau monde là va travailler ensemble, ça va aller super bien, ça va marcher comme sur des roulettes, puis tout le monde va se faire soigner gratuitement, au Québec, super vite, à part de ça.

Aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe? 42 % des Québécois sont obligés de sortir leurs cartes de crédit au privé payant pour se faire soigner. Gabriel avait besoin d'une prescription, 250 $ au privé payant. Marianne a fait une otite, 300 $ au privé payant. Pascal a fait une crise d'allergie, 400 $ au privé payant. Avant que le premier ministre prenne le pouvoir, là, des histoires comme ça, c'étaient des exceptions. Aujourd'hui, sous son règne, c'est en train de devenir la règle. Avec lui, on paie nos soins de santé en double : une fois sur nos impôts puis une fois sur MasterCard. Puis, malgré tout, malgré tout, l'accès aux soins de santé s'est détérioré pour les Québécois et les Québécoises.

Qu'est-ce que le premier ministre répond aux centaines de milliers de Québécois et Québécoises qui paient ses échecs sur leurs cartes de crédit?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bien, Mme la Présidente, je suis très content d'avoir cette question du chef de Québec solidaire, parce que je veux revenir à l'entente avec le syndicat des infirmières. Depuis 25 ans, depuis 25 ans, les gouvernements qui se sont succédé auraient dû obtenir, exiger, dans les négociations avec les infirmières, d'avoir de la souplesse, de la flexibilité. Il me semble que c'est juste le gros bon sens que de dire, si j'ai un manque d'infirmières dans un département et que j'en ai trop dans un autre... qu'on puisse transférer des infirmières.

Mme la Présidente, pendant qu'on négociait avec le syndicat des infirmières, Québec solidaire était sur la ligne de piquetage avec les infirmières, avec le... Oui, puis il est fier de ça. Ce qu'on demandait, Mme la Présidente, c'est d'être capable de se donner la capacité de donner plus de services gratuits, au public, aux Québécois. Et quelle était la réponse de Québec solidaire? Je suis sur les lignes de piquetage à défendre le statu quo, hein? C'est ça, Québec solidaire, c'est défendre le statu quo : Je suis contre le changement, je suis contre le fait qu'on demande aux infirmières d'être déplacées, d'accepter d'être déplacées là où il y a des besoins plus importants.

Mme la Présidente, je suis très fier de cette entente avec la FIQ, puis je pense que Québec...

La Présidente : Première complémentaire.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : La petite partisanerie, de bas niveau, du premier ministre, ne change rien au fait, Mme la Présidente...

Des voix : ...

La Présidente : Je suis debout. Alors, je vous demande de retirer «bas niveau» et «petite partisanerie». Il est important de demeurer respectueux. Moi, je veux entendre votre question, je veux entendre votre question.

M. Nadeau-Dubois : Est-ce que vous... Est-ce que vous me demandez de retirer les propos qui sont les miens, qui sont les mêmes que ceux du ministre de la Santé? Juste pour comprendre votre directive.

La Présidente : Je vous demande d'être respectueux les uns avec les autres. Et, dans ce cas-ci, poursuivons dans le respect.

M. Nadeau-Dubois : Les Québécois et les Québécoises s'endettent sur leurs cartes de crédit à cause des échecs du premier ministre en santé. Le monde ordinaire, là, ils n'ont pas les moyens, eux, de payer des milliers de dollars pour se faire soigner parce que ce premier ministre échoue à réparer le système.

Qu'est-ce que le premier ministre répond aux gens qui s'endettent pour se faire soigner au Québec?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Mme la Présidente, c'est tellement important d'améliorer l'efficacité du réseau de la santé public. Mais je l'ai dit, là, je pense, ça fait au moins 10 ans, si ce n'est pas 15 ou 20 que je le répète, jamais, jamais on ne réussira à offrir un réseau public de santé efficace si on n'obtient pas deux choses : de la flexibilité de la part du syndicat des infirmières puis de la prise en charge de la part des médecins. Il faut que tout le monde fasse sa part. Il faut que tout le monde soit responsable. On a besoin de faire des changements, et Québec solidaire est pour le statu quo.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Le premier ministre aime ça dire qu'il aime le Québec, mais, depuis qu'il est premier ministre, le Québec, il ressemble de plus en plus aux États-Unis. Se faire soigner selon l'épaisseur du portefeuille, ce n'est pas comme ça qu'on veut vivre, au Québec. Les riches qui peuvent avoir accès plus rapidement à la santé, ce n'est pas une valeur québécoise.

Où sont passées les valeurs québécoises du premier ministre?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : J'en aurais tellement à dire, Mme la Présidente, sur la défense des valeurs québécoises, hein? Québec solidaire qui prétend maintenant défendre les valeurs québécoises. On aura tout vu, Mme la Présidente, on aura tout vu.

Je reviens au réseau public de santé. C'est important, Mme la Présidente, de faire des changements, qui auraient dû être faits depuis 25 ans. C'est important d'avoir de la souplesse. C'est important de gérer de façon efficace. Québec solidaire était sur les lignes de piquetage pour défendre les syndicats. Bien, qu'ils vivent avec ça.

• (10 h 40) •

La Présidente : En question principale.

Des voix : ...

La Présidente : Bon, j'entends trop de monde parler. Je voudrais uniquement entendre parler le député de Rosemont.

Réforme du système de santé

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Oui, merci. Oui, on va vivre avec ça. Puis, je rassure le premier ministre, il n'y a personne à QS qui va s'excuser d'être allé à la rencontre des femmes qu'il appelait lui-même ses anges gardiennes. Et je lui suggère de faire la même chose, ça le reconnecterait sur le réseau.

La CAQ nous présente depuis des années le privé comme la meilleure invention depuis le pain tranché. En réalité, on a le pire des deux mondes : le privé n'arrive pas à faire le rattrapage, puis en plus il siphonne nos ressources au public. Ce n'est pas moi qui le dis, ce n'est pas QS qui le dit, cette fois-ci, c'est la Fédération des médecins spécialistes du Québec. En plus, la FMSQ donne une leçon implacable de comptabilité au ministre de la Santé — là, ça commence à être gênant, là : «Simple raisonnement comptable, dit le Dr Legault. Les blocs opératoires doivent fonctionner à pleine capacité, et même plus, pour qu'un rattrapage soit effectué.» Ce n'est pas le cas. Ils fonctionnent au ralenti, nos blocs opératoires.

Est-ce que le ministre de la Santé va prendre ses responsabilités ou il va refiler ça à Santé Québec, qui n'est même pas encore en fonction?

La Présidente : La réponse du ministre de la Santé.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Mme la Présidente, pour être en... J'aurais presque... J'aurais presque envie de demander si le député de Rosemont va être sur les lignes de piquetage avec la FMSQ. Peut-être que c'est la même approche que son collègue de... du chef, parce que ce que je comprends, puis je pense que les Québécois comprennent très bien, en ce moment, c'est qu'on est en négociation avec la FMSQ, et je pense qu'il faut savoir qu'en négociation il y a des gens qui envoient toutes sortes de messages. C'en est un, des messages, ça. C'est drôle parce que, les médecins spécialistes, c'est ceux qui ont envoyé des médecins au privé, parce qu'ils disaient : On n'est pas capables d'envoyer... d'opérer dans nos blocs opératoires. On leur a demandé : Qu'est-ce que ça prend? Ça nous prend des infirmières qui ont des conditions flexibles, pouvoir les déplacer. On a obtenu ça, c'est ce qu'on vient de dire.

Moi, je pense que l'enjeu, en ce moment, on a fait les changements avec les infirmières, maintenant on attaque ce qui est... avec autant les deux fédérations syndicales. C'est à Québec solidaire de décider de quel bord ils veulent se placer : avec les syndicats ou avec les patients.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Là où je suis, ces jours-ci, là, c'est avec les patients puis les patientes qui attendent en raison des ratés du ministre de la Santé, qui, là, en plus, refile ses responsabilités à Santé Québec, ça a commencé, Santé Québec n'est même pas encore en fonction que c'est déjà commencé : Demandez à Santé Québec, c'est Santé Québec qui va s'occuper de ça, ce n'est plus moi. Où est-ce quelle est, la responsabilité du ministre?

Moi, je vais vous dire, son plan, il ne fonctionne pas, puis tout le monde le dit, parce que le privé, c'est un piège à cons-tribuables. On paie deux fois, puis ça ne marche pas.

La Présidente : La...

Des voix : ...

La Présidente : Non. M. le leader du gouvernement, brièvement, quelle est votre question au règlement, votre rappel?

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, le niveau de langage...

La Présidente : Bon, c'est beau, je suis debout. Les citoyens qui écoutent jugeront. Demeurons respectueux les uns avec les autres. Et j'aimerais entendre la réponse...

Des voix : ...

La Présidente : S'il vous plaît! La réponse du ministre.

M. Christian Dubé

M. Dubé : ...bien moi, j'ai une image très intéressante qui me vient, quand j'entends cette expression-là, je pense au Dîner de cons. Puis, dans le Dîner de cons... puis là je regarde le député de Rosemont, je me dis une chose, Mme la Présidente...

Des voix : ...

M. Dubé : Mme la Présidente, je veux juste finir mon point, s'il vous plaît. Mme la Présidente, aujourd'hui, ce qui est le plus drôle, c'est QS qui défend les médecins spécialistes. Je trouve ça vraiment intéressant. Que QS, aujourd'hui, prenne la position d'un syndicat, d'un syndicat de spécialistes qui gagnent des millions de dollars par année, et qu'ils viennent nous dire : Moi, je prends ce parti-là, je trouve vraiment, aujourd'hui, qu'on a un dîner de cons.

La Présidente : Monsieur... Oui, M. leader du deuxième groupe d'opposition, je veux vous entendre.

Des voix : ...

La Présidente : S'il vous plaît! Je veux entendre le leader.

M. Leduc : Je ne pensais pas devoir me lever pour ça, mais, très clairement, là, le ministre de la Santé vient de traiter, peut-être indirectement, mais très clairement mon collègue de con. C'est...

Des voix : ...

La Présidente : M. le leader du gouvernement, c'est beau, je vais trancher. Ça va faire. Un à un. Vous êtes partis sur ce mot-là, et là ça va déraper. On arrête ça. On revient avec le respect.

Et moi, maintenant, j'aimerais entendre... Est-ce que votre réponse est terminée? Alors, j'aimerais entendre la deuxième complémentaire. Et personne ici ne se traite de con.

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Ce n'est pas ça que j'ai entendu, mais, en tout cas, je vais... comme il dit souvent, je vais le laisser vivre avec ça, qu'il s'arrange avec ça.

Tout à l'heure, il a dit au député de Pontiac qu'il ne le respectait plus. Là, il est en train de me traiter de je ne sais pas quoi. Moi, je veux juste lui dire qu'on n'est assez souvent pas d'accord, mais moi, j'ai encore du respect pour lui, j'ai du respect pour mes collègues ici.

On est dans l'opposition. Je sais qu'il n'a pas été longtemps dans l'opposition, il n'a pas aimé ça bien, bien, puis qu'il était parti assez vite, mais c'est comme ça que ça marche, ici. On pose des questions, vous répondez.

Des voix : ...

La Présidente : Article 32, article 37, pour les gens qui vous regardent. Je suis debout. Demeurez assis quand je suis debout, M. le leader du gouvernement. Et vous gardez le silence, tout le monde. Tout le monde, vous gardez le silence, je vous prie. C'est votre période de questions, vous perdez des secondes.

Des voix : ...

La Présidente : Aïe! Youhou! On vous dérange? Messieurs dames, demeurons respectueux les uns avec les autres. La question a été posée, tout était conforme. La réponse.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Mme la Présidente, un peu comme mon premier ministre, je serais tenté de dire tellement de choses, ce matin, mais je vais me retenir. Je vais me retenir, Mme la Présidente. Je veux juste être clair. On a dit qu'on allait faire les changements qui sont nécessaires dans le réseau de la santé. On n'a pas terminé. Les Québécois savent qu'il faut faire les gros changements de fond. Il y a des changements qui auraient dû être faits.

Je trouve ça drôle, tantôt, que le député disait que ça fait 20 ans qu'ils savent qu'il y a le vieillissement de la population. Qu'est-ce qu'ils ont fait là-dessus? Rien. Ils ont fait un blocage sur leur nombre de médecins à engager. Quand on est arrivés, on a augmenté le nombre de médecins parce qu'on voyait venir le mur. Ils n'ont rien fait, de l'autre côté. Nous, on s'est engagés envers les Québécois, Mme la Présidente, à les faire, les changements de fond. Voilà.

Une voix : ...

La Présidente : M. le leader du deuxième groupe, quel est votre rappel au règlement, je vous prie?

M. Leduc : ...laisser la question se terminer pour passer à un autre sujet, mais je ne peux passer sous silence le fait que, dans le brouhaha, vous ne l'avez sûrement pas entendu d'où vous êtes assise, mais le ministre de l'Environnement a traité mon collègue, à plusieurs reprises, de minable. Ce n'est d'abord pas acceptable en cette Chambre, et ensuite c'est au lexique. Je vous demanderais de pouvoir retirer les paroles du ministre de l'Environnement, s'il vous plaît.

La Présidente : ...je ne peux lui demander de les retirer, je n'ai pas entendu. Et c'est pour ça qu'il faut que vous demeuriez silencieux, je vous prie.

Maintenant, il y aura une question principale et une seule personne qui aura le droit de parole ici.

Des voix : ...

La Présidente : Silence! Une seule personne aura le droit de parole, ici, je veux entendre cette personne, et c'est le chef du troisième groupe d'opposition.

Financement des écoles à vocation religieuse

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Mme la Présidente, à l'évidence, la couleur rouge du salon nous influence, ce matin. Donc, j'irai avec une question plus calme, je vais y aller lentement.

Le premier ministre et moi, on s'entend. On s'entend sur une chose, c'est le principe de la laïcité de l'État. Nos divergences, en fait, ne sont que sur l'application du principe. Le Parti québécois est d'avis que, lorsqu'on croit à un principe, bien, c'est important d'être cohérent et de donner l'exemple, et, sur un élément important, le gouvernement du premier ministre ne donne pas l'exemple, en matière de laïcité.

La CAQ, en effet, finance à la hauteur d'au moins 160 millions de dollars par année dans au moins 50 écoles à vocation religieuse. Donc, il y a un financement de l'État pour au moins 50 écoles religieuses, des écoles, donc, qui ne respectent pas nécessairement le programme du ministère et qui laissent beaucoup de place au religieux dans le cursus scolaire. Et je pense que la grande majorité des Québécois qui nous écoutent en ce moment se posent la question comme moi : Si on est pour la laïcité, pourquoi on envoie 160 millions là, alors qu'on a un déficit historique, et on l'entend, en santé, en éducation, des besoins criants partout?

Donc, ma question au premier ministre, elle est la suivante : Comment peut-il se dire en faveur de la laïcité et également en faveur du financement des écoles religieuses à la hauteur de 160 millions de dollars par année?

• (10 h 50) •

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, d'abord, là, soyons très clairs, toutes les écoles au Québec doivent appliquer le programme pédagogique. Donc, ce que vient de dire le chef du Parti québécois, qu'il y a certaines écoles qui n'appliquent pas le programme pédagogique, s'il connaît des écoles qui n'appliquent pas le programme pédagogique, j'aimerais qu'il nous donne le nom de ces écoles-là.

Maintenant, Mme la Présidente, je suis très content que le chef du PQ se soit rallié à la CAQ sur la laïcité, parce que, savez-vous, je vais vous citer ce que disait le chef du Parti québécois il n'y a pas longtemps, il disait : «La laïcité et l'identité québécoise sont deux choses dissociables pour les moins de 40 ans. Le Parti québécois doit désormais parler de l'identité québécoise en faisant référence à la langue française, à la spécificité québécoise et à la culture du Québec. La laïcité n'est pas une composante de l'identité des citoyens du Québec.» Mme la Présidente, quel virage, quel virage! C'est le même gars qui était contre le nationalisme, qui était contre la laïcité, qui, aujourd'hui, vient essayer de nous faire la leçon sur la laïcité.

Mme la Présidente, on va continuer de se battre pour que dans toutes les écoles du Québec le principe de la laïcité soit appliqué. Puis nous, on a toujours pensé ça, contrairement au chef du PQ.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : La laïcité, Mme la Présidente, c'est une règle de vivre-ensemble, c'est la manière de faire coexister des élèves qui sont de confession musulmane, chrétienne, juive et des élèves dont les parents sont athées. C'est une règle de vivre-ensemble.

Et là il veut que je nomme des écoles? O.K. L'école catholique l'Eau-Vive, à Québec, qui est dotée d'une mission éducative centrée sur les valeurs bibliques. L'école, à Montréal, musulmane, qui donne des cours de Coran et d'éducation islamique à ses élèves. Ou encore l'école juive Beth Jacob, qui fait la promotion de son engagement inébranlable envers les valeurs juives orthodoxes.

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Mme la Présidente, je continue à citer le chef du Parti québécois, il a dit : «À la source d'un bris de confiance entre le Parti québécois et les Québécois, c'est l'épisode de la charte des valeurs. Je crois que le Parti québécois doit faire un mea culpa et poser des gestes forts pour mettre un trait non équivoque à cet épisode-là.»

Mme la Présidente, le chef mélange tout, là. Le projet pédagogique doit être appliqué. En dehors des heures, il peut y avoir d'autre chose.

Donc, Mme la Présidente, c'est lui qui change d'idée. Donc, qu'il se branche.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : C'est le premier ministre qui est tout mélangé. Je lui pose une question toute simple. On est d'accord sur la laïcité. Pourquoi vous financez des écoles qui posent des gestes religieux explicites et constants à la hauteur de 160 millions par année? Et vous regarderez le bon vieux stratagème pour ne pas répondre, là, les trois partis d'opposition connaissent ça, on change de sujet puis on essaie de créer de la dramatique autour de tout, sauf la question. Elle est simple.

Pourquoi vous financez 160 millions, les écoles religieuses? Est-ce qu'on peut avoir une réponse, s'il vous plaît?

La Présidente : Je vous rappelle que vous vous adressez à la présidente. M. le premier... M. le leader du gouvernement, quel est votre rappel au règlement?

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, le chef du deuxième... troisième groupe d'opposition a utilisé un mot au lexique, on voudrait qu'il soit retiré. Le terme «stratagème» est prévu, Mme la Présidente.

La Présidente : Vous avez raison, «stratagème» est là, mais je vais double-vérifier, si vous permettez, pour ne pas commettre d'erreur. Alors...

Des voix : ...

La Présidente : Vous êtes d'accord? Alors, la réponse, je vous prie.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, le chef du PQ a dit clairement, a même écrit que la laïcité, ce n'est pas une valeur québécoise. Moi, j'aimerais savoir s'il a changé d'idée, parce que cette semaine, quand il dit : Il ne faudrait pas mixer des enfants de souche avec des enfants d'immigrants, moi, je ne comprends plus rien. Qu'est-ce qu'il veut dire par là? C'est quoi, sa proposition, exactement?

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de Maurice-Richard.

Investissement du gouvernement dans Northvolt

M. Haroun Bouazzi

M. Bouazzi : «Que Goldman Sachs ou d'autres investisseurs nous demandent des choses, je pense que c'est normal, mais la réponse, c'est non.» Fin de la citation. Hier, le premier ministre a été clair, il a fermé la porte à toute aide supplémentaire à Northvolt, que ce soit en ajoutant des sommes supplémentaires ou en cédant les garanties que le Québec détient dans le projet.

On pensait que l'affaire était close, mais ce matin, de Radio-Canada, on lit que le gouvernement continue à négocier avec Goldman Sachs et qu'il est prêt à faire des concessions en lien avec l'investissement québécois dans la maison mère.

Donc, si ce n'est pas des concessions sur nos garanties ni de l'argent supplémentaire, est-ce que la ministre de l'Économie peut nous dire quelles concessions elle est prête à faire avec l'argent des Québécoises et des Québécois?

La Présidente : La réponse de la ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie.

Mme Christine Fréchette

Mme Fréchette : Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, je réitère ce que l'on a énoncé et rappelé hier, à savoir qu'on travaille pour assurer la protection des intérêts québécois et pour faire en sorte que le projet se réalise bel et bien au Québec. C'est une orientation qui est importante pour notre gouvernement. On travaille à déployer la filière batterie et on va continuer à s'investir dans ce projet-là. Il faut voir que la filière batterie a, par ailleurs, 20 projets en cours, répartis dans la moitié des régions du Québec. Alors, c'est vraiment déterminant pour l'avenir industriel du Québec. Et c'est un projet qui est constructif, et on va continuer à s'y investir. Merci.

La Présidente : Alors, voilà. Cela met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Nous allons passer à la motion rubriques sans préavis, et, pour ce faire je cède la parole au deuxième vice-président de l'Assemblée nationale. Je vous souhaite à tous une belle journée. Il fait beau et soleil, pas encore de tempête.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, bon mercredi à tous et à toutes. Nous en sommes à la rubrique Motions sans préavis, et, pour la première motion, ce matin, je cède la parole à M. le premier ministre.

Nommer de nouveau M. Norman Boucher membre
de la Commission d'accès à l'information

Document déposé

M. Legault : Oui. M. le Président, je propose, après consultation auprès des partis d'opposition et des députés indépendants :

«Que, conformément aux articles 104 et 105 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, M. Norman Boucher soit nommé de nouveau membre de la Commission d'accès à l'information, affecté à la section juridictionnelle, pour un mandat de deux ans à compter des présentes et que sa rémunération et ses autres conditions de travail soient celles contenues dans le document ci-annexé...»

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le premier ministre.

Je rappelle aux membres de l'Assemblée que, pour être adoptée, cette motion doit être approuvée par au moins les deux tiers des membres de l'Assemblée. Elle doit donc être suivie d'un vote électronique.

Mise aux voix

Alors, je mets maintenant aux voix cette motion et je vous invite maintenant, s'il vous plaît, à bien vouloir enregistrer votre vote.

Le vote est maintenant terminé. Et, pour le résultat, M. le secrétaire général.

Le Secrétaire : Pour :  110

                      Contre :              0

                      Abstentions :     0

Le Vice-Président (M. Lévesque) : La motion est adoptée.

Alors, nous poursuivons maintenant la rubrique des Motions sans préavis. Et, en fonction de nos règles, je reconnais maintenant un membre formant le gouvernement, et ce sera Mme la députée de Bellechasse.

Mme Lachance : Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec le député d'Arthabaska :

«Que l'Assemblée nationale réitère la pertinence et l'importance de la construction d'un nouveau lien inter-rives entre la Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches, notamment afin de prendre action sur l'enjeu de la sécurité économique et afin d'améliorer la mobilité entre ces régions;

«Que l'Assemblée nationale rappelle le lancement d'un appel d'intérêt international pour la construction d'un nouveau lien inter-rives entre la Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches.»

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Derraji : ...pas de consentement.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Il n'y a pas de consentement.

Des voix : ...

• (11 heures) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Un peu de décorum. S'il vous plaît!

Je suis maintenant prêt à reconnaître un membre de l'opposition officielle pour sa motion. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Beauchemin : M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec le député de Maurice-Richard, le député de Jean-Talon et la députée de Vaudreuil :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte des propos de la ministre de l'Économie et de l'Innovation, le 25 septembre dernier, à l'effet que le terrain de l'usine Northvolt "est en garantie" et qu'il s'agit "d'un terrain prisé, d'un gabarit inégalé, et qui est à proximité de la métropole et qui a le bon zonage, donc un terrain avec une bonne valeur";

«Qu'elle rappelle que l'entreprise QMC2, propriété de l'investisseur Luc Poirier, a acquis ce terrain pour la somme de 15 millions de dollars en 2015;

«Qu'elle prenne acte que selon Radio-Canada, une évaluation de la valeur marchande de ce terrain réalisée en juillet 2020 en établissait la valeur à 85 millions de dollars;

«Qu'elle rappelle qu'en 2023, le gouvernement du Québec a financé l'achat de ce même terrain par Northvolt pour la somme de 240 millions de dollars;

«Qu'elle se remémore les propos de l'ancien ministre de l'Économie et de l'Innovation, Pierre Fitzgibbon, à l'effet que ce terrain "n'est pas le jardin d'Éden" et qu'il s'agit "d'un terrain qui était contaminé, un terrain où était la [compagnie] CIL, contaminé pendant des années", d'un terrain "qui était oublié";

«Qu'elle prenne acte que selon les plus récentes cartes de zones inondables de la Communauté métropolitaine de Montréal, le terrain de Northvolt contiendrait notamment des zones d'inondations à risque élevé et très élevé, ce qui aura nécessairement un impact sur sa valeur;

«Qu'enfin, l'Assemblée nationale demande au gouvernement de rendre publique son évaluation de la valeur réelle du terrain de l'usine Northvolt à McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, en cas de non-réalisation du projet Northvolt, et ce, immédiatement.»

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Il n'y a pas de consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Il n'y a pas de consentement. Je suis maintenant prêt à reconnaître un membre du deuxième groupe d'opposition et je cède la parole à Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante conjointement avec le député de l'Acadie, le député de Matane-Matapédia, la députée de Vaudreuil et aussi le député de Saint-Jérôme :

«Que l'Assemblée nationale réaffirme que la laïcité de l'instruction publique est une condition essentielle du vivre ensemble;

«Qu'elle demande au gouvernement du Québec d'envisager de mettre fin au financement public des écoles privées confessionnelles.» Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Il n'y a pas de consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Il n'y a pas de consentement. Alors, nous sommes maintenant prêts à reconnaître un membre du troisième groupe d'opposition, et je cède la parole à M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter conjointement avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne — il y a eu quelques modifications de dernière minute :

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse que la francisation et l'intégration à la culture et à la citoyenneté québécoise des nouveaux arrivants sont essentiels pour l'avenir de la nation québécoise;

«Qu'elle prenne acte que les centres d'éducation aux adultes sont un lieu privilégié pour la francisation et l'intégration des nouveaux arrivants;

«Qu'elle constate que les seuils d'immigration actuels mettent une pression sur les services de francisation;

«Qu'elle constate que les changements opérés au sein de Francisation Québec ont réduit considérablement les services de francisation dans les centres de services scolaires;

«Qu'en conséquence, l'Assemblée nationale demande la reconduction de tous les financements accordés à la francisation dans les centres de services scolaires en 2023-2024 ainsi qu'une bonification proportionnelle aux besoins.»

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Il n'y a pas de consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Il n'y a pas de consentement.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous en sommes maintenant à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions, et je cède la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président.

Donc, j'avise cette Assemblée que la Commission des institutions va poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 72, la Loi protégeant les consommateurs contre les pratiques commerciales abusives et offrant une meilleure transparence en matière de prix et de crédit, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

La Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles va poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 63, la Loi modifiant la Loi sur les mines et d'autres dispositions, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 h 30, à la salle Marie-Claire-Kirkland;

La Commission des transports et de l'environnement va poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 61, la Loi édictant la Loi sur Mobilité Infra Québec et modifiant certaines dispositions relatives au transport collectif, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

La Commission de l'aménagement du territoire va poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 76, la Loi visant principalement à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public, aujourd'hui, après les avis touchant les travaux des commissions jusqu'à 12 h 50 et de 15 heures à 17 h 25, à la salle Pauline-Marois.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Pour ma part, je vous avise que la Commission de la santé et des services sociaux se réunira en séance de travail le jeudi 24 octobre 2024, de 8 h 30 à 9 heures, à la salle Pauline-Marois, afin de statuer sur la possibilité que la commission se saisisse de la pétition portant sur le maintien des places disponibles et la réalisation du projet d'agrandissement du CHSLD de Bedford.

À la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour

Alors, la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement, quel est notre menu, aujourd'hui?

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Je vous demanderais d'appeler l'article 2 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 71

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Lévesque) : À l'article 2 du feuilleton, Mme la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l'Action communautaire propose l'adoption du principe du projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale.

Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître la première intervenante ou intervenant, et ce sera évidemment Mme la ministre responsable de l'Action communautaire et de la Solidarité sociale.

Mme Chantal Rouleau

Mme Rouleau : Bien, je vous remercie...

Des voix : ...

Mme Rouleau : Bon, alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président. Alors, en effet, j'ai l'immense plaisir de proposer l'adoption du principe du projet de loi n° 71, qui est la Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale.

C'est une modernisation qui est attendue. J'ai pu le constater lorsque je suis allée à la rencontre des organismes, des agents de bureau de Services Québec, à la rencontre des nombreux prestataires à travers, évidemment, toutes nos régions l'année dernière. Je rappelle que le régime lui-même n'a pas été revu dans le cadre d'un tel exercice législatif depuis 20 ans et que le projet de loi vise à l'actualiser en vue de répondre aux besoins d'aujourd'hui.

Tout d'abord, j'aimerais souligner que je suis très satisfaite des échanges que le projet de loi nous a permis d'avoir en commission dans le cadre des consultations particulières. L'assistance sociale et le soutien qu'elle vient offrir à de nombreuses personnes de notre société, la façon dont le régime fonctionne, tout ça constitue des sujets qui, visiblement, nous tiennent tous et toutes à coeur. Je crois que nos échanges, jusqu'à maintenant, reflètent bien cet état d'esprit.

M. le Président, permettez-moi de rappeler les grandes lignes du projet de loi n° 71 en soulignant qu'il est d'abord et avant tout axé sur l'individu et sur les façons de bien l'accompagner dans son cheminement. L'assistance sociale est une des fondations de notre système de protection sociale. Elle permet à la fois de soutenir les personnes et de les appuyer dans leur intégration sociale et économique, en particulier par l'emploi. L'emploi constitue toujours la meilleure façon de se sortir de la pauvreté et d'améliorer sa situation économique.

C'est dans cette perspective, M. le Président, que le projet de loi propose d'offrir un accompagnement personnalisé pour aider les prestataires qui le requièrent à stabiliser les différentes sphères de leur vie. Il prévoit l'ajout d'un nouveau volet au Programme d'aide et d'accompagnement social pour accroître les expériences de travail dans les milieux moins formalisés, ce qui offre un pas de plus vers l'intégration et la participation sociales.

• (11 h 10) •

Le projet de loi propose également de moderniser la notion de contrainte pour la centrer sur l'individu et ses conditions de santé plutôt que sur l'aptitude à l'emploi au sens strict. Il ouvre également l'évaluation des contraintes à un plus grand nombre de professionnels de la santé et des services sociaux. Cette refonte de la question des contraintes comporte plusieurs aspects qui pourraient permettre à plusieurs prestataires d'accéder à des mesures d'employabilité ou à des allocations de soutien.

Ces changements seraient effectués sur le plan législatif, mais aussi sur le plan réglementaire, une fois que le projet de loi sera adopté. Dans ce contexte, certaines allocations pour contraintes seraient remplacées par des ajustements aux prestations ou par des prestations spéciales de niveau financier équivalent, notamment le fait d'avoir un enfant handicapé à charge, d'être un proche aidant ou être dans un hébergement pour victimes de violence, notamment les femmes qui sont victimes de violence conjugale, M. le Président. De plus, la contrainte liée à la grossesse deviendrait une contrainte de santé, et sa durée serait augmentée de cinq à 18 semaines suivant la naissance de l'enfant, cela dans le but de favoriser l'intégration au marché du travail.

Le projet de loi n° 71 propose aussi d'étendre l'accès au programme Objectif emploi. Toutes les personnes qui reviennent à l'aide pourront bénéficier du soutien financier accru et de l'accompagnement personnalisé associé à ce programme. Le programme fait ses preuves, M. le Président, et le projet de loi vise également à encourager les prestataires à retourner aux études, en particulier pour terminer les études secondaires et obtenir le diplôme d'études secondaires, cela en offrant un soutien financier supplémentaire pour suivre une formation et une prime au moment de la diplomation.

Le projet de loi propose aussi d'intervenir sur certains obstacles qui compliquent la mise en mouvement des prestataires, avec comme perspective de rendre le régime plus humain, cela en optant pour le versement individuel de prestations, un chèque, une personne, en revoyant des mécanismes qui peuvent contribuer à des situations de surendettement pour les personnes qui sont prestataires de l'aide sociale, en abolissant les contributions parentales lorsqu'un jeune adulte n'habite pas chez ses parents et qu'il a besoin de cette aide de dernier recours.

Finalement, il prévoit la fusion des programmes d'aide sociale et de solidarité sociale, un élément de levier central qui nous permettrait de simplifier les démarches et l'administration du régime. Moins de bureaucratie, moins de formulaires.

M. le Président, parmi les éléments entendus jusqu'à maintenant autour du projet de loi, je tiens à souligner quelques-uns de ces éléments qui me semblent très significatifs. D'abord, je crois que l'accent qui est mis sur l'accompagnement des personnes, notamment avec des plans d'intervention individualisés, est vu comme un élément positif pour rendre le régime plus humain. La modernisation, je le rappelle, vise un changement d'approche face aux personnes qui ont besoin des programmes selon certains types de circonstances de leur vie. Le projet de loi vise à mieux soutenir les personnes, à faciliter leur participation à la vie sociale en fonction de ces conditions spécifiques. Cet esprit, je pense qu'il est reconnu et accueilli très positivement. C'est un objectif central à garder en tête pour nous. La volonté de simplifier le régime va également dans ce sens, et je suis convaincu que cette approche a énormément de bénéfices.

Il y a aussi des questionnements sur la façon dont les mesures seront mises en oeuvre suivant une adoption du projet de loi. Je crois qu'il est normal qu'on ait des interrogations quand il y a de nombreux changements interreliés. Il est aussi normal, pour moi, et rassurant, dans une certaine mesure, de voir que mes collègues expriment leurs préoccupations. En étudiant ce projet de loi, nous devons considérer les avancements et les mesures dans leur ensemble. Les propositions incluses dans la modernisation ne peuvent être prises de façon isolée.

J'apprécie énormément le temps et la réflexion accordés à cet important et attendu effort de modernisation de l'assistance sociale. Je salue particulièrement le caractère constructif de ce qui a été porté à notre attention par les participantes et les participants aux consultations particulières. J'ai senti que tout le monde avait comme objectif d'améliorer la situation des personnes qui se retrouvent à l'assistance sociale. Et c'est pourquoi, M. le Président, compte tenu de cette intention commune d'améliorer la situation des personnes prestataires à l'assistance sociale, j'invite les membres de cette Assemblée à adopter le principe de loi n° 71. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Et maintenant, pour la prochaine intervention, je reconnais Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Elisabeth Prass

Mme Prass : Merci, M. le Président. Donc, il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui pour l'adoption du principe du projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale.

J'ai eu le plaisir de siéger à la commission, lors des consultations, avec ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce, avec la ministre, et c'était très intéressant parce qu'il y avait des groupes, vraiment, qui représentaient à peu près toutes les populations qui sont concernées, que ce soient les groupes de femmes, les groupes comme la fédération de l'autisme, Société québécoise de la déficience intellectuelle, les groupes en itinérance, en insertion à l'emploi. Et on a entendu beaucoup de commentaires que la plupart des modifications dans ce projet de loi étaient cosmétiques, donc, qu'au fond ça ne faisait pas grand-chose pour améliorer le sort de ces personnes, pour les sortir de leur précarité financière.

Et aujourd'hui je tiens à exprimer quand même une préoccupation concernant ce projet de loi qui prétend améliorer l'accompagnement des personnes et simplifier le régime d'assistance, mais, à première vue, cette initiative semble... qui semble louable, mais, en regardant de plus près, nous constatons que ses implications pourraient être bien plus néfastes que bénéfiques.

On parle, dans le projet de loi, entre autres, de bonifier ou de mettre de l'avant le programme Objectif emploi, un programme qui a été mis en place par le Parti libéral, l'ancien gouvernement, également que le programme de revenu de base... Alors donc, deux initiatives libérales qui, là... qui sont en place depuis des années, qui fonctionnent, qui ont fait en sorte qu'elles ont quand même aidé à certaines personnes de se relever des situations de pauvreté dans lesquelles elles se trouvaient.

Donc, le projet de loi a quand même certains bons éléments. Par exemple, il permettra à des professionnels autres que les médecins de pouvoir fournir une évaluation médicale, parce que, comme on sait, bien, présentement, il n'y a pas assez de médecins au Québec. Ce n'est surtout pas tout le monde qui a un médecin de famille. Donc, juste avoir accès à un médecin pour faire cette évaluation-là n'est pas évident. Donc, le projet de loi permettrait à d'autres travailleurs, les travailleurs et travailleuses sociaux et ceux qui font partie d'ordres professionnels, dorénavant, de faire ces évaluations médicales. Donc, on voit ça comme une avancée pour ces personnes, encore une fois, qui sont vulnérables et qui pourraient avoir de la difficulté à accéder à certains... à avoir un médecin, par exemple.

Également, le projet de loi propose l'abolition de la contribution parentale pour les jeunes qui ne vivent plus avec leurs parents, ce qui pourrait augmenter leurs prestations. Donc, on voit ça d'un bon oeil, puis la majorité des groupes avaient accueilli cette mesure... d'une bonne nouvelle.

Également, on ajoute un suppléant pour les études, pour l'obtention d'un diplôme d'études secondaires, mais par contre la valeur de ces incitatifs n'est pas connue pour l'instant parce que ça se ferait sous règlement. Et, malheureusement, dans ce projet de loi, j'ai fait un... j'ai fait un décompte, et le mot «règlement» se retrouve 23 fois dans ce projet de loi. Donc, à 23 reprises, on nous demande, en tant que législateurs, de voter sur des éléments dont on ne connaît pas... on ne sait pas quels vont être les montants, quels vont être les groupes. C'est des décisions qui vont se prendre à l'extérieur de la commission, qui vont se prendre une fois que la loi est... a été adoptée. Donc, une grosse crainte à cet égard, puis on l'a entendue beaucoup lors des consultations également, les groupes vulnérables qui... oui, on veut bien prendre le mot de la ministre, mais, à la fin de la journée, on ne sait vraiment pas ce qui va aboutir dans ces règlements jusqu'à ce qu'ils soient publiés.

Également, le projet de loi propose, pour les couples qui vivent ensemble, dont les deux sont prestataires de solidarité sociale, que, dorénavant, chacun va recevoir un chèque, tandis que, maintenant, c'est un chèque par couple. Et souvent le chèque est attribué à l'homme, ce qui fait en sorte qu'il peut y avoir une dépendance financière, et des femmes qui se trouvent en situation vulnérable, ou de violence, ou d'abus se voient désavantagées parce que c'est l'homme, souvent, dans ces situations, qui va recevoir le chèque au nom des deux.

• (11 h 20) •

Donc, on accueille favorablement que les chèques... il y aurait un chèque pour chaque personne dans le couple. Par contre, on voit mal... on ne voit malheureusement pas pourquoi la ministre n'a pas trouvé nécessaire aussi que chacune de ces personnes reçoive un montant total pour la personne. Donc, si on est en couple, on reçoit près de 350 $ de moins par personne, par mois parce qu'on habite dans le même... à la même adresse, on est en couple. Puis, encore une fois, c'est des êtres humains, chacun a ses responsabilités financières, et on ne voit malheureusement pas pourquoi le gouvernement persiste pour que les montants, quand les couples sont ensemble, soient réduits. Donc, on est contents de voir qu'il y aurait deux chèques, mais on aurait voulu que ce soient deux chèques à montant... à plein montant pour chacun de ces prestataires.

Également, évidemment, plusieurs groupes, et on a vu... puis on l'a vu dans les articles de journaux, se sont plaints de la... du fait que la réforme se fait à coût nul. Donc, les mesures additionnelles seront financées à même les enveloppes actuelles, et certaines mesures qui existent présentement vont être abolies, dorénavant, pour, justement, financer les nouveaux éléments tels que les primes pour les contraintes temporaires à l'emploi. Et je reviendrai plus tard, parce que, vraiment, il y a un désavantage, pour les groupes de femmes, pour les mesures qui vont être éliminées plutôt que ceux qui vont être ajoutés.

Alors, avec ce projet de loi, la CAQ pénalise une partie des prestataires pour en accueillir d'autres. Avec son plan de lutte contre la pauvreté, elle n'a pas réussi à faire d'investissements significatifs. En fait, il n'y a eu aucun... aucune augmentation d'investissement, elle a même diminué les investissements, par rapport au dernier plan de lutte libéral. Et, avec ce projet de loi, le gouvernement de la CAQ n'investit, une fois de plus, aucun nouvel argent pour aider les plus vulnérables de la société à se sortir de leur situation de pauvreté.

Également, une question qui est revenue à chaque fois, c'était la question de... Donc, présentement, pour recevoir la solidarité sociale, il faut avoir une contrainte à l'emploi. Et ce projet de loi propose qu'on... que ce soient plutôt des contraintes de santé. Donc, ce qu'on a entendu également lors des consultations, c'était la crainte de plusieurs groupes que beaucoup de situations, et donc de personnes, seraient exclues de cette nouvelle définition.

Par exemple, quand on parle de contraintes de santé, bien, ça veut dire : que ce soit physique, que ce soit en matière de santé mentale, il faut qu'il y ait un diagnostic que la personne reçoive pour accéder à ce financement. Par contre, on peut penser, présentement, par exemple, les victimes de violence conjugale sont admises et sont considérées à avoir une contrainte à l'emploi. Est-ce que ce serait la même chose si c'était vraiment juste contraintes de santé? Ce n'est pas ce qu'on a entendu lors des consultations.

Également comme exemple, une personne qui est itinérante. Une personne qui est itinérante, peut-être, n'a pas d'enjeu de santé mentale, n'a pas d'enjeu physique, mais évidemment, peut-être, a vécu des traumatismes, puis elle va avoir de la difficulté à ressortir de la rue puis à comprendre comment bien s'intégrer de nouveau. Donc... Et la ministre a posé la question à presque tous les groupes, lors des consultations, si elles pensaient que d'aller de contraintes à l'emploi à contraintes de santé était une bonne idée, et, pour la grande majorité, ils ont tous dit que c'était un recul.

La pauvreté et la précarité ne se mesurent pas seulement à des critères de santé, elles sont également le résultat de facteurs sociaux, culturels et psychologiques. La simplification qu'on propose peut ainsi conduire à une vision tronquée des réalités vécues par les bénéficiaires. En fait, il y a tellement de situations, il y a des traumatismes, on ne peut pas juste limiter ça à des contraintes de santé, parce que, si on le fait, bien, il y a plein de groupes qui vont dorénavant être exclus.

Également, je l'ai mentionné plus tôt, l'annulation des primes pour les contraintes temporaires à l'emploi, qui sont de 161 $ par mois et pour les personnes qui sont incapables de se chercher un emploi, quand on regarde les groupes qui font présentement partie de... qui peuvent avoir accès à cette prime, on pense aux parents d'enfants handicapés, aux proches aidants et aux personnes en maison d'hébergement ou celles près de la retraite qui avaient droit à cette prestation.

Donc, en étant moi-même maman d'un petit garçon sur le spectre de l'autisme, je comprends que, quand on doit s'occuper de son enfant à temps plein, soit parce qu'il y a un bris scolaire, soit parce qu'il n'y a pas de place en services de garde, ou qu'il n'y a pas de services de garde qui sont adaptés à nos jeunes, bien, on n'a pas le choix, il faut que nous, on reste à la maison avec notre jeune et il faut que... et ce qui est assez difficile, parce qu'à ce moment-là le parent doit quitter son emploi, donc doit avoir un revenu de moins, justement, pour être là pour garder son enfant.

Donc, plutôt que de les soutenir et d'avoir une certaine empathie, comme c'était le cas avec les contraintes... les primes de contraintes temporaires à l'emploi, là, on exclut cette prime, qui fait en sorte que ces personnes qui sont vulnérables, bien, vont l'être d'autant plus. Alors, la ministre dit qu'elle avait l'intention d'inclure ces personnes dans le projet de règlement, dans le futur, mais, malgré tout, il est préférable de les maintenir dans la loi, comme c'est le cas actuellement.

Je pense également à la modification aux critères d'éligibilité qui peuvent aboutir à l'exclusion de nombreuses personnes qui ont besoin d'assistance. Des critères trop stricts ou mal définis peuvent empêcher des individus ou des familles en situation de précarité de recevoir le soutien nécessaire.

Et, justement, quand on regarde toutes ces mesures qui ont été mises de l'avant, on remarque que les femmes sont touchées de manière disproportionnée dans ce projet de loi, de façon... de façon de les désavantager. Nombre d'elles... nombre d'entre elles sont des mères célibataires, monoparentales, certaines sont des victimes de violence domestique. Et, quand j'ai énuméré les différents changements que le projet de loi propose, c'est souvent des groupes de femmes qui, dorénavant, vont être exclus de ces mesures. Donc, on sait que les femmes sont parmi les populations les plus vulnérables dans notre société, alors on se pose la question, encore une fois : Pourquoi ce projet de loi, avec les modifications qu'il apporte, pas seulement n'en fait pas plus pour les femmes, mais en fait moins?

Également, moi, j'avais déposé, il y a quelques mois, à... ou il y a quelques semaines, à l'Assemblée nationale, une pétition pour demander que l'autisme, la schizophrénie et la bipolarité soient ramenés sur la liste des diagnostics évidents, car, en 2022, plus de 50 maladies ont été retirées de cette liste, mais des maladies qui sont permanentes, des maladies que la personne... qui ne sont pas guérissables. Donc, encore une fois, on se pose la question : Pourquoi est-ce que les personnes les plus vulnérables, les personnes qui ont de la difficulté déjà à naviguer la réalité de tous les jours, encore moins le système, la machine... pourquoi est-ce qu'on essaie de leur... est-ce qu'on veut leur rendre la vie plus difficile? Est-ce que la ministre pense vraiment qu'une personne qui est apte au travail avec un trouble du spectre de l'autisme préfère gagner le peu d'argent qui lui est offert de la solidarité sociale plutôt que, s'ils sont aptes au travail, d'aller... de recevoir un emploi et recevoir un salaire? Donc, il semble y avoir un manque de compréhension entre la réalité de certaines personnes et la façon dont ils sont perçus par le Programme de solidarité sociale.

Un élément qui... nouvel qui est introduit dans le projet de loi également est l'accompagnement individualisé, qui peut être une bonne chose si ces personnes qui sont attribuées... si la personne qui est attribuée au dossier d'une personne avec... soit vivant avec un handicap ou a eu une difficulté dans la vie, que ce soit la même personne qui les accompagne tout le long de leur parcours. Plusieurs personnes qui seront accompagnées viennent de telles situations, et ce qu'on entend souvent, c'est qu'il faut recommencer à chaque fois. Chaque fois qu'on voit un nouvel agent, il faut expliquer sa situation. Encore une fois, dépendamment de... du vécu de la personne, ça peut être difficile, ça peut être traumatisant de, chaque fois, devoir répéter à une nouvelle personne leur réalité quand ça a été fait auparavant et qu'ils ne comprennent pas nécessairement la réalité de la personne. Donc, on voudrait que, quand il y a une personne qui est attribuée pour faire de l'accompagnement individualisé, ce soit la même personne qui suit cette personne-là lors de leur parcours d'insertion à l'emploi.

Également, il faudrait que ces agents d'accompagnement aient une formation et une sensibilisation aux différentes réalités des différents groupes avec lesquels ils peuvent gérer, par exemple les personnes qui sortent de l'itinérance, une personne avec un handicap physique, une personne avec des enjeux de santé mentale, un trouble de spectre de l'autisme ou une déficience intellectuelle. Chacun de ces cas sont uniques, chacun de ces cas demande qu'une personne qui va être là pour les accompagner soit bien formée et mise au courant de leur réalité pour comprendre : peut-être qu'il ne faut pas aller trop vite, peut-être qu'il faut que je pose certaines questions, peut-être qu'il faut que, quand je vais aller pour l'insertion à l'emploi... que je comprenne vraiment les contraintes de la personne. Par exemple, une personne avec un trouble du spectre de l'autisme peut-être ne peut pas travailler dans un endroit où les lumières sont fortes, où il y a beaucoup de bruit. Il y a beaucoup d'enjeux de... sensoriels qui font en sorte qu'une personne n'a pas toujours les capacités de pouvoir intégrer un emploi ou un environnement comme tous les autres. Donc, il faudrait vraiment que les agents qui vont faire l'accompagnement individualisé reçoivent une formation en lien avec la population qu'ils vont accompagner, parce que, sinon, ça pourrait être un échec pour plusieurs.

• (11 h 30) •

Également, pour l'accompagnement individualisé, on ne voudrait pas qu'il y ait une durée qui soit... que les gens qui vont se faire accompagner aient une durée limitée pour leur accompagnement. Encore une fois, quand on pense aux personnes avec un trouble de spectre de l'autisme, ça peut super bien aller pour quelques semaines, quelques mois, puis soudain, tout d'un coup, il y a un changement, soit il y a un changement de personnel, soit il y a un changement d'environnement. La personne peut accéder à notre poste mais là ne comprend pas vraiment ou n'est pas... ne comprend pas ce qu'on lui demande, n'est pas bien encadrée, n'est pas bien accommodée. Donc, la durée de l'accompagnement, encore une fois, pour certaines personnes, ne devrait pas se limiter à une certaine durée mais devrait être là pour s'assurer que, le long du parcours de cette personne en intégration en emploi, s'ils en ont besoin, l'accompagneur sera toujours là pour les aider.

Une chose qui était préoccupante dans le projet de loi, c'est... malgré ce nouvel accompagnement individualisé, il n'y a aucune nouvelle embauche qui est prévue pour mieux accompagner les prestataires. Donc, on comprend que ça va être des gens de la Solidarité sociale et du dernier recours qui vont être combinés pour remplir ce rôle d'accompagnateur... d'accompagnement individualisé, mais pas certaine que c'est les personnes les mieux placées pour vraiment comprendre les réalités de personnes qui vont être accompagnées.

Il doit aussi y avoir une possibilité que l'emploi ne soit... que la personne va intégrer n'ait pas besoin d'être rempli à temps plein. Parce qu'encore une fois, dépendamment de la population, il y a des personnes qui n'ont tout simplement pas la capacité de travailler huit heures par jour, cinq jours par semaine, qui peut faire du temps partiel, qui peut faire quelques heures par journée, quelques heures par semaine. Encore une fois, si on veut que ça réussisse puis on veut que toutes ces personnes-là aient vraiment la chance d'intégrer un emploi, il faut comprendre leur réalité puis accommoder et ajuster ce qu'on va leur proposer en fonction de leurs capacités.

Et ce que je trouve une grande contradiction dans ce que propose ce projet de loi, qui est d'intégrer 50 000 personnes à l'emploi, le ministère de l'Emploi, cet été, a coupé de 5 % les contrats d'intégration au travail. Donc, les contrats d'intégration au travail sont mis en place entre le ministère de l'Emploi, une personne qui a un handicap, une incapacité, et une entreprise. Donc, le gouvernement payait jusqu'à 45 % du salaire de la personne pour encourager l'entrepreneur à les accueillir dans leur milieu. Par contre, il y a eu une coupure de 5 % cette année. Donc, d'un côté, on veut que les personnes avec un handicap soient davantage intégrées au marché du travail et, de l'autre côté, on coupe, justement, dans les programmes qui font en sorte que les employeurs vont vouloir les accueillir. Donc, il faudrait peut-être que la ministre parle avec sa collègue à l'Emploi, parce que c'est deux choses qui se contredisent totalement.

Également, on a la bonne foi des personnes sur la solidarité sociale qui veulent intégrer un emploi, mais il faut penser à bien sensibiliser et à accompagner les employeurs également. Ce n'est pas toujours évident, quand... trouver un employeur qui veut être jumelé avec une certaine personne qui a des contraintes ou dont on doit accommoder. 95 % des entreprises au Québec sont des PME, donc qui n'ont pas de département de ressources humaines, qui n'ont pas nécessairement le temps ou les ressources pour bien comprendre les réalités de chacun et pouvoir les accommoder, que ce soit une accessibilité pour une personne qui a un handicap physique, ou accommodement pour une personne qui a un trouble du spectre de l'autisme, ou une déficience intellectuelle. Donc, il faut vraiment s'assurer que les employeurs sont à l'heure, les employeurs comprennent la réalité des personnes qu'ils vont embaucher et qu'eux aussi soient accompagnés. Parce que s'ils doivent faire des accommodements pour l'accessibilité ou quoi que ce soit, bien, c'est ça, qu'ils soient accompagnés également pour le ministère pour qu'il puisse s'assurer que les mesures dont l'employeur doit mettre en place pour bien encadrer et accueillir cette personne-là le sont.

Donc, en conclusion, on trouve ça quand même malheureux qu'avec ce projet de loi on semble rater une nouvelle occasion de faire reculer la pauvreté et d'améliorer les conditions de vie des plus démunis, comme on l'a vu avec le manque d'investissement dans le plan de lutte contre la pauvreté. Pour que toute réforme soit véritablement efficace, elle doit s'appuyer sur l'expérience et les besoins des personnes qu'elle a aidées, et donc... qu'elle vise à aider. Et, oui, on a entendu plusieurs groupes, mais j'aurais voulu qu'il y ait plus de consultations préalables de la part de la ministre et du ministère avec les gens qui vont être directement touchés.

Donc, nous allons voter en faveur de l'adoption de principe de ce projet de loi, mais on espère que la ministre va être ouverte et à l'écoute à le faire bonifier des amendements qui ont été présentés dans les différents mémoires des consultations et que mes collègues feront... parce qu'à la fin de la journée on veut aider le plus de personnes possible à sortir d'une précarité financière, parce qu'on est tous des êtres humains et on se doit une dignité. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de D'Arcy-McGee. Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître la prochaine intervenante, et ce sera Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Désirée McGraw

Mme McGraw : Merci beaucoup, M. le Président. Juste m'installer. Parfait. Alors, à titre de porte-parole pour ma formation, l'opposition officielle, en matière de solidarité sociale, action communautaire et économie sociale, il me fait plaisir à mon tour de prendre la parole dans la cadre du discours sur l'adoption du principe du projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale.

Avant de partager mes commentaires, je tiens tout d'abord à saluer la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l'Action communautaire, les députés de la banquette ministérielle, la députée de Sherbrooke, le député de Jean-Talon, qui ont participé aux consultations particulières qui se sont complétées il y a deux semaines et avec qui je vais assurément collaborer durant toutes les prochaines étapes restantes du projet de loi. Je tiens aussi à saluer mes collègues de ma formation qui sont porte-parole en matière de plusieurs dossiers qui sont très reliés et impactés... sur le projet de loi, que ce soient les gens qui vivent l'itinérance, des enjeux de santé mentale, des familles qui vivent avec des enfants handicapés ou avec des déficiences, les femmes, les jeunes familles, etc.

Alors, avant de parler directement du projet de loi, j'aimerais prendre le temps d'expliquer un peu le contexte qui encadre ou qui entoure ce projet de loi. Il est important de rappeler, je tiens à rappeler, on ne va pas être surpris, que le Parti libéral du Québec a été à l'origine de deux réformes majeures de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, en 2016 et ensuite en 2018. Alors, ces réformes ont marqué des avancées significatives, M. le Président, pour améliorer le soutien aux personnes, aux membres les plus vulnérables de notre société.

Permettez-moi de souligner le programme de revenu de base qui a été une initiative libérale, mais, je tiens à le souligner, ça a été mis en vigueur par ce gouvernement en janvier 2023, et on tient à le souligner et à le saluer aussi. Alors, ce programme s'adresse à des personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi et qui sont persistantes, sinon permanentes, M. le Président. Ça permet d'avoir un revenu de base plus élevé. On peut même... Les gens qui participent à ce problème... à, pardon, ce programme-là peut gagner un peu plus d'argent s'ils ont la capacité de travailler sans que cela soit... modifie le montant de la prestation. Ils peuvent aussi disposer de plus de biens et de plus d'argent sans que la prestation soit diminuée.

Alors, on trouve que c'est un très bon programme. On aurait voulu voir le projet de loi aller plus dans cette direction, puis une des questions qu'on se pose, c'est que le pipeline, présentement, pour ce programme-là, qui est la solidarité sociale, il se trouve éliminé ou fusionné avec un autre programme. Donc, c'est une question qu'on soulève.

(11 h 40)

Il y a aussi, évidemment, le programme d'Objectif emploi, qui est aussi une initiative libérale introduite pour favoriser... Ça a été introduit en 2016 pour favoriser l'intégration des personnes en première demande d'aide sociale, et ce programme avait pour but d'offrir un soutien concret aux plus vulnérables afin de les aider à réintégrer le marché du travail et, par conséquent, à retrouver leur autonomie. Et, si la CAQ veut vraiment... si le gouvernement veut vraiment capitaliser sur cette initiative libérale, il est impératif de vraiment renforcer l'accompagnement. Il y a beaucoup de groupes qui ont parlé de ça.

C'est un objectif qui reste aujourd'hui au coeur de nos valeurs libérales, offrir à chaque personne une véritable chance de se relever. L'opposition officielle s'inquiète de la capacité du gouvernement à assurer un accompagnement de qualité pour tous les bénéficiaires, un élargissement qui est prévu par ce projet de loi, donc, on salue... on souligne et on salue, mais, sans un soutien adéquat, risque de n'être qu'une simple façade, une opération cosmétique qui pourrait échouer si les ressources nécessaires ne sont pas déployées pour répondre aux besoins spécifiques de chaque personne.

Le projet de loi n° 71 est en préparation active depuis deux ans. Il donne suite effectivement au plan... au quatrième plan d'action gouvernemental visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, les dates, de 2024 jusqu'en 2029. Malheureusement, je qualifie ce document... on qualifie ce document qu'il a été un plan d'inaction gouvernementale car il compte quatre fois moins, sans prendre en considération l'inflation... que le précédent plan du gouvernement libéral. Alors, c'est une question de financement. Ce n'est pas juste une question de volonté et de principe, mais il faut avoir les moyens pour mettre en oeuvre ces principes. D'ailleurs, ce plan a été annoncé en catimini par communiqué de presse le 21 juin dernier, soit le vendredi avant la longue fin de semaine de la Saint-Jean, la fête nationale du Québec. Et on sait, M. le Président, je suis désolée, c'est un vieux truc, en politique, quand on...

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Je pense que je sais où est-ce que vous allez. Le mot... Le mot «catimini» a été utilisé. C'est un mot qui n'est pas... qui est au lexique, alors je vais vous demander, s'il vous plaît, de le retirer.

Mme McGraw : Désolée. Je le retire.

Ça a été lancé par communiqué de presse le 21 juin dernier, le vendredi avant la fête nationale du Québec. Et on sait qu'en politique c'est un vieux truc, quand on ne veut pas que les gens s'en... en parlent, effectivement. Alors, c'est pourquoi il est important pour moi de souligner ces manquements dans ce plan depuis sa... dès sa publication. Et les organismes et les clientèles qui sont concernés l'ont certainement remarqué, le peu d'éléments dans le plan, ils ne l'ont pas trouvé trop drôle, ce lancement-là, on va dire.

En ce moment, au Québec, M. le Président, il y a une précarisation, donc le contexte... puis je pense qu'on est tous et toutes d'accord pour dire qu'il y a une précarisation de la situation financière de beaucoup de Québécois, telle qu'illustrée par le recours grandissant aux banques alimentaires. En effet, on le sait, 872 000 personnes, chaque mois, c'est-à-dire près de 10 % de la population québécoise, y ont recours. C'est énorme. Puis je pense que personne n'est fier de ça. Même si le gouvernement débourse des fonds, je pense, un 40 millions de dollars, c'est en mode réaction. On est d'accord pour dire que ça nous prend des mesures structurantes, dont cette réforme-là, justement.

Mais je me souviens bien, M. le Président, pendant les consultations, entre autres, le P.D.G. des Banques alimentaires du Québec, ils sont venus nous parler, et je retiens ce qu'il avait dit lorsqu'il a parlé de ces 872 000, un dixième de la population québécoise, au Québec, en tout cas, il a dit : On parle de cassure. Il a parlé de cassure dans notre système et dans notre société. C'est grave. Donc, on comprend qu'il y a une précarité alimentaire, financière pour trop, trop... beaucoup de Québécois, trop de Québécois.

Il faut ajouter aussi que le plan, le projet de loi, c'est une réforme largement à coût nul. Je l'ai dit pendant la période de questions, on déshabille Pierre pour habiller, mais à moitié, Paul. Je vais revenir là-dessus. Alors, c'est une réforme à coût nul, sans ajouter d'argent neuf, qui... ce qui crée une logique de gagnants et surtout de perdants, M. le Président. Le gouvernement fait des économies sur des populations vulnérables. Nous, les libéraux, on dit : Il faut créer de la... de la richesse pour la redistribuer, mais, si on ne crée pas de richesse, ça va être très difficile de la redistribuer. Mais, surtout, on ne fait pas des économies sur des populations vulnérables, M. le Président.

Comme par exemple, et on les a entendus, ils sont venus en commission, ils sont venus nous parler pendant les consultations, les jeunes familles, les jeunes familles monoparentales, les proches aidants et les parents avec des enfants qui vivent des handicaps ou des déficiences, les victimes de violence conjugale, ma collègue va vous en parler sous peu, entre autres. Et ces personnes, je le souligne... je tiens à le souligner, M. le Président, c'est des reculs importants dans le projet de loi et c'est... et, parmi ces groupes vulnérables, les femmes, les femmes sont surreprésentées. Et ma collègue va vous en parler longuement plus tard.

Alors, on n'oublie pas aussi le contexte du déficit budgétaire historique de 11 milliards de dollars, qui limite les possibilités d'aider les personnes les plus vulnérables. Évidemment, il y a également la crise du coût de la vie qui frappe tous les Québécois et toutes les Québécoises. Mais on est d'accord pour dire : C'est surtout, avant et surtout les personnes à faibles revenus qui vivent cette crise du coût de la vie de façon beaucoup plus prononcée. Enfin, on fait, collectivement... on vit aussi, on fait face à une pénurie de main-d'oeuvre et qui nécessite évidemment qu'on a plus de personnes sur le marché de travail. Donc, il faut prendre les moyens.

Alors, nous sommes, donc, tous, au Québec, devant un dilemme en vue de cette triple crise : déficitaire, coût de la vie, pénurie de la main-d'oeuvre, cette triple crise que je caractérise de socioéconomique, et l'on se demande vraiment comment assurer un filet social. Pas juste mode réaction, comme avec les banques alimentaires, mais en prévention, en diminution, le filet social qui est essentiel pour les gens en situation de précarité, malgré — je vais le dire, je suis désolée — l'état désastreux des finances et des services publics sous ce gouvernement.

M. le Président, le projet de loi, attendu depuis 2023 mais qui a été déposé le 11 septembre dernier, apporte des changements positifs aussi aux différents programmes de solidarité sociale. Alors, je tiens à en souligner, M. le Président, parce que c'est important de souligner les bons coups, puis on aimerait en voir plus, on va travailler de bonne foi là-dessus aussi. Alors, le texte, le texte ou... le projet de loi permettrait la mise en oeuvre de projets pilotes, on trouve ça très intéressant, pour expérimenter, pour innover des nouvelles approches dans les programmes d'assistance sociale afin d'améliorer leur efficacité, leur efficience, leurs impacts positifs. Et ces mesures doivent être ou devront être conçues pour simplifier et améliorer le système d'assistance sociale, tout en favorisant une inclusion plus large et une participation accrue des personnes en situation de précarité ou présentant des contraintes de santé ou autres contraintes à l'emploi.

(11 h 50)

En matière de lutte contre l'endettement, le projet introduit des mesures visant à réduire et à simplifier le recouvrement des dettes, notamment en offrant une réduction partielle des dettes, dans certains cas. Aussi, chaque membre adulte d'une famille recevra une prestation individuelle, modifiant ainsi la manière dont les aides étaient traditionnellement distribuées au sein des familles. La notion de vie maritale est également modifiée pour éviter que les personnes vivant ensemble en raison de limitations fonctionnelles ne soient considérées comme des conjoints. C'est un pas dans la bonne direction, M. le Président.

On favorise aussi de créer... on veut créer aussi, avec ce projet de loi, des plans individualisés pour la participation sociale et l'insertion, sinon l'inclusion, sociale et l'insertion en emploi pour les bénéficiaires qui le demandent. On se pose des questions là-dessus. Bonne idée, plans individualisés. Est-ce que ça va être vraiment personnalisé, humanisé et, surtout, beaucoup de personnes? Les personnes qui risquent d'être... de bénéficier le plus de ces plans individualisés sont souvent des personnes avec des cas très complexes, par exemple, les personnes qui vivent l'itinérance. Est-ce que ces personnes-là vont faire cette demande-là? Ou est-ce qu'on pourrait voir ça dans un aspect de droit de refus? Parce qu'on s'inquiète que les personnes qui pourraient vraiment bénéficier de cette approche individualisée ne seront pas au courant ou qu'ils ont peut-être, soit à cause de leurs expériences ici, ailleurs... ils ont peut-être une méfiance vis-à-vis de l'État. Ça fait que c'est quelque chose à regarder pour s'assurer que les plans individualisés, vraiment, aident les personnes... les personnes qui vivent de la précarité.

Je tiens aussi à souligner la création de réseaux régionaux d'accompagnement pour accompagner les bénéficiaires, mais on sait que beaucoup de groupes nous ont parlé de dédoublement, de coordination entre les ministères, entre les secteurs privés, publics, mais aussi communautaires, et aussi la composition, la coordination... la composition, éviter le dédoublement sur le terrain. On va y revenir.

Il faut aussi reconnaître, comme je dis, aussi l'idée... On retrouve d'autres avancées, par exemple, les suppléments pour les études. Ça, ça va dans la bonne direction. On a aussi entendu qu'il faut reconnaître d'autres diplomations, pas toujours juste des diplomations plus académiques, mais autres... d'autres ordres aussi. Et on souligne aussi le fait qu'avec la grossesse on voit que ça va juste... pas juste de 20 semaines de la grossesse, mais jusqu'à 18 semaines après la naissance. C'est une bonne chose, mais on ne peut pas le faire aux dépens des jeunes familles de 0,3, on va dire, jusqu'à cinq ans. Et on a entendu des groupes comme le collectif pour la petite enfance, qui s'inquiètent beaucoup, surtout les familles monoparentales qui sont souvent menées par des femmes.

Donc, voilà les aspects positifs, entre autres, et... Mais, quand même, on a le devoir, en tant qu'opposition officielle, de souligner aussi des enjeux où il y a du travail à faire.

Donc le projet fusionne. On avait regardé ça, au début, le fusionnement, on... dire : On va garder l'esprit ouvert, pour voir où ça s'en va, on va écouter les groupes, qu'est-ce qu'ils ont à dire. On comprend que l'idée du fusionnement, c'est dans... ça a été présenté comme simplifier le système. Et on veut s'assurer que... M. le Président, que ces intentions, ces bonnes intentions soient réalisées dans le projet de loi.

Et simplification, ça ne veut pas toujours dire humanisation. Ça peut aller dans le sens contraire. Donc, simplifier pour qui? Là, on parle d'un fusionnement des deux, Programme d'aide sociale et aussi le Programme de solidarité sociale, dans un seul programme qui sera intitulé le Programme d'aide financière de dernier recours, dans le but, comme je dis, de simplifier et d'harmoniser les services. Nous devrons nous assurer que cela simplifie vraiment l'accès au programme et facilite les différentes démarches des prestataires.

La fusion de programmes d'aide sociale et du programme de solidarité sociale, ce n'est pas nécessairement un positif. Ça peut être... même aller dans le négatif. Et on a encore écouté beaucoup de groupes là-dessus. On a des préoccupations, même des inquiétudes. En effet, les avantages que la... de cette soi-dite simplification ne sont pas clairs, tout à fait clairs. En réalité, on a l'impression que ce sera seulement plus simple pour les fonctionnaires, plutôt que les clientèles vulnérables. Alors, il faut s'assurer que la simplification vise toujours la personne et que ça vise, d'abord et avant tout, les populations vulnérables, les Québécois, les prestataires, les bénéficiaires. Simplifier pour eux autres.

On a assisté à une tendance, et je dois... je me dois de le soulever, M. le Président, parce qu'on a observé une tendance centralisatrice du gouvernement caquiste, sans nécessairement améliorer ni la qualité ni la quantité des services. Alors, on surveille ça de très près.

En matière de lutte contre l'endettement, j'ai déjà souligné les aspects positifs, le projet introduit des mesures visant à réduire et à simplifier les recouvrements de dettes, notamment en offrant une réduction partielle des dettes, dans certains cas. Donc, ça, c'est une bonne chose. Encore une fois, le diable sera dans les détails, et s'assurer que les bonnes intentions soient vraiment dans le projet de loi, éventuellement la loi, que ce soit... que ces bonnes intentions se réalisent concrètement.

Ma collègue l'avait déjà souligné, on retient le mot «règlement» 23 fois dans le projet de loi. Et c'est difficile, M. le Président, ça nuit à notre travail de législateurs, à notre travail en démocratie, si trop se fait par règlement, qui est aussi une tendance de ce gouvernement, mais sans même partager les intentions réglementaires, ce qui a été le cas la dernière fois, sous un gouvernement libéral, en 2016, avec le projet loi qui a été présenté par le ministre Blais, les intentions réglementaires faisaient partie de l'ensemble. Alors, on a demandé à la ministre en commission de déposer les intentions réglementaires. Ça va nous faciliter la tâche. Alors, je resouligne l'importance de bien faire notre travail de législateurs, de respecter le processus démocratique. Et les intentions réglementaires, parce que beaucoup n'est pas clair dans le projet de loi, ça va se faire par règlement. On a besoin de savoir c'est quoi, les intentions réglementaires.

Les gains de travail ne sont pas abordés dans ce projet loi. Il a été augmenté de 10 % par voie réglementaire. Nous avons demandé, dans un projet loi, projet de loi n° 693, que j'ai dépensé plus tôt cette année, on a demandé que le Programme de solidarité sociale s'inspire des éléments du Programme de revenu de base, notamment en ce qui concerne les gains de travail. On a demandé à ce que le programme de solidarité sociale permette aux prestataires d'avoir des revenus de travail annuels équivalents à ceux dont peuvent bénéficier les prestataires du programme de revenu de base, et ce, sans que sa prestation soit réduite. C'est la même clientèle, M. le Président. Les personnes qui reçoivent ou qui participent au programme de solidarité sociale, c'est des personnes avec des contraintes sévères mais temporaires, mais il y en a beaucoup qui deviennent des... On réalise, après les 72 mois, que c'est des contraintes permanentes.

Alors, pourquoi ces gens-là n'auraient pas accès à un calcul sur les gains de travail si une personne avec des capacités limitées est quand même capable d'aller chercher des revenus de plus? C'est gagnant pour la personne, c'est gagné... gagnant pour l'économie, c'est gagnant pour la société. Alors, nous, on aimerait que les gains de travail, inspirés par des éléments de l'excellent programme de revenu de base, se retrouvent dans ce projet de loi.

Le texte permet la mise en oeuvre de projets pilotes, comme j'ai souligné, pour expérimenter des nouvelles approches, et on va surveiller ça de très près. J'ai parlé de l'ancien ministre François Blais, l'ancien ministre du Travail et aussi la Solidarité sociale, il a proposé quatre projets pilotes. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais je pense que c'est très prometteur, ces projets pilotes, et on va... On est partie prenante pour ces projets pilotes. Je trouve ça très novatrice... très novateur de la part du gouvernement, et il faut s'assurer que les acteurs et les parties prenantes sont vraiment impliqués dans ces projets pilotes.

(12 heures)

J'ai souligné un recul au niveau de certains groupes. C'est un recul pour des groupes vulnérables et c'est une perte d'acquis pas pour les prestataires présentement, ça va... Il va y avoir comme des futures victimes, des futurs prestataires qui ne seront... qui ne deviendront pas nécessairement des prestataires, et je le souligne encore une fois, des familles, des jeunes familles, 0,3 à cinq ans, dont des familles monoparentales souvent menées par des femmes, des personnes victimes de violence conjugale en refuge, les parents, les proches aidants, les parents qui sont des proches aidants d'enfants avec des déficiences ou des handicaps, entre autres, des personnes âgées de 58 ans à 64 ans aussi.

Et, comme j'ai dit, M. le Président, les femmes sont surreprésentées dans toutes ces catégories. On aimerait voir, entre autres, une analyse différenciée selon les genres, c'est quoi, l'impact sur les femmes, et l'intersectionnalité aussi avec des groupes comme les peuples autochtones, entre autres. Une analyse de l'impact, pas juste de l'intention, mais de l'impact, sur ce projet loi, basée sur les genres, c'est la moindre des choses.

De plus, le projet de loi abolit des contraintes à l'emploi. Ça, c'est majeur. On remplace cette notion de contrainte à l'emploi... sur une notion plus restreinte. On parle de contraintes de santé à l'emploi. Donc, c'est une notion plus restreinte. En tout cas, presque tous les groupes ont parlé de ce changement-là qui est majeur, et quelques groupes ont été neutres. Je peux les compter sur une main. Tous les autres groupes et les mémoires ont été contre ce changement-là, donc, une notion plus restreinte qui ne tient pas compte de contraintes à l'emploi qui ne sont pas d'ordre de la santé.

Et, justement, ces groupes que j'ai mentionnés, ce n'est pas nécessairement des contraintes de santé, c'est des contraintes psychosociales, même des enjeux environnementaux. Quand je parle de l'environnement, je ne parle pas de la nature, je parle du marché du travail, de l'économie, de la pauvreté elle-même. On a entendu à maintes reprises : La pauvreté elle-même constitue... peut constituer une contrainte à l'emploi parce que ces gens qui vivent la précarité et la pauvreté passent beaucoup de leur temps à combler leurs besoins de base : nourriture, vêtements, logement. Ça prend beaucoup de leur temps. Donc, la pauvreté elle-même, c'est une contrainte à l'emploi, ça peut être une contrainte à l'emploi. On l'a entendu à maintes reprises pendant les consultations. Et, même s'il est vrai, puis c'est quelque chose qu'on souligne, il y a plus de professionnels dans le domaine de santé, et autres, qui vont pouvoir faire une évaluation, l'ensemble des contraintes est plus restreint. Ça, il faut le souligner.

On remarque également... La ministre, elle parle de... Le but, l'objectif, c'est d'humaniser le système. On va vers l'être humain, on va vers la personne. Encore une fois, très bonne intention qu'on partage, mais on s'inquiète qu'il y a une déshumanisation, une déshumanisation et même un manque d'accompagnement dans ce projet de loi.

Par exemple, on a entendu le Syndicat de la fonction publique et parapublique. Il n'y aurait plus des agents précis, ou assignés, ou même formés attitrés au dossier d'un bénéficiaire, qui va devoir répéter son parcours, souvent pénible et compliqué, à chaque fois qu'il va avoir un nouvel agent, à chaque fois. Pas de personne assignée, pas nécessairement formée. Ça fait que c'est très sérieux. Ça, ce n'est pas... Ce n'est pas humain, M. le Président.

De plus, il y a une hausse des prestations pour ceux qui se qualifient, malgré la crise du coût de la vie, qui frappe davantage... il n'y a aucune hausse, je devrais dire, il n'y a aucune hausse des prestations... qui frappe davantage les populations les plus démunies.

Donc, comme je dis, c'est une réforme à coût nul. C'est très difficile à défendre. On comprend qu'il y a des déficits. On comprend que le gouvernement n'a pas assez fait pour créer de la richesse et mettre l'emphase sur la productivité. Donc, côté revenus, c'est bien trop bas. Et on a eu des dépenses électoralistes pour des personnes qui n'avaient pas besoin de ce 500 $, 600 $. Ça fait qu'on est rendus dans une situation déficitaire, mais on ne peut pas faire des économies sur les plus vulnérables de la société. Ça, c'est le message pour le gouvernement, pas juste la ministre, parce que je ne doute pas que la ministre, elle a mis de l'avant ces arguments-là. Donc, ça relève du gouvernement.

Est-ce que la ministre, elle a eu l'appui du ministre des Finances et du premier ministre? Je ne pense pas, parce que, la ministre, je suis certaine qu'elle a fait valoir ces points, qu'on ne fait pas des économies sur les plus vulnérables. Alors, ça, ça relève du premier ministre...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : ...la première fois, mais là ça fait quelques fois que la députée en parle, elle prête des intentions, puis de situations qu'elle ne connaît pas, elle parle de situations qu'elle ne connaît pas. Donc, il faudrait faire attention lorsqu'on prête des intentions aux collègues.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Ce n'est pas ce que j'entends. Moi, je pense qu'il y a des droits d'opinions, aussi, politiques. Mais je vous invite à poursuivre, toujours avec la prudence. Mais ce n'est pas ce que j'entends.

Mme McGraw : Effectivement, c'est comme un compliment vis-à-vis la ministre, et de ses efforts, et de son engagement, mais il faut que ce soit partagé par l'ensemble du gouvernement.

Enfin, on observe un manque de coordination entre les trois secteurs visés. Il faut vraiment... C'est un projet de société. Si on veut que ce soit vraiment un projet de société... J'ai déjà entendu la ministre là-dessus, qu'elle veut que ce soit vraiment un projet de société, mais là ça prend la coordination des trois secteurs, c'est-à-dire privé, les employeurs, le secteur public, évidemment, et le secteur communautaire, qui sont sur le terrain et souvent qui desservent les populations les plus vulnérables, surtout pour... en complément avec les services publics. Alors, une meilleure coordination pour être plus efficace, accompagner les gens, mais aussi d'éviter le dédoublement, par exemple, dans les réseaux régionaux... pour les employeurs.

On a entendu la chambre de commerce, ils parlaient... ils s'inquiétaient de leur rôle. Est-ce qu'ils vont pouvoir être vraiment impliqués? Et, vraiment, je me souviens, on a même dit... La chambre de commerce, la Fédération des chambres de commerce, ils ont dit : La plupart des entreprises au Québec sont des petites et moyennes entreprises, ils ont souvent une très grande et bonne volonté, mais ils ont besoin eux-mêmes d'être accompagnés pour... dans l'accompagnement des personnes plus vulnérables, dans la réinsertion au travail et aussi le maintien au travail, parce que ce n'est pas toujours linéaire. On reprend un travail, mais, une fois là, on a besoin beaucoup... de beaucoup d'accompagnement. Et les entreprises, et surtout les petites et moyennes entreprises qui ont toute cette bonne volonté là, ils ont besoin de plus d'appui et d'accompagnement.

Alors, M. le Président, comme je dis, j'ai déjà souligné, je ne vais pas faire toute mon analyse de... peut-être, si j'ai le temps à la fin, de revenir sur les programmes d'aide sociale avant et après le projet de loi n° 71, mais je pense que le fait que les deux piliers, on va dire, c'est-à-dire le problème de revenu de base qui reste intact, et l'Objectif emploi qu'on essaie à élargir... Ça, c'est deux piliers que... je souligne, qui ont été des initiatives libérales mais mis de l'avant par ce gouvernement et bonifiés par ce gouvernement, qu'on souligne, qu'on salue. Eux autres restent en place, mais c'est le fusionnement des autres programmes. Et on a des inquiétudes, on a des inquiétudes suite... face à cette notion plus restreinte de contraintes de santé. On perd beaucoup de gens. On perd des... On perd des gens vulnérables, des groupes vulnérables. On ne peut pas faire des économies sur ces groupes-là.

Alors, lorsqu'on parle de coût nul et somme nulle, je vais juste prendre le moment d'expliquer. Et je me base sur le mémoire que la ministre, elle a envoyé au Conseil des ministres. Dans les tableaux financiers, alors, on a vu que les dépenses financières seront... 96 millions avec ce projet de loi, ce qui comprend à peu près 58 millions pour l'amélioration de l'évaluation de la nouvelle notion de contraintes de santé. C'est un coût qui s'associe... Mais, de plus, il y a environ... Et je devrais souligner que... millions de dollars, ça vient du presque 100 millions qui a été pour ces groupes vulnérables, jugés vulnérables, jugés avec des contraintes importantes mais pas nécessairement d'ordre santé et pas nécessairement permanentes.

Alors, tous ces groupes-là qui se retrouvent avec un accès à... un accès, on va dire, incertain, pour être... pour être positif, pour être... pour utiliser un mot, on va dire, plus généreux... Donc, ce 96 millions provient du 99,7 millions, je crois, presque le même montant. Alors, de ce montant-là, 58 millions pour l'amélioration... la soi-disant amélioration de l'évaluation de la nouvelle notion de la contrainte de santé, cette nouvelle notion plus restreinte, M. le Président.

De plus... Ensuite, environ 38 millions de mesures positives pour les bénéficiaires, dont l'accompagnement des prestataires. Donc, dans ça, un 12 560 000 $. Ensuite, des mesures concernant les dettes, là, 12,2 millions de dollars. L'élargissement de l'Objectif emploi, un 8 millions. Le supplément pour les études, encore une fois, une bonne chose, 2,6 millions de dollars. Et le versement individualisé... individuel, 1,4 million de dollars. Mais des économies d'à peu près 100 millions de dollars ont été... ou seront, je devrais dire, réalisées par la révision de la notion de contraintes à l'emploi à la notion de contraintes de santé, qui aurait l'effet de réduire ou même d'abolir les prestations pour certaines personnes, dont ces groupes vulnérables, tel que déjà mentionné, des femmes, des jeunes familles, souvent monoparentales, des victimes de violence conjugale, des proches aidants, des parents qui sont proches aidants pour des enfants avec des handicaps et/ou des déficiences, et les personnes âgées de 58 à 64 ans.

• (12 h 10) •

Alors, les consultations particulières, là, je prends le temps, on a... on a vraiment... Je pense que, l'ensemble de la députation, on a été, puis la ministre l'a souligné, très reconnaissants par tous ces groupes qui ont soumis des mémoires, qui se sont présentés en virtuel ou en présentiel pour nous rencontrer, pour nous parler, pour souligner les bons coups mais aussi leurs préoccupations, et je pense que tout le monde, on a très bien aimé, on a entendu, on a écouté, on a pris note.

Et, avec le temps qu'il me reste, je vais prendre le temps de citer et de souligner des éléments importants. Comme je dis, on avait plus de 41 mémoires, il y en a qui rentrent encore, mais une vingtaine de groupes qui sont venus en commission, en virtuel ou en présentiel, et je tiens, au nom de ma... au nom de ma formation, de les remercier à nouveau, l'ensemble de tous ces groupes, de ces organismes, de ces experts qui sont venus présenter, nous rencontrer pour partager leurs remarques, leurs commentaires et surtout leurs recommandations. C'est vraiment... Ça a été vraiment très inspirant et intéressant.

On a vu aussi des personnes avec de l'expérience vécue, M. le Président, l'expérience vécue en ce qui a trait à de la précarité, de la pauvreté, et ça, ça nous a... ça m'a, mais je pense que je n'étais pas la seule... nous a vraiment touchés. C'était très concret, M. le Président. C'était très concret, cette expérience vécue. Et moi, en tant que personne issue de privilèges, et une personne de privilèges, pas juste par mon poste en tant que députée, par définition, nous sommes des personnes privilégiées... mais, en tant que personne éduquée qui a... Moi, je n'ai jamais manqué pour rien ni mes enfants. Ça fait que je suis une personne issue du privilège. Puis c'est important d'écouter les gens qui ont une expérience vécue, parce que, si on est là pour appuyer ces gens-là, il faut les écouter.

Puis souvent ces gens-là, on a entendu, ils vivent beaucoup de préjugés. Ils vivent beaucoup de préjugés : C'est de leur faute, c'est de leur faute qu'ils vivent ça. Les gens qui vivent la précarité, la pauvreté, c'est souvent des histoires très complexes, souvent très pénibles. Personne ne veut vivre ça. La plupart du monde, qu'ils puissent travailler... ils veulent travailler, ils veulent gagner leur vie. Ça fait que je pense que les préjugés... Ça fait qu'en tout cas écouter ces personnes-là. Et aussi, dans mon travail de porte-parole, je suis souvent à l'encontre... dans des communautés et des groupes communautaires, des gens qui ont des vies pas faciles, et ça, ça devrait rester avec nous, ça devrait nous animer puis nous inspirer. Alors, je suis surtout reconnaissante pour ces gens qui ont partagé leurs parcours souvent très difficiles, même pénibles, qui sont venus nous rencontrer.

J'ai demandé à la ministre, pendant les consultations, j'ai dit, puisque beaucoup... qui est l'habitude avec ce gouvernement, en particulier, de faire beaucoup par règlement... Et la moindre des choses, c'est de présenter les intentions réglementaires, parce que sans ces intentions, c'est très difficile de faire notre travail de législateurs, de législatrices. On veut être de bonne foi, on veut bonifier le projet de loi, mais il faut savoir. Il y a des informations importantes qu'il nous manque, parce que beaucoup des éléments du projet de loi vont se faire par règlement. Puis, si on ne connaît pas les intentions, ça va être plus difficile pour nous d'accéder ou d'accepter certains changements. Ça fait que c'est la moindre des choses. On veut faire... On veut bien faire notre travail. Il faut qu'on soit éclairés. Il y a des précédents. Qu'on dépose des intentions réglementaires avec le projet de loi. Et on demande, encore une fois, à la ministre de déposer ces intentions réglementaires. Ça va juste nous aider à faire notre travail.

Et j'ai même, pour donner l'exemple ou souligner des précédents... j'ai même déposé en commission ce précédent, le précédent le plus récent et pertinent, les intentions réglementaires de l'époque, lorsque nous avons été au gouvernement, le gouvernement libéral, et que François Blais, le ministre, dans le temps, il avait d'ailleurs présenté ses propres commentaires. C'est le dernier, je pense, pendant les consultations. Et on est très contents que le gouvernement accepte... a accepté de l'inviter, parce que je pense qu'il a beaucoup de... beaucoup de connaissances, beaucoup d'expérience. Ça a été très utile. Je pense qu'il a été très objectif aussi. Mais lui, quand il était ministre, il a déposé les intentions réglementaires en lien avec des réformes aux projets de loi pertinents, ça fait que je resouligne.

De façon générale, les groupes représentant les organismes communautaires et issus du milieu de l'aide sociale se sont positionnés contre des éléments importants de la réforme, parce que ça enlève des acquis importants pour des groupes déjà vulnérables, sans apporter ni une hausse des prestations ni d'argent neuf. Dans l'ensemble, c'était ça, les critiques qu'ont faites la plupart de ces groupes-là.

Les organismes économiques et d'employabilité, main-d'oeuvre, etc., se sont limités, je pense, à commenter les mesures touchant l'accompagnement et l'insertion ainsi que le maintien en emploi et les projets pilotes, sans entrer vraiment dans le débat des prestations. En tout cas, c'est comme ça qu'on a vu ça.

Je veux juste commencer par souligner des points qui ont été amenés par Renaissance Québec. Je pense que c'était une vraie histoire de succès à travers le Québec. On a Renaissance Québec, à Notre-Dame-de-Grâce, et c'est vraiment incroyable. C'est vraiment l'exemple... un exemple extraordinaire de l'économie circulaire, M. le Président, de l'économie sociale aussi. Ça crée de la richesse. C'est aussi... Ça s'attaque aux enjeux sociaux, ça s'attaque aux enjeux environnementaux, parce qu'on réutilise les vêtements et les produits, etc., les biens, et ça intègre et ça maintient des gens, peut-être avec des parcours difficiles, en emploi. C'est vraiment ce qu'on appelle un triple bilan, environnemental, social et économique.

Alors, je commence avec Renaissance Québec. Je pense qu'on était très reconnaissants, tout le monde, tous et toutes, autour de la table, de leur participation. Ils ont été très constructifs. Alors, ils ont souligné l'importance de bien définir et reconnaître les contraintes sévères à l'emploi pour s'assurer que les personnes réellement incapables de travailler puissent continuer à bénéficier du soutien nécessaire sans pression inutile vers l'emploi s'ils n'ont pas la capacité. Et il faut toujours faire la distinction, M. le Président, entre capacité et volonté. Ces gens qui ont des capacités limitées, de façon temporaire ou permanente, d'ordre santé ou autres facteurs, ça, il faut vraiment respecter leur réalité.

Ils ont aussi souligné l'importance de l'accompagnement personnalisé. Ils ont insisté sur la nécessité d'un accompagnement adapté à chacune... à chaque bénéficiaire, en tenant compte des réalités sociales, économiques et de santé de ces personnes assistées. Ils ont souligné la valorisation du travail et des études : «Renaissance Québec estime que le projet de loi pourrait encourager davantage les bénéficiaires à retourner aux études et à s'insérer sur le marché du travail, notamment avec des incitatifs financiers mieux définis pour les formations diplômantes.» Ils ont souligné la simplification des démarches administratives. Ils appellent à une simplification des processus pour l'accès aux prestations afin de réduire les barrières administratives qui dissuadent certaines personnes d'obtenir le soutien auquel elles ont droit.

La Fédération des chambres de commerce du Québec, ils ont souligné l'importance d'éviter la duplication, le dédoublement des services : «La fédération s'inquiète de la création de nouvelles entités ou de consortiums pour l'accompagnement des bénéficiaires et recommande de collaborer avec les structures existantes, notamment le ministère de l'Emploi, pour éviter la redondance des services.»

Maintien en emploi. Ils estiment que «le projet de loi se concentre trop sur l'intégration en emploi et néglige l'accompagnement nécessaire après l'embauche pour assurer la stabilité des bénéficiaires» dans les nouveaux... dans leurs nouveaux postes. Je pense que... Juste pour corriger, je pense que, non, on accompagne les gens, c'est clair, je ne pense pas qu'il y a une question de négliger l'accompagnement, mais d'ajouter, d'aller au-delà de l'accompagnement dans l'insertion, mais vraiment la stabilisation au travail, le maintien au travail.

• (12 h 20) •

En ce qui concerne le soutien aux employeurs, la fédération souligne que les employeurs, en particulier les PME, ont besoin, comme je dis, de soutien pour intégrer et maintenir en emploi les bénéficiaires des programmes d'assistance sociale. Le projet de loi ne prévoit pas suffisamment de ressources pour aider ces entreprises dans cette tâche essentielle si on veut avoir du succès, mettre vraiment en place les conditions gagnantes pour accompagner l'insertion mais aussi le maintien au travail.

Formation et persévérance scolaire. Bien que le projet de loi introduise une prime à la diplomation pour les études secondaires, la fédération insiste sur l'importance de soutenir également les formations postsecondaires et de courte durée et recommande de maintenir les prestations pour ces formations et d'attribuer une prime à la réussite des formations, même si elles ne mènent pas à un diplôme.

Programme d'Objectif emploi. La fédération note positivement la suppression de la restriction sur l'accompagnement personnalisé à la première demande d'aide mais demande que la formation et l'accompagnement deviennent obligatoires pour les bénéficiaires sans contrainte sévère de santé.

L'Alliance québécoise de regroupements régionaux, ils se préoccupent du changement de terminologie concernant les contraintes sévères. Le passage de contraintes sévères à l'emploi aux contraintes sévères de santé, tel que j'ai déjà souligné, c'est perçu comme un recul, car il pourrait restreindre la reconnaissance de la participation sociale de... par exemple, les personnes handicapées.

Absence de bonification du Programme de revenu de base. Il y a beaucoup de groupes qui ont parlé du fait que le Programme de revenu de base demeure statu quo, et je pense que ce serait important et très utile que le gouvernement analyse l'impact financier, évidemment, social et économique de bonifier le Programme de revenu de base, comme a été l'intention originale, tel que confirmé par François Blais, plus en ligne avec le MPC. Quels seraient les impacts financiers et socioéconomiques de cette bonification, parce qu'il y a beaucoup de groupes qui l'ont demandé, sur l'ensemble des prestations? Bien, peut-être, pourquoi ne pas commencer avec le Programme de revenu de base? Cette analyse-là s'impose, je pense.

Retrait des enfants... des parents d'enfants handicapés des contraintes temporaires, j'ai déjà souligné, souvent, c'est une grande préoccupation. Ça peut vraiment nuire à des familles très vulnérables.

En ce qui a trait à des participations à des activités d'emploi, bien que la prestation de base soit augmentée par ceux ayant des contraintes sévères, l'alliance craint que cela s'accompagne d'une pression excessive pour participer à des activités de préparation, d'insertion et de maintien en emploi même pour ceux qui sont dans l'impossibilité de travailler. Encore une fois, on fait la distinction entre capacité et volonté.

Carrefours de... Réseau des carrefours jeunesse-emploi, à Notre-Dame-de-Grâce, ça existe depuis 40 ans, c'est une institution. C'est un organisme très bien ancré dans notre communauté et sur l'ensemble du Québec. Il y avait beaucoup de recommandations, M. le Président. J'en souligne quelques-unes.

Alors, encore une fois, revoir le concept de contraintes à l'emploi, le passage de contraintes en santé. C'est important de mieux comprendre ce changement-là. Puis il faut reconnaître les contraintes psychosociales dans un contexte de crise de santé mentale, et ils parlent, dans ce contexte-là, de chez les jeunes en particulier, cette crise de santé mentale.

Élargissement des professionnels habilités à émettre des diagnostics, encore une fois, c'est une bonne chose. Ça permettrait à d'autres professionnels de la santé, tels que les travailleurs sociaux, d'évaluer les contraintes des personnes, ce qui réduirait peut-être, on l'espère, la bureaucratie et permettrait une meilleure flexibilité dans l'attribution des aides sociales. Mais, encore une fois, si on restreint les contraintes d'emploi à juste des contraintes de santé, ça, ça va dans l'autre direction. Donc, il faudrait aller dans la même direction.

L'élimination de la contribution parentale pour les jeunes adultes. Alors, la suppression de cette contribution, notamment pour les jeunes adultes sortant de centres jeunesse, est perçue comme une mesure importante pour réduire l'instabilité résidentielle et élargir leur admissibilité à l'aide sociale.

Au niveau de l'individualisation des chèques pour les couples, on le souligne, c'est une mesure qui permet de favoriser l'autonomie des personnes, de réduire la dépendance économique, même si le montant ne change pas. Ça, c'est une autre discussion. Puis, encore une fois, je pense que ce serait important de demander au gouvernement de faire l'analyse de l'impact, justement, non seulement de deux chèques, ça fait que ça, c'est une avancée qu'il y a deux chèques, puis, des fois, des relations de pouvoir entre des personnes dans un couple, qui, souvent, désavantagent les femmes. Donc, on souligne et on salue cet... le fait qu'il va y avoir, on va dire, deux chèques, donc, individualisés, mais quel est l'impact économique, social d'aller encore plus loin et de regarder les contributions ou les allocations, même?

Diminution des conséquences des erreurs de bonne foi. Le projet de loi propose de revenir... de revoir la notion de fausse déclaration pour que le caractère intentionnel soit clairement démontré, réduisant aussi les pénalités en cas d'erreur non intentionnelle. Donc, encore une fois, l'intention est importante, l'intention dans le projet loi, mais aussi l'intention sur des erreurs qui ont été intentionnelles ou non, de vraiment clarifier... de clarifier et de peut-être revoir cette notion-là de fausse déclaration.

On souligne, on salue... Il salue, le carrefour, la valorisation du retour aux études avec des primes. Le projet propose ce supplément pour les études. Le montant des incitatifs n'est pas encore connu. Peut-être que ça va se faire par règlement. Encore une fois, on aimerait savoir quelles sont les intentions réglementaires.

Il souligne aussi l'élargissement du programme Objectif emploi, qui serait ouvert aux personnes réitérant une demande d'aide sociale, ce qui permettrait un accompagnement personnalisé pour travailler, faciliter la réinsertion sur le marché du travail.

Je vais aussi prendre le temps de souligner la... bon, le Syndicat de la fonction publique, qui nous a dit que... Bon, ils ont parlé des prestations, des pièges à la pauvreté : «Plusieurs aspects du projet de loi, tels que la limitation des revenus d'emploi permis et la possession d'une somme maximale avant d'avoir l'accès à l'aide sociale, sont perçus comme des pièges à la pauvreté qui empêchent des bénéficiaires d'améliorer leur situation financière à moyen et à long terme.» Mais ils ont surtout souligné le fait que, bien, justement, c'est en... on parle d'humanisation, avec ce projet de loi, mais que les agents qui sont formés, donc, c'est des fonctionnaires, c'est des fonctionnaires de la fonction publique et parapublique. Ils sont fiers de leur formation, d'accompagner ces gens-là, puis il y a un impact non seulement sur les bénéficiaires, mais sur les agents qui, normalement, accompagnaient, qui sont attitrés, qui ne peuvent plus suivre des cas pénibles, des cas complexes, que ces gens vont avoir à réexpliquer à chaque fois. Donc, c'est vraiment quelque chose à revoir, M. le Président, que ce soit une relation humaine, surtout pour le bénéficiaire, mais aussi pour l'agent qui accompagne, normalement, dans le passé, formé, attitré... accompagne cette personne-là.

Ils ont souligné aussi, le syndicat, la contrainte de santé qui remplace la contrainte à l'emploi ou une notion plus restreinte. Ils ont même déploré ce remplacement-là parce qu'on réduit l'accès à des prestations supplémentaires pour certaines... ou des personnes vulnérables. Ils ont souligné les personnes plus âgées, les parents de jeunes enfants, les personnes fuyant la violence conjugale, les personnes... les parents qui sont proches aidants pour des jeunes... des enfants avec des handicaps et/ou des déficiences.

Ils ont aussi souligné l'enjeu de la sous-traitance et externalisation des services : «Le syndicat s'inquiète de l'augmentation de la sous-traitance des services d'employabilité, qui nuit à la cohérence et à la qualité des services offerts.» Ils appellent à un renforcement du rôle des agents d'aide à l'emploi dans la gestion des parcours des bénéficiaires.

Je ne peux pas ne pas parler, je ne peux pas ne pas souligner Centraide du Grand Montréal qui sont venus nous voir, et ils ont parlé beaucoup de la mesure de la pauvreté. Ils remettent en question la mesure actuelle de la pauvreté basée sur le MPC, et soulignent que cette méthode sous-estime le nombre de personnes vivant dans une grande précarité, et recommandent l'utilisation d'indicateurs plus représentatifs que la mesure de revenu viable ou l'indice de privation. Mais, même là, M. le Président, on demande au gouvernement de faire l'analyse de l'impact de bonifier les allocations avec le MPC et peut-être aller encore plus loin, quels seraient les impacts financiers, économiques, sociaux, etc., des autres indices, des autres indicateurs, pour avoir des bonnes informations, des données pour pouvoir prendre des décisions éclairées.

• (12 h 30) •

Ils ont parlé aussi de l'accompagnement personnalisé que le projet loi met en avant, l'importance de l'accompagnement : «Centraide insiste sur la nécessité de définir une posture d'accompagnement respectueuse des besoins des personnes vulnérables et recommande également une formation adaptée pour les intervenants en lien avec les réalités des personnes en situation de pauvreté.»

Ils ont aussi parlé de la contrainte environnementale. Ça va même au loin des contraintes psychosociales. Ils parlent de... «Les personnes prestataires de l'aide sociale seront souvent confrontées à des contraintes structurelles sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle, comme l'accès limité aux services de santé mentale, aux formations ou le manque de transport pour accéder à des services.»

Puis il y a d'autres groupes qui parlent des enjeux environnementaux comme l'économie, le marché du travail. Donc, il y a des facteurs structurels, c'est vraiment au-delà du contrôle du prestataire, et ça représente des vraies contraintes à l'emploi. Donc, on ne prône pas une approche... une notion restreinte mais une approche élargie de cette notion de contrainte à l'emploi.

En termes des réseaux régionaux, ils voient ça d'un oeil positif, mais ils veulent s'assurer que les personnes qui participent... premièrement, l'inclusion des personnes prestataires dans ces réseaux ainsi que les représentants des organismes communautaires et du secteur de l'emploi... ils insistent sur l'importance que ces réseaux aient un réel pouvoir pour lever des contraintes empêchant les prestataires de progresser. Je trouve ça très intéressant.

Et là je vois que le temps file, M. le Président, et mes collègues qui vont souligner les enjeux et les préoccupations de groupes vulnérables, de groupes... et surtout de groupes vulnérables qui vont perdre des acquis pour lesquels ça représente... le projet de loi représente un vrai recul, mais, en conclusion, M. le Président, je tiens à souligner que nous allons voter... nous allons être pour l'adoption du principe de ce projet de loi. On trouve que c'est important de participer de bonne foi, de bonifier ce projet de loi. Évidemment, on a souligné des enjeux importants, on a souligné des aspects positifs, mais il y a des aspects à vraiment travailler, qui représentent des vrais reculs. Et on veut que ce projet de loi soit... va dans la bonne direction, c'est-à-dire le progrès, et non le recul, surtout, comme j'ai dit au début, dans un contexte de crise du coût de la vie. Les gens... un Québécois ou une personne au Québec sur 10 se retrouve en ligne des banques alimentaires. Le P.D.G. parle de cassure du système. Ça fait qu'il faut prendre en considération toutes ces... et faire des économies sur ces groupes vulnérables, sur les plus vulnérables et les plus démunis, ce n'est pas la solution, ce n'est pas la solution, M. le Président, on est d'accord pour dire ça. On crée de la richesse pour pouvoir la redistribuer, et c'est une question de justice sociale.

Alors, nous allons, comme je dis, voter en faveur de l'adoption du projet de loi qui a été déposé par la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l'Action communautaire. Ça répond à un besoin important de réviser la Loi de l'aide aux personnes et aux familles, nécessaire pour moderniser et adapter le cadre législatif aux réalités actuelles. Nous nous engageons à travailler de manière collaborative pour élaborer une législation qui favorisera les personnes les plus vulnérables et qui sera aussi bénéfique pour l'ensemble de la société. C'est un projet de loi qui répond à un besoin important, comme je dis, et nous devons... mais nous ne pouvons pas faire une réforme à coût nul, c'est une contradiction. Et surtout on ne peut pas faire une réforme à coût nul sur le dos des plus vulnérables et des plus démunis de notre société. Ça ne représente pas les valeurs québécoises. Ce n'est pas notre façon, sur l'ensemble des formations... ce n'est pas notre approche, au Québec. On s'occupe de notre monde. Il faut renforcer le filet social, il faut prendre des mesures structurantes et ne pas être tout le temps en mode réaction, avec, par exemple, les banques alimentaires, qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts non plus, ces groupes-là et le secteur communautaire qui fait face à une tempête parfaite, c'est-à-dire une demande explosée pour leurs services, en complément aux services publics, qui arrivent aussi... c'est très difficile au niveau des services publics, et aussi manque de financement, manque de personnel, manque d'espaces adéquats et abordables. Donc, tout ça, il faut avoir une vue d'ensemble et travailler ensemble dans la bonne direction, et, comme ça, on va travailler de façon concrète, constructive pour bonifier ce projet de loi. Les Québécois et les Québécoises s'attendent à ce qu'on travaille ensemble pour régler ces enjeux-là et vraiment souligner la justice sociale pour tous les Québécois. Ça, c'est des valeurs québécoises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Et maintenant, pour la prochaine intervention, je reconnais Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Je vais commencer mon allocution par un remerciement. Je sais qu'on se fait des fois dire par le gouvernement : Vous ne nous remerciez pas pour ce qu'on fait, assez, donc je vais remercier la ministre pour cette sensibilité nouvelle, je dirais, dans son projet de loi, sur la dimension psychosociale des personnes qui se retrouvent dans une situation de précarité, et l'ouverture qu'il y a à permettre à plus de professionnels de reconnaître certaines contraintes que les gens vivent, qui les empêchent de retourner sur le marché du travail. Je pense que c'est la bonne chose à faire et je suis contente de voir ça dans le projet de loi. Donc, on appuie certainement cette orientation-là. Il était temps, je dois dire, qu'on change de paradigme là-dessus.

Je vois cependant une certaine contradiction entre cette volonté de prendre en considération les contraintes de nature psychosociale et le fait qu'à l'article 25 du projet de loi il y a une perte de reconnaissance de contraintes temporaires à l'emploi qui sont essentiellement de nature sociale. Je pense, par exemple, aux personnes qui sont parents d'un enfant en bas âge qui n'ont souvent pas accès aux places en service de garde. Ça, c'est une contrainte sociale. Je pense aux proches aidants, parents d'enfants handicapés, des personnes que, s'ils ne vont pas travailler, bien, ce n'est pas par mauvaise volonté, c'est parce que l'accès aux services n'est pas suffisant pour leur permettre de prendre en charge leur enfant, parfois devenu adulte, autrement. Donc, ça devient des contraintes, pour moi, qui sont de nature sociale.

Je pense aux personnes victimes de violence conjugale. Ce sont des personnes qui, en ce moment, vont perdre une mention dans la loi. Il y a une reconnaissance pour eux et elles, surtout des femmes, par ailleurs, de leurs contraintes pour retourner sur le marché du travail, et ce sont des contraintes qui cadrent pourtant tout à fait avec l'orientation de la ministre de prendre en compte, là, tout ce qui est plus psychosocial plutôt que la santé, ce qui me fait croire, en fait, que l'économie que la ministre pense faire avec ça, elle n'aura peut-être pas lieu. Simplement le chemin que ces personnes-là vont devoir prendre pour se faire reconnaître une contrainte, en passant par la paperasse et un professionnel, va être plus long que si on leur reconnaît formellement que, dans cette situation-là, eh bien, il y en a une, contrainte, et puis on le reconnaît d'emblée, et puis on leur donne le surplus à la prestation.

Donc là, on risque d'avoir des gens qui ne sont pas en mesure de travailler pour des vraies raisons, par exemple avoir sous sa responsabilité une personne handicapée, ces gens-là vont devoir suivre le processus et attendre les délais de traitement de leur demande pour éventuellement se faire reconnaître qu'ils ont une contrainte de nature psychosociale.

Donc, je questionne l'efficacité de cette mesure-là. Ça va faire en sorte que des milliers de personnes, parce que c'est ça, les chiffres, là, c'est ça, le nombre de personnes concernées en ce moment par ces mesures-là, des milliers de personnes vont devoir entreprendre des démarches auprès de professionnels. Bien sûr, ce ne sera plus seulement les médecins, mais les autres professionnels sont aussi difficiles à rencontrer. Et je dirais ça comme ça, hein, ce n'est pas plus facile de rencontrer un psychologue ou un travailleur social qu'un médecin dans le réseau de la santé, actuellement. Donc, on a des gens qui vont devoir faire la file pour avoir un rendez-vous auprès de ces personnes-là puis attendre que leur demande soit traitée pour peut-être éventuellement se retrouver avec la reconnaissance d'une contrainte, comme c'était le cas avant, mais ça aura été plus long, ça aura requis un professionnel de la santé, ça aura requis plus d'analyses d'un fonctionnaire du ministère de la Solidarité sociale pour, au final, le même résultat. Je ne vois pas l'économie à faire, ni en ressources, ni en temps, ni en prestations.

Donc, je questionne ça beaucoup et j'espère qu'on va pouvoir formaliser, finalement, une procédure plus simple pour ces personnes-là, pour s'assurer qu'elles ont ce qu'il faut pour vivre sans leur complexifier la vie, qui est déjà passablement lourde.

Par ailleurs, dans le projet de loi, le problème fondamental, c'est qu'on ne change pas de paradigme par rapport à ce qui est en place depuis qu'on a créé l'aide sociale, en fait. Depuis des décennies, ce qu'on a vu, c'est des gouvernements de différents partis qui se sont succédé puis qui ont dit : Bien, on veut sortir les gens de l'aide sociale, on veut qu'ils retournent travailler, et donc on va s'assurer de leur maintenir des prestations aussi basses possible, parce que ça va être un incitatif à retourner travailler. Plus ils sont pauvres, plus ils vont avoir le goût de retourner travailler. C'est ça, là, essentiellement, si on veut résumer les politiques en matière de solidarité sociale depuis des décennies. Bon, ça n'a pas donné les résultats qu'on souhaitait, de toute évidence. Il y a effectivement, au fil du temps, des gens qui sont retournés sur le marché du travail, mais, quand on pense aux gens qui ont des contraintes qui les empêchent de retourner travailler, ces personnes-là, ce n'est pas parce que tu les rends plus pauvres qu'ils vont retourner travailler. Ils ne sont quand même pas capables d'y aller pour toutes sortes de raisons. Des fois, c'est des troubles de santé mentale, des dépendances, une contrainte de vie, parfois de santé, donc, ça, c'est quelque chose qu'on va continuer de nourrir comme problématique.

• (12 h 40) •

Les gens qui sont dans une extrême précarité financière, ils ne sont pas en mesure de retourner travailler, et c'est ce que nous ont dit les différents groupes qui sont venus en commission parlementaire, ils nous ont dit : À un certain point, la précarité financière devient en soi un obstacle à retourner sur le marché du travail. C'est, pour bien des gens, la cause de leur incapacité à retourner travailler. Ils sont dans une telle précarité que ça devient une job à temps plein de réussir à se nourrir au moins une fois par jour, j'oserais dire, parce que plusieurs d'entre eux ne réussissent pas trois fois par jour. Ils sont dans une telle précarité que se déplacer, se vêtir, tout ce que ça prend pour chercher un travail, ils ne sont pas en mesure de le faire parce que ça leur prend un temps fou, réussir à rassembler ce que ça prend pour couvrir leurs besoins de base avec une prestation aussi basse que 807 $ par mois.

Donc, moi, j'aimerais voir un changement de paradigme là-dessus. J'aimerais qu'on se rende compte que cette stratégie ne donne pas les résultats escomptés. On l'a essayé souvent, il est temps de sortir de ça. Il y a une crise sociale importante au Québec en ce moment. Il n'y a jamais eu autant de gens en situation d'itinérance, notamment. Il me semble que c'est le temps d'essayer autre chose pour sortir les gens de la pauvreté. J'aimerais voir une démarche pour essayer de fournir à ces personnes-là ce que ça prend pour vivre et voir si ça fonctionne, de leur permettre de se réinsérer socialement, de s'en trouver un, travail, puis de commencer à aller mieux, parce qu'il y a des gens qui développent des problèmes de santé physique et mentale à cause de la pauvreté dans laquelle on les plonge, et, moi, ça, ça me préoccupe. Je trouve qu'on se tire dans le pied comme société en faisant ça. Bien sûr, ça représente des coûts, de s'assurer que notre filet social offre des prestations à la hauteur, là, des besoins... de couvrir les besoins de base, mais ça représente des coûts phénoménaux aussi de maintenir ces gens-là dans un tel niveau de précarité où ils développent des problèmes de santé, où ils vont devoir consommer des médicaments, où ils vont parfois se retrouver en situation d'itinérance. On devrait questionner tous les effets collatéraux aussi, notamment financiers, de maintenir des gens dans la précarité. Puis on pourrait aussi parler des effets qui sont peut-être plus difficiles à chiffrer, mais sur la réussite scolaire, là, des enfants qui sont concernés par ces situations de pauvreté là. Ça, c'est des coûts sociaux aussi, le décrochage scolaire, qui sont énormes, et une partie du décrochage scolaire vient de la précarité dans laquelle certains enfants sont plongés.

Donc, moi, je vais voter en faveur du projet de loi, je pense qu'il y a des éléments intéressants là-dedans, je vois une volonté d'aider davantage les gens dans le projet de loi, mais j'aimerais voir une ouverture à ce qu'on élargisse l'accès au Programme de revenu de base, à ce qu'on joue sur le montant des prestations qui sont offertes aux personnes en situation de précarité, parce que, de toute évidence, après des décennies de tentatives répétées, ce n'est pas d'appauvrir les gens qui les renvoie sur le marché du travail, ça ne fait qu'accentuer d'autres problèmes sociaux, puis ça va être un autre ministère qui va payer au final. Au lieu d'être le ministère de la Solidarité sociale, c'est d'autres ministères qui vont se retrouver avec cette facture-là : ministère de la Santé, ministère des Services sociaux, ministère de l'Éducation. Donc, je pense que c'est le temps d'essayer autre chose. J'espère que la ministre va vouloir le faire et qu'elle aura l'appui de son Conseil des ministres, notamment du ministre des Finances, pour essayer une nouvelle stratégie pour sortir les gens de la pauvreté. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Sherbrooke. Alors, pour la prochaine intervention, je reconnais Mme la députée de Robert-Baldwin.

Mme Brigitte B. Garceau

Mme Garceau : Merci, M. le Président. Donc, à mon tour, suite à mes deux collègues, de faire mon intervention concernant l'adoption du principe du projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale, un projet de loi, M. le Président, bien attendu, compte tenu, essentiellement, du contexte économique de plus en plus précaire qui subissent... que subissent des milliers de Québécois et de Québécoises. N'oublions pas que cette réforme devait, à l'origine, être déposée l'an dernier. Le projet de loi établit un nouveau programme d'assistance sociale, soit le programme d'aide financière et de dernier recours, qui regroupe les prestataires de deux programmes actuels : le Programme d'aide sociale et le Programme de solidarité sociale.

La ministre a mentionné, lors de l'annonce du projet de loi, qu'on propose de passer d'un régime punitif à un régime plus humain et plus simple. En tant que porte-parole pour l'opposition officielle en matière de condition féminine — bon, là, un instant, j'ai encore... ah! voilà — et le suivi du rapport Rebâtir la confiance, j'ai été interpelée par les groupes de femmes qui ont déposé des mémoires et qui ont participé aux récentes consultations particulières. Il va sans dire que les propos, les préoccupations, les arguments exprimés par ces groupes démontrent clairement et sans équivoque que certaines modifications proposées par le gouvernement vont à l'encontre des objectifs visés. C'est un régime, d'une certaine façon, moins humain et plus compliqué pour des milliers de femmes déjà fragilisées par des conditions socioéconomiques précaires et celles qui sont victimes de violence conjugale.

Ainsi, M. le Président, je vais prendre mon temps de parole aujourd'hui pour réitérer certains arguments avancés par ces groupes, lesquels j'appuie puisqu'ils sont très significatifs et tout à fait légitimes. Et tout d'abord je tiens à remercier le Conseil du statut de la femme, la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes et la Fédération des femmes du Québec pour leurs interventions. D'ailleurs, je tiens à souligner que le mémoire préparé par la Fédération des femmes du Québec est appuyé par 13 groupes, M. le Président, groupes de femmes qui ont à coeur la défense des droits des femmes et aussi de favoriser le développement de la pleine autonomie de toutes les femmes, et je dois les nommer, M. le Président, parce que ça représente vraiment un front commun, là, au Québec, des femmes qui sont interpelées par ce projet de loi et surtout, on va se le dire, certaines lacunes : la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec, L'R des centres de femmes du Québec, Front commun des personnes assistées sociales du Québec, Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, Regroupement naissances respectées, Mouvement pour l'autonomie dans l'enfantement, Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale, Action Femmes et handicap, Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec et l'Association nationale Femmes de Droit. Et donc je vais miser mon intervention, M. le Président, sur trois éléments du projet de loi n° 71.

Premièrement, en ce qui a trait... et ma collègue la députée de Notre-Dame-de-Grâce l'a mentionné, il n'y a eu aucune augmentation des prestations d'assistance sociale, et ce, peu importe le programme, maintenant ainsi les bénéficiaires sous le seuil de la pauvreté. Pensez-y, là, en 2024, on tente de s'occuper de notre monde et on a un projet de loi, en ce moment, qui va faire en sorte qu'on ne pourra pas les sortir de la pauvreté.

Rappelons qu'au Québec les personnes assistées sociales disposent de revenus nettement insuffisants pour couvrir leurs besoins de base tels que définis par la Mesure du panier de consommation. L'absence d'augmentation des prestations représente un recul significatif. En effet, un bon nombre de personnes seront maintenues dans une situation d'insécurité financière chronique, ce qui va à l'encontre des objectifs d'autonomie économique et sociale de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Ces reculs affectent particulièrement les femmes cheffes de familles monoparentales, les femmes ayant un enfant en bas âge ou qui ont un enfant en situation de handicap, tout comme les proches aidantes et aussi les femmes victimes de violence conjugale.

• (12 h 50) •

Et non seulement est-ce qu'il n'y a pas, M. le Président, d'augmentation des prestations qui permettrait aux femmes assistées sociales de vivre décemment et d'améliorer leurs conditions de vie dans un contexte socioéconomique extrêmement difficile, mais c'est la suppression des prestations pour contraintes temporaires à l'emploi pour les groupes visés par les paragraphes 3° à 9° de l'article 53 de la loi actuelle que les groupes de femmes ont mentionné qui était déplorable : on parle des personnes âgées de 58 ans et plus, on parle des parents avec... ayant la garde d'un enfant en bas âge, on parle des personnes ayant à leur charge un enfant handicapé, on parle des proches aidantes, on parle des personnes responsables d'une ressource de type familial ou d'un foyer d'accueil et on parle des femmes hébergées en maison d'hébergement pour violence conjugale.

Il n'y a aucun motif, M. le Président, qui justifie cette modification majeure, et c'est fondamental de rétablir l'accès automatique de ces groupes à l'allocation supplémentaire. Et j'ose croire que, lors de l'étude détaillée, on va retrouver une modification pour rétablir ce point excessivement important.

Le Conseil du statut de la femme présente dans son mémoire un portait de statistiques alarmantes concernant ces groupes, et je voulais en mentionner quelques-unes. En juin 2024, 38 % des femmes prestataires de l'aide sociale étaient ainsi reconnues comme ayant des contraintes temporaires à l'emploi selon les données du ministère de l'Emploi et de la Solidarité et recevaient donc une allocation supplémentaire de 161 $ par mois. En juin 2024, près de 20 000 prestataires de l'aide sociale sont des cheffes de familles monoparentales. Pourtant, ces femmes doivent assumer seules les dépenses familiales, et leur intégration au marché du travail est complexifiée par les enjeux de conciliation travail-famille qu'elles rencontrent, particulièrement dans le contexte, comme l'a mentionné ma collègue, de pénurie de places en service de garde.

Aussi, en juin 2024, plus de 14 000 femmes prestataires de l'aide sociale sont âgées de 58 ans ou plus. Cette situation risque d'appauvrir ces femmes qui sont confrontées à des obstacles singuliers pour réintégrer le marché du travail en raison de leur âge.

Et le Conseil du statut de la femme mentionne également et réitère que la violence, sous... je m'excuse, c'est la fédération... que la violence, sous ses multiples formes, entraîne des conséquences négatives transversales dans toutes les sphères de la vie des femmes, dont leur contexte socioéconomique et leur précarité financière, renforçant ainsi les conditions de vulnérabilité auxquelles elles font face.

Et, vous savez, M. le Président, où le bât blesse dans cette réforme... découle de la modification prévue à l'article 25 du projet de loi n° 71, qui modifie l'article 53, où on prévoit la modification de la prestation pour contrainte à l'emploi à une allocation pour contrainte de santé, mais elle est assujettie à la production par la personne concernée d'un rapport médical qui confirme que son état physique ou mental l'empêche, pour une période d'au moins deux mois, de réaliser une activité de préparation à l'emploi, d'insertion ou de maintien en emploi.

Je ne peux pas croire, M. le Président, qu'avec tout le travail des dernières années par ce gouvernement en matière de violence conjugale et la mise en oeuvre des dernières années de certaines recommandations liées au rapport Rebâtir la confiance, qui a comme objectif... on veut sécuriser les femmes, on veut assurer leur autonomie... que, maintenant, ce même gouvernement va exiger aux femmes victimes de violence conjugale, aux femmes qui sont déjà fragilisées physiquement et psychologiquement, aux femmes qui tentent de reconstruire leur vie après des années d'abus et qui font face constamment à des menaces de leurs conjoints, de leurs anciens partenaires et aussi de procédures légales... on va exiger d'obtenir un rapport médical d'un médecin ou d'un autre professionnel qui vont être définis plus tard par voie de règlement et on parle d'un montant supplémentaire de 161 $, on parle de ça, là, M. le Président, par mois, et qui peut... ce montant d'argent là peut avoir un impact important pour une femme, surtout lorsqu'elle quitte son conjoint abusif. Et souvent, M. le Président, les femmes qui quittent un environnement toxique, un environnement abusif, quittent suite à un incident, puis elles ne sont plus capables de rester. Ça prend tellement de courage et, d'habitude, ça prend au moins sept retours de la résidence à un refuge pour prendre cette décision, et elles quittent, là, sans rien. Ils n'ont pas de valise. Ils n'ont pas d'argent. Ils n'ont pas de vêtements. Ils n'ont pas de ressources financières. Ils n'ont rien. Et cette allocation supplémentaire, elle est clé pour ces femmes. Et, je dois réitérer, M. le Président, les arguments dont la Fédération des femmes... a avancés, et aussi, évidemment, la Fédération des maisons d'hébergement, parce que cette modification où on va exiger un rapport médical va avoir des impacts directs sur les femmes violentées, soit les femmes victimes de différentes formes de violence sexuelle, familiale ou conjugale qui fréquentent des ressources d'hébergement d'urgence.

Et le contrôle coercitif... et je ne veux pas aller dans les détails du contrôle coercitif, mais ça, avec la violence économique, c'est des formes insidieuses qui affectent gravement les femmes. Et même au fédéral on est en train de regarder, en commission, de légiférer pour que ce soit... qu'il y ait un amendement au Code criminel. Les femmes... c'est les femmes qui cherchent à fuir des foyers violents, et ces femmes sont déjà confrontées à des ressources limitées et se trouvent souvent en situation de précarité financière.

Les maisons d'hébergement membres de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes signalent que près de 35 % des femmes accueillies en maison de première étape — ça, c'est les maisons d'urgence — en 2023 à 2024, présentaient des difficultés financières déjà majeures. Il en va de même pour les femmes accueillies dans les 46 maisons d'aide et d'hébergement du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. En 2023 à 2024, 42 % des femmes hébergées disposaient d'un revenu familial de 20 000 $ ou moins. Même en hébergement de deuxième étape, les MH2, la précarité financière demeure, pour la majorité des femmes hébergées. Et on parle, en région... 70 % des femmes hébergées, en région, disposent de moins de 20 000 $ de revenus annuels.

Plusieurs considèrent, M. le Président, que cette modification proposée à l'article 53 du projet de loi n° 71, qui subordonne l'octroi de la prestation à la présentation d'un rapport médical, représente un obstacle majeur pour les femmes victimes de violence conjugale qui sont hébergées en maison. Cette exigence méconnaît, et je souligne le mot «méconnaît», la réalité de l'urgence dans laquelle ces femmes se trouvent et alourdit les démarches administratives à un moment critique qu'elles... quand elles ont fui leur domicile et se sont réfugiées dans une maison d'hébergement. L'ajout de cette condition complique inutilement l'accès à un soutien financier, ce qui est particulièrement problématique pour des femmes qui vivent déjà sous l'emprise de la violence psychologique et économique.

Les victimes de violence doivent souvent naviguer dans des systèmes complexes, et cette exigence supplémentaire vient ajouter un fardeau administratif à un parcours déjà semé d'embûches. Les femmes en situation de violence sont souvent confrontées à des délais et de la difficulté d'accès au système de santé... Oui?

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Pardonnez-moi, Mme la députée de Robert-Baldwin, compte tenu de l'heure, je dois vous demander, à cette étape-ci, est-ce que vous avez complété votre intervention ou vous souhaitez revenir lors de la réouverture de ce débat?

Mme Garceau : Je vais revenir, M. le Président, pour compléter mon intervention. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, merci beaucoup.

Alors, compte tenu de l'heure et afin de permettre le débat sur une affaire inscrite par les députés de l'opposition, cet après-midi, le présent débat sur l'adoption de principe du projet de loi n° 71 est ajourné, et les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

Alors, bon appétit à tous et à toutes.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 heures)

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Bon après-midi, chers collègues.

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée demande au gouvernement de légiférer pour
inscrire le principe de laïcité au sein de la Loi sur l'instruction publique et de
la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance, ainsi que de mettre
fin au financement public des écoles religieuses

Je vous invite, s'il vous plaît, à bien vouloir vous asseoir, car nous en sommes à la rubrique Affaires inscrites par les députés de l'opposition.

Donc, à l'article 59 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, M. le député de Matane-Matapédia présente la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale rappelle l'avancée historique que représente la séparation des religions et de l'État;

«Qu'elle réitère que le respect et la mise en oeuvre du principe de laïcité dans le réseau de l'éducation et des services de garde est un gage de cette séparation des religions et de l'État ainsi que du respect de la liberté de conscience et d'expression des usagers;

«Qu'elle constate que la situation révélée au sein de l'école Bedford démontre que l'État québécois a failli à faire respecter la laïcité et le respect des divergences d'opinion;

«Qu'elle constate que la situation révélée au sein de l'école Bedford et de certains services de garde met en péril le développement scolaire, éducatif et humain des enfants et élèves;

«Qu'elle reconnaisse la nécessité de renforcer la Loi sur la laïcité de l'État pour en assurer le respect dans les services publics;

«Qu'elle demande au gouvernement de légiférer pour inscrire le principe de la laïcité au sein de la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance pour protéger les établissements d'enseignement et leur personnel contre les pressions religieuses;

«Qu'elle demande l'inscription obligatoire et la recension des lieux de culte et organisations de nature religieuse présentes et actives au Québec et l'interdiction des liens entre ceux-ci et les écoles ou les services de garde;

«Qu'elle demande au gouvernement de mettre fin au financement public des écoles religieuses.»

Je vous informe que la répartition du temps de parole pour le débat restreint sur la motion inscrite par M. le député de Matane-Matapédia s'effectuera comme suit : 10 minutes sont réservées à l'auteur de la motion pour sa réplique, 47 min 45 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 25 min 34 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 16 min 9 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 16 min 2 s sont allouées au troisième groupe d'opposition, 1 minute 30 s sont allouées à chacun des députés indépendants. Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les interventions ne sont soumises à aucune limite de temps. Enfin, je rappelle aux députés indépendants que, s'ils souhaitent intervenir au cours du débat, ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Je cède donc la parole à M. le chef du troisième groupe d'opposition.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Merci, M. le Président. Aujourd'hui, un sujet important autant que sensible, celui de nos enfants, de nos écoles vis-à-vis ce que j'ai qualifié d'entrisme religieux. Il y a également le phénomène de l'entrisme idéologique. Mais comment, question fondamentale, comment offrir à nos enfants un lieu d'épanouissement où l'idéologie et la religion n'empiètent pas sur leur développement dans le contexte où, vous le savez, M. le Président, le Québec a des enfants dont les parents sont religieux, d'autres parents sont athées? Et, parmi les parents qui sont religieux, bien, ils n'ont pas nécessairement les mêmes convictions, donc on est vraiment, ici, dans un débat de vivre-ensemble qui n'est pas un exemple isolé.

Évidemment, c'est l'exemple de Bedford qui nous amène, à l'origine, à avoir ce débat-là aujourd'hui, cette motion du mercredi. Le cas est tellement éloquent, tant sur le plan du non-respect des élèves que sur le plan de l'entrisme religieux, là, la participation du religieux dans plusieurs gestes, en contradiction avec les principes qui devraient guider nos écoles, dont celui de la laïcité. Mais on se rend compte qu'en fait ce n'est pas que Bedford. Il y a quelques minutes à peine, M. le Président, un cas d'école à Saint-Léonard, où les parents ont décidé de retirer leur enfant en raison de l'endoctrinement religieux. Ce n'est pas que ce cas-là. Parlons de l'exemple de l'éducatrice dans un centre de la petite enfance qui a écrit une lettre sur les prières dès la petite enfance, et des répercussions, des menaces qu'elle subit parce qu'elle a osé parler de ça.

Donc, on n'est pas devant un cas isolé. Et le sens de notre motion, aujourd'hui, M. le Président, c'est d'abord et avant tout d'établir deux faits qui me semblent évidents. Le religieux est impliqué ici, donc c'est... Le sujet, c'est largement la laïcité, pas que, mais c'est la laïcité en grande partie. Et ce n'est pas un cas isolé, c'est probablement un cas qui représente une réalité beaucoup plus large que ce qu'on peut évaluer en ce moment. Et là les langues se délient. Je pense qu'on va réaliser que c'est un vrai sujet de société, qu'on est capables de traiter, de mener avec le sens des responsabilités, mais surtout sans aveuglement volontaire. Puis c'est ça, le sens de notre motion aujourd'hui, on va en parler sur la base des faits et de bonne foi de la part de tous.

Pas un phénomène non plus qui est propre au Québec. Je vous invite à lire sur Molenbeek, à Bruxelles, j'y ai vécu, où même des journaux très modérés, très à gauche, comme Le Monde, nous rapportent des problèmes religieux et communautaires très importants à Bruxelles. La ville de Malmö, j'y ai vécu, à nouveau. J'ai étudié comme étudiant à Lund, la ville voisine. Malmö était la ville la plus sécuritaire du monde ou presque lorsque j'y étudiais en 2001. Aujourd'hui, la police ne se rend même pas dans certains quartiers en raison du communautarisme. Donc, c'est le religieux, et le communautarisme qui va avec, qui est l'objet de notre motion. L'assassinat de Samuel Paty, les territoires perdus de la République en France, je le mets entre guillemets, là, c'est l'expression qui... sont des faits... qui reflètent des faits et non pas des illusions.

Donc, le Québec aurait tort de s'aveugler ou de s'abstenir de réfléchir aux politiques publiques qui sont adéquates si on veut comme objectif la paix sociale pour tous, y compris ceux qui croient en Dieu, là. Le but, ici, ce n'est pas de manquer de respect, au contraire, c'est de donner une place à tout le monde de manière équitable. Le Québec doit être vigilant. Les élus doivent être vigilants. Donc, quand on dit que ce n'est pas un sujet... c'est un cas isolé, là, je vois ma collègue de la circonscription de Saint-Laurent, je fais... Je mentionne qu'un imam a menacé puis eu des propos indignes envers une élue de l'Assemblée nationale parce qu'elle fait son travail.

Donc, je vous fais cette introduction-là simplement pour dire : Qu'on ne me dise pas que ce n'est pas un vrai sujet, qu'on ne me dise pas qu'on parle de ça ici, à l'Assemblée nationale, pour des raisons de tactique politique, qu'on ne me dise pas... qu'on ne me parle pas de risque de dérapage. On va mener ce débat-là intelligemment. Si ça prend du temps, on va prendre le temps. On écoutera tout le monde. Notre but, c'est la paix sociale, et ce but-là, la paix sociale, c'est un but qui est légitime et qui devrait en tout temps guider notre Assemblée. Il n'y a rien d'anormal dans ce qu'on fait en ce moment, sur le fait de réfléchir.

Donc, vous comprendrez ma surprise, M. le Président, lorsque j'ai cru comprendre, puis peut-être que je me suis trompé, que le gouvernement nous présentait le cas de Bedford comme un cas complexe, relativement isolé, où la religion ne jouait peut-être pas un rôle si prépondérant, où les mécanismes n'ont pas fonctionné, ce qui implique de blâmer individuellement certaines personnes. Laissez-moi vous donner une lecture légèrement différente. Quand le centre de services ne fait pas son travail, quand le syndicat également laisse tomber les professeurs, qui, pourtant, font tous les efforts pour maintenir la laïcité puis le programme du ministère, puis quand tous les intervenants, donc, gardent le silence et qu'une situation inacceptable, pour les professeurs comme pour les enfants, dure pendant cinq ans, on ne me dira pas que c'est un simple problème de gestion administrative.

D'autres facteurs jouent, dont la peur de s'exprimer, dont la peur de dire les choses, notamment en raison de courants idéologiques quand même très présents dans la société québécoise et ailleurs en Occident, qui vont tout de suite considérer la laïcité comme une forme de racisme, une forme d'intolérance, qui vont traiter les gens qui osent soulever la question de l'application de la loi et de l'application du ministère... des règles du programme du ministère comme des cas de dérapage, comme des cas de surenchère, d'intolérance. Cet environnement-là idéologique a certainement eu quelque chose à faire, un rôle à jouer dans le silence assourdissant de tous les intervenants dans ce cas-là.

Et là nous, au Parti québécois, bien, on se rend compte qu'une fois qu'on ouvre le sujet, plusieurs témoignages de partout au Québec nous arrivent, et, c'est important de mentionner, pas que concernant l'islam, la religion au sens du judaïsme et du christianisme, également, dans nos écoles.

Donc, je laisse la parole à mon collègue, mais nous sommes ici dans une discussion de recherche de la paix sociale, sur la base des principes de la rigueur, dans la capacité d'énoncer des faits qui existent, ce qui implique de surmonter la peur et/ou l'intimidation qu'on peut recevoir lorsqu'on ose parler de ces sujets-là. Et tout ça pourquoi? Parce qu'on recherche un vivre-ensemble acceptable pour tous. On recherche la paix sociale.

Je laisse mon collègue Pascal Bérubé... Ah! ce sera plus tard? Mon collègue reviendra sur nos propositions.

• (15 h 10) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le chef du troisième groupe d'opposition. Tout en vous rappelant qu'on ne peut pas appeler les collègues par leur nom et leur prénom, seulement par leur titre.

Alors, maintenant, pour le prochain intervenant, je reconnais M. le ministre de l'Éducation.

M. Bernard Drainville

M. Drainville : Merci beaucoup. M. le Président, je salue, bien entendu, mes collègues de toutes les formations politiques ici présentes. Je suis désolé pour mon arrivée un petit peu... Enfin, je n'étais pas là pour 15 heures, là, parce qu'un nouveau reportage a été diffusé, dont j'ai pris connaissance au sortir de la rencontre du Conseil des ministres. Donc, je devais en prendre connaissance pour pouvoir y réagir de façon préliminaire. Alors, c'est sur... c'est au sujet d'une école primaire, donc, dans Saint-Léonard, et ce que j'ai dit aux journalistes il y a un instant, c'est, évidemment, qu'on prend ça très au sérieux. On s'attend à ce que le centre de services scolaire fasse la lumière sur ces événements. Et évidemment des vérifications sont en cours, mais, chose certaine, si les faits sont avérés, madame... M. le Président, si les faits sont avérés et qu'il faut poser des gestes, je n'ai pas hésité à poser des gestes jusqu'à maintenant et je n'hésiterai pas à en poser de nouveau, si besoin est, et je me suis limité à ces commentaires, puisque le reportage a été diffusé seulement ce midi. Et donc il faut faire les choses dans l'ordre.

Et là je retiens quelques phrases qui ont été prononcées par le chef de la troisième opposition, M. le Président, député de Camille-Laurin. J'ai entendu les mots «rigueur», «ne pas craindre la peur», «la paix sociale», le gouvernement qui aurait parlé de cas isolés. Alors, M. le Président, soyons un petit peu rigoureux justement, là, si cela avait été un cas isolé, Bedford, est-ce que j'aurais demandé que des vérificateurs enquêteurs se rendent dans trois autres écoles? Bon, poser la question, M. le Président, c'est y répondre. Alors, on ne peut pas m'imputer des déclarations ou je ne sais trop quoi à l'effet que ça aurait été un cas isolé. Si ça avait été un cas isolé, on ne serait pas dans ces trois écoles : Saint-Pascal-Baylon, Bienville et La Voie.

Donc, bien entendu, les actes posés démontrent que nous sommes conscients du fait qu'il pourrait y avoir d'autres cas, peut-être pas exactement les mêmes situations, peut-être pas avec la même intensité. J'ai déjà eu l'occasion de le préciser, mais, chose certaine, les informations, je dirais, parcellaires que nous avons eues nous ont convaincus qu'il fallait faire des vérifications, et c'est ce à quoi nous procédons. Et donc les vérificateurs sont déjà au travail. On verra bien ce qu'ils pourront démontrer, ce qu'ils pourront recueillir comme information, et évidemment ça nous sera transmis en temps et lieu.

Par ailleurs. M. le Président, la peur, la peur. La peur de quoi? Ma peur? M. le Président, je pense que, si quelqu'un a une idée un tant soit peu, comment dire... un tant soit peu complète ou même à moitié complète de mon cheminement, de mon parcours comme élu et comme ministre sur la question de la laïcité... je pense que le député de Bourget et le député de Matane-Matapédia connaissent ce parcours. Je pense que, s'il y en a un qui a fait la démonstration qu'il n'avait pas peur, c'est bien celui qui vous parle, madame... M. le Président. Alors, d'entendre le député de Bourget laisser entendre que j'aurais...

Une voix : ...

M. Drainville : Camille-Laurin, pardonnez-moi. Effectivement, de laisser entendre, donc, que j'aurais pu avoir peur, j'invite le député de Camille-Laurin à reconsidérer ses propos, si je peux dire ça ainsi, M. le Président.

Alors, quelle a été ma posture, justement, depuis le début de cette... appelons ça l'affaire Bedford. Quelle a été ma posture, M. le Président? D'abord, quand les reportages ont été diffusés, tout de suite je les ai pris très au sérieux et, effectivement, M. le Président, j'ai commencé à poser des questions. J'ai répondu à une question, d'ailleurs, de la députée de Saint-Laurent, qui a... qui m'a posé une question en cette Chambre dans les jours qui ont suivi les premiers reportages, et j'ai dit, dans cette réponse, que nous étions à faire des vérifications. Ces vérifications-là, nous les avons faites, et ça m'a amené à déclencher un premier mandat de vérification pour la rentrée scolaire de 2023. Ce mandat de vérification, grosso modo, s'est déroulé de septembre à novembre. En novembre, en novembre, dis-je bien, les enquêteurs nous sont revenus et nous ont dit : Écoutez, ça mériterait... les faits que nous avons pu recueillir justifient un mandat d'enquête, et c'est ce que nous vous recommandons, M. le ministre. Et j'ai donc déclenché le mandat d'enquête.

Et je reconnais, parenthèse ici, je reconnais que la députée de Saint-Laurent avait fait une demande formelle pour qu'une telle enquête soit déclenchée, restons factuels, donc je le reconnais, bien entendu. Mais, en tout respect et toute affection pour la députée de Saint-Laurent, ce n'est pas sa demande qui m'a convaincu. Ça m'a... ça a attiré mon attention sur sa sensibilité, sa préoccupation, sinon son inquiétude, bien sûr. Mais ce qui m'a convaincu de déclencher d'abord un mandat de vérification puis un mandat d'enquête, ce sont les informations qui m'ont été rapportées par les enquêteurs, les vérificateurs enquêteurs du ministère.

Et donc on déclenche le mandat d'enquête au mois de novembre. L'enquête a duré à peu près six mois, rapport, rédaction du rapport, etc., qui m'est présenté en juin. Et là je vois ça. Je constate la gravité de ce qui est rapporté sur plusieurs plans, sur le plan de la sécurité des enfants surtout, puisque c'est notre première préoccupation, sécurité physique, parce qu'il y a des gestes physiques qui ont été posés, sécurité psychologique également, des anecdotes qui s'accumulent les unes aux autres et qui finissent par constituer un récit on ne peut plus inquiétant et, je dirais même, on ne peut plus révoltant.

Quand on pense, par exemple, à ces tentatives qui sont faites par certains enseignants du clan minoritaire — c'est comme ça que le rapport les qualifie — pour arrêter les comportements du clan dominant, et qui malheureusement ne sont pas entendus et qui quittent les uns après les autres, de guerre lasse, si bien qu'aujourd'hui, selon le rapport d'enquête, le clan majoritaire est essentiellement... enfin, constitue une part importante du personnel enseignant de l'équipe-école, tu te dis : Mais, ma foi... excusez-moi, dans le contexte, ce n'est peut-être pas la bonne expression, j'allais dire ma foi du bon Dieu, mais tu...

• (15 h 20) •

Des voix : ...

M. Drainville : Hein, mais c'est une expression qu'on utilise parfois. Alors, reprenons notre sérieux, M. le Président. Tu vois ces... ce récit et tu te dis : Mais comment ont-ils pu devenir si puissants? Comment ont-ils pu réussir à écraser les voix qui s'élevaient pour dire : Ce n'est pas acceptable? La manière d'enseigner, votre manière d'enseigner, ce n'est pas acceptable. Vos comportements à l'égard des enfants, ce n'est pas acceptable. Votre refus de permettre à l'aide professionnelle d'entrer dans les classes, ce n'est pas acceptable. Votre refus d'enseigner les sciences et l'éducation en totalité ou en partie, ce n'est pas acceptable, et ainsi de suite, M. le Président.

Alors là, tu dis... alors là, tu te dis : La situation est grave, et donc il va falloir poser des gestes en conséquence, qui répondent justement à la gravité des gestes qui sont rapportés dans le rapport d'enquête. Et c'est comme ça, M. le Président, que nous en sommes arrivés aux quatre grandes mesures que j'ai annoncées il y a, quoi, une dizaine de jours de ça, où j'ai dit : D'abord, pour ce qui est de l'école Bedford, il ne faut surtout pas renoncer, il faut leur donner de l'aide, et donc on va envoyer de l'accompagnement, on va nommer deux accompagnateurs qui vont entrer dans l'école et qui vont aller faire le constat à partir, bien entendu, de toute l'information qu'on a déjà, notamment dans le rapport, et qui vont devoir, c'est dans l'arrêté ministériel, nous soumettre un plan d'action d'ici la fin novembre pour rétablir un climat sain et sécuritaire au sein de l'école Bedford.

Deuxième mesure. Il y a, dans cette école, un clan dominant. Ces personnes ont posé des gestes qui, selon le rapport, sont visiblement inacceptables. Je vais constituer 11 comités d'enquête, un comité d'enquête pour chacun de ces enseignants et enseignantes, et ils vont devoir aller examiner les comportements, les gestes posés par ces 11 enseignants. Et ces comités d'enquête, M. le Président, me sont revenus... — on est quoi, là, aujourd'hui, on est mercredi? — donc me sont revenus lundi. Lundi, j'ai eu l'avis des comités d'enquête, l'avis préliminaire, M. le Président, important, ici, l'avis préliminaire qui, dans le fond, me permet, à la lumière de ce qui m'a été recommandé, de suspendre temporairement le brevet, le temps de l'enquête sur le fond, qui, elle, va être plus longue, bien entendu.

Parce qu'au terme de cette enquête des 11 comités d'enquête, si les faits sont avérés, dépendamment de l'ampleur des faits, dépendamment s'il y a eu faute grave, c'est ce que dit la loi, ou faute grave ou encore acte dérogatoire à la fonction ou à la dignité de la profession enseignante, si les comités d'enquête me font cette démonstration, à ce moment-là il peut y avoir sanction. Et là il y a toute une gamme de sanctions, notamment le renouvellement ou le maintien, dis-je, du permis d'enseigner ou du brevet, avec condition, ou encore la suspension pendant une certaine durée, ou encore, carrément, la révocation : Ce ne sera plus permis pour vous, monsieur, madame, d'enseigner dans une école du Québec. C'est la sanction ultime qui pourrait découler des travaux de ces 11 comités d'enquête que nous avons créés. C'était la deuxième mesure.

La troisième mesure, c'est d'envoyer dans ces trois écoles, je l'ai dit tout à l'heure, des vérificateurs enquêteurs qui vont nous faire rapport.

Et finalement, quatrième mesure, M. le Président, j'ai demandé formellement au centre de service scolaire de Montréal de prendre toutes les mesures, y compris les mesures juridiques, pour s'assurer de rétablir un climat sain et sécuritaire, de s'assurer qu'il n'y ait pas de climat toxique et de s'assurer notamment que les conseils d'établissement fonctionnent comme ils le doivent, c'est-à-dire en prenant, d'abord et avant tout, l'intérêt de l'enfant en priorité. C'est ce que dit la Loi sur l'instruction publique par rapport au rôle joué par les conseils d'établissement, sur lesquels siègent des parents, des membres du conseil... des membres, dis-je, du personnel scolaire et, finalement, des membres de la communauté.

Du jamais-vu, M. le Président. Ce n'est jamais arrivé, dans l'histoire du Québec, qu'on pose des gestes d'une telle ampleur, notamment de mettre sous enquête 11 enseignants en même temps. Les gestes posés, M. le Président, ont été à la lumière de la gravité de ce qui avait été rapporté dans le rapport d'enquête.

Alors, à travers tout ça, M. le Président, dans toutes les entrevues que j'ai données, j'ai toujours parlé de certains comportements qui étaient visiblement d'inspiration religieuse ou qui pouvaient nous faire croire qu'il y avait une influence religieuse dans le geste posé. Par exemple, cette enseignante qui se met à prier devant un enfant qui est... qui repose sur le sol, sur le plancher. Elle se met à prier plutôt que d'aider l'enfant. Une autre adulte est dans la classe, dit : Moi, non, moi, je ne fais rien, ça ne fait pas partie de ma tâche. C'est un enfant de la classe qui court au bureau de la direction pour chercher de l'aide. Cet exemple-là, je l'ai donné dans la plupart des entrevues, sinon toutes les entrevues. J'ai parlé du fait que les cours d'éducation sexuelle et de sciences étaient peu ou pas enseignés. On peut, M. le Président, penser que... derrière cette omission, cette décision de ne pas enseigner les sciences ou l'éducation sexuelle, on peut penser qu'il y a, pour certaines personnes, une décision d'inspiration religieuse ou influencée par des convictions religieuses.

Cet événement, qui est également rapporté dans le rapport d'enquête, à l'effet que, dans certains cas, on n'a pas permis à des jeunes filles de jouer au soccer, ça aussi, cette... ce refus d'égalité entre les garçons et les filles, ça aussi j'en ai parlé, et ça aussi, ça peut nous amener à s'interroger sur la possible influence religieuse.

J'ai parlé, à Tout le monde en parle, de cet enseignant qui a fait ses ablutions, qui s'est purifié avant de faire sa prière dans la classe, devant les élèves. J'ai parlé également, aussi, des interventions de représentants de la mosquée située tout près de l'école, qui sont venus à l'école pour dire : Écoutez, il faudrait bien s'entendre, il faudrait que vous ayez un modèle d'éducation qui soit conforme. Conforme. Ça veut dire quoi, ça, M. le Président, «conforme»? Conforme à quoi?

Alors, M. le Président, j'ai soulevé les cas, mais j'ai toujours été très prudent, parce que le rapport ne me permettait pas de conclure à l'enjeu de la laïcité. Il me permettait de soulever la question, mais j'ai voulu être rigoureux. Et, dans l'avis que j'ai reçu lundi, M. le Président, lundi après-midi, l'avis des membres du comité d'enquête, j'ai procédé à cette lecture, et, dans cet avis, M. le Président, les membres du comité... en fait, des comités ont conclu qu'effectivement il y avait un enjeu de laïcité, que les principes de la laïcité n'étaient pas respectés à l'école Bedford.

Alors, M. le Président, j'ai pris acte. Et je me suis senti légitimé de dire... à la vue de cette constatation, de cette confirmation par des personnes indépendantes, totalement indépendantes, qui concluent que la laïcité est effectivement en jeu dans cette école, je me sens légitimé de le dire et donc d'accepter, bien entendu, le mandat confié par le premier ministre de renforcer le dispositif de laïcité, le dispositif de contrôle pour assurer la laïcité à Bedford et, possiblement, dans d'autres écoles montréalaises et québécoises, dépendamment de l'information que nous recevrons à partir de maintenant.

• (15 h 30) •

Alors, M. le Président, on n'a pas peur, je n'ai pas peur, puis, l'intimidation, honnêtement, je suis passé par là, le test, je l'ai passé. Mais, M. le Président, on va agir de façon responsable. Moi, quand j'entends le député de Camille-Laurin nous parler de mixité sociale, puis de laisser entendre qu'on pourrait, quoi, déménager des populations d'origine non maghrébine de certaines parties du Québec pour venir faire de la mixité sociale dans les écoles de Montréal... il me regarde un peu narquois, M. le Président, mais je l'invite à nous expliquer comment est-ce qu'il va faire ça. Parce qu'honnêtement je trouve ça assez inquiétant comme proposition, M. le Président.

Moi, je vais vous dire c'est quoi, ma position. Ma position, M. le Président, là, c'est qu'un Québécois, peu importe son origine ethnoculturelle, est un Québécois. Ça, c'est ma position, M. le Président, et ça l'a toujours été. Au plus fort de la bataille sur la laïcité que j'ai menée, j'ai toujours défendu cette conception de la citoyenneté québécoise, M. le Président. Et ce qui est important, ce n'est pas l'origine de notre citoyen ou de notre citoyenne, ce qui est important, c'est les valeurs communes que nous partageons comme citoyens québécois. C'est là-dessus qu'il faut s'entendre, M. le Président.

Et ce matin notre premier ministre a donné... a cité des déclarations passées du chef de la troisième opposition, qui déclarait très clairement, très péremptoirement que la laïcité n'était pas une valeur québécoise. Je m'excuse, M. le Président, c'est une valeur québécoise. C'est une valeur très importante qui a traversé l'histoire récente du Québec et, oui, qui est devenue un ciment important de la citoyenneté québécoise, M. le Président.

Et, moi, ce que je veux, ce que je souhaite, ce que... ma conception de la nation québécoise, M. le Président, c'est que nous devons... tout le monde ensemble, peu importe notre origine, peu importe la couleur de notre peau, peu importe notre orientation sexuelle, peu importe notre origine, nous devons nous unir autour d'un certain nombre de valeurs qui vont faire la force de notre cohésion et de notre vivre-ensemble. Ça, c'est ma... ça, c'est ma conception. Et la laïcité doit participer à ça. Elle devient même un élément déterminant de cette capacité de créer la citoyenneté québécoise, parce que la laïcité nous permet justement de se réunir au-delà de nos convictions ou de nos non-convictions, au-delà de nos croyances ou de nos non-croyances, de se réunir autour de la même table comme citoyens du Québec.

Et je souhaiterais que cette conception de la citoyenneté soit défendue par mes collègues du Parti québécois, M. le Président, je souhaiterais que ce soit clair, parce qu'à Bedford, M. le Président, oui, il y avait un clan dominant, principalement composé d'enseignants d'origine maghrébine, donc d'origine marocaine, algérienne, tunisienne, c'est vrai, ça, mais le rapport est très clair, puis ça aussi, je me suis bien, bien assuré, dans pas mal toutes les entrevues, puis si je ne l'ai pas fait dans certaines, ce n'était pas un manque de volonté, mais je pense que vous m'avez entendu le dire à plusieurs reprises qu'il y avait parmi le camp de ceux et celles qui se sont opposés au camp dominant, au clan dominant, il y avait des enseignants et des enseignantes d'origine maghrébine qui n'étaient pas d'accord avec cette vision de l'éducation et qui l'ont combattue. Et ça, c'est important, M. le Président, parce que ce que ça veut dire, c'est qu'il y a dans cette école des Québécois d'origine maghrébine qui ont adhéré à notre vision de l'éducation, qui ont adhéré aux valeurs citoyennes qui sont les nôtres. Et il faut s'en réjouir, et il faut s'en féliciter, et il faut célébrer ça, M. le Président.

Puis moi, je vais vous dire une chose, je suis convaincu qu'il y a beaucoup, beaucoup de Québécois d'origine maghrébine qui ont vu ce qui s'est passé à Bedford, qui entendent ce qui s'est passé à Bedford et qui sont outrés de ce qui s'est passé à Bedford, qui se disent : Ça n'a pas de bon sens, ce n'est pas nous, ça, ce n'est pas notre culture. Je vais le dire autrement : Il y a un paquet de Québécois d'origine maghrébine qui ont honte des comportements qui ont été portés ou qui ont... des comportements qui ont eu lieu par cette... par ce clan dominant et qui sont totalement inacceptables pour ces citoyens, ces concitoyens d'origine maghrébine qui ne demandent pas mieux de se joindre à nous, nous, le nous, là, le grand nous québécois, là, le grand nous, je dirais, multiethnique, parce qu'on est un peuple de plus en plus composé de citoyens qui viennent de partout dans le monde, multiethnique, avec une culture québécoise qui est faite d'un certain nombre de choses, dont la valeur laïcité. Et ces Québécois d'origine maghrébine, ils veulent se joindre à nous, ils construisent le Québec avec nous, et on a auprès de nous des dignes représentants, pour ne pas dire représentantes de cette extraordinaire communauté qui contribue à la construction du Québec.

Alors, quand on parle de paix sociale, comme j'ai entendu le député de Bourget en parler...

Une voix : ...

M. Drainville : Ah! merde. Excusez-moi, M. le député, je ne veux pas vous manquer de respect. C'est relativement...

Une voix : ...

• (15 h 40) •

M. Drainville : Oui. Alors, je ne veux pas manquer de respect au député de Camille-Laurin, M. le Président, mais, quand il parle de paix sociale, j'aimerais, M. le Président, qu'il nous fasse la démonstration en quoi certaines de ses propositions, j'en ai évoqué une, vont contribuer à la paix sociale.

Par ailleurs, M. le Président, c'est un sujet important. Donc, je ne vais pas, comment dire, retourner trop loin en arrière pour mettre le chef du Parti québécois face à certaines contradictions, mais, M. le Président, je ne peux pas faire autrement que de me rappeler certaines de ses déclarations passées, notamment en 2016, lorsqu'il disait que la laïcité, ça ne pouvait pas comporter une interdiction de porter des signes religieux — c'était sa position en 2016 — qu'il n'appartenait pas à l'État de décider comment une personne pouvait se vêtir, y compris une personne en autorité, et comment elle pouvait se vêtir. Ça, c'est la position de Justin Trudeau, M. le Président.

C'était sa position en 2016. Il dit qu'il a évolué. Très bien. Mais quelle est sa véritable conviction? Est-ce que c'est celle de 2016 ou est-ce que c'est celle d'aujourd'hui? Je pose la question, M. le Président. Chose certaine, sa conception de la laïcité et sa position sur la laïcité a beaucoup, beaucoup évolué au fil des ans, M. le Président. Alors, je l'inviterais à prendre ça en considération quand il fait des sorties à l'emporte-pièce. Peut-être qu'un peu d'humilité serait de bon aloi, M. le Président. Alors, voilà la situation, M. le Président.

Donc, le premier ministre nous a confié un mandat, à mon collègue le ministre de la Laïcité et moi-même, pour faire le tour du jardin, si je peux me permettre, et de regarder quels sont les gestes qui pourraient être faits pour nous permettre de renforcer la laïcité au Québec et faire en sorte que les valeurs sur lesquelles s'appuie la laïcité soient, par le fait même, renforcées. Et au-delà, M. le Président, de l'affirmation du principe de laïcité, au-delà de l'affirmation du principe de neutralité religieuse des institutions publiques, au-delà de l'affirmation, aussi, que la laïcité vise à protéger la liberté de religion et de conscience de nos concitoyens, moi, je vais vous dire une chose, quand je me suis battu pour la charte des valeurs, la charte de la laïcité, ma première motivation, M. le Président, savez-vous c'était quoi? C'était l'égalité entre les hommes et les femmes. Ça, je vais vous dire une chose, M. le Président, s'il y a un principe, s'il y a une valeur non négociable au Québec sur laquelle on s'entend tous, c'est l'égalité entre les hommes et les femmes. Alors, je peux vous dire une chose, M. le Président, je n'ai pas changé d'idée.

Et donc, quand je vais, avec mon collègue, regarder les possibles en ce qui a trait aux mesures de renforcement de la laïcité, je vais beaucoup penser à ce principe fondateur du Québec moderne, à cette valeur incontournable, existentielle, c'est-à-dire l'égalité entre les hommes et les femmes. Ça me motive encore énormément. C'est une force motrice de ma bataille pour la laïcité dont je ne me suis jamais détaché, M. le Président.

Et en plus de ça, et je conclus là-dessus, en plus de ça, M. le Président, il y a l'intérêt des enfants. Les écoles ne sont pas des lieux d'endoctrinement, M. le Président. Les écoles sont des lieux d'apprentissage, sont des lieux d'enseignement. Et, soit dit en passant, M. le Président, la directive sur les prières, là, la directive qui fait en sorte que les écoles ne peuvent pas être des lieux de prière, là, c'est un geste, ça aussi, qu'on a posé au cours des derniers mois. Ça fait partie de l'édifice laïcité que la Coalition avenir Québec construit depuis 2018 avec fierté. Et là-dessus je vais vous dire une affaire, M. le Président, les citoyens du Québec sont avec nous. Ils comptent sur nous pour que se poursuive la construction de la maison laïcité au Québec.

Puis je vais vous dire une affaire, M. le Président, moi puis mes collègues ici réunis, on est déterminés, on s'entend, on forme un groupe, un bloc déterminé à faire en sorte que la laïcité non seulement reste un acquis, mais qu'elle continue à se construire pour les générations à venir, pour les citoyens du Québec, pour le vivre-ensemble au Québec, et aussi, M. le Président, oui, pour nos filles et nos femmes qui vont nous suivre pour la suite des choses. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le ministre. Maintenant, je vais céder la parole à Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Marwah Rizqy

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. Permettez-moi de me référer à la Loi sur l'Assemblée nationale pour commencer mon propos :

«Considérant le profond attachement du peuple du Québec aux principes démocratiques [du] gouvernement;

«Considérant que l'Assemblée nationale, par l'intermédiaire des représentants élus qui la composent, est l'organe suprême et légitime d'expression et de mise en oeuvre de ces principes;

«Considérant qu'il incombe à cette Assemblée, en tant que dépositaire des droits et des pouvoirs historiques et inaliénables du peuple du Québec, de le défendre contre toute tentative de l'en spolier ou d'y porter atteinte;

«Considérant qu'il convient, en conséquence, d'affirmer la pérennité, la souveraineté et l'indépendance de l'Assemblée nationale et de protéger ses travaux contre toute ingérence;».

J'ai prêté serment deux fois à titre de députée. C'est ce qui me guide dans mes fonctions au quotidien. Mon allégeance est envers la nation québécoise, ma patrie.

Une démocratie doit être constamment protégée contre toute dérive. Des désaccords peuvent exister. Les débats doivent se faire dans une démocratie parce qu'elle en garantit qu'elle est saine. Mais tenter directement ou indirectement d'intimider un ou une élue porte atteinte à la Loi sur l'Assemblée nationale du Québec.

Peu importe ce que j'entends, ma fonction me commande de rester droite et de parler pour ceux qui, malheureusement, ne peuvent parler, parce que, oui, il y a des gens qui ont peur, parce que, oui, il y a exactement quatre ans, je me suis levée ici, en cette Chambre, j'étais assise juste ici, pour faire hommage à Samuel Paty, un enseignant qui a été tué puis décapité par l'obscurantisme et le terrorisme islamistes. Et qu'avais-je dit à l'époque? Ne soyons pas naïfs, même si cela se passe en France, dans le Vieux Continent, on n'est jamais, jamais à l'abri de dérives idéologiques.

Aujourd'hui, je tiens à remercier sincèrement, dans un premier temps, le chef du Parti québécois. Un numéro s'est affiché sur mon téléphone : Allo, c'est Paul St-Pierre Plamondon. Comment ça va? Juste ça, M. le Président, ça démontre toute la grandeur d'homme qu'il y a dans cette Assemblée. Par la suite, un membre du cabinet du premier ministre aussi m'a contacté pour prendre de mes nouvelles, mais surtout pour me dire que je ne marche pas seule. Mon collègue de Nelligan m'a proposé, ainsi que le collègue Beauce-Sud, de me raccompagner, de marcher avec moi. Les débats que nous menons aujourd'hui sont très importants, et, quand on parle de paix sociale, de cohésion sociale, ils ne sont que le reflet de nos propres débats. Alors, c'est à nous, par le ton, par la façon qu'on mène nos travaux, de s'assurer qu'on le fait de façon sereine. Il n'y a pas de mauvaises questions, il n'y a que de mauvaises réponses.

En toute amitié et affection au ministre, je me rappellerai toujours... lorsque j'ai porté à son attention le dossier de Bedford, je me rappellerai toujours qu'effectivement ce n'est pas uniquement à titre de ministre qu'il m'a regardée droit dans les yeux et il m'a dit, je vais faire un accroc, si vous le permettez, tout le monde — M. le leader, ne vous levez pas : Marwah, à titre de père de trois enfants, je vais m'assurer personnellement que, si c'est avéré, ça va s'arrêter, et je te reviens. J'entends souvent des gens me dire «je te reviens», mais ils ne reviennent jamais. Le ministre m'est revenu et il m'a dit : Ça va bouger. Le ministre, tard le soir, me contacte, je n'ai jamais, jamais, en six ans, eu un appel aussi tard, pour me dire : Ça s'en vient, voici qu'est-ce qui va arriver, à quelle heure le rapport sort, voici la séquence, Marwah. Il l'a fait. Il n'était pas obligé de le faire, mais il l'a fait. Pourquoi? Parce qu'au-delà de son poste de ministre il s'est rappelé d'une chose : on parle d'enfants.

Il y a un passage, dans ma lettre du 15 juin que je lui ai adressée, puis je pense que c'est important que je le rappelle ceci, parce que je me rappelle, j'étais en ondes, au micro de Patrick Lagacé, à l'émission du retour, il m'a posé la question : Vous, Mme la députée de Saint-Laurent, qu'est-ce qui vous choque le plus, dans l'affaire Bedford? Donc, il y avait plusieurs choses choquantes, là, que le ministre a justement bien énumérées de façon factuelle. Et j'avais répondu : Je crois que qu'est-ce qui me choque le plus, c'est que le principe d'égalité hommes-femmes a été bafoué. Comment pouvons-nous accepter qu'une femme, professionnelle de soutien, ne peut pas accéder à sa classe parce que c'est trop confrontant pour un homme? Comment pouvons-nous accepter que de jeunes filles ne peuvent pas jouer au soccer?

• (15 h 50) •

Je vais me citer : «L'école a pour objectif de transmettre des connaissances, le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Si du personnel enseignant ont eux-mêmes besoin d'une formation sur le savoir-vivre et ne partagent pas une vision de la femme conforme aux principes d'égalité hommes-femmes, leur place n'est certainement pas dans une école. Nous ne pouvons nous satisfaire de la timide réponse offerte hier à Patrick Lagacé par la directrice générale du centre de services scolaires de Montréal, Mme Isabelle Gélinas. Dire qu'actuellement les choses vont bien est insuffisant face à un rapport aussi accablant et explicite sur des gestes et comportements dérogatoires commis dans une école. De plus, elle admet qu'elle ne sait pas s'il y a eu des sanctions. Dans une société libre et démocratique, la recherche de vérité commande d'aller au fond des choses et de s'assurer que de tels comportements soient sanctionnés. L'impunité ne peut que réconforter dans leur position ceux ayant des comportements négatifs, mais surtout elle peut démotiver et désengager ceux qui ont osé dénoncer cette situation lors de l'enquête ayant mené à ce rapport accablant.»

Vous savez, quand on est un enfant, on apprend aussi de ce qu'on voit chez les adultes. Si on ne respecte pas une femme... Et, dans le rapport d'analyse de climat qui a été réalisé par un psychologue industriel à l'école Bedford, c'était clair que l'autorité femme n'était pas respectée devant des enfants. J'ai entendu des gens dire : Oui, mais il n'y en a pas eu, de religion. Respectueusement, faire son ablution devant ses élèves, c'est un acte de prosélytisme. La ségrégation gars-fille est aussi un acte de prosélytisme.

Tantôt, vers 12 h 20, j'ai envoyé... j'ai écouté Valérie Lebeuf, de Cogeco, qui sortait encore un autre scandale. Je l'ai envoyé au ministre, et je suis contente, parce que je ne veux pas le prendre par surprise, alors je lui ai envoyé. Je sais aussi qu'il avait son caucus de ministre. Mais qu'est-ce qui est arrivé dans cette école à Saint-Léonard, encore de l'endoctrinement religieux, ségrégation gars-fille, des propos dégradants envers les autres élèves québécois, pour les fins de la discussion, on va dire «de souche». Mais tout le monde... vous avez raison, tout le monde est Québécois. Et qu'un enfant sur qui on criait, criait, qui demandait de partir, on lui a tellement crié dessus, il a eu une crise, il s'est retrouvé à l'urgence, et le diagnostic du médecin : crise aiguë. Depuis, il est scolarisé à la maison en choc post-traumatique.

M. le ministre, vous avez dit tantôt dans votre propos que vous demandiez que le centre de services scolaire de Pointe-de-l'Île fasse enquête. Or, le 4 octobre, ça a été porté à l'attention du centre de services scolaire Pointe-de-l'Île, et la réponse a été un petit peu comme le centre de services scolaire de Montréal dans le cas de Bedford, c'est-à-dire : On n'est pas d'avis qu'il y a grand-chose.

Je vais vous transmettre une lettre à la fin de notre séance. Je demande d'élargir la ligne Je dénonce pour qu'elle soit offerte 24 heures sur sept et qu'à partir de maintenant, considérant qu'il y a plusieurs cas qui rentrent, autant chez les journalistes que chez nous, les élus, je vous demande, M. le ministre... je demande au ministre de l'Éducation que la ligne Je dénonce soit effective 24/7 et qu'elle permette d'avoir une ligne de dénonciation directe pour les parents, comme on fait déjà de façon confidentielle pour les cas d'agression sexuelle, mais pour tout ce qui est cas de prosélytisme. Je crois qu'à ce stade-ci, compte tenu de l'ampleur du phénomène, nous devons nous assurer que tous les Québécois se sentent à l'aise de communiquer directement au ministère de l'Éducation et que sur réception de cette dénonciation, qu'un membre de l'équipe d'enquête soit dépêché à l'école pour faire la lumière, parce que c'est notre rôle de protéger ces élèves.

Motion d'amendement

Maintenant, sur la motion de mon collègue de Matane-Matapédia, nous, on aura un amendement, que je me permets de lire tout de suite :

Que la motion du député de Matane-Matapédia soit amendée de la manière suivante :

À la 20e ligne, ajouter, après le mot «culte», les mots «, en excluant les résidences privées,», ainsi que d'ajouter, après le mot «et», «des».

Donc, ça se lirait ainsi :

«[...]Qu'elle demande l'inscription obligatoire et la recension des lieux de culte, en excluant les résidences privées, et des organisations de nature religieuse présentes et actives au Québec et l'interdiction des liens entre ceux-ci et les écoles [et] services de garde;».

Évidemment, parce qu'il y a plusieurs lieux de culte, on ne commencera pas à rentrer dans les maisons, mais je pense que les lieux de culte qu'on connaît, effectivement, il en existe déjà un site Web qui s'appelle lieuxdeculte.qc.ca, et on pourrait refaire un découpage, notamment avec ce site Web, demander, au fond, l'inscription directement. Ça, ce serait notre amendement.

Mais, pour le fond de la motion, en... à la fin des années 90, Pauline Marois a fait un geste important pour déconfessionnaliser les écoles. Moi, j'allais, à l'époque, à la Commission des écoles catholiques de Montréal, qui est devenue le centre de services scolaire de Montréal. Donc, on a vraiment fait une séparation. À l'époque, il y avait un compromis politique.

Plus de 25 ans plus tard, on s'est posé, nous, au Parti libéral du Québec : Qu'allons-nous faire avec ce compromis politique? Et nous en sommes venus à la conclusion que, de par l'héritage d'Adélard Godbout, Jean Lesage, Robert Bourassa, celui de M. Charest, c'est-à-dire l'égalité hommes-femmes, qui a été inscrite par notre collègue Christine St-Pierre dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec au préambule, ça demeure maintenant irréconciliable d'avoir ce principe avec de la religion où est-ce que les filles doivent prendre leur rang en arrière des garçons. Le Parti libéral du Québec, nous avons joint notre voix lorsqu'il a été question des prières dans les écoles, on a dit non, le Parti libéral du Québec a arrêté le financement. Donc, les nouveaux... demandes d'agrément pour les écoles privées, il y a eu un moratoire depuis que le Parti libéral l'a mis en place, et nous l'avons respecté depuis, tous les autres partis qui se sont succédé aussi, tous les autres gouvernements. Le Parti libéral du Québec a permis l'émancipation de la femme. Le Parti libéral du Québec a donné le droit de vote aux femmes. Le Parti libéral du Québec a fait élire une femme à l'Assemblée nationale. D'ailleurs, on a une magnifique salle qui porte son nom. Mais c'est le Parti québécois qui a fait élire la première ministre du Québec, femme. Donc, bravo à vous! On est un petit peu jaloux.

Maintenant que j'ai dit ça, c'est irréconciliable... Alors, pour tout cela, le compromis politique de la fin des années 90 ne peut plus être maintenu aujourd'hui, en 2024. Le Parti libéral du Québec, nous sommes maintenant d'avis qu'effectivement nous devons cesser le financement des écoles religieuses au Québec. Ce changement s'explique non seulement face à ce qui se passe... Et vous me direz : Oui, mais ça se passe dans les écoles publiques. Vous avez raison, mais je ne peux pas détourner mes yeux de qu'est-ce qui se passe aussi dans les écoles privées, et on ne peut pas cautionner ceci uniquement parce qu'il y a eu un compromis à une époque. Le changement s'opère graduellement.

Je sais que le ministre et sa formation politique, ce matin, ont voté contre la motion de Québec solidaire qui demandait la fin du financement des écoles privées religieuses. Je pense que votre caucus devrait y réfléchir, par souci de cohérence. Le caucus de la CAQ a évolué sur le crucifix. Il faut être cohérents, au Québec. Et je crois qu'un jour ces petites filles, ces petits garçons seront contents de savoir qu'il y a eu des adultes qui se sont parlé calmement et qui ont décidé que, puisqu'eux ne peuvent pas décider à cet âge-là pour eux-mêmes, bien, nous, on doit être garants de la laïcité dans nos écoles, qu'elles soient publiques ou privées. Nous, on doit être garants aussi du principe d'égalité hommes-femmes, et ce, peu importent les croyances religieuses.

En terminant, j'offre une piste de solution pour des changements législatifs pour l'article 26 de la Loi sur l'instruction publique. L'affaire Bedford doit faire école. L'affaire Bedford m'a montré la force de l'inertie et à quel point il est facile de regarder ailleurs et faire l'autruche. M. le ministre, je vous propose de modifier l'article 26 de la Loi sur l'instruction publique afin d'insérer de façon claire quels sont les actes dérogatoires qui mènent au retrait du brevet d'enseignant : prosélytisme, le non-respect du principe cardinal égalité hommes-femmes, le non-respect du programme pédagogique du ministère de l'Éducation du Québec, le non-respect des élèves HDAA ou sur le spectre de l'autisme, et, cinquièmement, ne pas porter assistance à un élève en détresse.

• (16 heures) •

Merci, M. le Président, et merci sincère à mes collègues. La députée de Mont-Royal—Outremont a des écoles dans son comté qui sont visées par des enquêtes, et, à titre de mère, ça la touche personnellement, pas juste à titre de députée, et jamais elle n'accepterait qu'une fille soit traitée différemment, étant elle mère... elle-même mère de filles, et l'exemple qu'elle veut donner, c'est cette femme députée forte pour toutes les autres petites filles du Québec. Ma collègue la députée de D'Arcy-McGee, chaque jour, elle porte la parole d'enfants autistes. Elle sait exactement c'est quoi dont ils ont besoin pour être la maman d'un enfant autiste. Alors, vous comprendrez que, quand elle a compris que des enfants autistes n'ont pas eu droit aux soins, elle n'était pas très ravie, que je puisse dire.

En terminant, ma collègue qui est juste à côté de moi... Je sais qu'il y a des gens qui vont se poser des questions sur le comment. Est-ce qu'il va y avoir un délai? Est-ce qu'il va y avoir une période de transition? Ensemble, on est capables de débattre intelligemment et de s'assurer qu'il y a peut-être une période de transition qui soit allouée, mais je crois que l'Assemblée nationale du Québec devrait parler d'une seule voix sur un dossier aussi important, parce que, quand vous allez rentrer ce soir chez vous, posez-vous la question : Avez-vous tout fait en votre pouvoir pour enlever toute forme d'endoctrinement religieux dans le seul endroit qui est obligatoire au Québec, c'est-à-dire les écoles? Si vous n'êtes jamais malade, vous n'irez pas à l'hôpital, mais l'école, l'instruction, elle est obligatoire. Nous allons tous passer à travers. Alors, posez-vous ce soir la question. Je sais que le vote va être demain, M. le Président. D'ici demain, vous allez avoir un autre caucus, à la CAQ. Je vous invite sincèrement à réfléchir pour ceux et celles qui ne peuvent pas se défendre sans nous, les enfants. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Saint-Laurent. Votre proposition d'amendement est déposée et doit être à l'acceptation du député de... qui a déposé cette motion au départ, à la fin. Alors, pour la suite des choses, nous poursuivons avec l'intervention de M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Cliche-Rivard : Merci, M. le Président. Merci aux collègues ici présents. Depuis quelques années, on a beaucoup discuté de laïcité au Québec, c'est le moins qu'on puisse dire, particulièrement chez les employés de l'État. Sur cette question, la position que mon parti a soutenue se résume ainsi : ce qui compte, ce n'est pas ce qu'on porte sur la tête ou autour du cou, c'est la manière de faire notre travail, ou, pour citer ce que notre chef parlementaire a dit hier en conférence de presse : «Ce qui est garant d'une laïcité des institutions publiques au Québec, ce qui est garant d'une véritable laïcité de l'éducation nationale, ce n'est pas ce que les gens ont sur la tête, c'est ce que les gens ont dans la tête.»

Les tristes événements de l'école Bedford sont venus nous le rappeler dans les dernières semaines, malheureusement. Que s'est-il passé à Bedford, M. le Président? Selon la meilleure information disponible à ce jour, il semble malheureusement que 11 enseignants, qui ne portaient vraisemblablement pas de signes religieux, ont fait primer leurs conceptions idéologiques et religieuses sur le rôle... sur leur rôle d'enseignant de l'école publique laïque au Québec, notamment en refusant de laisser travailler des orthopédagogues parce qu'elles sont des femmes ou parce qu'on refusait de croire que l'autisme ou les troubles d'apprentissage étaient des réalités, inacceptable, en enseignant peu ou pas certaines matières comme les sciences de l'éducation à la sexualité, inacceptable, en interdisant aux filles de jouer au soccer, d'autant plus inacceptable, vous en conviendrez, et en pratiquant des rites religieux en pleine classe, absolument inacceptable. J'en passe.

On ne le dira jamais trop fort, M. le Président : Ceci est inadmissible, ceci est intolérable, point barre. On apprend que cela dure depuis sept ans et qu'il y aurait trois autres écoles, peut-être plus, dans la même situation. Ça veut dire que, pendant que certaines formations politiques étaient obnubilées par les signes religieux, les phénomènes comme ceux-là se développaient au Québec sans qu'on agisse. Bref, les projecteurs, selon nous, étaient braqués à la mauvaise place, M. le Président.

On nous propose aujourd'hui une motion pour faire face à cette situation. Elle comporte plusieurs volets, que je vais aborder un à un, en m'attardant un peu plus lourdement sur certains d'entre eux.

Le premier : «Que l'Assemblée nationale rappelle l'avancée historique que représente la séparation des religions et de l'État.» Il y a peu de divergences sur la... Il peut y avoir, M. le Président, pardon, des divergences sur la manière d'appliquer ce principe, mais il est indubitable qu'il fait consensus au Québec. On s'entend tous là-dessus.

Il faut se rappeler qu'il n'y a pas si longtemps la religion en éducation n'était pas seulement une exception intolérable, mais une politique officielle par laquelle la religion et l'État marchaient main dans la main pour rappeler aux fidèles citoyens leur devoir de soumission à l'ordre établi. On en parlait tout à l'heure, que ça ne fait pas si longtemps que ça qu'on a établi cette distinction-là dans l'ensemble de notre législation. On s'en est sorti et on doit en rester le plus loin possible. Évidemment, on appuie sans réserve ce principe de la motion.

Deuxième élément : «Qu'elle réitère que le respect et la mise en oeuvre du principe de laïcité dans le réseau de l'éducation et des services de garde est un gage de cette séparation des religions et de l'État ainsi que du respect de la liberté de conscience et d'expression des usagers.» À nouveau, sans problème, on peut débattre de ce qu'implique la mise en oeuvre de ce principe, mais personne en cette Chambre ne le conteste. C'est limpide.

Troisième alinéa : «Qu'elle constate que la situation révélée au sein de l'école Bedford démontre que l'État québécois a failli à faire respecter la laïcité et le respect des divergences d'opinion.» Indubitablement, M. le Président, l'État québécois a échoué à faire appliquer les principes de l'école publique laïque à Bedford. C'est limpide. La question aujourd'hui, le... la clé, c'est : Pourquoi cet échec? J'y ai déjà fait allusion, je le réitère, ce pourrait-il que ce soit parce que les projecteurs étaient placés à la mauvaise place, alors que certains... alors que, pour certains, la laïcité semblait se résumer à la question des signes religieux? La question se pose, et plusieurs seront tentés d'y répondre par l'affirmative. Ça n'empêche pas que le centre de services scolaire avait le devoir d'agir avec diligence pour protéger les enfants, et il ne l'a pas fait. Sa direction doit rendre des comptes, le ministre de l'Éducation doit rendre des comptes, le gouvernement du Québec doit rendre des comptes.

Qu'elle constate... Alinéa suivant : «Qu'elle constate que la situation révélée au sein de l'école Bedford et de certains services de garde met en péril le développement scolaire, éducatif et humain [de ces] enfants et [des] élèves.» C'est ce que nous disent les comités qui ont rendu un rapport récemment, je cite, être inquiets de l'intégrité physique, psychologique et émotionnelle des élèves — c'est ce qu'ils disent — et se questionnant en outre sur la qualité de l'enseignement reçu par les élèves. C'est inacceptable. Ça dure depuis sept ans. C'est toute une cohorte qui a été sacrifiée par l'inaction, M. le Président, on aurait dû agir bien avant. C'est là que le bât blesse.

Et là où le bât blesse, c'est avec le prochain énoncé de la motion, selon nous, et on va proposer un amendement à cet effet, j'y reviendrai : «Qu'elle reconnaisse la nécessité de renforcer la Loi sur la laïcité de l'État pour en assurer le respect dans les services publics.» Cet énoncé semble indiquer que nous n'avions pas, jusqu'ici, les moyens d'agir face à une situation pareille et qu'il serait donc évident qu'il faudrait absolument rouvrir la Loi sur la laïcité de l'État en raison de l'affaire de l'école Bedford.

Or, qu'en est-il, M. le Président? Je viens d'abord rapporter, et je ne le fais pas souvent, les propos de l'auteur de la loi, l'actuel ministre de la Justice, cité hier dans La Presse : «Pour sa part, le ministre Jolin-Barrette, père de la Loi sur la laïcité de l'État — je le cite, là... M. le ministre de la Justice, bon, je ne dirai pas son nom — a soutenu que ce texte législatif est clair et que l'enjeu réside plutôt dans son application.» Vous me repermettrez de le dire, c'est très rare que je cite le ministre de la Justice, M. le Président.

Le Pr Lampron, lui, de l'Université Laval, expert en la matière, est du même avis, et je le cite également, j'ouvre les guillemets : «L'idée de réouvrir un chantier sur la laïcité sur la base de ce qui s'est passé à l'école Bedford est particulièrement choquante et laisse croire à un désir de créer un nuage de fumée.

«Que ce soit avant ou après la Loi sur la laïcité de l'État, en 2019, les règles applicables en matière de séparation du religieux et de l'État prévoyaient déjà, au Québec, un devoir de réserve des agents de l'État — comme les enseignants, par exemple — en matière religieuse.

«Ce devoir de réserve en matière religieuse est clairement violé dès qu'un agent de l'État agit de manière prosélyte dans le cadre de ses fonctions et contacts avec les bénéficiaires de services publics — comme des élèves, dans le cas des enseignants des écoles publiques.

• (16 h 10) •

«La seule chose que l'adoption de la Loi sur la laïcité a changée, en la matière, est qu'il a établi en plus que le port de signes religieux devait être interdit à certains agents de l'État — c'est ça qu'il est venu ajouter en plus — et à tous les agents de l'État pour le port de signes voilant le visage.

«Partant de là, il est interdit qu'un enseignant — ou un groupe d'enseignants — refuse de donner des portions de la matière prévue au cursus minimal obligatoire établi par le ministère de l'Éducation ou d'accorder des services à des élèves en difficulté sur la base de croyances.»

Cette interdiction, qui découle du devoir de réserve des agents de l'État en matière religieuse, existait en 2017, en 2019 et existe toujours aujourd'hui. L'idée donc que nous aurions besoin d'une réouverture de la Loi sur la laïcité pour ouvrir... pour permettre, en fait... pour éviter d'autres Bedford est donc une fausse idée.

«Ce qui doit faire scandale dans l'affaire Bedford, c'est le temps incroyablement long qui s'est écoulé avant que le centre de services scolaire ne s'attaque à cette situation inacceptable, qui relève de la gestion des relations de travail et des services aux élèves.

«La dernière chose dont nous avons besoin — et je finis la citation — collectivement, est de provoquer une énième crise des accommodements raisonnables. La laïcité, la vraie, est une institution trop importante pour qu'on l'instrumentalise — encore une fois — pour servir des objectifs politiques.» Fin de la citation.

Il semble qu'il ait raison, M. le Président. Nous abondons de la même façon. La Loi sur l'instruction publique prévoit, bien sûr, qu'il est possible de retirer le droit d'enseigner à un enseignant pour «une faute grave commise à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou pour un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de la fonction d'enseignant». J'espère qu'on va s'entendre là-dessus puis j'espère qu'on va s'entendre qu'on était devant un tel cas.

Et ça arrive, M. le Président. On peut retracer les jugements des tribunaux qui portent spécifiquement là-dessus. Ce n'est pas une nouveauté. Rapidement, en recherche, on tombe sur une décision du Tribunal administratif du Québec, de 2016, sur un dossier de révocation de brevet d'enseignant, 2016 : «Les notions de faute grave et d'acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité doivent être analysées en considérant les devoirs et obligations inhérents à l'exercice de la fonction d'enseignant. La nature de la fonction d'enseignant et l'influence que les enseignants exercent sur les élèves imposent à ces derniers l'obligation d'avoir une conduite exemplaire en tout temps et en harmonie avec les normes reconnues par la société dans laquelle ils évoluent.»

Devant tout ça, on conviendra que, donc... que prendre pour acquis que la situation de Bedford justifie de rouvrir la Loi sur la laïcité est pour le moins prématuré. Les responsables à la fois du centre de services scolaire et au gouvernement ne peuvent pas se dédouaner de toute cette situation en alléguant qu'ils n'avaient pas les moyens d'agir. La vraie question, c'est : Pourquoi on n'a pas agi avant?

Le débat va se poursuivre. Mais, tel qu'évoqué, le fait qu'on ait braqué les projecteurs sur l'unique débat des signes religieux et non pas sur le coeur de l'argument de l'enseignement laïque qui est dispensé, il est là, le problème.

Il y a aussi un laxisme général, qui n'est pas nouveau. Pas plus tard qu'en février cette année le ministre de l'Éducation a renouvelé le mandat... le permis, pardon, de l'école ultraorthodoxe Belz, qui a notamment bafoué les mesures sanitaires lors de la pandémie et ne respecte pas le régime pédagogique, selon la Commission consultative de l'enseignement privé. J'y reviendrai. On peut donc se demander si l'abolition des commissions scolaires sous bâillon n'a pas joué un rôle, les parents n'ayant plus l'opportunité de s'adresser à un commissaire élu de leur quartier pour adresser leurs préoccupations. Ce débat-là n'est certainement pas fini.

À tout événement, nous ne pouvons être d'accord avec cet alinéa et nous soumettons une proposition d'amendement, en toute ouverture avec les collègues, au cinquième alinéa, pour le remplacer pour le suivant, et c'est une proposition d'amendement qui vous sera communiquée, M. le Président :

«Qu'elle demande au gouvernement de s'engager à renforcer les mécanismes de contrôle et de formation pour prévenir de tels abus et à soutenir les directions d'école afin de garantir un enseignement laïc, inclusif, fondé sur la science et exempt de [toute] manipulation idéologique dans toutes les écoles du Québec;».

Les autres dispositions, M. le Président : la suivante, qui demande au gouvernement de légiférer pour inscrire le principe de la laïcité sur la Loi de l'instruction publique, il n'y a pas de problème avec nous, bien évidemment, on est d'accord; sur la Loi sur les services de garde, même chose, on est d'accord. Qu'on demande l'inscription obligatoire et la recension des lieux de culte, il y a des choses qui peuvent être vérifiées sur le comment, mais, sur le principe, on est certainement d'accord, et ce sera important d'y veiller.

Qu'on demande... et ça, c'est la finalité de l'intervention, et la collègue du Parti libéral en parlait, «qu'elle demande au gouvernement de mettre fin au financement public des écoles religieuses», ma collègue de Mercier viendra en parler tout à l'heure et elle détaillera la proposition, mais nous demeurons particulièrement préoccupés par le fait que cette motion de Québec solidaire, appuyée par les autres formations politiques, ait été rejetée par le gouvernement ce matin. C'est très difficile à comprendre.

Avant de conclure, j'aimerais dire un mot sur certaines allusions qui ont été faites ces derniers jours, quant à la non-mixité dans certaines écoles, pour souligner que des situations comme celle de Bedford ne seront jamais la faute des enfants. Jamais ils ne seront responsables de la façon dont les enseignants adultes se comportent. Il faut laisser les enfants en dehors de ça. Il n'y a pas de différence à faire entre les enfants nés au Québec et ceux nés à l'étranger. Ce sont tous des enfants québécois. Les enfants de l'école Bedford ont déjà subi un préjudice du fait qu'ils n'ont pas reçu l'enseignement auquel ils avaient droit, on ne doit pas les pénaliser une deuxième fois en les stigmatisant parce que leurs parents ou leurs professeurs n'ont pas fait la bonne affaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. Votre motion est déposée... votre amendement est déposé sous réserve de l'acceptation de l'auteur.

Alors, je suis maintenant prêt à accueillir M. le député de l'Acadie. Et il reste 6 min 32 s à votre groupe.

M. André Albert Morin

M. Morin : Alors, merci, M. le Président. Je prends la parole cet après-midi dans le cadre d'un débat qui est très important. Et je tiens d'entrée de jeu à rappeler, M. le Président, que l'école est laïque, au Québec. Il n'en a pas toujours été ainsi. On a déjà eu des commissions scolaires confessionnelles. Mais, dans sa tradition, le Parti libéral du Québec, avec ses valeurs, a toujours contribué à faire avancer la société québécoise et a toujours voulu faire reconnaître la laïcité des écoles.

On ne refera pas l'histoire du Québec et certains événements. J'ai quelques minutes, mais rappelez-vous l'affaire Guibord, rappelez-vous l'Institut canadien, rappelez-vous les rouges. Eh bien, c'étaient des ancêtres des membres du Parti libéral du Québec et ils ont fait avancer la société québécoise en ce sens. Tellement important, M. le Président, que, dans la Charte des droits et libertés de la personne, notre document, document fondamental, adopté par le Parti libéral du Québec, je le souligne, on indique : «Considérant l'importance fondamentale que la nation québécoise accorde à la laïcité de l'État.» Donc, ce n'est pas uniquement dans une loi, mais dans notre texte, ce texte qui est fondamental pour le Québec, pour le corpus législatif et les Québécois et les Québécoises. On reconnaît l'importance de la laïcité de l'État, et donc, et donc, d'avoir des écoles qui sont laïques.

Ce qu'on a entendu récemment, M. le Président, et là il va y avoir des enquêtes, et tout ça, il faut qu'il y en ait, comprenez-moi, cela est venu me chambouler, me chavirer. Pourquoi? Parce que ce que j'ai entendu, une fois que j'établis ce principe-là, c'est que, dans certaines écoles, non seulement, l'enseignement obligatoire qui doit être donné, pour qu'on puisse, à nos élèves, développer de la formation, des éléments fondamentaux, un esprit critique, alors, on met ça un peu de côté et puis là on fait du prosélytisme, pire que ça, M. le Président, on traite des filles d'une façon différente des garçons.

Ma collègue la députée de Saint-Laurent a donné certains exemples. Le collègue député de Saint-Henri—Sainte-Anne a donné des exemples. Moi, quand j'apprends que des filles vont se mettre après des garçons dans des rangs, quand j'apprends que des filles ne pourront pas participer à certains sports parce qu'elles sont des filles... Bien, moi, je vais vous dire ceci, M. le Président : J'ai une fille; jamais, jamais je ne vais permettre qu'elle soit discriminée, ni elle ni toutes les autres filles et femmes au Québec, jamais, c'est fondamental. Et ça, là, nous, comme parlementaires, là, il faut se lever, il faut se tenir debout puis il faut faire respecter ces droits-là.

Et, question d'égalité hommes-femmes, le Parti libéral du Québec a joué un rôle fondamental dans l'histoire du Québec : vote des femmes au Québec, au provincial, Adélard Godbout, c'est le Parti libéral du Québec qui leur a donné ça; première femme ministre, Parti libéral du Québec qui a permis ça. Plus récemment, je reviens à la charte québécoise, on a enchâssé dans la charte québécoise, notre loi des lois :

«50.1. Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux [hommes] et aux [femmes].»

C'est un texte fondamental. C'est un texte fédérateur dans la société québécoise. C'est un principe qui est reconnu et qui doit être respecté. Cela fait partie de ce qu'on est au Québec.

• (16 h 20) •

Et permettez-moi, permettez-moi, à l'époque, quand il y avait eu des débats, de rappeler le rôle qu'avait joué ma prédécesseure députée de l'Acadie, que je peux nommer, Christine St-Pierre, puisqu'elle n'est plus députée. C'est elle qui a fait ce travail-là dans le gouvernement de Jean Charest. Ça nous rallie, tout le monde. C'est une valeur qui fait consensus, l'égalité entre les hommes et les femmes. Ici, on partage cette valeur-là, et ça, ça va vraiment dans toutes les sphères de la société, dans toutes les couches de la société, et c'est pour cette raison-là que c'est si important. Mme St-Pierre, à l'époque, appuyée par le premier ministre de l'époque, a fait ce débat-là, M. le Président. C'était pour de très bonnes raisons. Je n'accepterai jamais, jamais qu'on vienne me remettre en principe de tels éléments fondateurs, fondamentaux dans notre société, et c'est ce qu'on apprend récemment, et c'est quelque chose que je ne peux pas accepter.

Permettez-moi également de rappeler les paroles de Jacques Dupuis, qui était député et ministre de la Justice à l'époque...

Une voix : ...

M. Morin : ...pardon, de Saint-Laurent, exactement : «En parlant de l'égalité et de la modification de la charte, c'est une interprétation qui sera donnée devant les tribunaux devant des situations qui sont litigieuses, qui devront être interprétées comme étant la consécration du principe d'égalité entre les hommes et les femmes.»

C'est pour vous dire l'importance que nous accordons à ce principe-là qui est fondamental dans la société québécoise, M. le Président, et je tiens à le rappeler cet après-midi dans cette Assemblée.

Si on revient rapidement à la motion qui est présentée, parce que le temps file, nous avons proposé un amendement afin de s'assurer que, pour les lieux de culte... il y a certains lieux de culte qui sont dans des résidences privées, on pense à des communautés religieuses, pour que ça, ce soit exclu, les gens y habitent, c'est privé. Et, également, nos collègues de Québec solidaire nous ont présenté un amendement pour lequel je suis également en accord.

Et je conclurai sur cette façon-ci, en disant ceci, M. le Président : Il est temps, maintenant, au Québec, de faire cesser le financement avec des fonds publics des écoles religieuses. Qu'elles soient publiques ou privées, c'est terminé. Et, dans ce sens-là, j'appuie totalement ma collègue la députée de Saint-Laurent. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Matane-Matapédia. Il vous reste 8 min 19 s.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Parler de la laïcité, ce n'est pas une nouveauté en Occident, c'est une nouveauté au Québec en matière de législation, une loi qui aurait bien pu être adoptée il y a plus de 10 ans si on avait eu le même consensus qu'on a aujourd'hui sur certaines questions. D'ailleurs, si le ministre était témoin de ce que je vais dire, je dirais la chose suivante : La formation politique qu'il représente maintenant aurait pu nous aider à adopter une loi beaucoup plus rapidement et beaucoup plus complète, qui aurait permis de voir venir les choses. Pas toutes, parce qu'il y a des nouveautés pour l'ensemble des parlementaires.

Je me souviens d'avoir participé aux travaux sur la charte, qu'on appelle la charte des valeurs, du gouvernement de Mme Marois, où j'ai eu le privilège de participer, et j'ai participé également aux travaux de la loi n° 21, une loi pour laquelle le Parti québécois a voté en faveur, c'était important pour nous.

Ce qui est arrivé à Bedford, évidemment, nous confronte aux mécanismes de protection des enfants. Comment on fait en sorte que les enfants reçoivent l'éducation à laquelle ils ont droit pour former des citoyens, qu'ils soient en sécurité, qu'ils soient épanouis? Ce n'est pas ce qui est arrivé. Alors, bien sûr, on a beaucoup questionné les mécanismes. Et c'est simple, d'autant plus que les structures ont changé, il n'y a plus de commissaires scolaires, il y a une nouvelle loi qui donne des pouvoirs au ministre. Donc, on est confronté à ça, mais pas pour des actes récents, pour une situation qui prévalait depuis des années. Et, on ne le dira jamais assez, n'eût été du travail de recherche d'une journaliste, qu'il faut nommer à nouveau en cette salle, qui s'appelle Valérie Lebeuf, probablement qu'on ne l'aurait jamais su.

D'autres cas s'ajoutent, Saint-Léonard, depuis tout à l'heure. Je vous annonce que, dans les prochains jours, il y en aura d'autres aussi. Il y a des cas dans les services de garde aussi.

Donc, il y a une situation qui existe, qui est maintenant révélée parce que les gens parlent. Je pense à cette éducatrice de garde qui habite Laval, qui a parlé hier de situations qu'elle a vécues, où il y avait vraiment un centre de garde qui était totalement orienté vers l'islam.

Alors, une fois qu'on a tout dit ça, une fois qu'il y a une enquête, une fois qu'il y a des accompagnateurs, une fois qu'on a parlé de notre appréciation des gestionnaires en place, on l'a tous fait, il reste quoi? Bien, une nécessité de renforcer la laïcité.

J'ai écouté Tout le monde en parle dimanche dernier, le ministre, qui parlait essentiellement des processus, qui parlait de courant en pédagogie, qui parlait d'un clan dominant, mais pas vraiment de religion. Je vous le dis, là, en toute sincérité, je l'ai réécouté deux fois. Le chef du Parti québécois arrive le lendemain et nomme des choses qui font résonner des réalités. Il a parlé de l'influence religieuse dans l'enseignement de certains enseignants et enseignantes, de la proximité d'une mosquée juste à côté, de principes religieux qui guident la vie professionnelle de certains enseignants. Il l'a nommé. Ça n'a pas plu à des gens de révéler ça. Alors, il l'a fait.

Le lendemain, qu'est-ce qui arrive? Le premier ministre dit exactement la même chose. Il ne le dit pas comme son ministre, il le dit comme le chef du Parti québécois, qu'il y a une dimension religieuse et qu'il va falloir, contrairement à ce que dit le ministre de l'Éducation, renforcer la laïcité. À travers une loi, à travers des mémos, au travers des règlements, je ne le sais pas, mais c'est bien, et on va y participer, puis on a fait des propositions dès lundi.

Si d'aventure le gouvernement veut améliorer la loi n° 21, bien, je lui rappelle qu'il y a des propositions que nous avons faites qui n'ont pas été retenues. À l'époque, on avait parlé des services de garde, on avait parlé des écoles privées, ça n'a pas été retenu. Le gouvernement voulait une loi modérée — il l'a, elle est pas mal modérée — et il y a effectivement beaucoup d'emphase qui a été mise sur des enjeux et il y a d'autres phénomènes qu'on ne pouvait pas prévoir. Par exemple, je crois que c'est en début 2023, au printemps, que l'enjeu de la prière à l'école est apparu. Et le Parti québécois a soulevé cet enjeu et à plusieurs reprises en a parlé. Et finalement le ministre a décidé... pas vraiment lui-même, là, a décidé d'aller de l'avant pour envoyer un mémo disant : Il faut mettre fin aux prières. J'espère que c'est le cas. Moi, j'ai demandé qu'on vérifie ça, plus de prières dans les écoles.

La laïcité, là, c'est la liberté de conscience, c'est la séparation de l'Église de l'école. Des lieux pour exercer sa foi, il y a à sa résidence, centres communautaires, les lieux de culte, intérieurement. Pas l'école. C'est juste ça. Ce n'est pas une valeur québécoise. C'est une valeur universelle à laquelle souscrivent les Québécois. Des fois, là... Le gouvernement disait : C'est une valeur québécoise d'identité. Je diffère d'opinion là-dessus. L'identité, c'est le français, c'est la culture. La laïcité, c'est une règle qui régit des gens de toute identité, tous Québécois, bien sûr, mais d'identités diverses. C'est une règle qu'on se donne pour vivre ensemble. Bien sûr, on y souscrit parce que ça sous-tend l'égalité entre les hommes et les femmes, l'adhésion à une société de droit, par exemple, aussi, et le respect des chartes, hein, essentiellement. Donc, la laïcité, ça va dans ce sens-là.

On a voté pour cette loi, on la défend, ce n'est pas... elle n'est pas aussi complète, mais c'est une avancée. On aimerait... on aurait aimé pouvoir faire adopter la loi qu'on proposait à l'époque. D'ailleurs, l'ironie fait en sorte que celui qui la proposait, maintenant, a à la gérer à nouveau. Je ne sais pas si ça lui plaît, mais c'est une nécessité.

On propose des mesures. J'en ai identifié quatre dans la motion. Le ministre a répondu... a choisi en bloc de ne pas répondre à aucune. Il a parlé de lui, ça lui arrive, il a parlé des... de son cheminement, de ses interventions, mais pas des motions, pas de la motion puis des quatre mesures. Je vais les lire, parce que là il y a des amendements. J'annonce tout de suite que je suis en faveur de l'amendement de Québec... du Parti libéral du Québec. Je n'ai pas fini de lire celui de Québec solidaire, mais j'y arrive. Celui du Parti libéral du Québec, je vous le dis tout de suite, on est en faveur.

D'ailleurs, on notera un changement important : maintenant, le Parti libéral du Québec est en faveur de mettre fin au financement des écoles religieuses, des écoles confessionnelles privées, mais qui sont quand même financées par l'État. C'est une nouveauté, puis on l'a appris tout à l'heure par l'entremise de la députée de Saint-Laurent. Je dis : Bravo! Donc, Québec solidaire, le Parti libéral et le Parti québécois... Seule la CAQ a encore une position de laisser l'argent à des écoles religieuses. S'ils ont une instance dans les prochaines heures, je les invite à mettre ça à l'ordre du jour. C'est une nécessité.

Donc, on veut renforcer la Loi sur la laïcité de l'État pour assurer le respect dans les services publics. On veut également légiférer pour inscrire le principe de laïcité au sein de la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur les services de garde. On veut l'inscription obligatoire et la recension des lieux de culte et organisations de nature religieuse présentes et actives au Québec. Puis on demande au gouvernement du Québec de mettre fin au financement public des écoles religieuses.

Quand la question lui a été posée par l'animateur Guy A. Lepage dimanche, le ministre, bon, c'était un peu plus complexe, il dit : Il y a un consensus social, puis personne n'a voulu changer ça. Très bien. Je lui suggère humblement que... On a eu des débats sur la laïcité puis on a une loi maintenant qui régit ces questions-là. Donc, maintenant que c'est fait, l'étape normale, c'est de mettre fin au financement, 160 millions de dollars. Je suis assez convaincu que, s'il posait la question à ses collègues députés, ils sont en faveur de ce que je dis présentement. Donc, je garde espoir que, d'ici demain, on puisse avoir une mesure qui nous permet de sauver 160 millions. Je pense que ça va être apprécié du ministre des Finances. Et surtout on pose un jalon de plus en faveur de la laïcité.

• (16 h 30) •

M. le Président, je reviendrai pour la réplique ou plutôt la poursuite de la réflexion puis des échanges. Je suis heureux qu'on ait ce débat. Ça se passe bien jusqu'à maintenant. Je reviendrai sur des propos du ministre à la fin, mais, s'il est pour s'enligner un peu dans le même sens que nous, peut-être que j'oublierai de le faire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Matane-Matapédia. Alors, je reconnais maintenant M. le député de Richelieu, en rappelant qu'il reste 15 min 7 s à votre groupe parlementaire.

M. Jean-Bernard Émond

M. Émond : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, donc, de prendre la parole dans cet important débat.

Et je vais débuter, M. le Président, en déposant une proposition d'amendement, de notre formation politique, à la motion présentée par le député de Matane-Matapédia.

Donc, au troisième alinéa, retirer les mots «démontre que l'État québécois a failli à faire respecter la laïcité et le respect des divergences d'opinion;» et les remplacer par «relève un nouveau défi pour l'État québécois à faire respecter la laïcité;».

Supprimer les cinquième, sixième, septième et huitième alinéas.

Ajouter les deux alinéas suivants à la fin de la motion :

«Qu'elle demande au gouvernement de réfléchir à de nouveaux moyens pour promouvoir la laïcité de l'État et pour en assurer le respect dans les services publics;

«Qu'elle prenne acte que le ministre de l'Éducation et le ministre de la Laïcité ont eu comme mandat de regarder comment on peut renforcer les contrôles et la laïcité dans les écoles du Québec.»

M. le Président, je vous disais que ça me fait plaisir d'intervenir parce que c'est un sujet qui est important, parler d'un principe fondamental qui a façonné l'identité québécoise moderne : la laïcité. Et je pourrais revenir... du long cheminement historique qui a mené à cette réflexion-là. On peut parler peut-être du rôle prédominant de l'Église catholique dans la société québécoise. Je pourrais également vous parler du tournant décisif vers la laïcité, qui s'amorce avec la Révolution tranquille, qui a marqué la montée de l'État québécois comme acteur central remplaçant l'Église dans les secteurs clés comme l'éducation et la santé. Bien entendu, je pourrais vous parler de la création du ministère de l'Éducation, en 1964, sous la direction de Paul Gérin-Lajoie, un geste symbolique en cette période; en 1975, la charte québécoise des droits et libertés de la personne qui a été adoptée; plus récemment, la commission Bouchard-Taylor, créée en 2007, pour examiner les pratiques d'accommodements raisonnables, son rapport publié en 2008. Et il faut, donc, se ramener à l'arrivée de notre gouvernement, M. le Président, en 2018, pour faire en sorte que la laïcité de l'État devienne une priorité législative.

En 2019, notre gouvernement dépose le projet de loi n° 21 intitulé Loi sur la laïcité de l'État. Cette loi, adoptée en juin de la même année, vous étiez présent, M. le Président, marque un tournant majeur dans l'histoire de la laïcité au Québec. Et l'adoption de la loi n° 21, c'est un geste nécessaire pour préserver la laïcité et garantir l'égalité entre les citoyens. Elle permet de renforcer la neutralité des institutions publiques et d'assurer que celles-ci ne favorisent aucune religion. Et la loi nous a aidés, M. le Président, à assainir le climat social et à continuer de débattre de laïcité, un sujet qui revient fréquemment dans l'actualité, comme ces dernières semaines.

La Loi sur la laïcité de l'État reflète la volonté du Québec de se doter d'un État véritablement neutre où les institutions publiques demeurent séparées des influences religieuses, tout en respectant la diversité des croyances privées.

Et je vous invite donc, chers collègues, à réfléchir à l'importance de cette loi, au chemin parcouru pour en arriver à ce moment historique. La laïcité est un principe fondateur de notre société moderne, et il nous appartient de la défendre, tout en veillant à ce que notre État reste inclusif et respectueux de tous les citoyens.

Et je vais terminer, M. le Président, si vous permettez, en se remémorant l'allocution sentie qu'on a vécue tous ensemble ici, de l'ancien premier ministre de la République française, M. Gabriel Attal. Et je vais le citer, je me permets de le citer — j'ouvre les guillemets, M. le Président : «Nous avons aussi en partage cette place que nous accordons à la laïcité, la laïcité comme une liberté, celle de croire ou de ne pas croire sans jamais être inquiété, la laïcité comme une garantie, celle de l'égalité, celle du respect de chacun, celle de la capacité à faire corps, à se rassembler, à s'unir, à faire société.

«On parle souvent de vivre-ensemble. Ce terme n'est pas galvaudé. Et je sais que la laïcité est la condition pour bien vivre ensemble. Et je sais que les Québécoises et les Québécois, que leurs représentants sont attachés à la laïcité.

«Face à ceux qui font mine de ne pas comprendre ce qu'est la laïcité, qui voudraient la détourner, faire croire qu'elle est une forme d'arme antireligion, faire croire qu'elle est une forme de négation des religions, faire croire qu'elle est une forme de discrimination, nous répondons que la laïcité est la condition de la liberté, est la condition de l'égalité, est la condition de la fraternité. Ces valeurs, nos valeurs, nous ne devons jamais en avoir honte. Alors, défendons-les chaque jour avec force, conviction et courage. Défendons-les sans jamais céder un millimètre à ceux qui veulent les remettre en cause. Défendons-les quand elles sont au coeur de notre identité.» Et je ferme les guillemets. Citation de l'ancien premier ministre français, M. Gabriel Attal.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Richelieu. Votre amendement est déposé, et il sera accepté ou non, selon... sous réserve de l'acceptation de l'auteur de cette motion.

Alors, je reconnais maintenant Mme la députée de Mercier. Il reste 2 min 31 s.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. 2 min 30 s, ce n'est peut-être pas... probablement pas assez pour convaincre le gouvernement de changer d'idée concernant l'arrêt de financement des écoles privées confessionnelles. Ça va être le seul élément de mon intervention aujourd'hui qui est dans la motion du Parti québécois.

Moi, je veux souligner quand même le changement de position du Parti libéral du Québec, qui dit qu'il faut arrêter, dans une société laïque, de financer des écoles privées confessionnelles. C'est une bonne chose. La motion que j'ai déposée aujourd'hui pour arrêter ce financement-là a été, même, acceptée par le député de Saint-Jérôme. C'est une bonne chose. Le Parti québécois, même s'il était au pouvoir, il n'avait pas arrêté les subventions aux écoles confessionnelles, mais il est quand même d'accord avec ça. C'est une bonne chose. Donc, il reste juste le gouvernement.

On fait face, M. le Président, à ce que j'appellerais une laïcité, je ne sais pas si on peut dire ça, à deux vitesses ou deux poids, deux mesures. D'un côté, on a des profs fautifs qui ont nui au droit des élèves d'avoir de l'enseignement de qualité, notamment du cours Culture et citoyenneté québécoise. Et c'était une bonne chose de leur enlever leur brevet, c'était une bonne chose de les suspendre. Ça a pris du temps, mais, au moins, ça a été fait. Mais, de l'autre côté, si le gouvernement ne veut pas arrêter le financement, il devrait au moins ne pas se mettre la tête dans le sable et aller fouiller un peu plus ce qui se passe dans les écoles privées confessionnelles.

J'ai ici la liste de 15 écoles privées confessionnelles qui sont subventionnées par le gouvernement du Québec mais qui refusent d'offrir le cours de CCQ, alors que, normalement, on devrait suspendre leur permis. Eh bien, non, ça arrive très, très souvent que leur permis est renouvelé, malgré le fait qu'ils ne respectent pas tous les critères.

Donc, il y a une incohérence ici. On fait face à une incohérence du gouvernement. S'il est réellement laïque, moi, je lui propose fortement de commencer à réfléchir puis fouiller un peu plus, notamment les montants d'argent qui sont donnés à ces écoles privées confessionnelles, parce que ce serait totalement incohérent. Il est le seul... Nous, ici, tout le monde dans cette Chambre, à part le gouvernement, sommes d'accord avec l'arrêt des subventions pour ces écoles-là. Moi, je suis convaincue que le ministre, dans son coeur, il trouve que ça n'a pas de bon sens, que ce n'est pas logique. Bien, peut-être qu'il devrait convaincre ses collègues. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Mercier. Alors, pour la prochaine intervention, je reconnais Mme la députée de Vimont. Et il reste 9 min 27 s à votre groupe parlementaire.

Mme Valérie Schmaltz

Mme Schmaltz : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, c'est sûr que la question d'aujourd'hui vient nous chercher tous. Ce qui est arrivé, naturellement, à l'école Bedford est une situation extrêmement dérangeante, d'autant plus qu'en tant que mère de famille, on ne se le cachera pas, ça a été quelque chose qui m'a profondément bouleversée, en tant que députée aussi, mais avant tout comme mère de famille de trois enfants. Je pense qu'on est... On a tous des enfants ici.

Et puis c'est sûr que, lorsqu'on croit profondément au principe de la laïcité, on ne peut pas passer outre sur ce qui s'est passé. Tous les enfants, tous les enfants du Québec, peu importent leurs origines, méritent une éducation entièrement laïque, une éducation qui reflète nos valeurs avant tout. On l'a soulevé à plusieurs reprises, ça fait partie des valeurs... des valeurs du Québec.

D'ailleurs, la députée de Saint-Laurent a mentionné tantôt la vitesse à laquelle le ministre de l'Éducation a réagi, donc, à ce qui s'est passé, et je pense que c'est important qu'on le souligne aujourd'hui en cette Chambre. C'est une preuve, encore une fois, une grande preuve que notre gouvernement est actif et proactif dans ce genre de situation là. On ne le dira pas assez, mais Mme la députée de Saint-Laurent l'a fait et l'a mentionné, alors je me permets de le mentionner à nouveau.

• (16 h 40) •

On sait que la Loi sur la laïcité fait couler beaucoup d'encre, a fait couler beaucoup d'encre, mais force est de constater aujourd'hui que plusieurs politologues, chroniqueurs ont changé quelque peu leur façon de voir les choses en termes de laïcité, notamment depuis les dernières semaines, et encore plus depuis les derniers jours.

Alors, si vous permettez, je reviens rapidement sur les principes de la Loi sur la laïcité de l'État, parce qu'on voit, malheureusement, qu'elle est souvent mal comprise dans nos institutions publiques.

Donc, elle repose, la loi, sur quatre principes : la séparation de... de l'État, pardon, et des religions, la neutralité religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyennes et citoyens, on ne le répétera jamais assez, égalité entre citoyens et citoyennes, et la liberté de conscience et la liberté de religion. La loi prévoit que les institutions parlementaires, gouvernementales, judiciaires sont tenues de respecter ces principes dans le cadre de leur mission.

La Loi sur la laïcité de l'État propose d'interdire le port d'un signe religieux à certaines personnes dans l'exercice de leurs fonctions. Notamment, le port de signes religieux, quels qu'ils soient, seront interdits à tous les fonctionnaires exerçant une position d'autorité coercitive, tels que les policiers, les juges et les gardiens de prison.

J'ai peu de temps, mais je vais faire un petit survol rapide de quelques articles et prises de position concernant la loi de la laïcité et son impact dans notre société, loi... pardon, pas... prises de position de certains journalistes, dont je vais citer rapidement quelques exemples.

On a Guillaume Rousseau, Journal de Montréal, qui s'est exprimé à maintes reprises sur le sujet et qui... Je me permets, là, de le citer, que... Je me permets, pardon, de citer, donc, cette phrase qui a le mérite d'être claire et juste : «Non seulement la loi n° 21 ne porte pas atteinte à la liberté de conscience et de religion, au contraire, elle vient mettre en oeuvre cette liberté de religion et de conscience.» Il mentionne que «la loi protège les bénéficiaires de services publics, les élèves et leurs parents, qui ont droit, grâce à la loi n° 21, à la liberté de conscience, à des services publics laïques, notamment dans les écoles».

Écoutez, j'ai une liste, là, qui ne finit plus, Normand Baillargeon... On a même, tu sais, Patrick Lagacé, hein, bon, quand même, qui a... qui s'est permis de nous faire part de son processus d'acceptation de la loi n° 21 dernièrement. Donc, quand même important aussi qu'on le souligne. On a Françoise David, Maka Kotto, Gabriel Attal, comme mon collègue l'a mentionné tantôt.

Alors, en terminant, rapidement, je pense qu'il est important qu'on rappelle qu'il existe différentes manières dans le savoir... dans le savoir-vivre, dans le vivre-ensemble... Le Québec, par son histoire, par sa langue, par sa culture, a des caractéristiques qui lui sont propres et qui l'ont amené à développer un attachement particulier au modèle de laïcité de l'État. C'est un régime qui permet d'assurer, justement, un équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels des Québécois, des Québécoises, des droits qui permettront, justement, d'assurer l'égalité des hommes et des femmes, des uns et des autres, et qui peut pleinement se réaliser.

Alors, voilà, M. le Président. Je cède maintenant la parole à mon collègue, parce que le temps défile, mais merci encore. J'applaudis mon gouvernement, hein, pour... Bravo! Bravo pour tout ce qu'il a fait sur la laïcité! Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Vimont. Alors, maintenant, je reconnais M. le député de Saint-Jean.

M. Louis Lemieux

M. Lemieux : Pour combien de temps, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Il reste environ... un peu moins de cinq minutes, 4 min 16 s, on me le confirme.

M. Lemieux : Merci beaucoup. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est assez pour prendre position dans ce débat et m'inscrire dans ce débat des affaires inscrites par les députés de l'opposition auquel on est conviés cet après-midi par le député de Matane-Matapédia dans la foulée des révélations de ce qui s'est passé et de ce qu'on apprend à tous les jours, semble-t-il, de ce qui s'était passé à l'école Bedford.

Le chef de la troisième opposition, d'ailleurs, a dit que les élus doivent être prudents quand il est question de ces affaires-là, et je suis tellement d'accord avec lui. Il dit aussi que son but, et le but de ce qu'il avait à nous dire, c'est la paix sociale, dans ce débat sur la laïcité, que c'était légitime. Et, là encore, je suis tellement d'accord avec lui, mais ça s'arrête pas mal là.

Pour ce qui est du ministre Drainville... pardon, le ministre de l'Éducation, qui nous a résumé ce qui s'était passé à Bedford, bien, ce que je retiens, c'est que ce n'était pas acceptable. Puis ce qui n'est pas acceptable, M. le Président, c'est aussi d'avoir peur d'en parler, peur de nommer les choses.

C'est important de nommer les choses, bien, pas que laïcité, il y a aussi des questions d'intégration, et il y a l'éléphant dans la pièce : le racisme. Parce qu'on va se le dire, dans le contexte, il faut bien voir que, depuis trop longtemps au Québec, des personnes tardent à dénoncer les dérapages religieux sous peur de se faire traiter de racistes. Des courants idéologiques bien-pensants censurent parfois la voix de ceux et celles qui souhaitent vivre sous la protection de notre laïcité.

Le premier ministre a été clair, M. le Président, il faut pousser notre réflexion sur la laïcité plus loin afin qu'elle soit respectée dans nos écoles publiques. On se doit de le faire pour le bien-être de nos enfants, tous les enfants, et peu importent leurs origines. Tous ensemble, c'est ça, la base du vivre-ensemble.

Les Québécois ne doivent pas craindre de dénoncer des situations aberrantes, comme celle de l'école Bedford. Tenons-nous debout, disons-nous, devant l'obscurantisme religieux. C'est quoi, l'obscurantisme? Bien, je suis allé... Dans le temps, on disait Le petit Robert, on disait le Larousse, mais je suis allé voir dans Antidote, que j'ai toujours dans ma machine : L'obscurantisme, c'est l'«attitude d'opposition et d'hostilité à la diffusion du savoir et du progrès». Il y a plein de mots comme ça que je suis allé vérifier avant de monter ici, parce que c'est de ça dont on parle, dans le fond, nommer les choses et comprendre de quoi on parle. Comme le prosélytisme religieux, c'est quoi, ça? Bien, c'est le voisin de l'endoctrinement, dans le fond, c'est un zèle ardent pour recruter des adeptes. Ça dit bien ce que c'est, même si le mot ne nous dit rien à prime abord. Mais la définition est très claire.

Et c'est important dans ce débat, parce que, là, on est rendus où, on fait quoi? Bien, ça a été beaucoup répété au cours des derniers jours, des dernières heures aussi, mais il me semble que c'est assez clair que ce qu'il s'agit de faire pour le gouvernement maintenant, c'est de voir c'est quoi, la direction qu'il faut prendre. Est-ce que c'est les modalités de l'application de cette loi, qu'on s'est donnée et dont on est si fiers, sur la laïcité de l'État ou est-ce que c'est la lettre de la loi qui n'est pas assez claire ou qui aurait besoin d'être revue et corrigée? Bien, c'est ce que le ministre de l'Éducation et le ministre de la Laïcité ont commencé à faire hier. Je n'ai pas de doute qu'ils ne tarderont pas. De toute façon, j'ai entièrement confiance en mes collègues dans ce dossier.

Et vous me faites signe que mon temps est presque terminé. Je voulais vous dire, en terminant, que la laïcité, c'est un pilier du modèle québécois du vivre-ensemble. C'est de ça dont il est question, M. le Président, vivre ensemble. La laïcité, c'est un des éléments, avec la langue française, avec la culture, avec la tradition, avec tout ce qui fait que le Québec est une nation singulière en Amérique du Nord... c'est ça qui fait en sorte qu'on s'inscrit dans quelque chose de plus grand. La laïcité, l'identité, tout ce qui fait que nous sommes ce que nous sommes, tous ensemble, pour vivre ensemble, c'est ça qui est à la base de ce dont on parle aujourd'hui et ce dont on va continuer de parler. C'est tout frais, hein? La laïcité, on a réalisé ça il y a quelques années à peine. Vous allez voir, on va y arriver, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jean. Alors, je cède la parole à Mme la députée de Mont-Royal—Outremont. Il vous reste 29 secondes.

Mme Michelle Setlakwe

Mme Setlakwe : Merci. Bedford, c'est dans ma circonscription et c'est à côté de chez moi, alors ça me touche énormément, comme mère de famille surtout. Mon message, aujourd'hui, c'est : N'hésitez pas à dénoncer, dénoncer auprès du personnel de l'école, dénoncer auprès de toute personne avec qui vous avez un lien de confiance, auprès d'un agent communautaire. Ces actes sont non tolérés, sont vexatoires, sont dérogatoires, n'ont pas leur place au Québec. C'est le bien-être de l'enfant qui prime avant tout.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la députée de Mont-Royal—Outremont.

Et maintenant je vais céder la parole à M. le député de Matane-Matapédia. Et, M. le député, pendant votre intervention, et le plus rapidement possible, si vous pourriez nous indiquer si vous êtes en accord ou en désaccord avec les amendements proposés par le député de Saint-Henri—Sainte-Anne et de Richelieu. La parole est à vous.

M. Pascal Bérubé (réplique)

M. Bérubé : Merci, M. le Président. J'essaie de me souvenir. Pour le Parti libéral, j'ai indiqué qu'on était en faveur. Pour Saint-Henri—Sainte-Anne, c'est non. Et, pour le gouvernement, c'est non aussi.

C'est la réplique de 10 minutes? Voilà. Je peux commencer? Merci, M. le Président.

• (16 h 50) •

Cette motion, essentiellement, c'est une réaction du Parti québécois à ce qui s'est passé dans Bedford, et maintenant dans d'autres écoles sous enquête, et à Saint-Léonard, et, que sais-je, des écoles qui seront révélées demain, au cours des prochains jours, parce que les gens commencent à parler. Ils nous écrivent, ils nous révèlent des situations qui montrent que la loi n° 21 ne pourra pas tout faire. Et les structures actuelles ne sont pas adaptées à une situation telle que celle-là. Les gens n'affichent pas toujours leur comportement avec des signes. Ils ont des choses en tête, ils ont des façons de faire qui s'exercent dans des moments qui peuvent passer comme étant assez inusités dans le quotidien, dans la gestion d'une classe.

Il y a des enfants qui ont souffert, il y a des parents qui ont souffert pendant trop longtemps. Et j'ai une pensée pour tous ces jeunes qui auront du soutien. Ce n'est pas prématuré.

On a failli. On n'a pas vu ce qui s'est passé à Bedford. Pendant des années, le gouvernement libéral précédent n'avait pas ces informations et le gouvernement actuel non plus. Là où ça devient intéressant, c'est à partir du moment où on le sait. On a le choix de la réaction. Voici la nôtre. Il y a clairement, dans le cas de Bedford, une dimension religieuse. Ça doit être dit. Nous l'avons dit. Nous espérions que le ministre aurait pu le dire dans sa grande entrevue à Tout le monde en parle. Il a choisi de ne pas l'évoquer. Le premier ministre, suite à l'intervention du chef du Parti québécois, l'a nommé très clairement. Il l'a même écrit. Très bien.

Quelles sont les suites? Améliorer la loi n° 21, se donner de nouvelles balises, étudier davantage le phénomène? Je soupçonne qu'on n'aura pas besoin de se retirer pour étudier, ça va venir à nous. Les cas s'accumulent. Le cas de Saint-Léonard, qui est arrivé pendant cette motion du mercredi, est assez parlant, est assez troublant également. Et on m'indique, depuis tout à l'heure, que d'autres cas sont à venir dans les prochaines heures.

Le Parti québécois, qui est une opposition de propositions, a proposé quatre mesures, qui sont incluses dans la motion. Le ministre a choisi de ne pas en parler. Il a choisi de prendre d'anciennes déclarations du chef du Parti québécois en guise de réponse. Il a choisi de faire ça. Puis-je vous dire, M. le Président, que, si d'aventure je voulais faire la même chose pour un collègue avec qui j'ai déjà siégé dans une autre formation politique et qui avait une opinion de la formation politique dans laquelle il était... et face à ses positions, je pourrais? Ce n'est pas le style de la maison. Alors, je le trouve téméraire de faire ça. Ça ne nous amène pas tellement loin non plus. Je l'ai déjà pensé, qu'il était indépendantiste, de façon très sincère. Je m'étais trompé. Mais l'important, c'est la suite. Lui, il est ministre. Je suis un homme député qui va, à travers sa tribune, essayer de trouver des façons de faire avancer l'affaire. Et ça avance.

Présentement, des formations politiques, qui représentent à peu près le trois quarts de la population du Québec, 75 %, pensent qu'il faut mettre fin au financement des écoles confessionnelles privées qui ont des gestes religieux explicites. Ces écoles, puis là il faut que ce soit clair pour tout le monde, elles ne sont pas que musulmanes, elles sont orthodoxes, elles sont juives, elles sont protestantes, elles sont catholiques. Elles ne sont pas qu'à Montréal, elles sont à Laval, elles sont en Montérégie, elles sont à Québec, elles sont dans Chaudière-Appalaches, elles sont un peu partout sur le territoire. Ces écoles ont le vocable «privé», bien sûr, mais elles doivent quand même dispenser le cursus scolaire. Et, à partir du moment où elles reçoivent de l'argent, on peut questionner bien davantage.

Alors, 160 millions, c'est le montant qui est engagé pour 50 écoles qui ont des gestes religieux explicites. On a beaucoup rendu hommage à Valérie Lebeuf, avec raison, qui est la journaliste de Cogeco qui, la première, avait trouvé l'information. Vous me permettrez de saluer la journaliste de Radio-Canada Laurence Niosi, qui, en 2022, est arrivée avec cette nouvelle qui, pour nous, est importante. Et, dès ce moment-là, on a pris cette position.

Par la suite, Québec solidaire est arrivé plus tard. Puis je le dis positivement. Bon, j'ai entendu ma collègue. À chaque entrevue, elle essaie d'envoyer un petit quelque chose au Parti québécois. Je vais... Je vais prendre ça comme de la taquinerie, tiens.

Et là le Parti libéral, ça, c'est une belle surprise, et je les salue pour ça, parce qu'ils ont un argumentaire qui les amène à arriver là. Ils ont réfléchi ensemble. Ils ont fait un travail de caucus — j'ai beaucoup de respect pour ça — et ils arrivent avec une position où ils nous disent : Oui, on a un préjugé sur les écoles privées, on ne va pas abolir ça, mais, dans ces écoles, peut-être qu'il y en a 150, là, presque, il y en a 50 qui sont problématiques, qu'on va analyser sur l'enseignement qu'ils offrent puis les pratiques religieuses. Il y a des endroits où il y a des messes en latin, le curé est tourné. Il y a de tout, hein? Il y en a même une assez célèbre dans le comté du ministre de l'Éducation. On va regarder ça puis on va retirer le financement. Les fidèles vont payer pour l'école s'ils y croient tant que ça. Il y a au moins une école, là, que j'ai regardée cet après-midi, là, elle a été... La congrégation, là, a été excommuniée par le pape en 1988, ça vous donne une petite idée, là, excommuniée par le pape. C'est un petit peu des rebelles. Mais, si tu es juste rebelle, il y a pire que ça. Vous allez en entendre parler dans les prochains jours.

Donc, première chose à dire, je suis heureux que le vote ait lieu demain, parce que ça donne le temps aux députés gouvernementaux de se réunir pour en discuter, si d'aventure c'est le cas. Parce que, là, on peut y arriver, là, trois formations politiques, qui représentent 75 % de la population, pensent que le moment est venu. Tu sais, souvent, on entend une autoproclamation... C'est historique. Habituellement, ça prend un tiers critique pour dire ça. Je pense que des gens le diront si on arrive avec une unanimité qui met fin à ça, comme on a mis fin, en 1997, aux commissions scolaires confessionnelles. C'est devenu... Puis vous étiez dans l'éducation, un peu comme moi, là, M. le Président, à l'époque, je me souviens. Les commissions scolaires confessionnelles et linguistiques, ça s'est réglé. On pensait que ça allait être compliqué. Non, finalement, on a fait ça relativement simple. On peut y arriver aujourd'hui.

Donc, ça, c'est une mesure importante. J'aimerais avoir l'avis du gouvernement. Je ne sais toujours pas s'ils vont voter en faveur de notre motion. Pour l'instant, je pense qu'on peut arriver à un accord avec Québec solidaire, avec le Parti libéral. Il manque le gouvernement de la CAQ. Ce serait embêtant avec, surtout, le passé du ministre. Moi, je le connais, le ministre, j'ai siégé avec au Conseil des ministres. Je sais ce qu'il pense de toutes ces questions-là. Vous ne le saurez jamais. Pour 50 ans, je ne peux pas en parler. Mais je sais un peu comment qu'il pense dans une équipe. Alors, j'espère qu'il va... qu'il va demander s'il peut embarquer, lui aussi. Je pense, ce serait bien. Sinon, que c'est qu'on va dire? Bien, tout le monde est pour ça, puis pas le gouvernement. Il serait mieux d'arriver avec une... On l'a fait, on passe à autre chose. Puis ça prendra d'autres mesures éventuellement, mais, celle-là, on peut y arriver dans moins de 24 heures. Ce serait une bonne idée.

Nommer les choses aussi. Il existe des phénomènes qui sont troublants. À Montréal, des prières dans l'espace public, il n'y a personne qui l'a abordé, je vais le faire. Des prières dans l'espace public, Sainte-Catherine, Saint-Laurent, dans un parc, ça existe. Je trouve que ce n'est pas le lieu. La foi, intérieurement, chez soi, dans un centre communautaire, dans un lieu de culte, en famille, avec les fidèles, aucun problème avec ça, puis c'est convenu, mais, dans la rue, non. Ça aussi, on pourrait s'attarder à cette question-là.

Le prosélytisme, il ne se fait pas seulement avec des signes religieux. Ce serait limitatif de penser ça. Puis d'ailleurs les collègues le disent, à juste raison, il y a ce que tu as dans la tête puis tes intentions aussi. Dans le cas de Bedford, les gens amenaient à l'école des pensées, des pratiques qu'ils croyaient être bonnes, mais ils étaient en charge de jeunes enfants. C'est ça qui était problématique. Donc, Bedford va peut-être faire école, Saint-Léonard, trois autres... trois ou quatre écoles sous enquête, des services de garde à venir, d'autres informations que j'ai reçues tout à l'heure sur d'autres écoles qui n'ont pas été nommées.

Ça prend une réaction politique. Nous offrons notre concours. On connaît ça un petit peu. Si la CAQ, à l'époque, avait dit oui à notre charte des valeurs, elle serait adoptée depuis plus de 10 ans. Ils ne voulaient pas. Ils trouvaient que ça allait trop loin. Maintenant, on peut ajouter des pièces à la loi n° 21 pour qu'elle soit meilleure, et je pense que, là, on a plus de chances que tout le monde embarque.

En terminant, mon souhait, c'est que les députés de la CAQ demandent à leur ministre de l'Éducation de pouvoir voter pour mettre fin au financement des écoles religieuses. Ce serait une grande avancée, puis on l'aura fait ensemble. Et je pense qu'on est capables d'y arriver, j'ai confiance, M. le Président.

Et je vous remercie de présider nos travaux. Ça s'est bien passé, et j'en suis très heureux. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Matane-Matapédia.

Et le débat est maintenant terminé, et, conformément au règlement, je dois d'abord mettre aux voix la motion d'amendement présentée par Mme la députée de Saint-Laurent avant de procéder au vote sur la motion principale. Je vais vous faire la lecture de ces deux motions.

• (17 heures) •

La motion principale de M. le député de Matane-Matapédia se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale rappelle l'avancée historique que représente la séparation des religions et de l'État;

«Qu'elle réitère que le respect et la mise en oeuvre du principe de la laïcité dans le réseau de l'éducation et des services de garde est un gage de cette séparation des religions et de l'État ainsi que du respect de la liberté de conscience et d'expression des usagers;

«Qu'elle constate que la situation révélée au sein de l'école Bedford démontre que l'État québécois a failli à faire respecter la laïcité et le respect des divergences d'opinion;

«Qu'elle constate que la situation révélée au sein de l'école Bedford et de certains services de garde met en péril le développement scolaire, éducatif et humain des enfants et élèves;

«Qu'elle reconnaisse la nécessité de renforcer la Loi sur la laïcité de l'État pour en assurer le respect dans les services publics;

«Qu'elle demande au gouvernent de légiférer pour inscrire le principe de la laïcité au sein de la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance pour protéger les établissements d'enseignement et leur personnel contre les pressions religieuses;

«Qu'elle demande l'inscription obligatoire et la recension des lieux de culte et organisations de nature religieuse présentes et actives au Québec et l'interdiction des liens entre ceux-ci et les écoles ou les services de garde;

«Qu'elle demande au gouvernement de mettre fin au financement public des écoles religieuses.»

La motion d'amendement de Mme la députée de Saint-Laurent se lit comme suit : Que la motion du député de Matane-Matapédia soit amendée de la manière suivante :

À la ligne 20, ajouter, le mot "culte", les mots ", en excluant les résidences privées,", ainsi qu'ajouter, après le mot "et", le mot "des".»

Mise aux voix de l'amendement

Alors, je mets d'abord aux voix la motion d'amendement de Mme la députée de Saint-Laurent que je viens tout juste de lire. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Rejeté.

Maintenant, je vais mettre aux voix la motion de M. le député de Matane-Matapédia, qui se lit comme suit, je vais la relire :

«Que l'Assemblée nationale rappelle l'avancée historique que représente la séparation des religions et de l'État;

«Qu'elle réitère que le respect et la mise en oeuvre du principe de la laïcité dans le réseau de l'éducation et des services de garde est un gage de cette séparation des religions et de l'État ainsi que du respect de la liberté de conscience et d'expression des usagers;

«Qu'elle constate que la situation révélée au sein de l'école Bedford démontre que l'État québécois a failli à faire respecter la laïcité et le respect des divergences d'opinion;

«Qu'elle constate que la situation révélée au sein de l'école Bedford et de certains services de garde met en péril le développement scolaire, éducatif et humain des enfants et élèves;

«Qu'elle reconnaisse la nécessité de renforcer la Loi sur la laïcité de l'État pour en assurer le respect dans les services publics;

«Qu'elle demande au gouvernent de légiférer pour inscrire le principe de la laïcité au sein de la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance pour protéger les établissements d'enseignement et leur personnel contre les pressions religieuses...»

Ensuite de ça... Je ne veux pas me tromper, je vais revenir pour lire la bonne motion.

«Qu'elle demande au gouvernement de légiférer pour inscrire le principe de la laïcité au sein de la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur les services de garde...»

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Oui? Pardon. Oui?

M. Lévesque (Chapleau) : ...de la motion, vous êtes rendu à : «Qu'elle demande l'inscription...»

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Pardon. Pardon. Vous avez raison.

«Qu'elle demande l'inscription obligatoire et la recension des lieux de culte et organisations de nature religieuse présentes et actives et l'interdiction des liens entre ceux-ci et les écoles ou les services de garde; [et]

«Qu'elle demande au gouvernement de mettre fin au financement public des écoles religieuses.»

Alors, est-ce que cette motion est adoptée? M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : M. le Président, merci de me reconnaître. On aimerait proposer un vote électronique.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, pour que le vote électronique soit accepté, il doit y avoir cinq députés qui acceptent que ça se fasse, vous êtes trois. Je vois qu'il y a des députés de l'opposition également qui appuient votre demande.

Alors, le vote électronique est demandé. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Oui, je vous demande de bien vouloir reporter ce vote à demain, s'il vous plaît.

Vote reporté

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, le vote sera reporté à la prochaine séance, demain.

Alors, pour la suite de nos travaux, je vais céder la place à M. le troisième vice-président de l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Alors, nous sommes bien rendus à la rubrique les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, bonjour à vous. Bienvenue dans ces travaux avec nous. J'aimerais bien qu'on appelle l'article 2 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 71

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Benjamin) : À l'article 2 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné plus tôt aujourd'hui sur l'adoption du principe du projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale.

Nous étions rendus à Mme la députée de Robert-Baldwin, qui avait déjà utilisé 15 min 57 s de son temps de parole. La parole est à vous. Je vous reconnais, Mme la députée.

Mme Brigitte B. Garceau (suite)

Mme Garceau : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, avant la pause, j'étais... je parlais de l'exigence de produire un rapport médical, qui représente un obstacle majeur pour les femmes victimes de violence qui sont hébergées en maison. Cette exigence méconnaît la réalité de l'urgence dans laquelle ces femmes se trouvent et alourdissent les démarches administratives à un moment critique, surtout lorsqu'elles fuient leur domicile et se sont réfugiées dans une maison d'aide et d'hébergement.

Les victimes de violence conjugale doivent naviguer dans des systèmes complexes, et cette exigence supplémentaire vient ajouter un fardeau administratif à un parcours déjà semé d'embûches. Les femmes en situation de violence sont souvent confrontées à des détails... à des délais, je voudrais dire, et à des difficultés d'accès au système de santé. Le manque de ressources, les listes d'attente et la surcharge du personnel médical combinés à un manque de formation adéquate pour reconnaître les effets plus subtils du contrôle coercitif ou de la violence psychologique rendent l'obtention d'un rapport médical un véritable défi. Ces obstacles sont encore plus insurmontables pour les femmes vivant à l'intersection de multiples oppressions, notamment les femmes en situation de handicap, aînées, autochtones, immigrantes, racisées ou celles qui ne parlent pas français et qui sont déjà marginalisées dans l'accès aux services de santé. Leurs difficultés sont exacerbées par des potentielles barrières linguistiques, le manque d'informations adaptées à leurs besoins et l'absence de services de traduction, ce qui rend l'obtention d'un rapport médical encore plus complexe.

Et, de plus, M. le Président, la complexité des démarches administratives et la nécessité de produire des documents médicaux ignorent la charge mentale et émotionnelle imposée aux victimes de violence conjugale. Ces femmes doivent souvent multiplier les démarches légales, sociales et médicales, tout en essayant de se trouver un appartement pour préparer leur départ de la maison d'aide et d'hébergement et de subvenir aux besoins de leurs enfants. Imposer une exigence de rapport médical dans ce contexte alourdit encore leur parcours de sortie de la violence, retardant leur accès à l'aide financière, dont elles ont besoin de façon urgente.

La Fédération des femmes du Québec et la Fédération des maisons d'hébergement, M. le Président, ont discuté dans leurs mémoires que les intervenantes en maison d'hébergement possèdent une expertise essentielle pour identifier les impacts de la violence sur les femmes grâce à leur accompagnement quotidien et à leur connaissance approfondie des dossiers et des trajectoires de vie de ces femmes.

Et donc... Il me reste une minute. Et donc j'appuie fermement, M. le Président, et j'espère que, lors de l'étude détaillée, cette recommandation sera adoptée concernant deux choses, que dans... pour l'obtention d'une allocation supplémentaire, lorsqu'on mise... les victimes de violence conjugale, il n'y aura pas de rapport médical qui va être exigé. Plutôt, la victime va faire une déclaration sous serment concernant sa situation de violence, et il y aura une attestation d'un organisme d'aide aux victimes désigné par règlement, qui est beaucoup plus humain comme approche compte tenu des circonstances. Et donc je sais que l'étude détaillée va en sorte... on va pouvoir bonifier ce projet de loi pour la justice sociale. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de Robert-Baldwin. Et je reconnais maintenant M. le député de Jean-Talon.

M. Pascal Paradis

M. Paradis : Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord remercier toute l'équipe du ministère qui nous a accompagnés pendant les consultations particulières sur le projet de loi n° 71, qui y ont travaillé aussi. C'est un projet de loi qui a été préparé par toute une équipe, on le sait. Alors, on les remercie. J'aimerais remercier également toutes les personnes qui ont contribué à nos travaux, soit en déposant un mémoire ou soit en participant directement aux consultations particulières. J'aimerais, bien sûr, remercier tous les collègues, autant de la banquette gouvernementale que des banquettes des trois partis d'opposition, qui ont participé aux consultations particulières et qui ont enrichi nos débats.

• (17 h 10) •

J'aimerais avoir un mot en particulier pour Mme la ministre. Je l'ai souligné notamment sur les médias sociaux dans une publication la semaine dernière, qui suivait la semaine de consultation particulière. Et, bien que je vais, dans les minutes qui suivent, exprimer un certain nombre de préoccupations, je lui ai dit en personne et je tiens à le souligner ici, en Chambre, avec vous, M. le Président, qu'elle a fait preuve d'écoute. On a rencontré beaucoup de groupes de la société civile qui nous ont dit : C'est vrai, la ministre est venue nous voir avant de présenter son projet de loi. Et, pendant les consultations particulières, elle a été très à l'écoute, très ouverte. Et elle a convoqué, en consultations particulières, beaucoup d'organisations qui avaient un point de vue critique sur le projet de loi et... mais elle l'a fait avec beaucoup d'ouverture pour être capable d'avoir le panorama le plus global possible sur les dispositions qu'elle propose dans son projet de loi et qui vont éclairer nos travaux en étude détaillée. Et ça, je pense qu'il faut le reconnaître. Le fait qu'il y avait des organisations de la société civile, même, qui sont opposées à la réforme ou qui ont des critiques sévères, ils étaient là, ils ont été entendus, et ça, c'est important. Et je tiens à saluer la ministre pour cette ouverture et pour les organisations qu'elle a choisies.

Il y a même eu, pendant les consultations particulières, un certain moment où on s'est inquiétés du fait qu'il n'y avait pas assez de représentation, notamment de voix des femmes. Et je sais que la ministre, rapidement... on l'a souligné, moi-même, donc, j'ai souligné ça en consultations particulières, qu'au moment où on a fait cette intervention-là, qu'il n'y avait pas encore d'organisations de femmes, et je sais que la ministre a agi rapidement pour s'assurer que, notamment, les regroupements de maisons d'hébergement pour femmes soient représentés, soient entendus, et ça, c'était essentiel. Alors, je pense que c'est important de le mentionner quand on assiste à ce genre de choses là, qui sont positives, je pense, pour la qualité de notre débat démocratique.

Une des organisations qu'on a reçues en consultations particulières est un regroupement qui représente les personnes en situation de pauvreté. Et c'est intéressant parce que, lors de leur témoignage, ils nous ont dit : Vous savez, ce qu'on constate depuis toujours, quand on discute de réforme de l'aide sociale, de réforme de ces questions-là, c'est que les personnes qui vivent la pauvreté n'ont rien à dire sur les politiques qui les concernent. Et moi, je l'ai noté, parce que je me suis dit : Voilà une remarque qui est très intéressante. Je pense qu'on peut saluer le fait que certaines des organisations aient, justement, fait en sorte que des personnes en situation de pauvreté, des personnes qui ont connu cette situation-là, qui ont touché des prestations ou qui touchent encore, viennent nous parler pendant les consultations particulières. Il y en a eu quelques-unes. Mais cette remarque-là, c'était un rappel pour nous toutes et tous qu'il faut toujours chercher à sortir de sa bulle du monde qu'on connaît, du contexte qu'on connaît pour se mettre dans la peau des personnes qui sont les premières concernées par nos travaux.

Et ici on parle des personnes les plus vulnérables de notre société, des personnes qui vivent des contraintes réelles à l'emploi en raison de leur contexte social, en raison de leur situation personnelle, en raison de leur situation familiale, en raison de leur santé physique, de leur santé psychologique. Ce sont les personnes parmi les plus vulnérables de notre société, et souvent leur voix a beaucoup de difficultés à parvenir jusqu'à nous. On nous l'a rappelé, et c'est important, dans nos débats, dans nos échanges, qu'on se souvienne qu'on travaille pour ces personnes-là et que, quand on n'a pas connu leur cheminement et leur situation, c'est difficile, c'est souvent difficile de comprendre tous les aspects pratico-pratiques très concrets des décisions qu'on va prendre et des mesures qui sont proposées. Alors, moi, j'ai gardé en tête cette phrase-là, qui m'a vraiment marqué puis qui a été mentionnée dès le début des consultations particulières.

Et, par la suite, bien, on a reçu, en consultations particulières, des gens qui représentaient... Bon, d'abord, on a eu beaucoup des organisations... en tout cas, on aurait pu en avoir encore plus, mais on a eu plusieurs des organisations-phares qui représentent les personnes assistées sociales au Québec, les personnes en situation de pauvreté, les personnes les plus marginalisées, et ça, c'était très important d'entendre leur point de vue.

Mais il y en a plusieurs autres aussi qui sont venues nous parler d'aspects particuliers, par exemple, des représentants des carrefours jeunesse-emploi qui sont venus nous parler de la situation particulière des jeunes, du chemin qui mène dès le plus jeune âge vers la pauvreté et de l'importance de les garder en tête. On parle de l'avenir du Québec, donc ayons une pensée particulière pour les jeunes personnes, pour nos jeunes quand on étudie les dispositions du projet de loi.

Ensuite, on a eu des personnes qui s'occupent de banques alimentaires qui sont venues nous rappeler que le visage de la pauvreté a changé au Québec, qu'avant c'était un nombre limité de personnes qui faisaient appel aux banques alimentaires et que, maintenant, il y a des personnes qui ont même un emploi, qui doivent se présenter aux banques alimentaires, et qu'il y a des personnes dont on ne s'attendait pas qu'elles puissent, malheureusement, s'engager, souvent malgré elles, dans le chemin qui mène vers la pauvreté, puis on a eu des témoignages de ça.

On a une dame qui est venue nous dire : Bien, écoutez, moi, j'avais un emploi, j'étais impliquée, j'étais impliquée dans ma communauté, j'étais membre d'un conseil d'administration. Puis, à un moment donné, il y a eu tout un enchaînement de situations dans sa vie qui ont fait en sorte qu'elle est devenue une prestataire d'assurance... d'aide sociale et qu'elle a dû faire appel, donc, aussi aux banques alimentaires. Donc, les gens des banques alimentaires sont venus nous dire : Attention, le visage de la pauvreté et des personnes qui font appel aux banques alimentaires a changé au Québec. Marquant.

Ensuite, on a eu des représentants des personnes itinérantes qui sont venus nous parler du fait que les crises de l'itinérance, de la pauvreté et du logement sont interreliées. Je vais y revenir plus tard, mais ça a pris du temps à certains de le réaliser, y compris notre gouvernement, malheureusement, et l'itinérance... Donc, les mesures qu'on va prendre ont un lien avec l'itinérance, qu'on veut sortir des gens de l'itinérance, mais qu'en même temps, même, il y a des itinérants qui ne sont même pas dans le système de dernier recours qu'est l'assistance sociale. Autre témoignage marquant.

Je le mentionnais tout à l'heure, les groupes de femmes, et notamment le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, sont venus nous parler de certaines préoccupations par rapport au projet de loi, mais, dans la... de la perspective particulière des femmes victimes de violence. L'Union des consommateurs est venue nous parler de sa perspective aussi.

La Fédération québécoise de l'autisme est venue aussi nous parler de cet autre critère, de cet autre facteur que nous devons considérer. Donc, en plus de la pauvreté, quand on parle des contraintes de santé ou des contraintes sociales, il y a aussi toute la question des personnes qui vivent avec un handicap ou qui vivent avec un facteur personnel qui vient avoir un impact sur sa capacité de se mettre dans le chemin de l'emploi, sur lequel je vais revenir plus tard, M. le Président, là, qui est une des bases de ce projet de loi là.

Donc, tout ça pour dire que la qualité des interventions qu'on a entendues, la qualité des mémoires qu'on a reçus doit nous inspirer pour la suite de nos travaux, et ces travaux, donc, concernent, donc, le projet de loi n° 71, qui nous est présenté par la ministre et qui vise principalement, donc, à réformer ce régime d'aide sociale, donc, son nom l'indique, qui vise à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale.

Je tiens à rappeler quand même que, bon, il y a beaucoup d'éléments intéressants, mais plusieurs aussi, en consultations particulières, nous ont rappelé que nous n'avons pas les intentions réglementaires. Nous n'avons pas l'étude d'impact réglementaire de ce projet de loi là. Et je ne voudrais pas commencer en disant que le diable est dans les détails, mais n'empêche qu'il y a plusieurs éléments de cette réforme-là qui vont se concrétiser, qui vont prendre forme ou dont on va comprendre les tenants et aboutissants uniquement quand on aura les intentions réglementaires ou quand on aura les projets de règlement, et là on ne les avait pas.

Donc là, les intervenants disaient : Bien, la ministre semble avoir des bonnes intentions, mais ça va vraiment dépendre de la façon dont ça va s'articuler dans le détail, dans le projet de règlement. Et ça, ça fait quelques fois qu'on voit ça, et je pense que, dans notre démocratie, c'est important d'être prudent dans cette méthode de législation, c'est-à-dire de dire : Bien, voici ce que je vous propose, votez là-dessus, mais le détail puis vraiment ce que ça veut dire, ça va s'incarner plus tard.

• (17 h 20) •

Puis, si on avait eu le portrait complet, je pense qu'il y a plusieurs de nos discussions qui auraient pu être plus complètes, plus utiles pour la suite de nos travaux, si on avait su, donc, qu'est-ce qu'il y a derrière cette intention. Est-ce que les... Est-ce que le projet de règlement est prêt? Est-ce qu'il existe? Est-ce que c'est parce qu'il n'est pas prêt? Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas voulu tout de suite nous donner ça? Ce sont des questions légitimes, mais il aurait été préférable de savoir de quoi il s'agit, donc, dans l'articulation du projet de loi.

Ce projet de loi, aussi, c'est important de le mentionner, c'est un peu la concrétisation du plan de lutte à la pauvreté qui nous a été présenté, malheureusement, un peu à la sauvette, à la toute fin de la session parlementaire, au début de l'été, là, c'était juste avant la Saint-Jean-Baptiste, même, je pense qu'il a été publié la nuit, on n'a pas eu le temps d'en parler, et je le regrette. Je le regrette parce que le thème dont on parle, il est très important, très important dans la société québécoise. Notre sociale-démocratie, elle est bâtie notamment pour venir en aide, pour constituer un filet social pour les personnes qui en ont le plus besoin. Et les personnes qui en ont plus besoin, c'est les personnes dont on parle actuellement. Et autant le plan de lutte à la pauvreté que le projet de loi... et là, ici, c'est... ce n'est pas de la responsabilité nécessairement du gouvernement, n'a pas encore eu l'attention qu'il mérite dans l'attention publique. Il faudrait qu'on en parle plus parce qu'il y a des questions importantes qui sont touchées. Mais ça aurait commencé par donner plus de lumière à ce plan de lutte de la pauvreté... à la pauvreté. Mais on peut comprendre pourquoi, parce que le plan de lutte, bien, il était très timide. En fait, c'est un de ceux qui contiennent le moins de mesures budgétaires de tous les plans qui ont été présentés depuis l'adoption de la loi par le Parti québécois en 2002. Et le plan de lutte a été accueilli, notamment par le Collectif pour un Québec sans pauvreté et par la Table nationale des corporations de développement communautaire... il a été reçu assez froidement. Les deux ont souligné, donc, que le gouvernement investit quatre fois moins que dans les plans passés. Et j'en parle parce que ça va avoir un impact très concret. On le voit dans le projet de loi qui est sous étude.

Nous, on était contents de voir enfin le plan présenté. Mais on s'est désolés du fait qu'il manquait d'engagements structurants pour donner vie à cet engagement qui est le nôtre en vertu de la loi de faire en sorte d'agir pour prévenir les causes de la pauvreté en ayant un plan d'action qui a des cibles à atteindre afin d'améliorer le revenu des personnes en situation de pauvreté. Le plan n'avait pas de mesures structurantes, le plan qui a été présenté au printemps... au début de l'été n'a pas de mesures structurantes, et ça se reflète un peu dans le projet de loi... en fait, ça se reflète dans le projet de loi.

Je le disais tout à l'heure, le plan a été présenté à un moment où on... où, plus que jamais, on sent l'impact de ces crises multiples et intercroisées du logement, de l'itinérance, de la pauvreté, du coût de la vie, du fait que ça coûte cher, aller à l'épicerie, du fait que ça coûte cher de se déplacer, de se transporter, etc. Et je pense que le plan, tout comme le projet de loi, n'a pas entièrement pris la mesure de la situation.

Il y a toute cette question... et je vais y revenir à la fin. Mais le projet de loi contient des mesures intéressantes, d'autres mesures plus inquiétantes, il y a des endroits où il ne va pas assez loin. Mais la question, au bout du compte, c'est : Est-ce qu'il y a des réelles mesures qui vont sortir le monde de la pauvreté? Est-ce qu'on se rapproche notamment de mesures d'aide, d'un filet social qui garantit un revenu décent, une vie décente aux personnes qui sont dans le programme de dernier recours du Québec? Est-ce qu'on se rapproche de la mesure du panier de consommation? Et, jusqu'à maintenant, la réponse que donnent les experts qu'on a entendus, c'est non.

Mais, donc, je voulais rappeler que ceci explique cela. Un plan de lutte à la pauvreté qui est timide fait en sorte que le projet de loi a un peu la même timidité dans les mesures qu'il propose pour lutter contre la pauvreté, ce qui veut dire que le commentaire principal, autant pour le projet de loi que pour le plan de lutte à la pauvreté, c'est le même, c'est manque d'investissement. Manque d'investissement parce que c'est ce qu'on a vu. Je le mentionnais tout à l'heure, les organismes spécialisés ont dit : Oui, mais il y a beaucoup moins d'investissement, il y a beaucoup moins de volonté, il y a beaucoup moins d'envergure, ce plan de lutte à la pauvreté, que les plans précédents, alors que la situation, malheureusement, pour les personnes en situation de vulnérabilité, ne s'est pas améliorée. Ce n'est pas ce que les indicateurs nous montrent. Le projet de loi qui nous a été présenté se réalise à coût nul. Donc, la ministre met de l'avant des nouvelles mesures, des propositions pour améliorer à certains endroits, mais, pour le mettre de l'avant, elle est obligée de couper ailleurs. Et ça, il y a un enjeu. Je vais y revenir. Mais il y a un enjeu de communication, parce qu'on tente de dire : Non, il n'y a pas de coupure. Mais oui, les organisations qui sont venues nous ont dit : Il y a des coupures. J'y viens dans quelques minutes. Bien, réaliser une réforme comme ça, à coût nul, ça fait en sorte qu'il n'y en a pas, de nouveaux investissements, il n'y en a pas, de réels nouveaux engagements pour sortir les gens de la pauvreté. Et c'est ce qu'on a vu, donc, dans le projet de loi.

Le projet de loi fixe quatre grands objectifs. Le premier, c'est de favoriser la mise en mouvement vers l'emploi. Et là, ici, je vais me permettre de citer le Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec, qui était ce même groupe qui nous avait dit, je le mentionnais tout à l'heure, que les personnes qui vivent de la pauvreté n'ont rien à dire sur les politiques qui les concernent, et c'est malheureux. Il faut faire en sorte qu'ils aient quelque chose à dire. En tout cas, eux, ils sont venus nous présenter ce point de vue là, puis ils disaient : Bien, les réelles barrières à l'emploi, là, en gros, il y en a cinq catégories : la pauvreté elle-même, les préjugés et la discrimination, le système lui-même, qui parfois empire la situation des personnes qui sont en situation de pauvreté, le marché du travail qui fonctionne malheureusement parfois de manière à exclure ces mêmes personnes là qui veulent revenir dedans, et les véritables contraintes à l'emploi qui sont inhérentes à la personne ou à son contexte social ou à son contexte personnel. Et ce groupe-là disait : Bien, le projet de loi n° 71, pour l'instant, il n'en aborde vraiment aucune de front, de ces véritables barrières là.

Ils nous rappelaient aussi que, lorsqu'on fait des changements comme celui qui imprègne le projet de loi, là, c'est-à-dire de remplacer la question des contraintes à l'emploi par des contraintes de santé, bien, il faut considérer que, selon les statistiques qu'ils ont compilées, eux, seulement 8,5 % des personnes considérées sans contrainte à l'emploi se considèrent elles-mêmes aptes à trouver un emploi. C'est-à-dire que, même quand le système dit : Bien, vous n'avez pas de contrainte, ces personnes-là disent : Oui, j'en ai, des contraintes. Moi, quand je regarde ma situation, je ne suis pas capable d'en trouver un, emploi, pour telle ou telle, telle raison.

Ces personnes-là nous disent que la faiblesse du revenu ou du filet social qui les soutient actuellement est le principal obstacle à leur cheminement vers l'emploi et que, lorsqu'on veut couper encore plus les mesures auxquelles ces personnes-là ont accès, bien, on empire leur situation.

Ils nous ont parlé aussi, là, beaucoup de cette question, là, du système qui travaille contre eux. Ça aussi, je vais y revenir. C'est-à-dire que, même quand on met des mesures dont l'intention au départ est peut-être positive, on fait en sorte que le système devient souvent inquisitoire, remet en question la situation personnelle ou ce que les gens disent ou ce qu'ils vivent, est plus contrôlant et inquisiteur qu'accompagnant ou accompagnateur. Alors, ça, c'est un élément très important, donc, est-ce que le projet de loi s'adresse aux véritables barrières à l'emploi. Il faut se poser la question.

Bon. Je le disais tout à l'heure, une des mesures-phares, c'est la révision de la notion de contrainte à l'emploi. Et le principal impact, c'est qu'on a décidé d'enlever l'allocation supplémentaire, là, qui est une allocation d'environ 161 $ par mois, qui est quand même une différence importante quand on sait que la prestation de base, là, est entre 800 $ et 900 $, donc c'est une prestation importante. Et là, malgré ce qu'on dit, là, tout le monde l'a admis, tout le monde qui est venu nous voir en consultations particulières l'a dit, il y a des coupures, il y a des coupures, 99,7 millions qu'on est allés chercher en disant qu'à partir de maintenant les familles, les parents monoparentaux, qui sont généralement souvent des femmes monoparentales, donc, ça, c'est une mesure qui cible particulièrement les femmes, donc les femmes, appelons un chat un chat, les femmes monoparentales qui ont un enfant de moins de cinq ans n'auront plus droit à cette prestation-là, et les personnes âgées de 58 ans et plus n'auront plus droit à cette prestation-là.

Et là, attention, quand je disais, tout à l'heure, qu'il faut sortir de notre bulle, c'est quand on imagine : Ah! une personne de 58 ans, ah oui, 58 ans, c'est le nouveau 48, donc ce n'est pas nécessairement une contrainte à l'emploi d'avoir 58 ans. Attention, là, on parle des personnes qui sont en situation de pauvreté, qui sont en situation de fragilité, qui ont connu les affres de la vie, et donc qui disent qu'à 58 ans, moi, je veux regagner le marché du travail après avoir eu par intermittence l'aide sociale, etc. Donc, 58 ans et plus, pour les personnes dont on parle, c'est une contrainte à l'emploi. Mais là on a dit : Non, ce n'est plus une contrainte à l'emploi. On remplace ça. Maintenant, ça va être un nouveau critère, contrainte de santé. Bon. Fort bien, mais même le mémoire de la ministre le dit : Il y a d'autres contraintes à l'emploi qui sont éliminées, qui sont abolies. Et là c'est spécifiquement prévu ou c'est indiqué que le règlement va faire en sorte qu'il va y avoir d'autres prestations qui vont remplacer celle qui est abolie pour d'autres catégories de personnes. Mais, attention, pour les mères monoparentales ou les parents monoparentaux d'enfants de cinq ans et moins et pour les personnes âgées de 58 ans et plus, il n'y a pas d'autres prestations d'annoncées. Donc, c'est une coupure, point à la ligne. Et ça, les organisations de lutte à la pauvreté et les organisations qui représentent des personnes assistées sociales nous disent : C'est un net recul, il ne faut pas aller là, il ne faut pas faire ça. Alors donc, on annonce déjà nos couleurs, on va vous le dire, on va travailler fort pour pas que... pour que ça n'arrive pas.

• (17 h 30) •

Bon, sur les contraintes sévères de santé, il y a d'autres éléments, donc, je pense, qu'il va... auxquels il va falloir réfléchir. Il y a un critère dans le projet de loi, l'article 25, qui indique que, quand on va évaluer ce nouveau critère-là, là, des contraintes de santé, il va falloir établir que c'est des contraintes de santé «qui nuisent — je cite — à la réalisation d'une activité de préparation à l'emploi, d'insertion ou de maintien en emploi». Alors, bien sûr, c'est un projet de loi, on ne sait pas encore exactement ce que ça veut dire, mais plusieurs s'inquiètent du fait que ça va être une barrière additionnelle, qu'on va dire : Attention, avant de vous reconnaître une contrainte de santé, il va falloir que vous nous fassiez la preuve que cette contrainte de santé nuit à la réalisation de vos activités de préparation à l'emploi, d'insertion ou de maintien en emploi, et donc que, parfois, on va dire : Bon, vous pensez que vous avez une contrainte de santé, mais pas vraiment, parce que ça ne vous empêche pas de faire ça. Ça non plus, ce ne serait pas un progrès.

Dans quelle mesure on va tenir compte des contraintes psychosociales? On dit que oui, il y a une ouverture, mais dans quelle mesure? Comment on va les évaluer? Comment on va tenir compte? Parce que c'est plus difficile, parfois. C'est réel. Un problème de santé mentale, un enjeu de ce côté-là est peut-être parfois plus difficile à déceler, ou à considérer, ou à accepter par un système, mais il est réel. Heureusement, on a fait des progrès, on est en 2024. On comprend à quel point ces enjeux-là, de santé mentale, peuvent avoir un impact sur la capacité des personnes à occuper un emploi, c'est vrai, mais comment ça va s'évaluer puis comment ça va être intégré par l'appareil gouvernemental, c'est une question et c'est une préoccupation.

Ensuite, dans quelle mesure on va tenir compte... À partir du moment où on dit : Les contraintes à l'emploi, ce n'est plus ça, le critère, c'est maintenant des contraintes de santé, comment on va tenir compte du fait que parfois ce sont des contraintes de l'environnement familial, de l'environnement social ou même de l'environnement physique des gens qui vont... dont on ne tiendra pas assez compte? Intéressant. Les gens nous ont dit, parfois, par exemple, des personnes qui sont sur le spectre de l'autisme, c'est l'environnement de travail de la personne dans un emploi qui va faire en sorte que c'est plus difficile pour cette personne-là d'accéder à l'emploi, même si l'endroit où elle se trouve, dans le spectre de l'autisme, peut faire en sorte qu'elle serait considérée comme une contrainte de santé moins sévère que d'autres personnes sur le spectre de l'autisme. Donc ça veut dire que ça, c'est compliqué. Est-ce que le projet de loi en a tenu compte? Ça reste à déterminer.

Et là plusieurs personnes nous ont dit : Bien, on est en train de créer encore un fardeau administratif pour le personnel de la santé. Parce que là, maintenant, on dit : Bien, il va falloir évaluer ça de manière annuelle. Et donc, là, ça va prendre un médecin, ou un psychologue, ou un autre professionnel de la santé pour venir évaluer l'état de santé au moment même où on est en train d'évaluer ici un projet de loi, à l'Assemblée nationale, qui visait à décharger ou diminuer le fardeau administratif des professionnels de la santé. Alors, cette question-là, de l'accès à un professionnel de la santé, est réelle. Est-ce qu'on va être capable d'y avoir accès à temps? Est-ce que ça va faire des délais? Est-ce que ça va créer des coûts additionnels? C'est une réelle question.

Et je viens de le mentionner, le fait qu'on va revoir ça annuellement, ça a été présenté par la ministre avec des bonnes intentions, c'est-à-dire qu'on va être plus centré sur la personne, son véritable état personnel. Fort bien, mais souvenez-vous de ce que je mentionnais tout à l'heure, de ce que certains nous ont dit : La machine a parfois tendance à renverser cette bonne intention puis à dire : C'est de l'Inquisition, c'est du contrôle. Es-tu sûr que tu es encore malade? Es-tu sûr que tu es encore... vraiment, c'est encore une contrainte de santé? Oui? Pas sûr. C'est ça, c'est ça que les gens sont venus nous dire, qu'il y a un risque que ça devienne ça, que la bonne intention d'un suivi annuel devienne un contrôle annuel. Et donc, ça, ça va être aussi à étudier de très près.

Bon, tout ça... On est toujours dans l'intention numéro un, favoriser la mise en mouvement vers l'emploi. Et donc, là, on nous parle d'élargissement du programme Objectif emploi. Une des mesures les plus concrètes, c'est de dire qu'autrefois, donc, seules les personnes qui demandent pour la première fois d'avoir accès aux programmes d'assistance sociale, on leur dit : Vous devez aller - c'est obligatoire - vous devez aller dans le programme Objectif emploi parce qu'on veut vous aligner dans le chemin pour l'emploi. Maintenant, ce ne sera plus seulement les personnes qui le demandent pour la première fois, mais ceux qui reviennent, peut-être après une tentative infructueuse ou peut-être par un nouvel incident de santé, etc., peu importe, mais là, quand tu reviens, tu fais une nouvelle demande. Là, on va te... de nouveau dire : Tu t'en vas dans le programme Objectif emploi. Plusieurs des experts, plusieurs des organisations qui sont venus nous voir, nous disent : Les études, ici et ailleurs dans le monde, démontrent que cette approche coercitive de forcer les gens à aller dans ce programme-là, ça ne fonctionne pas ou ça a des résultats très limités. C'est débattu. Puis là, ici, je ne dis pas : Ça ne fonctionne pas ou c'est sûr que ça fonctionne. Mais, en tout cas, l'approche, elle est critiquée. Puis c'est surtout dans la façon dont elle est mise en oeuvre aussi que ça peut avoir un impact. Donc, il y a quand même une réflexion à y avoir là-dessus puis à mettre en lumière avec ce que je mentionnais tout à l'heure, ce qui nous a été amené, comme au moulin, comme matière à réflexion par des organisations qui disent : Ça commence d'abord et avant tout par traiter réellement, humainement les personnes, à les sortir de la pauvreté, à améliorer leur sort, à leur assurer un revenu décent. Là, on commence à parler de réduction des barrières à l'emploi, plus que dire : On t'oblige à aller là. On ne s'est pas vraiment occupé de toi, mais on t'oblige à aller dans ce chemin-là, puis il va falloir que tu nous montres que tu progresses vers l'emploi. Donc ça aussi, c'est une question : Est-ce que cette approche-là, elle fonctionne vraiment?

Dans les mesures qui sont soulignées par la ministre comme étant une avancée, donc l'instauration d'un supplément pour les études menant à un diplôme d'études secondaires, très intéressant, mais les organisations, notamment qui représentent les jeunes, sont venues nous rappeler que la hausse du seuil du revenu admissible par mois, qui te permet de continuer à toucher des prestations et des allocations mais à commencer tranquillement ton parcours vers l'emploi, notamment pour les jeunes, n'a pas été revue depuis 20 ans, plus de 20 ans. Donc là, on dit : C'est 200 $ par mois. Bien, en 1999, ça, ça voulait dire que tu avais le droit de travailler 29 heures par mois. Aujourd'hui, les mêmes calculs disent : Ça veut dire que tu as le droit de travailler 13 heures par mois. Donc, c'est bien de prévoir un supplément pour les études menant à un diplôme d'études secondaires, mais si tu veux que les gens s'engagent dans le chemin vers l'emploi, ce serait le temps aussi de dire : Bien, on va te laisser t'intégrer aussi progressivement et ça veut dire qu'on va accepter un seuil... j'allais dire : C'est un seuil plus élevé. Ce n'est pas un seuil plus élevé, c'est juste de revoir le seuil parce que tout a augmenté, là, depuis 1999, sauf ce seuil-là. Très bien.

• (17 h 40) •

Deuxième élément, c'est l'amélioration de l'accompagnement. Ah! Bien, d'ailleurs, sur les seuils, avant de passer au deuxième... le deuxième... le deuxième grand objectif du projet de loi, M. le Président, d'autres aussi... Ça n'a pas été souvent abordé, mais, dans ces seuils qu'il faut revoir sur la mise en mouvement vers l'emploi, bien, certains disent : Commençons par traiter dignement puis à permettre aux gens de se sortir de la pauvreté. Il y a la question, qui n'est pas anodine, du seuil d'avoirs liquides maximum des personnes qui bénéficient des programmes d'aide sociale. Ça fait qu'on dit actuellement, là, si mon souvenir est bon : C'est 1 319 $. Si vous avez plus que 1 319 $, bien là, vous n'avez pas accès au programme. 1 319 $. Alors, certains ont dit : Bien là, il va falloir revoir ces seuils-là aussi parce que, finalement, c'est de dire : Si tu n'es pas dans l'extrême pauvreté, on ne t'aidera pas. C'est une vision, c'est un paradigme qu'il faut changer, donc ça fait partie de ça aussi.

Deuxième, donc, deuxième grand objectif du projet de loi : améliorer l'accompagnement. Et ça, c'est intéressant. Donc, le projet de loi propose un plan d'intervention individualisé, donc, c'est-à-dire, qui se concentre plus sur la personne. Et ça, il y a des avenues très intéressantes là-dessus. Il faut le voir de nouveau dans la perspective que j'ai précédemment mentionnée et qui nous a été soulignée par les groupes qui représentent les personnes concernées : le système a parfois tendance, souvent tendance à se transformer en système inquisitoire. Donc, il va falloir des garde-fous, dans le projet de loi lui-même ou dans les règlements, mais surtout dans les pratiques, dans les directives, dans la façon dont on va le mettre en oeuvre pour s'assurer que ce ne soit pas le cas, que ce soit un accompagnement où il y a de la bienveillance, où il y a de la volonté d'aider les personnes à s'engager dans les chemins, notamment vers l'emploi, pour les aider vraiment à se sortir de la pauvreté, pas d'être contrôlant, pas d'être méprisant, pas d'être stigmatisant. Parce que certains nous ont dit : Parfois, c'est à ça qu'ils font face. Puis je ne dis pas que c'est partout, tout le monde, là, il faut faire attention. Il y a tellement de gens de bonne volonté dans le système, on le sait très bien, mais il faut faire parfois attention à cette... aux tendances lourdes qui peuvent s'instaurer dans l'appareil gouvernemental.

Réseaux régionaux. Donc, les plans d'intervention individualisés, ensuite, vont faire appel à des réseaux régionaux qui vont faire en sorte, donc, que le ministère va s'appuyer à chaque endroit, sur des réseaux, des intervenants, des personnes concernées, des parties prenantes. Intéressant aussi. Plusieurs sont venus nous dire : Aïe! assurez-vous que nos organisations, on est représentés, qu'on va être là, qu'ils vont venir nous voir, qu'ils vont tenir compte du fait que nous, ça fait 10, 20, 30, 40 ans qu'on fait ça, parce qu'on n'est pas spécifiquement nommés. Bon, je sais que, dans un projet de loi, on ne peut pas spécifiquement nommer tout le monde, mais je pense... puis je pense que la ministre a bien entendu ça, qu'on ne voudrait pas que ce soit encore une structure différente ou qu'on met quelque chose... on détruit quelque chose qui existe déjà pour le remplacer par d'autres choses. Malheureusement, on l'a vu souvent. Je suis en train de dénoncer ça, par exemple avec Francisation Québec, où on a coupé dans des cours de francisation qui existent actuellement pour essayer de partir une nouvelle patente administrative qui fait en sorte que des gens aboutissent sur une liste d'attente. Je le donne juste comme exemple, M. le Président, de ce qu'on ne vous voudrait pas que les réseaux régionaux deviennent, c'est-à-dire une superposition ou un truc qui remplace entièrement... Je pense que, s'il complète, s'il structure, s'il coordonne, tant mieux, c'est l'appel, en tout cas, des organisations de base qui nous a été fait. Donc, faire appel à l'expertise existante à la société civile.

Sur l'amélioration de l'accompagnement, aussi, quelque chose qui nous a été souligné par les organisations qui représentent les personnes assistées sociales ou les personnes en situation de pauvreté, et... c'est toute la question de la dématérialisation des services gouvernementaux, qui est souvent vue comme une avancée. Aïe! Regardez, là, c'est facile, vous pouvez nous rejoindre sur Internet. Vous allez remplir le formulaire là-bas. On est là. On est partout au Québec parce qu'on n'est nulle part au Québec. On nous a rappelé que l'accès à Internet, que l'accès aux appareils technologiques n'est pas le même pour tout le monde et que, justement, on parle de personnes qui, souvent, non seulement vont... peuvent avoir des problèmes de littératie, peuvent avoir des problèmes de santé, physique, mentale, mais aussi vont avoir de la difficulté à faire face à ces nouvelles applications, et que ce n'est pas une bonne idée de remplacer le bon vieux papier et surtout une relation humaine avec une personne physique qui est là pour répondre à tes demandes puis t'accompagner. Et ça, ça va être très important aussi de le considérer. Je reviens à ce que je disais au tout départ, sortir de notre bulle, se mettre dans la position des personnes à qui on s'adresse et de qui on parle, souvent, des personnes qui ne voudront pas faire face à un appareil dématérialisé et qui vont vouloir... avoir besoin d'un être humain.

Troisième grand objectif du projet de loi, c'est contribuer à la pleine participation sociale. Une des premières mesures qui est présentée comme une avancée, et c'est vrai, c'est le versement individuel de la prestation, c'est-à-dire de ne pas prendre pour acquis que parce que... de ne pas tenir pour acquis que parce que des personnes vivent ensemble, elles forment nécessairement un couple ou qu'elles ont... elles veulent que la prestation soit versée à une seule. Parfois, il y a toute la question aussi de la violence, de la violence conjugale, de la coercition, de la violence psychologique, etc. Donc, une avancée. Mais, mais, malheureusement, dans le cas des personnes qui vivent ensemble, bien là, on a décidé, on a dit : Bien, on tient... Alors, le mémoire dit, si je le retrouve : «Reconnaissant qu'il y ait des économies d'échelle à vivre en couple, la prestation d'une personne vivant seule sera augmentée d'un montant supplémentaire — ouvrez la parenthèse, ajustement, fermez la parenthèse — à la prestation de base allouée à chaque adulte, tout en demeurant équivalente au niveau de prestation actuel.» Bon, c'est un peu sibyllin comme phrase, mais des organisations sont venues nous dire : Bien, en réalité ça fait qu'on va diminuer la prestation parce qu'on dit : Si vous êtes ensemble, ça vous coûte moins cher. Donc, on va diminuer notre... on va diminuer la prestation. Ça ne devrait pas être le cas. Et ça, on a souvent parlé aussi, notamment, du droit à l'amour. On a le droit d'être en couple, on a le droit d'être... on a le droit de s'aimer. Et si on est en couple, ça ne devrait pas faire en sorte qu'on diminue le montant net qu'on touche en étant en couple. Sans compter aussi qu'on ne devrait pas toujours tenir pour acquis que les personnes sont en couple et se rappeler, notamment, que ces situations-là, que je viens de mentionner, peuvent être vécues à l'intérieur d'un même foyer.

Bon, abolition partielle de la contribution parentale. Oui, intéressant aussi, ça a été souligné comme une avancée par plusieurs organisations. C'est-à-dire que, là, on ne tiendra pas toujours compte du fait qu'il devrait... que si vous êtes une personne mineure, par exemple, ou une personne dans certaines situations, vos parents sont là, donc, ils devraient vous aider. Bien, plusieurs nous ont dit : Oui, mais pourquoi on abolit ça? Pourquoi on ne l'abolit pas tout simplement, cette question-là de la prestation parentale? Si déjà on admet que c'est un facteur qui ne devrait généralement pas être considéré, pourquoi on ne l'abolit pas tout simplement? Pourquoi on ne se sauve pas de l'administration, de la paperasse puis toutes sortes de considérations? C'est une question à considérer aussi.

Le dernier grand objectif, c'est simplifier et optimiser le régime d'assistance sociale, et une des mesures phares de cet objectif-là, c'est la fusion du Programme d'aide sociale et du Programme de solidarité sociale. Donc, ça devient le Programme d'aide financière de dernier recours. Oui, ça peut être intéressant. Bon, certains nous ont mentionné déjà : Bon, on élimine certaines catégories, mais le projet de loi continue encore à catégoriser les gens, à leur donner une étiquette quand ils rentrent dans les programmes de dernier recours, dans les programmes d'aide sociale et que, ça, il y a un changement global de paradigme à opérer qui n'est pas encore opéré dans le projet de loi. Ça, c'est intéressant. Donc, les gens disent : Bien, quand on dit simplifier, le projet de loi rate un peu sa cible parce qu'on ne... on l'a considéré dans la perspective gouvernementale. On change un peu les catégories, on change un peu les voies, quand est-ce que tu passes de là à là, mais c'est la vision gouvernementale, alors que, je paraphrase un peu ce que d'autres nous disent, ils disent : Bien, on aurait dû se mettre dans la peau, hein, ça fait quelques fois que je dis ça, M. le Président... dans la peau des personnes concernées. Et est-ce qu'on leur a simplifié la vie, à elles et à eux, quand ils abordent l'appareil gouvernemental, les programmes ou le programme gouvernemental, ici, le programme d'aide financière de dernier recours? Est-ce que c'est plus simple pour eux? Est-ce qu'il y a moins de paperasse? Est-ce que moins de contraintes? Est-ce qu'il y a plus d'accompagnement? Et ça, les gens disent... Les gens nous ont dit : Je ne pense pas que c'est réussi. On ne pense pas que c'est réussi, de s'être mis de cette perspective-là de la personne elle-même, parce qu'on continue à catégoriser, on continue à avoir un programme objectif emploi puis un programme d'aide financière, puis toi, tu vas là, toi, tu vas, là. Donc ça, c'est peut-être tout un paradigme à changer encore.

• (17 h 50) •

Beaucoup plus loin que ça, c'est : Qui est admissible à ce programme d'aide financière de dernier recours? Dans le projet de loi, on dit : Bien, on va améliorer les conditions d'admissibilité, et plusieurs organisations qui représentent, encore une fois, les personnes assistées sociales nous disent : Ce n'est pas ça qu'il faut faire, il faut revenir... Puis là je reviens à ce que je disais quand je parlais tout à l'heure du plan de lutte à la pauvreté, c'est de dire dans quelle mesure on fait en sorte, dans ce projet de loi là, qu'on va faire en sorte que les gens qui sont dans notre filet social de dernier recours ont un revenu décent, qu'ils sont considérés comme des personnes qui ont besoin juste de vivre décemment pour se remettre dans le chemin vers l'emploi. Les gens disent : On ne va pas là du tout. Il n'y a pas de nouvel investissement. Et on devrait y réfléchir. Et là je pose la question. Le précédent ministre aussi avait dit : Bien, il faudrait se mettre vers le chemin, vers un chemin d'abolir le Programme de solidarité sociale afin que les personnes avec contraintes à l'emploi aient accès à un programme de revenu de base qui est plus largement accessible ou, en tout cas, où il y a des prestations qui sont bonifiées pour ces personnes-là. Et là on est loin d'être là. Donc, c'est-à-dire que, dans ce projet de loi là, donc, si on se résume, il y a de bonnes intentions. Il y a des éléments intéressants, qui méritent qu'on les travaille plus en détail. Il y a des éléments qui sont préoccupants. J'en ai nommé plusieurs sur lesquels, donc, on va être très attentifs. Il y en a un qui n'est pas acceptable, complètement pas acceptable dès le départ, c'est cette question d'abolir l'allocation additionnelle pour les personnes qui ont des contraintes à l'emploi, donc les mères, les parents monoparentaux d'enfants de cinq ans et moins et les personnes de 58 ans et plus. Ça, ce n'est pas acceptable. On a coupé pour ces personnes-là, ce n'est pas acceptable. Ça, ça doit... ça va devoir être changé. Et il y a des éléments sur lesquels on ne va pas assez loin, où on aurait pu voir les choses autrement. Et là on espère, la ministre, je le disais tout à l'heure, on l'a vue à l'écoute, donc, on espère qu'elle va prendre le temps, avant d'envoyer le projet de loi en étude détaillée, pour faire en sorte qu'elle ait le temps de travailler puis voir s'il y a des éléments qu'on peut changer dans le projet de loi.

Tout cela étant dit, M. le Président, je vous annonce que, de notre côté, nous allons voter pour le principe, parce que nous pensons que le projet de loi peut aller à la prochaine étape pour qu'on y travaille sur les angles, notamment, qu'on propose. Et on espère qu'il y aura de l'ouverture pour de réels changements, pour de réelles modifications à ce projet de loi là, pour qu'il n'aille pas où il ne doit pas aller, là où les organisations nous disent : Non, ça, là, c'est inacceptable, ça, il va falloir enlever ça du projet de loi, et qu'on bonifie là où on peut bonifier. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de Jean-Talon. Et, comme prochaine intervenante, je reconnais Mme la députée de La Pinière.

Mme Linda Caron

Mme Caron : Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir d'intervenir sur le principe du projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale.

Ce projet de loi, M. le Président, vient modifier la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles afin principalement d'améliorer l'accompagnement des personnes, de favoriser leur intégration en emploi, leur insertion sociale ou leur participation sociale, ainsi que de simplifier le régime d'assistance sociale. Vous aurez remarqué, M. le Président, que le gouvernement n'essaie pas, par ce projet de loi, de sortir les personnes de la pauvreté. La ministre compte faire tout ça à coût nul, mais détrompez-vous, M. le Président, si c'est à coût nul pour le gouvernement de la CAQ, ce ne sera pas à coût nul pour les prestataires d'aide sociale, les personnes les plus démunies, nos voisins et voisines dans nos comtés respectifs.

Sur la question d'améliorer l'accompagnement des personnes, vous me permettrez d'être dubitative, M. le Président. J'inviterais d'ailleurs la ministre, ses équipes et tous les collègues qui travaillent à l'étude de ce projet de loi, à lire le commentaire d'un citoyen qui est justement agent d'aide à l'emploi au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale depuis 26 ans. Et il dit ceci : «Vous comptez trop sur la capacité des agents et agentes d'emploi à mobiliser cette clientèle, faire de l'accompagnement social et de la détermination de besoins avec la clientèle actuelle — itinérance, consommation de drogues, immigration, etc. — qui demande des habiletés en relation d'aide qui vont au-delà de ce que vous demandez comme exigences à l'embauche. Imaginez — et je cite la personne, le citoyen qui a écrit — une pauvre agente à l'emploi avec un DEC en administration qui tente de bien accompagner cette clientèle. J'ai formé des agentes au cours des dernières années, et, malheureusement, il y en a beaucoup trop qui ont quitté le ministère. On en déduit donc un manque d'adéquation entre les exigences d'embauche pour les postes d'agent d'aide au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale et les habiletés requises en relation d'aide pour être en mesure de bien servir les personnes qui ont besoin de recourir aux programmes d'aide sociale.»

Alors, que va faire la ministre pour régler cette situation, et à coût nul, en plus, M. le Président? Quand des personnes sont embauchées, sans avoir les aptitudes, les habiletés pour le travail requis, ce n'est pas étonnant que les départs se multiplient. C'est une situation intenable. On vous demande de fournir une prestation de travail, mais sans vous donner les outils nécessaires. Peu importe votre bonne volonté, si vous n'avez pas ce qu'il faut, bien, vous ne pouvez pas effectuer le travail, ou bien vous restez quand même au travail, et là c'est vous qui finissez par avoir des difficultés sur le plan moral, des difficultés en santé mentale, et puis vous finissez par laisser votre emploi. Mais, dans un cas comme dans l'autre, vous n'êtes pas en mesure de bien servir les personnes vulnérables et démunies qui ont besoin d'être accompagnées par vous. Bien, encore une fois, que fait la ministre pour remédier à cette situation et atteindre l'objectif d'améliorer l'accompagnement des personnes, qui est inscrit dans le tout premier paragraphe des notes explicatives du projet de loi?

Et je reviens à ces notes explicatives, au deuxième paragraphe, où c'est écrit que «le projet de loi établit un nouveau programme d'assistance sociale, soit le Programme d'aide financière de dernier recours, qui regroupe les prestataires de deux programmes actuels, le Programme d'aide sociale et le Programme de solidarité sociale». C'est ici que ça commence à se corser, M. le Président. La CAQ veut fusionner deux programmes existants. Et j'insiste sur le fait que ces deux programmes s'adressent pourtant à des personnes qui se trouvent dans des situations différentes, et les deux programmes visent des objectifs différents. Si on regarde ça de plus près, sur le site du ministère, c'est indiqué que le Programme d'aide sociale s'adresse à une ou un adulte seul ou aux familles qui ne présentent pas de contrainte sévère à l'emploi. Ce programme permet de recevoir une aide financière. Il encourage les personnes à exercer des activités favorisant leur intégration en emploi ou leur participation sociale. Pour ce qui est du Programme de solidarité sociale, il s'adresse aussi à une ou un adulte seul ou aux familles dont une ou des personnes adultes présentent des contraintes sévères à l'emploi. Ce programme permet de recevoir une aide financière, favorise l'intégration et la participation sociale. Notez que ce programme ne favorise pas l'intégration en emploi, parce que les personnes ont une contrainte sévère à l'emploi. Le problème, c'est que, dans le nouveau projet de loi, on perd cette notion de contraintes sévères à l'emploi. On parle de contraintes sévères en santé. Ce n'est pas du tout la même chose. On va laisser beaucoup de monde dans la grande difficulté, dans la grande misère, là, parce que, et là je cite encore le... ce qui est écrit dans le projet de loi, dans les notes explicatives : «Dans le cadre de ce nouveau programme — donc les deux programmes existants qui vont être fusionnés par le projet de loi — les contraintes de santé d'une durée d'au moins un mois et les contraintes sévères de santé d'une durée d'un an ou plus pourront être reconnues.» Le projet de loi reconnaît également la grossesse à partir de 20 semaines jusqu'à la 18e semaine après l'accouchement comme une contrainte de santé. Alors, vous avez bien remarqué, M. le Président, qu'on oublie les contraintes sévères à l'emploi. Alors, est-ce que c'est en coupant les prestations à toutes les personnes qui ont présentement des contraintes sévères à l'emploi sans qu'il s'agisse de contraintes de santé que la ministre va réaliser ça à coût nul?

• (18 heures) •

J'attire aussi l'attention, M. le Président, sur l'article 25 du projet de loi, qui vient porter un coup dur aux personnes plus âgées, un, en ouvrant le programme Objectif emploi aux personnes qui demandent à nouveau l'aide financière de dernier recours, alors qu'actuellement c'est réservé aux personnes qui demandent ça une seule fois... la première fois, deux, en remplaçant la notion de contrainte à l'emploi par la notion de contrainte de santé. Alors, la CAQ change la donne, là, pour les personnes plus âgées. Actuellement, l'âge, comme avoir 58 ans, c'est une contrainte à l'emploi. C'est ce qu'a dit la ministre. Alors, est-ce que la ministre et ses équipes pourraient regarder l'ensemble du portrait pour les personnes qui sont dans la cinquantaine jusqu'à 64 ans? Parce que la difficulté de trouver un emploi à 50 ans et plus, c'est réel, ça existe encore, malgré la pénurie de main-d'oeuvre, ça existe, ce n'est pas une vue de l'esprit. Puis la pénibilité du travail, de certaines tâches, ça existe aussi. La personne n'aura pas nécessairement un problème de santé, mais elle ne sera plus capable d'effectuer des tâches qui sont trop pénibles physiquement, puis elle n'aura pas nécessairement de diagnostic ou de rapport médical qui vont lui permettre de recevoir l'aide sociale. Puis les technologies, que ce soit les technologies numériques, de la robotisation, souvent, les travailleurs sont dépassés, les travailleurs de 50, 55 ans et plus, dans des tâches qui n'exigent... qui ne sont pas des postes hautement qualifiés, ils sont dépassés.

La semaine dernière, je rencontrais la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud qui venait d'avoir une rencontre d'entrepreneurs, de la Rive-Sud de Montréal, et un des enjeux qui a été discuté, c'était : Qu'est-ce qu'on fait avec nos travailleurs qui sont dans la cinquantaine et qui sont dépassés par la technologie ou qui sont remplacés par la technologie? Les entrepreneurs ne veulent pas les laisser aller, ils ne veulent pas les congédier, mais qu'est-ce qu'on fait avec? Qu'est-ce qu'on fait pour les requalifier? Les employeurs n'ont pas toujours ce qu'il faut pour pouvoir le faire. Alors, ces personnes-là, il y en a peut-être qui vont être obligées de demander de l'aide sociale. Avec la réforme qui se fait actuellement, elles n'y auront pas droit.

Aussi, le projet de loi octroie au gouvernement des pouvoirs réglementaires lui permettant de désigner les professionnels de la santé ou des services sociaux autorisés à remplir un rapport médical pour reconnaître une contrainte ou le droit à une prestation spéciale ainsi que ceux pouvant réviser une décision rendue en matière de contraintes. M. le Président, c'est devenu un modus operandi de la CAQ : on aime beaucoup se donner beaucoup de pouvoirs réglementaires qui sont inconnus au moment où on étudie les projets de loi.

Alors, ma question : Est-ce que la terminologie du règlement va être en cohérence avec celle du projet de loi n° 67, qui modifie le Code des professions, qui est présentement à l'étude? Parce que le projet de loi n° 67 va reconnaître le fait que plusieurs professionnels, comme les orthophonistes, comme les conseillers d'orientation, comme les sexologues, font des évaluations, on appelait ça des évaluations avant, maintenant c'est reconnu comme un diagnostic pour ne pas être obligé de passer... que ça passe par un médecin avant que les gens aient les services. Est-ce que la réglementation que la ministre prévoit faire va accepter, comme le projet de loi n° 67, que les diagnostics établis par ces professionnels-là dans les champs où ils sont compétents... est-ce qu'elle va accepter que ça fait office de rapport médical ou est-ce qu'il va falloir que les prestataires d'aide sociale aillent encore chez le médecin pour avoir ces rapports? C'est une question que je me pose.

Aussi, l'Assemblée nationale vient d'adopter le projet de loi n° 69, qui vise à réduire la charge administrative des médecins. Comment la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, qui pilote le projet de loi n° 71, compte-t-elle contribuer à l'objectif du projet de loi n° 69 en exigeant que les personnes présentent des évaluations annuelles pour justifier leur droit à l'aide sociale? Je peux vous le dire tout de suite, M. le Président, ce n'est pas les médecins qui vont en payer le prix via une augmentation de leur charge de travail administrative, ce sont nos voisins et voisines les plus démunis, dans nos circonscriptions, qui vont en souffrir. Pas d'évaluation, pas de prestation, est-ce que c'est ça qui les attend, M. le Président? Est-ce que c'est comme ça, sur le dos des plus démunis, que la réforme va se faire à coût nul?

Un autre point sur lequel j'attire votre attention : le projet de loi accorde aux prestataires d'un programme d'assistance sociale qui le demandent le droit à l'établissement d'un plan d'intervention individualisé. Il prévoit aussi la mise en place de réseaux régionaux d'accompagnement, le collègue vient d'en parler tout à l'heure, un accompagnement sur demande. Quels moyens la ministre va-t-elle mettre en oeuvre pour que les personnes qui ont droit à cet accompagnement sur demande sachent qu'elles ont droit à cet accompagnement sur demande?

M. le Président, le rôle de l'administration publique, c'est de donner au citoyen accès à ses droits. Et d'ailleurs il y a un citoyen de Laurier-Dorion qui a suggéré des modifications structurantes au projet de loi qui vont justement dans ce sens-là, puis ça mérite d'être souligné, et je ne crois pas que, dans le temps qui m'est alloué, j'aurai le temps de passer à travers sa liste de suggestions et les justifications, mais je vais vous dire que ça vaut la peine d'aller lire ça sur Greffier.

D'abord, l'inclusion numérique, le suivi renforcé pour les contraintes de santé, l'extension des critères pour les suppléments financiers, l'encouragement du bénévolat, la simplification des processus de recouvrement de dettes. Et il finit en disant que «ces propositions visent à renforcer l'inclusion sociale, améliorer l'accompagnement des bénéficiaires et soutenir une réinsertion durable, tout en optimisant l'efficacité administrative du projet de loi». Et je continue sa citation, son dernier paragraphe, il dit : «Dans mon expérience personnelle, j'ai souvent été confronté à la complexité administrative du régime d'assistance sociale. Les démarches étaient longues et fastidieuses, et j'ai parfois eu l'impression de me heurter à un système rigide et peu flexible. Ces obstacles ont souvent freiné ma capacité à me réinsérer socialement et professionnellement, notamment en raison du manque de suivi et de la lenteur des procédures. Cette rigidité a eu un impact direct sur ma situation, rendant plus difficiles la gestion de mon quotidien et la réalisation de mes projets.»

Alors, j'espère qu'on en prendra bonne note et que des amendements seront apportés au projet de loi pour suivre certaines de ces recommandations et s'assurer que le projet de loi rencontre vraiment... atteint vraiment les objectifs qu'il s'est fixés.

Je veux revenir sur la notion de coût nul, M. le Président. Parce qu'on comprend très bien, là, qu'il n'y a aucun prestataire d'aide sociale qui va avoir d'augmentation. La question que je me pose : Sur quelle planète pense-t-on que vivent les prestataires de l'aide sociale? La crise du logement, l'inflation du coût de la nourriture et de tous les produits de base, est-ce qu'on pense que les prestataires d'aide sociale ne sont pas touchés par ça parce qu'ils reçoivent de l'aide sociale? Bien, voyons donc!

Il y a une étude de l'IRIS sur le revenu viable qui dit ceci : «Actuellement...» Alors là, on parle des deux programmes existants. «Actuellement, aucun programme de soutien de dernier recours ne permet d'atteindre le seuil minimal de couverture des besoins de base. Le revenu disponible à l'aide sociale de base couvre — écoutez bien ça, M. le Président — moins de la moitié des besoins de base selon le seuil de la mesure du panier de consommation pour une personne seule à Montréal, tout comme le revenu de base pour les personnes avec des contraintes sévères à l'emploi, qui n'atteint pas encore ce seuil.»

Vous avez bien remarqué, M. le Président, les personnes avec des contraintes sévères à l'emploi, ces personnes vont disparaître avec ce projet de loi s'il n'y a pas d'amendements, si on continue de parler de contraintes de santé.

Et je continue de citer l'étude de l'IRIS : «Si on compare la situation des personnes ayant recours à ces programmes — les deux programmes existants que la ministre veut fusionner, donc — à celle de l'an dernier, on remarque que leur capacité à répondre à leurs besoins est restée la même et que, par conséquent, plusieurs d'entre elles demeurent dans un état de grande précarité, voire d'indigence.» En 2024, M. le Président. 872 000 personnes qui fréquentent les banques alimentaires.

M. le Président, quand je suis assise sur cette chaise pendant la période de questions, je frémis et je me retiens chaque fois que j'entends le premier ministre se péter les bretelles pour dire que la croissance du PIB...

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Allez-y, M. le leader.

M. Lévesque (Chapleau) : Ce sont des propos blessants. Je pense qu'il y a d'autres façons de dire ces choses-là. Je pense qu'on peut rappeler la députée à l'ordre dans ce sens-là. Merci.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Je pense que nous allons devoir poursuivre le débat. Donc, j'invite tous les collègues qui ont à intervenir à la prudence. Poursuivez, Mme la députée de La Pinière.

Mme Caron : Merci, M. le Président. Alors, je frémis chaque fois que j'entends le premier ministre dire que la croissance du PIB au Québec est meilleure que celle de l'Ontario et qu'on est donc bon au Québec. Chaque fois, j'ai le goût de me lever et de dire : Il y a 872 000 personnes qui fréquentent les banques alimentaires, au Québec en 2024, par mois. Ce n'est pas de la bonne économie, ça, je m'excuse. Sur le terrain, les résultats de cette croissance du PIB sont absents pour ces personnes-là.

• (18 h 10) •

J'avais espoir que la réforme de l'aide sociale qui est présentée par le ministre dans le cadre du projet de loi n° 71 allait venir aider les personnes pour non seulement leur permettre de survivre, mais leur donner une chance de les sortir de la pauvreté. Et je conviens que les personnes qui vont participer aux programmes d'employabilité, qui vont avoir la santé pour le faire et qui vont finalement se trouver un emploi et pouvoir garder leur emploi, qui vont être accompagnées, ça va être parfait, mais ça, je suis la première à le dire, il faut absolument favoriser l'employabilité des personnes qui sont sur l'aide sociale, mais il faut penser... il faut avoir une vue d'ensemble, il ne faut pas juste avoir en tête les personnes qui vont être capables de faire ça, parce qu'on sait très bien qu'il y a des personnes qui ne peuvent pas le faire. Et, en éliminant la contrainte sévère à l'emploi, on vient porter un coup dur à ces personnes-là qui sont déjà dans la précarité.

Les personnes, là, imaginez les personnes qui sont... 58 ans, 60 ans, 64 ans, qui veulent bien être sur le marché du travail, mais qui sont dépassées par la technologie, dont les tâches sont robotisées, où est-ce que ces personnes-là vont atterrir? Comment elles vont survivre jusqu'à l'âge de 65 ans où elles vont pouvoir toucher le RRQ, qui ne sera pas très élevé, on s'entend, et le supplément de revenu garanti? Comment ces personnes-là vont se rendre? Ce n'est pas pour rien qu'on a autant d'itinérants, une telle hausse d'itinérance au Québec en 2024. Puis ce n'est pas fini, malheureusement. Alors, j'espérais que ce projet de loi vienne vraiment aider l'ensemble des personnes qui sont dans une situation de grande précarité.

Puis la ministre essaie de nous dire qu'après l'adoption de son projet de loi le régime sera plus humain, plus simple et plus propice à un retour vers l'emploi. Il est permis d'en douter, M. le Président, mais on va donner la chance au coureur. Ma formation politique va proposer des amendements pour essayer d'atteindre cet objectif triple que la ministre a donné, et j'espère sincèrement que la ministre va faire preuve d'une très grande ouverture, une très grande ouverture pour donner une chance à son projet de loi de faire un pas vers l'avant et non pas deux pas vers l'arrière. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de La Pinière. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Je reconnais Mme la députée de Chomedey.

Mme Sona Lakhoyan Olivier

Mme Lakhoyan Olivier : Merci, M. le Président. Donc, à mon tour, je prends la parole aujourd'hui pour aborder le projet de loi n° 71, qui vise à moderniser les régimes d'assistance sociale au Québec. Ce projet a pour objectif de répondre à des enjeux cruciaux tels que la simplification des démarches administratives, l'accompagnement individualisé et la réinsertion sociale et professionnelle.

C'est un projet ambitieux qui serait, on dit, sans coût, selon notre gouvernement. Cela représente un véritable défi que le gouvernement se lance. Il est essentiel d'évaluer si ces objectifs peuvent être atteints sans compromettre la qualité des services offerts aux citoyens.

Par ailleurs, il est essentiel de noter que, comme c'est souvent le cas, dans la situation actuelle, ce plan résulte d'une mauvaise gestion des finances publiques de la part du gouvernement, et nous sommes aujourd'hui contraints d'adopter une réforme qui aura inévitablement un coût, contrairement à ce que prétend le gouvernement.

Il est important de rappeler qu'au Québec près de 300 000 personnes comptent sur les prestations sociales pour vivre chaque jour. Cela signifie que cette réforme va vraiment toucher un grand nombre de gens. C'est pourquoi il est crucial d'être attentif et rigoureux dans les décisions qui seront prises. Chaque choix doit être réfléchi pour s'assurer que l'on protège les intérêts et le bien-être de ceux qui pourraient être affectés afin d'éviter des impacts négatifs pour cette partie de la population qui en a vraiment besoin. Une analyse d'impact, notamment financière et sociale, sur les femmes et sur les populations autochtones doit également être effectuée, car, à première vue, ces groupes tendent à être disproportionnellement affectés par cette réforme.

En tant que députée du Parti libéral du Québec, je tiens à reconnaître les avancées proposées, notamment la bonification du programme Objectif Emploi mis en place par notre parti, mais aussi à exprimer certaines préoccupations qui ont émergé lors des consultations publiques et à travers les avis des différents groupes.

Premièrement, M. le Président, le projet de loi vise à fusionner le Programme d'aide sociale et le Programme de solidarité sociale en un seul unique programme d'aide financière de dernier recours. D'après la ministre, cette initiative a pour but de simplifier les démarches administratives et de rendre le système plus clair et accessible pour les prestataires. Cette réforme est nécessaire pour alléger la bureaucratie et éviter les situations où des citoyens se retrouvent perdus entre différents programmes.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue que cette fusion entraînera la disparition du Programme de solidarité sociale. Ainsi, une question cruciale reste en suspens : Après cinq ans, comment les personnes ayant toujours des contraintes sévères à l'emploi pourront-elles accéder au Programme de revenu de base? Ce sont des inquiétudes légitimes que nous devons adresser.

Des organismes, comme la Société québécoise de la déficience intellectuelle, soulignent que cette simplification pourrait ne pas être suffisamment efficace pour répondre aux besoins des bénéficiaires les plus vulnérables. Il est essentiel de veiller à ce que la fusion ne devienne pas une source de confusion supplémentaire, mais qu'elle atteigne son objectif premier : rendre l'accès aux services plus facile pour tout le monde.

Nous pouvons évoquer un autre point important : la réforme de la vie maritale qui change la définition du conjoint de fait. Désormais, les personnes vivant ensemble en raison des contraintes de santé ou de limitations fonctionnelles ne seront plus considérées comme des conjoints. Cette mesure permet de reconnaître les particularités de certaines cohabitations forcées par des circonstances médicales ou fonctionnelles sans pénaliser les bénéficiaires. C'est une avancée en termes d'équité, car cela évite de placer des personnes dans des situations où elles pourraient perdre des avantages financiers pour une simple cohabitation. Je pense au cas où une personne est victime de violence conjugale. Le fait que les prestations soient désormais versées à chaque individu adulte plutôt qu'à l'ensemble du ménage représente une avancée considérable pour l'indépendance de chaque personne, peu importe sa situation. Cela accorderait à ces personnes une plus grande autonomie financière, ce qui est un élément crucial lorsqu'elles cherchent à s'émanciper d'un environnement problématique ou de dépendance économique. Toutefois, nous ne pouvons ignorer que les couples qui recevront chacun leur chèque risquent de voir leurs prestations diminuées, ce qui est une forme de pénalisation qui ne devrait pas être négligée.

Le projet de loi introduit également une réforme de l'endettement et du recouvrement. En réduisant la période de réclamation des dettes à cinq ans et en simplifiant les modalités de remboursement, cette mesure est bien accueillie car elle permet aux prestataires de se libérer plus rapidement du fardeau de la dette, facilitant ainsi leur réinsertion économique et sociale. Toutefois, il est important de surveiller l'impact de cette mesure sur les finances publiques et de s'assurer que les conditions de remboursement restent justes et adaptées aux capacités des bénéficiaires.

Par ailleurs, le projet de loi met l'accent sur un accompagnement personnalisé pour chaque prestataire. Si cette mesure est positive, il faut rappeler qu'elle ne sera effective que sur demande. Or, qu'en est-il pour les personnes itinérantes ou celles qui, par méconnaissance ou incapacité, ne feront pas de demande? Ce point soulève des inquiétudes légitimes quant à l'accessibilité réelle de ces plans pour tous.

• (18 h 20) •

Il est vrai que, lorsqu'une personne est bénéficiaire de l'aide sociale, il est important qu'il y ait une contrepartie. Elle doit être soumise à des conditions et des objectifs à respecter afin que sa situation ne stagne pas mais qu'elle évolue vers le meilleur. L'aide sociale doit être un tremplin pour atteindre, dans le futur, une autonomie accrue, que ce soit au niveau social ou professionnel. Ces mesures à suivre doivent toutefois être adaptées aux situations particulières de chacun, comme le contexte personnel, professionnel, économique et même géographique. En effet, il est crucial de s'assurer que cet accompagnement soit réellement accessible à tous, notamment aux personnes vivant en région éloignée ou celles qui ont des difficultés à comprendre le système administratif.

Les groupes d'inclusion sociale ont fait part de leur inquiétude face au manque de soutien accru pour faciliter ces transitions, notamment en termes d'accessibilité à l'emploi pour les personnes handicapées ou les jeunes en difficulté. C'est pourquoi les composantes de cet accompagnement personnalisé pourraient être, selon le projet de loi, déterminées avec les représentants du ministère de l'Emploi et de la Solidarité et d'autres organismes. Cette mesure reflète une volonté de répondre aux besoins spécifiques des bénéficiaires, en particulier ceux qui sont éloignés du marché du travail, qu'il s'agisse de raisons liées à des contraintes de santé physique, mentale ou à des situations psychosociales complexes. Prenons, par exemple, les personnes qui souffrent de dépression chronique ou de troubles anxieux sévères. Ce projet de loi pourrait conduire à ce que ces personnes reçoivent un suivi adapté, incluant une aide pour accéder à des soins spécialisés, des formations adaptées ou encore des programmes de bénévolat pour faciliter leur réinsertion sociale.

Néanmoins, malgré ces aspects positifs, plusieurs enjeux majeurs ont été soulevés lors des consultations publiques et par des organisations spécialisées. Tout d'abord, comme je l'ai dit précédemment, il est primordial de s'assurer que les mesures ci-dessus soient accessibles à tous et qu'elles ne soient pas seulement de belles paroles pour une justice sociale qui serait, en fin de compte, inutile.

Par exemple, le Collectif pour un Québec sans pauvreté, par exemple, a exprimé de vives préoccupations quant à l'absence d'une augmentation des prestations d'aide sociale. Actuellement, ces prestations ne suffisent pas à couvrir les besoins essentiels des bénéficiaires, comme le logement, la nourriture ou les vêtements. Nous avons entendu, M. le Président, des témoignages de personnes vivant au moins de 800 $ par mois, qui peinent à subvenir à leurs biens de nécessités de base et n'ont aucunement la possibilité d'épargner pour des dépenses imprévues comme des médicaments ou des frais de transport, sans compter l'augmentation du prix du loyer.

J'ai eu... J'ai rencontré une dame qui me dit... Sa voisine, le couple reçoit... parce qu'ils sont en couple, même, et, même s'ils vont recevoir les chèques séparés, ils sont pénalisés parce qu'ils sont en couple. Donc, ils reçoivent, je crois, à peu près 800 $ chacun. À 1 400 $, il n'y a pas de loyer à 1 400 $. Peut-être 1 200 $, 1 400 $, on est chanceux si on en a. Donc, qu'est-ce... Il ne reste plus rien pour manger. Il ne reste plus rien. Donc, c'est où, la qualité de vie?

Nous devons nous interroger sur la réelle capacité d'un projet à combattre la pauvreté si aucun ajustement financier n'est envisagé. Certes, la réforme serait à coût nul, mais cela ne doit pas se faire sur le dos des plus vulnérables. Pour lutter efficacement contre l'exclusion, il faudrait réfléchir à une potentielle revalorisation des montants accordés aux bénéficiaires afin que le programme réponde pleinement à la mission de solidarité et d'équité sociale qu'il prône.

Un autre point majeur concerne les sanctions dans le cadre du programme Objectif Emploi. Ce programme, initialement réservé aux primodemandeurs, est maintenant étendu aux personnes retournant à l'aide sociale. Certes, il faut encourager la réinsertion professionnelle via des incitatifs financiers. Toutefois, il est également prévu d'introduire des pénalités en cas de non-participation au programme. Les groupes représentant les personnes en situation de précarité ont largement dénoncé cette approche punitive. Encore une fois, il faudrait trouver un juste équilibre pour que les incitatifs soient renforcés, mais que les sanctions soient évitées dans le cas où des justifications claires et valables existent.

Prenons le cas d'une mère monoparentale qui doit jongler entre son rôle de parent et un retour potentiel sur le marché du travail. Si elle ne peut pas suivre les formations ou se rendre à un emploi en raison de manque de services de garde ou de contraintes personnelles, et imaginez si elle se retrouve en région, elle n'a aucun moyen de se véhiculer, et c'est encore pire pour cette personne, elle pourrait être pénalisée financièrement. Qu'est-ce qu'elle doit faire? Elle est mal prise. Ce type de mesure punitive risque de faire basculer des familles déjà vulnérables dans une plus grande précarité.

Il est aussi prévu d'élargir les personnes habilitées à faire l'évaluation des contraintes en y incluant les travailleurs sociaux. C'est une avancée. Cependant, cette mesure s'accompagne d'un changement qui remplace les contraintes à l'emploi par les contraintes de santé. Autrement dit, cela implique un rétrécissement du nombre de personnes considérées comme ayant des contraintes à l'emploi. Ce recul est particulièrement inquiétant, M. le Président, car il exclut certaines personnes, comme les proches aidants et les victimes de violence conjugale, de certains avantages.

Si cette modification des contraintes à l'emploi permet une reconnaissance plus large des problèmes psychosociaux en plus des contraintes physiques, des inquiétudes légitimes demeurent.

Lors de la Commission de l'économie et du travail, la Société québécoise de la déficience intellectuelle, la SQDI, a soulevé des préoccupations au sujet des parents d'enfants handicapés qui, selon les nouvelles dispositions, ne seraient plus automatiquement reconnus comme ayant des contraintes temporaires à l'emploi, imaginez donc. Cela représente une régression dans la reconnaissance des difficultés quotidiennes que ces parents doivent surmonter. De même, les proches aidants qui soutiennent des membres de leur famille souffrant de maladie grave ou de handicap risquent de perdre certains avantages. Ce recul risque de marginaliser encore plus les groupes déjà en difficulté. Il faut se poser des questions pour que ces cas soient encadrés pour éviter des situations d'exclusion.

En ce qui concerne l'éducation et la formation, l'idée d'offrir des suppléments pour les études secondaires ainsi qu'une prime à la diplomation est encourageante, il faut le dire, étant donné que le taux de prestataires qui ne terminent pas leur secondaire s'élève à 40 %. Cependant, il est essentiel que ces mesures soient accompagnées d'un véritable soutien pour que ces personnes puissent concilier éducation et survie économique.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Mme la députée de Chomedey, j'imagine que vous souhaitez poursuivre votre intervention à la reprise des travaux.

Mme Lakhoyan Olivier : ...

Ajournement

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Parfait. Alors, compte tenu de l'heure, nous allons ajourner les travaux à demain, jeudi le 24 octobre, 9 h 40.

(Fin de la séance à 18 h 30)