L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Le mercredi 8 mai 2024 - Vol. 47 N° 126

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Remercier les électeurs de la circonscription de Saint-Hyacinthe pour leur confiance envers
leur députée

Mme Chantal Soucy

Souligner la Journée de commémoration du génocide tamoul

Mme Sona Lakhoyan Olivier

Féliciter Mme Jade Mathieu pour sa participation à l'émission Canada's Got Talent

M. Christopher Skeete

Souligner la mobilisation des citoyens de la circonscription de Gouin à la suite de l'incendie de La Maison Marguerite de Montréal

M. Gabriel Nadeau-Dubois

Féliciter l'organisme Développement Côte-de-Beaupré pour le succès de son service de
transport collectif et adapté PLUMobile

Mme Kariane Bourassa

Rendre hommage à Mme Miriam Green

Mme Désirée McGraw

Rendre hommage à M. Franz Gauthier

Mme Geneviève Hébert

Souligner le travail des organismes d'aide en santé mentale de la circonscription de Jean-Talon

M. Pascal Paradis

Souligner l'ouverture de la maison des aînés de Saint-Jean-sur-Richelieu

M. Louis Lemieux

Souligner la contribution de M. Jean Bernier à la collecte de sang d'Héma-Québec

M. Éric Caire

Rendre hommage à M. Sylvain Lambert

M. Ian Lafrenière

Féliciter les médaillés lanaudois des Jeux d'hiver d'Olympiques spéciaux Canada

M. François St-Louis

Présence de la haute-commissaire du Royaume-Uni, Mme Susannah Clare Goshko

Présence de l'ambassadeur de la République de Colombie, M. Carlos Arturo Morales Lopez

Dépôts de documents

Dépôt de rapports de commissions

Étude détaillée du projet de loi n° 50 — Loi édictant la Loi sur la sécurité civile visant à
favoriser la résilience aux sinistres et modifiant diverses dispositions relatives
notamment aux centres de communications d'urgence et à la protection
contre les incendies de forêt

Étude détaillée du projet de loi n° 60 — Loi autorisant la conclusion de conventions
collectives d'une durée supérieure à trois ans dans les secteurs public et parapublic


Questions et réponses orales

Orientations gouvernementales en matière d'énergie

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault






Orientations gouvernementales en matière d'énergie

M. Gregory Kelley

M. Pierre Fitzgibbon

M. Gregory Kelley

M. Pierre Fitzgibbon

M. Gregory Kelley

M. Pierre Fitzgibbon

Pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur de l'énergie

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Kateri Champagne Jourdain

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Kateri Champagne Jourdain

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Kateri Champagne Jourdain

Développement de la filière batterie

M. Frédéric Beauchemin

M. Pierre Fitzgibbon

M. Frédéric Beauchemin

M. Pierre Fitzgibbon

M. Frédéric Beauchemin

M. Pierre Fitzgibbon

Financement du transport collectif

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

Effets de la pénurie de logements sur la santé mentale des locataires

M. Andrés Fontecilla

Mme France-Élaine Duranceau

M. Andrés Fontecilla

Mme France-Élaine Duranceau

M. Andrés Fontecilla

Mme France-Élaine Duranceau

Production privée d'électricité

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

M. Pascal Paradis

M. Pierre Fitzgibbon

Efficacité du réseau de laboratoires Optilab

M. Vincent Marissal

M. Christian Dubé

M. Vincent Marissal

M. Christian Dubé

M. Vincent Marissal

M. Christian Dubé

Place des Premières Nations au sein du Musée national de l'histoire du Québec

M. André Albert Morin

M. Mathieu Lacombe

Motions sans préavis

Souligner le 40e anniversaire de la fusillade à l'Assemblée nationale

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. Gabriel Nadeau-Dubois

Mise aux voix

Demander à Radio-Canada de protéger l'autonomie de ses services en français

Mise aux voix

Demander au gouvernement de faire les démarches nécessaires afin de s'assurer que les
centres d'urgence 9‑1‑1 offrent des services de télécommunication en français sur
l'ensemble du territoire québécois

Mise aux voix

Souligner le 25e anniversaire du Mouvement pour une démocratie nouvelle

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Affaires du jour

Projet de loi n° 44 —  Loi modifiant principalement la Loi sur le ministère de l'Économie et de
l'Innovation en matière de recherche

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

M. Christopher Skeete

M. Frédéric Beauchemin

Mise aux voix

Projet de loi n° 56 —  Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union
parentale

Adoption du principe

M. Simon Jolin-Barrette

M. André Albert Morin

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Pascal Paradis

Mme Kariane Bourassa

Mme Jennifer Maccarone

M. Mathieu Lévesque

Mise aux voix

Renvoi à la Commission des institutions

Mise aux voix

Projet de loi n° 30 — Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier

Adoption

M. Mathieu Lévesque

Mme Elisabeth Prass

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée rappelle que l'État de droit est un des fondements de la
démocratie québécoise

M. André Albert Morin

M. Simon Jolin-Barrette

M. Guillaume Cliche-Rivard

Motion d'amendement

Mme Kariane Bourassa

M. Louis Lemieux

M. Pascal Paradis

Mme Suzanne Tremblay

M. Marc Tanguay

M. Ian Lafrenière

M. André Albert Morin (réplique)

Votes reportés

Projet de loi n° 30 — Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier

Reprise du débat sur l'adoption

Mme Elisabeth Prass (suite)

Mise aux voix

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Bon mercredi matin, chers collègues. Je vous invite, s'il vous plaît, à bien vouloir vous asseoir.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Alors, nous en sommes à la rubrique Déclarations de députés. Et, avant de débuter, je rappelle à l'ensemble des collègues que la durée de la déclaration est d'une minute.

Alors, je vais céder la parole à Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Remercier les électeurs de la circonscription de Saint-Hyacinthe
pour leur confiance envers leur députée

Mme Chantal Soucy

Mme Soucy : M. le Président, depuis 10 ans, j'ai le privilège d'être l'une des 125 députés qui siègent à l'Assemblée nationale. Eh oui, le 7 avril 2014, les citoyens de ma circonscription me faisaient l'immense honneur de m'élire pour la première fois. 10 ans et trois élections plus tard, bien des choses ont changé. La région de Saint-Hyacinthe s'est profondément transformée grâce à des investissements records, notamment en santé et en éducation. Mais je vous assure, M. le Président, qu'il y a une chose qui n'a pas changé, c'est la fierté et le sens du devoir qui m'habitent toujours.

Vous savez, la politique, ce n'est pas qu'un long fleuve tranquille, c'est pourquoi ça nous prend un équipage solide pour nous aider à affronter les tempêtes, et je me considère chanceuse de pouvoir compter sur ma famille, particulièrement mes trois enfants, et sur une équipe de circonscription dévouée et loyale. Merci d'être à mes côtés et merci aux citoyens pour leurs 10 ans de confiance.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la députée de Saint-Hyacinthe. Et nous allons maintenant poursuivre avec Mme la députée de Chomedey.

Souligner la Journée de commémoration du génocide tamoul

Mme Sona Lakhoyan Olivier

Mme Lakhoyan Olivier : Merci, M. le Président. Tous les ans, le 18 mai, des milliers de Canadiens d'origine tamoule commémorent le massacre de Mullivaikkal, qui, à la fin de la guerre civile, en 2009, a coûté la vie à 70 000 Tamouls sri-lankais.

2024 marque le 15e anniversaire de la journée de cette commémoration du génocide tamoul. La guerre civile au Sri Lanka a commencé en 1983. Pendant 26 ans, l'État sri-lankais a perpétué des tueries massives contre les Tamouls, selon les Nations unies. Le génocide tamoul est une tragédie qui a profondément marqué l'histoire. Des milliers de vies ont été perdues lors de ce conflit brutal.

Il est crucial de se souvenir et de reconnaître les souffrances endurées par la communauté tamoule. Nous devons travailler ensemble pour promouvoir la justice, la réconciliation et la prévention des atrocités afin d'éviter que de telles tragédies se reproduisent. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Chomedey. Et nous allons maintenant poursuivre avec la déclaration de M. le député de Sainte-Rose.

Féliciter Mme Jade Mathieu pour sa participation
à l'émission Canada's Got Talent

M. Christopher Skeete

M. Skeete : Merci beaucoup, M. le Président. Ce matin, j'aimerais célébrer une jeune étoile qui va continuer de briller après son passage sur la scène de Canada's Got Talent. Jade Mathieu, une chanteuse et musicienne de seulement 15 ans, a captivé nos coeurs. Howie Mandel lui a d'ailleurs décerné le Golden Buzzer à sa première apparition, en avril dernier.

Bien que son parcours dans cette compétition se soit terminé hier, lors des demi-finales, Jade reste une source d'inspiration pour nous tous. Son dévouement envers sa passion est admirable, mais son courage et sa détermination nous impressionnent le plus. Diagnostiquée d'un trouble du spectre de l'autisme, Jade démontre au monde entier que les obstacles ne peuvent entraver nos rêves. Jade est également un exemple remarquable de générosité en tant que fière porte-parole de l'organisme Autisme Laval. Elle utilise sa voix, M. le Président, pour sensibiliser et inspirer les autres.

Jade, hier, tu as fait un choix important, un choix de chanter en partie en français. Le Québec entier est fier de toi, même si les juges ne l'ont pas vu. Tu fais partie de notre admiration quotidienne, et je suis tellement fier de toi. Continue à briller.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Sainte-Rose. Et maintenant, pour la prochaine déclaration, je reconnais M. le député de Gouin.

Souligner la mobilisation des citoyens de la circonscription de Gouin
à la suite de l'incendie de La Maison Marguerite de Montréal

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Lundi dernier, La Maison Marguerite, un organisme qui héberge des femmes en difficulté dans ma circonscription, a été complètement ravagée par les flammes. Les 37 femmes hébergées ont tout perdu, et l'équipe d'intervenantes s'est retrouvée en gestion de crise du jour au lendemain.

J'ai donc décidé avec elles de lancer un appel aux dons, sur mes réseaux sociaux, pour combler certains des besoins essentiels de ces femmes-là. En moins de 24 heures, on avait déjà reçu plus d'une quarantaine de sacs de dons, et, ce lundi, nous avions déjà un total de plus de 80 sacs bien remplis. J'ai été profondément touché par cette mobilisation rapide dans notre quartier, par la grande générosité des citoyens et des citoyennes, qui ont pris le temps de venir offrir des vêtements, du matériel, plein de choses. J'ai été aussi touché par la mobilisation rapide du regroupement des tables de La Petite-Patrie, qui s'est proposé pour entreposer le tout.

Je veux souligner cette générosité, envoyer un énorme merci à tous et à toutes pour cette incroyable démonstration de solidarité.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Gouin. Et nous allons maintenant poursuivre avec Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.

Féliciter l'organisme Développement Côte-de-Beaupré pour le succès
de son service de transport collectif et adapté PLUMobile

Mme Kariane Bourassa

Mme Bourassa : Merci beaucoup, M. le Président. Vous savez, le sujet du transport en commun est présentement sur toutes les lèvres. Aujourd'hui, je veux féliciter Développement Côte-de-Beaupré pour sa gestion et son bilan exceptionnels avec son service PLUMobile. C'est une belle réussite en matière de transport collectif et de développement durable dans notre région.

En 2023, l'organisme a battu des records de déplacements, avec 114 000 déplacements effectués à bord des transports collectif et adapté, et ça, c'est une augmentation de 40 % par rapport à 2022. On a enregistré des augmentations substantielles partout dans nos régions, 50 % de hausse de déplacement sur la Côte-de-Beaupré, 17 % à l'île d'Orléans, et les services de transport adapté ont aussi connu une hausse de 58 %.

Que ce soit pour le travail, pour les études, pour aller à des rendez-vous médicaux, pour aller faire des achats ou simplement pour le plaisir, les gens ont envie d'embarquer dans PLUMobile, parce que les services sont réellement adaptés à nos besoins. Alors, encore une fois, à toute l'organisation, félicitations!

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré. Et maintenant nous allons entendre Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Rendre hommage à Mme Miriam Green

Mme Désirée McGraw

Mme McGraw : Merci, M. le Président. Le Complexe de santé Reine Elizabeth, qui est situé à Notre-Dame-de-Grâce, est un établissement vital, qui a vu le jour grâce à la détermination et au dynamisme des dirigeants de la communauté après la fermeture de l'hôpital Reine Elizabeth, en 1996.

Miriam Green, who is a longtime NDG resident and lifelong advocate for community services and social justice, is perhaps the one individual most responsible for the creation and continuity of this extraordinary institution. It continues to exist through generous community support, despite the lack of any sustainable government funding.

Aujourd'hui, on reconnaît à juste titre Mme Green pour ses années de leadership infatigable, de coordination et de création de coalition avant, après et pendant les 22 années passées à la présidence du conseil administratif. Au nom de cette Assemblée ainsi que tous ceux qui bénéficient des services de Reine Elizabeth, merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Et maintenant nous allons poursuivre avec Mme la députée de Saint-François.

Rendre hommage à M. Franz Gauthier

Mme Geneviève Hébert

Mme Hébert : M. le Président, Franz Gauthier, ici, dans les tribunes, a commencé à s'impliquer en 1999 dans des maisons de jeunes de la région de Montréal, où il a été un phare pendant 18 ans. Puis, de 2018 à 2024, il a coordonné les activités de La Place des jeunes L'Intervalle, à Brompton. Durant deux décennies, M. Gauthier a lancé des initiatives remarquables comme la plateforme Conseil virtuel, initiant des ados à la démocratie municipale, le projet Cent détours, leur permettant de se présenter sous un angle artistique, ou encore le festival d'art urbain Bomb'art Brompton. Partout où il est passé, il a joué un rôle prépondérant dans la transformation des espaces jeunesse en milieux inclusifs, novateurs et diversifiés. Son dévouement indéfectible a favorisé la croissance personnelle de milliers de jeunes et suscité leur engagement civique.

M. Gauthier, je vous souhaite bon vent dans le nouveau défi communautaire que vous entreprenez avec votre coeur d'or et votre tête pleine de rêves.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Saint-François. Et, M. Gauthier, bienvenue à votre Assemblée nationale.

Et maintenant je vais reconnaître, pour la prochaine déclaration, M. le député de Jean-Talon.

Souligner le travail des organismes d'aide en santé mentale
de la circonscription de Jean-Talon

M. Pascal Paradis

M. Paradis : M. le Président, les besoins de services en santé mentale sont de plus en plus grands, alors que les budgets qui y sont consacrés demeurent modestes par rapport aux autres programmes en santé. Notre système de santé est donc incapable à lui seul de fournir les ressources nécessaires pour venir en aide à toutes les personnes qui nécessitent un accompagnement en santé mentale.

Heureusement, des organismes communautaires travaillent d'arrache-pied sur le terrain. En cette semaine nationale de la santé mentale, j'aimerais saluer trois organismes de la circonscription de Jean-Talon.

Depuis plus de 25 ans, Le Verger, le Centre de thérapie familiale en toxicomanie Le Passage et l'Organisation communautaire d'écoute et d'aide naturelle, OCEAN, offrent des services de prévention, de sensibilisation et d'intervention en santé mentale. Grâce à leurs efforts, des centaines de personnes peuvent être accompagnées dans leur guérison.

Merci de semer l'espoir et de nourrir la compassion pour toutes celles et ceux qui vivent avec des enjeux de santé mentale. Votre engagement nous inspire. Nous nous joignons à vous cette semaine pour lancer un appel à la gentillesse. Merci.

• (9 h 50) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Jean-Talon. Et maintenant nous allons poursuivre avec la déclaration de M. le député de Saint-Jean.

Souligner l'ouverture de la maison des aînés de Saint-Jean-sur-Richelieu

M. Louis Lemieux

M. Lemieux : M. le Président, j'ai toujours fait partie des convaincus des maisons des aînés, mais je dois vous avouer que, vendredi matin, à l'ouverture de la maison des aînés de Saint-Jean-sur-Richelieu, la plus grande au Québec avec ses 192 appartements, j'ai pris toute la mesure de la révolution, parce que c'est bien ce que c'est, une révolution pour l'hébergement de longue durée au Québec.

Et la bonne nouvelle, c'est que la vision et la philosophie qui viennent avec les maisons des aînés vont percoler dans le reste du réseau des CHSLD. L'autonomie et le respect de l'indépendance des résidents dictent l'environnement, et le quotidien, et, surtout, la routine, qui n'en est plus une, sinon que volontaire, puisque l'idée, c'est d'y vivre comme à la maison, à tout point de vue.

J'avoue, malgré tout ce que j'en savais déjà, avoir été impressionné et touché par les quelques heures que j'ai passées dans notre nouvelle maison des aînés, chez nous, autant par ce que j'ai vu, et senti, et compris que par les résidents et le personnel, qui sont enthousiastes et fiers, au moins autant que leur député, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jean. Et maintenant nous allons entendre M. le député de La Peltrie.

Souligner la contribution de M. Jean Bernier à la collecte de sang d'Héma-Québec

M. Éric Caire

M. Caire : M. le Président, je prends aujourd'hui quelques instants pour honorer un citoyen de ma circonscription, qui est présent dans nos tribunes et qui vient d'accomplir un exploit très inspirant.

Le 17 avril dernier, M. Jean Bernier, citoyen de Shannon, faisait son 1 600e don de produits sanguins, un chiffre tellement gros qu'on se demande ce que ça représente, 1 600 dons de sang, de plaquettes ou de plasma.

M. le Président, ça représente d'abord un record. Personne au Québec ni même au Canada n'a jamais atteint ce plateau. M. Bernier est officiellement le plus grand donneur de l'histoire de notre pays.

Ça représente aussi un tour de force, car, au-delà des chiffres, il y a une histoire d'engagement et de dévouement. M. Bernier a 71 ans, il donne depuis qu'il a 18 ans. À toutes les deux semaines depuis 53 ans, il se rend dans un centre d'Héma-Québec pour sauver des vies.

1 600 dons, ça représente autant de miracles pour les familles inquiètes, à l'hôpital, qui se demandent si leur mère, leur père, leur enfant ou leur proche ira mieux. Grâce à sa générosité...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de La Peltrie. Et, M. Bernier, bienvenue chez vous dans cette Assemblée nationale.

Et maintenant nous allons poursuivre avec la prochaine déclaration, celle de M. le député de Vachon.

Rendre hommage à M. Sylvain Lambert

M. Ian Lafrenière

M. Lafrenière : Merci beaucoup, M. le Président. Aujourd'hui, je rends hommage à M. Sylvain Lambert, une personne remarquable, qui prendra sa retraite en tant que directeur général du cégep Édouard-Montpetit et de l'École nationale d'aérotechnique, mieux connue sous le nom de l'ENA.

Située à l'aéroport de Saint-Hubert, l'ENA occupe une place très importante pour les citoyens de Vachon et jouit d'une renommée qui est mondiale, M. le Président. En fait, la réputation de l'ENA attire des étudiants venant de partout dans le monde pour apprendre des compétences des professions et métiers de l'aviation.

C'est donc sous la grande direction de Sylvain qu'au cours des neuf dernières années le cégep a su prospérer, voyant son chiffre d'admission de l'ENA augmenté de plus de 40 % pour la prochaine session. On en est très fiers.

Sylvain laisse derrière lui un héritage impressionnant, marqué par l'évolution de l'offre étudiante, l'amélioration des infrastructures, entre autres du logement étudiant, et surtout un engagement inébranlable envers la communauté étudiante de Saint-Hubert.

Au nom des citoyens de Saint-Hubert, Sylvain, bon succès dans tes projets futurs. Je te remercie pour tout. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Vachon. Et nous allons terminer cette rubrique avec la déclaration de M. le député de Joliette.

Féliciter les médaillés lanaudois des Jeux d'hiver
d'Olympiques spéciaux Canada

M. François St-Louis

M. St-Louis : Merci, M. le Président. Je suis vraiment très fier d'accueillir aujourd'hui en cette enceinte les médaillés lanaudois des Jeux d'hiver d'Olympiques spéciaux 2024 qui se déroulaient à Calgary du 27 février au 2 mars dernier.

Je tiens à féliciter Mme Rachel Chevrette, qui a remporté trois médailles d'argent en ski de fond, aux épreuves du 100, du 500 et du 1 000 mètres, à M. Tommy Lavergne, qui s'est mérité une médaille d'argent en ski alpin, slalom géant avancé, ainsi qu'à toute l'équipe joliettaine de hockey intérieur la Tempête, qui s'est mérité rien de moins que la médaille d'or dans la catégorie A.

Bien entendu, M. le Président, des remerciements et une mention toute spéciale à Mme Sylvie Ducharme et à toute l'équipe d'entraîneurs et de bénévoles qui ont supporté nos athlètes pour en arriver à se dépasser et à vivre ces moments inoubliables.

Encore une fois, félicitations à nos médaillés olympiques! Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Joliette. Et, à tous nos médaillés et personnes impliquées, bienvenue à l'Assemblée nationale. C'est chez vous, ici.

Alors, mesdames et messieurs, cela met fin à la rubrique Déclarations de députés.

Et je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 56)

(Reprise à 10 h 06)

La Présidente : Bonjour, tout le monde. Vous êtes nombreux ce matin.

Chers collègues, ce matin, nous avions tous le coeur lourd, en franchissant les portes du parlement, avec à l'esprit les tragiques événements qui s'y sont déroulés il y a 40 ans jour pour jour.

Le 8 mai 1984, un individu armé s'est introduit au coeur de notre Assemblée nationale avec le dessein de faire disparaître des élus. 13 personnes ont été blessées lors de ce drame. Trois fonctionnaires ont également péri en cette journée, qui fut l'une des plus sombres pour notre Parlement : M. Georges Boyer, page à l'Assemblée nationale; M. Camille Lepage, messager à l'Assemblée nationale; M. Roger Lefrançois, employé du Directeur général des élections. Sans le courage et le sang-froid de M. René Jalbert, le sergent d'armes, qui est intervenu pour mettre fin à l'assaut, le nombre de victimes aurait sans doute été plus élevé.

En l'honneur des blessés et disparus, il est important de protéger notre démocratie et les personnes qui y oeuvrent. Depuis ce triste événement, notre institution a pris très au sérieux les menaces et a mis en place les meilleures pratiques pour assurer la sécurité des élus et du personnel.

J'invite donc la garde d'honneur à venir déposer une gerbe de fleurs sur la table, symbole du deuil collectif que nous commémorons.

Je vous invite tous à observer une minute de recueillement pour ne jamais oublier celles et ceux qui ont perdu la vie ou ont été blessés il y a 40 ans.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Présence de la haute-commissaire du Royaume-Uni,
Mme Susannah Clare Goshko

Et permettez-moi maintenant de souligner la présence, dans les tribunes aujourd'hui, de la haute-commissaire du Royaume-Uni, Son Excellence Mme Susannah Clare Goshko, à l'occasion de sa visite officielle. Elle est accompagnée de la consule générale du Royaume-Uni à Montréal, Mme Chloë Adams.

Présence de l'ambassadeur de la République de Colombie,
M. Carlos Arturo Morales
Lopez

Et je souligne également la présence, dans nos tribunes, de l'ambassadeur de la République de Colombie, Son Excellence M. Carlos Arturo Morales Lopez, à l'occasion de sa visite officielle. Il est accompagné de la consule générale de Colombie à Montréal, Mme Luz Stella Jara Portilla.

Nous poursuivons les affaires courantes.

Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôts de documents

À la rubrique Dépôt de documents, M. le ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, des Parcs et de la Faune.

M. Charette : Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi de déposer le rapport annuel 2022 du programme de soutien aux bénéficiaires inuits pour leurs activités de chasse, de pêche et de piégeage. Merci.

La Présidente : Ce document est déposé.

Dépôt de rapports de commissions

À la rubrique Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la Commission de l'aménagement du territoire et député de Drummond—Bois-Francs.

Étude détaillée du projet de loi n° 50

M. Schneeberger : Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, je dépose le rapport de la Commission de l'aménagement du territoire qui, les 9, 10, 11 avril et 2 et 7 mai 2024, a procédé à l'étude détaillée du projet de loi n° 50, Loi édictant la Loi sur la sécurité civile visant à favoriser la résilience aux sinistres et modifiant diverses dispositions relatives notamment aux centres de communications d'urgence et à la protection des incendies de forêt. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.

• (10 h 10) •

La Présidente : Ce rapport est déposé. M. le président de la Commission des finances publiques et député de Montmorency.

Étude détaillée du projet de loi n° 60

M. Simard : Oui, Mme la Présidente, je dépose le rapport de la Commission des finances publiques qui, le 7 mai 2024, a procédé à l'étude détaillée du projet de loi n° 60, Loi autorisant la conclusion de conventions collectives d'une durée supérieure à trois ans dans les secteurs public et parapublic. La commission a adopté le texte du projet de loi sans amendement. Je vous remercie.

La Présidente : Ce rapport est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant rendus à la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole, en question principale, au chef de l'opposition officielle.

Orientations gouvernementales en matière d'énergie

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Mme la Présidente, l'énergie est au coeur de notre économie. Avec la CAQ, c'est la confusion la plus totale.

En décembre 2022, le ministre de l'Énergie nous partageait sa vision. Allons-y voir, je le cite.

«L'éolien, si on met 10 000 mégawatts dans le Nord, on n'a pas besoin de barrages.»

«...laver la vaisselle, bon, on la fera à minuit.»

«Moi, j'ai vécu en Chine, puis je peux vous dire qu'on arrivait le soir dans les maisons et c'était froid[...]. Il faut le considérer et on travaille avec Hydro-Québec sur ça, ce sont les experts quand même.»

«...il vente beaucoup à certaines places dans le Québec. [...]L'avantage qu'on a, c'est qu'il y a du terrain en masse. Si on met des éoliennes à Fermont, je pense qu'on est correct.» Fin de la citation, Mme la Présidente.

En janvier 2023, le ministre continuait : «On va tout faire pour ne pas en faire, des barrages...» En septembre 2023, le premier ministre, lui, a dit : «...préparez-vous. [...]Il va y [en] avoir beaucoup d'annonces pour des barrages...» Fin de la citation.

3 avril dernier, le ministre, toujours sur sa vision, nous instruisait : «Dans mon condo du Vieux-Montréal, j'ai une thermopompe et j'ai [des plinthes électriques]. Cette année, mes [plinthes électriques] sont éteints. Des fois, c'est un peu froid, [mais] je mets un chandail.» Fin de la citation.

Mme la Présidente, on peut-tu l'avoir, notre commission, pour qu'on parle, au Québec, de l'énergie de façon sérieuse?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, effectivement, notre ministre de l'Économie a un langage coloré. Je pense, c'est apprécié des Québécois.

Maintenant, bien, parlons d'énergie, parce que c'est important de faire la petite histoire. Quand je suis arrivé, en 2018, rapidement j'ai rencontré le président d'Hydro-Québec, Éric Martel, à l'époque, qui m'a dit : C'est dramatique, on a des surplus d'électricité au moins pour les 20 prochaines années, on va être obligés de jeter de l'eau des barrages qui aurait pu servir pour faire de l'électricité parce qu'on a trop d'électricité, alors que tout le monde dans le monde cherche de l'énergie. Qu'est-ce qu'on a fait, Mme la Présidente? Bien, il n'y avait pas beaucoup de monde qui y croyait, on a pris notre petite valise, on est allés à New York, on a réussi à négocier un contrat important pour exporter de l'électricité à New York.

Le ministre de l'Économie, avec Investissement Québec, a travaillé très fort pour développer la filière batterie. C'est quoi, la filière batterie, Mme la Présidente? C'est la fabrication de batteries pour les véhicules électriques avec du lithium, qu'on a la chance d'avoir au Québec. Pourquoi des compagnies comme Northvolt sont intéressées de venir au Québec? Parce que, contrairement à l'Ontario puis ailleurs, l'usine ne sera pas propulsée avec du gaz, mais avec l'électricité propre.

Maintenant, Mme la Présidente...

La Présidente : En terminant.

M. Legault : Je continuerai.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Mme la Présidente, on ne peut pas dire : C'était dramatique, on avait des surplus énergétiques. Aujourd'hui, on est en déficit énergétique. Puis c'est Hydro-Québec qui nous l'a dit, en novembre dernier, quand elle dit qu'on a besoin de 8 000 à 9 000 mégawatts d'ici 2035. Ça, c'est un Hydro-Québec de plus d'ici 2050.

Il y a une citation qui est quand même bonne, du ministre, qui dit, le 5 mai dernier : «Les défis [...] sont nombreux. On doit en débattre [...] avoir des discussions pour faire les bons choix.» À quelle heure on débat sur notre enjeu?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bien, Mme la Présidente, grâce au travail qu'on a fait, on va avoir, au Québec, deux booms économiques, deux. Pas un, deux. Premier boom, bien, on va recommencer la construction de travaux, chez Hydro-Québec, pour augmenter le volume, donc, éolien, barrages. Bien sûr, il faut faire aussi de l'efficacité énergétique, parce que c'est ce qui coûte le moins cher. Deuxième boom économique, la construction de l'économie verte : batteries, aluminium vert, acier vert. Tout ça, ça va aussi créer des bons emplois.

La Présidente : En terminant.

M. Legault : Donc, on va voir deux booms économiques qu'on n'entrevoyait pas du tout avec les libéraux.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Bien, Mme la Présidente, là où le premier ministre voit des booms, moi, je vois des ploufs, des ploufs caquistes. On est en déficit énergétique.

Question toute simple au premier ministre. Il dit : On va tout construire ça. Hydro-Québec évalue que ça va prendre, à partir d'aujourd'hui, là, aujourd'hui, là, puis on perd du temps, là, 35 000 travailleurs de la construction. Il y en a à peu près 200 000, au Québec. 35 000 travailleurs de la construction. Il va les prendre où pour que son boom, ce ne soit pas un autre plouf caquiste?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bien, Mme la Présidente, pour reprendre les mots du chef de l'opposition officielle, le plouf, c'était l'époque où Hydro-Québec devait jeter l'eau qui aurait pu servir pour faire de l'électricité puis être vendue pour faire des milliards de dollars de profits, pour être capables de donner ces profits-là aux Québécois puis de garder les tarifs résidentiels très bas au Québec.

Maintenant, Mme la Présidente, qu'on dise qu'on va créer beaucoup de jobs payantes en construction, moi, je vois ça comme une nouvelle positive. On a commencé à faire des formations courtes. Il y a plein de Québécois qui gagnent actuellement 15 $, 20 $ de l'heure qui vont pouvoir gagner 40 $ de l'heure et plus grâce à notre travail.

La Présidente : Troisième complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Mme la Présidente, s'il n'y a pas de travailleurs, il ne saura pas à qui la donner, la belle grosse paie. S'il n'y a pas de travailleurs, ça ne sortira pas de terre.

Autre dossier important : Churchill Falls. Le premier ministre a dit, lui : On a fait une proposition, on est rendus dans les contre-propositions. Churchill Falls, c'est un quart de notre consommation. Michael Sabia, lui, il a dit, le même jour, le contraire : «Nous sommes en train d'avoir des conversations, pas des négociations, [...]il y a une différence importante entre [les] deux mots.»

Alors, qui dit vrai, le premier ministre ou Michael Sabia? C'est sérieux, l'énergie. On veut une vision, là.

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, on a lancé, en janvier, des formations courtes en construction. On avait mis en place 5 000 places, on a eu plus de 40 000 demandes, des Québécois qui sont intéressés à améliorer leur sort, à améliorer leur salaire.

Maintenant, Mme la Présidente, qu'on appelle ça des conversations ou des négociations, on continue les échanges avec Terre-Neuve-et-Labrador. Évidemment, on se parle beaucoup de quels prix on paierait jusqu'à 2041 puis après 2041. Il y a aussi un nouveau projet qui s'appelle Gull Island. Il y a un rehaussement de Churchill.

La Présidente : En terminant.

M. Legault : Donc, conversations, négociations, on se parle, puis on espère que ça va...

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de Jacques-Cartier.

Orientations gouvernementales en matière d'énergie

M. Gregory Kelley

M. Kelley : Mme la Présidente, ce gouvernement n'a aucune réelle vision ni plan pour le dossier de l'énergie, et le meilleur exemple, c'est quand le ministre de l'Énergie a dit à tous les Québécois qu'il a été pris par surprise par le manque d'énergie. Comment il peut dire ça avec une vraie face aux Québécois, qu'il a été pris par surprise? C'est lui qui était en charge, ce gouvernement était en charge depuis six ans. Ça démontre qu'il n'y a aucun plan, aucune vision.

Au début de la session, la CAQ a spinné que ça va être la session de l'énergie, puis on va arriver avec un projet de loi, mais il n'y a aucun projet de loi qui a été déposé, il n'y a aucun plan qui a été déposé, et ça, c'est parce qu'il y a complètement un manque de vision. Mais qu'est-ce qui bloque? Ça bloque où, avec ce gouvernement? Est-ce que le caucus a dit non à toutes les demandes du superministre concernant son plan de l'énergie, est-ce que c'est le cabinet du premier ministre qui a dit non aux propositions du ministre de l'Énergie ou est-ce que c'était Hydro-Québec?

Votre projet, votre plan, votre vision, M. le ministre, ça bloque où?

• (10 h 20) •

La Présidente : On s'adresse à la présidence. Et je vous... je vous rappelle qu'on s'interpelle par notre titre. Il s'agit du ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : Mme la Présidente, premièrement, une vision énergétique, c'est important pour le Québec. Et je dois avouer que, sous le gouvernement libéral, il n'y a jamais eu de vision économique, parce que, des projets d'envergure, il n'y en a pas eu. Hydro-Québec me faisait part, quand j'ai été nommé ministre de l'Énergie, que, sous le régime libéral, il y a eu un seul projet en haut de 50 mégawatts. Donc, le gouvernement libéral n'a eu aucune vision énergétique.

Le gouvernement, c'est sa responsabilité. On a un projet de loi qui va être déposé d'ici la fin de la session, projet de loi qui va être très compréhensif et qui va aussi adresser le mixte énergétique, parce qu'il faut regarder tous les projets qu'on a maintenant sur la liste des projets porteurs pour le Québec, il faut avoir un mixte énergétique. Donc, c'est le gouvernement qui va faire le PGIR, le programme de gestion intégrée des ressources, quelque chose qu'ils n'ont jamais fait, ils ne savaient pas c'était quoi. Et nous, le gouvernement, on va le mettre en place avec Hydro-Québec, avec Énergir et d'autres personnes, parce qu'il faut éclairer les Québécois sur les besoins énergétiques, on est entièrement d'accord. Et le projet de loi va permettre au gouvernement de prendre en charge tout le développement de la mission stratégique énergétique, ce qu'on va faire de façon adéquate.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Gregory Kelley

M. Kelley : Le Parti libéral, c'est le parti d'Hydro-Québec. Le Parti libéral, c'est le parti qui a nationalisé des barrages, avec M. Lesage et monsieur... et René Lévesque. Jean Charest, c'est lui qui a lancé le Plan Nord puis aussi le projet de La Romaine. C'est Philippe Couillard qui a continué d'appuyer la filière de l'industrie de l'éolienne au Québec avec le projet d'Apuiat. On n'a aucune leçons à recevoir du parti de la CAQ sur le développement énergétique. C'est nous qui a bâti ça, puis c'est le bénéfice de notre économie.

Alors, question : C'est où, votre vision, M. le ministre? C'est où, votre courage? Déposez un projet de loi, M. le ministre.

La Présidente : Et, M. le député, je vous rappelle, vous posez la question à la présidente.

Des voix : ...

La Présidente : Messieurs dames, je vous rappelle la règle, vous vous adressez à la présidente. Et, pour la réponse, nous allons écouter le ministre.

Des voix : ...

La Présidente : S'il vous plaît!

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : Mme la Présidente, je reconfirme ce que j'ai dit : Sous le gouvernement libéral, il n'y a jamais eu de vision énergétique, parce qu'il n'y avait pas de projet d'envergure. Encore une fois, Hydro-Québec, qui a planifié la capacité industrielle ou l'offre... la demande industrielle, se basait sur l'histoire de 2000 à 2020, où il y a eu un seul projet en haut de 50 mégawatts sous le Parti libéral. Alors, de dire, aujourd'hui, qu'il n'y a pas de vision, c'est plutôt l'inverse. Aujourd'hui, face à la demande accrue énergétique pour des projets qui sont porteurs pour le Québec, comme la filière batterie et d'autres filières que je n'ai pas encore annoncées, on travaille pour développer un plan de gestion intégrée des ressources, regarder les sources énergétiques, ce qui n'a jamais été fait...

La Présidente : En terminant.

M. Fitzgibbon : ...dans l'histoire du Québec parce qu'Hydro-Québec pensait qu'il y avait des surplus infinis, ce qui n'est plus le cas.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Gregory Kelley

M. Kelley : Californie a un vrai plan, puis c'est en action. Pendant... Dans trois ans, ils ont ajouté 20 % de leur énergie sur la pointe... le stockage. C'est en trois ans qu'ils ont fait ça. On va en Alberta, eux autres ont un plan pour l'énergie solaire qui est concret. On va au Texas, ils sont en train d'ajouter l'éolienne puis le solaire partout. Au Vermont, c'est la même chose. On est en train de perdre notre avantage compétitif énergétique, Mme la Présidente, à des autres juridictions.

Le Québec a été toujours un leader. Je veux qu'on demeure un leader partout sur la planète. Avec ce gouvernement, nous sommes en recul.

La Présidente : La réponse du ministre. On écoute.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : Je n'ai pas compris la question, mais je vais parler pareil.

Écoutez, je pense que, ce qu'on fait maintenant avec Hydro-Québec, le plan agressif 2035 d'Hydro-Québec fait état d'une augmentation de la production hydroélectrique, éolien, du nucléaire... pas du nucléaire, excusez-moi, éolien, solaire, je m'excuse, et hydroélectrique, de returbiné. On va regarder aussi l'efficacité énergétique. Oui, on va peut-être devoir mettre des «turtlenecks» l'hiver, mais, en même temps, il faut travailler sur toute la panoplie. Ça n'a jamais été fait, parce qu'il n'y avait pas besoin de le faire, parce qu'on était un surplus, parce qu'il n'y avait pas assez de projets industriels. Donc, maintenant, on a des projets industriels qui vont forcer Hydro-Québec et le ministère de l'Énergie à être plus novateurs dans les pratiques qu'on va prendre...

La Présidente : En terminant.

M. Fitzgibbon : ...pour pouvoir mieux consommer et avoir de la production à bas coût qui va être l'énergie verte.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant la députée de Bourassa-Sauvé. La parole est à vous. On écoute.

Pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur de l'énergie

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Cadet : Mme la Présidente, l'automne dernier, le P.D.G. d'Hydro-Québec nous a annoncé que les besoins de main-d'oeuvre dans le secteur, donc, énergétique étaient de 35 000 travailleurs de la construction par année d'ici 2035. On parle de chiffres énormes. Pendant ce temps-là, on vit une crise de l'habitation, il y a des infrastructures publiques à construire qui sont déjà dans le PQI, on a des routes à paver, puis la filière batterie, bien, elle va solliciter un bon nombre de ces travailleurs de la construction là.

Mme la Présidente, vous comprenez qu'il n'en reste pas beaucoup dans le lot pour le secteur énergétique, pour Hydro-Québec. Je sais que la ministre de l'Emploi, tout comme vient de le faire le premier ministre, bien, va nous répondre qu'il y a des formations accélérées dans le secteur de la construction, mais ces demi-formations mal ficelées, elles ne créent pas plus de travailleurs dans le secteur de la construction. D'une part, ces programmes déplacent une partie de la main-d'oeuvre qui aurait intégré le secteur de toute manière par l'entremise des bassins, puis, d'autre part, bien, comme la ministre, elle a refusé ma proposition de faire signer un engagement à ces étudiants, bien, il n'y en a pas, de garantie d'insertion professionnelle.

C'est quoi, le plan de la ministre de l'Emploi pour Hydro-Québec?

La Présidente : La réponse de la ministre de l'Emploi.

Mme Kateri Champagne Jourdain

Mme Champagne Jourdain : Merci, Mme la Présidente. J'espérais avoir cette question-là après avoir vu que le premier ministre a été questionné sur les prévisions en construction. Je veux vous dire qu'on est très fiers des formations qu'on a mises en place avec l'offensive de formation en construction. C'est 4 000... plus de 4 000 personnes qu'on va intégrer dès cet été sur nos chantiers de construction, qui vont être formées, qui vont venir augmenter la productivité de nos chantiers.

Hormis ça, on a certainement un plan, vous le savez, j'ai eu la chance d'en parler souvent ici, un plan qui s'appelle l'Opération main-d'oeuvre, qui va permettre à terme, au bout de cinq ans, de former et d'intégrer, dans le secteur de la construction, 55 000 travailleurs supplémentaires, en plus de ce qui se fait déjà. C'est des mesures supplémentaires, Mme la Présidente. Et je veux vous dire qu'en 18 mois de déploiement de cette Opération main-d'oeuvre là, dans les premiers 18 mois, c'est 22 000 personnes sur ces 55 000 personnes là qui avaient déjà intégré le marché de la construction. On a une vision, ça fonctionne, il y a des résultats.

La Présidente : Première complémentaire.

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Cadet : Mme la Présidente, la ministre de l'Emploi nous parle, donc, de l'Opération main-d'oeuvre. Justement, 55 000 travailleurs devaient intégrer, donc, le secteur de la construction d'ici 2026. On est loin du compte. Le chiffre de 22 000 que la ministre... qu'elle vient de nommer, c'est à partir de 2015 qu'on voit, donc, ces intégrations-là dans le secteur de la construction. Pendant ce temps-là, le gouvernement, il rate la cible. Puis, l'Opération main-d'oeuvre, bien, quand on la lit, on ne trouve rien pour le secteur énergétique, on ne trouve rien pour Hydro-Québec.

C'est quoi, l'opération main-d'oeuvre pour Hydro-Québec?

La Présidente : La réponse de la ministre.

Mme Kateri Champagne Jourdain

Mme Champagne Jourdain : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je le répète, on a une vision. C'est ce qu'il n'y avait pas, l'autre côté. Depuis le début des années 2000 qu'on nous parle de la situation dans laquelle on se trouve, le gouvernement libéral n'a absolument rien fait, Mme la Présidente. Nous, on a mis en place des mesures colossales, des choses qui ne s'étaient jamais faites. L'Opération main-d'oeuvre, c'est 3,9 milliards, 170 000 personnes dans six secteurs; le secteur de la construction, 55 000 personnes. 22 000 personnes en 18 mois ont intégré le secteur de la construction. On continue, Mme la Présidente. Pour le secteur de la batterie, on travaille sur une école, Mme la Présidente.

La Présidente : En terminant.

Mme Champagne Jourdain : On a aussi tous les CSMO et les...

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Cadet : Mme la Présidente, on parle ici d'Hydro-Québec. Le gouvernement est tellement brouillon qu'il a dû revenir sur sa décision de créer des formations payées accélérées pour les monteurs de lignes parce qu'il n'était pas capable de se coordonner avec Hydro-Québec. C'est ça qui compromet la vision qui nous a été énoncée par M. Sabia l'automne dernier. La ministre aurait déjà dû être en action pour nous permettre d'avoir plus de travailleurs de la construction précisément pour Hydro-Québec.

On en a plein, de besoins dans le secteur de la construction, au Québec, on vit une crise de l'habitation, mais, pour Hydro-Québec, c'est quoi, le plan?

La Présidente : La réponse de la ministre.

Mme Kateri Champagne Jourdain

Mme Champagne Jourdain : Mme la Présidente, je vais essayer d'être encore plus claire. Les efforts, les mesures qu'on déploie au niveau de la formation, de la requalification en emploi tiennent compte des besoins d'Hydro-Québec. Les efforts, les mesures, l'Opération main-d'oeuvre tiennent compte aussi des besoins d'Hydro-Québec. Alors, j'espère que c'est très clair. On est actifs. On a déployé une opération sans précédent pour répondre aux besoins de main-d'oeuvre, dont ceux d'Hydro-Québec. Ça fonctionne, Mme la Présidente, on a des résultats, et on va continuer d'avancer en ce sens-là. Merci.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de Marguerite-Bourgeoys.

Développement de la filière batterie

M. Frédéric Beauchemin

M. Beauchemin : Mme la Présidente, mettre tous les oeufs dans le panier d'un seul cellulier représente un risque immense pour le Québec. Le plus grand risque, en affaires, est que son produit devient substitué par un meilleur. En misant sur la technologie d'un seul cellulier, on s'expose à un risque d'être substitué, donc de perdre de l'argent et perdre du temps.

C'est ce qui arrive avec la technologie de Northvolt. On a appris la semaine dernière que l'entreprise chinoise CATL va commercialiser une batterie qui aura une autonomie de 1 000 kilomètres, Mme la Présidente, deux fois plus que celle de Northvolt. Les consommateurs voudront l'autonomie de 1 000 kilomètres de CATL, pas celle de Northvolt. On dirait que la technologie de Northvolt est déjà désuète, que Northvolt s'est fait substituer.

Mme la Présidente, est-ce que les Québécois vont perdre leur argent dans Northvolt, les milliards que la CAQ a investis? Est-ce que la CAQ peut se sentir responsable par rapport à ça?

• (10 h 30) •

La Présidente : La réponse du ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : Mme la Présidente, je suis heureux de voir que le collègue devient expert dans les batteries, dans les cellules. C'est intéressant à voir, l'intérêt du Parti libéral pour cette filière-là.

Maintenant, écoutez, les cellules, il y en a plusieurs sortes qui existent. Northvolt est une compagnie exemplaire, qui fait beaucoup de recherche et développement, et qui, d'ailleurs, travaille avec nos chercheurs ici présentement, à l'Université Concordia, pour ne nommer que celui-là, pour regarder différentes technologies. Northvolt va investir, dans la première phase, 7 milliards de dollars au Québec avec plusieurs investisseurs sophistiqués. Alors, je présume, ces investisseurs-là ont la même sophistication que le député du Parti libéral. Conséquemment, je pense qu'il faut accepter aujourd'hui que les celluliers vont devoir s'ajuster, d'une part.

Donc, Northvolt va être agnostique à la chimie des batteries. D'autre part, il va y avoir plusieurs chimies de batteries qui vont exister, LMP, NMC, il va y avoir du «solid state», il y a toutes sortes de choses. Donc, de dire que CATL, la compagnie à laquelle il réfère, va dominer le marché mondial, c'est inexact. Et je pense que Northvolt a énormément de capacité, a signé des contrats avec plusieurs OEM qui vont produire des véhicules électriques. Donc, je pense qu'on est très contents et satisfaits.

La Présidente : En terminant.

M. Fitzgibbon : Est-ce qu'il y aura un autre cellulier? Peut-être, mais pas aujourd'hui.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Frédéric Beauchemin

M. Beauchemin : Mme la Présidente, je vois que le ministre est agnostique à ce qui se passe dans le monde, mais la réalité, c'est que le Québec compétitionne de façon mondiale, puis il y en a d'autres qui ont de meilleures technologies puis d'autres qui diversifient leurs risques. On vient de le voir, Honda a encore choisi l'Ontario, un projet deux fois plus gros qu'ici, qui coûtera moins cher aux Ontariens. La CAQ met tous les oeufs dans le même panier et augmente les risques.

Pourquoi le ministre est incapable de diversifier le risque de la filière batterie?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : Écoutez, sous le Parti libéral, le mot «batterie» n'existait pas, carrément, et là on est rendus à 16 milliards d'investissement, on s'en va à 20, 25 milliards d'ici un an. Northvolt investit en Suède, en Allemagne, a les plus grands producteurs de voitures qui travaillent avec eux autres. Alors, de dire ici, en Chambre, par le député, que Northvolt va se tromper et perdre de l'argent, respectueusement je n'accepte pas ça.

Deuxièmement, Honda, il faut savoir de quoi on parle. Honda avait trois projets : voitures, cellules, cathodes. Le seul projet pour lequel nous avons la capacité de pouvoir faire une promotion du Québec, c'était pour la cathode. La voiture se fait en Ontario déjà, à Alliston, et c'était logique qu'ils continuent. La cellule, la même chose...

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Frédéric Beauchemin

M. Beauchemin : Le ministre nous fait un bon pitch de vente, là, mais la réalité, c'est que les Québécois risquent des milliards. La semaine dernière, on apprenait justement que le projet de cathodes de Ford, lequel le ministre a engagé un demi-milliard de dollars, était sur glace pour des enjeux technologiques et financiers. Avec la nouvelle batterie chinoise, les cathodes sont-elles toujours nécessaires? L'arrêt du projet de Northvolt démontre bien le risque de la filière batterie. Est-ce que le ministre... Les risques. Est-ce que le ministre de l'Économie reconnaît enfin que l'argent des Québécois est à risque aujourd'hui?

La Présidente : La réponse du ministre. On écoute la réponse, je vous prie.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : Écoutez, je vais être poli parce qu'on est en Chambre, mais, honnêtement, de voir le député du Parti libéral qui fait un constat scientifique sur les batteries, je n'accepte pas ça. On a des gens, des scientifiques qui réclament que Northvolt est une des technologies les plus... On a vu Elon Musk, dernièrement, avec un actionnaire de Northvolt, j'oublie le nom, qui faisait état de la capacité de Northvolt de s'adapter au marché. Alors, d'écouter, aujourd'hui, le Parti libéral nous dire que Northvolt ne peut pas réussir, j'espère qu'ils n'écoutent pas ce qui se passe ici, dans la Chambre. Alors, c'est complètement inapproprié.

Et, deuxièmement, la technologie des batteries, elle est multiple, et le Québec, on est capables, avec la Vallée de la transition énergétique, avec l'Université Concordia, Trois-Rivières, de jouer un rôle important dans le développement de la recherche, le développement des batteries. Alors, profitons de ça.

La Présidente : En terminant.

M. Fitzgibbon : On a Ford, GM, Posco, EcoPro, Vale et Northvolt. On va en profiter puis on va en bénéficier pour les Québécois.

Des voix : ...

La Présidente : Bon, là, c'est un petit peu trop bruyant. J'ai entendu des commentaires. Je vous demanderais à toutes et à tous de demeurer respectueux.

Maintenant, en question principale, j'aimerais entendre uniquement le chef du...

Des voix : ...

La Présidente : Je vous regarde tous, aussi, M. le leader. Je vous regarde aussi, M. le leader de l'opposition officielle. J'aimerais entendre le chef du deuxième groupe d'opposition. On l'écoute.

Financement du transport collectif

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Mme la Présidente, ce matin, j'ai une question pour vous. Le transport en commun, là, qu'ossa donne? Pourquoi, il y a plus de 100 ans, on a mis des autobus puis des tramways partout au Québec? Pourquoi on a construit un métro en 1967 à Montréal? Ce n'était pas pour faire plaisir à Greenpeace. Le transport en commun, ça sert à déplacer des gens du point a au point b, ça sert à amener des ouvriers dans des usines, ça sert à amener des infirmières dans des hôpitaux, des chercheurs dans des labos, ça sert à amener des enfants à l'école. Bref, le transport en commun, ça sert exactement à la même affaire qu'une autoroute. Mais, quand c'est bien organisé, quand c'est bien financé, c'est encore meilleur qu'une autoroute, c'est encore plus rapide, c'est encore meilleur pour l'économie du Québec, et c'est moins cher pour le portefeuille du monde.

Il y a plein de pays dans le monde qui ont pris ce virage-là, mais, au Québec, la CAQ parle juste du transport en commun comme d'une grosse dépense désagréable. Cette semaine, ils nous annoncent une agence. O.K. Mais, pendant ce temps-là, les coupures de services ont déjà commencé. La question que les gens se posent, c'est : Est-ce que l'autobus va passer au coin de ma rue, oui ou non?

Est-ce que le premier ministre peut s'engager à trouver des solutions pour qu'il n'y ait aucune nouvelle coupure dans le transport en commun au Québec?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui, Mme la Présidente, d'abord, je veux dire que je suis d'accord avec la première partie, avec l'introduction du chef de Québec solidaire. Dans l'avenir, le transport en commun va devenir de plus en plus important. Si on veut décarboner notre économie, notre société, il faut investir dans le transport collectif. C'est pour ça qu'il n'y a jamais un gouvernement qui a investi autant dans le transport collectif que notre gouvernement. Puis là je parle autant du côté des infrastructures que du côté d'aider les dépenses de fonctionnement.

Donc, Mme la Présidente, je comprends, là, actuellement, qu'il y a des discussions entre les maires des grandes villes, qui voudraient que le gouvernement du Québec finance les déficits des sociétés de transport. On contribue pour une partie, puis la vice-première ministre débat avec eux autres. Mais, moi, ce que je souhaite, c'est qu'on travaille ensemble à développer le transport collectif dans toutes les grandes villes du Québec, tout en étant équitable avec les plus petites municipalités, parce que les contribuables des plus petites municipalités paient aussi des impôts au Québec. Donc, c'est ce qu'on essaie de faire actuellement. Puis je pense que, quand on se compare avec les gouvernements précédents... je pense qu'on a avancé, qu'on fait mieux que les anciens gouvernements.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Le premier ministre a l'air de dire que tout va bien. Encore ce matin, on apprend qu'à Lévis ils vont couper des services de transport en commun. Les calculs du premier ministre, là, je vais parler en comptable, ils ne balancent pas. Il faut baisser nos GES, il faut avoir, selon le ministre de l'Économie, moitié moins de voitures sur les routes, mais il y a autant de monde qui veulent aller travailler le matin, puis ce n'est pas tout le monde qui a les moyens de s'acheter une Tesla à 80 000 $. La solution, c'est du bon transport en commun pour tout le monde.

Est-ce que le premier ministre peut s'engager à ce qu'il n'y ait aucune coupure de services?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bon, je ne sais pas si le chef de Québec solidaire fait exprès ou s'il comprend mal le fonctionnement. Il y a des grandes sociétés de transport, entre autres à Lévis, Montréal, Québec, il y a une responsabilité de ces sociétés de transport puis des villes concernées concernant la planification mais aussi le financement, les négociations de conventions collectives. Donc, ce qu'on doit faire, comme gouvernement du Québec, c'est venir aider financièrement. C'est ce qu'on fait, actuellement. Mais je veux être très clair, il n'y a aucune...

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Le premier ministre dit qu'il n'y a pas de coupures. C'est inexact. Il y a des lignes qui ont été retirées, on vient de l'apprendre, à Lévis, là. C'est ça qui se passe dans plein de villes au Québec. Le premier ministre dit : Tout va bien. Ce n'est pas vrai, il y a un problème, il manque de l'argent.

Moi, j'ai l'humilité de reconnaître que personne n'a toutes les solutions pour financer le transport collectif pendant 40 ans, mais, ici et maintenant, il y a un 1,7 milliard qui dort dans le Fonds vert, puis cet argent-là est censé servir à réduire nos gaz à effet de serre. Est-ce que le premier ministre est prêt à envisager l'utilisation de cet argent-là?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bien, Mme la Présidente, là, je le répète, il n'y a aucune coupure dans le financement du gouvernement du Québec pour les sociétés de transport au Québec. On a même financé, l'année dernière, 70 % de leur déficit, 70 % de leur déficit. Donc, Mme la Présidente, il faut aussi que le ménage soit fait par les villes.Puis je sais qu'il y a une chose que Québec solidaire oublie souvent : il y a juste un contribuable, juste un contribuable, que ce soit dans la municipalité, que ce soit à Québec, c'est toujours le même contribuable qui paie.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de Laurier-Dorion.

Effets de la pénurie de logements sur la santé mentale des locataires

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : Merci, Mme la Présidente. Hier, c'est plus de 300 organismes québécois qui ont signé une lettre ouverte établissant très clairement le lien entre la crise du logement et la détérioration de la santé mentale chez les centaines de milliers des locataires victimes de cette crise.

Chaque fois qu'un logement change de propriétaire, c'est la panique de se faire évincer, harceler, subir des augmentations de loyer abusives. Ensuite, c'est la colère de se faire évincer, chercher de l'aide, comprendre les recours pour se défendre, souvent en vain. Commence ensuite la pénible tâche de trouver un logement sans rien trouver ou trop cher, des files d'attente, la discrimination parce qu'on a des enfants, parce qu'on a un accent ou une couleur différente, avec la panique du 1er juillet qui approche et la peur de se retrouver à la rue.

La ministre de l'Habitation est-elle d'accord qu'il y a un lien direct entre la crise du logement et la détérioration de la santé mentale chez les locataires du Québec, tel que démontré par les organismes du Québec?

La Présidente : La réponse de la ministre responsable de l'Habitation.

Mme France-Élaine Duranceau

Mme Duranceau : Merci, Mme la Présidente. Effectivement, la situation du 1er juillet puis la situation actuelle en habitation est très stressante puis angoissante pour plusieurs personnes, puis ça, on le reconnaît. Puis c'est pour ça qu'à l'égard du 1er juillet bien spécifiquement, depuis le mois de janvier, on est en action sur le terrain. Il y a eu des campagnes à la radio pour dire aux gens : Si vous recevez un avis de non-renouvellement, il faut vous y prendre maintenant, là, il faut commencer à chercher maintenant pour être capable de trouver quelque chose.

• (10 h 40) •

Par ailleurs, il y a les services d'aide à la recherche de logement. Ça me permet d'en parler, là encore une fois aujourd'hui. Les services d'aide à la recherche de logement, ils ne fermaient pas, là, l'année passée, après le 1er juillet, ils ont été en place toute l'année, et on a bonifié notre financement pour s'assurer que les gens disposent des moyens nécessaires pour aider la population.

Alors, on a des gens hypermotivés, moi, je leur ai parlé, à la Société d'habitation, dans les offices d'habitation, des gens qui se démènent tous les jours pour accompagner les gens qui les appellent, pour les aider à trouver un logement. Ils vont arriver avec des mesures temporaires au début, si on ne trouve pas quelque chose immédiatement, puis après ça les accompagner dans une solution qui sera à plus long terme. Mais on a vraiment des gens dédiés qui sont là pour aider, Mme la Présidente.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : On veut plus que des mesurettes, Mme la Présidente. Ce que demandent les 300 signataires, ce sont des choses que ma formation politique propose depuis des années, notamment un contrôle des loyers. La ministre n'a plus le choix d'agir, c'est urgent. Elle a plusieurs options : une fixation des loyers obligatoire, un plafonnement des loyers, un registre des loyers. Il faut qu'elle s'attaque à la source du problème, pas avec des mesurettes.

La Présidente : Mme la ministre.

Mme France-Élaine Duranceau

Mme Duranceau : Merci, Mme la Présidente. Alors, je le répète, on agit de manière très concrète. Ce n'est pas des mesurettes, là, c'est aider les gens sur le terrain, prendre leurs appels, savoir ce dont ils ont besoin, les aider à trouver un logement, c'est ça que ça prend, c'est vraiment l'exécution, Mme la Présidente, qui est importante, puis on est là-dessus, ça fait que des gens qui, concrètement, aident, qui prennent les appels.

Deuxièmement, il y a des programmes, il y a de l'argent qui est là aussi, programme d'aide au logement, pour aider des gens qui ne sont pas capables, 100 $, 170 $ par mois, pour les aider à payer leur logement. On a les PSL qui sont là aussi, le Programme de supplément au loyer. Puis on n'oublie pas, Mme la Présidente, qu'on construit. C'est ça, la vraie...

La Présidente : En terminant.

Mme Duranceau : ...la vraie façon de régler le problème.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : ...nous propose la ministre, c'est payer les hôtels. Tout le monde le sait, la crise du logement alimente la crise de la santé mentale, une crise qui a de graves conséquences et qui nous coûte très cher. Il ne faut pas seulement plus de thérapies, ou des psychologues, ou des hôtels, mais des vraies solutions pour soulager la pression énorme exercée sur les locataires.

Est-ce que la ministre va faire... Qu'est-ce que la ministre va faire de plus pour contrôler la flambée des loyers et les évictions au Québec?

La Présidente : Mme la ministre.

Mme France-Élaine Duranceau

Mme Duranceau : Oui. Mme la Présidente, je le répète, là, pour le 1er juillet, c'est ça qui préoccupe les gens en ce moment, on est là. Je veux être rassurante, je veux qu'ils sachent qu'on a des services d'aide à la recherche de logement. Les gens peuvent appeler au 1-800-463-4315, il y a quelqu'un qui va prendre leur appel puis qui va les accompagner. On peut rire, là, comme l'opposition officielle, mais c'est ça, il faut être là pour aider les gens, Mme la Présidente.

Alors, moi, je le répète, puis on va continuer de le répéter à travers différents médias, parce qu'il faut que les gens sachent qu'on est là pour aider puis qu'il n'y a personne qui va demander de l'aide qui va être à la rue le 1er juillet.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le chef du troisième groupe d'opposition.

Production privée d'électricité

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Mme la Présidente, de nombreux experts sont venus à la conclusion que le projet TES Canada est un mauvais projet, avec un mauvais modèle d'affaires, tant sur le plan énergétique qu'économique. La chercheuse principale à la chaire de recherche de l'énergie de HEC Montréal, Johanne Whitmore, décrit le projet de la manière suivante, j'ouvre les guillemets, «une aberration énergétique [...] contraire à la recherche [d'efficacité dans la] transformation de l'énergie en différentes formes».

TES Canada a déposé, jeudi dernier, un avis de projet au Registre des évaluations environnementales. C'est une étape qui nous donne plus d'information sur un projet qui, jusqu'ici, est loin d'être un exemple de transparence. Et ce qu'on apprend dans ce document, c'est que le modèle d'affaires du projet repose sur une revente d'électricité privée à Hydro-Québec pour assurer une logique, une rentabilité à ce projet-là. Les chercheurs Whitmore et Martin ont qualifié cela, j'ouvre les guillemets, d'«inefficace et coûteux pour l'économie québécoise», fin des guillemets. Mais, en termes plus clairs, on est en train de parler de la privatisation tranquille d'Hydro-Québec.

Ma question au premier ministre : Est-ce qu'il souhaite vraiment que son legs, le legs de son gouvernement, ce soit d'avoir défait le legs de René Lévesque?

Est-ce qu'il peut nous dire également, en toute transparence, quand il a obtenu le mandat électoral de privatiser Hydro-Québec? Moi, je n'ai jamais entendu quoi que ce soit en ce sens-là.

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Mme la Présidente, il ne faut vraiment pas être gêné, de la part du chef du PQ, pour poser cette question-là, lui qui a déjà écrit qu'on devrait considérer de privatiser une partie d'Hydro-Québec. Ce n'est quand même pas rien, là.

Moi, là, jamais, jamais il ne va être question de privatiser Hydro-Québec. Puis le legs de René Lévesque, là, c'est un des legs les plus importants. Puis ce que devrait savoir le chef du Parti québécois, c'est que René Lévesque permettait qu'une entreprise fabrique sa propre énergie. René Lévesque le permettait. Donc, on ne change pas les façons de faire de René Lévesque. Mais ce qu'on est en train de faire, là, alors que les libéraux ont dormi pendant 15 ans, là-dessus il y a eu un an et demi du PQ, on a des projets pour 150 milliards pour doubler la taille d'Hydro-Québec, pour être encore plus fiers du legs de René Lévesque.

Des voix : ...

La Présidente : Vous connaissez la règle, pas de commentaire après les réponses. Et maintenant première complémentaire.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Ce que le premier ministre a dit, comme ça arrive trop souvent, malheureusement, c'est inexact. Il n'a jamais été question ni proposition de privatisation d'Hydro-Québec, surtout pas au Parti québécois.

Mais c'est là que je lui renvoie la question. Lors des dernières élections, moi, je n'ai pas entendu parler d'Hydro-Québec, du côté du premier ministre. Et là on a une chercheuse qui nous dit, j'ouvre les guillemets à nouveau, «une aberration énergétique [...] contraire à la recherche [d'efficacité dans la] transformation de l'énergie».

Est-ce qu'il peut nous dire pourquoi il choisit d'aller vers une aberration qui est essentiellement la production privée d'électricité?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bien, Mme la Présidente, bon, on dirait que le Parti québécois est rendu comme Québec solidaire, a peur du mot «privé».

Une voix : ...

M. Legault : Oh! Il dit : Ah! Ah! Ha! Ah! Ha! Bernard Landry, Bernard Landry, quand il a commencé à faire de l'éolien, il a donné des contrats privés, c'est effrayant, des contrats privés, pour faire de l'éolien.

Ce qui est important, là, c'est qu'Hydro-Québec soit le maître d'oeuvre. Puis là on regarde des projets d'efficacité énergétique, d'éolien, de barrages et éventuellement aussi de solaire...

La Présidente : En terminant.

M. Legault : ...mais Hydro-Québec va rester 100 % aux Québécois.

La Présidente : Deuxième complémentaire. Et je reconnais, pour ce faire, le député de Jean-Talon. On vous écoute.

M. Pascal Paradis

M. Paradis : Avec le Parti québécois, ce dont on parlait, c'est de l'autoproduction, produire pour soi-même. Là, on parle d'un projet avec un branchement à Hydro-Québec, parce que de l'éolien, c'est de l'intermittence, ça veut dire qu'à des moments il n'y a pas de vent, il faut que tu achètes de l'électricité d'Hydro-Québec, puis il y a des moments tu as plus de production, tu revends à Hydro-Québec. Ça, ce n'est pas de l'autoproduction. Ça, ça s'appelle de la privatisation.

Pourquoi le ministre n'utilise pas ce mot-là, «privatisation»? Puis quelle est la rentabilité pour les Québécois?

La Présidente : La réponse du ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : Permettez-moi, Mme la Présidente, de corriger une autre inexactitude du chef du Parti québécois.

Premièrement, le modèle de TES Canada ne tient pas compte du rachat par Hydro-Québec de l'électricité. C'est plutôt Hydro-Québec qui demande à TES... Parce que, il faut comprendre, le programme de TES, le projet de TES est tellement bon, au mois de janvier il s'efface du réseau. Donc, il n'y a aucune utilisation hydroélectrique durant le mois de janvier, en période de pointe. Et, non seulement ça, Hydro-Québec négocie présentement avec TES pour savoir est-ce qu'ils pourraient acheter l'électricité produite durant le mois de janvier. Donc, c'est l'inverse de ce que le chef de l'opposition a dit. Donc, le projet, qui est privé à 100 %, bien, Hydro-Québec veut en profiter parce qu'ils ont besoin de...

• (10 h 50) •

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de Rosemont.

Efficacité du réseau de laboratoires Optilab

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Lundi, juste ici, de l'autre côté de la rue, au centre des congrès, l'APTS a organisé une journée de réflexion sur les laboratoires Optilab. Il y avait bien du monde : Fédération des médecins spécialistes, les omnipraticiens, le monde collégial, des patients, même les gestionnaires locaux d'Optilab. Il manquait quelqu'un, il manquait quelqu'un du ministère de la Santé. Apparemment, il devait y avoir quelqu'un, puis ils ne se sont pas présentés. Les gens étaient très déçus.

C'est surprenant parce qu'Optilab, en ce moment, c'est un des maillons les plus faibles de notre chaîne, en santé, au Québec. Ça cause des problèmes, ça cause beaucoup d'inquiétude. Ça met des vies en danger. On l'a entendu toute la journée. Puis, en passant, on l'entend tous les jours, ces temps-ci, parce qu'Optilab, c'est une catastrophe. On nous annonce un été encore plus catastrophique, cet été, avec des ruptures de services.

Est-ce que le ministre... je comprends qu'il ne pouvait peut-être pas être là, il est occupé, mais est-ce que le ministre entend la détresse des gens en laboratoire et de leurs patients?

La Présidente : La réponse du ministre de la Santé.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Oui, Mme la Présidente, j'entends les commentaires sur Optilab depuis plusieurs mois et je souscris... J'ai pris la peine, entre autres, cette semaine, de parler à certains utilisateurs. J'ai beaucoup de déférence, entre autres, pour le Dr Legault, qui est un des vice-présidents de la Fédération des médecins spécialistes, qui m'a dit que plusieurs des recommandations qui avaient été faites par les spécialistes il y a plus d'un an n'avaient pas été suivies. Alors, je suis d'accord avec plusieurs des commentaires qui se font sur les critiques d'Optilab depuis plusieurs mois.

Je ne commenterai pas la présence ou non-présence des fonctionnaires, là, ce n'est pas à moi de le faire, mais j'ai demandé, justement, la semaine dernière, lorsqu'on a regardé les dossiers plus urgents avec la présidente de Santé Québec et le nouveau vice-président exécutif, de mettre le dossier d'Optilab en priorité sur leur table à dessin, parce qu'on voudrait trouver des solutions rapides. C'est un des objectifs de Santé Québec, de s'occuper des opérations...

La Présidente : En terminant.

M. Dubé : ...et la situation chez Optilab va être corrigée.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Bien, je confirme aux médecins que ça fait des mois qu'il entend les critiques. Il ne répond pas, par contre. Ça fait des mois. Précisément, dans un cas, 38 mois, parce que, quand il est arrivé en poste, en mars 2021, il a dit aux pneumologues et aux cardiologues de Québec : Vous n'aimez pas ça, Optilab? Tant pis, vous allez vivre avec.

Lundi, là, ici, là, il y avait juste des histoires d'horreur, dans cette salle, des histoires d'horreur qui touchent les patients. Alors, je répète ma question : Est-ce qu'il entend la détresse? Est-ce qu'il entend bouger pour vrai?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Ce serait facile pour moi de dire, ce matin, que c'est un projet qui a été lancé par les libéraux, tout croche. C'est ça, la réalité. On a été pris avec un projet qui a été mal lancé, besoins mal définis, on n'a pas écouté les usagers, puis là on rame dans la gravelle depuis deux années pour essayer de corriger tout ça. O.K.? C'est ça, la réalité, Mme la Présidente. Je ne prends pas de demi-mesure. C'est ça, la réalité. Ça a été lancé tout croche, puis on essaie de corriger.

Là, je suis allé voir les usagers puis j'ai dit : Comment Santé Québec, avec des gens qui sont spécialistes dans des projets informatiques, avec des bons gestionnaires de projet... Je suis très déçu que les gens du ministère n'étaient pas là cette semaine, mais je ne commenterai pas plus que ça, je ne commenterai pas plus que ça. Ce que j'ai dit au Dr Legault : On va s'en occuper...

La Présidente : En terminant.

M. Dubé : ...puis on va le faire.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Encore là, on s'entend, là, ça a été mal lancé, ça, c'est vrai, c'est tout croche. Mais, il y a 38 mois, le ministre défendait ça puis il disait aux médecins spécialistes : Vous allez vivre avec. Est-ce que c'est encore ça, le message?

Pouvez-vous croire qu'il y a quelque temps, là, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, on a fait un prélèvement pour un cancer, on a perdu l'échantillon? Savez-vous où on l'a retrouvé, Mme la Présidente? Dans un supermarché Metro de Montréal. Non, mais ça ne s'invente pas. C'est n'importe quoi.

Est-ce que le message du ministre... Puis tant mieux s'il est fâché puis il veut changer les affaires, parce que moi aussi, je suis pas mal fâché d'entendre ça. Est-ce que le message est encore dire : Vous allez vivre avec cette affaire-là toute croche?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Je ne sais pas, Mme la Présidente, si le député a entendu la réponse que je viens de donner. Je ne sais pas s'il l'a entendue, là, puis je vais la répéter. Je dis que c'est un cas qui est inacceptable. Ça a été fait tout croche, ce projet-là, puis on est en train de le corriger.

Moi, j'ai demandé de l'avoir comme priorité par des gens compétents qui vont suivre le projet, qui vont faire des corrections. Et c'est pour ça que j'ai parlé au Dr Legault, en qui j'ai confiance. Les commentaires qu'il m'a faits cette semaine : C'est inacceptable. Je lui ai donné raison. On va trouver des solutions. Mais on va prendre le temps de s'organiser comme il faut, parce que ce genre de situation là, ça ne peut pas être fait par le ministère, ça doit être fait par des gens d'opération...

La Présidente : En terminant.

M. Dubé : ...qui savent comment gérer des projets informatiques.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de l'Acadie.

Place des Premières Nations au sein du Musée national de l'histoire du Québec

M. André Albert Morin

M. Morin : Mme la Présidente, j'ai lu hier avec désolation une prise de position du ministre de la Culture, qui disait : «Le futur Musée national de l'histoire du Québec traitera de l'histoire de la nation québécoise. Ce qui exclut les Premières Nations.» Ça, c'est la déclaration du ministre de la Culture.

Avec sa déclaration, il vient de détruire 30 ans et plus de main tendue vers les Premières Nations. Quel manque de respect envers ces peuples! Peut-être est-il pertinent de rappeler à nos collègues caquistes que les Premières Nations sont sur le territoire depuis des milliers d'années?

Ma question s'adresse au ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit : Est-il d'accord avec la déclaration de son collègue?

La Présidente : La réponse du ministre de la Culture et des Communications.

M. Mathieu Lacombe

M. Lacombe : Merci, Mme la Présidente. Évidemment, bien sûr que les Premières Nations et les Inuits ont une histoire qui est importante. Il s'agit de leur histoire, une histoire qui, évidemment, est importante. Et d'ailleurs on les soutient souvent financièrement pour qu'ils soient capables de la mettre en valeur.

Maintenant, on a un projet, celui du Musée national de l'histoire du Québec. Ce sera un musée formidable pour tous les Québécois. Le comité d'experts va travailler sur le contenu. Puis, Mme la Présidente, vous savez quoi? Je suis sûr qu'il fera son travail de très bonne façon et qu'on pourra être très, très fiers, parce que, oui, on a le droit d'être fiers de notre histoire nationale, au Québec.

La Présidente : Alors, cela met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique Motions sans préavis.

Et je comprends qu'il y aurait une entente pour inverser les séances 3 et 4 du cycle des motions sans préavis afin qu'un membre du troisième groupe d'opposition présente aujourd'hui sa motion en premier et qu'un membre du deuxième groupe d'opposition présente sa motion en premier lors de la séance de demain. Y a-t-il consentement? Consentement.

Alors, je reconnais maintenant un membre du troisième groupe d'opposition.

Souligner le 40e anniversaire de la fusillade à l'Assemblée nationale

M. St-Pierre Plamondon : Mme la Présidente, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec le premier ministre, le chef de l'opposition officielle, le chef du deuxième groupe d'opposition, le député d'Arthabaska et la députée de Vaudreuil, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale commémore les 40 ans de la fusillade du 8 mai 1984, où un individu s'est présenté à l'Assemblée nationale avec l'objectif d'attenter à la vie des membres du gouvernement indépendantiste de René Lévesque;

«Qu'elle rappelle que dans une société libre et démocratique, les élus du peuple doivent pouvoir affirmer leurs convictions sans craindre la violence;

«Qu'elle se souvienne du courage héroïque de René Jalbert, sergent d'armes, qui a convaincu le tireur de se rendre pacifiquement à la police;

«Qu'enfin, elle observe une minute de silence en mémoire des victimes de cette tragédie : Camille Lepage, Georges Boyer et Roger Lefrançois.»

La Présidente : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, Mme la Présidente, il y a consentement pour un débat de deux minutes par intervenant, dans l'ordre suivant : le chef du troisième groupe d'opposition, le premier ministre du Québec, le chef de l'opposition officielle et le chef du deuxième groupe d'opposition.

La Présidente : Bien. Alors, je comprends qu'il y a consentement pour qu'il y ait quatre intervenants et pour que la durée des interventions soit limitée à deux minutes chacune. Cette motion est-elle adoptée?

Une voix : ...

La Présidente : Oui, bien entendu. Donc, pour commencer le débat, je cède la parole au chef du troisième groupe d'opposition.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Merci, Mme la Présidente. Il y a 40 ans, un individu est entré dans l'Assemblée nationale, armé, avec les plus sombres desseins. Ses motifs sont connus, il voulait assassiner le premier ministre du Québec à l'époque, René Lévesque. Sa démarche visait spécifiquement le Parti québécois. Il désirait éteindre le mouvement indépendantiste. Il visait une option politique. Il visait la parole, la réflexion, le débat. Il a surtout attaqué la démocratie, la libre circulation d'idées.

Ce tragique événement nous a surtout fait prendre conscience que le débat démocratique, il ne peut jamais être tenu pour acquis. Il doit être valorisé constamment avec vigilance. Alors que l'on croyait ces événements révolus, un autre tireur s'en est pris à la première première ministre de l'histoire du Québec, il y a 12 ans à peine, le soir même d'une élection générale. Elle était, elle aussi, indépendantiste. Et la démarche visait à nouveau à étouffer le mouvement souverainiste.

Plusieurs vous diront que ce type d'événement ne pourra plus survenir chez nous en 2024. Et pourtant nous recevons tous et toutes, dans cette Chambre, des messages déplacés, haineux, des insultes, des menaces. Et ça, c'est tous partis confondus, Mme la Présidente. C'est important qu'on se souvienne, parce qu'au-delà des idées, au-delà des débats, des mots, il y a des êtres humains.

Le résultat de cette attaque, elle était insensée : 13 blessés, mais surtout trois décès. Je vais répéter les noms : Camille Lepage, Georges Boyer, Roger Lefrançois. Ce sont donc à eux et à leurs familles que je souhaite d'abord et avant tout offrir ce moment solennel, des moments d'espoir, de rêve, de joie, de vie qu'on leur a volés à eux mais à leurs familles, aux enfants, aux proches.

• (11 heures) •

Le drame, il aurait pu être pire si le sergent d'armes René Jalbert n'avait pas eu le sang-froid, le courage et la présence d'esprit nécessaires pour négocier et convaincre le tireur fou de se rendre. J'aimerais donc terminer en soulignant le travail essentiel et courageux de celles et ceux qui nous protègent au quotidien pendant nos mandats démocratiques. Merci à eux. Merci à René Jalbert d'avoir joué ce rôle. Aujourd'hui, ce sont des constables spéciaux de même que des corps policiers qui l'assument au quotidien. René Jalbert a sauvé des vies en 1984, les constables spéciaux et l'équipe de sécurité du parlement sont là pour sauver des vies, et nous en sommes reconnaissants, mais restons vigilants. Aujourd'hui, à une époque de tensions politiques, de polarisation, qui se font sentir partout dans le monde, et où la désinformation prend de plus en plus de place, à nous, collectivement, de protéger la démocratie, si chère aux yeux des Québécoises et des Québécois. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente : Je reconnais maintenant le premier ministre du Québec.

M. François Legault

M. Legault : Oui, Mme la Présidente, aujourd'hui, on commémore les 40 ans de la fusillade qui est survenue ici, à l'Assemblée nationale, le 8 mai 1984. Trois personnes ont perdu la vie, 13 ont été blessées. Donc, rappelons-nous de Georges Boyer, Roger Lefrançois et Camille Lepage. Ils ont donné leur vie au service de la démocratie.

On a donc un devoir de mémoire, parce que, quand on s'en prend à l'Assemblée nationale, c'est à notre démocratie qu'on s'en prend. Le Québec, c'est une des nations au monde qui a la plus vieille tradition démocratique. La première fois que les Québécois ont voté, c'était en 1792. Donc, on a une chance exceptionnelle de pouvoir élire notre gouvernement. Dans plusieurs endroits dans le monde, ce n'est pas encore possible. Donc, on a le devoir de défendre la démocratie, de défendre cette valeur-là, qui est fondamentale pour les Québécois, de défendre aussi ceux et celles qui la portent, les élus mais aussi le personnel de l'Assemblée nationale.

Évidemment, on ne peut pas parler du drame du 8 mai 1984 sans saluer le courage exceptionnel de René Jalbert, qui était sergent d'armes ici, au salon bleu, quand le tireur est entré. Avec un grand sang-froid, M. Jalbert a discuté avec le tireur, il a réussi à le calmer, et le tireur s'est rendu. La conduite héroïque de René Jalbert a permis de sauver plusieurs vies. M. Jalbert est décédé en 1996. Depuis 2006, il y a une rue qui porte son nom pas loin, ici, pas loin du parlement. C'est un hommage qui est tellement mérité. Je veux saluer encore une fois sa mémoire, 40 ans après un acte de bravoure exceptionnel.

L'Assemblée nationale doit toujours rester un endroit sécuritaire, où toutes les opinions peuvent s'exprimer, mais dans le respect. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente : Je cède maintenant la parole au chef de l'opposition officielle.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Mme la Présidente, le 8 mai 1984, un homme armé est entré à l'Assemblée nationale. Ses intentions sont sans équivoque, il veut tuer le premier ministre et des députés. Voici un extrait du témoignage d'Yves Gaboury, employé du Directeur général des élections, qui se trouvait dans l'antichambre, à côté du salon bleu : «C'est là qu'il est arrivé à la porte. Il dépose son sac et sort sa mitraillette. [...]C'est une de mes collègues qui m'a repris par le bras, m'a ramené en dessous d'une table, et pendant ce temps les balles fusaient. Je me demande encore comment ça se fait que je n'ai pas été touché.» Fin de la citation.

Le tireur s'est installé ici, au salon bleu, dans le fauteuil que vous occupez, Mme la Présidente. Ce sont des images fortes, marquantes, des images que des milliers de Québécoises et Québécois ont encore aujourd'hui en tête.

Le bilan est tragique. Trois personnes sont tuées : Camille Lepage, Georges Boyer, deux messagers de l'Assemblée nationale, et Roger Lefrançois, employé au Directeur général des élections. Et c'est aussi 13 personnes qui ont été blessées. Nous devons nous souvenir des victimes et témoigner encore aujourd'hui, Mme la Présidente, nos sincères condoléances à leurs familles, à leurs proches.

Le sergent d'armes René Jalbert a démontré un remarquable sang-froid, un courage exceptionnel. Il a initié un dialogue avec le tireur. Il a ainsi sauvé de nombreuses vies. Sans son courage, le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd. Il a d'ailleurs été décoré de la Médaille de l'Assemblée nationale.

Nous sommes tous conscients et conscientes que notre société est une société paisible. De telles attaques sont rares, rares et impensables, mais qui sont arrivées. La lutte contre la haine et la violence est notre responsabilité à tous. Toute attaque contre l'un de nos citoyens et citoyennes est une attaque contre le Québec, contre notre société pacifique. Nous avons, oui, un devoir de mémoire, et aujourd'hui notre devise prend tout son sens : Je me souviens. On doit se souvenir de cette tragédie et veiller et agir pour que ça ne se reproduise plus. Merci, Mme la Présidente.

• (11 h 10) •

La Présidente : Je reconnais maintenant le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Nous soulignons aujourd'hui un bien triste anniversaire pour cette Assemblée et pour toute la démocratie québécoise.

Il y a 40 ans, le 8 mai 1984, un homme traverse l'hôtel du Parlement armé de deux mitraillettes. Il cherche à assassiner le premier ministre du Québec et les députés du Parti québécois. Sur son chemin meurtrier, en quelques minutes à peine, il fait trois victimes, 12 blessés et marque au fer rouge la vie de tous ceux et de toutes celles qui étaient dans la bâtisse ce jour-là, dont des élèves du primaire.

Mais heureusement, heureusement, le triste bilan du 8 mai s'arrête là. Heureusement, le sergent d'armes René Jalbert réussit à persuader le tireur de laisser partir les gens et de le suivre dans son bureau jusqu'à l'arrestation, plusieurs heures plus tard, ce qui met fin à une journée tragique. Mme la Présidente, face à la terreur, c'est le sang-froid et la bravoure qui l'ont emporté. Je veux saluer cette bravoure, celle du sergent d'armes René Jalbert, un véritable héros au Québec.

Je veux souligner, bien sûr, à mon tour, également la mémoire de Camille Lepage, Georges Boyer et Roger Lefrançois, qui ont perdu la vie ce jour-là.

Je veux rendre hommage aux constables spéciaux de l'Assemblée nationale qui encore aujourd'hui protègent le siège de notre démocratie jour et nuit avec vigilance et professionnalisme. C'est grâce à eux et à elles que les élus du Québec et que l'ensemble du personnel de l'Assemblée nationale fait son travail sans peur, en sachant qu'ils et elles assurent nos arrières. Merci.

En regardant... On peut les applaudir, je pense.

(Applaudissements)

M. Nadeau-Dubois : En regardant ce qui se passe ailleurs dans le monde, on se dit souvent qu'on a la chance d'être ici, au Québec, de pouvoir compter sur des institutions fortes, sur une démocratie robuste, où les débats l'emportent toujours sur la violence, mais les événements du 8 mai 1984, tout comme l'attentat visant la première ministre du Québec, il y a maintenant 12 ans, nous rappellent que cette chance n'est pas une certitude. Ne l'oublions jamais. Merci.

Mise aux voix

La Présidente : Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Alors, je vous invite à vous lever. Nous allons nous recueillir pour une minute de silence en hommage à toutes ces victimes.

• (11 h 13    11 h 14 )

La Présidente : Je vous remercie beaucoup. Et je tiens à souligner que l'Assemblée nationale du Québec a préparé un documentaire qui est maintenant accessible sur toutes ses plateformes et qui relate ces tristes événements.

Voilà. Pour la suite des motions, je cède maintenant la place à la première vice-présidente de l'Assemblée nationale. Merci beaucoup pour votre attention.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, nous poursuivons. Et je suis prête à reconnaître un membre du groupe formant le gouvernement. M. le ministre de la Culture et des Communications, je vous cède la parole.

Demander à Radio-Canada de protéger l'autonomie
de ses services en français

M. Lacombe : Merci, Mme la Présidente. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la députée de Robert-Baldwin, le député de Jean-Lesage, la députée... le député de Matane-Matapédia et la députée de Vaudreuil :

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse le rôle essentiel qu'a joué Radio-Canada dans la construction de l'identité québécoise ainsi que dans celle de tous les francophones du Canada;

«Qu'elle rappelle l'importance centrale qu'occupe toujours Radio-Canada dans la production de contenu d'information et de contenu culturel en français;

«Qu'elle souligne les différences culturelles importantes qui existent entre les publics québécois et francophones desservis par Radio-Canada, et celui de la majorité anglophone desservie par CBC;

«Qu'en conséquence, l'Assemblée nationale demande au diffuseur public de protéger l'autonomie des services en français et de travailler à la consolider.» Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, il y a consentement, sans débat. Et je vous demanderais un vote électronique, s'il vous plaît, Mme la Présidente.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, une demande de vote électronique. Le vote est ouvert.

Le vote est fermé. Mme la secrétaire générale, pour le résultat du vote.

La Secrétaire : Pour :         103

                      Contre :              0

                      Abstentions :     0

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, cette motion est adoptée. M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, Mme la Présidente, je vous demanderais d'envoyer copie de cette motion à Pascale St-Onge, la ministre fédérale du Patrimoine, et à Mme Catherine Tait, de Radio-Canada, CBC, s'il vous plaît. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Ce sera fait. Merci.

Donc, je suis maintenant prête à reconnaître un membre du groupe formant l'opposition officielle. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

Demander au gouvernement de faire les démarches nécessaires afin de s'assurer
que les centres d'urgence 9‑1‑1 offrent des services de télécommunication
en français sur l'ensemble du territoire québécois

Mme Maccarone : Merci. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec le ministre de la Sécurité publique, le député de Laurier-Dorion, le député de Jean-Talon et la députée de Vaudreuil :

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement caquiste de faire toutes les démarches additionnelles nécessaires auprès du gouvernement fédéral, afin de s'assurer que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes prenne les actions nécessaires pour que les centres d'appels d'urgence 9-1-1 des entreprises de téléphonie IP fournissent les services de télécommunication en français sur l'ensemble du territoire québécois, sans empêcher l'utilisation additionnelle d'une autre langue que le français, et ce, dans les plus brefs délais.» Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, Mme la Présidente, il y a consentement, sans débat.

Une voix : ...

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, il y a une demande de vote électronique. Le vote est ouvert.

Le vote est fermé. Mme la secrétaire générale, pour le résultat du vote.

La Secrétaire : Pour :  103

                      Contre :               0

                      Abstentions :      0

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci. Donc, la motion est adoptée. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Derraji : Mme la Présidente, j'aimerais qu'une copie de cette motion soit envoyée au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, à la ministre du Patrimoine canadien et au ministre fédéral de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales. Merci, Mme la Présidente.

• (11 h 20) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Ce sera fait.

Donc, je suis maintenant prête à reconnaître un membre du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Jean-Lesage.

Souligner le 25e anniversaire du Mouvement
pour une démocratie nouvelle

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Alors, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante conjointement avec le député de Matane-Matapédia :

«Que l'Assemblée nationale souligne le 25e anniversaire du Mouvement pour une démocratie nouvelle;

«Qu'elle reconnaisse l'apport du MDN dans la réflexion collective sur l'amélioration de la représentativité de la volonté populaire;

«Qu'elle rende hommage au travail continu du MDN pour la démocratie québécoise, en rassemblant les citoyennes et citoyens ainsi que les organisations de la société civile.»

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, Mme la Présidente, il y a consentement, sans débat.

Une voix : ...

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, une demande de vote électronique. Le vote est maintenant ouvert.

Le vote est maintenant fermé. Mme la secrétaire générale, pour le résultat du vote.

La Secrétaire : Pour :         104

                      Contre :              0

                      Abstentions :     0

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, cette motion est adoptée. M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Est-ce qu'une copie de cette motion pourrait être envoyée au Mouvement démocratie nouvelle?

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Ce sera fait.

Avis touchant les travaux des commissions

Maintenant, nous poursuivons nos travaux à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions, et, pour ce faire, je vais laisser la parole à M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

Donc, j'avise cette Assemblée que la Commission de l'économie et du travail va poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 51, la Loi modernisant l'industrie de la construction, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 h 30, à la salle Pauline-Marois;

La Commission de l'aménagement du territoire va entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 57, la Loi édictant la Loi visant à protéger les élus et à favoriser l'exercice sans entraves de leurs fonctions et modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, aujourd'hui, de 15 heures à 18 h 30, à la salle Marie-Claire-Kirkland;

La Commission de la santé et des services sociaux va poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 37, la Loi sur le commissaire au bien-être et aux droits des enfants, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

La Commission des finances publiques va entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 53, la Loi édictant la Loi sur la protection contre les représailles liées à la divulgation d'actes répréhensibles et modifiant d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci. Pour ma part, je vous avise que la Commission de la culture et de l'éducation se réunira en séance de travail demain, le jeudi 9 mai 2024, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, de 8 heures à 8 h 30, afin de statuer sur la possibilité que la commission se saisisse de la pétition concernant l'évaluation des impacts sur la santé et l'environnement du nouveau site de l'école primaire du secteur Saint-Luc, à Saint-Jean-sur-le-Richelieu, et, de 8 h 30 à 9 heures, afin de statuer sur la possibilité que la commission se saisisse de la pétition concernant l'adaptation des stages d'enseignement aux personnes malades ou en situation de handicap.

Maintenant, nous poursuivons à la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour

La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. Et, pour nous indiquer la suite des travaux, je vous cède la parole, M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous demanderais de bien vouloir appeler l'article 10 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 44

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci. Donc, à l'article 10 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la Commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant principalement la Loi sur le ministère de l'Économie et de l'Innovation en matière de recherche.

Y a-t-il des interventions? M. le ministre délégué à l'Économie.

M. Christopher Skeete

M. Skeete : Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est avec plaisir, aujourd'hui, que je prends la parole pour la prise en considération du projet de loi n° 44. Je souhaite tout d'abord remercier toutes les personnes qui ont participé aux consultations de ce projet de loi. Leur présence active et leur engagement ont été cruciaux afin d'ajuster, peaufiner, rendre meilleur le projet de loi n° 44, répondant ainsi de manière plus précise aux besoins de la communauté scientifique.

Ce projet de loi n° 44 actualise la Loi sur le ministère de l'Économie et de l'Innovation en focalisant les domaines de recherche, de la science et de l'innovation envers la technologie. Nous envisageons la création d'un nouveau fonds de recherche, Mme la Présidente, le FRQ, qui réunira trois fonds actuels subventionnés par le gouvernement pour la recherche scientifique, le Fonds de recherche du Québec — Nature et technologies, le Fonds de recherche du Québec — Santé, le Fonds de recherche du Québec — Société et culture. Le nouveau Fonds de recherche du Québec aura pour mission de soutenir le développement de la recherche scientifique dans ces trois secteurs. Il va aussi promouvoir la formation de la relève et l'excellence en matière de recherche. Le Scientifique en chef agira à titre de président-directeur général du nouveau fonds et aussi va conserver la direction scientifique spécialisée pour chaque secteur.

L'objectif est de simplifier la gouvernance pour aligner le fonctionnement sur les meilleures pratiques internationales, de maximiser les différentes synergies entre les différents secteurs de recherche également. Nous croyons fermement que cette structure va faciliter le soutien des projets de recherche multidisciplinaire. Nous maintiendrons les budgets actuels des trois fonds de recherche, et tout le personnel restera en place. Le passage de ces trois conseils d'administration à un seul facilitera l'adoption aux exigences de la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État tout en réduisant les activités administratives. Nous créons aussi un comité scientifique consultatif pour chacun des grands secteurs de recherche. Cela garantira un lien direct en continu avec la communauté de chercheurs.

Depuis plus de 20 ans, sauf pour une courte période, le gouvernement du Québec a fait un choix de confier ces responsabilités au ministère de l'Économie. Notre projet de loi vient donc confirmer ce qui existait déjà depuis fort longtemps. Sur le plan administratif, il nous permet... pardon, il permet aux trois fonds de se conformer à la loi sur les gouvernances de sociétés d'État, à laquelle sont assujettis les fonds depuis le 3 juin 2022. Le projet de loi s'inscrit dans la continuité des objectifs établis par les FRQ dans le cadre de la SQRI2, qui souligne notre engagement envers l'excellence en recherche, la science et la technologie.

Face aux défis de recherche de plus en plus complexes et aux besoins de société... sociétaux nombreux, nous devons poser des gestes forts pour maintenir et renforcer notre capacité à exceller dans un monde de plus en plus compétitif. Le projet de loi n° 44 est un pilier de cette stratégie ambitieuse, conçue pour soutenir notre communauté scientifique. Cette réorganisation permettra au nouveau FRQ d'assurer une gouvernance plus cohérente, de renforcer les synergies et d'être... entre les différents secteurs de recherche, mais aussi offrir une interdisciplinarité qui est fort pertinente dans des temps de plus en plus complexes. La tradition de recherche disciplinaire et la... voyons, la multidisciplinarité seront non seulement préservées, mais aussi encouragées à se développer davantage, respectant ainsi les approches méthodologiques.

Actuellement, le fonds de recherche est financé, libre et... pardon, actuellement, le fonds de recherche libre et fondamentale bénéficie d'à peu près 80 % des budgets actuels, ce qui veut dire que la liberté académique est maintenue. On souhaite préserver ça, Mme la Présidente. Il y a eu beaucoup d'inquiétude en ce sens. Je souhaite le redire ici, 80 % des budgets alloués actuellement dans les fonds de recherche le sont pour la recherche libre et fondamentale. C'est quelque chose qui est important. Pour la première fois, le concept de recherche libre sera inscrit dans la loi, marquant un avancement significatif pour la communauté scientifique.

Durant tout le projet de loi, Mme la Présidente, je voudrais vous aviser et vous nommer que j'ai eu la forte collaboration de mes collègues de l'opposition. Je souhaitais le dire parce que, n'eût été de leur ouverture à vouloir bonifier le projet de loi, ça n'aurait pas été possible de rendre effectif ce projet de loi comme il l'est aujourd'hui. Donc, permettez-moi de saluer et de remercier le député de Marguerite-Bourgeoys, ici présent, pour ses efforts à nous aider à bonifier ce projet de loi. Il avait certaines inquiétudes, et, en travaillant ensemble, on a réussi à colmater ces inquiétudes-là, du moins je le souhaite.

J'aimerais aussi faire un clin d'oeil au collègue de Maurice-Richard, qui a aussi contribué à l'amélioration de ce projet de loi là.

J'aimerais aussi prendre un moment, parce que je le regretterais, sinon, de ne pas remercier l'ensemble des équipes qui étaient présentes, que ce soit la présidente de la commission, que ce soient les collègues de la partie gouvernementale, que ce soient aussi les membres de la fonction publique qui nous ont appuyés tout au long de ce processus-là. Je vous dis un gros merci. Je prends aussi un moment pour remercier le Scientifique en chef pour son travail.

Donc, on va se revoir, je l'espère, lors de l'adoption du projet de loi, Mme la Présidente, mais, d'ici là, je voudrais vous dire que je pense qu'on a fait un bond important pour la recherche non seulement libre et fondamentale, mais aussi la recherche en général. Je pense qu'on fait un bon pas en avant. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, M. le ministre. Maintenant, nous allons poursuivre avec l'intervention de M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Frédéric Beauchemin

M. Beauchemin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je veux remercier le ministre à l'Économie, qui a apporté un projet de loi qui était, je crois, essentiel pour l'avenir du Québec.

Je crois aussi qu'il y avait des... il y avait une genèse, en arrière de ce projet de loi, qui avait des petites couleurs libérales, on pourra s'entendre là-dessus. Mais ce qui est important pour nous, c'est de se rendre compte qu'il y avait effectivement beaucoup d'inquiétudes dans les milieux scolaires, dans les universités, et on les a entendues.

Je pense que le transfert effectif de la gestion du fonds de recherche ainsi que la fusion au sein d'une même entité ont soulevé beaucoup de passions dans les rangs du milieu de la recherche. On a travaillé avec le ministre pour bonifier le projet de loi au maximum et d'obtenir des garanties de la part du ministre afin de protéger la recherche fondamentale ainsi que de protéger les disciplines qui sont moins propices à avoir des retombées économiques.

Donc, l'étude détaillée nous a permis de faire adopter plusieurs modifications, je veux juste les mentionner rapidement, des modifications quant à la nomination du Scientifique en chef, nous avons fait adopter un amendement qui assure que le comité de sélection du Scientifique en chef soit composé à la majorité de personnes issues du milieu de la recherche, un. Le Fonds de recherche du Québec devra publier annuellement des budgets sectoriels octroyés à chacune des trois missions du fonds. Ceci permettra évidemment de suivre les budgets de chacune des missions afin de suivre chacune d'entre elles, qu'ils ne se trouvent pas désavantagés par rapport à la refonte actuelle. Et aussi, pour assurer que le ministre de l'Enseignement supérieur ait toujours un oeil sur le Fonds de recherche du Québec, nous avons ajouté à la loi la nécessité qu'un représentant du ministère de l'Enseignement supérieur soit présent sur le C.A. du Fonds de recherche du Québec à titre d'observateur, au même titre qu'un représentant du ministère de l'Économie, comme c'était le cas au dépôt du projet de loi. Et nous avons aussi participé à l'adoption d'un amendement déposé par la partie gouvernementale afin que les directions scientifiques de chacun des volets du Fonds de recherche du Québec se donnent... se dotent d'un comité formé par des personnes issues majoritairement du milieu de la recherche scientifique et du milieu étudiant. Un grand avancement là-dessus. Et finalement nous avons eu des garanties de la part du ministre que les bourses seront octroyées par des comités de pairs, comme c'est présentement le cas dans le régime.

Donc, avec ces modifications-là, avec ces amendements-là, Mme la Présidente, pour nous, évidemment, nous avons trouvé qu'on répondait aux demandes du milieu et les inquiétudes. Donc, on parle ici d'améliorer la gouvernance des sociétés d'État, on parle ici de moderniser la façon que la recherche va se faire au Québec. Donc, dans ce sens, on croit qu'on a bien contribué et, avec l'aide du ministre, on a été capables de faire avancer le projet de loi. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Mise aux voix

Comme il n'y a pas d'autre intervention, le rapport de la Commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant principalement la Loi sur le ministère de l'Économie et de l'Innovation en matière de recherche, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

• (11 h 30) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté. M. le leader du gouvernement, pour la suite des travaux.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous demanderais de bien vouloir appeler l'article 2 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 56

Adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci. Donc, à l'article 2 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale.

Alors, je cède la parole immédiatement à M. le ministre de la Justice.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Je suis très heureux de procéder aujourd'hui au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale. Ce projet de loi, nous l'avons d'abord élaboré pour les enfants. Plusieurs de mes collègues en cette Chambre sont également parents et seront donc d'accord avec moi lorsque je dis que nos enfants, c'est notre priorité numéro un, Mme la Présidente. Comme législateurs, les enfants se doivent aussi d'être notre priorité, et nous avons le devoir de nous assurer qu'ils soient adéquatement protégés.

Nous l'avons déjà mentionné, le droit de la famille n'avait pas été revu depuis plus de 40 ans. En 40 ans, le Québec a connu de nombreuses transformations, et les familles ont beaucoup évolué, mais le droit de la famille n'a pas suivi le même rythme et aujourd'hui il est en décalage. Au cours de ces quatre décennies, la proportion des couples en union libre est passée de 8 % à 42 %, faisant en sorte qu'aujourd'hui 65 % des enfants naissent hors mariage, Mme la Présidente. Nous serons tous d'accord que le droit de la famille se devait d'être adapté afin d'être davantage en phase avec la réalité des familles d'aujourd'hui.

Ainsi, le 27 mars dernier, nous avons déposé le troisième jalon de l'importante réforme du droit de la famille que nous menons depuis 2021. Le projet de loi n° 56 porte sur la conjugalité, il vise à assurer la protection des enfants en cas de séparation de leurs parents. Les enfants ont besoin de stabilité, de repères et de sécurité, surtout lorsqu'ils vivent une situation éprouvante, telle que la séparation de leurs parents. C'est à ces besoins essentiels que vient répondre le projet de loi n° 56.

Le projet de loi se décline en quatre mesures-phares. Tout d'abord, nous proposons d'introduire un nouveau régime d'union parentale qui s'appliquera aux conjoints de fait qui deviendront parents après l'entrée en vigueur de la loi. La naissance de leur enfant entraînera la constitution d'un patrimoine d'union parentale composé de biens à l'usage de la vie familiale, soit la résidence familiale, les meubles de la résidence familiale ainsi que les véhicules utilisés pour les déplacements de la famille.

Toutefois, afin de respecter la liberté décisionnelle des Québécois et Québécoises, les conjoints pourraient, d'un commun accord, retirer des biens du patrimoine d'union parentale ou se retirer complètement de son application. Soulignons aussi que les parents non mariés qui le souhaiteraient et dont les enfants sont nés avant l'entrée en vigueur de la loi pourraient décider d'adhérer au patrimoine d'union parentale via un processus simplifié.

Le projet de loi n° 56 propose aussi d'instaurer des mesures de protection sur la résidence familiale. Nous voulons éviter qu'en cas de séparation un parent se retrouve du jour au lendemain sans domicile s'il n'est pas propriétaire de la maison familiale. Ainsi, nous prévoyons que le tribunal puisse attribuer un droit d'usage temporaire de la résidence familiale au conjoint qui obtient la garde des enfants, même s'il n'en est pas le propriétaire. Cette mesure vise à assurer une transition en douceur aux enfants et laisse aux parents le temps de mieux les préparer aux changements qu'engendre nécessairement une rupture.

La réforme que nous proposons inclut également des mesures visant à contrer la violence judiciaire. Le système de justice est là pour aider les citoyens à résoudre des conflits. Malheureusement, certaines personnes malveillantes l'utilisent dans le but de nuire à leurs ex-conjoints en multipliant les procédures judiciaires, qui sont souvent dispendieuses et, disons-le, qui peuvent être angoissantes.

Plus souvent qu'autrement, les enfants se retrouvent au centre des conflits et en sont les victimes collatérales. Nous donnons les outils aux tribunaux pour déceler ce type d'abus en matière de droit familial et pour le sanctionner. C'est un message, Mme la Présidente, que le législateur envoie, un message fort pour donner les outils aux juges afin que ce genre de comportement là ne soit pas tolérable dans nos salles de cour.

La dernière mesure-phare du projet de loi concerne l'héritage et prévoit de nouveaux droits successoraux pour les conjoints en union parentale. À l'heure actuelle, si un conjoint de fait décède sans testament, 100 % de ses biens vont à... va à ses enfants. Le conjoint survivant est donc à risque de se retrouver dans une situation de précarité financière, en plus de devoir vivre son deuil. Le projet de loi prévoit qu'en l'absence de testament le conjoint survivant hériterait du tiers des avoirs du défunt à condition que les conjoints soient parents d'un enfant commun et qu'ils aient fait vie commune pendant au moins un an avant le décès. Cela dit, Mme la Présidente, la liberté testamentaire va bien évidemment toujours prévaloir. Donc, les gens qui font un testament, le testament aura priorité.

Dans les derniers jours, nous avons eu l'occasion d'entendre plusieurs groupes en consultations particulières sur les différentes mesures de cette réforme. Certains ont salué la réforme dans son ensemble, d'autres nous ont fait part de préoccupations et ont proposé de possibles améliorations, mais tous s'entendent sur une chose, il était plus que temps qu'un gouvernement ait le courage de mener cette réforme en matière du droit de la famille.

Certains groupes ont notamment soulevé leur intérêt d'inclure les REER, les régimes de retraite, les fonds de pension dans le partage du patrimoine familial, comme c'est présentement le cas en mariage. Nous l'avons dit déjà à plusieurs reprises et nous le réitérons aujourd'hui, il n'est pas question de marier les gens de force au Québec. C'est pourquoi le régime que nous proposons diffère de celui qui s'applique aux mariages. Et je me permets ici de citer la professeure de droit de l'Université de Sherbrooke, Mme Andréanne Malacket, qui, lors de son passage en commission parlementaire, s'est prononcée sur cet aspect, et elle dit : «Les régimes de retraite ne sont pas un gain à caractère familial comme le sont la résidence, les meubles et les véhicules. Sur le plan des principes, on peut donc considérer que ces biens sont propres à chaque conjoint puisqu'ils sont intrinsèquement liés à la formation acquise par chacun d'entre eux et aussi à leurs efforts sur le plan professionnel. Le partage de ces biens a normalement lieu quand les enfants sont autonomes et ont quitté le domicile familial.»

Un autre commentaire important que nous retenons de l'exercice que nous venons de conclure est celui de Me Marie-Annik Walsh au sujet de la prestation compensatoire. Comme l'a souligné Me Walsh au sujet du recours qui s'offre présentement aux conjoints de fait, soit l'enrichissement injustifié, qui est un recours très fastidieux, très difficile et très coûteux : «Ainsi, en proposant la prestation compensatoire, nous venons faciliter et simplifier le recours pour les ex-conjoints durant l'union.»

• (11 h 40) •

Les commissions parlementaires nous ont également permis de constater... Les séances des commissions parlementaires nous ont permis de constater que la mesure pour contrer la violence judiciaire comprise dans le projet de loi était accueillie positivement par tous les groupes que nous avons eu l'occasion d'entendre. Il s'agit d'une mesure importante qui empêche quiconque d'instrumentaliser nos institutions afin de nuire et de perpétuer un climat de violence auprès de son ex-conjoint. Et, comme l'a d'ailleurs mentionné Me Marie-Elaine Tremblay, lors de son passage en commission parlementaire, une partie vulnérable qui fait une demande à la cour en enrichissement injustifié se retrouve souvent à avoir une extrême difficulté à financer le recours, et il ne suffit pas... et il ne suffit, pour l'autre partie, que d'aller souvent à la cour. À chaque fois, ce sont des frais qui se multiplient.

Au Québec, il ne devrait pas être possible de profiter de la vulnérabilité d'un ex-conjoint pour lui faire du tort devant les tribunaux, et c'est pourquoi il était nécessaire pour nous de prévoir, donner les outils nécessaires aux tribunaux pour repérer facilement ce type d'abus et les sanctionner.

Également, Mme la Présidente, l'ensemble des groupes ont souligné l'importance de la disposition relativement au fait que les tribunaux doivent favoriser l'utilisation du même juge tout au long des procédures judiciaires pour favoriser, dans le fond, l'efficacité des tribunaux, mais surtout le fait que les citoyens n'aient pas à raconter à toutes les fois leur histoire. Et ça, je pense que c'est un point important, dans le cadre du projet de loi, qui a été souligné par l'ensemble des groupes.

En terminant, je cite Me Jean Lambert, notaire émérite, qui a souligné que nous avons là un projet de loi juridiquement innovateur et socialement équilibré. Et je vous dirais que ce n'était pas un équilibre facile à faire, Mme la Présidente, et c'est probablement pour cela que certains gouvernements précédents n'ont pas agi dans ce dossier, Mme la Présidente. Mais je crois qu'au terme des consultations particulières et auditions publiques de la Commission des institutions nous pouvons affirmer que nous avons là un projet de loi qui est très bien balancé, qui répond aux principales préoccupations des familles québécoises, et qui fait oeuvre utile, et qui répond aux besoins des Québécois et des Québécoises.

Vous me permettrez de remercier l'ensemble des collègues parlementaires qui ont participé aux commissions parlementaires, de remercier les groupes, également, qui sont venus. Et nous entamerons très prochainement l'étude détaillée du projet de loi. Et je tiens à remercier particulièrement la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, à titre d'adjointe parlementaire, qui a été impliquée dans le dossier, ainsi que le député de Chapleau, Mme la Présidente, qui, depuis des années, travaille sur ce dossier-là, qui a participé aux consultations publiques du gouvernement du Québec, notamment, et qui s'était investi depuis plusieurs années. Alors, je tiens à les remercier pour leur soutien et leur travail dans le dossier. Et, sans plus tarder, nous serons prêts à passer à l'étude détaillée avec l'ensemble des collègues de la partie gouvernementale et des oppositions, Mme la Présidente. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, M. le ministre. Maintenant, je suis prête à entendre un autre intervenant. M. le député d'Acadie, la parole est à vous.

M. André Albert Morin

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, je suis heureux de pouvoir prendre la parole au stade de l'adoption du principe du projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale.

Écoutez, c'est un projet de loi que je qualifierais d'important. Permettez-moi de référer au mémoire du Barreau du Québec, qui sont venus en commission parlementaire et qui nous rappelait qu'environ... au Québec, c'est entre 50 % ou 60 % des couples, présentement, qui vivent en union de fait et qui, souvent, ont des enfants. Donc, évidemment, c'est une partie importante de la population qui est visée par ce projet de loi.

On a entendu un très grand nombre de groupes, associations en commission parlementaire, et ça, pendant plusieurs jours. Je pense que c'était important, parce que, le ministre y faisait référence, il y a un encadrement juridique qui est important. Par contre, certains nous disaient : Bien, écoutez, il ne faut pas marier des gens de force, le projet de loi ne va pas assez loin, va trop loin, il est trop précis, pas assez précis. Bref, assez difficile de dégager un consensus ou une unanimité. Mais ce qui est clair, c'est que la plupart des groupes, en fait, nous disaient que ça répondait à un besoin. Donc, c'est quelque chose que je salue. Et évidemment toute la question des unions de fait, comme vous vous en rappelez probablement, a fait couler beaucoup d'encre au Québec depuis l'affaire Éric c. Lola, une décision de la Cour suprême.

Donc, le projet de loi, et le ministre le soulignait tout à l'heure, a comme point d'ancrage, comme pierre angulaire toute la question des enfants, pour assurer une protection aux enfants qui seraient évidemment... qui arrivent et qui sont le fruit d'un couple vivant en union de fait. Mais, ce qu'il faut rappeler, et ça, c'est grâce aux nombreux groupes et associations qui sont venus en commission parlementaire, même si le projet de loi est un pas important, tout n'est pas parfait. Et donc moi aussi, j'ai hâte de débuter, éventuellement, l'étude, qu'on va faire plus spécifiquement article par article, du projet de loi pour, je l'espère, et j'espère que le ministre fera preuve d'ouverture, apporter éventuellement des modifications qui, je pense, pourraient améliorer le projet de loi.

Le projet de loi définit l'union parentale. Donc, l'union parentale va se former dès que des conjoints de fait deviennent les père et mère d'un même enfant. Il en est de même lorsque les père et mère ou les parents d'un même enfant deviennent conjoints de fait ou le redeviennent. Donc, on voit véritablement que l'intention du législateur, c'est de créer cette union, de l'encadrer quand il y a un enfant qui vient au monde.

Sauf que, dans les dispositions transitoires et finales, le législateur prévoit que le régime va s'appliquer aux personnes qui deviennent les pères et mères ou les parents d'un même enfant après le 29 juin 2025. Alors, ce n'est pas une faute de frappe, ce n'est pas «2024», c'est «2025». Et ça, plusieurs groupes nous ont dit : Écoutez, si la pierre angulaire du projet de loi, c'est d'assurer ou de donner une protection aux enfants qui sont issus de parents qui sont en union de fait, bien, pourquoi attendre? Alors, il n'y avait pas de consensus, il n'y avait pas d'unanimité là-dessus, puis je pense que c'est important, c'est important de le souligner. On est, évidemment, au niveau du principe, mais il y a quand même des éléments qui nous ont été... qui ont été portés à notre attention pendant qu'on a entendu des groupes lors de la commission parlementaire.

Autre élément qui a été souligné par plusieurs, le législateur, quand il veut définir la fin de l'union parentale, donc, ce qui est prévu, c'est le décès de l'un des conjoints ou encore par la manifestation expresse ou tacite de la volonté des conjoints ou de l'un d'entre eux d'y mettre fin. Et ce que plusieurs groupes nous ont dit, c'est que c'est une expression, comme je le soulignais moi-même en commission parlementaire, qui est très créative mais qui ne correspond pas nécessairement à des expressions semblables qui sont utilisées dans notre droit civil présentement. Et donc, évidemment, s'il y a des termes nouveaux qui sont utilisés dans un projet de loi qui, éventuellement, va devenir une loi, on peut s'interroger sur la portée, sur l'interprétation. Et puis, évidemment, ce qu'on souhaite éviter dans des cas comme ça, c'est qu'il y ait des contestations éventuelles devant les tribunaux. Donc, ça, ce sera à regarder d'une façon toute particulière.

La majorité des groupes nous ont dit que ce qui est prévu par le législateur au niveau du droit d'usage de la résidence familiale, si jamais il y a une demande en ce sens-là, et qui doit être faite 30 jours après la fin de l'union, c'est un délai qui n'est pas réaliste, c'est trop court. Là, on peut dire que, s'il y avait un consensus parmi tous les groupes, c'était bien... c'était bien celui-là.

Le projet de loi parle aussi d'un patrimoine d'union parentale. Donc, avec ce concept d'union... de patrimoine d'union parentale arrive toute la question du patrimoine. Et, encore là, le ministre a fait un choix, le gouvernement a fait un choix, mais c'est un choix qui est quand même restreint. Et on verra, s'il y a lieu, éventuellement, de le bonifier, ce qui est... ce qui est évidemment important.

Autre élément, le projet de loi prévoit que des conjoints en cours d'union pourront se retirer des dispositions du patrimoine d'union parentale, ils peuvent le faire par acte notarié en minutes. Et là, encore là, il y a eu plusieurs groupes qui sont venus nous dire : Les notaires, ce sont des officiers publics, ils sont impartiaux, ils peuvent consulter toutes les parties. Alors que d'autres nous ont dit : Écoutez, c'est tellement important, oui, les notaires sont des officiers publics, mais, dans un cas comme ça, il serait peut-être bon d'avoir un conseiller juridique indépendant autre qui va conseiller les deux parties. Donc, on aura la chance... on aura la chance d'y revenir.

• (11 h 50) •

Le projet de loi prévoit évidemment le partage du patrimoine, la prestation compensatoire qui, finalement, dans le cas d'une séparation, permet à un des conjoints qui n'aurait pas accumulé le même... le même patrimoine, de demander une prestation. Plusieurs nous ont dit que c'était un mécanisme, évidemment, propre au droit civil mais que la mécanique pouvait parfois être compliquée. Alors, on verra s'il y a lieu ou pas, éventuellement, de bonifier ce mécanisme de la prestation compensatoire.

J'attire votre attention, Mme la Présidente, sur un élément du projet de loi, parce que le ministre y a fait référence dans son allocution, et c'est l'article 6 du projet de loi qui réfère, lui, à l'article 653 du Code civil du Québec, en ce qui a trait à la dévolution légale, c'est-à-dire les gens qui meurent sans testament. Donc, à une certaine époque, on appelait ça une succession ab intestat. On utilise moins le latin de nos jours, mais ça, en fait, ça regroupe, ça vise les conjoints qui vont décéder et qui n'ont pas de testament.

Là, on ne parle pas de la naissance d'un enfant, on ne parle pas des parents qui vont s'occuper de leur enfant, on ne parle pas d'un partage alors que les enfants sont très jeunes, nécessairement, puis qu'il y a... qu'il y aura donc un partage du patrimoine familial. Ça peut arriver, le décès, puis évidemment les gens, on l'espère, vont vivre longtemps et heureux, ça peut arriver des années et des années après. Sauf que, dans sa proposition, le ministre dit : «Est un conjoint survivant aux fins de la dévolution le conjoint qui était lié au défunt par mariage, par union civile ou par union parentale et, dans ce dernier cas, qui faisait vie commune avec le défunt depuis plus d'un an.»

Sauf que, là, on est en matière successorale puis en matière comme telle de droit de la famille. Et donc pourquoi ne pas inclure des conjoints de fait qui vivraient ensemble depuis plus d'un an? Ce volet-là, je dois vous l'avouer, m'échappe. Alors, on aura la chance... on aura la chance d'en reparler quand on étudiera ça tout en détail.

Je veux également soulever un élément qui nous a été amené en commission parlementaire, puis je pense que ça mérite... ça mérite de s'y attarder. Et ça a été amené par le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Ces personnes-là sont venues témoigner. Ils ont déposé un mémoire, mais ils nous ont parlé évidemment, souvent, des cas difficiles dans lesquels les conjoints se trouvaient, les cas difficiles dans lesquels les femmes se trouvent aussi. Et elles ont souligné, et je le note, dans leur mémoire, qu'il faut absolument, pour que ça fonctionne convenablement, rapidement et efficacement, le droit de la famille, il faut absolument que les ressources qui sont allouées à la Commission des services juridiques, notamment pour le service Rebâtir, soient augmentées de façon à pouvoir représenter davantage de victimes ou encore de conjoints, de femmes qui sont en train de se séparer.

Même chose pour la représentation et l'accessibilité par l'octroi d'honoraires adéquats aux avocats de pratique privée qui prennent des mandats d'aide juridique. Je prends la peine de le souligner parce qu'une des dames qui nous a parlé de ce regroupement venait de l'Abitibi, et elle me disait que... elle nous disait, en fait, que, présentement en Abitibi, il n'y a à peu près pas ou très peu d'avocats de pratique privée qui prennent des mandats d'aide juridique, puis c'est la même chose dans d'autres régions du Québec.

Alors, j'espère que le gouvernement m'entend. Parce qu'il y a présentement des négociations, et là les négociations n'avancent pas. Et ce que ça fait, c'est que ça enlève une couverture essentielle pour un nombre important, puis, comme on nous l'a dit, pour un nombre important de femmes qui ont besoin de services juridiques mais qui n'en ont pas.

Alors, la réforme, elle est... elle est importante, je le mentionne. Je pense que c'est un pas vers la bonne direction. Est-ce qu'on peut bonifier le tout? Absolument, on va y travailler fort, mais ça va fonctionner s'il y a des ressources qui viennent avec, particulièrement au niveau des services juridiques et de l'aide juridique pour s'assurer que les plus vulnérables dans notre société vont avoir accès aux services d'un ou d'une avocate. Ça, ça m'apparaît fondamental. Donc, je pense que la réforme va bien fonctionner si ça suit également. Sinon, je pense que ça va être effectivement beaucoup plus compliqué, et je tenais à le souligner.

Ceci étant dit, nous allons être en faveur, nous allons voter pour l'adoption du principe du projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale. Et je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Alors, nous allons poursuivre avec M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Cliche-Rivard : Merci, Mme la Présidente. Comme vous le savez, actuellement il y a deux principaux régimes d'union quand deux personnes font vie commune, le statu quo d'abord, s'ils ne prennent aucune action, et puis l'union civile, le mariage, quand ils décident conjointement de souscrire au régime de patrimoine familial et aux obligations liées aux époux. C'est donc un peu tout ou rien, sauf exception. C'est ce que... Et ce que le ministre présente, c'est une sorte d'entre-deux, sur la base de l'intérêt de l'enfant, en créant un régime mitoyen, régime d'union parentale qui comprend certaines dispositions du mariage, mais pas toutes. Si, sur le principe, nous sommes favorables, il est évident que le projet de loi est perfectible et que plusieurs changements doivent être apportés.

Alors, la description un peu du projet de loi, quand est-ce que ça va s'appliquer, ce projet de loi là. Le point d'ancrage de l'union parentale, Mme la Présidente, c'est la venue d'un enfant et que le couple fasse vie commune, donc il n'y a pas de durée minimale, et qu'ils s'affichent comme tel, comme un couple. Ce sera d'application automatique, donc un «opt-in», comme on a utilisé l'expression plusieurs fois en commission, et, pour s'en sortir, il faudra s'en retirer conjointement, donc, par une déclaration de sortie. Le p.l. va s'appliquer à ceux qui auront un enfant après le 29 juin 2025, donc il n'est pas d'application immédiate. Et, pour ceux qui ont eu des enfants avant, ils pourront y souscrire conjointement s'ils le consentent tous les deux. C'est ce qu'on prévoit.

Maintenant, qu'est-ce que ça change d'être dans une union parentale? Évidemment, il y a constitution d'un patrimoine d'union parentale. C'est une nouvelle introduction qui est un peu similaire à ce qu'on connaît dans le patrimoine familial, dans le cas des époux, mais qui comprend, bon, donc, la résidence principale, les meubles à l'usage de la famille, la voiture, mais sont exclus les régimes de retraite, donc REER, CELI, etc., ainsi que les résidences ou la résidence secondaire. Les conjoints peuvent modifier la constitution du patrimoine conjointement via un acte notarié. Ils peuvent aussi se retirer du régime conjointement. Si c'est fait dans les 90 jours de la constitution du régime, alors il est réputé ne jamais avoir existé.

Il y a évidemment des nouvelles protections à la résidence familiale pour ceux qui y sont soumis. Dans les 30 jours suivant la fin de la relation, une des deux parties peut revendiquer des protections liées à la résidence familiale. Il y a évidemment l'introduction de la prestation compensatoire dans l'union parentale, aussi appelée l'enrichissement injustifié. Le conjoint qui se serait appauvri afin de participer aux charges de la famille peut demander au tribunal que lui soit versée une prestation compensatoire. La prestation demandée peut, au surplus, être fondée sur la collaboration régulière à une entreprise du conjoint. On peut demander une provision pour frais. Ça veut dire un genre d'avance dans... pour démontrer une capacité ou pour être capable de faire valoir ses droits, compte tenu des chances de réussite, sans quoi, on l'a souligné, beaucoup de personnes seraient incapables, tout simplement incapables d'engager ces recours-là. Et puis la valeur accordée sera déterminée sur la base de la juste valeur marchande.

Sur le volet de la prestation compensatoire également, les besoins d'établir des tables directrices, un peu comme des pensions alimentaires, est revenu souvent en commission.

Il y a des éléments sur la dévolution légale également. Le p.l. vient changer les règles testamentaires pour que la veuf ou le veuf... la veuve ou le veuf pour qui le conjoint décédé n'avait pas de testament puisse hériter du tiers de la résidence familiale, alors qu'avant ça on avait 100 % pour les enfants.

Il y a évidemment d'autres éléments. Dommages et intérêts pour violence judiciaire. On vient créer un droit de dommages et intérêts lorsqu'un conjoint est responsable de violence judiciaire, ou un ex-conjoint est... en est responsable, tel que constaté par le tribunal, autant en matière familiale qu'en matière de la jeunesse. C'est très bien accueilli. Si le juge tranche qu'il y a violence, il devra accorder des dommages et intérêts à la victime. Donc, il y a d'excellentes propositions.

• (12 heures) •

«Un juge, un dossier» en fait partie également, en matière de droit familial. L'article 32 prévoit que le juge en chef de la cour va tout faire en son pouvoir pour mettre le même juge pour qu'il suive le dossier, ce qui va éviter tout dédoublement, perte de temps, de suivi, de confiance, d'incapacité à trancher sur la violence, etc. Donc, ce fut salué.

Il y a également des discussions sur la création d'un tribunal unifié de la famille. Ce fut très intéressant. Donc, à suivre.

Et évidemment quelques éléments sur le réajustement de la pension alimentaire, prévus à l'article 24, afin d'éviter une judiciarisation des rajustements. Le SARPA va aider les parents à faire le calcul pour la pension alimentaire rajustée. Donc, ça, ce sont les éléments présentés.

Évidemment, il y a des points en litige. J'en ai parlé, l'inclusion ou les exclusions du patrimoine d'union parentale a été longuement débattue. C'est même au coeur du débat. La logique présentée par le ministre veut que ça vise à protéger les habitudes de l'enfant afin que son quotidien ne soit pas bousculé. On parle d'un régime mitoyen afin de ne pas marier les gens de force non plus. Évidemment, ce volet-là était hautement critiqué par les groupes, compte tenu de l'immense inégalité financière qui subsiste, les statistiques l'ont démontré, malheureusement, encore à ce jour, entre les hommes et les femmes. Le ministre prétend que ce sera amoindri par la prestation compensatoire, mais les intervenants indiquent qu'on assistera donc à une possible surjudiciarisation des dossiers. Il faudra être vigilants sur ce point pendant l'étude détaillée.

Il y a aussi plusieurs questions sur l'inclusion des résidences secondaires. Plusieurs intervenants sont venus nous en parler pour que ce soit inclus, comme la logique veut que ça touche le quotidien des enfants.

Alors, pourquoi ne pas inclure dans le patrimoine l'ensemble de ce qui est prévu au patrimoine familial et ensuite permettre, comme c'est le cas, aux couples de se retirer de certains éléments, au besoin, selon leur situation personnelle? Ça nous semblerait beaucoup plus simple. Il y a aussi des questions sur le fait qu'on ne devrait pas pouvoir se retirer de certains éléments de base du patrimoine d'union parentale. Il faudra qu'on en discute.

La date d'entrée en vigueur a aussi été un des éléments discutés. Le fait que l'union parentale va être applicable seulement à ceux et celles qui auront un enfant ensemble en cohabitation après juin 2025 est également au coeur du débat, on en parle et on parle de catégories d'enfants qui seront plus ou moins protégés selon leur date de naissance. Beaucoup ont dit que le projet de loi devrait être d'application immédiate, avec un délai pour se retirer du régime, comme ce fut le cas lorsqu'on a créé le régime de patrimoine familial avec le mariage en 1989. On avait alors prévu 18 mois pour se sortir du régime, mais, sinon, c'était applicable à tous. Alors, il faudra surveiller ça de manière sérieuse.

Acte notarié, information juridique. Le ministre nous a indiqué que sa volonté n'était pas de marier les gens de force. En fait, les statistiques sont venues démontrer que les couples du Québec ne connaissent pas leurs droits dans leur propre situation précise, ce qui défait l'argument du choix éclairé. On dit qu'on ne veut pas marier les gens de force, mais en même temps ils ne savent pas dans quelle situation ils sont et dans quel... quelle protection s'applique à eux. C'est ce que les statistiques et les sondages sont venus démontrer, alors que certains pensent qu'ils ont le même droit... les mêmes droits que dans le mariage lorsqu'un enfant naît dans la relation.

Le retrait ou la modification du régime de l'union. Le projet de loi indique que ça peut se faire via notaire, mais plusieurs intervenants sont venus nous dire que ça prendrait des avis juridiques indépendants, car le notaire aura de la difficulté à pleinement conseiller deux personnes qui auraient des intérêts opposés. Plusieurs débats ont porté sur le contrôle coercitif et sur le fait qu'une partie puisse être forcée de faussement donner son consentement, ce que le notaire ne sera pas nécessairement toujours capable de constater. Il faudra y voir.

Il y a un débat sur l'application du régime avec ou sans enfant. Il y a des intervenants qui sont venus nous dire que la venue d'un enfant... le fait que la venue d'un enfant seulement entraîne l'ouverture de ce régime crée une différence et donc pourrait différencier le traitement d'une femme avec enfant ou d'une femme avec... sans enfant ou d'une relation avec enfant ou d'une relation sans enfant. Plusieurs groupes ont demandé que le régime soit tout simplement ouvert aux conjoints de fait tout court.

Familles recomposées, pluriparentalité, certains soulignent que le projet de loi est déjà dépassé en ce qui a trait aux modes de famille. Il ne prévoit rien pour les familles qui répondent à une définition qui n'est pas traditionnelle. Par exemple, une famille recomposée dans laquelle deux adultes n'ont pas eu d'enfant ensemble, mais qui sont désormais une famille recomposée, ne sera pas protégée. Même si les enfants habitent ensemble, ou encore dans un contexte de pluriparentalité, ou dans un contexte de couple ouvert où ils ne font pas cohabitation, les enfants ne seront pas protégés. Bref, le fait de joindre l'enfant et le besoin de cohabitation dans une relation pose des questions. On se demande tout simplement si les protections ne devraient pas directement suivre l'enfant sans égard à l'union des parents.

Absence de dispositions de pension alimentaire, ça a été discuté. On n'est pas dans une logique de solidarité de couple, avec le p.l. n° 56, qui amènerait une mise en place d'un droit aux aliments ou de pension alimentaire, versus ce qui existe dans le régime du mariage. Il n'y a donc pas de disposition de pension alimentaire postséparation. Et ça, ça a été critiqué par plusieurs groupes qui réclamaient même une pension pour un court délai, ça a été discuté et ça va faire partie des délais, versus la prestation compensatoire qui est dans une autre logique complètement. Sur ce volet-là, justement, de la prestation compensatoire, il a été noté à plusieurs reprises le besoin d'établir des lignes directrices, un peu comme en pension alimentaire. C'est revenu souvent. Il fut beaucoup question de la façon de calculer la prestation pour éviter que ce soit surjudiciarisé ainsi que la méthode pour établir la contribution à la coentreprise. On y reviendra.

Des clarifications sont demandées également en ce qui a trait à la fin de la relation. Le projet de loi parle d'expression tacite, alors que plusieurs sont venus nous dire qu'il faudrait plutôt qu'il y ait une détermination ou un élément assez manifeste, assez équivoque de quand la relation se termine pour qu'il y ait une application simple du projet de loi et de la reconnaissance de la fin de l'union parentale.

On a aussi parlé du délai de 30 jours pour les protections à la résidence familiale. Beaucoup sont venus nous dire que c'était beaucoup trop court. Certains nous ont demandé qu'il n'y ait pas de délai. Le ministre soutient qu'il faut qu'il y ait un délai, et les groupes ont demandé que ce délai-là soit le plus long possible, considérant les impacts importants que peut entraîner, sur la santé mentale, une séparation, et j'en passe.

Donc, en terminant, Mme la Présidente, oui, nous appuierons le principe, mais on a beaucoup d'éléments à revoir. Il y a beaucoup de travail à faire sur ce projet de loi là. J'espère qu'il y aura de l'ouverture du côté gouvernemental, considérant l'impact majeur de ce projet de loi sur la vie des Québécoises et des Québécois. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,M. le député. Donc, je suis prête à reconnaître un autre député. Alors, M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous.

M. Pascal Paradis

M. Paradis : Merci, Mme la Présidente. Il y a un peu plus d'une dizaine d'années, tout le Québec suivait avec attention le fameux procès Eric c. Lola qui avait, d'un côté, un côté vraiment extraordinaire, donc, dans le sens de hors de l'ordinaire, mais qui, par ailleurs, touchait une grande proportion de Québécoises et Québécois parce qu'il parlait de la façon ou des règles qui régissent la vie de couple de tant de Québécoises et de Québécois.

Bien, en effet, aujourd'hui, plus de la moitié des mariages se terminent par un divorce et plus de la moitié des ménages québécois vivent en union de fait, la plupart du temps avec des enfants. Donc, il était très important de revoir les règles du droit civil qui s'appliquent justement aux unions de fait pour refléter la nouvelle réalité collective des Québécoises et des Québécois. Et aujourd'hui je pense qu'on est dans la réalisation d'un exercice qui est largement transpartisan puis qui concerne la meilleure façon de faire des pas en avant, donc, en matière de réglementation ou d'aménagement de l'union de fait.

J'écoutais le ministre tout à l'heure. Cela étant dit, donc, c'est largement transpartisan, mais j'écoutais quand même le ministre dire que, là, enfin, il y a un gouvernement qui a le courage de s'attaquer à cette question-là après tant d'années. Je voudrais quand même remettre un petit peu les pendules à l'heure. La cause Eric c. Lola a été suivie par une réflexion d'un gouvernement du Parti québécois à l'époque, et donc c'est le gouvernement de la première ministre Pauline Marois et le ministre de la Justice de l'époque, Bertrand St-Arnaud, qui a établi, en fait, cette nécessité d'avoir une large réflexion et qui a créé le comité Roy, donc, qui a confié la tâche à 10 expertes et experts, des juristes, mais aussi des gens issus des sciences sociales, pour réfléchir avec rigueur à ces questions-là, parce qu'elles ont un effet profond, donc, sur la société québécoise. Et cette réflexion-là, elle a abouti, donc, en 2015, à la publication du rapport du Pr Roy, 600 pages avec 82 recommandations qui portaient sur des sujets vraiment variés : le mariage, l'union civile, l'union de fait, la filiation, la parentalité, la procréation assistée, la maternité de substitution. Et aujourd'hui, donc, c'est un peu le fruit de cette réflexion-là qu'on est en train de travailler ensemble.

Je salue néanmoins l'initiative, donc, du gouvernement de nous amener là. Il y a beaucoup de travail rigoureux qui a été fait pour nous amener, donc, cette proposition, le projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale. C'est un travail rigoureux, donc, c'est le fruit d'un travail rigoureux, et ça, c'est important. C'est ce qu'on veut quand il y a des réformes importantes qui sont proposées aux législateurs que nous sommes, que ce soit basé sur des données, que ce soit basé sur des analyses. Et c'est la chance que nous avons, dans ce cas-ci, donc, de bénéficier des analyses du groupe d'experts.

• (12 h 10) •

Donc, il n'est pas trop tôt pour agir. Aujourd'hui, on est en 2024, et il y a de nombreuses mesures qui sont proposées dans ce projet de loi. Donc, on crée l'union parentale, donc un couple en union de fait qui a des enfants va maintenant vivre en union parentale, si le projet de loi est accepté. Cette union parentale, donc, maintenant, est assortie, vient avec un patrimoine parental, donc on détermine quels sont les biens qui sont ceux du couple.

On établit aussi le principe d'une prestation compensatoire en cas de séparation, c'est-à-dire que l'un ou l'autre des conjoints peut demander à l'autre une prestation compensatoire pour son apport à l'enrichissement et à la création ou à l'augmentation du patrimoine parental, une révision des règles successorales, l'introduction, donc, du concept de violence judiciaire et l'amélioration de l'efficacité des procédures en matière familiale en facilitant l'accès à un seul et même juge pour suivre un dossier du début à la fin des procédures.

Donc, ce sont des importants changements. On va prendre soin de les analyser un après l'autre pour bien comprendre leur portée. Et justement, pour nous aider à faire ça, nous avons eu la chance de recevoir 27 mémoires qui ont été déposés dans le cadre des consultations particulières. On a reçu plusieurs des groupes de la société civile, des juristes, des spécialistes de la question qui sont venus nous présenter leur point de vue sur la proposition de réforme que nous allons donc analyser après l'adoption, donc, du principe, le cas échéant, des commentaires vraiment très pertinents. On a eu des propositions concrètes, des recommandations concrètes, des analyses, des craintes, des préoccupations qui ont été exprimées, des espoirs aussi qui nous ont... qui ont été évoqués. Et on nous a fait... on le savait déjà, mais on nous a fait réaliser à quel point ce sont des changements importants en droit familial qu'on est en train d'explorer actuellement, qui vont avoir un impact sur plusieurs dossiers, notamment des dossiers de séparation qui sont, malheureusement, toujours très nombreux.

En gros, certains nous ont dit que la réforme devrait aller beaucoup plus loin, que ça ne protège pas assez le conjoint ou la conjointe qui peut être dans une situation de vulnérabilité, de déséquilibre du pouvoir. Plusieurs groupes nous ont notamment mentionné qu'il s'agit souvent encore, malheureusement, trop souvent de la femme, donc, en raison des inégalités persistantes entre les femmes et les hommes. Et donc on nous a suggéré, là, on nous a fait plusieurs suggestions, notamment d'établir, finalement, un patrimoine d'union parentale qui ressemblerait plus à celui du patrimoine existant pour les couples mariés. Donc, c'est une thématique importante qu'on va devoir analyser.

Ensuite, on nous a parlé aussi de toute cette question de la prestation compensatoire. Est-ce que ça devrait plutôt être aussi... Est-ce qu'il devrait y avoir un régime de pension? Quels critères on devrait considérer lorsqu'une... la pension est calculée? Elle est octroyée sur la base de quels critères? Presque tous nous ont suggéré d'avoir des lignes directrices, mais certains nous ont dit qu'il y avait un risque d'affaiblissement de ce recours par rapport à la situation actuelle. D'autres nous ont dit : Non, c'est un pas en avant.

Toute la question... Bon, puis là on nous dit : Bien, qu'est-ce qu'on devrait inclure? Plusieurs nous ont parlé notamment de la question des fonds de pension, des régimes d'épargne-retraite. Plusieurs nous ont parlé aussi du fait que le patrimoine parental actuel n'inclut que la résidence principale et que souvent, donc, il y a des résidences secondaires, une ou des résidences secondaires qui devraient être incluses. Alors, toutes ces questions, on va devoir y réfléchir très sérieusement.

La question du droit de retrait, donc, il y a des dispositions qui sont d'ordre public, d'autres, on donne la possibilité aux couples de s'en retirer. On donne aussi la possibilité de renoncer au partage du patrimoine d'union parentale ou à une prestation compensatoire. Ça aussi, beaucoup de commentaires sur ces éléments-là. La date d'entrée en vigueur, mes collègues aussi en ont parlé, a causé... donc, a créé, a suscité beaucoup de réflexion et beaucoup de discussions.

Donc, des propositions qui vont mériter notre considération. Il faut vraiment qu'ensemble on réfléchisse à faire de notre droit de la famille le reflet le plus fidèle possible d'où nous en sommes, comme société, comment nous avons évolué,et en le conciliant, donc, avec le besoin de protection qui est encore nécessaire, souvent, pour le ou une... ou une ou un conjoint dans le couple en union de fait.

Il y a des éléments, en tout cas, qui ont suscité presque l'unanimité complète. Je le mentionnais tout à l'heure, l'introduction du concept de violence judiciaire, c'est vraiment important, on le salue. Certains nous ont dit : Bien, il va falloir le définir. Mais oui, mais... parce que c'est un nouveau concept. Mais il y a eu beaucoup, déjà, d'auteurs, de la doctrine qui se sont... qui se sont penchés sur la question. Mais ça, c'est unanimement salué, parce que de plus en plus, malheureusement, il arrive qu'une des parties, dans un processus de séparation acrimonieux, utilise les tribunaux comme outil, finalement, comme levier pour exercer de la violence contre son conjoint ou sa conjointe. Et ça, évidemment, il faut se donner des meilleurs outils pour pouvoir y résister. Tout le monde le rapporte. La quérulence, notamment, c'est un phénomène qui est, malheureusement, de plus en plus présent devant nos tribunaux. Et c'est dans des dossiers qui sont souvent très émotifs, donc c'est bien qu'on se donne ce cadre-là.

Donc, je m'engage, moi, comme porte-parole en matière de justice, à collaborer avec le ministre. Et je pense que l'ensemble des partis d'opposition, on s'est engagés à faire la même chose. Il faut offrir aux Québécoises et aux Québécois le meilleur cadre juridique pour l'union de fait. Nous devons être dans une optique de respect, donc, de l'évolution de la société, mais de protection. On doit penser aux mesures sociales. Plusieurs nous en ont parlé, il y a des mesures législatives, mais il faut penser aussi à continuer à informer, à sensibiliser, à protéger, à soutenir les organisations qui sont présentes dans ce domaine-là. Et ça, je pense que c'est important aussi de le retenir.

Nous, en tout cas, on est prêts à discuter. Donc, nous allons voter en faveur de l'adoption du principe du projet de loi n° 56. Au plaisir d'en discuter avec les collègues. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci beaucoup, M. le député. Maintenant, je reconnais Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré.

Mme Kariane Bourassa

Mme Bourassa : Merci, Mme la Présidente. Toujours un honneur pour moi de prendre la parole en cette Chambre, d'autant plus que je sais que mon collègue ministre de la Justice a vraiment travaillé fort avec ses équipes, avec nos collègues, pour présenter quelque chose, un projet de loi équilibré et qui correspond beaucoup mieux aux réalités de nos familles québécoises. Plus spécifiquement, le projet de loi n° 56 m'interpelle. Plusieurs commencent à le savoir, ça commence à paraître, je suis moi-même une future maman qui vit dans une union de fait et je fais donc partie de cette clientèle cible qui sera concernée par le projet de loi et comme de nombreuses familles québécoises.

On l'a mentionné, et plusieurs Québécois l'ignorent, alors je vais le répéter, dans notre province, 65 % des enfants naissent hors mariage. C'est donc la majorité des enfants. Au Québec, 42 % des couples vivent dans une union libre. Et, si on compare au reste du Canada, dans le reste du Canada, c'est 23 %. Alors, on comprend que c'est un phénomène qui est très, très présent ici, au Québec. Il y a donc plusieurs enfants qui sont laissés sans protection légale, si les parents ne sont pas mariés et en viennent à se séparer. Nous devons remédier à ça, et c'est ce que nous avons fait avec le projet de loi qui a été présenté.

Il y a plusieurs parents ici, on le sait, je ne suis pas la seule, ou même peut-être des futurs parents. Lorsqu'on se sent prêt à fonder une famille, on le fait avec l'espoir et le souhait que nos enfants pourront grandir dans un environnement où ils pourront s'épanouir. Bref, on veut protéger nos enfants, on veut protéger leur avenir. La famille constitue le premier milieu de vie, c'est notre premier cercle social, à quelque part. Nos parents sont les premières personnes que l'on côtoie, et c'est auprès de nos familles que nous forgeons notre personnalité, que nous définissons nos priorités et nos valeurs. Mais, à l'heure actuelle, un bon nombre de familles, donc la majorité des familles, ne se reconnaissent pas dans le cadre législatif. Il est essentiel que le droit de la famille suive la cadence des nouvelles générations pour mieux refléter les parents d'aujourd'hui, nos familles. Malheureusement, plusieurs parents n'ont pas l'impression qu'avec les lois actuelles, bien, ça les concerne. Ils ne se sentent pas concernés, et ça, ça provoque parfois, et je dirais malheureusement trop souvent, une méconnaissance des lois.

On l'a dit, l'intérêt de l'enfant, c'est vraiment au coeur de nos décisions. Un enfant ne devrait jamais, je dis «jamais», faire les frais de la séparation des parents. C'est pourquoi nous venons créer un filet de sécurité pour les enfants qui vont naître d'une union de fait.

Donc, c'est un troisième volet, on en a parlé abondamment, le volet de réforme du droit de la famille. On vient instaurer ici un régime d'union parentale. Ça va entraîner, on l'a mentionné à maintes reprises aussi, la constitution d'un patrimoine d'union parentale. Ce sera composé de la résidence familiale, des meubles de la résidence, des véhicules automobiles qui sont utilisés, là, pour le déplacement de la famille.

• (12 h 20) •

Il était vraiment primordial de protéger l'autonomie, aussi, décisionnelle des familles québécoises. Donc, si c'est la volonté des parents, il sera possible pour ces derniers de se soustraire à ce régime. Mais, de l'autre côté, les gens qui auront eu des enfants en union de fait avant l'application de la loi pourront aussi adhérer à ces mesures d'une manière simplifiée.

Comme personne qui aspire à fonder une famille et qui va bientôt le faire, je trouve que cette réforme est un projet de loi qui est équilibré, et ça vient aussi répondre à ce flou juridique en matière familiale. Ça persistait déjà depuis plusieurs décennies et c'était une demande non seulement des parents, mais aussi des gens qui circulent dans l'univers judiciaire. Les familles québécoises évoluent, se transforment, se redéfinissent, et le cadre juridique devait aussi évoluer et s'adapter.

En terminant, je remercie tous mes collègues qui ont participé de près et de loin, et ce n'est pas terminé, là, parce qu'il va y avoir encore l'étude article par article, donc, à ce projet de loi. Je pense réellement que ces mesures vont améliorer la vie de beaucoup de familles, des familles comme la mienne. Merci beaucoup.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci beaucoup, Mme la députée. Maintenant, je suis prête à reconnaître un autre intervenant ou intervenante. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, la parole est à vous.

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Oui, merci, Mme la Présidente. Un plaisir pour moi, à mon tour, d'agir et interagir sur le projet de loi... le projet de loi, excusez-moi, j'ai le titre du projet de loi ici, portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale, le projet de loi n° 56. Fort intéressant comme projet de loi, surtout que c'est un projet de loi qui est très technique, où on parle de réformes très importantes. Et, oui, les échanges que nous avons sont aussi, je dirais... tout le monde contribue au débat. Et je le trouve très intéressant à quelque part aussi parce que je ne suis pas légiste, puis je ne suis pas avocate, ça fait que je me compte comme parmi tous les citoyens qui vont peut-être être affectés par une adoption d'un futur projet de loi lors de... quand on termine l'étude détaillée pour le projet de loi n° 56.

Le projet de loi n° 56, évidemment, on parle d'une réforme en ce qui concerne le droit de la famille. Puis le sens, à ma compréhension, l'intention, c'est de mettre les enfants au centre du débat. Ça reste que c'est un projet de loi, comme tous les projets de loi qui sont déposés ici, à l'Assemblée nationale, qui est perfectible. Et, oui, c'était basé, à quelque part sur l'histoire que nous avons tous entendue, d'Éric contre Lola, dans le passé. Puis, oui, à quelque part, il faut reconnaître que nous avons plusieurs enfants québécois qui naissent sans protection.

On a reçu des excellents mémoires avant et pendant les auditions pour le projet de loi n° 56. 27 mémoires ont été déposés, et ça nous a amenés à lire et à entendre aussi en commission... Il y a 22 groupes et personnes qui ont... qui ont été entendus en commission parlementaire. Tellement de positions, tellement de recommandations, du débat, parce qu'il y avait des avocats qui étaient pour, des avocats qui étaient contre. Il y a des recommandations qui sont très variables. Alors, j'ai hâte pour la prochaine étape de ce projet de loi, parce que les débats, j'en suis, vont être très riches, parce que nous avons entendu des positions, des recommandations de plusieurs experts dans la matière.

Là, je souhaite souligner quand même quelques personnes qui ont passé, entre autres Robert Leckey, qui est... Dean of Law at McGill University. It's a pleasure always to hear from Professor Leckey. His positions, which have been shared with Members of the National Assembly for many, many years now, are ones that do help us in terms of our reflections. So, I'm always very grateful to read a brief that is presented by Professor Leckey, as well as hear his point of view.

Nous avons aussi entendu des groupes comme le Conseil du statut de la femme, le Groupe des 13, les Pres Louise Langevin et Marie-Claude Belleau, les Pres Carmen Lavallée et Hélène Belleau, qui ont vraiment enrichi le débat ainsi que la compréhension que je pense que tout le monde ont en ce qui concerne le projet de loi n° 56, qui, je répète, est technique, qui va changer aussi la façon qu'on voit les conjoints de fait, mariage et la protection de nos enfants.

Mais qu'est-ce que ça fait, dans le fond, le projet de loi? C'est un projet de loi qui vise à instituer l'union parentale pour les conjoints de fait qui sont des parents d'un même enfant né ou adopté après l'entrée en vigueur du projet de loi. Et je rentrerais plus en détail pour ceci, ça va modifier le Code civil notamment afin de prévoir que la formation de l'union parentale emporte la constitution d'un patrimoine d'union parentale formé de certains biens des conjoints, dont la résidence familiale. Encore une fois, il faut aller plus en détail en ce qui concerne cette proposition.

Ça va modifier le Code civil afin d'y prévoir des règles applicables au partage du patrimoine dans le cas où l'union prendrait fin.

Le projet de loi va aussi proposer diverses protections en cas de séparation des conjoints et l'union parentale, comme rendre des règles de protection et d'attribution de la résidence familiale prévues pour les conjoints mariés ou unis civilement applicables aux conjoints qui sont en union parentale.

Ça prévoit aussi également accorder aux conjoints, après la fin de l'union parentale, le droit de faire une demande de prestation compensatoire au tribunal s'ils estiment d'être appauvris après avoir contribué à l'enregistrement du patrimoine de l'autre conjoint.

Ça propose aussi... c'est sûr, il y a des bénéfices, des avancées qu'on voit à l'intérieur du projet de loi n° 56, des avancées comme... ça propose notamment de modifier les règles de la dévolution légale pour permettre aux conjoints qui étaient en union parentale d'hériter à son conjoint décédé lors de ces derniers... que ces derniers faisaient vie commune depuis plus d'un an au moment du décès, surtout s'il n'y avait pas un testament qui est en place. Ça fait que ça, c'est sûr, c'est une mesure de protection qu'on devrait saluer, puis j'espère qu'on va pouvoir, encore une fois, en débattre pour comprendre l'impact sur la population.

Ça propose d'imposer aux juges l'obligation d'accorder des dommages-intérêts lorsqu'il y a violence judiciaire. On a entendu d'autres collègues qui en ont parlé un peu de cet aspect assez malheureux. C'est un phénomène qui est toujours présent devant nos tribunaux aujourd'hui. Alors, c'est vrai, ceci est aussi une avancée.

Je pense que c'est important de faire la mise en contexte de qu'est-ce qui se passe ici, au Québec, pour la bonne compréhension de tout le monde qui suit nos travaux. Le Québec comprend 43 % d'union de fait, qui place la province en tête du peloton aux endroits au monde où il y a le plus de couples non mariés. Alors, c'est vraiment quelque chose qui est instauré ici, au Québec, puis on continue dans cette tendance. Il n'y a pas plus de gens qui vont se marier. On voit de plus en plus de gens qui son des unions... qui sont des conjoints d'union de fait, et c'est aussi un phénomène, quand les gens se marient... on voit ça de plus en plus souvent dans des milieux plus urbains et de moins souvent aussi dans les milieux ruraux. Environ 50 % des personnes en union de fait pensent que la loi traite de la même manière les couples mariés et les couples en union de fait, chose qui est fausse. Ça fait que... puis la majorité des Québécois pensent que c'est le cas. Ça fait que... Exemple pertinent, on a des amis, ils ne sont pas mariés, et c'est un... ils sont conjoints de fait, ils vivent ensemble, ils ont un projet familial, ils ont des enfants, ils se séparent puis, à ce moment-là, ils pensent... bien, les deux parties pensent que, bien, ils ont les mêmes protections qu'un couple marié, puis ce n'est vraiment pas le cas.

Et je souhaite souligner quand même le travail de... comme j'ai mentionné, Mme Carmen Lavallée, qui est la professeure titulaire directrice du programme de maîtrise en droit de Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, ainsi que la Pre Hélène Belleau, directrice centre Urbanisation... centre culture et société à l'Institut national de la recherche scientifique, parce qu'ils nous ont quand même amené beaucoup de statistiques que... pour moi, en tout cas, m'a beaucoup aidé à comprendre la réalité québécoise en ce qui concerne l'éventuelle adoption de ce projet de loi puis la façon que nous devons se comporter lors de la prochaine étape de ce projet de loi, parce que c'est des statistiques, puis c'est des sondages, puis c'est de l'information qui va vraiment alimenter et enrichir nos débats.

Alors, c'est eux aussi qui partagent un peu les informations que je partage avec les gens qui nous écoutent aujourd'hui. Comme, par exemple, quand on dit que 50 % des personnes pensent que la loi traite les couples mariés ou non mariés de la même façon puis on dit : Oui, mais, tu sais, pour ceux qui comprennent ou qui ont une miniconnaissance, et on a la... on peut avoir recours à des contrats de vie commune. Mais malgré que c'est une option qui existe, la réalité, c'est qu'il y a seulement 8 % des conjoints de fait qui en ont un. Ça fait que ça veut dire que les gens ne savent pas que c'est un recours qui est offert à eux dont ils peuvent avoir accès parce qu'ils pensent sincèrement qu'il y a le même niveau de couverture.

• (12 h 30) •

L'autre chose que j'ai trouvé qui était très intéressante, c'est qu'ils nous disent que plus de 70 % des Québécois et Québécoises sont favorables à un traitement juridique similaire des couples mariés et de l'union de fait. Puis ça, la raison que je trouve ça très intéressant, puis c'est parce que notre société continue à évoluer, à changer notre façon de voir les choses, que ça se... qu'on est parent, pas parent, peu importe le rôle qu'on occupe à l'intérieur de notre couple ou dans notre famille, l'évolution est très importante. Puis, oui, le projet de loi est beaucoup basé sur des recommandations qui ont été produites et déposées par M. Roy en 2015, mais ça reste que ce n'est pas loin de... Ça va faire 10 ans depuis que ce rapport a été déposé. Ça fait qu'à l'intérieur de 10 ans ça se peut que les choses ont changé, et je présume que les choses ont changé. Alors, pour cette raison, j'ai beaucoup de respect pour les recommandations qui ont été faites et qui ont été apportées dans le projet de loi, mais je pense qu'on a aussi une responsabilité de continuer à voir comment notre société a évolué depuis la dernière décennie, surtout que c'est un projet de loi qui va avoir un impact pour probablement les 20 ou 30 prochaines années. Alors, on a cette responsabilité de regarder.

Ça fait que, oui, il y a des avancées, mais j'ai hâte à avoir les débats, parce qu'évidemment c'est un projet de loi que nous devons bonifier. Il y a des éléments qui sont manquants, comme, actuellement, le projet de loi limite l'application du régime d'union parentale aux conjoints de fait qui auront un enfant seulement après le 29 juin. J'ai fait un petit... précis là-dessus au début de mes remarques. Pourquoi ça, c'est problématique? C'est parce qu'on est en train de créer des catégories d'enfants ou des régimes pour les enfants ainsi que des catégories de conjoints ou des régimes pour des conjoints, tout dépendamment si on a des enfants puis quand est-ce que nous avons eu des enfants. Ça fait qu'on va avoir trois régimes ou trois catégories d'enfants parce qu'on va avoir des enfants dont la loi va s'appliquer pour ceux qui sont nés avant le 25 juin 2025, des enfants qui sont nés entre l'adoption de la loi puis la mise en vigueur de la loi, puis aussi des enfants qui sont nés après juin 2025.

Alors, trois régimes, trois catégories d'enfants, puis aussi parce qu'on... Il y a quand même une iniquité aussi pour les conjoints de fait si c'est un couple qui est formé puis sans enfant. La façon que ça, ce serait traité, on va avoir des conjointes qui vont avoir des protections puis d'autres conjoints qui n'en auront pas aussi. Alors, je suis d'avis... je pense que ça va être important d'avoir des régimes d'union parentale pour protéger tous les conjoints, pour protéger tous les enfants.

Puis ça, ça me fait beaucoup penser à ce que nous avons entendu en commission, de Me Tétrault, qui avait aussi mené un excellent mémoire puis une excellente présentation en commission parlementaire, parce que lui, il a dit, et je le cite : Il y a seulement une sorte d'enfant, des enfants. Ça fait que lui, il est d'avis que nous devons les traiter de la même façon, avec le même patrimoine familial. Puis ça, c'est la base. Puis il a aussi dit qu'évidemment, de toute évidence, la situation économique de l'enfant est directement liée avec le parent qui a la charge de cet enfant. Puis la raison que je mentionne ceci, c'est parce que, quand on parle du patrimoine familial... et familial, le projet de loi, actuellement, le ministre a fait le choix de limiter le patrimoine familial des conjoints en union parentale à la résidence familiale ou les droits qui en confèrent l'usage, les meubles qui la garnissent ou qui l'ornent et qui servent à l'usage du ménage et des véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille. Mais, comme on a entendu à maintes reprises en commission, il y a beaucoup de gens qui pensent que nous ne devons pas se limiter uniquement à la résidence familiale, parce que ça se peut qu'on ait une résidence secondaire. Il y a des gens qui nous ont partagé que ça ne devrait pas se limiter aussi à... Parce que, présentement, on ne parle pas de... le Régime des rentes, on ne parle pas de pension alimentaire puis on ne pense... on ne parle pas aussi de tout ce qui est régime d'épargne. Puis pourquoi les gens ont soulevé que c'était d'une grande importance, c'est parce que, souvent, c'est le cas puis c'est malheureux, mais on sait qu'il n'y a pas loin de 80 000 couples, c'est 76 000 couples sans enfants qui vivent avec un revenu qui dépend sur leur partenaire.

Puis, souvent, la condition des femmes sont... elles sont pénalités à la maternité. On peut imaginer une femme qui a eu une grossesse qui a été difficile, qui a dû rester au domicile, et après, peut-être, elle a une dépression post-partum puis, encore une fois, elle doit... elle ne peut pas retourner sur le marché du travail ou bien donne naissance à un enfant avec des besoins particuliers, puis ça prend un des deux parents qui reste à la maison. Puis, historiquement, puis c'est toujours le cas, c'est la femme qui reste pour prendre soin de ses enfants pendant que le partenaire retourne sur le marché de travail, continue à contribuer dans leur REER, contribue à contribuer dans leur régime des rentes. Ça fait que la personne qui a la charge des enfants est pénalisée. Ça fait que, si ce n'est pas pris en considération, j'ai hâte de voir ça va être quoi, la façon que nous allons voir une équité à l'intérieur du projet de loi.

Parce qu'encore une fois la situation économique de l'enfant est directement liée à la situation économique du parent. Puis, si on pense à un partage 50-50 de la garde de l'enfant, bien, je pense qu'on aura une responsabilité de voir... de revoir notre façon qu'on voit ceci. Ça fait qu'est-ce qu'on devrait se limiter à la résidence principale familiale ou est-ce qu'on devrait penser à inclure, dans le patrimoine familial, la notion de résidence secondaire, etc.? Ça fait qu'on devrait faire ce débat, qui me fait aussi penser quand on a entendu le Groupe des 13, quand on a entendu aussi le Conseil du statut de la femme, il y avait un questionnement, si le gouvernement avait fait une ADS, qui est une analyse différenciée selon les sexes. Chaque projet de loi qui est déposé, qui aura un impact sur les femmes en particulier, on a une responsabilité de faire une ADS, une vérification puis un questionnement si ça a été fait. Il y a des gens qui disent que ce n'était pas le cas. Je pense qu'il faut vider la question puis avoir de la clarté là-dessus. Pourquoi? Parce que la situation de nos femmes peut très clairement être en jeu si ce projet loi n'est pas bonifié pour assurer des protections pour eux, parce que, comme j'ai dit, ça se peut qu'il va y avoir un impact.

On a aussi entendu des gens qui parlaient de... marier des Québécois par force, la liberté contractuelle. Puis, c'est vrai, on va avoir beaucoup des Québécois qui ont fait le choix de ne pas se marier puis d'avoir un projet parental ensemble. Mais, encore une fois, si on ne parle pas de comment nous allons communiquer cette information aux Québécois pour qu'ils comprennent pleinement leurs droits puis comment ils devront être... se protéger... Parce que le projet de loi, on parle d'un «opting in», un «opting out», ça fait que, tout dépendamment le régime qui sera mis en place, exemple, tu décides de ne pas te marier, bien, ça se peut qu'après l'adoption de la loi il va y avoir une période de 12 mois où les Québécois qui vont être assujettis au nouveau régime vont pouvoir dire, devant un notaire ou devant une institution légale, quoi qu'il soit... peut dire : Bien, moi, je ne souhaite pas que ça s'applique à moi parce que nous, on a fait le choix de ne pas se marier. Ça fait que je pense qu'on a un juste milieu qu'on peut trouver à l'intérieur de cette loi.

Tu sais, on parle aussi de... le projet de loi veut étendre aux conjoints de fait en union parentale faisant vie commune depuis plus d'un an. Pourquoi plus d'un an? Pourquoi ce n'est pas depuis un an? Pourquoi ce n'est pas au moment de la naissance de l'enfant? Ça fait qu'on a aussi beaucoup de questions.

Puis j'ai autres questions que nous pouvons poser en ce qui concerne le fardeau de la preuve sur la personne qui est appauvrie, parce que la réalité, c'est que, oui, on a recours devant le tribunal si on dit... Parce qu'il n'y a pas de pension alimentaire qui est mentionnée du tout à l'intérieur de ce projet de loi, mais ça veut dire qu'il y a beaucoup de responsabilité qui est sur les épaules de la personne qui est appauvrie, d'aller devant le tribunal pour faire des représentations pour dire : Voici ma situation de vie, voici pourquoi j'ai besoin de x, y, z. J'ai quand même une inquiétude que, si c'est une personne qui est déjà... qui se retrouve déjà dans une situation de vulnérabilité... Puis, encore une fois, on a entendu le regroupement des parents monoparentaux, des femmes victimes de violence conjugale. Si c'est le cas de ces personnes, je questionne si on ne va pas assez loin pour protéger le sort de ces femmes, entre autres, ou de ces personnes qui se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité.

J'ai reçu, dernièrement, énormément de courriels dans mon... dans ma boîte de courriels du bureau de comté et je remercie tout le monde qui nous a envoyé des messages. Pourquoi? Parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont préoccupés par rapport à c'est qui devrait être le propriétaire légal, suite à une rupture de couple, de l'animal de compagnie de cette famille. Alors, j'ai lu avec un grand intérêt toutes les informations que nous avons reçues puis je pense que nous pouvons s'inspirer des pays européens afin d'inclure dans un projet de loi une obligation, que ce soit la séparation de biens, mais de prendre en considération qu'est-ce que nous allons faire en ce qui concerne la protection de ces animaux, mais aussi la séparation des biens, parce que je pense qu'il faut prendre en considération le sort de ces animaux qui, pour plusieurs familles, est un membre de la famille, occupe une grande place. Ça fait que nous devons nous préoccuper de ceci.

Je pense que j'ai mentionné aussi, Mme la Présidente, ce qui est important en ce qui concerne l'information que nous devons partager avec la population, parce que c'est une réforme très importante. Le gouvernement va pouvoir compter sur ma formation politique, le Parti libéral du Québec, de contribuer aux échanges, qui vont être très constructifs, très riches. J'encourage tous les gens qui suivent nos travaux de continuer de nous alimenter avec vos recommandations puis vos propositions. Ça nous aide énormément en commission parlementaire, parce qu'au moment qu'un projet de loi est déposé ça n'appartient pas au gouvernement, ça n'appartient pas aux oppositions, ça appartient à la population. Alors, c'est ça, la démocratie, puis c'est à vous de vous exprimer sur toutes les plateformes dont vous avez accès.

Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente, puis au plaisir de continuer la prochaine étape de ce projet de loi.

• (12 h 40) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Maintenant, nous poursuivons avec M. le député de Chapleau.

M. Mathieu Lévesque

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous salue. Je salue également les collègues de la banquette gouvernementale et les collègues de l'opposition. Je tiens aussi à remercier le ministre pour sa confiance de m'accorder la permission, là, d'intervenir à ce stade-ci de cet important projet de loi. Je suis vraiment, vraiment très heureux de me lever aujourd'hui.

Justement, si je tenais à vous adresser quelques mots aujourd'hui, Mme la Présidente, c'est que ce projet de loi revêt une importance particulière pour moi, importance particulière parce qu'il s'inscrit comme la pièce manquante d'un travail de longue haleine que mène le gouvernement depuis le début de la précédente législature et de notre premier mandat et auquel j'ai personnellement pris part durant presque tout le processus. C'est, en quelque sorte, la fin d'un cycle, Mme la Présidente. On vient boucler la boucle de cette grande réforme du droit de la famille, qui est historique, qui a été faite en trois temps et qui a été tant attendue pendant de nombreuses années.

Donc, faisant suite au rapport du Comité consultatif sur le droit de la famille déposé en 2015 et qui avait été, on se le rappelle, Mme la Présidente, tabletté par nos prédécesseurs, notre gouvernement a lancé de vastes consultations publiques sur le droit de la famille. C'est donc ainsi, en 2019, alors que j'occupais, à l'époque, les fonctions d'adjoint parlementaire à la justice, que je suis allé à la rencontre des citoyens aux quatre coins du Québec afin de les entendre sur ces questions fondamentales que sont celles qui touchent la famille.

En fait, Mme la Présidente, pour la petite histoire, ça a été mon premier mandat qui m'a été confié au gouvernement dans la première... dans la dernière législature. Donc, vous comprendrez qu'aujourd'hui ça revêt une importance capitale pour moi. Puis il s'agit aussi d'un moment émotif, un moment d'émotion que je partage avec vous et avec les collègues. Et, justement, si cette grande rencontre avec la population nous a permis d'écouter les préoccupations des Québécois, elle nous a d'autant plus permis de constater à quel point les familles ont évolué au Québec ces dernières décennies. Une réforme majeure s'est vite dessinée comme un incontournable au ministère de la Justice.

C'est pourquoi, en 2021, nous avons déposé le projet de loi n° 2, qui était la Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d'état civil. Et, tout au long des travaux, puis le ministre l'a rappelé, et également la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, nous avions une phrase en tête, et c'était : Les enfants d'abord, les enfants en priorité. Adopté en juin 2022, le p.l. n° 2 a permis de faire des gains importants pour les enfants et les familles, et je pense notamment, Mme la Présidente, à l'obligation pour le tribunal de considérer la violence familiale dans toutes ses décisions concernant l'enfant. Cela aurait dû être le cas il y a bien longtemps déjà, mais, bon, c'est nous qui l'avons fait et c'est nous qui l'avons changé.

L'admissibilité universelle à l'aide juridique pour tous les enfants lorsque la DPJ intervient. Également la reconnaissance d'un droit à la connaissance des origines pour les enfants adoptés ou issus de la procréation assistée dans la Charte des droits et libertés de la personne. Tout enfant doit pouvoir savoir d'où il vient. Ce besoin avait trop longtemps été ignoré, et donc, avec le projet de loi n° 2, nous y avons répondu. On se souviendra, en consultations particulières à l'époque, des témoignages et des récits poignants de ces personnes-là qui ne connaissaient pas leurs origines et qui, toute leur vie, ont cherché d'où ils venaient. Et donc on est venus mettre un baume sur ces plaies-là qui étaient béantes et qui étaient... qui étaient, donc, chez ces personnes-là.

On a également fait la modernisation d'environ 30 lois afin que puissent s'y reconnaître et s'y retrouver les familles LGBTQ+ aussi. La reconnaissance des personnes non binaires dans nos textes de loi. Il y a également eu la présomption de paternité pour les conjoints de fait pour une égalité entre tous les enfants, et ça, peu importe le contexte de leur naissance. L'intérêt de l'enfant comme critère cardinal de toute décision qui le concerne, et ça revient justement à la phrase qu'on s'était donnée : L'enfant d'abord. Et finalement la protection des comptes conjoints en cas de décès pour chacun... pour que chacun, en fait, ait accès à son argent.

Et, même si ces avancées marquaient assurément un tournant en droit de la famille, le travail n'était guère terminé, et, Mme la Présidente, on ne s'est pas arrêtés là, on ne s'est pas arrêtés en si bon chemin. Ainsi, en février 2023, nous déposions le projet de loi n° 12, la Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui. Et, grâce à cette loi, les avancées sont les suivantes, Mme la Présidente : une mère dont l'enfant est issu d'un viol peut désormais refuser à l'agresseur l'établissement de sa paternité auprès de l'enfant. Vous conviendrez comme moi que ça aurait dû être fait il y a longtemps, et c'est une aberration, mais, bon, c'est nous qui l'avons changé, et nous l'avons modifié, évidemment, au bénéfice de l'enfant et de la mère. Un agresseur... Merci beaucoup. Merci aux collègues, merci au ministre de la Justice, merci à notre gouvernement d'avoir fait ces changements-là. Un agresseur sexuel peut être tenu de verser une indemnité pour subvenir aux besoins de l'enfant issu de son viol. Un enfant qui est issu d'un viol peut hériter de l'agresseur. Le fardeau de la preuve en matière de déchéance de l'autorité parentale repose désormais sur le parent fautif lorsqu'il a été reconnu coupable d'une infraction de nature sexuelle sur un enfant. Un encadrement clair et sécuritaire est mis en place pour les projets de grossesse pour autrui, assurant la protection des droits des mères porteuses et des enfants à naître.

Mme la Présidente, aucun gouvernement n'avait osé s'attaquer à des questions aussi sensibles, certains admettant même ne pas trop savoir par quel bout prendre ça. Vous le saviez, vous étiez là à cette époque dans l'opposition. Les familles sont trop importantes, nos enfants sont trop importants, il n'était pas question pour nous de les laisser encore dans l'attente. Le droit de la famille n'a pas évolué au même rythme que les familles au Québec, si bien que peu d'entre elles trouvent réponse à leurs besoins dans le cadre législatif actuel, qui date des années 80. Un rattrapage était nécessaire, nous sommes tous d'accord.

Et donc avec le projet de loi n° 56 qui est à l'étude actuellement, nous venons poursuivre et parachever, je dirais même, ce vaste chantier que nous avons entamé. Le projet de loi vient poser le jalon manquant de la réforme du droit de la famille. Poursuivons nos efforts, faisons-le pour nos enfants, faisons-le pour l'avenir puisque ce droit sera celui qui sera des prochaines décennies. Et donc c'est ce qu'on vient faire et c'est ce qu'on vient marquer, Mme la Présidente.

Donc, en terminant, j'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui ont pris part de près ou de loin à cette vaste réforme en trois temps du droit de la famille, toutes les équipes qui y ont travaillé, l'ensemble des collègues, le ministre de la Justice, envers qui je lève le chapeau, l'ancienne ministre de la Justice, qui est actuellement présidente du Conseil du trésor, et aussi un merci à M. Alain Roy, qui nous a accompagnés également durant nos travaux. Donc, merci. Et bon succès.

Et vous comprendrez de par mes remarques et de par mon intervention aujourd'hui que je serai en faveur et que j'inviterai les collègues à voter pour l'adoption de principe et, suite à l'étude détaillée, certainement d'adopter ce projet de loi, à la fin, pour nos familles, pour nos enfants et pour l'avenir du Québec. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Mise aux voix

Comme il n'y a pas d'autre intervention, le principe du projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la Commission des institutions

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et donc, conformément à l'article 243 de notre règlement, je fais motion afin que le projet de loi n° 56, la Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale, soit déféré à la Commission des institutions pour son étude détaillée et que le ministre de la Justice soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

• (12 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté. M. le leader du gouvernement, pour la suite des travaux.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous demanderais d'appeler l'article 11 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 30

Adoption

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : À l'article 11 du feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du projet de loi n° 30, Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier.

Alors, je vous cède la parole, M. le député de Chapleau.

M. Mathieu Lévesque

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est effectivement en ma qualité de député de Chapleau que j'interviens à ce stade-ci. Je remercie le ministre des Finances pour sa confiance, de me permettre de procéder, donc, à l'adoption finale et d'intervenir à ce stade-ci, cet important stade du projet de loi.

Je vous salue, je salue également les collègues de la banquette gouvernementale et également de l'opposition. Et donc, Mme la Présidente, sans plus tarder, je vous présente pour adoption, et aux collègues également, le projet de loi n° 30, qui apporte divers ajustements aux lois du secteur financier et à la Loi sur le courtage immobilier.

Ce projet de loi, au final, Mme la Présidente, vient servir le public et son intérêt. Il le fait notamment en faisant en sorte que les personnes qui font l'acquisition de véhicules automobiles acquièrent plus couramment leurs assurances auprès d'intervenants certifiés et en apportant un changement important aux assurances sur la vie, santé et perte d'emploi offertes directement par les concessionnaires.

Il vient également ajouter le fait que... en créant un cadre adéquat et efficace pour l'intervention de personnes non certifiées dans le traitement de réclamations en assurance de dommages et en assurant plus de flexibilité, en facilitant le fait qu'une personne agisse à la fois comme agente et comme experte en sinistre, en bonifiant également les outils disponibles à l'Autorité des marchés financiers et à l'organisme d'autoréglementation du courtage immobilier pour assurer la conformité à nos lois, en mettant en place le meilleur cadre possible pour la création, au Québec, d'unions réciproques, en apportant divers allègements au bénéfice de l'industrie.

Ce projet est également la démonstration qu'il est possible, Mme la Présidente, d'avancer efficacement lorsque chacun y met du sien. En effet, je tiens à souligner une fois de plus la collaboration des oppositions lors des travaux parlementaires. Nous avons réussi à centrer nos discussions sur les sujets les plus essentiels afin de procéder rondement.

On souligne également l'ouverture, la franchise et l'esprit de collaboration des divers groupes qui ont collaboré avec le ministère des Finances lors de la préparation du projet.

Mme la Présidente, le secteur financier est très, très important. Il mérite qu'on apporte une attention constante aux lois qui le concernent. La collaboration dont je viens de parler nous permettra, je l'espère, de reprendre la cadence et d'éventuellement présenter à cette Assemblée, environ une fois par année, un projet de loi qui le concerne. D'ailleurs, les équipes du ministère des Finances sont déjà au travail afin d'identifier les prochaines améliorations possibles et de préparer un projet de loi bien ficelé.

Je demande donc sans plus tarder à tous mes collègues... j'invite les collègues de bien vouloir appuyer le projet de loi n° 30 afin qu'il soit adopté et entre en vigueur le plus rapidement possible. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée de d'Arcy-McGee.

Mme Elisabeth Prass

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Le projet de loi n° 30 est un projet de loi omnibus qui concerne le secteur financier, dont l'application, dans sa forme actuelle, laisse plusieurs intervenants avec des questions et des objections quant à son application. Bien que les objectifs de ce projet de loi soient louables, nous devions nous assurer qu'il n'y a pas de conséquences indésirables qui découlent de l'application de celui-ci.

Après le dépôt du projet de loi, nous avons eu des représentations de la part de plusieurs groupes qui sont directement touchés par ce projet de loi et qui craignent des conséquences trop grandes sur leur industrie ou encore pour la protection du public.

Aujourd'hui, l'Autorité des marchés financiers peut déclencher un mécanisme qui fait en sorte que les compagnies peuvent utiliser des employés qui n'ont pas la certification d'expert en sinistre afin de procéder à des évaluations dans des situations de grand volume. Toutefois, ce mécanisme a été déclenché cinq fois au cours des six dernières années.

Afin de simplifier les processus, le projet de loi vient encadrer l'utilisation de ces employés qui ne sont pas experts pour répondre aux enjeux de main-d'oeuvre, donc permettant à toute personne à l'emploi d'un cabinet, d'une société autonome ou d'un représentant autonome d'exercer des activités sous la supervision d'un expert en sinistre sous réserve du respect de certaines conditions. Cette personne doit notamment informer le sinistré du fait qu'elle agit sous la supervision d'un expert en sinistre et identifier ce dernier ainsi que transmettre le dossier à l'expert sur demande.

Dans le cas des experts en sinistre, ce qui est important, c'est de s'assurer que l'ensemble des personnes assurées reçoivent des services de qualité. Il est donc important pour nous de s'assurer que cette pratique d'avoir recours à des surnuméraires pour faire des expertises en sinistre ne vient pas léser les clients et ne viendra pas complexifier davantage les processus administratifs auxquels doivent se plier les Québécois.

Lors de l'étude détaillée, mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a suggéré que nous récoltions des données afin de bien comprendre si l'utilisation de personnels qui ne sont pas experts en sinistre a des impacts sur les réclamations d'assurance. Nous avons tous été surpris qu'ils refusent. Notre but ici était de nous assurer que les lois et règlements que nous mettons en place soient les plus efficaces possibles. Comment s'en assurer, que les modifications apportées à la loi sont efficaces, si on n'analyse pas les données qui en découlent, l'avenir nous... si des modifications auraient été bénéfiques pour les personnes assurées?

Dans le milieu du courtage immobilier, de fortes inquiétudes se sont fait entendre concernant certaines dispositions du projet de loi, alors que, selon les courtiers, dont plusieurs se retrouvent dans une lettre publiée par Me Martin Fortier le 6 février dernier... Je vais vous lire un extrait... Je vais vous lire... je vais vous en lire un extrait : «Le projet de loi n° 30 confère à l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec des pouvoirs très larges, aux contours mal définis, et dont l'application reste arbitraire. En ce moment, l'OACIQ est géré par des gens qui n'exercent pas la profession de courtier immobilier. C'est pourtant une mesure élémentaire pour la protection du public et une exigence fondamentale pour les 46 ordres professionnels du Québec. Si le projet de loi n° 30 assimile l'OACIQ à un ordre professionnel, pourquoi le soustraire à cette obligation qui est à la source même du principe d'autoréglementation? De même, le projet de loi n° 30 reste muet quant à l'application des nouveaux pouvoirs qu'il donne à l'OACIQ. On ne sait pas qui doit établir et imposer des sanctions ni selon quel processus. Comment s'assurer que ces sanctions ne seront pas émises de façon disproportionnée ou arbitraire?»

Lors de l'étude détaillée, nous avons questionné le ministre pour tenter de bien comprendre les modifications proposées, et ce dernier nous a mentionné qu'il y avait eu une incompréhension de la part des courtiers immobiliers et que le projet de loi n'entraîne pas de conséquence inattendue sur cette industrie. Les inquiétudes étaient fortes. Alors, nous espérons que le ministre a raison.

Les concessionnaires automobiles se sont montrés inquiets que le ministre retire la possibilité pour leur industrie de faire la distribution d'assurance sans représentant. La vente de ces produits a généré des revenus de presque 150 millions pour les concessionnaires, selon le rapport d'analyse des divulgations de l'AMF 2020‑2021‑2022, alors que ce sont presque 64 000 assureurs de remplacement qui ont été vendus en 2022 par l'entremise de 2 200 concessionnaires.

De plus, si on ajoute la vente d'environ 72 000 produits d'assurance vie, santé et perte d'emploi d'un débiteur, les pertes potentielles s'élèvent à environ 160 millions de dollars au total. C'est de l'argent et cela aurait définitivement un impact sur la santé financière des concessionnaires. Nous sommes toutefois conscients que l'AMF a des reproches à faire à la manière... à propos de la rémunération moyenne versée aux concessionnaires pour la vente d'assurance de remplacement et pour les VSPED. Selon l'AMF, ces taux de rémunération élevés sont susceptibles d'induire des mauvaises pratiques dans l'industrie.

De plus, l'autorité soulève que des assurances à prime unique se démarquent de façon défavorable pour les consommateurs parce que le coût de ces produits est généralement inclus sur le financement de sa voiture. Ceci fait en sorte que le paiement de primes se fait avec un taux d'intérêt supplémentaire et qu'il devient plus difficile de reconsidérer une telle assurance durant la vie de voitures.

Toutefois, les concessionnaires sont bien conscients que certaines pratiques allaient trop loin et qu'un meilleur encadrement est nécessaire. Ils ont d'ailleurs eux-mêmes suggéré au ministre et à l'AMF de mettre en place un meilleur encadrement de leurs pratiques pour s'assurer que l'industrie adopte les meilleures pratiques. Pour les concessionnaires, il apparaît opportun d'explorer un encadrement limitant la rémunération du distributeur. Bien qu'une divulgation obligatoire ait été mise en place par le passé, ils sont favorables à limiter les profits afin de favoriser un encadrement sans faille. Ils croient d'ailleurs que la commission pourrait justement être plafonnée.

Aussi, une tarification standardisée selon certains paramètres de couverture pourrait être introduite comme il se fait ailleurs dans le monde. Dans la même veine, un renforcement des mesures existantes visant à interdire la rémunération indirecte est déterminant. Toute forme de rémunération ou incitatif indirect doit être interdit et sanctionné, allant jusqu'à l'empêchement de pouvoir en offrir. Dans un marché hautement compétitif, où la rémunération est majoritairement centrée sur la performance, il est d'autant plus important d'avoir des filets de sécurité pour s'assurer d'un traitement équitable du consommateur. Des mesures d'une telle nature seront supportées par les regroupements, puisqu'ils les considèrent essentielles à la pérennité des entreprises que nous représentons et des citoyens y travaillant. Bien que cette option ait déjà fait l'objet d'études par le passé, elle est, selon nous toujours d'actualité, celle de l'introduction d'un régime de certificat restreint ou équivalent.

Comme vous le savez, la distribution des produits de services financiers chez les concessionnaires se fait via une personne, le poste de directeur commercial. Bien que la majorité d'entre eux travaillent correctement et selon les directives des assureurs...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée de D'Arcy-McGee, si vous désirez, vous allez pouvoir conclure à la reprise du débat.

Donc, considérant l'heure, et pour permettre la tenue des affaires inscrites par les députés de l'opposition, cet après-midi, le présent débat sur l'adoption du projet de loi n° 30 est ajourné, et les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 heures)

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, bon mercredi après-midi, chers collègues.

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée rappelle que l'État de droit est
un des fondements de la démocratie québécoise

Je vous invite, s'il vous plaît, à bien vouloir vous asseoir, car nous en sommes maintenant aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Et, à l'article 54 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, M. le député de l'Acadie présente la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale rappelle que dans une société libre et démocratique, nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs droits;

«Qu'elle rappelle que l'État de droit est un [fondement] de la démocratie québécoise.»

Je vous informe que la répartition du temps de parole pour le débat restreint sur la motion inscrite par M. le député de l'Acadie s'effectuera comme suit : 10 minutes sont réservées à l'auteur de la motion pour sa réplique, 53 min 30 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 29 min 3 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 18 min 21 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 6 min 7 s sont allouées au troisième groupe d'opposition, 1 min 30 s sont allouées à chacun des députés indépendants. Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. Enfin, je rappelle aux députés indépendants que, s'ils souhaitent intervenir au cours du débat, ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Alors, je cède maintenant la parole à M. le député de l'Acadie.

M. André Albert Morin

M. Morin : Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec plaisir que je m'adresse à cette Chambre cet après-midi dans le cas d'un débat, dans le cas d'une motion qui a été présentée, et je prends la peine de la lire, parce que je pense que c'est important de se rappeler les fondements d'un État de droit :

«Que l'Assemblée nationale rappelle que dans une société libre et démocratique, nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs droits;

«Qu'elle rappelle que l'État de droit est un des fondements de la démocratie québécoise.»

Donc, il y a des éléments importants que je veux souligner d'emblée. D'abord, État de droit, nous sommes privilégiés au Québec, nous vivons dans un État de droit et, évidemment, démocratie québécoise, nous avons la chance, ici, de vivre dans une société où on a des élections, des élections libres. Les gens peuvent voter et les gens qui sont élus représentent l'ensemble de la population. Mais, dans une société de droit, il y a différentes institutions, différents pouvoirs qu'il faut respecter. Et pourquoi j'en parle? Bien, c'est parce que, justement, dans notre État, nous avons bien sûr l'exécutif, c'est le gouvernement, nous avons le législatif, c'est nous, l'ensemble des députés, et il y a également une institution totalement indépendante qui s'appelle le judiciaire, qui est là pour dresser un équilibre dans le cadre des débats, des débats qui sont sains dans notre société.

Mais pourquoi, vous me direz, pourquoi parler de ça aujourd'hui? Bien voilà, la réponse est la suivante. Vous aurez probablement constaté, dans les semaines ou les mois qui ont précédé notre débat d'aujourd'hui, des commentaires qui ont été faits par des ministres ou par le premier ministre relativement à la magistrature. Et je cite et je rappelle notamment cet article qui a été publié dans La Presse, en février, par M. Boisvert, et qui s'intitulait François Legault et les «juges du fédéral», c'était le titre, mais le premier ministre et les juges du fédéral. Le Barreau déplore... Et là je ne pourrai pas citer le titre exactement, qu'on ne m'en fasse pas reproche : Le Barreau déplore les propos du premier ministre. Ce n'était pas ça qui était écrit, mais quand même. Je comprends, je comprends. Donc, autant... autant de commentaires, autant d'attaques, et j'emploie le mot «attaque», contre la magistrature. Puis évidemment un des éléments clés du rôle des juges, c'est, évidemment, d'avoir une réserve. Donc, dans la plupart des cas, en plus, ils ne peuvent pas répondre. Donc, vous voyez, le champ est libre, et je pense que ça, ce n'est pas sain, dans une société de droit.

Ce que le premier ministre laissait entendre, et c'est ce que rapportait M. Boisvert dans son article, c'est qu'au fond, tout dépendant qui vous nomme, vous risquez d'avoir un résultat x ou y. Dans notre société de droit, c'est du jamais vu. Mais le premier ministre n'est pas le seul. On a eu, à un moment donné, le Procureur général qui s'est interrogé, on a eu d'autres ministres du gouvernement de la CAQ qui se sont interrogés sur les nominations des juges. Et je pense qu'il faut... je ne pense pas, en fait, je l'affirme, il faut dénoncer ça, parce que ça nuit à notre société démocratique.

Et la démocratie, au Québec, j'y tiens, c'est un joyau pour l'ensemble de la société québécoise. Mais pourquoi c'est important, un État de droit? Bien, c'est parce que, justement, dans un État de droit, vous avez des systèmes qui sont soumis à des normes juridiques. Donc, ce n'est pas un État où n'importe qui peut faire n'importe quoi, il y a véritablement des normes qui vont notamment protéger des libertés individuelles. Et ça, c'est fondamental dans notre État de droit.

Il y a trois conditions que j'aimerais rappeler en ce qui a trait à l'État de droit : le respect de la loi, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes devant la loi et la séparation des pouvoirs ainsi que l'indépendance des juges. La séparation des pouvoirs assure l'indépendance de la magistrature, et le gouvernement et en particulier le Procureur général, parce qu'il est aussi avocat, devraient soutenir l'indépendance judiciaire et éviter de critiquer leur mode de nomination. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas avoir un esprit critique, ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas critiquer une décision d'un tribunal, mais ça se fait dans un cadre précis. Et c'est une chose que d'être en accord ou pas en accord avec une décision d'un magistrat et de critiquer la façon dont ils sont nommés.

Permettez-moi, permettez-moi de rappeler cet article d'Yves Boisvert : «Les juges ne sont les employés d'aucun gouvernement.» Et il est bien qu'il en soit ainsi. Ils sont là pour appliquer les chartes, qu'ils n'ont pas demandées. Quand l'Assemblée nationale du Québec a adopté la charte québécoise des droits et libertés de la personne, c'est le Parlement qui a décidé, même chose pour la Charte canadienne des droits et libertés. Et je pense que ça, il faut le rappeler.

D'ailleurs, d'ailleurs, le Barreau dénonçait les propos du premier ministre et dénonçait également des positions du ministre de la Justice, parce qu'agir de la sorte fait en sorte qu'on va éventuellement effriter la confiance qu'on doit avoir envers le système de justice. De souligner ou de remettre en cause l'intégrité d'un magistrat en tenant compte de qui le nomme est un exercice qui est non seulement périlleux, mais qui est dangereux pour notre démocratie. On en a un, un mode de nomination au Québec. Il y a un mode de nomination également au fédéral. On se rappellera que des ministres, le premier ministre, et je le soulignais, ont mis en doute ce qui allait devenir d'une décision judiciaire, tout dépendant des modes de nomination des magistrats. C'est curieux, quand même, hein, parce que, quand la Cour d'appel du Québec a eu à se prononcer sur la loi n° 21, c'était un jugement unanime, puis ils ont donné raison au gouvernement du Québec. Pourtant, si mon souvenir est bon, les juges de la Cour d'appel du Québec sont nommés par le fédéral, mais ils appartiennent à une cour qui est gérée par la province. Alors, déjà, à ce moment-là, le postulat du premier ministre n'est pas exact, en commençant par ça.

• (15 h 10) •

Deuxièmement, parlons des nominations qui sont faites au Québec par le Conseil des ministres. On a un bon mode de fonctionnement : un concours est annoncé, il y a un jury qui est formé, des candidats, des candidates appliquent, et, à ce moment-là, après ça, il y a une recommandation qui est faite, et c'est le ministre qui va faire une recommandation au Conseil des ministres. Ils sont nommés par le gouvernement du Québec. Alors, si je suis le raisonnement du premier ministre et son postulat, parce qu'attention, juges nommés par le fédéral, on va peut-être avoir un résultat x, est-ce que ça veut dire que, les juges qui sont nommés par le gouvernement du Québec, on va avoir un résultat y en faveur du gouvernement du Québec? Bien sûr que non, évidemment que non, et il est bien qu'il en soit ainsi. C'est normal qu'il en soit ainsi, mais vous comprendrez, M. le Président, où ce genre de postulat là nous amène, et c'est là que c'est dangereux. Essayer, évidemment, d'instrumentaliser la magistrature, ce n'est pas une bonne idée.

On est chanceux au Québec. On a un régime de droit. On a une charte québécoise des droits et libertés de la personne. Je le disais tout à l'heure, même chose pour le fédéral. Je le rappelle, ce n'est pas les juges qui l'ont demandé, hein? C'est la population, c'est les parlementaires qui ont décidé, pour la charte québécoise, qui est arrivée bien avant la charte canadienne, soit dit en passant, qui ont décidé que les droits et obligations des gens au Québec allaient être, entre autres, assortis par une charte, et que cette charte-là allait leur donner des droits, et c'est excessivement important dans une société libre et démocratique. C'est la même chose pour la Charte canadienne des droits et libertés. Le Parlement fédéral l'a adoptée. Elle s'applique. Et donc, encore là, ce n'est pas les juges fédéraux qui l'ont demandé, c'est un geste du Parlement.

Et j'aimerais, j'aimerais rappeler un arrêt important de la Cour suprême, l'arrêt Vriend c. la province de l'Alberta, où la cour prend la peine de dire — et certains juges : Les droits et libertés ne sont pas absolus. Effectivement, il faut toujours qu'il y ait un équilibre, que ce soit balancé. Et les législatures peuvent utiliser des restrictions à ces droits, mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que la tâche des tribunaux, quand on a une charte des droits, c'est d'avoir un équilibre, c'est de balancer ces droits qui sont donnés à des citoyens. La Cour suprême rappelle que c'est le peuple canadien qui a choisi l'adoption de la charte des droits et libertés, et notre Constitution, à ce moment-là, a été réaménagée pour en tenir compte. Donc, dorénavant, il y a un équilibre entre le pouvoir législatif et la magistrature, et il est bien qu'il en soit ainsi.

Et, nous le savons, il y a des clauses de dérogation autant dans la charte canadienne que dans la charte québécoise, et le Parlement, en bout de piste, pourra toujours décider de les invoquer ou pas, d'où cet équilibre et ce dialogue entre les tribunaux et le Parlement. Cependant, il faut rappeler que les tribunaux sont indépendants des pouvoirs exécutifs, et donc qu'ils sont là pour faire respecter le droit et qu'ils sont les gardiens de la Constitution, et, ça aussi, c'est effectivement très important. Donc, cette révision judiciaire permet aux citoyens un équilibre, et, dans une société démocratique, ce sont des éléments qui sont essentiels. En fait, dans une véritable démocratie, l'État doit se soucier des droits individuels de ses citoyens, et les citoyens doivent pouvoir s'adresser aux tribunaux pour faire valoir leurs droits.

Autre élément, autre élément que nous voyons depuis quelques semaines — et, quand on a étudié le projet de loi n° 52, on a eu droit à des commentaires de cette nature de certains ministres — on s'interroge sur la validité de certains citoyens de vouloir contester des lois du Parlement. On s'interroge également sur le fait que, parce que des organismes reçoivent des fonds, par ailleurs, des fonds du gouvernement, on s'interroge sur la légitimité de leur action ou de leur contestation devant les tribunaux. Permettez-moi de vous dire que c'est particulièrement étonnant. Et, dans nos démocraties, le recours au judiciaire pour trancher des litiges est essentiel.

Imaginez si, à chaque fois, parce que si on pousse l'argumentaire de certains ministres... si, à chaque fois, on devait s'interroger : Est-ce que je reçois de l'argent du gouvernement ou pas? Est-ce que je veux utiliser des fonds publics ou pas?, avant de décider si on va contester une loi ou pas, bien, si la réponse à ça, c'est de dire : Vous n'avez pas le droit de faire ça parce que vous recevez des subventions gouvernementales ou de l'argent du gouvernement, bien, c'est comme si le gouvernement ou le Procureur général s'achetait une immunité à peu près complète. Parce que, si vous regardez l'ensemble des organismes dans notre société, il y en a plusieurs, il y en a un très grand nombre qui reçoivent des fonds publics. On peut penser à différentes associations, des organismes, des syndicats, à la rigueur, des municipalités, des sociétés de transport. Donc, si vous poussez le règlement... cette affirmation-là au maximum, non seulement les institutions ne pourront jamais s'adresser aux tribunaux, mais ils vont être obligés de vivre avec toutes les lois que le gouvernement adopte. Puis, dans notre société, c'est ce que je disais tantôt, ça ne fonctionne pas comme ça. Et, ça, je pense qu'il faut le rappeler, c'est fondamental. Parce que, dans un État de droit, on vit justement avec une charte des droits qui confère à des individus des droits fondamentaux qu'ils ont le droit de faire valoir devant les tribunaux.

D'ailleurs, d'ailleurs, Michel C. Auger, de La Presse, faisait justement un article à cet effet. Et on se rappelle que, dans Le Devoir du 12 avril, le Procureur général dénonçait la contestation de la loi n° 21 faite avec des fonds publics. Donc, à chaque fois que quelqu'un reçoit des fonds publics, il ne peut plus contester. Ça ne peut pas fonctionner ainsi. Heureusement, on a des tribunaux qui sont indépendants puis qui vont être capables de trancher des litiges.

Mais permettez-moi, permettez-moi de dire, M. le Président, que, quand je vois un procureur général tenir de tels propos, bien, moi, j'ai de la difficulté à comprendre que ça, ou de telles actions, ou de tels propos vont faire en sorte que ça va redonner confiance aux citoyens envers le système de justice. D'ailleurs, d'ailleurs, le procureur général connaît très bien la mission de son ministère, permettez-moi de la rappeler : Favoriser la confiance des citoyens en la justice et le respect des droits par le maintien au Québec d'un système de justice accessible et intègre ainsi que de faire respecter la primauté du droit. C'est quand même fondamental. C'est une mission qui est très noble. Mais, quand, d'un côté, un procureur général et ministre de la Justice essaie de faire vivre cette mission et que, de l'autre côté, il tient, dans la sphère publique, des propos où il dénonce des contestations qui pourraient être faites avec des fonds publics, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre que ça pourrait redonner la confiance des citoyens envers le système de justice en général.

Puis c'est aussi fondamental, c'est aussi fondamental de respecter la primauté du droit. Et je pense que c'est important de définir c'est quoi, la primauté du droit. Dans un État de droit, et c'est dans un État dans lequel on vit, la primauté du droit fait en sorte que tous les citoyens, tous les fonctionnaires, du premier fonctionnaire au dernier fonctionnaire, du premier ministre à tout l'ensemble des ministres et à l'ensemble des citoyens, ce que ça veut dire, c'est qu'il n'y a personne qui est au-dessus de la loi, personne. Et, si jamais il y a de ces droits-là ou si jamais on pense qu'une personne en autorité ne respecte pas son mandat ou ses fonctions, on peut s'adresser aux tribunaux pour le faire valider. C'est fondamental parce que ça permet de contrôler l'action gouvernementale et cela dissuade les abus de pouvoir et encourage les institutions à agir selon la loi. Donc, la primauté du droit, c'est totalement essentiel, dans notre société, et le ministre doit évidemment y veiller, c'est dans sa mission.

• (15 h 20) •

Rappelons-nous, rappelons-nous l'arrêt célèbre de la Cour suprême, Roncarelli c. Duplessis, où la Cour suprême a rappelé à Duplessis qu'il avait beau être premier ministre et Procureur général, il fallait quand même qu'il respecte la loi. Et, plus récemment, dans un autre arrêt qui s'appelle... la Cour suprême rappelait que les corps de police ne sont pas non plus au-dessus de la loi. Donc, ça, c'est fondamental et ça permet de contrôler l'action gouvernementale et donc de faire en sorte qu'il y a un équilibre dans notre société. Ça permet également à s'assurer que les justiciables auront accès à la justice, et ça, c'est un pilier essentiel de la démocratie et de notre État de droit.

Un ministre ou un ministère ne peut pas être au-dessus des lois, c'est totalement fondamental. Et il faut se rappeler également qu'on peut critiquer, on peut avoir des opinions différentes, mais le gouvernement n'est certainement pas en possession tranquille de la vérité et que parfois son action peut causer des préjudices à des groupes de personnes. Donc, à ce moment-là, il faut permettre à ces personnes-là d'avoir recours aux tribunaux.

Je vais m'arrêter, à ce stade-ci, et je pourrai revenir, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. Et je suis maintenant prêt à reconnaître le prochain intervenant. Ce sera M. le ministre de la Justice.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Un plaisir de vous retrouver. Je remercie le député de l'Acadie de saisir cette Assemblée pour une motion inscrite par les députés de l'opposition. On n'a pas souvent l'occasion de faire ça, alors je l'apprécie.

M. le Président, d'entrée de jeu, j'aimerais déposer un amendement à la motion présentée par mon collègue. Donc, au premier alinéa, retirer les mots «nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux par des citoyens ou des organisations» et les remplacer par «tous citoyens ou organisations ont le droit de s'adresser aux tribunaux».

Deuxièmement, à la suite du premier alinéa, ajouter l'alinéa suivant :

«Qu'elle rappelle toutefois que ce droit n'empêche en rien que, dans une société libre et démocratique, la décision d'un citoyen ou d'une organisation de s'adresser aux tribunaux puisse être critiquée ou débattue;».

Donc, la motion amendée se lirait ainsi :

«Que l'Assemblée nationale rappelle que, dans une société libre et démocratique, tous citoyens ou organisations ont le droit de s'adresser aux tribunaux si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs droits;

«Qu'elle rappelle toutefois que ce droit n'empêche en rien que, dans une société libre et démocratique, la décision d'un citoyen ou d'une organisation de s'adresser aux tribunaux puisse être critiquée ou débattue;

«Qu'elle rappelle que l'État de droit est un des fondements de la démocratie québécoise.»

Alors, M. le Président, j'espère qu'on acceptera mon amendement, mais nous verrons plus tard.

Mme la Présidente... M. le Président, écoutez, j'écoutais avec intérêt mon collègue de l'Acadie, et je vous dirais que — j'étais sur ma chaise, juste ici — ses propos étaient un peu lunaires, M. le Président, un peu lunaires et, je vous dirais, surréalistes, parce que le député de l'Acadie nous a fait un résumé de certains principes juridiques qui gouvernent notre système de justice mais d'une façon tronquée, hein? On a invoqué des arrêts de décisions de la Cour suprême en présentant certains faits, on a parlé également de l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, on a parlé ensuite de l'adoption de la charte des droits et libertés, donc, de la charte canadienne. Le député de l'Acadie, je l'ai entendu tout à l'heure, il dit : Écoutez, notre Assemblée a adopté la Charte des droits et libertés de la personne. Oui, c'est vrai, on a été les premiers, en 1975, M. le Président, une loi qui est fondamentale pour l'État québécois, une loi qui est fondamentale pour le peuple québécois, qui garantit des droits et libertés aux citoyens et citoyennes.

Et savez-vous ce qu'il y a dans la charte québécoise, présentement, M. le Président? Il y a le droit à la laïcité, il y a le droit de vivre en français. Et savez-vous quoi, M. le Président? Lorsqu'on est venu amender la Charte des droits et libertés de la personne pour garantir davantage de droits aux Québécoises et aux Québécois, qu'est-ce que le Parti libéral du Québec a fait? Il a voté contre le fait de donner davantage de droits aux Québécois, notamment le droit de vivre en français et notamment le droit d'avoir accès à la laïcité, le droit que tous les citoyens soient égaux, peu importe leur religion, devant la loi. Mais, pire que ça, M. le Président, le député de l'Acadie, tout à l'heure, nous a dit : Et on a introduit la charte canadienne, la Charte des droits et libertés de la personne, en 1982, M. le Président. Et il a dit : Le peuple canadien a choisi d'avoir une charte des droits et libertés dans la Constitution. Le peuple canadien a choisi, Mme la Présidente... M. le Président. J'en suis éberlué, M. le Président.

Écoutez, de son siège de député de l'Acadie, M. le Président, un siège de l'Acadie qui est à Montréal, qui est au Québec, M. le Président, il se félicite d'avoir la charte canadienne par un rapatriement forcé qui a été mis dans la gorge des Québécois et des Québécoises. Cette Assemblée nationale n'a jamais reconnu le rapatriement de la Constitution canadienne et n'a jamais adhéré à l'insertion d'une charte des droits et libertés dans la Constitution canadienne, M. le Président. Ça, M. le Président, là... Ça, M. le Président, là, quand j'entends ça ici, à cette Assemblée, là, de tenir de tels propos, là, c'est de trahir le peuple québécois, M. le Président, de dire : Écoutez, moi, je reconnais, comme député de l'Assemble nationale, la légitimité de la Constitution canadienne, contrairement à tous les gouvernements successifs depuis 1982, qu'ils soient du Parti québécois, du Parti libéral du Québec et même de la Coalition avenir Québec, M. le Président. Écoutez, même le Parti libéral de Philippe Couillard n'a pas signé la Constitution parce qu'il savait que ça a été inséré de force contre la volonté du peuple québécois. Et là on est rendus avec un Parti libéral du Québec qui défend la Constitution canadienne au détriment des compétences du Québec. La prochaine étape, M. le Président, là, ça va être que le Parti libéral va être d'accord avec les actions de Justin Trudeau de faire en sorte d'empiéter les champs de compétence du Québec, M. le Président.

Oui, levez-vous, M. le leader, il est temps.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : M. le leader, je vous écoute, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Derraji : M. le Président, je pense que le ministre de la Justice est tellement excité par cette excellente motion du mercredi, je l'invite à un peu de prudence, parce que je pense... Je tiens juste à lui rappeler les dernières motions par rapport à l'attitude du gouvernement fédéral. Donc, je l'invite à un peu plus de prudence, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : M. le leader adjoint, je vous écoute, rapidement.

M. Lévesque (Chapleau) : M. le Président, ce sont des faits qui sont énoncés par le leader, et c'est factuel, et c'est historique, en plus, ce qu'il nous dit, M. le ministre de la Justice, donc...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Ce que j'entends... Ce que j'entends, c'est qu'on va continuer, on va poursuivre. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de poursuivre. De la prudence, s'il vous plaît, dans les propos. Je vous invite à poursuivre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, vous connaissez ma grande prudence, mais je ne peux m'empêcher, M. le Président, de continuer d'être éberlué. On a un Parti libéral du Québec qui revient sur ses positions, qui renie Robert Bourassa, qui était assis dans ce siège-ci, M. le Président. 23 juin 1990, M. le Président, le premier ministre Bourassa, du Parti libéral du Québec, qu'est-ce qu'il dit? Il dit : «...quoi qu'on [en] dise et quoi qu'on [en] fasse, le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement.»

On a manqué une méchante bonne partie de l'autre côté, là, M. le Président. Le député de l'Acadie est en train de nous dire : Le peuple canadien a choisi d'avoir une charte canadienne. Non, le peuple canadien n'a pas choisi parce que le peuple québécois n'a pas adhéré. Notre Assemblée nationale, l'Assemblée nationale des Québécoises et des Québécois n'ont jamais ratifié la Constitution, n'ont jamais été en accord avec la Constitution canadienne, ce rapatriement et l'insertion d'une charte des droits et libertés. Pourquoi? Parce que cette charte, et vous le savez pertinemment, visait à neutraliser, M. le Président, certaines dispositions législatives assemblées par cette Assemblée nationale, notamment la Charte de la langue française.

Et vous le savez pertinemment à quoi sert l'article 23 de la charte canadienne. Ça a été écrit pour répliquer à la Charte de la langue française de 1977. Et, lorsqu'on a fait le débat sur la loi n° 96, le même Parti libéral, près de 40 ans plus tard, s'est encore objecté à la protection de la Charte de la langue française, à la seule langue officielle et commune du Québec, et ça demeurera toujours le cas au Parti libéral, M. le Président.

On a eu M. Bourassa qui a fait des efforts, qui a utilisé la disposition de souveraineté parlementaire de cette Assemblée en 1988 suite à l'arrêt Ford de la Cour suprême. C'était la première fois que cette Assemblée nationale, ici, utilisait la disposition de souveraineté parlementaire, dans le cadre d'un jugement de la Cour suprême, d'une façon curative, et il l'a fait parce qu'il avait une sensibilité par rapport aux droits, aux libertés des Québécois, par rapport à l'importance de protéger la langue française, M. le Président. Il avait eu recours, M. Bourassa, aussi à l'utilisation de la souveraineté parlementaire... la clause de souveraineté parlementaire prise d'une façon préventive également parce qu'il savait que le peuple québécois, que la nation québécoise était une société qui était distincte. Et lui-même n'a jamais accepté le fait qu'on avait inséré une charte des droits et libertés dans la Constitution canadienne et qu'on l'avait rapatriée au détriment de la Constitution canadienne.

• (15 h 30) •

Écoutez, M. le Président, ce n'est pas pour rien qu'ils ont fait Meech. Ce n'est pas pour rien qu'en 1985, quand M. Bourassa, il se fait élire, il mandate Gil Rémillard, qui est professeur à l'Université Laval, puis il le nomme ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, parce qu'eux, ces libéraux-là, ils avaient encore un peu de nationalisme, eux, ces libéraux-là, ils savaient que la souveraineté du Parlement, c'était fondamental, eux, ces libéraux-là, M. le Président, ils savaient qu'il y avait trois piliers dans notre démocratie, eux, ces libéraux-là, ils savaient, M. le Président, que le Parlement n'allait pas se coucher devant les tribunaux comme le Parti libéral nous invite à le faire. Chacun dans son champ de juridiction, le législatif, l'exécutif et le judiciaire, les trois piliers se valent dans notre démocratie, M. le Président, mais c'est notre Assemblée qui va décider pour le peuple québécois.

Et, lorsqu'on utilise la disposition de souveraineté parlementaire, M. le Président, en vertu de notre régime constitutionnel... Et ça, ça va faire plaisir au député de l'Acadie, hein? Contrairement à son groupe parlementaire, où il sait que c'est conditionnel, où il sait que le Parlement, en vertu de la disposition de l'article 33 de la Constitution canadienne, il est légitime, il est possible, et ça fait partie de ce que... et je le citerai, de ce que les Canadiens ont voulu, les Québécois n'ont pas voulu ça. Mais le reste du peuple canadien, dans le reste du Canada, c'est eux qui ont insisté, les premiers ministres des autres provinces, M. le Président, qui ont insisté pour avoir une disposition de souveraineté parlementaire parce qu'ils ne faisaient pas confiance au Parlement fédéral ni au gouvernement fédéral, M. le Président.

C'est un équilibre, la fédération canadienne. Et, lorsque je vois le Parti libéral du Québec critiquer l'utilisation de la disposition de souveraineté parlementaire, tout comme le deuxième groupe d'opposition, comme Québec solidaire, des soi-disant souverainistes, mais qui sont d'accord avec M. Trudeau, M. le Président, on n'est pas à une incohérence près, bien, je me questionne. Je me questionne, de la part de chacun des députés du Parti libéral, vers qui va leur légitimité, envers qui ils sont fidèles. Sont-ils fidèles au peuple québécois, à la nation québécoise, ou sont-ils plutôt fidèles au peuple canadien, M. le Président? Parce que, si on n'est pas capable, du côté du Parti libéral, de reconnaître que, oui, c'est possible de critiquer des recours devant les tribunaux qui sont entrepris parce qu'on est dans une société libre et démocratique, parce qu'on est dans une société, M. le Président, où on garantit la liberté d'expression...

J'espère que le député de l'Acadie n'est pas en train de nous dire qu'on ne devrait pas reconnaître la liberté d'expression, de critiquer. Les gens ont le droit de s'adresser aux tribunaux, M. le Président. Il n'y a personne qui critique ça. On peut faire valoir nos droits devant les tribunaux. Tout le monde est d'accord avec ça, M. le Président. Ce que le député de l'Acadie voudrait, par contre, c'est de bâillonner les gens, de dire : Bien, écoutez, oui, je critique votre décision d'aller devant les tribunaux. C'est une atteinte à la liberté d'expression qui est protégée par la charte québécoise des droits et libertés, M. le Président, ça. C'est garanti, la liberté d'expression, mais, non, le Parti libéral voudrait nous museler, voudrait faire en sorte de faire comme avec l'ancien projet de loi n° 59 de la ministre de la Justice, la députée de Gatineau, M. le Président.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Je vous écoute.

M. Derraji : Le leader du gouvernement, il sait très bien comment ça marche. Depuis tout à l'heure, pas une fois, pas deux, il nous prête des intentions. Le collègue de l'Acadie n'a pas dit «museler». Il le sait très bien. Qu'il se limite aux propos de la motion, M. le Président, et je l'invite à plus de prudence et de ne pas nous prêter des intentions parce que je vais me lever à chaque fois. Je sais qu'il aime la motion et...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : J'ai entendu, M. le leader, j'ai entendu. Je pense que j'ai entendu. Rapidement, M. le leader adjoint.

M. Lévesque (Chapleau) : ...mais les faits sont têtus. Puis peut-être qu'il y a un examen de conscience à faire auprès du Parti libéral, M. le Président.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Non, c'est correct, c'est correct. C'est correct, c'est correct.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : S'il vous plaît! Je suis debout. Je suis debout. Je suis debout. Je vais demander de la prudence, de ne pas prêter des intentions. C'est dans notre règlement. Je pense que vous êtes des parlementaires aguerris.

Alors, M. le ministre de la Justice, je vous invite, s'il vous plaît, à poursuivre, en étant prudent, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je me sens muselé. Le député de l'Acadie me vise personnellement. Il dit : Ça n'a pas de sens que le Procureur général conteste le fait que certaines organisations utilisent des fonds publics pour contester des lois qui ont été légitimement adoptées à l'Assemble nationale. Je veux être très clair, M. le Président : tous les citoyens ont le droit de contester les lois qui sont adoptées par les Parlements, les organisations aussi. Par contre, il y a quand même des questions qui peuvent être soulevées. Et, oui, on a le droit de critiquer les choix. Parce que, vous savez, comme Procureur général, moi, je suis gardien de la constitutionnalité des lois, et n'importe quel ministre de la Justice, peu importe la formation politique, qui se retrouverait dans mes souliers, M. le Président, devrait faire la même chose, parce que c'est notre devoir, c'est le principe.

À partir du moment où une loi est votée ici, à l'Assemble nationale, il y a une présomption de constitutionnalité qui existe, M. le Président. Et, lorsque je vois des organisations, notamment comme la FAE, qui utilisent des fonds publics, et qui utilisent des fonds de travailleurs, M. le Président, hein, des enseignants et des enseignantes qui paient, à chaque semaine, une vingtaine de dollars sur leur paie, qui n'ont pas de fonds de grève, puis qu'on conteste une loi adoptée par l'Assemblée nationale, oui, il y a des questions qui se posent, M. le Président, sur le port de signes religieux, parce qu'on est venus faire en sorte de donner le droit à la laïcité pour les enfants, pour les élèves, pour le corps professoral, pour la direction, pour le peuple québécois, pour la nation québécoise. Et ça, ça compte, et c'est ce que la nation québécoise souhaite.

Nous ne sommes pas dans le régime canadien uniquement. Nous sommes au Québec. La société québécoise, elle est distincte, elle a des valeurs sociales distinctes, M. le Président. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour suprême du Canada, M. le Président. Je vous cite la Cour suprême en tout respect.

Alors, M. le Président, est-ce qu'on peut avoir cet espace de liberté là? Et surtout, M. le Président, dans notre système parlementaire dans lequel on évolue, c'est un système parlementaire de type britannique, et il y a un dialogue interinstitutions, hein? Le Parlement adopte des lois. La constitutionnalité des lois ou l'interprétation, elle est faite par les tribunaux. À partir du moment où les tribunaux se prononcent sur une loi et que le législateur est en désaccord, il y a un dialogue interinstitutionnel qui se produit. Et qu'a voulu le constituant, notamment le constituant canadien, que mon collègue de l'Acadie apprécie? Il a voulu laisser la souveraineté parlementaire aux parlementaires, aux députés, aux gens qui sont élus par le peuple québécois, M. le Président.

Et, M. le Président, jusqu'à la fin de mon mandat, ou de tous les mandats que je ferai peut-être, M. le Président, je vais me battre à tous les jours pour rappeler que, dans notre système, les élus ont un rôle fondamental à jouer. La magistrature a un rôle important aussi, celui du contrôle des lois, celui de l'interprétation des lois, mais, à partir du moment où le Parlement parle et utilise une disposition de souveraineté parlementaire, ça appartient au Parlement, conformément à la Constitution.

Autre point, M. le Président, on a parlé de la primauté du droit. Bien, en fait, juste avant, M. le Président, on a dit... dans la motion, on dit : On ne doit pas critiquer les décisions, hein, bien, pas les décisions, mais le recours aux tribunaux : «Que l'Assemblée nationale rappelle que dans une société libre et démocratique, nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs droits.» Si je prends le raisonnement du Parti libéral du Québec, là, ça voudrait dire, là, qu'un ex-conjoint, là, qui faisait de la violence conjugale envers sa conjointe puis qui multiplie les recours devant les tribunaux, sa conjointe ne devrait pas... son ex-conjointe ne devrait pas critiquer ça? Il y a présence de violence judiciaire, requête après requête, après requête, après requête, pour faire en sorte de maintenir un contrôle sur la victime. Si on votait en faveur de la motion telle que libellée par le député de l'Acadie, M. le Président, ça voudrait dire qu'on dirait à la victime de violence conjugale : Non, tu n'as pas le droit de critiquer le recours aux tribunaux par ton ex-conjoint, il a le droit de s'adresser aux tribunaux, puis on ne devrait pas le critiquer, on ne devrait pas le condamner, alors qu'il utilise la procédure judiciaire pour maintenir la violence, le contrôle sur sa femme, son ex-femme et ses enfants. C'est à ça que nous invite le député de l'Acadie. C'est à ça que nous invite le Parti libéral du Québec. Trouvez-vous ça normal, M. le Président?

La proposition du Parti libéral aussi me dérange et, je vous dirais, me chatouille aussi. Parce qu'en disant : «...rappelle que dans une société libre et démocratique, nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs droits», que fait le député de l'Acadie avec les poursuites-bâillons? Est-ce que le député de l'Acadie remet en question le Code de procédure civile, M. le Président, qui a été adopté récemment par l'ancien ministre St-Arnaud, du Parti québécois, en collaboration avec l'ancien député de Fabre, ancien bâtonnier Gilles Ouimet, qui était porte-parole du Parti libéral en cette matière? Je pense d'ailleurs que vous étiez là, M. le Président, hein? On est clairement venus prévoir, M. le Président, par l'article 54 notamment, qu'on peut faire rejeter des procédures parce qu'il s'agit de poursuites-bâillons.

• (15 h 40) •

Pensez à des grosses compagnies qui veulent museler les citoyens en matière environnementale, en matière de santé, en... sur plusieurs sujets. Ce que le député de l'Acadie nous dit : Aïe! on ne devrait pas critiquer ça, une multinationale qui attaque des citoyens, pour faire en sorte que, malgré le fait qu'ils se retrouvent dans une situation de vulnérabilité, bien, ils ne devraient pas critiquer le fait qu'une mégacompagnie souhaite les écraser devant les tribunaux. La motion, telle que libellée, c'est exactement ça.

Pensez à un cas qu'on a eu récemment, une personne âgée, il y a quelques années, une personne âgée, M. le Président, qui était dans un CHSLD privé, puis que la fille de la victime, qui était âgée d'une soixantaine d'années... la dame ou le monsieur qui est décédé, il avait 80, 90 ans, il avait subi des mauvais traitements, puis elle avait entamé une poursuite contre le groupe, puis même elle avait eu des commentaires publics. La grande compagnie, qu'est-ce qu'elle avait fait? Elle l'avait poursuivie. La dame, sans ressources, s'était adressée aux journalistes pour dire : Bien, ça n'a pas de sens, je suis victime d'une poursuite-bâillon. Qu'est-ce qu'il aurait fallu faire? Il aurait fallu dire : Non, madame, votre père, votre mère est mort, puis là, à ce moment-là, vous avez une poursuite contre vous, puis on ne devrait pas condamner le recours à une poursuite? C'est ça que la motion du député de l'Acadie nous amène.

Le Code de procédure civile est rempli notamment de moyens déclinatoires, de moyens dilatoires, de requêtes en rejet pour faire en sorte que... oui, il y a des procédures judiciaires qui n'ont pas de sens, qui n'ont pas de bon sens, puis nos règles de droit prévoient, des règles qui ont été adoptées à l'unanimité à l'Assemble nationale, que, oui, on peut les faire rejeter. Donc, la démarche intellectuelle préalable à ça, c'est de dire : Bien oui, je peux condamner un recours, j'ai le droit de m'exprimer, nous avons le droit de nous exprimer.

M. le Président, les gens ont le droit de s'adresser aux tribunaux, mais il y en a qui utilisent les tribunaux, M. le Président, pour faire de la politique, pour attaquer des choix qui sont collectifs. Ça leur appartient, mais ce n'est pas vrai que nous ici, à l'Assemble nationale, on va se bâillonner. Puis ce n'est pas vrai qu'on ne soutient pas la primauté du droit parce qu'on critique le fait que des gens prennent des recours. Ce n'est pas vrai, parce qu'il y en a qui utilisent des fonds publics, notamment des centres de services scolaires ou des commissions scolaires, M. le Président, qui utilisent l'argent des citoyens pour contester des lois à l'Assemblée nationale, qu'on ne critiquera pas ça.

M. le Président, on va arrêter de s'excuser, M. le Président, pour défendre qui nous sommes, au Québec. On va arrêter de s'excuser... On va arrêter de s'excuser, M. le Président, pour exister. On va arrêter de s'excuser parce que le Parti libéral veut qu'on rentre dans le moule canadien. On va arrêter de s'excuser parce que le Parti libéral, ils ont perdu tout le nationalisme qui leur restait. On va arrêter de s'excuser, M. le Président, parce qu'il y a un seul parti qui est là pour les Québécois et les Québécoises et qui va faire valoir leurs droits collectifs et leurs droits individuels, M. le Président. Et ça, je vous le garantis, on ne s'excusera jamais pour ça, et on va continuer jour après jour à défendre les Québécois et les Québécoises, parce que la souveraineté parlementaire, elle existe, elle est là, elle va rester, en tout respect de la responsabilité des tribunaux, tout le monde va jouer son rôle, mais ne jamais oublier dans quel régime on évolue, M. le Président, un régime parlementaire de type britannique, où la souveraineté parlementaire a sa finalité. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le ministre de la Justice. Et je rappelle que votre amendement est déposé et, évidemment, peut être accepté ou non, sous réserve de la décision de son auteur, alors, de la première motion. Merci beaucoup.

Alors, pour le prochain intervenant, je reconnais M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Cliche-Rivard : Merci, M. le Président. Nous sommes ici présents pour débattre de la motion suivante, déposée par l'opposition officielle :

«Que l'Assemblée nationale rappelle que dans une société libre et démocratique, nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs droits;

«Qu'elle rappelle que l'État de droit est un des fondements de la démocratie québécoise.»

Ça, c'est la motion telle quelle, actuellement. Évidemment, on peut interpréter cet enchaînement de mots de diverses façons. En tout état de cause, il semble clair que ça ne devrait jamais pouvoir indiquer qu'il soit interdit d'exprimer quelconque opinion qu'il soit, en autant qu'elle ne comporte pas de propos haineux, évidemment, et que ce soit fait dans la limite des règles ou des limites légales prévues.

On peut interpréter le libellé de la motion comme voulant dire qu'on ne devrait pas condamner ou contester la légitimité du recours aux tribunaux pour faire valoir nos droits. Évidemment, nous sommes d'accord que ça ne devrait généralement pas être contesté, mais certains de nos concitoyens peuvent penser le contraire et ils devraient pouvoir le dire sans crainte. C'est leur droit, c'est la liberté d'expression.

On pourrait aussi interpréter le libellé comme voulant dire qu'on ne devrait pas contester le droit d'ester devant les tribunaux. Cela me semble clair, encore une fois, certains ont le droit de penser le contraire et de l'exprimer.

Motion d'amendement

C'est pourquoi, M. le Président, je souhaite déposer l'amendement suivant, qui se lit comme suit : Ajouter, à la fin du premier alinéa, les mots suivants : «, sous réserve du droit à la liberté d'expression».

À tout événement, on le constate, la portée de cette motion peut porter à interprétation, mais on la comprend mieux, évidemment, quand on tient compte du contexte dans lequel elle s'inscrit.

La Fédération autonome de l'enseignement, la FAE, a décidé de se joindre à la contestation de ce qu'on appelle communément la loi n° 21, autrement dit, la loi caquiste sur la laïcité de l'État, qui, dans les faits, s'étend jusqu'à divers individus. La FAE ne fait pas ça sans raison, et j'y reviendrai, mais aujourd'hui c'est la réaction du gouvernement face à cela qui nous amène ici aujourd'hui. Et, comme je le dis, on a le droit de ne pas être d'accord. La liberté d'expression nous protège, c'est évident. Cela étant, il y a des propos qui peuvent être jugés malavisés, ça fait partie de ma liberté d'expression de le dire, sans jamais remettre en question la capacité de l'un ou de l'autre de le dire.

Alors, je cite quelques passages et réactions du premier ministre face à cela. Le premier ministre a dit : «C'est inacceptable, il a dit, c'est un manque de jugement de la FAE.» Il a affirmé que des sondages démontrent un appui majoritaire de l'opinion publique à la Loi sur la laïcité de l'État dont, selon lui, beaucoup de membres des syndicats de l'enseignement eux-mêmes. C'est ce qu'il a prétendu. Le premier ministre a aussi dit : «Il faut rappeler aussi qu'ils vont contester cette loi avec des cotisations des membres, mais aussi, étant donné que les cotisations sont déductibles, ça veut dire [...] avec l'argent des Québécois [et des Québécoises].» Bien, d'un côté, si le premier ministre a le droit de dire ça, la FAE, elle, a le droit de dire le contraire. C'est sa liberté d'expression. Et, si le premier ministre peut dire ça, la FAE, elle, a le droit d'initier un recours. C'est son droit également.

Alors, voilà pour le contexte. Comme je l'ai dit tout à l'heure, d'aucun cas il ne faudrait interpréter la limitation de pouvoir ester en justice, de pouvoir saisir les tribunaux. Je pense que tous et chacun, quelconques nos opinions, selon quelconque litige, on peut avoir une position pour ou contre sur le fin fond de l'histoire, mais, sur le fait de pouvoir ester en justice, de saisir les tribunaux, il appartient à chaque citoyen et citoyenne de prendre ses décisions personnelles, à savoir s'ils veulent saisir les tribunaux, oui ou non, sans limitation, dans la mesure où c'est fait dans nos règles. Puis, si jamais il y a une requête qui est abusive, si jamais il y a un rejet à avoir, bien, les tribunaux trancheront en conséquence.

Cela dit, ça ne veut pas pour autant dire que les propos du premier ministre n'étaient pas... à mon humble opinion et dans ma liberté d'expression, que ces propos-là étaient mal avisés. Tout d'abord, je veux relever deux poids, deux mesures. On n'a jamais vu le premier ministre se mêler des décisions juridiques d'une compagnie parce qu'elle recevait, elle, des subventions de l'État. Donc, ça, c'est un premier point. Je trouve ça particulier qu'on le fasse là, dans le cas de la FAE.

Plus encore, je considère que les propos du premier ministre sont dommages ou sont difficiles à entendre pour les membres de la FAE, qui, eux aussi, ont pris une position. Eux aussi ont pris leurs décisions, qu'il faut respecter. Bien sûr, il doit y avoir plusieurs personnes, parmi les milliers de membres de ce syndicat, qui ne soutiendront pas l'opinion ou l'orientation de leur syndicat, c'est possible, c'est leur droit, mais il faut s'entendre, M. le Président, que ce soit un parti politique, que ce soit un syndicat, que ce soit partout dans la société, quand un grand groupe débat, il va y avoir des diversités d'opinions. C'est infini. C'est possible. C'est comme ça que ça fonctionne et c'est ce qu'on appelle le débat démocratique. Et un débat démocratique, c'est encadré par des institutions démocratiques. Et, justement, la FAE s'est dotée d'institutions démocratiques, les membres ont pris leur décision, ils ont pris leurs orientations dans leurs instances qui leur sont propres, et il revient à ce processus démocratique de déterminer les orientations de la FAE et non pas au premier ministre. Le premier ministre peut dire qu'il n'est pas d'accord. Cela dit, de juger qu'un groupe ne devrait pas intervenir devant les tribunaux, pour le premier ministre, j'estime, moi, dans ma liberté d'expression, que c'est mal avisé.

Donc, ce n'est pas à moi, ce n'est pas au premier ministre, ce n'est pas... c'est aux membres de la FAE de s'exprimer sur leur démocratie interne. C'est à eux de décider de leur positionnement. C'est leur droit à leur positionnement. C'est leur droit à leurs opinions. Ce sont des enseignants, ce sont des enseignantes qui sont des êtres fort intelligents, j'en suis convaincu, qui sont capables de prendre leurs propres décisions. Alors, on peut leur faire confiance. S'ils ont... S'ils sont majoritairement en désaccord, ils le feront savoir, on les entendra. Pour l'instant, ce n'est pas ça qui se passe.

• (15 h 50) •

Donc, au-delà des processus décisionnels, sur la question de fond également, ce n'est pas pour rien que la FAE se joint à la contestation de la loi n° 21. C'est en partie en raison des dispositions de cette loi elle-même, car elle touche plusieurs membres de la FAE, la loi n° 21 étant venue interdire le port des signes religieux pour les enseignants, enseignantes, particulièrement les enseignantes.

Rappelons-le, on a présentement des enseignantes qualifiées à qui on dit : Non, on ne veut pas de toi, pendant qu'une pénurie d'enseignants sévit et que le mieux qu'on peut donner à plusieurs de nos enfants, en ce moment, c'est un adulte quelconque dans une classe, et des fois c'est un adulte différent dans une classe par jour.

La FAE est donc dans son rôle de défendre ses enseignantes, ses enseignants, et plus largement le bon fonctionnement de notre système d'éducation. C'est son rôle. Mais par ailleurs la FAE, comme tous les autres syndicats, ont au moins une autre raison bien spécifique de contester la loi, car à travers la contestation de la loi n° 21 est soulevé un enjeu qui n'avait jamais été soulevé avec autant d'acuité que depuis ces dernières années, la notion d'usage préventif des clauses dérogatoires pour enlever des droits, plus particulièrement dans le contexte où le gouvernement ontarien de Doug Ford est passé bien près d'y avoir recours pour imposer une convention collective et pour retirer des droits de grève aux enseignants, bafouant ainsi tous les droits syndicaux conférés par la charte. C'est ça, le contexte, également.

Quand on entend maintenant Pierre Poilievre, le chef des conservateurs, déclarer : «Toutes mes propositions sont constitutionnelles, nous les rendrons constitutionnelles en utilisant les outils que la Constitution me permet d'utiliser pour les rendre constitutionnels, je pense que vous voyez ce que je veux dire», eh bien, on voit que ça porte à réfléchir et on voit qu'il y a matière évidente à réflexion.

Bientôt, certains pourraient craindre qu'une telle utilisation inconsidérée de cette disposition de dérogation puisse entraîner des reculs sociaux importants dans l'ensemble du pays, parlons simplement et de manière importante du droit à l'avortement, dans un cadre où un gouvernement prétend... un futur gouvernement prétendrait vouloir utiliser la clause dérogatoire à tout vent.

Cela nous amène donc, plusieurs, et non pas seulement la FAE, à se questionner sur un usage préventif des clauses dérogatoires. Il y a effectivement là une question juridique fort pertinente et déterminante. La question légale de l'usage préventif, récemment on a eu à en discuter, dans l'étude du p.l. n° 52, de la reconduction de la clause dérogatoire de la charte fédérale, qui met la loi n° 21 à l'abri de l'examen des tribunaux, et nous avons adopté une position, la position suivante : pour nous, la loi n° 21 est une mauvaise loi qui ne constitue pas l'un des cadres d'exception justifiant de recourir mur à mur aux clauses dérogatoires. Rappelons que la loi suspend notamment l'article 7 de la charte canadienne, soit le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité. Quand même, il faut le faire, là. Je pense qu'il n'y a, de là, aucune question qui se pose. C'est curieux quand même de voir cette adoption mur à mur des dérogations à la charte.

Nous avons donc proposé de reconduire la clause dérogatoire de la charte fédérale, mais nous contestons la légitimité en raison du contexte de son adoption, évidemment, en autant que soit retiré celle concernant la charte québécoise, qui... pour qui nos concitoyens devraient pouvoir utiliser... devraient pouvoir se baser pour être capables de contester, parce que c'est la charte qu'on s'est donnée, c'est notre charte québécoise, et, pour nous, il devait là y avoir un amendement pour que puissent être soumises aux tribunaux des contestations selon la charte québécoise des droits et libertés de la personne, mais le gouvernement a refusé notre proposition, alors on a voté contre le projet de loi.

Y a-t-il des recours où... Y a-t-il des recours préventifs où la clause dérogatoire puisse se justifier? C'est possible, mais ce n'en était pas une. Et plus on verra des gouvernements utiliser les clauses de dérogation de façon abusive et inconsidérée, plus on aura de voix, comme celle de la FAE, pour remettre en question cet usage et, ultimement, la légitimité de cet usage.

On le sait, la Cour suprême a dit que la Constitution était un arbre vivant susceptible d'évoluer dans le temps. Il n'est donc pas impossible que des usages inconsidérés mènent ultimement à des résultats non désirés par les Poilievre et Ford de ce monde et qu'un tel usage soit désormais considéré comme illégal. Faisons très attention. Voyons l'évolution de ce débat. J'invite le premier ministre à méditer là-dessus. Je l'invite à se positionner ou à réfléchir à ces propos.

Cela dit, toujours la liberté d'expression, dans la limite légale, devra être protégée. Est-ce qu'il est judicieux pour le premier ministre d'attaquer le droit d'une institution d'ester en justice? Je ne crois pas. Est-ce que cela appartient à son droit d'expression? Certainement. Alors, c'est pour ça qu'on a fourni un amendement aujourd'hui. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. Et, tel que mentionné précédemment, votre amendement est déposé, il devra recevoir l'acceptation ou non de l'auteur de la motion initiale.

Alors, maintenant, je vais poursuivre avec Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.

Mme Kariane Bourassa

Mme Bourassa : Merci, M. le Président. Écoutez, c'est presque gênant de passer après mon collègue le ministre de la Justice et son discours enflammé. Je ne serai pas, peut-être, aussi émotive, mais le discours va rester tout aussi vrai et factuel.

Donc, M. le Président, je tiens à vous rassurer et à rassurer ceux qui nous écoutent, il n'y a personne qui remet en cause la légitimité des citoyens ou des organisations d'avoir recours à des tribunaux, encore moins s'ils sentent que des droits ont été lésés. En revanche, effectivement, ils s'exposent à la critique.

Le député de l'Acadie a fait référence à un sujet sensible : la contestation de la Loi sur la laïcité de l'État et l'utilisation de la clause «nonobstant». D'ailleurs, merci à mes collègues de l'opposition de nous permettre de nous prononcer à nouveau sur des éléments fondamentaux de notre formation politique. En effet, la laïcité... la Loi sur la laïcité a fait couler beaucoup d'encre et, je me permets même de dire, beaucoup de salive, parce que ça fait jaser. Et c'est important de rappeler qu'elle a toujours reçu l'appui d'une majorité de Québécois. Et, au fil du temps, on observe même un certain consensus qui s'est dégagé avec plusieurs politologues, chroniqueurs également.

D'ailleurs, il faut garder en mémoire... et c'est tout récent, dans une décision unanime, les juges de la Cour d'appel du Québec ont reconnu qu'il revient aux élus du peuple québécois de déterminer comment vont s'organiser les relations entre l'État et les religions. La Cour reconnaît donc notre souveraineté parlementaire en matière de laïcité de l'État.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais revenir sur les principes mêmes de la Loi sur la laïcité, parce que, malheureusement, comme j'ai dit, on entend beaucoup de choses, alors on va recadrer tout ça. La loi propose quatre éléments principaux, soit la séparation de l'État et des religions, la neutralité religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyens et toutes les citoyennes, la liberté de conscience et la liberté de religion.

La loi prévoit que les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires soient tenues de respecter ces principes dans le cadre de leur mission. L'une des mesures-phares, bien, la laïcité... la Loi sur la laïcité de l'État propose d'interdire le port du signe religieux à certaines personnes dans l'exercice de leurs fonctions. La loi prévoit que le port des signes religieux, quels qu'ils soient, soit interdit à tous les fonctionnaires exerçant une position d'autorité. On parle, par exemple, ici, de policiers, de juges, de gardiens de prison. Parmi les personnes visées, eh bien, il y a vous, M. le Président, il y a la présidente, les vice-présidents, le ministre de la Justice lui-même, le Procureur général du Québec, le Directeur des poursuites criminelles et pénales ainsi que les directeurs d'école et les enseignants des commissions scolaires du Québec.

Maintenant, M. le Président, en tant que journaliste, je fais, pour ne pas faire de mauvais jeux de mots, religieusement ma revue de presse chaque matin et j'aimerais qu'on fasse un petit survol des articles et prises de position concernant la Loi sur la laïcité et son impact aussi dans notre société.

Le député de l'Acadie a cité des articles, alors je vais utiliser la même méthodologie. Si on regarde d'abord Patrick Lagacé, donc, bien connu, chroniqueur, animateur, il nous a récemment fait part de son processus d'adaptation et d'acceptation de la loi n° 21. Je cite : «J'ai souvent dit mon opposition à la loi n° 21. Cependant, je prends acte du consensus sur cette loi qui proclame la laïcité de l'État : un parti dûment élu a fait adopter une loi appuyée par une majorité de mes concitoyens, loi qui a, jusqu'à maintenant, largement passé le test des tribunaux.» Également, il soutient que, et là j'ouvre les guillemets, «la FAE qui se lance dans la contestation de la loi n° 21 est un excellent exemple d'éparpillement syndical. On est loin de conditions de travail et d'exercice de la profession enseignante. On est dans le militantisme cher non pas aux membres, mais plus aux activistes, des délégués, ceux qui font vivre les fameuses instances.» Est-ce qu'on pourrait penser que M. Lagacé est caquiste?

Je vais vous donner d'autres exemples, et là ce n'est clairement pas une caquiste, on parle de Françoise David, qui a représenté les couleurs de Québec solidaire. Il y a quelques années, Françoise David disait, et je cite encore : «Il faut une charte de la laïcité forte, car la montée des fondamentalistes et du conservatisme religieux, y compris en Amérique du Nord, fait de la laïcité des institutions un enjeu important. Les femmes, en particulier, savent que leurs droits sont bien mieux protégés dans un État laïque, à l'abri des conservatismes religieux qui voudraient contrôler leur corps et leur vie.»

• (16 heures) •

Mme David soutient également, et je cite : «La laïcisation des institutions du Québec n'est toujours pas terminée. C'est l'État qui est laïque, pas les individus.» L'ancienne co-porte-parole de Québec solidaire soulignait que le port des signes religieux pourrait être interdit «pour une petite catégorie de métiers indissociables de l'État», et elle donnait elle-même comme exemples : juges, policiers, procureurs de la couronne et gardiens de prison. Je la rejoins sur un point quand elle mentionne : «Le voile n'est pas un symbole anodin. Il est à l'image de tous les symboles et de toutes les règles qui, dans la plupart des religions, infériorisent les femmes.»

Autre exemple, maintenant, si on sort en dehors du Québec, parce qu'on pourrait se questionner est-ce que c'est seulement nous qui nous posons ces questions, on a récemment eu la visite d'un politicien de marque, Gabriel Attal, premier ministre de la France. J'en profite pour revenir sur ses propos parce qu'il a lui-même insisté en Chambre sur l'importance de la laïcité, et je cite : «Face à ceux qui font mine de ne pas comprendre ce qu'est la laïcité, qui voudraient la détourner, faire croire qu'elle est une forme d'arme antireligion, faire croire qu'elle est une forme de négation des religions, faire croire qu'elle est une forme de discrimination, nous répondons que la laïcité est la condition de la liberté, [elle] est la condition de l'égalité, [elle] est la condition de la fraternité.»

Revenons chez nous pour d'autres exemples de d'autres opinions qui ont fait consensus. Maka Kotto, très récemment, on pouvait le lire dans Le Journal de Québec, il parlait des dangers potentiels d'invalidité, justement, avec les tribunaux, la loi n° 21 : «L'invalidation de la loi n° 21 par la Cour suprême du Canada aurait des répercussions vastes, [touchant] non seulement le cadre législatif, mais aussi [la sphère] sociale et culturelle du Québec. Une telle décision risquerait notamment de raviver inutilement de vieilles fractures, d'exacerber les tensions et les polarisations au sein de la société et de compromettre encore davantage le sentiment d'appartenance nationale.»

Il poursuit : «Elle pourrait [...] être perçue comme une remise en question fondamentale des valeurs québécoises de laïcité et de neutralité, [influant] négativement [sur] les relations entre le Québec et le gouvernement fédéral.» Et ce n'est pas terminé, je continue parce qu'il en a ajouté : «Les conséquences pourraient transformer de manière significative le paysage sociopolitique du Québec, influençant également la perception et la pratique quotidienne de la laïcité.»

Maintenant, vous vous demandez sans doute que pensent les gens qui sont issus du droit, parce qu'ils baignent justement dans cet environnement et ont une opinion sur la question. Guillaume Rousseau, professeur en droit et chroniqueur, s'est exprimé à maintes reprises sur le sujet, mais voici une citation qui a le mérite d'être claire : «Non seulement la loi n° 21 ne porte pas atteinte à la liberté de conscience et de religion, au contraire, elle vient mettre en oeuvre cette liberté de religion et de conscience.» Il mentionne que la loi «protège les bénéficiaires de services publics, les élèves et leurs parents, qui ont droit, grâce à la loi n° 21, à la liberté de conscience, à des services publics laïques, notamment dans nos écoles». Récemment, M. Rousseau s'exprimait sur la propension de certains opposants à banaliser la Loi sur la laïcité. Il rappelle que, lors de l'adoption de cette Loi sur la laïcité de l'État, des députés libéraux ont déposé un amendement pour l'intituler la loi sur l'interdiction du port des signes religieux. La majorité parlementaire a refusé et a adopté une loi beaucoup plus ambitieuse. Aujourd'hui, des opposants veulent banaliser cette loi et la ramener à la version libérale. C'était sa citation.

Si on regarde lors du récent passage en consultations particulières de Patrick Taillon, qui est aussi professeur en droit, cette fois à l'Université Laval, il mentionne que la clause «nonobstant», j'ouvre les guillemets, «permet de contrôler les pouvoirs des juges. Selon lui, les gouvernements doivent avoir les [responsabilités] de se soustraire à des décisions de la cour pour mettre en vigueur des lois, particulièrement celles qui obtiennent un grand appui [de la population]. Comme la loi n° 21.»

Je pourrais rester ici pendant des heures et vous citer d'autres personnes qui se sont prononcées, mais, en conclusion, il est important de rappeler qu'il existe différentes manières légitimes d'aménager le vivre-ensemble. Le Québec, par son histoire, sa langue, sa culture, a des caractéristiques qui lui sont propres, des particularités qui l'ont mené à développer un attachement particulier au modèle... à notre modèle de laïcité. C'est un régime qui permet d'assurer l'équilibre entre les droits collectifs de la nation québécoise et les droits et libertés de la personne. À travers ce modèle, on assure l'égalité des droits des uns et des autres. La Loi sur la laïcité de l'État permet à toutes les religions de coexister au sein de notre société en toute égalité et, M. le Président, en toute paix. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré. Et je vais maintenant reconnaître le prochain intervenant, intervenante. Je reconnais M. le député de Saint-Jean.

M. Louis Lemieux

M. Lemieux : Merci, M. le Président. Tellement content de participer à ce débat parce que j'adore l'histoire, j'adore la Constitution. Oui, je sais, je ne suis pas avocat, je ne suis pas supposé aimer la Constitution, mais j'adore en parler, et la sortie de notre ministre de la Justice nous a amenés là.

Sauf que je veux rester sur ce qu'on vient d'entendre par rapport à ce que le député de l'Acadie nous propose comme motion et ce que l'autre député, celui de Québec solidaire, nous disait au sujet de la liberté d'expression, parce qu'évidemment, une motion, et on en adopte quatre par jour ou on en rejette quatre par jour à chaque fois qu'on siège, c'est un ensemble de choses. Ce n'est pas comme s'il y avait juste un problème, une solution, c'est un ensemble. La liberté d'expression, c'est une chose, c'est celui... c'est... c'est le bout de l'histoire où on est blâmés, parce que c'est un peu ce que la motion du député de l'Acadie fait, blâmés pour avoir critiqué un organisme, en l'occurrence un syndicat, pour être précis, la FAE, de s'en aller en Cour suprême, avec ce que ça coûte, pour aller contester la validité d'une loi québécoise qui, comme ma collègue de Charlevoix—Côte-de-Beaupré le disait si justement, fait quand même, sinon consensus, au moins... fait quand même un large... presque consensus, pour le dire comme ça, pour ne pas donner... donner foi à des gens qui pourraient dire que je suis de mauvaise foi. On comprend très bien que ce n'est pas un consensus, ce n'est pas l'unanimité, mais on peut parler, au Québec, d'un large consensus.

Bref, il y a ce bout-là de l'histoire sur lequel je voulais m'inclure dans le débat. Parce que, oui, on a le droit de critiquer, c'est vrai, puis là-dessus notre camarade avait raison, de Québec solidaire. Mais, pour ce qui est de la partie constitutionnelle que le ministre de la Justice est allé chercher dans les arguments du député de l'Acadie, dans sa motion, ah! là, là, là, je m'amuse, parce que je m'amuse à en parler puis j'ai intérêt à en parler, parce que, oui, le député de l'Acadie, il dit : C'est un équilibre, le judiciaire et le législatif, il faut garder ça en équilibre. On sait de quoi on parle, là. Judiciaire, c'est les tribunaux. Législatif, c'est les lois qu'on vote au Parlement d'ici, et c'est vrai aussi pour le Parlement d'Ottawa. Puis là, quand on rentre dans la partie constitutionnelle de l'histoire, le ministre nous rajoute : Bien, il y a l'exécutif aussi. Bien oui, c'est trois piliers, il ne faut jamais l'oublier.

Mais restons avec les deux piliers, judiciaire et législatif, et passons par le détour du rapatriement. Puis ça, je ne veux pas rajouter là-dessus, le ministre a été suffisamment éloquent par rapport à la façon dont on a abouti, en 1982, avec le rapatriement, qui nous donnait la fameuse clause qu'on appelle parfois «nonobstant» ou clause de dérogation, qui a permis... Puis le ministre avait tellement raison de le dire, c'est le Canada anglais, dans le fond, c'est les premiers ministres du Canada anglais qui ont convaincu Ottawa de rajouter cette clause-là pour nous contenter, même si on n'en voulait pas puis qu'on voulait... qu'on ne voulait pas de la Constitution rapatriée, mais on a été pris avec. Et, depuis ce temps-là, puis ça, je me fais fort de le répéter parce que c'est vrai, aucun gouvernement du Québec, quel qu'il soit, de quelque couleur politique soit-il, n'a adhéré et signé cette fameuse Constitution.

Puis je vais même vous raconter une histoire. Quand on a adopté la loi n° 96, on était en train, pendant la loi n° 96, d'inclure, comme vous le savez, dans la Constitution quelques phrases qui faisaient en sorte qu'on venait asseoir la primauté pas juste du français, mais la capacité qu'on avait, au Québec, de dire que la langue française était notre langue officielle et commune, bien, vous savez, je suis allé... pendant l'étude article par article, je suis allé à côté du ministre pendant une petite pause puis j'ai dit : Là, tu es-tu sûr, là? Parce que, là, c'est comme si on avalise indirectement ce qu'on ne veut pas faire directement en disant : On va mettre ça dans la Constitution, mais on ne la veut pas. Alors, à quelque part, non, aucun problème, c'est bon, on a validé, on y avait pensé, nous autres aussi, merci beaucoup. Mais moi, j'y tiens, à ce bout là de l'histoire, de notre histoire : aucun gouvernement du Québec n'a adhéré à ce rapatriement de la Constitution, ce avec quoi il nous est revenu, et les mots du premier ministre Bourassa qui vont avec, et le grand jour avec M. Parizeau, à l'époque.

Bref, quand on parle de ça, M. le député de l'Acadie, je suis d'accord, les tribunaux, donc le judiciaire, est là pour, finalement, déterminer, avec la demande des citoyens, ou des organismes, ou des gouvernements, en jugeant ce que la loi dit, et donc interpréter la loi pour une question précise à un moment précis. C'est vrai. Mais le fameux principe de souveraineté parlementaire, là, c'est de dire : Puis, si l'interprétation du tribunal ne fait pas l'affaire ou ne correspond pas à ce que les législateurs du moment veulent, ils peuvent la changer, la loi, ils peuvent légiférer de nouveau. C'est ça, la souveraineté parlementaire. Et, quand on le voit comme ça, bien, c'est bien simple de dire : Puis bâdrez-vous même pas de regarder, parce qu'on va tout de suite inclure là-dedans la souveraineté parlementaire, de dire : On utilise la clause de dérogation.

• (16 h 10) •

Je ne suis pas mieux que bien des constitutionnalistes pour expliquer la Constitution et la vulgariser, mais je me comprends puis j'étais content de le faire à ce stade-ci du débat parce que, pour moi, c'est important.

Tout ça, donc, pour dire que, oui, on peut critiquer la FAE. Non seulement on peut critiquer, mais on peut être choqué de ce que la FAE fait, en disant : C'est relativement une question qui est réglée puis qui est aussi consensuelle au Québec. C'est vrai, ma collègue l'a dit, elle a cité plein de monde, et puis je pense que n'importe qui qui écoute n'importe quoi va comprendre que ce n'est pas exactement ce contre quoi les Québécois en ont le plus en ce moment, la fameuse loi n° 21. Tout le monde vit bien avec ou beaucoup de monde vit bien avec. Donc, ce n'est pas seulement d'aller en Cour suprême, avec ce que ça coûte, pour aller contre la volonté exprimée par le gouvernement que cette loi-là soit la loi de tous les Québécois, mais on peut être choqué parce qu'on vient de vivre une grève, on vient de vivre une grève où on a vu un Québec très solidaire à l'égard des professeurs en grève. Solidaire pourquoi, M. le Président? Parce qu'ils étaient dans la rue, sans paie de grève. Et je sais de quoi je parle. À Radio-Canada, on a subi, en 2001, 2000, je ne me souviens plus, en tout cas, ça fait longtemps, une grève, et on se retrouve à la rue, littéralement sur le trottoir, parce qu'il faut bien faire du piquetage, puis on s'en va au local de grève, puis on va chercher notre paie de grève, puis les syndiqués de la FAE n'en avaient pas, de paie de grève.

Puis, quand on regarde... parce que ça a fait jaser, oui, ça a fait des mécontents, c'est clair, mais, quand on regarde ça, on se dit : O.K., ils ont décidé de ne pas avoir de fonds de grève, donc il n'y a pas de paie de grève. N'empêche que c'est à ce moment-là où on a commencé à comprendre qu'il y avait un durcissement des positions puis on a commencé à placer sur l'échiquier là où on s'en allait. Et d'ailleurs ça a été difficile, difficile, et jusqu'à la dernière minute, pour ne pas dire au dernier bulletin de vote, pour que les offres soient finalement acceptées. Mais on a compris, là, qu'on avait affaire à un syndicat beaucoup plus campé sur des positions.

Vous me direz que l'absence d'un fonds de grève, c'est une décision des membres. J'imagine que les membres ont voté ça, à quelque part, et puis j'imagine qu'ils en étaient conscients avant de sortir en grève. Mais, moi, ça me choque de penser que, là, on va aller dépenser beaucoup d'argent à Ottawa pour aller en Cour suprême puis qu'on ne se formalise pas davantage de tout ce que les membres de ce syndicat-là disent depuis ce temps-là.

Je suis allé sur la page Web de la FAE, aujourd'hui, pour voir, parce qu'ils sont en exercice en ce moment. Ce qu'ils font, c'est un exercice de retour sur les événements, sur les négociations, sur l'ensemble de l'oeuvre. Et je ne vous ferai pas ici la litanie de tous les commentaires qu'il y a là-dessus, ce ne serait pas scientifique, de toute façon, mais, dans les publications de la FAE, on peut... sur certains sites et sur certains médias sociaux, on peut voir les membres réagir. Pas scientifique, donc je ne vous donnerai pas d'exemples, mais moi, j'en ai conclu qu'on était loin de l'unanimité ou même d'un large consensus, au sein même de la FAE, pour voir ce syndicat-là aller en Cour suprême dépenser cet argent-là avec ce que je viens de vous dire de ce qui s'est passé. Et c'est ça qui est choquant. Oui, on a le droit à la liberté d'expression, oui, puis je respecte ceux qui ont de la misère... pas de la misère, mais qui ont du mal à se dire : Oui, mais les droits collectifs puis les droits humains, nos droits humains suspendus par une loi, loi qui est protégée par une clause «nonobstant» qui est supposée être protégée par des morceaux d'une charte ou de l'autre... C'est vrai qu'en 2024 on n'est pas habitués à se positionner d'un côté ou de l'autre. On prend ça comme un tout. On pense que les droits collectifs, les droits humains, les droits fondamentaux, ça fait tout partie de la même affaire.

Mais vient un moment comme en ce moment, avec le déclin du français, comme avec ce que moi, je considérais nécessaire de faire avec la loi n° 21 pour ramener une certaine paix. Et je pense que notre gouvernement l'a bien ramenée, j'en parlais, à cause d'un large consensus, mais je pense que ça a calmé le jeu beaucoup dans la société québécoise, même si ça faisait déjà 10 ans que ça avait brassé, ce n'était pas complètement éteint, tout ça. Je pense que notre gouvernement a fait la bonne chose. Et j'étais en train de dire que ces droits-là, bien, c'est des droits collectifs, rendu là, ce n'est plus des droits fondamentaux. Ils viennent en opposition. On a probablement une des juridictions sur la planète où on a le plus de droits. On en a tellement qu'ils s'affrontent, ces droits-là, à un moment donné.

Dans le cas où on est rendus, avec la situation qu'on vit pour le français, pour la nation, parce que le français, ça implique aussi qu'à un moment donné la nation est à risque, les droits collectifs doivent reprendre leur place dans l'équilibre de ce que nous sommes comme nation dans ce pays dans lequel, je le dis bien, nous n'avons... et je le répète pour ixième fois, nous n'avons pas adhéré au rapatriement de la Constitution, hein?

Mes collègues ne sont pas en train d'applaudir mes idées. Ils sont en train de me dire que mon temps est écoulé par rapport à la distribution du temps entre nous. Mais je pense que ça vaut la peine que je les fasse endurer un petit peu plus pour vous dire que les droits collectifs, ce n'est pas péché, c'est le contraire. C'est la nature même de ce que nous sommes et de ce dont nous avons besoin pour nous exprimer, pour vivre.

Donc, je fais mien, avec beaucoup moins d'éloquence et probablement une sortie beaucoup moins virulente, mais tout aussi sentie, M. le Président... parce que je considère que ce que nous sommes en train de faire aujourd'hui, et j'ai presque envie de remercier le député de l'Acadie de nous donner l'occasion de le faire, c'est de, oui, critiquer la FAE, qui s'en va en Cour suprême, et les autres, là. Je ne donne pas un... je ne donne pas un cadeau à la commission scolaire anglophone qui s'en va... qui a commencé les contestations de la loi n° 21, mais je sens que c'est vraiment la FAE qui a mis le feu aux poudres par rapport aux déclarations du premier ministre, aux déclarations de plusieurs ministres, les déclarations que vous avez citées au début de la présentation de votre motion. Et, si c'est ça qui est critiquable et si c'est ça que votre motion voulait tasser du revers de la main en nous remettant à notre place, non, on n'y retournera pas. On va continuer de critiquer parce que ça n'a pas de maudit bon sens, comme disait le gars du gros bon sens. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Vous rappeler que, lorsque vous vous adressez en cette Chambre, vous vous adressez à la présidence, s'il vous plaît.

Alors, maintenant, nous allons poursuivre avec le prochain intervenant. Ce sera M. le député de Jean-Talon. M. le député, je vous rappelle que vous avez droit à 7 min 19 s.

M. Pascal Paradis

M. Paradis : Merci, M. le Président. Je dois dire que je suis un peu étonné, pour ne pas dire déçu, de devoir me lever aujourd'hui sur la motion que nous avons devant nous ou à propos de cette motion qu'on considère, qui vise ni plus ni moins qu'à interdire aux Québécoises et aux Québécois de se prononcer sur l'usage que des groupes, des personnes font des tribunaux, de faire appel aux tribunaux. Dans un État de droit, la liberté d'expression est absolument essentielle et elle ne peut pas être écartée lorsque le sujet dont on parle, ou le sujet du recours, ou ce qui est visé par le recours ne nous plaît pas.

Donc, aujourd'hui, moi, M. le Président, je ne parlerai même pas du fond de l'affaire parce que je veux qu'on s'élève au principe. Et, si on veut revenir au principe, donc, écartons l'affaire elle-même, parce que des poursuites injustifiées, des poursuites abusives, des poursuites frivoles, ça existe. Il y en a régulièrement. Et là, actuellement, la motion, telle que rédigée, empêcherait quiconque de condamner une utilisation abusive des tribunaux.

Avec le collègue de l'Acadie et d'autres, on est en train justement d'étudier la notion de violence judiciaire dans le cadre de l'étude d'un projet de loi sur la réforme du droit de la famille, où on dit, où on l'admet, où on inscrit dans une loi le fait que, parfois, les tribunaux sont utilisés abusivement, et on veut pouvoir dénoncer ça.

Et donc, là, actuellement, la motion vise ce genre d'expression là. Mais, même si les tribunaux sont utilisés à bon escient, même si la cause est juste, même si elle est légitime, il est tout aussi légitime pour une autre personne, a fortiori un élu, de contester l'utilisation ou la façon dont on fait appel aux tribunaux. Donc, ici, il y a un droit absolument fondamental de faire appel aux tribunaux pour toute organisation, pour tout citoyen, qui n'est pas remis en cause. Et il y a un droit légitime aussi de contester la façon dont on fait appel aux tribunaux, ou même le fait qu'on fait appel aux tribunaux. Donc, ce sont des droits vraiment absolument importants dont on parle aujourd'hui, et la motion, telle qu'elle nous est proposée, aurait pour effet de venir brimer un droit important, un droit qui est conféré à tous les Québécois et à toutes les Québécoises, à tous les parlementaires et au premier ministre lui-même.

• (16 h 20) •

Donc, bien sûr, quand on parle d'affaires judiciaires, il existe ce principe aussi de la mesure. On espère que tous les acteurs politiques, que toutes les personnes qui ont un rôle à jouer dans les pouvoirs, hein, dans cette question de la séparation des pouvoirs, fassent preuve de mesure. Ça, c'est vrai. Mais l'idée qu'on empêche et qu'on dise que, dans une société libre et démocratique, nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés dans leur droit, ça, nous, au Parti québécois, on ne peut tout simplement pas aller là. C'est un droit légitime, je le réitère. Nous sommes d'accord que c'est un droit légitime de toute personne, de toute organisation de faire appel aux tribunaux, sauf, bien sûr, application, là, des règles du droit criminel ou des règles qu'on va se doter, par exemple, sur l'utilisation abusive. Mais, si on écarte ces cas-là, c'est légitime de faire appel aux tribunaux.

Maintenant, toute personne est capable de... a le droit aussi de se demander : Bien, est-ce que, dans ce cas-ci, c'est légitime? La façon dont c'est fait, est-ce que c'est légitime? Ça aussi, il faut conserver ça précieusement dans notre société.

Donc, pour ces raisons-là, nous ne pourrons pas voter en faveur de cette motion telle que présentée actuellement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Jean-Talon. Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître le prochain intervenant, et ce sera Mme la députée de Hull. Et je vous rappelle qu'il reste 9 min 22 s à votre formation politique.

Mme Suzanne Tremblay

Mme Tremblay : Merci, M. le Président. Alors, je suis vraiment très, très fière de m'adresser, ici, à cette Assemblée pour parler de la loi, qui est une valeur fondamentale, importante, hein, que l'on a adoptée ici même, celle qui est la laïcité de l'État. La laïcité de l'État, c'est l'égalité entre les citoyens, c'est la neutralité religieuse de nos institutions publiques. Puis ça, c'est important de bien comprendre ce que ça veut dire. Puis c'est pour ça que je suis heureuse de m'adresser aujourd'hui à cette Assemblée, puis je pense que je veux parler aussi aux citoyens puis aux citoyens du Québec puis leur expliquer, dans mon intervention aujourd'hui, l'importance de cette loi-là, bien... puis de la comprendre aussi, cette loi-là. Je pense que c'est nécessaire dans le débat que l'on mène dans la place publique à l'heure actuelle.

La neutralité religieuse de l'État, ça vise à garantir l'égalité entre les différentes confessions religieuses, à protéger la liberté de conscience et de religion de chaque personne. Et ça, c'est important, là, la liberté de religion de chaque personne. Ce n'est pas l'interdiction de pratiquer une religion, mais c'est important de comprendre, c'est que la neutralité religieuse de l'État, c'est donc un moyen de protéger, justement, la liberté de religion. Ce n'est pas un moyen d'interdire le libre exercice de la religion. On n'est pas là-dedans. Puis je pense que c'est important de le dire encore une fois, la laïcité de l'État, c'est le respect de la liberté de la religion, d'où sa grande importance. M. le Président, c'est le vivre-ensemble. Il s'agit du droit d'avoir des croyances religieuses de son choix, de les pratiquer, de les exprimer sans crainte ni représailles, ainsi que du droit de ne pas pratiquer, aussi, de religion, parce qu'il y a ça aussi, il y a des gens qui ne pratiquent aucune religion. L'obligation de neutralité religieuse de l'État découle de cette liberté de religion et fait en sorte que l'État ne peut favoriser ou défavoriser une religion plus qu'une autre.

Vous savez, j'habite dans l'Outaouais, plus précisément dans la circonscription de Hull. Dans ma circonscription, il y a différentes religions, il y a plusieurs personnes issues de l'immigration, et, justement, on a des fêtes différentes. Chacun le souligne à sa façon, sa religion. On a différentes églises, on a chacun nos croyances et on habite ensemble, et chacun, dans ses moments privés, dans sa vie privée, fait ce que... selon ce que les croyances... selon ce que chacun pense en lien avec sa religion. Et il y a un équilibre là-dedans, c'est le respect de tous et chacun. C'est justement d'être bien les uns avec les autres dans nos croyances, celles qu'on a ou celles que l'on n'a pas, justement, M. le Président. Et c'est ce que ça implique, la laïcité de l'État.

Quand on les écoute, justement, des personnes immigrantes... parce que, j'en ai parlé, en Outaouais, on est la deuxième porte d'immigration au Québec, donc ça amène justement une diversité de religions, bien, il y en a plusieurs qui nous soulignent être en faveur de cette loi-là. Pourquoi, pourquoi ils nous disent être en faveur de cette loi-là? Parce qu'en quittant leur pays ils ont quitté la discrimination et l'injustice puis ils ont trouvé ici un accueil chaleureux, une terre... une société chaleureuse, libre, dans laquelle la liberté d'expression, la liberté de religion, la non-discrimination, qu'elle soit reliée au sexe ou à la religion, sont inscrites dans des lois.

C'est vrai, au Québec, on favorise un espace public où toutes les convictions religieuses sont respectées de manière égale sans favoriser ni discriminer aucune religion en particulier. Au Québec, on a le choix de faire en sorte que l'État et les religions soient séparés, M. le Président, principe essentiel pour assurer la cohésion sociale et la diversité, protéger le droit de chaque individu à partager sa religion dans un cadre privé. Évidemment, comme je l'ai dit... puis, dans Hull, je vous le dis, on a une multitude de communautés et on le fait. On les voit, ils s'expriment librement. Et c'est correct, M. le Président, de le faire dans un cadre privé, mais il faut protéger l'impartialité de nos institutions publiques. La loi, elle protège tous les citoyens, indépendamment de leurs croyances ou de leur absence de croyance. C'est aussi important.

La loi contribue aussi, puis ça, je tiens à le dire, à protéger les femmes contre l'oppression religieuse. Françoise David, que vous connaissez tous, l'a mentionné aussi il y a quelques années, les femmes en particulier, puis je sais que ma collègue en a parlé, là, un petit peu plus tôt, mais je tenais quand même à le redire, là, les femmes en particulier savent que leurs droits sont bien mieux protégés dans un État laïque, à l'abri des conservatismes religieux qui voudraient contrôler leur corps et leur vie. La loi favorise l'autonomie et l'égalité des femmes. M. le Président, en interdisant le port de signes religieux pour les employés de l'État en position d'autorité, on contribue à garantir l'égalité des chances dans des secteurs où elles sont confrontées à des obstacles liés à leur genre.

Il faut être fiers, M. le Président. La préservation de la laïcité de l'État bénéficie aussi d'un large, large soutien de la société québécoise. Il est donc primordial, voire vital pour le Québec de pouvoir faire ses propres choix, des choix qui correspondent à notre cheminement historique, nos valeurs sociales distinctes et nos aspirations collectives. La loi n° 21, c'est une réponse consensuelle. C'est équilibré, M. le Président, c'est une loi qui est équilibrée, qui permet l'atteinte d'une paix sociale quant aux relations entre l'État et les religions au Québec.

M. le Président, j'aimerais ça vous parler aussi... parce qu'il y a un recueil important qui est sorti en 2021, intitulé ainsi : La laïcité : Le choix du Québec  Regards pluridisciplinaires sur la laïcité de l'État. Cet ouvrage, qui est un rapport d'experts — ça rassemble, là, des rapports de plusieurs experts — permet de mieux comprendre le régime de la laïcité québécois, sa portée, sa raison d'être, sa valeur ajoutée ainsi que l'apport de cette loi fondamentale qui participe à l'établissement d'un cadre de vie en société. J'aimerais inviter les citoyens désireux de comprendre les tenants et aboutissants de la loi et qui se posent encore des questions à lire cet ouvrage qui pose un regard éclairé et informé sur les rapports entre l'État et les religions.

Je vais prendre un moment, puisqu'il me reste du temps, pour même vous lire un peu le résumé de ce rapport-là, parce que je pense que c'est important, M. le Président : «Le Québec a fait le choix de la laïcité. Un choix de société. Un choix démocratique. Un choix légitime. Un choix que d'autres États de droit ont fait avant lui. Un choix qui est en adéquation avec les valeurs sociales distinctes des Québécoises et des Québécois. Un choix qui, en prime, fédère.

«Ce choix, il est le résultat d'un parcours historique et socioreligieux propre au Québec. La Loi sur la laïcité de l'État ne se résume pas à l'encadrement de port de signes religieux pour certains agents de l'État. Elle est avant tout l'affirmation de la laïcité — un mode d'organisation des rapports entre l'État et les religions. Cette loi, qui a permis d'aller plus loin dans la voie de la laïcisation, est enracinée dans le temps long.

Une voix : ...

Mme Tremblay : Parfait. «Elle constitue une réponse à la fois modérée — ça, j'aime ça, "modérée", je pense, c'est important, ce qu'ils viennent dire ici, le résumé des experts, "modérée", puis moi, j'ajouterais "équilibrée", M. le Président — et raisonnable aux débats sociétaux ayant animé le Québec depuis plus de deux décennies, réponse qui est en toute continuité [avant] la Révolution tranquille.» Ça fait longtemps qu'on réfléchit, M. le Président, puis on a continué et on a posé différentes actions dans le temps. Et là on est arrivés à cette loi-là tellement importante et fondamentale pour le Québec. «Par le truchement de cette loi, le Québec a exercé son "droit à la différence" sur un domaine de première importance, droit qui se trouvait au coeur du pacte fédératif canadien.»

En conclusion, M. le Président, parce que, vous m'avez dit, hein, j'achevais mon temps, et c'est votre rôle, bien entendu, de le faire, reconnaissant... évidemment qu'on reconnaît le droit de certains groupes, puis mon collègue l'a dit ici, un certain droit de contester en justice la Loi sur la laïcité de l'État, mais nous, on a aussi le droit, M. le Président, de se poser des questions quant à ce choix. Je pense que c'est important puis je veux le répéter. L'utilisation de la clause dérogatoire est nécessaire pour protéger la capacité du Québec de faire ses propres choix. La clause dérogatoire, c'est un instrument qui est essentiel pour préserver l'autonomie du Québec, M. le Président. Encore, en conclusion, M. le Président, la laïcité, c'est un principe qui nous unit comme nation au Québec. Comme je l'ai mentionné, la laïcité est la condition pour le bien vivre ensemble. Je vous remercie, M. le Président.

• (16 h 30) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Hull. Et nous allons maintenant poursuivre avec le prochain intervenant. Ce sera M. le chef de l'opposition officielle. Et vous avez droit, M. le chef de l'opposition officielle, à 17 min 59 s.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, on va aller au fond des choses. Je sais que ce n'est pas sur le projet de loi n° 21, mais on va aller au fond des choses. C'est clair qu'on n'élève pas tous nos enfants de la même manière, M. le Président, mais moi, j'ai eu deux filles qui sont passées... Bien évidemment, aujourd'hui, elles ont 20 ans puis 18 ans. Pour elles, la diversité, ça fait partie de leur quotidien : Papa, c'est quoi, un hidjab? Papa, c'est quoi, une kippa? Papa, quelle est la signification du crucifix? On leur enseigne, on leur explique : Ça participe, mes filles, de la diversité au Québec, qui est une richesse.

La CAQ, avec la loi n° 21, qui a été votée avec le concours du Parti québécois, et je vais y revenir, fait en sorte qu'on prend pour acquis qu'un professeur qui aurait la kippa ferait nécessairement, dans l'école primaire ou secondaire, du prosélytisme. On lui dit : Retire ta kippa, tu n'as pas le droit, en vertu du projet de loi n° 21, d'avoir une kippa, la kippa juive, comme professeur de secondaire, de mathématiques secondaire IV, par exemple.

Il est arrivé un jour où ma fille m'a amené ce débat-là, elle m'a dit : Pourquoi, papa? Je n'ai pas été capable de lui expliquer. Dans la mesure où il ne fait pas de prosélytisme, où il est là pour enseigner les mathématiques, mais qu'il est un fervent croyant, il a une kippa. Est-ce qu'on fait avancer le Québec quand je suis obligé d'expliquer à mes filles : Il fallait qu'il l'enlève parce que ça ne marchait pas, parce que je présumais que lui allait être de mauvaise foi, qu'il allait faire du prosélytisme, qu'il allait enseigner des préceptes religieux plutôt que d'enseigner les mathématiques? Ça, c'est le fondement du projet de loi n° 21. C'est ce qui fait en sorte que nous, le Parti libéral du Québec, on a voté contre ça en se disant : C'est une richesse, la diversité. C'est une richesse.

Les signes religieux, M. le Président, ne peuvent pas être comparés à un macaron du PQ. Pourquoi je dis ça? Parce que l'actuel ministre de l'Éducation, qui participe de ce gouvernement-là qui a voté la loi n° 21, me disait à l'époque qu'il était ministre au Parti québécois : On a fait en sorte qu'il y ait une neutralité politique dans l'État québécois, on va toujours bien faire en sorte qu'il y a une neutralité religieuse dans l'État québécois. J'ai dit : Êtes-vous sérieux, M. le ministre? Je comprends qu'on enlève le droit aux fonctionnaires d'avoir un macaron du PQ, parce qu'il était au PQ à ce moment-là. Êtes-vous en train de comparer le macaron du PQ à la kippa? Il n'a jamais été capable de me répondre parce que, pour lui, la neutralité politique, c'était aussi nécessaire, et vice versa, que la neutralité religieuse : pas de signe religieux parce que vous êtes de mauvaise foi... parce qu'on présume que vous êtes de mauvaise foi et que, plutôt que d'émettre un permis de conduire, plutôt que d'enseigner les mathématiques secondaire IV et V, vous allez en profiter pour parler de religion puis d'essayer d'enfoncer vos idées puis vos croyances religieuses dans la tête de nos jeunes.

Pour nous, le Parti libéral du Québec, désolé, on ne sera pas pour ça. On a voté contre la loi n° 21. Puis tantôt le ministre de la Justice avait du front tout le tour de la tête. Puis c'est une expression qui se dit, puis je n'attaque pas son intégrité. Il y avait de l'audace quand il parlait de bâillon de notre côté. C'est lui qui l'a fait adopter, sa loi n° 21, sous bâillon. Alors, je serais gêné à sa place de parler de bâillon.

Alors, la loi n° 21 a été adoptée sous bâillon. C'est correct. C'est en vertu de notre règlement de l'Assemblée nationale, ça se fait, mais disons que c'est un débat fondamental qu'on aurait aimé ça, nous, libéraux, avoir. J'aurais aimé ça, continuer de débattre pour dire : Qu'est-ce que je vais dire, moi, à soir, en brassant la sauce à spaghetti, à ma fille de secondaire III puis à ma fille de secondaire V? Bien oui, votre professeur de math, c'est correct qu'au Québec on lui dise : Tu enlèves ta kippa juive parce que tu n'es pas capable d'être professeur de mathématiques. J'aurais aimé ça, moi, qu'on continue d'avoir ce débat-là en cette Assemblée nationale.

Puis c'est bizarre, le ministre de la Justice puis le premier ministre disent : On est là, nous, pour faire respecter les prérogatives puis la souveraineté du Parlement. Le débat n'a pas eu lieu. Le débat a été court-circuité. Le débat a été bâillonné. C'est correct. Il l'a fait en vertu du règlement de l'Assemblée nationale. Mais qu'il ne vienne pas nous parler de bâillon, qu'il ne vienne pas nous parler non plus que nous, les libéraux, parce qu'on a voté contre sa loi la semaine passée, puis je vais vous dire le contexte de la loi, on a voulu enlever des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Je vous laisse juger. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas d'accord avec le premier ministre. Je suis autant député que le premier ministre. Il vote pour sa loi, je vote contre sa loi, ça ne veut pas dire que moi, je suis en train d'enlever des pouvoirs à l'Assemblée nationale. Le comprenez-vous, à la maison, le raisonnement tordu qui a été lancé jeudi passé? Ça, c'est le fond du débat du projet de loi n° 21, qui a été court-circuité.

On vient de vanter, la collègue de Hull, imaginez-vous donc, qu'on a fait avancer le Québec puis qu'on a concrétisé la laïcité, puis que c'est ça, le Québec. Je ne pense pas, moi, que c'est ça, le Québec. Je pense qu'on doit enseigner à nos jeunes la diversité, le respect. Le professeur de mathématiques, il est là pour enseigner les mathématiques secondaire IV à ma fille qui est en secondaire IV. Il peut avoir la kippa juive, mais ça ne veut pas dire que je vais lui dire : Choisis entre tes croyances qui te font porter la kippa comme, au même titre, je te dirais : Enlève ton macaron du PQ. Ce n'est pas le Québec que je veux, dans lequel je veux vivre. On ne peut pas dire cela à un professeur : Choisis ta religion ou ta job. Ta religion ou ta job. Nous autres, les valeureux libéraux, l'opposition officielle, on a voté contre sur cette base-là. La population jugera. On avait-tu raison? On avait-tu tort? Les choix sont clairs.

Chose certaine, en passant, il nous manque 5 000 professeurs, 5 000 professeurs, depuis cinq ans, qui ont quitté, qui ont quitté, qui ont démissionné. Il y en a là-dedans qui avaient des signes religieux puis qui ont dit : Bien, écoutez, on me demande de choisir, je vais aller faire d'autre chose. Alors, la population jugera est-ce qu'on a bien fait de voter contre ça.

Le premier ministre, la semaine passée... Parce que, sa loi, ce n'est pas tout, il a fait adopter sa loi sous bâillon. C'était notre position, je vous en ai fait état. C'était la leur. On a voté contre. Ils ont voté pour. C'est la voix du Québec. Parfait. Mais bâillonner les députés de l'Assemblée nationale, pour le premier ministre caquiste, avec l'alliance, l'appui du PQ, parce qu'il y a une alliance PQ-CAQ dans ce débat-là, ce n'était pas suffisant, il fallait faire en sorte que l'on puisse s'assurer, imaginez-vous donc, par une utilisation, oui, qui est, en vertu de nos chartes, s'assurer que personne, jamais, devant un tribunal, ne pourra soulever quelque droit ou liberté fondamental que ce soit. Que ce soit pour la charte canadienne ou la charte québécoise, ils ont mis dans leurs lois deux cadenas qui font en sorte que vous ne pouvez pas... pour les 38 articles de notre charte québécoise des droits et libertés, vous ne pourrez jamais contester leur loi, jamais. Ça s'appelle la clause «nonobstant», la clause de dérogation. Ça veut dire que la loi, elle s'applique de façon dérogatoire à la charte québécoise, la clause «nonobstant», elle s'applique nonobstant la charte québécoise.

Même chose pour la charte canadienne. Dans ce débat-là, la Charte canadienne des droits et libertés protège les mêmes droits que la charte québécoise des droits et libertés. Charte québécoise des droits et libertés, elle a été adoptée en 1975, sept ans avant la charte canadienne. Elle protège toutes les Québécoises et Québécois. Nous, on a dit : Le projet de loi n° 21, je viens de vous brosser le tableau, on vote contre, ils votent pour. Sous bâillon, c'est correct. C'est fait, c'est fait. Maintenant, la loi s'applique. Tous les citoyens, tous les organismes... Puis là ils en ont contre la FAE. Ils sont partis contre la FAE. Vous les avez vus les caquistes, hein, puis les péquistes. Ils sont partis contre la FAE : Ils n'ont pas le droit de contester notre loi. De toute façon, ils vont être très limités parce qu'ils ne pourront même pas plaider une liberté fondamentale comme la liberté de religion, la liberté de conscience. Ils ont mis deux cadenas à leur loi pour pas que personne ne puisse aller les contester.

La semaine passée, nous, du Parti libéral, qu'est-ce que vous pensez qu'on a fait? On a voté contre le renouvellement de ces cadenas-là. Premier ministre, ça n'a pas pris une heure, il est sorti publiquement puis il est allé dire que le Parti libéral du Québec avait voté pour enlever des pouvoirs du Parlement. C'est-tu assez épouvantable? C'est-tu assez condamnable? C'est-tu assez déconnecté? Imaginez-vous donc!

• (16 h 40) •

Puis tantôt le ministre de la Justice disait... il faisait une analogie, comme ministre de la Justice, il prenait... Je vais vous expliquer c'est quoi, une poursuite-bâillon. Une poursuite-bâillon, c'est un citoyen qui fait face à un autre citoyen puis qui veut le faire taire. Alors, il introduit un recours en justice contre lui ou elle pour le bâillonner, puis tu vas dire : Tu vas aller devant les tribunaux, ça va te coûter du temps, ça va te coûter de l'argent, je vais te traîner devant les tribunaux, tu vas peut-être faire faillite. Ça, c'est une poursuite-bâillon pour le faire taire. Il y a une loi, le Code de procédure civile, qui interdit les poursuites-bâillons. Le ministre de la Justice a dit que nous étions du camp, nous qui voudrions permettre les contestations judiciaires, du camp de celles et ceux qui voudraient faire des poursuites-bâillons.

Donc, pour le ministre de la Justice — imaginez-vous donc, gardien de nos droits, on repassera — dans ce contexte de l'alliance PQ-CAQ, a assimilé les citoyens et citoyennes, mon professeur de mathématiques secondaire IV qui a la kippa juive, l'a assimilé à quelqu'un qui, de mauvaise foi et en abus de droit, viendrait vouloir bâillonner un citoyen, si d'aventure il voudrait contester la loi n° 21 en vertu de la charte québécoise des droits et libertés ou la charte canadienne, il l'a assimilé à quelqu'un qui agit de mauvaise foi, de façon abusive. On l'a...

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Rapidement, M. le leader.

M. Lévesque (Chapleau) : ...on prête des intentions, on fait des amalgames. Ce sont des propos blessants. Le chef de l'opposition officielle le sait très bien, c'est un parlementaire...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : On peut être prudent, mais je ne vois pas ici de... prêter d'intentions. Je vous invite à poursuivre.

M. Tanguay : Non, ça va faire. Ça va faire, M. le Président. Ça va faire. On a le droit de s'exprimer encore à l'Assemblée nationale, M. le Président.

Je poursuis l'analogie. Il a même fait l'analogie avec les violences conjugales et les violences judiciaires. Il a poursuivi son analogie. Les libéraux, par notre positionnement, par notre motion aujourd'hui puis dans tout ce contexte-là, on était celles et ceux qui favorisaient les violences judiciaires de ceux qui font des violences conjugales, imaginez-vous donc. Imaginez-vous donc le caractère totalement irrationnel et déconnecté de ce gouvernement-là.

Ça voudrait donc dire que toutes celles et ceux qui pourraient contester cette clause-là, qui pourraient contester cette loi-là en vertu de notre charte québécoise, de notre charte canadienne seraient assimilables à des gens qui agissent de façon abusive, de façon déraisonnable, des gens qui font de la violence judiciaire, des gens qui sont condamnables, et que c'est pour ça, donc, qu'ils ont dit : Notre loi n° 21, on va mettre les deux cadenas, ça n'arrivera pas, on est justifiés, circulez, il n'y a rien à voir.

Dans une société de droit... puis c'est ce que le collègue de l'Acadie met dans notre motion du mercredi de l'opposition officielle libérale, dit que, dans une société de droit... Savez-vous quoi? En 2024, je ne sais pas pour vous, mais on peut-tu toujours bien vivre encore dans une société où on peut contester des décisions de notre bon gouvernement, des lois de notre belle Assemblée nationale? Puis les tribunaux judiciaires vont juger, vous avez raison ou vous avez tort. Vous avez raison, dans quelle mesure? Pas sur tout, sur tel, tel aspect. Ça participe de l'équilibrage juridique. Et ça, ça, M. le Président, ça doit être protégé, mais on a face à nous une alliance PQ-CAQ, PQ-CAQ, qui fait en sorte qu'aujourd'hui, encore une fois, ils vont voter du même bord, ils vont voter contre ça, tout comme ils ont voté pour la loi n° 21 puis tout comme ils ont voté pour la loi n° 52 qui renouvelait les deux cadenas.

En politique québécoise, en 2024, on est pris dans cette surenchère identitaire là, PQ-CAQ. Ils participent de la même alliance dans leur façon puis dans leur logique de voter. Ils se sont éloignés du nationalisme civique de René Lévesque. Ils en sont maintenant à se chicaner et à faire une surenchère dans un contexte de nationalisme identitaire. Et ça, c'est Francine Pelletier qui l'écrit, entre autres, dans son livre C'est comme ça qu'on vit au Québec, qui elle, elle est souverainiste, féministe, et elle a vu, elle aussi, cette évolution, évolution que je catégorise, M. le Président, de divisive et de malsaine entre l'alliance PQ-CAQ qui vote la même affaire à l'Assemblée nationale mais qui veulent, par une surenchère identitaire, faire en sorte de diviser les Québécoises et Québécois.

Ça, ça remonte à Jacques Parizeau. Le soir du référendum, il ne l'a pas pris, M. Parizeau, qu'il avait perdu son référendum. Il y a dit : On a perdu, dans le fond, pourquoi? Pour l'argent puis le vote ethnique. Pardon, le vote ethnique? Il a dit : Oui, on a été 60 % à voter oui. La prochaine fois, on sera 62 %, 63 %. Entre nous, on peut-tu parler du nous, les francophones, puis ça passera. Depuis ce temps là, le Parti québécois a été parti, M. le Président, puis j'ai le droit de le dire en cette Assemblée nationale, sur une dérive identitaire. La CAQ et le premier ministre ont voulu manger dans ce lunch-là, puis aujourd'hui les deux se chicanent, les deux se chicanent sur l'identitaire.

Ça veut dire quoi, ça, M. le Président, de façon concrète et tangible? Ça veut dire que le premier ministre, pour lui, l'immigration, c'est une menace, pour le PQ aussi. Le bilinguisme, c'est une menace, PQ aussi. Le fédéralisme, c'est une menace, PQ aussi. Puis les tribunaux, c'est une menace, PQ aussi. Les tribunaux, vous n'aurez pas recours aux tribunaux : cadenas, cadenas, clause «nonobstant». Les libéraux votent contre ça? Ils veulent diminuer les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Vous jugerez, à la maison, vous jugerez qui vous voulez qui continue sur cette lancée-là.

Très clairement, M. le Président, nous avons, face à cette, aujourd'hui, alliance PQ-CAQ, quant à leur intérêt de faire avancer ce débat-là... de dire : Bien, ça va être le cadenas, ça va être le bâillon... Et c'est comme si, pour la CAQ, la loi qu'ils ont votée, c'était l'entièreté des 9 millions de Québécoises et Québécois qui étaient d'accord, c'était l'entièreté des Québécoises et Québécois qui allaient être pour et que, si l'on contestait ça, on contestait la nation québécoise tout entière. C'est là où nous amène la dérive de la surenchère PQ-CAQ, la dérive identitaire, de se diviser.

Les immigrants, il y en a trop. Aïe! Il y en a qui travaillent dans nos CHSLD, là, puis qui s'occupent de notre monde, ils sont dans le système de santé, qui se sont se levés ce matin, là, le cadran a sonné, là, les travailleurs étrangers temporaires, là, les travailleurs étrangers temporaires, là, puis qui ont travaillé, puis qui sont là pour nous aider. On ne parle pas des demandeurs d'asile. Ça, on l'a déjà dit, demandeurs d'asile, le Québec a fait sa part, mais les travailleurs étrangers temporaires, j'ai demandé au chef du PQ puis j'ai demandé au chef de la CAQ : Lesquels vous voudriez voir partir, à matin, parmi les milliers qui travaillent, puis qui sont allés à leur travail, puis qui font avancer le Québec? Ils ne sont pas... ils n'ont jamais été capables, ils n'ont jamais eu le courage de me dire lesquels qu'ils voudraient voir partir. Mais il y en a trop, pour eux autres.

Alors, l'immigration, c'est une menace? On est en pénurie de main-d'oeuvre partout, on a besoin de personnes qui vont être préposées aux bénéficiaires, qui vont être dans le système de santé, qui vont nous aider à les bâtir, ces logements-là, qui vont nous aider à développer l'énergie, au Québec, dont on a besoin, les services publics, les services privés.

Face à ça, M. le Président, cette surenchère-là, PQ-CAQ, pour laquelle il y a une division à avoir, pour laquelle ça faisait dire, entre autres, à Pauline Marois... Pauline Marois, en 2007, sur cette lancée là du vote ethnique, avait dit... avait déposé un projet de loi n° 195, puis elle avait dit : Ne seront pas citoyens québécois celles et ceux qui ne parlent pas suffisamment bien le français, ne seront pas citoyens québécois celles et ceux qui ne connaissent pas suffisamment notre histoire. C'était ça, le Parti québécois.

Bien, le Parti québécois, qui est parti sur une dérive, depuis ce soir-là avec Jacques Parizeau, qui en sont maintenus dans un débat identitaire où, là, mon professeur de mathématiques, secondaire IV, avec la kippa, là, c'est une menace, il faut qu'il choisisse, puis, sais-tu quoi, s'il ne choisit pas de l'enlever, sa kippa, bien qu'il s'en aille, on n'en a pas de besoin. Non, au Parti libéral du Québec, on voudra additionner avec tout le monde, on voudra respecter les droits fondamentaux, votre droit de croire en qui vous voulez croire, votre droit de conscience, liberté de religion. Vous allez être, par contre, interdits de faire du prosélytisme, vous êtes là pour enseigner les mathématiques.

Et, quand on vote, nous, on n'est pas là pour faire, nonobstant... n'en déplaise au premier ministre puis à son ministre de la Justice, on n'est pas là pour enlever des pouvoirs à l'Assemblée nationale. Bien, c'est ça, chers citoyens, la différence, c'est ça, le Parti libéral du Québec, puis on va continuer à se tenir debout.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le chef de l'opposition officielle. Il reste 18 secondes au gouvernement, alors je cède la parole à M. le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit.

M. Ian Lafrenière

M. Lafrenière : M. le Président, imaginez un instant Zainab Shafia, qui prend tout son courage pour porter plainte contre son père qui l'opprime, dû à la religion, qui appelle la police et qui se retrouve face à un agent qui porte un signe religieux. Est-ce que vous croyez que Zainab aurait eu confiance en la police, M. le Président? La réponse, elle est simple, elle est non.

Alors, de notre côté, c'est simple, ce qu'on dit. Oui à la diversité. Non, pas en position d'autorité. C'est ça que je dis à mes filles, M. le Président.

• (16 h 50) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le ministre.

Alors, nous en sommes maintenant à la prochaine étape. Je vous rappelle que nous avons reçu deux motions d'amendement. Alors, je vais demander à l'auteur de la motion à savoir s'il accepte ou non la motion de M. le ministre de la Justice et/ou M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. M. le député de l'Acadie, vous disposez de 10 minutes.

M. André Albert Morin (réplique)

M. Morin : M. le Président, la motion du ministre de la Justice est rejetée. La motion de mon collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne, de Québec solidaire, est acceptée. Voilà.

Donc, il me reste quelques minutes pour terminer ce débat, heureux de l'avoir provoqué avec cette motion, parce qu'on a entendu plein de choses cet après-midi, M. le Président. On m'a même taxé d'être un surréaliste. Écoutez, ça ne m'était jamais arrivé, mais je peux vous dire que je ne suis pas le seul surréaliste dans l'Assemblée, par exemple, parce qu'avec ce que j'ai entendu du Procureur général du Québec ça me laisse...

En fait, bref, ça a fait en sorte que je me suis posé un paquet de questions, pour vous dire la vérité, sur son rôle même de Procureur général, là, pour représenter le Québec, les Québécois devant les tribunaux. Puis, je vais vous dire ceci : Je l'ai écouté. Je l'ai écouté avec son discours assez émotif, merci, et je voudrais rappeler ceci à l'Assemblée. M. le ministre de la Justice n'a pas le monopole du patriotisme québécois. Je suis désolé, désolé, M. le ministre de la Justice n'a pas non plus le monopole de la vérité. Désolé, comme parlementaires, on a le droit de s'exprimer puis on va continuer à le faire.

Puis je vais revenir sur certains éléments, notamment la souveraineté parlementaire. Quand le premier ministre, la semaine dernière, nous a prêté des intentions, mon chef et moi, nous sommes sortis immédiatement en point de presse. Qu'est-ce qu'on a dit? Jamais, jamais on ne va diminuer la souveraineté de l'Assemblée nationale. Peut-être que le Procureur général ne nous écoutait pas. Je ne le sais pas. Moi, ce que j'ai entendu, c'est qu'il nous prêtait l'intention de faire le contraire. Or, c'est faux, jamais, comme parlementaires québécois, on ne va faire ça. Cependant, il y a des normes, il y a des règles, puis, ça aussi, il va falloir les respecter.

Le Procureur général n'a pas non plus le monopole des intérêts du Québec. On est tous élus ici. On est tous des parlementaires québécois. Puis, savez-vous, M. le Président, on a une passion pour le Québec puis c'est pour ça qu'on se défend pour nos concitoyens puis nos concitoyennes. On sait comment le rapatriement de la Constitution canadienne a été fait. Je ne me souviens pas, aujourd'hui, dans le débat, d'avoir dit que je recommandais à quiconque de signer la Constitution canadienne. Je ne me souviens pas de ça. Je ne sais pas où le Procureur général s'en allait avec son argument, mais moi, je ne me souviens pas de ça d'aucune façon.

Il y a une chose, par exemple, que je sais comme juriste. Peut-être que le Procureur général, il ne l'aime pas, la charte canadienne, ça, c'est son problème à lui, mais la Cour suprême du Canada existe. À ce que je sache, des fois, il intente des recours à la Cour suprême du Canada. Donc, il doit reconnaître la validité de l'institution, puis, au Canada, bien, c'est le plus haut tribunal. Ça fait que, quand il décide, ça lie tous les autres tribunaux. Pour ma part, je ne vois pas de problème avec ça.

Puis, savez-vous quoi, la Cour suprême, la Cour d'appel, la Cour supérieure, la Cour du Québec interprètent et appliquent la Charte canadienne des droits et libertés, n'en déplaise à M. le ministre. Il n'est peut-être pas content, mais, quand il comparaît ou que des avocats du DPCP comparaissent en matière criminelle ou lui en matière civile et que des citoyens veulent faire valoir leurs droits, bien, le tribunal va les écouter, puis va les entendre, puis va les juger sur les chartes, la charte québécoise ou la charte canadienne. Est-ce que ça veut dire qu'on était d'accord avec la façon dont la Constitution a été rapatriée puis qu'on trouvait que c'était bon? Ça n'a rien à voir, mais, juridiquement parlant, maintenant, ça s'applique. Alors, il faudrait peut-être que le ministre de la Justice en prenne acte. S'il n'aime pas ça, bien, écoutez, je ne sais pas, peut-être qu'il pourrait rejoindre d'autres partis politiques, il y a des partis politiques ici qui veulent se séparer du Canada. C'est son choix. Mais à ce que je sache, dans notre cadre constitutionnel actuel, la Cour suprême est toujours là, elle interprète les lois, puis elle applique la Charte canadienne des droits et libertés et la charte québécoise. Et ça, c'est fondamental.

On nous a beaucoup, beaucoup parlé de la loi n° 21, pourtant, la motion comme telle ne portait pas là-dessus, mais ça a attiré l'attention de bien du monde dans le gouvernement de la CAQ. Mon chef l'a mentionné, cette loi-là a été adoptée sous le bâillon.

Et, quand le gouvernement a voulu reconduire la clause de dérogation, hein, on a encore eu une application de la clause mur à mur, les articles 2 et 7 à 15 de la charte canadienne. Pourquoi la charte canadienne? Parce qu'il faut y revenir aux cinq ans. 7 à 15, là, et ça, je l'ai déjà dit, 7, c'est des droits qui traitent à la liberté, la sécurité de la personne. C'est ça que le gouvernement de la CAQ a bâillonné. C'est ça que les citoyens ici, au Québec, ne peuvent pas invoquer.

Est-ce qu'on a dit que la clause de dérogation ne s'appliquait pas? Non. Est-ce qu'on a dit qu'on ne l'utiliserait pas? Jamais. Jamais. Ça fait que peut-être que le ministre de la Justice devrait suivre un peu les débats, parce que ça, on ne l'a jamais dit. Mais, par exemple, est-ce qu'on est pour l'application d'une clause dérogatoire mur à mur sans aucune justification? Non. Pourquoi? Bien, parce que ça a un impact sur les droits fondamentaux des citoyens qui sont au Québec, puis ça, il faut le rappeler. Peut-être que le gouvernement n'aime pas ça quand quelqu'un lui rappelle. C'est possible. Peut-être que le gouvernement ou le premier ministre n'aime pas ça quand quelqu'un ne pense pas comme lui puis qu'il veut, évidemment, contester les lois du gouvernement, mais, dans une démocratie, c'est comme ça qu'on fonctionne, M. le Président. Puis ça, je pense qu'il faut le rappeler. Puis ça, nous, au Parti libéral du Québec, là, nous, on va se lever puis on va défendre cet élément-là. C'est fondamental dans notre société, n'en déplaise au Procureur général.

Puis pourquoi c'est important? Bien, c'est parce que, justement, nos sociétés reposent sur la primauté du droit, reposent sur une société de droit puis reposent sur des droits fondamentaux qui ont été accordés à des citoyens. Il faut quand même bien qu'ils soient capables de s'en servir de temps en temps, n'est-ce pas? Moi, ça m'apparaît bien évident dans le cadre d'une société libre et démocratique.

J'ai accepté l'amendement de Québec solidaire parce que, bien que, quant à moi, la motion était claire, on va s'assurer, là, que c'est hyper, hyper, hyperclair, et qu'effectivement ça ne limite pas le droit à la liberté d'expression. C'est évident, c'est évident, puis ce n'est pas ça, ce n'est pas ça, l'enjeu du débat. Mais là, c'est encore plus clair, si jamais quelqu'un n'avait pas compris.

Le débat de cet après-midi vient du fait que ce gouvernement n'aime pas quand on conteste ses décisions. Puis ça, bien, dans une société démocratique, ce n'est pas correct. Ce gouvernement n'aime pas quand quelqu'un invoque ses droits fondamentaux. Bien, pour nous, c'est justement fondamental, donc on va continuer à se battre pour nos citoyens pour qu'ils puissent les invoquer. Ça, c'est hyperimportant, et ça fait partie de notre société, ça fait partie de notre État de droit.

Puis vous remarquerez, M. le Président, on n'est pas les seuls, on n'est pas les seuls à avoir des chartes, hein? Ça a commencé il y a quelques siècles avec les États-Unis d'Amérique, avec, par la suite, la France, avec la Déclaration universelle des droits de l'homme, avec la charte québécoise, puis, après ça, avec la charte canadienne. C'est un équilibre qu'on a dans nos sociétés parce que la majorité n'a pas toujours raison. Et ça aussi, c'est un élément qu'on entend dans le discours populiste : La majorité décide, donc tout est bon. Bien non, dans un État de droit, M. le Président, ça ne peut pas être comme ça. Ce n'est pas sain que ce soit comme ça. Et c'est la raison pour laquelle les citoyens ont des droits fondamentaux et qu'ils peuvent les exercer.

Maintenant, on travaille dans un cadre parlementaire, on travaille dans un État de droit, puis nous, on va être les premiers à défendre cet État de droit là, puis on va être les premiers à défendre les droits des citoyens. On est les premiers à reconnaître aussi l'importance et le rôle de l'Assemblée nationale pour l'ensemble des Québécois puis des Québécoises. Ça, là, c'est clair, c'est archiclair, et je tiens à le souligner parce que j'aimerais ça, j'aimerais ça que le ministre de la Justice en tienne compte.

Il y a une chose qui est sûre, M. le Président, attaquer la légitimité des tribunaux, discréditer les cours de justice, c'est saper les fondements de l'État. Est-ce qu'on a le droit de critiquer un jugement? Oui. Est-ce qu'on a le droit de ne pas être d'accord? Oui. Est-ce que l'Assemblée nationale a le droit d'utiliser la clause de dérogation? Oui. D'ailleurs, elle l'a déjà fait, mais, rappelez-vous, le Parti libéral du Québec, à un moment donné, sous Robert Bourassa, l'a fait après, justement, l'éclairage des tribunaux. Donc, il y a des moyens de travailler et de faire en sorte que les droits des citoyens et des citoyennes vont être respectés.

Ce qu'il faut, c'est rappeler ces droits fondamentaux, parce qu'il est dangereux que des gouvernements populistes fassent en sorte qu'il y ait toujours une espèce d'antagonisme entre des droits collectifs et des droits individuels. Moi, ce que je dis, c'est qu'il faut être capable de faire un équilibre entre les deux, mais surtout, surtout faire en sorte que des citoyens, des citoyennes, dans notre société, ne soient pas brimés. Ça m'apparaît fondamental, et c'est la raison pour laquelle j'étais très fier de présenter cette motion, cet après-midi, et de débattre de la question, M. le Président.

• (17 heures) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie.

Et le débat est maintenant terminé, et, conformément au règlement, je dois d'abord mettre aux voix la motion d'amendement présentée par M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, avant de procéder au vote sur la motion principale. Je vous fais la lecture de ces deux motions.

La motion principale de M. le député de l'Acadie se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale rappelle que dans une société libre et démocratique, nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs droits;

«Qu'elle rappelle que l'État de droit est un des fondements de la démocratie québécoise.»

La motion d'amendement de M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne se lit comme suit :

Ajouter, à la fin du premier alinéa, les mots suivants : «, sous réserve du droit à la liberté d'expression».

Je mets donc aux voix la motion d'amendement de M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne que je viens tout juste de vous lire. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : M. le leader de l'opposition officielle demande le vote électronique. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Je vous demanderais de bien vouloir reporter ces votes à demain.

Votes reportés

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, le vote sera reporté à la prochaine séance.

Alors, nous allons maintenant procéder au retour aux affaires du jour, et je vais céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement pour la suite de nos travaux.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je vous demanderais de bien vouloir appeler l'article 11 du feuilleton. Je crois que la députée de D'Arcy-McGee voulait terminer son intervention.

Projet de loi n° 30

Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, effectivement, l'article 11 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné plus tôt aujourd'hui sur l'adoption du projet de loi n° 30, Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier.

Mme la députée de D'Arcy-McGee, vous aviez utilisé 7 min 33 s de votre temps de parole. Alors, je vous cède la parole pour la suite de votre intervention.

Mme Elisabeth Prass (suite)

Mme Prass : Merci, M. le Président. Donc, c'est ça, je reprends mon intervention sur le projet de loi n° 30 et... Bien là, je vais reprendre à partir de l'introduction, la proposition d'introduire un régime de certificat restreint ou l'équivalent.

Donc, bien que cette option ait déjà fait l'objet d'études par le passé, elle est, selon nous, toujours d'actualité. Comme vous le savez, la distribution des produits de services financiers chez les concessionnaires se fait via une personne dont le poste est directeur commercial. Bien que la majorité d'entre eux travaillent correctement et selon les directives des assureurs, nous convenons que l'essentiel des pratiques problématiques ayant mené aux modifications proposées dans le projet de loi n° 30 est causé par les stratagèmes de certains directeurs commerciaux. La CCAQ demande d'ailleurs depuis de nombreuses années des changements. La mise en place d'un régime de certificats restreints spécifiquement pour les directeurs commerciaux nous apparaît toujours d'actualité. Les bénéfices d'un tel certificat sont nombreux : diminution de l'influence des assureurs ou des commerçants sur les façons de faire des directeurs commerciaux, encadrement direct par l'Autorité des marchés financiers sur la distribution des produits, mise en place d'une formation standardisée des intervenants et diminution du taux de refus des réclamations.

L'introduction d'un régime de certificats répond aux besoins de l'industrie, de la clientèle et du gouvernement. Si l'introduction d'un certificat restreint n'est pas retenue, l'industrie propose minimalement qu'une formation obligatoire soit introduite. Pour l'instant, ce sont les assureurs qui livrent le contenu d'apprentissage aux directeurs commerciaux dans les établissements de leurs membres. Le traitement équitable du consommateur découle directement de la confiance qu'il peut avoir envers l'industrie. Il est donc grand temps qu'un programme de formation indépendant reconnu par l'Autorité des marchés financiers soit mis en place de manière à fixer les conditions d'entrée en carrière et d'exiger de la formation continue, à quoi devrait s'ajouter la création d'un fichier central des distributeurs et personnes physiques ayant fait l'objet notamment de plaintes, auxquelles s'ajouteraient des conséquences pour les délinquants, allant jusqu'au retrait du droit de distribuer des produits et services financiers. Nous considérons qu'il est bien malheureux que l'Autorité des marchés financiers ne partage aucune statistique sur les signalements qu'elle reçoit et nous laissant incapables de pouvoir redresser les pratiques problématiques.

La CCAQ entretient également la crainte que les consommateurs n'en retireront aucun gain. Il est attendu, avec l'entrée en vigueur de cette mesure, que les consommateurs n'assurent pas correctement leurs engagements financiers. Faute de mesures facilitantes permettant l'accès à de l'assurance crédit, nombreux seront les consommateurs qui décideront plutôt de tout simplement s'en priver. C'est un choix comprenant des conséquences importantes. Dans un contexte économique d'inflation, la valeur des véhicules neufs ou d'occasion atteint de nouveaux sommets. Dans un contexte économique difficile, il apparaît risqué d'introduire une telle mesure.

Ajoutons que, si le consommateur ne souscrit pas à une couverture d'assurance crédit le jour même, puisqu'il ne peut se permettre de verser annuellement sa prime, il est faux de croire que la majorité des consommateurs prendront les devants d'eux-mêmes pour assurer leur nouvel achat une fois rendus à la maison. En fait, la majorité ne le feront tout simplement pas. Avec des valeurs de prix grandissantes, cette mesure est hautement risquée.

Le régime de distribution sans représentant rend facile l'accès à l'assurance crédit. À ce sujet, nous proposons les ajustements suivants : hausse du délai de résiliation sans frais des polices acquises par les consommateurs à 30 jours minimum, aussi l'obligation pour les créanciers d'ajuster immédiatement la mensualité des débiteurs en cas de résiliation d'une police d'assurance. De telles mesures répondraient, nous le croyons, directement aux préoccupations principales adressées par les consommateurs en accordant une plus grande flexibilité aux adhérents.

À l'instar du restant de la présente, nous sommes pleinement ouverts à étudier toute autre solution ou mesure d'adresser les enjeux provoquant le changement proposé. Bien que la modification législative proposée découle de différents rapports de l'AMF auxquels nous souscrivons, il est important de ne pas déstabiliser trop rapidement l'industrie. Nous sommes donc heureux que le ministre ait accepté un amendement qui donne un peu plus de temps à toute l'industrie de se conformer à la nouvelle réglementation, ce qui leur permettra de mettre en place les meilleures pratiques sans avoir un impact financier insurmontable.

Nous voterons donc en faveur du projet de loi, qui vise à améliorer les pratiques dans le milieu des services financiers, notamment parce que ces propositions découlent de l'AMF, mais aussi parce que le ministre a su faire preuve de flexibilité face à l'industrie automobile, qui doit se transformer, mais qui doit aussi pouvoir survivre aux nouvelles manières de faire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de D'Arcy-McGee. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 30, Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Ajournement

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup, M. le Président. On a très, très bien travaillé aujourd'hui et cet après-midi. Je vous demanderais d'ajourner nos travaux à demain, 9 h 40, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Cette motion est-elle est adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Benjamin) : Alors, en conséquence, nous ajournons nos travaux à demain, jeudi 9 mai 2024, à 9 h 40.

(Fin de la séance à 17 h 08)