(Neuf heures quarante minutes)
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Bon
mercredi matin, chers collègues. Je vous invite, s'il vous plaît, à bien
vouloir vous asseoir.
Affaires
courantes
Déclarations
de députés
Alors, nous
en sommes à la rubrique Déclarations de députés. Et, avant de débuter, je
rappelle à l'ensemble des collègues que la durée de la déclaration est
d'une minute.
Alors, je vais céder la parole à Mme la députée
de Saint-Hyacinthe.
Remercier
les électeurs de la circonscription de Saint-Hyacinthe
pour leur confiance envers leur députée
Mme Chantal
Soucy
Mme
Soucy : M. le Président, depuis 10 ans, j'ai le
privilège d'être l'une des 125 députés qui siègent à l'Assemblée
nationale. Eh oui, le 7 avril 2014, les citoyens de ma circonscription me
faisaient l'immense honneur de m'élire pour la première fois. 10 ans et trois élections plus tard, bien des choses
ont changé. La région de Saint-Hyacinthe s'est profondément transformée grâce à des investissements records,
notamment en santé et en éducation. Mais je vous assure, M. le Président,
qu'il y a une chose qui n'a pas changé, c'est la fierté et le sens du devoir
qui m'habitent toujours.
Vous savez,
la politique, ce n'est pas qu'un long fleuve tranquille, c'est pourquoi ça nous
prend un équipage solide pour nous
aider à affronter les tempêtes, et je me considère chanceuse de pouvoir compter
sur ma famille, particulièrement mes
trois enfants, et sur une équipe de circonscription dévouée et loyale. Merci
d'être à mes côtés et merci aux citoyens pour leurs 10 ans de
confiance.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la députée de
Saint-Hyacinthe. Et nous allons maintenant poursuivre avec Mme la
députée de Chomedey.
Souligner la Journée de
commémoration du génocide tamoul
Mme Sona
Lakhoyan Olivier
Mme Lakhoyan Olivier : Merci, M. le
Président. Tous les ans, le 18 mai, des milliers de Canadiens d'origine tamoule commémorent le massacre de Mullivaikkal,
qui, à la fin de la guerre civile, en 2009, a coûté la vie à 70 000 Tamouls
sri-lankais.
2024 marque
le 15e anniversaire de la journée de cette commémoration du génocide
tamoul. La guerre civile au Sri Lanka a commencé en 1983. Pendant
26 ans, l'État sri-lankais a perpétué des tueries massives contre les
Tamouls, selon les Nations unies. Le
génocide tamoul est une tragédie qui a profondément marqué l'histoire. Des
milliers de vies ont été perdues lors de ce conflit brutal.
Il est
crucial de se souvenir et de reconnaître les souffrances endurées par la
communauté tamoule. Nous devons travailler ensemble pour promouvoir la justice,
la réconciliation et la prévention des atrocités afin d'éviter que de telles
tragédies se reproduisent. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Chomedey. Et
nous allons maintenant poursuivre avec la déclaration de M. le
député de Sainte-Rose.
Féliciter Mme Jade Mathieu
pour sa participation
à l'émission Canada's Got Talent
M. Christopher
Skeete
M.
Skeete : Merci beaucoup, M. le Président. Ce matin,
j'aimerais célébrer une jeune étoile qui va continuer de briller après son
passage sur la scène de Canada's Got Talent. Jade Mathieu, une chanteuse
et musicienne de seulement 15 ans,
a captivé nos coeurs. Howie Mandel lui a d'ailleurs décerné le Golden Buzzer à
sa première apparition, en avril dernier.
Bien que son parcours dans cette compétition se
soit terminé hier, lors des demi-finales, Jade reste une source d'inspiration pour nous tous. Son dévouement
envers sa passion est admirable, mais son courage et sa détermination nous
impressionnent le plus. Diagnostiquée d'un trouble du spectre de l'autisme,
Jade démontre au monde entier que les obstacles
ne peuvent entraver nos rêves. Jade est également un exemple remarquable de
générosité en tant que fière porte-parole de l'organisme Autisme Laval.
Elle utilise sa voix, M. le Président, pour sensibiliser et inspirer les
autres.
Jade, hier, tu as fait un choix
important, un choix de chanter en partie en français. Le Québec entier est fier
de toi, même si les juges ne l'ont
pas vu. Tu fais partie de notre admiration quotidienne, et je suis tellement
fier de toi. Continue à briller.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le député de Sainte-Rose. Et maintenant, pour la prochaine
déclaration, je reconnais M. le député de Gouin.
Souligner
la mobilisation des citoyens de la circonscription de Gouin
à la suite de l'incendie de La Maison Marguerite de Montréal
M. Gabriel Nadeau-Dubois
M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président.
Lundi dernier, La Maison Marguerite, un organisme qui héberge des femmes en difficulté dans ma circonscription, a
été complètement ravagée par les flammes. Les 37 femmes hébergées ont
tout perdu, et l'équipe d'intervenantes s'est retrouvée en gestion de crise du
jour au lendemain.
J'ai donc décidé avec
elles de lancer un appel aux dons, sur mes réseaux sociaux, pour combler
certains des besoins essentiels de ces
femmes-là. En moins de 24 heures, on avait déjà reçu plus d'une
quarantaine de sacs de dons, et, ce lundi, nous avions déjà un total de
plus de 80 sacs bien remplis. J'ai été profondément touché par cette
mobilisation rapide dans notre quartier, par
la grande générosité des citoyens et des citoyennes, qui ont pris le temps de
venir offrir des vêtements, du matériel, plein de choses. J'ai été aussi
touché par la mobilisation rapide du regroupement des tables de La
Petite-Patrie, qui s'est proposé pour entreposer le tout.
Je veux souligner cette générosité, envoyer un
énorme merci à tous et à toutes pour cette incroyable démonstration de
solidarité.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le député de Gouin. Et nous allons maintenant poursuivre
avec Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Féliciter
l'organisme Développement Côte-de-Beaupré pour le succès
de son service de transport collectif et adapté PLUMobile
Mme Kariane Bourassa
Mme Bourassa :
Merci beaucoup, M. le Président.
Vous savez, le sujet du transport en commun est présentement sur toutes les lèvres. Aujourd'hui, je veux
féliciter Développement Côte-de-Beaupré pour sa gestion et son bilan
exceptionnels avec son service
PLUMobile. C'est une belle réussite en matière de transport collectif et de
développement durable dans notre région.
En 2023, l'organisme
a battu des records de déplacements, avec 114 000 déplacements
effectués à bord des transports collectif et
adapté, et ça, c'est une augmentation de 40 % par rapport à 2022. On a
enregistré des augmentations substantielles
partout dans nos régions, 50 % de hausse de déplacement sur la
Côte-de-Beaupré, 17 % à l'île d'Orléans, et les services de
transport adapté ont aussi connu une hausse de 58 %.
Que
ce soit pour le travail, pour les études, pour aller à des rendez-vous
médicaux, pour aller faire des achats ou simplement pour le plaisir, les
gens ont envie d'embarquer dans PLUMobile, parce que les services sont
réellement adaptés à nos besoins. Alors, encore une fois, à toute
l'organisation, félicitations!
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Et maintenant nous allons entendre Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Rendre
hommage à Mme Miriam Green
Mme Désirée McGraw
Mme McGraw : Merci, M. le Président.
Le Complexe de santé Reine Elizabeth, qui est situé à Notre-Dame-de-Grâce,
est un établissement vital, qui a vu le jour
grâce à la détermination et au dynamisme des dirigeants de la communauté après
la fermeture de l'hôpital Reine Elizabeth, en 1996.
Miriam Green, who is a longtime NDG
resident and lifelong advocate for community services and social justice, is perhaps the one individual
most responsible for the creation and continuity of this extraordinary
institution. It continues to exist through generous community support,
despite the lack of any sustainable government funding.
Aujourd'hui, on reconnaît à juste titre Mme Green pour ses années
de leadership infatigable, de coordination et de création de coalition avant, après et pendant les 22 années passées
à la présidence du conseil administratif. Au nom de cette Assemblée
ainsi que tous ceux qui bénéficient des services de Reine Elizabeth, merci
beaucoup.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Et maintenant nous allons
poursuivre avec Mme la députée de Saint-François.
Rendre
hommage à M. Franz Gauthier
Mme
Geneviève Hébert
Mme
Hébert : M. le Président, Franz Gauthier, ici, dans les
tribunes, a commencé à s'impliquer en 1999 dans des maisons de jeunes de la région de Montréal, où il
a été un phare pendant 18 ans. Puis, de 2018 à 2024, il a coordonné les
activités de La Place des jeunes L'Intervalle, à Brompton. Durant deux
décennies, M. Gauthier a lancé des initiatives remarquables comme la plateforme Conseil virtuel, initiant des ados à la
démocratie municipale, le projet Cent détours, leur permettant de se présenter sous un angle
artistique, ou encore le festival d'art urbain Bomb'art Brompton. Partout où il
est passé, il a joué un rôle
prépondérant dans la transformation des espaces jeunesse en milieux inclusifs,
novateurs et diversifiés. Son
dévouement indéfectible a favorisé la croissance personnelle de milliers de
jeunes et suscité leur engagement civique.
M. Gauthier,
je vous souhaite bon vent dans le nouveau défi communautaire que vous
entreprenez avec votre coeur d'or et votre tête pleine de rêves.
Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Saint-François.
Et, M. Gauthier, bienvenue à votre Assemblée nationale.
Et maintenant je vais reconnaître, pour la
prochaine déclaration, M. le député de Jean-Talon.
Souligner le travail des
organismes d'aide en santé mentale
de la circonscription de Jean-Talon
M. Pascal
Paradis
M. Paradis : M. le Président, les
besoins de services en santé mentale sont de plus en plus grands, alors que les budgets qui y sont consacrés demeurent
modestes par rapport aux autres programmes en santé. Notre système de santé
est donc incapable à lui seul de fournir les
ressources nécessaires pour venir en aide à toutes les personnes qui
nécessitent un accompagnement en santé mentale.
Heureusement,
des organismes communautaires travaillent d'arrache-pied sur le terrain. En
cette semaine nationale de la santé mentale, j'aimerais saluer trois
organismes de la circonscription de Jean-Talon.
Depuis plus de 25 ans, Le Verger, le Centre
de thérapie familiale en toxicomanie Le Passage et l'Organisation communautaire d'écoute et d'aide naturelle, OCEAN,
offrent des services de prévention, de sensibilisation et d'intervention
en santé mentale. Grâce à leurs efforts, des centaines de personnes peuvent
être accompagnées dans leur guérison.
Merci de
semer l'espoir et de nourrir la compassion pour toutes celles et ceux qui
vivent avec des enjeux de santé mentale. Votre engagement nous inspire. Nous
nous joignons à vous cette semaine pour lancer un appel à la gentillesse.
Merci.
• (9 h 50) •
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le député de Jean-Talon. Et maintenant nous allons poursuivre avec
la déclaration de M. le député de Saint-Jean.
Souligner l'ouverture de la
maison des aînés de Saint-Jean-sur-Richelieu
M. Louis
Lemieux
M.
Lemieux : M. le Président, j'ai toujours fait partie des
convaincus des maisons des aînés, mais je dois vous avouer que, vendredi matin, à l'ouverture de la maison
des aînés de Saint-Jean-sur-Richelieu, la plus grande au Québec avec ses
192 appartements, j'ai pris toute la
mesure de la révolution, parce que c'est bien ce que c'est, une révolution pour
l'hébergement de longue durée au Québec.
Et la bonne
nouvelle, c'est que la vision et la philosophie qui viennent avec les maisons
des aînés vont percoler dans le reste
du réseau des CHSLD. L'autonomie et le respect de l'indépendance des résidents
dictent l'environnement, et le quotidien,
et, surtout, la routine, qui n'en est plus une, sinon que volontaire, puisque
l'idée, c'est d'y vivre comme à la maison, à tout point de vue.
J'avoue,
malgré tout ce que j'en savais déjà, avoir été impressionné et touché par les
quelques heures que j'ai passées dans
notre nouvelle maison des aînés, chez nous, autant par ce que j'ai vu, et
senti, et compris que par les résidents et le personnel, qui sont
enthousiastes et fiers, au moins autant que leur député, M. le Président.
Merci.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jean. Et
maintenant nous allons entendre M. le député de La Peltrie.
Souligner la contribution de
M. Jean Bernier à la collecte de sang d'Héma-Québec
M.
Éric Caire
M.
Caire : M. le Président, je prends aujourd'hui quelques
instants pour honorer un citoyen de ma circonscription, qui est présent
dans nos tribunes et qui vient d'accomplir un exploit très inspirant.
Le
17 avril dernier, M. Jean Bernier, citoyen de Shannon, faisait son 1
600e don de produits sanguins, un chiffre tellement gros qu'on se
demande ce que ça représente, 1 600 dons de sang, de plaquettes ou de
plasma.
M. le
Président, ça représente d'abord un record. Personne au Québec ni même au
Canada n'a jamais atteint ce plateau. M. Bernier est officiellement
le plus grand donneur de l'histoire de notre pays.
Ça représente
aussi un tour de force, car, au-delà des chiffres, il y a une histoire
d'engagement et de dévouement. M. Bernier a 71 ans, il donne
depuis qu'il a 18 ans. À toutes les deux semaines depuis 53 ans, il
se rend dans un centre d'Héma-Québec pour sauver des vies.
1 600
dons, ça représente autant de miracles pour les familles inquiètes, à l'hôpital,
qui se demandent si leur mère, leur père, leur enfant ou leur proche ira mieux.
Grâce à sa générosité...
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de La Peltrie.
Et, M. Bernier, bienvenue chez vous dans cette Assemblée nationale.
Et maintenant nous allons poursuivre avec la
prochaine déclaration, celle de M. le député de Vachon.
Rendre hommage à M. Sylvain
Lambert
M. Ian
Lafrenière
M. Lafrenière : Merci beaucoup, M.
le Président. Aujourd'hui, je rends hommage à M. Sylvain Lambert, une
personne remarquable, qui prendra sa retraite en tant que directeur général du
cégep Édouard-Montpetit et de l'École nationale d'aérotechnique, mieux connue
sous le nom de l'ENA.
Située à
l'aéroport de Saint-Hubert, l'ENA occupe une place très importante pour les
citoyens de Vachon et jouit d'une
renommée qui est mondiale, M. le
Président. En fait, la réputation de
l'ENA attire des étudiants venant de partout dans le monde pour
apprendre des compétences des professions et métiers de l'aviation.
C'est donc
sous la grande direction de Sylvain qu'au cours des neuf dernières années le
cégep a su prospérer, voyant son chiffre d'admission de l'ENA augmenté
de plus de 40 % pour la prochaine session. On en est très fiers.
Sylvain
laisse derrière lui un héritage impressionnant, marqué par l'évolution de
l'offre étudiante, l'amélioration des infrastructures, entre autres du logement
étudiant, et surtout un engagement inébranlable envers la communauté étudiante
de Saint-Hubert.
Au nom des citoyens
de Saint-Hubert, Sylvain, bon succès dans tes projets futurs. Je te remercie
pour tout. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le député de Vachon. Et nous allons terminer cette rubrique avec
la déclaration de M. le député de Joliette.
Féliciter les médaillés
lanaudois des Jeux d'hiver
d'Olympiques spéciaux Canada
M. François
St-Louis
M.
St-Louis : Merci, M. le Président. Je suis vraiment très fier
d'accueillir aujourd'hui en cette enceinte les médaillés lanaudois des Jeux
d'hiver d'Olympiques spéciaux 2024 qui se déroulaient à Calgary du
27 février au 2 mars dernier.
Je tiens à féliciter Mme Rachel Chevrette,
qui a remporté trois médailles d'argent en ski de fond, aux épreuves du 100, du 500 et du 1 000 mètres, à M. Tommy Lavergne, qui
s'est mérité une médaille d'argent en ski alpin, slalom géant avancé, ainsi qu'à toute l'équipe joliettaine de
hockey intérieur la Tempête, qui s'est mérité rien de moins que la médaille
d'or dans la catégorie A.
Bien entendu,
M. le Président, des remerciements et une mention toute spéciale à
Mme Sylvie Ducharme et à toute l'équipe d'entraîneurs et de bénévoles qui
ont supporté nos athlètes pour en arriver à se dépasser et à vivre ces moments
inoubliables.
Encore une fois, félicitations à nos médaillés
olympiques! Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Joliette. Et, à
tous nos médaillés et personnes impliquées, bienvenue à l'Assemblée
nationale. C'est chez vous, ici.
Alors, mesdames et messieurs, cela met fin à la
rubrique Déclarations de députés.
Et je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 9 h 56)
(Reprise à 10 h 06)
La Présidente : Bonjour, tout le
monde. Vous êtes nombreux ce matin.
Chers
collègues, ce matin, nous avions tous le coeur lourd, en franchissant les
portes du parlement, avec à l'esprit les tragiques événements qui s'y
sont déroulés il y a 40 ans jour pour jour.
Le
8 mai 1984, un individu armé s'est introduit au coeur de notre Assemblée
nationale avec le dessein de faire disparaître
des élus. 13 personnes ont été blessées lors de ce drame. Trois
fonctionnaires ont également péri en cette journée, qui fut l'une des plus sombres pour notre
Parlement : M. Georges Boyer, page à l'Assemblée nationale;
M. Camille Lepage, messager à
l'Assemblée nationale; M. Roger Lefrançois, employé du Directeur général
des élections. Sans le courage et le sang-froid
de M. René Jalbert, le sergent d'armes, qui est intervenu pour mettre fin
à l'assaut, le nombre de victimes aurait sans doute été plus élevé.
En
l'honneur des blessés et disparus, il est important de protéger notre
démocratie et les personnes qui y oeuvrent. Depuis ce triste événement, notre institution a pris très au sérieux les
menaces et a mis en place les meilleures pratiques pour assurer la
sécurité des élus et du personnel.
J'invite
donc la garde d'honneur à venir déposer une gerbe de fleurs sur la table,
symbole du deuil collectif que nous commémorons.
Je
vous invite tous à observer une minute de recueillement pour ne jamais oublier
celles et ceux qui ont perdu la vie ou ont été blessés il y a
40 ans.
Je vous remercie.
Veuillez vous asseoir.
Présence de la haute-commissaire du Royaume-Uni,
Mme Susannah Clare Goshko
Et
permettez-moi maintenant de souligner la présence, dans les tribunes
aujourd'hui, de la haute-commissaire du Royaume-Uni, Son Excellence Mme Susannah Clare Goshko, à
l'occasion de sa visite officielle. Elle est accompagnée de la consule
générale du Royaume-Uni à Montréal, Mme Chloë Adams.
Présence de l'ambassadeur de la République de Colombie,
M. Carlos Arturo Morales Lopez
Et je souligne
également la présence, dans nos tribunes, de l'ambassadeur de la République de
Colombie, Son Excellence M. Carlos
Arturo Morales Lopez, à l'occasion de sa visite officielle. Il est accompagné
de la consule générale de Colombie à Montréal, Mme Luz Stella Jara
Portilla.
Nous poursuivons les
affaires courantes.
Aujourd'hui, il n'y a
pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.
Dépôts de documents
À
la rubrique Dépôt de documents, M. le ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, des
Parcs et de la Faune.
M. Charette : Merci, Mme la Présidente.
Permettez-moi de déposer le rapport annuel 2022 du programme de soutien
aux bénéficiaires inuits pour leurs activités de chasse, de pêche et de
piégeage. Merci.
La
Présidente : Ce document est déposé.
Dépôt de rapports de commissions
À
la rubrique Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la Commission de l'aménagement du territoire
et député de Drummond—Bois-Francs.
Étude détaillée du projet de loi n° 50
M. Schneeberger : Oui, merci, Mme la
Présidente. Alors, je dépose le rapport de la Commission de l'aménagement du territoire qui, les 9, 10, 11 avril et 2 et 7 mai 2024, a procédé à
l'étude détaillée du projet de loi n° 50, Loi édictant la Loi sur la sécurité civile visant à favoriser la résilience aux sinistres et
modifiant diverses dispositions relatives notamment aux centres de communications d'urgence et à la
protection des incendies de forêt. La
commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.
• (10 h 10) •
La
Présidente : Ce rapport est déposé. M. le président de la Commission
des finances publiques et député de Montmorency.
Étude détaillée du projet de loi n° 60
M. Simard : Oui,
Mme la Présidente, je dépose le rapport de la Commission des finances publiques
qui, le 7 mai 2024, a procédé à l'étude
détaillée du projet de loi n° 60, Loi autorisant la conclusion de conventions collectives d'une durée supérieure à trois ans dans
les secteurs public et parapublic. La commission a adopté le texte du projet de loi sans amendement.
Je vous remercie.
La
Présidente : Ce rapport est déposé.
Il n'y a pas de dépôt
de pétitions.
Il n'y a pas de
réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de
droit ou de privilège.
Questions et réponses orales
Nous
en sommes maintenant rendus à la période de questions et de réponses orales, et
je cède la parole, en question principale, au chef de l'opposition
officielle.
Orientations
gouvernementales en matière d'énergie
M. Marc Tanguay
M. Tanguay : Mme la Présidente, l'énergie est au coeur de notre
économie. Avec la CAQ, c'est la confusion la plus totale.
En
décembre 2022, le ministre de l'Énergie nous partageait sa vision.
Allons-y voir, je le cite.
«L'éolien, si on met
10 000 mégawatts dans le Nord, on n'a pas besoin de barrages.»
«...laver la
vaisselle, bon, on la fera à minuit.»
«Moi,
j'ai vécu en Chine, puis je peux vous dire qu'on arrivait le soir dans les
maisons et c'était froid[...]. Il faut le considérer et on travaille
avec Hydro-Québec sur ça, ce sont les experts quand même.»
«...il
vente beaucoup à certaines places dans le Québec. [...]L'avantage qu'on a,
c'est qu'il y a du terrain en masse. Si on met des éoliennes à Fermont,
je pense qu'on est correct.» Fin de la citation, Mme la Présidente.
En
janvier 2023, le ministre continuait : «On va tout faire pour ne pas
en faire, des barrages...» En septembre 2023, le premier ministre, lui, a dit :
«...préparez-vous. [...]Il va y [en] avoir beaucoup d'annonces pour des
barrages...» Fin de la citation.
3 avril
dernier, le ministre, toujours sur sa vision, nous instruisait : «Dans mon
condo du Vieux-Montréal, j'ai une thermopompe
et j'ai [des plinthes électriques]. Cette année, mes [plinthes électriques]
sont éteints. Des fois, c'est un peu froid, [mais] je mets un chandail.»
Fin de la citation.
Mme
la Présidente, on peut-tu l'avoir, notre commission, pour qu'on parle, au
Québec, de l'énergie de façon sérieuse?
La
Présidente : La réponse du premier ministre.
M. François Legault
M. Legault : Oui. Mme la Présidente, effectivement, notre
ministre de l'Économie a un langage coloré. Je pense, c'est apprécié des
Québécois.
Maintenant,
bien, parlons d'énergie, parce que c'est important de faire la petite histoire.
Quand je suis arrivé, en 2018,
rapidement j'ai rencontré le président d'Hydro-Québec, Éric Martel, à l'époque,
qui m'a dit : C'est dramatique, on a des surplus d'électricité au moins pour les 20 prochaines années,
on va être obligés de jeter de l'eau des barrages qui aurait pu servir pour faire de l'électricité parce qu'on
a trop d'électricité, alors que tout le monde dans le monde cherche de
l'énergie. Qu'est-ce qu'on a fait,
Mme la Présidente? Bien, il n'y avait pas beaucoup de monde qui y croyait, on a
pris notre petite valise, on est allés à New York, on a réussi à négocier un
contrat important pour exporter de l'électricité à New York.
Le
ministre de l'Économie, avec Investissement Québec, a travaillé très fort pour
développer la filière batterie. C'est quoi, la filière batterie, Mme la
Présidente? C'est la fabrication de batteries pour les véhicules électriques
avec du lithium, qu'on a la chance
d'avoir au Québec. Pourquoi des compagnies comme Northvolt sont intéressées de
venir au Québec? Parce que, contrairement à l'Ontario puis ailleurs, l'usine ne
sera pas propulsée avec du gaz, mais avec l'électricité propre.
Maintenant, Mme la
Présidente...
La
Présidente : En terminant.
M. Legault : Je
continuerai.
La
Présidente : Première complémentaire.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay : Mme
la Présidente, on ne peut pas dire : C'était dramatique, on avait des
surplus énergétiques. Aujourd'hui, on est en
déficit énergétique. Puis c'est Hydro-Québec qui nous l'a dit, en novembre
dernier, quand elle dit qu'on a besoin de 8 000 à
9 000 mégawatts d'ici 2035. Ça, c'est un Hydro-Québec de plus d'ici
2050.
Il
y a une citation qui est quand même bonne, du ministre, qui dit, le 5 mai
dernier : «Les défis [...] sont nombreux. On doit en débattre [...]
avoir des discussions pour faire les bons choix.» À quelle heure on débat sur
notre enjeu?
La
Présidente : La réponse du premier ministre.
M. François Legault
M. Legault : Bien, Mme la Présidente, grâce au travail qu'on a
fait, on va avoir, au Québec, deux booms économiques, deux. Pas un, deux. Premier boom, bien, on va
recommencer la construction de travaux, chez Hydro-Québec, pour augmenter
le volume, donc, éolien, barrages. Bien sûr,
il faut faire aussi de l'efficacité énergétique, parce que c'est ce qui coûte
le moins cher. Deuxième boom
économique, la construction de l'économie verte : batteries, aluminium
vert, acier vert. Tout ça, ça va aussi créer des bons emplois.
La
Présidente : En terminant.
M. Legault : Donc,
on va voir deux booms économiques qu'on n'entrevoyait pas du tout avec les
libéraux.
La
Présidente : Deuxième complémentaire.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay : Bien, Mme la Présidente,
là où le premier ministre voit des booms, moi, je vois des ploufs, des ploufs
caquistes. On est en déficit énergétique.
Question
toute simple au premier ministre. Il dit : On va tout construire ça.
Hydro-Québec évalue que ça va prendre, à partir d'aujourd'hui, là, aujourd'hui,
là, puis on perd du temps, là, 35 000 travailleurs de la
construction. Il y en a à peu près
200 000, au Québec. 35 000 travailleurs de la construction. Il
va les prendre où pour que son boom, ce ne soit pas un autre plouf
caquiste?
La
Présidente : La réponse du premier ministre.
M. François Legault
M. Legault : Bien, Mme la Présidente, pour reprendre les mots
du chef de l'opposition officielle, le plouf, c'était l'époque où
Hydro-Québec devait jeter l'eau qui aurait pu servir pour faire de
l'électricité puis être vendue pour faire des milliards de dollars de profits,
pour être capables de donner ces profits-là aux Québécois puis de garder les
tarifs résidentiels très bas au Québec.
Maintenant,
Mme la Présidente, qu'on dise qu'on va créer beaucoup de jobs payantes en
construction, moi, je vois ça comme une nouvelle positive. On a commencé à
faire des formations courtes. Il y a plein de Québécois qui gagnent
actuellement 15 $, 20 $ de l'heure qui vont pouvoir gagner 40 $
de l'heure et plus grâce à notre travail.
La
Présidente : Troisième complémentaire.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay : Mme la Présidente, s'il n'y a pas de travailleurs,
il ne saura pas à qui la donner, la belle grosse paie. S'il n'y a pas de
travailleurs, ça ne sortira pas de terre.
Autre
dossier important : Churchill Falls. Le premier ministre a dit, lui :
On a fait une proposition, on est rendus dans les contre-propositions.
Churchill Falls, c'est un quart de notre consommation. Michael Sabia, lui, il a
dit, le même jour, le
contraire : «Nous sommes en train d'avoir des conversations, pas des
négociations, [...]il y a une différence importante entre [les] deux
mots.»
Alors, qui dit vrai,
le premier ministre ou Michael Sabia? C'est sérieux, l'énergie. On veut une
vision, là.
La
Présidente : La réponse du premier ministre.
M. François Legault
M. Legault : Oui. Mme la Présidente, on a lancé, en janvier,
des formations courtes en construction. On avait mis en place 5 000 places, on a eu plus de
40 000 demandes, des Québécois qui sont intéressés à améliorer leur
sort, à améliorer leur salaire.
Maintenant,
Mme la Présidente, qu'on appelle ça des conversations ou des négociations, on
continue les échanges avec Terre-Neuve-et-Labrador. Évidemment, on se parle beaucoup de quels prix
on paierait jusqu'à 2041 puis après 2041. Il y a aussi un nouveau projet
qui s'appelle Gull Island. Il y a un rehaussement de Churchill.
La
Présidente : En terminant.
M. Legault : Donc,
conversations, négociations, on se parle, puis on espère que ça va...
La
Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député
de Jacques-Cartier.
Orientations gouvernementales en matière d'énergie
M. Gregory Kelley
M. Kelley : Mme la Présidente, ce gouvernement n'a aucune
réelle vision ni plan pour le dossier de l'énergie, et le meilleur exemple, c'est quand le ministre de
l'Énergie a dit à tous les Québécois qu'il a été pris par surprise par le
manque d'énergie. Comment il peut dire ça avec une vraie face aux Québécois,
qu'il a été pris par surprise? C'est lui qui était en charge, ce
gouvernement était en charge depuis six ans. Ça démontre qu'il n'y a aucun
plan, aucune vision.
Au
début de la session, la CAQ a spinné que ça va être la session de l'énergie,
puis on va arriver avec un projet de loi, mais il n'y a aucun projet de
loi qui a été déposé, il n'y a aucun plan qui a été déposé, et ça, c'est parce
qu'il y a complètement un manque de vision.
Mais qu'est-ce qui bloque? Ça bloque où, avec ce gouvernement? Est-ce que le
caucus a dit non à toutes les demandes du superministre concernant son
plan de l'énergie, est-ce que c'est le cabinet du premier ministre qui a dit
non aux propositions du ministre de l'Énergie ou est-ce que c'était Hydro-Québec?
Votre projet, votre
plan, votre vision, M. le ministre, ça bloque où?
• (10 h 20) •
La Présidente :
On s'adresse à la présidence. Et
je vous... je vous rappelle qu'on s'interpelle par notre titre. Il s'agit du
ministre de l'Économie, de
l'Innovation et de l'Énergie.
M. Pierre Fitzgibbon
M. Fitzgibbon :
Mme la Présidente, premièrement,
une vision énergétique, c'est important pour le Québec. Et je dois avouer que, sous le gouvernement libéral, il
n'y a jamais eu de vision économique, parce que, des projets d'envergure,
il n'y en a pas eu. Hydro-Québec me faisait part, quand j'ai été nommé ministre de l'Énergie, que, sous
le régime libéral, il y a eu un seul projet en haut de
50 mégawatts. Donc, le gouvernement libéral n'a eu aucune vision
énergétique.
Le
gouvernement, c'est sa responsabilité. On a un projet de loi qui va être déposé
d'ici la fin de la session, projet de loi qui va être très compréhensif et qui
va aussi adresser le mixte énergétique, parce qu'il faut regarder tous les
projets qu'on a maintenant sur la
liste des projets porteurs pour le Québec, il faut avoir un mixte énergétique.
Donc, c'est le gouvernement qui va faire le PGIR, le programme de gestion
intégrée des ressources, quelque chose qu'ils n'ont jamais fait, ils ne
savaient pas c'était quoi. Et nous, le
gouvernement, on va le mettre en place avec Hydro-Québec, avec Énergir et
d'autres personnes, parce qu'il faut
éclairer les Québécois sur les besoins énergétiques, on est entièrement
d'accord. Et le projet de loi va permettre au gouvernement de prendre en charge tout le développement de la mission
stratégique énergétique, ce qu'on va faire de façon adéquate.
La Présidente :
Première complémentaire.
M. Gregory Kelley
M. Kelley : Le
Parti libéral, c'est le parti d'Hydro-Québec. Le Parti libéral, c'est le parti
qui a nationalisé des barrages, avec M.
Lesage et monsieur... et René Lévesque. Jean Charest, c'est lui qui a lancé le Plan Nord
puis aussi le projet de
La Romaine. C'est Philippe Couillard qui a continué d'appuyer la filière
de l'industrie de l'éolienne au Québec avec
le projet d'Apuiat. On n'a aucune leçons à recevoir du parti de la CAQ sur le
développement énergétique. C'est nous qui a bâti ça, puis c'est le
bénéfice de notre économie.
Alors,
question : C'est où, votre vision, M. le ministre? C'est où, votre
courage? Déposez un projet de loi, M. le ministre.
La
Présidente : Et, M. le député, je vous rappelle, vous posez la
question à la présidente.
Des voix :
...
La
Présidente :
Messieurs dames, je vous rappelle la règle, vous vous adressez à la présidente.
Et, pour la réponse, nous allons écouter le ministre.
Des voix : ...
La
Présidente : S'il vous plaît!
M. Pierre Fitzgibbon
M. Fitzgibbon :
Mme la Présidente, je reconfirme
ce que j'ai dit : Sous le gouvernement libéral, il n'y a jamais eu de
vision énergétique, parce qu'il n'y avait pas de projet d'envergure. Encore une
fois, Hydro-Québec, qui a planifié la capacité
industrielle ou l'offre... la demande industrielle, se basait sur l'histoire de
2000 à 2020, où il y a eu un seul projet en haut de 50 mégawatts
sous le Parti libéral. Alors, de dire, aujourd'hui, qu'il n'y a pas de vision,
c'est plutôt l'inverse. Aujourd'hui, face à
la demande accrue énergétique pour des projets qui sont porteurs pour le
Québec, comme la filière batterie et
d'autres filières que je n'ai pas encore annoncées, on travaille pour
développer un plan de gestion intégrée des ressources, regarder les
sources énergétiques, ce qui n'a jamais été fait...
La Présidente : En
terminant.
M.
Fitzgibbon : ...dans l'histoire du Québec parce qu'Hydro-Québec pensait qu'il y avait des surplus infinis, ce qui n'est plus le
cas.
La Présidente : Deuxième
complémentaire.
M.
Gregory Kelley
M. Kelley : Californie a un
vrai plan, puis c'est en action. Pendant... Dans trois ans, ils ont ajouté
20 % de leur énergie sur la pointe... le
stockage. C'est en trois ans qu'ils ont fait ça. On va en Alberta, eux autres
ont un plan pour l'énergie solaire
qui est concret. On va au Texas, ils sont en train d'ajouter l'éolienne puis le
solaire partout. Au Vermont, c'est la même
chose. On est en train de perdre notre avantage compétitif énergétique, Mme la
Présidente, à des autres juridictions.
Le Québec a
été toujours un leader. Je veux qu'on demeure un leader partout sur la planète.
Avec ce gouvernement, nous sommes en recul.
La Présidente : La réponse du
ministre. On écoute.
M. Pierre
Fitzgibbon
M. Fitzgibbon : Je n'ai pas
compris la question, mais je vais parler pareil.
Écoutez, je
pense que, ce qu'on fait maintenant avec Hydro-Québec, le plan
agressif 2035 d'Hydro-Québec fait état
d'une augmentation de la production hydroélectrique, éolien, du nucléaire...
pas du nucléaire, excusez-moi, éolien, solaire, je m'excuse, et hydroélectrique, de returbiné. On va regarder aussi
l'efficacité énergétique. Oui, on va peut-être devoir mettre des «turtlenecks»
l'hiver, mais, en même temps, il faut travailler sur toute la panoplie. Ça n'a
jamais été fait, parce qu'il n'y
avait pas besoin de le faire, parce qu'on était un surplus, parce qu'il n'y
avait pas assez de projets industriels. Donc, maintenant, on a des projets
industriels qui vont forcer Hydro-Québec et le ministère de l'Énergie à être
plus novateurs dans les pratiques qu'on va prendre...
La Présidente : En terminant.
M. Fitzgibbon : ...pour
pouvoir mieux consommer et avoir de la production à bas coût qui va être
l'énergie verte.
La
Présidente : En question principale, je reconnais maintenant la
députée de Bourassa-Sauvé. La parole est à vous. On écoute.
Pénurie de main-d'oeuvre dans
le secteur de l'énergie
Mme Madwa-Nika
Cadet
Mme Cadet : Mme
la Présidente, l'automne dernier, le P.D.G. d'Hydro-Québec nous a annoncé que
les besoins de main-d'oeuvre dans le
secteur, donc, énergétique étaient de 35 000 travailleurs de la
construction par année d'ici 2035. On
parle de chiffres énormes. Pendant ce temps-là, on vit une crise de
l'habitation, il y a des infrastructures publiques à construire qui sont déjà dans le PQI, on a des routes
à paver, puis la filière batterie, bien, elle va solliciter un bon nombre
de ces travailleurs de la construction là.
Mme la Présidente, vous comprenez qu'il n'en
reste pas beaucoup dans le lot pour le secteur énergétique, pour Hydro-Québec. Je sais que la ministre de l'Emploi,
tout comme vient de le faire le premier ministre, bien, va nous répondre qu'il
y a des formations accélérées dans le secteur de la construction, mais ces
demi-formations mal ficelées, elles ne créent pas plus de travailleurs dans le secteur de la construction. D'une part,
ces programmes déplacent une partie de la main-d'oeuvre qui aurait intégré le secteur de toute manière par
l'entremise des bassins, puis, d'autre part, bien, comme la ministre, elle a refusé ma proposition de faire signer un engagement
à ces étudiants, bien, il n'y en a pas, de garantie d'insertion professionnelle.
C'est quoi, le plan de la ministre de l'Emploi
pour Hydro-Québec?
La Présidente : La réponse de
la ministre de l'Emploi.
Mme Kateri
Champagne Jourdain
Mme Champagne Jourdain : Merci,
Mme la Présidente. J'espérais avoir cette question-là après avoir vu que le premier ministre a été questionné sur les
prévisions en construction. Je veux vous dire qu'on est très fiers des formations
qu'on a mises en place avec l'offensive de
formation en construction. C'est 4 000... plus de
4 000 personnes qu'on va intégrer dès cet été sur nos chantiers de construction, qui vont être formées,
qui vont venir augmenter la productivité de nos chantiers.
Hormis ça, on
a certainement un plan, vous le savez, j'ai eu la chance d'en parler souvent
ici, un plan qui s'appelle l'Opération
main-d'oeuvre, qui va permettre à terme, au bout de cinq ans, de former et
d'intégrer, dans le secteur de la construction,
55 000 travailleurs supplémentaires, en plus de ce qui se fait déjà.
C'est des mesures supplémentaires, Mme la
Présidente. Et je veux vous dire qu'en 18 mois de déploiement de cette
Opération main-d'oeuvre là, dans les premiers 18 mois, c'est 22 000 personnes sur ces
55 000 personnes là qui avaient déjà intégré le marché de la
construction. On a une vision, ça fonctionne, il y a des résultats.
La
Présidente : Première complémentaire.
Mme Madwa-Nika Cadet
Mme Cadet : Mme la Présidente, la ministre
de l'Emploi nous parle, donc, de l'Opération main-d'oeuvre. Justement, 55 000 travailleurs devaient intégrer,
donc, le secteur de la construction d'ici 2026. On est loin du compte. Le
chiffre de 22 000 que la
ministre... qu'elle vient de nommer, c'est à partir de 2015 qu'on voit, donc,
ces intégrations-là dans le secteur de
la construction. Pendant ce temps-là, le gouvernement, il rate la cible. Puis,
l'Opération main-d'oeuvre, bien, quand on la lit, on ne trouve rien pour
le secteur énergétique, on ne trouve rien pour Hydro-Québec.
C'est quoi,
l'opération main-d'oeuvre pour Hydro-Québec?
La
Présidente : La réponse de la ministre.
Mme Kateri Champagne Jourdain
Mme Champagne
Jourdain : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je le répète, on a une
vision. C'est ce qu'il n'y avait pas,
l'autre côté. Depuis le début des années 2000 qu'on nous parle de la
situation dans laquelle on se trouve, le gouvernement libéral n'a absolument rien fait, Mme la Présidente. Nous,
on a mis en place des mesures colossales, des choses qui ne s'étaient jamais faites. L'Opération main-d'oeuvre, c'est
3,9 milliards, 170 000 personnes dans six secteurs; le secteur
de la construction, 55 000 personnes. 22 000 personnes en
18 mois ont intégré le secteur de la construction. On continue, Mme
la Présidente. Pour le secteur de la batterie, on travaille sur une école, Mme
la Présidente.
La
Présidente : En terminant.
Mme Champagne
Jourdain : On a aussi tous les CSMO et les...
La
Présidente : Deuxième complémentaire.
Mme Madwa-Nika Cadet
Mme Cadet : Mme la Présidente, on parle ici d'Hydro-Québec. Le
gouvernement est tellement brouillon qu'il a dû revenir sur sa décision de créer des formations payées accélérées pour
les monteurs de lignes parce qu'il n'était pas capable de se coordonner avec
Hydro-Québec. C'est ça qui compromet la vision qui nous a été énoncée par M. Sabia
l'automne dernier. La ministre aurait déjà dû être en action pour nous
permettre d'avoir plus de travailleurs de la construction précisément
pour Hydro-Québec.
On
en a plein, de besoins dans le secteur de la construction, au Québec, on vit
une crise de l'habitation, mais, pour Hydro-Québec, c'est quoi, le plan?
La
Présidente : La réponse de la ministre.
Mme Kateri Champagne Jourdain
Mme Champagne Jourdain : Mme la Présidente, je
vais essayer d'être encore plus claire. Les efforts, les mesures qu'on
déploie au niveau de la formation, de la requalification en emploi tiennent
compte des besoins d'Hydro-Québec. Les
efforts, les mesures, l'Opération main-d'oeuvre tiennent compte aussi des
besoins d'Hydro-Québec. Alors, j'espère que c'est très clair. On est actifs. On a déployé une opération sans
précédent pour répondre aux besoins de main-d'oeuvre, dont ceux d'Hydro-Québec. Ça fonctionne, Mme la
Présidente, on a des résultats, et on va continuer d'avancer en ce sens-là.
Merci.
La
Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député
de Marguerite-Bourgeoys.
Développement
de la filière batterie
M. Frédéric Beauchemin
M. Beauchemin :
Mme la Présidente, mettre tous
les oeufs dans le panier d'un seul cellulier représente un risque immense pour
le Québec. Le plus grand risque, en affaires, est que son produit devient
substitué par un meilleur. En misant sur
la technologie d'un seul cellulier, on s'expose à un risque d'être substitué,
donc de perdre de l'argent et perdre du temps.
C'est ce qui arrive avec la technologie de
Northvolt. On a appris la semaine dernière que l'entreprise chinoise CATL va commercialiser une batterie qui aura une
autonomie de 1 000 kilomètres, Mme la Présidente, deux fois plus que
celle de Northvolt.
Les consommateurs voudront l'autonomie de 1 000 kilomètres de CATL,
pas celle de Northvolt. On dirait que la technologie de Northvolt est
déjà désuète, que Northvolt s'est fait substituer.
Mme
la Présidente, est-ce que les Québécois vont perdre leur argent dans Northvolt,
les milliards que la CAQ a investis? Est-ce que la CAQ peut se sentir
responsable par rapport à ça?
• (10 h 30) •
La
Présidente : La réponse du ministre de l'Économie, de l'Innovation et
de l'Énergie.
M. Pierre Fitzgibbon
M. Fitzgibbon :
Mme la Présidente, je suis heureux
de voir que le collègue devient expert dans les batteries, dans les
cellules. C'est intéressant à voir, l'intérêt du Parti libéral pour cette
filière-là.
Maintenant,
écoutez, les cellules, il y en a plusieurs sortes qui existent. Northvolt est
une compagnie exemplaire, qui fait beaucoup de recherche et
développement, et qui, d'ailleurs, travaille avec nos chercheurs ici
présentement, à l'Université Concordia, pour
ne nommer que celui-là, pour regarder différentes technologies. Northvolt va
investir, dans la première phase, 7 milliards de dollars au
Québec avec plusieurs investisseurs sophistiqués. Alors, je présume, ces
investisseurs-là ont la même sophistication que le député du Parti libéral.
Conséquemment, je pense qu'il faut accepter aujourd'hui que les celluliers vont
devoir s'ajuster, d'une part.
Donc,
Northvolt va être agnostique à la chimie des batteries. D'autre part, il va y
avoir plusieurs chimies de batteries qui
vont exister, LMP, NMC, il va y avoir du «solid state», il y a toutes sortes de
choses. Donc, de dire que CATL, la compagnie à laquelle il réfère, va dominer le marché mondial, c'est inexact. Et
je pense que Northvolt a énormément de capacité, a signé des contrats avec plusieurs OEM qui vont produire des
véhicules électriques. Donc, je pense qu'on est très contents et satisfaits.
La
Présidente : En terminant.
M.
Fitzgibbon : Est-ce qu'il y aura un autre cellulier? Peut-être, mais
pas aujourd'hui.
La Présidente :
Première complémentaire.
M. Frédéric Beauchemin
M. Beauchemin :
Mme la Présidente, je vois que le
ministre est agnostique à ce qui se passe dans le monde, mais la réalité, c'est que le Québec compétitionne de
façon mondiale, puis il y en a d'autres qui ont de meilleures technologies
puis d'autres qui diversifient leurs
risques. On vient de le voir, Honda a encore choisi l'Ontario, un projet deux
fois plus gros qu'ici, qui coûtera
moins cher aux Ontariens. La CAQ met tous les oeufs dans le même panier et
augmente les risques.
Pourquoi le ministre
est incapable de diversifier le risque de la filière batterie?
La
Présidente : La réponse du ministre.
M. Pierre Fitzgibbon
M.
Fitzgibbon : Écoutez, sous le Parti libéral, le mot «batterie»
n'existait pas, carrément, et là on est rendus à 16 milliards d'investissement, on s'en va à 20, 25 milliards
d'ici un an. Northvolt investit en Suède, en Allemagne, a les plus grands producteurs de voitures qui
travaillent avec eux autres. Alors, de dire ici, en Chambre, par le député, que
Northvolt va se tromper et perdre de l'argent, respectueusement je
n'accepte pas ça.
Deuxièmement,
Honda, il faut savoir de quoi on parle. Honda avait trois projets :
voitures, cellules, cathodes. Le seul
projet pour lequel nous avons la capacité de pouvoir faire une promotion du
Québec, c'était pour la cathode. La voiture se fait en Ontario déjà, à
Alliston, et c'était logique qu'ils continuent. La cellule, la même chose...
La Présidente :
Deuxième complémentaire.
M. Frédéric Beauchemin
M. Beauchemin : Le ministre nous fait un
bon pitch de vente, là, mais la réalité, c'est que les Québécois risquent des
milliards. La semaine dernière, on apprenait justement que le projet de cathodes
de Ford, lequel le ministre a engagé un demi-milliard de dollars, était sur glace pour des enjeux technologiques
et financiers. Avec la nouvelle batterie chinoise, les cathodes
sont-elles toujours nécessaires? L'arrêt du projet de Northvolt démontre bien
le risque de la filière batterie. Est-ce que
le ministre... Les risques. Est-ce que le ministre de l'Économie reconnaît
enfin que l'argent des Québécois est à risque aujourd'hui?
La
Présidente : La réponse du ministre. On écoute la réponse, je vous
prie.
M. Pierre Fitzgibbon
M. Fitzgibbon : Écoutez, je vais être
poli parce qu'on est en Chambre, mais, honnêtement, de voir le député du Parti
libéral qui fait un constat scientifique sur les batteries, je n'accepte pas
ça. On a des gens, des scientifiques qui réclament que Northvolt est une des technologies les plus... On a vu Elon Musk,
dernièrement, avec un actionnaire de Northvolt, j'oublie le nom, qui faisait
état de la capacité de Northvolt de
s'adapter au marché. Alors, d'écouter, aujourd'hui, le Parti libéral nous dire
que Northvolt ne peut pas réussir,
j'espère qu'ils n'écoutent pas ce qui se passe ici, dans la Chambre. Alors,
c'est complètement inapproprié.
Et,
deuxièmement, la technologie des batteries, elle est multiple, et le Québec, on
est capables, avec la Vallée de la
transition énergétique, avec l'Université Concordia, Trois-Rivières, de jouer
un rôle important dans le développement de la recherche, le
développement des batteries. Alors, profitons de ça.
La
Présidente : En terminant.
M. Fitzgibbon : On a Ford, GM, Posco,
EcoPro, Vale et Northvolt. On va en profiter puis on va en bénéficier pour
les Québécois.
Des voix : ...
La
Présidente : Bon, là, c'est un petit peu trop bruyant. J'ai entendu
des commentaires. Je vous demanderais à toutes et à tous de demeurer
respectueux.
Maintenant, en
question principale, j'aimerais entendre uniquement le chef du...
Des voix :
...
La
Présidente : Je vous
regarde tous, aussi, M. le leader. Je vous regarde aussi, M. le leader de
l'opposition officielle. J'aimerais entendre le chef du deuxième groupe
d'opposition. On l'écoute.
Financement du transport collectif
M. Gabriel Nadeau-Dubois
M. Nadeau-Dubois :
Mme la Présidente, ce matin, j'ai une question pour vous. Le transport en
commun, là, qu'ossa donne? Pourquoi, il y a
plus de 100 ans, on a mis des autobus puis des tramways partout au Québec?
Pourquoi on a construit un métro en
1967 à Montréal? Ce n'était pas pour faire plaisir à Greenpeace. Le transport
en commun, ça sert à déplacer des
gens du point a au point b, ça sert à amener des ouvriers dans des usines, ça
sert à amener des infirmières dans des
hôpitaux, des chercheurs dans des labos, ça sert à amener des enfants à
l'école. Bref, le transport en commun, ça sert exactement à la même
affaire qu'une autoroute. Mais, quand c'est bien organisé, quand c'est bien
financé, c'est encore meilleur qu'une
autoroute, c'est encore plus rapide, c'est encore meilleur pour l'économie du
Québec, et c'est moins cher pour le portefeuille du monde.
Il
y a plein de pays dans le monde qui ont pris ce virage-là, mais, au Québec, la
CAQ parle juste du transport en commun
comme d'une grosse dépense désagréable. Cette semaine, ils nous annoncent une
agence. O.K. Mais, pendant ce temps-là,
les coupures de services ont déjà commencé. La question que les gens se posent,
c'est : Est-ce que l'autobus va passer au coin de ma rue, oui ou
non?
Est-ce
que le premier ministre peut s'engager à trouver des solutions pour qu'il n'y
ait aucune nouvelle coupure dans le transport en commun au Québec?
La
Présidente : La réponse du premier ministre.
M. François Legault
M. Legault :
Oui, Mme la Présidente, d'abord, je veux dire que je suis d'accord avec la
première partie, avec l'introduction du chef de Québec solidaire. Dans
l'avenir, le transport en commun va devenir de plus en plus important. Si on veut décarboner notre économie, notre
société, il faut investir dans le transport collectif. C'est pour ça qu'il n'y
a jamais un gouvernement qui a
investi autant dans le transport collectif que notre gouvernement. Puis là je
parle autant du côté des infrastructures que du côté d'aider les
dépenses de fonctionnement.
Donc,
Mme la Présidente, je comprends, là, actuellement, qu'il y a des discussions
entre les maires des grandes villes, qui voudraient que le gouvernement du
Québec finance les déficits des sociétés de transport. On contribue pour une
partie, puis la vice-première ministre débat
avec eux autres. Mais, moi, ce que je souhaite, c'est qu'on travaille ensemble
à développer le transport collectif dans toutes les grandes villes du Québec,
tout en étant équitable avec les plus petites municipalités,
parce que les contribuables des plus petites municipalités paient aussi des
impôts au Québec. Donc, c'est ce
qu'on essaie de faire actuellement. Puis je pense que, quand on se compare avec
les gouvernements précédents... je pense qu'on a avancé, qu'on fait
mieux que les anciens gouvernements.
La
Présidente : Première complémentaire.
M. Gabriel Nadeau-Dubois
M.
Nadeau-Dubois : Le premier ministre a l'air de dire que tout va
bien. Encore ce matin, on apprend qu'à Lévis ils vont couper des services de transport en commun. Les calculs du
premier ministre, là, je vais parler en comptable, ils ne balancent pas. Il faut
baisser nos GES, il faut avoir, selon le ministre de l'Économie, moitié moins
de voitures sur les routes, mais il y a autant de monde qui veulent aller
travailler le matin, puis ce n'est pas tout le monde qui a les moyens de
s'acheter une Tesla à 80 000 $. La solution, c'est du bon transport
en commun pour tout le monde.
Est-ce que le premier
ministre peut s'engager à ce qu'il n'y ait aucune coupure de services?
La
Présidente : La réponse du premier ministre.
M. François Legault
M. Legault : Bon, je ne sais pas si le chef de Québec solidaire
fait exprès ou s'il comprend mal le fonctionnement. Il y a des grandes sociétés de transport, entre
autres à Lévis, Montréal, Québec, il y a une responsabilité de ces sociétés de
transport puis des villes concernées
concernant la planification mais aussi le financement, les négociations de
conventions collectives. Donc, ce
qu'on doit faire, comme gouvernement du Québec, c'est venir aider
financièrement. C'est ce qu'on fait, actuellement. Mais je veux être
très clair, il n'y a aucune...
La
Présidente : Deuxième complémentaire.
M. Gabriel Nadeau-Dubois
M. Nadeau-Dubois : Le premier ministre dit
qu'il n'y a pas de coupures. C'est inexact. Il y a des lignes qui ont été retirées, on vient de l'apprendre, à Lévis,
là. C'est ça qui se passe dans plein de villes au Québec. Le premier ministre
dit : Tout va bien. Ce n'est pas vrai, il y a un problème, il manque de
l'argent.
Moi,
j'ai l'humilité de reconnaître que personne n'a toutes les solutions pour
financer le transport collectif pendant 40 ans, mais, ici et maintenant, il y a un 1,7 milliard qui dort
dans le Fonds vert, puis cet argent-là est censé servir à réduire nos
gaz à effet de serre. Est-ce que le premier ministre est prêt à envisager
l'utilisation de cet argent-là?
La
Présidente : La réponse du premier ministre.
M. François Legault
M. Legault : Bien, Mme la Présidente, là, je le répète, il n'y
a aucune coupure dans le financement du gouvernement du Québec pour les sociétés de transport au
Québec. On a même financé, l'année dernière, 70 % de leur déficit,
70 % de leur déficit. Donc, Mme la Présidente, il faut aussi que le ménage
soit fait par les villes.Puis je sais qu'il y a une chose que Québec solidaire oublie souvent : il y a
juste un contribuable, juste un contribuable, que ce soit dans la municipalité,
que ce soit à Québec, c'est toujours le même contribuable qui paie.
La
Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député
de Laurier-Dorion.
Effets
de la pénurie de logements sur la santé mentale des locataires
M. Andrés Fontecilla
M. Fontecilla :
Merci, Mme la Présidente. Hier,
c'est plus de 300 organismes québécois qui ont signé une lettre ouverte établissant très clairement le lien entre
la crise du logement et la détérioration de la santé mentale chez les centaines
de milliers des locataires victimes de cette crise.
Chaque fois qu'un
logement change de propriétaire, c'est la panique de se faire évincer, harceler,
subir des augmentations de loyer abusives.
Ensuite, c'est la colère de se faire évincer, chercher de l'aide, comprendre
les recours pour se défendre, souvent
en vain. Commence ensuite la pénible tâche de trouver un logement sans rien
trouver ou trop cher, des files d'attente, la discrimination parce qu'on a des
enfants, parce qu'on a un accent ou une couleur différente, avec la panique du
1er juillet qui approche et la peur de se retrouver à la rue.
La
ministre de l'Habitation est-elle d'accord qu'il y a un lien direct entre la
crise du logement et la détérioration de la santé mentale chez les
locataires du Québec, tel que démontré par les organismes du Québec?
La Présidente :
La réponse de la ministre responsable de l'Habitation.
Mme France-Élaine
Duranceau
Mme
Duranceau : Merci, Mme la
Présidente. Effectivement, la situation du 1er juillet puis la situation
actuelle en habitation est très stressante puis angoissante pour
plusieurs personnes, puis ça, on le reconnaît. Puis c'est pour ça qu'à l'égard du 1er juillet bien spécifiquement,
depuis le mois de janvier, on est en action sur le terrain. Il y a eu des
campagnes à la radio pour dire aux
gens : Si vous recevez un avis de non-renouvellement, il faut vous y
prendre maintenant, là, il faut commencer à chercher maintenant pour
être capable de trouver quelque chose.
• (10 h 40) •
Par ailleurs, il y a les services d'aide à la
recherche de logement. Ça me permet d'en parler, là encore une fois
aujourd'hui. Les services d'aide à la recherche de logement, ils ne fermaient
pas, là, l'année passée, après le 1er juillet, ils
ont été en place toute l'année, et on a bonifié notre financement pour
s'assurer que les gens disposent des moyens nécessaires pour aider la
population.
Alors, on a des gens hypermotivés, moi, je leur
ai parlé, à la Société d'habitation, dans les offices d'habitation, des gens qui se démènent tous les jours pour
accompagner les gens qui les appellent, pour les aider à trouver un logement.
Ils vont arriver avec des mesures temporaires au début, si on ne trouve pas
quelque chose immédiatement, puis après ça les accompagner dans une solution qui sera à plus long terme. Mais on a
vraiment des gens dédiés qui sont là pour aider, Mme la Présidente.
La Présidente : Première
complémentaire.
M. Andrés Fontecilla
M. Fontecilla : On veut plus que des
mesurettes, Mme la Présidente. Ce que demandent les 300 signataires, ce sont des choses que ma formation politique
propose depuis des années, notamment un contrôle des loyers. La ministre
n'a plus le choix d'agir, c'est urgent. Elle
a plusieurs options : une fixation des loyers obligatoire, un plafonnement
des loyers, un registre des loyers. Il faut qu'elle s'attaque à la
source du problème, pas avec des mesurettes.
La Présidente : Mme la ministre.
Mme France-Élaine Duranceau
Mme Duranceau : Merci, Mme la
Présidente. Alors, je le répète, on agit de manière très concrète. Ce n'est pas des mesurettes, là, c'est aider les gens sur
le terrain, prendre leurs appels, savoir ce dont ils ont besoin, les aider à
trouver un logement, c'est ça que ça
prend, c'est vraiment l'exécution, Mme la Présidente, qui est importante, puis
on est là-dessus, ça fait que des gens qui, concrètement, aident, qui
prennent les appels.
Deuxièmement,
il y a des programmes, il y a de l'argent qui est là aussi, programme d'aide au
logement, pour aider des gens qui ne
sont pas capables, 100 $, 170 $ par mois, pour les aider à payer leur
logement. On a les PSL qui sont là aussi, le Programme de supplément au loyer.
Puis on n'oublie pas, Mme la Présidente, qu'on construit. C'est ça, la vraie...
La Présidente : En terminant.
Mme Duranceau : ...la vraie façon de
régler le problème.
La Présidente : Deuxième
complémentaire.
M. Andrés Fontecilla
M. Fontecilla : ...nous propose la
ministre, c'est payer les hôtels. Tout le monde le sait, la crise du logement alimente la crise de la santé mentale, une crise
qui a de graves conséquences et qui nous coûte très cher. Il ne faut pas
seulement plus de thérapies, ou des
psychologues, ou des hôtels, mais des vraies solutions pour soulager la
pression énorme exercée sur les locataires.
Est-ce que la
ministre va faire... Qu'est-ce que la ministre va faire de plus pour contrôler
la flambée des loyers et les évictions au Québec?
La Présidente : Mme la ministre.
Mme France-Élaine Duranceau
Mme Duranceau : Oui. Mme la
Présidente, je le répète, là, pour le 1er juillet, c'est ça qui préoccupe
les gens en ce moment, on est là. Je veux
être rassurante, je veux qu'ils sachent qu'on a des services d'aide à la
recherche de logement. Les gens
peuvent appeler au 1-800-463-4315, il y a quelqu'un qui va prendre leur appel
puis qui va les accompagner. On peut rire, là, comme l'opposition
officielle, mais c'est ça, il faut être là pour aider les gens, Mme la
Présidente.
Alors, moi,
je le répète, puis on va continuer de le répéter à travers différents médias,
parce qu'il faut que les gens sachent qu'on est là pour aider puis qu'il
n'y a personne qui va demander de l'aide qui va être à la rue le
1er juillet.
La Présidente : En question
principale, je reconnais maintenant le chef du troisième groupe d'opposition.
Production
privée d'électricité
M. Paul St-Pierre Plamondon
M. St-Pierre Plamondon : Mme la
Présidente, de nombreux experts sont venus à la conclusion que le projet TES Canada est un mauvais projet, avec un mauvais
modèle d'affaires, tant sur le plan énergétique qu'économique. La
chercheuse principale à la chaire de recherche de l'énergie de HEC Montréal, Johanne
Whitmore, décrit le projet de la manière suivante, j'ouvre les guillemets, «une aberration
énergétique [...] contraire à la recherche [d'efficacité dans la]
transformation de l'énergie en différentes formes».
TES
Canada a déposé, jeudi dernier, un avis de projet au Registre des évaluations
environnementales. C'est une étape qui nous donne plus d'information sur
un projet qui, jusqu'ici, est loin d'être un exemple de transparence. Et ce
qu'on apprend dans ce document, c'est que le modèle d'affaires du projet repose
sur une revente d'électricité privée à Hydro-Québec
pour assurer une logique, une rentabilité à ce projet-là. Les chercheurs
Whitmore et Martin ont qualifié cela, j'ouvre
les guillemets, d'«inefficace et coûteux pour l'économie québécoise», fin des
guillemets. Mais, en termes plus clairs, on est en train de parler de la
privatisation tranquille d'Hydro-Québec.
Ma
question au premier ministre : Est-ce qu'il souhaite vraiment que son
legs, le legs de son gouvernement, ce soit d'avoir défait le legs de
René Lévesque?
Est-ce qu'il peut
nous dire également, en toute transparence, quand il a obtenu le mandat
électoral de privatiser Hydro-Québec? Moi, je n'ai jamais entendu quoi que ce
soit en ce sens-là.
La
Présidente : La réponse du premier ministre.
M. François Legault
M. Legault : Mme
la Présidente, il ne faut vraiment pas être gêné, de la part du chef du PQ,
pour poser cette question-là, lui qui a déjà
écrit qu'on devrait considérer de privatiser une partie d'Hydro-Québec. Ce
n'est quand même pas rien, là.
Moi, là, jamais,
jamais il ne va être question de privatiser Hydro-Québec. Puis le legs de René
Lévesque, là, c'est un des legs les plus
importants. Puis ce que devrait savoir le chef du Parti québécois, c'est que
René Lévesque permettait qu'une
entreprise fabrique sa propre énergie. René Lévesque le permettait. Donc, on ne
change pas les façons de faire de René
Lévesque. Mais ce qu'on est en train de faire, là, alors que les libéraux ont
dormi pendant 15 ans, là-dessus il y a eu un an et demi du PQ, on a des projets pour 150 milliards pour
doubler la taille d'Hydro-Québec, pour être encore plus fiers du legs de
René Lévesque.
Des voix :
...
La
Présidente : Vous
connaissez la règle, pas de commentaire après les réponses. Et maintenant
première complémentaire.
M. Paul St-Pierre
Plamondon
M. St-Pierre Plamondon : Ce que le premier
ministre a dit, comme ça arrive trop souvent, malheureusement, c'est
inexact. Il n'a jamais été question ni proposition de privatisation
d'Hydro-Québec, surtout pas au Parti québécois.
Mais
c'est là que je lui renvoie la question. Lors des dernières élections, moi, je
n'ai pas entendu parler d'Hydro-Québec,
du côté du premier ministre. Et là on a une chercheuse qui nous dit, j'ouvre
les guillemets à nouveau, «une aberration énergétique [...] contraire à
la recherche [d'efficacité dans la] transformation de l'énergie».
Est-ce
qu'il peut nous dire pourquoi il choisit d'aller vers une aberration qui est
essentiellement la production privée d'électricité?
La
Présidente : La réponse du premier ministre.
M. François Legault
M. Legault : Bien, Mme la Présidente, bon, on dirait que le
Parti québécois est rendu comme Québec solidaire, a peur du mot «privé».
Une voix : ...
M. Legault : Oh! Il dit : Ah! Ah! Ha! Ah! Ha! Bernard
Landry, Bernard Landry, quand il a commencé à faire de l'éolien, il a
donné des contrats privés, c'est effrayant, des contrats privés, pour faire de
l'éolien.
Ce
qui est important, là, c'est qu'Hydro-Québec soit le maître d'oeuvre. Puis là
on regarde des projets d'efficacité énergétique, d'éolien, de barrages
et éventuellement aussi de solaire...
La
Présidente : En terminant.
M. Legault : ...mais
Hydro-Québec va rester 100 % aux Québécois.
La Présidente :
Deuxième complémentaire. Et je
reconnais, pour ce faire, le député de Jean-Talon. On vous écoute.
M. Pascal Paradis
M. Paradis : Avec le Parti
québécois, ce dont on parlait, c'est de l'autoproduction, produire pour
soi-même. Là, on parle d'un projet avec un
branchement à Hydro-Québec, parce que de l'éolien, c'est de l'intermittence, ça
veut dire qu'à
des moments il n'y a pas de vent, il faut que tu achètes de l'électricité
d'Hydro-Québec, puis il y a des moments tu as plus de production, tu revends à Hydro-Québec. Ça, ce n'est pas de
l'autoproduction. Ça, ça s'appelle de la privatisation.
Pourquoi le ministre n'utilise pas ce mot-là,
«privatisation»? Puis quelle est la rentabilité pour les Québécois?
La Présidente : La réponse du
ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie.
M. Pierre Fitzgibbon
M.
Fitzgibbon : Permettez-moi, Mme la Présidente, de corriger une
autre inexactitude du chef du Parti québécois.
Premièrement, le modèle de TES Canada ne tient
pas compte du rachat par Hydro-Québec de l'électricité. C'est plutôt
Hydro-Québec qui demande à TES... Parce que, il faut comprendre, le programme
de TES, le projet de TES est tellement bon, au mois de janvier il s'efface du
réseau. Donc, il n'y a aucune utilisation hydroélectrique durant le mois de
janvier, en période de pointe. Et, non seulement ça, Hydro-Québec négocie
présentement avec TES pour savoir est-ce qu'ils pourraient acheter
l'électricité produite durant le mois de janvier. Donc, c'est l'inverse de ce
que le chef de l'opposition a dit. Donc, le projet, qui est privé à 100 %,
bien, Hydro-Québec veut en profiter parce qu'ils ont besoin de...
• (10 h 50) •
La Présidente : En question
principale, je reconnais maintenant le député de Rosemont.
Efficacité
du réseau de laboratoires Optilab
M. Vincent Marissal
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Lundi, juste ici, de l'autre côté de la rue, au centre des congrès,
l'APTS a organisé une journée de réflexion sur les laboratoires Optilab. Il y
avait bien du monde : Fédération des médecins spécialistes, les
omnipraticiens, le monde collégial, des patients, même les gestionnaires locaux
d'Optilab. Il manquait quelqu'un, il manquait quelqu'un du ministère de la
Santé. Apparemment, il devait y avoir quelqu'un, puis ils ne se sont pas
présentés. Les gens étaient très déçus.
C'est
surprenant parce qu'Optilab, en ce moment, c'est un des maillons les plus
faibles de notre chaîne, en santé, au
Québec. Ça cause des problèmes, ça cause beaucoup d'inquiétude. Ça met des vies
en danger. On l'a entendu toute la journée.
Puis, en passant, on l'entend tous les jours, ces temps-ci, parce qu'Optilab,
c'est une catastrophe. On nous annonce un été encore plus
catastrophique, cet été, avec des ruptures de services.
Est-ce que le
ministre... je comprends qu'il ne pouvait peut-être pas être là, il est occupé,
mais est-ce que le ministre entend la détresse des gens en laboratoire
et de leurs patients?
La Présidente : La réponse du
ministre de la Santé.
M. Christian Dubé
M.
Dubé : Oui, Mme la Présidente, j'entends les commentaires
sur Optilab depuis plusieurs mois et je souscris... J'ai pris la peine, entre autres, cette semaine,
de parler à certains utilisateurs. J'ai beaucoup de déférence, entre autres,
pour le Dr Legault, qui est un des vice-présidents de la Fédération des
médecins spécialistes, qui m'a dit que plusieurs des recommandations qui
avaient été faites par les spécialistes il y a plus d'un an n'avaient pas été
suivies. Alors, je suis d'accord avec plusieurs des commentaires qui se font
sur les critiques d'Optilab depuis plusieurs mois.
Je ne
commenterai pas la présence ou non-présence des fonctionnaires, là, ce n'est
pas à moi de le faire, mais j'ai demandé,
justement, la semaine dernière, lorsqu'on a regardé les dossiers plus urgents
avec la présidente de Santé Québec et le nouveau vice-président exécutif, de mettre le dossier d'Optilab en
priorité sur leur table à dessin, parce qu'on voudrait trouver des
solutions rapides. C'est un des objectifs de Santé Québec, de s'occuper des
opérations...
La Présidente : En terminant.
M. Dubé : ...et la situation chez
Optilab va être corrigée.
La Présidente : Première
complémentaire.
M. Vincent Marissal
M.
Marissal : Bien, je confirme aux médecins que ça fait des
mois qu'il entend les critiques. Il ne répond pas, par contre. Ça fait des mois. Précisément, dans un
cas, 38 mois, parce que, quand il est arrivé en poste, en mars 2021, il a
dit aux pneumologues et aux cardiologues de Québec : Vous n'aimez
pas ça, Optilab? Tant pis, vous allez vivre avec.
Lundi, là,
ici, là, il y avait juste des histoires d'horreur, dans cette salle, des
histoires d'horreur qui touchent les patients. Alors, je répète ma
question : Est-ce qu'il entend la détresse? Est-ce qu'il entend bouger
pour vrai?
La Présidente : La réponse du
ministre.
M. Christian
Dubé
M. Dubé : Ce
serait facile pour moi de dire, ce matin, que c'est un projet qui a été lancé
par les libéraux, tout croche. C'est ça, la
réalité. On a été pris avec un projet qui a été mal lancé, besoins mal définis,
on n'a pas écouté les usagers, puis
là on rame dans la gravelle depuis deux années pour essayer de corriger tout ça.
O.K.? C'est ça, la réalité, Mme la Présidente. Je ne prends pas de
demi-mesure. C'est ça, la réalité. Ça a été lancé tout croche, puis on essaie
de corriger.
Là,
je suis allé voir les usagers puis j'ai dit : Comment Santé Québec, avec
des gens qui sont spécialistes dans des projets informatiques, avec des bons gestionnaires de projet... Je suis
très déçu que les gens du ministère n'étaient pas là cette semaine, mais je ne commenterai pas plus que
ça, je ne commenterai pas plus que ça. Ce que j'ai dit au Dr Legault :
On va s'en occuper...
La Présidente :
En terminant.
M. Dubé :
...puis on va le faire.
La
Présidente : Deuxième complémentaire.
M. Vincent Marissal
M. Marissal :
Encore là, on s'entend, là, ça a
été mal lancé, ça, c'est vrai, c'est tout croche. Mais, il y a 38 mois,
le ministre défendait ça puis il disait aux
médecins spécialistes : Vous allez vivre avec. Est-ce que c'est encore ça,
le message?
Pouvez-vous
croire qu'il y a quelque temps, là, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, on a fait un prélèvement pour un cancer, on a perdu l'échantillon? Savez-vous où on l'a retrouvé, Mme la
Présidente? Dans un supermarché Metro de Montréal. Non, mais ça ne
s'invente pas. C'est n'importe quoi.
Est-ce
que le message du ministre... Puis tant mieux s'il est fâché puis il veut
changer les affaires, parce que moi aussi, je suis pas mal fâché d'entendre ça. Est-ce que le message est encore
dire : Vous allez vivre avec cette affaire-là toute croche?
La
Présidente : La réponse du ministre.
M. Christian Dubé
M. Dubé : Je ne sais pas, Mme la Présidente, si le député a
entendu la réponse que je viens de donner. Je ne sais pas s'il l'a entendue, là, puis je vais la
répéter. Je dis que c'est un cas qui est inacceptable. Ça a été fait tout
croche, ce projet-là, puis on est en train de le corriger.
Moi,
j'ai demandé de l'avoir comme priorité par des gens compétents qui vont suivre
le projet, qui vont faire des corrections.
Et c'est pour ça que j'ai parlé au Dr Legault, en qui j'ai confiance. Les
commentaires qu'il m'a faits cette semaine : C'est inacceptable. Je lui ai
donné raison. On va trouver des solutions. Mais on va prendre le temps de
s'organiser comme il faut, parce que
ce genre de situation là, ça ne peut pas être fait par le ministère, ça doit
être fait par des gens d'opération...
La Présidente :
En terminant.
M. Dubé :
...qui savent comment gérer des projets informatiques.
La
Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député
de l'Acadie.
Place des Premières Nations au sein du Musée national de
l'histoire du Québec
M. André Albert Morin
M. Morin : Mme la Présidente, j'ai lu hier avec désolation
une prise de position du ministre de la Culture, qui disait : «Le futur Musée national de l'histoire du Québec
traitera de l'histoire de la nation québécoise. Ce qui exclut les Premières Nations.» Ça, c'est la
déclaration du ministre de la Culture.
Avec
sa déclaration, il vient de détruire 30 ans et plus de main tendue vers
les Premières Nations. Quel manque de respect envers ces peuples! Peut-être est-il pertinent de rappeler à nos
collègues caquistes que les Premières
Nations sont sur le territoire
depuis des milliers d'années?
Ma
question s'adresse au ministre
responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit : Est-il d'accord avec la déclaration
de son collègue?
La Présidente :
La réponse du ministre de la Culture et des Communications.
M. Mathieu Lacombe
M. Lacombe : Merci, Mme la Présidente. Évidemment, bien sûr que
les Premières Nations et les Inuits ont une histoire qui est importante. Il s'agit de leur histoire,
une histoire qui, évidemment, est importante. Et d'ailleurs on les soutient
souvent financièrement pour qu'ils soient capables de la mettre en valeur.
Maintenant, on a un
projet, celui du Musée national de l'histoire du Québec. Ce sera un musée
formidable pour tous les Québécois. Le
comité d'experts va travailler sur le contenu. Puis, Mme la Présidente, vous
savez quoi? Je suis sûr qu'il fera
son travail de très bonne façon et qu'on pourra être très, très fiers, parce
que, oui, on a le droit d'être fiers de notre histoire nationale, au Québec.
La Présidente : Alors, cela met fin
à la période de questions et de réponses orales.
Motions sans préavis
Comme il n'y a pas de votes reportés, nous
allons passer à la rubrique Motions sans préavis.
Et je
comprends qu'il y aurait une entente pour inverser les séances 3 et 4 du
cycle des motions sans préavis afin qu'un membre du troisième groupe
d'opposition présente aujourd'hui sa motion en premier et qu'un membre du deuxième groupe d'opposition présente sa
motion en premier lors de la séance de demain. Y a-t-il consentement?
Consentement.
Alors, je reconnais maintenant un membre du
troisième groupe d'opposition.
Souligner
le 40e anniversaire de la fusillade à l'Assemblée nationale
M. St-Pierre
Plamondon : Mme la Présidente, je sollicite le consentement
des membres de cette Assemblée afin de
présenter, conjointement avec le premier ministre, le chef de l'opposition
officielle, le chef du deuxième groupe d'opposition, le député
d'Arthabaska et la députée de Vaudreuil, la motion suivante :
«Que
l'Assemblée nationale commémore les 40 ans de la fusillade du 8 mai
1984, où un individu s'est présenté à l'Assemblée
nationale avec l'objectif d'attenter à la vie des membres du gouvernement
indépendantiste de René Lévesque;
«Qu'elle rappelle que dans une société libre et
démocratique, les élus du peuple doivent pouvoir affirmer leurs convictions
sans craindre la violence;
«Qu'elle se
souvienne du courage héroïque de René Jalbert, sergent d'armes, qui a
convaincu le tireur de se rendre pacifiquement à la police;
«Qu'enfin, elle observe une minute de silence en
mémoire des victimes de cette tragédie : Camille Lepage, Georges Boyer et
Roger Lefrançois.»
La Présidente : Y a-t-il
consentement pour débattre de cette motion?
M. Lévesque (Chapleau) : Oui, Mme la
Présidente, il y a consentement pour un débat de deux minutes par intervenant,
dans l'ordre suivant : le chef du troisième groupe d'opposition, le premier
ministre du Québec, le chef de l'opposition officielle et le chef du deuxième
groupe d'opposition.
La Présidente : Bien. Alors, je
comprends qu'il y a consentement pour qu'il y ait quatre intervenants et pour
que la durée des interventions soit limitée à deux minutes chacune. Cette
motion est-elle adoptée?
Une voix : ...
La
Présidente : Oui, bien entendu. Donc, pour commencer le débat,
je cède la parole au chef du troisième groupe d'opposition.
M. Paul St-Pierre Plamondon
M.
St-Pierre Plamondon : Merci, Mme la Présidente. Il y a 40 ans, un
individu est entré dans l'Assemblée nationale, armé, avec les plus sombres desseins. Ses motifs
sont connus, il voulait assassiner le premier ministre du Québec à l'époque,
René Lévesque. Sa démarche visait
spécifiquement le Parti québécois. Il désirait éteindre le mouvement
indépendantiste. Il visait une option
politique. Il visait la parole, la réflexion, le débat. Il a surtout attaqué la
démocratie, la libre circulation d'idées.
Ce tragique
événement nous a surtout fait prendre conscience que le débat démocratique, il
ne peut jamais être tenu pour acquis. Il doit être valorisé constamment avec
vigilance. Alors que l'on croyait ces événements révolus, un autre
tireur s'en est pris à la première première
ministre de l'histoire du Québec, il y a 12 ans à peine, le soir même
d'une élection générale. Elle était, elle aussi, indépendantiste. Et la
démarche visait à nouveau à étouffer le mouvement souverainiste.
Plusieurs
vous diront que ce type d'événement ne pourra plus survenir chez nous en 2024.
Et pourtant nous recevons tous et toutes, dans cette Chambre, des
messages déplacés, haineux, des insultes, des menaces. Et ça, c'est tous partis
confondus, Mme la Présidente. C'est
important qu'on se souvienne, parce qu'au-delà des idées, au-delà des débats,
des mots, il y a des êtres humains.
Le résultat de cette attaque, elle était
insensée : 13 blessés, mais surtout trois décès. Je vais répéter les
noms : Camille Lepage, Georges Boyer,
Roger Lefrançois. Ce sont donc à eux et à leurs familles que je souhaite
d'abord et avant tout offrir ce
moment solennel, des moments d'espoir, de rêve, de joie, de vie qu'on leur a
volés à eux mais à leurs familles, aux enfants, aux proches.
• (11 heures) •
Le
drame, il aurait pu être pire si le sergent d'armes René Jalbert n'avait
pas eu le sang-froid, le courage et la présence d'esprit nécessaires
pour négocier et convaincre le tireur fou de se rendre. J'aimerais donc
terminer en soulignant le travail essentiel et courageux
de celles et ceux qui nous protègent au quotidien pendant nos mandats
démocratiques. Merci à eux. Merci à
René Jalbert d'avoir joué ce rôle. Aujourd'hui, ce sont des constables
spéciaux de même que des corps policiers
qui l'assument au quotidien. René Jalbert a sauvé des vies en 1984, les
constables spéciaux et l'équipe de sécurité du parlement sont là pour
sauver des vies, et nous en sommes reconnaissants, mais restons vigilants.
Aujourd'hui, à une époque de tensions
politiques, de polarisation, qui se font sentir partout dans le monde, et où la
désinformation prend de plus en plus de place, à nous, collectivement, de
protéger la démocratie, si chère aux yeux des Québécoises et des
Québécois. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente :
Je reconnais maintenant le premier ministre du Québec.
M. François Legault
M. Legault :
Oui, Mme la Présidente, aujourd'hui, on commémore les 40 ans de la
fusillade qui est survenue ici, à
l'Assemblée nationale, le 8 mai 1984. Trois personnes ont perdu la
vie, 13 ont été blessées. Donc, rappelons-nous de Georges Boyer, Roger
Lefrançois et Camille Lepage. Ils ont donné leur vie au service de la
démocratie.
On
a donc un devoir de mémoire, parce que, quand on s'en prend à l'Assemblée
nationale, c'est à notre démocratie qu'on
s'en prend. Le Québec, c'est une des nations au monde qui a la plus vieille
tradition démocratique. La première fois que les Québécois ont voté,
c'était en 1792. Donc, on a une chance exceptionnelle de pouvoir élire notre gouvernement.
Dans plusieurs endroits dans le monde, ce
n'est pas encore possible. Donc, on a le devoir de défendre la démocratie, de
défendre cette valeur-là, qui est
fondamentale pour les Québécois, de défendre aussi ceux et celles qui la
portent, les élus mais aussi le personnel de l'Assemblée nationale.
Évidemment,
on ne peut pas parler du drame du 8 mai 1984 sans saluer le courage
exceptionnel de René Jalbert, qui
était sergent d'armes ici, au salon bleu, quand le tireur est entré. Avec un
grand sang-froid, M. Jalbert a discuté avec le tireur, il a réussi à le calmer, et le tireur s'est rendu. La
conduite héroïque de René Jalbert a permis de sauver plusieurs vies. M. Jalbert est décédé en 1996. Depuis
2006, il y a une rue qui porte son nom pas loin, ici, pas loin du parlement.
C'est un hommage qui est tellement mérité. Je veux saluer encore une
fois sa mémoire, 40 ans après un acte de bravoure exceptionnel.
L'Assemblée
nationale doit toujours rester un endroit sécuritaire, où toutes les opinions peuvent
s'exprimer, mais dans le respect. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente : Je cède maintenant la parole au chef de l'opposition
officielle.
M.
Marc Tanguay
M. Tanguay : Mme la Présidente, le 8 mai 1984, un
homme armé est entré à l'Assemblée nationale. Ses intentions sont sans
équivoque, il veut tuer le premier ministre et des députés. Voici un extrait du
témoignage d'Yves Gaboury, employé du Directeur général des élections, qui se trouvait dans l'antichambre, à côté du
salon bleu : «C'est là qu'il est arrivé
à la porte. Il dépose son sac et sort sa mitraillette. [...]C'est une de mes
collègues qui m'a repris par le bras, m'a ramené en dessous d'une table, et pendant ce temps les balles fusaient. Je me
demande encore comment ça se fait que je n'ai pas été touché.» Fin de la
citation.
Le
tireur s'est installé ici, au salon bleu, dans le fauteuil que vous occupez,
Mme la Présidente. Ce sont des images fortes, marquantes, des images que
des milliers de Québécoises et Québécois ont encore aujourd'hui en tête.
Le
bilan est tragique. Trois personnes sont tuées : Camille Lepage, Georges
Boyer, deux messagers de l'Assemblée nationale,
et Roger Lefrançois, employé au Directeur général des élections. Et c'est aussi
13 personnes qui ont été blessées. Nous devons nous souvenir des victimes et témoigner encore aujourd'hui,
Mme la Présidente, nos sincères condoléances à leurs familles, à leurs
proches.
Le
sergent d'armes René Jalbert a démontré un remarquable sang-froid, un courage
exceptionnel. Il a initié un dialogue avec le tireur. Il a ainsi sauvé de
nombreuses vies. Sans son courage, le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd.
Il a d'ailleurs été décoré de la Médaille de l'Assemblée nationale.
Nous
sommes tous conscients et conscientes que notre société est une société
paisible. De telles attaques sont rares, rares et impensables, mais qui
sont arrivées. La lutte contre la haine et la violence est notre responsabilité
à tous. Toute attaque contre l'un de nos
citoyens et citoyennes est une attaque contre le Québec, contre notre société
pacifique. Nous avons, oui, un devoir
de mémoire, et aujourd'hui notre devise prend tout son sens : Je me
souviens. On doit se souvenir de cette tragédie et veiller et agir
pour que ça ne se reproduise plus. Merci, Mme la Présidente.
• (11 h 10) •
La
Présidente : Je reconnais maintenant le chef du deuxième groupe
d'opposition.
M. Gabriel
Nadeau-Dubois
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente.
Nous soulignons aujourd'hui un bien triste anniversaire pour cette
Assemblée et pour toute la démocratie québécoise.
Il
y a 40 ans, le 8 mai 1984, un homme traverse l'hôtel du Parlement
armé de deux mitraillettes. Il cherche à assassiner le premier ministre du
Québec et les députés du Parti québécois. Sur son chemin meurtrier, en quelques
minutes à peine, il fait trois victimes, 12 blessés et marque au fer
rouge la vie de tous ceux et de toutes celles qui étaient dans la bâtisse ce
jour-là, dont des élèves du primaire.
Mais
heureusement, heureusement, le triste bilan du 8 mai s'arrête là.
Heureusement, le sergent d'armes René Jalbert réussit à persuader le
tireur de laisser partir les gens et de le suivre dans son bureau jusqu'à
l'arrestation, plusieurs heures plus tard, ce qui met fin à une journée
tragique. Mme la Présidente, face à la terreur, c'est le sang-froid et la
bravoure qui l'ont emporté. Je veux saluer cette bravoure, celle du sergent
d'armes René Jalbert, un véritable héros au Québec.
Je veux
souligner, bien sûr, à mon tour, également la mémoire de Camille Lepage,
Georges Boyer et Roger Lefrançois, qui ont perdu la vie ce jour-là.
Je veux rendre hommage aux constables spéciaux
de l'Assemblée nationale qui encore aujourd'hui protègent le siège de notre démocratie jour et nuit avec
vigilance et professionnalisme. C'est grâce à eux et à elles que les élus du
Québec et que l'ensemble du personnel de
l'Assemblée nationale fait son travail sans peur, en sachant qu'ils et elles
assurent nos arrières. Merci.
En regardant... On peut les applaudir, je pense.
(Applaudissements)
M.
Nadeau-Dubois : En regardant
ce qui se passe ailleurs dans le monde, on se dit souvent qu'on a la chance
d'être ici, au Québec, de pouvoir
compter sur des institutions fortes, sur une démocratie robuste, où les débats
l'emportent toujours sur la violence,
mais les événements du 8 mai 1984, tout comme l'attentat visant la
première ministre du Québec, il y a maintenant 12 ans, nous
rappellent que cette chance n'est pas une certitude. Ne l'oublions jamais.
Merci.
Mise aux voix
La Présidente : Est-ce que cette
motion est adoptée? Adopté.
Alors, je
vous invite à vous lever. Nous allons nous recueillir pour une minute de
silence en hommage à toutes ces victimes.
• (11 h 13
—
11 h 14
)
La
Présidente : Je vous
remercie beaucoup. Et je tiens à souligner que l'Assemblée nationale du Québec
a préparé un documentaire qui est maintenant accessible sur toutes ses
plateformes et qui relate ces tristes événements.
Voilà. Pour
la suite des motions, je cède maintenant la place à la première vice-présidente
de l'Assemblée nationale. Merci beaucoup pour votre attention.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) :
Donc, nous poursuivons. Et je
suis prête à reconnaître un membre du groupe formant le gouvernement.
M. le ministre de la Culture et des Communications, je vous cède la
parole.
Demander à Radio-Canada
de protéger l'autonomie
de ses services en français
M. Lacombe : Merci, Mme la
Présidente. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter
la motion suivante conjointement avec la
députée de Robert-Baldwin, le député de Jean-Lesage, la députée... le député de
Matane-Matapédia et la députée de Vaudreuil :
«Que
l'Assemblée nationale reconnaisse le rôle essentiel qu'a joué Radio-Canada dans
la construction de l'identité québécoise ainsi que dans celle de tous
les francophones du Canada;
«Qu'elle
rappelle l'importance centrale qu'occupe toujours Radio-Canada dans la
production de contenu d'information et de contenu culturel en français;
«Qu'elle
souligne les différences culturelles importantes qui existent entre les publics
québécois et francophones desservis par Radio-Canada, et celui de la
majorité anglophone desservie par CBC;
«Qu'en
conséquence, l'Assemblée nationale demande au diffuseur public de protéger
l'autonomie des services en français et de travailler à la consolider.»
Merci.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) :
Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du
gouvernement.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui, il y a consentement, sans débat. Et je vous
demanderais un vote électronique, s'il vous plaît, Mme la Présidente.
Mise aux voix
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc,
une demande de vote électronique. Le vote est ouvert.
Le vote est fermé. Mme la secrétaire générale,
pour le résultat du vote.
La
Secrétaire : Pour : 103
Contre :
0
Abstentions :
0
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc,
cette motion est adoptée. M. le leader du gouvernement.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui, Mme la Présidente, je vous demanderais d'envoyer
copie de cette motion à Pascale St-Onge, la ministre fédérale du Patrimoine, et
à Mme Catherine Tait, de Radio-Canada, CBC, s'il vous plaît. Merci.
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Ce sera fait. Merci.
Donc,
je suis maintenant prête à reconnaître un membre du groupe formant l'opposition
officielle. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Demander au gouvernement de faire les démarches
nécessaires afin de s'assurer
que les centres d'urgence 9‑1‑1 offrent des services de télécommunication
en français sur l'ensemble du territoire québécois
Mme Maccarone :
Merci. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la
motion suivante conjointement avec le
ministre de la Sécurité publique, le député de Laurier-Dorion, le député de
Jean-Talon et la députée de Vaudreuil :
«Que l'Assemblée
nationale demande au gouvernement caquiste de faire toutes les démarches
additionnelles nécessaires auprès du
gouvernement fédéral, afin de s'assurer que le Conseil de la radiodiffusion et
des télécommunications canadiennes prenne les actions nécessaires pour que les
centres d'appels d'urgence 9-1-1 des entreprises de téléphonie IP fournissent les services de télécommunication en
français sur l'ensemble du territoire québécois, sans empêcher l'utilisation
additionnelle d'une autre langue que le français, et ce, dans les plus brefs
délais.» Merci.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
Mme la députée. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette
motion? M. le leader du gouvernement.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui, Mme la Présidente, il y a consentement, sans débat.
Une voix :
...
Mise
aux voix
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Donc, il y a une demande de vote électronique. Le
vote est ouvert.
Le vote est fermé.
Mme la secrétaire générale, pour le résultat du vote.
La
Secrétaire : Pour : 103
Contre :
0
Abstentions :
0
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Merci. Donc, la motion est adoptée. M. le leader de
l'opposition officielle.
M. Derraji : Mme la Présidente, j'aimerais qu'une copie de
cette motion soit envoyée au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, à la
ministre du Patrimoine canadien et au ministre fédéral de la Sécurité publique,
des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales. Merci,
Mme la Présidente.
• (11 h 20) •
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Ce sera fait.
Donc,
je suis maintenant prête à reconnaître un membre du deuxième groupe
d'opposition. M. le député de Jean-Lesage.
Souligner
le 25e anniversaire du Mouvement
pour une démocratie nouvelle
M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Alors, je sollicite le
consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante
conjointement avec le député de Matane-Matapédia :
«Que l'Assemblée
nationale souligne le 25e anniversaire du Mouvement pour une démocratie
nouvelle;
«Qu'elle
reconnaisse l'apport du MDN dans la réflexion collective sur l'amélioration de
la représentativité de la volonté populaire;
«Qu'elle
rende hommage au travail continu du MDN pour la démocratie québécoise, en
rassemblant les citoyennes et citoyens ainsi que les organisations de la
société civile.»
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le député. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?
M. le leader du gouvernement.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui, Mme la Présidente, il y a consentement, sans débat.
Une voix : ...
Mise aux voix
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Donc, une demande de vote électronique. Le vote est
maintenant ouvert.
Le vote est
maintenant fermé. Mme la secrétaire générale, pour le résultat du vote.
La
Secrétaire : Pour : 104
Contre :
0
Abstentions :
0
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc,
cette motion est adoptée. M. le leader du deuxième groupe d'opposition.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Est-ce qu'une copie de
cette motion pourrait être envoyée au Mouvement démocratie nouvelle?
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Ce sera fait.
Avis
touchant les travaux des commissions
Maintenant,
nous poursuivons nos travaux à la rubrique Avis touchant les travaux des
commissions, et, pour ce faire, je vais laisser la parole à M. le leader
du gouvernement.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Donc,
j'avise cette Assemblée que la Commission de l'économie et du travail va
poursuivre l'étude détaillée du projet
de loi n° 51, la Loi modernisant
l'industrie de la construction,
aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de
15 heures à 18 h 30, à la salle Pauline-Marois;
La Commission de
l'aménagement du territoire va entreprendre l'étude détaillée du projet de loi
n° 57, la Loi édictant la Loi visant à protéger les élus et à favoriser
l'exercice sans entraves de leurs fonctions et modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine
municipal, aujourd'hui, de
15 heures à 18 h 30, à la salle Marie-Claire-Kirkland;
La
Commission de la santé et des services sociaux va poursuivre l'étude détaillée
du projet de loi n° 37, la Loi
sur le commissaire au bien-être et aux droits des enfants, aujourd'hui,
après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à
18 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;
La Commission des
finances publiques va entreprendre l'étude détaillée du projet de loi
n° 53, la Loi édictant la Loi sur la
protection contre les représailles liées à la divulgation d'actes
répréhensibles et modifiant d'autres dispositions législatives,
aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de
15 heures à 18 h 30, à la salle
Louis-Joseph-Papineau.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci.
Pour ma part, je vous avise que la Commission de la culture et de l'éducation
se réunira en séance de travail demain, le jeudi 9 mai 2024, à
la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, de 8 heures à 8 h 30, afin de statuer sur la possibilité que la commission
se saisisse de la pétition concernant l'évaluation des impacts sur la santé et
l'environnement du nouveau site de l'école primaire du secteur Saint-Luc, à
Saint-Jean-sur-le-Richelieu, et, de 8 h 30 à 9 heures, afin de
statuer sur la possibilité que la commission se saisisse de la pétition
concernant l'adaptation des stages d'enseignement aux personnes malades
ou en situation de handicap.
Maintenant, nous
poursuivons à la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.
Affaires
du jour
La
période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer
aux affaires du jour. Et, pour nous indiquer la suite des travaux, je
vous cède la parole, M. le leader du gouvernement.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Je vous demanderais de bien vouloir appeler
l'article 10 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet
de loi n° 44
Prise
en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) :
Merci. Donc, à l'article 10 du feuilleton, l'Assemblée prend
en considération le rapport de la Commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant principalement la Loi sur le
ministère de l'Économie et de l'Innovation en matière de recherche.
Y a-t-il des
interventions? M. le ministre délégué à l'Économie.
M. Christopher
Skeete
M. Skeete : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. C'est avec plaisir, aujourd'hui, que je prends la parole pour la
prise en considération du projet de loi n° 44. Je souhaite tout d'abord
remercier toutes les personnes qui ont participé aux consultations de ce projet de loi. Leur
présence active et leur engagement ont été cruciaux afin d'ajuster, peaufiner,
rendre meilleur le projet de loi n° 44, répondant ainsi de manière
plus précise aux besoins de la communauté scientifique.
Ce projet de
loi n° 44 actualise la Loi sur le ministère de l'Économie et de
l'Innovation en focalisant les domaines de recherche, de la science et de l'innovation envers la technologie.
Nous envisageons la création d'un nouveau fonds de recherche, Mme la Présidente, le FRQ, qui réunira
trois fonds actuels subventionnés par le gouvernement pour la recherche scientifique, le Fonds de recherche du Québec — Nature
et technologies, le Fonds de recherche du Québec — Santé, le Fonds de recherche du Québec — Société
et culture. Le nouveau Fonds de recherche du Québec aura pour mission de
soutenir le développement de la recherche scientifique dans ces trois secteurs.
Il va aussi promouvoir la formation de la
relève et l'excellence en matière de recherche. Le Scientifique en chef agira à
titre de président-directeur général du nouveau fonds et aussi va conserver la
direction scientifique spécialisée pour chaque secteur.
L'objectif
est de simplifier la gouvernance pour aligner le fonctionnement sur les
meilleures pratiques internationales, de
maximiser les différentes synergies entre les différents secteurs de recherche
également. Nous croyons fermement que cette structure va faciliter le
soutien des projets de recherche multidisciplinaire. Nous maintiendrons les
budgets actuels des trois fonds de
recherche, et tout le personnel restera en place. Le passage de ces trois
conseils d'administration à un seul facilitera
l'adoption aux exigences de la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État tout
en réduisant les activités administratives. Nous créons aussi un comité
scientifique consultatif pour chacun des grands secteurs de recherche. Cela
garantira un lien direct en continu avec la communauté de chercheurs.
Depuis plus de 20 ans, sauf pour une courte
période, le gouvernement du Québec a fait un choix de confier ces
responsabilités au ministère de l'Économie. Notre projet de loi vient donc
confirmer ce qui existait déjà depuis fort longtemps. Sur le plan
administratif, il nous permet... pardon, il permet aux trois fonds de se
conformer à la loi sur les gouvernances de sociétés d'État, à laquelle sont
assujettis les fonds depuis le 3 juin 2022. Le projet de loi s'inscrit dans la continuité des objectifs établis par les FRQ
dans le cadre de la SQRI2, qui souligne notre engagement envers l'excellence
en recherche, la science et la technologie.
Face aux défis de recherche de plus en plus
complexes et aux besoins de société... sociétaux nombreux, nous devons poser
des gestes forts pour maintenir et renforcer notre capacité à exceller dans un
monde de plus en plus compétitif. Le projet de loi n° 44 est un pilier de
cette stratégie ambitieuse, conçue pour soutenir notre communauté scientifique. Cette réorganisation permettra au
nouveau FRQ d'assurer une gouvernance plus cohérente, de renforcer les synergies et d'être... entre les différents
secteurs de recherche, mais aussi offrir une interdisciplinarité qui est fort
pertinente dans des temps de plus en
plus complexes. La tradition de recherche disciplinaire et la... voyons, la
multidisciplinarité seront non
seulement préservées, mais aussi encouragées à se développer davantage,
respectant ainsi les approches méthodologiques.
Actuellement, le fonds de recherche est financé,
libre et... pardon, actuellement, le fonds de recherche libre et fondamentale
bénéficie d'à peu près 80 % des budgets actuels, ce qui veut dire que la
liberté académique est maintenue. On
souhaite préserver ça, Mme la Présidente. Il y a eu beaucoup d'inquiétude en ce
sens. Je souhaite le redire ici, 80 % des budgets alloués
actuellement dans les fonds de recherche le sont pour la recherche libre et
fondamentale. C'est quelque chose qui est
important. Pour la première fois, le concept de recherche libre sera inscrit
dans la loi, marquant un avancement significatif pour la communauté
scientifique.
Durant tout le projet de loi, Mme la Présidente,
je voudrais vous aviser et vous nommer que j'ai eu la forte collaboration de mes collègues de l'opposition. Je
souhaitais le dire parce que, n'eût été de leur ouverture à vouloir bonifier
le projet de loi, ça n'aurait pas été
possible de rendre effectif ce projet de loi comme il l'est aujourd'hui. Donc,
permettez-moi de saluer et de remercier le député de Marguerite-Bourgeoys, ici
présent, pour ses efforts à nous aider à
bonifier ce projet de loi. Il avait certaines inquiétudes, et, en travaillant ensemble,
on a réussi à colmater ces inquiétudes-là, du moins je le souhaite.
J'aimerais aussi faire un clin d'oeil au
collègue de Maurice-Richard, qui a aussi contribué à l'amélioration de ce
projet de loi là.
J'aimerais
aussi prendre un moment, parce que je le regretterais, sinon, de ne pas
remercier l'ensemble des équipes qui étaient présentes, que ce soit la
présidente de la commission, que ce soient les collègues de la partie
gouvernementale, que ce soient aussi
les membres de la fonction publique qui nous ont appuyés tout au long de ce
processus-là. Je vous dis un gros merci. Je prends aussi un moment pour
remercier le Scientifique en chef pour son travail.
Donc, on va
se revoir, je l'espère, lors de l'adoption du projet de loi, Mme la Présidente,
mais, d'ici là, je voudrais vous dire
que je pense qu'on a fait un bond important pour la recherche non seulement
libre et fondamentale, mais aussi la recherche en général. Je pense
qu'on fait un bon pas en avant. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je
vous remercie, M. le ministre. Maintenant, nous allons poursuivre avec
l'intervention de M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Frédéric Beauchemin
M.
Beauchemin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je veux
remercier le ministre à l'Économie, qui a apporté un projet de loi qui
était, je crois, essentiel pour l'avenir du Québec.
Je crois aussi qu'il y avait des... il y avait
une genèse, en arrière de ce projet de loi, qui avait des petites couleurs
libérales, on pourra s'entendre là-dessus. Mais ce qui est important pour nous,
c'est de se rendre compte qu'il y avait effectivement beaucoup d'inquiétudes
dans les milieux scolaires, dans les universités, et on les a entendues.
Je pense que
le transfert effectif de la gestion du fonds de recherche ainsi que la fusion
au sein d'une même entité ont soulevé beaucoup de passions dans les
rangs du milieu de la recherche. On a travaillé avec le ministre pour bonifier le projet de loi au
maximum et d'obtenir des garanties de la part du ministre afin de protéger la
recherche fondamentale ainsi que de protéger les disciplines qui sont
moins propices à avoir des retombées économiques.
Donc, l'étude détaillée nous a permis de faire
adopter plusieurs modifications, je veux juste les mentionner rapidement, des modifications quant à la
nomination du Scientifique en chef, nous avons fait adopter un amendement qui
assure que le comité de sélection du Scientifique en chef soit composé à la
majorité de personnes issues du milieu de la
recherche, un. Le Fonds de recherche du Québec devra publier annuellement des
budgets sectoriels octroyés à chacune des trois missions du fonds. Ceci
permettra évidemment de suivre les budgets de chacune des missions afin de
suivre chacune d'entre elles, qu'ils ne se trouvent pas désavantagés par
rapport à la refonte actuelle. Et aussi, pour assurer que le ministre de
l'Enseignement supérieur ait toujours
un oeil sur le Fonds de recherche du Québec, nous avons ajouté à la loi la nécessité qu'un représentant du ministère de l'Enseignement supérieur soit présent sur le C.A. du Fonds de recherche du
Québec à titre d'observateur, au même titre qu'un représentant du ministère de
l'Économie, comme c'était le cas au
dépôt du projet de loi. Et nous avons aussi participé à l'adoption d'un
amendement déposé par la partie gouvernementale afin que les directions
scientifiques de chacun des volets du Fonds de recherche du Québec se
donnent... se dotent d'un comité formé par des personnes issues majoritairement
du milieu de la recherche scientifique et du milieu étudiant. Un grand
avancement là-dessus. Et finalement nous avons eu des garanties de la part du
ministre que les bourses seront octroyées par des comités de pairs, comme c'est
présentement le cas dans le régime.
Donc, avec ces modifications-là, avec ces
amendements-là, Mme la Présidente, pour nous, évidemment, nous avons trouvé
qu'on répondait aux demandes du milieu et les inquiétudes. Donc, on parle ici
d'améliorer la gouvernance des sociétés
d'État, on parle ici de moderniser la façon que la recherche va se faire au
Québec. Donc, dans ce sens, on croit qu'on a bien contribué et, avec
l'aide du ministre, on a été capables de faire avancer le projet de loi. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je
vous remercie, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Mise aux voix
Comme il n'y a pas d'autre intervention, le
rapport de la Commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant principalement la Loi sur le
ministère de l'Économie et de l'Innovation en matière de recherche,
est-il adopté?
Des voix : Adopté.
• (11 h 30) •
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté.
M. le leader du gouvernement, pour la suite des travaux.
M.
Lévesque (Chapleau) : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous
demanderais de bien vouloir appeler l'article 2 du feuilleton, s'il
vous plaît.
Projet de loi n° 56
Adoption du principe
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Merci. Donc, à l'article 2 du feuilleton, M.
le ministre de la Justice propose l'adoption
du principe du projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le
régime d'union parentale.
Alors, je cède la parole immédiatement à
M. le ministre de la Justice.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Je suis très heureux de procéder aujourd'hui au débat sur l'adoption du principe du projet de loi
n° 56, Loi portant sur la
réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale. Ce projet
de loi, nous l'avons d'abord
élaboré pour les enfants. Plusieurs de mes collègues en cette Chambre sont
également parents et seront donc d'accord avec moi lorsque je dis que nos
enfants, c'est notre priorité numéro un, Mme
la Présidente. Comme législateurs, les enfants se doivent aussi d'être notre
priorité, et nous avons le devoir de nous assurer qu'ils soient
adéquatement protégés.
Nous l'avons
déjà mentionné, le droit de la famille n'avait pas été revu depuis plus de
40 ans. En 40 ans, le Québec a connu de nombreuses transformations,
et les familles ont beaucoup évolué, mais le droit de la famille n'a pas suivi
le même rythme et aujourd'hui il est en
décalage. Au cours de ces quatre décennies, la proportion des couples en union
libre est passée de 8 % à 42 %, faisant en sorte qu'aujourd'hui
65 % des enfants naissent hors mariage, Mme la Présidente. Nous serons tous d'accord que le droit de la famille se
devait d'être adapté afin d'être davantage en phase avec la réalité des
familles d'aujourd'hui.
Ainsi, le 27 mars dernier, nous avons
déposé le troisième jalon de l'importante réforme du droit de la famille que
nous menons depuis 2021. Le projet de loi n° 56 porte sur la conjugalité,
il vise à assurer la protection des enfants en
cas de séparation de leurs parents. Les enfants ont besoin de stabilité, de
repères et de sécurité, surtout lorsqu'ils vivent une situation éprouvante, telle que la séparation de
leurs parents. C'est à ces besoins essentiels que vient répondre le projet
de loi n° 56.
Le
projet de loi se décline en quatre mesures-phares. Tout d'abord, nous proposons
d'introduire un nouveau régime d'union
parentale qui s'appliquera aux conjoints de fait qui deviendront parents après
l'entrée en vigueur de la loi. La
naissance de leur enfant entraînera la constitution d'un patrimoine d'union
parentale composé de biens à l'usage de la vie familiale, soit la
résidence familiale, les meubles de la résidence familiale ainsi que les
véhicules utilisés pour les déplacements
de la famille.
Toutefois,
afin de respecter la liberté décisionnelle des Québécois et Québécoises, les
conjoints pourraient, d'un commun accord, retirer des biens du patrimoine
d'union parentale ou se retirer complètement de son application. Soulignons
aussi que les parents non mariés qui le
souhaiteraient et dont les enfants sont nés avant l'entrée en vigueur de la loi
pourraient décider d'adhérer au patrimoine d'union parentale via un
processus simplifié.
Le
projet de loi n° 56 propose aussi d'instaurer des mesures de protection
sur la résidence familiale. Nous voulons éviter qu'en cas de séparation un parent se retrouve du jour au
lendemain sans domicile s'il n'est pas propriétaire de la maison
familiale. Ainsi, nous prévoyons que le tribunal puisse attribuer un droit
d'usage temporaire de la résidence familiale
au conjoint qui obtient la garde des enfants, même s'il n'en est pas le
propriétaire. Cette mesure vise à assurer une transition en douceur aux enfants
et laisse aux parents le temps de mieux les préparer aux changements
qu'engendre nécessairement une rupture.
La
réforme que nous proposons inclut également des mesures visant à contrer la
violence judiciaire. Le système de justice est là pour aider les citoyens à
résoudre des conflits. Malheureusement, certaines personnes malveillantes
l'utilisent dans le but de nuire à
leurs ex-conjoints en multipliant les procédures judiciaires, qui sont souvent
dispendieuses et, disons-le, qui peuvent être angoissantes.
Plus souvent
qu'autrement, les enfants se retrouvent au centre des conflits et en sont les
victimes collatérales. Nous donnons les
outils aux tribunaux pour déceler ce type d'abus en matière de droit familial
et pour le sanctionner. C'est un
message, Mme la Présidente, que le législateur envoie, un message fort pour
donner les outils aux juges afin que ce genre de comportement là ne soit
pas tolérable dans nos salles de cour.
La dernière
mesure-phare du projet de loi concerne l'héritage et prévoit de nouveaux droits
successoraux pour les conjoints en union parentale. À l'heure actuelle, si un
conjoint de fait décède sans testament, 100 % de ses biens vont à... va à ses enfants. Le conjoint survivant
est donc à risque de se retrouver dans une situation de précarité financière,
en plus de devoir vivre son deuil. Le projet de loi prévoit qu'en l'absence de
testament le conjoint survivant hériterait du
tiers des avoirs du défunt à condition que les conjoints soient parents d'un enfant
commun et qu'ils aient fait vie commune pendant au moins un an avant le décès. Cela dit, Mme la Présidente, la
liberté testamentaire va bien évidemment toujours prévaloir. Donc, les
gens qui font un testament, le testament aura priorité.
Dans les derniers
jours, nous avons eu l'occasion d'entendre plusieurs groupes en consultations
particulières sur les différentes mesures de
cette réforme. Certains ont salué la réforme dans son ensemble, d'autres nous
ont fait part de préoccupations et ont proposé de possibles améliorations, mais
tous s'entendent sur une chose, il était plus que temps qu'un
gouvernement ait le courage de mener cette réforme en matière du droit de la
famille.
Certains
groupes ont notamment soulevé leur intérêt d'inclure les REER, les régimes de
retraite, les fonds de pension dans le partage du patrimoine familial,
comme c'est présentement le cas en mariage. Nous l'avons dit déjà à plusieurs reprises et nous le réitérons aujourd'hui, il n'est pas question de marier les gens de force au Québec.
C'est pourquoi le régime que nous proposons diffère de
celui qui s'applique aux mariages. Et je me permets ici de citer la professeure
de droit de l'Université de Sherbrooke, Mme Andréanne Malacket, qui, lors
de son passage en commission parlementaire, s'est prononcée sur cet aspect, et
elle dit : «Les régimes de retraite ne sont pas un gain à caractère
familial comme le sont la résidence, les
meubles et les véhicules. Sur le plan des principes, on peut donc considérer
que ces biens sont propres à chaque conjoint
puisqu'ils sont intrinsèquement liés à la formation acquise par chacun d'entre
eux et aussi à leurs efforts sur le plan
professionnel. Le partage de ces biens a normalement lieu quand les enfants
sont autonomes et ont quitté le domicile familial.»
Un
autre commentaire important que nous retenons de l'exercice que nous venons de
conclure est celui de Me Marie-Annik
Walsh au sujet de la prestation compensatoire. Comme l'a souligné Me Walsh au
sujet du recours qui s'offre
présentement aux conjoints de fait, soit l'enrichissement injustifié, qui est
un recours très fastidieux, très difficile et très coûteux : «Ainsi,
en proposant la prestation compensatoire, nous venons faciliter et simplifier
le recours pour les ex-conjoints durant l'union.»
• (11 h 40) •
Les
commissions parlementaires nous ont également permis de constater... Les
séances des commissions parlementaires nous ont permis de constater que la mesure
pour contrer la violence judiciaire comprise dans le projet de loi était
accueillie positivement par tous les groupes que nous avons eu l'occasion
d'entendre. Il s'agit d'une mesure importante
qui empêche quiconque d'instrumentaliser nos institutions afin de nuire et de
perpétuer un climat de violence auprès de son ex-conjoint. Et, comme l'a
d'ailleurs mentionné Me Marie-Elaine Tremblay, lors de son passage en
commission parlementaire, une partie vulnérable qui fait une demande à la cour en
enrichissement injustifié se retrouve souvent à avoir une extrême difficulté à financer le recours, et il ne
suffit pas... et il ne suffit, pour l'autre partie, que d'aller souvent à la
cour. À chaque fois, ce sont des frais qui se multiplient.
Au Québec, il ne
devrait pas être possible de profiter de la vulnérabilité d'un ex-conjoint pour
lui faire du tort devant les tribunaux, et
c'est pourquoi il était nécessaire pour nous de prévoir, donner les outils
nécessaires aux tribunaux pour repérer facilement ce type d'abus et les
sanctionner.
Également,
Mme la Présidente, l'ensemble des groupes ont souligné l'importance de la
disposition relativement au fait que
les tribunaux doivent favoriser l'utilisation du même juge tout au long des
procédures judiciaires pour favoriser, dans
le fond, l'efficacité des tribunaux, mais surtout le fait que les citoyens
n'aient pas à raconter à toutes les fois leur histoire. Et ça, je pense que c'est un point important, dans
le cadre du projet de loi, qui a été souligné par l'ensemble des groupes.
En terminant, je cite Me
Jean Lambert, notaire émérite, qui a souligné que nous avons là un projet de
loi juridiquement innovateur et socialement
équilibré. Et je vous dirais que ce n'était pas un équilibre facile à faire,
Mme la Présidente, et c'est
probablement pour cela que certains gouvernements précédents n'ont pas agi dans
ce dossier, Mme la Présidente. Mais
je crois qu'au terme des consultations particulières et auditions publiques de
la Commission des institutions nous
pouvons affirmer que nous avons là un projet de loi qui est très bien balancé,
qui répond aux principales préoccupations des familles québécoises, et
qui fait oeuvre utile, et qui répond aux besoins des Québécois et des
Québécoises.
Vous me permettrez de remercier l'ensemble des
collègues parlementaires qui ont participé aux commissions parlementaires, de
remercier les groupes, également, qui sont venus. Et nous entamerons très
prochainement l'étude détaillée du projet de
loi. Et je tiens à remercier particulièrement la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, à titre d'adjointe parlementaire, qui a été impliquée dans le
dossier, ainsi que le député de Chapleau, Mme la Présidente, qui, depuis des années, travaille sur ce dossier-là, qui a participé
aux consultations publiques du gouvernement du Québec, notamment, et qui
s'était investi depuis plusieurs années. Alors, je tiens à les remercier pour
leur soutien et leur travail dans le dossier. Et, sans plus tarder, nous serons prêts à passer à
l'étude détaillée avec l'ensemble des collègues de la partie gouvernementale
et des oppositions, Mme la Présidente. Merci.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, M. le ministre. Maintenant, je
suis prête à entendre un autre intervenant. M. le député d'Acadie, la
parole est à vous.
M. André Albert Morin
M.
Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, je suis heureux
de pouvoir prendre la parole au stade de l'adoption du principe du projet de
loi n° 56, Loi portant sur la
réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale.
Écoutez, c'est un projet de loi que je
qualifierais d'important. Permettez-moi de référer au mémoire du Barreau du Québec, qui sont venus en commission
parlementaire et qui nous rappelait qu'environ... au Québec, c'est entre
50 % ou 60 % des couples,
présentement, qui vivent en union de fait et qui, souvent, ont des enfants.
Donc, évidemment, c'est une partie importante de la population qui est
visée par ce projet de loi.
On a entendu
un très grand nombre de groupes, associations en commission parlementaire, et
ça, pendant plusieurs jours. Je pense que c'était important, parce que, le
ministre y faisait référence, il y a un encadrement juridique qui est
important. Par contre, certains nous disaient : Bien, écoutez, il ne faut
pas marier des gens de force, le projet de loi ne va pas assez loin, va
trop loin, il est trop précis, pas assez précis. Bref, assez difficile de
dégager un consensus ou une unanimité. Mais
ce qui est clair, c'est que la plupart des groupes, en fait, nous disaient que
ça répondait à un besoin. Donc, c'est quelque chose que je salue. Et
évidemment toute la question des unions de fait, comme vous vous en rappelez
probablement, a fait couler beaucoup d'encre au Québec depuis l'affaire Éric c.
Lola, une décision de la Cour suprême.
Donc, le
projet de loi, et le ministre le soulignait tout à l'heure, a comme point
d'ancrage, comme pierre angulaire toute la question des enfants, pour assurer
une protection aux enfants qui seraient évidemment... qui arrivent et qui sont
le fruit d'un couple vivant en union de fait. Mais, ce qu'il faut rappeler, et
ça, c'est grâce aux nombreux groupes et associations
qui sont venus en commission parlementaire, même si le projet de loi est un pas
important, tout n'est pas parfait. Et donc moi aussi, j'ai hâte de débuter,
éventuellement, l'étude, qu'on va faire plus spécifiquement article par
article, du projet de loi pour, je
l'espère, et j'espère que le ministre fera preuve d'ouverture, apporter
éventuellement des modifications qui, je pense, pourraient améliorer le
projet de loi.
Le projet de
loi définit l'union parentale. Donc, l'union parentale va se former dès que des
conjoints de fait deviennent les père et mère d'un même enfant. Il en est de
même lorsque les père et mère ou les parents d'un même enfant deviennent
conjoints de fait ou le redeviennent. Donc, on voit véritablement que
l'intention du législateur, c'est de créer cette union, de l'encadrer
quand il y a un enfant qui vient au monde.
Sauf que, dans les dispositions transitoires et
finales, le législateur prévoit que le régime va s'appliquer aux personnes qui
deviennent les pères et mères ou les parents d'un même enfant après le
29 juin 2025. Alors, ce n'est pas une
faute de frappe, ce n'est pas «2024», c'est «2025». Et ça, plusieurs groupes
nous ont dit : Écoutez, si la pierre angulaire du projet de loi,
c'est d'assurer ou de donner une protection aux enfants qui sont issus de
parents qui sont en union de fait, bien,
pourquoi attendre? Alors, il n'y avait pas de consensus, il n'y avait pas
d'unanimité là-dessus, puis je pense que c'est important, c'est important de le souligner. On est, évidemment, au
niveau du principe, mais il y a quand même des éléments qui nous ont été... qui
ont été portés à notre attention pendant qu'on a entendu des groupes lors de la
commission parlementaire.
Autre élément qui a été souligné par plusieurs,
le législateur, quand il veut définir la fin de l'union parentale, donc, ce qui est prévu, c'est le décès de l'un des
conjoints ou encore par la manifestation expresse ou tacite de la volonté
des conjoints ou de l'un d'entre eux d'y
mettre fin. Et ce que plusieurs groupes nous ont dit, c'est que c'est une
expression, comme je le soulignais moi-même en commission parlementaire,
qui est très créative mais qui ne correspond pas nécessairement à des expressions semblables qui sont utilisées dans
notre droit civil présentement. Et donc, évidemment, s'il y a des termes nouveaux qui sont utilisés
dans un projet de loi qui, éventuellement, va devenir une loi, on peut
s'interroger sur la portée, sur l'interprétation. Et puis, évidemment, ce qu'on
souhaite éviter dans des cas comme ça, c'est qu'il y ait des
contestations éventuelles devant les tribunaux. Donc, ça, ce sera à regarder
d'une façon toute particulière.
La majorité
des groupes nous ont dit que ce qui est prévu par le législateur au niveau du
droit d'usage de la résidence familiale, si jamais il y a une demande en
ce sens-là, et qui doit être faite 30 jours après la fin de l'union, c'est
un délai qui n'est pas réaliste, c'est trop
court. Là, on peut dire que, s'il y avait un consensus parmi tous les groupes,
c'était bien... c'était bien celui-là.
Le
projet de loi parle aussi d'un patrimoine d'union parentale. Donc, avec ce
concept d'union... de patrimoine d'union parentale arrive toute la question du
patrimoine. Et, encore là, le ministre a fait un choix, le gouvernement a fait
un choix, mais c'est un choix qui est quand
même restreint. Et on verra, s'il y a lieu, éventuellement, de le bonifier, ce
qui est... ce qui est évidemment important.
Autre élément, le projet de loi prévoit que des
conjoints en cours d'union pourront se retirer des dispositions du patrimoine d'union parentale, ils peuvent le
faire par acte notarié en minutes. Et là, encore là, il y a eu plusieurs
groupes qui sont venus nous dire : Les notaires, ce sont des officiers
publics, ils sont impartiaux, ils peuvent consulter toutes les parties. Alors que d'autres nous ont dit :
Écoutez, c'est tellement important, oui, les notaires sont des officiers
publics, mais, dans un cas comme ça, il serait peut-être bon d'avoir un
conseiller juridique indépendant autre qui va conseiller les deux parties.
Donc, on aura la chance... on aura la chance d'y revenir.
• (11 h 50) •
Le projet de
loi prévoit évidemment le partage du patrimoine, la prestation compensatoire
qui, finalement, dans le cas d'une séparation, permet à un des conjoints qui
n'aurait pas accumulé le même... le même patrimoine, de demander une prestation. Plusieurs nous ont dit que c'était un
mécanisme, évidemment, propre au droit civil mais que la mécanique pouvait
parfois être compliquée. Alors, on verra s'il y a lieu ou pas, éventuellement,
de bonifier ce mécanisme de la prestation compensatoire.
J'attire
votre attention, Mme la Présidente, sur un élément du projet de loi, parce que
le ministre y a fait référence dans son allocution, et c'est l'article 6
du projet de loi qui réfère, lui, à l'article 653 du Code civil du Québec,
en ce qui a trait à la dévolution
légale, c'est-à-dire les gens qui meurent sans testament. Donc, à une certaine
époque, on appelait ça une succession ab intestat. On utilise moins le latin de
nos jours, mais ça, en fait, ça regroupe, ça vise les conjoints qui vont
décéder et qui n'ont pas de testament.
Là, on ne
parle pas de la naissance d'un enfant, on ne parle pas des parents qui vont
s'occuper de leur enfant, on ne parle
pas d'un partage alors que les enfants sont très jeunes, nécessairement, puis
qu'il y a... qu'il y aura donc un partage du patrimoine familial. Ça peut arriver, le décès, puis évidemment les
gens, on l'espère, vont vivre longtemps et heureux, ça peut arriver des années
et des années après. Sauf que, dans sa proposition, le ministre dit : «Est
un conjoint survivant aux fins de la
dévolution le conjoint qui était lié au défunt par mariage, par union civile ou
par union parentale et, dans ce dernier cas, qui faisait vie commune
avec le défunt depuis plus d'un an.»
Sauf que, là,
on est en matière successorale puis en matière comme telle de droit de la
famille. Et donc pourquoi ne pas
inclure des conjoints de fait qui vivraient ensemble depuis plus d'un an? Ce
volet-là, je dois vous l'avouer, m'échappe. Alors, on aura la chance...
on aura la chance d'en reparler quand on étudiera ça tout en détail.
Je veux
également soulever un élément qui nous a été amené en commission parlementaire,
puis je pense que ça mérite... ça
mérite de s'y attarder. Et ça a été amené par le Regroupement des maisons pour
femmes victimes de violence conjugale. Ces personnes-là sont venues
témoigner. Ils ont déposé un mémoire, mais ils nous ont parlé évidemment, souvent, des cas difficiles dans lesquels les
conjoints se trouvaient, les cas difficiles dans lesquels les femmes se
trouvent aussi. Et elles ont
souligné, et je le note, dans leur mémoire, qu'il faut absolument, pour que ça
fonctionne convenablement, rapidement
et efficacement, le droit de la famille, il faut absolument que les ressources
qui sont allouées à la Commission des
services juridiques, notamment pour le service Rebâtir, soient augmentées de
façon à pouvoir représenter davantage de victimes ou encore de
conjoints, de femmes qui sont en train de se séparer.
Même chose pour la représentation et
l'accessibilité par l'octroi d'honoraires adéquats aux avocats de pratique privée qui prennent des mandats d'aide juridique.
Je prends la peine de le souligner parce qu'une des dames qui nous a parlé
de ce regroupement venait de l'Abitibi, et
elle me disait que... elle nous disait, en fait, que, présentement en Abitibi,
il n'y a à peu près pas ou très peu d'avocats de pratique privée qui
prennent des mandats d'aide juridique, puis c'est la même chose dans d'autres
régions du Québec.
Alors,
j'espère que le gouvernement m'entend. Parce qu'il y a présentement des
négociations, et là les négociations n'avancent
pas. Et ce que ça fait, c'est que ça enlève une couverture essentielle pour un
nombre important, puis, comme on nous l'a dit, pour un nombre important
de femmes qui ont besoin de services juridiques mais qui n'en ont pas.
Alors, la
réforme, elle est... elle est importante, je le mentionne. Je pense que c'est
un pas vers la bonne direction. Est-ce qu'on peut bonifier le tout? Absolument,
on va y travailler fort, mais ça va fonctionner s'il y a des ressources
qui viennent avec, particulièrement au
niveau des services juridiques et de l'aide juridique pour s'assurer que les
plus vulnérables dans notre société vont avoir accès aux services d'un
ou d'une avocate. Ça, ça m'apparaît fondamental. Donc, je pense que la réforme va bien fonctionner si ça suit
également. Sinon, je pense que ça va être effectivement beaucoup plus
compliqué, et je tenais à le souligner.
Ceci étant
dit, nous allons être en faveur, nous allons voter pour l'adoption du principe
du projet de loi n° 56, Loi
portant sur la réforme du droit de la
famille et instituant le régime d'union parentale. Et je vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le député. Alors, nous allons poursuivre avec M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Guillaume
Cliche-Rivard
M. Cliche-Rivard : Merci, Mme la
Présidente. Comme vous le savez, actuellement il y a deux principaux régimes d'union quand deux personnes font vie
commune, le statu quo d'abord, s'ils ne prennent aucune action, et puis
l'union civile, le mariage, quand ils
décident conjointement de souscrire au régime de patrimoine familial et aux
obligations liées aux époux. C'est donc
un peu tout ou rien, sauf exception. C'est ce que... Et ce que le ministre
présente, c'est une sorte d'entre-deux, sur la base de l'intérêt de l'enfant, en créant un régime
mitoyen, régime d'union parentale qui comprend certaines dispositions du mariage, mais pas toutes. Si, sur
le principe, nous sommes favorables, il est évident que le projet de loi est
perfectible et que plusieurs changements doivent être apportés.
Alors, la
description un peu du projet de loi, quand est-ce que ça va s'appliquer, ce projet
de loi là. Le point d'ancrage de
l'union parentale, Mme la Présidente, c'est la venue d'un enfant et que le
couple fasse vie commune, donc il n'y a pas de durée minimale, et qu'ils
s'affichent comme tel, comme un couple. Ce sera d'application automatique, donc
un «opt-in», comme on a utilisé
l'expression plusieurs fois en commission, et, pour s'en sortir, il faudra s'en
retirer conjointement, donc, par une déclaration de sortie. Le p.l. va
s'appliquer à ceux qui auront un enfant après le 29 juin 2025, donc il
n'est pas d'application immédiate.
Et, pour ceux qui ont eu des enfants avant, ils pourront y souscrire
conjointement s'ils le consentent tous les deux. C'est ce qu'on prévoit.
Maintenant,
qu'est-ce que ça change d'être dans une union parentale? Évidemment, il y a
constitution d'un patrimoine d'union parentale. C'est une nouvelle introduction
qui est un peu similaire à ce qu'on connaît dans le patrimoine familial, dans le cas des époux, mais qui
comprend, bon, donc, la résidence principale, les meubles à l'usage de la
famille, la voiture, mais sont exclus
les régimes de retraite, donc REER, CELI, etc., ainsi que les résidences ou la
résidence secondaire. Les conjoints
peuvent modifier la constitution du patrimoine conjointement via un acte
notarié. Ils peuvent aussi se retirer du
régime conjointement. Si c'est fait dans les 90 jours de la constitution
du régime, alors il est réputé ne jamais avoir existé.
Il y a évidemment des nouvelles protections à la
résidence familiale pour ceux qui y sont soumis. Dans les 30 jours suivant
la fin de la relation, une des deux parties peut revendiquer des protections
liées à la résidence familiale. Il y a évidemment l'introduction de la
prestation compensatoire dans l'union parentale, aussi appelée l'enrichissement
injustifié. Le conjoint qui se serait
appauvri afin de participer aux charges de la famille peut demander au tribunal
que lui soit versée une prestation
compensatoire. La prestation demandée peut, au surplus, être fondée sur la
collaboration régulière à une entreprise du conjoint. On peut demander
une provision pour frais. Ça veut dire un genre d'avance dans... pour démontrer
une capacité ou pour être capable de faire valoir ses droits, compte tenu des
chances de réussite, sans quoi, on l'a
souligné, beaucoup de personnes seraient incapables, tout simplement incapables d'engager ces recours-là. Et puis la valeur accordée
sera déterminée sur la base de la juste valeur marchande.
Sur le volet
de la prestation compensatoire également, les besoins d'établir des tables
directrices, un peu comme des pensions alimentaires, est revenu souvent
en commission.
Il y a des
éléments sur la dévolution légale également. Le p.l. vient changer les règles
testamentaires pour que la veuf ou le
veuf... la veuve ou le veuf pour qui le conjoint décédé n'avait pas de
testament puisse hériter du tiers de la résidence familiale, alors
qu'avant ça on avait 100 % pour les enfants.
Il y a
évidemment d'autres éléments. Dommages et intérêts pour violence judiciaire. On
vient créer un droit de dommages et
intérêts lorsqu'un conjoint est responsable de violence judiciaire, ou un
ex-conjoint est... en est responsable, tel
que constaté par le tribunal, autant en matière familiale qu'en matière de la
jeunesse. C'est très bien accueilli. Si le juge tranche qu'il y a violence, il devra accorder des dommages et intérêts à
la victime. Donc, il y a d'excellentes propositions.
• (12 heures) •
«Un juge, un
dossier» en fait partie également, en matière de droit familial.
L'article 32 prévoit que le juge en chef de la cour va tout faire en son pouvoir pour mettre le même juge pour
qu'il suive le dossier, ce qui va éviter tout dédoublement, perte de
temps, de suivi, de confiance, d'incapacité à trancher sur la violence, etc.
Donc, ce fut salué.
Il y a
également des discussions sur la création d'un tribunal unifié de la famille.
Ce fut très intéressant. Donc, à suivre.
Et évidemment quelques éléments sur le
réajustement de la pension alimentaire, prévus à l'article 24, afin d'éviter une judiciarisation des rajustements. Le
SARPA va aider les parents à faire le calcul pour la pension alimentaire
rajustée. Donc, ça, ce sont les éléments présentés.
Évidemment,
il y a des points en litige. J'en ai parlé, l'inclusion ou les exclusions du
patrimoine d'union parentale a été
longuement débattue. C'est même au coeur du débat. La logique présentée par le
ministre veut que ça vise à protéger les habitudes de l'enfant afin que
son quotidien ne soit pas bousculé. On parle d'un régime mitoyen afin de ne pas
marier les gens de force non plus.
Évidemment, ce volet-là était hautement critiqué par les groupes, compte tenu
de l'immense inégalité financière qui subsiste, les statistiques l'ont
démontré, malheureusement, encore à ce jour, entre les hommes et les
femmes. Le ministre prétend que ce sera amoindri par la prestation
compensatoire, mais les intervenants indiquent
qu'on assistera donc à une possible surjudiciarisation des dossiers. Il faudra
être vigilants sur ce point pendant l'étude détaillée.
Il y a aussi
plusieurs questions sur l'inclusion des résidences secondaires. Plusieurs
intervenants sont venus nous en parler pour que ce soit inclus, comme la
logique veut que ça touche le quotidien des enfants.
Alors,
pourquoi ne pas inclure dans le patrimoine l'ensemble de ce qui est prévu au
patrimoine familial et ensuite permettre, comme c'est le cas, aux couples de se
retirer de certains éléments, au besoin, selon leur situation personnelle?
Ça nous semblerait beaucoup plus simple. Il
y a aussi des questions sur le fait qu'on ne devrait pas pouvoir se retirer de
certains éléments de base du patrimoine d'union parentale. Il faudra qu'on en
discute.
La date d'entrée en vigueur a aussi été un des
éléments discutés. Le fait que l'union parentale va être applicable seulement à ceux et celles qui auront un enfant
ensemble en cohabitation après juin 2025 est également au coeur du débat,
on en parle et on parle de catégories
d'enfants qui seront plus ou moins protégés selon leur date de naissance.
Beaucoup ont dit que le projet de loi devrait être d'application immédiate,
avec un délai pour se retirer du régime, comme ce fut le cas lorsqu'on a créé le régime de patrimoine familial
avec le mariage en 1989. On avait alors prévu 18 mois pour se sortir du
régime, mais, sinon, c'était applicable à tous. Alors, il faudra surveiller ça
de manière sérieuse.
Acte notarié,
information juridique. Le ministre nous a indiqué que sa volonté n'était pas de
marier les gens de force. En fait, les statistiques sont venues
démontrer que les couples du Québec ne connaissent pas leurs droits dans leur propre situation
précise, ce qui défait l'argument du choix éclairé. On dit qu'on ne veut pas
marier les gens de force, mais en
même temps ils ne savent pas dans quelle situation ils sont et dans quel...
quelle protection s'applique à eux. C'est ce que les statistiques et les sondages sont venus démontrer, alors que
certains pensent qu'ils ont le même droit... les mêmes droits que dans
le mariage lorsqu'un enfant naît dans la relation.
Le retrait ou la modification du régime de
l'union. Le projet de loi indique que ça peut se faire via notaire, mais
plusieurs intervenants sont venus nous dire que ça prendrait des avis
juridiques indépendants, car le notaire aura de
la difficulté à pleinement conseiller deux personnes qui auraient des intérêts
opposés. Plusieurs débats ont porté sur le contrôle coercitif et sur le fait qu'une partie puisse être forcée de
faussement donner son consentement, ce que le notaire ne sera pas
nécessairement toujours capable de constater. Il faudra y voir.
Il y a un débat sur l'application du régime avec
ou sans enfant. Il y a des intervenants qui sont venus nous dire que la venue d'un enfant... le fait que la venue
d'un enfant seulement entraîne l'ouverture de ce régime crée une différence et
donc pourrait différencier le traitement d'une femme avec enfant ou d'une femme
avec... sans enfant ou d'une relation avec
enfant ou d'une relation sans enfant. Plusieurs groupes ont demandé que le
régime soit tout simplement ouvert aux conjoints de fait tout court.
Familles recomposées, pluriparentalité, certains
soulignent que le projet de loi est déjà dépassé en ce qui a trait aux modes de
famille. Il ne prévoit rien pour les familles qui répondent à une définition
qui n'est pas traditionnelle. Par exemple,
une famille recomposée dans laquelle deux adultes n'ont pas eu d'enfant
ensemble, mais qui sont désormais une famille recomposée, ne sera pas
protégée. Même si les enfants habitent ensemble, ou encore dans un contexte de
pluriparentalité, ou dans un contexte de couple ouvert où ils ne font pas
cohabitation, les enfants ne seront pas protégés. Bref, le fait de joindre
l'enfant et le besoin de cohabitation dans une relation pose des questions. On
se demande tout simplement si les protections ne devraient pas directement
suivre l'enfant sans égard à l'union des parents.
Absence de
dispositions de pension alimentaire, ça a été discuté. On n'est pas dans une
logique de solidarité de couple, avec le p.l. n° 56, qui amènerait une
mise en place d'un droit aux aliments ou de pension alimentaire, versus ce
qui existe dans le régime du mariage. Il n'y a donc pas de disposition de
pension alimentaire postséparation. Et ça, ça a
été critiqué par plusieurs groupes qui réclamaient même une pension pour un
court délai, ça a été discuté et ça va faire partie des délais, versus la prestation
compensatoire qui est dans une autre logique complètement. Sur ce volet-là,
justement, de la prestation
compensatoire, il a été noté à plusieurs reprises le besoin d'établir des
lignes directrices, un peu comme en pension
alimentaire. C'est revenu souvent. Il fut beaucoup question de la façon de
calculer la prestation pour éviter que ce soit surjudiciarisé ainsi que
la méthode pour établir la contribution à la coentreprise. On y reviendra.
Des clarifications sont demandées également en
ce qui a trait à la fin de la relation. Le projet de loi parle d'expression
tacite, alors que plusieurs sont venus nous dire qu'il faudrait plutôt qu'il y
ait une détermination ou un élément assez
manifeste, assez équivoque de quand la relation se termine pour qu'il y ait une
application simple du projet de loi et de la reconnaissance de la fin de
l'union parentale.
On a aussi
parlé du délai de 30 jours pour les protections à la résidence familiale.
Beaucoup sont venus nous dire que
c'était beaucoup trop court. Certains nous ont demandé qu'il n'y ait pas de
délai. Le ministre soutient qu'il faut qu'il y ait un délai, et les groupes ont
demandé que ce délai-là soit le plus long possible, considérant les impacts
importants que peut entraîner, sur la santé mentale, une séparation, et
j'en passe.
Donc, en
terminant, Mme la Présidente, oui, nous appuierons le principe, mais on a
beaucoup d'éléments à revoir. Il y a beaucoup de travail à faire sur ce
projet de loi là. J'espère qu'il y aura de l'ouverture du côté gouvernemental,
considérant l'impact majeur de ce projet de loi sur la vie des Québécoises et
des Québécois. Merci.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,M. le député. Donc, je suis prête à
reconnaître un autre député. Alors, M. le député de Jean-Talon, la
parole est à vous.
M. Pascal Paradis
M. Paradis : Merci, Mme la
Présidente. Il y a un peu plus d'une dizaine d'années, tout le Québec suivait
avec attention le fameux procès Eric c. Lola
qui avait, d'un côté, un côté vraiment extraordinaire, donc, dans le sens de
hors de l'ordinaire, mais qui, par
ailleurs, touchait une grande proportion de Québécoises et Québécois parce
qu'il parlait de la façon ou des règles qui régissent la vie de couple
de tant de Québécoises et de Québécois.
Bien, en
effet, aujourd'hui, plus de la moitié des mariages se terminent par un divorce
et plus de la moitié des ménages québécois vivent en union de fait, la plupart
du temps avec des enfants. Donc, il était très important de revoir les règles du droit civil qui s'appliquent justement
aux unions de fait pour refléter la nouvelle réalité collective des Québécoises
et des Québécois. Et aujourd'hui je pense
qu'on est dans la réalisation d'un exercice qui est largement transpartisan
puis qui concerne la meilleure façon
de faire des pas en avant, donc, en matière de réglementation ou d'aménagement
de l'union de fait.
J'écoutais le ministre tout à l'heure. Cela
étant dit, donc, c'est largement transpartisan, mais j'écoutais quand même le ministre dire que, là, enfin, il y a un
gouvernement qui a le courage de s'attaquer à cette question-là après tant
d'années. Je voudrais quand même
remettre un petit peu les pendules à l'heure. La cause Eric c. Lola a été
suivie par une réflexion d'un gouvernement du Parti québécois à
l'époque, et donc c'est le gouvernement de la première ministre Pauline Marois
et le ministre de la Justice de l'époque,
Bertrand St-Arnaud, qui a établi, en fait, cette nécessité d'avoir une large
réflexion et qui a créé le comité Roy, donc, qui a confié la tâche à
10 expertes et experts, des juristes, mais aussi des gens issus des
sciences sociales, pour réfléchir avec rigueur à ces questions-là, parce
qu'elles ont un effet profond, donc, sur la société québécoise. Et cette
réflexion-là, elle a abouti, donc, en 2015, à la publication du rapport du
Pr Roy, 600 pages avec 82 recommandations qui portaient sur des
sujets vraiment variés : le mariage, l'union civile, l'union de fait, la
filiation, la parentalité, la procréation assistée, la
maternité de substitution. Et aujourd'hui, donc, c'est un peu le fruit de cette
réflexion-là qu'on est en train de travailler ensemble.
Je salue néanmoins
l'initiative, donc, du gouvernement de nous amener là. Il y a beaucoup de
travail rigoureux qui a été fait pour nous
amener, donc, cette proposition, le projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille
et instituant le régime d'union parentale. C'est un travail rigoureux, donc,
c'est le fruit d'un travail rigoureux, et ça, c'est important. C'est ce qu'on
veut quand il y a des réformes importantes qui sont proposées aux législateurs
que nous sommes, que ce soit basé sur des
données, que ce soit basé sur des analyses. Et c'est la chance que nous avons,
dans ce cas-ci, donc, de bénéficier des analyses du groupe d'experts.
• (12 h 10) •
Donc,
il n'est pas trop tôt pour agir. Aujourd'hui, on est en 2024, et il y a de
nombreuses mesures qui sont proposées dans
ce projet de loi. Donc, on crée l'union parentale, donc un couple en union de
fait qui a des enfants va maintenant vivre en union parentale, si le projet de loi est accepté. Cette union
parentale, donc, maintenant, est assortie, vient avec un patrimoine
parental, donc on détermine quels sont les biens qui sont ceux du couple.
On
établit aussi le principe d'une prestation compensatoire en cas de séparation,
c'est-à-dire que l'un ou l'autre des conjoints peut demander à l'autre
une prestation compensatoire pour son apport à l'enrichissement et à la
création ou à l'augmentation du patrimoine
parental, une révision des règles successorales, l'introduction, donc, du
concept de violence judiciaire et
l'amélioration de l'efficacité des procédures en matière familiale en
facilitant l'accès à un seul et même juge pour suivre un dossier du
début à la fin des procédures.
Donc,
ce sont des importants changements. On va prendre soin de les analyser un après
l'autre pour bien comprendre leur
portée. Et justement, pour nous aider à faire ça, nous avons eu la chance de
recevoir 27 mémoires qui ont été déposés dans le cadre des consultations
particulières. On a reçu plusieurs des groupes de la société civile, des juristes,
des spécialistes de la question qui
sont venus nous présenter leur point de vue sur la proposition de réforme que
nous allons donc analyser après l'adoption, donc, du principe, le cas
échéant, des commentaires vraiment très pertinents. On a eu des propositions concrètes, des recommandations concrètes, des
analyses, des craintes, des préoccupations qui ont été exprimées, des espoirs
aussi qui nous ont... qui ont été évoqués. Et on nous a fait... on le savait
déjà, mais on nous a fait réaliser à quel point ce sont des changements importants en droit familial qu'on est en train
d'explorer actuellement, qui vont avoir un impact sur plusieurs dossiers,
notamment des dossiers de séparation qui sont, malheureusement, toujours très
nombreux.
En gros, certains nous
ont dit que la réforme devrait aller beaucoup plus loin, que ça ne protège pas
assez le conjoint ou la conjointe qui peut
être dans une situation de vulnérabilité, de déséquilibre du pouvoir. Plusieurs
groupes nous ont notamment mentionné
qu'il s'agit souvent encore, malheureusement, trop souvent de la femme, donc,
en raison des inégalités persistantes
entre les femmes et les hommes. Et donc on nous a suggéré, là, on nous a fait
plusieurs suggestions, notamment
d'établir, finalement, un patrimoine d'union parentale qui ressemblerait plus à
celui du patrimoine existant pour les couples mariés. Donc, c'est une
thématique importante qu'on va devoir analyser.
Ensuite,
on nous a parlé aussi de toute cette question de la prestation compensatoire.
Est-ce que ça devrait plutôt être
aussi... Est-ce qu'il devrait y avoir un régime de pension? Quels critères on
devrait considérer lorsqu'une... la pension est calculée? Elle est
octroyée sur la base de quels critères? Presque tous nous ont suggéré d'avoir
des lignes directrices, mais certains nous
ont dit qu'il y avait un risque d'affaiblissement de ce recours par rapport à
la situation actuelle. D'autres nous ont dit : Non, c'est un pas en
avant.
Toute la question...
Bon, puis là on nous dit : Bien, qu'est-ce qu'on devrait inclure?
Plusieurs nous ont parlé notamment de la
question des fonds de pension, des régimes d'épargne-retraite. Plusieurs nous
ont parlé aussi du fait que le
patrimoine parental actuel n'inclut que la résidence principale et que souvent,
donc, il y a des résidences secondaires, une ou des résidences secondaires qui devraient être
incluses. Alors, toutes ces questions, on va devoir y réfléchir très
sérieusement.
La
question du droit de retrait, donc, il y a des dispositions qui sont d'ordre public,
d'autres, on donne la possibilité aux couples de s'en retirer. On donne aussi
la possibilité de renoncer au partage du patrimoine d'union parentale ou à une
prestation compensatoire. Ça aussi, beaucoup
de commentaires sur ces éléments-là. La date d'entrée en vigueur, mes collègues
aussi en ont parlé, a causé... donc, a créé, a suscité beaucoup de réflexion et
beaucoup de discussions.
Donc,
des propositions qui vont mériter notre considération. Il faut vraiment
qu'ensemble on réfléchisse à faire de notre droit de la famille le reflet le
plus fidèle possible d'où nous en sommes, comme société, comment nous avons
évolué,et en le conciliant, donc,
avec le besoin de protection qui est encore nécessaire, souvent, pour le ou
une... ou une ou un conjoint dans le couple en union de fait.
Il y a des éléments,
en tout cas, qui ont suscité presque l'unanimité complète. Je le mentionnais
tout à l'heure, l'introduction du concept de
violence judiciaire, c'est vraiment important, on le salue. Certains nous ont
dit : Bien, il va falloir le
définir. Mais oui, mais... parce que c'est un nouveau concept. Mais il y a eu
beaucoup, déjà, d'auteurs, de la doctrine qui se sont... qui se sont penchés sur la question. Mais ça, c'est
unanimement salué, parce que de plus en plus, malheureusement, il arrive qu'une des parties, dans un processus de
séparation acrimonieux, utilise les tribunaux comme outil, finalement, comme
levier pour exercer de la violence contre son conjoint ou sa conjointe. Et ça,
évidemment, il faut se donner des meilleurs outils pour pouvoir y
résister. Tout le monde le rapporte. La quérulence, notamment, c'est un
phénomène qui est, malheureusement, de plus en plus présent devant nos
tribunaux. Et c'est dans des dossiers qui sont souvent très émotifs, donc c'est
bien qu'on se donne ce cadre-là.
Donc,
je m'engage, moi, comme porte-parole en matière de justice, à collaborer avec
le ministre. Et je pense que l'ensemble
des partis d'opposition, on s'est engagés à faire la même chose. Il faut offrir
aux Québécoises et aux Québécois le meilleur cadre juridique pour l'union de
fait. Nous devons être dans une optique de respect, donc, de l'évolution
de la société, mais de protection. On doit
penser aux mesures sociales. Plusieurs nous en ont parlé, il y a des mesures législatives,
mais il faut penser aussi à continuer à informer, à sensibiliser, à protéger, à
soutenir les organisations qui sont présentes dans ce domaine-là. Et ça, je
pense que c'est important aussi de le retenir.
Nous, en tout cas, on est
prêts à discuter. Donc, nous allons voter en faveur de l'adoption du principe
du projet de loi n° 56. Au plaisir d'en discuter avec les collègues. Merci, Mme
la Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci beaucoup, M. le député. Maintenant, je
reconnais Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré.
Mme Kariane Bourassa
Mme
Bourassa : Merci, Mme la Présidente. Toujours un honneur pour
moi de prendre la parole en cette Chambre, d'autant plus que je sais que mon
collègue ministre de la Justice a vraiment travaillé fort avec ses équipes,
avec nos collègues, pour présenter
quelque chose, un projet de loi équilibré et qui correspond beaucoup mieux aux
réalités de nos familles québécoises.
Plus spécifiquement, le projet de loi n° 56 m'interpelle. Plusieurs commencent
à le savoir, ça commence à paraître, je suis moi-même une future maman qui vit
dans une union de fait et je fais donc partie de cette clientèle cible
qui sera concernée par le projet de loi et comme de nombreuses familles
québécoises.
On l'a mentionné, et plusieurs Québécois
l'ignorent, alors je vais le répéter, dans notre province, 65 % des
enfants naissent hors mariage. C'est donc la majorité des enfants. Au Québec,
42 % des couples vivent dans une union libre.
Et, si on compare au reste du Canada, dans le reste du Canada, c'est 23 %.
Alors, on comprend que c'est un phénomène qui est très, très présent ici, au Québec. Il y a donc plusieurs enfants
qui sont laissés sans protection légale, si les parents ne sont pas mariés et en viennent à se séparer. Nous
devons remédier à ça, et c'est ce que nous avons fait avec le projet de
loi qui a été présenté.
Il y a
plusieurs parents ici, on le sait, je ne suis pas la seule, ou même peut-être
des futurs parents. Lorsqu'on se sent prêt à fonder une famille, on le fait
avec l'espoir et le souhait que nos enfants pourront grandir dans un
environnement où ils pourront
s'épanouir. Bref, on veut protéger nos enfants, on veut protéger leur avenir.
La famille constitue le premier milieu de vie, c'est notre premier
cercle social, à quelque part. Nos parents sont les premières personnes que
l'on côtoie, et c'est auprès de nos familles
que nous forgeons notre personnalité, que nous définissons nos priorités et nos
valeurs. Mais, à l'heure actuelle, un
bon nombre de familles, donc la majorité des familles, ne se reconnaissent pas
dans le cadre législatif. Il est essentiel que le droit de la famille suive la
cadence des nouvelles générations pour mieux refléter les parents d'aujourd'hui,
nos familles. Malheureusement, plusieurs
parents n'ont pas l'impression qu'avec les lois actuelles, bien, ça les
concerne. Ils ne se sentent pas
concernés, et ça, ça provoque parfois, et je dirais malheureusement trop
souvent, une méconnaissance des lois.
On l'a dit,
l'intérêt de l'enfant, c'est vraiment au coeur de nos décisions. Un enfant ne
devrait jamais, je dis «jamais», faire
les frais de la séparation des parents. C'est pourquoi nous venons créer un
filet de sécurité pour les enfants qui vont naître d'une union de fait.
Donc, c'est un troisième volet, on en a parlé
abondamment, le volet de réforme du droit de la famille. On vient instaurer ici un régime d'union parentale. Ça va
entraîner, on l'a mentionné à maintes reprises aussi, la constitution d'un patrimoine
d'union parentale. Ce sera composé de la résidence familiale, des meubles de la
résidence, des véhicules automobiles qui sont utilisés, là, pour le déplacement
de la famille.
• (12 h 20) •
Il était
vraiment primordial de protéger l'autonomie, aussi, décisionnelle des familles
québécoises. Donc, si c'est la volonté des parents, il sera possible pour ces
derniers de se soustraire à ce régime. Mais, de l'autre côté, les gens
qui auront eu des enfants en union de fait
avant l'application de la loi pourront aussi adhérer à ces mesures d'une
manière simplifiée.
Comme personne qui aspire à fonder une famille
et qui va bientôt le faire, je trouve que cette réforme est un projet de loi qui est équilibré, et ça vient aussi
répondre à ce flou juridique en matière familiale. Ça persistait déjà depuis
plusieurs décennies et c'était une demande non seulement des parents, mais
aussi des gens qui circulent dans l'univers judiciaire. Les familles québécoises évoluent, se transforment, se
redéfinissent, et le cadre juridique devait aussi évoluer et s'adapter.
En terminant,
je remercie tous mes collègues qui ont participé de près et de loin, et ce
n'est pas terminé, là, parce qu'il va
y avoir encore l'étude article par article, donc, à ce projet de loi. Je pense
réellement que ces mesures vont améliorer la vie de beaucoup de
familles, des familles comme la mienne. Merci beaucoup.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) :
Merci beaucoup, Mme la députée.
Maintenant, je suis prête à reconnaître un autre intervenant ou
intervenante. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, la parole est à vous.
Mme Jennifer Maccarone
Mme Maccarone : Oui,
merci, Mme la Présidente. Un plaisir pour moi, à mon tour, d'agir et interagir
sur le projet de loi... le projet de loi, excusez-moi, j'ai le titre du
projet de loi ici, portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale, le projet
de loi n° 56. Fort intéressant comme projet de loi, surtout que c'est un
projet de loi qui est très technique, où on parle de réformes très
importantes. Et, oui, les échanges que nous avons sont aussi, je dirais... tout le monde contribue au débat. Et
je le trouve très intéressant à quelque part aussi parce que je ne suis pas
légiste, puis je ne suis pas avocate, ça
fait que je me compte comme parmi tous les citoyens qui vont peut-être être
affectés par une adoption d'un futur projet de loi lors de... quand on
termine l'étude détaillée pour le projet de loi n° 56.
Le projet de
loi n° 56, évidemment, on parle d'une réforme en ce qui concerne le droit
de la famille. Puis le sens, à ma
compréhension, l'intention, c'est de mettre les enfants au centre du débat. Ça
reste que c'est un projet de loi, comme tous les projets de loi qui sont déposés ici, à
l'Assemblée nationale, qui est perfectible. Et, oui, c'était basé, à quelque
part sur l'histoire que nous avons
tous entendue, d'Éric contre Lola, dans le passé. Puis, oui, à quelque part, il
faut reconnaître que nous avons plusieurs enfants québécois qui naissent
sans protection.
On a reçu des
excellents mémoires avant et pendant les auditions pour le projet de loi
n° 56. 27 mémoires ont été déposés, et ça nous a amenés à lire
et à entendre aussi en commission... Il y a 22 groupes et personnes qui
ont... qui ont été entendus en commission parlementaire. Tellement de
positions, tellement de recommandations, du débat, parce qu'il y avait des avocats qui étaient pour, des
avocats qui étaient contre. Il y a des recommandations qui sont très variables.
Alors, j'ai hâte pour la prochaine étape de
ce projet de loi, parce que les débats, j'en suis, vont être très riches, parce
que nous avons entendu des positions, des recommandations de plusieurs
experts dans la matière.
Là, je souhaite souligner quand même quelques
personnes qui ont passé, entre autres Robert Leckey, qui est... Dean of Law at McGill University. It's
a pleasure always to hear from Professor Leckey. His positions, which have been shared with Members of the National Assembly for many, many years
now, are ones that do help us in terms of our reflections.
So, I'm always very grateful to read a brief that is presented by Professor
Leckey, as well as hear his point of view.
Nous avons aussi entendu des groupes comme le Conseil du statut de la femme, le Groupe des 13, les Pres Louise
Langevin et Marie-Claude Belleau, les Pres Carmen Lavallée et Hélène
Belleau, qui ont vraiment enrichi le débat
ainsi que la compréhension que je pense que tout le monde ont en ce qui
concerne le projet de loi n° 56, qui, je répète, est technique, qui
va changer aussi la façon qu'on voit les conjoints de fait, mariage et la
protection de nos enfants.
Mais qu'est-ce que ça fait, dans le fond, le
projet de loi? C'est un projet de loi qui vise à instituer l'union parentale pour les conjoints de fait qui sont des
parents d'un même enfant né ou adopté après l'entrée en vigueur du projet
de loi. Et je rentrerais plus en détail pour
ceci, ça va modifier le Code civil notamment afin de prévoir que la formation de
l'union parentale emporte la constitution
d'un patrimoine d'union parentale formé de certains biens des conjoints, dont
la résidence familiale. Encore une fois, il faut aller plus en détail en
ce qui concerne cette proposition.
Ça va
modifier le Code civil afin d'y prévoir des règles applicables au
partage du patrimoine dans le cas où l'union prendrait fin.
Le projet de
loi va aussi proposer diverses protections en cas de séparation des conjoints
et l'union parentale, comme rendre des règles de protection et d'attribution de
la résidence familiale prévues pour les conjoints mariés ou unis civilement
applicables aux conjoints qui sont en union parentale.
Ça prévoit
aussi également accorder aux conjoints, après la fin de l'union parentale, le
droit de faire une demande de prestation compensatoire au tribunal s'ils
estiment d'être appauvris après avoir contribué à l'enregistrement du
patrimoine de l'autre conjoint.
Ça propose
aussi... c'est sûr, il y a des bénéfices, des avancées qu'on voit à l'intérieur
du projet de loi n° 56, des avancées comme... ça propose notamment
de modifier les règles de la dévolution légale pour permettre aux conjoints qui
étaient en union parentale d'hériter à son conjoint décédé lors de ces derniers...
que ces derniers faisaient vie commune depuis plus d'un an au moment du décès,
surtout s'il n'y avait pas un testament qui est en place. Ça fait que ça, c'est sûr, c'est une mesure de protection
qu'on devrait saluer, puis j'espère qu'on va pouvoir, encore une fois, en
débattre pour comprendre l'impact sur
la population.
Ça propose
d'imposer aux juges l'obligation d'accorder des dommages-intérêts lorsqu'il y a
violence judiciaire. On a entendu d'autres collègues qui en ont parlé un peu de
cet aspect assez malheureux. C'est un phénomène qui est toujours présent
devant nos tribunaux aujourd'hui. Alors, c'est vrai, ceci est aussi une
avancée.
Je pense que c'est important de faire la mise en
contexte de qu'est-ce qui se passe ici, au Québec, pour la bonne compréhension de tout le monde qui suit nos
travaux. Le Québec comprend 43 % d'union de fait, qui place la province en
tête du peloton aux endroits au monde où il y a le plus de couples non mariés.
Alors, c'est vraiment quelque chose qui est
instauré ici, au Québec, puis on continue dans cette tendance. Il n'y a pas
plus de gens qui vont se marier. On voit de plus en plus de gens qui son
des unions... qui sont des conjoints d'union de fait, et c'est aussi un
phénomène, quand les gens se marient... on voit
ça de plus en plus souvent dans des milieux plus urbains et de moins souvent
aussi dans les milieux ruraux.
Environ 50 % des personnes en union de fait pensent que la loi traite de
la même manière les couples mariés et les couples en union de fait, chose qui
est fausse. Ça fait que... puis la majorité des Québécois pensent que c'est
le cas. Ça fait que... Exemple pertinent, on
a des amis, ils ne sont pas mariés, et c'est un... ils sont conjoints de fait,
ils vivent ensemble, ils ont un
projet familial, ils ont des enfants, ils se séparent puis, à ce moment-là, ils
pensent... bien, les deux parties pensent que, bien, ils ont les mêmes
protections qu'un couple marié, puis ce n'est vraiment pas le cas.
Et je
souhaite souligner quand même le travail de... comme j'ai mentionné,
Mme Carmen Lavallée, qui est la professeure titulaire directrice du
programme de maîtrise en droit de Faculté de droit de l'Université de
Sherbrooke, ainsi que la Pre Hélène Belleau,
directrice centre Urbanisation... centre culture et société à l'Institut national de la recherche scientifique, parce qu'ils nous ont quand même amené beaucoup
de statistiques que... pour moi, en tout cas, m'a beaucoup aidé à comprendre la réalité québécoise en ce qui
concerne l'éventuelle adoption de ce projet de loi puis la façon que nous
devons se comporter lors de la prochaine étape de ce projet de loi, parce que
c'est des statistiques, puis c'est des sondages, puis c'est de
l'information qui va vraiment alimenter et enrichir nos débats.
Alors, c'est eux aussi qui partagent un peu les
informations que je partage avec les gens qui nous écoutent aujourd'hui. Comme, par exemple, quand on dit que
50 % des personnes pensent que la loi traite les couples mariés ou non mariés de la même façon puis on dit : Oui,
mais, tu sais, pour ceux qui comprennent ou qui ont une miniconnaissance, et on
a la... on peut avoir recours à des contrats de vie commune. Mais malgré que
c'est une option qui existe, la réalité, c'est qu'il y a seulement 8 %
des conjoints de fait qui en ont un. Ça fait que ça veut dire que les gens ne
savent pas que c'est un recours qui
est offert à eux dont ils peuvent avoir accès parce qu'ils pensent sincèrement
qu'il y a le même niveau de couverture.
• (12 h 30) •
L'autre chose que j'ai
trouvé qui était très intéressante, c'est qu'ils nous disent que plus de
70 % des Québécois et Québécoises sont
favorables à un traitement juridique similaire des couples mariés et de l'union
de fait. Puis ça, la raison que je
trouve ça très intéressant, puis c'est parce que notre société continue à
évoluer, à changer notre façon de voir les choses, que ça se... qu'on est
parent, pas parent, peu importe le rôle qu'on occupe à l'intérieur de notre
couple ou dans notre famille,
l'évolution est très importante. Puis, oui, le projet de loi est beaucoup basé
sur des recommandations qui ont été produites et déposées par
M. Roy en 2015, mais ça reste que ce n'est pas loin de... Ça va faire
10 ans depuis que ce rapport a été
déposé. Ça fait qu'à l'intérieur de 10 ans ça se peut que les choses ont
changé, et je présume que les choses ont
changé. Alors, pour cette raison, j'ai beaucoup de respect pour les
recommandations qui ont été faites et qui ont été apportées dans le projet de
loi, mais je pense qu'on a aussi une responsabilité de continuer à voir comment
notre société a évolué depuis la
dernière décennie, surtout que c'est un projet de loi qui va avoir un impact
pour probablement les 20 ou 30 prochaines années. Alors, on a cette
responsabilité de regarder.
Ça fait que,
oui, il y a des avancées, mais j'ai hâte à avoir les débats, parce
qu'évidemment c'est un projet de loi que nous devons bonifier. Il y a des
éléments qui sont manquants, comme, actuellement, le projet de loi limite
l'application du régime d'union
parentale aux conjoints de fait qui auront un enfant seulement après le
29 juin. J'ai fait un petit... précis là-dessus au début de mes
remarques. Pourquoi ça, c'est problématique? C'est parce qu'on est en train de
créer des catégories d'enfants ou des régimes pour les enfants ainsi que des
catégories de conjoints ou des régimes pour des conjoints, tout dépendamment si on a des enfants puis quand est-ce que
nous avons eu des enfants. Ça fait qu'on va avoir trois régimes ou trois
catégories d'enfants parce qu'on va avoir des enfants dont la loi va
s'appliquer pour ceux qui sont nés avant le
25 juin 2025, des enfants qui sont nés entre l'adoption de la loi puis la
mise en vigueur de la loi, puis aussi des enfants qui sont nés après
juin 2025.
Alors, trois régimes, trois catégories
d'enfants, puis aussi parce qu'on... Il y a quand même une iniquité aussi pour les conjoints de fait si c'est un couple qui
est formé puis sans enfant. La façon que ça, ce serait traité, on va avoir des
conjointes qui vont avoir des protections puis d'autres conjoints qui n'en
auront pas aussi. Alors, je suis d'avis... je pense que ça va être important d'avoir des régimes
d'union parentale pour protéger tous les conjoints, pour protéger tous les
enfants.
Puis ça, ça me fait beaucoup penser à ce que
nous avons entendu en commission, de Me Tétrault, qui avait aussi mené un excellent mémoire puis une
excellente présentation en commission parlementaire, parce que lui, il a dit,
et je le cite : Il y a seulement une sorte d'enfant, des enfants. Ça fait
que lui, il est d'avis que nous devons les traiter de la même façon, avec le même patrimoine familial. Puis ça,
c'est la base. Puis il a aussi dit qu'évidemment, de toute évidence, la
situation économique de l'enfant est directement liée avec le parent qui
a la charge de cet enfant. Puis la raison que je mentionne ceci, c'est parce que, quand on parle du patrimoine
familial... et familial, le projet de loi, actuellement, le ministre a fait le choix de limiter le patrimoine familial
des conjoints en union parentale à la résidence familiale ou les droits qui en
confèrent l'usage, les meubles qui la
garnissent ou qui l'ornent et qui servent à l'usage du ménage et des véhicules
automobiles utilisés pour les
déplacements de la famille. Mais, comme on a entendu à maintes reprises en
commission, il y a beaucoup de gens
qui pensent que nous ne devons pas se limiter uniquement à la résidence
familiale, parce que ça se peut qu'on ait une résidence secondaire. Il y a des gens qui nous ont partagé que ça ne
devrait pas se limiter aussi à... Parce que, présentement, on ne parle pas de... le Régime des rentes, on ne
parle pas de pension alimentaire puis on ne pense... on ne parle pas aussi de
tout ce qui est régime d'épargne. Puis pourquoi les gens ont soulevé que
c'était d'une grande importance, c'est parce que, souvent, c'est le cas puis c'est malheureux, mais on sait qu'il n'y
a pas loin de 80 000 couples, c'est 76 000 couples
sans enfants qui vivent avec un revenu qui dépend sur leur partenaire.
Puis,
souvent, la condition des femmes sont... elles sont pénalités à la maternité.
On peut imaginer une femme qui a eu une grossesse qui a été difficile, qui a dû
rester au domicile, et après, peut-être, elle a une dépression post-partum
puis, encore une fois, elle doit... elle ne peut pas retourner sur le marché du
travail ou bien donne naissance à un enfant avec des besoins particuliers, puis ça prend un des deux
parents qui reste à la maison. Puis, historiquement, puis c'est toujours le
cas, c'est la femme qui reste pour prendre soin de ses enfants pendant que le
partenaire retourne sur le marché de travail, continue à contribuer dans leur REER, contribue à contribuer dans leur
régime des rentes. Ça fait que la personne qui a la charge des enfants est pénalisée. Ça fait que, si
ce n'est pas pris en considération, j'ai hâte de voir ça va être quoi, la façon
que nous allons voir une équité à l'intérieur du projet de loi.
Parce
qu'encore une fois la situation économique de l'enfant est directement liée à
la situation économique du parent. Puis,
si on pense à un partage 50-50 de la garde de l'enfant, bien, je pense
qu'on aura une responsabilité de voir... de revoir notre façon qu'on voit ceci.
Ça fait qu'est-ce qu'on devrait se limiter à la résidence principale familiale
ou est-ce qu'on devrait penser à inclure, dans le patrimoine familial,
la notion de résidence secondaire, etc.? Ça fait qu'on devrait faire ce débat, qui me fait aussi penser quand on a
entendu le Groupe des 13, quand on a entendu aussi le Conseil du statut de la
femme, il y avait un questionnement, si le
gouvernement avait fait une ADS, qui est une analyse différenciée selon les
sexes. Chaque projet de loi qui est
déposé, qui aura un impact sur les femmes en particulier, on a une
responsabilité de faire une ADS, une vérification puis un questionnement si ça
a été fait. Il y a des gens qui disent que ce n'était pas le cas. Je pense
qu'il faut vider la question puis avoir de la clarté là-dessus. Pourquoi? Parce
que la situation de nos femmes peut très clairement
être en jeu si ce projet loi n'est pas bonifié pour assurer des protections
pour eux, parce que, comme j'ai dit, ça se peut qu'il va y avoir un
impact.
On a aussi
entendu des gens qui parlaient de... marier des Québécois par force, la liberté
contractuelle. Puis, c'est vrai, on va avoir beaucoup des Québécois qui ont
fait le choix de ne pas se marier puis d'avoir un projet parental ensemble.
Mais, encore une fois, si on ne parle pas de comment nous allons communiquer
cette information aux Québécois pour qu'ils comprennent pleinement leurs droits
puis comment ils devront être... se protéger... Parce que le projet de loi, on parle d'un «opting in», un «opting out», ça fait
que, tout dépendamment le régime qui sera mis en place, exemple, tu décides
de ne pas te marier, bien, ça se peut
qu'après l'adoption de la loi il va y avoir une période de 12 mois où les
Québécois qui vont être assujettis au nouveau
régime vont pouvoir dire, devant un notaire ou devant une institution légale,
quoi qu'il soit... peut dire : Bien,
moi, je ne souhaite pas que ça s'applique à moi parce que nous, on a fait le
choix de ne pas se marier. Ça fait que je pense qu'on a un juste milieu
qu'on peut trouver à l'intérieur de cette loi.
Tu
sais, on parle aussi de... le projet de loi veut étendre aux conjoints de fait
en union parentale faisant vie commune depuis plus d'un an. Pourquoi plus d'un
an? Pourquoi ce n'est pas depuis un an? Pourquoi ce n'est pas au moment de
la naissance de l'enfant? Ça fait qu'on a aussi beaucoup de questions.
Puis j'ai autres
questions que nous pouvons poser en ce qui concerne le fardeau de la preuve sur
la personne qui est appauvrie, parce que la
réalité, c'est que, oui, on a recours devant le tribunal si on dit... Parce
qu'il n'y a pas de pension alimentaire qui est mentionnée du tout à
l'intérieur de ce projet de loi, mais ça veut dire qu'il y a beaucoup de responsabilité qui est sur les épaules de la
personne qui est appauvrie, d'aller devant le tribunal pour faire des
représentations pour dire : Voici ma situation de vie, voici pourquoi j'ai
besoin de x, y, z. J'ai quand même une inquiétude que, si c'est une
personne qui est déjà... qui se retrouve déjà dans une situation de
vulnérabilité... Puis, encore une fois, on a entendu le regroupement des parents monoparentaux, des femmes victimes de violence
conjugale. Si c'est le cas de ces personnes, je questionne si on ne va pas assez loin pour protéger le sort de ces
femmes, entre autres, ou de ces personnes qui se retrouvent souvent en
situation de vulnérabilité.
J'ai
reçu, dernièrement, énormément de courriels dans mon... dans ma boîte de
courriels du bureau de comté et je remercie
tout le monde qui nous a envoyé des messages. Pourquoi? Parce qu'il y a
beaucoup de gens qui sont préoccupés par
rapport à c'est qui devrait être le propriétaire légal, suite à une rupture de
couple, de l'animal de compagnie de cette famille. Alors, j'ai lu avec un grand intérêt toutes les informations
que nous avons reçues puis je pense que nous pouvons s'inspirer des pays
européens afin d'inclure dans un projet de loi une obligation, que ce soit la
séparation de biens, mais de prendre en
considération qu'est-ce que nous allons faire en ce qui concerne la protection
de ces animaux, mais aussi la séparation
des biens, parce que je pense qu'il faut prendre en considération le sort de
ces animaux qui, pour plusieurs familles, est un membre de la famille,
occupe une grande place. Ça fait que nous devons nous préoccuper de ceci.
Je pense que j'ai
mentionné aussi, Mme la Présidente, ce qui est important en ce qui concerne
l'information que nous devons partager avec la population, parce que c'est une
réforme très importante. Le gouvernement va pouvoir compter sur ma formation politique, le Parti libéral du Québec, de
contribuer aux échanges, qui vont être très constructifs, très riches. J'encourage tous les gens qui suivent
nos travaux de continuer de nous alimenter avec vos recommandations puis
vos propositions. Ça nous aide énormément en
commission parlementaire, parce qu'au moment qu'un projet de loi est déposé
ça n'appartient pas au gouvernement, ça
n'appartient pas aux oppositions, ça appartient à la population. Alors, c'est
ça, la démocratie, puis c'est à vous de vous exprimer sur toutes les
plateformes dont vous avez accès.
Alors, merci
beaucoup, Mme la Présidente, puis au plaisir de continuer la prochaine étape de
ce projet de loi.
• (12 h 40) •
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
Mme la députée. Maintenant, nous poursuivons avec M. le député de
Chapleau.
M. Mathieu
Lévesque
M. Lévesque (Chapleau) : Oui, merci beaucoup, Mme
la Présidente. Je vous salue. Je salue également les collègues de la banquette
gouvernementale et les collègues de l'opposition. Je tiens aussi à remercier le
ministre pour sa confiance de
m'accorder la permission, là, d'intervenir à ce stade-ci de cet important
projet de loi. Je suis vraiment, vraiment très heureux de me lever
aujourd'hui.
Justement,
si je tenais à vous adresser quelques mots aujourd'hui, Mme la Présidente,
c'est que ce projet de loi revêt une importance particulière pour moi,
importance particulière parce qu'il s'inscrit comme la pièce manquante d'un travail de longue haleine que mène le gouvernement
depuis le début de la précédente législature et de notre premier mandat et
auquel j'ai personnellement pris part durant presque tout le processus. C'est,
en quelque sorte, la fin d'un cycle, Mme la Présidente. On vient boucler la boucle de cette grande réforme du droit
de la famille, qui est historique, qui a été faite en trois temps et qui
a été tant attendue pendant de nombreuses années.
Donc,
faisant suite au rapport du Comité consultatif sur le droit de la famille
déposé en 2015 et qui avait été, on se le rappelle, Mme la Présidente, tabletté
par nos prédécesseurs, notre gouvernement a lancé de vastes consultations
publiques sur le droit de la famille.
C'est donc ainsi, en 2019, alors que j'occupais, à l'époque, les fonctions
d'adjoint parlementaire à la justice, que je suis allé à la rencontre
des citoyens aux quatre coins du Québec afin de les entendre sur ces questions
fondamentales que sont celles qui touchent la famille.
En
fait, Mme la Présidente, pour la petite histoire, ça a été mon premier mandat
qui m'a été confié au gouvernement dans la première... dans la dernière
législature. Donc, vous comprendrez qu'aujourd'hui ça revêt une importance capitale
pour moi. Puis il s'agit aussi d'un moment
émotif, un moment d'émotion que je partage avec vous et avec les collègues. Et,
justement, si cette grande rencontre avec la
population nous a permis d'écouter les préoccupations des Québécois, elle nous
a d'autant plus permis de constater à quel
point les familles ont évolué au Québec ces dernières décennies. Une réforme
majeure s'est vite dessinée comme un incontournable au ministère de la
Justice.
C'est
pourquoi, en 2021, nous avons déposé le projet de loi n° 2, qui était la
Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de
filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et
d'état civil. Et, tout au long des travaux, puis le ministre l'a rappelé, et
également la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, nous avions une phrase en tête, et c'était : Les enfants
d'abord, les enfants en priorité. Adopté en juin 2022, le p.l. n° 2 a permis de faire des gains
importants pour les enfants et les familles, et je pense notamment, Mme la
Présidente, à l'obligation pour le tribunal de considérer la violence
familiale dans toutes ses décisions concernant l'enfant. Cela aurait dû être le
cas il y a bien longtemps déjà, mais, bon, c'est nous qui l'avons fait et c'est
nous qui l'avons changé.
L'admissibilité
universelle à l'aide juridique pour tous les enfants lorsque la DPJ intervient.
Également la reconnaissance d'un droit à la
connaissance des origines pour les enfants adoptés ou issus de la procréation
assistée dans la Charte des droits et libertés de la personne. Tout enfant doit pouvoir savoir d'où il vient.
Ce besoin avait trop longtemps été ignoré, et donc, avec le projet de
loi n° 2, nous y avons répondu. On se souviendra, en consultations
particulières à l'époque, des témoignages et
des récits poignants de ces personnes-là qui ne connaissaient pas leurs
origines et qui, toute leur vie, ont
cherché d'où ils venaient. Et donc on est venus mettre un baume sur ces
plaies-là qui étaient béantes et qui étaient... qui étaient, donc, chez
ces personnes-là.
On
a également fait la modernisation d'environ 30 lois afin que puissent s'y
reconnaître et s'y retrouver les familles LGBTQ+ aussi. La
reconnaissance des personnes non binaires dans nos textes de loi. Il y a
également eu la présomption de paternité
pour les conjoints de fait pour une égalité entre tous les enfants, et ça, peu
importe le contexte de leur naissance. L'intérêt
de l'enfant comme critère cardinal de toute décision qui le concerne, et ça
revient justement à la phrase qu'on s'était donnée : L'enfant d'abord. Et finalement la protection des comptes
conjoints en cas de décès pour chacun... pour que chacun, en fait, ait
accès à son argent.
Et,
même si ces avancées marquaient assurément un tournant en droit de la famille,
le travail n'était guère terminé, et, Mme la Présidente, on ne s'est pas
arrêtés là, on ne s'est pas arrêtés en si bon chemin. Ainsi, en février 2023,
nous déposions le projet de loi n° 12,
la Loi portant sur la réforme du
droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression
sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des
mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour
autrui. Et, grâce à cette loi, les avancées sont les suivantes, Mme la
Présidente : une mère dont l'enfant est issu d'un viol peut désormais
refuser à l'agresseur l'établissement de sa
paternité auprès de l'enfant. Vous conviendrez comme moi que ça aurait dû être
fait il y a longtemps, et c'est une aberration, mais, bon, c'est nous qui l'avons changé, et nous l'avons modifié,
évidemment, au bénéfice de l'enfant et de la mère. Un agresseur... Merci beaucoup. Merci aux collègues,
merci au ministre de la Justice, merci à notre gouvernement d'avoir fait
ces changements-là. Un agresseur sexuel peut
être tenu de verser une indemnité pour subvenir aux besoins de l'enfant issu de
son viol. Un enfant qui est issu d'un viol peut hériter de l'agresseur. Le
fardeau de la preuve en matière de déchéance de l'autorité parentale repose désormais sur le parent fautif lorsqu'il a
été reconnu coupable d'une infraction de nature sexuelle sur un enfant. Un encadrement clair et sécuritaire
est mis en place pour les projets de grossesse pour autrui, assurant la
protection des droits des mères porteuses et des enfants à naître.
Mme
la Présidente, aucun gouvernement n'avait osé s'attaquer à des questions aussi
sensibles, certains admettant même ne
pas trop savoir par quel bout prendre ça. Vous le saviez, vous étiez là à cette
époque dans l'opposition. Les familles sont
trop importantes, nos enfants sont trop importants, il n'était pas question
pour nous de les laisser encore dans l'attente. Le droit de la famille n'a pas évolué au même rythme que les familles au
Québec, si bien que peu d'entre elles trouvent réponse à leurs besoins dans le
cadre législatif actuel, qui date des années 80. Un rattrapage était
nécessaire, nous sommes tous d'accord.
Et
donc avec le projet de loi n° 56 qui est à l'étude actuellement, nous
venons poursuivre et parachever, je dirais même, ce vaste chantier que nous
avons entamé. Le projet de loi vient poser le jalon manquant de la réforme du
droit de la famille. Poursuivons nos
efforts, faisons-le pour nos enfants, faisons-le pour l'avenir puisque ce droit
sera celui qui sera des prochaines décennies. Et donc c'est ce qu'on
vient faire et c'est ce qu'on vient marquer, Mme la Présidente.
Donc,
en terminant, j'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui ont pris
part de près ou de loin à cette vaste réforme en trois temps du droit de
la famille, toutes les équipes qui y ont travaillé, l'ensemble des collègues,
le ministre de la Justice, envers qui je
lève le chapeau, l'ancienne ministre de la Justice, qui est actuellement présidente du Conseil du trésor, et aussi un
merci à M. Alain Roy, qui nous a accompagnés également durant nos travaux.
Donc, merci. Et bon succès.
Et vous comprendrez
de par mes remarques et de par mon intervention aujourd'hui que je serai en
faveur et que j'inviterai les collègues à
voter pour l'adoption de principe et, suite à l'étude détaillée, certainement
d'adopter ce projet de loi, à la fin, pour nos familles, pour nos
enfants et pour l'avenir du Québec. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions?
Mise
aux voix
Comme
il n'y a pas d'autre intervention, le principe du projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la
famille et instituant le régime d'union parentale, est-il adopté?
Des voix :
Adopté.
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi
à la Commission des institutions
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Et donc, conformément à l'article 243 de notre règlement, je fais motion afin que le projet
de loi n° 56, la Loi portant sur
la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale,
soit déféré à la Commission des
institutions pour son étude détaillée
et que le ministre de la Justice
soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.
Mise aux voix
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Cette motion est-elle adoptée?
Des voix : Adopté.
• (12 h 50) •
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Adopté. M. le leader du gouvernement, pour la suite des
travaux.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Je vous demanderais d'appeler l'article 11 du
feuilleton, s'il vous plaît.
Projet
de loi n° 30
Adoption
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : À
l'article 11 du feuilleton, M. le ministre
des Finances propose l'adoption
du projet de loi n° 30, Loi modifiant diverses dispositions principalement
dans le secteur financier.
Alors, je vous cède
la parole, M. le député de Chapleau.
M. Mathieu
Lévesque
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme
la Présidente. C'est effectivement en ma qualité de député de Chapleau que
j'interviens à ce stade-ci. Je remercie le ministre des Finances pour sa
confiance, de me permettre de procéder, donc, à l'adoption finale et
d'intervenir à ce stade-ci, cet important stade du projet de loi.
Je vous salue, je
salue également les collègues de la banquette gouvernementale et également de
l'opposition. Et donc, Mme la Présidente, sans plus tarder, je vous présente
pour adoption, et aux collègues également, le projet de loi n° 30, qui
apporte divers ajustements aux lois du secteur financier et à la Loi sur le
courtage immobilier.
Ce projet de loi, au
final, Mme la Présidente, vient servir le public et son intérêt. Il le fait
notamment en faisant en sorte que les personnes qui font l'acquisition de
véhicules automobiles acquièrent plus couramment leurs assurances auprès d'intervenants certifiés et en apportant un
changement important aux assurances sur la vie, santé et perte d'emploi
offertes directement par les concessionnaires.
Il
vient également ajouter le fait que... en créant un cadre adéquat et efficace
pour l'intervention de personnes non certifiées dans le traitement de
réclamations en assurance de dommages et en assurant plus de flexibilité, en
facilitant le fait qu'une personne
agisse à la fois comme agente et comme experte en sinistre, en bonifiant
également les outils disponibles à l'Autorité des marchés financiers et à l'organisme d'autoréglementation du courtage
immobilier pour assurer la conformité à nos lois, en mettant en place le
meilleur cadre possible pour la création, au Québec, d'unions réciproques, en
apportant divers allègements au bénéfice de l'industrie.
Ce projet est
également la démonstration qu'il est possible, Mme la Présidente, d'avancer
efficacement lorsque chacun y met du sien. En effet, je tiens à souligner une
fois de plus la collaboration des oppositions lors des travaux parlementaires. Nous avons réussi à centrer nos
discussions sur les sujets les plus essentiels afin de procéder rondement.
On
souligne également l'ouverture, la franchise et l'esprit de collaboration des
divers groupes qui ont collaboré avec le ministère des Finances lors de
la préparation du projet.
Mme
la Présidente, le secteur financier est très, très important. Il mérite qu'on
apporte une attention constante aux lois qui le concernent. La
collaboration dont je viens de parler nous permettra, je l'espère, de reprendre
la cadence et d'éventuellement présenter à
cette Assemblée, environ une fois par année, un projet de loi qui le concerne.
D'ailleurs, les équipes du ministère des Finances sont déjà au travail afin d'identifier les
prochaines améliorations possibles et de préparer un projet de loi bien
ficelé.
Je
demande donc sans plus tarder à tous mes collègues... j'invite les collègues de
bien vouloir appuyer le projet de loi n° 30 afin qu'il soit adopté
et entre en vigueur le plus rapidement possible. Merci beaucoup, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée de
d'Arcy-McGee.
Mme Elisabeth
Prass
Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Le projet de loi
n° 30 est un projet de loi omnibus qui concerne le secteur financier, dont
l'application, dans sa forme actuelle, laisse plusieurs intervenants avec des
questions et des objections quant à
son application. Bien que les objectifs de ce projet de loi soient louables,
nous devions nous assurer qu'il n'y a pas de conséquences indésirables
qui découlent de l'application de celui-ci.
Après
le dépôt du projet de loi, nous avons eu des représentations de la part de
plusieurs groupes qui sont directement touchés
par ce projet de loi et qui craignent des conséquences trop grandes sur leur
industrie ou encore pour la protection du public.
Aujourd'hui,
l'Autorité des marchés financiers peut déclencher un mécanisme qui fait en sorte
que les compagnies peuvent utiliser des employés qui n'ont pas la
certification d'expert en sinistre afin de procéder à des évaluations dans des
situations de grand volume. Toutefois, ce mécanisme a été déclenché cinq fois
au cours des six dernières années.
Afin
de simplifier les processus, le projet de loi vient encadrer l'utilisation de
ces employés qui ne sont pas experts pour
répondre aux enjeux de main-d'oeuvre, donc permettant à toute personne à
l'emploi d'un cabinet, d'une société autonome
ou d'un représentant autonome d'exercer des activités sous la supervision d'un
expert en sinistre sous réserve du respect
de certaines conditions. Cette personne doit notamment informer le sinistré du
fait qu'elle agit sous la supervision d'un expert en sinistre et
identifier ce dernier ainsi que transmettre le dossier à l'expert sur demande.
Dans
le cas des experts en sinistre, ce qui est important, c'est de s'assurer
que l'ensemble des personnes assurées reçoivent des
services de qualité. Il est donc important pour nous de s'assurer que cette
pratique d'avoir recours à des surnuméraires pour faire des expertises en
sinistre ne vient pas léser les clients et ne viendra pas complexifier
davantage les processus administratifs auxquels doivent se plier les Québécois.
Lors
de l'étude détaillée, mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a suggéré que nous
récoltions des données afin de bien comprendre si l'utilisation de personnels
qui ne sont pas experts en sinistre a des impacts sur les réclamations d'assurance. Nous avons tous été surpris qu'ils
refusent. Notre but ici était de nous assurer que les lois et règlements que
nous mettons en place soient les plus
efficaces possibles. Comment s'en assurer, que les modifications apportées à la
loi sont efficaces, si on n'analyse pas les données qui en découlent, l'avenir
nous... si des modifications auraient été bénéfiques pour les personnes
assurées?
Dans
le milieu du courtage immobilier, de fortes inquiétudes se sont fait entendre
concernant certaines dispositions du projet de loi, alors que, selon les
courtiers, dont plusieurs se retrouvent dans une lettre publiée par Me Martin
Fortier le 6 février dernier...
Je vais vous lire un extrait... Je vais vous lire... je vais vous en lire un
extrait : «Le projet de loi n° 30 confère à l'Organisme d'autoréglementation du courtage
immobilier du Québec des pouvoirs très larges, aux contours mal définis,
et dont l'application reste arbitraire. En ce moment, l'OACIQ est géré par des gens
qui n'exercent pas la profession de courtier
immobilier. C'est pourtant une mesure élémentaire pour la protection du public
et une exigence fondamentale pour les
46 ordres professionnels du Québec. Si le projet de loi n° 30
assimile l'OACIQ à un ordre professionnel, pourquoi le soustraire à cette obligation qui est à la source
même du principe d'autoréglementation? De même, le projet de loi n° 30
reste muet quant à l'application des
nouveaux pouvoirs qu'il donne à l'OACIQ. On ne sait pas qui doit établir et
imposer des sanctions ni selon quel processus. Comment s'assurer que ces
sanctions ne seront pas émises de façon disproportionnée ou arbitraire?»
Lors de l'étude
détaillée, nous avons questionné le ministre pour tenter de bien comprendre les
modifications proposées, et ce dernier nous
a mentionné qu'il y avait eu une incompréhension de la part des courtiers
immobiliers et que le projet de loi
n'entraîne pas de conséquence inattendue sur cette industrie. Les inquiétudes
étaient fortes. Alors, nous espérons que le ministre a raison.
Les
concessionnaires automobiles se sont montrés inquiets que le ministre retire la
possibilité pour leur industrie de faire
la distribution d'assurance sans représentant. La vente de ces produits a
généré des revenus de presque 150 millions pour les concessionnaires, selon le rapport d'analyse des divulgations
de l'AMF 2020‑2021‑2022, alors que ce sont presque
64 000 assureurs de remplacement qui ont été vendus en 2022 par
l'entremise de 2 200 concessionnaires.
De
plus, si on ajoute la vente d'environ 72 000 produits d'assurance
vie, santé et perte d'emploi d'un débiteur, les pertes potentielles s'élèvent à
environ 160 millions de dollars au total. C'est de l'argent et cela
aurait définitivement un impact sur la santé financière des concessionnaires.
Nous sommes toutefois conscients que l'AMF a des reproches à faire à la manière... à propos de la rémunération moyenne
versée aux concessionnaires pour la vente d'assurance de remplacement et
pour les VSPED. Selon l'AMF, ces taux de
rémunération élevés sont susceptibles d'induire des mauvaises pratiques dans
l'industrie.
De
plus, l'autorité soulève que des assurances à prime unique se démarquent de
façon défavorable pour les consommateurs parce que le coût de ces produits est
généralement inclus sur le financement de sa voiture. Ceci fait en sorte
que le paiement de primes se fait avec un
taux d'intérêt supplémentaire et qu'il devient plus difficile de reconsidérer
une telle assurance durant la vie de voitures.
Toutefois, les
concessionnaires sont bien conscients que certaines pratiques allaient trop
loin et qu'un meilleur encadrement est nécessaire. Ils ont d'ailleurs eux-mêmes
suggéré au ministre et à l'AMF de mettre en place un meilleur encadrement de leurs pratiques pour s'assurer que
l'industrie adopte les meilleures pratiques. Pour les concessionnaires, il apparaît opportun d'explorer un encadrement
limitant la rémunération du distributeur. Bien qu'une divulgation obligatoire
ait été mise en place par le passé, ils sont
favorables à limiter les profits afin de favoriser un encadrement sans faille.
Ils croient d'ailleurs que la commission pourrait justement être
plafonnée.
Aussi,
une tarification standardisée selon certains paramètres de couverture pourrait
être introduite comme il se fait
ailleurs dans le monde. Dans la même veine, un renforcement des mesures
existantes visant à interdire la rémunération indirecte est déterminant. Toute forme de rémunération ou incitatif
indirect doit être interdit et sanctionné, allant jusqu'à l'empêchement de
pouvoir en offrir. Dans un marché hautement compétitif, où la rémunération est
majoritairement centrée sur la
performance, il est d'autant plus important d'avoir des filets de sécurité pour
s'assurer d'un traitement équitable du consommateur.
Des mesures d'une telle nature seront supportées par les regroupements,
puisqu'ils les considèrent essentielles à la pérennité des entreprises que nous représentons et des citoyens y
travaillant. Bien que cette option ait déjà fait l'objet d'études par le passé,
elle est, selon nous toujours d'actualité, celle de l'introduction d'un régime
de certificat restreint ou équivalent.
Comme
vous le savez, la distribution des produits de services financiers chez les
concessionnaires se fait via une personne, le poste de directeur commercial.
Bien que la majorité d'entre eux travaillent correctement et selon les
directives des assureurs...
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) :
Mme la députée de D'Arcy-McGee,
si vous désirez, vous allez pouvoir conclure à la reprise du débat.
Donc, considérant l'heure, et
pour permettre la tenue des affaires inscrites par les députés de l'opposition,
cet après-midi, le présent débat sur
l'adoption du projet de loi n° 30 est ajourné, et les travaux sont
suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à
13 heures)
(Reprise à 15 heures)
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Alors, bon mercredi après-midi, chers collègues.
Affaires
inscrites par les députés de l'opposition
Motion
proposant que l'Assemblée rappelle que l'État de droit est
un des fondements de la démocratie québécoise
Je vous invite, s'il
vous plaît, à bien vouloir vous asseoir, car nous en sommes maintenant aux
affaires inscrites par les députés de
l'opposition. Et, à l'article 54 du feuilleton, aux affaires inscrites par
les députés de l'opposition, M. le député de l'Acadie présente la motion
suivante :
«Que l'Assemblée nationale rappelle
que dans une société libre et démocratique, nul ne devrait condamner le recours
aux tribunaux par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés
dans leurs droits;
«Qu'elle
rappelle que l'État de droit est un [fondement] de la démocratie québécoise.»
Je
vous informe que la répartition du temps de parole pour le débat restreint sur
la motion inscrite par M. le député de
l'Acadie s'effectuera comme suit : 10 minutes sont réservées à
l'auteur de la motion pour sa réplique, 53 min 30 s sont
allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement,
29 min 3 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle,
18 min 21 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition,
6 min 7 s sont allouées au troisième groupe d'opposition, 1 min 30 s sont
allouées à chacun des députés indépendants. Dans le cadre de ce débat, le temps
non utilisé par les députés
indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les
groupes parlementaires selon les
proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les interventions
ne seront soumises à aucune limite de
temps. Enfin, je rappelle aux députés indépendants que, s'ils souhaitent
intervenir au cours du débat, ils ont 10 minutes à partir de
maintenant pour en aviser la présidence.
Alors, je cède
maintenant la parole à M. le député de l'Acadie.
M. André
Albert Morin
M. Morin : Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec
plaisir que je m'adresse à cette Chambre cet après-midi dans le cas d'un débat,
dans le cas d'une motion qui a été présentée, et je prends la peine de la lire,
parce que je pense que c'est important de se rappeler les fondements
d'un État de droit :
«Que l'Assemblée nationale rappelle
que dans une société libre et démocratique, nul ne devrait condamner le recours
aux tribunaux par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés
dans leurs droits;
«Qu'elle rappelle que
l'État de droit est un des fondements de la démocratie québécoise.»
Donc,
il y a des éléments importants que je veux souligner d'emblée. D'abord, État de
droit, nous sommes privilégiés au Québec, nous vivons dans un État de droit et,
évidemment, démocratie québécoise, nous avons la chance, ici, de vivre dans une société où on a des élections,
des élections libres. Les gens peuvent voter et les gens qui sont élus
représentent l'ensemble de la
population. Mais, dans une société de droit, il y a différentes institutions,
différents pouvoirs qu'il faut respecter.
Et pourquoi j'en parle? Bien, c'est parce que, justement, dans notre État, nous
avons bien sûr l'exécutif, c'est le gouvernement, nous avons le
législatif, c'est nous, l'ensemble des députés, et il y a également une
institution totalement indépendante qui
s'appelle le judiciaire, qui est là pour dresser un équilibre dans le cadre des
débats, des débats qui sont sains dans notre société.
Mais
pourquoi, vous me direz, pourquoi parler de ça aujourd'hui? Bien voilà, la
réponse est la suivante. Vous aurez probablement
constaté, dans les semaines ou les mois qui ont précédé notre débat d'aujourd'hui, des commentaires qui ont
été faits par des ministres ou par le premier ministre relativement à la
magistrature. Et je cite et je rappelle notamment cet article qui a été publié dans La Presse,
en février, par M. Boisvert, et qui s'intitulait François Legault et
les «juges du fédéral», c'était le titre, mais le premier ministre et
les juges du fédéral. Le Barreau déplore... Et là je ne pourrai pas citer
le titre exactement, qu'on ne m'en fasse pas
reproche : Le Barreau déplore les propos du premier ministre. Ce
n'était pas ça qui était écrit, mais
quand même. Je comprends, je comprends. Donc, autant... autant de commentaires,
autant d'attaques, et j'emploie le mot «attaque», contre la
magistrature. Puis évidemment un des éléments clés du rôle des juges, c'est, évidemment, d'avoir une réserve. Donc, dans la
plupart des cas, en plus, ils ne peuvent pas répondre. Donc, vous voyez,
le champ est libre, et je pense que ça, ce n'est pas sain, dans une société de
droit.
Ce
que le premier ministre laissait entendre, et c'est ce que rapportait
M. Boisvert dans son article, c'est qu'au fond, tout dépendant qui vous nomme, vous risquez
d'avoir un résultat x ou y. Dans notre société de droit, c'est du jamais vu.
Mais le premier ministre n'est pas le seul.
On a eu, à un moment donné, le Procureur général qui s'est interrogé, on a eu
d'autres ministres du gouvernement de la CAQ
qui se sont interrogés sur les nominations des juges. Et je pense qu'il faut...
je ne pense pas, en fait, je l'affirme, il faut dénoncer ça, parce que
ça nuit à notre société démocratique.
Et la démocratie, au Québec, j'y tiens, c'est un
joyau pour l'ensemble de la société québécoise. Mais pourquoi c'est important, un État de droit? Bien, c'est
parce que, justement, dans un État de droit, vous avez des systèmes qui sont soumis à des normes juridiques. Donc, ce n'est pas un État
où n'importe qui peut faire n'importe quoi, il y a véritablement des
normes qui vont notamment protéger des libertés individuelles. Et ça, c'est
fondamental dans notre État de droit.
Il y a trois
conditions que j'aimerais rappeler en ce qui a trait à l'État de droit :
le respect de la loi, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes devant la loi et la séparation des pouvoirs
ainsi que l'indépendance des juges. La séparation des pouvoirs assure l'indépendance de la magistrature,
et le gouvernement et en particulier le Procureur général, parce qu'il est aussi avocat, devraient soutenir
l'indépendance judiciaire et éviter de critiquer leur mode de nomination. Ça ne
veut pas dire qu'on ne peut pas avoir un esprit critique, ça ne veut pas
dire qu'on ne peut pas critiquer une décision d'un tribunal, mais ça se fait dans un cadre précis. Et c'est une chose que
d'être en accord ou pas en accord avec une décision d'un magistrat et de
critiquer la façon dont ils sont nommés.
Permettez-moi,
permettez-moi de rappeler cet article d'Yves Boisvert : «Les juges ne sont
les employés d'aucun gouvernement.» Et il est bien qu'il en soit ainsi.
Ils sont là pour appliquer les chartes, qu'ils n'ont pas demandées. Quand
l'Assemblée nationale du Québec a adopté la charte québécoise des droits et
libertés de la personne, c'est le Parlement
qui a décidé, même chose pour la Charte
canadienne des droits et libertés. Et
je pense que ça, il faut le rappeler.
D'ailleurs,
d'ailleurs, le Barreau dénonçait les propos du premier ministre et dénonçait
également des positions du ministre
de la Justice, parce qu'agir de la sorte fait en sorte qu'on va éventuellement
effriter la confiance qu'on doit avoir envers le système de justice. De
souligner ou de remettre en cause l'intégrité d'un magistrat en tenant compte
de qui le nomme est un exercice qui
est non seulement périlleux, mais qui est dangereux pour notre
démocratie. On en a un, un mode de nomination au Québec. Il y a un mode
de nomination également au fédéral. On se rappellera que des ministres, le premier ministre, et je le soulignais, ont mis en
doute ce qui allait devenir d'une décision judiciaire, tout dépendant des
modes de nomination des magistrats. C'est curieux, quand même, hein, parce que,
quand la Cour d'appel du Québec a eu à se prononcer sur la loi n° 21,
c'était un jugement unanime, puis ils ont donné raison au gouvernement du
Québec. Pourtant, si mon souvenir est bon,
les juges de la Cour d'appel du Québec sont nommés par le fédéral, mais ils
appartiennent à une cour qui est gérée par la province. Alors, déjà, à ce
moment-là, le postulat du premier ministre n'est pas exact, en
commençant par ça.
• (15 h 10) •
Deuxièmement, parlons des nominations qui sont
faites au Québec par le Conseil des ministres. On a un bon mode de fonctionnement : un concours est
annoncé, il y a un jury qui est formé, des candidats, des candidates
appliquent, et, à ce moment-là, après ça, il y a une recommandation qui est
faite, et c'est le ministre qui va faire une recommandation au Conseil des ministres. Ils sont nommés par le
gouvernement du Québec. Alors, si je suis le raisonnement du premier ministre
et son postulat, parce qu'attention, juges nommés par le fédéral,
on va peut-être avoir un résultat x, est-ce que ça veut dire que, les juges qui sont nommés par le gouvernement du
Québec, on va avoir un résultat y en faveur du gouvernement du Québec?
Bien sûr que non, évidemment que non, et il est bien qu'il en soit ainsi. C'est
normal qu'il en soit ainsi, mais vous comprendrez,
M. le Président, où ce genre de postulat là nous amène, et c'est là que c'est
dangereux. Essayer, évidemment, d'instrumentaliser la magistrature, ce
n'est pas une bonne idée.
On est chanceux au Québec. On a un régime de
droit. On a une charte québécoise des droits et libertés de la personne. Je le disais tout à l'heure, même chose
pour le fédéral. Je le rappelle, ce n'est pas les juges qui l'ont demandé,
hein? C'est la population, c'est les
parlementaires qui ont décidé, pour la charte québécoise, qui est arrivée bien
avant la charte canadienne, soit dit
en passant, qui ont décidé que les droits et obligations des gens au Québec
allaient être, entre autres, assortis
par une charte, et que cette charte-là allait leur donner des droits, et c'est
excessivement important dans une société libre et démocratique. C'est la même
chose pour la Charte canadienne des
droits et libertés. Le Parlement
fédéral l'a adoptée. Elle s'applique. Et donc, encore là, ce n'est pas les
juges fédéraux qui l'ont demandé, c'est un geste du Parlement.
Et
j'aimerais, j'aimerais rappeler un arrêt important de la Cour suprême, l'arrêt
Vriend c. la province de l'Alberta, où
la cour prend la peine de dire — et
certains juges : Les droits et libertés ne sont pas absolus.
Effectivement, il faut toujours qu'il y ait un équilibre, que ce soit balancé.
Et les législatures peuvent utiliser des restrictions à ces droits, mais
ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que la
tâche des tribunaux, quand on a une charte des droits, c'est d'avoir un
équilibre, c'est de balancer ces droits qui sont donnés à des citoyens. La Cour
suprême rappelle que c'est le peuple canadien qui a choisi l'adoption de la charte des droits et libertés, et
notre Constitution, à ce moment-là, a été réaménagée pour en tenir compte.
Donc, dorénavant, il y a un équilibre entre le pouvoir législatif et la
magistrature, et il est bien qu'il en soit ainsi.
Et, nous le
savons, il y a des clauses de dérogation autant dans la charte canadienne que
dans la charte québécoise, et le
Parlement, en bout de piste, pourra toujours décider de les invoquer ou pas,
d'où cet équilibre et ce dialogue entre les tribunaux et le Parlement. Cependant, il faut rappeler que les tribunaux
sont indépendants des pouvoirs exécutifs, et donc qu'ils sont là pour faire
respecter le droit et qu'ils sont les gardiens de la Constitution, et, ça
aussi, c'est effectivement très important.
Donc, cette révision judiciaire permet aux citoyens un équilibre, et, dans une
société démocratique, ce sont des éléments qui sont essentiels. En fait,
dans une véritable démocratie, l'État doit se soucier des droits individuels de
ses citoyens, et les citoyens doivent pouvoir s'adresser aux tribunaux pour
faire valoir leurs droits.
Autre élément, autre élément que nous voyons
depuis quelques semaines — et,
quand on a étudié le projet de loi
n° 52, on a eu droit à des commentaires de cette nature de certains
ministres — on
s'interroge sur la validité de certains citoyens de vouloir contester
des lois du Parlement. On s'interroge également sur le fait que, parce que des
organismes reçoivent des fonds, par ailleurs, des fonds du gouvernement, on
s'interroge sur la légitimité de leur action ou de leur contestation devant les tribunaux. Permettez-moi de vous dire que c'est
particulièrement étonnant. Et, dans nos démocraties, le recours au
judiciaire pour trancher des litiges est essentiel.
Imaginez si,
à chaque fois, parce que si on pousse l'argumentaire de certains ministres...
si, à chaque fois, on devait s'interroger :
Est-ce que je reçois de l'argent du gouvernement ou pas? Est-ce que je veux
utiliser des fonds publics ou pas?, avant
de décider si on va contester une loi ou pas, bien, si la réponse à ça, c'est
de dire : Vous n'avez pas le droit de faire ça
parce que vous recevez des subventions gouvernementales ou de l'argent du
gouvernement, bien, c'est comme si le gouvernement
ou le Procureur général s'achetait une immunité à peu près complète.
Parce que, si vous regardez l'ensemble des
organismes dans notre société, il y en a plusieurs, il y en a un très grand
nombre qui reçoivent des fonds publics. On peut penser à différentes associations, des organismes, des syndicats, à
la rigueur, des municipalités, des sociétés de transport. Donc, si vous poussez le règlement... cette
affirmation-là au maximum, non seulement les institutions ne pourront jamais s'adresser aux tribunaux, mais ils vont être
obligés de vivre avec toutes les lois que le gouvernement adopte. Puis, dans
notre société, c'est ce que je disais
tantôt, ça ne fonctionne pas comme ça. Et, ça, je pense qu'il faut le rappeler,
c'est fondamental. Parce que, dans un
État de droit, on vit justement avec une charte des droits qui confère à des
individus des droits fondamentaux qu'ils ont le droit de faire valoir
devant les tribunaux.
D'ailleurs,
d'ailleurs, Michel C. Auger, de La Presse, faisait justement un article à cet effet. Et on se rappelle que,
dans Le Devoir du 12 avril, le Procureur général dénonçait la
contestation de la loi n° 21 faite avec des
fonds publics. Donc, à chaque fois que quelqu'un reçoit des fonds publics, il
ne peut plus contester. Ça ne peut pas fonctionner ainsi. Heureusement, on a
des tribunaux qui sont indépendants puis qui vont être capables de trancher des
litiges.
Mais permettez-moi, permettez-moi de dire, M. le
Président, que, quand je vois un procureur général tenir de tels propos, bien, moi, j'ai de la difficulté à
comprendre que ça, ou de telles actions, ou de tels propos vont faire en sorte
que ça va redonner confiance aux citoyens envers le système de justice.
D'ailleurs, d'ailleurs, le procureur général connaît très bien la mission de son ministère, permettez-moi
de la rappeler : Favoriser la confiance des citoyens en la justice et le
respect des droits par le maintien au Québec
d'un système de justice accessible et intègre ainsi que de faire respecter la
primauté du droit. C'est quand même fondamental. C'est une mission qui est très
noble. Mais, quand, d'un côté, un procureur
général et ministre de la Justice essaie de faire vivre cette mission et que, de
l'autre côté, il tient, dans la sphère publique,
des propos où il dénonce des contestations qui pourraient être faites avec des
fonds publics, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre que ça pourrait
redonner la confiance des citoyens envers le système de justice en général.
Puis c'est
aussi fondamental, c'est aussi fondamental de respecter la
primauté du droit. Et je pense que c'est important de définir c'est quoi, la primauté du droit. Dans
un État de droit, et c'est dans un État dans lequel on vit, la primauté du
droit fait en sorte que tous les citoyens, tous les fonctionnaires, du premier
fonctionnaire au dernier fonctionnaire, du premier ministre à tout l'ensemble
des ministres et à l'ensemble des citoyens, ce que ça veut dire, c'est qu'il
n'y a personne qui est au-dessus de la loi, personne. Et, si jamais il y
a de ces droits-là ou si jamais on pense qu'une personne en autorité ne respecte pas son mandat ou ses fonctions, on peut
s'adresser aux tribunaux pour le faire valider. C'est fondamental parce que ça permet de contrôler l'action gouvernementale
et cela dissuade les abus de pouvoir et encourage les institutions à agir
selon la loi. Donc, la primauté du droit,
c'est totalement essentiel, dans notre société, et le ministre doit évidemment
y veiller, c'est dans sa mission.
• (15 h 20) •
Rappelons-nous,
rappelons-nous l'arrêt célèbre de la Cour suprême, Roncarelli c. Duplessis, où
la Cour suprême a rappelé à Duplessis qu'il avait beau être premier ministre et
Procureur général, il fallait quand même qu'il respecte la loi. Et, plus récemment, dans un autre arrêt qui
s'appelle... la Cour suprême rappelait que les corps de police ne sont pas
non plus au-dessus de la loi. Donc, ça,
c'est fondamental et ça permet de contrôler l'action gouvernementale et donc de
faire en sorte qu'il y a un équilibre dans notre
société. Ça permet également à s'assurer que les justiciables auront accès à la
justice, et ça, c'est un pilier essentiel de la démocratie et de notre État de
droit.
Un ministre
ou un ministère ne peut pas être au-dessus des lois, c'est totalement fondamental.
Et il faut se rappeler également qu'on peut critiquer, on peut avoir des
opinions différentes, mais le gouvernement n'est certainement pas en possession tranquille de la vérité et que
parfois son action peut causer des préjudices à des groupes de personnes. Donc,
à ce moment-là, il faut permettre à ces personnes-là d'avoir recours aux
tribunaux.
Je vais m'arrêter, à ce stade-ci, et je pourrai
revenir, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le député de l'Acadie. Et je suis maintenant prêt à reconnaître le
prochain intervenant. Ce sera M. le ministre de la Justice.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Un plaisir de vous retrouver. Je remercie le député de l'Acadie de saisir cette Assemblée pour une motion inscrite
par les députés de l'opposition. On n'a pas souvent l'occasion de faire ça,
alors je l'apprécie.
M. le Président, d'entrée de jeu, j'aimerais
déposer un amendement à la motion présentée par mon collègue. Donc, au premier alinéa, retirer les
mots «nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux par des citoyens ou des
organisations» et les remplacer par «tous citoyens ou organisations ont le
droit de s'adresser aux tribunaux».
Deuxièmement, à la suite du premier alinéa,
ajouter l'alinéa suivant :
«Qu'elle
rappelle toutefois que ce droit n'empêche en rien que, dans une société libre
et démocratique, la décision d'un citoyen ou d'une organisation de
s'adresser aux tribunaux puisse être critiquée ou débattue;».
Donc, la motion amendée se lirait ainsi :
«Que
l'Assemblée nationale rappelle que, dans une société libre et démocratique,
tous citoyens ou organisations ont le droit de s'adresser aux tribunaux
si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs droits;
«Qu'elle
rappelle toutefois que ce droit n'empêche en rien que, dans une société libre
et démocratique, la décision d'un citoyen ou d'une organisation de
s'adresser aux tribunaux puisse être critiquée ou débattue;
«Qu'elle rappelle que l'État de droit est un des
fondements de la démocratie québécoise.»
Alors,
M. le Président, j'espère qu'on acceptera mon amendement, mais nous verrons
plus tard.
Mme
la Présidente... M. le Président, écoutez, j'écoutais avec intérêt mon collègue
de l'Acadie, et je vous dirais que — j'étais sur ma chaise, juste
ici — ses
propos étaient un peu lunaires, M. le Président, un peu lunaires et, je vous dirais, surréalistes, parce que le député de
l'Acadie nous a fait un résumé de certains principes juridiques qui gouvernent
notre système de justice mais d'une façon tronquée, hein? On a invoqué des
arrêts de décisions de la Cour suprême en présentant
certains faits, on a parlé également de l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, on a parlé ensuite de l'adoption de la
charte des droits et libertés, donc, de la charte canadienne. Le député de
l'Acadie, je l'ai entendu tout à l'heure, il
dit : Écoutez, notre Assemblée a adopté la Charte des droits et libertés de la personne. Oui, c'est vrai, on a été les premiers, en 1975, M. le Président, une
loi qui est fondamentale pour l'État québécois, une loi qui est fondamentale
pour le peuple québécois, qui garantit des droits et libertés aux citoyens et
citoyennes.
Et
savez-vous ce qu'il y a dans la charte québécoise, présentement, M. le
Président? Il y a le droit à la laïcité, il y a le droit de vivre en français. Et savez-vous quoi, M. le Président?
Lorsqu'on est venu amender la Charte
des droits et libertés de la personne pour garantir davantage de droits aux Québécoises
et aux Québécois, qu'est-ce que le Parti libéral du Québec a fait? Il a
voté contre le fait de donner davantage de droits aux Québécois, notamment le
droit de vivre en français et notamment le
droit d'avoir accès à la laïcité, le droit que tous les citoyens soient égaux,
peu importe leur religion, devant la loi.
Mais, pire que ça, M. le Président, le député de l'Acadie, tout à l'heure,
nous a dit : Et on a introduit la charte canadienne, la Charte des droits et libertés de la personne,
en 1982, M. le Président. Et il a dit : Le peuple canadien a choisi
d'avoir une charte des droits et
libertés dans la Constitution. Le peuple canadien a choisi, Mme la
Présidente... M. le Président. J'en suis éberlué, M. le Président.
Écoutez,
de son siège de député de l'Acadie, M. le Président, un siège de l'Acadie qui
est à Montréal, qui est au Québec, M. le Président, il se félicite d'avoir la
charte canadienne par un rapatriement forcé qui a été mis dans la gorge
des Québécois et des Québécoises. Cette
Assemblée nationale n'a jamais reconnu le rapatriement de la Constitution
canadienne et n'a jamais adhéré à l'insertion d'une charte des droits et
libertés dans la Constitution canadienne, M. le Président. Ça, M. le Président, là... Ça, M. le Président,
là, quand j'entends ça ici, à cette Assemblée, là, de tenir de tels propos, là,
c'est de trahir le peuple québécois, M. le
Président, de dire : Écoutez, moi, je reconnais, comme député de
l'Assemble nationale, la légitimité de la Constitution canadienne,
contrairement à tous les gouvernements successifs depuis 1982, qu'ils soient du
Parti québécois, du Parti libéral du Québec et même de la Coalition avenir
Québec, M. le Président. Écoutez, même le
Parti libéral de Philippe Couillard n'a pas signé la Constitution parce qu'il
savait que ça a été inséré de force contre la volonté du peuple québécois. Et là on est rendus avec un Parti
libéral du Québec qui défend la Constitution canadienne au détriment des
compétences du Québec. La prochaine étape, M. le Président, là, ça va être que
le Parti libéral va être d'accord avec les
actions de Justin Trudeau de faire en sorte d'empiéter les champs de compétence
du Québec, M. le Président.
Oui, levez-vous, M.
le leader, il est temps.
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : M. le leader, je vous écoute, M. le leader de
l'opposition officielle.
M. Derraji : M.
le Président, je pense que le ministre de la Justice est tellement excité par
cette excellente motion du mercredi, je
l'invite à un peu de prudence, parce que je pense... Je tiens juste à lui
rappeler les dernières motions par rapport à l'attitude du gouvernement
fédéral. Donc, je l'invite à un peu plus de prudence, M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : M. le leader adjoint, je vous écoute, rapidement.
M. Lévesque (Chapleau) : M. le Président, ce sont
des faits qui sont énoncés par le leader, et c'est factuel, et c'est
historique, en plus, ce qu'il nous dit, M. le ministre de la Justice, donc...
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Ce
que j'entends... Ce que j'entends, c'est qu'on va continuer, on va poursuivre.
Je vous demanderais, s'il vous plaît, de poursuivre. De la prudence, s'il vous
plaît, dans les propos. Je vous invite à poursuivre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, vous
connaissez ma grande prudence, mais je ne peux m'empêcher, M. le Président, de continuer d'être éberlué. On a un
Parti libéral du Québec qui revient sur ses positions, qui renie Robert Bourassa,
qui était assis dans ce siège-ci, M. le
Président. 23 juin 1990, M. le Président, le premier ministre Bourassa, du
Parti libéral du Québec, qu'est-ce
qu'il dit? Il dit : «...quoi qu'on [en] dise et quoi qu'on [en] fasse, le
Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre
et capable d'assumer son destin et son développement.»
On
a manqué une méchante bonne partie de l'autre côté, là, M. le Président. Le
député de l'Acadie est en train de nous
dire : Le peuple canadien a choisi d'avoir une charte canadienne. Non, le
peuple canadien n'a pas choisi parce que le peuple québécois n'a pas adhéré. Notre Assemblée nationale, l'Assemblée
nationale des Québécoises et des Québécois n'ont jamais ratifié la
Constitution, n'ont jamais été en accord avec la Constitution canadienne, ce
rapatriement et l'insertion d'une charte des droits et libertés. Pourquoi?
Parce que cette charte, et vous le savez pertinemment, visait à neutraliser, M. le Président, certaines dispositions
législatives assemblées par cette Assemblée nationale, notamment la Charte de la langue française.
Et
vous le savez pertinemment à quoi sert l'article 23 de la charte
canadienne. Ça a été écrit pour répliquer à la Charte de la langue française de 1977. Et, lorsqu'on
a fait le débat sur la loi n° 96, le même Parti libéral, près de 40 ans
plus tard, s'est encore objecté à la
protection de la Charte de la langue
française, à la seule langue
officielle et commune du Québec, et ça demeurera toujours le cas au
Parti libéral, M. le Président.
On
a eu M. Bourassa qui a fait des efforts, qui a utilisé la disposition de
souveraineté parlementaire de cette Assemblée
en 1988 suite à l'arrêt Ford de la Cour suprême. C'était la première fois que
cette Assemblée nationale, ici, utilisait la disposition de souveraineté parlementaire, dans le cadre d'un
jugement de la Cour suprême, d'une façon curative, et il l'a fait parce qu'il avait une sensibilité par rapport
aux droits, aux libertés des Québécois, par rapport à l'importance de protéger
la langue française, M. le Président. Il
avait eu recours, M. Bourassa, aussi à l'utilisation de la souveraineté
parlementaire... la clause de
souveraineté parlementaire prise d'une façon préventive également parce qu'il
savait que le peuple québécois, que
la nation québécoise était une société qui était distincte. Et lui-même n'a
jamais accepté le fait qu'on avait inséré une charte des droits et libertés
dans la Constitution canadienne et qu'on l'avait rapatriée au détriment de la
Constitution canadienne.
• (15 h 30) •
Écoutez, M. le
Président, ce n'est pas pour rien qu'ils ont fait Meech. Ce n'est pas pour rien
qu'en 1985, quand M. Bourassa, il se
fait élire, il mandate Gil Rémillard, qui est professeur à l'Université Laval,
puis il le nomme ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes, parce qu'eux, ces libéraux-là, ils avaient
encore un peu de nationalisme, eux, ces
libéraux-là, ils savaient que la souveraineté du Parlement, c'était
fondamental, eux, ces libéraux-là, M. le Président, ils savaient qu'il y avait trois piliers dans notre
démocratie, eux, ces libéraux-là, ils savaient, M. le Président, que le
Parlement n'allait pas se coucher devant les tribunaux comme le Parti
libéral nous invite à le faire. Chacun dans son champ de juridiction, le législatif, l'exécutif et le
judiciaire, les trois piliers se valent dans notre démocratie, M. le Président,
mais c'est notre Assemblée qui va décider pour le peuple québécois.
Et, lorsqu'on utilise la disposition de
souveraineté parlementaire, M. le Président, en vertu de notre régime
constitutionnel... Et ça, ça va faire plaisir au député de l'Acadie,
hein? Contrairement à son groupe parlementaire, où il sait que c'est conditionnel, où il sait que le Parlement, en vertu de
la disposition de l'article 33 de la Constitution canadienne, il est légitime, il est possible, et ça fait
partie de ce que... et je le citerai, de ce que les Canadiens ont voulu, les
Québécois n'ont pas voulu ça. Mais le
reste du peuple canadien, dans le reste du Canada, c'est eux qui ont insisté,
les premiers ministres des autres provinces,
M. le Président, qui ont insisté pour avoir une disposition de souveraineté
parlementaire parce qu'ils ne faisaient pas confiance au Parlement
fédéral ni au gouvernement fédéral, M. le Président.
C'est
un équilibre, la fédération canadienne. Et, lorsque je vois le Parti libéral du
Québec critiquer l'utilisation de la disposition de souveraineté parlementaire,
tout comme le deuxième groupe d'opposition, comme Québec solidaire, des soi-disant souverainistes, mais qui sont d'accord
avec M. Trudeau, M. le Président, on n'est pas à une incohérence près,
bien, je me questionne. Je me questionne, de
la part de chacun des députés du Parti libéral, vers qui va leur légitimité,
envers qui ils sont fidèles. Sont-ils
fidèles au peuple québécois, à la nation québécoise, ou sont-ils plutôt fidèles
au peuple canadien, M. le Président?
Parce que, si on n'est pas capable, du côté du Parti libéral, de reconnaître
que, oui, c'est possible de critiquer des
recours devant les tribunaux qui sont entrepris parce qu'on est dans une
société libre et démocratique, parce qu'on est dans une société, M. le
Président, où on garantit la liberté d'expression...
J'espère
que le député de l'Acadie n'est pas en train de nous dire qu'on ne devrait pas
reconnaître la liberté d'expression, de critiquer. Les gens ont le droit de
s'adresser aux tribunaux, M. le Président. Il n'y a personne qui critique ça.
On peut faire valoir nos droits devant les
tribunaux. Tout le monde est d'accord avec ça, M. le Président. Ce que le
député de l'Acadie voudrait, par
contre, c'est de bâillonner les gens, de dire : Bien, écoutez, oui, je
critique votre décision d'aller devant
les tribunaux. C'est une atteinte à la liberté d'expression qui est protégée
par la charte québécoise des droits et libertés,
M. le Président, ça. C'est garanti, la liberté d'expression, mais, non, le
Parti libéral voudrait nous museler, voudrait faire en sorte de faire comme
avec l'ancien projet de loi n° 59 de la ministre de la Justice, la députée
de Gatineau, M. le Président.
Une voix :
...
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Je vous écoute.
M. Derraji : Le leader du gouvernement, il sait très bien
comment ça marche. Depuis tout à l'heure, pas une fois, pas deux, il nous prête
des intentions. Le collègue de l'Acadie n'a pas dit «museler». Il le sait très
bien. Qu'il se limite aux propos de
la motion, M. le Président, et je l'invite à plus de prudence et de ne pas nous
prêter des intentions parce que je vais me lever à chaque fois. Je sais
qu'il aime la motion et...
Le
Vice-Président (M. Lévesque) :
J'ai entendu, M. le leader, j'ai entendu. Je pense que j'ai entendu.
Rapidement, M. le leader adjoint.
M. Lévesque (Chapleau) : ...mais les faits sont
têtus. Puis peut-être qu'il y a un examen de conscience à faire auprès
du Parti libéral, M. le Président.
Des voix : ...
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Non, c'est correct, c'est correct. C'est correct,
c'est correct.
Des voix : ...
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : S'il vous plaît! Je suis debout. Je suis debout.
Je suis debout. Je vais demander de
la prudence, de ne pas prêter des intentions. C'est dans notre règlement. Je
pense que vous êtes des parlementaires aguerris.
Alors, M. le ministre de la Justice, je vous
invite, s'il vous plaît, à poursuivre, en étant prudent, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, je me sens muselé. Le député de
l'Acadie me vise personnellement. Il dit : Ça n'a pas de sens que le
Procureur général conteste le fait que certaines organisations utilisent des
fonds publics pour contester des lois qui ont été légitimement adoptées à
l'Assemble nationale. Je veux être très clair, M. le Président :
tous les citoyens ont le droit de contester
les lois qui sont adoptées par les Parlements, les organisations aussi. Par
contre, il y a quand même des
questions qui peuvent être soulevées. Et, oui, on a le droit de critiquer les
choix. Parce que, vous savez, comme Procureur général, moi, je suis
gardien de la constitutionnalité des lois, et n'importe quel ministre de la
Justice, peu importe la formation politique, qui se retrouverait dans mes
souliers, M. le Président, devrait faire la même chose, parce que c'est notre
devoir, c'est le principe.
À partir du
moment où une loi est votée ici, à l'Assemble nationale, il y a une présomption
de constitutionnalité qui existe, M. le Président. Et, lorsque je vois des
organisations, notamment comme la FAE, qui utilisent des fonds publics,
et qui utilisent des fonds de travailleurs,
M. le Président, hein, des enseignants et des enseignantes qui paient, à chaque
semaine, une vingtaine de dollars sur
leur paie, qui n'ont pas de fonds de grève, puis qu'on conteste une loi adoptée
par l'Assemblée nationale, oui, il y
a des questions qui se posent, M. le Président, sur le port de signes
religieux, parce qu'on est venus faire en sorte de donner le droit à la laïcité
pour les enfants, pour les élèves, pour le corps professoral, pour la
direction, pour le peuple québécois, pour la nation québécoise. Et ça,
ça compte, et c'est ce que la nation québécoise souhaite.
Nous ne sommes pas dans le régime canadien
uniquement. Nous sommes au Québec. La société québécoise, elle est distincte, elle a des valeurs sociales
distinctes, M. le Président. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour suprême du Canada, M. le Président. Je
vous cite la Cour suprême en tout respect.
Alors, M. le
Président, est-ce qu'on peut avoir cet espace de liberté là? Et surtout, M. le
Président, dans notre système parlementaire
dans lequel on évolue, c'est un système parlementaire de type britannique, et
il y a un dialogue interinstitutions, hein?
Le Parlement adopte des lois. La constitutionnalité des lois ou
l'interprétation, elle est faite par les tribunaux. À partir du moment où les tribunaux se prononcent sur une
loi et que le législateur est en désaccord, il y a un dialogue
interinstitutionnel qui se produit.
Et qu'a voulu le constituant, notamment le constituant canadien, que mon
collègue de l'Acadie apprécie? Il a
voulu laisser la souveraineté parlementaire aux parlementaires, aux députés,
aux gens qui sont élus par le peuple québécois, M. le Président.
Et, M. le Président, jusqu'à la fin de mon
mandat, ou de tous les mandats que je ferai peut-être, M. le Président, je vais me battre à tous les jours pour rappeler
que, dans notre système, les élus ont un rôle fondamental à jouer. La
magistrature a un rôle important
aussi, celui du contrôle des lois, celui de l'interprétation des lois, mais, à
partir du moment où le Parlement parle
et utilise une disposition de souveraineté parlementaire, ça appartient au
Parlement, conformément à la Constitution.
Autre point,
M. le Président, on a parlé de la primauté du droit. Bien, en fait, juste
avant, M. le Président, on a dit... dans
la motion, on dit : On ne doit pas critiquer les décisions, hein, bien,
pas les décisions, mais le recours aux tribunaux : «Que l'Assemblée
nationale rappelle que dans une société libre et démocratique, nul ne devrait
condamner le recours aux tribunaux par des
citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs droits.» Si je prends le raisonnement du Parti
libéral du Québec, là, ça voudrait dire, là, qu'un ex-conjoint, là, qui faisait
de la violence conjugale envers sa conjointe
puis qui multiplie les recours devant les tribunaux, sa conjointe ne devrait
pas... son ex-conjointe ne devrait pas critiquer
ça? Il y a présence de violence judiciaire, requête après requête, après
requête, après requête, pour faire en sorte de maintenir un contrôle sur la
victime. Si on votait en faveur de la motion telle que libellée par le député
de l'Acadie, M. le Président, ça voudrait dire qu'on dirait à la
victime de violence conjugale : Non, tu n'as pas le droit de critiquer le recours aux tribunaux par ton ex-conjoint, il a
le droit de s'adresser aux tribunaux, puis on ne devrait pas le critiquer, on
ne devrait pas le condamner, alors qu'il utilise la procédure judiciaire
pour maintenir la violence, le contrôle sur sa femme, son ex-femme et ses enfants. C'est à ça que nous invite le député de
l'Acadie. C'est à ça que nous invite le Parti libéral du Québec.
Trouvez-vous ça normal, M. le Président?
La
proposition du Parti libéral aussi me dérange et, je vous dirais, me chatouille
aussi. Parce qu'en disant : «...rappelle que dans une société libre
et démocratique, nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux par des
citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs droits»,
que fait le député de l'Acadie avec les poursuites-bâillons? Est-ce que le député de l'Acadie remet en question
le Code de procédure civile, M. le Président, qui a été adopté récemment
par l'ancien ministre St-Arnaud, du Parti québécois, en collaboration avec
l'ancien député de Fabre, ancien bâtonnier Gilles
Ouimet, qui était porte-parole du Parti libéral en cette matière? Je pense
d'ailleurs que vous étiez là, M. le Président, hein? On est clairement venus prévoir, M. le Président, par
l'article 54 notamment, qu'on peut faire rejeter des procédures
parce qu'il s'agit de poursuites-bâillons.
• (15 h 40) •
Pensez à des
grosses compagnies qui veulent museler les citoyens en matière
environnementale, en matière de santé, en...
sur plusieurs sujets. Ce que le député de l'Acadie nous dit : Aïe! on ne
devrait pas critiquer ça, une multinationale qui attaque des citoyens, pour
faire en sorte que, malgré le fait qu'ils se retrouvent dans une situation de
vulnérabilité, bien, ils ne devraient
pas critiquer le fait qu'une mégacompagnie souhaite les écraser devant les
tribunaux. La motion, telle que libellée, c'est exactement ça.
Pensez à un
cas qu'on a eu récemment, une personne âgée, il y a quelques années, une
personne âgée, M. le Président, qui
était dans un CHSLD privé, puis que la fille de la victime, qui était âgée
d'une soixantaine d'années... la dame ou le monsieur qui est décédé, il avait 80, 90 ans, il avait subi des
mauvais traitements, puis elle avait entamé une poursuite contre le groupe,
puis même elle avait eu des commentaires publics. La grande compagnie,
qu'est-ce qu'elle avait fait? Elle l'avait poursuivie. La dame, sans ressources, s'était adressée aux journalistes
pour dire : Bien, ça n'a pas de sens, je suis victime d'une
poursuite-bâillon. Qu'est-ce qu'il aurait fallu faire? Il aurait fallu
dire : Non, madame, votre père, votre mère est mort, puis là, à ce moment-là, vous avez une poursuite
contre vous, puis on ne devrait pas condamner le recours à une poursuite?
C'est ça que la motion du député de l'Acadie nous amène.
Le
Code de procédure civile est rempli notamment de moyens déclinatoires, de
moyens dilatoires, de requêtes en rejet
pour faire en sorte que... oui, il y a des procédures judiciaires qui n'ont pas
de sens, qui n'ont pas de bon sens, puis nos règles de droit prévoient, des règles qui ont été adoptées à
l'unanimité à l'Assemble nationale, que, oui, on peut les faire rejeter. Donc, la démarche intellectuelle
préalable à ça, c'est de dire : Bien oui, je peux condamner un recours,
j'ai le droit de m'exprimer, nous avons le droit de nous exprimer.
M. le
Président, les gens ont le droit de s'adresser aux tribunaux, mais il y en a
qui utilisent les tribunaux, M. le Président,
pour faire de la politique, pour attaquer des choix qui sont collectifs. Ça
leur appartient, mais ce n'est pas vrai que nous ici, à l'Assemble nationale, on va se bâillonner. Puis ce n'est
pas vrai qu'on ne soutient pas la primauté du droit parce qu'on critique le fait que des gens prennent
des recours. Ce n'est pas vrai, parce qu'il y en a qui utilisent des fonds
publics, notamment des centres de services
scolaires ou des commissions scolaires, M. le Président, qui utilisent l'argent
des citoyens pour contester des lois à l'Assemblée nationale, qu'on ne
critiquera pas ça.
M. le
Président, on va arrêter de s'excuser, M. le Président, pour défendre qui nous
sommes, au Québec. On va arrêter de s'excuser... On va arrêter de s'excuser, M.
le Président, pour exister. On va arrêter de s'excuser parce que le Parti
libéral veut qu'on rentre dans le moule canadien. On va arrêter de s'excuser
parce que le Parti libéral, ils ont perdu tout le nationalisme qui leur restait. On va arrêter de s'excuser, M. le
Président, parce qu'il y a un seul parti qui est là pour les Québécois et les Québécoises et qui va faire
valoir leurs droits collectifs et leurs droits individuels, M. le Président. Et
ça, je vous le garantis, on ne s'excusera jamais pour ça, et on va
continuer jour après jour à défendre les Québécois et les Québécoises, parce que la souveraineté
parlementaire, elle existe, elle est là, elle va rester, en tout respect de la
responsabilité des tribunaux, tout le monde va jouer son rôle, mais ne
jamais oublier dans quel régime on évolue, M. le Président, un régime parlementaire de type britannique, où la
souveraineté parlementaire a sa finalité. Je vous remercie, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) :
Merci beaucoup, M. le
ministre de la Justice. Et je rappelle que votre amendement
est déposé et, évidemment, peut être accepté
ou non, sous réserve de la décision de son auteur, alors, de la première
motion. Merci beaucoup.
Alors, pour le prochain intervenant, je
reconnais M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Guillaume
Cliche-Rivard
M.
Cliche-Rivard : Merci, M. le Président. Nous sommes ici présents
pour débattre de la motion suivante, déposée par l'opposition
officielle :
«Que l'Assemblée nationale rappelle que dans une société
libre et démocratique, nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux
par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs
droits;
«Qu'elle rappelle que l'État de droit est un des
fondements de la démocratie québécoise.»
Ça, c'est la
motion telle quelle, actuellement. Évidemment, on peut interpréter cet
enchaînement de mots de diverses façons.
En tout état de cause, il semble clair que ça ne devrait jamais pouvoir
indiquer qu'il soit interdit d'exprimer quelconque opinion qu'il soit, en
autant qu'elle ne comporte pas de propos haineux, évidemment, et que ce soit
fait dans la limite des règles ou des limites légales prévues.
On peut interpréter le libellé de la motion
comme voulant dire qu'on ne devrait pas condamner ou contester la légitimité du
recours aux tribunaux pour faire valoir nos droits. Évidemment, nous sommes
d'accord que ça ne devrait généralement pas
être contesté, mais certains de nos concitoyens peuvent penser le contraire et
ils devraient pouvoir le dire sans crainte. C'est leur droit, c'est la
liberté d'expression.
On pourrait
aussi interpréter le libellé comme voulant dire qu'on ne devrait pas contester
le droit d'ester devant les tribunaux. Cela me semble clair, encore une
fois, certains ont le droit de penser le contraire et de l'exprimer.
Motion d'amendement
C'est
pourquoi, M. le Président, je souhaite déposer l'amendement suivant, qui se lit
comme suit : Ajouter, à la fin du premier alinéa, les mots
suivants : «, sous réserve du droit à la liberté d'expression».
À tout
événement, on le constate, la portée de cette motion peut porter à interprétation,
mais on la comprend mieux, évidemment, quand on tient compte du contexte
dans lequel elle s'inscrit.
La Fédération autonome de l'enseignement, la
FAE, a décidé de se joindre à la contestation de ce qu'on appelle communément la loi n° 21,
autrement dit, la loi caquiste sur la laïcité de l'État, qui, dans les faits,
s'étend jusqu'à divers individus. La
FAE ne fait pas ça sans raison, et j'y reviendrai, mais aujourd'hui c'est la
réaction du gouvernement face à cela qui nous amène ici aujourd'hui. Et, comme
je le dis, on a le droit de ne pas être d'accord. La liberté d'expression nous
protège, c'est évident. Cela étant, il y a
des propos qui peuvent être jugés malavisés, ça fait partie de ma liberté
d'expression de le dire, sans jamais remettre en question la capacité de
l'un ou de l'autre de le dire.
Alors, je cite quelques passages et réactions du
premier ministre face à cela. Le premier ministre a dit : «C'est
inacceptable, il a dit, c'est un manque de jugement de la FAE.» Il a affirmé
que des sondages démontrent un appui majoritaire
de l'opinion publique à la Loi sur la laïcité de l'État dont, selon lui,
beaucoup de membres des syndicats de l'enseignement eux-mêmes. C'est ce
qu'il a prétendu. Le premier ministre a aussi dit : «Il faut rappeler aussi
qu'ils vont contester cette loi avec des
cotisations des membres, mais aussi, étant donné que les cotisations sont
déductibles, ça veut dire [...] avec l'argent des Québécois [et des
Québécoises].» Bien, d'un côté, si le premier ministre a le droit de dire ça, la FAE, elle, a le droit de dire le
contraire. C'est sa liberté d'expression. Et, si le premier ministre peut dire
ça, la FAE, elle, a le droit d'initier un recours. C'est son droit
également.
Alors,
voilà pour le contexte. Comme je l'ai dit tout à l'heure, d'aucun cas il ne
faudrait interpréter la limitation de pouvoir ester en justice, de pouvoir
saisir les tribunaux. Je pense que tous et chacun, quelconques nos opinions,
selon quelconque litige, on peut
avoir une position pour ou contre sur le fin fond de l'histoire, mais, sur le
fait de pouvoir ester en justice, de
saisir les tribunaux, il appartient à chaque citoyen et citoyenne de prendre
ses décisions personnelles, à savoir s'ils veulent saisir les tribunaux,
oui ou non, sans limitation, dans la mesure où c'est fait dans nos règles.
Puis, si jamais il y a une requête qui est abusive, si jamais il y a un rejet à
avoir, bien, les tribunaux trancheront en conséquence.
Cela dit, ça ne veut pas pour autant dire que
les propos du premier ministre n'étaient pas... à mon humble opinion et dans ma
liberté d'expression, que ces propos-là étaient mal avisés. Tout d'abord, je
veux relever deux poids, deux mesures. On
n'a jamais vu le premier ministre se mêler des décisions juridiques d'une
compagnie parce qu'elle recevait, elle,
des subventions de l'État. Donc, ça, c'est un premier point. Je trouve ça
particulier qu'on le fasse là, dans le cas de la FAE.
Plus encore, je considère que les propos du
premier ministre sont dommages ou sont difficiles à entendre pour les membres
de la FAE, qui, eux aussi, ont pris une position. Eux aussi ont pris leurs
décisions, qu'il faut respecter. Bien sûr, il doit y avoir plusieurs personnes,
parmi les milliers de membres de ce syndicat, qui ne soutiendront pas l'opinion ou l'orientation de leur syndicat, c'est
possible, c'est leur droit, mais il faut s'entendre, M. le Président, que ce
soit un parti politique, que ce soit un syndicat, que ce soit partout dans la
société, quand un grand groupe débat, il va y
avoir des diversités d'opinions. C'est infini. C'est possible. C'est comme ça
que ça fonctionne et c'est ce qu'on appelle le débat démocratique. Et un
débat démocratique, c'est encadré par des institutions démocratiques. Et,
justement, la FAE s'est dotée d'institutions
démocratiques, les membres ont pris leur décision, ils ont pris leurs
orientations dans leurs instances qui
leur sont propres, et il revient à ce processus démocratique de déterminer les
orientations de la FAE et non pas au premier ministre. Le premier ministre
peut dire qu'il n'est pas d'accord. Cela dit, de juger qu'un groupe ne devrait
pas intervenir devant les tribunaux, pour le premier ministre, j'estime, moi,
dans ma liberté d'expression, que c'est mal avisé.
Donc, ce
n'est pas à moi, ce n'est pas au premier ministre, ce n'est pas... c'est aux
membres de la FAE de s'exprimer sur leur démocratie interne. C'est à eux
de décider de leur positionnement. C'est leur droit à leur positionnement.
C'est leur droit à leurs opinions. Ce sont
des enseignants, ce sont des enseignantes qui sont des êtres fort intelligents,
j'en suis convaincu, qui sont
capables de prendre leurs propres décisions. Alors, on peut leur faire
confiance. S'ils ont... S'ils sont majoritairement en désaccord, ils le
feront savoir, on les entendra. Pour l'instant, ce n'est pas ça qui se passe.
• (15 h 50) •
Donc, au-delà des processus décisionnels, sur la
question de fond également, ce n'est pas pour rien que la FAE se joint à la contestation de la loi n° 21. C'est en partie en raison des dispositions de cette loi elle-même,
car elle touche plusieurs membres de la FAE, la loi n° 21
étant venue interdire le port des signes religieux pour les enseignants,
enseignantes, particulièrement les enseignantes.
Rappelons-le,
on a présentement des enseignantes qualifiées à qui on dit : Non, on ne
veut pas de toi, pendant qu'une pénurie d'enseignants sévit et que le mieux
qu'on peut donner à plusieurs de nos enfants, en ce moment, c'est un adulte
quelconque dans une classe, et des fois c'est un adulte différent dans une
classe par jour.
La FAE est
donc dans son rôle de défendre ses enseignantes, ses enseignants, et plus
largement le bon fonctionnement de notre système d'éducation. C'est son rôle.
Mais par ailleurs la FAE, comme tous les autres syndicats, ont au moins
une autre raison bien spécifique de contester la loi, car à travers la
contestation de la loi n° 21 est soulevé un enjeu qui
n'avait jamais été soulevé avec autant d'acuité que depuis ces dernières
années, la notion d'usage préventif des clauses dérogatoires pour enlever des droits, plus particulièrement dans le
contexte où le gouvernement ontarien de Doug Ford est passé bien près d'y avoir recours pour imposer une
convention collective et pour retirer des droits de grève aux enseignants,
bafouant ainsi tous les droits syndicaux conférés par la charte. C'est ça, le
contexte, également.
Quand on
entend maintenant Pierre Poilievre, le chef des conservateurs, déclarer :
«Toutes mes propositions sont constitutionnelles, nous les rendrons constitutionnelles
en utilisant les outils que la Constitution me permet d'utiliser pour les rendre constitutionnels, je pense que vous
voyez ce que je veux dire», eh bien, on voit que ça porte à réfléchir et on
voit qu'il y a matière évidente à réflexion.
Bientôt,
certains pourraient craindre qu'une telle utilisation inconsidérée de cette
disposition de dérogation puisse entraîner des reculs sociaux importants dans
l'ensemble du pays, parlons simplement et de manière importante du droit
à l'avortement, dans un cadre où un gouvernement prétend... un futur
gouvernement prétendrait vouloir utiliser la clause dérogatoire à tout vent.
Cela nous
amène donc, plusieurs, et non pas seulement la FAE, à se questionner sur un
usage préventif des clauses dérogatoires. Il y a effectivement là une question
juridique fort pertinente et déterminante. La question légale de l'usage
préventif, récemment on a eu à en discuter,
dans l'étude du p.l. n° 52, de la reconduction de la clause dérogatoire de
la charte fédérale, qui met la loi n° 21 à l'abri de l'examen des tribunaux, et nous avons adopté une
position, la position suivante : pour nous, la loi n° 21
est une mauvaise loi qui ne constitue pas l'un des cadres d'exception
justifiant de recourir mur à mur aux clauses
dérogatoires. Rappelons que la loi suspend notamment l'article 7 de la
charte canadienne, soit le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité. Quand même, il faut le faire, là. Je pense
qu'il n'y a, de là, aucune question qui se pose. C'est curieux quand
même de voir cette adoption mur à mur des dérogations à la charte.
Nous avons donc proposé de reconduire la clause
dérogatoire de la charte fédérale, mais nous contestons la légitimité en raison du contexte de son adoption,
évidemment, en autant que soit retiré celle concernant la charte québécoise,
qui... pour qui nos concitoyens devraient
pouvoir utiliser... devraient pouvoir se baser pour être capables de contester,
parce que c'est la charte qu'on s'est donnée, c'est notre charte québécoise,
et, pour nous, il devait là y avoir un amendement pour que puissent être soumises aux tribunaux des
contestations selon la charte québécoise des droits et libertés de la personne,
mais le gouvernement a refusé notre proposition, alors on a voté contre le
projet de loi.
Y
a-t-il des recours où... Y a-t-il des recours préventifs où la clause
dérogatoire puisse se justifier? C'est possible, mais ce n'en était pas
une. Et plus on verra des gouvernements utiliser les clauses de dérogation de
façon abusive et inconsidérée, plus on aura
de voix, comme celle de la FAE, pour remettre en question cet usage et,
ultimement, la légitimité de cet usage.
On le sait, la Cour suprême a dit que la
Constitution était un arbre vivant susceptible d'évoluer dans le temps. Il n'est donc pas impossible que des usages
inconsidérés mènent ultimement à des résultats non désirés par les Poilievre et
Ford de ce monde et qu'un tel usage soit
désormais considéré comme illégal. Faisons très attention. Voyons l'évolution
de ce débat. J'invite le premier ministre à méditer là-dessus. Je
l'invite à se positionner ou à réfléchir à ces propos.
Cela dit,
toujours la liberté d'expression, dans la limite légale, devra être protégée.
Est-ce qu'il est judicieux pour le
premier ministre d'attaquer le droit d'une institution d'ester en justice? Je
ne crois pas. Est-ce que cela appartient à son droit d'expression?
Certainement. Alors, c'est pour ça qu'on a fourni un amendement aujourd'hui.
Merci.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. Et, tel que mentionné précédemment, votre amendement est déposé, il
devra recevoir l'acceptation ou non de l'auteur de la motion initiale.
Alors, maintenant, je vais poursuivre avec Mme
la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Kariane Bourassa
Mme
Bourassa : Merci, M. le Président. Écoutez, c'est presque
gênant de passer après mon collègue le ministre de la Justice et son discours
enflammé. Je ne serai pas, peut-être, aussi émotive, mais le discours va rester
tout aussi vrai et factuel.
Donc, M. le
Président, je tiens à vous rassurer et à rassurer ceux qui nous écoutent, il
n'y a personne qui remet en cause la légitimité des citoyens ou des
organisations d'avoir recours à des tribunaux, encore moins s'ils sentent que
des droits ont été lésés. En revanche, effectivement, ils s'exposent à
la critique.
Le député de
l'Acadie a fait référence à un sujet sensible : la contestation de la Loi
sur la laïcité de l'État et l'utilisation de la clause «nonobstant». D'ailleurs, merci à mes collègues de
l'opposition de nous permettre de nous prononcer à nouveau sur des éléments
fondamentaux de notre formation politique. En effet, la laïcité... la Loi sur
la laïcité a fait couler beaucoup d'encre
et, je me permets même de dire, beaucoup de salive, parce que ça fait jaser. Et
c'est important de rappeler qu'elle a toujours reçu l'appui d'une
majorité de Québécois. Et, au fil du temps, on observe même un certain
consensus qui s'est dégagé avec plusieurs politologues, chroniqueurs également.
D'ailleurs,
il faut garder en mémoire... et c'est tout récent, dans une décision unanime,
les juges de la Cour d'appel du Québec ont reconnu qu'il revient aux
élus du peuple québécois de déterminer comment vont s'organiser les relations
entre l'État et les religions. La Cour reconnaît donc notre souveraineté
parlementaire en matière de laïcité de l'État.
Avant d'aller
plus loin, j'aimerais revenir sur les principes mêmes de la Loi sur la laïcité,
parce que, malheureusement, comme j'ai dit, on entend beaucoup de choses, alors
on va recadrer tout ça. La loi propose quatre éléments principaux, soit
la séparation de l'État et des religions, la
neutralité religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyens et toutes les
citoyennes, la liberté de conscience et la liberté de religion.
La loi
prévoit que les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires
soient tenues de respecter ces principes
dans le cadre de leur mission. L'une des mesures-phares, bien, la laïcité... la
Loi sur la laïcité de l'État propose d'interdire le port du signe religieux à
certaines personnes dans l'exercice de leurs fonctions. La loi prévoit que le
port des signes religieux, quels qu'ils
soient, soit interdit à tous les fonctionnaires exerçant une position
d'autorité. On parle, par exemple,
ici, de policiers, de juges, de gardiens de prison. Parmi les personnes visées,
eh bien, il y a vous, M. le Président, il
y a la présidente, les vice-présidents, le ministre de la Justice lui-même, le
Procureur général du Québec, le Directeur des poursuites criminelles et pénales ainsi que les directeurs d'école et
les enseignants des commissions scolaires du Québec.
Maintenant,
M. le Président, en tant que journaliste, je fais, pour ne pas faire de mauvais
jeux de mots, religieusement ma revue
de presse chaque matin et j'aimerais qu'on fasse un petit survol des articles
et prises de position concernant la Loi sur la laïcité et son impact
aussi dans notre société.
Le député de l'Acadie a cité des articles, alors
je vais utiliser la même méthodologie. Si on regarde d'abord Patrick Lagacé, donc, bien connu, chroniqueur,
animateur, il nous a récemment fait part de son processus d'adaptation et
d'acceptation de la loi n° 21. Je cite : «J'ai souvent dit mon opposition
à la loi n° 21. Cependant, je prends acte du consensus
sur cette loi qui proclame la laïcité de
l'État : un parti dûment élu a fait adopter une loi appuyée par une
majorité de mes concitoyens, loi qui
a, jusqu'à maintenant, largement passé le test des tribunaux.» Également, il
soutient que, et là j'ouvre les
guillemets, «la FAE qui se lance dans la contestation de la loi n° 21 est un excellent exemple d'éparpillement syndical. On est loin de conditions de travail et d'exercice
de la profession enseignante. On est dans le militantisme cher non pas aux membres, mais plus aux activistes, des
délégués, ceux qui font vivre les fameuses instances.» Est-ce qu'on pourrait
penser que M. Lagacé est caquiste?
Je vais vous donner d'autres exemples, et là ce
n'est clairement pas une caquiste, on parle de Françoise David, qui a représenté les couleurs de Québec solidaire.
Il y a quelques années, Françoise David disait, et je cite encore : «Il
faut une charte de la laïcité forte, car la montée des fondamentalistes
et du conservatisme religieux, y compris en Amérique du Nord, fait de la laïcité des institutions un enjeu important. Les
femmes, en particulier, savent que leurs droits sont bien mieux protégés dans un État laïque, à l'abri des
conservatismes religieux qui voudraient contrôler leur corps et leur vie.»
• (16 heures) •
Mme David
soutient également, et je cite : «La laïcisation des institutions du
Québec n'est toujours pas terminée. C'est
l'État qui est laïque, pas les individus.» L'ancienne co-porte-parole de Québec
solidaire soulignait que le port des signes religieux pourrait être interdit «pour une
petite catégorie de métiers indissociables de l'État», et elle donnait
elle-même comme exemples :
juges, policiers, procureurs de la couronne et gardiens de prison. Je la
rejoins sur un point quand elle mentionne :
«Le voile n'est pas un symbole anodin. Il est à l'image de tous les symboles et
de toutes les règles qui, dans la plupart des religions, infériorisent
les femmes.»
Autre
exemple, maintenant, si on sort en dehors du Québec, parce qu'on pourrait se
questionner est-ce que c'est seulement nous qui nous posons ces questions, on a
récemment eu la visite d'un politicien de marque, Gabriel Attal,
premier ministre de la France. J'en profite
pour revenir sur ses propos parce qu'il a lui-même insisté en Chambre sur
l'importance de la laïcité, et je cite : «Face à ceux qui font mine
de ne pas comprendre ce qu'est la laïcité, qui voudraient la détourner, faire croire qu'elle est une forme d'arme
antireligion, faire croire qu'elle est une forme de négation des religions,
faire croire qu'elle est une forme de
discrimination, nous répondons que la laïcité est la condition de la liberté,
[elle] est la condition de l'égalité, [elle] est la condition de la
fraternité.»
Revenons
chez nous pour d'autres exemples de d'autres opinions qui ont fait consensus.
Maka Kotto, très récemment, on
pouvait le lire dans Le Journal de
Québec, il parlait des dangers
potentiels d'invalidité, justement, avec les tribunaux, la loi n° 21 :
«L'invalidation de la loi n° 21 par la Cour suprême du Canada aurait des
répercussions vastes, [touchant] non seulement
le cadre législatif, mais aussi [la sphère] sociale et culturelle du Québec.
Une telle décision risquerait notamment de raviver inutilement de vieilles fractures, d'exacerber les tensions
et les polarisations au sein de la société et de compromettre encore
davantage le sentiment d'appartenance nationale.»
Il
poursuit : «Elle pourrait [...] être perçue comme une remise en question
fondamentale des valeurs québécoises de laïcité et de neutralité,
[influant] négativement [sur] les relations entre le Québec et le gouvernement
fédéral.» Et ce n'est pas terminé, je
continue parce qu'il en a ajouté : «Les conséquences pourraient
transformer de manière significative le paysage sociopolitique du
Québec, influençant également la perception et la pratique quotidienne de la
laïcité.»
Maintenant, vous vous
demandez sans doute que pensent les gens qui sont issus du droit, parce qu'ils
baignent justement dans cet environnement et
ont une opinion sur la question. Guillaume Rousseau, professeur en droit et
chroniqueur, s'est exprimé à maintes reprises sur le sujet, mais voici une
citation qui a le mérite d'être claire : «Non seulement la
loi n° 21 ne porte pas atteinte à la liberté de
conscience et de religion, au contraire, elle vient mettre en oeuvre cette
liberté de religion et de conscience.» Il
mentionne que la loi «protège les bénéficiaires de services publics, les élèves
et leurs parents, qui ont droit, grâce à la loi n° 21,
à la liberté de conscience, à des services publics laïques, notamment dans nos
écoles». Récemment, M. Rousseau
s'exprimait sur la propension de certains opposants à banaliser la Loi sur la
laïcité. Il rappelle que, lors de
l'adoption de cette Loi sur la laïcité de l'État, des députés libéraux ont
déposé un amendement pour l'intituler la loi sur l'interdiction du port
des signes religieux. La majorité parlementaire a refusé et a adopté une loi
beaucoup plus ambitieuse. Aujourd'hui, des
opposants veulent banaliser cette loi et la ramener à la version libérale.
C'était sa citation.
Si
on regarde lors du récent passage en consultations particulières de Patrick
Taillon, qui est aussi professeur en droit, cette fois à l'Université Laval, il
mentionne que la clause «nonobstant», j'ouvre les guillemets, «permet de
contrôler les pouvoirs des juges.
Selon lui, les gouvernements doivent avoir les [responsabilités] de se
soustraire à des décisions de la cour
pour mettre en vigueur des lois, particulièrement celles qui obtiennent un
grand appui [de la population]. Comme la loi n° 21.»
Je
pourrais rester ici pendant des heures et vous citer d'autres personnes qui se
sont prononcées, mais, en conclusion, il est important de rappeler qu'il existe
différentes manières légitimes d'aménager le vivre-ensemble. Le Québec,
par son histoire, sa langue, sa culture, a
des caractéristiques qui lui sont propres, des particularités qui l'ont mené à
développer un attachement particulier au modèle... à notre modèle de
laïcité. C'est un régime qui permet d'assurer l'équilibre entre les droits collectifs de la nation québécoise et
les droits et libertés de la personne. À travers ce modèle, on assure l'égalité
des droits des uns et des autres. La Loi sur
la laïcité de l'État permet à toutes les religions de coexister au sein de
notre société en toute égalité et, M. le Président, en toute paix. Merci
beaucoup.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré. Et je vais maintenant reconnaître le prochain intervenant,
intervenante. Je reconnais M. le député de Saint-Jean.
M. Louis
Lemieux
M. Lemieux : Merci, M. le Président. Tellement content de
participer à ce débat parce que j'adore l'histoire, j'adore la Constitution.
Oui, je sais, je ne suis pas avocat, je ne suis pas supposé aimer la
Constitution, mais j'adore en parler, et la sortie de notre ministre de
la Justice nous a amenés là.
Sauf que je veux
rester sur ce qu'on vient d'entendre par rapport à ce que le député de l'Acadie
nous propose comme motion et ce que l'autre député, celui de Québec solidaire,
nous disait au sujet de la liberté d'expression, parce qu'évidemment, une motion,
et on en adopte quatre par jour ou on en rejette quatre par jour à chaque fois
qu'on siège, c'est un ensemble de choses. Ce
n'est pas comme s'il y avait juste un problème, une solution, c'est un
ensemble. La liberté d'expression, c'est une chose, c'est celui...
c'est... c'est le bout de l'histoire où on est blâmés, parce que c'est un peu ce que la motion du député de l'Acadie fait,
blâmés pour avoir critiqué un organisme, en l'occurrence un syndicat, pour
être précis, la FAE, de s'en aller en Cour suprême, avec ce que ça coûte, pour aller contester la validité d'une loi
québécoise qui, comme ma collègue de Charlevoix—Côte-de-Beaupré le disait si justement, fait quand même, sinon consensus, au moins... fait quand même un large... presque
consensus, pour le dire comme ça, pour ne pas donner... donner foi à des gens
qui pourraient dire que je suis de mauvaise
foi. On comprend très bien que ce n'est pas un consensus, ce n'est pas
l'unanimité, mais on peut parler, au Québec, d'un large consensus.
Bref,
il y a ce bout-là de l'histoire sur lequel je voulais m'inclure dans le débat.
Parce que, oui, on a le droit de critiquer, c'est vrai, puis là-dessus notre camarade avait raison, de Québec
solidaire. Mais, pour ce qui est de la partie constitutionnelle que le ministre de la Justice est allé chercher
dans les arguments du député de l'Acadie, dans sa motion, ah! là, là, là, je
m'amuse, parce que je m'amuse à en parler
puis j'ai intérêt à en parler, parce que, oui, le député de l'Acadie, il
dit : C'est un équilibre, le
judiciaire et le législatif, il faut garder ça en équilibre. On sait de quoi on
parle, là. Judiciaire, c'est les tribunaux. Législatif, c'est les lois qu'on
vote au Parlement d'ici, et c'est vrai aussi pour le Parlement d'Ottawa. Puis
là, quand on rentre dans la partie
constitutionnelle de l'histoire, le ministre nous rajoute : Bien, il y a
l'exécutif aussi. Bien oui, c'est trois piliers, il ne faut jamais
l'oublier.
Mais restons avec les deux piliers, judiciaire
et législatif, et passons par le détour du rapatriement. Puis ça, je ne veux pas rajouter là-dessus, le ministre a été
suffisamment éloquent par rapport à la façon dont on a abouti, en 1982, avec
le rapatriement, qui nous donnait la fameuse clause qu'on appelle parfois «nonobstant»
ou clause de dérogation, qui a permis...
Puis le ministre avait tellement raison de le dire, c'est le Canada anglais,
dans le fond, c'est les premiers ministres du Canada anglais qui ont
convaincu Ottawa de rajouter cette clause-là pour nous contenter, même si on
n'en voulait pas puis qu'on voulait... qu'on
ne voulait pas de la Constitution rapatriée, mais on a été pris avec. Et,
depuis ce temps-là, puis ça, je me
fais fort de le répéter parce que c'est vrai, aucun gouvernement du Québec,
quel qu'il soit, de quelque couleur politique soit-il, n'a adhéré et
signé cette fameuse Constitution.
Puis je vais même vous raconter une histoire.
Quand on a adopté la loi n° 96, on était en train,
pendant la loi n° 96,
d'inclure, comme vous le savez, dans la Constitution quelques phrases qui
faisaient en sorte qu'on venait asseoir la primauté pas juste du français, mais la capacité qu'on avait, au
Québec, de dire que la langue française était notre langue officielle et
commune, bien, vous savez, je suis allé... pendant l'étude article par article,
je suis allé à côté du ministre pendant une
petite pause puis j'ai dit : Là, tu es-tu sûr, là? Parce que, là, c'est
comme si on avalise indirectement ce qu'on ne veut pas faire directement en disant : On va mettre ça dans la
Constitution, mais on ne la veut pas. Alors, à quelque part, non, aucun problème, c'est bon, on a validé, on y
avait pensé, nous autres aussi, merci beaucoup. Mais moi, j'y tiens, à ce
bout là de l'histoire, de notre
histoire : aucun gouvernement du Québec n'a adhéré à ce rapatriement de la
Constitution, ce avec quoi il nous est revenu, et les mots du premier
ministre Bourassa qui vont avec, et le grand jour avec M. Parizeau, à
l'époque.
Bref, quand on parle de ça, M. le député de
l'Acadie, je suis d'accord, les tribunaux, donc le judiciaire, est là pour, finalement, déterminer, avec la demande des
citoyens, ou des organismes, ou des gouvernements, en jugeant ce que la loi dit, et donc interpréter la loi pour une
question précise à un moment précis. C'est vrai. Mais le fameux principe de
souveraineté parlementaire, là, c'est de dire : Puis, si l'interprétation
du tribunal ne fait pas l'affaire ou ne correspond pas à ce que les
législateurs du moment veulent, ils peuvent la changer, la loi, ils peuvent
légiférer de nouveau. C'est ça, la
souveraineté parlementaire. Et, quand on le voit comme ça, bien, c'est bien
simple de dire : Puis bâdrez-vous même pas de regarder, parce qu'on va tout de suite inclure là-dedans la
souveraineté parlementaire, de dire : On utilise la clause de
dérogation.
• (16 h 10) •
Je ne suis
pas mieux que bien des constitutionnalistes pour expliquer la Constitution et
la vulgariser, mais je me comprends puis j'étais content de le faire à
ce stade-ci du débat parce que, pour moi, c'est important.
Tout ça, donc, pour dire que, oui, on peut
critiquer la FAE. Non seulement on peut critiquer, mais on peut être choqué de ce que la FAE fait, en disant :
C'est relativement une question qui est réglée puis qui est aussi consensuelle
au Québec. C'est vrai, ma collègue
l'a dit, elle a cité plein de monde, et puis je pense que n'importe qui qui
écoute n'importe quoi va comprendre que ce n'est pas exactement ce
contre quoi les Québécois en ont le plus en ce moment, la fameuse loi n° 21. Tout le monde vit bien avec ou
beaucoup de monde vit bien avec. Donc, ce n'est pas seulement d'aller en Cour
suprême, avec ce que ça coûte, pour aller
contre la volonté exprimée par le gouvernement que cette loi-là soit la loi de
tous les Québécois, mais on peut être choqué parce qu'on vient de vivre une
grève, on vient de vivre une grève où on a vu un Québec très solidaire à l'égard des professeurs en grève. Solidaire
pourquoi, M. le Président? Parce qu'ils étaient dans la rue, sans paie de grève. Et je sais de quoi je parle. À
Radio-Canada, on a subi, en 2001, 2000, je ne me souviens plus, en tout
cas, ça fait longtemps, une grève, et on se retrouve à la rue, littéralement
sur le trottoir, parce qu'il faut bien faire du piquetage, puis on s'en va au local de grève, puis on va chercher notre
paie de grève, puis les syndiqués de la FAE n'en avaient pas, de paie de
grève.
Puis, quand on regarde... parce que ça a fait
jaser, oui, ça a fait des mécontents, c'est clair, mais, quand on regarde ça, on se dit : O.K., ils ont décidé
de ne pas avoir de fonds de grève, donc il n'y a pas de paie de grève.
N'empêche que c'est à ce moment-là où on a
commencé à comprendre qu'il y avait un durcissement des positions puis on a
commencé à placer sur l'échiquier là
où on s'en allait. Et d'ailleurs ça a été difficile, difficile, et jusqu'à la
dernière minute, pour ne pas dire au
dernier bulletin de vote, pour que les offres soient finalement acceptées. Mais
on a compris, là, qu'on avait affaire à un syndicat beaucoup plus campé
sur des positions.
Vous me direz que l'absence d'un fonds de grève,
c'est une décision des membres. J'imagine que les membres ont voté ça, à quelque part, et puis j'imagine
qu'ils en étaient conscients avant de sortir en grève. Mais, moi, ça me choque
de penser que, là, on va aller dépenser
beaucoup d'argent à Ottawa pour aller en Cour suprême puis qu'on ne se
formalise pas davantage de tout ce que les membres de ce syndicat-là
disent depuis ce temps-là.
Je suis allé sur la page Web de la FAE,
aujourd'hui, pour voir, parce qu'ils sont en exercice en ce moment. Ce qu'ils font, c'est un exercice de retour sur les
événements, sur les négociations, sur l'ensemble de l'oeuvre. Et je ne vous
ferai pas ici la litanie de tous les commentaires qu'il y a là-dessus, ce ne serait
pas scientifique, de toute façon, mais, dans les publications de la FAE, on peut... sur certains sites et sur
certains médias sociaux, on peut voir les membres réagir. Pas
scientifique, donc je ne vous donnerai pas d'exemples, mais moi, j'en ai conclu
qu'on était loin de l'unanimité ou même d'un large consensus, au sein même de la FAE,
pour voir ce syndicat-là aller en Cour suprême dépenser cet argent-là avec ce que je viens de vous dire de ce qui s'est
passé. Et c'est ça qui est choquant. Oui, on a le droit à la liberté
d'expression, oui, puis je respecte ceux qui ont de la misère... pas de
la misère, mais qui ont du mal à se dire : Oui, mais les droits collectifs
puis les droits humains, nos droits humains suspendus par une loi, loi qui est
protégée par une clause «nonobstant» qui est supposée être protégée par des
morceaux d'une charte ou de l'autre... C'est vrai qu'en 2024 on n'est pas habitués à se positionner d'un côté ou
de l'autre. On prend ça comme un tout. On pense que les droits collectifs,
les droits humains, les droits fondamentaux, ça fait tout partie de la même
affaire.
Mais vient un moment comme en ce moment, avec le
déclin du français, comme avec ce que moi, je considérais nécessaire de faire avec la loi n° 21 pour ramener une certaine paix. Et je pense que notre gouvernement
l'a bien ramenée, j'en parlais, à cause d'un large consensus, mais je pense que
ça a calmé le jeu beaucoup dans la société québécoise, même si ça
faisait déjà 10 ans que ça avait brassé, ce n'était pas complètement
éteint, tout ça. Je pense que notre gouvernement a fait la bonne chose. Et j'étais en train de dire que ces droits-là,
bien, c'est des droits collectifs, rendu là, ce n'est plus des droits fondamentaux. Ils viennent en opposition.
On a probablement une des juridictions sur la planète où on a le plus de
droits. On en a tellement qu'ils s'affrontent, ces droits-là, à un moment
donné.
Dans le cas où on est rendus, avec la situation
qu'on vit pour le français, pour la nation, parce que le français, ça implique
aussi qu'à un moment donné la nation est à risque, les droits collectifs
doivent reprendre leur place dans l'équilibre
de ce que nous sommes comme nation dans ce pays dans lequel, je le dis bien,
nous n'avons... et je le répète pour ixième fois, nous n'avons pas
adhéré au rapatriement de la Constitution, hein?
Mes collègues
ne sont pas en train d'applaudir mes idées. Ils sont en train de me dire que
mon temps est écoulé par rapport à la distribution du temps entre nous.
Mais je pense que ça vaut la peine que je les fasse endurer un petit peu plus pour vous dire que les droits collectifs, ce
n'est pas péché, c'est le contraire. C'est la nature même de ce que nous sommes
et de ce dont nous avons besoin pour nous exprimer, pour vivre.
Donc, je fais mien, avec beaucoup moins
d'éloquence et probablement une sortie beaucoup moins virulente, mais tout
aussi sentie, M. le Président... parce que je considère que ce que nous sommes
en train de faire aujourd'hui, et j'ai
presque envie de remercier le député de l'Acadie de nous donner l'occasion de
le faire, c'est de, oui, critiquer la FAE,
qui s'en va en Cour suprême, et les autres, là. Je ne donne pas un... je ne
donne pas un cadeau à la commission scolaire anglophone qui s'en va... qui a commencé les contestations de la
loi n° 21, mais je sens que c'est vraiment la FAE qui a
mis le feu aux poudres par rapport
aux déclarations du premier ministre, aux déclarations de plusieurs ministres,
les déclarations que vous avez citées au début de la présentation de votre
motion. Et, si c'est ça qui est critiquable et si c'est ça que votre motion voulait tasser du revers de la main en nous
remettant à notre place, non, on n'y retournera pas. On va continuer de critiquer parce que ça n'a pas de maudit bon sens,
comme disait le gars du gros bon sens. Merci beaucoup, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Vous rappeler
que, lorsque vous vous adressez en cette Chambre, vous vous adressez à
la présidence, s'il vous plaît.
Alors, maintenant, nous allons poursuivre avec
le prochain intervenant. Ce sera M. le député de Jean-Talon. M. le député, je
vous rappelle que vous avez droit à 7 min 19 s.
M. Pascal Paradis
M.
Paradis : Merci, M. le Président. Je dois dire que je suis
un peu étonné, pour ne pas dire déçu, de devoir me lever aujourd'hui sur la
motion que nous avons devant nous ou à propos de cette motion qu'on considère,
qui vise ni plus ni moins qu'à
interdire aux Québécoises et aux Québécois de se prononcer sur l'usage que des
groupes, des personnes font des
tribunaux, de faire appel aux tribunaux. Dans un État de droit, la liberté
d'expression est absolument essentielle et elle ne peut pas être écartée lorsque le sujet dont on parle, ou le sujet du
recours, ou ce qui est visé par le recours ne nous plaît pas.
Donc,
aujourd'hui, moi, M. le Président, je ne parlerai même pas du fond de l'affaire
parce que je veux qu'on s'élève au
principe. Et, si on veut revenir au principe, donc, écartons l'affaire
elle-même, parce que des poursuites injustifiées, des poursuites abusives, des poursuites frivoles, ça
existe. Il y en a régulièrement. Et là, actuellement, la motion, telle que
rédigée, empêcherait quiconque de condamner une utilisation abusive des
tribunaux.
Avec le collègue de l'Acadie et d'autres, on est
en train justement d'étudier la notion de violence judiciaire dans le cadre de l'étude d'un projet de loi sur la
réforme du droit de la famille, où on dit, où on l'admet, où on inscrit dans
une loi le fait que, parfois, les tribunaux sont utilisés abusivement, et on
veut pouvoir dénoncer ça.
Et donc, là,
actuellement, la motion vise ce genre d'expression là. Mais, même si les
tribunaux sont utilisés à bon escient,
même si la cause est juste, même si elle est légitime, il est tout aussi
légitime pour une autre personne, a fortiori un élu, de contester l'utilisation
ou la façon dont on fait appel aux tribunaux. Donc, ici, il y a un droit absolument
fondamental de faire appel aux
tribunaux pour toute organisation, pour tout citoyen, qui n'est pas remis en
cause. Et il y a un droit légitime aussi
de contester la façon dont on fait appel aux tribunaux, ou même le fait qu'on
fait appel aux tribunaux. Donc, ce sont des droits vraiment absolument importants dont on parle aujourd'hui, et
la motion, telle qu'elle nous est proposée, aurait pour effet de venir brimer un droit important, un
droit qui est conféré à tous les Québécois et à toutes les Québécoises, à tous
les parlementaires et au premier ministre lui-même.
• (16 h 20) •
Donc, bien sûr, quand on parle d'affaires
judiciaires, il existe ce principe aussi de la mesure. On espère que tous les acteurs politiques, que toutes les
personnes qui ont un rôle à jouer dans les pouvoirs, hein, dans cette question
de la séparation des pouvoirs,
fassent preuve de mesure. Ça, c'est vrai. Mais l'idée qu'on empêche et qu'on
dise que, dans une société libre et démocratique, nul ne devrait
condamner le recours aux tribunaux par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment
lésés dans leur droit, ça, nous, au Parti
québécois, on ne peut tout simplement
pas aller là. C'est un droit
légitime, je le réitère. Nous sommes d'accord que c'est un droit légitime de
toute personne, de toute organisation de faire appel aux tribunaux, sauf, bien sûr, application, là, des règles
du droit criminel ou des règles qu'on va se doter, par exemple, sur
l'utilisation abusive. Mais, si on écarte ces cas-là, c'est légitime de faire
appel aux tribunaux.
Maintenant,
toute personne est capable de... a le droit aussi de se demander : Bien,
est-ce que, dans ce cas-ci, c'est légitime?
La façon dont c'est fait, est-ce que c'est légitime? Ça aussi, il faut
conserver ça précieusement dans notre société.
Donc, pour
ces raisons-là, nous ne pourrons pas voter en faveur de cette motion telle que
présentée actuellement. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Jean-Talon. Alors,
je suis maintenant prêt à reconnaître le prochain intervenant, et ce sera Mme
la députée de Hull. Et je vous rappelle qu'il reste 9 min 22 s à
votre formation politique.
Mme Suzanne Tremblay
Mme
Tremblay : Merci, M. le Président. Alors, je suis vraiment
très, très fière de m'adresser, ici, à cette Assemblée pour parler de la loi,
qui est une valeur fondamentale, importante, hein, que l'on a adoptée ici même,
celle qui est la laïcité de l'État.
La laïcité de l'État, c'est l'égalité entre les citoyens, c'est la neutralité
religieuse de nos institutions publiques. Puis ça, c'est important de bien comprendre ce que ça veut dire. Puis c'est
pour ça que je suis heureuse de m'adresser aujourd'hui à cette Assemblée, puis je pense que je veux
parler aussi aux citoyens puis aux citoyens du Québec puis leur expliquer, dans
mon intervention aujourd'hui, l'importance de cette loi-là, bien... puis de la
comprendre aussi, cette loi-là. Je pense que c'est nécessaire dans le débat que l'on mène dans la place publique à
l'heure actuelle.
La neutralité
religieuse de l'État, ça vise à garantir l'égalité entre les différentes
confessions religieuses, à protéger la liberté de conscience et de
religion de chaque personne. Et ça, c'est important, là, la liberté de religion
de chaque personne. Ce n'est pas
l'interdiction de pratiquer une religion, mais c'est important de comprendre,
c'est que la neutralité religieuse de
l'État, c'est donc un moyen de protéger, justement, la liberté de religion. Ce
n'est pas un moyen d'interdire le libre
exercice de la religion. On n'est pas là-dedans. Puis je pense que c'est
important de le dire encore une fois, la laïcité de l'État, c'est le respect de la liberté de la religion, d'où sa grande
importance. M. le Président, c'est le vivre-ensemble. Il s'agit du droit d'avoir des croyances religieuses
de son choix, de les pratiquer, de les exprimer sans crainte ni représailles,
ainsi que du droit de ne pas pratiquer,
aussi, de religion, parce qu'il y a ça aussi, il y a des gens qui ne pratiquent
aucune religion. L'obligation de
neutralité religieuse de l'État découle de cette liberté de religion et fait en
sorte que l'État ne peut favoriser ou défavoriser une religion plus qu'une
autre.
Vous savez,
j'habite dans l'Outaouais, plus précisément dans la circonscription de Hull.
Dans ma circonscription, il y a
différentes religions, il y a plusieurs personnes issues de l'immigration, et,
justement, on a des fêtes différentes. Chacun le souligne à sa façon, sa religion. On a différentes églises, on a chacun
nos croyances et on habite ensemble, et chacun, dans ses moments privés, dans
sa vie privée, fait ce que... selon ce que les croyances... selon ce que chacun
pense en lien avec sa religion. Et il
y a un équilibre là-dedans, c'est le respect de tous et chacun. C'est justement
d'être bien les uns avec les autres
dans nos croyances, celles qu'on a ou celles que l'on n'a pas, justement, M. le
Président. Et c'est ce que ça implique, la laïcité de l'État.
Quand on les écoute, justement, des personnes
immigrantes... parce que, j'en ai parlé, en Outaouais, on est la deuxième porte d'immigration au Québec, donc ça
amène justement une diversité de religions, bien, il y en a plusieurs qui
nous soulignent être en faveur de cette loi-là. Pourquoi, pourquoi ils nous
disent être en faveur de cette loi-là? Parce
qu'en quittant leur pays ils ont quitté la discrimination et l'injustice puis
ils ont trouvé ici un accueil chaleureux, une terre... une société chaleureuse, libre, dans laquelle la
liberté d'expression, la liberté de religion, la non-discrimination, qu'elle
soit reliée au sexe ou à la religion, sont inscrites dans des lois.
C'est vrai,
au Québec, on favorise un espace public où toutes les convictions religieuses
sont respectées de manière égale sans
favoriser ni discriminer aucune religion en particulier. Au Québec, on a le
choix de faire en sorte que l'État et les religions soient séparés, M.
le Président, principe essentiel pour assurer la cohésion sociale et la
diversité, protéger le droit de chaque
individu à partager sa religion dans un cadre privé. Évidemment, comme je l'ai
dit... puis, dans Hull, je vous le dis, on a une multitude de communautés et on
le fait. On les voit, ils s'expriment librement. Et c'est correct, M. le
Président, de le faire dans un cadre privé,
mais il faut protéger l'impartialité de nos institutions publiques. La loi,
elle protège tous les citoyens, indépendamment de leurs croyances ou de
leur absence de croyance. C'est aussi important.
La loi
contribue aussi, puis ça, je tiens à le dire, à protéger les femmes contre
l'oppression religieuse. Françoise David, que vous connaissez tous, l'a mentionné aussi il y a quelques années,
les femmes en particulier, puis je sais que ma collègue en a parlé, là, un petit peu plus tôt, mais je
tenais quand même à le redire, là, les femmes en particulier savent que leurs
droits sont bien mieux protégés dans
un État laïque, à l'abri des conservatismes religieux qui voudraient contrôler
leur corps et leur vie. La loi
favorise l'autonomie et l'égalité des femmes. M. le Président, en interdisant
le port de signes religieux pour les
employés de l'État en position d'autorité, on contribue à garantir l'égalité
des chances dans des secteurs où elles sont confrontées à des obstacles
liés à leur genre.
Il faut être fiers, M. le Président. La
préservation de la laïcité de l'État bénéficie aussi d'un large, large soutien de la société québécoise. Il est donc primordial,
voire vital pour le Québec de pouvoir faire ses propres choix, des choix qui
correspondent à notre cheminement historique, nos valeurs sociales distinctes
et nos aspirations collectives. La loi n° 21, c'est une réponse consensuelle. C'est équilibré,
M. le Président, c'est une loi qui est équilibrée, qui permet l'atteinte d'une
paix sociale quant aux relations entre l'État et les religions au Québec.
M.
le Président, j'aimerais ça vous parler aussi... parce qu'il y a un recueil
important qui est sorti en 2021, intitulé ainsi : La laïcité : Le choix du Québec — Regards
pluridisciplinaires sur la laïcité de l'État. Cet ouvrage, qui est un rapport d'experts — ça
rassemble, là, des rapports de plusieurs experts — permet de mieux
comprendre le régime de la laïcité québécois,
sa portée, sa raison d'être, sa valeur ajoutée ainsi que l'apport de cette loi
fondamentale qui participe à l'établissement d'un cadre de vie en société. J'aimerais inviter les citoyens désireux
de comprendre les tenants et aboutissants de la loi et qui se posent encore des questions à lire cet
ouvrage qui pose un regard éclairé et informé sur les rapports entre l'État et
les religions.
Je vais
prendre un moment, puisqu'il me reste du temps, pour même vous lire un peu le
résumé de ce rapport-là, parce que je
pense que c'est important, M. le Président : «Le Québec a fait le choix de
la laïcité. Un choix de société. Un choix
démocratique. Un choix légitime. Un choix que d'autres États de droit ont fait
avant lui. Un choix qui est en adéquation avec les valeurs sociales
distinctes des Québécoises et des Québécois. Un choix qui, en prime, fédère.
«Ce choix, il
est le résultat d'un parcours historique et socioreligieux propre au Québec. La
Loi sur la laïcité de l'État ne se
résume pas à l'encadrement de port de signes religieux pour certains agents de
l'État. Elle est avant tout l'affirmation
de la laïcité — un
mode d'organisation des rapports entre l'État et les religions. Cette loi, qui
a permis d'aller plus loin dans la voie de la laïcisation, est enracinée
dans le temps long.
Une voix : ...
Mme Tremblay : Parfait. «Elle
constitue une réponse à la fois modérée — ça, j'aime ça,
"modérée", je pense, c'est important, ce qu'ils viennent dire ici, le
résumé des experts, "modérée", puis moi, j'ajouterais
"équilibrée", M. le Président — et
raisonnable aux débats sociétaux ayant animé le Québec depuis plus de deux
décennies, réponse qui est en toute
continuité [avant] la Révolution tranquille.» Ça fait longtemps qu'on
réfléchit, M. le Président, puis on a continué et on a posé différentes actions dans le temps. Et là on est arrivés à
cette loi-là tellement importante et fondamentale pour le Québec. «Par
le truchement de cette loi, le Québec a exercé son "droit à la
différence" sur un domaine de première importance, droit qui se trouvait
au coeur du pacte fédératif canadien.»
En
conclusion, M. le Président, parce que, vous m'avez dit, hein, j'achevais mon
temps, et c'est votre rôle, bien entendu, de le faire, reconnaissant...
évidemment qu'on reconnaît le droit de certains groupes, puis mon collègue l'a
dit ici, un certain droit de
contester en justice la Loi sur la laïcité de l'État, mais nous, on a aussi le
droit, M. le Président, de se poser
des questions quant à ce choix. Je pense que c'est important puis je veux le
répéter. L'utilisation de la clause dérogatoire est nécessaire pour
protéger la capacité du Québec de faire ses propres choix. La clause
dérogatoire, c'est un instrument qui est
essentiel pour préserver l'autonomie du Québec, M. le Président. Encore, en
conclusion, M. le Président, la laïcité, c'est un principe qui nous unit comme nation au Québec. Comme je l'ai
mentionné, la laïcité est la condition pour le bien vivre ensemble. Je
vous remercie, M. le Président.
• (16 h 30) •
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Hull. Et nous
allons maintenant poursuivre avec le prochain intervenant. Ce sera M. le
chef de l'opposition officielle. Et vous avez droit, M. le chef de
l'opposition officielle, à 17 min 59 s.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay : Parfait.
Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, on va aller au fond des choses. Je
sais que ce n'est pas sur le projet de loi n° 21, mais on va aller au fond
des choses. C'est clair qu'on n'élève pas tous nos enfants de la même
manière, M. le Président, mais moi, j'ai eu deux filles qui sont passées...
Bien évidemment, aujourd'hui, elles ont
20 ans puis 18 ans. Pour elles, la diversité, ça fait partie de leur
quotidien : Papa, c'est quoi, un hidjab? Papa, c'est quoi, une kippa? Papa, quelle est la signification du
crucifix? On leur enseigne, on leur explique : Ça participe, mes filles,
de la diversité au Québec, qui est une richesse.
La CAQ, avec
la loi n° 21, qui a été votée avec le concours du Parti québécois, et je
vais y revenir, fait en sorte qu'on prend pour acquis qu'un professeur qui
aurait la kippa ferait nécessairement, dans l'école primaire ou secondaire, du
prosélytisme. On lui dit : Retire ta
kippa, tu n'as pas le droit, en vertu du projet de loi n° 21, d'avoir une
kippa, la kippa juive, comme professeur de secondaire, de mathématiques
secondaire IV, par exemple.
Il est arrivé
un jour où ma fille m'a amené ce débat-là, elle m'a dit : Pourquoi, papa?
Je n'ai pas été capable de lui expliquer.
Dans la mesure où il ne fait pas de prosélytisme, où il est là pour enseigner
les mathématiques, mais qu'il est un
fervent croyant, il a une kippa. Est-ce qu'on fait avancer le Québec quand je
suis obligé d'expliquer à mes filles : Il fallait qu'il l'enlève
parce que ça ne marchait pas, parce que je présumais que lui allait être de
mauvaise foi, qu'il allait faire du
prosélytisme, qu'il allait enseigner des préceptes religieux plutôt que
d'enseigner les mathématiques? Ça, c'est le fondement du projet de loi n° 21. C'est ce qui fait en sorte que
nous, le Parti libéral du Québec, on a voté contre ça en se
disant : C'est une richesse, la diversité. C'est une richesse.
Les signes
religieux, M. le Président, ne peuvent pas être comparés à un macaron du PQ.
Pourquoi je dis ça? Parce que l'actuel ministre de l'Éducation, qui
participe de ce gouvernement-là qui a voté la loi n° 21, me disait à
l'époque qu'il était ministre au Parti
québécois : On a fait en sorte qu'il y ait une neutralité politique dans
l'État québécois, on va toujours bien
faire en sorte qu'il y a une neutralité religieuse dans l'État québécois. J'ai
dit : Êtes-vous sérieux, M. le ministre? Je comprends qu'on enlève le droit aux fonctionnaires d'avoir un macaron
du PQ, parce qu'il était au PQ à ce moment-là. Êtes-vous en train de comparer le macaron du PQ à la kippa? Il n'a
jamais été capable de me répondre parce que, pour lui, la neutralité politique, c'était aussi nécessaire,
et vice versa, que la neutralité religieuse : pas de signe religieux parce
que vous êtes
de mauvaise foi... parce qu'on présume que vous êtes de mauvaise foi et que,
plutôt que d'émettre un permis de conduire,
plutôt que d'enseigner les mathématiques secondaire IV et V, vous allez en
profiter pour parler de religion puis d'essayer d'enfoncer vos idées
puis vos croyances religieuses dans la tête de nos jeunes.
Pour nous, le
Parti libéral du Québec, désolé, on ne sera pas pour ça. On a voté contre la
loi n° 21. Puis tantôt le ministre de la Justice
avait du front tout le tour de la tête. Puis c'est une expression qui se dit,
puis je n'attaque pas son intégrité. Il y
avait de l'audace quand il parlait de bâillon de notre côté. C'est lui qui l'a
fait adopter, sa loi n° 21, sous bâillon. Alors, je serais gêné à
sa place de parler de bâillon.
Alors, la loi n° 21
a été adoptée sous bâillon. C'est correct. C'est en vertu de notre règlement de
l'Assemblée nationale, ça se fait, mais
disons que c'est un débat fondamental qu'on aurait aimé ça, nous, libéraux,
avoir. J'aurais aimé ça, continuer de débattre pour dire : Qu'est-ce que
je vais dire, moi, à soir, en brassant la sauce à spaghetti, à ma fille de
secondaire III puis à ma fille de
secondaire V? Bien oui, votre professeur de math, c'est correct qu'au Québec on
lui dise : Tu enlèves ta kippa
juive parce que tu n'es pas capable d'être professeur de mathématiques.
J'aurais aimé ça, moi, qu'on continue d'avoir ce débat-là en cette
Assemblée nationale.
Puis c'est
bizarre, le ministre de la Justice puis le premier ministre disent : On est là,
nous, pour faire respecter les prérogatives puis la souveraineté du
Parlement. Le débat n'a pas eu lieu. Le débat a été court-circuité. Le débat a
été bâillonné. C'est correct. Il l'a fait en
vertu du règlement de l'Assemblée nationale. Mais qu'il ne vienne pas nous
parler de bâillon, qu'il ne vienne
pas nous parler non plus que nous, les libéraux, parce qu'on a voté contre sa
loi la semaine passée, puis je vais
vous dire le contexte de la loi, on a voulu enlever des pouvoirs de l'Assemblée
nationale. Je vous laisse juger. Ce
n'est pas parce qu'on n'est pas d'accord avec le premier ministre. Je suis
autant député que le premier ministre. Il vote pour sa loi, je vote contre sa loi, ça ne veut pas dire que moi, je suis
en train d'enlever des pouvoirs à l'Assemblée nationale. Le comprenez-vous, à la maison, le raisonnement
tordu qui a été lancé jeudi passé? Ça, c'est le fond du débat du projet de
loi n° 21, qui a été court-circuité.
On vient de vanter, la collègue de Hull, imaginez-vous
donc, qu'on a fait avancer le Québec puis qu'on a concrétisé la laïcité, puis que c'est ça, le Québec. Je ne pense pas,
moi, que c'est ça, le Québec. Je pense qu'on doit enseigner à nos jeunes la diversité, le respect. Le
professeur de mathématiques, il est là pour enseigner les mathématiques
secondaire IV à ma fille qui est
en secondaire IV. Il peut avoir la kippa juive, mais ça ne veut pas dire
que je vais lui dire : Choisis entre tes croyances qui te font porter la kippa comme, au même titre, je te
dirais : Enlève ton macaron du PQ. Ce n'est pas le Québec que je
veux, dans lequel je veux vivre. On ne peut pas dire cela à un
professeur : Choisis ta religion ou ta job. Ta religion ou ta job. Nous
autres, les valeureux libéraux, l'opposition officielle, on a voté contre sur
cette base-là. La population jugera. On avait-tu raison? On avait-tu tort? Les
choix sont clairs.
Chose
certaine, en passant, il nous manque 5 000 professeurs,
5 000 professeurs, depuis cinq ans, qui ont quitté, qui ont quitté, qui ont démissionné. Il y en a
là-dedans qui avaient des signes religieux puis qui ont dit : Bien,
écoutez, on me demande de choisir, je vais aller faire d'autre chose. Alors, la
population jugera est-ce qu'on a bien fait de voter contre ça.
Le premier ministre, la semaine passée... Parce
que, sa loi, ce n'est pas tout, il a fait adopter sa loi sous bâillon. C'était notre position, je vous en ai fait état.
C'était la leur. On a voté contre. Ils ont voté pour. C'est la voix du Québec.
Parfait. Mais bâillonner les députés de l'Assemblée nationale, pour le premier
ministre caquiste, avec l'alliance, l'appui du PQ, parce qu'il y a une
alliance PQ-CAQ dans ce débat-là, ce n'était pas suffisant, il fallait faire en
sorte que l'on puisse s'assurer, imaginez-vous
donc, par une utilisation, oui, qui est, en vertu de nos chartes, s'assurer que
personne, jamais, devant un tribunal, ne pourra soulever quelque droit ou
liberté fondamental que ce soit. Que ce soit pour la charte canadienne ou la charte québécoise, ils ont mis dans leurs lois deux cadenas qui
font en sorte que vous ne pouvez pas... pour les 38 articles de notre charte
québécoise des droits et libertés,
vous ne pourrez jamais contester leur loi, jamais. Ça s'appelle la clause
«nonobstant», la clause de dérogation. Ça
veut dire que la loi, elle s'applique de façon dérogatoire à la charte québécoise, la clause «nonobstant», elle s'applique nonobstant la charte
québécoise.
Même chose
pour la charte canadienne. Dans ce débat-là, la Charte canadienne des droits et libertés protège les mêmes droits que la charte
québécoise des droits et libertés. Charte québécoise des droits et libertés,
elle a été adoptée en 1975, sept ans avant
la charte canadienne. Elle protège toutes les Québécoises et Québécois. Nous,
on a dit : Le projet de loi n° 21, je viens de vous brosser le
tableau, on vote contre, ils votent pour. Sous bâillon, c'est correct. C'est
fait, c'est fait. Maintenant, la loi
s'applique. Tous les citoyens, tous les organismes... Puis là ils en ont contre
la FAE. Ils sont partis contre la FAE. Vous les avez vus les caquistes,
hein, puis les péquistes. Ils sont partis contre la FAE : Ils n'ont pas le droit de contester notre loi. De toute façon,
ils vont être très limités parce qu'ils ne pourront même pas plaider une
liberté fondamentale comme la liberté de
religion, la liberté de conscience. Ils ont mis deux cadenas à leur loi pour
pas que personne ne puisse aller les contester.
La semaine
passée, nous, du Parti libéral, qu'est-ce que vous pensez qu'on a fait? On a
voté contre le renouvellement de ces
cadenas-là. Premier ministre, ça n'a pas pris une heure, il est sorti
publiquement puis il est allé dire que le Parti libéral du Québec avait voté pour enlever des pouvoirs du Parlement.
C'est-tu assez épouvantable? C'est-tu assez condamnable? C'est-tu assez
déconnecté? Imaginez-vous donc!
• (16 h 40) •
Puis tantôt
le ministre de la Justice disait... il faisait une analogie, comme ministre de
la Justice, il prenait... Je vais vous expliquer c'est quoi, une
poursuite-bâillon. Une poursuite-bâillon, c'est un citoyen qui fait face à un
autre citoyen puis qui veut le faire taire.
Alors, il introduit un recours en justice contre lui ou elle pour le
bâillonner, puis tu vas dire : Tu vas aller devant les tribunaux,
ça va te coûter du temps, ça va te coûter de l'argent, je vais te traîner
devant les tribunaux, tu vas peut-être faire
faillite. Ça, c'est une poursuite-bâillon pour le faire taire. Il y a une loi,
le Code de procédure civile, qui
interdit les poursuites-bâillons. Le ministre de la Justice a dit que nous
étions du camp, nous qui voudrions permettre les contestations
judiciaires, du camp de celles et ceux qui voudraient faire des
poursuites-bâillons.
Donc,
pour le ministre de la Justice — imaginez-vous
donc, gardien de nos droits, on repassera — dans ce contexte de l'alliance PQ-CAQ, a assimilé les citoyens et citoyennes, mon
professeur de mathématiques secondaire IV qui a la kippa juive, l'a
assimilé à quelqu'un qui, de mauvaise foi et
en abus de droit, viendrait vouloir bâillonner un citoyen, si d'aventure
il voudrait contester la loi n° 21 en vertu de la charte québécoise des droits et libertés ou la charte
canadienne, il l'a assimilé à quelqu'un qui agit de mauvaise foi, de
façon abusive. On l'a...
Une voix : ...
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Rapidement,
M. le leader.
M.
Lévesque (Chapleau) : ...on prête des intentions, on fait des amalgames.
Ce sont des propos blessants. Le chef de l'opposition officielle le sait
très bien, c'est un parlementaire...
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : On peut être prudent, mais je ne vois pas ici
de... prêter d'intentions. Je vous invite à poursuivre.
M. Tanguay : Non, ça va faire. Ça va
faire, M. le Président. Ça va faire. On a le droit de s'exprimer encore à
l'Assemblée nationale, M. le Président.
Je poursuis
l'analogie. Il a même fait l'analogie avec les violences conjugales et les
violences judiciaires. Il a poursuivi son
analogie. Les libéraux, par notre positionnement, par notre motion aujourd'hui
puis dans tout ce contexte-là, on était celles et ceux qui favorisaient les
violences judiciaires de ceux qui font des violences conjugales, imaginez-vous
donc. Imaginez-vous donc le caractère totalement irrationnel et
déconnecté de ce gouvernement-là.
Ça voudrait donc dire que toutes celles et ceux
qui pourraient contester cette clause-là, qui pourraient contester cette loi-là en vertu de notre charte québécoise,
de notre charte canadienne seraient assimilables à des gens qui agissent de
façon abusive, de façon déraisonnable, des gens qui font de la violence
judiciaire, des gens qui sont condamnables, et que c'est pour ça, donc, qu'ils ont dit : Notre loi n° 21, on va mettre les deux cadenas, ça n'arrivera pas, on est justifiés,
circulez, il n'y a rien à voir.
Dans une
société de droit... puis c'est ce que le collègue de l'Acadie met dans notre
motion du mercredi de l'opposition officielle
libérale, dit que, dans une société de droit... Savez-vous quoi? En 2024, je ne
sais pas pour vous, mais on peut-tu toujours bien vivre encore dans une
société où on peut contester des décisions de notre bon gouvernement, des lois
de notre belle Assemblée nationale? Puis les
tribunaux judiciaires vont juger, vous avez raison ou vous avez tort. Vous avez
raison, dans quelle mesure? Pas sur tout,
sur tel, tel aspect. Ça participe de l'équilibrage juridique. Et ça, ça, M. le
Président, ça doit être protégé, mais
on a face à nous une alliance PQ-CAQ, PQ-CAQ, qui fait en sorte qu'aujourd'hui,
encore une fois, ils vont voter du
même bord, ils vont voter contre ça, tout comme ils ont voté pour la loi n° 21 puis tout comme ils ont voté pour la loi n° 52
qui renouvelait les deux cadenas.
En politique québécoise,
en 2024, on est pris dans cette surenchère identitaire là, PQ-CAQ. Ils
participent de la même alliance dans leur façon puis dans leur logique de
voter. Ils se sont éloignés du nationalisme civique de René Lévesque.
Ils en sont maintenant à se chicaner et à
faire une surenchère dans un contexte de nationalisme identitaire. Et ça, c'est
Francine Pelletier qui l'écrit, entre autres, dans son livre C'est comme ça
qu'on vit au Québec, qui elle, elle est souverainiste,
féministe, et elle a vu, elle aussi, cette évolution, évolution que je
catégorise, M. le Président, de divisive et de malsaine entre l'alliance
PQ-CAQ qui vote la même affaire à l'Assemblée nationale mais qui veulent, par
une surenchère identitaire, faire en sorte de diviser les Québécoises et
Québécois.
Ça, ça remonte à Jacques Parizeau. Le soir du
référendum, il ne l'a pas pris, M. Parizeau, qu'il avait perdu son référendum. Il y a dit : On a perdu, dans le
fond, pourquoi? Pour l'argent puis le vote ethnique. Pardon, le vote ethnique?
Il a dit : Oui, on a été 60 % à
voter oui. La prochaine fois, on sera 62 %, 63 %. Entre nous, on
peut-tu parler du nous, les francophones,
puis ça passera. Depuis ce temps là, le Parti québécois a été parti, M. le
Président, puis j'ai le droit de le dire
en cette Assemblée nationale, sur une dérive identitaire. La CAQ et le premier
ministre ont voulu manger dans ce lunch-là, puis aujourd'hui les deux se
chicanent, les deux se chicanent sur l'identitaire.
Ça veut dire quoi, ça, M. le Président, de façon
concrète et tangible? Ça veut dire que le premier ministre, pour lui, l'immigration, c'est une menace, pour le PQ
aussi. Le bilinguisme, c'est une menace, PQ aussi. Le fédéralisme, c'est
une menace, PQ aussi. Puis les tribunaux,
c'est une menace, PQ aussi. Les tribunaux, vous n'aurez pas recours aux
tribunaux : cadenas, cadenas, clause «nonobstant». Les libéraux
votent contre ça? Ils veulent diminuer les pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Vous jugerez, à la maison, vous jugerez qui vous voulez qui continue sur cette
lancée-là.
Très clairement, M. le Président, nous avons,
face à cette, aujourd'hui, alliance PQ-CAQ, quant à leur intérêt de faire avancer ce débat-là... de dire :
Bien, ça va être le cadenas, ça va être le bâillon... Et c'est comme si, pour
la CAQ, la loi qu'ils ont votée,
c'était l'entièreté des 9 millions de Québécoises et Québécois qui étaient
d'accord, c'était l'entièreté des
Québécoises et Québécois qui allaient être pour et que, si l'on contestait ça,
on contestait la nation québécoise tout entière. C'est là où nous amène
la dérive de la surenchère PQ-CAQ, la dérive identitaire, de se diviser.
Les
immigrants, il y en a trop. Aïe! Il y en a qui travaillent dans nos CHSLD, là,
puis qui s'occupent de notre monde, ils
sont dans le système de santé, qui se sont se levés ce matin, là, le cadran a
sonné, là, les travailleurs étrangers temporaires, là, les travailleurs
étrangers temporaires, là, puis qui ont travaillé, puis qui sont là pour nous
aider. On ne parle pas des demandeurs
d'asile. Ça, on l'a déjà dit, demandeurs d'asile, le Québec a fait sa part,
mais les travailleurs étrangers temporaires,
j'ai demandé au chef du PQ puis j'ai demandé au chef de la CAQ : Lesquels
vous voudriez voir partir, à matin, parmi les milliers qui travaillent,
puis qui sont allés à leur travail, puis qui font avancer le Québec? Ils ne
sont pas... ils n'ont
jamais été capables, ils n'ont jamais eu le courage de me dire lesquels qu'ils
voudraient voir partir. Mais il y en a trop, pour eux autres.
Alors,
l'immigration, c'est une menace? On est en pénurie de main-d'oeuvre partout, on
a besoin de personnes qui vont être préposées aux bénéficiaires, qui vont être
dans le système de santé, qui vont nous aider à les bâtir, ces logements-là,
qui vont nous aider à développer l'énergie, au Québec, dont on a besoin, les
services publics, les services privés.
Face à ça, M.
le Président, cette surenchère-là, PQ-CAQ, pour laquelle il y a une division à
avoir, pour laquelle ça faisait dire, entre autres, à Pauline Marois... Pauline
Marois, en 2007, sur cette lancée là du vote ethnique, avait dit... avait
déposé un projet de loi n° 195,
puis elle avait dit : Ne seront pas citoyens québécois celles et ceux qui
ne parlent pas suffisamment bien le
français, ne seront pas citoyens québécois celles et ceux qui ne connaissent
pas suffisamment notre histoire. C'était ça, le Parti québécois.
Bien, le
Parti québécois, qui est parti sur une dérive, depuis ce soir-là avec Jacques
Parizeau, qui en sont maintenus dans un débat identitaire où, là, mon
professeur de mathématiques, secondaire IV, avec la kippa, là, c'est une
menace, il faut qu'il choisisse, puis,
sais-tu quoi, s'il ne choisit pas de l'enlever, sa kippa, bien qu'il s'en
aille, on n'en a pas de besoin. Non,
au Parti libéral du Québec, on voudra additionner avec tout le monde, on voudra
respecter les droits fondamentaux, votre droit de croire en qui vous
voulez croire, votre droit de conscience, liberté de religion. Vous allez être,
par contre, interdits de faire du prosélytisme, vous êtes là pour enseigner les
mathématiques.
Et, quand on
vote, nous, on n'est pas là pour faire, nonobstant... n'en déplaise au premier
ministre puis à son ministre de la
Justice, on n'est pas là pour enlever des pouvoirs à l'Assemblée nationale.
Bien, c'est ça, chers citoyens, la différence, c'est ça, le Parti
libéral du Québec, puis on va continuer à se tenir debout.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) :
Merci beaucoup, M. le
chef de l'opposition officielle. Il
reste 18 secondes au gouvernement, alors je cède la parole à M. le ministre responsable des Relations
avec les Premières Nations et les Inuit.
M. Ian Lafrenière
M.
Lafrenière : M. le Président, imaginez un instant Zainab Shafia, qui prend tout son courage pour porter
plainte contre son père qui l'opprime, dû à la religion, qui appelle la police
et qui se retrouve face à un agent qui porte un signe religieux. Est-ce que vous croyez que Zainab aurait eu confiance
en la police, M. le Président? La réponse, elle est simple, elle est
non.
Alors, de
notre côté, c'est simple, ce qu'on dit. Oui à la diversité. Non, pas en
position d'autorité. C'est ça que je dis à mes filles, M. le Président.
• (16 h 50) •
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le ministre.
Alors, nous en sommes maintenant à la prochaine
étape. Je vous rappelle que nous avons reçu deux motions d'amendement. Alors, je vais demander à l'auteur
de la motion à savoir s'il accepte ou non la motion de M. le ministre de
la Justice et/ou M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. M. le député de
l'Acadie, vous disposez de 10 minutes.
M. André Albert Morin
(réplique)
M. Morin : M. le Président, la
motion du ministre de la Justice est rejetée. La motion de mon collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne,
de Québec solidaire, est acceptée. Voilà.
Donc, il me
reste quelques minutes pour terminer ce débat, heureux de l'avoir provoqué avec
cette motion, parce qu'on a entendu
plein de choses cet après-midi, M. le Président. On m'a même taxé d'être un
surréaliste. Écoutez, ça ne m'était jamais arrivé, mais je peux vous
dire que je ne suis pas le seul surréaliste dans l'Assemblée, par exemple,
parce qu'avec ce que j'ai entendu du Procureur général du Québec ça me
laisse...
En fait,
bref, ça a fait en sorte que je me suis posé un paquet de questions, pour vous
dire la vérité, sur son rôle même de
Procureur général, là, pour représenter le Québec, les Québécois devant les
tribunaux. Puis, je vais vous dire ceci : Je l'ai écouté. Je l'ai écouté
avec son discours assez émotif, merci, et je voudrais rappeler ceci à
l'Assemblée. M. le ministre de la Justice n'a pas le monopole du
patriotisme québécois. Je suis désolé, désolé, M. le ministre de la Justice n'a
pas non plus le monopole de la vérité.
Désolé, comme parlementaires, on a le droit de s'exprimer puis on va continuer
à le faire.
Puis je vais revenir sur certains éléments,
notamment la souveraineté parlementaire. Quand le premier ministre, la semaine dernière, nous a prêté des intentions,
mon chef et moi, nous sommes sortis immédiatement en point de presse. Qu'est-ce qu'on a dit? Jamais, jamais on ne va
diminuer la souveraineté de l'Assemblée nationale. Peut-être que le Procureur
général ne nous écoutait pas. Je ne le sais pas. Moi, ce que j'ai entendu,
c'est qu'il nous prêtait l'intention de faire le contraire. Or, c'est faux, jamais, comme parlementaires québécois, on ne
va faire ça. Cependant, il y a des normes, il y a des règles, puis, ça
aussi, il va falloir les respecter.
Le Procureur
général n'a pas non plus le monopole des intérêts du Québec. On est tous élus
ici. On est tous des parlementaires québécois. Puis, savez-vous, M. le
Président, on a une passion pour le Québec puis c'est pour ça qu'on se défend pour nos concitoyens puis nos concitoyennes.
On sait comment le rapatriement de la Constitution canadienne a été
fait. Je ne me souviens pas, aujourd'hui, dans le débat, d'avoir dit que je
recommandais à quiconque de signer la Constitution
canadienne. Je ne me souviens pas de ça. Je ne sais pas où le Procureur général
s'en allait avec son argument, mais moi, je ne me souviens pas de ça
d'aucune façon.
Il y a une
chose, par exemple, que je sais comme juriste. Peut-être que le Procureur
général, il ne l'aime pas, la charte
canadienne, ça, c'est son problème à lui, mais la Cour suprême du Canada
existe. À ce que je sache, des fois, il intente des recours à la Cour suprême du Canada. Donc, il
doit reconnaître la validité de l'institution, puis, au Canada, bien, c'est
le plus haut tribunal. Ça fait que, quand il
décide, ça lie tous les autres tribunaux. Pour ma part, je ne vois pas de
problème avec ça.
Puis, savez-vous
quoi, la Cour suprême, la Cour d'appel, la Cour supérieure, la Cour du Québec
interprètent et appliquent la Charte
canadienne des droits et libertés, n'en déplaise à M. le ministre. Il n'est
peut-être pas content, mais, quand il
comparaît ou que des avocats du DPCP comparaissent en matière criminelle ou lui
en matière civile et que des citoyens veulent faire valoir leurs droits,
bien, le tribunal va les écouter, puis va les entendre, puis va les juger sur
les chartes, la charte québécoise ou la
charte canadienne. Est-ce que ça veut dire qu'on était d'accord avec la façon
dont la Constitution a été rapatriée
puis qu'on trouvait que c'était bon? Ça n'a rien à voir, mais, juridiquement
parlant, maintenant, ça s'applique. Alors, il faudrait peut-être que le
ministre de la Justice en prenne acte. S'il n'aime pas ça, bien, écoutez, je ne sais pas, peut-être qu'il pourrait rejoindre
d'autres partis politiques, il y a des partis politiques ici qui veulent se
séparer du Canada. C'est son choix. Mais à ce que je sache, dans notre cadre
constitutionnel actuel, la Cour suprême est toujours là, elle interprète les
lois, puis elle applique la Charte canadienne des droits et libertés et la
charte québécoise. Et ça, c'est fondamental.
On
nous a beaucoup, beaucoup parlé de la loi n° 21,
pourtant, la motion comme telle ne portait pas là-dessus, mais ça a attiré
l'attention de bien du monde dans le gouvernement de la CAQ. Mon chef l'a
mentionné, cette loi-là a été adoptée sous le bâillon.
Et,
quand le gouvernement a voulu reconduire la clause de dérogation, hein, on a
encore eu une application de la clause
mur à mur, les articles 2 et 7 à 15 de la charte canadienne. Pourquoi la
charte canadienne? Parce qu'il faut y revenir aux cinq ans. 7 à 15, là, et ça, je l'ai déjà dit, 7, c'est des droits
qui traitent à la liberté, la sécurité de la personne. C'est ça que le
gouvernement de la CAQ a bâillonné. C'est ça que les citoyens ici, au Québec,
ne peuvent pas invoquer.
Est-ce
qu'on a dit que la clause de dérogation ne s'appliquait pas? Non. Est-ce qu'on
a dit qu'on ne l'utiliserait pas? Jamais.
Jamais. Ça fait que peut-être que le ministre de la Justice devrait suivre un
peu les débats, parce que ça, on ne l'a jamais dit. Mais, par exemple, est-ce qu'on est pour l'application d'une
clause dérogatoire mur à mur sans aucune justification? Non. Pourquoi? Bien, parce que ça a un impact sur
les droits fondamentaux des citoyens qui sont au Québec, puis ça, il faut
le rappeler. Peut-être que le gouvernement
n'aime pas ça quand quelqu'un lui rappelle. C'est possible. Peut-être que le
gouvernement ou le premier ministre n'aime
pas ça quand quelqu'un ne pense pas comme lui puis qu'il veut, évidemment,
contester les lois du gouvernement, mais,
dans une démocratie, c'est comme ça qu'on fonctionne, M. le Président. Puis ça,
je pense qu'il faut le rappeler. Puis ça, nous, au Parti libéral du
Québec, là, nous, on va se lever puis on va défendre cet élément-là. C'est
fondamental dans notre société, n'en déplaise au Procureur général.
Puis pourquoi c'est
important? Bien, c'est parce que, justement, nos sociétés reposent sur la
primauté du droit, reposent sur une société
de droit puis reposent sur des droits fondamentaux qui ont été accordés à des
citoyens. Il faut quand même bien
qu'ils soient capables de s'en servir de temps en temps, n'est-ce pas? Moi, ça
m'apparaît bien évident dans le cadre d'une société libre et démocratique.
J'ai accepté
l'amendement de Québec solidaire parce que, bien que, quant à moi, la motion
était claire, on va s'assurer, là, que c'est
hyper, hyper, hyperclair, et qu'effectivement ça ne limite pas le droit à la
liberté d'expression. C'est évident,
c'est évident, puis ce n'est pas ça, ce n'est pas ça, l'enjeu du débat. Mais
là, c'est encore plus clair, si jamais quelqu'un n'avait pas compris.
Le débat de cet
après-midi vient du fait que ce gouvernement n'aime pas quand on conteste ses
décisions. Puis ça, bien, dans une société
démocratique, ce n'est pas correct. Ce gouvernement n'aime pas quand quelqu'un
invoque ses droits fondamentaux.
Bien, pour nous, c'est justement fondamental, donc on va continuer à se battre
pour nos citoyens pour qu'ils puissent
les invoquer. Ça, c'est hyperimportant, et ça fait partie de notre société, ça
fait partie de notre État de droit.
Puis
vous remarquerez, M. le Président, on n'est pas les seuls, on n'est pas les
seuls à avoir des chartes, hein? Ça a
commencé il y a quelques siècles avec les États-Unis d'Amérique, avec, par la
suite, la France, avec la Déclaration universelle des droits de l'homme, avec la charte québécoise,
puis, après ça, avec la charte canadienne. C'est un équilibre qu'on a dans
nos sociétés parce que la majorité n'a pas toujours raison. Et ça aussi, c'est
un élément qu'on entend dans le discours populiste : La majorité décide,
donc tout est bon. Bien non, dans un État de droit, M. le Président, ça ne peut
pas être comme ça. Ce n'est pas sain que ce
soit comme ça. Et c'est la raison pour laquelle les citoyens ont des droits
fondamentaux et qu'ils peuvent les exercer.
Maintenant,
on travaille dans un cadre parlementaire, on travaille dans un État de droit,
puis nous, on va être les premiers à défendre
cet État de droit là, puis on va être les premiers à défendre les droits des
citoyens. On est les premiers à reconnaître
aussi l'importance et le rôle de l'Assemblée nationale pour l'ensemble des
Québécois puis des Québécoises. Ça,
là, c'est clair, c'est archiclair, et je tiens à le souligner parce que
j'aimerais ça, j'aimerais ça que le ministre de la Justice en tienne
compte.
Il
y a une chose qui est sûre, M. le Président, attaquer la légitimité des
tribunaux, discréditer les cours de justice, c'est saper les fondements de
l'État. Est-ce qu'on a le droit de critiquer un jugement? Oui. Est-ce qu'on a le droit de ne pas être d'accord? Oui. Est-ce que l'Assemblée
nationale a le droit d'utiliser la clause de dérogation? Oui. D'ailleurs, elle
l'a déjà fait, mais, rappelez-vous, le Parti libéral du Québec, à un moment
donné, sous Robert Bourassa, l'a fait après, justement,
l'éclairage des tribunaux. Donc, il y a des moyens de travailler et de faire en
sorte que les droits des citoyens et des citoyennes vont être respectés.
Ce
qu'il faut, c'est rappeler ces droits fondamentaux, parce qu'il est dangereux
que des gouvernements populistes fassent en sorte qu'il y ait toujours une
espèce d'antagonisme entre des droits collectifs et des droits individuels. Moi,
ce que je dis, c'est qu'il faut être
capable de faire un équilibre entre les deux, mais surtout, surtout faire en
sorte que des citoyens, des citoyennes, dans notre société, ne soient
pas brimés. Ça m'apparaît fondamental, et c'est la raison pour laquelle j'étais
très fier de présenter cette motion, cet après-midi, et de débattre de la
question, M. le Président.
• (17 heures) •
Le Vice-Président (M.
Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie.
Et le débat est maintenant terminé, et,
conformément au règlement, je dois d'abord mettre aux voix la motion d'amendement présentée par M. le député de
Saint-Henri—Sainte-Anne,
avant de procéder au vote sur la motion principale. Je vous fais la
lecture de ces deux motions.
La motion principale de M. le député de l'Acadie
se lit comme suit :
«Que l'Assemblée nationale rappelle que dans une société
libre et démocratique, nul ne devrait condamner le recours aux tribunaux
par des citoyens ou des organisations si ceux-ci s'estiment lésés dans leurs
droits;
«Qu'elle rappelle que l'État de droit est un des
fondements de la démocratie québécoise.»
La motion d'amendement de M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne
se lit comme suit :
Ajouter, à la fin du premier alinéa, les mots
suivants : «, sous réserve du droit à la liberté d'expression».
Je mets donc
aux voix la motion d'amendement de M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne que je viens tout juste de vous
lire. Est-ce que cette motion est adoptée?
Une voix : ...
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : M. le leader de l'opposition officielle demande le
vote électronique. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lévesque (Chapleau) : Je vous
demanderais de bien vouloir reporter ces votes à demain.
Votes reportés
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors,
le vote sera reporté à la prochaine séance.
Alors, nous
allons maintenant procéder au retour aux affaires du jour, et je vais céder la
parole à M. le leader adjoint du gouvernement pour la suite de nos
travaux.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Je vous demanderais de bien vouloir appeler
l'article 11 du feuilleton. Je crois que la députée de D'Arcy-McGee
voulait terminer son intervention.
Projet de loi n° 30
Reprise du débat sur l'adoption
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, effectivement, l'article 11 du
feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné plus tôt aujourd'hui sur l'adoption du projet de loi n° 30,
Loi modifiant diverses dispositions
principalement dans le secteur financier.
Mme la
députée de D'Arcy-McGee, vous aviez utilisé 7 min 33 s de votre
temps de parole. Alors, je vous cède la parole pour la suite de votre
intervention.
Mme Elisabeth Prass
(suite)
Mme
Prass : Merci, M. le Président. Donc, c'est ça, je
reprends mon intervention sur le projet de loi n° 30 et... Bien là, je vais reprendre à partir de
l'introduction, la proposition d'introduire un régime de certificat restreint
ou l'équivalent.
Donc, bien
que cette option ait déjà fait l'objet d'études par le passé, elle est, selon
nous, toujours d'actualité. Comme vous
le savez, la distribution des produits de services financiers chez les
concessionnaires se fait via une personne dont le poste est directeur commercial. Bien que la majorité
d'entre eux travaillent correctement et selon les directives des assureurs,
nous convenons que l'essentiel des pratiques problématiques ayant mené aux
modifications proposées dans le projet de loi n° 30 est causé par les
stratagèmes de certains directeurs commerciaux. La CCAQ demande d'ailleurs
depuis de nombreuses années des changements. La mise en place d'un régime de
certificats restreints spécifiquement pour les directeurs commerciaux nous apparaît toujours d'actualité. Les bénéfices
d'un tel certificat sont nombreux : diminution de l'influence des assureurs ou des commerçants sur
les façons de faire des directeurs commerciaux, encadrement direct par l'Autorité des marchés financiers sur la distribution des produits, mise en place
d'une formation standardisée des intervenants et diminution du taux de
refus des réclamations.
L'introduction
d'un régime de certificats répond aux besoins de l'industrie, de la clientèle
et du gouvernement. Si l'introduction d'un certificat restreint n'est pas
retenue, l'industrie propose minimalement qu'une formation obligatoire
soit introduite. Pour l'instant, ce sont les
assureurs qui livrent le contenu d'apprentissage aux directeurs commerciaux
dans les établissements de leurs membres. Le traitement équitable du consommateur
découle directement de la confiance qu'il peut avoir envers l'industrie. Il est donc grand temps qu'un programme
de formation indépendant reconnu par l'Autorité des marchés financiers soit mis en
place de manière à fixer les conditions d'entrée en carrière et d'exiger de la
formation continue, à quoi devrait s'ajouter
la création d'un fichier central des distributeurs et personnes physiques ayant
fait l'objet notamment de plaintes,
auxquelles s'ajouteraient des conséquences pour les délinquants, allant
jusqu'au retrait du droit de distribuer des produits et services
financiers. Nous considérons qu'il est bien malheureux que l'Autorité des
marchés financiers ne partage aucune
statistique sur les signalements qu'elle reçoit et nous laissant incapables de pouvoir
redresser les pratiques problématiques.
La
CCAQ entretient également la crainte que les consommateurs n'en retireront
aucun gain. Il est attendu, avec l'entrée
en vigueur de cette mesure, que les consommateurs n'assurent pas correctement
leurs engagements financiers. Faute de mesures facilitantes permettant l'accès
à de l'assurance crédit, nombreux seront les consommateurs qui décideront
plutôt de tout simplement s'en priver. C'est
un choix comprenant des conséquences importantes. Dans un contexte économique
d'inflation, la valeur des véhicules neufs
ou d'occasion atteint de nouveaux sommets. Dans un contexte économique
difficile, il apparaît risqué d'introduire une telle mesure.
Ajoutons que,
si le consommateur ne souscrit pas à une couverture d'assurance crédit le jour
même, puisqu'il ne peut se permettre
de verser annuellement sa prime, il est faux de croire que la majorité des
consommateurs prendront les devants
d'eux-mêmes pour assurer leur nouvel achat une fois rendus à la maison. En
fait, la majorité ne le feront tout simplement pas. Avec des valeurs de
prix grandissantes, cette mesure est hautement risquée.
Le régime de
distribution sans représentant rend facile l'accès à l'assurance crédit. À ce
sujet, nous proposons les ajustements
suivants : hausse du délai de résiliation sans frais des polices acquises
par les consommateurs à 30 jours minimum, aussi l'obligation pour
les créanciers d'ajuster immédiatement la mensualité des débiteurs en cas de
résiliation d'une police d'assurance. De
telles mesures répondraient, nous le croyons, directement aux préoccupations
principales adressées par les consommateurs en accordant une plus grande
flexibilité aux adhérents.
À l'instar du restant de la présente, nous
sommes pleinement ouverts à étudier toute autre solution ou mesure d'adresser les enjeux provoquant le changement
proposé. Bien que la modification législative proposée découle de différents
rapports de l'AMF auxquels nous souscrivons, il est important de ne pas
déstabiliser trop rapidement l'industrie. Nous sommes donc heureux que le ministre ait accepté un amendement qui donne
un peu plus de temps à toute l'industrie de se conformer à la nouvelle réglementation, ce qui leur permettra de mettre
en place les meilleures pratiques sans avoir un impact financier insurmontable.
Nous voterons
donc en faveur du projet de loi, qui vise à améliorer les pratiques dans le
milieu des services financiers, notamment
parce que ces propositions découlent de l'AMF, mais aussi parce que le ministre
a su faire preuve de flexibilité face à l'industrie automobile, qui doit se
transformer, mais qui doit aussi pouvoir survivre aux nouvelles manières
de faire. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée de D'Arcy-McGee. Est-ce qu'il
y a d'autres interventions?
Mise aux voix
Alors, le
projet de loi n° 30, Loi
modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier, est-il adopté?
Des voix : Adopté.
Le Vice-Président (M. Benjamin) :
Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
Ajournement
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, M. le Président. On a très, très bien travaillé aujourd'hui et cet
après-midi. Je vous demanderais d'ajourner nos travaux à demain,
9 h 40, s'il vous plaît.
Le Vice-Président (M. Benjamin) : Cette
motion est-elle est adoptée?
Des voix : Adopté.
Le
Vice-Président (M. Benjamin) : Alors, en conséquence, nous ajournons nos travaux
à demain, jeudi 9 mai 2024, à 9 h 40.
(Fin de la séance à 17 h 08)