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Version finale

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Le jeudi 21 mars 2024 - Vol. 47 N° 109

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Souligner la Journée de la santé mentale des ados

Mme Shirley Dorismond

Souligner la Semaine d'actions contre le racisme et pour l'égalité des chances

Mme Jennifer Maccarone

Rendre hommage à M. Bernard Charlebois

Mme Marilyne Picard

Dénoncer les lacunes dans les services de transport adapté

Mme Christine Labrie

Féliciter les gagnants du concours Vocation en art! de la circonscription de Huntingdon

Mme Carole Mallette

Souligner la Journée mondiale de la trisomie 21

Mme Elisabeth Prass

Souligner le 55e anniversaire du club de l'âge d'or Saint-André de Neufchâtel

M. Mario Asselin

Rendre hommage à M. Lucien Lessard

M. Pascal Bérubé

Rendre hommage à M. Jean-David Bouchard

Mme Kateri Champagne Jourdain

Rendre hommage à M. Eliot Grondin

M. Luc Provençal

Souligner le 40e anniversaire du Centre de prévention du suicide Haute-Yamaska et
Brome-Missisquoi

M. François Bonnardel

Souligner la Journée québécoise de la francophonie canadienne

M. Jean-François Roberge

Présentation de projets de loi

Projet de loi n° 591 — Loi visant principalement à renforcer le contrôle de l'action
gouvernementale par un député en lui reconnaissant un
droit de visite des institutions administratives

Mme Christine Labrie

Mise aux voix

Dépôt de documents

Dépôt de rapports de commissions

Consultations particulières sur le projet de loi n° 50 — Loi édictant la Loi sur la sécurité civile
visant à favoriser la résilience aux sinistres et modifiant diverses dispositions relatives
notamment aux centres de communications d'urgence et à la protection contre les
incendies de forêt

Étude détaillée du projet de loi n° 54 — Loi donnant suite à la Table Justice-Québec en vue
de réduire les délais en matière criminelle et pénale et visant à rendre l'administration de
la justice plus performante


Questions et réponses orales

Plan de retour à l'équilibre budgétaire

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. François Legault

Indépendance des juristes de l'État

M. André Albert Morin

M. Simon Jolin-Barrette

M. André Albert Morin

M. Simon Jolin-Barrette

M. André Albert Morin

M. Simon Jolin-Barrette

Temps d'attente dans les services d'urgence

M. André Fortin

M. Christian Dubé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

Examen de l'impact environnemental du projet Northvolt

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

Conditions de vie dans les centres jeunesse

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Lionel Carmant

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Lionel Carmant

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Lionel Carmant

Accès aux soins à domicile

Mme Christine Labrie

Mme Sonia Bélanger

Mme Christine Labrie

Mme Sonia Bélanger

Mme Christine Labrie

Mme Sonia Bélanger

Protection des droits des locataires

M. Alexandre Leduc

Mme France-Élaine Duranceau

M. Alexandre Leduc

Mme France-Élaine Duranceau

M. Alexandre Leduc

Mme France-Élaine Duranceau

Indépendance des juristes de l'État

M. Pascal Paradis

M. Simon Jolin-Barrette

M. Pascal Paradis

M. Simon Jolin-Barrette

M. Pascal Paradis

M. Simon Jolin-Barrette

Soutien aux intervenants en protection de la jeunesse

Mme Brigitte B. Garceau

M. Lionel Carmant

Motions sans préavis

Souligner la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle

Mise aux voix

Saluer le succès de la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin

Mise aux voix

Rendre hommage à M. Brian Mulroney, ex-premier ministre du Canada

M. François Legault

M. Marc Tanguay

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Pascal Paradis

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Affaires du jour

Projet de loi n° 51 — Loi modernisant l'industrie de la construction

Adoption du principe

M. Jean Boulet

Mme Madwa-Nika Cadet

M. Alexandre Leduc

Mme Virginie Dufour

M. Pascal Paradis

Mise aux voix

Renvoi à la Commission de l'économie et du travail

Mise aux voix

Débats de fin de séance

Abolition du crédit d'impôt favorisant le maintien en emploi des travailleurs d'expérience

Mme Madwa-Nika Cadet

M. Éric Caire

Mme Madwa-Nika Cadet (réplique)

Accès aux soins à domicile

Mme Christine Labrie

Mme Sonia Bélanger

Mme Christine Labrie (réplique)

Temps d'attente dans les services d'urgence

M. André Fortin

Mme Sonia Bélanger

M. André Fortin (réplique)

Projet de loi n° 42 —  Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la
violence à caractère sexuel en milieu de travail

Adoption

M. Jean Boulet

M. Alexandre Leduc

M. André Albert Morin

M. Pascal Paradis

Mme Elisabeth Prass

Mise aux voix

Projet de loi n° 46 —  Loi sur l'amélioration de la protection des enfants dans les services de garde
éducatifs

Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude
détaillée et de l'amendement de la députée de Westmount—Saint-Louis

Mme Jennifer Maccarone (suite)

Mise aux voix de l'amendement

Mise aux voix du rapport

Projet de loi n° 41 —         Loi édictant la Loi sur la performance environnementale des bâtiments et
modifiant diverses dispositions en matière de transition énergétique

Adoption

M. Claude Reid

Mme Virginie Dufour

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, bon jeudi matin, chers collègues. Je vous invite, s'il vous plaît, à bien vouloir vous asseoir.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Alors, nous en sommes à la rubrique Déclarations de députés. Et, comme première déclaration, aujourd'hui, je cède la parole à Mme la députée de Marie-Victorin.

Souligner la Journée de la santé mentale des ados

Mme Shirley Dorismond

Mme Dorismond : Merci, M. le Président. Je prends le moment pour souligner la première édition de la Journée de la santé mentale des ados, sous le thème Trouve ton équilibre!, initiative de la Fondation Jeunes en tête, et je souligne leur présence dans les tribunes.

Le but est de sensibiliser les jeunes sur l'importance de prendre soin de leur santé mentale via des équipes-écoles. Elles ont été sensibilisées, outillées à participer à cette journée par des activités en classe.

Selon une enquête menée par l'Université de Sherbrooke, 37 % des jeunes rapportent des symptômes modérés à sévères d'anxiété et de dépression. La prévention de la santé mentale positive est une clé déterminante pour pallier à la crise actuelle chez les jeunes. Elle devrait être une responsabilité partagée.

Bravo à la Fondation Jeunes en tête pour cette initiative! Bravo!

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Marie-Victorin. Et je souhaite la bienvenue, les gens de Jeunes en tête, à votre Assemblée nationale.

Maintenant, pour la prochaine déclaration, je reconnais Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

Souligner la Semaine d'actions contre le racisme et pour l'égalité des chances

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Je suis heureuse de souligner ce matin le début du 25e anniversaire de la Semaine d'actions contre le racisme et pour l'égalité des chances. Cette 25e édition est une belle occasion de célébrer le travail exceptionnel du comité organisateur et administratif, ainsi que de tous les partenaires qui se mobilisent année après année pour mettre en place une programmation riche en activités.

Créée en 1999, nous avons tous une responsabilité de continuer de lutter contre l'exclusion et de sensibiliser la population aux enjeux de la discrimination. Cette édition, sous le thème Regard historique sur le racisme au Québec : le rapprochement entre les Québécois de toutes origines et les nations autochtones, est une invitation au dialogue et au rapprochement interculturel. C'est aussi l'occasion d'effectuer un travail de mémoire pour se rappeler les luttes d'hier et d'aujourd'hui pour l'inclusion.

C'est un honneur pour moi de souligner ce 25e anniversaire. Bonne semaine à toutes et à tous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis. Et nous poursuivons maintenant avec la déclaration de Mme la députée de Soulanges.

Rendre hommage à M. Bernard Charlebois

Mme Marilyne Picard

Mme Picard : Merci, M. le Président. En février dernier, nous apprenions le décès de M. Bernard Charlebois. Je tiens aujourd'hui à rendre hommage à cet homme respectable qui a façonné par son dévouement l'histoire de la région de Vaudreuil-Soulanges et de sa ville natale, Saint-Lazare.

M. Charlebois a toujours été présent pour sa communauté, d'abord comme livreur de courrier, avec son père et leur mythique carriole, ensuite en politique municipale durant de nombreuses années, de secrétaire-trésorier à la mairie de Saint-Lazare. Son parcours en politique et sa vision lui permettent de devenir le premier préfet de la MRC de Vaudreuil-Soulanges, et ce, de 1982 à 1987. On lui doit, entre autres, la création du service des incendies de la ville et l'achat du premier camion de pompiers. Ce sont près de trois décennies de carrière politique municipale, pour ce grand homme, qui ont marqué la région.

M. Charlebois laisse dans le deuil ses filles Caroline et Ninon, que je salue, et j'offre mes plus sincères condoléances à elles ainsi qu'à leur famille. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Soulanges. Et je salue la famille de M. Charlebois dans nos tribunes. Bienvenue à l'Assemblée nationale.

Je reconnais maintenant, pour la prochaine déclaration, Mme la députée de Sherbrooke.

Dénoncer les lacunes dans les services de transport adapté

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Je veux offrir mon appui aux personnes qui se sont mobilisées lundi dernier à Laval, Longueuil, Saint-Jérôme, Sept-Îles, Magog, Saint-Hyacinthe, Saint-Jean-sur-Richelieu et Sherbrooke pour dénoncer les lacunes dans le transport adapté.

Depuis la déréglementation de l'industrie du taxi, en 2019, on a perdu, au Québec, plus de 50 % des chauffeurs de taxi qui effectuaient des déplacements en transport adapté. Il y a de moins en moins de voitures de taxi qui sont universellement accessibles. Le résultat, c'est que des personnes à mobilité réduite ont de plus en plus de difficultés à se déplacer. C'est encore pire en dehors des grands centres, où il n'y a pas de société de transport, parce que les taxis étaient la seule option.

Les usagers demandent au gouvernement de créer un programme pour recruter et former des chauffeurs. Ils veulent aussi qu'on offre une aide financière pour mettre en service des véhicules universellement accessibles et qu'on réinvestisse dans le transport adapté pour assurer un service équitable dans toutes les régions. J'espère qu'ils vont être entendus par le gouvernement, parce que, pour vivre et vieillir dans la dignité, il faut avoir la possibilité de se déplacer, même les soirs, même la fin de semaine, et ce n'est malheureusement pas le cas en ce moment partout au Québec, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Sherbrooke. Pour la prochaine déclaration, je reconnais Mme la députée de Huntingdon.

Féliciter les gagnants du concours Vocation en art!
de la circonscription de Huntingdon

Mme Carole Mallette

Mme Mallette : Merci, M. le Président. Aujourd'hui, je saisis l'opportunité, comme parlementaire, d'être un diffuseur de la création artistique de nos régions. Le concours Vocation en art!, organisé par les carrefours jeunesse-emploi, nous en donne l'occasion. Ce concours conscientise les participants à la réalité artistique tout en les aidant à professionnaliser leur art.

Dans ma circonscription, cinq prix ont été remis parmi les artistes participants. Mention spéciale du jury à Lucie Fugère, de Hemmingford, pour sa photographie Vibrante. Prix à Marie-Josée Lalonde, de Saint-Michel, pour sa peinture La dernière des fées, qui lui a aussi valu le prix Coup de coeur du public. Prix à Amély Royer-Larocque, d'Ormstown, pour son oeuvre Borderline. Prix à Sandra Morin-Carpentier, de Huntingdon, pour sa photographie Sous le soleil de l'innocence. Ces oeuvres sont maintenant exposées à l'Assemblée nationale, à mon bureau. Je vous invite toutes et tous à venir les admirer.

Bravo aux artistes! Je suis très fière de votre créativité. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Huntingdon. Pour la prochaine déclaration, je reconnais Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Souligner la Journée mondiale de la trisomie 21

Mme Elisabeth Prass

Mme Prass : Merci, M. le Président. Aujourd'hui, nous célébrons la Journée mondiale de la trisomie 21, qui nous offre l'opportunité de sensibiliser, de promouvoir l'inclusion et de défendre les droits de cette population. Nous devons continuer à oeuvrer ensemble pour éliminer les obstacles à l'éducation, à l'emploi, à l'accès aux soins de santé et à la pleine participation sociale, et de reconnaître la force et la valeur des personnes atteintes de la trisomie 21 ainsi que leurs familles.

Québec has always been at the forefront of inclusion and advocating for the rights of individuals with diversabilities. On World Down Syndrom Day, let us commit to intensify our efforts to create a world where every individial is respected, valued, and included.

Comme je l'ai fait, je vous invite tous et toutes à participer à la campagne Bas dépareillés, du Regroupement pour la trisomie 21, pour porter des chaussettes dépareillées pour accroître la sensibilisation et exprimer notre soutien. À l'occasion de la journée de la trisomie 21, je demande à tous les Québécoises et Québécois d'appeler à la fin des stéréotypes qui font en sorte que cette population soit sous-estimée, exclue, maltraitée ou discriminée. Joignons nos voix et nos gestes pour créer une voix unique, en montrant un monde où tout le monde est différent et a quelque chose d'unique à apporter. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de D'Arcy-McGee. Pour la prochaine déclaration, je cède la parole à M. le député de Vanier-Les Rivières.

Souligner le 55e anniversaire du club de l'âge
d'or Saint-André de Neufchâtel

M. Mario Asselin

M. Asselin : Je suis heureux, aujourd'hui, de souligner le 55e anniversaire du club d'âge d'or Saint-André de Neufchâtel, que vous connaissez bien, M. le Président. J'ai d'ailleurs eu le plaisir de passer du temps avec eux lors d'un souper, dernièrement, et je suis très fier.

Alors, fondé en 1969 par Mmes Eva Boutet et Marguerite Paquet, le club a su perdurer à travers le temps en permettant à ses membres de se réunir, d'échanger et de s'amuser. Ce type d'organisation est fort utile afin de briser l'isolement de nos personnes aînées. Nous avons la chance, dans Vanier-Les Rivières, d'avoir plusieurs de ces précieux organismes qui regroupent des aînés et que nous aimons énormément. Je tiens à souligner l'engagement de la présidente actuelle, Mme Lucille Bélanger, qui est à la tête du club depuis 2002.

Alors, bon 55e anniversaire au club de l'âge d'or de Saint-André, de Neufchâtel.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Vanier-Les Rivières. Et nous poursuivons notre rubrique avec la déclaration de M. le député de Matane-Matapédia.

Rendre hommage à M. Lucien Lessard

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : M. le Président, aujourd'hui, je souhaite rendre hommage à M. Lucien Lessard, ancien député de Saguenay et ancien ministre du gouvernement de René Lévesque, qui nous a quittés le 28 février dernier à l'âge de 86 ans.

M. Lessard était un des indépendantistes de la première heure. Originaire de Grandes-Bergeronnes, il fut un grand promoteur et défenseur des intérêts nord-côtiers. Il a eu d'abord une carrière d'enseignant. Il fut l'un des premiers députés du Parti québécois dès 1970, réélu en 1973, 1976 et 1981. Nommé ministre en 1976, il occupa différents ministères, dont celui des Transports. C'est d'ailleurs à ce titre qu'il fit ajouter la devise du Québec sur les plaques d'immatriculation des véhicules, le Je me souviens. M. Lessard portait les intérêts de la Côte-Nord avec grande conviction et veillait à ce que sa région soit plus prospère et plus connectée avec le reste du Québec. En ce sens, il fut l'un des premiers élus à promouvoir le dossier du pont sur la rivière Saguenay et à souligner toute son importance pour le développement de sa région.

En terminant, je tiens à offrir mes plus sincères condoléances aux membres de sa famille, et à tous ses proches, et aux Nord-Côtiers, qui regrettent un député exceptionnel. Merci, M. le Président.

• (9 h 50) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Matane-Matapédia. Et nous poursuivons maintenant avec la déclaration de Mme la députée de Duplessis.

Rendre hommage à M. Jean-David Bouchard

Mme Kateri Champagne Jourdain

Mme Champagne Jourdain : «Kuei, Kuei», M. le Président. Je suis très fière, aujourd'hui, de souligner la réussite d'un jeune athlète de ma circonscription, le judoka Jean-David Bouchard. Ce Fermontois de 16 ans a marqué l'histoire en récoltant la première médaille d'or du club de judo de Fermont lors des Championnats nationaux élite qui se tenaient les 13 et 14 janvier dernier à l'Université d'Alberta. Grâce à ce couronnement, il devient champion canadien de sa catégorie chez les 90 kilos et plus. C'est remarquable. Jean-David fera partie de la délégation canadienne qui se rendra aux championnats de judo panaméricains-océaniens au Brésil en avril prochain. Il est actuellement en Allemagne afin de participer à un camp d'entraînement et à une compétition.

Au nom des Nord-Côtiers et en mon nom personnel, je souhaite le meilleur des succès pour la poursuite de ton rêve, Jean-David. Merci de faire rayonner à ta façon notre belle et grande région et surtout merci de prouver par tes réalisations que, malgré la distance, les Nord-Côtiers ont également accès aux plus hautes marches du podium.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : «Tshinashkumitin.» Merci beaucoup, Mme la députée de Duplessis. Et, pour la prochaine déclaration, je cède la parole à M. le député de Beauce-Nord.

Rendre hommage à M. Eliot Grondin

M. Luc Provençal

M. Provençal : Merci, M. le Président. Le week-end dernier, en Autriche, dans le cadre de l'avant-dernière compétition internationale du circuit cette année, le Mariverain Eliot Grondin a remporté le précieux trophée Globe de cristal en «snowboard cross» attribué au champion de la présente saison. Lors de cet événement, il a malheureusement été victime d'une chute en demi-finale et d'une légère blessure. Eliot n'avait, jusqu'à ce moment, jamais manqué le podium cette année, en huit occasions, en remportant notamment cinq épreuves. Mais n'ayez crainte, M. le Président, sa présence est confirmée cette fin de semaine au Mont-Sainte-Anne pour un dernier tour de piste en 2024.

Alors, j'invite les citoyens de Beauce-Nord, de Chaudière-Appalaches, de la Capitale-Nationale à être présents pour l'encourager et le féliciter pour cette magnifique saison.

Bravo, Eliot! Tu es une véritable inspiration pour nos jeunes planchistes locaux et des quatre coins du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Beauce-Nord. Et, pour la prochaine déclaration, je cède la parole à M. le député de Granby.

Souligner le 40e anniversaire du Centre de prévention du
suicide Haute-Yamaska et Brome-Missisquoi

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. En février dernier, le Centre de prévention du suicide Haute-Yamaska et Brome-Missisquoi a souligné ses 40 ans d'existence dans la région. Ils en ont d'ailleurs profité pour dévoiler un nouveau logo et un nouveau nom plus représentatif du territoire qu'ils desservent.

En 1984, le centre avait vu le jour grâce à un groupe de personnes dévouées qui désiraient agir face au taux de suicide inquiétant sur notre territoire. Depuis ce temps, l'organisme travaille à prévenir le suicide en intervenant auprès des personnes suicidaires, de leur entourage et des personnes endeuillées par suicide, tout en offrant différents types d'activités dans la région. Pour y arriver, ils se sont donné notamment comme objectif important de réduire la prévalence des comportements suicidaires en intervenant directement auprès des individus, de leur entourage, d'améliorer l'implication de la communauté à tous les niveaux d'action par la sensibilisation, l'information et l'éducation ou encore en augmentant la concertation et la mise en commun des efforts de prévention dans nos deux MRC.

Je tiens à remercier Anne Jutras, directrice générale de l'organisme, et son équipe pour tout le travail que vous faites. Votre travail est essentiel pour donner de la lumière à des personnes qui en ont besoin. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Granby. Et nous concluons cette rubrique avec la déclaration de M. le député de Chambly.

Souligner la Journée québécoise de la francophonie canadienne

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : M. le Président, l'an dernier, le gouvernement du Québec a statué que le 22 mars sera dorénavant la Journée québécoise de la francophonie canadienne pour mettre en lumière l'importance et le rayonnement de la langue française, tant au Québec que chez nos amis partout à travers le Canada.

Cet événement permet de souligner la vigueur et la diversité des communautés francophones et leur attachement à l'égard de notre belle langue.

Le Québec est le seul État francophone en Amérique du Nord. Nous avons donc une responsabilité particulière à l'égard des francophones qui vivent partout au Canada.

Je salue tous les organismes francophones et la Fédération des communautés francophones et acadienne, dont certains sont présents ce matin dans nos tribunes. Continuons à tisser des liens et à miser sur ce qui nous unit : notre histoire, notre racine et notre désir de vivre et de faire vivre en français. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Chambly. Évidemment, je souhaite la bienvenue à tous vos invités dans nos tribunes. Bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec.

Cela met fin à la rubrique Déclarations de députés. Et je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 55)

(Reprise à 10 h 04)

La Présidente : Bonjour, tout le monde. Messieurs dames les députés, nous allons nous recueillir quelques instants, puisque c'est avec tristesse que nous avons appris le décès de M. Yves Michaud, député de Gouin de 1966 à 1970. Nous allons nous recueillir quelques instants en ayant une pensée toute particulière pour sa famille, ses proches et ses amis.

Je vous remercie beaucoup. Veuillez vous asseoir.

Nous poursuivons les affaires courantes.

Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi

À la rubrique Présentation de projets de loi, M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

M. Leduc : Pourriez-vous appeler l'article b, s'il vous plaît, Mme la Présidente?

Projet de loi n° 591

La Présidente : À l'article b du feuilleton, Mme la députée de Sherbrooke présente le projet de loi n° 591, Loi visant principalement à renforcer le contrôle de l'action gouvernementale par un député en lui reconnaissant un droit de visite des institutions administratives. Mme la députée.

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Alors, le projet de loi n° 591, Loi visant principalement à renforcer le contrôle de l'action gouvernementale par un député en lui reconnaissant un droit de visite des institutions administratives.

Ce projet de loi consacre le droit de chaque député de visiter l'institution administrative de son choix afin de renforcer le contrôle parlementaire de l'action gouvernementale. Il garantit, en outre, au député le droit de s'entretenir confidentiellement avec toute personne et d'être accompagné, lors de sa visite, d'un membre de son personnel, d'un expert ainsi que d'un journaliste.

Le projet de loi oblige l'institution administrative dont la visite est requise par le député à faire en sorte que ce dernier puisse exercer son droit dans les meilleures conditions. Il prévoit également que l'institution administrative ne peut refuser la visite ou imposer des restrictions à celle-ci que pour des motifs sérieux relatifs à la sécurité.

De même, le projet de loi détermine les conditions d'exercice relatives à la fréquence des visites, à la procédure préalable, aux modalités d'accueil de la délégation et au déroulement de la visite.

Finalement, le projet de loi instaure certains recours, un cadre relatif à l'accompagnement par un journaliste, au traitement des renseignements obtenus ainsi qu'aux entretiens, en plus de prévoir des dispositions diverses et finales. Merci.

La Présidente : Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? M. le leader du deuxième groupe d'opposition, je vous écoute.

M. Leduc : ...mon collègue d'en face. Ayant moi-même tenté, dans le passé, d'aller visiter la prison Leclerc, où il y avait des allégations d'inconduite, là, assez graves, ayant été refusé, donc, l'accès, je me demande si le leader serait intéressé à appeler le principe de mon estimée collègue.

La Présidente : M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, comme tous les projets de loi, on les étudie au mérite, et, ceux qui méritent d'être appelés, on les appelle.

Mise aux voix

La Présidente : Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté? Adopté.

Dépôt de documents

À la rubrique Dépôt de documents, Mme la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor.

Mme LeBel : Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi de déposer le plan stratégique 2023‑2027 du Centre d'acquisitions gouvernementales. Merci.

La Présidente : Ce document est déposé. M. le ministre de la Justice.

M. Jolin-Barrette : Oui, bonjour, Mme la Présidente. Permettez-moi de déposer la réponse du gouvernement au rapport du Comité de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales pour la période 2023‑2027. Merci.

La Présidente : Ce document est déposé. M. le ministre délégué à l'Économie.

M. Skeete : Bonjour, Mme la Présidente. Permettez-moi de déposer le Plan d'action gouvernemental en économie sociale 2020‑2025. Merci beaucoup.

La Présidente : Ce document est déposé. M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Rebonjour, Mme la Présidente. Je dépose les réponses du gouvernement aux pétitions déposées en Chambre le 14 février 2024 par la députée de La Pinière et le 15 février 2024 par la députée de Mercier. Merci.

La Présidente : Ces documents sont déposés.

Dépôt de rapports de commissions

À la rubrique Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la Commission de l'aménagement du territoire et député de Drummond—Bois-Francs.

Consultations particulières sur le projet de loi n° 50

M. Schneeberger : Merci, Mme la Présidente. Alors, je dépose le rapport de la Commission de l'aménagement du territoire qui, les 19 et 20 mars 2024, a tenu des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 50, Loi édictant la Loi sur la sécurité civile visant à favoriser la résilience aux sinistres et modifiant diverses dispositions relatives notamment aux centres de communications d'urgence et à la protection contre les incendies de forêt.

La Présidente : Ce rapport est déposé. Mme la vice-présidente de la Commission des institutions et députée de Robert-Baldwin.

Étude détaillée du projet de loi n° 54

Mme Garceau : Merci, Mme la Présidente. Je dépose le rapport de la Commission des institutions qui, les 19 et 20 mars 2024, a procédé à l'étude détaillée du projet de loi n° 54, Loi donnant suite à la Table Justice-Québec en vue de réduire les délais en matière criminelle et pénale et visant à rendre l'administration de la justice plus performante. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements. Merci beaucoup.

• (10 h 10) •

La Présidente : Ce rapport est déposé.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant rendus à la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole, en question principale, au chef de l'opposition officielle.

Plan de retour à l'équilibre budgétaire

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. La semaine dernière, c'est un déficit record dans le budget de la Coalition avenir Québec : 11 milliards de dollars. Et ça, ça faisait suite à une erreur, après seulement deux mois, du 7 novembre à janvier dernier, une erreur de 8 milliards de dollars, qui explique, donc, ce déficit record de 11 milliards de dollars.

Le premier ministre, lui, il n'a pas d'inquiétude, c'est raisonnable. Il a commencé à couper, mais il n'a pas de plan. Alors, pour l'intéresser à la question d'avoir un plan de retour à l'équilibre budgétaire, je vais essayer de lui parler de l'Ontario, ça va peut-être l'intéresser. En 2019, une première au Québec, le ratio dette-PIB faisait en sorte que le Québec était meilleur que l'Ontario. Ça, c'était le résultat des bons gouvernements libéraux. Mais, avec le budget de la semaine dernière, le budget de la semaine dernière, Mme la Présidente, on a pu voir que le Québec est devenu... est redevenu en arrière de l'Ontario. Francis Vailles a dit, le 16 mars dernier, et je le cite : «...2024 restera dans l'histoire comme l'année où le Québec est redevenu plus endetté que son voisin.»

Ça prend un plan de retour à l'équilibre budgétaire. Le premier ministre doit être franc avec les Québécoises et Québécois. Quand il dit : On va poser les gestes nécessaires, il parle de coupures. Il doit aussi rassurer les agences de cotation, de crédit, qui ont dit que les perspectives étaient clairement détériorées.

Quand va-t-il rencontrer les agences de crédit? Et va-t-il confirmer qu'il sera présent, lui?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Mme la Présidente, d'abord, je pense que le chef de l'opposition officielle le sait, le gouvernement de l'Ontario n'a pas encore déposé son budget 2024‑2025. Ça devrait être, je pense, la semaine prochaine ou dans deux semaines. Donc, avant de comparer 2024‑2025, il faudrait d'abord avoir les chiffres de l'Ontario pour 2024‑2025.

Maintenant, Mme la Présidente, j'invite le chef de l'opposition officielle à aller dans le plan budgétaire, à la page G.19. À cette page, on explique en détail les révisions depuis la mise à jour de l'automne 2023. Donc, on a ligne par ligne les différences qu'il y avait entre l'automne 2023 puis le budget qui a été déposé la semaine dernière. Or, Mme la Présidente, contrairement à ce que le chef de l'opposition officielle a dit, puis c'est un peu gênant, il n'y a à peu près aucune différence dans les revenus. Donc, quand il dit : On s'est trompé dans les prévisions économiques sur les revenus, j'essaie d'être parlementaire, là, mais c'est totalement incorrect. Je ne sais pas si, peut-être, son porte-parole en finances peut l'aider. Sinon, il pourrait peut-être consulter Carlos Leitão, qui a déjà dit, d'ailleurs, aussi qu'il y avait eu trop de coupures en santé puis en éducation. Mais, quand on regarde les explications, on voit qu'essentiellement tous les ajustements concernent les dépenses en santé puis en éducation.

La Présidente : En terminant.

M. Legault : Donc, contrairement aux libéraux, on investit.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Il parle de Carlos Leitão. Je rappellerai que son ministre des Finances a dit : J'aurais pu me présenter libéral, ils ont fait des bonnes choses, eux autres, avant l'élection. Alors, pour mémoire, voici.

Moi, là, s'il y a de quoi de gênant, c'est quand vous dites, en dedans de deux mois, que vous vous êtes trompés de 8 milliards. Ça, c'est gênant. Il est où, le chef de la CAQ qui, le 1er novembre 2012, disait à Pauline Marois : «Je me mets à la place des agences, [...]ils doivent avoir hâte d'avoir une visite de la première ministre, puis pas pour aller faire du shopping, [...]pour vraiment discuter des finances[...]. [...]je pense qu'il est temps [...] qu'on commence à nous dire [où ils vont trouver l'argent] pour [...] le trou de 1,6 milliard.»

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bien, le chef de l'opposition officielle veut continuer sur Carlos Leitão, je lui rappelle que Carlos Leitão a dit que son gouvernement, surtout à cause du président du Conseil du trésor, avait beaucoup trop coupé en éducation et en santé.

Maintenant, Mme la Présidente, pour ce qui est des agences de notation, depuis le dépôt du budget, la semaine dernière, en quatre jours, on a fait des émissions d'obligations du Québec pour 5 milliards de dollars, incluant une émission en Europe. Les gens n'investissent pas pour nos beaux yeux, ils investissent parce qu'ils ont confiance dans l'avenir du Québec.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Mme la Présidente, il est où, le chef de la CAQ qui, le 26 novembre 2013, disait au PQ, je le cite : «...en deux mois, on est passés d'un engagement ferme à un trou de 2,5 milliards et des déficits jusqu'en [2018].

«[...]Est-ce que le gouvernement n'est pas un peu gêné de l'héritage qu'on est en train de laisser à nos enfants?»

La CAQ, Mme la Présidente, ce n'est pas 2,5 milliards, report à deux ans, c'est 11 milliards, report à on ne sait pas quand, au-delà de cinq ans. Est-ce que le gouvernement n'est pas gêné de l'héritage qu'il laisse à nos enfants?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, je le répète, quand on compare les prévisions puis le budget ou la mise à jour de l'automne 2023 avec le budget qui a été déposé la semaine dernière, essentiellement, la différence vient d'investissements en éducation et en santé. On avait du rattrapage à faire. Le gouvernement libéral a fait des coupures de services en éducation, en santé, Carlos Leitão l'a dit et Gaétan Barrette l'a dit. Ce qu'aujourd'hui le chef de l'opposition officielle nous dit, c'est que, s'ils étaient à notre place, ils recommenceraient à faire des coupures.

La Présidente : Troisième complémentaire.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Bien, Mme la Présidente, le premier ministre a déjà, lui, commencé à faire des coupures. Il dit : On va poser des gestes. Ça, c'est synonyme de coupures. Il y a 11 milliards, c'est son fiasco financier à lui. 11 milliards, c'est historique, c'est le champion, Mme la Présidente. Certains diraient même : C'est le «king».

Il est où, le chef de la CAQ qui, le 26 novembre 2013, disait au PQ : «...c'est facile, quand on va acheter quelque chose, de payer avec la carte de crédit des autres, mais ça devient indécent quand c'est la carte de crédit de nos enfants»? À quand le plan, Mme la Présidente?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bien, Mme la Présidente, il y a déjà une partie du plan qui est dans le budget. Et, entre autres, ce qu'on a fait, c'est qu'on a aboli des crédits d'impôt aux entreprises. On le fait graduellement sur trois ans. Pourquoi? Parce qu'il y a des crédits d'impôt qui ont été mis en place quand il y avait du chômage. Aujourd'hui, on est au plein emploi. Ce n'est pas normal d'avoir des crédits d'impôt sur la création d'emplois. Donc, je l'invite à lire comme il faut le budget.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de l'Acadie.

Indépendance des juristes de l'État

M. André Albert Morin

M. Morin : Mme la Présidente, Radio-Canada nous apprenait ce matin que les juristes de l'État sont victimes de pressions ou d'interventions politiques de la part de certains ministres du gouvernement afin de faire changer leur opinion juridique quand cette dernière ne va pas dans le sens ou la volonté du gouvernement. Je salue le courage des juristes de la fonction publique qui dénoncent cette situation-là.

Il faut rappeler que les juristes sont déployés dans les ministères et organismes de l'État sous la direction du ministre de la Justice, et leur rôle, à ces juristes, c'est de s'assurer que les actions gouvernementales respectent la loi. Ce n'est pas banal, comme mandat, s'assurer que les actions du gouvernement vont respecter la loi. Il est donc fondamental de respecter leur indépendance.

Mme la Présidente, compte tenu de la gravité de ces allégations, est-ce que le premier ministre s'engage à faire toute la lumière sur cette question afin de rassurer la population?

La Présidente : La réponse du ministre de la Justice.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, je remercie le collègue pour sa question. Les juristes de l'État sont une partie importante des rouages de l'État, Mme la Présidente. Ce sont des juristes qui ont choisi le service public. Ce sont des juristes qui conseillent à tous les jours le gouvernement du Québec, qui conseillent l'État québécois. Ils sont légistes, ils sont des plaideurs, ils sont des conseillers juridiques, ils font des avis juridiques, ils plaident devant les tribunaux, ils défendent l'intérêt public, et ce sont également eux qui rédigent les lois et les règlements, Mme la Présidente.

Ils font leur travail en toute indépendance, Mme la Présidente, et nous respectons le travail des juristes de l'État. Et je peux m'en assurer, Mme la Présidente. J'ai demandé qu'on fasse certaines vérifications. Les juristes de l'État peuvent faire leur travail en toute indépendance, Mme la Présidente.

Mais il y a un élément fondamental. Du côté du gouvernement, nous respectons les juristes de l'État, ce qui n'est pas le cas du Parti libéral du Québec, qui les a laissés en grève pendant cinq mois, Mme la Présidente.

Vous les avez laissés pendant 19 semaines, ces juristes de l'État là, en méprisant leurs compétences, en méprisant leurs avis, en faisant en sorte, Mme la Présidente...

La Présidente : Oui. Oui.

Des voix : ...

La Présidente : Pardon, je vous entends. Nous allons revenir à de bons sentiments. M. le ministre de la Justice, je vous demanderais de retirer... On parle ici de termes qui sont dans le lexique, vous le savez. Et poursuivez. Vous aurez 10 secondes.

M. Jolin-Barrette : Je le retire, Mme la Présidente. La position du Parti libéral, à l'époque où il était le gouvernement, c'était un manque flagrant de respect envers les juristes de l'État...

La Présidente : En terminant.

• (10 h 20) •

M. Jolin-Barrette : ...en les laissant durant des semaines, l'hiver, dehors, à ne pas donner des conseils adéquats...

La Présidente : Première complémentaire.

M. André Albert Morin

M. Morin : Alors, j'ai écouté le réquisitoire du ministre de la Justice contre le gouvernement libéral de l'époque, mais la question, ce matin, Mme la Présidente, ce n'est pas ça. On apprend par la voix des médias que les juristes de l'État dénoncent la situation. Moi, là, j'aimerais ça que le gouvernement soit capable de rassurer la population, c'est ça qui est important, parce qu'ils sont garants de donner des avis juridiques au gouvernement.

Alors, est-ce que, oui ou non, le ministre est au courant? Est-ce qu'il va faire quelque chose pour remédier à la situation rapidement?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, ce serait intéressant que le député de l'Acadie écoute ma première réponse. Je lui ai déjà dit que j'avais demandé au ministère de la Justice de faire certaines vérifications à cet effet-là, par rapport à ces allégations-là, suite au communiqué, non identifié, de l'association des notaires et des avocats de l'État québécois.

Il y a une chose fondamentale que, je le dis, en tant que jurisconsulte du gouvernement, les avis juridiques que nous rendons sont en toute indépendance, et les juristes le font à l'abri de toute influence, Mme la Présidente, et nous valorisons leur travail. C'est fondamental dans tous les gestes qu'un gouvernement pose, Mme la Présidente, c'est notamment basé sur le travail de qualité, de compétence...

La Présidente : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...et d'exercice de la profession d'avocat ou de notaire des juristes de l'État québécois, et je suis fier d'eux.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. André Albert Morin

M. Morin : Alors, j'ai bien compris, Mme la Présidente, la réponse du ministre. Il nous dit qu'il va faire des vérifications. Soit. J'espère que ces vérifications-là seront faites très rapidement, mais j'espère surtout que, pour rassurer la population, le ministre va être capable de déposer en cette Chambre ce qu'il a obtenu, parce qu'ici on parle de transparence, on parle de légalité, on parle d'évidemment rassurer la population. Donc, j'espère qu'il va s'engager pour nous déposer, pour nous démontrer, pour nous divulguer ce qu'il a fait, s'il a trouvé quelque chose, oui ou non.

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, le travail d'un juriste de l'État est extrêmement important, et je le valorise au plus haut point. Moi-même, Mme la Présidente, dans ma vie professionnelle antérieure, j'ai exercé l'équivalent de ces fonctions-là pour la ville de Montréal, Mme la Présidente. Alors, comprenez-vous à quel point je valorise leur opinion, leur indépendance et la qualité de leur travail?

On est chanceux de pouvoir compter sur des juristes de l'État dévoués, Mme la Présidente, qui travaillent le jour, les soirs, les fins de semaine, parfois en urgence, pour faire en sorte de pouvoir servir la population québécoise. C'est un beau métier. C'est un beau travail. Ce sont des gens qui ont choisi de servir le peuple québécois.

La Présidente : En terminant.

M. Jolin-Barrette : Et je peux vous assurer qu'on a le plus grand respect pour eux, contrairement au Parti libéral, où ils les laissent dans la rue pendant cinq mois l'hiver, Mme la Présidente.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de Pontiac. La parole est à vous, juste à vous. On l'écoute.

Temps d'attente dans les services d'urgence

M. André Fortin

M. Fortin : Je rappellerais au gouvernement qu'il a laissé les enseignants en grève pendant plusieurs semaines au froid aussi, au cours des dernières semaines.

Mme la Présidente, Mme la Présidente, pas plus tard qu'hier, le premier ministre a affirmé ici, en Chambre, qu'on était sur la bonne voie en santé. Le ministre de la Santé a dit qu'il était exactement où il veut être deux ans après le dépôt de son plan santé. Mais pourtant, Mme la Présidente, les histoires d'horreur dans le réseau continuent.

Aujourd'hui, on apprend qu'à Joliette une dame de 73 ans est décédée dans les toilettes de l'urgence de Joliette après avoir attendu 17 heures sans voir un seul médecin. C'est triste à dire, Mme la Présidente, les seuls médecins qui l'ont vue, ce sont les médecins qui ont tenté de la réanimer. Ces cas s'ajoutent à ceux des trois patients à Châteauguay qui sont décédés aux urgences en attendant de voir quelqu'un, à celui de l'homme à l'Hôpital de LaSalle qui a attendu pendant 45 minutes pour qu'on réponde au moniteur cardiaque, aux décès évitables au Lakeshore.

À la lueur de des situations comme celles-là, là, comment le ministre de la Santé peut nous dire qu'il est exactement où il veut être deux ans après le dépôt de son plan?

La Présidente : La réponse du ministre de la Santé.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, Mme la Présidente, premièrement, pour le cas de Joliette, là, qu'on a vu avec le coroner, j'ai pris rapidement connaissance, là, du rapport. Pour bien comprendre un des enjeux, puis, l'enjeu, je pense que les gens vont le comprendre, c'est un enjeu de triage et de prise en charge. Lorsqu'on a... l'infirmière ou le personnel qui fait l'évaluation d'un cas va donner un niveau de priorité, à savoir est-ce que c'est une priorité très importante, ce qu'on va appeler 0, donc urgente, versus une priorité 5, qui est moins urgente. Et, dans ce cas-là, il semblerait, selon les premières données que nous avons, qu'il y a eu une erreur de diagnostic au niveau de la priorité. C'est très malheureux, j'en profite pour offrir toutes mes sympathies à la famille, parce que ce genre d'erreur là arrive. Il ne faut pas généraliser le cas. On a eu des améliorations importantes qui ont été faites à Joliette. D'ailleurs, le coroner le reconnaît, parce que c'est un cas qui est arrivé en août dernier, je crois, et, depuis ce temps-là, les recommandations, l'essentiel des recommandations du coroner ont été mises en place. Ça, c'est pour le cas de Joliette, Mme la Présidente.

Maintenant, pour ce qui est...

La Présidente : En terminant.

M. Dubé : Ah! je reviendrai, Mme la Présidente.

La Présidente : Première complémentaire.

M. André Fortin

M. Fortin : Mme la Présidente, je pense que c'est important de dire aux familles qu'on pense à eux, aujourd'hui, non seulement pour Mme Boisclair, mais pour l'ensemble des familles qui ont vécu des situations comme celle-là.

Mais la réalité, là, c'est qu'il n'y a rien qui s'améliore aux urgences. Et ça, ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'Institut économique de Montréal qui, cette semaine, a dit qu'il n'y avait absolument aucune amélioration dans les temps d'attente aux urgences au Québec. Puis, dans certaines régions, notamment chez nous, en Outaouais, le temps d'attente explose.

Le ministre présente plan par-dessus plan, par-dessus plan, mais il essuie échec par-dessus échec, par-dessus échec. Pourquoi il est incapable d'améliorer la situation aux urgences?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Christian Dubé

M. Dubé : C'est intéressant, parce que j'ai répété plusieurs fois cette semaine... Puis je pense qu'il y a de plus en plus d'intérêt pour les tableaux de bord, c'est quand même intéressant. Mais qu'est-ce qu'il y a derrière les tableaux de bord, c'est la gestion du changement. Pourquoi c'est important de savoir où on s'en va? Je vais vous donner trois statistiques pour les urgences, pour vous montrer qu'on s'améliore. Il y a eu augmentation du nombre de personnes qui passent aux urgences. Il y a eu augmentation du nombre de personnes âgées qui passent aux urgences, donc plus de personnes plus âgées avec des maladies chroniques. Pendant ce temps là, les taux aux urgences baissent. J'ai fait le point avec les P.D.G. et je leur ai dit : Bravo! On s'en va dans la bonne direction.

La Présidente : En terminant.

M. Dubé : Est-ce que les taux sont encore élevés? Non, mais on travaille avec les conditions qu'on a.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. André Fortin

M. Fortin : Tableaux de bord ou pas, Mme la Présidente, la réalité, c'est qu'on continue de placer des patients à risque. Ce matin, à 6 heures du matin, là, à Châteauguay, le taux d'occupation moyen, c'était de 181 %, puis les patients attendaient 10 h 15 min à l'urgence. 10 h 15 min, c'est sept fois et demie la promesse de la CAQ de 90 minutes, puis 181 %, c'est bien au-delà du seuil de 150 % où on place des patients à risque.

Dans un hôpital où trois personnes sont décédées, même dans les hôpitaux où il sait qu'il y a des problèmes, il est incapable de les régler. Pourquoi?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Encore une fois, je suis certain que tout le monde est très excité de discuter des tableaux de bord, mais je vais vous donner une statistique. Lorsqu'on regarde les temps d'attente, par exemple au niveau des prises en charge, il faut regarder le niveau de priorité. Et j'invite le député de Pontiac à aller voir dans les tableaux de bord où sont nos...

Des voix : ...

M. Dubé : Mme la Présidente, je l'invite à aller voir dans le tableau de bord, les P0 et P1 continuent de s'améliorer. On parle de minutes, on ne parle pas d'heures. Alors, il faut tenir compte du niveau de priorité avec l'augmentation des volumes et avec l'augmentation de difficulté des cas que l'on vit avec le vieillissement de la population.

La Présidente : En terminant.

M. Dubé : Nos gens dans les urgences font un très bon travail, très bon travail.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le chef du deuxième groupe d'opposition.

Examen de l'impact environnemental du projet Northvolt

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Demain, c'est la dernière journée pour déclencher un BAPE sur le projet Northvolt. Et, depuis le début de cette saga, le principal boulet du projet, ce n'est pas les méchants journalistes, ce n'est pas les méchantes oppositions ni les écologistes ou les gens qui posent des questions, le principal boulet du projet, c'est le premier ministre lui-même et son talent impressionnant pour se tirer dans le pied.

Je cite le ministre de l'Économie le mois dernier : «On nous accuse d'avoir changé les règles pour que Northvolt puisse éviter un BAPE, ce qui est faux.» Fin de la citation. Mais la vérité a ses droits et la vérité est sortie de la bouche du ministre de l'Environnement, qui a enfin admis récemment ce que Québec solidaire avait découvert en février 2023. Pour avoir le projet Northvolt, il fallait à tout prix éviter un BAPE. Il fallait donc changer les règles.

On met 7 milliards de fonds publics là-dedans, 7 milliards. Ça, ce n'est pas l'argent du premier ministre, c'est l'argent des Québécois, des Québécoises, c'est de l'argent public.

Est-ce que le premier ministre, ce matin, peut reconnaître qu'il a changé les règles pour éviter que les Québécois et les Québécoises puissent se prononcer sur le plus grand projet industriel...

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, d'abord, première chose qu'il faut... sur laquelle il faut tous s'entendre, on a, au Québec, pour l'environnement, pour l'analyse de projets comme Northvolt, les normes les plus strictes des 60 États et provinces en Amérique du Nord. Ceux qui sont les plus proches de nous, c'est la Colombie-Britannique, mais ils sont à peu près à 40 %, 50 %, si on regarde le nombre de tonnes avant d'étudier un dossier, moins stricts que nous.

Maintenant, Mme la Présidente, ce que le ministre de l'Économie et puis le ministre de l'Environnement ont dit... On a déjà les normes les plus strictes. Si on les avait augmentées encore plus, oui, il y aurait eu un risque que le projet soit fait dans une autre province, dans un autre État, aux États-Unis, parce que Northvolt a regardé toutes ses options.

• (10 h 30) •

Maintenant, Mme la Présidente, c'est une de mes plus grandes fiertés. La filière batterie, avec GM, avec Ford, avec Northvolt, va nous permettre de produire 1 million de batteries pour les véhicules électriques à chaque année. J'entendais Québec solidaire dire cette semaine : Oui, mais les batteries ne vont pas juste servir au Québec, ça ne va pas réduire les GES seulement au Québec. Mme la Présidente, le chef de Québec solidaire doit comprendre, il n'y a pas un mur autour du Québec. Les GES, c'est un défi planétaire, puis on va faire notre contribution, puis j'en suis très fier.

La Présidente : Première complémentaire.

Des voix : ...

La Présidente : Pas de commentaire après les réponses. M. le chef.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Mme la Présidente, dans ce dossier-là, là, les Québécois, les Québécoises, ils ont l'impression qu'on les prend pour des valises. On va faire ça simple, là. Avant le changement de règles, là, une usine qui produisait 50 000 tonnes avait automatiquement un BAPE. Northvolt arrive dans le portrait, ça devient 60 000 tonnes, puis Northvolt, ils sont à 56 000 tonnes. Donc, si ce n'est pas changer les règles sur mesure, ça, c'est quoi?

Est-ce que le premier ministre reconnaît que Northvolt a eu un traitement de faveur?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Mme la Présidente, ce qu'il est important de dire, c'est que, pour l'économie verte, il n'y avait pas de règle. Quand le chef de Québec solidaire parle de 60 000 tonnes, l'État où on est le plus proche du Québec, c'est la Colombie-Britannique, où c'est 100 000 tonnes. La France est à 70 000 tonnes. Donc, à 60 000 tonnes, on est l'État en Amérique du Nord qui est le plus strict.

Ce que veut Québec solidaire, c'est qu'il n'y en ait pas, de projet, au Québec, qu'on n'en fasse pas, de batteries pour les véhicules électriques...

La Présidente : En terminant.

M. Legault : ...qu'on en jase, mais qu'on n'agisse pas. Nous, on agit.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Le premier ministre fait avec Québec solidaire et les batteries exactement ce qu'il a fait avec les baisses d'impôt et le Parti québécois la semaine passée, il déforme nos positions de manière grotesque parce qu'il n'est pas capable de répondre à une question très simple.

Demain, c'est la dernière journée pour déclencher un BAPE sur Northvolt. Est-ce qu'il est au moins capable de reconnaître qu'ils ont changé les règles pour éviter que cette multinationale soit soumise au BAPE?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bien, Mme la Présidente, là, le chef de Québec solidaire court un petit peu après, mais on a tous vu, en campagne électorale, que Québec solidaire promettait des taxes orange, était contre les baisses d'impôt. Là, aujourd'hui, il nous dit : J'étais contre les baisses d'impôt, j'étais pour des taxes orange, mais là je ne vous dirai pas ce que je ferais si j'étais à la place du gouvernement.

Ce qu'on sait, là, c'est que Québec solidaire n'a aucun respect pour les contribuables québécois, n'a aucun respect pour la classe moyenne, ils veulent juste prendre plus d'argent dans leur portefeuille.

La Présidente : En terminant.

M. Legault : Nous, ce qu'on fait, avec des projets comme Northvolt, c'est de créer des emplois bien payés...

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de — s'il vous plaît! — Saint-Henri—Sainte-Anne. La parole est à vous. On vous écoute.

Conditions de vie dans les centres jeunesse

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Cliche-Rivard : Merci, Mme la Présidente. Je cite : «Du haut de mes 17 ans, je peux vous dire que ce qu'on vit ici n'est pas normal. Pour pas grand-chose, on m'envoie en isolement, seul, souvent pour trois, quatre heures, sans me dire quand je vais sortir. La pièce est froide, aucune fenêtre, pas de matelas, pas de chaise, juste une dalle de béton et une lourde porte barrée. Je ne peux pas boire, je ne peux pas manger, impossible d'aller aux toilettes. C'est comme ça plusieurs fois par semaine. J'ai vraiment hâte de partir d'ici.»

C'est ce qu'un jeune en centre jeunesse m'a dit dans ma tournée d'appels. Ces jeunes-là ne sont pas des anecdotes. Je parle d'appels, parce que j'ai voulu aller visiter les jeunes du centre Cartier, où on a vu des histoires d'horreur, et on me l'a refusé.

Est-ce que le ministre va demander qu'on appelle le projet de loi de ma collègue de Sherbrooke pour permettre aux députés de visiter les institutions publiques, pour qu'on aille ensemble, lui et moi, leur rendre visite en centre jeunesse?

La Présidente : La réponse du ministre responsable des Services sociaux.

M. Lionel Carmant

M. Carmant : Bien, merci, Mme la Présidente. Je remercie le député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour sa question puis son intérêt pour les centres jeunesse et nos jeunes.

Ce qui s'est passé, Mme la Présidente, et c'est ce qui est arrivé avec la visite du centre Cartier, c'est l'établissement qui a décidé de ne pas permettre la visite. Les règles sont que, normalement, un député peut visiter un centre jeunesse qui est situé dans sa circonscription.

Maintenant, il faut comprendre que ce sont des milieux de vie, des milieux de vie pour des mineurs, des milieux de vie où il y a une certaine confidentialité qui doit être respectée. C'est difficile pour un parent d'imaginer que son enfant pourrait avoir la visite de 125 députés quand une situation difficile est réclamée dans un centre jeunesse, Mme la Présidente.

Donc, nous, ce qu'on veut faire, Mme la Présidente, c'est s'assurer que ces jeunes puissent vivre dans un milieu confidentiel et sécuritaire. Et, ce qu'on pourra faire, on va analyser le projet de loi de la députée, et on verra quelles seront les mesures qui seront à prendre par la suite, Mme la Présidente.

Donc, j'invite le député à visiter les différents centres jeunesse, s'il y en a un dans sa circonscription. Et, pour celui de Laval...

La Présidente : En terminant.

M. Carmant : ...on regardera ce qui peut être fait par la suite. Merci.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Cliche-Rivard : Vanessa m'a dit : «C'est "rough", ce que je vais dire, mais, avant d'arriver en centre jeunesse, j'ai été séquestrée pendant huit mois, pas d'air, pas d'espace. Quand je fuguais, l'idée du retour en centre jeunesse me terrorisait. L'isolement, enfermée pour 48 heures, la fouille à nu, souvent demandée par un homme, tout ça me replongeait dans mes traumas.» Ça, c'est ce qu'on m'a dit. Je n'ose même pas imaginer ce que je verrais, si je pouvais aller sur le terrain.

Est-ce que le ministre va demander qu'on appelle le projet de loi de ma collègue?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Lionel Carmant

M. Carmant : Bien, c'est troublant, ce que rapporte le député, Mme la Présidente, là. Mais, écoutez, on parle de fugue, ce qu'il faut savoir, c'est qu'une fugue, en centre jeunesse, c'est déclaré après une heure de retard, après le retour en centre jeunesse. Donc, il ne faut pas... Il faut comprendre qu'il y a plusieurs fugues qui sont des jeunes qui reviennent en retard de l'école, des jeunes qui reviennent en retard de leur famille, des jeunes qui reviennent en retard de différents milieux. Donc, ça, c'est une chose, et on est en train de faire des actions pour les fugues.

Quant à la situation en centre jeunesse, Mme la Présidente, l'important, là, c'est d'améliorer les soins pour nos jeunes. Puis c'est là-dessus qu'on travaille. La formation des éducateurs, c'est primordial pour nous. On a recommencé...

La Présidente : En terminant.

M. Carmant : ...les formations pour les personnes à la protection de la jeunesse, on est en train d'implanter des formations pour nos éducateurs en centre jeunesse.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Cliche-Rivard : Des Thomas, des Vanessa, il y en a des milliers qui vivent actuellement sous la protection de l'État dans les centres jeunesse. Dans certains cas, tout ce qu'on leur offre, c'est des conditions de vie juste un peu moins pires que ce qu'ils vivraient à la maison. On ne devrait pas accepter ça. En tant que député, je veux aller les voir, les écouter. Je dois pouvoir les représenter.

Après avoir entendu tout ça, le ministre doit bien voir qu'on ne peut pas se passer du projet de loi de la députée de Sherbrooke. Nous donnera-t-il enfin son appui?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Lionel Carmant

M. Carmant : Bien, encore une fois, Mme la Présidente, je pense que la visite des mineurs doit être extrêmement bien encadrée, pour des raisons de confidentialité. Ce qui est important, comme je disais tout à l'heure, Mme la Présidente, c'est la qualité des soins qu'on donne à nos jeunes. On est en train de former les établissements à l'approche ARC pour nos éducateurs, pour qu'ils comprennent les liens d'attachement, pour qu'ils comprennent l'impact du rejet sur la vie de ces enfants, pour qu'ils comprennent comment mieux s'adapter aux différentes crises que nos jeunes font, pour limiter le nombre de contentions, pour limiter le nombre d'isolements, pour limiter la façon parfois un peu aliénante que sont traités nos jeunes, Mme la Présidente.

La Présidente : En terminant.

M. Carmant : Nous, ce qu'on veut, c'est les meilleurs soins pour nos enfants dans les différents centres jeunesse du Québec. Je pense que tout le monde comprend ça, Mme la Présidente.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant la députée de Sherbrooke.

Accès aux soins à domicile

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Depuis son arrivée au pouvoir, la CAQ a investi en services à domicile, et ça continue dans le dernier budget. Alors, on va s'entendre tout de suite sur une chose, moi, je ne me lève pas ici pour dire que le gouvernement ne fait rien. Mais, moi, c'est les résultats pour les citoyens qui m'intéressent. Et, quand on regarde la capacité du Québec à répondre à la demande, bien, les résultats, on les cherche.

On répond en ce moment à 10,7 % des besoins en services à domicile, c'est le rapport commandé par la CAQ qui le dit. La ministre a lancé une réforme. Elle a parlé de changement de paradigme complet. Elle a parlé de petite révolution. Mais, malgré la réforme de la ministre, malgré les investissements, ce qu'on voit dans le budget, c'est qu'en quatre ans on va passer de 398 000 personnes à 417 000 personnes qui reçoivent des services à domicile. Parti comme c'est là, la réforme de la ministre des Aînés ne donnera pas plus de résultats que le plan santé de son collègue.

Est-ce que la ministre peut me dire, avec sa révolution et les sommes investies, on va répondre à quel pourcentage des besoins en services à domicile dans quatre ans?

• (10 h 40) •

La Présidente : La réponse de la ministre responsable des Aînés.

Mme Sonia Bélanger

Mme Bélanger : Mme la Présidente, je suis très contente de cette question, parce qu'on n'a jamais eu autant de questions, depuis un an, sur les services de soutien à domicile. Donc, c'est donc la preuve que les services de soutien à domicile sont extrêmement importants pour la population, pour les aînés en particulier et, je suis convaincue, pour l'ensemble des députés, ainsi que pour moi-même et pour notre gouvernement.

Je voudrais quand même rappeler que, dans le dernier budget, que nous étudions actuellement, c'est la moitié du budget qui est accordé aux aînés qui ira directement au soutien à domicile. On est le gouvernement qui a investi le plus en soutien à domicile. Ce n'est pas une révolution qu'on veut faire, en soutien à domicile, c'est un virage qu'on est en train d'enclencher, Mme la Présidente. Et ce n'est pas évident de transformer un système qui a été négligé pendant des décennies, et ça, ce sont les intervenants qui le mentionnent, Mme la Présidente, les professionnels, qui sont tellement contents qu'on puisse avoir des projets dans plus d'une dizaine de CISSS et CIUSSS pour réduire les formulaires administratifs.

La Présidente : En terminant.

Mme Bélanger : Et on va continuer, Mme la Présidente, une série de projets en soutien à domicile.

La Présidente : Première complémentaire.

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Vous avez tous remarqué, la ministre ne nous a pas dit à quel pourcentage des besoins on va répondre dans quatre ans. Soit elle ne le sait pas, soit elle préfère ne pas le dire. Et, dans tous les cas, c'est inquiétant, parce que ce n'est pas juste des pourcentages. On parle de vraies personnes qui ont des vrais besoins, pour qui quelques heures de plus de services à domicile fait toute la différence du monde entre vieillir chez soi ou se déraciner.

Combien de temps ça va prendre pour qu'on soit capables de répondre à la demande, au Québec, en services à domicile?

La Présidente : La réponse de la ministre.

Mme Sonia Bélanger

Mme Bélanger : Mme la Présidente, j'ai de la misère à comprendre que la députée de Sherbrooke ne voie pas de progrès dans les équipes de soutien à domicile auprès des citoyens, même dans sa circonscription, que j'ai eu l'occasion d'aller visiter dernièrement, et où on me disait qu'il y avait des grandes améliorations dans les services de soutien à domicile. Mme la Présidente, quand on demande aux patients, aux aînés qui reçoivent des services en soutien à domicile, une grande majorité des personnes sont satisfaites.

Je suis très consciente qu'il faut continuer d'améliorer notre accessibilité, Mme la Présidente.

La Présidente : En terminant.

Mme Bélanger : C'est 385 000 personnes, actuellement, qui reçoivent des services de soutien à domicile, et nous allons continuer à...

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Moi, ce qui m'inquiète, c'est... non seulement on ne répond pas aux besoins en ce moment, mais on n'est pas non plus en train d'avancer pour répondre à ces besoins-là qui sont en augmentation.

Il y a quelques semaines, j'ai invité la ministre à ce qu'on travaille ensemble pour préparer le Québec au vieillissement de la population. Je n'ai jamais eu de réponse à ma main tendue. Alors, je relance l'invitation aujourd'hui. Je lui propose qu'on travaille ensemble. Est-ce que la ministre, elle est ouverte à ce qu'on forme un comité transpartisan pour préparer le Québec au vieillissement de la population? Parce que ça s'en vient, là, puis on n'est pas prêts.

La Présidente : La réponse de la ministre.

Mme Sonia Bélanger

Mme Bélanger : Oui, Mme la Présidente, simplement mentionner que, quand on regarde les services de soutien à domicile, il ne faut pas regarder juste les visites, mais il faut regarder l'intensité, le nombre d'heures qu'on donne aux personnes pour répondre à leurs besoins, pour les maintenir le plus possible à domicile.

Concernant votre dernière intervention, Mme la députée, vous le savez, pour moi, c'est important qu'on puisse travailler différentes situations de façon transpartisane. Je pense qu'on est capables de le faire. On le voit, la main tendue qu'on a eue, puis merci d'y participer, pour le plan alzheimer, pour la politique nationale sur l'alzheimer. J'entends bien votre demande, et je pense que, pour moi, c'est évolutif. Puis c'est vrai que le vieillissement, bien, ça concerne tout le monde.

La Présidente : En terminant.

Mme Bélanger : Alors, merci pour la question.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député d'Hochelaga-Maisonneuve. On vous écoute.

Protection des droits des locataires

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Chaque semaine, mon bureau de circonscription reçoit des appels de détresse concernant le dossier du logement, rénovictions, intimidation, Airbnb illégaux, ça n'arrête plus. Ça fait six ans que je suis député, Mme la Présidente, et je n'ai jamais vu ça.

On a martelé pendant des mois à la ministre de l'Habitation que son projet de loi n'allait pas assez loin, que ça ne changerait rien à la dure réalité des gens. Dans un article de ce matin du Journal de Montréal, on apprend que certains propriétaires utilisent des stratagèmes illégaux pour faire la vie dure à leurs locataires dans l'objectif de les forcer à quitter : hurler à l'amiante, enlever les serrures, percer le toit ou briser des tuyaux dans les murs pour inonder les appartements. La ministre va me dire que c'est illégal, tout ça, elle a raison, mais ça ne change pas le fait que c'est en train d'arriver à du vrai monde, ça ne change pas le fait que c'est ça que vivent des milliers de locataires en ce moment. Et la nouvelle loi de la ministre, elle n'aide pas ces gens-là.

L'encre est à peine sèche sur son projet de loi qu'à peu près tout le monde réalise que c'est un échec. Est-ce que la ministre va l'admettre, se rendre à l'évidence et agir pour protéger réellement les locataires du Québec?

La Présidente : La réponse de la ministre responsable de l'Habitation.

Mme France-Élaine Duranceau

Mme Duranceau : Merci, Mme la Présidente. Effectivement, j'ai lu le même article. C'est sûr que, des gens qui ont des mauvaises intentions, on ne pourra pas tous les arrêter. Je tiens à mentionner que 87 % des relations entre locataires et locateurs vont bien. Ça fait qu'il y a un 13 %, là, qu'il faut gérer, puis c'est ce qu'on a fait avec le projet de loi n° 31.

Alors, on est venu resserrer les règles en mettant le fardeau de la preuve sur les épaules des propriétaires. Alors, un propriétaire qui est mesquin et vil comme ce qui semble être l'entièreté des propriétaires, là, décrits par Québec solidaire, bien, ils vont devoir faire la preuve que leurs démarches sont faites de bonne foi puis qu'ils respectent les locataires.

Ensuite de ça, on a augmenté les compensations dans un contexte d'éviction pour que, justement, les gens vulnérables ne soient pas pris par surprise, d'une part, qu'ils soient traités convenablement, en recevant des compensations monétaires qui sont suffisantes.

Alors, on va laisser le temps au projet de loi de faire son oeuvre. Je pense qu'il y a d'excellentes mesures là-dedans. On est venu resserrer vraiment les règles. Puis il ne faut pas oublier que ce qu'il nous faut, là, c'est augmenter l'offre de logements...

La Présidente : En terminant.

Mme Duranceau : ...et donc que les gens veuillent construire plus. Donc, ça prend un bon contexte.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : J'en connais plein, des bons propriétaires, Mme la Présidente, mais ceux qui ne sont pas bons, ils ont la vie trop facile parce que le gouvernement n'agit pas. Et, devant l'inaction du gouvernement, on s'organise, nous. Moi, j'ai organisé un brunch sur les rénovictions en janvier dans Hochelaga-Maisonneuve. La députée de Sherbrooke a rassemblé des centaines d'aînés pour leur parler de leurs droits en matière de logement. Et, ce dimanche, les députés solidaires organisent une grande assemblée à Montréal avec un avocat en logement.

J'invite la ministre à venir rencontrer le vrai monde, le monde qui souffre et qui trouve que le gouvernement du Québec les a abandonnés. Viendra-t-elle?

La Présidente : La réponse de la ministre.

Mme France-Élaine Duranceau

Mme Duranceau : Merci, Mme la Présidente. Alors, je réitère que les situations qui étaient décrites dans le journal ce matin, là, c'est inacceptable. On n'endosse pas ça. Alors... Puis là où je rejoins mon collègue de l'opposition, c'est... effectivement, il faut que les gens connaissent leurs droits. Ça fait partie de mon travail aussi, de m'assurer qu'autant du côté des locataires que des propriétaires les gens connaissent leurs droits et leurs obligations. Donc, moi, je rencontre un paquet d'intervenants, je me promène dans les villes aussi pour faire connaître les mesures qu'il y a dans le projet de loi n° 31 et m'assurer que ces droits-là seront connus de tous. Puis on va s'assurer que les plateformes de diffusion pertinentes sont utilisées...

La Présidente : En terminant.

Mme Duranceau : ...pour justement transmettre cette information-là.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Les nombreuses déclarations controversées de la ministre ont fait en sorte qu'elle a perdu la confiance des locataires du Québec. Mais je suis certain qu'elle n'aime pas ça. Je suis certain qu'elle n'aime pas se voir comment les caricaturistes la présentent dans les journaux. Mais vous savez quoi? Elle a le pouvoir de changer ça. Elle a le pouvoir de montrer qu'elle n'est pas prisonnière d'une tour d'ivoire, qu'elle est capable de rencontrer le vrai monde, de les regarder dans les yeux et d'entendre leur détresse et leur souffrance.

Ma question est simple, Mme la Présidente : Viendra-t-elle à notre assemblée ce dimanche?

La Présidente : La réponse de la ministre.

Mme France-Élaine Duranceau

Mme Duranceau : Mme la Présidente, mon rôle, là, c'est vraiment de m'assurer, d'une part, que les gens connaissent leurs droits. Alors, bravo pour votre initiative, c'est bon. Moi, je fais mon travail, de mon côté, dans le même objectif.

L'autre élément qu'il faut vraiment souligner, là, c'est qu'ultimement tous ces comportements-là ou ces situations-là qui deviennent difficiles du côté des locataires sont exacerbés par le fait qu'il manque de logements. Il faut augmenter l'offre de logements, et c'est ce que notre gouvernement... c'est ce sur quoi je travaille à tous les jours, en multipliant les nouvelles façons de faire pour être plus efficients, pour réduire le temps, pour réduire les coûts puis que ça sorte plus vite, parce qu'il faut loger le plus de Québécois possible...

La Présidente : En terminant.

Mme Duranceau : ...dans les meilleures conditions possibles.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le député de Jean-Talon.

Indépendance des juristes de l'État

M. Pascal Paradis

M. Paradis : Mme la Présidente, ce n'est pas banal, ce qui est rapporté dans les médias ce matin, on parle d'une recrudescence d'interférences, d'ingérences dans les avis juridiques qui sont rendus par les professionnels, par les avocats et les notaires de l'État. Et là on est au coeur de ce que c'est, l'État de droit, la capacité de nos juristes de dire l'État de droit pour qu'ensuite on puisse prendre des décisions fondées sur cet État de droit. L'idée qu'il puisse y avoir des gens qui tentent de modifier les conclusions avant que ça se rende à la partie politique, c'est extrêmement important.

Le ministre de la Justice, tout à l'heure, a fait un plaidoyer, mais j'aimerais savoir s'il est préoccupé par les révélations de ce matin.

• (10 h 50) •

La Présidente : La réponse du ministre de la Justice.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, comme je l'ai dit à mon collègue de l'Acadie, les juristes de l'État font leur travail en toute indépendance. Et j'ai pris connaissance du communiqué de LANEQ la semaine dernière et j'ai demandé des vérifications au ministère de la Justice à cet effet-là. S'il y a des cas qui sont avérés, bien, il y a lieu que ça cesse immédiatement.

Et je le réitère, les juristes de l'État ont la confiance de tous les parlementaires, ont la confiance du gouvernement, parce qu'ils font un travail extrêmement important à titre de conseillers juridiques, à titre de plaideurs au bureau du Procureur général du Québec, à titre de légistes en commission parlementaire. Et je pense que vous-même et tous les parlementaires ici, en cette Chambre, sont en mesure de constater, lorsqu'on étudie des projets de loi, Mme la Présidente, à quel point, la pertinence, le professionnalisme, la compétence de leur travail, de leurs interventions, et qu'ils répondent aux questions, notamment aux collègues des oppositions. Ils sont là pour servir le Québec, servir l'État québécois, et ça va demeurer ainsi. Et ils le vont faire en toute objectivité, en toute indépendance, Mme la Présidente.

Et notre gouvernement supporte les juristes de l'État. Et d'ailleurs, Mme la Présidente, je pense qu'il faut toujours se rappeler qu'il s'agit d'un rôle fondamental pour faire fonctionner l'État québécois...

La Présidente : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...que les avocats et les notaires de l'État sont une partie intégrante de nos professionnels, et on les respecte.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Pascal Paradis

M. Paradis : Ce n'est pas, Mme la Présidente, le professionnalisme des juristes de l'État dont il est question aujourd'hui, c'est de la possibilité qu'il y ait de l'ingérence dans leur travail. Et là, d'une part, le ministre nous dit qu'il n'y en a pas, mais, d'autre part, il nous dit qu'il va faire des vérifications.

J'aimerais savoir du ministre, Mme la Présidente, s'il est au courant, actuellement, s'il a des raisons, lui, de s'inquiéter qu'il ait pu y avoir de telles ingérences.

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, je n'ai pas de raison de croire qu'il y a eu d'ingérence. Et, comme je le réitère, les juristes de l'État rendent leurs avis, leurs opinions, leurs conseils juridiques en toute indépendance.

À la question du député de Jean-Talon, Mme la Présidente, c'est justement pourquoi j'ai dit que j'ai demandé de faire des vérifications au ministère de la Justice, parce que vous savez que les juristes de l'État sont dispersés dans plusieurs directions des affaires juridiques, dans chacun des ministères, et qu'ils relèvent du ministère de la Justice, alors c'est pour ça que j'ai demandé de faire des vérifications, mais, à ce jour, il n'y a pas de cas qui ont été portés à mon attention. Et je tiens à rassurer l'ensemble de la population et l'ensemble des parlementaires : les avocats et les notaires de l'État sont là pour conseiller le gouvernement, et ils le font bien, ils le font avec professionnalisme.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Pascal Paradis

M. Paradis : Je le redis, Mme la Présidente, ce qu'on apprend aujourd'hui, c'est qu'il y aurait une recrudescence, actuellement, de telles ingérences.

Est-ce que le ministre peut s'engager formellement, en Chambre, aujourd'hui, à rendre publiques les conclusions de ses vérifications? Et est-ce qu'il peut minimalement s'engager à faire un rappel à l'ensemble des membres du cabinet sur l'importance de ce principe de respecter l'indépendance des juristes lorsqu'ils rendent des opinions fondamentales à l'État?

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, je suis le jurisconsulte du gouvernement. Mes collègues respectent les avocats et les notaires de l'État québécois et me respectent aussi, du moins je l'espère, Mme la Présidente, parce que, par ma voix, je suis le porteur de la voix des juristes de l'État. Et, dans chacun des dossiers, il y a souvent des conseils et des avis juridiques, Mme la Présidente, et ça permet la prise de décisions, comme c'était le cas pour tous les gouvernements.

Lorsque le député de Jean-Talon dit : Il y a une recrudescence des interventions, je n'ai jamais vu d'intervention, Mme la Présidente. Je ne sais pas comment ça se passait sous le Parti libéral, quand ils les ont laissés en grève...

La Présidente : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...pendant plusieurs mois à l'extérieur et qu'ils ne les respectaient pas, les juristes de l'État.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant la députée de Robert-Baldwin. La parole est à vous. On l'écoute.

Soutien aux intervenants en protection de la jeunesse

Mme Brigitte B. Garceau

Mme Garceau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Hier encore, révélations-chocs de Me Andreea Popescu et Mme Janique Véronneau, ancienne sergente-détective ayant travaillé dans les dossiers d'abus d'enfants. En résumé, on constate que, malgré tous les pouvoirs qui lui sont conférés, la DPJ elle-même confirme qu'elle ne parvient pas à exécuter son mandat adéquatement. Elle n'arrive pas à protéger nos enfants. C'est grave. Certains intervenants ont la peur au ventre, incapables d'intervenir avec certains parents criminalisés et violents.

Le ministre a le devoir d'accompagner les intervenants de la DPJ pour intervenir dans tous les dossiers. Je sais que la Loi sur la protection de la jeunesse vient d'être révisée, mais, s'il y a encore des corrections à faire, faites-les, et, si le système est brisé, réparez-le.

La Présidente : La réponse du ministre responsable des Services sociaux.

M. Lionel Carmant

M. Carmant : Merci, Mme la Présidente. Je remercie la députée de Robert-Baldwin pour sa question puis de s'inquiéter du sort de nos intervenantes. Moi, je le dis toujours, les intervenantes de la DPJ, elles font le travail le plus difficile de nos intervenantes jeunesse, Mme la Présidente, puis il faut que la députée de Robert-Baldwin s'en rende compte, de cette difficulté à travailler dans des situations très difficiles, avec des parents qui sont agressifs, des parents qui, pour se protéger, pour protéger leurs familles, ne nous disent pas toujours la réalité, Mme la Présidente.

Donc, il faut appuyer nos intervenantes, puis c'est ce que je me bats à faire depuis cinq ans, Mme la Présidente. On a développé de la prévention, des interventions en préparation, on a remis de la formation pour nos intervenantes de la DPJ dans la façon de désamorcer les crises, dans la façon d'intervenir dans les dossiers difficiles. Pendant l'intervention, Mme la Présidente, on permet à nos intervenantes d'être accompagnées en duo d'une autre intervenante, d'intervenants, de policiers, parfois, également, Mme la Présidente. Et, dans les situations où ça se passe plus difficilement... Moi, je suis très content de vous parler d'un projet qu'on est en train de développer à Granby...

La Présidente : En terminant.

M. Carmant : ...où on donne un soutien psychosocial, psychologique à nos intervenantes qui ont eu une problématique.

La Présidente : Voilà. Cela met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique Motions sans préavis, et, pour ce faire, je cède la place au deuxième vice-président de l'Assemblée nationale. Bonne fin de journée, tout le monde. Merci pour votre attention.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, bon jeudi matin, chers collègues. En fonction de nos règles et de l'ordre de présentation des motions sans préavis, aujourd'hui je reconnais un membre de l'opposition officielle en premier. Alors, je cède la parole à Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Souligner la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle

Mme Prass : Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec le ministre des Services sociaux, le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, le député des Îles-de-la-Madeleine et la députée de Vaudreuil :

«Que l'Assemblée nationale souligne la 36e édition de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle qui aura lieu du 17 au 23 mars 2024 sous le thème J'ai ma place!;

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse l'importance de l'inclusion des personnes ayant une déficience intellectuelle dans toutes les sphères de la société et qu'elles aussi "ont leur place";

«Que l'Assemblée nationale invite toute la population du Québec à réfléchir à la place qu'occupent les personnes ayant une déficience intellectuelle dans notre société et à participer aux activités de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle.»

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Caire : Il y a consentement, sans débat, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors... Oui, M. le leader adjoint... le leader.

Une voix : ...

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Le vote électronique est demandé. Alors, Mmes et MM. les députés, je vous invite, s'il vous plaît, à bien vouloir enregistrer votre vote dès maintenant.

Alors, le vote est maintenant terminé. Pour le résultat, Mme la secrétaire générale.

La Secrétaire : Pour :         104

                      Contre :              0

                      Abstentions :     0

Le Vice-Président (M. Lévesque) : La motion est adoptée. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Derraji : Merci, M. le Président. J'aimerais qu'une copie de cette motion soit envoyée à la Société québécoise de la déficience intellectuelle, Coalition de parents d'enfants à besoins particuliers du Québec et le Conseil québécois des entreprises adaptées. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Ce sera fait avec plaisir, M. le leader.

Alors, maintenant, je suis prêt à reconnaître un membre du deuxième groupe d'opposition. Et je cède la parole, pour sa motion, à M. le député de Rosemont.

Saluer le succès de la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin

M. Marissal : Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée pour débattre de la motion suivante conjointement avec le député de Marquette, le député de Matane-Matapédia et la députée de Vaudreuil :

«Que l'Assemblée nationale souligne que l'élite professionnelle du hockey est traditionnellement associée aux hommes malgré que des femmes pratiquent ce sport depuis longtemps sans toutefois bénéficier de l'engouement populaire et médiatique ni des retombées financières et de l'appui de commanditaires majeurs;

«Qu'elle reconnaisse les efforts et l'engagement pour le hockey féminin de pionnières québécoises telles que Caroline Ouellette, Danièle Sauvageau, Kim St-Pierre, Danielle Goyette, Marie-Philip Poulin, France St-Louis et de Manon Rhéaume, qui a traversé la première le plafond de verre il y a plus de 30 ans;

«Qu'elle salue le succès phénoménal de la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin et la vente en un temps record, hier, de tous les sièges au Centre Bell de Montréal pour un match entre Montréal et Toronto, le 20 avril;

«Qu'enfin, l'Assemblée nationale félicite les pionnières du hockey féminin et celles qui reprennent aujourd'hui le flambeau, qu'elle souhaite longue vie à la Ligue professionnelle de hockey féminin et exprime son souhait de voir arriver une nouvelle équipe, ici, dans la Capitale-Nationale.»

Merci, M. le Président.

• (11 heures) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Caire : M. le Président, petite correction : la ministre responsable du Sport, Loisir et Plein air serait conjointe sur la motion. Et il y a consentement, sans débat.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, je comprends que la ministre est également conjointe à la motion. Alors, je... Oui, M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

M. Leduc : Pas de souci pour rajouter la ministre conjointe, on est bien contents. Puis on demande un vote électronique, s'il vous plaît.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, le vote électronique est demandé, chers collègues. Alors, je vous invite, dès maintenant, à bien vouloir enregistrer votre vote.

Alors, le vote est maintenant terminé. Alors, pour le résultat, Mme la secrétaire générale.

La Secrétaire : Pour :         103

                      Contre :              0

                      Abstention :        0

Le Vice-Président (M. Lévesque) : La motion est adoptée. M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

M. Leduc : M. le Président, est-ce qu'on pourrait envoyer copie de cette motion à la LPHF, la Ligue professionnelle de hockey féminin, et à l'équipe montréalaise de la LPHF? Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Ce sera fait avec plaisir, M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

Alors, pour la prochaine motion, je reconnais un membre du troisième groupe d'opposition et je cède la parole à M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec la députée de Westmount—Saint-Louis, le député de Maurice-Richard et la députée de Vaudreuil, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale souligne que les raisons qui justifiaient l'adoption du timbre de droit en 1971 n'ont plus cours depuis que l'utilisation d'un module d'enregistrement des ventes est obligatoire et l'uniformisation des taxes sur l'alcool;

«Qu'elle rappelle que l'abolition du timbre de droit, prévue au projet de loi 170 adopté le 12 juin 2018, a été reportée sine die par le gouvernement en 2020;

«Qu'en conséquence l'Assemblée nationale demande au gouvernement d'abolir dans les plus brefs délais le timbre de droit sur les alcools vendus pour la consommation sur place.»

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Caire : Notre amendement ayant été refusé, il n'y a pas de consentement, M. le Président.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Je vous rappelle qu'on ne peut pas commenter, M. le leader adjoint du gouvernement. Alors, il n'y a pas de consentement.

Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître un membre du gouvernement, et je reconnais M. le premier ministre.

Rendre hommage à M. Brian Mulroney,
ex-premier ministre du Canada

M. Legault : Oui, merci, M. le Président. Donc, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec le chef de l'opposition officielle, le chef du deuxième groupe, le chef du troisième groupe et la députée indépendante de Vaudreuil :

«Que l'Assemblée nationale rende hommage au très honorable Brian Mulroney, premier ministre du Canada de 1984 à 1993 et ancien député de Manicouagan et de Charlevoix, pour sa contribution exceptionnelle au développement du Québec et du Canada;

«Qu'elle rappelle sa détermination à faire avancer d'importants enjeux, notamment en matière de développement économique, de protection de l'environnement, de relations internationales, de promotion des droits humains et sur la place du Québec au sein du Canada;

«Qu'elle offre ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches; et

«Que les membres de cette Assemblée observent une minute de silence en mémoire de ce grand Québécois.»

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Caire : Oui, M. le Président, il y a consentement pour un débat de trois minutes par intervenant dans l'ordre suivant : le premier ministre, le chef de l'opposition officielle, le chef du deuxième groupe d'opposition et le député de Jean-Talon.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, je comprends qu'il y a consentement pour un débat de trois minutes maximum par intervenant et qu'il y a quatre intervenants également qui vont intervenir. Alors, je cède tout d'abord la parole à M. le premier ministre du Québec.

M. François Legault

M. Legault : Merci, M. le Président. Bien, ça me fait plaisir, aujourd'hui, de prendre la parole pour rappeler la mémoire de l'ex-premier ministre du Canada, M. Brian Mulroney.

Et, bon, d'abord, M. Mulroney, qu'on appelait «le p'tit gars de Baie-Comeau», vient, donc, de la Côte-Nord, et très fier de la Côte-Nord. D'ailleurs, le député actuel de René-Lévesque, pas plus tard qu'en 2019, lui rendait hommage avec un buste quand il était maire de Baie-Comeau.

Et, M. le Président, c'est certain que M. Mulroney, bon, vient d'une famille anglophone, irlandaise, et est allé à l'école, parce qu'il était catholique, en français. Et M. Mulroney a fait ses études, entre autres, à l'Université Laval, puis on a gardé de très bons souvenirs de lui à l'Université Laval. On a, d'ailleurs, il n'y a pas beaucoup de temps, annoncé qu'il y a un pavillon qui va porter son nom.

M. Mulroney, bon, d'abord, on l'a connu comme commissaire à la commission Cliche sur la construction. Il a été président aussi de la compagnie Iron Ore. Puis après, bien, il est devenu chef du Parti conservateur... progressiste-conservateur du Canada.

Évidemment, je me rappelle de lui à cause de ses essais de réintégrer dans l'honneur, comme il disait, le Québec dans la Constitution, qui avait été malheureusement adoptée en 1982 sans l'accord du Québec. Bon, évidemment, on se rappelle l'accord du lac Meech, l'accord de Charlottetown, ça n'a pas marché, mais, au moins, M. Mulroney a essayé.

Évidemment, pour moi, son plus grand héritage puis sa plus grande réussite, c'est l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Imaginez-vous, quand on regarde les échanges commerciaux actuellement entre le Québec puis tous les pays dans le monde, le seul pays où on a... ou à peu près le seul, il y en a peut-être des petits, mais le seul pays important avec lequel on a un surplus commercial, ça veut dire qu'on exporte plus qu'on importe, ce sont les États-Unis. Et, bien, on se rappelle des bonnes relations de Brian Mulroney avec Ronald Reagan, et, donc, il a réussi à faire adopter cet accord de libre-échange, qui a été salué. Bon, évidemment, il y a eu des débats, je me souviens, à l'époque, aux HEC, il y avait des gens qui étaient pour, des gens qui étaient contre, mais rapidement, entre autres, Bernard Landry, du Parti québécois, avait appuyé cette entente, puis tout le monde qui appuyait l'entente ont eu raison. Ça a été une entente très, très, très importante pour l'économie du Québec.

M. Mulroney, aussi, a travaillé à lutter contre le régime d'apartheid en Afrique du Sud. Il a confronté ses alliés de l'époque, Ronald Reagan puis Margaret Thatcher, et il les a convaincus d'imposer des sanctions pour que ça arrête puis pour qu'on libère Nelson Mandela. Puis on se souvient, je pense qu'on doit tous être fiers de ça, que le premier discours de Nelson Mandela, il a été fait au Canada. Donc, je pense qu'on peut être fiers de cette réalisation-là.

• (11 h 10) •

Je veux terminer en parlant des qualités personnelles de Brian Mulroney. J'ai eu l'occasion, on n'était pas des amis, mais on avait des amis communs, d'être en privé avec lui. D'abord, il aimait chanter, hein, des chansons irlandaises, il avait une bonne voix grave, mais c'était un homme sympathique, chaleureux, gentil, charismatique, un vrai gentleman. Et il faisait de la politique avec de la hauteur, avec de la classe. Et je veux, donc, saluer son héritage politique immense et offrir mes plus sincères condoléances à sa femme, Mila, puis à ses quatre enfants. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le premier ministre. Je suis maintenant prêt à reconnaître le prochain intervenant et je cède la parole à M. le chef de l'opposition officielle.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. On ne peut pas dire ça de beaucoup de politiciens, politiciennes, mais Brian Mulroney aura marqué tellement la politique canadienne et la politique québécoise, évidemment, par définition, qu'on peut réellement affirmer que c'était un géant de la politique. Et il aura laissé un héritage tangible, un héritage qui fait en sorte que, oui, il y a eu des tentatives, notamment sur le plan constitutionnel, que le Québec signe la Constitution canadienne. Et il ne faut pas voir ça, le fait qu'il n'y ait pas eu signature à la fin, comme un échec, mais de voir là, il l'avait bien dit, dans l'enthousiasme, l'honneur et l'enthousiasme, la réintégration officielle, hein, par la signature de la Constitution canadienne par le Québec comme étant, encore une fois, un message très fort, message qui perdure aujourd'hui : pour faire fonctionner la fédération canadienne, il faut coopérer, il faut se parler pour qu'on puisse s'entendre. Alors, ça a été quelque chose qui aura marqué son passage. Et je pense que, de là, il y a beaucoup de positif que l'on peut tirer et un enseignement très, très fort à coopérer ensemble au sein du Canada.

Il y a, et le premier ministre en a fait mention, des legs majeurs. Il a parlé, bien évidemment, de l'Accord de libre-échange nord-américain, qui faisait en sorte de positionner de façon stratégique, économique le Canada, évidemment, dans le libre-échange et d'assurer, d'assurer les transferts commerciaux. On peut même mentionner... Des fois, hein, quand on dit : Il a laissé comme legs une taxe, bien, la taxe sur les produits et services a fait en sorte, aujourd'hui, que le gouvernement a les moyens de ses ambitions, toujours, bien évidemment, dans le respect des compétences des provinces.

On lui doit également une posture unique à l'international. M. Mulroney, c'était la rigueur, la diplomatie, le charme. Et on a pu le constater, il a eu des succès retentissants, qui ont fait la fierté... la fierté du Canada, la fierté du Québec, mais également qui a fait avancer, sur le plan international, des causes excessivement importantes, comme la lutte à l'apartheid en Afrique du Sud.

Bien peu de politiciens auront donc eu, au plan national et international, une marque aussi forte. Ça faisait dire à quelqu'un qui l'a bien connu, Jean Charest, qui avait oeuvré avec lui, et je le cite : «Il a transformé le pays[...]. Il a changé nos vies, votre vie, la mienne, la vie du Canada, et le pays ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui n'eût été [de Brian] Mulroney.»

Il était un élu du Québec, un petit gars de Baie-Comeau, le premier ministre l'a mentionné. Et, pour moi, qui à l'époque, en 1984, quand il a accédé au pouvoir, quand il a été élu premier ministre du Canada... moi, j'avais 11 ans, petit gars de Saint-Ferréol-les-Neiges, et ça a été un message très fort. Pour moi qui m'intéressais... je ne dirais pas à la politique, je m'intéressais à l'actualité, de voir une personne, un Québécois pouvoir être premier ministre du Canada, ça envoyait un signal réellement fort dans mon esprit de petit gars de Saint-Ferréol-les-Neiges de 11 ans. Et également je pense qu'on n'aurait pas pu, dès cet âge-là, avoir un meilleur modèle de premier ministre que Brian Mulroney. Et ça, c'est des images indélébiles, qui me resteront évidemment en tête et en souvenir.

On doit, pour tout ça, bref, M. le Président, lui dire merci et l'exprimer à sa famille. Et, en ces moments difficiles, moments de deuil, deuil national, évidemment, au nom du Parti libéral du Québec, nous désirons offrir nos plus sincères condoléances aux membres de sa famille et à ses proches. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le chef de l'opposition officielle. Et maintenant, pour son intervention, je reconnais M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. À mon tour, au nom de Québec solidaire, d'offrir nos plus sincères et chaleureuses condoléances à la famille et aux proches de M. Brian Mulroney.

Hier, notre collègue de Sainte-Rose a souligné la mémoire tragique du massacre de Sharpeville. Dans les années 80, alors que l'Afrique du Sud est plongée dans un régime d'apartheid raciste et sanguinaire, le premier ministre Mulroney a le grand courage de briser le silence d'une grande partie de la communauté internationale, de défier, même, la politique, complice, à l'époque, de l'Angleterre et des États-Unis.

Dès 1985, le Canada de Brian Mulroney impose des sanctions au régime sud-africain. Son gouvernement fait même des représentations auprès des pays du Commonwealth pour encourager les pays membres à lui emboîter le pas.

Son gouvernement travaille ensuite pour la libération de Nelson Mandela, le premier ministre l'a mentionné, et c'est le Canada de Brian Mulroney que M. Mandela va choisir pour sa première visite à l'étranger, pour remercier le pays et le premier ministre qui avaient refusé de rester silencieux. 30 ans plus tard, en ces temps troubles pour les droits humains à l'international, la communauté internationale aurait beaucoup à apprendre du courage et du sens des principes de Brian Mulroney.

Je veux aussi souligner, bien sûr, son leadership précurseur en matière d'environnement, parce que c'est Brian Mulroney qui a fait pression sur Ronald Reagan pour aboutir sur l'Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l'air. C'est Brian Mulroney, confronté au problème du trou dans la couche d'ozone, qui a accueilli la conférence du Protocole de Montréal, en 1987, un accord historique ratifié par 196 pays pour éliminer les gaz CFC. Et c'est notamment grâce au Protocole de Montréal qu'on peut dire aujourd'hui que la couche d'ozone s'est rétablie. Il n'y en a pas beaucoup, M. le Président, de grands problèmes environnementaux dont on peut dire aujourd'hui qu'on les a réglés ou qu'on est en voie de le faire. Bien, le trou dans la couche d'ozone, ça en fait partie, et M. Mulroney a eu un impact significatif pour que la planète en entier se mobilise pour régler ce problème-là.

Au-delà de nos différends, et je fais aujourd'hui partie d'une famille politique qui a eu de nombreux différends avec M. Mulroney, je pense qu'on peut tous reconnaître les qualités humaines et politiques de ce grand Québécois. Il avait d'ailleurs un talent rare en politique, celui de l'humour. Je lisais récemment une chronique de l'ancien chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, qui racontait une anecdote pour rendre hommage à ce talent de Brian Mulroney, ce talent, donc, de l'humour. M. Lisée raconte qu'il demande la permission à Brian Mulroney de le citer dans un de ses livres. M. Mulroney répond : Non, pas question. Alors, M. Lisée s'essaie encore, il dit : Bien, même après votre décès, qu'on souhaite, bien sûr, le plus tard possible? Et M. Mulroney de répondre du tac au tac : Tu m'appelleras à ce moment-là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le chef du deuxième groupe d'opposition. Et maintenant je reconnais M. le député de Jean-Talon.

M. Pascal Paradis

M. Paradis : M. le Président, je suis très ému de prendre la parole au nom de notre chef et au nom du Parti québécois pour rendre hommage à Brian Mulroney, très ému parce que je le fais aussi sur le plan personnel. Je suis, moi aussi, diplômé de la Faculté de droit de l'Université Laval. Et, le premier ministre l'a mentionné, il y avait une aura Brian Mulroney, à la Faculté de droit de l'Université Laval, c'était quelque chose, d'être... de marcher dans ses pas. On se rappelait souvent de sa mémoire. Et vraiment, d'avoir le même alma mater, c'est déjà une fierté.

Et, bien que je ne puisse pas dire, M. le Président, que nous étions des intimes, j'ai eu la chance de le rencontrer à quelques reprises, notamment lors d'un tête-à-tête, c'était en 2012 ou 2013, à l'occasion du 10e anniversaire d'Avocats sans frontières. Il aurait pu me donner 10 minutes et il m'a consacré au moins une heure. Je me souviens encore aujourd'hui de cette rencontre, où c'est là qu'on comprend ce que tout le monde te dit, que, cette personne-là, c'était impossible de ne pas l'aimer. Il était charmant, il était drôle, il était généreux de ses anecdotes. Et je pense aux dizaines de milliers de personnes qu'il a rencontrées dans sa carrière, et, par la suite, à chaque fois qu'on s'est rencontrés, il disait, de sa voix inimitable, là, que j'aimerais être capable d'imiter, là, mais là il me voyait : Ah! M. Paradis, l'avocat sans frontières. Il avait cette capacité à connecter avec les gens et à trouver que chaque personne qu'il rencontrait était importante.

• (11 h 20) •

Aussi, comme avocat de droit international, comme avocat de droits humains, il faut se dire que l'héritage de Brian Mulroney, c'est immense. Son combat pour l'environnement à l'échelle internationale, son combat contre l'apartheid, c'est un accomplissement extraordinaire. Et je pense que, comme Québécois, on a tous ressenti un peu la même fierté à cette fameuse conférence, au Commonwealth, où on a vu que notre premier ministre a décidé de pousser le combat contre l'apartheid, malgré la résistance, on se souvient du visage de Margaret Thatcher. Et là on se disait : Voilà quelqu'un qui a décidé de faire la bonne chose.

Alors, des grands accomplissements à l'échelle internationale, mais un homme politique qui était tellement proche des gens et vraiment pénétré du désir le plus sincère d'améliorer leur vie. Vous le savez, là, les témoignages sont tellement nombreux, comme celui que je viens vous rendre, là, mais de toutes les personnes qui ont croisé son chemin puis qui disaient : Aïe! il nous donnait de l'importance, il était là pour nous, puis il nous rappelait pour demander de nos nouvelles, jusqu'au dernier jour de sa vie. C'est vraiment quelque chose de remarquable.

Donc, des engagements publics dans les plus hautes sphères de l'État, un grand homme politique, mais aussi et toujours, fièrement, le petit gars de Baie-Comeau, le diplômé de l'Université Laval, animé tant par le sens de l'État que du sens de la famille.

Je citerais ici Edmund Burke : «L'histoire est un pacte entre les morts, les vivants et ceux encore à naître.» Et on a l'impression que c'est ça qui animait beaucoup Brian Mulroney dans sa carrière.

On salue aussi, bien sûr, en lui le premier ministre qui a vraiment oeuvré en faveur de la reconnaissance de la nation québécoise. On salue son sens de l'honneur, son enthousiasme et son engagement pour le Québec et les Québécois, depuis les travaux de la commission Cliche, en 1974, jusqu'au soutien qu'il a généreusement offert à l'Université Laval pour former les leaders internationaux de demain.

Donc, pour toutes ces raisons, c'est un immense honneur pour moi et pour le Parti québécois de rendre cet hommage à celui qui, avant d'être un grand homme d'État, fut d'abord et avant tout un grand homme. Mes condoléances à toute sa famille et à tous ses proches. Merci.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Adopté. Alors, Mmes et MM. les parlementaires, je vous invite, s'il vous plaît, à bien vouloir vous lever et observer une minute de silence en mémoire du très honorable Brian Mulroney.

(11 h 24  11 h 25)

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Je vous remercie.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous en sommes à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions, et je cède la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Caire : Oui, merci, M. le Président.

J'avise cette Assemblée que la Commission des transports et de l'environnement poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 48, Loi modifiant principalement le Code de sécurité routière afin d'introduire des dispositions relatives aux systèmes de détection et d'autres dispositions en matière de sécurité routière, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 14 heures à 16 h 30, ainsi que mardi le 26 mars, de 9 h 45 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

Conformément à l'article 275 du règlement, la Commission des finances publiques poursuivra le débat sur le budget, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 14 heures à 16 h 30, ainsi que le mardi 26 mars, de 9 h 45 à 12 h 30, à la salle Marie-Claire-Kirkland;

La Commission de l'aménagement du territoire entreprendra les consultations particulières et les auditions publiques du projet de loi n° 45, loi modifiant la loi sur les sports afin principalement de renforcer la protection de l'intégrité des personnes dans les loisirs et les sports, le mardi 26 mars, de 9 h 45 à 12 h 25, à la salle Pauline-Marois.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Pour ma part, je vous avise que la Commission des institutions se réunira en séance de travail aujourd'hui, de 13 heures à 13 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, afin de statuer sur la possibilité que la commission se saisisse d'un mandat d'initiative sur les incendies, la formation et la pénurie de pompiers au Québec.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

À la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, je vous rappelle que, lors de l'interpellation prévue pour demain, le vendredi — pardonnez-moi — 22 mars 2024, M. le député de Rosemont s'adressera à M. le ministre de la Santé sur le sujet suivant : Le véritable coût des soins de santé pour les Québécoises et Québécois.

Affaires du jour

La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Caire : Oui, M. le Président. Pouvez-vous appeler l'article 5 du feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi n° 51

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Avec plaisir. Donc, à l'article 5 du feuilleton, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 51, Loi modernisant l'industrie de la construction.

Y a-t-il des interventions? Je reconnais M. le ministre du Travail.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Merci, M. le Président. Je suis évidemment très heureux de proposer aujourd'hui l'adoption du principe du projet de loi modernisant l'industrie de la construction.

Ce projet de loi constitue un jalon important dans de vastes efforts de renforcement et de modernisation de cette industrie. Elle est névralgique et elle devra relever de grands défis pour répondre aux besoins de la société québécoise. C'est pourquoi nous voulons l'équiper le mieux possible pour les nombreux projets à venir, infrastructures, écoles, logements, hôpitaux, routes... puissent se réaliser efficacement et rapidement.

Avec l'importance des enjeux entourant la construction, on comprend bien que le projet de loi suscite beaucoup de discussions et de réactions. Lors des consultations particulières, devant la Commission de l'économie et du travail, j'ai pu constater le sérieux avec lequel les nombreuses organisations présentes ont abordé les mesures proposées. On a entendu des propositions constructives, des réactions enthousiastes sur certains points et des inquiétudes sur certaines mesures. Bien que certains commentaires ne correspondaient pas toujours à la portée des mesures du projet de loi, les consultations ont suscité la réflexion. Et nous nous sommes assurés non seulement de bien étudier, mais de donner un suivi en fonction des mesures qui sont prévues au projet de loi. C'est pourquoi je veux rappeler les principales mesures de ce projet. On peut résumer les améliorations proposées en quelques mots-clés : productivité, accès et inclusion, collaboration et transparence.

D'abord, il y a la mise en oeuvre d'une polyvalence accrue pour certaines tâches réalisées sur les chantiers. Là-dessus, je le redis, c'est loin d'être un bar ouvert. Nos propositions ont une portée utile mais modérée. Les compétences spécifiques des travailleurs sont respectées, elles sont essentielles pour la productivité et la qualité des travaux. Ce que la polyvalence accrue vise, c'est de permettre à un travailleur qualifié, à titre de compagnon d'un métier, d'effectuer des tâches complémentaires aux siennes. On parle ici de tâches connexes et de courte durée effectuées dans une même séquence de travail. Il n'est pas question de permettre à un corps de métier d'en déplacer un autre, simplement d'exécuter efficacement des travaux pour réduire les délais et les coûts.

• (11 h 30) •

Nous travaillons dans un esprit similaire pour la mobilité accrue entre les régions. Les règles de préférence d'embauche locale demeurent. Les chantiers doivent continuer de faire appel aux travailleurs locaux. Dans un contexte où il y aura des grands projets partout au Québec et où la main-d'oeuvre locale ne suffit pas, on ouvre la porte pour aider à combler les manques. Le but est de donner un peu plus de latitude aux employeurs dans l'organisation du travail sur les chantiers et de permettre aux salariés d'expérience d'être pleinement mobiles, peu importe l'employeur avec lequel ils travaillent.

Dans un contexte de manque de main-d'oeuvre, le projet de loi vise également à favoriser l'accès à l'industrie de la conclusion... de la construction, excusez-moi, et l'inclusion des personnes représentatives de la diversité de la société québécoise. Il est question ici des membres des Premières Nations et Inuits, des personnes issues de l'immigration et des minorités visibles et ethniques. Ce que nous proposons, c'est de mettre en oeuvre des mesures d'assouplissement qui permettront d'attirer ces travailleurs et travailleuses et ainsi faire entrer plus de main-d'oeuvre dans l'industrie. Ces mesures correspondent à celles mises en place pour augmenter le nombre de femmes dans l'industrie, qui ont permis, d'ailleurs, d'augmenter significativement le nombre de femmes actives en construction. Nous proposons également de reconnaître les formations reçues hors Québec et les heures de travail effectuées dans des tâches pertinentes pour faciliter l'embauche de travailleurs et de travailleuses issus de l'immigration.

Du côté des relations de travail et de l'encadrement de l'industrie, le projet de loi propose aussi plusieurs ajustements visant à faciliter la négociation des conventions collectives. Un point en particulier, une demande de longue date des syndicats, le projet de loi permettrait la négociation d'une rétroactivité des augmentations salariales. Je précise que cette disposition a donné lieu à des discussions très intéressantes lors des consultations.

Le projet de loi cherche aussi à renforcer la gouvernance, le rôle et le fonctionnement de la Commission de la construction du Québec. La création d'un comité paritaire de relations de travail au sein de la commission est un des éléments qui a suscité beaucoup d'intérêt également. La commission joue un rôle essentiel dans le domaine de la construction. Le projet de loi vise à lui permettre de mieux jouer son rôle.

Voilà pour les principales mesures. L'ensemble du projet de loi vise à améliorer des façons de faire, à toutes sortes de niveaux, au bénéfice de l'industrie et donc de toute la société québécoise.

En terminant, je tiens à remercier les organisations qui ont pris part aux consultations particulières pour leur participation éclairante. Je dis régulièrement, depuis le début du processus législatif, que le projet de loi se veut modéré, équilibré et perfectible. Il n'est pas une finalité en soi, il est un des éléments de l'immense chantier de modernisation de ce secteur. Certains points soulevés seront certainement matière à discussion lors de l'étude détaillée. J'espère pouvoir collaborer rapidement avec mes collègues de l'opposition lors de l'étude détaillée, collègues que je salue, avec lesquels j'ai développé une approche collaborative depuis un certain temps, notre collègue de Bourassa-Sauvé, notre collègue d'Hochelaga-Maisonneuve et, bien sûr, notre collègue de Jean-Talon.

M. le Président, j'invite maintenant les membres de l'Assemblée à adopter le principe du projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le ministre du Travail.

Avant de poursuivre avec la prochaine intervention, je vous informe qu'en plus du débat de fin de séance annoncé hier il y aura deux autres débats de fin de séance qui se tiendront aujourd'hui, à 13 heures. Le premier débat portera sur une question adressée par Mme la députée de Bourassa-Sauvé à Mme la ministre de l'Emploi concernant l'abandon du gouvernement du programme du crédit d'impôt pour les travailleurs expérimentés. Le deuxième débat portera sur une question adressée par Mme la députée de Sherbrooke à Mme la ministre responsable des Aînés concernant les soins à domicile. Et le troisième débat portera sur une question adressée par M. le député de Pontiac à M. le ministre de la Santé concernant les délais d'attente aux urgences.

Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître la prochaine intervenante, et ce sera Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Cadet : Merci beaucoup, M. le Président. Merci de me permettre d'intervenir sur l'adoption du principe du projet de loi n° 51, Loi modernisant l'industrie de la construction.

M. le Président, mon approche par rapport à ce projet de loi a d'abord été de me demander quel est l'enjeu de politique publique que l'on souhaite régler avec le dépôt du projet de loi, parce que, vous savez, donc, comme législateurs, donc, lorsque l'on décide de mettre de l'avant, donc, une solution législative, c'est parce qu'on a décelé une problématique certaine au sein de la société civile et qu'on tente, donc, de la résoudre par ce moyen qui est à notre portée.

Ici, manifestement, donc, nous, au sein de l'opposition officielle, nous avons maintes et maintes fois dénoncé la crise de l'habitation qui sévit au Québec, que le gouvernement du Québec, que le gouvernement caquiste a décidé de... a tardé à reconnaître au fil des dernières années. Et évidemment, à travers, donc, nos interventions, ma collègue députée des Mille-Îles, qui est ici présente aujourd'hui, qui interviendra sur ce projet de loi, donc, a aussi, donc, dénoncé non seulement, donc, la crise de l'habitation, mais également le fait que différents, donc, projets institutionnels, donc, ont de la difficulté à être portés, donc, à avoir une certaine finalité.

Donc, considérant le fait qu'au final ce qu'on souhaite, c'est bâtir mieux, bâtir plus vite et bâtir à moindre coût pour l'ensemble des contribuables, pour l'ensemble des consommateurs, et donc ceux qui peuvent, donc, bénéficier de cette industrie qui est névralgique pour l'économie québécoise, il faut trouver, donc, une solution, donc, à cet enjeu-là. Ici, évidemment, la solution, elle n'est jamais unique, hein? Donc, elle est toujours transversale, implique de nombreux acteurs, implique de nombreuses interventions politiques, législatives ou non.

Ici, le ministre du Travail, donc, a décidé d'intervenir en modernisant l'industrie de la construction. À ça, donc, au Parti libéral du Québec, on dit : Soit, évidemment, donc, on aborde, donc, le diagnostic sous la même forme. Je l'ai dit, donc, nous avons, donc, dénoncé ces enjeux-là nous-mêmes en période de questions ou à travers les différents outils parlementaires à notre disposition. Donc, nous portons le même diagnostic sur la problématique.

La solution, donc, qui est amenée dans ce cadre-ci, dans le cadre du projet loi n° 51, nous disons : O.K., tant mieux, c'est vrai, donc, ça fait 30 ans qu'on n'a pas ouvert, donc, la loi R-20 portant sur les relations de travail, la gestion de la main-d'oeuvre et la formation professionnelle dans le secteur de la construction, donc, allons-y. Donc, nous avons cette ouverture.

Le ministre identifie différents enjeux maintenant. Donc, il dit... Donc, il souhaite moderniser l'industrie de la construction, donc, identifier quelques enjeux qui sont à l'intérieur de cette industrie-là pour répondre, on se le rappelle, donc, à ces différentes problématiques, bâtir mieux, bâtir à moindre coût et bâtir plus vite. Donc, on nous indique que les défis, donc, sont le manque de productivité dans l'industrie de la construction puis évidemment tout ce qui concerne la main-d'oeuvre, donc, la pénurie de main-d'oeuvre, donc, le recrutement, dans une certaine mesure, la rétention et, on y reviendra, la formation et la diversité de la main-d'oeuvre. Donc, si l'on agit sur ces différents fronts là, et, de façon subsidiaire, donc, sur la gouvernance de la Commission de la construction du Québec, et, bon, donc, sur les différents leviers de relations de travail pour équilibrer, donc, les rapports entre les parties, donc, si on agit sur ces différents fronts là, on va réussir à régler la problématique identifiée plus tôt, qui touche l'ensemble des Québécois, je le répète : bâtir mieux, bâtir plus vite et à moindre coût.

C'est là que je fais le constat suivant. Je dis, donc : Le diagnostic est-il le bon? On abonde dans le même sens, certainement. Est-ce que le remède, maintenant, est le bon? Après avoir entendu les parties en consultations particulières, que je remercie, hein, donc, ce sont 19 groupes que nous avons entendus à l'occasion de ces consultations particulières, ma conclusion et mon constat, donc, à ce stade-ci de l'adoption du principe, c'est de dire : À certains égards, on peut le reconnaître. Donc, jusqu'à un certain point, on nous dit qu'il y a une certaine avancée, hein, avec ce qui est proposé, mais ce qui semble certain, c'est que la dose est insuffisante. Donc, on nous... on administre un certain remède, pas tout à fait certaine que ce soit exactement le bon, mais, même si c'est le cas, la dose, elle n'est pas à la hauteur de ce qui devrait être fait dans l'industrie pour répondre à la politique publique.

• (11 h 40) •

Et c'est ici que j'émets, donc, une certaine réserve, M. le Président. Parce que vous vous souviendrez, hein, dans l'actualité de la dernière année, il y a, donc, à peu près neuf mois, le ministre, sur la place publique, donc, est allé dire, donc, qu'il émettrait, donc, un geste historique en ouvrant la loi R-20, donc, la loi que je vous ai nommée, donc, sur les relations de travail, la gestion de la main-d'oeuvre et la formation professionnelle dans le secteur de la construction, donc, communément appelée loi R-20, donc qu'on ouvrirait, donc, cette loi pour la première fois, donc, de façon transversale en 30 ans.

Donc, il y avait là une opportunité de vraiment donner ce que certains pourraient appeler, donc, en faisant, donc, certains jeux de mots avec le secteur de la construction, un coup de barre dans l'industrie pour y amener, donc, certains aménagements pour l'alléger, hein, pour permettre une plus grande efficacité et nous assurer que les besoins des Québécois en matière d'habitation... que les besoins des Québécois, donc, qui subissent la crise, hein, la crise de l'habitation, la crise du logement, mais également, donc, veulent, donc, différents services, services ayant été promis par le gouvernement, mais qui, manifestement, donc, peine à répondre aux missions essentielles de l'État... et donc de pouvoir répondre à toute cette demande-là avec le projet qui nous est... évidemment, donc, de faire tout ça, donc, dans le respect de toutes les parties, donc, les... donc, le respect, donc, des acteurs impliqués, donc, sur le terrain ainsi que leurs travailleurs.

Avec ce qui nous est présenté... J'ai souvent posé cette question-là, en consultations particulières, aux intervenants qui sont venus, puis je leur demandais : Bon, l'objectif, on nous disait, bien, c'est la productivité, d'améliorer la productivité. Est-ce que vous pensez qu'on y parvient vraiment? Est-ce qu'avec ce que vous avez vu là, tel que présenté, donc, le projet de loi, donc, avant qu'on arrive à l'étude détaillée, est-ce qu'il répond à ce que vous voyez sur le terrain, vous qui êtes les experts, donc, vous qui avez, donc, cette expertise au quotidien, donc, de vous lever chaque matin pour contribuer à la société québécoise en intervenant à l'intérieur du secteur de la construction?

Souvent, M. le Président, je dois vous avouer que j'ai décelé certaines insatisfactions de la part des intervenants. Bon nombre d'entre eux sont venus, donc, nous dire, un peu comme je le disais plus tôt : Il y a des... bon, évidemment, donc, il y a des avancées, et puis il y a certains articles que nous-mêmes, donc, nous disons : Ah! donc, c'est très bien qu'on aille... qu'on dépoussière un peu certaines pratiques. Mais, étant donné les besoins qui sont... qui ont été mis de l'avant, étant donné les attentes, aussi, qui avaient été élevées par le gouvernement avant le dépôt de son projet de loi, j'ai l'impression que le ministre aurait pu faire preuve d'un peu plus d'audace dans la première mouture de son projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous, donc, le... donc, moi, comme porte-parole de l'opposition officielle en matière de travail, lorsque nous en viendrons, donc, à l'étude détaillée du projet de loi, bien, je m'assurerai d'émettre différentes bonifications du projet pour que nous puissions véritablement répondre à ces besoins-là.

Je vous disais, donc, que certains éléments, donc, ont été identifiés par le gouvernement, par le ministre en matière, donc, d'enjeux dans le secteur de la construction, donc, nommément, donc, le manque de productivité, le recrutement, la rétention, la formation et la diversité de la main-d'oeuvre.

D'abord, en matière de productivité dans l'industrie, productivité, efficacité, le ministre nous présente, donc, différentes, donc, propositions, d'une part, en matière, donc, de ce qu'on appelle, donc, dans le projet, polyvalence et d'autres, donc, en matière de mobilité. En matière de polyvalence, ce qu'on voit, c'est... bon, le ministre nous dit... il écarte le fait, donc, de diminuer le nombre de métiers dans le secteur de la construction. Soit, donc, c'est un choix qui est légitime, mais c'est certainement... il semble, M. le Président, nous dire que, donc, manifestement, donc, c'est absolument ce qui aurait dû être fait, hein?

Je veux être claire avec vous ici, ce que j'avance, c'est que j'ai l'impression que, parce que le gouvernement s'est réveillé trop tard sur les enjeux, donc, qui touchent la population, la crise de l'habitation et le fait, donc, de pouvoir avoir accès, donc, à des services publics, donc, à travers, donc, des infrastructures de qualité, des infrastructures récentes et plus nombreuses sur le territoire, donc des écoles, des hôpitaux, des cliniques, etc., parce que le gouvernement, donc, a, selon moi, donc, failli à son devoir, donc, de poser ce diagnostic plus tôt, donc, face aux enjeux lorsqu'il est entré au gouvernement, on a manqué une occasion de vraiment créer, donc, un chantier qui aurait pu mettre autour de la même table les acteurs, donc, du secteur de l'industrie, tant du côté patronal que syndical, donc, l'ensemble des parties. Parce que je comprends très bien que le concept de paix industrielle est crucial, dans ce secteur d'activité. Mais, si on avait voulu, donc, réaliser, donc, un chantier, donc, qui est, donc, historique, donc, tant qu'à ouvrir la loi pour la première fois en 30 ans, qu'on dise : Explorons les avenues, explorons qu'est-ce qui est possible, qu'est-ce qui est à portée de main. Bien, je pense qu'on aurait pu le faire, M. le Président.

Il y a eu certains échanges lors des consultations particulières entre le ministre et certains intervenants, où cet enjeu a été abordé, parce que ça fait partie, donc, des recommandations, des propositions qui étaient comprises, donc, dans certains des mémoires qui ont été présentés lors des auditions, que nous avons tenues la semaine dernière et mardi cette semaine. Et le ministre, donc, au micro, donc, a dit : Bien, donc, pour, donc, par exemple, donc, créer, donc, des familles de métiers, donc, qui a été une proposition syndicale, donc, ici, donc, ou... et donc de tout simplement les réduire, qui était, donc, une bonne proposition, donc, par exemple, donc, d'un groupe économique, bien, il aurait fallu changer les différentes formations, donc tout recréer, donc, au niveau... avec le collègue de l'Éducation, donc arriver avec quelque chose de substantiel. C'est vrai. C'est vrai que c'est un chantier qui aurait requis plus de temps, qui aurait requis plus d'efforts, plus d'investissements, plus de concertation.

Mais est-ce que, là, on n'a pas fait l'économie d'un débat qui aurait été intéressant pour l'ensemble des Québécois, si, en amont, on avait réfléchi au fait que : Bien, vous savez quoi, on est en train de vivre, donc, une situation qui n'est pas possible en... lorsqu'il est question de la crise de l'habitation? On est en train d'anticiper que, dans l'avenir, donc, on va vouloir, donc, réaliser tel et tel chantier, considérant, donc, la croissance de la population, considérant les besoins de la population. Parce qu'il y a la croissance, mais également, donc, le vieillissement de la population requérant certains investissements en infrastructures pour répondre à ce besoin-là aussi. Pourquoi est-ce qu'on ne s'est pas rendus là? C'est l'une des questions que je pose lorsque je pense à la manière dont le dossier de la polyvalence a été abordé.

Évidemment qu'à court terme, bien, à plus court terme, maintenant, donc, c'est le carcan dans lequel nous met le ministre, donc, pour l'étude détaillée, et on aura l'occasion, donc, de faire ce débat-là pour la suite, dans ce carcan-là. Bien, on nous présente, donc, certaines, donc, définitions en nous disant, donc, que, dans le cadre de la même journée de courte durée, le travailleur, donc, pourra, donc, réaliser, donc, des tâches qui sont autres que celles prévues à l'annexe A du règlement, donc, qui délimite, donc, leurs différentes fonctions et capacités sur un chantier de construction, donc, dans leur milieu de travail.

Nous aurons des questions. Nous aurons des questions, M. le Président, sur ce cadre-là, donc, autrement que de faire, donc, le débat, donc, beaucoup plus large sur la manière dont le ministre aurait pu aller plus loin, faire preuve de plus d'audace sur le plan politique pour répondre à un besoin, à des besoins criants de la population. Bon, on ne manquera pas de faire de ce débat-là, M. le Président, mais on fera aussi, donc, celui plus législatif du choix du ministre, donc, d'encadrer, donc, de façon... d'encadrer, donc, de cette manière-là, donc, la question de la polyvalence.

• (11 h 50) •

Et on aura... Et ce débat-là se fera de bonne foi, hein, M. le Président. On a entendu les parties, certaines parties, donc, nous dire : Bon, ces définitions-là, donc, viennent avec certains questionnements, notamment avec un risque, hein, donc, de litige, donc, entre les différentes parties, parce que, donc, manifestement, donc, il y a un certain flou qui est entretenu avec cette définition. Donc, dans mon rôle, donc, de porte-parole de l'opposition officielle, donc, certainement que je poserai toutes les questions pour nous assurer de limiter ce risque-là à l'avenir pour l'ensemble des parties.

Certains intervenants, donc, tout en qualifiant cette définition de prudente, nous ont aussi dit : Écoutez, donc, on a certaines réserves sur l'application, donc, dans le chantier, notamment, donc, sur la question des travaux de structure, qu'est-ce que ça implique. Donc, on va devoir faire notre travail de législateurs avec minutie pour nous assurer qu'à la fin de la journée non seulement, donc, on puisse répondre, au meilleur des capacités du législateur, aux besoins de la population et qu'on le fasse en ayant toujours ces objectifs-là en tête, mais qu'également, avoir ces objectifs-là en tête, bien, que ça signifie préserver, donc, des relations harmonieuses, donc, dans l'industrie et nous assurer que ces concepts-là soient définis, donc, d'une manière qui permette à l'ensemble des acteurs de faire leur travail convenablement.

Manifestement, il y a encore du travail à faire sur la question de la notion de polyvalence au sens plus large, comme je l'exprimais, ce qui aurait pu être fait, ce qui aurait pu être présenté dans la première mouture du projet de loi et ce qui est... et en fonction, donc, des éléments, donc, qui sont, donc, eux, donc, effectivement présentés et pour lesquels, donc, il faudra manifestement créer des aménagements.

En matière de mobilité, le projet de loi, donc... puis peut-être vous expliquer la situation actuelle, M. le Président, si vous n'êtes pas familier avec le secteur, comme je ne l'étais pas du tout avant d'être... en fait, de savoir que le ministre, donc, présenterait, donc, un tel projet de loi. Je sais à peine tenir un marteau, M. le Président. Ceci dit, donc, en ce moment, donc, dans le secteur de la construction, donc, comment ça fonctionne, donc, pour des raisons historiques, le règlement ne permet pas aux entrepreneurs, comme il se doit, M. le Président... Le Règlement sur l'embauche et la mobilité des salariés dans l'industrie de la construction mentionne que les employeurs ne peuvent pas déplacer un travailleur d'une région à une autre en fonction de leur contrat et selon leur convenance. Donc, rapidement, ça signifie que les... donc, il y a différentes régions de la CCQ, de la Commission de la construction du Québec, où les travaux, donc, doivent être... où, en fait, donc, les salariés, donc, doivent résider, donc, dans leur région, donc CCQ, donc, dans laquelle ils sont autorisés, donc, à faire différents travaux.

Certainement qu'au départ cette... puis évidemment, donc, il y a certaines exceptions, donc, dans la loi, donc, qui sont touchées, là, dans le projet de loi. Certainement qu'au départ cet aménagement général, cette règle générale, telle que formulée, avait tout à fait ses mérites. On le sait, le Québec, donc, a connu, donc, des situations de fort chômage, particulièrement à l'extérieur des grands centres. Et, dans une industrie qui procurait une occasion, donc, d'une part, de stimuler l'économie... Et, on le sait, c'est un peu la règle d'or, on stimule l'économie, donc, par l'établissement, donc, de projets d'infrastructures. Il y avait donc cette volonté-là, politique, légitime, de création d'emplois dans différentes régions parce qu'on vivait ce haut taux de chômage.

M. le Président, vous m'entendez souvent parler du concept de pénurie de main-d'oeuvre. Vous m'entendez souvent dire que la pénurie de main-d'oeuvre... au Québec, donc, on ne peut même plus dire la pénurie, mais les pénuries de main-d'oeuvre dans les différents secteurs d'activité sont structurelles, sont... Elles sont structurelles. Ces pénuries le sont en raison du fort vieillissement de la population, en raison, donc, de notre courbe démographique qui est inversée. Et lorsqu'on parle, donc, aux régions... Donc, nous, dans la dernière plateforme électorale, donc, on le mentionnait, M. le Président, donc, on le disait, donc, il faut, donc, une régionalisation, donc, de l'immigration avec les... en travaillant, donc, avec les régions elles-mêmes pour qu'elles puissent, donc, nous indiquer, donc, leurs besoins.

On a donc une dynamique sur le long terme, donc, pas à court terme, en raison d'un ralentissement économique, parce qu'on le sait, là, aujourd'hui, donc, on vit un certain ralentissement, donc, qui rééquilibre un petit peu plus, donc, le nombre de postes vacants avec le nombre de personnes qui sont en quête d'un emploi, mais ça ne... Ce ralentissement n'est pas une solution à la pénurie de main-d'oeuvre, très clairement, et, malgré ce ralentissement, on est quand même à des taux de chômage qui sont beaucoup plus bas que ce qu'on a connu à une autre époque au Québec.

C'est le cas depuis longtemps, donc, la question de la pénurie de main-d'oeuvre. Ça ne fait pas depuis l'élection de 2022 qu'on en parle. On en parlait bien avant. On pense à la campagne électorale de 2018. Ce phénomène s'exacerbait, mais même, donc, auparavant, donc, en préparation, donc, c'est toujours, donc, un enjeu économique qui nous a préoccupés, nous, au Parti libéral du Québec.

On sait aussi que, selon la Commission des partenaires du marché du travail, que cet enjeu-là ne sera pas... ne se résorbera pas dans la prochaine année. On parle... On n'a pas atteint le sommet de l'enjeu des pénuries de main-d'oeuvre. Vous comprendrez, donc, qu'en toute cohérence, M. le Président, qu'il faut prendre acte du fait que les aménagements qui existent au sein du régime de la loi R-20 et de ses nombreux règlements... que le statu quo est très difficile pour créer, donc, plus de productivité et plus d'efficacité dans le secteur.

Certains intervenants, je pense à l'APCHQ, on parlait du secteur résidentiel, sont venus nous dire : Bon, là, on comprend très bien cette volonté initiale du législateur, mais, quand bien même qu'on veut, et de façon, encore une fois, donc, très... d'une façon qui se comprend, et à laquelle nous sommes sensibles, très sensibles, protéger, donc, certains salariés, donc, d'une certaine région, donc, d'éventuelles, donc, entreprises qui viendraient compléter des grands projets et auxquels ils voudraient également être parties prenantes pour développer leur économie locale également, ce qu'on voit, c'est que le statu quo crée aussi, donc, certains effets délétères, comme le fait que ces différentes régions, à travers leurs délimitations, qui n'est pas la délimitation des régions administratives, là, des 17 régions administratives qu'on a au Québec, M. le Président... mais, même si c'était le cas, on a des situations qui ne sont pas nuisibles pour les travailleurs, où, donc, dans une région limitrophe, si on a, donc, des salariés qui résident à moins de 15 kilomètres d'un autre lieu de travail, s'ils sont à l'extérieur, donc, de cette région-là, quand bien même ils reviendraient chez eux le soir, ils ne sont pas capables de le faire.

On a aussi, donc, certains groupes qui sont venus nous dire... bien, ils ont plusieurs membres qui sont en région, des entrepreneurs qui sont en région puis qui voudraient grossir. Ils ne sont pas capables de le faire avec le statu quo qui existe aujourd'hui. C'est pour ça qu'on se dit... Il y a... Donc, en fait, ce qui nous est présenté, donc, dans le projet de loi ici... et encore. Donc, il y aura, donc, des aménagements à faire. On aura beaucoup de questions.

Il va falloir, donc, qu'on assouplisse un peu ces éléments-là tout en assurant, donc, un certain équilibre, ça, c'est certain. Donc, ça fait partie de nos responsabilités, M. le Président. Mais force est de constater que, lorsque l'on fait une analyse, une analyse des coûts du statu quo, par rapport, donc, aux bénéfices d'une réforme, en ayant en tête, encore une fois... parce que c'est toujours ça, donc, la problématique à laquelle nous faisons face, donc, de la crise de l'habitation et des besoins de la population, donc, pour obtenir des infrastructures publiques... qu'il faudra, donc, fortement, donc, questionner le ministre et nous assurer que ce qui est présent, donc, nous permet d'assez répondre à ces besoins-là.

• (12 heures) •

On pense, par exemple, à certains groupes qui sont venus nous dire, bon... Donc, par exemple, donc, le ministre, donc, octroierait, donc, une mobilité provinciale aux titulaires de certificats de compétence-compagnon expérimentés qui ont déclaré 15 000 heures dans l'industrie de la construction. Est-ce qu'il y a, donc, des aménagements à faire pour permettre aux titulaires de compétence... de certificats de compétence-occupation d'avoir accès à cette mobilité provinciale? Et je vous dirais, donc, M. le Président, qu'après avoir entendu différents intervenants, notamment l'ACRGTQ, qui s'occupe de travaux de voirie, qui nous disent... 40 % de leur main-d'oeuvre est constituée de titulaires de certificats occupation. Il y a peut-être quelque chose à faire là, qui a peut-être été omis dans le projet de loi, qui nous permettrait d'aller de l'avant avec un peu plus de mobilité. Donc, je ne donne que cet exemple.

La main-d'oeuvre, M. le Président. Donc, je vous ai parlé, donc, de la forte pénurie de main-d'oeuvre qui sévit partout au Québec. Dans le secteur de la construction, donc... il n'est pas exempt, donc, de ce phénomène. Différents intervenants de l'ensemble, donc, du secteur, donc, nous disent : Il manquerait à peu près, donc, 12 000 à 13 000 travailleurs, en ce moment, dans l'industrie pour répondre aux besoins, donc, changeants, donc, selon les projets, donc, à venir. Et on peut penser, par exemple, après, donc, le projet qui nous a été présenté par M. Sabia, d'Hydro-Québec, que ce sont, donc, des besoins de main-d'oeuvre qui seraient appelés à croître.

Différents enjeux, ici. Bon, cette main-d'oeuvre-là, si on veut parvenir, donc, à l'intégrer, donc, dans le secteur de l'industrie, il nous faut plus de formation. Avec la demande qui a crû, ce qui est arrivé au cours des dernières années, M. le Président, c'est que la grande majorité des gens qui intègrent l'industrie de la construction entre par bassin. Par bassin, bien, ça veut dire que, quand il y a un manque de main-d'oeuvre, bon, nous, donc, certains bassins... pour que des gens non formés, donc, puissent intégrer rapidement le secteur et répondre aux besoins quantitatifs de l'industrie, à défaut de répondre aux besoins qualitatifs de celle-ci.

L'enjeu, ici, c'est qu'une situation qui devait être... en fait, un outil, un instrument qui devait répondre, donc, à des enjeux ponctuels vient aujourd'hui répondre à des enjeux systémiques. Donc, c'est certain, et là je reviens, donc, à la nécessité, donc, de rendre le tout un peu plus productif et aux questions qui auraient pu être soulevées, donc, par le ministre, donc, sur la question, donc, des métiers, par exemple, qui auraient peut-être, donc, pu répondre d'une certaine manière, donc, à ces grands besoins de main-d'oeuvre avec une main-d'oeuvre formée.

Le projet de loi, à mon grand étonnement et au grand étonnement de nombre d'intervenants, tant des secteurs économiques, des milieux économiques que des associations représentatives... Ils sont venus nous dire : Le grand enjeu dans l'industrie, c'est la rétention de la main-d'oeuvre. Le grand enjeu, c'est le fait que, les gens, ils quittent après plusieurs années, et, surprise, l'un des motifs pour lesquels les gens quittent l'industrie, en fait, une variable qui est corrélée avec le départ de ces gens-là de l'industrie, c'est l'absence de formation.

Le projet de loi est muet sur la question de la formation. Le ministre nous dit : Ce n'est pas le bon véhicule pour parler de formation. Il l'a répété, donc, à quelques égards lors des consultations particulières et même lors de son allocution ici, il y a... je l'ai entendu, donc, dire que, bon, certains commentaires des parties prenantes, donc, s'écartaient du projet de loi. Je pense, M. le Président, fondamentalement qu'il faut que... en fait, que c'est une faille du projet de loi tel que libellé, qu'il faut qu'on s'attaque à la question de la formation et que les AEP, les attestations d'études professionnelles qui ont été annoncées l'automne dernier et qui ont été refinancées dans le cadre du budget du gouvernement, 2024-2025, non seulement ne suffisent pas, parce que, bon, les gens n'ont pas de... le gouvernement avait dit qu'il n'avait pas d'outil, donc, pour que ces personnes-là, donc, intègrent à tout... à coup sûr, donc, l'industrie de la construction, il va falloir qu'on aille plus loin. Il va falloir qu'on utilise ce créneau-là, M. le Président, pour parler de formation.

Je l'ai répété pendant les consultations, la formation est vectrice de rétention. Si, pour nous, la rétention de la main-d'oeuvre est un enjeu fondamental, si on... et ce l'est, à croire toutes les parties qui sont venues au micro dans les derniers jours, je pense que l'attitude responsable de notre part à titre de législateurs, donc, serait d'aborder cet enjeu de rétention et de voir comment le... nous pouvons donc plus amplement être agiles. Le ministre répète souvent, son projet de loi, il est perfectible, et je pense que, pour le bien de l'ensemble des parties, il y a unanimité là-dessus, il y a consensus, il va falloir trouver un moyen d'aller rapidement, donc, au-devant, donc, des questions de formation.

J'ai parlé de recrutement, rétention, formation, diversité de la main-d'oeuvre. Le projet de loi... Et ça, je le salue, je salue donc le fait que le ministre ait décidé d'aborder un enjeu crucial au sein de l'industrie, le fait que les personnes qui sont représentatives de la diversité québécoise soient sous-représentées dans le secteur de la construction. Il y a des aménagements qui sont faits, notamment en matière de mobilité, pour leur permettre d'être... en fait, d'avoir un seuil plus bas, donc, pour être reconnus à titre de travailleurs préférentiels. Certainement que c'est un sujet, vous comprendrez, donc, qui... que je trouve précieux. Et je pense qu'il faudra qu'on l'aborde avec sérieux au sein du projet de loi afin de voir comment on peut améliorer, donc, ce qui s'y trouve en matière de... d'accroissement de la diversité de la main-d'oeuvre.

Et, dans ce cadre-ci, évidemment, ça comprend donc les femmes, qui sont représentées dans l'industrie à 3,65 %, de mémoire. Et on comprend que c'est... que, lorsqu'on voit, donc, le poids des femmes dans l'industrie et leur poids réel au sein de la population, qu'on n'est pas là, on n'est pas là, M. le Président. Il n'y a pas de quoi se péter les bretelles, comme on dit. Il y a énormément de travail à faire. Et je pense qu'il faut définitivement, donc, se pencher sur la question des femmes dans le secteur de la construction, encore une fois, avec sérieux et nous assurer que toutes les pierres ont été retournées là-dessus, sachant que ce qui sont des risques et des facteurs de risque de départ des femmes dans l'industrie, bien, oui, c'est notamment, donc, l'absence de formation aussi, donc d'entrée dans le secteur par ouverture de bassin, mais également les questions de climat de travail, de situations, donc, malheureuses et d'attitudes, donc, à modifier sur les chantiers, donc, pour permettre qu'elles s'y sentent bien, et tout ce qui concerne la conciliation.

Je vous parlais que, de façon subsidiaire, donc, pour répondre à l'enjeu principal, le projet de loi, donc, aborde aussi les questions, donc, de relations de travail. Le ministre l'a dit, donc, dans la première mouture du projet de loi, donc, il met en avant, donc, le concept... En fait, il permet, donc, aux... La première mouture du projet de loi, donc, permettrait donc aux parties de négocier des clauses de rétroactivité, ce qui ne se retrouve pas aujourd'hui, donc, dans le régime particulier de relations de travail de la R-20, qui est distinct de celui du Code du travail, pour... pour plein de bonnes raisons, qu'aucune des parties ne... que toutes les... ou, en fait, que toutes les parties, en fait, trouvent que c'est important, donc, d'avoir ce régime distinct. À cet égard, certainement que nous aurons des questions sur le mécanisme que le ministre a décidé d'inclure dans son projet de loi, qui est un fonds de rétroactivité salariale qui fait... qui est l'antithèse d'un consensus, M. le Président. En fait, l'ensemble des personnes qui sont venues nous parler ont émis leurs réserves sur le concept de fonds de rétroactivité salariale. En fait, le fonds a fait l'unanimité contre lui, ce qui est rare.

Donc, j'invite le ministre, donc, à réviser cette position-ci, et je pense que c'est à ce stade-ci, donc, étant donné tout ce que nous avons entendu, et je connais la raisonnabilité du ministre avec lequel, donc, nous travaillons bien, comme il l'a mentionné, pour nous assurer de revoir ces dispositions-là dans le projet de loi. Parce que c'est excessivement complexe, c'est un mécanisme qui, manifestement, donc, augmenterait les coûts dans le secteur parce qu'ils seraient absorbés, donc, par l'ensemble des employeurs, incluant les petits employeurs. Et on le sait, c'est 80 %, donc, des entreprises dans le secteur de la construction, donc, qui sont des toutes petites entreprises. Et ce fardeau supplémentaire ne semble pas... ne semble pas régler, là, de façon... de façon assez simple, là, les enjeux en matière de relations de travail.

• (12 h 10) •

Donc, je comprends la volonté du ministre, donc, de vouloir assurer, donc, ce qu'il juge être un rééquilibrage. Après avoir entendu, donc, toutes les parties, donc, on questionnera, donc, certains, donc, éléments, donc, sur le fond, son fonctionnement. Mais je porte aussi, donc, à l'attention, donc, de cette Chambre que même la Commission de la construction du Québec, lorsqu'elle est venue témoigner, nous a dit que, bon, ils avaient une expertise en administration de fonds, tel que prévu à l'article 4 de la loi, mais qu'effectivement ce serait complexe, un tel fonds serait complexe, ils l'ont même admis.

En terminant, M. le Président, j'irais... je vous parlerais de planification des travaux. L'ensemble des parties nous ont dit : Un autre des enjeux, en matière de productivité et d'efficacité dans le secteur de la construction, bien, c'est la planification des travaux. Le projet de loi ne l'aborde pas. Et, s'il faut le faire à l'extérieur du projet de loi, on est ouvert, M. le Président, mais je pense que c'est... il y a une réflexion qui est non seulement intéressante, mais qui est pertinente, en matière de planification des travaux, qui doit être entreprise dans le cadre, donc, de l'ouverture de ce grand chantier qu'est la réforme de la loi R-20.

Donc, pour ces motifs, pour tout ce que j'ai exprimé, M. le Président, vous comprendrez que, bon, j'ai des réserves que je considère sérieuses, que je ferai ce travail de législatrice avec minutie, mais, à ce stade-ci, je vous dirais que je suis en faveur du principe du projet de loi, donc notre formation politique, donc, votera pour le principe du projet de loi n° 51. Nous... Je remercie, je profite de cette tribune pour remercier, donc, les groupes, encore une fois, qui sont venus, qui nous ont présenté des mémoires étoffés, qui ont une expertise impressionnante du milieu, qui m'ont permis à moi, donc, d'en apprendre plus sur un secteur d'activité névralgique de l'économie qui m'était inconnu et que, par respect pour leur travail, j'aborderai, donc, moi-même avec vigueur les travaux entourant l'étude détaillée du projet de loi n° 51. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître le prochain intervenant et je vais céder la parole à M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Merci, M. le Président. Il faut bien s'encourager, entre collègues de l'opposition, sur un projet de loi.

Alors, ça me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 51. On l'attendait depuis longtemps, vous le savez, M. le Président. M. le ministre et moi, on en est... je pense, celui-là, c'est notre 10e projet de loi ensemble. Et au travers de différentes discussions, je me rappelle, pendant les nombreuses heures du projet de loi n° 59, des fois, on prenait des petites pauses pour souffler un peu, puis le ministre me confiait, à l'époque, qu'il réfléchissait à intervenir sur le dossier de la construction. On vivait, à ce moment-là, un conflit de travail important, parce qu'il y avait deux parties qui n'arrivaient pas à s'entendre. Il y avait, dans la mécanique de la loi R-20, des éléments qui, à mon avis, faisaient en sorte que ça menait vers une radicalisation du conflit. C'est pourquoi j'étais intervenu, moi, législativement parlant, à ce moment-là. J'avais déposé un projet de loi pour qu'on puisse donner la loi antiscab... accès à la loi antiscab, en fait, aux travailleurs de la construction, travailleuses aussi, et pour qu'on puisse permettre la rétroactivité salariale. Alors, j'étais un peu content de voir que le ministre abordait le dossier de la rétroactivité salariale dans son projet de loi, triste qu'il ne le faisait pas sur la loi antiscab.

Mais, dans tous les cas, nous avons eu l'opportunité, dans les dernières semaines, ce mardi, en fait, de la semaine dernière, d'entendre plusieurs groupes qui sont venus nous présenter leurs analyses du contenu du projet de loi du ministre, qui est assez costaud, quand même, là, de mémoire, à peu près 80 articles. Donc, un projet de loi de moyenne taille, on pourrait dire, qui vient quand même changer plusieurs éléments, là, de l'économie générale de l'industrie de la construction. On pourrait regrouper, grosso modo, là, les thèmes de ce projet de loi là en quatre grands secteurs : la question de la polyvalence, la question de la mobilité, la question de l'inclusion puis la question du régime du travail. J'aborderai donc quelques éléments dans chacun de ces groupes-là.

D'abord, par contre, revenir rapidement sur les audiences. Ça a été une discussion intéressante. On a étalé ça sur quatre jours, un peu plus que d'habitude. Il faut dire qu'il y avait le budget là-dedans, là. Mais moi, j'ai une seule déception, là, dans les audiences, c'est qu'on n'ait pas été en mesure d'accueillir Action Travail des femmes, ATF. On l'avait mis sur la liste, et la partie gouvernementale a voulu les jumeler. C'est une mauvaise pratique, à mon avis, de faire ça. On le voit de plus en plus dans différents projets de loi avec le gouvernement, de jumeler des groupes ensemble. Je ne trouve pas ça très respectueux des groupes. On n'aurait pas imaginé jumeler le Conseil du patronat puis la Fédération des chambres de commerce. On ne l'a pas fait, d'ailleurs. Alors, pourquoi on a voulu jumeler deux groupes qui représentent des femmes?

Alors, c'était... Il y avait déjà le CIAFT, le conseil d'intervention de travail des femmes, qui venait, et on a voulu jumeler avec ATF. ATF a jugé, et j'étais entièrement d'accord avec elles, que c'était un peu insultant et que, si on n'était pas capables de leur faire de la place à eux, au même titre que tous les autres intervenants, pour une période complète à eux, bien, ils ne viendraient pas, et c'est ce qui est arrivé. Malheureusement, on n'a pas été capables de convaincre le gouvernement de leur faire une place à eux. Il y aurait eu de la place, en plus, dans ces quatre jours-là, pour recevoir un groupe supplémentaire. Donc, peut-être qu'on aura l'occasion, lors de l'étude détaillée, de faire une motion préliminaire en ce sens pour accueillir au moins ATF et leur permettre de s'exprimer, comme on l'a fait pour plusieurs groupes syndicaux. Vous comprendrez qu'il y a plusieurs syndicats et plusieurs groupes patronaux également.

Autrement, sur le fond, M. le Président, quatre grands thèmes. Polyvalence, d'abord, le ministre veut aller permettre à certains titres d'emploi d'avoir plus de champ d'expertise, et, là-dessus, il s'est dit beaucoup de choses. Il y avait eu beaucoup d'expressions du ministre, là, qui avaient été faites dans les médias, préalablement à son dépôt de projet de loi et dans les jours qui ont suivi son projet de loi, sur les fameux cadres de porte dans une école, on n'a jamais su laquelle, on n'a jamais su qui, ni quand, ni comment, mais qui aurait pris sept métiers différents pour aller changer la cadre de porte. Les groupes syndicaux sont venus nous dire que c'était de la supercherie, que ce n'était pas vrai, que ce n'était pas avéré comme situation. Un groupe patronal nous a dit : Oui oui, ça a existé, un de mes membres l'a vécu, mais n'a pas donné beaucoup de détails.

Il a donné un détail intéressant, cela dit, puis c'était la question de la sous-traitance. Il disait : Ah oui! Il y avait beaucoup de sous-traitants. Bien oui, ça, c'est un des problèmes de l'industrie. Les entreprises de petite taille, entre autres, sont tellement spécialisées puis deviennent tellement pointues qu'il faut parfois jusqu'à quatre ou cinq degrés de sous-traitants pour un contrat. Bien, ça, vous allez bien vouloir décloisonner les types d'emploi, ça risque de ne pas beaucoup changer. Si, sur papier, je vous permets de faire plus de tâches, bravo, mais, si, dans les faits, vous êtes spécialisé dans une tâche, puis reconnu dans votre milieu comme spécialiste de cette tâche-là, puis qu'on vous demande... on ne veut que vous pour la réaliser, bien, vous avez un calendrier de travaux puis de contrats sur plusieurs mois puis vous ne pouvez pas être à deux places en même temps. Alors, ça se peut que ce soit à cause de la surspécialisation que des travaux soient retardés, parce qu'on attend que l'entreprise surspécialisée qu'on a sous-contractée soit libre pour venir faire la portion de job, sur le contrat, qu'on lui a assignée. Ça retarde nécessairement les travaux.

Alors, on manque d'entreprises générales... de compétences générales, au Québec, sur le domaine de la construction, et, là-dessus, le projet de loi est complètement muet. J'ai posé la question à des groupes patronaux : Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour avoir un peu plus d'entreprises généralistes, d'être moins prisonniers de cette logique-là de la surspécialisation et de la sous-traitance à outrance, je pourrais dire? Je n'ai pas entendu beaucoup de réponses, malheureusement, à ce problème-là, et j'ai la crainte, donc, qu'on se berce d'illusions en donnant plus de possibilités à des groupes de faire plus de tâches en espérant que, peut-être, magiquement, ça va provoquer une accélération des chantiers ou de la réalisation des chantiers. J'ai beaucoup de doutes là-dessus, M. le Président.

L'autre thème qui a été abordé, c'est la question de la mobilité interrégionale. Gros dossier. Dans le fond, dans le... ce qui est l'équivalent du Code du travail de la construction, qui est la loi R-20, il y a une possibilité, c'est écrit dans la loi R-20, vous pouvez négocier des clauses... dans vos conventions collectives respectives, là, il y en a plusieurs, dépendamment des titres d'emploi, vous pouvez négocier des clauses sur la mobilité interrégionale. Et qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que, quand vous êtes une entreprise... Essentiellement, là, les grosses entreprises puis les contrats, là, c'est le corridor Montréal-Québec, là. C'est là que ça se passe, le gros des contrats puis le gros des entreprises. Donc, c'est sûr que, dans des régions plus éloignées, l'Abitibi, la Côte-Nord, etc., la Gaspésie, il y a des bonnes chances que le contrat d'une moyenne à grande taille soit remporté par une entreprise de moyenne à grande taille, qui a des fortes chances d'être une entreprise du corridor Montréal-Québec. Alors, si vous êtes une entreprise Montréal-Québec, vous obtenez le gros contrat en région, il y a des bonnes chances que vous vouliez vous rendre dans cette région-là avec vos employés, que vous connaissez déjà, qui sont déjà dans votre système de paie, bon, avec qui vous êtes habitué de travailler. Et, ce faisant, bien, vous débarquez dans une région sur un contrat qui peut être assez gros, et, bien, il n'y a personne de la région qui risque d'y travailler, à ce contrat-là, ou si peu. Et ça a créé toutes sortes de mécontentements dans le passé.

• (12 h 20) •

On a le souvenir, je dirais, malheureux du blocage de la route de la Côte-Nord avec le fameux Bernard Gauthier, qu'on surnomme «Rambo». Moi, je suis un ancien syndicaliste, M. le Président. Vous avez entendu ma question au ministre la semaine dernière. Ce n'est pas mon syndicaliste préféré, «Rambo» Gauthier, pour toutes sortes de raisons, sauf que lui, il défendait sa région. Puis c'est pour ça qu'il était populaire dans sa région puis auprès des travailleurs de sa région. Il a défendu sa région puis il a obtenu gain de cause, en partie, avec Hydro-Québec puis le chantier de La Romaine. Parce que ça devait être frustrant en tabarnouche, M. le Président, d'être formé, d'être... d'être compétent sur un domaine de construction puis de voir un immense chantier à quelques kilomètres de chez vous être en train d'être réalisé presque entièrement par des gens pas de la région.

Donc, il faut comprendre cette frustration-là et éviter que ça reproduise dans le futur. Et là-dessus le gouvernement et le projet de loi du ministre font fausse route, à mon avis, en interdisant, pour la suite des choses, ce genre de clause là, ce qui, déjà en soi, moi, m'inquiète, puis, je trouve, ce n'est pas la bonne... la bonne façon de procéder. Mais, en plus, M. le Président, il fait quelque chose que le ministre se refuse de faire très souvent et qu'il a évoqué comme argument pour refuser plusieurs de mes amendements dans de nombreux autres projets de loi, c'est de dire : Laissons les parties négocier.

La mobilité interrégionale, M. le Président, ce n'est pas dans la loi, là. C'est... La loi dit qu'on a le droit d'en mettre, ce n'est pas toutes les conventions qui en a. Ça veut dire que les conventions qui ont des clauses précisant les modalités de mobilité interrégionale, c'est des clauses qui ont été négociées, des clauses qui ont été librement signées par les parties patronales, personne ne les a forcées à faire ça. Tellement... C'est tellement vrai qu'il y a certaines conventions qui n'en ont pas. Bien, si c'est des clauses librement négociées, pour que c'est faire, en bon français, que nous, les législateurs, on commence à vouloir préciser dans un projet de loi que c'est terminé, ces clauses-là, puis qu'on baisse le plafond, puis qu'on ne pourra plus en négocier dans le futur? C'est un drôle de précédent, ça, M. le Président.

Puis j'ai posé la question à un des groupes patronaux qui venait de nous présenter à quel point la convention collective qu'ils avaient appliquée était compliquée, puis là il y a plein de clauses, puis là ce n'est pas facile, puis ça ne nous met pas en compétitivité... Bien, coudon, êtes-vous en train de plaider votre propre turpitude? C'est vous autres qui l'avez négociée, cette convention-là, personne ne vous l'a imposée. Ne venez pas vous plaindre à nous, législateurs, de venir vouloir corriger le contenu de vos conventions collectives que vous avez signées, que vous avez négociées. C'est quand même hallucinant! Venez nous dire qu'il faudrait peut-être modifier la formation des cadres généraux, mais ne venez pas vous plaindre du contenu de vos conventions collectives que vous avez négociées, que vous avez signées. Moi, je suis sidéré par ça, M. le Président, sidéré, je n'en reviens pas. Je n'ai pas vu ça souvent et je suis déçu qu'on aille dans ce sens-là sur la question de la mobilité interrégionale.

J'ai la crainte, et je l'ai formulée au ministre en question ici, dans cette Chambre, qu'on est en train de générer des nouveaux «Rambo» Gauthier dans d'autres régions du Québec dans le futur, parce que, là, tout le monde dit : Ah! mais là c'est parce que c'est le plein emploi, il n'y a pas de problème, ça va bien aller. Ah! d'accord. Qu'est-ce qu'on fait dans trois, quatre, cinq, six ans, quand on va être peut-être en récession, woups! mais la loi, elle va être là, là, on n'aura pas adapté la loi pour un contexte de chômage endémique, là, dans quelques années ou dans une... Même si c'est dans une décennie, M. le Président, on ne la rouvre pas à chaque année, la loi R-20, on la rouvre très rarement. Ça fait que moi, je suis très inquiet qu'on se base sur le contexte de plein emploi, qui est conjoncturel, pour modifier le contenu d'une loi, qui, lui, est supposé d'être à long terme et ne prévoit pas des contextes de chômage endémique. Là-dessus, vous pouvez être certain, M. le Président, que je vais intervenir vigoureusement lors de l'étude détaillée.

L'autre bloc, c'était la question de l'inclusion, thème cher au ministre, je le sais, cher à ma formation politique aussi. Il y a un énorme taux de roulement dans la construction, c'est un énorme problème, et ce taux de roulement là est encore plus éclatant chez les femmes. Il y a un peu plus de femmes qu'avant dans le milieu de la construction, pas assez, évidemment, mais malheureusement celles qui rentrent sortent — c'est au-delà de la moitié, si je me souviens bien — après quelques années. C'est inacceptable. Elles sortent pour toutes sortes de raisons : le climat de travail, la précarité.

Beaucoup de syndicats ont plaidé que, depuis la fin du placement syndical, on peut être pour, on peut être contre, mais que, depuis la fin du placement syndical, il y a un nombre réduit de femmes sur les chantiers parce que certains entrepreneurs disent qu'ils n'embauchent pas ça, eux autres, des femmes, et, à défaut de se le faire imposer par le placement syndical, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, bien, ils ne les embauchent pas. Alors, les femmes sont formées, sont dans l'industrie, mais ne se font pas appeler et elles ne travaillent pas, alors elles changent d'industrie. Donc, je partage le souci du ministre de vouloir faire en sorte que ces femmes-là soient davantage dans l'industrie.

Mais je suis assez... je suis resté sur ma faim par rapport au contenu du projet de loi, et le CIAFT aussi. Je vous parlais tantôt du groupe, hein, de femmes qui est venu en commission. Ils sont restés sur leur faim. Ils ont, par contre, proposé une série de mesures, notamment la formation obligatoire sur le harcèlement. C'est quand même... ce serait tout un défi logistique, là, former des centaines, des milliers de personnes sur ce dossier-là. Mais, si on veut infléchir un changement de fond, de culture, on n'aura pas le choix d'aller un peu dans ce sens-là. Donc, je ne sais pas ce que le ministre en pense, par rapport à ces formations obligatoires là, on aura l'occasion d'en discuter.

Mais il y a aussi toute la question des quotas obligatoires. Il y a un terme technique, là, programme emploi... je ne me souviens plus trop, là, mais tout ça pour vous dire que, comme le gouvernement est donneur d'ouvrage de la grande majorité des contrats de construction au Québec, les écoles, les ponts, les routes, etc., bien, on pourrait, comme donneur d'ouvrage, mettre dans nos contrats publics, dans les appels d'offres, un pourcentage obligatoire ou une cible, en tout cas, de nombre de femmes qui travailleraient sur le chantier, et c'est ça qui permettrait d'obtenir un contrat pour une entreprise, et ça forcerait donc indirectement, mais avec un effet certain, l'embauche de davantage de femmes, alors qu'on sait qu'il y en a la moitié qui quittent l'industrie après cinq ans. Cette idée-là a été mise au jeu par le CIAFT.

J'ai questionné quelques groupes patronaux. Je les sentais très frileux. Ils étaient toujours bien intentionnés : Oui, oui, on travaille pour avoir plus de femmes, plus de femmes. J'ai dit : Parfait, visiblement, les intentions sont là, et tant mieux; les résultats, on peut en discuter. Là, il y a une mesure concrète, très, très claire, identifiée, somme toute assez facile, pour le gouvernement, de mettre en oeuvre. Qu'est-ce que vous en pensez? Bien, ça vient jouer un peu dans leur libre arbitre, vous comprendrez, M. le Président, ça vient jouer dans leur autonomie de gestionnaires, et je n'ai pas senti le même enthousiasme sur cette mesure-là que sur le principe général d'avoir plus de femmes en construction. Donc, ce sera aussi un autre élément de débat auprès de... auprès de mon collègue l'estimé ministre du Travail, parce que je pense qu'il faut qu'on serre un peu la vis là-dessus, et c'est une suggestion très pertinente du CIAFT, qu'on devrait étudier avec sérieux. Je sais que le ministre le fera dans les prochains jours.

L'autre domaine, M. le Président, le quatrième gros bloc, là, si on veut, de discussion de contenu du projet de loi, c'est le régime du travail. La loi R-20 est une vieille loi. Historiquement, on avait décidé de sortir la construction du Code du travail pour toutes sortes de raisons. Éventuellement, on leur a créé une espèce de petit code du travail, qui est la loi R-20, puis on n'a pas fait évoluer leur code du travail à eux au même rythme que le Code du travail général. Je m'explique.

Quand on a décidé de donner, dans le Code du travail en 1978, si je me rappelle bien, la loi antiscabs, donc, interdisant les travailleurs illégaux de remplacement, on n'a pas fait l'équivalent pour la construction, ce qui fait en sorte que, quand il y a des grèves dans la construction, qui ne sont pas si longues que ça parce qu'assez rapidement on trouve une entente ou bien, parfois, il y a des lois spéciales qui sont votées ici, je pense que la dernière date du gouvernement péquiste de Mme Marois en 2013, si je ne me trompe pas, bref, pendant les semaines où il y a une grève, c'est tout à fait légal de continuer à embaucher des travailleurs illégaux de remplacement. Et ça, à mon avis, ça enfreint les valeurs du Québec, où on avait adopté cette loi-là sous René Lévesque de manière consensuelle, avec l'ensemble des partis présents à l'Assemblée nationale à l'époque, pour éviter la violence sur des lignes de piquetage, pour éviter la violence dans des milieux de travail où, en effet, il y a une frustration importante qui peut se bâtir lorsqu'on constate que quelqu'un est en train de nous remplacer dans notre poste de travail, alors que nous, on défend nos droits en faisant la grève.

Donc, pourquoi la construction ne peut pas, elle aussi, avoir accès à la loi antiscab? C'est un grand absent du dossier du ministre... du projet de loi du ministre. Ça a été soulevé par tous les mémoires syndicaux. En plus, M. le Président, là, les travailleurs québécois sous juridiction fédérale, ils vont l'avoir bientôt, la loi antiscab. Historiquement, c'était... moi, j'étais un ancien syndicaliste, je me rappelle qu'à tous les congrès de la FTQ où j'étais, systématiquement, il y avait une motion pour que le fédéral applique la loi antiscab au Québec. Ça s'en vient. Ça s'en vient. Ça a été déposé, c'est en train d'être discuté à la Chambre des communes. Ça fait que, là, là, quand ça va être adopté, là, la totalité des salariés du Québec seront couverts par la loi antiscab, sauf les gens de la construction, puis pour pas vraiment d'explications très rationnelles. Moi, je n'ai rien entendu, ni de la part du ministre ni de la part des groupes patronaux, pour me justifier pourquoi ils n'ont pas accès à la loi antiscab, les gens de la construction. Alors, j'attends toujours l'explication, et vous pouvez être certains, évidemment, qu'il y aura un amendement qui sera déposé en ce sens de la part de ma formation politique lors de l'étude détaillée.

Autre chose, sur le régime de négociation, la question du droit de grief. C'est compliqué, la construction. C'est plein d'entreprises. Des fois, on travaille sur plus d'une entreprise, plus d'un... plus d'un chantier. Il y a la CCQ, la Commission de la construction du Québec, qui est là. Je reconnais d'emblée que c'est un écosystème qui est différent que le classique : une entreprise, un travailleur, un syndicat, puis on fonctionne dans ce... bon, ce carré de sable là. Je reconnais que c'est plus difficile, mais on a le droit de faire des griefs sur plein d'enjeux dans les conventions collectives de la construction, sauf sur les enjeux de salaire.

• (12 h 30) •

On a décidé, dans la loi... Encore une fois, hein, c'est bizarre. Des fois, on décide d'intervenir pour aller modifier le contenu d'une convention collective sur la mobilité, mais là, tout à coup, on décide de ne pas donner le droit de faire des griefs, aux salariés, sur les salaires. Il y a comme un... quelque chose d'assez étonnant dans ces choix-là qui est fait historiquement par le législateur et qui est renouvelé, malheureusement, par le contenu du projet de loi du ministre. Alors, on décide, un peu arbitrairement, comme ça, que, les salaires, ce n'est pas «grieffable», en bon français, dans les conventions collectives de la construction. Donc, vous pourrez toujours aller faire une plainte à la CCQ, puis voir s'ils la traitent puis si, à un moment donné, ça fonctionne ou pas, mais pas de grief.

Puis, quand... Ça, il y a eu un début d'explication de la part, un peu, du ministre puis des groupes. Ils ont dit : Oui, mais, M. le député, si on fait ça, il va y avoir une avalanche de griefs. Ah bon? Bien, peut-être que, s'il y a une avalanche de griefs, c'est peut-être qu'il y a une avalanche de problèmes, hein, M. le Président? Des griefs, là, ça origine d'un problème. Si je dépose un grief sur un salaire non payé, c'est parce qu'il y a un salaire non payé. Je n'invente pas un grief de salaire non payé comme ça, là, hein? Je le crée sur la base d'un fait. Alors, s'il y a une avalanche de griefs, c'est parce qu'il y a un problème. Puis, s'il y a une avalanche de griefs, vous devriez peut-être régler le problème puis ne pas venir plaider au ministre de continuer à avoir une exception pour ne pas avoir accès aux griefs sur les salaires pour les travailleurs de la construction.

Alors, là-dessus, je suis un peu... vous me voyez un peu animé, M. le Président. Vous pouvez compter sur cette même énergie lors de l'étude détaillée.

Dernier point sur le régime du travail, qui est le plus important, à mon avis, c'est la question de la rétroactivité salariale. Je vous disais tantôt que j'ai fait un projet de loi, dans l'ancienne législature, sur ce dossier-là. C'est un peu la même logique que le droit de grief sur les salaires. C'est écrit noir sur blanc dans la loi R-20 que vous ne pouvez pas mettre dans les conventions collectives de clauses de rétroactivité salariale.

Qu'est-ce que la rétroactivité salariale? Si la convention collective se termine le 1er juin puis que la négo en stâle, en bon français, qu'elle bloque, pour toutes sortes de raisons, puis qu'elle dépasse le 1er juin, puis qu'on arrive le 1er août, puis qu'on signe une entente, bien, avec des nouveaux salaires, dans à peu près... la grande majorité des conventions collectives au Québec, ce n'est pas unanime, hein, il y en a aussi qui n'en pas, des clauses comme ça, mais, la plupart des conventions collectives, pour donner un certain incitatif au ministre... pas au ministre, pardon, pour donner un incitatif aux patrons à aller régler dans l'ordre des choses...

Une voix : ...

M. Leduc : Oui, je suis désolé d'avoir mélangé le ministre avec le patron. J'ai mes habits de syndicaliste qui ressortent, je suis désolé. Alors, pour donner un incitatif au patron de ne pas indûment retarder la complétion de la convention collective, bien, vous mettez une clause de rétroactivité salariale qui fait en sorte que, si vous dépassez d'une semaine, un mois, deux mois, bien, la nouvelle convention collective, vous allez payer le nouveau salaire en date de la fin de la convention collective précédente, un principe de base, en droit du travail, très commun, très accepté. Parce que, sinon, c'est quoi, l'incitatif pour le patron? Bien, c'est de retarder ça le plus possible, parce que chaque jour que vous allez retarder au-delà de la date de la limite, au-delà du 1er juin, comme j'expliquais, bien, c'est des salaires, des augmentations de salaire que vous n'aurez pas à payer puis que vous mettez dans votre poche pour vos profits, pour vous, pour vos actionnaires, ou peu importe.

Alors, pourquoi diable on n'a pas mis, dans la loi R-20, la possibilité de faire ça? Encore une fois, on nous dit : C'est compliqué. Ah! c'est compliqué. On en fait, des choses compliquées, ici, M. le Président, sur une tonne de sujets, sur une tonne de projets de loi. La vie, c'est compliqué, M. le Président. Alors, pourquoi on n'est pas capables de trouver une solution là-dessus? Je ne sais pas.

À la défense du ministre, et je reconnais là-dessus son esprit d'initiative, dans son projet de loi, il nous propose une mécanique de rétroactivité salariale. Je la trouve très compliquée, sa mécanique. Je pense que c'est une fausse solution, une fausse bonne idée, sa mécanique, mais je reconnais son initiative. Il a essayé de proposer quelque chose. Et, comme ma collègue le disait, de l'opposition officielle, il y a quelques instants, ça a fait l'unanimité contre, malheureusement, sa proposition. Elle était compliquée. Il fallait décider d'avance ou prévoir combien de jours on pensait que la convention collective allait décaler de sa fin. Ça allait-tu être une semaine, deux semaines, trois semaines? On évalue ça une couple d'années d'avance, puis on cotise à un fonds pour espérer que ce soit à peu près le montant d'à peu près le délai entre la fin de la convention puis la signature de la prochaine. C'est tout un exercice de prévisibilité, M. le Président, de futurologie, quelques-uns pourraient dire. Donc, bravo pour l'effort, pour l'essai. Je salue, encore une fois, sa volonté d'avoir essayé quelque chose. Il faut constater que c'est un refus de toutes les parties.

Puis, par contre, la solution, elle est venue aussi d'un nouveau consensus que je devine. Il y a une... Certains syndicats et la Fédération des chambres de commerce, que je salue, parce qu'ils sont le seul groupe patronal à avoir proposé ça, ils ont dit : Ce n'est pas très compliqué. Dans le fond, ils disent : Nous, on ne veut pas... autant la partie syndicale que patronale, on ne veut pas que vous veniez décider du contenu de la convention collective en matière de rétroactivité salariale, faites juste biffer dans la loi le moment où est-ce qu'on l'interdit et laissez les parties en discuter. Ce n'est pas tout le monde qui va vouloir aller faire la grosse bataille sur la rétroactivité salariale du côté syndical, peut-être qu'ils vont vouloir faire la bataille sur autre chose. Ils feront leur choix de priorité. Et, du côté patronal, même chose, peut-être qu'il y en a qui disent : Oui, oui, la rétro, on va la donner puis on va trouver une façon de le faire, peut-être qu'il y a d'autres patrons qui vont dire : Non, non, il ne faut rien... il ne faut pas toucher à ça, et ils auront des débats. C'est ça, la négociation.

Alors, c'est très simple, la suite des choses, je pense, pour le ministre. Il a un peu évoqué lui-même cette idée-là, en question avec des groupes pendant les audiences. Il dit : Mais, si on ne faisait que retirer l'interdiction de faire de la rétro puis qu'on permettait aux parties de voir si c'est prioritaire, etc.? Puis il y avait quand même un peu d'ouverture du côté patronal. Du côté syndical, il y en avait évidemment beaucoup.

Ça reprend un peu l'esprit du projet de loi que j'avais déposé il y a deux ou trois ans maintenant. C'était ça, c'était... on fait juste retirer l'interdiction, puis on souhaite bonne négo à tout le monde, finalement, parce que c'est ça, notre rôle de législateurs. Ce n'est pas de signer d'avance la convention collective ou de déterminer son contenu, c'est de mettre un contexte général approprié de négociation et de laisser les parties faire le travail et s'entendre.

Alors, là-dessus, je pense que la solution, elle est toute dessinée. J'ai senti le ministre ouvert à cette piste d'atterrissage là. Il a déjà l'appui de la Fédération des chambres de commerce, qui n'est pas négligeable, l'appui de certains syndicats, donc je pense qu'avec un peu de chance on pourrait atterrir ensemble. En tout cas, il aura certainement mon appui sur cette clause-là, s'il décide d'aller de l'avant.

En terminant, M. le Président, on ne pourrait pas terminer, là, sans parler de la question de la formation. J'ai moi-même déposé une motion de grief sur le budget hier, sur les A.E.P., sauf ça a été décrié par l'ensemble des groupes, hein, autant patronaux que syndicaux. Ce n'était pas la bonne solution à la pénurie de main-d'oeuvre. Tout le monde disait que, la solution, c'était l'alternance travail-études. Donc, on garde les D.E.P., parce qu'en ce moment les nouveaux... les nouvelles A.E.P., les attestations d'études professionnelles, fragilisent les D.E.P. Ils pourraient peut-être même les faire fermer, éventuellement, là. Je ne veux pas être un prophète de malheur, mais on entend beaucoup d'échos qui disent qu'on ne trouve pas des salles, on ne trouve pas de professeurs, on dédouble peut-être pour rien. En plus de certains éléments qui sont sortis dans les médias où il y a des personnes d'un certain âge qui appliquent, et qu'on imagine qui ne travailleront pas cinq, 10, 15 ans dans l'industrie de la construction. Mais ils vont peut-être plus acquérir leurs compétences qu'on leur a données en les rémunérant pour aller rénover leur chalet, par exemple, ou leur salle de bain, ou des choses comme ça.

Bref, il faut faire attention avec les A.E.P. Moi, je suis déçu que le ministre les ait renouvelées avec le budget. J'étais déçu qu'ils aient mis les frigoristes, alors que, résolution unanime du C.A. de la CCQ, donc patronale, syndicale, pour dire : Surtout, ne mettez pas les frigoristes, ils travaillent avec des gaz, avec des éléments dangereux, on ne peut pas réduire cette formation-là à quelques mois seulement. Ça s'est ramassé pareil dans sa... dans son annonce. Et là on apprend, avec le budget, que c'est renouvelé, les A.E.P. Ce que j'ai cru comprendre, dans les échanges sur l'alternance travail-études, c'est que c'était en étude, justement, auprès du ministère. Mais j'aurais aimé mieux qu'il se concentre là-dessus et qu'il nous livre l'alternance travail-études plus rapidement, plutôt que la fausse bonne solution que sont les A.E.P.

Ça va conclure mes commentaires là-dessus, M. le Président. Encore une fois, je le dis, c'est mon 10e projet de loi avec le ministre. Je le connais bien, je l'apprécie. C'est une personne qui aime débattre, c'est une personne qui aime échanger, qui aime ça, essayer de faire fructifier l'échange au bénéfice des Québécois et des Québécoises. Je vais donc, aujourd'hui, voter pour le principe du projet de loi, dans l'espoir de trouver des compromis sur la plupart des enjeux que j'ai soulevés, sur la polyvalence, sur la mobilité, sur l'inclusion, sur la rétroactivité salariale, sur le droit de grief, sur la loi antiscabs. Je suis convaincu que le ministre est sensible à ça. Et, par principe, par ouverture, je vais voter pour le principe. Et je me réserve, bien sûr, la surprise de mon appui ou pas au vote final, lorsque nous aurons terminé les études détaillées, qui, je le sais, seront très fructueuses. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître le ou la prochaine intervenante, et ce sera Mme la députée des Mille-Îles. La parole est à vous.

Mme Virginie Dufour

Mme Dufour : Merci, M. le Président. Alors, d'abord, j'aimerais remercier le ministre et l'ensemble des députés, là, qui ont participé aux échanges, et évidemment aux groupes qui ont participé aux consultations particulières.

J'ai eu la chance d'entendre quelques groupes, parce que j'ai présidé une section, une portion des travaux des consultations. Écoutez, M. le Président, comme porte-parole de l'opposition officielle en matière d'habitation, je dois vous dire que la crise du logement m'occupe beaucoup depuis mon entrée en poste, et j'ai eu l'occasion de rencontrer énormément d'entrepreneurs en construction, de gens qui vivent aussi, sur le terrain, les conséquences de la crise du logement. Et ce qu'on voit, ce qu'on constate, c'est qu'il faut absolument revoir la façon qu'on travaille dans ce milieu-là, dans le milieu de la construction.

Mais je vais vous faire quand même un état, là, précédemment, de la situation qu'on vit présentement. Donc, comme je l'ai dit, on vit une pénurie de logements qui est sans précédent, mais, au même moment, on vit une pénurie de main-d'oeuvre, main-d'oeuvre dans le domaine de la construction, mais une pénurie de main-d'oeuvre dans l'ensemble des domaines, aussi, de métiers. Au Québec, là, le taux de chômage est quand même très bas, il y a plusieurs domaines où on a besoin de main-d'oeuvre, et, souvent, de la main-d'oeuvre qui vient de l'extérieur du Québec. Et, pendant ce temps-là, bien, les mises en chantier, elles, ont baissé comme jamais. On est... On a eu la pire chute historique, là. Les données sont enregistrées depuis 1955, et c'est la pire chute, là, ça a diminué de 35 %, mais on n'a même pas construit 39 000 logements l'année passée, alors que les besoins sont immenses. Et j'y reviendrai, d'ailleurs, à ce sujet-là.

• (12 h 40) •

Les taux d'inoccupation, eux, évidemment, comme la demande est forte, et il y a moins d'offres qui sortent de terre, bien, les taux d'inoccupation baissent comme jamais. On est rendus, dans certaines... tu sais, on est en bas de 2 % dans l'ensemble du Québec, mais, dans certaines régions, M. le Président, on est à moins de 1 %, parfois même zéro, carrément. Donc, dans certaines catégories, particulièrement les logements les plus abordables, là, c'est zéro presque partout. Quand quelqu'un met un logement sur le marché, les gens se l'arrachent, et ce qui fait qu'il y a, malheureusement, une hausse aussi de l'itinérance, puis qu'il y a des gens... Et c'est rendu la première raison de l'itinérance. Avant, l'itinérance, c'était des enjeux de santé mentale, principalement, de consommation aussi, mais plus maintenant. Maintenant, c'est la plus... La première source, la première source de... raison derrière l'itinérance, c'est le manque de logements. C'est catastrophique.

Et là, bien, comme je le disais, malheureusement, l'offre étant limitée et la demande étant en croissance, bien, on a une hausse des prix de l'immobilier, les propriétés continuent à augmenter, mais aussi des loyers. Et de moins en moins de gens arrivent à se loger. Il y a de moins en moins de gens, aussi, qui accèdent à la propriété. D'ailleurs, nos jeunes, c'est la première génération, M. le Président, qui n'aura pas d'accès à la propriété. Le coût, actuellement, d'une maison, la propriété moyenne dans... c'est 475 000 $, d'une propriété neuve, là, d'une maison neuve, 475 000 $. Quand on fait des calculs hypothécaires, ce que ça prend comme mise de fonds et comme revenus pour être capables de se payer ça, c'est gigantesque, et ça prend des revenus familiaux qui sont bien au-delà du petit revenu familial moyen. C'est ça, la réalité. Évidemment, nos jeunes, quand ils arrivent sur le marché du travail, ils n'ont pas ces revenus-là. Alors, accéder à la propriété, c'est rendu impossible, à moins qu'il y ait de l'argent des parents, derrière, ou des grands-parents.

Et pourquoi c'est rendu si cher? Bien, parce que les coûts de construction ont énormément augmenté. Évidemment, il y a eu des coûts... les coûts des matériaux qui ont augmenté, mais il y a aussi des coûts de main-d'oeuvre. Et c'est là que vient... La réforme qu'on regarde aujourd'hui pourrait jouer dans l'équation et permettre d'améliorer la productivité de l'industrie, et donc de diminuer un peu les coûts, puisqu'on pourrait en faire un peu plus pour le même coût si on était... si on avait une meilleure productivité, et là je ne parle pas de productivité des individus, mais bien, dans son ensemble, de l'industrie.

Il faut construire davantage, c'est certain, avec ce constat-là. En fait, c'est énorme. La Société canadienne d'hypothèques et de logement estime qu'il faudrait 1,1 million de logements d'ici 2020 pour peut-être aspirer à retourner vers un marché d'équilibre. Ça, c'est 150 000 logements par année qu'il faudrait construire. On en a construit moins de 39 000 l'an dernier, donc vous voyez que le... on est loin du compte, on est très loin du compte. Et lorsqu'on regarde les annonces qu'on fait, où on parle de très grandes entreprises qui vont venir s'implanter au Québec, on entend le plan d'Hydro-Québec, c'est énormément de travailleurs qui vont être mobilisés dans des chantiers de construction plutôt industriels, mais il nous manque déjà de main-d'oeuvre pour faire de la construction résidentielle. Est-ce qu'il va nous en rester pour construire des logements? Et ceux qui vont venir travailler dans ces industries-là et ces chantiers-là, où vont-ils se loger?

Donc, il faut absolument, il faut absolument mettre une emphase particulière sur la construction résidentielle. D'ailleurs, ça affecte directement notre économie actuellement. Le manque de logements fait en sorte que des entreprises ne viennent pas au Québec ou n'agrandissent pas parce qu'ils ne sont pas capables de loger leurs travailleurs. Le manque de logements fait en sorte que des étudiants ne viennent pas étudier au Québec, et donc ça affecte notre capacité d'avoir de la main-d'oeuvre future. Donc, il faut absolument mettre une emphase là-dessus.

Et ce qui est inquiétant, c'est que l'industrie estime que d'ici... bien, d'ici 10 ans, il pourrait y avoir 25 % des employés actuels qui prendraient leur retraite. Alors, la pénurie risque de s'aggraver encore plus. Il y a une étude de Desjardins qui a montré que la proportion d'immigrants et résidents non permanents dans la construction était beaucoup plus élevée ailleurs. Ici, on est à 9 % à peine, alors qu'aux États-Unis, c'est 34 %, au Canada, 22 % dans les autres provinces, là. On manque de travailleurs, on a des immigrants qui voudraient travailler ici, mais parce qu'ils se butent à plein d'obstacles pour faire reconnaître notamment leurs compétences, bien, ça freine leur accès à l'emploi. Alors, on les perd pour travailler dans notre industrie.

Et là j'aimerais parler de la particularité de l'Outaouais, qui a une frontière avec l'Ontario et qui fait en sorte qu'il y a... il y a une entente Québec-Ontario, là, de mobilité de main-d'oeuvre, mais ça fait surtout en sorte que les Québécois vont en Ontario, mais ils ne reviennent pas, les autres ne viennent pas, ils ne peuvent plus revenir au Québec. Puis, quand j'ai rencontré des entrepreneurs là-bas, ils nous ont fait part que c'était vraiment un enjeu majeur. Et actuellement aussi, parce qu'il y a une taxe de vente du... la taxe de vente de l'Ontario qui a été enlevée et que nous, on a toujours notre taxe de vente du Québec, bien, tous les chantiers s'en vont à Ottawa, en Ontario plutôt que du côté québécois de la frontière. Alors, ça, c'est majeur.

Et ce que ça montre, tout ça, M. le Président, c'est qu'il va falloir une meilleure mobilité, une mobilité à travers les régions. Quand on lit qu'un travailleur d'Eastman... Il y a un exemple, là, qui a été rapporté dans un mémoire de l'APCHQ, qui nous dit qu'un travailleur d'Eastman, en Estrie, ne peut pas se trouver un emploi à Magog parce que ce n'est pas la même région, la région de... le bassin, là, de la région CCQ, mais, par contre, il peut aller travailler à Val-David, à trois heures de route, juste parce que c'est deux... Val-David fait partie de l'immense bassin de la région de CCQ, puis Eastman également... l'immense région, pardon, de Montréal métropolitain. Donc, c'est aberrant, là, qu'un travailleur ne puisse pas aller à 15-20 minutes de chez lui pour travailler alors qu'il peut aller dans la région Montréal, traverser une très, très grande... un très grand territoire.

Et ironiquement j'ai lu que le premier ministre voulait convaincre des travailleurs de la construction de déménager en région. Il a dit : On va avoir besoin de plus de monde que jamais en région parce qu'il va y avoir de l'ouvrage, il va falloir convaincre du monde de déménager parce qu'il va y avoir beaucoup de travaux. Puis là il faisait référence, justement, aux chantiers d'Hydro-Québec et à tous ceux de la filière batterie. C'est un peu décourageant qu'on dise : Il faut que les gens déménagent dans une région pour qu'ils puissent y travailler.

Il y a peut-être eu une histoire dans le passé, mais, aujourd'hui, il faut se poser la question : Est-ce que c'est encore valable? Il y a des régions, notamment à Trois-Rivières, qui voudraient construire davantage, Bécancour, il manque de travailleurs. Il y a des gens de la région de Montréal qui pourraient aller travailler là, construire, mais actuellement ils sont pénalisés, ils ne peuvent pas le faire, pour toutes sortes de raisons. C'est vrai que les règles... il y a des règles, dans ce projet de loi là, qui sont modifiées, mais je vais citer juste la CCQ là-dessus, qui dit : La seule solution à l'enjeu de la mobilité de l'embauche... pas la CCQ, pardon, l'APCHQ, qui disent que la «seule solution à l'enjeu de la mobilité et l'embauche prioritaire [c'est] une diminution des seuils d'heures travaillées en fonction desquels une personne est autorisée à se déplacer à la grandeur de la province», mais que cette... ça risque, cette mesure-là, de n'avoir «qu'un effet négligeable dans le secteur résidentiel, qui n'est peu ou pas touché par des déplacements éloignés de sa main-d'oeuvre». Donc, évidemment, ici, il va falloir vraiment penser à la construction résidentielle, et, pour ça, je fais entièrement confiance à ma collègue la députée de Bourassa-Sauvé, qui fera l'étude détaillée sur le projet de loi. Je suis certainement, là... J'ai confiance qu'elle aura à coeur cette situation-là lors de l'étude détaillée parce que, définitivement, ce projet de loi là, malheureusement, ne réglera pas cet enjeu-là actuel de la crise du logement.

Alors, M. le Président, je vous remercie pour votre écoute.

• (12 h 50) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée des Mille-Îles. Alors, je reconnais maintenant, pour son intervention, M. le député de Jean-Talon.

M. Pascal Paradis

M. Paradis : Merci, M. le Président. J'aimerais commencer par remercier et féliciter le ministre et toute l'équipe au sein du ministère qui a travaillé à la préparation de ce projet de loi. Le ministre l'aborde avec... jusqu'à maintenant, en tout cas, avec beaucoup d'ouverture et beaucoup de volonté de dialogue. Je l'en félicite. J'aimerais remercier les collègues de l'opposition qui, déjà, aussi, montrent leur ouverture et leur volonté de vraiment d'entamer un réel dialogue sur quelque chose qui est très important, donc, la réforme, la modernisation de l'industrie de la construction. Merci beaucoup aux participants à cette consultation. On a eu beaucoup de mémoires, beaucoup de contributions extrêmement fouillées. Merci beaucoup de l'intérêt que toutes et tous ont porté à ce processus-là.

Nous sommes d'accord, M. le Président, avec cette volonté de moderniser le secteur de la construction et d'améliorer la façon dont on travaille, dont on réalise tous les ouvrages qui sont nécessaires au développement du Québec tant dans le secteur résidentiel, commercial qu'industriel.

Une première question qu'on a, et on annonce tout de suite nos couleurs auprès du ministre et de son équipe, et je pense que j'ai posé plusieurs questions là-dessus, c'est dans quelle mesure cette réforme-là, elle a été planifiée, et sur la base de quelles études, de quelles données probantes, parce que, là, oui, on le dit, ça fait longtemps qu'on n'a pas touché à ce secteur-là, mais c'est un secteur qui vit une certaine paix industrielle. On dit qu'on veut l'améliorer.

Fort bien, mais quel portrait a-t-on réellement de la situation actuelle et, surtout, de ce que donnerait, selon des données probantes, les réformes qui sont proposées par le ministre? Parce que, oui, on a parlé de certains sondages qui auraient inspiré certaines des mesures qu'on retrouve dans le projet de loi, mais on a vu, notamment, dès le départ des consultations particulières, que d'autres sont arrivés avec des études crédibles qui démontrent que... qui démontrent d'autres choses, qui démontrent qu'il y a des risques associés aux choix qui ont été effectués dans le projet de loi, qu'il y aurait d'autres façons d'améliorer notre domaine de la construction au Québec, et qu'on devrait explorer ces voies-là, peut-être, avant de commencer à toucher à d'autres façons de fonctionner, dans notre secteur de la construction, qui sont importantes à la paix industrielle et, oui, à l'efficacité dont on fait déjà preuve au Québec dans ce domaine.

Donc, on va être très intéressés à ce qu'on nous donne plus d'informations, donc, sur quelles sont les analyses rigoureuses dont on dispose, qui expliquent que nous avons choisi cette voie-là, parce que nous le savons, parce qu'on a suffisamment d'éléments qui nous permettent de dire que ça va améliorer l'efficacité, que ça va améliorer la polyvalence, que ça va améliorer la façon dont les constructions sont réalisées au Québec. Et là, pour l'instant, je l'avoue, on a un certain point d'interrogation là-dessus, alors, certainement, du travail à effectuer puis des discussions à avoir en commission parlementaire.

On voit déjà que se dessinent des grands domaines de discussion, des grands domaines où il y a des choix qui vont être effectués, par exemple, la fameuse question de décloisonnement des métiers au Québec. Et, en gros, bien, le ministre... Ah! bien, on a entendu des choses, hein? Donc, le secteur patronal est très majoritaire à nous dire : Il faut aller beaucoup plus loin. Et le secteur syndical a été aussi très fortement enclin à nous dire : Attention, ne pas toucher à ça, déjà, le projet de loi va trop loin. Et, on le sait, le ministre a déjà indiqué ses couleurs, il va nous dire : Bien, justement, j'ai posé mon curseur quelque part dans le milieu. Il dit, en gros : On va ramener cette question-là à un comité paritaire qui va devoir en discuter, et, en attendant, je vais quand même permettre un certain décloisonnement dans un certain contexte, hein, lorsqu'il s'agit de métiers qui sont connexes à ceux qui sont effectués, qui s'inscrit dans un continuum de travaux et qui s'inscrit dans une durée limitée. Bon, il y a quand même, déjà là, un précédent important, et, s'il est vrai qu'on veut améliorer, au Québec, la flexibilité dont on dispose, il est vrai aussi qu'on veut protéger des valeurs aussi importantes que la sécurité sur les chantiers, la qualité des travaux. Et là, ça va être important, donc, d'avoir des discussions détaillées là-dessus pour préciser, donc, la portée du projet de loi et s'assurer qu'on fait la bonne chose.

La création d'un fonds de rétroactivité, donc, c'est-à-dire un fonds qui permettrait d'assurer le paiement d'ajustements salariaux, de manière rétroactive, au terme de négociations qui prendraient un certain temps, je pense qu'on peut dire que c'est un pas en avant, qu'il faut saluer la création de ce fonds. Et surtout, ce qu'on sait, c'est que la mécanique d'installation, de fonctionnement du fonds reste à déterminer, et donc, là-dessus, je pense qu'il va y avoir des échanges, aussi, importants à tenir en commission parlementaire pour s'assurer, encore une fois, qu'on fait la bonne chose.

La mobilité interrégionale, c'est un autre grand sujet. Et c'est là... Là, encore une fois, donc, la partie... la plupart des mémoires... bien, en fait, je pense, la totalité des mémoires des représentants des entrepreneurs, de la partie patronale sont venus nous dire : On ne va pas assez loin, il faut une mobilité, il faut favoriser une mobilité régionale, il faut mettre fin à la question des territoires protégés. Et, à l'inverse, beaucoup des organisations qui représentent les travailleurs sont venues nous dire que, non, c'est un principe important. Et ici, en réalité, le ministre prend quand même... le projet de loi prend quand même une posture, donc, en faveur de l'ouverture à une plus grande mobilité. Et quel impact ça va avoir réellement sur l'efficacité des travaux, sur la qualité des travaux, sur la possibilité d'accélérer, d'aller plus rapidement, d'aller mieux dans les travaux? On ne sait pas encore c'est quoi, exactement, les données probantes sur cette question-là, qui est vraiment importante, pour plusieurs autres raisons.

L'industrie de la construction au Québec, elle est constituée, essentiellement, de petits entrepreneurs, qui ont moins de cinq employés. Il y en a beaucoup, de ces entrepreneurs-là, en région, dont certains... et beaucoup de travailleurs expriment la crainte que ce soit une mesure qui permette, essentiellement, à des grandes entreprises, des grands entrepreneurs de la région métropolitaine de Montréal, de la région métropolitaine de Québec de débarquer dans les régions et de venir occuper plus de chantiers, de prendre plus de place, au détriment des entreprises régionales. C'est une crainte vraiment légitime qui est exprimée, alors que nous cherchons les meilleurs moyens d'assurer le développement économique de nos régions. Donc, sur cette question-là, là aussi, il va falloir avoir des discussions très sérieuses et bénéficier du plus de science possible.

Je reviens encore avec cette question-là des données probantes. Quelles sont les retombées attendues des mesures qui sont adoptées, dans le projet de loi, sur cette question de la mobilité interrégionale? Parce qu'encore une fois on nous met en garde sur les mesures qui sont prises dans le projet de loi, et nous, je peux le dire, là, on va regarder cette question-là de l'intérêt des régions avec beaucoup d'attention, tout en étant conscients que, oui, il y a peut-être des mesures à prendre, mais est-ce que c'est celles qui sont choisies dans le projet de loi? Est-ce qu'il y a d'autres choses qu'on aurait pu faire?

Je terminerais en mentionnant qu'il y a beaucoup de sujets sur lesquels certains mémoires et certaines personnes qui sont venues en consultations particulières ont attiré notre attention, puis on voit que le projet de loi ne va pas là ou, peut-être, ne va pas assez. La question du travail au noir au Québec, c'est une question vraiment importante. Imaginez le nombre d'heures qu'on remet dans l'économie régulière, imaginez les milliards, imaginez l'efficacité qu'on peut gagner en agissant plus activement, plus fermement sur ce sujet-là. Le projet de loi ne va pas là. Est-ce que c'est une... Est-ce que ça aurait été une première porte d'entrée, plutôt que celles qui ont été utilisées? Bonne question. La question de l'organisation du travail, la question d'insister encore plus sur la formation, c'est des questions qui restent, pour l'instant, sans réponse, et, ça aussi, je pense qu'on peut avoir un dialogue là-dessus.

En tout cas, on pense qu'il y a une belle volonté de la part du gouvernement de mettre des questions importantes sur la table. Nous, on a le goût d'en discuter. Donc, nous allons voter en faveur du principe de ce projet de loi là, et on a hâte d'en discuter avec tous les collègues. Merci beaucoup.

• (13 heures) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Jean-Talon. Y a-t-il d'autres intervenants qui souhaitent débattre de cette adoption de principe? Il n'y en a pas.

Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 51, Loi modernisant l'industrie de la construction, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la Commission de l'économie et du travail

M. Caire : Oui, M. le Président. Conformément à l'article 243 de notre règlement, je fais motion afin que le projet de loi n° 51, Loi modernisant l'industrie de la construction, soit déféré à la Commission de l'économie et du travail pour son étude détaillée et que le ministre du Travail soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix : Adopté.

Débats de fin de séance

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Adopté. Alors, tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder aux débats de fin de séance.

Le premier débat portera sur une question adressée par Mme la députée de Bourassa-Sauvé à M. le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, en remplacement de Mme la ministre de l'Emploi, concernant l'abandon du gouvernement du programme de crédit d'impôt pour les travailleurs expérimentés.

Je vous rappelle que, conformément à l'article 310 du règlement, le député qui a soulevé le débat et le ministre qui lui répond ont chacun un temps de parole de cinq minutes et le député a ensuite droit à une réplique de deux minutes.

Mme la députée de Bourassa-Sauvé, je vous donne la parole pour votre premier cinq minutes.

Abolition du crédit d'impôt favorisant le maintien en
emploi des travailleurs d'expérience

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Cadet : Merci beaucoup, M. le Président. Hier, en période de questions, j'ai questionné la ministre de l'Emploi sur l'abandon de cette mesure, donc, l'abolition du crédit d'impôt aux entreprises pour l'embauche et le maintien en emploi des travailleurs d'expérience. Je rétropédale ici, M. le Président, pour vous donner un certain contexte, hein, parce qu'évidemment, donc, on n'a pas décidé, donc, d'ouvrir, donc, le budget et de contester cette mesure-là, donc, les yeux fermés. Il y a une préoccupation beaucoup plus substantielle en matière de planification de la main-d'oeuvre.

Je mentionne... Je réfère souvent aux travaux très exhaustifs que nous, à l'opposition officielle, donc, on respecte, de la Commission des partenaires du marché du travail, qui établit donc, régulièrement, différents chiffres de besoins d'emploi. La dernière longue analyse de l'état d'équilibre du marché du travail, parce qu'il y a des publications plus récentes, donc, à court et à moyen terme, qui ont été publiées par la suite, nous indique que, d'ici 2031, il y aura 1,6 million de postes à pourvoir au Québec. Quelle est la répartition de ces postes à pourvoir?

D'abord, les jeunes, ceux qui sont sur les bancs d'école ou qui le seront, qui auront, donc, à développer, donc, une expertise, donc, cette main-d'oeuvre-là, donc, devrait être développée. Il faudra aussi se référer, évidemment, à la future population immigrante. Les données, donc, évidemment, donc, font toujours, donc, état, donc, du taux d'activité, hein? Donc, ça fait partie, donc, des critères. Et donc la dernière part, donc, est à travers, donc, les travailleurs expérimentés de 65 ans et plus.

Lorsqu'on regarde notre tableau, sachant que ce sont les besoins, donc, de main-d'oeuvre, de planification, je vous dis, donc, que j'ai parlé des chiffres à long terme, mais donc ce sont les besoins, donc, qui sont également à court terme, parce que l'état d'équilibre du marché du travail, donc, nous fait, donc, un tableau avec l'image, la photo d'aujourd'hui, et nos besoins futurs, c'est... Les statistiques peuvent différer, mais les catégories de personnes qui peuvent combler la main-d'oeuvre, donc, demeurent fondamentalement, donc, les mêmes. C'est à partir de cette base-là qu'on établit, donc, les critères suivants.

Or, ce qu'on voit, c'est qu'en matière, donc, de préparation, donc, des jeunes, on n'est pas tout à fait là. Il y avait même un article, pas plus tard que ce matin, qui parlait, donc, qui questionnait l'efficacité des bourses Perspective, alors que j'ai moi-même questionné l'efficacité des programmes PRATIC et PARAF établis par le ministère de l'Emploi. On le sait, on parle abondamment d'immigration en cette Chambre, en cette enceinte, M. le Président. Donc, manifestement, le gouvernement a perdu le contrôle sur cet enjeu-là. Le taux d'activité ne peut pas être plus haut qu'il ne l'est en ce moment. Donc, il a atteint des sommets.

Avec le vieillissement de la population, notre population active est plus restreinte proportionnellement. Donc, on est à un sommet historique avec un taux de 77 %. Donc, ce qu'il nous reste, puisqu'on ne peut pas... Le bassin de... La croissance de la main-d'oeuvre, donc, ne sera pas au rendez-vous. Ce qu'il nous reste, bien, c'est les travailleurs expérimentés. Vous comprendrez donc que, dans une perspective de planification à long terme, donc, de nouveaux besoins, et évidemment, donc, de combler, donc, les besoins économiques d'aujourd'hui, que c'est difficile de comprendre la décision du gouvernement d'abolir ce crédit d'impôt pour les travailleurs expérimentés.

Quand je dis que c'est une décision difficile à comprendre, ce ne sont pas que mes mots, ce sont aussi ceux du secteur économique, qui ont, tour à tour, décrié cette décision au lendemain du budget 2024‑2025, la semaine dernière.

Et ce qui est encore plus difficile à comprendre, c'est que, quelques jours, là, deux semaines avant l'annonce budgétaire, la ministre de l'Emploi était... donc, annonçait qu'elle aiderait donc les entreprises, donc, à les accompagner, donc, à l'embauche des travailleurs expérimentés, parce qu'il y a des programmes comme ceux-là qui existent, notamment, comme ce crédit d'impôt pour les travailleurs expérimentés.

Alors, ma question, ici, c'est d'abord de dire : Bien, pourquoi est-ce qu'avec la main gauche on dit : O.K., «let's go», vous êtes capables d'aller voir cette clientèle-là, mais que, de la main droite, bien, on leur enlève un levier important? Pourquoi cette annonce-là de 1 million de dollars juste avant le budget 2024‑2025? Est-ce que la ministre était au courant que ça s'en allait... que ça s'en venait? Et surtout pourquoi la ministre de l'Emploi, qui est responsable de la planification de la main-d'oeuvre au Québec, qui, dans son ministère, donc, qui est responsable, donc, de la Commission des partenaires du marché du travail, a laissé passer cette décision de son collègue d'abolir le crédit d'impôt au maintien en emploi des travailleurs expérimentés?

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. Alors, je vais maintenant céder la parole, pour cinq minutes, à M. le ministre de la Cybersécurité et du Numérique.

M. Éric Caire

M. Caire : Merci, M. le Président. Je remercie ma collègue de Bourassa-Sauvé de nous donner l'opportunité d'expliciter davantage les différentes mesures qui ont été prises dans le dernier budget et dans les budgets précédents pour régler la question de la pénurie de main-d'oeuvre.

D'abord, M. le Président, je pense que ma collègue de Bourassa-Sauvé, elle va être d'accord avec moi pour dire que, quand il y a une mesure qui est mise en place et qui n'atteint pas les cibles, qui n'atteint pas les objectifs, tout gouvernement responsable se doit de prendre les mesures appropriées. Alors, si les cibles ne sont pas atteintes, on doit remettre en question la mesure.

Or, dans le cas du crédit d'impôt pour les travailleurs expérimentés, crédit d'impôt aux entreprises, et je reviendrai sur le crédit d'impôt sur les... pour les travailleurs expérimentés, mais, pour les entreprises, le corollaire entre le retour ou le maintien en emploi et le crédit d'impôt ne donnait pas l'adéquation escomptée. Donc, ça... La mesure ne donnait pas les résultats escomptés. Donc, ça explique pourquoi, dans les... dans le dernier budget, cette mesure-là n'a pas été reconduite.

Maintenant, M. le Président, puis j'écoutais la collègue de Bourassa-Sauvé sur différentes mesures, le gouvernement ne reste pas les bras croisés. Je veux dire, l'action du gouvernement ne peut pas se résumer à cette simple mesure là, M. le Président, bien au contraire. J'en veux pour preuve, par exemple, les investissements qui ont été faits, investissements très importants qui ont été faits pour favoriser certains emplois. On parle de 111 millions. Bon, on l'a vu avec les préposés aux bénéficiaires, on l'a vu avec différentes formations, donc, ça, c'est une mesure qui est quand même assez costaude, qui permet de pourvoir, dans certains secteurs, de pourvoir la main-d'oeuvre de ces secteurs-là.

J'en veux pour preuve aussi, M. le Président, puis peut-être un secteur qui est plus proche du mien, toute la transformation numérique des PME. Et ça, M. le Président, je vais faire peut-être un peu d'histoire, si vous me permettez, parce qu'à l'époque où j'étais à l'opposition, cette situation-là avait déjà été dénoncée, que nos PME tardaient à se lancer dans cette transformation numérique là. Je me souviens, j'avais eu un échange avec Dominique Anglade, qui était, à ce moment-là, ministre de l'Économie du gouvernement libéral et qui avait mis en place un programme, parce qu'elle disait : Nos entreprises ne sont pas assez transactionnelles, ne vont pas assez du côté du numérique pour favoriser la promotion de leur entreprise et les transactions. Et elle était arrivée avec un budget de 5 millions. Ça, c'était ce que le gouvernement libéral avait prévu pour ça.

Notre gouvernement, M. le Président, investit 188 millions pour aider les PME dans leur transformation numérique. Donc, je pense qu'on peut dire que l'effort, il est conséquent, il est conséquent, M. le Président. Et ça, c'est aussi un secteur sur lesquels il faut tabler pour combler les pénuries de main-d'oeuvre. Donc, la transformation numérique, on le sait, ça permet, je dirais, de valoriser le travail des individus et, disons, de leur éviter les tâches qui sont répétitives, les tâches qui n'ont pas de valeur ajoutée. Donc, le gouvernement est en action là-dessus, M. le Président.

Sur le crédit d'impôt pour les travailleurs expérimentés, là-dessus, je veux peut-être corriger ma collègue, parce que ce crédit d'impôt là, pour les travailleurs expérimentés, a été maintenu, il a été maintenu. Celui pour les entreprises, non, mais, pour les travailleurs expérimentés, il est maintenu. Et ça, M. le Président, ça veut dire 1 500 $ dans les poches des travailleurs expérimentés qui décident de retourner en emploi ou de rester en emploi.

Donc, M. le Président, je pense qu'il faut faire la distinction entre les deux mesures. C'est important. Il y en a une qui est maintenue, il y en a une autre qui n'a pas atteint les cibles, qui n'a pas donné les objectifs escomptés. Et j'imagine que la collègue va être d'accord que, dans ces cas-là, la bonne décision à prendre, c'est de retirer la mesure, ce que nous avons fait.

• (13 h 10) •

M. le Président, il y a aussi beaucoup d'autres mesures qui ont été mises en place, oui, donc, pour accompagner les entrepreneurs, pour accompagner les travailleurs expérimentés dans le retour en emploi. Je pense, entre autres, M. le Président, aux travailleurs qui veulent repousser leurs rentes à 72 ans, je pense à ceux qui sont en... qui, après 65 ans, peuvent décider de ne pas cotiser au régime des rentes s'ils le souhaitent, donc, c'est des mesures qui sont importantes, ou aussi le calcul de la rente sur les faibles gains, parce qu'on sait que la rente, elle est calculée sur les gains qui sont faits par les individus. Quand on revient en emploi à temps partiel, on a des gains qui sont moins importants, et ça peut avoir un impact sur la rente. Donc, cette mesure-là aussi, elle a été abolie pour permettre de ne pas pénaliser les travailleurs expérimentés qui ont des tâches à temps partiel, par exemple.

Donc, je pense que notre gouvernement met beaucoup de mesures en place, et ces mesures-là vont certainement donner des résultats, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je vais donner un droit de réplique de deux minutes à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Madwa-Nika Cadet (réplique)

Mme Cadet : Merci beaucoup, M. le Président. J'espère que le ministre, il était à l'écoute lorsque je prononçais mon allocution d'ouverture, parce que j'ai mentionné maintes et maintes fois qu'on parle bel et bien, ici, du crédit d'impôt aux PME pour l'embauche et le maintien à l'emploi des travailleurs expérimentés. C'est très, très, très clair, à notre effet, que c'est... à mon effet, que c'est de ça qu'on parle. On n'est pas du tout en train de mélanger les affaires, pour les gens à la maison. Donc, c'est important de faire cette nuance-ci.

Et c'est, justement, ça, l'enjeu. C'est exactement ce qu'on dénonce. Nos PME, on a besoin de les accompagner parce que ce sont elles qui sont le levier de la croissance économique dont on aura besoin pour nous assurer de résorber le déficit record que le gouvernement a annoncé la semaine dernière, avec grand découragement à l'ensemble des Québécois. Le gouvernement a décidé de prendre des mauvaises décisions financières au cours des dernières années et, là, cherche à faire des économies de bouts de chandelle avec des programmes en nous disant que celui-ci, que ce crédit d'impôt là, n'était pas... il n'était pas efficace. Mais sur la base de quelles données? Le Conseil du patronat du Québec, avec lequel la ministre a fait une annonce deux semaines avant le budget, la FCCQ, la FCEI, tour à tour, ont décrié l'abolition de ce crédit d'impôt aux PME pour le maintien à l'emploi des travailleurs d'expérience. Pourquoi les décourager deux semaines après, décourager les PME d'embaucher une main-d'oeuvre cruciale, fondamentale pour nous permettre de répondre à nos besoins de main-d'oeuvre, sachant qu'elle est sous-utilisée au Québec, lorsqu'on compare à l'ensemble du pays et à votre province préférée, l'Ontario?

La question que je posais, M. le Président, c'est de savoir pourquoi la ministre a laissé ça passer dans le budget, parce que c'est sa responsabilité de veiller à mettre tous les efforts, à consentir tous les efforts pour la main-d'oeuvre du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Alors, nous allons maintenant procéder au deuxième débat, qui portera sur une question adressée par Mme la députée de Sherbrooke à Mme la ministre responsable des Aînés concernant les soins à domicile. Mme la députée de Sherbrooke, je vous cède la parole pour votre premier cinq minutes.

Accès aux soins à domicile

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Donc, ce matin, j'ai interpelé la ministre des Aînés sur les soins à domicile. Je la questionnais sur les résultats, sur notre capacité à offrir des services aux citoyens, et je trouve ça important parce que, malgré l'argent investi en services à domicile... Et je sais qu'il y en a. On ne réussit pas à livrer ce dont les citoyens ont besoin. Les... Les constats, pardon, de la Commissaire à la santé et au bien-être sont extrêmement clairs : on répond à 10,7 % des besoins en services à domicile. Et je suis certaine que la ministre, comme tous nos collègues, était aussi catastrophée que moi quand ils ont pris connaissance de l'état de la situation, qu'on répondait si peu aux besoins. D'ailleurs, elle a annoncé rapidement un virage majeur dans l'organisation des soins. Elle voulait couper dans la bureaucratie, c'est une initiative que je salue. Je sais qu'ils ne restent pas les bras croisés, mais la réalité, c'est que, même si le gouvernement continue d'investir avec son dernier budget, même si la ministre, elle a entrepris son virage, ce qui est prévu dans le budget, c'est très clair, à la page B.17, c'est qu'on va à peine avancer, c'est ça qui est prévu par le gouvernement lui-même. C'est prévu qu'on va passer de 398 000 personnes qui reçoivent des services à 417 000 personnes en 2028, d'ici quatre ans, avec tous les fonds investis et avec la réforme.

J'ai demandé à la ministre, ce matin, ça répondrait à quel pourcentage des besoins en 2028, et je n'ai pas eu la réponse. Donc, j'espère qu'elle va avoir eu le temps de la trouver depuis ce matin, qu'elle va nous la partager, mais je vous dirais que ce qui compte le plus pour moi, c'est surtout mon autre demande. Parce que je lui ai proposé aussi qu'on travaille ensemble pour préparer le Québec au vieillissement de la population, qu'on forme ensemble, avec les collègues des autres oppositions aussi, un comité transpartisan, comme ça a été fait avec beaucoup de succès dans le passé pour réfléchir à l'aide médicale à mourir, pour rebâtir la confiance des Québécois, des Québécoises surtout, envers le système de justice.

Et pourquoi je lui propose ça? C'est parce qu'en tout respect pour ses compétences, elle ne pourra pas y arriver seule, à préparer le Québec au vieillissement de la population. La Commissaire à la santé et au bien-être, ce qu'elle nous dit dans son rapport, c'est qu'il faut développer un écosystème de maintien de l'autonomie. Dans le rapport qui a été commandé par la CAQ, on le rappelle, à la page 28, elle écrit, noir sur blanc : «Le ministère de la Santé et des Services sociaux ne peut porter seul la responsabilité de développer l'écosystème du maintien de l'autonomie. Le défi à relever interpelle un grand nombre d'autres ministères et, à plus grande échelle, l'ensemble de la société québécoise.»

La première recommandation de la commissaire, c'est que le ministère de la Santé et des Services sociaux coordonne la collaboration pour élaborer une politique gouvernementale sur le maintien de l'autonomie. La commissaire, ce qu'elle nous dit, c'est qu'il faut faire un état de la situation actuelle, il faut cibler ce qu'on veut atteindre, les conditions à mettre en place pour y arriver.

Collaborer, faire un état de la situation, c'est précisément ce que j'ai proposé à la ministre il y a quelques semaines déjà. Je lui ai offert qu'on travaille de manière transpartisane pour faire un état des lieux sur les chantiers à faire pour améliorer la qualité de vie des aînés, assurer leur dignité. Ça correspond en tous points à ce qui est suggéré dans le rapport que la CAQ a elle-même commandé.

Et pourquoi un état des lieux? Parce qu'en ce moment le seul volet sur lequel on a les idées claires des besoins, c'est justement les services à domicile, mais, pour le reste, on ne sait pas grand-chose. C'est quoi, l'écart entre les besoins et l'offre pour la mobilité des personnes aînées ou des personnes à mobilité réduite, par exemple? On ne le sait pas, mais, un peu partout sur notre territoire, on voit qu'il y a du monde qui nous signale que le transport en commun puis le transport adapté, ça ne répond pas à leurs besoins.

C'est quoi, l'écart entre les besoins puis l'offre en habitation, par exemple, pour avoir des logements qui sont adaptés pour les personnes à mobilité réduite? Bien, on ne le sait pas, on fait juste constater des fermetures de certains milieux de vie.

C'est quoi, les entraves à la participation sociale des aînés? C'est quoi, les aménagements, les ajouts d'infrastructures qu'il faudrait faire pour qu'ils se sentent à l'aise de fréquenter les lieux publics dans nos municipalités en toute sécurité? On ne sait pas d'où on part pour répondre à ces besoins-là.

Puis en ce moment on agit tellement à petite échelle que ça me semble impossible de réussir à permettre à chaque personne de vieillir dans la dignité. C'est le cas pour les services à domicile, mais c'est le cas aussi pour tout le reste. Par exemple, cette semaine, la ministre annonçait 9 millions pour le Québec au complet pour faire des petits projets d'amélioration d'infrastructures municipales dans le cadre du programme Municipalité amie des aînés. Mais à quel rythme on va réussir à adapter nos infrastructures municipales pour que ça contribue à un écosystème de maintien de l'autonomie à coup de 9 millions par année pour le Québec au complet?

Donc, moi, je pense que, si on a été capable, au Québec, de s'asseoir ensemble à deux reprises pour parler de l'aide médicale à mourir, de comment mourir dans la dignité, on devrait être capable de le faire encore pour réfléchir à ce que ça prend pour vieillir dans la dignité au Québec. Je pense que c'est ce que les aînés attendent de nous. C'est ce que j'ai proposé à la ministre il y a quelques semaines, je lui ai redemandé ce matin : Est-ce qu'elle accepte ma proposition qu'on forme un comité transpartisan pour préparer le Québec au vieillissement de la population?

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Sherbrooke. Et, pour une durée de cinq minutes, je cède la parole à Mme la ministre responsable des Aînés.

Mme Sonia Bélanger

Mme Bélanger : Oui. Alors, M. le Président, je vais répondre en deux volets à la question. Je vais y aller d'abord sur le volet du soutien à domicile. C'est important de mentionner, puis je ne veux pas y aller sur le budget aujourd'hui, là, mais notre gouvernement a quand même, depuis 2018, investi près de 3,5 milliards de dollars en soutien à domicile depuis 2018. Vous l'avez vu, le budget qui est en discussion actuellement, qui sera probablement, éventuellement, peut-être, je l'espère, adopté, c'est 1,1 milliard, dont la moitié cette année, pour le prochain exercice budgétaire, c'est 500 millions qui s'ajoutent à tout ce qui a été investi depuis 2018, qui sont encore présents dans les programmes. Ça fait que ça, c'est la première chose. Les ressources financières ne sont pas illimitées.

Je veux quand même mentionner qu'actuellement il y a 350 000 citoyens, des patients, personnes aînées, des personnes en situation de handicap qui reçoivent des services de soutien à domicile. Il ne faut pas regarder seulement un indicateur. La commissaire santé, bien-être, j'ai eu l'occasion de la rencontrer à plusieurs reprises lorsqu'elle a fait ses travaux. Je salue, d'ailleurs, vraiment, la grande compétence dans les travaux. Mais, comme gouvernement, on ne suit pas un pourcentage. Nos indicateurs sont dans le tableau de bord. Ça fait que nos indicateurs, c'est quoi, pour le soutien à domicile? C'est le nombre de personnes desservies. Ça, c'est concret. C'est ça que... Chaque CISSS, chaque CIUSSS, les équipes CLSC suivent ça aussi, donc, le nombre d'usagers, et ça, c'est l'indicateur le plus important.

• (13 h 20) •

L'autre indicateur qu'on utilise, puis on le voit dans notre tableau de bord, c'est vraiment le nombre d'heures mis en soutien à domicile. Et là je voudrais quand même vous mentionner qu'actuellement là, en P11, c'est 30 008 000 heures. C'est des millions d'heures. Ce n'est pas disparu, là. Depuis 2018, on a constamment augmenté le nombre d'heures. C'est plus de quatre millions d'heures par rapport à l'année passée. Là, vous allez me dire : Oui, bien là, comment ça qu'on n'a pas plus d'usagers? Bien, M. le Président, pourquoi on n'a pas plus d'usagers? Parce qu'on fait plus d'intensité de services. Il y a certaines personnes en soutien à domicile, actuellement, là, qui ont des services sept jours sur sept, 24 heures, presque, sur 24. Bien, ça, c'est une bonne nouvelle. Mais donc ça veut dire qu'il y a un petit nombre d'usagers qui demandent beaucoup, beaucoup de services, puis, avec le vieillissement de la population, il va falloir réfléchir à ça aussi.

Pour le moment, on n'a pas révisé le programme en profondeur. On y va sur les programmes actuels. Mais, je veux quand même le mentionner, on a à peu près 800 professionnels de plus, au moment où on se parle, qu'à la même date l'année passée. Ça fait que, donc, on est vraiment en train d'intensifier le virage. Je ne reviendrai pas sur tout ce qu'on est en train de faire. Vous le savez, là, on a entrepris un travail important avec les travailleurs sociaux pour réduire, là, leur formulaire, qui prenait jusqu'à six heures, et qui, maintenant, donc, peut... on peut faire une bonne évaluation avec des outils standardisés à 90 minutes. Donc, on le voit, il y a un changement qui est en train de s'opérer. On va avoir des meilleurs résultats d'ici la P13. Les résultats qui sont sortis actuellement, c'est des résultats de la P10, P11. Ça, c'est quoi, la P10, P11? C'est après les fêtes. Ça fait que, tu sais... Alors, moi, je regarde... Puis on le voit, là, on a des améliorations, quand même, sur le nombre de personnes en attente. C'est important. On va réduire ça.

Mais je veux quand même vous dire que, des personnes en attente de soutien à domicile, là, l'objectif, ce n'est pas zéro, il va toujours y en avoir, parce qu'à partir du moment où une requête est faite pour le soutien à domicile ça peut prendre quelques jours à évaluer puis à mettre en service, ça fait qu'il va toujours y avoir un nombre de personnes. Donc, il faut qu'on diminue ça.

Je veux juste revenir sur la main que vous me tendez par rapport à l'écosystème du soutien à domicile. Vous savez, on a mis en... on a fait deux grandes réunions à Québec, l'année dernière, sur des chantiers. Vieillir et vivre ensemble, j'aurai l'occasion, vers la fin du mois de mai, de faire le lancement de la stratégie nationale Vieillir et vivre ensemble. Votre collègue du Parti libéral était... a participé à une de ces journées-là, d'ailleurs. Alors, je veux quand même mentionner, l'événement arrive au mois de mai, des chercheurs, des intervenants, plus de 30 ministères qui sont mobilisés. Tantôt, vous donniez l'exemple du transport. Moi, je pourrais parler de la sécurité financière, du revenu. On peut parler, naturellement, de la prévention, de la santé publique. Donc, ce ne sera pas juste... mais il va y avoir un axe soutien à domicile, bien sûr, puis un axe d'hébergement...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : En terminant.

Mme Bélanger : ...mais ce sera un axe parmi tant d'autres. Et, oui, je vais réfléchir à travailler de façon...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, je vais donner le droit de réplique, pour deux minutes, à Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Christine Labrie (réplique)

Mme Labrie : Merci, M. le Président. La ministre nous a ramenés à ce qui a été investi dans les dernières années. Je ne sais pas combien de fois je vais devoir le répéter, mais merci, merci pour ces investissements-là. Je reconnais qu'ils ont été faits. Je reconnais que personne n'a les bras croisés, en ce moment, par rapport aux services à domicile, du côté du gouvernement.

Mais on ne peut pas non plus banaliser l'analyse de la Commissaire à la santé et au bien-être en disant que ce n'est pas juste ce pourcentage-là qui compte, puis c'est aussi le nombre des personnes qui reçoivent des services. 10,7 % des personnes... des besoins qui sont répondus en services à domicile, en ce moment, c'est extrêmement peu. Puis ce qui est écrit là-dedans, là, c'est aussi que, dans l'état actuel des choses, ce taux de... ce taux-là va diminuer. C'est ça qui est écrit là-dedans, là.

Ça fait qu'on n'est pas du tout en train de se préparer à mieux répondre aux besoins, ce n'est pas ça qu'il est en train de se passer actuellement. Je ne suis pas convaincue, moi, que ce qui est en chantier actuellement au Québec est suffisant pour assurer une qualité de vie, une vie digne aux personnes qui vont vieillir sur les territoires du Québec, et ça m'inquiète énormément, ça m'inquiète énormément parce qu'on a des gens qui nous le disent, qu'il n'y a déjà pas ce qu'il faut pour eux, puis, on le sait, la proportion importante que ça va prendre, dans les prochaines années, avec le vieillissement de la population. Je ne comprends pas pourquoi on focusse juste sur ce qui a déjà été fait dans le passé pour se réconforter plutôt que de travailler tous ensemble.

La ministre parle de la consultation qui a été faite dans la dernière année. Je l'ai consulté, le document de cette consultation-là. C'est ahurissant de voir à quel point on n'a presque rien sur quoi se reposer pour prendre des décisions pour la suite des choses. On ne connaît pas l'état des besoins auxquels on doit répondre. C'est pour ça que j'invite la ministre à ce qu'on fasse un chantier ensemble, transpartisan, pour dresser un état des lieux. C'est ça, l'invitation que je lance à la ministre. Ce chantier-là, il ne sera pas suffisant.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Sherbrooke.

Nous allons maintenant procéder au troisième débat, qui portera sur une question adressée par M. le député de Pontiac à Mme la ministre déléguée à la Santé, en remplacement de M. le ministre de la Santé, concernant les délais d'attente aux urgences. M. le député de Pontiac, je vous cède la parole pour un premier cinq minutes.

Temps d'attente dans les services d'urgence

M. André Fortin

M. Fortin : M. le Président, je ne passerai pas par quatre chemins, je vais redemander à la ministre ce que j'ai posé au ministre ce matin et pour lequel je n'ai pas obtenu réponse.

Le seuil critique, pour une urgence, à partir duquel on met les patients à risque, selon l'Association des médecins d'urgence, c'est 150 %. À l'hôpital de Châteauguay, en ce moment, c'est 188 %. À l'hôpital de Châteauguay, le temps d'attente, pas pour les patients sur civière, le temps d'attente est de 10 h 16 min. C'est 7,5 fois plus que la promesse du gouvernement de 90 minutes.

Alors, j'ai une question toute simple, là : Quand on a une urgence où on sait qu'il y a trois patients qui sont décédés puis qu'on permet de maintenir cette urgence-là ait des seuils où les patients sont en danger, comment on peut accepter ça, au gouvernement? Pourquoi c'est encore la situation comme ça à l'hôpital de Châteauguay? Et qu'est-ce que le gouvernement va faire à l'hôpital de Châteauguay pour améliorer la situation?

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Pontiac. Alors, en réponse, je vais céder la parole à Mme la ministre déléguée à la Santé. Vous avez également droit à cinq minutes, Mme la ministre.

Mme Sonia Bélanger

Mme Bélanger : Merci, M. le Président. Bien, écoutez, vous le savez, la situation des urgences, c'est une situation qui est critique dans notre système de santé, comme dans tous les systèmes de santé partout dans le monde. Les urgences sont une porte d'entrée extrêmement importante, et plusieurs investissements ont été faits. Je connais bien l'Hôpital Anna-Laberge pour y avoir oeuvré dans ma carrière, et effectivement ils ont des gros défis en termes d'organisation de services. D'ailleurs, mon collègue le ministre de la Santé s'est rendu en visite impromptue il y a quelques semaines. Ils ont fait des changements importants dans la gestion, dans la gestion médicale aussi. Il y a eu des améliorations. Là, on voit bien qu'il y a un goulot d'étranglement, puis je pense que c'est important de s'assurer que les présidents-directeurs généraux, qui sont responsables, aussi, des résultats dans leurs salles d'urgence, soient en mesure de mettre en place les actions qui ont été identifiées avec le ministre, puis on parle ici de travailler en amont et en aval des salles d'urgence notamment. Donc, les médecins de famille, je n'ai pas besoin de vous parler des résultats, vous le savez, il y a un travail important qui est fait.

Je veux aussi quand même mentionner qu'on voit, si vous regardez le tableau de bord, quand même plusieurs indicateurs qui sont en vert au niveau de la salle... des salles d'urgence au Québec. Puis on le voit, là, il y a un virage qui est en train de s'actualiser, puis c'est assez particulier de voir qu'on a beaucoup de visites, on a plus de visites que les années antérieures, puis ça s'explique notamment par le vieillissement de la population. On le voit dans les salles d'urgence, quand on regarde, les personnes de 75 ans et plus, c'est normal, on... Donc, plus de personnes qui ont 75 ans et plus. C'est souvent à ces âges-là qu'on va avoir besoin, des fois... de situations aiguës puis on va avoir besoin de se rendre à l'urgence. Donc, on a plus de 75 ans et plus. La courbe va comme ça. On a plus de visites, mais, en même temps, on réussit à maintenir et à améliorer un peu la DMS. Je vais dire un peu, mais, dans un contexte où on a plus de demandes, on peut quand même parler de performance ici. Les équipes des salles d'urgence, au Québec, sont au rendez-vous pour vraiment améliorer leurs résultats. Il y a eu une cellule de crise. Il y a des rencontres qui sont faites. Il y a des salles d'urgence qui ont plus d'enjeux. Ils ont chacun des plans d'action. Ils doivent, donc, s'assurer de mettre en place les bonnes pratiques, et c'est important. La mobilisation est là dans les salles d'urgence.

• (13 h 30) •

Mais je veux quand même aussi mentionner... Dans ma circonscription, par exemple, avec le centre hospitalier de Saint-Jérôme, longtemps, ça a été une salle d'urgence qui était à défis, on va dire ça comme ça. Puis, aujourd'hui, dans cette salle d'urgence, ils ont réussi vraiment, avec un achalandage extrêmement important puis avec des populations qui ont des besoins spécifiques, ils ont réussi à faire un virage. Les résultats, si on le regarde sur le tableau de bord, ne sont pas à 100 % au rendez-vous, mais sont dans une amélioration extrêmement importante.

Puis il faut aussi écouter ce que les citoyens nous disent, ce que les patients nous disent de la satisfaction générale, globale, qu'ils ont quand ils reçoivent des services dans une salle d'urgence. Ça fait que je pense que c'est important de le regarder. Mon collègue le ministre de la Santé a mis en place cette culture de mesurer ce qu'on fait. On le voit avec les tableaux de bord, honnêtement, ça donne des résultats, parce que ce qu'on ne mesure pas on ne le gère pas. Et là ce tableau de bord là qui est présenté régulièrement ici, qui est public, bien, en fait, ce tableau de bord, il est aussi utilisé par les présidents-directeurs généraux.

Puis je veux quand même aussi mentionner que, dans chaque établissement, il y a des équipes de gestion des lits, qu'on appelle, qui se rencontrent le matin et qui font le bilan de tout ce qui se passe dans la situation d'urgence... dans les urgences, mais qui font aussi le bilan de ce qui se passe dans les unités de soins, et qui, là, vont vraiment planifier les congés. Ça fait qu'il y a vraiment beaucoup d'équipes qui travaillent avec les médecins, avec les professionnels pour travailler aussi dans les unités de soins, parce que ce qui se passe dans les salles d'urgence, bien, si on ne travaille pas en amont et en aval, bien, malheureusement, on a des reflets de ça, mais moi, je suis très positive par rapport à ce que je vois. Puis ça veut dire que, si on n'avait pas fait tous ces changements-là, ces améliorations-là, avec l'augmentation du nombre de visites constante, bien, on n'aurait pas... aujourd'hui, on aurait une situation qui serait encore plus grave. On est conscients que ça va donner des résultats.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Et je vais donner la parole pour deux minutes, en droit de réplique, à M. le député de Pontiac.

M. André Fortin (réplique)

M. Fortin : J'apprécie que la ministre prenne le temps de répondre à la question, mais, M. le Président, voici ce que j'ai entendu pour l'hôpital de Châteauguay. Ce n'était pas une question qui portait sur les urgences du Québec, c'était une question qui portait sur l'Hôpital Anna-Laberge à Châteauguay. J'ai entendu : Le ministre est allé, il y a eu des changements à la direction, puis on travaille en amont puis en aval. C'est à peu près ça. Je ne peux pas dire, M. le Président, que c'est très novateur, là, comme solution. Ça, c'est la même chose que tout le monde fait depuis des années, et des années, et des années, mais ce que ce que la ministre doit être à même de constater, c'est qu'on maintient l'Hôpital Anna-Laberge dans une situation où, ne serait-ce que par le volume des gens qui sont présents sur place, on met, comme l'a dit le Dr Boucher, de l'association des médecins d'urgence, la population à risque. C'est ça qu'il dit. En haut de 150 %, on met la population à risque.

Puis, à Anna-Laberge, un hôpital où trois personnes, pas un incident, trois personnes sont décédées en attendant des soins, en attendant sans avoir vu de médecin, on est à 188 % d'occupation. Les gens attendent pendant 10 h 16 min. La promesse de la CAQ, qui connaissait très bien la courbe de vieillissement de la population qui s'en venait, là, c'était de dire : Ça va être 90 minutes. 10 h 16 min, là, c'est 90 minutes une fois, 90 minutes deux fois, 90 minutes trois fois, 90 minutes quatre fois, puis vous n'avez toujours pas vu personne, 90 minutes cinq fois, 90 minutes six fois, 90 minutes sept fois et demie, M. le Président, puis là vous allez voir quelqu'un. Ce n'est pas 90 minutes à l'urgence, c'est 10 h 15 min qu'ils passent à une salle d'urgence. C'est complètement inacceptable, dans une urgence où il y a eu une situation... trois situations comme celles-là au cours des derniers mois, des dernières années. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Pontiac. Et cela met fin aux débats de fin de séance.

Et je suspends nos travaux jusqu'à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 13 h 35)

(Reprise à 14 h 30)

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Bon après-midi, chers collègues. Je vous invite, s'il vous plaît, à bien vouloir vous asseoir.

Alors, nous reprenons les affaires du jour. Et, pour ce faire, pour connaître la suite de nos travaux, je vais céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Caire : M. le Président, pourriez-vous appeler l'article 17 du feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi n° 42

Adoption

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Donc, à l'article 17 du feuilleton, M. le ministre du Travail propose l'adoption du projet de loi n° 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail.

Alors, y a-t-il des interventions? Évidemment, je reconnais M. le ministre du Travail. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Merci, M. le Président. Nous entamons aujourd'hui la dernière étape menant à l'adoption du projet de loi n° 42 visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Si ce projet de loi est adopté par cette Assemblée, le Québec sera précurseur en ce qui concerne la prévention et l'indemnisation des victimes de harcèlement psychologique et de violence à caractère sexuel en milieu de travail.

À l'approche de l'adoption du projet de loi, je suis fier de dire que nous avons atteint notre objectif. Je ne peux passer sous silence l'importante contribution de l'ensemble des collègues mais aussi des principaux acteurs concernés, durant toute la durée de nos travaux. Et, quand je réfère aux collègues, c'est tant ceux du côté gouvernemental que les collègues de La Pinière, l'Acadie, Hochelaga-Maisonneuve et Jean-Talon.

M. le Président, permettez-moi de refaire brièvement la genèse de ce projet de loi. Je voudrais rappeler que notre gouvernement avait déjà entrepris de faire des améliorations pour sécuriser les lieux de travail. Nous avions utilisé le chantier de la modernisation du régime de santé et de sécurité au travail, en 2021, comme opportunité d'instituer, pour l'employeur, l'obligation de protéger la travailleuse ou le travailleur victime de violence conjugale sur son lieu de travail. À présent, dans le cas d'une situation de violence conjugale ou familiale, lorsque l'employeur sait ou devrait raisonnablement savoir que le travailleur est exposé à cette violence, il est tenu de prendre des mesures de protection appropriées. D'ailleurs, cette responsabilité accrue a d'ailleurs été consacrée par des décisions des tribunaux.

À cela s'ajoute dorénavant l'élaboration, pour les chantiers de 10 travailleurs ou plus de la construction, d'un programme de prévention qui doit impérativement prévoir l'identification et l'analyse des risques liés à la violence, dont la violence conjugale. Il faut obligatoirement que les mesures ou les priorités d'action permettent d'éliminer ou, à défaut, de contrôler les risques identifiés, incluant maintenant les risques psychosociaux.

Pour aider les employeurs dans ces nouvelles obligations, nous avons annoncé, l'été dernier, l'ajout de 18 conseillers en santé psychologique de la CNESST, à temps plein, qui fourniront des outils pour soutenir les milieux de travail dans leurs démarches.

Cependant, nous avions la conviction qu'il fallait en faire encore plus, quand on sait que 49 % des travailleurs ont indiqué, dans une enquête sur les inconduites sexuelles menée par Statistique Canada, avoir observé ou subi un comportement sexualisé, inapproprié ou discriminatoire dans leur milieu de travail, en 2020, mais que, malgré tout, il y a encore une réticence à porter plainte chez les victimes, et peu le font. On comprend qu'il était plus que temps que le gouvernement facilite la trajectoire menant à une accessibilité des recours à tous et à toutes.

Ces données vont dans le même sens que celles d'un sondage effectué par le ministère du Travail, en 2019, indiquant que 39 % des femmes et 23 % des hommes avaient subi une forme ou un autre type de comportement sexuel inapproprié en milieu de travail, au cours des deux années précédentes. L'urgence d'agir pour faire cesser ces comportements s'est imposée.

En février 2022, j'ai donc mis en place un comité chargé d'analyser les recours en matière de harcèlement sexuel et d'agression à caractère sexuel. Le comité fut constitué d'expertes en la matière. Je les nomme, elles ont joué un rôle prépondérant : Mme Rachel Cox, qui est professeure au Département de sciences juridiques de l'Université du Québec à Montréal, qui en a assuré la présidence; elle était assistée de Pre Dalia Gesualdi-Fecteau, de l'École des relations industrielles de l'Université de Montréal, ainsi que Me Anne-Marie Laflamme — en fait, les trois, je pourrais les identifier comme étant des maîtres — doyenne de la Faculté de droit de l'Université Laval. Elles purent également compter sur le soutien d'une équipe chevronnée d'avocates et chercheurs.

Le rapport issu de ces travaux contient 82 recommandations visant quatre objectifs : rendre cohérent le cadre juridique du travail, s'assurer que la réponse du droit du travail permette de réparer les torts causés, réduire les risques de victimisation secondaire, c'est-à-dire lorsque la victime fait face à des réactions négatives supplémentaires par autrui, en lien avec le préjudice subi, et outiller les milieux de travail pour prendre en charge le risque et y mettre fin promptement.

En septembre 2023, j'ai annoncé que la très grande majorité des 23 recommandations concernant des améliorations liées aux procédés administratifs réalisés par la CNESST sont déjà en place ou en voie de l'être. Ces recommandations touchent, entre autres, l'embauche de conseillers spécialisés, la formation continue pour l'ensemble des intervenants, l'amélioration du processus de traitement des réclamations et encore le développement de liens institutionnels avec certains organismes.

Autre exemple, la CNESST traitera dorénavant en priorité toutes les réclamations en lien avec la violence à caractère sexuel par des agents d'indemnisation formés en la matière. Ceci est en réponse à la recommandation n° 13 du rapport.

L'adoption du projet de loi n° 42 nous permettra d'élargir le spectre de protection du droit des Québécoises et des Québécois de travailler dans un environnement sain et sécuritaire.

M. le Président, l'étape suivant la présentation du projet de loi était de tenir des consultations particulières. Celles-ci se sont déroulées du 30 janvier 2024 au 1er février 2024. Lors du processus de consultation, 28 groupes ont déposé des mémoires à la Commission de l'économie et du travail. Parmi ceux-ci, 16 groupes ont été entendus. Ces auditions ont permis de recueillir plusieurs commentaires dans l'objectif commun d'améliorer les dispositions prévues. Dans l'ensemble, les groupes étaient favorables au projet de loi, et un consensus en a résulté. Les modifications proposées sont donc issues des mémoires déposés lors des consultations et des échanges tenus lors des auditions des groupes.

J'aimerais à présent vous énumérer sommairement les principales mesures du projet de loi n° 42 : étendre l'obligation de l'employeur de prévenir et de faire cesser le harcèlement en ce qui concerne toute personne, donc incluant le fournisseur ou le client, notamment, protéger la personne salariée contre des représailles de l'employeur, à la suite d'un signalement de harcèlement psychologique envers une autre salariée ou en cas de collaboration au traitement d'un signalement ou d'une plainte, interdire l'application des clauses d'amnistie relatives aux violences physiques et psychologiques, y compris celles à caractère sexuel, afin qu'un employeur puisse toujours effectuer un processus de gradation des sanctions, ajouter des présomptions pour la personne salariée, pour faciliter la reconnaissance d'une lésion professionnelle découlant d'une violence à caractère sexuel, prolonger de six mois à deux ans le délai de réclamation pour une lésion professionnelle découlant d'une violence à caractère sexuel à la Commission des normes, de l'équité et de la santé et sécurité du travail afin que les personnes victimes aient plus de temps pour faire les démarches requises, obliger les arbitres traitant des griefs en matière de harcèlement psychologique à suivre une formation reconnue en matière de violence à caractère sexuel, assurer la confidentialité du dossier médical des personnes salariées en cas de contestation de l'employeur, donner la possibilité au Tribunal administratif du travail d'imposer des dommages punitifs lorsque l'employeur est personnellement responsable du harcèlement psychologique intentionnel et illicite et même s'il estime probable qu'il s'agisse d'une lésion professionnelle, prévoir une inhabilité à occuper certains postes dans le secteur de la construction en cas d'infraction criminelle liée à des agressions sexuelles.

• (14 h 40) •

Également en complément, grâce à une mesure administrative, le Tribunal administratif du travail mettra sur pied une équipe spécialisée en matière de violence à caractère sexuel. Elle sera constituée de juges et de conciliateurs dûment formés en la matière — ils ont d'ailleurs déjà été formés sur les mythes et les stéréotypes en cette matière — et qui va prévoir aussi des mesures pour faciliter le processus et l'accompagnement des personnes victimes, parce que, si j'avais à résumer en trois mots le projet de loi, qui, souhaitons-le, devienne loi, c'est une meilleure prévention, un meilleur accompagnement puis une meilleure indemnisation.

Ça répond à la volonté de tous que le système de justice puisse évoluer en même temps que le reste des obligations légales afin que ce soit un changement de paradigme complet qui s'effectue chez les personnes traitant de litiges en cette matière. Déjà, depuis le 15 décembre 2023, la CNESST identifie et priorise les plaintes en pratiques interdites de harcèlement psychologique et de congédiement sans cause juste et suffisante ayant une composante de violence à caractère sexuel lorsqu'elles sont déférées au Tribunal administratif du travail. Le rapport des expertes ne recommandait pas une réingénierie complète des règles juridiques actuelles, mais proposait des solutions pragmatiques pour mieux adapter les leviers que nous avions déjà dans les lois existantes aux besoins des personnes victimes de harcèlement psychologique et de violence à caractère sexuel en milieu de travail.

Les mesures administratives que nous avons annoncées en septembre dernier constituaient un premier pas dans la modification d'un système complexe en adaptant nos institutions et instances du droit du travail aux particularités du harcèlement sexuel et des agressions à caractère sexuel pour pourvoir aux besoins des personnes qui en sont encore malheureusement victimes.

À présent, en complétant l'adoption du projet de loi, nous répondons à notre engagement de créer des environnements de travail sains, sûrs, respectueux et aussi équitables pour tous et toutes. Le Québec pourra être fier de se situer encore une fois à l'avant-plan des juridictions canadiennes en matière de droits et protection des travailleuses et travailleurs.

En terminant, je tiens à remercier la présidente de la Commission de l'économie et du travail, députée de Mirabel, ainsi que tous mes collègues, encore une fois, de la banquette gouvernementale, évidemment, mes collègues, je l'ai fait au début, mais moi, j'apprécie particulièrement le processus de collaboration qui nous anime tous quand on travaille en étude détaillée. Mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve se plaît à dire que nous avons déjà travaillé neuf projets de loi ensemble, et moi, je lui renvoie l'affection qu'il m'a exprimée ce matin. C'est un ancien conseiller syndical, je n'ai pas nécessairement le même parcours que lui, donc j'apprends énormément de nos échanges, de ses conseils et de ses instructions. Et, déjà, le collègue de Jean Talon est une personne qui s'adapte très facilement aux processus, et je pense que notre façon de travailler est compatible avec ce qu'il est et ce qu'il ambitionne faire en politique. Donc, moi je trouve que c'est un élément extraordinaire pour notre Parlement. Et évidemment notre collègue de l'Acadie puis sa collègue, aussi, de La Pinière, on a bien apprécié... Puis il y a eu des amendements qui ont, à chaque fois, été analysés à leur mérite, puis, quand on pouvait le faire, quand ça respectait les objectifs du projet de loi puis que c'était efficace et pratique de le faire, on allait de l'avant. Alors, je les félicite, bien sûr, tous les trois, et la collègue aussi, bien sûr, de La Pinière.

M. le Président, j'invite maintenant tous les collègues de cette Assemblée à voter en faveur du projet de loi n° 42 visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le ministre du Travail. Et je suis maintenant prêt à reconnaître le prochain intervenant, et je vais céder la parole à M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Merci, M. le Président. Je veux d'abord saluer mon collègue de l'opposition officielle qui me permet de passer tout de suite. C'est un accommodement que j'apprécie.

Je vais être assez court, M. le Président, parce que j'ai été beaucoup dans le détail lors du vote précédent d'hier sur la prise en considération du rapport, là. J'ai fait la longue liste des amendements que nous avions déposés et des thèmes qui ont été traités. J'ai fait tous les remerciements d'usage, notamment à la stagiaire Bonenfant, que je salue encore, Alexandrine Lahaie, que j'apprécie beaucoup et qui travaillera avec moi sur le 51, qu'on va commencer certainement bientôt.

Je veux, par contre, reprendre les quelques minutes que j'ai devant moi pour parler d'un autre enjeu, qui est celui de la division du travail. Je vous dis... en fait, la division du tribunal du travail. C'est une recommandation qui était présente dans le rapport des expertes. Je veux aussi saluer au passage une femme qui nous a écrit, à l'ensemble des parlementaires, dont je tairai le nom, c'était son souhait qu'elle demeure anonyme, qui nous a envoyé un gros rapport, une grosse réflexion, là, des dizaines de pages sur, notamment, cet enjeu-là, la division du travail du TAT. Et le ministre a dit qu'il allait créer une équipe spécialisée pour avoir une forme de meilleure gestion de ces dossiers-là au TAT, mais, quand même, cette question-là d'une division était abordée de manière structurelle dans plusieurs mémoires. Donc, je faisais référence à l'instant à celui que nous avons reçu de cette femme militante, là, qui nous avait interpelés, l'ensemble des élus.

Mais je vais juste citer rapidement la recommandation n° 57 du rapport des expertes, là, de Cox, Gesualdi-Fecteau et Laflamme, que je salue au passage, d'ailleurs. Le ministre l'a bien fait à l'instant. La recommandation 57 disait la chose suivante : «Le comité recommande qu'une division en matière de violence à caractère sexuel au TAT soit créée au sein de la LITAT — de la loi du tribunal — et que les juges nommés pour siéger à cette division possèdent une expertise en matière de harcèlement sexuel et d'agression à caractère sexuel et soient formés sur une base continue dans ces matières.» C'était une recommandation qui était reprise dans les mémoires de la CSD, de la FTQ, de la CSQ, de la CSN et de l'UTTAM, donc, une idée qui était, somme toute, assez populaire.

On verra si l'équipe spécialisée du ministre fera le travail. Cela étant dit, moi, j'aurais quand même souhaité qu'on aille peut-être peu plus loin dans la réflexion sur la division à proprement parler, parce que c'est ce qui a été fait dans le dossier de la violence sexuelle et conjugale. En droit criminel, on a créé, à la Cour du Québec, une division spécialisée en matière de violence sexuelle et de violence conjugale, ou tribunal spécialisé, qu'on a appelé un peu dans le jargon. Ça aurait été intéressant qu'on fasse la même chose dans le volet... dans l'enveloppe «travail», si on peut parler ainsi.

Je termine en citant un exemple, là, du rapport Cox, là, qui est à l'origine de toute cette discussion-là. Ça va comme suit : «Le comité recommande donc la création d'une nouvelle division du Tribunal administratif du travail dédiée à l'audition de l'ensemble des litiges impliquant un enjeu de violence à caractère sexuel. Les juges de cette nouvelle division, qui [pourraient] être issus [de d'autres] divisions déjà existantes, seront tenus d'appliquer les mêmes règles de droit et les mêmes règles de preuve et de procédure que lors de l'audition de tout autre litige. Toutefois, à l'instar des tribunaux spécialisés en matière de violences sexuelles dans les domaines du droit criminel, le système sera humanisé pour les personnes victimes et adapté aux particularités des violences à caractère sexuel.»

Donc, M. le Président, ce n'est pas dans le projet de loi. Ce n'est pas la solution qui a été retenue par le ministre, qui a ses raisons, j'imagine. Moi, je ne fais que, dans le fond, réitérer au ministre une certaine demande d'ouverture pour la suite des choses. Si jamais, d'ores et déjà, on observe, dans le futur, que l'équipe spécialisée qu'il aura demandé de mettre en place n'est pas suffisante, si on entend des échos de femmes qui auront traversé ce chemin-là et qui auront jugé que ce n'était pas adéquat... Mais je souhaite qu'il demeure ouvert à cette idée-là, d'une division, comme on l'a fait dans d'autres domaines, et que ça puisse demeurer dans l'ordre du jour de ce débat permanent. Parce que je ne pense pas qu'on termine ce débat-là, de la violence à caractère sexuel, avec le projet de loi. On marque un jalon important, auquel nous aurions... nous aurons contribué, l'ensemble des oppositions, mais je suis convaincu que le ministre est d'accord avec moi pour dire que c'est une préoccupation constante de l'ensemble des parlementaires, de l'ensemble des partis politiques, de l'État québécois, de son ministère, en particulier, et qu'il y aura, dans le futur, d'autres moments pour intervenir sur le sujet. Est-ce que ce sera là l'occasion, donc, de revenir sur cette question de la division du Tribunal du travail? Nous verrons dans le futur.

Encore une fois, merci à tout le monde qui est intervenu sur ce débat. Merci pour l'ouverture du ministre sur les différents amendements. Merci encore à mon collègue de l'opposition officielle de me permettre d'intervenir maintenant. Et nous allons, bien sûr, voter en faveur de l'adoption finale de ce projet de loi. Merci beaucoup.

• (14 h 50) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Et nous allons poursuivre maintenant avec l'intervention de M. le député de l'Acadie.

M. André Albert Morin

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Alors, je suis privilégié de pouvoir intervenir cet après-midi, à l'étape finale, en fait, l'adoption du projet de loi n° 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail.

C'est un projet de loi important, je le soulignais hier, lors de l'étape de la prise en considération, mais c'est particulièrement important parce que, M. le Président, encore aujourd'hui, dans le monde du travail... il y a un trop grand pourcentage de victimes qui doivent subir du harcèlement psychologique ou de la violence à caractère sexuel dans le monde du travail. Ça ne devrait jamais arriver. Il ne devrait pas, dans un monde idéal, y avoir aucun cas.

Malheureusement, ça arrive. Les statistiques sont particulièrement importantes, et donc il était... et je salue le ministre, il était important que le ministre puisse déposer son projet de loi pour mettre en place des modifications qui touchent un ensemble de lois qui vont venir à prévenir, justement, le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel.

Et pourquoi c'est important? Bien, c'est parce que les gens qui en souffrent, les victimes, ont souvent à attendre longtemps avant de voir leur santé revenir. Et je pense que c'est important de souligner que l'ensemble des experts s'entendent sur plusieurs des conséquences du harcèlement psychologique et de la violence à caractère sexuel.

Permettez-moi de citer le mémoire de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, un groupe qui a évidemment comparu lors de l'étude en commission, et avec... ils ont déposé un mémoire. Puis, évidemment, les conseillers en ressources humaines, ce sont des experts dans ce domaine-là. Donc, ils sont là, dans le milieu de travail, pour conseiller, très souvent, ces... l'employeur, mais pour faire en sorte qu'avec l'employeur il puisse y avoir un milieu de travail sain. Donc, ils sont très bien placés, ils sont au premier plan pour voir quel est l'impact ou les conséquences du harcèlement psychologique et de la violence à caractère sexuel.

Permettez-moi de prendre quelque temps pour vous dire, entre autres parce que c'est documenté dans leurs mémoires, quelles sont les conséquences qui peuvent se manifester pour les victimes. Et vous allez voir que c'est vraiment important.

D'abord, l'intégrité physique. Donc, ça affecte physiquement les gens : troubles du sommeil, douleurs chroniques, hypertension artérielle, des gens qui sont blessés. Alors donc, c'est très important, et ça entraîne aussi une... intégrité psychologique, conséquences sur la santé mentale, la nervosité, l'irritabilité, l'anxiété, et, dans certains cas, ça va même entraîner de la détresse psychologique ou même des états de stress post-traumatique, des troubles dépressifs, voire des idées suicidaires. Et ça, M. le Président, c'est documenté. Alors, c'est hyperimportant de pouvoir, dans le milieu du travail, de faire en sorte que les travailleurs soient protégés et qu'on fasse en sorte qu'ils n'aient pas à vivre... Et évidemment, quand on parle d'état de stress post-traumatique, de troubles dépressifs, voire des idées suicidaires, ce n'est pas juste écrit dans le mémoire, M. le Président, ça arrive, ça arrive pour vrai. Moi, j'en ai connu, des gens qu'on a aidés, qui, après des périodes de harcèlement, ont reçu un diagnostic de stress post-traumatique, de troubles dépressifs, voire d'idées suicidaires. Et là heureusement, heureusement, souvent, pour ces gens-là, il y a des mécanismes en place, dans notre société, qui font qu'on va être capables de les aider, de les accompagner et qui vont... qu'ils vont revenir dans un état... qu'ils vont guérir de ça. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que c'est excessivement long, et, dans bien des cas, ça laisse des marques, puis des fois ça laisse, malheureusement, des marques pour toujours.

Bien sûr, quand un milieu de travail vit ces circonstances-là, imaginez le climat de travail. C'est forcément néfaste. Il y a des conséquences néfastes pour la victime mais pour les personnes qui travaillent, et évidemment ça crée un climat de travail qui est toxique. Pour l'entreprise, ça peut entraîner des enjeux financiers et voire même un contrecoup sur la réputation de l'entreprise.

Je prends la peine de vous en parler quelques minutes, parce que, quand on m'a demandé de travailler à ce projet de loi là pour l'opposition officielle, quand j'ai lu le titre, quand j'ai lu les articles, quand on était allés travailler avec l'équipe gouvernementale et M. le ministre, lors de l'étude article par article, je me disais : Si on peut faire quelque chose pour aider ces gens-là le plus rapidement possible, bien, il faut le faire, on ne peut pas faire autrement, on ne peut pas faire autrement. Et ça, je pense que... et je salue l'initiative du ministre et du gouvernement. Ce n'est pas parfait. J'aurai l'occasion, dans quelques minutes, de vous parler davantage de choses qui ont été acceptées, d'amendements, d'amendements que j'aurais voulu voir, qui n'ont pas été acceptés, mais, quand même, dans l'ensemble, dans l'ensemble, c'est un pas dans la bonne direction.

Et je reviens, je reviens aux conséquences, je reviens à l'état physique qui peut affecter une victime de harcèlement psychologique. Et c'est loin d'être banal. Puis vous savez, M. le Président, nous tous ici, dans la société en général, la très grande majorité des gens vont travailler tous les matins. Ceux qui ou celles qui ont l'avantage d'aller dans un milieu de travail où ils sont passionnés, où ça va bien, où c'est respectueux, ça les... ça amène un engouement, ça accroît la productivité au travail, et c'est parfait puis c'est comme ça que ça devrait être. Mais imaginez l'employé, homme ou femme, qui doit entrer dans un milieu de travail puis que cette personne-là sait qu'elle va subir de la pression. Et ça prend différentes formes, dans notre société d'aujourd'hui. Ça peut être des courriels, ça peut être des commentaires, ça peut être des courriels à n'importe quelle heure du soir, du jour, de la nuit. À un moment donné, là, tout le monde a le droit à avoir une prestation de travail, mais une prestation où on est en famille ou bien où on est seul à la maison, mais, enfin, où on est dans notre univers à nous, puis on est heureux, puis on veut juste se reposer. Ça aussi, les travailleurs puis les travailleuses ont droit à ça. Mais malheureusement, quand il s'installe un climat de violence à caractère sexuel ou de harcèlement psychologique, bien, ça fait en sorte que ça peut rendre et ça rend des travailleurs malades.

Donc, je salue, évidemment, l'initiative du gouvernement, qui fait en sorte que, par ce projet de loi, on va tenter de réduire le plus possible... parce qu'évidemment, un cas, c'est déjà trop, mais si, au moins, on peut réduire le plus possible et sensibiliser les gens à cette réalité pour que des travailleurs et des travailleuses n'aient plus à le vivre, bien, à ce moment-là, je pense qu'on vient de faire un pas important dans la bonne, dans la bonne direction.

Permettez-moi de regarder puis de relever certaines dispositions du projet de loi qui, je pense, vont améliorer la qualité de vie et va lutter contre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel. Dans le projet de loi, outre, en plus des définitions, puis je pourrai en reparler, mais, déjà, quand on parle de modifier le Code du travail, on dit, à l'article 1 du projet de loi, on parle de la formation, formation pour les arbitres de grief qui auront à entendre des dossiers de conduite de harcèlement psychologique ou... et donc qui devront avoir suivi une formation dans ce sens-là et aussi une formation sur la violence à caractère sexuel. Pourquoi c'est important? Bien, parce qu'on ne s'est pas rendu jusqu'à un tribunal spécialisé, mais au moins, si on a des décideurs qui sont bien au fait de la manifestation de ce qui peut se passer dans le milieu de travail en termes de harcèlement psychologique ou de violence à caractère sexuel, bien, au moins, ça permet aux décideurs d'entendre la preuve et d'être capables de contextualiser tout ça. Et ça, je pense que c'est important, tout comme, dans le projet de loi, il est prévu que les employeurs devront adopter des politiques pour la prévention. Et ça aussi, c'est très important. Ça, c'est une modification à la Loi sur la santé et la sécurité du travail qui va faire en sorte que, dorénavant, les employeurs devront former... devront avoir des politiques pour prévenir ce type de comportement là qui est totalement condamnable.

• (15 heures) •

Donc, l'élément formation, l'élément prévention est là, je tiens à le souligner. Je souligne également qu'au niveau de la politique, il y a même des éléments particuliers que l'on retrouve dans la loi. Donc, ça va être important, éventuellement, les employeurs devront, bien sûr, s'y conformer. Et ça, je pense que ça mérite... ça mérite d'être souligné.

Je veux maintenant, pendant les minutes qui suivent, vous parler de l'article 4 de la loi, qui va être modifiée, la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles. Je veux vous en parler, puis, je vous dirais, honnêtement, je vous en parle avec fierté, parce que c'est un amendement que l'opposition officielle a déposé et qui a été accepté par M. le ministre et la partie gouvernementale. Et je vous explique pourquoi, à mon avis, c'est important. Dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, l'article 4 du projet de loi n° 42, qui va modifier cette loi-là, met en place une présomption, et donc, ça, je pense que c'est important, une présomption à l'effet qu'«une blessure ou une maladie d'un travailleur est présumée être survenue sur le fait ou à l'occasion de son travail lorsqu'elle résulte de la violence à caractère sexuel subie par ce dernier et commise par son employeur, l'un des dirigeants de ce dernier dans le cas d'une personne morale ou l'un des travailleurs dont les services sont utilisés par cet employeur», et, au départ, l'article ajoutait «aux fins d'un même établissement, sauf si cette violence survient dans un contexte strictement privé». Il y a différents groupes qui nous ont alertés sur cet élément-là, parce qu'évidemment la présomption, elle est... elle va bénéficier à la personne victime. Sauf que, si on avait laissé ce dernier bout de phrase, «sauf si cette violence survient dans un contexte strictement privé», bien, la victime aurait été obligée, souvent, de démontrer que ce n'est pas arrivé dans un contexte strictement privé. Donc, ça venait, au fond, diminuer, amoindrir l'efficacité de la présomption que le gouvernement essayait de mettre en place.

Ma collègue de La Pinière et moi-même avons soulevé cet enjeu-là, et je trouvais ça particulièrement important d'apporter l'amendement pour éviter de retomber dans des situations où, d'abord, la victime aurait à expliquer. Parce que, si c'était resté tel quel, l'employeur aurait toujours pu dire : Oui, mais, écoutez, c'est arrivé dans un contexte privé, donc ça ne s'applique pas. Évidemment, la personne qui est victime, là elle va être obligée de démontrer que ce n'était pas dans un contexte strictement privé. Alors là, on peut s'imaginer rapidement vers où ça va nous mener, alors : où on était, qu'est-ce qu'on a fait, etc. Puis, au fond, au fond, ça n'a, à mon avis, rien à voir avec le fait que la victime ait subi du harcèlement ou de la violence à caractère sexuel.

Donc, le ministre était d'accord. L'amendement que j'ai présenté a été accepté, et cette phrase-là a été rayée du projet de loi. C'est un atout aussi, je vous dirais, pour les victimes, parce que je crois sincèrement que ça va leur permettre de divulguer davantage des situations de harcèlement, ce qui aurait été probablement un frein, si le projet de loi n'avait pas été modifié.

Je vous parle d'un autre amendement qu'on avait apporté, et s'en est suivi, évidemment, une bonne discussion avec M. le ministre. À l'article 1, quand je vous parlais de formation, puis ça, c'est une modification au Code du travail, on voulait s'assurer que les personnes qui allaient donner cette formation aux arbitres de griefs allaient être eux-mêmes des professionnels formés dans ce domaine-là pour être capables d'assurer, bien sûr, une qualité puis démontrer, bien sûr, leurs compétences de formateurs dans ce domaine. Or, après une discussion, M. le ministre a déposé un amendement, à l'article 1, qui nous satisfaisait. Donc, ça nous a permis de bonifier le projet de loi.

Cependant, il y a certains amendements qu'on a déposés et qui n'ont pas été acceptés. Je vous en parle brièvement parce que, sincèrement, je pense encore aujourd'hui que ça aurait permis d'améliorer le projet de loi, mais, bon, ce ne sera pas cette fois-ci.

Un des éléments qu'on trouvait important, à l'article 22.1 du projet de loi, c'était, entre autres, d'avoir une période de deux ans pour être capable de déposer une plainte, mais deux ans à partir de la connaissance du préjudice subi par cette conduite. Présentement, le délai est de deux ans, mais c'est deux ans à partir des événements. Évidemment, si c'est deux ans à partir de la connaissance du préjudice, c'est sûr que ça peut entraîner un délai qui est plus long entre le moment où l'événement survient et où la personne... où la personne va divulguer ce dont elle a été victime.

Je trouvais que c'était important puis je vais vous expliquer pourquoi. C'est parce que, vous vous souviendrez, au tout début de mon intervention, je vous disais que les conséquences que peut vivre une victime, ça peut être des troubles d'adaptation, des états de stress post-traumatique, des troubles dépressifs. Et donc, dans certains cas, ça peut même prendre du temps avant qu'il y ait un diagnostic qui soit posé et que la victime soit même capable d'exprimer ce dont elle a été victime, ce qu'elle a vécu. Puis moi, mon intention avec cet amendement-là, c'était de s'assurer qu'on n'allait pas échapper personne, et donc que les gens pourraient avoir accès à tous les services. Ça n'a pas été retenu, mais, en fait, c'est une tentative.

Donc, l'autre élément aussi que j'aurais bien voulu voir adopter, c'est à l'article 23 du projet de loi, parce qu'on prévoit maintenant des séances de médiation, et j'aurais voulu m'assurer que la commission, donc, la CNESST, aurait pu offrir un accompagnement à la personne salariée, donc, à la victime, pendant la médiation. Ça n'a pas été accepté non plus. Mais, quand même, quand on regarde l'ensemble du projet de loi, et c'est ce que je soulignais un peu plus tôt, c'est un pas dans la bonne direction, et je tiens à le souligner.

Le dernier élément qu'on aurait voulu, c'est une présomption, dans le cas de la violence à caractère sexuel... si la victime dépose une réclamation en dehors de la période, qu'il y ait, donc, une présomption à l'effet que son retard ou son motif de retard ait été raisonnable, donc, des éléments qu'on aurait voulu voir, mais, je le redis, en fait, pour moi, l'élément le plus important, c'était la modification à l'article 4 qui fait en sorte, je pense, sérieusement, que, là, la présomption va jouer pleinement, va avoir pleinement effet, et que ça ne va pas empêcher des victimes de divulguer et de dénoncer ce type de comportement là.

Il y a un élément également que j'aimerais rajouter et qui était, lui, très cher, dans le cadre des travaux, avec beaucoup de vigueur, que ma collègue la députée de La Pinière fait, et là le projet de loi ne touche pas à ça. Je pense que ça aurait été important, puis je vais vous expliquer pourquoi, mais on parle ici des chèques emploi-service dans le réseau de la santé et des services sociaux. Ma collègue la députée de La Pinière a soulevé la problématique des relations de travail avec le chèque emploi-service à plusieurs reprises pendant l'étude du projet de loi, et c'était, pour elle, des enjeux majeurs en ce qui a trait aux usagers. Puis, dans les minutes qui vont suivre, je vais vous expliquer pourquoi.

• (15 h 10) •

Le chèque emploi-service est un programme qui permet à un usager... et, dans bien des cas, on parle ici d'une personne aînée vulnérable ou en perte d'autonomie, ou encore une personne en situation de handicap, ou de son proche aidant, et une personne dans cette situation-là peut choisir le travailleur ou la travailleuse qui va lui offrir des services d'aide à domicile dont elle a besoin. Alors, ça couvre le scénario, la situation où une personne est malade, où une personne souffre d'un handicap et où elle a besoin de soins à domicile. Et donc il y a une personne qui va venir lui offrir ces services-là.

Deuxièmement, il faut savoir qu'une personne qui fait usage du chèque emploi-service, pour recevoir de tels services à domicile, est reconnue au sens de la Loi sur les normes du travail comme un employeur. Si l'usager qui reçoit les services en question est inapte, c'est son proche aidant qui est considéré légalement comme l'employeur. Donc, pour les fins de la Loi sur les normes du travail, la personne qui reçoit les soins à domicile, une personne qui est malade ou la personne qui souffre d'un handicap, va donc être considérée comme étant un employeur. Et donc il y a des dispositions, forcément, du projet de loi qui vont s'appliquer à elle.

Troisièmement, les usagers puis les proches aidants ne sont pas toujours au courant que la loi les considère comme des employeurs. Parce que, dans le projet de loi, et c'est important, il y a maintenant des obligations pour les employeurs, j'en parlais précédemment, pour faire en sorte de mettre en place un milieu de travail où on ne verra pas de harcèlement psychologique ou encore de violence à caractère sexuel.

Mais donc les usagers ou les proches aidants, qui, évidemment, ne sont pas toujours au fait des dernières dispositions de la loi, seront donc considérés comme des employeurs. Et, avant de recourir au programme du chèque emploi-service, le système leur souligne qu'ils n'ont qu'à trouver la ressource qui leur offrira les services et que le programme chèque emploi-service s'occupera de la paie et des retenues fiscales. Alors donc, ce qu'on dit, au fond, c'est que, là, il y a un mécanisme qui va vous aider. Vous allez pouvoir recevoir des soins à domicile, mais ce n'est pas toujours clair que ces personnes-là vont devenir des employeurs. Et donc ça va générer des obligations légales.

Ma collègue soulignait... Donc, elle a parlé à différentes personnes qui utilisent les chèques emploi-service, et ce n'était pas clair pour ces personnes-là que, là, soudainement, elles devenaient l'employeur.

Pour vous dire aussi et puis pour vous décrire la situation, dans un reportage de l'émission La facture en mars 2019, un proche aidant a été poursuivi par la CNESST au sujet d'un conflit concernant les avantages sociaux d'une travailleuse. Le proche aidant et la dame âgée qui recevait les services... a été confirmé comme employeur et a dû verser à la travailleuse un montant de plus de 3 000 $. Donc, quelle a été la surprise de la personne d'apprendre qu'elle pouvait être considérée comme employeur puis qu'en plus, à cause d'un conflit en lien avec les avantages sociaux, elle a été poursuivie et qu'elle a dû débourser de sa poche un montant de plus de 3 000 $.

Donc, ça, évidemment, c'était dans un cas d'avantages sociaux. Donc, on aurait souhaité que, puisqu'il y avait un projet de loi qui traitait d'éléments importants dans le domaine du travail, qu'on puisse effectivement y insérer des éléments qui auraient pu couvrir ces scénarios-là, mais ça n'a pas été fait. Et, je me souviens, lorsqu'on était au stade de l'étude article par article, ma collègue la députée de La Pinière disait : Bon, maintenant, imaginez le cas de figure où une travailleuse du programme chèque emploi-service subit, par exemple, du harcèlement dans son milieu de travail ou au domicile de l'usager. Ça pourrait être, par exemple, d'une personne dans l'entourage de l'usager.

• (15 h 20) •

Et donc, là, vous voyez la difficulté qui pointe, M. le Président. Comment l'usager ou le proche aidant va être capable de s'acquitter des nouvelles obligations en vertu du projet de loi? Parce que, je vous le mentionnais, et c'est bien, on parle de formation, on parle de développer une politique contre le harcèlement, il y a une politique pour la réception des plaintes, mais sauf que, là, dans... quand on l'applique dans ce contexte-là, ça peut devenir, effectivement, excessivement difficile. Et je ne suis pas en train de vous dire qu'il n'y a pas de harcèlement dans ces situations-là, mais ce que je dis, c'est qu'il ne devrait pas y en avoir, mais, si jamais il y en a, ça devient, évidemment, difficilement gérable.

Puis c'est, au fond... au fond, l'élément que ma collègue la députée de La Pinière voulait faire ressortir, ça va devenir rapidement inapplicable. Puis des personnes qui utilisent le programme du chèque emploi-service, présentement, il y en a plusieurs. Donc là, on se ramasse dans une situation où la personne qui pourrait être considérée comme l'employeur, si c'est elle qui commet, par exemple, du harcèlement, bien, ça va devenir difficile, pour la travailleuse ou le travailleur qui veut aider, de porter plainte. Effectivement, à ce moment-là, j'imagine qu'il y aura la CNESST. Évidemment, il est toujours possible de recourir, dans certains cas, à des tribunaux de droit commun, mais vous comprendrez que ça devient difficile.

Et ma collègue rappelait également, et ça, elle l'a entendu d'une ex-employée de la CNESST, que, dans ces cas-là, ça devient très difficile pour les agents parce qu'il faut qu'ils disent au travailleur ou à la travailleuse à domicile que, dans une certaine façon, c'est l'usager qui va gérer la plainte. Donc, vous comprendrez que, là, ça nous amène dans un dédale qui est excessivement difficile. Ce que ça fait, dans les faits, c'est que ça va décourager les travailleurs de porter plainte. Puis souvent ce qui arrive, bien, c'est que le travailleur ou la travailleuse va être remplacé par une deuxième personne qui va utiliser le programme chèque emploi-service, mais qui, malheureusement, on ne le souhaite pas, on ne le veut pas... mais qui, malheureusement, pourrait être condamnée à vivre à peu près la même situation. Et là ça devient, effectivement, difficile. Pendant les travaux en commission, ma collègue la députée de La Pinière a soulevé cet enjeu-là, et évidemment, ça, ça n'a pas été accepté, ça n'a pas été changé.

On salue le travail du ministre du Travail qui... et là, évidemment, j'étais là pendant les travaux. Il nous a donné une fiche expliquant ce qu'est le programme chèque emploi-service et que l'équipe de son collègue le ministre de la Santé, de qui relève le chèque emploi-service, serait en communication avec ma collègue la députée de La Pinière. Donc, je salue l'initiative du ministre du Travail, qui en a parlé à son collègue le ministre de la Santé, sauf que, malheureusement, à ce stade-ci, ma collègue n'a toujours pas été contactée, et on attend toujours. Donc, en fait, moi, je tends la main, j'invite le ministre du Travail... parce que c'est une situation qui peut être problématique puis, évidemment, qui risque de se ramasser, malheureusement, sans issue, puis ça, bien, on ne veut pas ça. Donc, j'invite le ministre du Travail à parler à nouveau au ministre de la Santé. De toute façon, connaissant le professionnalisme et l'ardeur au travail de ma collègue, je suis certain qu'elle n'hésitera pas à contacter le ministre de la Santé à nouveau, donc je le dis publiquement.

Parce qu'au fond, présentement, ce sont des milliers de travailleurs et travailleuses qui utilisent le programme du chèque emploi-service, et donc l'application de ce projet de loi ne les visera pas, ne les touchera pas, ou, en fait, si ça les touche, ils ne seront pas au courant. Et donc le programme pourrait subir un contrecoup, ce qu'on ne veut pas, parce qu'on sait et on le lit tous les jours dans les journaux, notre système de santé subit une pression énorme. Il y avait encore des questions, ce matin, à la période des questions, là-dessus. Il y a des gens qui veulent rester chez eux, mais qui ont besoin de soins. Qu'ils aient des travailleurs ou des travailleuses qui vont les voir à la maison pour s'occuper d'eux, c'est fondamental. Mais on ne voudrait pas que ça ait un impact, évidemment, sur ce programme-là, qui, par ailleurs, est bénéfique pour un grand nombre de personnes. Donc, je tenais à soulever ces préoccupations au niveau de l'adoption, parce que, dans une certaine mesure, c'est un peu une opportunité qui s'offrait à nous, la dernière, compte tenu du stade où on est rendus avec le projet de loi n° 42, et vous comprendrez qu'on ne voulait pas rater cette opportunité-là.

Cependant, quand on regarde le projet de loi dans son ensemble, et je le mentionnais précédemment, cette loi-là va venir modifier un ensemble de lois qui touchent le monde du travail, que ce soient le Code du travail, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il y a la Loi sur les normes du travail et, évidemment, il y a toute la question de la violence en milieu de travail, la Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail, la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, et la loi sur la santé et la sécurité au travail, ainsi que la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d'art et de la scène.

Donc, comme vous pouvez le voir, c'est un projet de loi qui n'a pas un très grand nombre d'articles, mais qui va avoir une portée considérable, qui va venir modifier un grand nombre de lois, et c'est effectivement bénéfique. J'étais personnellement heureux de voir qu'il va y avoir des modifications qui vont toucher la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d'art et de la scène. C'est un domaine du monde du travail qui est important, mais c'est un domaine aussi où il faut agir pour que les gens qui oeuvrent dans ce domaine-là ne soient pas victimes de harcèlement psychologique ou de violence à caractère sexuel en milieu de travail.

Je veux également souligner qu'au niveau de la politique, donc, de la prévention il va y avoir une modification importante à la Loi sur les normes du travail, et le ministre a cru bon d'inclure dans la loi ce que la politique devra comprendre. Et ça mérite d'être souligné, parce que les employeurs devront se conformer à ces dispositions-là, et à élaborer et à mettre en oeuvre des politiques, et à les diffuser également, donc, notamment, des méthodes techniques pour identifier et contrôler, éliminer les risques de harcèlement psychologique, et ça, c'est très important, incluant toutes les conduites qui peuvent se manifester par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel, des programmes d'information et de formation spécifiques en matière de prévention du harcèlement psychologique, offerts aux personnes salariées, des recommandations concernant les conduites à adopter lors de la participation aux activités sociales liées au travail. Et ça, je pense que c'est aussi très important, parce que, bien sûr, il y a un cadre, en fait, strict, officiel. On sait très bien, quand on est dans le milieu de travail... mais parfois, l'employeur va inviter des employés en dehors du milieu de travail plus conventionnel, que ce soit un bureau, une usine ou que sais je, et donc, de rappeler, dans une politique, que, dans un contexte même à l'extérieur du milieu de travail, on est toujours dans un contexte de travail et que les gens doivent se comporter pour éviter du harcèlement psychologique ou des violences à caractère sexuel, je pense que ça, c'est très important.

Les modalités applicables pour faire une plainte, un signalement... et ça, on avait eu de bonnes discussions pour spécifier à qui et comment ça doit être fait, évidemment, mesures visant à protéger la personne concernée dans une situation de harcèlement psychologique et celles qui ont collaboré au traitement d'une plainte ou à un signalement. Parce que vous comprendrez, si on veut que des gens divulguent ces comportements-là, qui sont inacceptables, encore faut-il leur donner un cadre qui va faire qu'elles vont se sentir appuyées et qu'elles pourront cheminer dans le processus.

Évidemment, le processus de prise en charge et les mesures visant à assurer la confidentialité d'une plainte, d'un signalement ou d'un renseignement... Et ça aussi, c'est hyperimportant, M. le Président, parce qu'il y a malheureusement des victimes qui ne vont pas divulguer, si elles pensent ou elles savent que la plainte va être partagée dans l'espace public. Donc, qu'on puisse leur assurer la confidentialité pour qu'on puisse agir rapidement pour faire cesser la situation, ça, je pense que c'est également un élément très positif. Et cette politique-là, qui sera adoptée une fois que le projet de loi sera adopté, fera partie intégrante des obligations de l'employeur. Et je pense que c'est une avancée très positive, donc je tenais à le souligner.

J'arrive maintenant à la dernière étape de mon allocution, et j'en suis rendu aux remerciements.

J'aimerais d'abord remercier M. le ministre et son équipe parce que nous avons eu de bons échanges. Ça a été toujours agréable. J'ai posé énormément de questions à M. le ministre, il a toujours répondu. Il nous a donné des explications. Mon collègue député d'Hochelaga-Maisonneuve a aussi posé bon nombre de questions, mais encore là on a... sincèrement. Puis c'est important, parce qu'évidemment, vous comprendrez, on parlait de combattre le harcèlement psychologique, là, mais donc, tu sais, pas de pression, de bons échanges, ça allait bien, c'était agréable. Parce que, je pense, tout le monde... je pense que je peux dire ça, tout le monde savait que c'était tellement important et qu'il fallait vraiment prendre le temps d'aller au fond des choses. Bon, évidemment, on aurait peut-être, des fois, voulu aller un peu plus loin, mais quand même, ça a toujours été fait dans un climat excessivement agréable. Et autant M. le ministre que son équipe ont toujours été là pour répondre à mes questions puis aux questions de ma collègue la députée de La Pinière.

Merci également au personnel du ministère, à tous les fonctionnaires qui ont accompagné M. le ministre et aux juristes de l'État, qui ont sûrement donné des opinions juridiques. Vous savez, les fonctionnaires, ce sont souvent des gens qui travaillent un peu dans l'ombre, mais sans eux, l'État ne pourrait pas fonctionner. Et M. le ministre était accompagné d'une équipe de gens excessivement professionnels. Et donc je tiens à le souligner et à les remercier.

Merci également à ma collègue la députée de La Pinière, qui a fait un travail extraordinaire, et merci également à tous les collègues députés, que ce soit de la banquette gouvernementale ou des oppositions.

J'aimerais aussi prendre quelques instants pour remercier puis saluer ma stagiaire de la Fondation Bonenfant, Mme Florence Nadeau. Mme Nadeau est dans la tribune. Vous savez, comme parlementaires, M. le Président, quand on est choisis, parce que c'est comme ça que ça fonctionne, hein, les stagiaires choisissent le député, bien, c'est un privilège. Mme Nadeau a travaillé excessivement fort, avec beaucoup de professionnalisme. Ce sont des gens excessivement brillants. Ils sont exposés à une foule de dossiers variés, mais ils sont capables, très rapidement, de nous aider dans notre travail, et ces gens-là font la différence, et je voulais prendre quelques minutes pour le souligner, je pense que c'est important, et dire merci.

• (15 h 30) •

Merci également à la recherche de l'aile parlementaire de l'opposition officielle, mon collègue M. Thomas Guérette, qui était avec moi. Je tiens également à remercier la présidente de la commission qui a présidé nos travaux, la députée de Mirabel. Ça s'est fait excessivement bien, ça a été très agréable. Et permettez-moi, en dernier lieu, de souligner également les employés de l'Assemblée nationale, ceux qui ont travaillé avec nous à la commission ou ceux qui sont ici, au salon bleu. Je dois vous dire, et je ne me gênerai pas pour le dire, on est particulièrement choyés, M. le Président. Ce sont des gens excessivement professionnels, dévoués. Ils sont toujours là pour nous aider, et donc ça facilite énormément nos travaux. Et finalement, merci à vous, M. le Président, qui m'avez écouté pendant près de 40 minutes.

Vous comprendrez, après tout ce que j'ai dit du projet de loi, nous allons, bien sûr, voter pour son adoption, c'est certain. Et puis, après ça, bien, on suivra l'élaboration, la mise en oeuvre, et on s'assurera, évidemment, que les différents organismes gouvernementaux qui auront à mettre en oeuvre le projet de loi aient, bien sûr, les fonds nécessaires pour accomplir leur mandat. Alors, sur ce, merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. Et nous allons poursuivre maintenant avec l'intervention de M. le député de Jean-Talon.

M. Pascal Paradis

M. Paradis : Merci beaucoup, M. le Président. Bien, justement, en parlant de remerciements, j'aimerais commencer par les remerciements d'usage, mais, non, en fait, qui ne sont pas des remerciements d'usage, qui sont des remerciements sentis, au ministre, pour son approche à ce projet de loi qui abordait des dynamiques importantes et, sous certains angles, délicates. Beaucoup de dialogue. Il était entouré d'une équipe d'experts et d'expertes du ministère, que j'aimerais féliciter et remercier aussi pour ce travail. Des remerciements particuliers aussi à toutes les personnes qui sont venues participer aux consultations particulières, qui ont déposé des mémoires extrêmement éclairants aussi, pour mieux aborder les sujets qui sont traités dans le projet de loi, mes collègues des banquettes de l'opposition, M. le député de l'Acadie, Mme la députée de La Pinière, M. le député de Hochelaga-Maisonneuve. Extrêmement intéressant aussi, ce dialogue constructif que nous avons eu ensemble. Permettez-moi aussi de mentionner mon collègue Jean-Sébastien Barr, de l'équipe de recherche du Parti québécois à l'Assemblée nationale. On est une toute petite équipe. Oui, le député a beaucoup de travail à faire lui-même, mais, heureusement, il est bien accompagné dans ce travail-là.

Le harcèlement psychologique, la violence à caractère sexuel en milieu de travail, c'est un véritable fléau. C'est une plaie qui affecte, depuis beaucoup trop longtemps, nos milieux de travail ici, qui cause des effets extrêmement négatifs, non seulement pour les personnes affectées, mais pour l'ensemble des collègues dans un milieu de travail, pour notre société. C'est absolument inacceptable, on ne peut pas le tolérer, et c'est pour ça qu'il faut aborder de front ces problématiques-là, et c'est ce que fait ce projet de loi.

Je l'ai mentionné au tout début puis, au terme de nos travaux, je suis d'autant plus content de le mentionner, j'abordais, moi, l'étude de ce projet de loi là de deux perspectives. Dans mon ancienne vie, hein... Le ministre a eu une ancienne vie, les collègues de l'opposition qui travaillaient, aussi, des banquettes gouvernementales, on arrive chacun avec notre perspective. Moi, j'arrivais avec la perspective d'une organisation qui se consacre à représenter les victimes, notamment de violence sexuelle, de harcèlement, de violence basée sur le genre. Et j'arrive avec une profonde conviction que c'est important de prévenir ces formes de violence et d'avoir un système qui est le plus bienveillant possible, qui, vraiment, veille à ce que, lorsqu'il y a un cas, lorsqu'il y a une plainte, on puisse accompagner le mieux possible les victimes pour qu'elles obtiennent justice, et qu'historiquement on a un déficit monumental, non seulement au Québec, mais partout dans le monde, envers les victimes de ces formes de violence, qui ont été, pendant longtemps, ignorées, effacées, parfois considérées comme secondaires, justifiées, normalisées, avec des conséquences catastrophiques, psychologiques, physiques, encore une fois, sur les victimes, leur famille, leur entourage, le milieu de travail. Donc, il faut vraiment changer notre approche et continuer à l'améliorer pour favoriser l'exercice des droits et pour favoriser, je le redis, la prévention.

De l'autre côté, j'ai aussi été pendant 20 ans un employeur, le directeur général d'une... de cette même organisation, mais qui doit aussi gérer des processus, gérer des employés, gérer des ressources humaines, et qui est conscient qu'il existe des garde-fous, des mesures qui doivent permettre une défense pleine et entière, que, parfois, les personnes visées par des allégations ne sont pas responsables, que ce sont d'autres enjeux et qu'il faut s'assurer que ces personnes-là bénéficient toujours de toutes les garanties pour une défense pleine et entière... et entière que notre système permet, que les employeurs ont des contraintes, que certains employeurs, c'est des plus petites organisations, et qu'il est important, donc, de veiller à mieux les équiper, à mieux les accompagner.

Alors, j'arrivais, moi, avec cette double... cette double vision. Et j'ai senti, je pense, que, tous ensemble, et que, notamment, le ministre, je tiens à le souligner aussi, avait cette approche d'équilibre. Donc, d'une part, il fallait augmenter, il faisait... il fallait bonifier, il fallait améliorer et il fallait aussi préserver l'essentiel aussi de... des garanties pour une défense pleine et entière, notamment. Il fallait travailler sur une base solide.

Et ça, je veux le mentionner, c'est remarquable, dans ce projet de loi là. Le travail a été amené, au départ, notamment sur la base du travail extraordinaire, et il faut le mentionner ici, du comité d'expertes qui ont déposé, donc, un rapport de plus de 300 pages qui s'intitule, rappelons-le, Mettre fin au harcèlement sexuel dans le cadre du travail : se donner les moyens pour agir. Et il faut le mentionner, hein? Donc, il s'agit de Me Rachel Cox, Dalia Gesualdi-Fecteau et Anne-Marie Laflamme. Remarquable base avec des données probantes pour agir. C'est comme ça qu'il faut agir comme gouvernement. Et, vraiment, c'est là-dessus que s'est appuyé le ministre. Et je tiens vraiment à le souligner.

Donc, dans le projet de loi, je ne vais pas m'étendre longtemps parce qu'on en a beaucoup parlé, mais deux ou trois choses sur lesquelles j'aimerais... j'aimerais insister.

D'abord, il y a vraiment plusieurs mesures pour bonifier, améliorer la prévention. Ça fait trois fois que j'en parle, là, mais ça commence par là. Ce qu'on ne veut pas, c'est avoir à activer tous les mécanismes d'accompagnement des victimes puis tous les processus de plainte. Donc, pour ça, il faut de la prévention, et ça, le projet de loi, vraiment, bonifie là-dessus. Plus de formation pour les parties prenantes, plus de formation dans le milieu de travail, plus de formation et de préparation pour les employeurs, c'est important.

Aussi, ce... cet appel qu'on fait aux employeurs de mieux se préparer, d'avoir des plans d'intervention, de passer par ces processus de formation, mais aussi d'avoir ce qu'il faut en place, des politiques, des mesures pour favoriser la prévention, alors, ça, je pense qu'il faut le saluer.

Ensuite, il y a quelque chose qui est intéressant pour venir agir sur cet aspect-là de la difficulté de... dans l'exercice des droits, dont je parlais tout à l'heure, qu'historiquement ça a souvent été un parcours du combattant ou de la combattante, souvent, qu'il faut faire une preuve difficile, qu'on est dans un contexte procédural difficile, qu'il y a des embûches, et là ce qu'on a fait, c'est qu'on a renforcé des présomptions. Donc, des présomptions, là, si je résume, là, très rapidement, hein, c'est qu'on facilite l'établissement de la preuve de certaines choses justement pour ne pas que ça devienne trop des embûches, pour ne pas qu'on revictimise les victimes de harcèlement ou de violence sexuelle en milieu de travail. Et donc, ça, je pense que ça va contribuer à faciliter le cheminement des plaintes, le... de faciliter l'accompagnement, et donc de faciliter la vie des victimes, rendre le processus plus digne. Et ça, je pense qu'il faut le mentionner.

Il y a une autre question aussi, hein, qu'on voyait venir, c'était la fameuse clause, ce qu'on appelle les clauses d'amnistie. C'est-à-dire que, des fois, on négocie, dans des conventions collectives, des clauses qui font en sorte qu'il n'est pas possible de considérer des précédents ou des infractions précédentes qui auraient été commises par une personne qui est visée par une plainte. Et ici, donc, il y a eu beaucoup de discussions, il y a eu beaucoup de mémoires qui ont été présentés, beaucoup d'avis qui ont été mentionnés à l'effet que les mesures proposées allaient beaucoup trop loin. Puis d'autres disaient : Bien non, on ne peut pas faire ça, on est en train de bouleverser un certain équilibre dans le milieu du travail. Et là-dessus je pense qu'il faut aussi souligner qu'il y a un bel équilibre, je pense, qui a été atteint, il y a une certaine sagesse. Et ça, si je peux souligner, peut-être, une humble contribution du soussigné, hein? On en a discuté en commission. On s'est aperçu qu'en réalité le projet de loi cristallisait, d'une certaine façon, là où en était rendue la jurisprudence et qu'il y avait une certaine sagesse dans cette jurisprudence. C'est-à-dire que, finalement, ce qu'on fait, c'est qu'on dit qu'il n'y a aucune disposition dans une convention collective qui peut empêcher un employeur de considérer qu'il y a des antécédents pour des infractions, donc, de type de harcèlement psychologique ou de violence à caractère sexuel en milieu de travail au moment d'imposer une sanction.

Donc, il s'agit donc de personnes qui sont des récidivistes. Et là ce qu'on dit, c'est que l'employeur a le droit de considérer les antécédents. Et c'est un peu là où la jurisprudence nous avait amenés. Et je pense que c'est un équilibre qui est... qui est un bon équilibre et qui nous rappelle qu'en réalité c'est de faire en sorte que des dispositions des conventions collectives ne puissent pas aller à l'encontre de dispositions d'ordre public de la Loi sur les normes du travail, dont celle, essentielle, de protéger les travailleurs contre la violence et contre le harcèlement en milieu de travail. Donc, là aussi, vraiment, je pense, un bel équilibre.

Donc, oui, c'est vrai, on aurait pu aller plus loin sur d'autres questions. Oui, c'est vrai, certaines nouveautés, certaines avancées vont bouleverser certaines pratiques, certaines façons de faire. Mais, en réalité, à la fin, c'est un très bon pas en avant. C'est un pas en avant mesuré. Et c'est pourquoi nous allons voter pour l'adoption de ce projet de loi. Le ministre l'a mentionné, et j'aimerais insister là-dessus, le ministre a dit : Ça va faire en sorte que le Québec va continuer à être à l'avant-garde sur ces questions-là à l'échelle canadienne. Moi, je l'inviterais à aller même un peu plus loin, c'est que le Québec doit et va continuer à être à l'avant-garde à l'échelle internationale. Je suis bien placé pour en parler compte tenu de mes expériences passées. C'est une bonne chose, je pense, qu'on montre la voie sur certaines avancées en matière législative, qu'on continue à s'inspirer aussi de ce qui fait... ce qui se fait de bien, ce qui se fait de mieux ailleurs.

• (15 h 40) •

Mais ici quelque chose aussi de très intéressant, c'est que, sur certaines mesures, comme, par exemple, sur ces fameuses clauses d'amnistie, ce sont beaucoup les étudiantes et les étudiants du Québec qui nous ont poussés à agir, et je veux les saluer. Sur les questions de lutte au harcèlement, de lutte à la violence sexuelle en milieu de travail, ce sont beaucoup des groupes de femmes, des organisations de la société civile qui sont auprès des victimes au jour le jour, auprès des personnes qui vivent ces phénomènes-là, qui nous ont incités, qui ont poussé le gouvernement à aller de l'avant, et ça, vraiment, je veux le saluer. Et j'espère que ces étudiants, ces femmes, ces personnes, ces organisations vont continuer à nous inspirer, parce que, oui, c'est un bon pas en avant, mais ce n'est qu'un pas en avant. Il reste beaucoup de travail à faire pour vaincre le harcèlement psychologique, pour vaincre la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Alors, on continue, au travail, merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Jean-Talon. Et, pour la prochaine intervention, je reconnais Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Elisabeth Prass

Mme Prass : Merci, M. le Président. Je suis heureuse de pouvoir intervenir aujourd'hui à propos d'un sujet d'une importance capitale qui exige toute notre attention et notre engagement, la prévention et la lutte contre le harcèlement psychologique et la violence sexuelle sur le lieu de travail.

Le projet de loi n° 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, a pour objet de prévenir et de combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en prévoyant diverses mesures dans les lois du travail visant principalement la protection des travailleurs dans leurs milieux de travail et dans l'exercice de leurs recours destinés à assurer cette protection en mettant en place des mesures législatives pour renforcer la protection des travailleurs et leur fournir un environnement de travail sûr et respectueux.

Ce projet de loi est nécessaire quand nous considérons que le nombre de... Le nombre croissant de cas de harcèlement sexuel signalés au CNESST était de 1 654 plaintes en 2019. Ceci démontre l'importance de prévenir et de contrer le harcèlement sexuel en milieu de travail car il peut avoir des impacts négatifs importants sur les individus et les organisations. Il est essentiel d'encourager les employeurs à prendre des mesures proactives pour prévenir le harcèlement sexuel et psychologique et assurer un milieu de travail sécuritaire et respectueux, puisqu'au Québec en 2020 près d'une personne sur deux a observé ou subi un comportement sexualisé inapproprié ou discriminatoire en milieu de travail au cours des 12 mois précédant la réalisation de l'enquête sur les inconduites sexuelles au travail réalisée par Statistique Canada.

De plus, en 2022, selon les données de la CNESST, 4 909 demandes de recours concernant du harcèlement psychologique ou sexuel ont été déposées en vertu de la Loi sur les normes du travail. Malheureusement, on constate que les femmes seraient deux fois plus nombreuses que les hommes à indiquer avoir subi un comportement sexualisé inapproprié ou discriminatoire en milieu de travail.

Le harcèlement au travail est devenu une réalité pour de nombreuses personnes au Québec. Il peut prendre différentes formes, telles que le harcèlement moral, le harcèlement sexuel, le harcèlement psychologique et bien d'autres encore. Ces comportements nuisent non seulement à la santé mentale et au bien-être des travailleurs, mais ils sapent également la productivité et la cohésion au sein de ces organisations.

Si le projet de loi est un pas dans la bonne direction, il devrait toutefois aller plus loin. Ma formation politique aurait voulu voir un changement à l'allongement à deux ans du délai de réclamation pour une lésion professionnelle découlant d'une violence à caractère sexuel, puisque, lors des consultations, plusieurs groupes ont exprimé une volonté que tout délai soit complètement levé. Être victime de harcèlement a un coût sur la santé mentale, et ce n'est pas toutes les personnes qui peuvent se remettre dans un délai de deux ans. Donc, il aurait fallu donner la chance à toutes ces personnes-là.

Les personnes qui subissent du harcèlement sexuel au travail doivent en plus affronter le régime juridique le plus complexe au Québec si elles cherchent à être protégées et indemnisées. Avec de nombreuses lois s'appliquant à leur situation, elles ne savent pas toujours à quelle porte frapper et finissent par perdre des recours et des indemnités. Tout d'abord, il aurait été essentiel de renforcer les obligations des employeurs en matière de prévention du harcèlement. Le projet de loi n° 42 prévoit déjà la mise en place de politiques de prévention et de formation pour les employés, mais nous devons aller plus loin.

Il aurait été nécessaire d'établir des normes claires et précises sur ce que ces politiques doivent contenir et comment elles doivent être mises en oeuvre. Cela aurait garanti une approche cohérente et efficace dans toutes les organisations. Le gouvernement aurait dû suivre la recommandation de plusieurs de mettre en place une formation obligatoire sur les violences à caractère sexuel pour l'ensemble des arbitres et tenir compte de la nécessité d'une telle formation lors du recrutement, comme cela se fait déjà lors du recrutement des juges de la Cour du Québec et de la Cour supérieure.

Lors des consultations, certains groupes ont soulevé une autre lacune majeure du projet de loi concernant les sanctions pour les auteurs de harcèlement. Le texte ne prévoyait pas de sanctions suffisamment dissuasives pour décourager les comportements de harcèlement au travail. Il est essentiel d'avoir des sanctions claires et proportionnées pour s'assurer que les auteurs de harcèlement sont tenus responsables de leurs actes et que des mesures coercitives appropriées sont prises.

Un autre enjeu critique soulevé par le projet de loi concerne la confidentialité des informations échangées dans le cadre de procédures de règlement des plaintes de harcèlement psychologique. Alors que le projet de loi propose des dispositions visant à garantir la confidentialité de ces échanges, certains experts et intervenants ont exprimé des préoccupations quant à la portée et à l'applicabilité de ces mesures. Il est impératif que toute législation visant à protéger les victimes de harcèlement garantisse également la confidentialité de leurs informations personnelles et professionnelles tout en permettant un processus de règlement équitable et transparent.

Je suis fière que mon parti ait pu contribuer à bonifier ce projet de loi, comme l'a fait mon collègue le député de l'Acadie qui a présenté un amendement au projet de loi pour venir supprimer «aux fins d'un même établissement, sauf si cette violence survient dans un contexte strictement privé», qui a été décrié par plusieurs groupes durant les consultations particulières. Ce passage avait pour effet de restreindre la portée applicable à la loi, ce qui aurait fait en sorte de diminuer son ampleur. Je suis heureuse que les membres de la commission qui ont étudié ce projet de loi ont pu reconnaître que cet élément était nécessaire à modifier et d'avoir reconnu que cette situation est bien réelle.

De plus, il est crucial d'accorder une attention particulière à la sensibilisation et à l'éducation. Le harcèlement au travail est souvent le résultat de comportements discriminatoires et de stéréotypes préjudiciables. Il est donc important d'intégrer des modules de sensibilisation et de formation sur la diversité et l'inclusion dans les politiques de prévention du harcèlement. Cela permettra de... cela aurait permis de promouvoir des environnements de travail respectueux et de prévenir les situations de harcèlement dès le départ.

Il est important de souligner que bonifier le projet de loi n° 42 ne se limite pas uniquement à des mesures législatives. La sensibilisation et l'éducation doivent également être renforcées dans la société et dans son ensemble. Les médias, les entreprises, les organisations de la société civile et les établissements d'enseignement ont un rôle crucial à jouer dans la prévention du harcèlement au travail. Nous devons encourager des partenaires et des initiatives visant à sensibiliser le public et à promouvoir des relations de travail saines et respectueuses.

Le projet de loi n° 42 vise à remettre en place des mesures... vise à mettre en place des mesures concrètes pour prévenir et combattre le harcèlement au travail. Il renforce l'obligation des employeurs en matière de prévention, les employeurs qui seront tenus de mettre en place des politiques de prévention du harcèlement, de former leurs employés sur ces questions et d'établir des mécanismes de signalement et de traitement des plaintes.

Lors des consultations, plusieurs groupes ont exprimé que ce projet de loi n'allait pas assez loin pour faciliter le parcours des victimes, qu'il y a une quasi-absence de mesures de soutien, d'accompagnement, de sensibilisation et d'aide pour le milieu de travail à cette prise en charge. Il devrait y avoir des formations obligatoires pour les employeurs et les intervenants responsables de la prévention et de l'accompagnement des victimes.

• (15 h 50) •

Le projet de loi vient modifier certains articles, ce qui a pour conséquence d'augmenter l'indemnité de remplacement du revenu d'un étudiant. C'est une augmentation par rapport à la situation actuelle, mais cela demeure nettement insuffisant et discriminatoire. Les personnes victimes de moins de 18 ans, qui reçoivent présentement le quart du montant minimal versé à une personne victime de la même violence mais qui a plus de 18 ans ou qui n'étudie pas à temps plein, le projet de loi n° 42 propose que ces travailleurs reçoivent une indemnité calculée en multipliant un salaire minimum par 17 heures. Rappelons que ces jeunes personnes, des cégépiens ou parfois des élèves du secondaire, souffrent 24 heures par jour, sept jours par semaine d'une incapacité psychologique à la suite de la violence à caractère sexuel qu'elles ont subie et, si elles sont incapables de travailler, souvent, elles sont également incapables d'étudier.

La version originale du projet de loi n° 42 du gouvernement est un bon début mais contenait des lacunes qui nécessitaient des amendements dont mon parti a mis de l'avant... Il était essentiel de revoir et de renforcer la législation afin de garantir une protection adéquate et efficace contre le harcèlement au travail. Il est essentiel de créer des environnements de travail sains, respectueux et équitables pour tous les travailleurs du Québec car tout le monde a le droit de travailler dans un environnement de travail sain. Et le mot d'ordre, c'est la prévention, c'est arrêter de banaliser.

Le principe d'égalité entre les femmes et les hommes constitue un fondement de la société québécoise. Or, le harcèlement et les agressions sexuelles dans le cadre du travail heurtent de front ce principe. Il faut redonner la confiance dans les recours en droit du travail aux personnes victimes de harcèlement sexuel et d'agressions à caractère sexuel.

Mon parti votera pour l'adoption de ce projet de loi qui propose la prévention, la lutte contre le harcèlement psychologique et violence sexuelle, présente une avancée importante dans la protection des travailleurs du Québec. En travaillant ensemble, de manière collaborative et inclusive, nous pouvons créer un environnement de travail sûr, respectueux et équitable pour tous les travailleurs du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de D'Arcy-McGee. Y a-t-il d'autres interventions? Il n'y en a pas.

Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, est-il adopté? Adopté.

Pour la suite de nos travaux, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Caire : M. le Président, pourriez-vous appeler l'article 14 du feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi n° 46

Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
et de l'amendement
de la députée de Westmount—Saint-Louis

Le Vice-Président (M. Lévesque) : À l'article 14 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 20 mars 2024 sur la prise en considération du rapport de la Commission des relations avec les citoyens sur le projet de loi n° 46, Loi sur l'amélioration de la protection des enfants dans les services de garde éducatifs, ainsi que sur les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

À ce moment-là, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis n'avait pas terminé son intervention. Alors, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, je vous redonne la parole.

Mme Jennifer Maccarone (suite)

Mme Maccarone : Bien, c'est gentil, M. le Président. Vous savez, ça... je ne suis jamais tannée d'entendre le nom de mon comté, parce que, vous savez, je suis la fière députée de Westmount—Saint-Louis depuis maintenant six ans. Alors, c'est vraiment un grand privilège. Puis c'est ainsi un grand privilège de porter les dossiers pour ma formation politique, le Parti libéral du Québec, en matière de famille et évidemment d'en débattre, du projet de loi n° 46, Loi sur l'amélioration de la protection des enfants dans les services de garde éducatifs.

Et vous avez été là avec nous hier, M. le Président, ça fait que vous avez déjà entendu le début de mes remarques en ce qui concerne ce projet de loi qui, comme je l'avais dit d'emblée hier, n'a pas suscité beaucoup d'intérêt, pas beaucoup de passions. Il n'y a aucune revue de presse pour le projet de loi n° 46, chose qui est dommage, parce que, malgré que c'est un projet de loi hypertechnique, parce qu'on parle de gérer des exceptions en ce qui concerne le réseau des services de garde éducatifs à l'enfance, mais on parle quand même de la sécurité de nos tout-petits. Alors, je trouve très intéressant qu'on peut venir pour régler ces exceptions et je salue l'initiative du gouvernement pour déposer ce projet de loi. C'est clair, nous sommes favorables, mais, pendant l'étude détaillée, on a quand même eu des échanges qui ont été très constructifs.

Et je l'avais mentionné hier, mais je pense que ça mérite d'être répété, malgré que ce n'est pas un projet de loi qui est très costaud, c'est... j'en ai vu, ceux avec 300, 500, puis le projet de loi n° 15 qui était quand même la réforme monumentale du réseau de santé, avec un projet de loi qui est plus gros que le Code civil en entier avec tous les amendements. C'est un projet de loi avec 53 articles puis, quand même, 61 amendements.

Puis pour ceux qui suivent nos travaux, ils vont... peut-être ce serait intéressant de comprendre. Rendu à la prise en considération, habituellement, c'est l'étape où on parle des travaux que nous avons entamés lors de l'étude détaillée, qui est le processus où on débat de chaque article et on parle des amendements, parce qu'il n'y a aucun projet de loi qui est déposé ici, à l'Assemblée nationale du Québec, qui n'est pas perfectible, qui n'est pas... que nous n'avons pas pensé à bonifier. Puis je le dis régulièrement, puis je pense que ça mérite toujours d'être répété, parce que je l'ai appris de Lise Thériault, l'ancienne députée d'Anjou—Louis-Riel, au moment qu'un projet de loi est déposé ici, à l'Assemblée nationale, puis on s'engage à l'étudier, ce n'est plus le projet de loi du gouvernement, ce n'est pas le projet de loi des oppositions, c'est le projet de loi de notre société civile. Alors, c'est important de prendre en considération cette étape de l'étude détaillée ainsi que les auditions, qui sont très importantes, parce que, souvent, c'est ça qui nous alimente en commission pour amener des amendements.

Alors, je souhaite encore une fois remercier tous les groupes qui ont passé en commission, puis ceux qui ont aussi déposé des mémoires, puis tous les... c'est intéressant, mais on a beaucoup de citoyens aussi qui ont quand même pris le soin de nous envoyer des commentaires puis leur avis, puis ça, c'est fort constructif. Alors, je les remercie pour ceci.

Hier, j'ai parlé un peu des amendements que nous avons abordés, puis il y a quand même beaucoup d'amendements qui ont été amenés pour faire des correctifs en lien avec des amendements que nous avons déjà faits à l'intérieur du projet de loi, mais j'avais souligné quand même quelques-uns dont je suis particulièrement contente et aussi les déceptions. J'avais souligné l'amendement que nous avons déposé en ce qui concerne l'accès universel, un droit universel dans notre réseau de services de garde éducatifs. Puis pourquoi c'est important? Bien, c'est parce qu'on souhaite que chaque enfant ici, au Québec, aura un accès, le droit d'accès à notre réseau de services de garde éducatifs à l'enfance. Parce que, si on souhaite agir tôt, parce que, si on veut protéger et soutenir nos familles, surtout avec le coût de la vie qui augmente, c'est bien par le biais de ce réseau que nous devons développer, que nous devrons offrir en matière universelle un accès universel comme nous avons dans le réseau de l'éducation. Alors, évidemment, j'étais déçue que le gouvernement avait voté contre cet amendement.

On a déposé deux fois, le Parti libéral du Québec, deux fois ce projet de loi pour amener cet accès universel, ce droit à notre réseau de services de garde pour tous les Québécois et Québécoises, deux fois dans la dernière législature, et nous sommes revenus encore une fois dans cette législature. Mais malheureusement, malgré les efforts que nous avons eus, c'est toujours une réponse de non du gouvernement.

Nous avons quand même eu du progrès en ce qui concerne la communauté autochtone, la population autochtone, et j'en ai parlé pleinement hier, les amendements que nous avons eus en ce qui concerne les comités d'examen d'empêchements. Alors, ça, c'était vraiment un gain, je pense, pour la communauté. Puis j'étais contente de l'ouverture que nous avons eue en ce qui concerne le comité d'examen qui est actuellement en place, de s'assurer que nous aurons quand même une personne issue de la communauté avant le déploiement de ce comité pour s'assurer qu'on aura cette sensibilité, cette connaissance puis cette expertise autour de la table quand on est face à un examen d'un empêchement. Alors, c'est un gain, M. le Président.

Il y avait quand même... J'ai quand même mon document. On a beaucoup, beaucoup, beaucoup jasé de ce qui est en lien avec les vérifications d'absence d'empêchement, qui n'est pas la même affaire qu'un antécédent judiciaire. C'est beaucoup plus robuste. Ça prend beaucoup plus de temps de nos policiers, Sûreté du Québec ou bien les policiers municipaux, de faire cette enquête. Puis, oui, c'est important parce que, quand on parle de la sécurité de nos enfants, je pense qu'il faut aller au fond des choses. Alors, tous les gens qui oeuvrent au sein de notre réseau, qu'ils soient majeurs ou mineurs, vont être assujettis à une vérification, surtout ceux qui oeuvrent au sein de nos installations.

Alors, les vérifications d'absence d'empêchement, ça va être un outil qui va être renouvelable à chaque trois ans. Puis on avait eu le débat de majeur, mineur, parce qu'on se comprend, dans le milieu familial, on peut accueillir aussi les membres de la famille de la personne qui s'occupe de ce milieu, qui va accueillir les enfants. Alors, on a eu le souci aussi de parler de qu'est-ce que nous allons faire pour élargir des protections puis faire des vérifications, mais aussi protéger nos jeunes qui habitent dans ces installations. Puis, encore une fois, on gère les exceptions, M. le Président, parce que c'est un réseau qui est très sécuritaire, que ce soit le milieu familial, un CPE, ou le milieu privé, ou privé subventionné. C'est vraiment pour gérer des exceptions, mais je pense qu'on n'a pas droit à l'erreur. Alors, on a quand même bonifié beaucoup d'éléments de ce projet de loi en ce qui concerne les vérifications d'absence d'empêchement.

• (16 heures) •

Mais il y a quand même eu aussi un amendement que j'ai déposé, qui a été accepté par le gouvernement, de quand même parler d'un maximum de frais, parce que, c'est sûr, quand on parle de faire ces vérifications, on se comprend que ça va prendre des frais parce que ça prend quelqu'un qui va faire cet examen, qui va faire cette vérification. C'est qui qui va payer pour ça? Puis on ne souhaite pas que ce soit notre réseau de services de garde, parce que, déjà, ils ont des budgets qui sont restreints. Puis on parle d'ajouter beaucoup plus de vérifications, ajouter beaucoup plus de lourdeur en ce qui concerne cette tâche, qui est une bonne affaire, qui est salué, mais c'est qui qui va gérer ces frais? Puis ça peut varier entre 87 $ puis 130 $ par vérification, ça dépend le nombre d'heures puis la vérification qui est nécessaire.

Alors, on a quand même parlé de... parce que tout ça, ça va être fait par règlement par le gouvernement, mais c'est toujours l'imprévu pour le réseau. Alors, on a pu parler d'avoir un maximum. Comme ça, au moins, quand ça va être établi, comment les frais vont être chargés... Puis c'est qui qui va charger ces frais? Parce qu'à date, si on n'est pas dans un milieu géré par un policier municipal, puis c'est la Sûreté du Québec, bien, actuellement, c'est la Sûreté du Québec qui paie pour ça. Puis nous avons envoyé une lettre qui disait que ça se peut que ce n'est peut eux... c'est peut... ce n'est plus eux qui vont subventionner ces dépenses parce qu'on comprend que ça va engendrer beaucoup plus de dépenses imprévues.

Il y a quand même eu autres gains puis des changements que nous avons eus en ce qui concerne des amendements dans ce projet de loi, qui sont... qui est fort intéressant, mais ceux que nous allons voter prochainement, lors de la fin de ce débat, c'est en lien avec le ratio de personnel qualifié dans le réseau de services de garde éducatifs à l'enfance. Bien, j'ai parlé un peu de ça hier puis je reviens encore sur cet amendement que, pour moi... est essentiel, c'est parce que, quand on parle de la sécurité de nos enfants, c'est clair, c'est directement en lien avec la qualité et la formation du personnel qui oeuvre au sein de ce réseau. C'est important parce que la formation de... la qualification des éducatrices et éducateurs qui oeuvrent au sein du réseau... valoriser ce rôle, c'est d'une grande importance, de s'assurer qu'on a quelqu'un qui peut oeuvrer au sein... puis de protéger les enfants, de dépister, de faire cet accompagnement, ça, ça se fait uniquement par le biais d'une formation, une qualification.

Puis, présentement, le ratio est un sur trois. On était censés de revenir, après la pandémie, à deux sur trois. Malheureusement, le gouvernement a repoussé cette date jusqu'en mars 2027, chose qui est désolante, chose que, je sais... va avoir un impact sur la sécurité de nos enfants. Alors, le sens de cet amendement, M. le Président, c'est de ramener le ratio à deux sur trois. On sait déjà... même quand c'était deux sur trois, il y avait des installations qui n'avaient pas ce ratio. Ça fait que, malgré qu'on revient... au moins, ça va pousser les gens de venir à ce niveau de qualité. Alors, je suis quand même... Je pense que c'est important qu'on prend en considération ces besoins, ces besoins pourquoi? Parce qu'on ne peut pas avoir un compromis quand on parle de la qualité de service dans notre réseau de services de garde éducatifs à l'enfance, qui est reconnu mondialement, qui est reconnu par toutes les autres provinces au Canada. On est le modèle à suivre. Puis les gens nous suivent. Ils essaient de mettre en place le même réseau que nous, nous avons mis en place ici, au Québec, qui fait envie dans le monde entier. Alors, pour cette raison, je pense que nous devons être le modèle.

Puis, pour être le modèle, bien, il faut parler de la qualification des éducatrices qui oeuvrent au sein du réseau. Je ne suis pas la seule qui pense ça, M. le Président. C'est quelque chose qui est évoqué par les éducatrices eux-mêmes, les éducatrices qui sont, si on parle du FIPEQ-CSQ, qui sont toujours en attente d'une date juste pour parler de la renégociation de leurs conditions de travail, leur salaire. Alors, j'espère pour eux qu'on va pouvoir commencer du bon pas ces négociations en parlant de la qualité parce que... Si je peux parler juste pour moi-même, M. le Président, puis ce n'est pas la première fois que je raconte cette histoire, très, très, très brièvement, mais je ne pense pas que j'aurais pu me retrouver ici, à l'Assemblée nationale, si ce n'était pas pour le réseau de services de garde éducatifs à l'enfance, parce que c'est eux qui m'ont aidé à dépister au début, début, début du processus, que mes enfants, mes deux enfants, qu'ils ont un besoin particulier. Quand on est jeunes, jeunes parents, puis on ne sait pas où se logent toutes les ressources, puis on sait qu'il y a quelque chose qui ne va pas bien, mais on ne sait pas c'est quoi, exactement, c'est eux qui m'ont épaulé, c'est eux qui m'ont dit : Peut-être, Mme Maccarone, on devrait aller... poursuivre avec une analyse, un dépistage.

Alors, sur ce, M. le Président, j'ai hâte de poursuivre aux prochaines étapes. Je vous remercie beaucoup pour votre précieuse attention. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Il n'y en a pas.

Alors, j'ai été informé qu'il y avait consentement pour faire la lecture de l'amendement proposé par Mme la députée de Westmount—Saint-Louis avant sa mise aux voix. Est-ce qu'il y a vraiment consentement? Consentement.

Mise aux voix de l'amendement

Alors, je mets donc aux voix l'amendement introduisant l'article 33.1 au projet de loi, qui vise l'article 23 du Règlement sur les services de garde éducatifs à l'enfance et qui se lit comme suit :

Le projet de loi est modifié par l'ajout, après l'article 33 du projet de loi, de l'article suivant :

33.1. L'article 23 de ce règlement est modifié par la suppression de «Toutefois, jusqu'à ce qu'il se soit écoulé 9 mois depuis le jour où prend fin l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret n° 177-2020 du 13 mars 2020, il doit s'assurer qu'au moins 1 membre du personnel de garde sur 3 est qualifié et présent chaque jour auprès des enfants durant la prestation des services de garde et que, pour les [11] mois suivants, au moins 1 membre du personnel de garde sur 2 est qualifié et présent chaque jour auprès des enfants durant la prestation des services de garde.

«Si le nombre de membres du personnel de garde est inférieur à 3, au moins un de ces membres doit être qualifié.»

Cet amendement est-il adopté?

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Rejeté.

Mise aux voix du rapport

Alors, le rapport de la Commission des relations avec les citoyens portant sur le projet de loi n° 46, Loi sur l'amélioration de la protection des enfants dans les services de garde éducatifs, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, pour la suite de nos travaux.

M. Caire : M. le Président, pouvez-vous appeler l'article 16 du feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi n° 41

Adoption

Le Vice-Président (M. Lévesque) : À l'article 16 du feuilleton, M. le ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs propose l'adoption du projet de loi n° 41, Loi édictant la Loi sur la performance environnementale des bâtiments et modifiant diverses dispositions en matière de transition énergétique.

Alors, comme première intervention, je reconnais M. le député de Beauharnois.

M. Claude Reid

M. Reid : Merci, M. le Président. Salutations, chers collègues. L'objectif ultime, M. le Président, du projet de loi est d'améliorer la performance des bâtiments existants et neufs dans le but de réduire leur consommation d'énergie et leurs émissions de gaz à effet de serre. Dans le Plan pour une économie verte 2030, le Québec s'est engagé à réduire de moitié les émissions de GES provenant du chauffage des bâtiments d'ici 2030. Pour le parc immobilier gouvernemental, l'objectif est une diminution de 60 % de ses émissions d'ici 2030 et d'atteindre zéro émission d'ici 2040. D'ici 25 ans, tous les bâtiments du Québec devront être carboneutre. Ce sont des objectifs ambitieux à réaliser, à réaliser dans un laps de temps relativement court, mais notre gouvernement est déterminé à prendre les moyens nécessaires pour y parvenir. Ce projet de loi fait partie des actions prises par le gouvernement pour y arriver.

Avec le projet de loi n° 41, on veut transformer en profondeur le secteur de la construction et de la rénovation du bâtiment de tout type. Ce projet de loi, j'en rappelle brièvement, M. le Président, les grandes lignes.

Actuellement, le gouvernement est limité dans son pouvoir d'action réglementaire, puisque la responsabilité de mettre à jour et d'appliquer le Code de construction du Québec, y compris les parties relatives à l'efficacité énergétique des bâtiments, revient à la Régie du bâtiment. Or, la loi encadrant la mission de la RBQ est d'assurer la qualité et la sécurité des bâtiments, elle ne permet pas d'inclure des critères environnementaux dans le code, sauf s'ils sont liés à la sécurité ou à la qualité des constructions.

(16 h 10)

Nous souhaitons remédier à cette situation en accordant au ministre responsable de la Transition climatique et énergétique les pouvoirs d'encadrer la performance environnementale des bâtiments en fixant des normes minimales à atteindre en la matière. Pour la première fois, M. le Président, des critères environnementaux seraient pris en considération dans l'élaboration de normes visant les travaux de construction. Il pourrait s'agir de critères d'efficacité énergétique, d'empreinte carbone, de réduction de la demande électrique de pointe et d'installation d'infrastructures de mobilité durable.

Également, le projet de loi prévoit les pouvoirs habilitants pour l'instauration d'un système de déclaration de cotation et de performance des bâtiments. Un tel système viserait à rendre l'information concernant la performance énergétique des bâtiments plus accessible, tout en offrant aux propriétaires et aux locataires de ces bâtiments la possibilité de réaliser des économies considérables, puisque leurs bâtiments devront éventuellement être plus écoénergétiques.

D'autres modifications législatives sont aussi proposées pour refléter les nouvelles fonctions et responsabilités du ministre en matière de transition, innovation et efficacité énergétique. Ces changements, M. le Président, viennent faciliter le rôle de coordination de l'action gouvernementale en matière de transition énergétique dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques.

D'ailleurs, le plan de mise en oeuvre du Plan pour une économie verte 2030 et le Plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétique seraient fusionnés en un seul et unique plan, tout comme les fonds qui les alimentent. Ainsi, nous veillons à une plus grande cohérence entre ces deux domaines d'action, d'autant plus importante dans le contexte énergétique actuel du Québec, caractérisé par la fin des surplus de production d'hydroélectricité et le besoin croissant d'électricité propre pour décarboner l'économie.

Les travaux... Les consultations et l'étude article par article auront permis de bonifier le projet de loi. M. le Président, 18 amendements ont ainsi été adoptés. Quelques exemples, je vais en nommer quelques-uns. Les municipalités souhaitaient conserver une autonomie d'action et ainsi les municipalités peuvent adopter une réglementation plus sévère que celle du gouvernement, et ce, tout en assurant la sécurité énergétique du Québec. On a confié au bureau de réexamen du ministère l'éventuelle révision de cotes en performance énergétique. Si une municipalité applique la réglementation québécoise, ces inspecteurs ont des pouvoirs d'inspection et d'enquête dévolus aux inspecteurs municipaux. La cotation des bâtiments a un caractère public. La députée de Mille-Îles a bien vu en soustrayant du caractère public l'adresse de l'établissement ou du lieu d'une personne qui offre des services d'hébergement ou des services d'aide aux personnes victimes de violence et d'une personne qui regroupe des personnes ou des groupements de personnes offrant de tels services. On a également instauré une clause grand-père pour les municipalités qui avaient adopté un encadrement du gaz naturel avant le 15 février. On a profité également, M. le Président, de la réouverture de la loi pour faire quelques ajustements au texte ainsi que des modifications de concordance aux amendements proposés.

En conclusion, M. le Président, les changements que nous proposons dans la législation québécoise, nous devons les apporter rapidement. Le Québec s'est fixé, pour 2030, un objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 37,5 % sous le niveau de 1990. Le gouvernement doit disposer de bons leviers pour travailler rapidement à l'atteinte de cette cible. Le projet de loi n° 41 contribuera de façon importante à l'atteinte des cibles gouvernementales en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'efficacité énergétique par la fixation de normes minimales à atteindre en la matière. De plus, il dégagera à plus long terme une marge de manoeuvre pour Hydro-Québec par le biais d'importantes économies d'électricité. C'est pourquoi, M. le Président, j'invite tous les parlementaires à adopter le projet de loi n° 41. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Beauharnois. Alors, pour la prochaine intervention, je reconnais Mme la députée des Mille-Îles.

Mme Virginie Dufour

Mme Dufour : Merci, M. le Président. D'abord, je vais remercier... je vais commencer par les remerciements, remercier le ministre pour les échanges. Je remercie aussi tous les fonctionnaires qui ont travaillé sur le projet de loi, qui ont répondu à mes questions. Je remercie évidemment les députés, les collègues députés de tous les partis, là, qui étaient présents, dont mon collègue de Jacques-Cartier, qui m'a accompagnée tout au long de l'étude de ce projet de loi, et, évidemment, les groupes, les groupes et les nombreux groupes, là, qui sont venus en commission parlementaire, mais ceux également qui ont envoyé des mémoires, là, sans le faire en personne, ça a été très éclairant, là, pour l'étude de ce projet de loi.

Je vais peut-être rappeler que l'objectif du projet de loi, par son titre, on parle d'efficacité énergétique des bâtiments, mais, dans les faits, ce qu'on voit, c'est qu'on va mettre en place un système de cotation, et avec... pour établir ce système de cotation là, on va avoir besoin des renseignements sur les bâtiments, et un coup... dans le fond, les renseignements de consommation énergétique, de matériaux utilisés pour construire les bâtiments. Et par la suite, avec tout ça, il y aura des... l'établissement de normes de performance environnementale des bâtiments. Et donc tous les bâtiments, à terme, normalement, de ce qu'on comprend avec ce projet de loi là, tous les bâtiments, à terme, seraient cotés et auraient éventuellement à atteindre une norme particulière de performance environnementale.

Évidemment, M. le Président, ça implique que ça pourrait... il pourrait y avoir des mises aux normes importantes pour des bâtiments, notamment les bâtiments plus anciens. Il y a ce qu'on appelle les passoires énergétiques. C'est évident que dans la crise climatique qu'on vit, la crise énergétique aussi, il faut y remédier, ça, il n'y a pas de doute. Par contre, c'est la manière de faire qui va voir... qui va faire en sorte de voir si on est capable d'arriver à ces objectifs-là, éventuellement. On est dans une crise du logement et on ne peut pas non plus sortir des logements du parc immobilier. Actuellement, tous les logements qu'on a, on en a besoin.

Alors, il y a beaucoup d'éléments qui sont malheureusement des inconnus dans ce projet de loi là, parce que tous, tous, tous les éléments, tous les critères, tout, tout, tout va se faire par règlement. Donc, le projet de loi établit seulement un peu les grandes lignes, les objectifs, mais même pas, on n'a pas de cible, on n'a pas de plan, on n'a pas... on ne sait pas exactement où ça va aboutir. Tout, tout, tout va se faire par règlement. Ça, c'est l'élément majeur qui est problématique dans ce projet de loi là.

On se donne beaucoup de pouvoir, et, malheureusement, l'établissement de règlements, ça ne se fait pas de la même façon qu'une loi. Il n'y a pas les mêmes consultations publiques. C'est fait, d'une certaine façon, à portes closes. Et les consultations sont, je pourrais dire, juste à sens unique, dans le sens qu'il y a... les groupes envoient des réponses ou leurs commentaires, mais il n'y a pas d'échange, il n'y a pas... et les parlementaires des oppositions ne participent pas nécessairement à cet échange-là. Et les groupes qui commentent ne voient pas non plus ce que les autres groupes ont envoyé comme commentaire, alors que, dans un projet de loi, lorsqu'il y a des consultations particulières, bien là, tout le monde entend ce que tout le monde a à dire, et les parlementaires peuvent participer aux échanges.

Donc, ça, c'est l'élément majeur qui fait en sorte, en fait, qu'on ne sait pas où ça va aboutir. Et tous les groupes sont venus nous dire qu'ils étaient incapables de prévoir l'impact du projet de loi parce qu'il y avait trop d'inconnus. Et donc ça, c'est l'élément majeur que je voudrais mentionner par rapport à ce projet de loi là.

Je le dis d'emblée, là, on est tout à fait d'accord avec le principe que vise le projet de loi. C'est la manière qu'on choisit, qui est... qui a trop d'inconnus, qui nous inquiète. C'est donc impossible, là, d'évaluer l'impact, l'impact financier, l'impact pour le gouvernement, mais aussi pour les citoyens, pour les entreprises, les commerces qui devront mettre à niveau leurs bâtiments, les PME qui ont des bâtiments aussi. On ne connaît pas du tout l'impact présentement. Le ministre a présenté quand même ses intentions réglementaires, mais elles peuvent changer à tout moment, là, ce n'est pas fixé dans le... ce n'est pas fixé, là, vraiment. Donc, ça, c'est l'enjeu qui est important et donc ça pourrait effectivement changer. Puis en 2026, il y aura des élections, et toutes les intentions réglementaires pourraient être revues complètement.

Je voudrais mentionner que... et là je remercie le collègue qui est passé avant moi, qui a mentionné l'amendement que j'ai proposé, qui a été accepté dans le projet de loi. Donc, il y a eu effectivement un seul amendement qui a été accepté des oppositions, et c'est le mien. Il y a eu, somme toute, plusieurs amendements, M. le Président, là, qui ont été proposés, mais tous par le ministre. Mais les nôtres ont tous été refusés, ceux des oppositions, à l'exception d'un qui était de faire en sorte, en fait, d'assurer une confidentialité des données pour les personnes qui seraient à risque, là, de sécurité, là.

(16 h 20)

Je pense, par exemple, à des femmes qui pourraient être dans une situation, là, de violence conjugale et qui doivent être protégées. Actuellement, dans le projet de loi, leurs données auraient pu être publiques. Là, pourquoi je parle de leurs données, c'est parce que le projet de loi prévoit qu'il y aura éventuellement un registre des bâtiments où les cotes, les cotes des bâtiments, seront publiques, et tous les propriétaires, leurs noms seront disponibles sur ce registre public là. Alors, c'est pour ça que j'avais fait cette demande, qui a été acceptée, et je remercie le ministre pour ça.

Par contre, un élément majeur, un des amendements majeurs que j'ai demandés, qui a été refusé et qui me fait craindre beaucoup pour la suite, c'est la question de la création d'un code de bâtiment durable, et là je m'explique. Il existe déjà, actuellement, un code de bâtiment qui est régi par la Régie du bâtiment du Québec, et c'est eux qui font le pont avec les autres instances canadiennes, parce qu'il existe aussi des normes canadiennes au niveau du bâtiment. Et la Régie du bâtiment du Québec crée, met à jour le code du bâtiment depuis des décennies.

Et, à l'automne dernier, on a... il y a eu un règlement qui a été adopté pour faire en sorte qu'il y ait au moins une certaine uniformisation des codes de bâtiment, parce que les municipalités aussi peuvent adopter des codes de bâtiment distincts. Et donc on est venus... On a tenté d'alléger, pour les entreprises, et d'avoir un code de bâtiment de base, le même pour tous. Et là on arrive avec ce projet de loi là quelques mois plus tard, où le ministre nous dit : Bien, on va créer, nous, un code de bâtiment durable, qui va être distinct du code du bâtiment de la Régie du bâtiment du Québec. Et donc la construction, les constructeurs vont avoir à gérer trois codes de bâtiment. Ils vont avoir le code du bâtiment de la Régie du bâtiment, les particularités des municipalités et le code de bâtiment durable.

Tous les groupes, c'était sans équivoque, sont venus nous dire que c'était une très mauvaise idée, que c'était... En fait, même l'Ordre des ingénieurs nous a dit carrément : Seule la Régie du bâtiment du Québec a les compétences pour rédiger un tel code. Et il y a une très grande crainte d'incohérence entre les deux codes, parce que, bien que l'efficacité énergétique va sortir de la Régie du bâtiment et va être traitée dans le code de bâtiment durable, il y a quand même beaucoup d'éléments qui se retrouvent... qui vont continuer à se retrouver dans le code du bâtiment régulier de la Régie du bâtiment du Québec, qui... elles vont avoir, ces normes-là, un impact sur l'efficacité énergétique.

Et je donne un exemple simple. La ventilation, les appareils de ventilation, ou l'isolation, par exemple, ça a un impact direct sur l'efficacité énergétique, mais là les deux vont être traités dans des codes différents. Donc, ce que les groupes proposaient, et c'est ce que j'ai proposé comme amendement, c'est plutôt que la régie reste responsable, mais que le ministère soit partie prenante de la section efficacité énergétique du bâtiment de la Régie du bâtiment du Québec, mais ça a été refusé. Donc, ça, c'est un élément majeur que je dois dire.

J'aurais souhaité aussi qu'il y ait des normes particulières pour les bâtiments agricoles. On l'a fait... Dans le projet de loi, on prévoyait des normes particulières pour les bâtiments patrimoniaux. Et là c'est assez évident, là, que les bâtiments patrimoniaux ne peuvent pas être... ne peuvent pas être mis de... ne peuvent pas avoir les mêmes normes que n'importe quel bâtiment, parce que, des fois, il n'y a pas l'espace. Des fois, il faut vivre avec des matériaux, disons, qui ont été mis en place il y a 200 ans. Et donc il n'y a pas nécessairement l'espace pour changer ça.

Et, si on parle, par exemple, de fenêtres, bien, ce qui est plus efficace, c'est un matériau qui n'est généralement pas accepté dans les bâtiments patrimoniaux, là. Quand on tente de préserver le caractère patrimonial, on va parler du bois, par exemple, pour les fenêtres. Ce n'est pas ce qui est le plus optimal au niveau énergétique, mais là il faut faire des choix. Est-ce qu'on veut préserver l'efficacité énergétique ou le caractère patrimonial? Évidemment, si on ne veut pas perdre notre identité, c'est important de garder aussi notre caractère patrimonial.

Donc, ça, je salue le fait que le ministre ait prévu qu'il y aurait des normes particulières pour les bâtiments patrimoniaux, dans le projet de loi, mais il n'y a rien pour les bâtiments agricoles. Et vous comprendrez qu'un bâtiment agricole ce n'est pas comme un bâtiment industriel normal. Et là... et j'ai beaucoup posé de questions à cet effet, à savoir : Bien, O.K., admettons qu'on a un genre de grange dans laquelle on préserve des aliments, par exemple, ou du foin à une certaine température, mais qu'il n'y a pas de chauffage, tu sais? Il suffit juste qu'il y ait une ampoule, une ampoule pour allumer, pour mettre de la lumière, c'est de l'énergie, et donc nécessairement il serait soumis aux mêmes normes que les autres bâtiments.

Alors, moi, j'aurais vraiment souhaité qu'un bâtiment... les bâtiments agricoles soient traités différemment. En plus, nos agriculteurs vivent de façon... ce n'est vraiment pas facile, ces temps-ci, je pense qu'il faut leur faire... avoir un peu plus de sensibilité à leurs particularités. Donc, ça, c'est une déception.

Et il y a d'autres éléments que j'ai proposés, là, qui n'ont pas été reçus, là, acceptés, notamment des normes particulières pour les immeubles construits en bois, par exemple, ou le fait qu'on inclue du contenu local dans les bâtiments.

Ce que je voudrais mentionner aussi, c'est ce que... les propos du député de Jacques-Cartier, qui est venu parler de l'importance de faire de... de prévoir l'autoproduction des bâtiments. Et là on parle beaucoup, là, dans le projet de loi, d'efficacité énergétique des bâtiments, mais on comprend que c'est qu'il y a un besoin, disons, d'économiser de l'énergie. On en a parlé abondamment, lors de l'étude, du fait qu'on pourrait être à risque de manquer d'énergie, mais il n'y a pas de mesure qui fait en sorte qu'on prévoit l'autoproduction, par exemple, dans le résidentiel. Et actuellement il y a plusieurs... dans plusieurs municipalités, on entend des citoyens qui nous font part qu'il est difficile, difficile pour eux de faire des projets où, par exemple, ils auraient des panneaux solaires sur leurs toits. Et moi-même, j'ai été, dans le passé, dans une municipalité où on encadrait, il n'y avait pas beaucoup de latitude, et donc je peux imaginer que, là, on a 1 100 et plus municipalités, au Québec, qui chacune doivent mettre leurs propres normes. On pense qu'il faudrait le regarder aussi au niveau provincial, peut-être, pour accélérer le pas et faire en sorte que soit plus facile de s'autoproduire, là, ou, du moins, de produire une portion de son électricité soi-même.

Et il y a également un élément, là, qui avait été mentionné, du fait qu'Hydro-Québec n'acceptait pas, dans le fond, de comptabiliser cette électricité-là produite pour la récupérer plus tard. Et donc, ça aussi, il y aurait une mise à jour à faire de ce côté-là. Ça fait que le projet de loi aurait été une belle opportunité pour le faire.

Et un élément que je voudrais souligner, c'est qu'il n'y a pas de plan, je l'ai dit, au niveau du projet de loi. Bien, on n'a pas de plan, on n'a pas de cible, il n'y a pas d'incitatif, non plus, suffisant pour encourager les Québécois à mieux gérer leur consommation. Ça, c'est un enjeu, parce qu'on en parle abondamment, dans le projet de loi, qu'il faut être plus sobre, il faut amener nos bâtiments énergétiques... Puis il y avait, cette semaine... on parlait même, là, il faudrait peut-être changer toutes les fenêtres. C'était un citoyen, là, qui parlait de... un organisme, là. Mais ça a un coût, changer toutes ses fenêtres, ça coûte des milliers de dollars. Mais actuellement les programmes qui sont en place n'encouragent pas assez les Québécois. Les coûts ont monté énormément, mais les enveloppes ne sont pas suffisantes, malheureusement, pour ce que ça coûte puis pour atteindre cet objectif-là.

Et, lors de la prise en considération, le député de Masson a mentionné, et ça, ça nous a vraiment étonnés, là, il a dit : D'ici 2050, tous les bâtiments du Québec devront être transformés. Ça, ça nous a surpris, parce que, comme je disais, on avait quelques éléments d'intention réglementaire, mais on n'a parlé que des grands bâtiments, donc les bâtiments institutionnels, les bâtiments de 20 000, 25 000 pieds carrés et plus, et c'était comme l'intention de commencer par ces bâtiments-là. Mais là de dire que tous les bâtiments devront être transformés d'ici 2050, M. le Président, ça implique des sommes considérables pour le gouvernement mais aussi pour les citoyens. Alors, est-ce qu'il y a un plan pour ça? On est un peu devant le néant, là-dessus, et c'est très inquiétant. Alors, pour nous, c'est clair que les programmes actuels ne suivent pas et qu'il faudra les mettre aux normes.

Là, je ne sais pas combien de secondes il reste avant la fin... Quatre secondes? Bon, bien, je vais arrêter maintenant, M. le Président, pour pouvoir continuer plus tard, au retour. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, je comprends très bien, Mme la députée de Mille-Îles, que vous n'avez pas terminé votre intervention. Effectivement, vous allez pouvoir reprendre, à la reprise de ce débat, votre intervention.

Ajournement

Et, compte tenu de l'heure, les travaux sont ajournés au mardi 26 mars 2024, à 10 heures. Alors, je vous souhaite à tous et à toutes bon retour dans vos circonscriptions. Et soyez prudents.

(Fin de la séance à 16 h 30)