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Version finale

42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)

Le mercredi 8 décembre 2021 - Vol. 46 N° 21

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Souligner le retour de la campagne d'Opération Nez rouge Beauce-Etchemins

M. Luc Provençal

Rendre hommage à Mme Chantal Machabée, journaliste sportive

Mme Isabelle Melançon

Souligner le travail et l'engagement des membres du Cercle de fermières Bois-des-Filion

M. Mario Laframboise

Rendre hommage à Mme Perpétue Muramutse pour son engagement bénévole, social et
communautaire

M. Saul Polo

Inviter les citoyens à privilégier l'achat local pour le temps des fêtes

M. Mathieu Lemay

Souligner le travail de l'équipe de Gestion SPACT inc.

M. Martin Ouellet

Féliciter le Service de la sécurité publique de la MRC des Collines-de-l'Outaouais pour la mise
sur pied du projet MAINtenant ensemble

M. Robert Bussière

Rendre hommage à M. Jacques Matte, ex-directeur du Théâtre du Cuivre

Mme Émilise Lessard-Therrien

Rendre hommage à MM. Patrick Audet et Janick Maltais, récipiendaires de la Médaille de
l'Assemblée nationale

M. Éric Girard

Souligner le 20e anniversaire du Journal de Lévis

M. Marc Picard

Inviter le gouvernement et les organismes à travailler en concertation avec les jeunes en
matière de prévention et de lutte contre l'itinérance

Mme Manon Massé

Présentation de projets de loi

Projet de loi n° 18 — Loi modifiant diverses dispositions en matière de sécurité publique et
édictant la Loi visant à aider à retrouver des personnes disparues

Mme Geneviève Guilbault

Mise aux voix

Dépôt de documents

Réponses à des questions inscrites au feuilleton

Dépôt de rapports de commissions

Consultations particulières sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie

Questions et réponses orales

Gestion de la pandémie de coronavirus dans les centres d'hébergement et de soins de longue
durée

Mme Dominique Anglade

M. François Legault

Mme Dominique Anglade

M. François Legault

Mme Dominique Anglade

M. François Legault

Mme Dominique Anglade

M. François Legault

Déplacements de personnel entre les centres d'hébergement et de soins de longue durée

Mme Monique Sauvé

M. Christian Dubé

Mme Monique Sauvé

M. Christian Dubé

Mme Monique Sauvé

M. Christian Dubé

Mouvements de personnel entre les centres d'hébergement et de soins de longue durée

Mme Monique Sauvé

M. Christian Dubé

Mme Filomena Rotiroti

M. Christian Dubé

Mme Paule Robitaille

M. Christian Dubé

Enquête sur la gestion de la pandémie de coronavirus dans les centres d'hébergement et de soins
de longue durée

M. Joël Arseneau

M. François Legault

M. Joël Arseneau

M. François Legault

M. Joël Arseneau

M. François Legault

Projet de construction d'un nouveau stade de baseball à Montréal

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

Enquête sur la gestion de la pandémie de COVID-19 dans les centres d'hébergement et de soins
de longue durée

M. Marc Tanguay

M. Christian Dubé

M. Marc Tanguay

M. Christian Dubé

M. Marc Tanguay

M. Simon Jolin-Barrette

Amélioration de la sécurité sur la route 132 en Haute-Gaspésie

Mme Méganne Perry Mélançon

M. François Bonnardel

Mme Méganne Perry Mélançon

M. François Bonnardel

M. Sylvain Gaudreault

M. François Bonnardel

Enquête sur la gestion de la pandémie de COVID-19

M. Vincent Marissal

M. Christian Dubé

M. Vincent Marissal

M. Christian Dubé

M. Vincent Marissal

M. Christian Dubé

Guide de gestion du Programme d'action concertée temporaire pour les entreprises

M. Monsef Derraji

M. Pierre Fitzgibbon

Motions sans préavis

Demander au gouvernement de privilégier une approche globale misant sur la prévention, en
matière d'itinérance jeunesse, et s'inspirant de la vision et des valeurs communes contenues
dans la déclaration issue du Forum prévention itinérance jeunesse

Mise aux voix

Rendre hommage à l'écrivaine Marie-Claire Blais et offrir des condoléances à sa famille et
à ses proches

Mme Nathalie Roy

Mme Christine St-Pierre

Mme Catherine Dorion

M. Pascal Bérubé

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Avis de sanction de projets de loi

Affaires du jour

Débats sur les rapports de commissions

Prise en considération du rapport de la commission qui a procédé à l'audition de certains
sous-ministres et dirigeants d'organismes en vertu de la Loi sur l'administration publique

M. Carlos J. Leitão

Mme Chantale Jeannotte

M. Mathieu Lemay

M. Andrés Fontecilla

Mme Joëlle Boutin

Mme Isabelle Lecours

Mme Marie-Eve Proulx

M. Sylvain Gaudreault

M. Vincent Caron

Prise en considération du rapport de la commission qui a analysé les enjeux reliés à
l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir pour les personnes en
situation d'inaptitude et pour celles souffrant de troubles mentaux

Mme Nancy Guillemette

M. David Birnbaum

M. Vincent Marissal

Mme Véronique Hivon

Mme Marilyne Picard

Mme Francine Charbonneau

M. François Jacques

Mme Jennifer Maccarone

M. Éric Girard

Mme Suzanne Blais

Mme Geneviève Hébert

Projet de loi n° 15 —  Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions
législatives

Adoption du principe

M. Lionel Carmant

Mme Kathleen Weil

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, bon mercredi à vous tous et toutes. Vous pouvez prendre place.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Et nous allons débuter notre séance avec la rubrique des déclarations de députés. Et la première déclaration d'aujourd'hui sera celle de M. le député de Beauce-Nord.

Souligner le retour de la campagne d'Opération
Nez rouge Beauce-Etchemins

M. Luc Provençal

M. Provençal : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Après une année d'absence sur nos routes, les citoyens de la Beauce et des Etchemins peuvent à nouveau compter sur le service d'Opération Nez rouge.

En activité depuis le 26 novembre dernier, l'édition 2021 se poursuivra jusqu'au 31 décembre prochain. Ce classique du temps des fêtes contribuera non seulement à rendre nos routes plus sécuritaires, mais permettra aussi de soutenir financièrement des organismes locaux oeuvrant auprès des jeunes et dans le sport amateur.

Reconnaissant l'importance de cette organisation dans nos communautés respectives, mes collègues de Bellechasse, Beauce-Sud et moi avons accepté la coprésidence d'honneur de l'événement de notre région.

Les citoyens et entreprises souhaitant être bénévoles peuvent visiter le site Internet d'Opération Nez rouge ou se rendre dès 20 heures, les soirs de service, à l'une des centrales suivantes : polyvalente Saint-Georges, école Maribel de Sainte-Marie, école Notre-Dame de Lac-Etchemin.

Nous vous souhaitons un heureux temps des fêtes en toute sécurité. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Beauce-Nord. Et maintenant je cède la parole à Mme la députée de Verdun.

Rendre hommage à Mme Chantal Machabée, journaliste sportive

Mme Isabelle Melançon

Mme Melançon : Merci, Mme la Présidente. Alors, aujourd'hui, j'aimerais rendre hommage à Mme Chantal Machabée, une pionnière en journalisme sportif au Québec.

Non seulement Chantal a-t-elle réussi à percer dans un milieu d'hommes, mais elle a, pendant toute sa carrière, démontré sans relâche à quel point sa présence dans ce domaine est pertinente. Première journaliste à prendre l'antenne au Réseau des sports RDS, première femme à animer la télédiffusion du hockey des Canadiens de Montréal, cheffe d'antenne pour les Jeux olympiques de Vancouver et de Londres, à chaque nouvel accomplissement elle nous en met plein la vue avec son professionnalisme, son talent, son intelligence.

N'oublions pas que Chantal est la maman de deux garçons, maman poule, selon ses propres dires, et ça ne l'a pas empêchée de foncer vers son rêve.

J'espère que son exemple saura inspirer d'autres jeunes femmes et les convaincre qu'elles peuvent, elles aussi, rêver d'une formidable carrière en journalisme sportif. Félicitations, Chantal Machabée!

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Verdun. Et maintenant je cède la parole à M. le député de Blainville.

Souligner le travail et l'engagement des membres
du Cercle de fermières Bois-des-Filion

M. Mario Laframboise

M. Laframboise : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Aujourd'hui, je veux rendre hommage à un organisme qui fait un travail exceptionnel depuis sa fondation, en mars 1955, le Cercle des fermières de Bois-des-Filion.

La mission du cercle des fermières est la préservation et la transmission du patrimoine culturel et artisanal, tel que le tissage, la couture, le tricot, sans oublier l'amélioration des conditions de vie de la femme et de la famille, notamment par leur mise en forme. C'est également un lieu de rencontre, de partage, qui contribue à briser l'isolement des aînés.

Se réunissant tous les mercredis, elles déterminent les organismes pour lesquels le cercle de Bois-des-Filion viendra en aide tout au cours de l'année. Que ce soit pour les femmes violentées, l'autisme ou les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, elles s'activent et s'engagent avec passion, ne ménageant pas leur temps et leur énergie. Quelle bienveillance pendant toutes ces années!

J'aimerais donc profiter de l'occasion pour témoigner de toute ma reconnaissance pour le grand dévouement dont les membres de cette belle organisation ont fait preuve depuis tant d'années au sein de la communauté filionoise. Permettez-moi de saluer tous les membres passés et présents, ainsi que sa présidente actuelle, Mme Diane Gervais. Longue vie au Cercle des fermières de Bois-des-Filion!

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Blainville. Et maintenant je reconnais M. le député de Laval-des-Rapides.

Rendre hommage à Mme Perpétue Muramutse pour son
engagement bénévole, social et communautaire

M. Saul Polo

M. Polo : Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'ai le plaisir de rendre hommage à Mme Perpétue Muramutse, écrivaine, conteuse, éducatrice, militante et citoyenne de Pont-Viau—Laval.

Rwandaise d'origine, cette femme courageuse a fui la guerre dans son pays pour vivre ensuite dans les camps de réfugiés de Goma, au Congo. À cette époque, elle se charge du programme de recherche et de réunification des familles de l'UNICEF. Cofondatrice de la section Canada du Réseau international des femmes pour la démocratie et paix, une organisation de femmes déterminées à promouvoir la démocratie et la paix en Afrique, véritable modèle d'intégration et de résilience, Mme Perpétue Muramutse s'engage rapidement dans sa communauté d'accueil, et elle transmet aux plus jeunes son amour à la littérature, et elle s'implique activement dans la défense et le développement des femmes immigrantes à Laval.

C'est donc un privilège pour moi, aujourd'hui, de lui signifier ici, à l'Assemblée nationale, toute mon admiration et ma reconnaissance pour sa précieuse contribution à l'enrichissement collectif de notre communauté lavalloise.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Laval-des-Rapides. Et maintenant je me tourne vers M. le député de Masson pour sa déclaration d'aujourd'hui.

Inviter les citoyens à privilégier l'achat local pour le temps des fêtes

M. Mathieu Lemay

M. Lemay : Mme la Présidente, nous avons la chance aujourd'hui d'avoir pour une neuvième édition le Marché de Noël de Terrebonne, qui est situé sur le magnifique site historique de l'Île-des-Moulins.

Alors, j'ai eu le plaisir d'y aller en fin de semaine dernière et je peux vous assurer que ce marché est un événement incontournable dans la région, où toute la famille peut y trouver son compte. Alors, une vingtaine de producteurs et d'entreprises y offrent des produits locaux de grande qualité.

De plus, en complémentarité du Marché de Noël à l'Île-des-Moulins, on a aussi le salon des artisans, qui offre une véritable vitrine aux créateurs de la région qui y tiennent un kiosque. Il y a plusieurs artistes du bois, du verre, des métaux, des tissus, bref... de la peinture. Ils offrent tous de magnifiques créations, et j'ai d'ailleurs fait quelques achats.

Alors, le marché et le salon seront ouverts tous les vendredis, les samedis et les dimanches jusqu'au 19 décembre ainsi que lundi le 20 décembre.

Alors, pour terminer, Mme la Présidente, je souhaite encourager tous les citoyens de la circonscription et de la grande région du Montréal à venir faire un tour au marché moulinois, au Marché de Noël de Terrebonne, puisque c'est un incontournable dans le temps des fêtes. On en profite pour faire nos achats locaux et encourager nos artisans. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Masson. Et je reconnais maintenant M. le député de René-Lévesque.

Souligner le travail de l'équipe de Gestion SPACT inc.

M. Martin Ouellet

M. Ouellet : Merci, Mme la Présidente. Je désire souligner aujourd'hui tout le travail qui a été accompli par l'équipe de Gestion SPACT lors des derniers championnats québécois de cyclisme sur route élite 2021, qui ont eu lieu à Baie-Comeau.

Gestion SPACT est une entreprise dévouée qui a à coeur le succès de ses événements et le bonheur de ses partenaires, véritable spécialiste en gestion d'événements, tant dans l'organisation que dans la gestion, que dans la création d'événements sportifs d'envergure. Depuis sa fondation, en 2016, SPACT a déjà plus d'une vingtaine de collaborations dans ces compétitions à succès. Divertir la population et les athlètes de façon professionnelle, et ce, peu importe l'ampleur de l'activité. Ils ont d'ailleurs été récompensés en 2020 et encore en 2021 par la Fédération québécoise des sports cyclistes dans le cadre du Mérite cycliste québécois.

En mon nom et en celui des citoyens de la circonscription de René-Lévesque, je tiens à féliciter toute l'équipe de Gestion SPACT pour les retombées économiques positives qu'elle a créées dans la région et toute l'atmosphère dynamique que ses événements produisent dans la Manicouagan et sur toute la Côte-Nord. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de René-Lévesque. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Gatineau.

Féliciter le Service de la sécurité publique de la MRC des
Collines-de-l'Outaouais pour la mise sur pied
du projet MAINtenant ensemble

M. Robert Bussière

M. Bussière : Merci, Mme la Présidente. Je tiens à offrir mes sincères félicitations au Service de la sécurité publique de la MRC des Collines-de-l'Outaouais pour la mise sur pied du projet MAINtenant ensemble.

Depuis le mois de novembre dernier, ce service a mis en place une équipe multidisciplinaire spécialisée en matière de violence conjugale. Les policiers sont maintenant accompagnés d'intervenants mobiles et disponibles sur appel lors d'interventions nécessitant leur support en moment de crise, ce qui est une première au Québec. L'objectif est de placer la personne victime de violence conjugale et ses enfants au coeur des actions pour les accompagner dans ces situations difficiles.

Félicitations aux architectes de ce projet, M. Yves Charette, directeur du Service de la sécurité publique, Joël Blain, inspecteur à la division des enquêtes criminelles, Catherine Madore-Thibault, agente à la division de la gendarmerie, et Mme Céline Lefebvre, directrice générale de la Maison Libère-Elles. Bravo! Cette reconnaissance est pleinement méritée.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Gatineau. Et je cède maintenant la parole à Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Rendre hommage à M. Jacques Matte, ex-directeur du Théâtre du Cuivre

Mme Émilise Lessard-Therrien

Mme Lessard-Therrien : Merci, Mme la Présidente. Le 3 décembre dernier, un pilier de la scène culturelle régionale a pris une retraite bien méritée. M. Jacques Matte, qui a dirigé le Théâtre du Cuivre à Rouyn-Noranda pendant 35 ans, a finalement passé le flambeau.

M. Matte, c'est la figure de l'ombre, très humble, qui sait faire briller, et faire briller grand. On lui doit, à lui et son équipe, plus de 2 300 spectacles sur les planches du Théâtre du Cuivre. C'est grâce à lui et son équipe que ce théâtre est devenu un pôle culturel majeur en région, attirant même des artistes de renommée internationale. L'impact de ses accomplissements est indéniable et indélébile, et je lui souhaite encore de nombreuses années dans son engagement comme président et cofondateur du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, une fonction qu'il accomplit avec brio.

 Je joins donc ma voix aux nombreux acteurs du milieu qui ont souligné son départ pour lui dire : Merci, M. Matte, pour votre dévouement sans faille et pour l'héritage considérable que vous laissez derrière nous.

• (9 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue. Et maintenant je reconnais M. le député de Lac-Saint-Jean.

Rendre hommage à MM. Patrick Audet et Janick Maltais,
récipiendaires de la Médaille de l'Assemblée nationale

M. Éric Girard

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Mme la Présidente, le 2 juillet dernier, c'était jour de vacances pour la famille de Jacob Thomas, une magnifique occasion de profiter de notre beau lac Saint-Jean, mais ça ne s'est pas déroulé tout à fait comme prévu. Jacob s'est retrouvé en danger sur sa planche à pagaie. Il s'est retrouvé trop loin au large avec un vent de face l'empêchant de revenir vers la plage.

Janik Maltais et Patrick Audet n'ont pas hésité à prendre leur bateau, à se joindre aux secours. Sans l'intervention de Patrick et Janik, la vie aurait pu prendre une tournure bien plus dramatique pour Jacob et sa famille. Quand ils l'ont retrouvé, il était en hypothermie, ses lèvres, ses pieds et ses mains étaient bleus, il sombrait tranquillement dans l'inconscience. Grâce à leur sens du devoir et à leur désir de porter secours, Jacob est retourné sain et sauf auprès des siens, et ça, la famille de Jacob s'en souviendra toujours.

C'est donc avec beaucoup de fierté et d'émotion, Mme la Présidente, que j'ai remis à Patrick Audet et à Janick Maltais la Médaille de l'Assemblée nationale afin de souligner le geste héroïque qu'ils ont posé le 2 juillet dernier. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Lac-Saint-Jean. Et maintenant je reconnais M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

Souligner le 20e anniversaire du Journal de Lévis

M. Marc Picard

M. Picard : Merci, Mme la Présidente. Le Journal de Lévis célèbre cette année son 20e anniversaire.

Témoin de la vie lévisienne, ce journal hebdomadaire rend compte de l'actualité en demeurant toujours à l'affût des sujets qui intéressent et touchent les lecteurs. Petits et grands événements sont relatés avec rigueur, pour le plus grand bénéfice des Lévisiennes et des Lévisiens.

Au fil du temps, il a su établir un véritable lien de proximité entre ses lecteurs et les différents acteurs de notre communauté. Or, il représente un véhicule de communication indispensable, notamment pour nos organismes, nos commerces et nos institutions.

Pour toutes ses années de présence et d'implication au coeur de l'action citoyenne, pour sa vitalité et son dynamisme, je remercie toutes les personnes qui contribuent à la qualité et la pérennité du Journal de Lévis. Au plaisir de vous lire encore très longtemps. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

Maintenant, j'aurais besoin de votre consentement afin de permettre à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques de faire une 11e déclaration. Consentement. Alors, Mme la députée, la parole est à vous.

Inviter le gouvernement et les organismes à travailler en
concertation avec les jeunes en matière de prévention
et de lutte contre l'itinérance

Mme Manon Massé

Mme Massé : Merci, Mme la Présidente. En novembre, la Coalition Jeunes+ réunissait 150 participants et participantes au Forum Prévention itinérance jeunesse nommé Marche un boutte dans mes bottes.

Une déclaration commune invite le gouvernement à s'engager aux côtés des jeunes vivant ou à risque de vivre de l'itinérance ainsi que les organismes qui les soutiennent. Ce qu'ils et elles nous disent, c'est qu'il faut bâtir un filet social autour des jeunes. Agir en prévention, ça passe par l'aide aux familles, l'amélioration de la protection de la jeunesse, des services en santé mentale. Ça passe aussi beaucoup par l'éducation et par le logement.

Souvent marginalisés, les jeunes nous demandent d'être à l'écoute de leur voix, de leurs idées et de leurs solutions. Mme la Présidente, notre réponse doit être collective, nous avons un devoir envers eux, parce que chaque arrivée d'un ou d'une jeune en situation d'itinérance résulte d'une succession d'échecs de notre société.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée. Et maintenant ceci met fin à la rubrique des déclarations de députés.

Et je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 54)

(Reprise à 10 h 3)

Le Président : Mmes et MM. les députés, bon mercredi. Prenons quelques secondes pour nous recueillir.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Nous poursuivons les affaires courantes.

Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi

À la rubrique Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Je vous demande d'appeler l'article a du feuilleton.

Projet de loi n° 18

Le Président : Et, à l'article a du feuilleton, Mme la ministre de la Sécurité publique présente le projet de loi n° 18, Loi modifiant diverses dispositions en matière de sécurité publique et édictant la Loi visant à aider à retrouver des personnes disparues. Mme la ministre.

Mme Geneviève Guilbault

Mme Guilbault : Merci, M. le Président. Ce projet de loi apporte diverses modifications en matière de sécurité publique.

Le projet de loi modifie la Loi sur la police afin de prévoir le versement, par le gouvernement, à l'École nationale de police du Québec d'une contribution annuelle basée sur la masse salariale des membres des corps de police spécialisés.

Le projet de loi consacre le principe de l'indépendance des corps de police et de leurs membres dans la conduite des enquêtes et des interventions policières et précise leur devoir d'agir en concertation et en partenariat avec les personnes et les différents intervenants des milieux concernés par leur mission.

Le projet de loi modifie les conditions minimales pour être embauché comme policier. Il permet au gouvernement de déterminer, par règlement, les domaines dans lesquels une personne qui n'est pas diplômée de l'École nationale de police du Québec... Pardon, M. le Président, il faudrait juste que je boive une petite gorgée d'eau. Bon. Excusez. (Interruption) Woups! Excusez, M. le Président. Ce matin, ce n'est pas ma journée, on dirait. Donc, je vais le mettre ici, tiens, là, bon, confortablement installé. Alors, j'étais... Bon, c'est ça. Il permet également au gouvernement de déterminer, par règlement, les obligations de formation continue des policiers de même que la formation requise pour exercer certaines fonctions dans un corps de police autre qu'un corps de police spécialisé.

Le projet de loi apporte différentes modifications en matière de déontologie policière. Ainsi, il confie au Commissaire à la déontologie un rôle de prévention et d'éducation en cette matière. Il prévoit qu'une plainte relative à la conduite d'un policier susceptible de constituer un acte dérogatoire au Code de déontologie des policiers du Québec ne peut être formulée que par une personne présente lors d'un événement ayant fait l'objet d'une intervention policière ou par celle à l'égard de qui la conduite d'un policier est susceptible de constituer un tel acte dérogatoire. Il permet toutefois à toute autre personne de formuler, anonymement ou non, un signalement au commissaire relatif à la conduite d'un policier qui est susceptible de constituer un acte dérogatoire au code, conformément à la procédure établie à cette fin par le commissaire. Il accorde au commissaire le pouvoir de tenir une enquête de sa propre initiative dans certaines circonstances. Il permet au commissaire de tenir des travaux de conciliation à distance par un moyen technologique et au Comité de déontologie policière de faire de même pour tenir une séance. Il revoit les sanctions que peut imposer le comité lorsque la conduite d'un policier est jugée dérogatoire et lui permet d'imposer au policier, en plus des sanctions, des mesures additionnelles. Il remplace l'appel de plein droit de toute décision finale rendue par le comité par un appel sur permission et prévoit la procédure applicable ainsi que les effets de cet appel.

De plus, le projet de loi prévoit que le gouvernement détermine, par règlement, le contenu minimal de tout règlement de discipline interne des membres d'un corps de police.

Le projet de loi établit que les priorités d'action et les directives élaborées à l'égard des corps de police sont écrites et rendues publiques et prévoit des restrictions quant à leur contenu. Il précise également que le directeur ou un membre d'un corps de police doit refuser de communiquer ou de confirmer l'existence d'un renseignement lorsque sa divulgation pourrait avoir des incidences sur l'administration de la justice et la sécurité publique.

Le projet de loi prévoit que l'enquête sur une allégation relative à une infraction criminelle commise par un policier ou un constable spécial est tenue par le Bureau des enquêtes indépendantes, sauf dans certaines circonstances. Il permet la transmission, s'il y a lieu, des renseignements concernant l'allégation à certains organismes pour que ceux-ci en fassent le traitement lorsqu'elle n'est pas relative à une infraction criminelle.

Le projet de loi prévoit que le directeur du Bureau des enquêtes indépendantes peut décider, dans certaines circonstances, de ne pas tenir une enquête lorsqu'une personne, autre qu'un policier en devoir, décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. Dans ce cas, le directeur communique au public les motifs de sa décision. Le projet de loi prévoit également que le directeur communique au public un résumé de l'enquête lorsque le directeur des poursuites criminelles et pénales décide de ne pas porter des accusations à la suite d'une enquête.

Le projet de loi établit, en outre, des obligations supplémentaires en matière de reddition de comptes pour les corps de police et étend le pouvoir du ministre de la Sécurité publique d'établir des lignes directrices à tout sujet relatif à l'activité policière. Ces lignes directrices peuvent porter notamment sur l'absence de discrimination dans les activités policières.

Le projet de loi modifie aussi la Loi sur le ministère de la Sécurité publique afin de confier au ministre de la Sécurité publique le pouvoir d'élaborer et de proposer au gouvernement des mesures et des programmes ainsi que celui de veiller à leur mise en oeuvre.

Le projet de loi édicte la Loi visant à aider à retrouver des personnes disparues, laquelle a pour objet de faciliter l'obtention par les membres d'un corps de police de renseignements concernant la personne disparue et, si cette dernière est mineure ou en situation de vulnérabilité, la personne qui l'accompagne. À cette fin, cette loi prévoit qu'un juge de la Cour du Québec ou un juge de paix magistrat peut, sur demande d'un membre d'un corps de police, ordonner la communication de certains renseignements concernant une personne disparue ou celle qui l'accompagne. Elle lui permet également, sur demande d'un membre d'un corps de police, d'accorder l'autorisation de pénétrer dans un lieu, y compris une maison d'habitation.

Le projet de loi modifie la Loi sur le système correctionnel du Québec notamment afin de prévoir que la révision de toutes les décisions des comités de discipline institués dans les établissements de détention s'effectue par une personne désignée par le ministre et que la permission de sortir d'une personne contrevenante prend fin automatiquement dès que celle-ci fait l'objet d'une décision de refus de sa libération conditionnelle.

Le projet de loi apporte à la Loi sur la sécurité incendie différentes modifications relatives au schéma de couverture de risques.

Ainsi, le projet de loi modifie la durée de la validité du schéma et la période de révision. Il précise les cas où le schéma doit être modifié et la procédure applicable à cette fin. Il permet au ministre d'ordonner à une autorité régionale de procéder à la modification ou à la révision de son schéma dans certains cas. En outre, le projet de loi donne compétence à la Commission municipale du Québec sur certains différends entre des municipalités locales ou des régies intermunicipales qui empêchent l'une d'elles de se conformer aux objectifs de protection optimale. Il modifie les modalités de la reddition de comptes des autorités régionales et des municipalités locales quant à la mise en oeuvre du schéma.

Enfin, le projet de loi apporte certaines corrections de nature technique et comporte diverses dispositions de concordance et transitoires. Merci.

Mise aux voix

Le Président : Et, en application de l'ordre spécial, j'invite maintenant les leaders parlementaires à m'indiquer le vote de leurs groupes sur la présentation de ce projet de loi, suivi des députés indépendants. Et je débute par M. le leader du gouvernement.

• (10 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Pour.

Le Président : M. le leader de l'opposition officielle?

M. Fortin : Pour.

Le Président : Mme la leader du deuxième groupe d'opposition?

Mme Labrie : Pour.

Le Président : M. le leader du troisième groupe d'opposition?

M. Ouellet : Pour.

Le Président : M. le député de Chomedey?

M. Ouellette : Pour.

Le Président : M. le député de Bonaventure?

M. Roy : Pour.

Le Président : Mme la députée d'Iberville?

Mme Samson : Pour.

Le Président : En conséquence, cette motion est adoptée. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Fortin : Oui, merci, M. le Président. Simplement pour vous indiquer qu'on souhaite la tenue de consultations sur ce projet de loi. Merci.

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : ...on pourra échanger des groupes.

Dépôt de documents

Le Président : Nous passons à la rubrique Dépôt de documents. M. le leader du gouvernement.

Réponses à des questions inscrites au feuilleton

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Je dépose les réponses du gouvernement aux questions inscrites au feuilleton le 10 novembre par le député de Rimouski et le 11 novembre par le député de LaFontaine. Merci.

Le Président : Merci. Ces documents sont déposés.

Dépôt de rapports de commissions

À la rubrique Dépôt de rapports de commission, Mme la présidente de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie et députée de Roberval.

Consultations particulières sur l'évolution de la
Loi concernant les soins de fin de vie

Mme Guillemette : Merci, M. le Président. Je dépose le rapport de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie qui, afin d'analyser les enjeux reliés à l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude et pour les personnes souffrant de troubles mentaux, a tenu des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières les 14, 18, 19, 20, 21, 25 et 28 mai ainsi que les 9, 10, 11, 12, 18, 19 et 23 août 2021. La commission s'est par ailleurs réunie à 39 reprises en séance de travail, et le rapport de la commission contient 11 recommandations. Merci, M. le Président.

Le Président : Merci bien. Ce rapport est donc déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole à Mme la cheffe de l'opposition officielle.

Gestion de la pandémie de coronavirus dans les centres
d'hébergement et de soins de longue durée

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : Merci, M. le Président. M. le Président, depuis des semaines, on constate qu'il y avait des gens qui savaient, au gouvernement, qu'il allait y avoir une hécatombe dans les CHSLD, et ce, depuis le mois de janvier. On l'a entendu de l'ancienne ministre de la Santé. On l'a entendu de l'ancien sous-ministre. On l'a entendu de l'INSPQ. On l'a entendu également du directeur de la santé publique.

Pourtant, le premier ministre, lui, nous a dit : Ah! moi, je n'étais pas au courant, on regardait CNN puis on n'avait pas cette information-là, malgré le fait que la Protectrice du citoyen soit sortie pour dire qu'il y avait des signaux d'alerte avant et que le gouvernement n'a pas agi.

Il y a des courriels qui ont été envoyés, M. le Président, pas à n'importe qui, des courriels qui ont été envoyés à des gens qui faisaient partie de la cellule de crise dirigée par le premier ministre. Le premier ministre soutient, encore une fois, que personne n'était au courant.

Donc, les experts étaient au courant, son ancienne ministre de la Santé était au courant, son ancien sous-ministre était au courant, l'INSPQ était au courant, des courriels ont été envoyés pendant le mois de mars, mais, encore une fois, le premier ministre nous dit que, lui, dans son entourage, il n'entendait pas ces messages-là.

Est-ce que le premier ministre, qui était chef de la cellule de crise, était le seul à ne pas être au courant qu'on allait à l'abattoir dans nos CHSLD?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, à chaque matin, sept jours par semaine, on était réunis, 15, 20 personnes, autour de la table. Il y avait la ministre de la Santé, que mentionne la cheffe de l'opposition officielle, il y avait le sous-ministre à la Santé, que mentionne la cheffe de l'opposition officielle, et il y avait le directeur national de la santé publique, qui était en contact avec l'INSPQ. Donc, M. le Président, toutes ces personnes, m'incluant, on se réunissait à chaque matin et on prenait les décisions dès qu'on avait des informations.

Et, M. le Président, je le répète, la cheffe de l'opposition officielle parle des équipements de protection individuelle, et la ministre de la Santé et le sous-ministre de la Santé étaient au courant qu'il y avait un inventaire national, qui s'est beaucoup réduit au cours des semaines, mais qui n'a jamais atteint zéro. Par contre, on sait tous, maintenant, qu'il y a des établissements qui ont manqué d'équipement, donc il y a eu un problème de distribution. Mais ce qu'on avait à la table, c'était l'inventaire national. Et on essayait, même si l'inventaire n'était pas à zéro, de tout faire en notre possible, incluant d'aller chercher des livraisons sur des tarmacs en Chine. Tout le monde cherchait de l'équipement.

Donc, M. le Président, dès qu'on a eu de l'information, on a agi.

Le Président : Première complémentaire, Mme la cheffe de l'opposition officielle.

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : Vous savez ce qui est particulier, M. le Président? C'est que le premier ministre nous parle de son ancienne ministre de la Santé, mais que jamais, en cette Chambre, elle ne s'est levée pour répondre à des questions, justement, que l'on avait par rapport à ça.

M. le Président, la question que j'ai pour le premier ministre : Tous ces courriels qui sont allés pour alerter, pourquoi est-ce que le gouvernement n'a pas agi avant le 10 avril?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, dans sa première question, la cheffe de l'opposition officielle dit que l'ancienne ministre de la Santé a dit le contraire de moi. La ministre de la Santé de l'époque dit la même chose que moi, c'est qu'au comité de gestion de crise on suivait la situation, on a vu qu'il manquait de personnel, on a mis en place, dès le 15 mars, Je contribue pour demander un effort aux Québécois, qui ont accepté de venir nous donner un coup de main. M. le Président, dès qu'on avait de l'information, on agissait. C'est vrai pour la ministre, c'est vrai pour le sous-ministre...

Le Président : En terminant.

M. Legault : ...c'est vrai pour moi.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la cheffe de l'opposition officielle.

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : M. le Président, le premier ministre nous dit que, dès qu'il a eu l'information, il a agi. Mais hier ce qu'il nous a dit en Chambre, c'était : Chez nous, à notre table, malheureusement, ces indications, on ne les avait pas, ça ne s'est pas rendu à notre table. Pourtant, on sait très bien, on sait très bien que des courriels ont été envoyés à des gens qui étaient à la table, des courriels qui ont été écrits, envoyés, pas d'accusé de réception, qui alertaient qu'on allait se retrouver dans une hécatombe, et le gouvernement n'a pas posé les gestes requis avant le 10 avril.

Comment est-ce que le premier ministre peut expliquer ça à la population?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, je viens de dire qu'on a mis en place Je contribue pour aller chercher du personnel. On a fait ça le 15 mars. Puis là je viens d'entendre la cheffe de l'opposition officielle dire : On n'a rien fait avant le mois d'avril. Écoutez, qu'est-ce que vous voulez que je lui dise? On a mis Je contribue en place le 15 mars. Donc, c'est... je vais essayer d'être parlementaire, là, mais ce n'est pas exact, de dire qu'on n'a pas agi avant le mois d'avril.

Le Président : Troisième complémentaire, Mme la cheffe de l'opposition officielle.

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Protectrice du citoyen qui dit qu'il y avait des signaux d'alerte et que le ministère n'a pas revu sa stratégie.

Le premier ministre aime nous parler de Je contribue, mais la réalité, c'est que, dans les messages qui ont été envoyés, les gens disaient qu'il manquait d'équipement et qu'on devait arrêter le transfert de personnel et le transfert de patients. Pour ces trois éléments-là, le premier ministre n'a pas agi avant le mois d'avril. C'est ça, la réalité, M. le Président.

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, il manquait 10 000 employés dans les CHSLD. Donc, entre permettre à un employé de travailler dans deux CHSLD ou de ne pas avoir d'employé du tout, on a choisi le moindre mal. Je suis certain que la cheffe de l'opposition officielle aurait fait la même chose.

Donc, M. le Président, dès qu'on a su qu'il y avait des problèmes, on a fait le maximum avec les ressources qu'on avait.

• (10 h 20) •

Le Président : Question principale, Mme la députée de Fabre.

Déplacements de personnel entre les centres
d'hébergement et de soins de longue durée

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : Mobilité de personnel. Parlons-en. Revenons sur la chronologie des événements et les 10 courriels accablants d'Annick Lavoie, de l'Association des établissements privés conventionnés. Le 12 mars, rencontre, elle plaide auprès du ministère de ne pas permettre le déplacement des employés d'un établissement à l'autre. 17 avril, elle écrit à des hauts fonctionnaires du ministère de la Santé : «On avait prévenu les autorités qu'il fallait cesser les admissions en CHSLD et ne pas permettre le déplacement des employés d'un établissement à l'autre[...]. Le temps de réponse a été trop long, et l'hécatombe en a suivi[...]. Par pitié, écoutez les experts terrain.»

M. le Président, on le sait, là, la mobilité de personnel, ça a été un des principaux facteurs de contamination durant la première vague. Le terrain avait levé un drapeau rouge, il a été ignoré, et, un mois plus tard, faute d'actions, il était déjà trop tard. Entre le 12 mars et le 17 avril, 831 aînés sont décédés en CHSLD.

Pourquoi ne pas avoir écouté les experts sur le terrain?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : M. le Président, j'ai répondu plusieurs fois à cette question-là, au cours des dernières semaines, puis je pense que... La députée de Fabre peut revenir sur le sujet, je pense que tous les témoignages qui ont été présentés et qui vont continuer d'être présentés à la coroner Kamel, M. le Président... je suis certain qu'elle va en prendre en compte. C'est exactement ça, le travail de la coroner. Puis, au risque de me répéter encore une fois ce matin, M. le Président, je vais donner la même information. Si la coroner, qui prend connaissance des différents articles ou publications qui sont faits au cours des derniers jours... qu'elle juge bon d'amener ces personnes-là à témoigner lors de son enquête, je pense que tout le monde va être content qu'on aille au fond des choses puis qu'on comprenne exactement ce qui est arrivé, M. le Président.

Alors, on l'a dit, et je vais le répéter, ce gouvernement a avantage à ce que les faits soient connus. Il y a de l'information qui n'était malheureusement pas disponible. On a fait, justement, un travail, au cours des derniers mois, pour essayer d'améliorer l'information qu'on a au ministère. Puis je pourrai y revenir, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Fabre.

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : M. le Président, la Protectrice du citoyen, dans son rapport, questionne, elle aussi, les décisions du gouvernement face à la mobilité du personnel. Page 48 : «...les transferts de personnel entre les installations et les unités ont favorisé les éclosions au Québec. D'ailleurs, le [ministère] reconnaît cet état de fait.» Page 46 : «Un mot d'ordre des hautes autorités a été donné au [ministère] de ne pas contraindre les libertés individuelles des travailleurs et travailleuses en les forçant à se limiter à une seule installation...»

M. le Président, pourquoi ne pas avoir interdit la mobilité de personnel?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Je pourrais peut-être demander la même question à la députée de Fabre. Comment ça se fait que la mobilité de personnel a été si utilisée au cours des dernières années, même avant la pandémie? Je pourrais lui poser la même question, M. le Président.

Nous, ce qu'on a fait...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

M. Dubé : M. le Président, c'est exact, ce que je viens de dire. C'était un problème qui était majeur, la mobilité de personnel, c'était une culture. Il y avait une culture de mobilité parce que c'était une question de coûts.

Alors, malheureusement, ça a eu un impact. Lorsqu'on s'est rendu compte de l'impact que ça avait, M. le Président, on a agi. On a été capables de faire des ajustements importants à la mobilité de personnel. Il y a eu des décrets qui faisaient partie de la...

Le Président : En terminant.

M. Dubé : ...de l'urgence sanitaire pour être capables d'attaquer le problème de la mobilité.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Fabre.

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : M. le Président, les CHSLD privés conventionnés ont alerté le gouvernement des risques de déplacement de personnel. La Protectrice du citoyen a rappelé l'impact de la mobilité de personnel et questionné les décisions du gouvernement. Et l'actuel ministre de la Santé, des mois plus tard, est venu encadrer la mobilité du personnel mais ne l'a jamais interdit, contrairement à la Colombie-Britannique, qui l'a fait le 25 mars 2020. Les faits sont troublants. Une commission d'enquête publique indépendante, ça presse.

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Bon, je suis content, par exemple, que la députée de Fabre reconnaisse qu'on a agi sur la mobilité de personnel, ce que l'ancien gouvernement n'avait pas fait. Ça, déjà, c'est une grande avancée. Ça a été un des points majeurs du plan de deuxième vague qu'on a fait, M. le Président.

On a toujours été, par contre, malheureusement, limités par le nombre de personnels, puis il a fallu trouver des ajustements. Mais on le voit, la deuxième vague, beaucoup moins d'impact, troisième vague. Je pense que le gouvernement a montré... Et c'est ce qu'on dit. Oui, c'est beau, l'enquête, mais on a agi déjà, suite aux recommandations, notamment, de la Protectrice du citoyen, mais on a déjà agi même avant d'avoir ces recommandations, M. le Président.

Le Président : En terminant.

M. Dubé : Donc, on va continuer de faire le meilleur travail possible.

Le Président : Question principale, Mme la députée de Fabre.

Mouvements de personnel entre les centres
d'hébergement et de soins de longue durée

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : M. le Président, deuxième témoignage de la sous-ministre adjointe aux Aînés, Mme Rosebush, devant la coroner, on est revenu sur les fameuses grilles pour les visites de vigie. Et savez-vous quoi? On a appris que les inspecteurs ne pouvaient pas entrer dans un CHSLD avec du papier, du crayon, même les clés d'auto, pour éviter tout risque de contamination. Alors, ce que faisaient les inspecteurs, ils mémorisaient les 17 questions de la grille, mémorisaient les réponses et retournaient dans leur auto pour faire le compte rendu.

Alors, pendant qu'on interdisait un crayon, bien, il y avait du personnel qui se promenait d'un étage à un autre, d'une zone chaude à une zone froide et, pire encore, d'un CHSLD à un autre. C'est complètement absurde.

En plus, M. le Président, dans la fameuse grille de trois pages, là, il n'y a pas une seule question qui vise à savoir s'il y avait de la mobilité de personnel. Je vous rappelle, là, hier on a su que les CHSLD privés avaient déjà demandé au gouvernement d'arrêter cette pratique.

M. le Président, pourquoi le gouvernement s'est fermé les yeux sur un enjeu aussi fondamental que la mobilité de personnel?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous êtes le seul à avoir la parole. Et je vous demande de ne pas faire de communications entre vous, au-delà de la réponse du ministre, il est le seul...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Je vous demande d'être attentifs à la réponse. Merci.

M. Christian Dubé

M. Dubé : M. le Président, je vais être très, très clair, là. C'est très facile de refaire le passé. Je voudrais insister sur le fait, M. le Président, que l'ancien gouvernement a réduit les budgets en santé publique, ont enlevé des gestionnaires locaux, ont réduit les budgets non seulement aux protections et contrôle des infections dans les CHSLD... Et la liste que je pourrais faire, M. le Président, est assez longue.

Je le répète, lorsque ce gouvernement, notre gouvernement, a pris acte de ce qui arrivait dans les CHSLD, c'est immédiatement qu'on a posé les gestes. Un geste très fort, M. le Président, je le répète, c'est l'engagement des 10 000 personnes, des 10 000 préposés aux bénéficiaires. On a donné des conditions monétaires qui ont fait qu'on a été capables rapidement de trouver... ce qui n'avait pas été le cas, M. le Président, de faire des offres différenciées à des gens qui étaient importants pour nos aînés.

Alors, moi, je vous dis, aujourd'hui : Continuons de laisser travailler la coroner sur son travail, mais... une chose, essayer de refaire le passé, nous, ce n'est pas là qu'on est. On essaie d'améliorer un réseau de santé, M. le Président...

Le Président : En terminant.

M. Dubé : ...qui avait été délaissé.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Jeanne-Mance—Viger.

Mme Filomena Rotiroti

Mme Rotiroti : Merci, M. le Président. Le 25 mars, la Colombie-Britannique interdit la mobilité du personnel, pendant qu'ici, le Québec, les CHSLD étaient des portes tournantes. Lors du témoignage de l'ex-ministre de la Santé devant le coroner, elle a affirmé avoir discuté avec ses homologues des autres provinces, mais non pas avec la Colombie-Britannique. La sous-ministre Rosebush a même confirmé que le ministère ne leur a pas parlé.

M. le Président, pourquoi nous n'avons pas suivi les meilleures pratiques?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Certainement, M. le Président, puis je pense que c'est intéressant de faire le lien... On a parlé, tout à l'heure, de ce qui se passait dans les CHSLD, du manque d'information. La coroner a aussi demandé aux gens qui sont en amont, de la santé publique, puis je pense ici à l'INSPQ, je pense aux autres organismes qui doivent s'assurer d'une veille, le groupe, aussi, de Santé Canada, on n'en parle pas souvent, qui sont là, justement, pour essayer... assurer une veille de ce qui se passe dans le monde... Je pense que, si la coroner, et je le répète, si la coroner juge bon qu'à la lumière des faits qui ont été entendus ces gens-là devraient revenir en commission pour être capables de donner un meilleur état de la situation...

Le Président : En terminant.

M. Dubé : ...de ce qui s'est passé en amont, ce sera au coroner de le décider.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Paule Robitaille

Mme Robitaille : M. le Président, pendant qu'on interdisait aux inspecteurs d'entrer dans un CHSLD avec un crayon, on trimbalait des travailleurs de la santé d'un CHSLD à l'autre sans équipement de protection jusqu'à la mi-avril 2020. On sait ce qui est arrivé, beaucoup de ces gens-là ont attrapé la COVID. Certains en sont morts, M. le Président, comme Marcelin François, un homme de mon comté.

M. le Président, à quand une enquête publique pour faire la lumière sur tout cela? Merci.

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, écoutez, M. le Président, je pense qu'à chaque fois qu'on a cette même question-là je suis capable, à chaque fois, de montrer comment, justement, la coroner Kamel fait un travail excellent pour faire ressortir les faits, obtenir... savoir ce qui s'est passé, le manque d'information qu'on avait. Et je le dis, je le dis, M. le Président, la plus belle preuve que nous avons agi, au cours de la suite de la première vague, c'est de voir l'amélioration de la situation qui s'est passée dans nos milieux de vie, qui, malheureusement, ont été traités uniquement comme des milieux de vie, sans penser, et je reviens sur l'ancien gouvernement, aux impacts d'une pandémie, aux impacts d'un manque de protection et contrôle des infections.

Le Président : En terminant.

M. Dubé : M. le Président, on a agi quand c'était le temps de le faire.

• (10 h 30) •

Le Président : Question principale, M. le chef du troisième groupe d'opposition.

Enquête sur la gestion de la pandémie de coronavirus dans les
centres d'hébergement et de soins de longue durée

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : M. le Président, dans toute l'histoire, là, des CHSLD, au printemps 2020, il y a quelque chose qui ne colle pas. Depuis trois semaines, on pose des questions, et ça ne fonctionne pas. On essaie de reconstituer les faits, à défaut d'avoir une commission d'enquête publique et indépendante.

Et ce qu'on sait, c'est qu'il y avait une cellule de crise, cellule de crise sur laquelle siégeait le premier ministre, sur laquelle siégeait la ministre des Aînés et également, on a oublié de le mentionner tout à l'heure, la sous-ministre responsable des CHSLD, Mme Rosebush. Toujours en mars 2020, on sait que le cabinet de la ministre des Aînés a reçu plusieurs messages, des appels à l'aide, des courriels parlant d'une hécatombe à venir dans les CHSLD. C'est le même cabinet, je le répète, qui siégeait sur la cellule de crise et qui disait transmettre les messages au premier ministre.

M. le Président, clairement, là, il y a des messages qui se sont perdus, ou qui ne se sont pas rendus, ou qui ont été ignorés par la cellule de crise ou le premier ministre.

Alors, comme il n'existe apparemment ni écrits ni procès-verbaux des travaux de la cellule de crise et de ces rencontres, est-ce qu'on peut savoir si la ministre des Aînés a effectivement transmis les signaux d'alarme des CHSLD au premier ministre?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, effectivement, la ministre des Aînés et la sous-ministre des Aînés, Mme Rosebush, étaient autour de la table à tous les matins, parfois par téléphone, parfois en personne.

M. le Président, je l'ai dit puis je le répète, on avait à chaque jour un inventaire des équipements de protection individuelle. On a été... j'ai été immensément transparent, j'ai dit à chaque jour l'état de l'inventaire.

Maintenant, M. le Président, on s'est rendu compte, effectivement, qu'il y a eu un problème de distribution. Est-ce que c'est entre le CHSLD privé et le CISSS? Est-ce que c'est entre le CISSS et le ministère? Il y a trois enquêtes, actuellement, qui sont en train de regarder le détail de tout ça.

Mais, M. le Président, je le répète, autour de la table on avait une réunion chaque jour, puis l'inventaire national n'a jamais été à zéro.

Le Président : Première complémentaire, M. le chef du troisième groupe de l'opposition.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : M. le Président, le premier ministre parle des inventaires, alors que nous, on parle des actions. Entre le 12 mars et le 10 avril, il ne s'est rien passé pour venir en aide aux CHSLD. Cette information-là a-t-elle été transmise, qu'on avait besoin d'aide, qu'on avait besoin d'intervention, d'arrêter, là, justement, la mobilité de la main-d'oeuvre, par exemple? On a un sérieux problème, à l'heure actuelle. Nous n'avons pas tous les faits, nous avons besoin d'une enquête publique et indépendante. Et on a besoin de responsabilité ministérielle. Quand le premier ministre va-t-il l'assumer?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bien, M. le Président, je répète que, dès le 15 mars, on savait qu'on manquait de milliers d'employés dans les CHSLD. On a mis en place Je contribue. Et malheureusement, M. le Président, on aurait aimé arrêter la mobilité de certaines infirmières ou préposés d'un CHSLD à l'autre, mais on pensait que, dans la balance des inconvénients, c'était mieux d'avoir des demi-employés dans chaque CHSLD que d'avoir des gens qui ne recevaient pas du tout de services. Donc, M. le Président, avec les ressources qu'on avait...

Le Président : En terminant.

M. Legault : ...on a fait notre possible.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef du troisième groupe d'opposition.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : M. le Président, les Québécois s'attendent à des réponses beaucoup plus claires sur la chronologie des événements et sur qui a fait quoi, qui a dit quoi à qui et pourquoi les actions n'ont pas été prises pour venir en aide aux CHSLD qui voyaient venir la catastrophe et l'hécatombe. Et la raison pour laquelle on demande une enquête publique et indépendante, c'est pour en tirer des leçons.

Pourquoi ne pas tenir cette commission d'enquête publique et indépendante pour faire la lumière sur tout...

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, c'est exactement le rôle de la coroner, d'aller au fond des choses. C'est exactement le rôle aussi de la Commissaire à la santé, d'aller au fond des choses. Et ce sont des personnes indépendantes, qui ont tous les pouvoirs. Même le chef du Parti québécois n'a jamais été capable de nous dire un pouvoir que n'avaient pas la coroner ou la Commissaire à la santé.

Ce qu'on a besoin, actuellement, ce n'est pas d'une quatrième ou d'une cinquième enquête, c'est d'agir. C'est ce qu'on est en train de faire.

Le Président : Question principale, M. le chef du deuxième groupe deuxième opposition.

Projet de construction d'un nouveau stade de baseball à Montréal

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. La saga des stades payés par des fonds publics a commencé avec le Parti libéral et l'amphithéâtre de Québec et elle pourrait bien se poursuivre avec la CAQ. Hier, on apprenait que le gouvernement envisage sérieusement de financer le stade de Stephen Bronfman avec de l'argent public. M. le Président, moi, mon «steamé», au baseball, je l'aime «all dressed», ketchup, mais pas d'argent public.

Sérieusement, là, M. Bronfman, je suis sûr que c'est un bon monsieur, je suis sûr que lui puis le premier ministre ont eu une belle jase sur le baseball, mais la famille Bronfman, elle est milliardaire, c'est une des plus riches au Canada. Puis Stephen Bronfman a été visé directement par les Paradise Papers, le scandale d'évitement fiscal. Très franchement, je ne pense pas que ce monsieur-là a besoin de l'aide financière des contribuables québécois. Je pense aussi que les contribuables québécois ont d'autres priorités.

Dans les quartiers centraux de Montréal, là, la priorité de Québec solidaire, ce serait le logement social. C'est de ça dont les familles ont besoin. On a besoin d'un ministre des écoles, on a besoin d'une ministre des CHSLD, on aurait besoin d'une ministre du logement social. Une affaire dont on n'a pas besoin, c'est d'un ministre du baseball.

Est-ce que le premier ministre peut se lever en cette Chambre et dire clairement aux familles québécoises qu'il ne mettra pas une cent de leur argent dans le stade privé de Stephen Bronfman?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, on a devant nous un chef de parti qui dit qu'il veut devenir premier ministre. Hier, il écrivait sur son compte Twitter, et je le cite : «En lisant les nouvelles ce matin, j'ai capoté. Mettre des millions dans une demi-équipe de baseball pendant que les aînés mangent de la bouette, c'est ça, la vision de la CAQ?» Ce matin, le même chef de parti nous parle de hotdogs «all dressed», ketchup. Puis il veut devenir premier ministre du Québec.

M. le Président, soyons très clairs. Contrairement à ce que dit le chef de Québec solidaire, il n'est pas question que notre gouvernement mette un sou des contribuables là-dedans.

Le Président : Première complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Bien, je suis content que le premier ministre rectifie les faits, parce qu'aux dernières informations, et selon ce que des gens dans son gouvernement ont dit hier, ce n'était pas la position du gouvernement du Québec.

J'aimerais que le premier ministre précise sa position. J'aimerais qu'il soit très clair sur le fait que le plan, ce n'est pas un stade à coût nul, donc un investissement du gouvernement du Québec compensé par des retombées économiques, mais qu'il n'y aura bel et bien pas un seul sou d'argent public investi dans le stade privé de Stephen Bronfman. J'aimerais que ce soit clair pour tout le monde.

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, le chef de Québec solidaire va devoir trouver un autre sujet pour faire des sparages sur ses comptes Twitter. Non, mais, je veux dire, ce n'est pas digne d'un chef de parti, ce qu'il fait sur...

Le Président : Je vais vous demander de faire attention, quand même. Non, jusqu'à maintenant ça va très bien, le ton est bon, les mots sont justes. Je vais vous demander simplement d'éviter, de faire attention... notion de faire en sorte qu'on utilise les bons mots, qu'on évite de faire en sorte que ça puisse déraper. Ce n'est pas le cas, et on ne le souhaite pas. Alors, je vais seulement vous demander votre collaboration et votre prudence dans les termes utilisés.

M. Legault : M. le Président, on a un gars qui vient nous dire, là, qu'il...

Une voix : ...

M. Legault : ...non, non, mais qu'il veut être premier ministre du Québec. Puis lisez ses messages, là. Ce n'est pas digne d'un chef de parti.

Le Président : Je vous demande de ne pas remettre en question — puis je m'adresse à tout le monde — la dignité des uns et des autres. Pas besoin d'aller là, je pense. Je vous laisse continuer, M. le premier ministre.

M. Legault : M. le Président, le chef de Québec solidaire nous dit qu'il veut faire de la nouvelle politique, qu'il veut faire ça moderne. Je n'ai jamais vu ça, de la bouette comme ça.

Le Président : ...demander encore une fois d'être prudents dans les termes, s'il vous plaît.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Poursuivons de bonne façon. Conservons les précieuses secondes pour la période de questions. Je vous demande de collaborer et d'éviter d'utiliser des langages qui pourraient porter... ou faire en sorte qu'on perde du temps précieux. M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Le premier ministre a raison sur une chose. Je vais me présenter aux Québécois, en octobre prochain, puis je vais leur soumettre très humblement ma candidature comme premier ministre. Ils me jugeront sur mon ton. Mais les Québécois le jugeront aussi, le premier ministre, sur son ton, notamment celui qu'il vient d'emprunter.

Tout le monde sait qu'il a rencontré M. Bronfman le 22 février dernier. Est-ce qu'il peut donc confirmer en cette Chambre que, lors de cette rencontre, c'est ce qu'il a dit à M. Bronfman, qu'il n'y aurait aucun sou d'argent public investi dans un stade de baseball à Montréal?

• (10 h 40) •

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, le chef de Québec solidaire parle de son ton, qu'il veut se présenter face aux Québécois. Et, par exemple, prenons le dossier des éducatrices. Non, non, mais il dit sur son compte Twitter, là, qu'on ne veut pas valoriser les éducatrices. Il sait... Savez-vous quoi? Il sait que ce n'est pas vrai. Il sait que le fond du dossier, c'est les employés de soutien. Mais ça ne le dérange pas ça, M. le Président, ça ne le dérange pas, de dire le contraire de la vérité sur son compte Twitter chaque jour.

Des voix : ...

Le Président : M. le... Mme la leader... Non! Mme la leader du deuxième groupe d'opposition, s'il vous plaît.

Mme Labrie : Écoutez, M. le Président, le premier ministre vient de prêter des motifs indignes à mon collègue. Le premier ministre sait aussi très bien que son gouvernement ne dit pas non plus les faits exacts à propos des négociations.

Le Président : M. le leader du...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Non. Deux secondes, deux secondes. On va tous être attentifs... S'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président : Et on perd de précieuses secondes. Alors, M. le leader du gouvernement, à vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, M. le Président, dans le cadre d'une question de règlement, je ne crois pas qu'on peut faire ce que... pourquoi est-ce qu'on se lève. Alors, la députée de Sherbrooke se lève pour prêter des intentions et imputer des motifs aussi. Alors, ça, sur la question de règlement, on ne peut pas...

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : M. le Président... (panne de son)... qui sont avérés et qui sont composés par le chef de l'opposition... — pardon, j'allais dire «l'opposition officielle» — par le chef de la deuxième opposition, pour l'instant, M. le Président.

Le Président : Bon, pour terminer sur ces notions, on n'a pas besoin d'épiloguer longtemps. Je pense que chacun est allé sur cette voie. Vous savez ma vision des choses, mon rappel à tous, je le refais à nouveau à ce moment-ci. Je vous demande de compléter où nous en sommes maintenant. M. le premier ministre, il vous reste à peine huit secondes.

M. Legault : Contrairement à ce que dit le chef de Québec solidaire, si jamais il y a un stade de baseball, ça ne va pas coûter un sou aux contribuables québécois.

Le Président : Question principale, M. le député de LaFontaine.

Enquête sur la gestion de la pandémie de COVID-19 dans les
centres d'hébergement et de soins de longue durée

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : M. le Président, est-ce que le premier ministre prend toute l'ampleur du besoin, de la nécessité pour les familles endeuillées de connaître la vérité? Est-ce qu'il prend toute la mesure de ce désir et de ce droit à la vérité pour les familles endeuillées?

Rappelons-le, 831 Québécoises et Québécois sont décédés dans les CHSLD entre le 12 mars et le 17 avril. Pendant ce temps-là, hier, le ministre de la Santé disait : Moi, je n'étais pas là au début de la crise. Plus tard dans la période de questions, il a dit : À mon arrivée, en juin 2020, j'ai eu accès à des documents, et là je peux vous dire qu'on n'a rien à se reprocher. C'est la vérité que l'on veut, M. le Président. Hier, on a vu Annick Lavoie, qui représente 59 CHSLD, M. le Président, alerter le sous-ministre adjoint chargé de la logistique, des équipements et de l'approvisionnement.

Le gouvernement savait, on veut savoir pourquoi ils n'ont pas agi.

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Encore une fois, je vais mettre les choses très claires. L'opposition demande une enquête publique, puis j'aimerais savoir ce qui n'est pas public de l'enquête du coroner présentement. Est-ce que l'enquête... est-ce que les témoignages sont connus du public? La réponse, c'est oui. Est-ce que l'enquête, elle est publique parce que les informations sont connues de tous? La réponse, c'est oui. Est-ce que la coroner a le droit de demander toutes les personnes qu'elle peut contacter? La réponse, c'est oui. Puis, savez-vous, M. le Président, son rapport, parce qu'on a confiance en elle, il sera aussi public, M. le Président.

Alors, je redemande, comme le premier ministre l'a demandé souvent : Qu'est-ce que l'opposition veut de plus d'une cinquième enquête, alors qu'on doit faire confiance à nos institutions? Et, je le répète, les Québécois veulent savoir ce qui s'est passé, et c'est exactement ce que la coroner est en train de faire, M. le Président. Alors, je redemande à l'opposition : Qu'est-ce qu'on aurait de plus que l'excellent travail qui est fait par Mme Kamel en ce moment et qui est très public dans toute cette documentation et les témoignages qui sont là? Merci, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de LaFontaine.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Ce qu'on veut savoir : Pourquoi, quand, le 20 mars, le sous-ministre adjoint chargé à la logistique des équipements et de l'approvisionnement a été mis au courant qu'il y avait une crise, qu'il manquait de l'équipement, pourquoi le premier ministre est allé dire : On a assez d'équipements, il n'y en a pas besoin, je veux rassurer tout le monde? Pourquoi le lendemain, le 21 mars, Mme Natalie Rosebush, sous-ministre, qui était dans la cellule de la crise, assise à côté du premier ministre, pourquoi, quand elle aussi a été avisée... pourquoi la ministre a dit : On est corrects pour quelques semaines? Pourquoi?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Je vais être très clair, M. le Président, c'est exactement pour ça qu'on a une enquête de la coroner. C'est exactement les questions qu'elle pose. Et, quand elle juge bon, M. le Président, de revenir et de demander des précisions sur ce qui a été dit, au fur et à mesure qu'elle pose ses questions, au fur et à mesure qu'elle a de la nouvelle information, au fur et à mesure qu'elle a des réponses à ses questions, qu'est-ce qu'elle fait? Elle conclut, elle avance dans son enquête.

Elle a décidé d'extensionner l'enquête jusqu'à l'an prochain. Tout le monde salue cette décision-là parce que c'est une femme que l'on reconnaît, qui est une excellente coroner et qui va aller au fond des choses. C'est exactement son travail. Merci, M. le Président.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de LaFontaine.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Pourquoi le ministre de la Santé ne répond pas aux questions? Pourquoi le ministre de la Santé a-t-il besoin que ce soit la coroner qui enquête sur six CHSLD et une RPA, M. le Président? Pourquoi ne répond-il pas pour l'ensemble de l'oeuvre? Pourquoi, l'ex-ministre de la Santé, qui est assise derrière lui, nous n'entendons pas ici, en cette Chambre, sa voix à des questions que se posent les familles endeuillées, M. le Président? Pourquoi le premier ministre disait le contraire de la vérité, que le gouvernement savait?

Des voix : ...

Le Président : M. le... S'il vous plaît! M. le... C'est non, évidemment. Je vais être obligé, M. le député de LaFontaine, de vous demander le retrait sur la fin de votre question. Vous avez... Non, vous avez sous-entendu que le premier ministre... Vous comprenez. Alors, je vous demande le retrait sur votre...

Une voix : ...

Le Président : Retiré. M. le leader du gouvernement.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, on voit que l'opposition...

Le Président : Question de règlement.

M. Jolin-Barrette : Non, non, non, sur...

Des voix : ...

Le Président : Ah! vous êtes en réponse? Je m'excuse. Vous êtes en réponse, M. le leader de l'opposition officielle... M. le leader du gouvernement. Je m'excuse. Erreur de ma part.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, je n'en pose... je n'interviens pas tant que ça sur des questions de règlement.

M. le Président, c'est un sujet qui est fort sérieux, et il y a plusieurs enquêtes qui ont cours, présentement, avec tous les pouvoirs associés, tous les pouvoirs associés : les pouvoirs de contrainte, les pouvoirs de demander des documents, le pouvoir d'entendre les témoins qui sont voulus.

L'opposition, et on le voit avec l'attitude et le ton des questions du député de LaFontaine, veut faire le procès, M. le Président, du gouvernement, veut faire le procès de la COVID. Pourquoi, M. le Président? Pourquoi? Le fait de poser la question, M. le Président, tout le monde en cette Chambre le sait, pourquoi le député de LaFontaine pose cette question-là.

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, on va laisser les enquêtes faire leur cours et on aura les résultats...

Des voix : ...

Le Président : Question principale, Mme la députée de Gaspé. Nous vous écoutons.

Amélioration de la sécurité sur la route 132 en Haute-Gaspésie

Mme Méganne Perry Mélançon

Mme Perry Mélançon : Merci, M. le Président. Je me lève en Chambre ce matin pour souligner les actions rapides des équipes régionales d'urgence du MTQ et des élus de la Haute-Gaspésie pour assurer la circulation sur la route 132 après d'importants dégâts causés par les hautes marées la fin de semaine dernière. Encore une fois, le village de Marsoui a passé proche d'être coupé du monde, mais on a pu éviter le pire sur le seul lien routier majeur de la Gaspésie.

M. le Président, c'est la troisième fois que ça survient. Il y a eu la tempête Arthur en 2013, puis en 2016, et encore cette année. On vient juste d'investir 9 millions pour rendre ce tronçon-là précisément plus résilient aux changements climatiques. Et on peut être certains d'une chose, il y aura d'autres tempêtes. Ça nous prendra une meilleure concertation et un plan d'intervention clair pour se préparer au pire scénario.

Est-ce que le ministre des Transports peut confirmer à la population qu'il va former un comité rassemblant la communauté, les élus, les experts et tous les ministères concernés?

Le Président : M. le ministre des Transports.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : M. le Président, on n'a pas attendu que le Parti québécois se lève pour agir rapidement. Et je m'explique.

La situation climatique apporte son lot de défis, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, et la semaine passée on a vu une situation de tempête assez importante, du côté de la Gaspésie, qui a endommagé une partie de la 132. J'ai parlé aux maires de La Martre et de Marsoui pour leur expliquer ce qu'on allait faire à très court terme, de façon urgente, et à moyen terme. Je leur ai expliqué que, rapidement, on ne devait pas enclaver la Gaspésie, d'entreprendre des travaux d'enrochement, de récupérer le muret qui est tombé dans le fleuve. On devait réparer de façon plus importante la route au printemps, mais on a décidé, donc, de le faire plus rapidement. Donc, ça, c'est la portion de la 132.

Pour le moyen et long terme, la députée l'a mentionné, la relation — ou les relations — de la direction territoriale avec les élus est très bonne. Maintenant, on a agi rapidement, suite à la situation climatique, répertorié 273 sites qui sont problématiques, oui, sur la Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, et de s'assurer que, pour la suite, on a un plan de match précis. Ça veut dire quoi? On a donné un mandat pour réaliser une étude d'impact cet automne, en 2021...

Le Président : En terminant.

M. Bonnardel : ...qui va nous permettre... Puis je vais répondre par la suite à la question de la députée.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Gaspé.

Mme Méganne Perry Mélançon

Mme Perry Mélançon : Oui, M. le Président, le ministre nous parle d'une étude qui sera réalisée, là, d'ici 2024. Puis je l'ai dit, il y aura d'autres tempêtes. Les Gaspésiens ont le droit de connaître l'état actuel de la route 132, mais surtout, surtout, ce qui est prévu pour la renforcer face aux changements climatiques. C'est une question de sécurité. Il y a déjà un comité comme je le propose qui est formé aux Îles-de-la-Madeleine avec tous les ministères concernés, avec la communauté, avec les élus, aussi, des Îles-de-la-Madeleine. J'ai besoin de savoir, pour ma région, est-ce qu'il y aura ce...

• (10 h 50) •

Le Président : M. le ministre des Transports, à vous la parole.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : Bien, c'est une très bonne question, M. le Président. Et, je l'ai mentionné, à court et moyen terme, ce sont des enjeux extrêmement importants et majeurs. Quand je parle d'études d'impact qui ont été données et qui seront faites dans les prochaines années, on se donne deux ans pour évaluer ces sites potentiellement importants qui seront à revoir, à refaire, on parle de 273 sites, là, il faut se donner le temps de bien faire le travail, par la suite avoir une audience sur... une analyse environnementale, que nous ferons, donc, pour ces 273 sites, pour être capables d'aller le plus rapidement possible et de s'assurer de sécuriser le réseau dans son ensemble, autant du côté de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Jonquière.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui. Le ministre des Transports nous parle de 273 sites pour l'ensemble de la péninsule et des Îles. Pourtant, dans son Plan pour une économie verte, dans la section Adapter les infrastructures aux impacts des changements climatiques, le ministre de l'Environnement, lui, il met un gros 1,5 million par année à partir de 2023 pour tout le Québec.

On voit bien qu'on n'y arrivera jamais avec des montants aussi dérisoires. Est-ce que le gouvernement va augmenter rapidement les montants en adaptation?

Le Président : M. le ministre des Transports.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : Bien, M. le Président, on va se donner le temps de faire le travail, d'évaluer, donc, ces 273 sites qui sont potentiellement à revoir, à refaire. Quand cette étude d'impact sera terminée, d'ici deux ans, il y aura une analyse environnementale qui sera faite par le ministère de l'Environnement, et par la suite on pourra identifier, donc, échéanciers, coûts, puis on mettra toutes les sommes possibles pour s'assurer de sécuriser la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine. Ça, les gens peuvent s'en assurer.

Et, dans ce travail qu'on aura à faire pour la suite des choses, à la question de la députée, oui, je ne dis pas oui ni non, mais on va travailler ensemble, avec les élus, pour s'assurer d'avoir une bonne compréhension des travaux qui seront à faire pour les prochaines années, du côté de la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine.

Le Président : Question principale, M. le député de Rosemont.

Enquête sur la gestion de la pandémie de COVID-19

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Merci. Il y a une dizaine de jours, M. le Président, j'ai demandé au ministre de la Santé une rencontre avec les collègues de l'opposition pour faire le point sur la COVID. Il a acquiescé, je le remercie. Il a même fait de cette rencontre une rencontre hebdomadaire, jusqu'à preuve du contraire. Encore là, merci.

Maintenant qu'on a son attention, est-ce que je peux lui rappeler qu'hier nous avons uni nos voix, dans l'opposition, pour demander ce que de plus en plus de gens demandent, au Québec, une commission d'enquête publique indépendante sur la gestion de la crise de la COVID?

Face au drame de la fillette de Granby, le gouvernement a agi, il a créé une commission. On le félicite, on s'en félicite. Même chose pour les problèmes avec les femmes autochtones à Val-d'Or, enquête publique élargie. On le félicite, on s'en félicite.

Maintenant, est-ce que le ministre pourrait joindre notre front commun, faire ce que doit et créer une commission d'enquête publique?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Bien, premièrement, M. le Président, j'apprécie beaucoup ce que le député de Rosemont vient de dire dans la première partie, le fait que, sous sa demande, il a initié... il nous a demandé si on pouvait faire le point sur la pandémie de façon régulière, étant donné tous les enjeux, ce que, à cette demande, j'ai accepté rapidement. Puis je pense que ça fait une communication avec l'opposition... D'ailleurs, l'opposition est là, et je pense que ça a fait, au cours des dernières semaines, de très belles discussions.

Maintenant, sur l'enquête publique, je pense que tout le monde comprend, puis c'est pour ça que j'ai dit tout à l'heure... puis, je pense, c'est important pour les gens de comprendre que l'enquête du coroner, et je le répète, M. le Président, elle est publique. Elle est publique, cette enquête-là. Les Québécois, par l'intermédiaire des médias, par l'intermédiaire des réseaux sociaux... est excessivement bien informé de ce qui se passe dans cette enquête-là de la coroner.

Alors, à ce moment-là, moi, je redemande au député, et je pense qu'il faut être très clair : Qu'est-ce qu'une enquête publique, selon leur définition, serait plus bonne... meilleure pour les Québécois...

Le Président : En terminant.

M. Dubé : ...alors qu'en ce moment il y a encore deux enquêtes qui sont en cours?

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Rosemont.

M. Vincent Marissal

M. Marissal : J'ai l'impression de voir un film que j'ai déjà vu dans ma carrière de journaliste. Une situation embarrassante. D'abord, le gouvernement balaie puis ridiculise les demandes d'enquête publique. Ensuite, le gouvernement nie. Puis ça finit toujours de la même façon, le gouvernement s'isole. Le gouvernement est là, il est isolé.

Alors, devant les demandes répétées, et parce qu'on veut avoir la lumière, est-ce qu'on peut finalement déclencher une réelle enquête publique qui fera la lumière sur ces milliers de morts?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : M. le Président... Puis je vais faire le point rapidement, là, sur les trois enquêtes dont on parle. Puis en plus on oublie aussi que le Vérificateur général va s'en mêler puis va prendre une quatrième approche, donc... Mais la Protectrice du citoyen a fait un excellent rapport. On en a pris connaissance, c'est terminé. Mais, en même temps, on a appliqué énormément de ses recommandations. Ça, c'est les bénéfices de cette première enquête là. Tout le monde voit bien les bénéfices, en ce moment, de l'information qui est portée à la connaissance du public avec l'enquête de Mme Kamel.

Troisièmement, ce qui est en train d'être préparé par la Commissaire à la santé, elle a fait un rapport d'étape...

Le Président : En terminant.

M. Dubé : ...elle a dit qu'elle déposerait...

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Rosemont.

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Prenons seulement la question de l'approvisionnement, dont il est beaucoup question cette semaine, au début de la crise, mais après aussi. On a une version romanesque, là, du gouvernement en James Bond sur les tarmacs à travers le monde, à la recherche d'équipement, puis on a la réalité, au Québec, de gens qui criaient à l'aide, de personnel soignant qui appelait dans nos bureaux en disant : On n'a même plus de masques, on n'a plus de gants, qu'est-ce qu'on fait?

Alors, est-ce qu'on pourrait, s'il vous plaît, par respect pour tous ces gens qui sont morts, leurs survivants et la population du Québec, avoir une vraie...

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Bien, écoutez, M. le Président, là, par respect pour les Québécois, là, je pense que de conduire trois et même quatre enquêtes, avec le travail que la Vérificatrice générale va initier... je pense qu'il y a un respect pour les Québécois d'aller au fond des choses. Et c'est exactement ce que les personnes qui sont responsables de ces enquêtes-là...

Sur la question de l'EPI, je pense qu'il y a beaucoup d'information qui est sortie, mais d'aller faire... de dire que c'est un James Bond et qu'on n'a pas pris ces choses-là au sérieux, je pense que c'est manquer de réalité de ce qui se passait au début de la pandémie. Je pense que tout le monde sait les conditions difficiles dans lesquelles la cellule de crise évoluait. Le monde était en panique...

Le Président : En terminant.

M. Dubé : ...par rapport aux équipements de protection, puis je pense que c'est important d'être respectueux de ce qui...

Le Président : Question principale, M. le député de Nelligan.

Guide de gestion du Programme d'action concertée
temporaire pour les entreprises

M. Monsef Derraji

M. Derraji : M. le Président, la semaine dernière, le ministre de l'Économie, en lien avec son pouvoir discrétionnaire, il nous a répondu que les critères étaient relativement simples, trois critères : société en sol québécois, société qui a des difficultés financières causées par la pandémie et, troisièmement, société qui pouvait redevenir rentable. Le premier, facile; les deux autres demandent du jugement. Et c'est là où on est rendu, le jugement. Quelques heures plus tard, le ministre a déclaré que le jugement était un peu élastique. En parallèle, en répondant la à Vérificatrice générale, le ministère a confirmé qu'il y avait un guide de gestion.

Aujourd'hui, une question très simple : Combien de guides il y avait au sein du ministère? Et est-ce que le guide a été appliqué dès le lancement du PACTE, ça veut dire le premier jour du lancement de PACTE, au mois de mars 2020?

Le Président : M. le ministre de l'Économie et de l'Innovation.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : Effectivement, M. le Président, comme je l'avais dit la semaine dernière, le 13 mars, l'économie est fermée, quelques jours après le programme Essor, pour PACTE, a été mis de l'avant avec des guides, avec des données. Et, effectivement, on a demandé aux gens d'Investissement Québec d'utiliser leur jugement, parce que de déterminer si les problèmes de liquidité survenaient à cause de la pandémie et, deuxièmement, si la compagnie pourrait devenir rentable dans le futur est une science inexacte. Il y a beaucoup de jugement impliqué là-dedans. Donc, on a demandé aux gens d'Investissement Québec : Prenez le temps pour regarder comme il faut les deux éléments.

Et, comme je l'ai dit la semaine dernière, il y a eu 1 400 projets qui ont été approuvés. Tous les projets, sauf une vingtaine, ont été approuvés automatiquement par Investissement Québec. Les 20 ou 25 qui sont passés au bureau du ministre, c'était leur recommandation, selon leur évaluation. Ils voulaient valider, effectivement, le jugement qu'ils avaient apporté était véridique.

Alors, dans tous les cas, ce sont des dossiers qui ont été apportés par Investissement Québec et non par le ministre. Et, dans tous les cas, le ministre et ses collègues au ministère ont accepté la recommandation d'Investissement Québec.

Le Président : Cela met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Nous passons maintenant à la rubrique des motions sans préavis, et je reconnais M. le leader du troisième groupe d'opposition. À vous la parole.

Demander au gouvernement de privilégier une approche globale misant sur la
prévention, en matière d'itinérance jeunesse, et s'inspirant de la vision et
des valeurs communes contenues dans la déclaration issue
du Forum prévention itinérance jeunesse

M. Ouellet : Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec la députée de Westmount—Saint-Louis, la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, le député de Bonaventure, le député de Chomedey et le député de Rimouski, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale reconnaissance que la prévention de l'itinérance jeunesse est une responsabilité collective de la société québécoise;

«Dans un souci de bienveillance et d'inclusion, qu'elle tienne compte du fait que les jeunes en situation précaire ont des besoins spécifiques, mais également des forces ainsi qu'un pouvoir certain d'autodétermination;

«En ce sens, qu'elle s'engage à défendre les droits des jeunes dans toutes les sphères de leur vie, ainsi qu'à impliquer concrètement et inconditionnellement ces derniers dans toutes les initiatives visant à faire reculer l'itinérance jeunesse;

«Enfin, qu'elle demande au gouvernement de privilégier une approche globale pour entamer un virage misant sur la prévention et s'inspirant de la vision et des valeurs communes contenues dans la déclaration issue du Forum prévention itinérance jeunesse des 18 et 19 novembre derniers.»

• (11 heures) •

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Il va y avoir consentement, sans débat. Mais j'ai peut-être manqué le début, le ministre délégué à la Santé et Services sociaux est également conjoint.

Le Président : Alors, c'est noté. À défaut, ce sera dans le procès-verbal, bien sûr.

Mise aux voix

Alors, consentement, sans débat. Je vous demande vos votes respectifs. M. le leader du troisième groupe d'opposition?

M. Ouellet : Pour.

Le Président : M. le leader du gouvernement?

M. Jolin-Barrette : Pour.

Le Président : M. le leader de l'opposition officielle?

M. Fortin : Pour.

Le Président : Mme la leader du deuxième groupe d'opposition?

Mme Labrie : Pour.

Le Président : M. le député de Chomedey?

M. Ouellette : Pour.

Le Président : M. le député de Bonaventure?

M. Roy : Pour.

Le Président : Mme la députée d'Iberville?

Mme Samson : Pour.

Le Président : Cette motion est donc adoptée. M. le leader du troisième groupe d'opposition.

M. Ouellet : Oui, merci, M. le Président. J'aimerais que cette motion soit transmise aux chefs des partis politiques, qu'ils puissent la mettre sur les réseaux sociaux, parce que c'est un message d'espoir qu'on envoie aux jeunes.

Le Président : Ce sera fait. Je reconnais, à ce moment-ci, Mme la ministre de la Culture et des Communications.

Rendre hommage à l'écrivaine Marie-Claire Blais et offrir
des condoléances à sa famille et à ses proches

Mme Roy : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la députée de l'Acadie, la députée de Taschereau, le député de Matane-Matapédia, le député de Chomedey, le député de Bonaventure et le député de Rimouski :

«Qu'à l'occasion de son décès, l'Assemblée nationale du Québec rende hommage à Mme Marie-Claire Blais, reconnue comme une des plus illustres écrivaines, scénaristes et dramaturges du répertoire littéraire francophone de sa génération au Québec;

«Qu'elle souligne sa contribution d'une quarantaine de romans, recueils de poésie et pièces théâtrales ou radiophoniques à la littérature québécoise, au cours d'une carrière de plus de six décennies, débutant avec son premier ouvrage, La belle bête, à l'âge de 20 ans;

«Qu'elle reconnaisse l'humanité de son oeuvre à caractère inclusif toujours empreinte de compassion, donnant la parole à des personnages vulnérables et diversifiés sur des thématiques avant-gardistes;

«Qu'elle rappelle que Mme Blais était récipiendaire de très nombreuses distinctions nationales et internationales, donc le prix Médicis en 1966 pour Une saison dans la vie d'Emmanuel ainsi que le prix Gilles-Corbeil de la Fondation Émile-Nelligan pour l'ensemble de son oeuvre, en plus d'avoir été nommée officière de l'Ordre national du Québec en 1995 et compagne de l'Ordre des arts et des lettres du Québec en 2016;

«Qu'elle transmette ses condoléances à sa famille, à ses proches, ainsi qu'à ses nombreux admirateurs au Québec et à l'étranger;

«Qu'enfin, elle observe un moment de recueillement en sa mémoire.»

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président, il y a un consentement pour un débat de deux minutes par intervenant dans l'ordre suivant : la ministre de la Culture et des Communications, la députée de l'Acadie, la députée de Taschereau et le député de Matane-Matapédia.

Le Président : Je comprends qu'il y a donc consentement pour qu'il y ait quatre intervenants pour la durée... et que la durée des interventions soit limitée à un maximum de deux minutes chacune, débutant par Mme la ministre de la Culture et des Communications. À vous la parole.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Avec son départ, le Québec perd l'une des auteures les plus talentueuses de sa génération. Sa première oeuvre, La belle bête, créée en 1959, est devenue un livre culte pour les jeunes professionnels, professeurs de littérature, et pour les lecteurs, qui lui resteront fidèles avec le temps. Son talent a été remarqué aux États-Unis et dans la francophonie, ce qui l'a incité à poursuivre et vivre de sa plume. C'était l'époque où une nouvelle génération se dévouait à créer une littérature en phase avec un Québec entrant dans la modernité. À ce titre, Marie-Claire Blais a créé un choc, car elle bousculait les diktats de l'écriture, usant des paragraphes et de la ponctuation d'une façon inédite et autorisant ses personnages à parler et agir avec la rudesse et la violence qui sont celles de la vraie vie.

Grâce au soutien de critiques et d'éditeurs éclairés, l'écrivaine de Québec a ensuite publié, en 1966, le roman Une saison dans la vie d'Emmanuel, qui a connu un succès mondial, remportant le prix Médicis et le prix France-Québec alors que les éditeurs de partout s'en emparaient, le traduisant en plus d'une dizaine de langues. Aujourd'hui, M. le Président, ce roman demeure l'une des oeuvres québécoises les plus lues dans le monde. Il a été suivi d'une vingtaine de romans, de quelque six pièces de théâtre et de recueils de poésie.

Inimitable, brillante et pleine de compassion dans ses oeuvres, Mme Blais est une immortelle de la littérature québécoise. Elle avait un style à la fois très descriptif et brutalement détonnant qui n'appartenait qu'à elle.

Parmi les nombreuses distinctions accordées à Mme Marie-Claire Blais, je mentionnerais, M. le Président, le prix Athanase-David, des Prix du Québec, la plus haute récompense remise par l'État en matière de littérature, qui lui a été décerné en 1982.

J'aimerais, M. le Président, que l'Assemblée se joigne à moi pour saluer la contribution à la culture québécoise de cette artiste d'exception qui nous a quittés le 30 novembre dernier. Merci, M. le Président.

Le Président : La parole est à vous, Mme la députée de l'Acadie.

Mme Christine St-Pierre

Mme St-Pierre : Merci, M. le Président. Il y a de ces grands écrivains pour lesquels on se dit : Ils n'arrêteront jamais d'écrire, ils ne mourront jamais. Marie-Claire Blais était l'une de celles-là. Son oeuvre, commencée en 1959, à 20 ans à peine, avec La belle bête, était un cri de liberté émanant de la «grande noirceur», une liberté qui s'est sans cesse affirmée par la suite dans des personnages poétiques d'enfants solitaires et révoltés, de familles dysfonctionnelles, de tendresse inassouvie et de transfiguration poétique au coeur d'une américanité portée par la francophonie. Une oeuvre de marginalité et de laideur. Qu'est-ce que la laideur, sinon une valeur sur l'échelle de la beauté?

Bien sûr, même les plus grandes voix ne sont pas éternelles, et, après une trentaine de romans en 60 ans, mais aussi des essais, des poèmes, des pièces pour le théâtre et la radio, et de nombreux prix, dont le Médicis, en 1966, Marie-Claire Blais s'est éteinte. Chez nous, on voudra dire que Marie-Claire Blais était une grande écrivaine québécoise, mais, dans les faits, il faudrait plutôt dire qu'elle était une grande voix littéraire de la francophonie, bien au-delà de nos frontières. Quand, une voix aussi rare, on la salue, quand on lui rend hommage, on ne l'oublie pas. Ce qui me fait dire, M. le Président, en y pensant bien, qu'au fond c'est vrai qu'elle ne meurt pas.

Alors, j'offre toutes mes condoléances, au nom de ma formation politique, aux proches et à la famille de Mme Marie-Claire Blais. Merci, M. le Président.

Le Président : Mme la députée de Taschereau.

Mme Catherine Dorion

Mme Dorion : La fille sauvage.

«Fille sauvage qui préparez le feu

Et qui, mélancolique, partagez avec cet homme

De silencieux repas,

Quand donc lui parlerez-vous?

«Longue est cette table qui vous sépare de lui,

Sévère votre regard,

Ne pourrait-il entendre jaillir de vos dents

Blanches et dures

Cette fraîche colère qui serait votre rire?»

Dans Existences :

«Les villes se sont écroulées sans bruit

Le ciel submergé de mouettes noires a coulé au fond des océans,

Ce n'était qu'une fin de journée comme les autres

Car en baissant la tête

Chacun avait pensé au lourd ennui

Lié à ses gestes jusqu'à l'éternité.»

Marie-Claire Blais, on l'a entendu, était reconnue internationalement, reconnue au Québec. On lui a donné des prix. Mais, comparée à d'autres auteurs aussi prolifiques ou aussi reconnus, elle est moins connue par le Québec que d'autres. Pourquoi? Premièrement, parce que c'est une femme discrète, et, deuxièmement, parce que c'était une femme. Et, en l'honneur de cette femme-là qui n'a pas eu la reconnaissance qu'elle aurait méritée si elle avait été moins discrète ou si elle avait été plus mise de l'avant, je trouve que ce serait le fun qu'on lui fasse un petit hommage supplémentaire, que ce soit une forme d'hommage national, qu'on nomme un lieu de son nom, qu'on fasse quelque chose ici, à l'Assemblée nationale, peut-être, où, je lance l'idée à tout le monde, ce serait une belle façon de reconnaître l'importance qu'on vient de souligner et qui devrait aller plus loin encore, à mon avis. Merci.

• (11 h 10) •

Le Président : M. le député de Matane-Matapédia, à vous la parole.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Mme Marie-Claire Blais, une grande dame, une grande dame de notre littérature, s'est éteinte. Son talent et son oeuvre, depuis, sont célébrés aux quatre coins du monde et de la francophonie, voire au-delà. Poésie, essais, théâtre, romans, elle aura touché à autant de genres littéraires qu'elle aura touché de gens par ses mots justes, humains et émouvants.

La grande militante indépendantiste Andrée Ferretti parlait de sa singulière singularité, comment elle l'inspirait à travers sa force, à travers son âme. Nous devons également souligner sa longévité sur la scène de l'écriture, ce qui n'est pas rien, ainsi que son esprit, de toute évidence, intarissable de mots, d'histoires et de parcours, souvent singuliers, atypiques, voire empreints de détresse et de violence.

Plusieurs récompenses prestigieuses sont venues jalonner sa carrière. On disait même qu'elle pourrait aisément, vu son calibre, être une candidate pour le Nobel de littérature. Nul doute que, malgré sa timidité, malgré son humilité, elle aura accueilli ces reconnaissances comme un baume, même si celles-ci ne constituaient d'aucune façon un moteur pour sa création.

Elle, Marie-Claire, quoique tout en douceur, était fille de la cruauté du monde, désireuse de sensibiliser à la différence, à la marginalité et aux défis qu'elles entraînent. Elle voulait que ses personnages vivent et soient entendus par-dessus le tumulte de l'existence pour semer l'espoir et la beauté sous toutes leurs formes.

Toute sa vie, Marie-Claire Blais fut une rebelle au coeur immense, à l'esprit courageux et libre, une femme inspirante. Elle se reconnaissait dans la jeunesse de toutes les époques, la trouvait inspirante, positive. J'espère qu'elle savait à quel point c'était réciproque, combien elle a contribué à faire émerger de nouveaux talents, de nouvelles vocations littéraires. Nous lui sommes très reconnaissants. Et nous pouvons avoir la certitude que son oeuvre magistrale, puissante et grandiose fera en sorte qu'elle demeurera vivante dans nos coeurs, vivante et libre, vivante et éternelle.

À tous ses proches, à tous ses admirateurs, à toutes ses admiratrices, j'adresse, au nom du Parti québécois, mes sincères condoléances. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président : J'invite maintenant les leaders parlementaires à m'indiquer le vote de leurs groupes sur cette motion, suivi des députés indépendants. D'abord, M. le leader du gouvernement?

M. Jolin-Barrette : Pour.

Le Président : M. le leader de l'opposition officielle?

M. Fortin : Pour.

Le Président : Mme la leader du deuxième groupe d'opposition?

Mme Labrie : Pour.

Le Président : M. le leader du troisième groupe d'opposition?

M. Ouellet : Pour.

Le Président : M. le député de Chomedey?

M. Ouellette : Pour.

Le Président : M. le député de Bonaventure?

M. Roy : Pour.

Le Président : Mme la députée d'Iberville?

Mme Samson : Pour.

Le Président : Cette motion est adoptée. Je vous demanderais de vous lever, à ce moment-ci, pour observer une minute de silence à la mémoire de Mme Marie-Claire Blais.

• (11 h 12  11 h 13) •

Le Président : Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

M. le député de LaFontaine, à vous la parole.

M. Tanguay : Oui, merci, M. le Président, je vous remercie. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la leader du deuxième groupe d'opposition, la députée de Joliette et le député de Chomedey :

«Que l'Assemblée nationale rappelle que l'entente collective avec les centres de la petite enfance — CPE — est échue depuis le 31 mars 2020, soit il y a plus de 20 mois;

«Qu'elle constate que la pénurie de personnel dans le réseau [des services] de garde est telle que nous assistons depuis plusieurs mois à des ruptures de services dans certains CPE;

«Qu'elle souligne que la négociation actuelle est essentielle afin de permettre la rétention du personnel dans les CPE et aussi, afin de recruter massivement les éducatrices et intervenantes nécessaires au développement du réseau;

«Qu'elle condamne le gouvernement qui laisse planer le doute quant à une loi spéciale pour mettre fin à la grève;

«Qu'elle condamne également l'utilisation des fonds publics pour financer des publicités gouvernementales au sujet des négociations actuellement en cours;

«Qu'elle exige que le premier ministre s'implique dès aujourd'hui dans la négociation afin de dénouer l'impasse qui complique grandement la vie de dizaines de milliers de familles québécoises.»

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Pas de consentement, M. le Président.

Le Président : Pas de consentement. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Je demande le consentement de cette Assemblée pour débattre de la motion suivante conjointement avec le député de Jonquière et le député de Chomedey :

«Que l'Assemblée nationale félicite l'économiste canadien David Card, professeur à l'Université de Berkeley, qui est l'un des récipiendaires 2021 du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel, notamment en raison de ses recherches qui ont démontré que l'augmentation du salaire minimum n'entraînait pas nécessairement une diminution du nombre des emplois;

«Qu'elle demande au gouvernement de présenter un plan d'augmentation graduelle du salaire minimum à 18 $ l'heure d'ici le 1er mai 2023, afin d'assurer une prévisibilité des hausses;

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement d'inclure dans le plan d'augmentation du salaire minimum des mesures de soutien pour les petites entreprises et le milieu communautaire.» Merci.

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Pas de consentement, M. le Président.

Le Président : Pas de consentement.

Avis touchant les travaux des commissions

Nous passons à la rubrique des avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, j'avise cette Assemblée que la Commission de la culture et de l'éducation poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 12 h 45 et de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

La Commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 7, Loi visant à faciliter le déroulement des prochaines élections générales provinciales dans le contexte de la pandémie de la COVID-19 et modifiant la Loi électorale, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 12 h 45 et de 15 heures à 18 heures, à la salle Pauline-Marois;

La Commission des transports et de l'environnement poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 102, Loi visant principalement à renforcer l'application des lois en matière d'environnement et de sécurité des barrages, à assurer une gestion responsable des pesticides et à mettre en oeuvre certaines mesures du Plan pour une économie verte 2030 concernant les véhicules zéro émission, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 12 h 45, à la salle Marie-Claire-Kirkland;

La Commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 5, Loi donnant suite à des mesures fiscales annoncées à l'occasion du discours sur le budget du 25 mars 2021 et à certaines mesures, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Marie-Claire-Kirkland. Merci.

Le Président : Merci.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Avis de sanction de projets de loi

À la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, bien, je vous informe qu'aujourd'hui, à 13 h 15, au bureau de Son Honneur le lieutenant-gouverneur, auront lieu les sanctions des projets de loi suivants : le projet de loi n° 3, Loi modifiant diverses dispositions législatives principalement dans le secteur financier; le projet de loi n° 200, Loi concernant la Ville de Montréal; le projet de loi n° 201, Loi prolongeant le délai prévu à l'article 137 de la Charte de la Ville de Gatineau; et le projet de loi n° 202, Loi concernant l'activité d'assureur de la Fédération québécoise des municipalités locales et régionales et la fusion par voie d'absorption de La Mutuelle des municipalités du Québec avec celle-ci.

Affaires du jour

La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour.

Et je suspends les travaux pour quelques instants. Merci à toutes et à tous.

(Suspension de la séance à 11 h 17)

(Reprise à 11 h 26)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, nous reprenons nos travaux, et je cède la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Schneeberger : Oui. Bon matin, Mme la Présidente. Alors, je vous demanderais d'appeler l'article 1.

Débats sur les rapports de commissions

Prise en considération du rapport de la commission qui a procédé à
l'audition
de certains sous-ministres et dirigeants d'organismes
en vertu de la Loi sur l'administration publique

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. À l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la Commission de l'administration publique qui, le 15 septembre, les 6 et 27 octobre ainsi que le 30 novembre 2021, a procédé à l'audition du ministère de la Famille sur sa gestion administrative et ses engagements financiers ainsi que sur le chapitre 2 du rapport d'octobre 2020 du Vérificateur général du Québec intitulé Accessibilité aux services de garde éducatifs à l'enfance, et à l'audition de la Société d'habitation du Québec sur le chapitre 4 du rapport d'octobre 2020 du Vérificateur général du Québec intitulé Programme AccèsLogis Québec : réalisations des projets d'habitation et en suivi de la recommandation 2.1 du 41e rapport de la Commission de l'administration publique. Ce rapport, qui a été déposé le 7 décembre 2021, contient des observations, des conclusions et cinq recommandations.

Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 95 du règlement, la prise en considération du rapport donne lieu à un débat restreint d'au plus deux heures et qu'aucun amendement n'est recevable. Je vous rappelle également qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 95 ce débat n'entraîne aucune décision de l'Assemblée.

Conformément à ce qui a été énoncé antérieurement par la présidence, la répartition des temps de parole dans le cadre de ce débat s'effectuera comme suit : 56 min 15 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 34 min 31 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 12 min 47 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 8 min 57 s sont allouées au troisième groupe d'opposition, puis 7 min 30 s sont allouées à l'ensemble des députés indépendants sous réserve d'au maximum de deux minutes par député. Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. Et, enfin, je rappelle aux députés indépendants que, s'ils souhaitent intervenir au cours du débat, ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Et, sans plus tarder, je cède la parole au premier intervenant, qui sera M. le député de Robert-Baldwin.

M. Carlos J. Leitão

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, c'est avec plaisir que je vous présente le rapport sur l'imputabilité de l'automne 2021, qui a été déposé ici hier, mardi. Je voudrais saluer tout d'abord les collègues membres de la Commission de l'administration publique. Encore cette année, je tiens à souligner que nous travaillons dans un climat non partisan et que nos mandats sont adoptés à l'unanimité. Cette collégialité nous permet d'accomplir un examen rigoureux de l'administration publique.

• (11 h 30) •

Pendant cette période de crise sanitaire, nous avons recommencé à nous réunir en personne lorsque c'est devenu possible. Nous avons toutefois profité de la visioconférence pour accueillir certains témoins. Ainsi, la commission a organisé deux auditions mixtes, c'est-à-dire qu'elles ont couvert un volet de gestion administrative et un volet de suivi des rapports du Vérificateur général. Nous avons d'abord entendu le ministère de la Famille sur l'accessibilité des services de garde éducative à l'enfance. Dans notre rapport, nous lui demandons un suivi régulier pour nous assurer que le développement de nouvelles places et l'ajout de main-d'oeuvre suivent les objectifs du ministère. Nous reviendrons un peu plus tard sur cet enjeu-là.

La semaine dernière, nous avons reçu aussi le président-directeur général de la Société d'habitation du Québec et son équipe pour discuter, entre autres, de sa gestion du programme AccèsLogis. Nous suivrons ces démarches au cours des prochains mois pour veiller aussi à la mise en place du nouveau programme de construction de logements sociaux et abordables. On reviendra aussi sur cet enjeu-là.

Par ailleurs, la commission a examiné 13 rapports annuels de gestion de ministères et organismes. Nous résumons nos constats au chapitre III du rapport sur l'imputabilité. J'aimerais mentionner que, dans l'ensemble, les rapports annuels sont de grande qualité. Nous avons pu constater le travail accompli sur la planification stratégique et la gestion axée sur les résultats au cours des dernières années. Cependant, dans plusieurs cas, l'information présentée sur les ressources financières nous a laissés sur notre faim, une situation que nous ne manquerons pas de rappeler aux ministères et organismes concernés afin d'assurer une gestion efficiente des ressources de l'État.

Mais revenons maintenant sur les deux auditions auxquelles j'ai fait allusion juste il y a quelques minutes. Alors, pour ce qui est du ministère de la Famille, je pense que c'est important de revenir un peu sur le rapport du Vérificateur général qui a déclenché cette audition et quels étaient donc les faits saillants du rapport du Vérificateur général? Alors, le rapport visait à vérifier si le ministère met en place des mesures efficaces et efficientes afin de remplir sa mission d'assurer l'égalité des chances pour tous les enfants d'accéder, en temps opportun, à des services de garde de qualité et adaptés à leurs besoins ainsi qu'à ceux de leurs parents.

À la suite de son audit, le Vérificateur général a émis cinq constats.

Numéro un : L'offre de places subventionnées ne suffit pas à répondre aux besoins des familles du Québec, et les familles qui ne peuvent en bénéficier doivent payer plus cher pour un service dont la qualité ne répond pas nécessairement à leurs attentes.

Le deuxième constat du VG : Les enfants de familles à faibles revenus sont sous-représentés dans les centres de la petite enfance des régions de Laval et de Montréal.

Troisième : Le guichet unique, La Place 0-5, ne permet pas une gestion efficace de l'accès aux services de garde. Il n'est pas à jour et l'information y est insuffisante.

Quatrièmement : L'encadrement des services de garde par le ministère est insuffisant et ne permet pas d'optimiser l'accès des familles aux services de garde, plus spécifiquement pour les enfants avec des besoins particuliers.

Et finalement : Le ministère n'atteint pas ses objectifs de création de nouvelles places subventionnées, ce qui l'empêche de répondre aux besoins des familles. Donc, ça, c'étaient les faits saillants du rapport du Vérificateur général.

Après discussions en commission, Commission de l'administration publique, avec la sous-ministre et son équipe, discussions très fructueuses, et très cordiales, et où des questions étaient posées et des réponses avaient été données, la Commission de l'administration publique a émis deux recommandations. Puis encore une fois, dans l'esprit de la commission, ces recommandations sont unanimes, donc c'est la commission qui a fait ces recommandations.

Première : «Que le ministère de la Famille transmette à la Commission de l'administration publique, au plus tard le 1er mars 2022, et, par la suite, tous les six mois jusqu'en septembre 2024, un portrait à jour du développement de nouvelles places en services de garde éducatifs à l'enfance. Que ce portrait comprenne, sans s'y limiter, les données suivantes :

«1° l'objectif de développement de places, le nombre de places en chantier, le nombre de places fermées et le nombre de places livrées;

«2° l'état de situation des appels de projets, dont le nombre de projets reçus et réalisés;

«3° le nombre d'enfants en attente d'une place.»

Et aussi : «Que le ministère présente ces données ventilées par région administrative...»

La deuxième recommandation : «Que le ministère de la Famille transmette à la Commission de l'administration publique, au plus tard le 1er mars 2022 et par la suite tous les six mois jusqu'en septembre 2024, l'état de situation de la main-d'oeuvre du réseau de services de garde [...] à l'enfance. Que cet état de situation comprenne notamment :

«a) une mise en relation des objectifs et des résultats des programmes incitatifs développés par le ministère, dont le programme de formation de courte durée, les bourses d'études[...] — etc.;

«b) le détail des ressources financières accordées à ces différents programmes incitatifs;

«c) le nombre de postes d'éducatrices qualifiées et non qualifiées à pourvoir[...]; et finalement

«d) le nombre d'éducatrices inscrites en formation technique.»

Alors, ces recommandations, qui ont fait suite à la discussion avec la sous-ministre, Mme la Présidente, s'insèrent dans le mandat de la Commission d'administration publique, qui ne questionne pas le bien-fondé ou pas d'un programme gouvernemental, mais la capacité du ministère de livrer ce programme gouvernemental. Donc, c'est sur ça et c'est dans cet esprit-là qu'on devrait, à mon avis, interpréter les recommandations de la commission. Donc, on veut s'assurer que la machine administrative est capable de suivre les objectifs que le gouvernement lui envoie.

La deuxième audition, Mme la Présidente, a eu lieu avec la Société d'habitation du Québec, la SHQ, et visait le programme AccèsLogis. Et donc je vais faire un peu la même chose, c'est-à-dire, Mme la Présidente, je vais faire un résumé des faits saillants du rapport du Vérificateur général qui a déclenché cette audition et, par la suite, les recommandations de la commission.

Alors, le rapport de performance du Vérificateur général portait sur la réalisation des projets d'habitation dans le cadre du programme AccèsLogis Québec. Plus précisément, il visait à déterminer si ces projets étaient correctement encadrés par la Société d'habitation du Québec, donc la performance administrative de l'organisme. Le Vérificateur général conclut que la SHQ n'assume pas adéquatement ses responsabilités quant à la gestion de ce programme.

À cet égard, il formule cinq constats. Le vérificateur note l'absence de stratégie d'intervention afin de maximiser l'aide aux ménages ayant des besoins en matière de logement. De plus, la société n'effectue pas d'analyse des besoins des ménages et de leur environnement socioéconomique, ce qui permettrait de mieux adapter les programmes. L'analyse des besoins est insuffisante lorsque vient le temps d'évaluer l'admissibilité des projets au programme AccèsLogis. Les besoins par type de clientèle ainsi que par répartition géographique des projets ne font pas l'objet d'un suivi satisfaisant.

Sur le plan d'évaluation financière des projets, le VG la pratique relève la pratique de ne pas contrôler le coût total, mais plutôt de plafonner la subvention à 50 % des coûts admissibles. D'autres pratiques problématiques sont décelées, notamment le fait que les coûts prévus sont trop peu documentés et que les barèmes financiers n'ont pas été mis à jour depuis plus de 10 ans.

Les groupes de ressources techniques, les GRT, sont des partenaires importants de la société. Ils jouent un rôle-conseil auprès des organismes qui développent les projets et sont les seuls à être reconnus pour le faire. Leur rôle et le fait qu'ils ont, pour la plupart, des territoires exclusifs leur donnent beaucoup de pouvoirs, encore une fois, selon la VG, dans la réalisation des projets dans le cadre du programme AccèsLogis. Cependant, ces groupes sont peu encadrés et aucune évaluation n'est réalisée pour assurer de leur intégrité et de leur indépendance envers les objectifs de développement.

• (11 h 40) •

Certains projets autorisés ne visent pas seulement la construction de logements sociaux et abordables. Notamment, l'audit présente des exemples de projets qui incluent des parties non résidentielles importantes, qui constituent un risque pour la réalisation de leurs parties résidentielles. De plus, d'autres projets sont menés pas des organismes dont les activités connexes présentent un risque pour la pérennité des projets résidentiels.

Alors, encore une fois, Mme la Présidente, une discussion s'est suivie avec le président-directeur général de la SHQ. Et d'ailleurs, comme c'était le cas aussi pour le ministère de la Famille, les organismes, donc la SHQ et le ministère de la Famille, souscrivent entièrement aux recommandations et aux constats du Vérificateur général. Et donc, ça, je pense, c'est un signe de bonne collaboration entre l'appareil administratif et le VG.

Alors, suite à la discussion avec le P.D.G. de la SHQ, la Commission de l'administration publique a émis trois recommandations.

Premièrement : «Que la Société d'habitation du Québec transmette à la Commission de l'administration publique, au plus tard le 1er mai 2022, son nouveau cadre de reconnaissance des groupes de ressources techniques — les GRT, comme vous avez mentionné tantôt.»

Deuxièmement : «Que la SHQ fasse rapport à la Commission de l'administration publique, au plus tard le 1er mai 2022, des progrès de la mise en place de son nouveau programme pour la réalisation de logements sociaux abordables.» Le gouvernement avait, dans la mise à jour du 25 novembre, parlé qu'un nouveau programme serait mis en place. Donc, la commission souhaiterait que, d'ici le 1er mai 2022, cette information soit transmise. «Que ce document résume la progression des portraits régionaux sur les besoins en matière d'habitation et la prise en compte des constats dressés par le Vérificateur général dans ses deux rapports d'audit sur le programme AccèsLogis.»

Et troisièmement : «Que la SHQ transmette à la Commission de l'administration publique le résultat des évaluations du Vérificateur général du Québec en suivi des recommandations formulées dans l'audit intitulé Programme AccèsLogis : réalisation des projets

Donc, ça, c'étaient les deux auditions que la Commission de l'administration publique a pu faire pendant ces trois mois.

Maintenant, le mandat de la Commission de l'administration publique reste le même, il n'a pas changé, et c'est celui d'être le lieu privilégié pour la reddition de comptes et le contrôle parlementaire. Il s'agit d'un de nos rôles essentiels comme parlementaires. Nous le savons tous, comme députés, nous sommes les contrôleurs de l'action du gouvernement. Il faut garder en tête, Mme la Présidente, que ce rôle évolue au fil des années, et nous sommes en constante réflexion pour nous adapter aux nouvelles réalités et aux meilleures pratiques en matière de gestion axée sur les résultats. C'est pourquoi nous avons participé, en septembre, à la conférence annuelle du Conseil canadien des comités de comptes publics organisée virtuellement à partir d'Edmonton. Il est toujours enrichissant de discuter avec nos homologues des autres provinces et des autres Parlements de leurs pratiques de reddition de comptes.

Cet automne, nous avons envisagé d'examiner, nous, la commission, examiner les états financiers consolidés du gouvernement en commission parlementaire. Il s'agit d'un mandat traditionnel du Comité des comptes publics, dont on a parlé avec nos collègues à Edmonton, mais qui n'incombe actuellement à aucune de nos commissions parlementaires ici, au Québec. Nous comptons poursuivre notre réflexion, au cours des prochains mois, à cet égard-là, surtout dans le contexte où les comptes publics du gouvernement, donc l'analyse consolidée des états financiers est rendue publique, à notre avis, beaucoup trop tard, dans le sens où cette année c'était lors de la mise à jour, donc le 25 novembre. Dans toutes les autres provinces canadiennes et au gouvernement fédéral, le dépôt des comptes publics est beaucoup plus tôt que ça, suite à la fin de l'année fiscale qui est le 31 mars.

Et donc le Québec est la dernière des provinces à rendre publics ses comptes publics. Et, lors de cette... quand c'est rendu public, il n'y a rien qui se passe. Il n'y a aucune commission parlementaire qui étudie les comptes publics, contrairement, encore une fois, aux autres provinces. Alors, nous continuons de réfléchir, quel serait le meilleur véhicule pour cet exercice important de reddition de comptes. Est-ce que ce serait la Commission de l'administration publique? Est-ce que ce serait la Commission des finances publiques? Quelque chose à réfléchir non seulement entre nous en commission, mais peut-être aussi que le président de l'Assemblée nationale, dans son projet de réforme parlementaire, pourrait aussi réfléchir à cet enjeu-là de comment est-ce qu'on pourrait procéder à cet égard-là. Surtout que pas plus tard qu'hier, par exemple, Mme la Présidente, lors d'une rencontre avec le ministre des Finances, dans une autre commission, la Commission des finances publiques, où on discutait de la mise à jour économique du 25 novembre, le ministre des Finances nous a dit très clairement, et c'est le cas, et c'est le cas depuis sept, huit, neuf ans, qu'il y a toujours une bonne différence entre les montants qui sont budgétés, lors d'un budget, et les montants qui sont dépensés par les ministères et organismes. Donc, cet écart-là, on... Le public et les parlementaires constatent cet écart-là seulement lors du dépôt des comptes publics. Donc, dans ce cas-ci, c'était seulement au mois de novembre. C'est un peu tard. Je pense qu'une discussion parlementaire de ces écarts-là beaucoup plus tôt dans l'année fiscale... Les autres provinces sont capables de déposer leurs comptes publics généralement vers le mois de juin, juillet, alors... et, par la suite, de procéder à un examen parlementaire de ses comptes publics. Je pense qu'on devrait aller dans cette direction-là, mais il va falloir que la Commission de l'administration publique poursuive sa réflexion, mais aussi que le président de l'Assemblée, par exemple, puisse prendre ça en considération aussi dans ces projets de réforme parlementaire.

Maintenant, à la fin de la période des travaux, Mme la Présidente, donc aujourd'hui, maintenant, demain, je constate que la commission remet son rapport avec encore plusieurs mandats à accomplir. Je me permets de rappeler à tous mes collègues ici l'importance des travaux de la Commission de l'administration publique pour améliorer la gestion de l'État québécois. Ces travaux, qui sont nécessaires, nécessitent du temps, nécessitent du temps pour nous réunir. Et franchement, Mme la Présidente, de septembre 2021 à novembre 2021, donc trois mois, deux auditions. Deux auditions en trois mois, ce n'est nettement pas suffisant surtout que nous avions, dans notre plan de travail, quatre ou cinq auditions qui sont déjà en retard.

Donc, encore une fois, je fais appel aux leaders, au pluriel, aux leaders des différents groupes parlementaires pour qu'on trouve le temps nécessaire à la commission de pouvoir continuer à jouer le rôle important qu'elle joue de contrôle parlementaire de l'activité du gouvernement.

Bien sûr, le travail de la commission ne serait pas possible sans la participation de tous les membres permanents et aussi les membres remplaçants qui exercent leur rôle de contrôleurs parlementaires dans un esprit de collégialité, et de transparence, et collégialité transpartisane aussi.

Nous pouvons aussi compter sur deux institutions précieuses, c'est-à-dire le Vérificateur général du Québec et le Protecteur du citoyen, qui alimentent nos travaux et prennent régulièrement le temps de nous présenter leur travail.

La commission reconnaît aussi le soutien d'une équipe chevronnée et méticuleuse. Je remercie tout particulièrement l'équipe du service des missions... des commissions, pardon, composée de notre secrétaire, Dominic Garant, mais aussi de Afiwa Gbonkou, Julie Godbout et Mathieu LeBlanc, ainsi que l'équipe du Service de la recherche, c'est-à-dire François Gagnon, Audrey Houle, Brenda-Lee Leblanc, Josée Levasseur, Xavier Méthé Mercier, Julie Paradis, Jules Racine, Michèle Rioux et Danielle Simard.

En terminant, Mme la Présidente, j'aimerais saluer M. Paul Lanoie. M. Paul Lanoie a pris sa retraite cet été, ayant ainsi quitté son poste de Commissaire au développement durable. M. Paul Lanoie, un économiste de renom, un spécialiste du développement durable, a contribué énormément à vulgariser ces enjeux-là avec ses rapports et avec ses discussions avec la commission et dans d'autres forums aussi. Et les membres de la commission et moi-même, nous avons grandement, grandement apprécié son expertise et sa rigueur.

Et finalement, Mme la Présidente, je tiens également à exprimer ma profonde gratitude à Mme Julie Paradis, du Service de la recherche, pour son précieux soutien au cours des dernières années dans le cadre de nos divers mandats. Je lui souhaite la meilleure des chances pour la suite de son cheminement professionnel. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

• (11 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Et maintenant je suis prête à reconnaître le prochain intervenant, et ce sera Mme la députée de Labelle.

Mme Chantale Jeannotte

Mme Jeannotte : Merci, Mme la Présidente. En tant que première personne à prendre la parole du côté gouvernemental dans le cadre du débat sur le dépôt du rapport de la Commission de l'administration publique, permettez-moi de faire un bref survol des travaux tenus cet automne. Nous allons donc revenir sur ces aspects.

Nous avons donc reçu, Mme la Présidente, la Vérificatrice générale à deux reprises en audiences cet automne, une première fois au mois de septembre, afin d'analyser la gestion du ministère de la Famille sur l'accessibilité aux services de garde en milieu éducatif à l'enfance. Nous avons entendu la sous-ministre, Mme Julie Blackburn, et son équipe nous expliquer de quelle façon ils comptaient régler les lacunes soulevées par la vérificatrice dans son rapport.

Nous avons reçu la Vérificatrice générale une seconde fois, plus récemment, à la fin novembre, afin d'analyser la gestion de la Société d'habitation du Québec par rapport à la réalisation des projets d'habitation du programme AccèsLogis Québec. Nous avons entendu le président-directeur général par intérim, M. Jean-Pascal Bernier, et son équipe avancer que les manquements identifiés par la vérificatrice allaient être pris en compte dans la nouvelle mouture du programme à venir. Je laisserai toutefois mes collègues développer plus en détail au sujet de ces auditions pour revenir plus largement sur les activités de la commission tenues cet automne.

Ainsi, comme je viens de le mentionner, nous avons procédé à l'audition du ministère de la Famille ainsi que de la Société d'habitation du Québec. Nous avons également procédé à l'analyse de rapports annuels de gestion et appréciation de la performance de cinq entités distinctes, soit la Commission municipale du Québec, l'Institut national de santé publique du Québec, le ministère de l'Éducation, la Régie de l'assurance maladie ainsi que le secrétariat du Conseil du trésor.

À la suite d'échanges et de la volonté de la commission, il a été convenu d'effectuer désormais des analyses sur l'ensemble des entités regroupées dans les quatre catégories prévues par la loi. S'ajoutent donc aux ministères et aux organismes budgétaires les organismes dont le personnel est nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique et les organismes dont la majorité des membres ou des administrateurs sont nommés par le gouvernement et dont au moins la moitié des dépenses sont assumées directement ou indirectement par les fonds consolidés du revenu.

Nous avons donc procédé à l'analyse de la qualité d'information de huit organismes non assujettis au chapitre II de la Loi sur l'administration publique. Cette analyse est basée sur l'information publiée dans les rapports d'activité des entités. Ces huit organismes sont la Commission des normes, de l'équité et de la santé et de la sécurité du travail, mieux connue sous le nom de la CNESST, le Conseil de gestion de l'assurance parentale, le Fonds de recherche du Québec—Nature et technologies, le Fonds de recherche du Québec—Santé, le Fonds de recherche du Québec—Société et culture, l'Office des professions du Québec, l'Office Québec-Monde pour la jeunesse ainsi que la Société de télédiffusion du Québec, Télé-Québec.

Alors, dans un cas comme dans l'autre, je laisserai également mes collègues développer plus largement sur ces deux aspects du travail réalisé cet automne. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Labelle. Et je cède maintenant la parole à M. le député de Masson.

M. Mathieu Lemay

M. Lemay : Merci, Mme la Présidente. Alors, tout d'abord, j'aimerais remercier mes collègues membres de la Commission de l'administration publique avec qui j'ai eu le plaisir de travailler aux nombreuses auditions que nous avons faites avec cette commission. Alors, plus particulièrement, j'aimerais souligner le travail du député de Robert-Baldwin, notre président, qui fait ça de main de maître, ainsi que nos vice-présidents, députés de Portneuf et de Jonquière, les membres de la commission. Et M. le député de Robert-Baldwin le mentionnait tout à l'heure, mais je voulais le faire moi aussi, de mon côté, merci particulier à Julie Paradis, qui est au Service de la recherche, qui nous a fait des excellentes analyses de rapports de gestion... annuels de gestion. Donc, merci beaucoup, Mme Paradis, pour vos travaux au sein de notre commission et bon succès dans votre prochain travail.

Alors, vous savez, Mme la Présidente, notre commission, elle a plusieurs compétences. Premièrement, on fait des vérifications des engagements financiers du gouvernement, on étudie des rapports annuels sur l'application de la Loi sur l'administration publique, on fait l'audition du Vérificateur général, son rapport annuel de gestion ainsi que l'audition des sous-ministres et des dirigeants des organismes publics. Donc, on a plusieurs compétences, Mme la Présidente, et nous avons aussi terminé plusieurs mandats au cours de la présente législature. Il y a plusieurs mandats aussi superintéressants que j'aimerais souligner aujourd'hui.

Dans le fond, on peut mentionner, en plus de toutes les analyses de rapports annuels, le suivi de la recommandation 1.3 du rapport du printemps 2021 de la commission, l'audition du ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et le suivi de la recommandation 3.2 du 40e rapport sur l'imputabilité, l'audition sur le rapport spécial du Protecteur du citoyen portant sur l'accès au Régime québécois d'assurance maladie aux enfants nés au Québec de parents au statut migratoire précaire, des sujets importants, Mme la Présidente, ainsi que l'audition du ministère des Transports du Québec sur le chapitre 2 du rapport de novembre 2019 de la Vérificatrice générale portant sur les activités du Centre de gestion de l'équipement roulant ainsi que plusieurs autres mandats que je ne mentionnerai pas, faute de temps, Mme la Présidente. Mais sachez qu'à chaque fois qu'on fait des auditions comme ça, on trouve des points, des recommandations, des conclusions, des observations, et ça mène à d'autres suivis. Donc, c'est pour ça que notre commission, effectivement, on a besoin de temps pour siéger pour faire notre travail adéquatement.

Alors, vous voyez, Mme la Présidente, notre rôle à la Commission de l'administration publique est essentiel pour la démocratie afin d'assurer la reddition de comptes des organismes publics et des ministères. Et, dans les derniers mois plus précisément, nos travaux y ont été entre autres consacrés, bon, bien entendu, à d'autres rapports annuels des ministères qu'on n'avait pas eu la chance de faire à date, mais on a aussi fait l'audition du ministère de la Famille, que le député de Robert-Baldwin a mentionné, ainsi que de la Société d'habitation du Québec, on a aussi examiné leurs états financiers consolidés du gouvernement.

Donc, moi, là, ce que je ferais, dans mon allocution, Mme la Présidente, je vais me consacrer plus en profondeur sur les travaux qu'on a faits avec la SHQ. D'ailleurs, c'était l'audition qui a eu lieu le 30 novembre dernier. Et avant d'aller plus loin sur ce sujet-là, ce serait important de rappeler certains faits entourant les travaux de la commission afin de mieux comprendre, là, dans quel contexte la dernière audition de la SHQ, elle a eu lieu.

Dans le fond, premièrement, en février 2020, là, notre commission, elle avait auditionné déjà la présidente-directrice générale de la SHQ et son équipe afin de faire suite à notre rapport de la VG sur le programme d'AccèsLogis Québec. Là, il y avait plusieurs éléments qui avaient été abordés durant cette rencontre, tels que l'administration du programme AccèsLogis, les critères d'admissibilité au programme et les besoins de logement social au Québec. Puis après cette audition-là, les membres de la commission, on avait déterminé que... on avait trois recommandations qu'on avait adoptées à l'unanimité dans un précédent rapport et qui concernaient spécifiquement la SHQ.

Premièrement, on avait dit : Bien, écoutez, ce serait intéressant que la commission entende à nouveau la SHQ à l'automne 2020 puis qu'on poursuive l'examen de sa gestion administrative ainsi que la conduite du programme AccèsLogis du Québec quant au sujet de la définition du revenu modeste, de la sous-capitalisation des fonds de réserve des organismes et du suivi réalisé auprès des ménages en attente d'un logement subventionné.

La deuxième recommandation, c'était que la SHQ devait transmettre à la commission, d'ici le 30 juin 2020, une revue des exigences légales qui limitent son travail dans le contexte de l'amélioration de ses pratiques.

Et notre troisième recommandation du temps était que la commission stipule que la SHQ devait rendre publique sa planification des besoins et les travaux réalisés au Nunavik d'ici le 30 juin 2020.

Donc, la SHQ, pour les deux dernières recommandations, elle a transmis les informations dans les temps requis à la commission. Cependant, la première recommandation, qui était de l'entendre à l'automne 2020, compte tenu du contexte de la pandémie, Mme la Présidente, ça a été reporté et on l'a entendue à l'automne 2021, ce que nous avons fait le 30 novembre.

Alors, suite à ça, bien, c'est sûr que nous, dans le fond, on voulait aussi regarder la recommandation 2.1 du 41e rapport sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics sur leur gestion administrative de la commission et on voulait aussi, en même temps, quand on revoyait la SHQ, étudier le quatrième chapitre du rapport d'octobre 2020 de la Vérificatrice générale portant sur le programme d'habitation AccèsLogis.

Ça fait que c'est là-dessus qu'on s'est penchés dans notre audition, puis les membres de la commission, on a pu échanger avec les représentants de la SHQ ainsi qu'avec la Vérificatrice générale du Québec. Puis ça a été quand même productif et constructif, ces échanges-là, Mme la Présidente, parce qu'on a... Bon, tu sais, oui, c'est sûr là, on a abordé plusieurs sujets, l'audit de performance notamment, mais avant d'aller dans le coeur, pour comprendre un peu où c'est qu'on s'en va... parce que, sérieusement, on était quand même préoccupés, là, on était... tu sais, on l'a marqué dans notre présent rapport, là, qu'on était insatisfaits, là, de l'absence de stratégies puis qu'on trouvait qu'il y avait un manque de rigueur, là.

• (12 heures) •

Mais, tu sais, avant d'aller là, Mme la Présidente, je veux juste vous mentionner le contexte de la SHQ, là. Puis, tu sais, c'est sûr que, dans le fond, avec le programme AccèsLogis... Ça a été créé en 1997. Après ça, le programme, bien, c'est d'offrir des logements sociaux abordables à des ménages à faibles et modestes revenus, des personnes avec des besoins particuliers en habitation. Puis c'est pour ça qu'AccèsLogis, ils oeuvrent avec des organismes développeurs, tels que des organismes à but non lucratif, des coopératives d'habitation, avec des villes mandataires, comme Québec, Montréal et Gatineau. Bon, tu sais, ces villes mandataires là, elles ont des rôles spécifiques pour développer. Mais, tu sais, après ça, on a aussi... Avant que tout se place, on a besoin de sécuriser le financement, puis c'est pour ça que nos organismes développeurs, ils doivent ensuite faire affaire avec des groupes de ressources techniques, on reviendra là-dessus, différentes firmes professionnelles, entrepreneuriales pour réaliser leurs travaux, parce qu'ils n'ont souvent pas l'expertise eux-mêmes pour les réaliser. Puis ce qu'on doit savoir, comme statistique, c'est qu'en date du 31 décembre 2019 ce sont 1 157 projets qui ont été réalisés, qui représentent environ 34 000 logements, qui ont été construits avec le programme AccèsLogis. Ça fait qu'il y a quand même du positif, là, mais, tu sais, je voulais quand même vous donner un contexte, Mme la Présidente, avant d'aller dans la partie plus croustillante, que j'appellerais.

Bon, ça aide qui, AccèsLogis? Ça aide les familles, des personnes seules, des aînés autonomes, des aînés en légère perte d'autonomie. Ça a aussi un volet pour aider les personnes ayant des besoins particuliers, telles que les personnes en itinérance, des jeunes en difficulté et des personnes victimes de violence, des personnes ayant une déficience intellectuelle. Donc, ça aide plusieurs personnes. Puis il y a aussi d'autres ménages qui sont desservis par AccèsLogis, qui bénéficient du Programme de supplément du loyer. AccèsLogis, ça détermine la proportion de logements d'un immeuble qui doivent être occupés par des ménages admissibles au Programme en supplément du loyer. Ça fait que c'est ça qui fait un peu l'historique, le contexte, là. Je trouvais important de le rappeler.

Mais, si on revient à notre... dans notre audition, dans le fond, la VG, elle, quand elle avait fait son audit de performance, bien, écoute, il y avait eu quand même quelques constats. Il y en avait cinq qui avaient été rapportés par la VG, là. Tout d'abord, la VG, elle remarque que la SHQ n'a aucune stratégie d'intervention, n'a réalisé aucune analyse lui permettant de s'assurer que ces programmes sont utilisés de façon judicieuse, ce qui inclut le programme AccèsLogis. Ça fait que c'est quand même préoccupant, là, tu sais, c'est... Quand c'est impossible pour la SHQ de déterminer si ces programmes permettent réellement de maximiser l'aide attribuée aux ménages, tu sais, on peut se poser des questions.

En plus, ça signifie que la SHQ, elle n'a aucun moyen de connaître les disponibilités et les besoins réels pour des logements sociaux et abordables dans les différentes régions du Québec. Ça, c'est une autre problématique, là, tu sais. Pourquoi est-ce qu'on en aurait plus dans une ville que dans une autre? C'est quoi, les besoins régionaux? On ne le sait pas. Les coûts des différents programmes d'aide à la pierre et d'aide à la personne, c'est un facteur important, qui n'est pas suffisamment pris en compte par la SHQ dans ses projets d'habitation. Ça fait que c'est correct d'aider à la pierre, c'est correct d'aider à la personne, mais est-ce qu'on pourrait faire une meilleure optimisation de nos ressources?

Il n'y a pas de stratégie globale de la SHQ. C'est difficile pour l'organisme de faire un suivi adéquat avec les différentes régions qui présentent moins de demandes. Ça fait que, tu sais, est-ce que c'est parce qu'ils n'ont pas fait de demandes qu'ils n'ont pas de besoins? On ne le sait pas, Mme la Présidente. La Vérificatrice générale, elle remarque aussi qu'AccèsLogis, c'est le programme qui est le plus dispendieux parmi l'ensemble des programmes d'aide aux ménages offerts par la SHQ. Ça fait qu'en résumé, là, le manque d'analyse sur les ménages ne permet pas à la SHQ de s'adapter les programmes qui ont des besoins sur les différents contextes socioéconomiques, puis c'est problématique.

Le deuxième constat que la VG, elle avait fait, c'était les besoins en matière de logements sociaux et abordables qui ne sont pas assez analysés lors de l'évaluation de l'admissibilité des projets au programme d'AccèsLogis. Et puis là, là-dessus, vu qu'il n'y a pas de cibles qui sont fixées par la SHQ quant au nombre de logements à construire par type de clientèle puis de territoire, bien, nous, on voyait un problème avec ça. Ça fait qu'il est difficile pour la SHQ d'analyser la pertinence des projets en fonction des besoins et locaux, plus particulièrement la répartition des logements entre les villes mandataires et les autres territoires. Ça, c'est un constat qu'on a fait. La VG, elle note également qu'il n'y a aucune base de données centralisée qui regroupe l'ensemble des ménages en attente d'un logement social ou abordable.

Bon, ça fait que, là, chaque organisme, il détient leurs propres données, mais qu'elles ne sont jamais partagées entre les organismes. Tu sais, Mme la Présidente, là, on est en 2021, là. On parle de déploiement de fibre optique à travers le Québec, là, pour justement partager l'information. Mais là on ne peut pas croire qu'en 2021 on est encore dans une situation où c'est que les données ne sont pas partagées, là. Ça fait qu'il me semble qu'on pourrait faire mieux de ce côté-là. Mais, par contre, la SHQ, elle nous a dit qu'elle prévoyait répondre à ces lacunes-là d'ici le 31 décembre 2021. Ça, c'est dans quelques semaines. Elle a spécifié dans son plan d'action que les cibles à atteindre par type de clientèle et par territoire seront accessibles et que le problème de la centralisation des données sera réglé d'ici cette date. Donc, on verra. Ce sera à suivre, Mme la Présidente. Puis, à ce moment-là, quand a fait l'audition, le 30 novembre, on se le rappelle, c'est la semaine dernière, la SHQ n'était pas en mesure de donner plus de précisions sur ces aspects lors de nos échanges. Ça fait qu'on va attendre au 31 décembre et on va suivre ça de près.

Le troisième constat de la VG, c'était que le coût total des projets du programme AccèsLogis, il n'est pas contrôlé par la SHQ. Vous voyez, tu sais, la hausse des coûts des projets... on n'effectue pas de contrôle financier lors d'évaluations de projets. On a relevé plusieurs pratiques problématiques quant à la SHQ, quant à l'évaluation financière des projets. L'une des pratiques consiste à plafonner la subvention à 50 % des frais admissibles plutôt que d'évaluer le coût total d'un projet. Ça fait qu'encore là, c'était problématique de ce côté-là. De plus, les coûts prévus d'un projet ne sont pas assez évalués, les critères financiers pour octroyer les subventions ne sont pas actualisés puis c'est difficile pour la SHQ de s'assurer que les fonds disponibles sont là pour réaliser les projets. Bref, plusieurs problématiques de ce côté-là.

Le quatrième constat de la VG, c'était que les groupes de ressources techniques ne sont pas suffisamment encadrés par la SHQ. Puis là, bien, quand on parle des GRT, là, les groupes de ressources techniques, c'est des acteurs quand même importants qui sont dans le développement des projets parce que c'est eux qui ont l'expertise, les compétences. Par contre, qu'est-ce qu'elle dit, c'est qu'on n'est pas en mesure de... tu sais, certains administrateurs, là, ne sont pas évalués, ça fait que, là, on ne peut pas... on doute des fois de l'intégrité, de l'indépendance qu'ils peuvent avoir avec d'autres sociétés qui participent au projet. C'est des lacunes importantes, Mme la Présidente. Il n'y a aucun mécanisme aussi qui existe présentement pour vérifier si les groupes de ressources techniques impliqués dans un projet sont en conflit d'intérêts. Donc, ça, c'est quelque chose qu'on a noté, Mme la Présidente, d'un enjeu assez important.

Ça fait que le dernier constat de la VG, qu'elle a fait dans son dernier rapport, c'était aussi que plusieurs composantes des projets admissibles n'étaient pas, en fait, admissibles par le programme. Ça fait que, là, on parle de parties non résidentielles qui sont incluses dans les projets qui sont supposés d'être résidentiels. Ça fait que, là, il n'y avait pas d'adéquation de ce côté-là. On a trouvé ça problématique. Ça fait que c'est sûr que je vous dirais qu'on est sortis de là un peu, là, préoccupés, là, tu sais, puis on était insatisfaits, là, puis on disait : Bien là, ça manque de rigueur, c'est inacceptable. Ça fait que c'est pour ça qu'on a formulé nos propres recommandations.

Donc là, je vais les présenter, on en a trois. Ça fait que, d'abord, on a dit, notre commission : On souhaite que la SHQ transmette son nouveau cadre de reconnaissance des groupes de ressources techniques au plus tard le 1er mai 2022.

Ensuite, que la SHQ fasse rapport, à la Commission de l'administration publique au plus tard le 1er mai 2022, des progrès de la mise en place de son nouveau programme pour la réalisation de logements sociaux et abordables. Que la recommandation stipule également que le document doit contenir les portraits régionaux sur les besoins en matière d'habitation et la prise en compte de constats dressés par la Vérificatrice générale dans ses deux rapports d'audit sur le programme AccèsLogis, puis que notre deuxième recommandation suggère également que la SHQ pourra être entendue de nouveau par la commission à ce sujet. Donc, on s'est gardé une porte pour l'auditionner de nouveau, Mme la Présidente.

Et, finalement, notre dernière recommandation stipule que la SHQ doit transmettre à la commission le résultat des évaluations de la Vérificatrice générale en suivi des recommandations formulées dans l'audit intitulé Programme AccèsLogis : réalisation des projets.

Donc, en conclusion, Mme la Présidente, là, c'est important de noter que l'audition était particulière considérant l'annonce récente d'un nouveau programme de logements sociaux et abordables dans la mise à jour économique du 25 novembre dernier. Ainsi, il n'y a aucun fonds qui ont été engagés dans cette mise à jour économique puisque, pour le programme AccèsLogis — donc, ça veut dire que, dans le fond, c'est pas mal la fin de ce programme-là — une refonte complète du programme AccèsLogis Québec est actuellement en cours auprès du ministère des Affaires municipales et de l'Habitation. On va attendre les détails. Tel que présenté précédemment, le programme AccèsLogis comportait plusieurs limites et des lacunes dans son fonctionnement, entre autres en ce qui a trait aux besoins spécifiques des régions, les groupes de ressources techniques, l'absence d'une stratégie d'intervention. Donc, il est plus que nécessaire de réformer ce programme afin de maximiser le nombre de projets de logement social abordable au Québec. Et les problématiques soulevées par la VG ainsi que de la commission seront certainement des éléments qui seront considérés dans l'élaboration du nouveau programme de logement social et abordable. Puis, même si AccèsLogis sera remplacé prochainement, bien, le travail qui est effectué par les membres de la commission demeure pertinent afin d'aider les ménages à faibles revenus du Québec. Merci, Mme la Présidente.

• (12 h 10) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Masson. Et maintenant je vais céder la parole à M. le député de Laurier-Dorion. Et je vous indique que votre formation politique dispose d'un temps de parole de 13 min 38 s.

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : Merci, Mme la Présidente. Donc, voilà, nous sommes ici pour nous prononcer sur l'audition de la Société d'habitation du Québec devant la Commission de l'administration publique, là, entre autres, et principalement beaucoup pour répondre aux inquiétudes, aux critiques, on va le dire, là, faites par la Vérificatrice générale du Québec à propos de la gestion de cette importante institution québécoise, là, la Société d'habitation du Québec, mieux connue, pour les intimes, comme la SHQ.

D'emblée, cette audition-là se produit peut-être un peu trop tard, parce qu'on vit depuis quelques années, tout le monde le sait, en plein milieu d'une grave crise du logement au Québec, là, qui affecte toutes, toutes les régions du Québec, là. Et voilà, c'est une crise du logement qui a différentes manifestations, mais elle se concrétise surtout par le manque de logements un peu partout à travers le Québec, dans les zones rurales, dans les grandes, les moyennes, les petites villes du Québec, dans les régions ressources, dans les grands centres, etc. Il manque de logements, il y a une construction insuffisante de logements pour permettre au marché de l'habitation de fonctionner correctement. Cela induit différents effets pervers, comme des augmentations abusives de loyer, comme les phénomènes de rénovictions, etc., là. Et, dans cet aspect-là, dans cette crise du logement là, la Société d'habitation du Québec devrait, à tout le moins, jouer un rôle central, essentiel afin de contribuer à atténuer les effets de cette crise et offrir un logement décent, accessible et adéquat à l'ensemble des ménages québécois, là. Pourquoi la SHQ a ce rôle-là? Parce qu'elle met en place des programmes qui aident les logements à... les ménages, pardon, à se loger convenablement à travers, principalement, deux programmes, là. Il y en a plusieurs, là, mais il y en a deux qui nous intéressent tout particulièrement ici, c'est le programme de construction de logements sociaux AccèsLogis et le Programme de supplément au loyer qui aide les ménages à payer leur loyer, là.

Et je l'ai mentionné tantôt, là, la crise du logement qu'on vit actuellement, là, est due principalement à une rareté de logements locatifs, en particulier, donc à un manque de construction. Et la SHQ, depuis presque trois décennies, a mis en place un modèle québécois dans le logement social tout à fait original et qui fonctionne jusqu'à présent. C'est le programme AccèsLogis, qui vise la construction de logement social sous la forme... sous deux formes, les coopératives d'habitation et les organisations sans but lucratif, les OSBL en habitation, ce qui permet... ce qui a permis la construction de plusieurs dizaines de milliers de logements qui, en quelque sorte, sont extraits de la logique du marché du logement locatif et assurent à des ménages, à 33 000, en quelque sorte... à quelque 33 000 ménages québécois de payer des loyers moins chers tout en assurant une pérennité à long terme, la permanence de ces ménages-là dans leur milieu. Et donc c'est un modèle éprouvé qui bénéficie à un très grand nombre de personnes et qui pourrait bénéficier à beaucoup plus d'autres ménages québécois, là.

Donc, pour les fins de la discussion, il est important qu'en ce moment, là, à la Société d'habitation du Québec, là... Il y a autour de 8 000 logements qui sont, permettez-moi l'expression, dans le pipeline de la construction de logements, donc à peu près 8 000 logements qui sont à différents stades de construction mais qui, pour la plupart, ne peuvent être livrés à des ménages qui ont besoin d'être logés parce qu'il manque du financement pour terminer la construction.

Donc, les membres de la Commission de l'administration publique ont entendu la Société d'habitation du Québec, là, et avec beaucoup d'attention, ont manifesté beaucoup d'inquiétude. Écoutez, je vous cite quelques débuts de phrases du rapport de la Commission de l'administration publique, là : «La commission soulève diverses questions liées aux différents constats du Vérificateur général[...].

«[...]Il est surprenant de constater que la société ne dispose pas de portrait des régions[...].

«[...]Le nouveau programme mérite plus de précision[...].

«[...]Il est inquiétant de voir le manque...»

Donc, des mots très diplomatiques pour exprimer une réalité qui, je pense, là, était très partagée par l'ensemble des membres de la commission, une très grande inquiétude par rapport, on va dire, à la productivité, le rendement de la Société d'habitation du Québec, là, dans le contexte de la crise du logement qu'on connaît.

Bref, la question centrale est : Que fait la Société d'habitation du Québec pour réabsorber la crise du logement qu'on vit au Québec, là? Que fait-elle pour le logement social? Que fait-elle pour mieux planifier le déploiement des logements sociaux dans les régions? Que fait-elle pour améliorer sa gestion très opaque? Que fait-elle pour... quels types d'analyses des besoins, surtout des besoins des différentes régions du Québec, produit-elle pour justifier ses différentes politiques, là?

La Vérificatrice générale du Québec a lancé des pistes de réflexion, et la Société d'habitation a répondu, selon moi, de façon insatisfaisante en renvoyant toutes les questions à un temps futur, là, et... mais il y a plusieurs questions qui demeurent concernant le faible taux de rendement de la Société d'habitation du Québec, là, surtout dans le domaine de la construction des nouveaux logements sociaux au Québec, là. Pourquoi, alors qu'il y a plus... au début de mandat de l'actuel gouvernement, il y avait 15 000 logements qui étaient approuvés et qui étaient supposément... qui devaient être réalisés dans une courte période de temps. Pourquoi la Société d'habitation du Québec n'arrive pas à livrer la marchandise, là? Est-ce dû à une mauvaise gestion, à une mauvaise planification? Et est-ce que les critères sur les coûts des constructions n'ont pas été indexés à travers les années? On connaît que les matériaux de construction ont connu une augmentation notable au cours des dernières années. Il y a un phénomène d'inflation. Est-ce que les critères ont suivi cette inflation-là? Est-ce que... pourquoi ces critères n'ont-ils pas été indexés? Est-ce un problème de gestion ou est-ce peut-être un problème de volonté politique, là, pour mettre les ressources nécessaires afin de débloquer ces projets qui sont déjà approuvés et en cours de réalisation dans différents stades de développement, là, ou peut-être les deux, problème de gestion et problème de volonté politique, là?

Et la SHQ nous a répondu que beaucoup de nos questions allaient se retrouver et allaient être répondues dans la nouvelle version... dans le nouveau programme qui est annoncé par le gouvernement, là, de construction de logements sociaux, un nouveau programme dont on ne connaît pas grand-chose pour l'instant, et ça nous a laissés sur notre faim, parce qu'on a besoin de ces réponses-là, et dont on sait seulement que le nouveau programme de construction de logement social va faire... va ouvrir larges les portes aux promoteurs privés, ce qui fait craindre à plusieurs que le programme d'accès de construction de logements sociaux soit dénaturé dans sa nature même. Mais, avant de se prononcer, on aimerait voir le programme, là, mais... et, en même temps, la SHQ, encore une fois, nous dit : Les réponses à vos questions se retrouveront dans la nouvelle mouture du programme AccèsLogis, là. Donc, on est devant... à la veille, on est à la veille d'un changement majeur du modèle québécois de logements sociaux, comme je l'ai dit tantôt, qui s'appuie fondamentalement sur les coopératives d'habitation et les OSBL d'habitation, donc des formules qui sont sous le contrôle des communautés, là, et nous nageons malheureusement dans l'incertitude la plus totale concernant les tenants et aboutissants de ce programme-là. Et, les questions que nous voulons poser à la SHQ, elle nous dit : Bien, attendez, on ne sait pas trop combien de temps, là, c'est dans le nouveau programme, là, que vous allez retrouver les réponses.

• (12 h 20) •

Plus fondamentalement, au milieu de tous ces grands questionnements et devant cette absence de réponse là aux membres de la Commission de l'administration publique de l'Assemblée nationale, là, il y a des questions essentielles qui se posent, en ce moment, là, sur l'avenir du logement social au Québec, là. Par exemple, on sait qu'il y avait une promesse de construire 15 000 logements, je l'ai dit tantôt, là, différents projets qui sont approuvés, qui sont financés, mais dont il manque du financement pour arriver à la livraison à des ménages qui en ont bien besoin, là. Il y en a... Bon, là, avec Mme la ministre de l'Habitation, il y a une différence d'opinions, les chiffres ne concordent pas, mais on peut dire qu'approximativement, sur les 15 000, il y en a, disons, 6 000, on va être généreux, 6 000 qui ont déjà été livrés, il en manque 8 000. Que va-t-il arriver avec ces 8 000 logements dans le nouveau programme qui va être annoncé on ne sait pas quand? Mais c'est une question qui est essentielle, parce qu'on a besoin et les familles du Québec ont besoin de ces 8 000 logements là, qui ont déjà été promis et qui sont déjà, en quelque sorte, en train d'être construits. Est-ce que ces logements-là... on va arrêter la construction de ces logements-là? On va les transférer au privé? On va les faire disparaître? Que va-t-il arriver avec ces 8 000 logements là? On a besoin d'avoir ces réponses-là.

D'ailleurs, il y avait 15 000 logements de planifiés, mais on n'en a pas annoncé de nouvelles unités de programmation de construction de logements sociaux. Mais, depuis qu'on a arrêté les nouvelles programmations, il y a 10 000 autres logements qui se sont inscrits, là, pour être réalisés dans le cadre du programme AccèsLogisactuel, dont plusieurs dans mon comté, plusieurs dans les comtés de l'ensemble des collègues ici présents à l'Assemblée nationale. Là, il y en a 10 000 autres. Que va-t-il arriver avec ces logements-là? On a besoin d'avoir ces réponses-là.

Maintenant, la crise du logement — et on la vit en ce moment, là, on ne peut pas attendre un an, plusieurs mois avant d'avoir la réponse à ces questions-là — la ministre de l'Habitation nous a promis une réforme qui va être annoncée sous peu, peut-être, je l'espère, en tout cas, dès les premiers mois de l'année 2022. Et on va voir en quoi ça consiste, ce programme-là. Mais, rapidement, la Commission de l'administration publique devrait reconvoquer la Société d'habitation du Québec, là, pour qu'elle réponde enfin au programme, là... aux questions des députés qui font partie de la Commission de l'administration publique, là. Il est temps de s'intéresser... que les députés de l'Assemblée nationale s'intéressent de façon très attentive à la Société d'habitation du Québec, parce qu'elle joue un rôle central dans la vie de milliers de personnes au Québec. On ne peut pas laisser aller les choses comme ça. Donc, la commission devrait être réentendue par la Commission de l'administration publique dès les prochains mois. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion, et maintenant je cède la parole à Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Joëlle Boutin

Mme Boutin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, c'est toujours un plaisir pour moi de participer à ce genre de débat, les débats sur la Commission de l'administration publique, avec mes collègues et les collègues qui font partie de la Commission de l'administration publique. Je pense qu'on a tous du plaisir, et surtout on prend ça à coeur. On fait ce travail-là avec rigueur, puis on voit la stabilité aussi des membres, puis ça démontre un peu notre intérêt. Ça fait partie du rôle de contrôleur du député, donc, d'auditionner les membres de l'administration publique, les hauts fonctionnaires, sur certains sujets qui nous préoccupent.

J'en profite également pour remercier, là, Mme Julie Paradis, qui a été la secrétaire sur la Commission de l'administration publique, qui vient de changer d'emploi, là, mais qui a fait un travail remarquable. Je pense que, sans les gens qui travaillent en soutien pour les commissions, surtout la Commission de l'administration publique, qui demande beaucoup de travail, on ne serait pas capables d'accomplir notre mission de contrôleur, de députés. Puis je tiens également à remercier Mme Leclerc, la Vérificatrice générale, qui, vraiment, là, a toujours un regard très éclairant sur divers sujets.

Alors, aujourd'hui, je vais vous présenter les constats, un peu, de l'audition du ministère de la Famille. Le 15 septembre dernier, on a entendu la sous-ministre de la Famille, Mme Julie Blackburn, sur la gestion administrative et les engagements financiers du ministère, mais également la Vérificatrice générale du Québec sur le chapitre 2 de son rapport d'octobre 2020 intitulé Accessibilité aux services de garde éducatifs à l'enfance. Alors, c'est un enjeu d'actualité, on s'entend, c'est quelque chose qui nous préoccupe tous en tant que parlementaires mais aussi en tant que citoyens. Moi, mes enfants ne vont plus à la garderie, mais on a tous passé par là, et on croit que tous les parents devraient avoir accès à un service de garde. Donc, c'est quelque chose qui nous préoccupe. Puis le politique a un rôle là-dedans, mais la fonction publique également a un rôle là-dedans, donc c'est important pour nous d'auditionner ce ministère-là à ce moment-ci du mandat, en fait, de la législature.

Tout d'abord, je peux énoncer quelques faits saillants qui, je pense, sont pertinents de mentionner. Je tiens à préciser que, la première année, il y a... une partie, en fait, de l'audition portait sur la première année du plan stratégique, parce que le ministère de la Famille a déposé un nouveau plan stratégique 2019‑2023, donc c'était la première année de réalisation de ce plan-là. Donc, c'était les premiers résultats, dans le fond, du plan stratégique. Ils venaient d'être publiés, donc c'était quand même pertinent de commencer à voir l'évolution de ça, parce qu'on se souvient que, dans le passé, le ministère de la Famille a été, un peu, jugé sévèrement, là, dans le bulletin des ministères. Puis, en 2018, il y a une commande du Conseil du trésor pour que tous les ministères, organismes fassent de nouvelles planifications stratégiques avec des éléments, là, excusez-moi l'anglicisme, là, des métriques ou des indicateurs de performances qui sont mesurables. Donc, le ministère de la Famille a dû se conformer à ça. Et je tiens à préciser, puis ça, c'est vraiment les fonctionnaires qui s'occupent de ce volet-là, la qualité du plan a quand même été soulignée par le Conseil du trésor, donc je tenais à le souligner également parce que 70 % des objectifs stratégiques identifiés pour l'année 2019‑2020 ont été réalisés. Les cibles touchaient, entre autres, l'évaluation de qualité éducative des services de garde, l'offre de services en pédiatrie sociale, les mesures de conciliation travail-famille et le soutien aux enfants handicapés. Donc, je tenais à préciser ça.

Ceux que nous avons entendu, bien entendu, la sous-ministre Blackburn, en lien avec, justement, le rapport de la Vérificatrice générale... Je vais commencer en mentionnant cinq constats qui ont été énoncés par la Vérificatrice générale, puis je tiens à préciser également que ce chapitre-là portait sur les années, puis ce n'est pas juste 2019, là, les années 2014 à décembre 2019. Donc, ça porte sur deux gouvernements. Il y a eu des changements, aussi, au niveau des sous-ministres, probablement au niveau de la haute fonction publique. C'est quand même important de le mentionner.

Donc, le premier constat de la Vérificatrice générale est que l'offre de places subventionnées ne suffit pas à répondre aux besoins des familles du Québec. Donc, on le sait, on a un système un peu inéquitable, en ce moment, il y a des familles qui ne peuvent pas bénéficier d'un service subventionné et qui doivent payer plus cher pour aller dans des services non subventionnés. Je le vis personnellement dans mon comté, j'ai beaucoup de services de garde qui sont non subventionnés. Et puis, là, pour ces années-là, jusqu'à 2019, il y avait quand même une inéquité dans le système.

Les enfants de familles à faibles revenus sont sous-représentés dans les centres de la petite enfance des régions de Laval et de Montréal. Ça, c'est le constat numéro deux, puis c'était un constat relativement important dans le chapitre 2. Puis là, quand on a auditionné, là, la sous-ministre Blackburn, on a réalisé que le ministère de la Famille n'a pas nécessairement un super bon portrait d'ensemble des besoins réels, là, par région. Puis la Vérificatrice générale a vraiment identifié que, dans certaines régions, donc Montréal et Laval, les familles défavorisées avaient difficilement accès à des services de garde subventionnés. C'est eux qui devraient avoir accès, donc, pas nécessairement des gens, là, qui se promènent en Porsche qui devraient juste avoir accès à Montréal, dans ces secteurs-là, à des services subventionnés mais plutôt des gens qui sont à faibles revenus. Et, actuellement, ils sont sous-représentés dans ces régions-là.

Troisièmement, le troisième constat était que le guichet unique, La Place 0-5 ans, ne permet pas une gestion efficace de l'accès aux services de garde, n'est pas à jour, et l'information y est insuffisante. On le sait, on a identifié un manque de transparence, là, sur le guichet 0-5 ans, plusieurs lacunes qui ont été identifiées, je vais avoir la chance d'en reparler un petit peu plus tard, mais c'est quelque chose qui a été quand même soulevé par la Vérificatrice générale, qui est quand même inquiétant, parce que c'est le système, c'est un système géré par un OBNL, c'est le système qui est utilisé pour que les parents puissent s'inscrire, demander une place. Je l'ai moi-même utilisé dans le passé. Puis là je vais en parler dans nos discussions, là, mais, entre autres, les garderies reçoivent des demandes de parents, mais ils ont le pouvoir de choisir. Donc, il y a certaines familles qui sont choisies selon d'autres... puis ça peut créer un système inéquitable. On se rappelle le constat précédent, que les familles à faibles revenus sont sous-représentées, bien, c'est peut-être lié aussi à ça. Elles ne sont peut-être pas choisies par les garderies.

Le quatrième constat est que l'encadrement des services de garde par le ministère est insuffisant et ne permet pas d'optimiser l'accès des familles aux services de garde, plus spécifiquement pour les enfants avec des besoins particuliers. Je vais avoir la chance d'en parler. Les besoins particuliers, on parle des enjeux de conciliation travail-famille, des enfants, dans le fond, qui ont des parents avec des horaires particuliers. On le sait, on a des pompiers, des infirmières, tout ce monde-là qui ont des horaires... qui travaillent parfois de nuit. Donc, il y a des enjeux et des besoins réels à ce niveau-là, puis la Vérificatrice générale, là, identifie une faiblesse, là, à ce niveau-là.

• (12 h 30) •

Et, cinquièmement, le ministère n'atteint pas ses objectifs de création de nouvelles places subventionnées, ce qui empêche de répondre aux besoins des familles. Jusqu'à dernièrement, la liste d'attente qui était... en 2020, en fait, 51 000 enfants étaient en attente d'une place, et ce nombre ne cesse d'augmenter. Donc, on le sait, c'est la mission numéro un... Une des missions numéro un, principales du ministère de la Famille, c'est d'offrir des places en garderie à tous les enfants du Québec. Il y a des places subventionnées, idéalement, on ne peut pas juste faire des places non subventionnées.

Donc, suivant l'exposé de la sous-ministre et de la Vérificatrice générale, mes collègues et moi, on était très passionnés, en fait, par rapport à ces sujets-là. Ce que j'aime — un mini-aparté sur cette commission-là — c'est qu'on est apolitiques, donc on est capables de discuter ensemble. Ça fait, là, on commence à travailler... on travaille depuis plusieurs mois ensemble, on se connaît, on est apolitiques, puis notre objectif, c'est vraiment, vraiment, vraiment de rendre imputable, là, la haute fonction publique, et qu'ils se sentent... qu'ils sentent l'obligation de répondre à nos questions.

Donc, il y a cinq sujets qui ont été abordés par les membres de la Commission de l'administration publique, là, suite à cet exposé. Premièrement, le premier sujet touchait le développement du réseau de services de garde éducatifs en enfance. Je viens juste de le dire, 51 000 enfants, à l'heure du rapport, là, de la VG, qui étaient en attente puis 37 000 enfants qui étaient prêts à intégrer le réseau, là. 37 000, ça correspond à l'engagement du gouvernement. Mais, tu sais, c'est beau, l'annoncer, mais il faut créer ces places-là. Donc, nous, on avait certaines inquiétudes par rapport à la capacité du ministère de la Famille de créer ces places-là en zéro... entre un objectif, un échéancier d'un à trois ans, donc. Et une des préoccupations est que le ministère n'a pas nécessairement un superbon portrait d'ensemble, un portrait régional des besoins réels à travers le Québec. Donc, ce qu'ils nous ont dit, c'est qu'ils sont en train de mettre en place un modèle d'estimation qui mesure le nombre de places requises dans plus de 1 000 territoires au Québec, mais c'est quelque chose de nouveau, là. Donc, nous, on les a beaucoup questionnés sur ça, sur leur capacité à livrer la marchandise, mais, premièrement, est-ce que vous avez un bon portrait d'ensemble, est-ce que vous savez exactement où est-ce qu'il faut créer des places? Puis c'est difficile, parce que, comme on le sait, La Place 0-5 ans, le site, c'est quelque chose qui est séparé du gouvernement pour plusieurs raisons qu'on connaît, puis ça va peut-être changer dans le futur, mais, à ce moment-là, où est-ce que le rapport de la Vérificatrice générale a été déposé, c'était la situation.

Un des enjeux aussi, c'est que la création des places est dépendante des projets soumis par les promoteurs. Donc, le ministère n'a pas le contrôle sur les projets... jusqu'à maintenant, n'a pas le contrôle sur les projets, donc les promoteurs déposent... On fait un appel d'offres, les promoteurs déposent des projets, mais le ministère n'a pas un contrôle direct sur l'échéancier, la livraison pour s'assurer du suivi, au niveau de l'information ça peut être difficile également, puis, lorsque les échéanciers ne sont pas respectés, bien, les places sont simplement redistribuées à un autre promoteur, ce qui fait que c'est un système où est-ce que beaucoup de parties prenantes sont impliquées, puis ça fait en sorte que nous, on avait des questionnements par rapport à la capacité du ministère de livrer, justement, ces 37 000 places là. C'est un objectif, mais c'est vraiment, outre d'être un objectif politique, c'est un besoin réel des familles. On le sait, on est en pénurie de main-d'oeuvre en ce moment, Mme la Présidente. On ne peut pas se permettre d'avoir des femmes, parce que c'est souvent des femmes, malheureusement, qui paient le prix, qui restent à la maison pour, justement, pour s'occuper des enfants. Tu sais, on n'est plus en 1950. Donc, c'est le temps de créer ces places-là puis que tout le monde ait le droit de travailler.

Le deuxième point qui nous a préoccupés, c'est au niveau de l'attribution des places dans les services de garde éducatifs à l'enfance. On le sait, l'objectif, là, du ministère de la Famille, c'est que toutes les familles québécoises devraient avoir accès à une place, idéalement une place qui réponde à leur capacité de payer, donc une place subventionnée ou une place où est-ce qu'elles peuvent recevoir un crédit d'impôt à leur juste valeur. C'est vraiment l'objectif, mais actuellement, dans le système, les parents ne peuvent pas nécessairement choisir leur service de garde.

Je l'ai un petit peu mentionné tout à l'heure, on s'inscrit sur La Place 0-5 ans, on marque notre territoire, on dit le type de garderie qu'on est prêt. Souvent, on marque tout parce qu'on a absolument besoin d'une place. Donc, ça va être garderie subventionnée, non subventionnée, CPE, tout. Je l'ai moi-même fait. Mais ensuite on envoie ça dans l'univers. Ça va dans le système. Puis ce sont vraiment les garderies qui reçoivent les demandes. Puis souvent, ce qui arrive, c'est que ce n'est pas nous qui choisissons, c'est vraiment, là, les garderies selon leurs propres critères de sélection.

Puis ça, ça peut créer des problèmes d'équité, donc, créer une iniquité dans le système. Des parents vont peut-être être choisis plus pour x raisons. Puis, en parallèle de ça, on le sait, là, combien de parents en appellent directement aux garderies. On essaie de faire de la séduction de garderie pour avoir de la place. Donc, c'est un système, moi, je trouve, qui crée de l'iniquité. C'était une préoccupation des membres de la commission, d'ailleurs.

Donc, justement, la place... La Vérificatrice générale, par rapport à, justement, La Place 0-5 ans, a mis en lumière plusieurs lacunes, là, de ce... Ce n'est pas un logiciel, là, mais cette plateforme-là. Elle dit que le nombre de places disponibles dans les services de garde n'est pas... Tu sais, c'est vraiment, vraiment un système qui est opaque, là. On ne sait pas le nombre de places qu'il y a dans chaque garderie. On ne sait pas le nombre d'enfants qui sont inscrits sur les listes d'attente des services de garde. On n'affiche pas le positionnement des enfants sur la liste d'attente.

Donc, il y a une liste d'attente, mais il n'y a pas vraiment de liste d'attente, on comprend. Tu sais, on s'inscrit, puis, après ça, il y en a qui attendent moins que d'autres puis il y en a qui attendent une éternité. Et puis le site n'indique pas clairement aux parents que les services de garde ne sont pas dans l'obligation de respecter la position des enfants pour combler leurs places. Donc, c'est comme si la liste d'attente n'est pas vraiment importante.

Puis il n'y a aucune information sur les plaintes ou sur les résultats d'inspection du ministère concernant les services de garde. Ça, c'est aussi une préoccupation du ministère de la Famille. C'est une préoccupation de la Vérificatrice générale, de nous également. Donc, c'est spécial, parce qu'on veut choisir un service de garde, mais on n'a aucune espèce d'idée des évaluations des services de garde. Puis c'est un enjeu, surtout dans les garderies qui sont non subventionnées. Je regarde le temps qui file, hein, je vais accélérer un petit peu.

La Vérificatrice générale a parlé des maternelles quatre ans qui pourraient être une piste... qui est une piste de solution, qui aident, justement, à surmonter la pénurie de places puis soutenir les enfants qui sont issus de milieux défavorisés, parce que c'est gratuit.

Le troisième point, bien, je vais y aller tout de suite au point de la main-d'oeuvre parce que je vois que le temps passe, là. Oui, on a parlé des enfants aux besoins spécifiques, mais il y a un enjeu qui nous a beaucoup préoccupés, c'est l'enjeu de la main-d'oeuvre. Parce que, oui, on veut créer 37 000 places, mais est-ce qu'on a la main-d'oeuvre nécessaire? La Vérificatrice générale, la sous-ministre de la Famille a dit : Pour pouvoir répondre à... combler, justement, ces places-là, il faut engager entre... d'ici cinq ans, il faut engager entre 10 000 et 13 000 éducatrices spécialisées. Donc, c'est énorme. Sur trois ans, il faut en engager près de 5 000, c'est beaucoup. Il y a beaucoup de programmes de recrutement qui ont été en place.

Encore là, une de nos questions, et, je me souviens, je pense que c'est moi qui l'ai posée, c'était : Avez-vous un portrait d'ensemble, actuellement, là, qui qui travaille où? Est-ce que les besoins sont en adéquation avec les programmes de formation? Comment ça se passe, le recrutement, actuellement, dans les programmes de formation au niveau des cégeps? Donc, on a senti qu'ils étaient en train de mettre ça en place, donc ils construisaient leur avion, là, en même temps qu'ils pilotaient.

Donc, nous, on avait ces préoccupations-là puis on les a encore, puis c'est le rôle de la Commission de l'administration publique de poser ces questions-là, parce qu'au niveau de la main-d'oeuvre, c'est crucial. Là, en ce moment, on a un système un peu inéquitable où est-ce que les garderies non subventionnées, et les garderies subventionnées, et les CPE se cannibalisent un peu les mêmes personnes. C'est dans tout le marché actuel, là, le marché du travail, il y a un enjeu de pénurie de main-d'oeuvre. Mais, dans les secteurs essentiels comme ça, le ministère de la Famille, c'est le rôle du gouvernement, doit s'assurer qu'on ait assez d'éducatrices dans les milieux de garde pour pouvoir créer ces places-là, parce que 37 000 places et 37 000 enfants, c'est beaucoup.

Juste en bref, là, actuellement, pour vous donner une idée de grandeur, là, actuellement, le réseau des gardes subventionnées, c'est 16 000... c'est presque 17 000 éducatrices qualifiées et près de 3 000 non qualifiées. Et le réseau de garde non subventionné, c'est près de 6 000 qualifiées et 2 000 non qualifiées, donc c'est énorme. Puis là il faut en rajouter à ça entre 10 000 et 13 000 $... 13 000 personnes, excusez-moi, sur cinq ans, donc c'est énorme. Il y a des programmes qui ont été mis en place, Parcours travail-études, programmes de bourses, il y a énormément d'efforts qui sont mis en place, j'ai l'impression qu'ils travaillent en accéléré, mais c'est ça.

Donc, suite à ces constats-là et ces discussions-là, la Commission de l'administration publique a émis certains constats qui sont quand même importants, puis je pense que ça vaut la peine d'en parler. Nous, dans le fond, notre objectif, c'est d'avoir un suivi serré et que les objectifs, là, se réalisent, du ministère de la Famille. Donc, nous, ce qu'on a demandé au ministère de la Famille, c'est que le ministère transmette à la Commission de l'administration publique, au plus tard le 1er mars 2022, et par la suite tous les six mois jusqu'en septembre 2024, un portrait à jour du développement de nouvelles places en services de garde éducatifs à l'enfance, et que ce portrait-là comprenne, sans s'y limiter, les données suivantes. Donc, c'est toute une question de données d'information, on veut savoir l'objectif de développement de places, le nombre de places en chantier, le nombre de places fermées et le nombre de places qui sont livrées, ce qui est superimportant, on peut bien en annoncer, mais il faut les livrer. Deuxièmement, l'état de la situation, les appels de projets, dont le nombre de projets reçus et réalisés, ensuite le nombre d'enfants en attente d'une place. C'est toutes des informations qu'on n'avait pas accès, on veut avoir accès à ça, on veut que la Commission d'administration publique ait accès à ces informations-là. Puis on a demandé que le ministère présente ces données-là, ventilées par région administrative si possible, parce que les régions ont toutes des réalités différentes.

• (12 h 40) •

Deuxièmement, on a demandé au ministère de la Famille qu'il transmette à la Commission d'administration publique, au plus tard, même chose, 1er mars 2022 et tous les six mois par la suite, un état de situation au niveau de la main-d'oeuvre du réseau des services de garde à l'enfance. Donc, pour s'assurer, justement, de voir qu'il y ait une adéquation, une mise en relation des objectifs et des résultats des programmes incitatifs développés par le ministère, dont le programme de formation courte durée, les bourses d'études, les aides au démarrage. On veut les détails des ressources financières qui sont attribuées à chacun de ces programmes-là, on veut le nombre de postes d'éducatrices qualifiées et non qualifiées à pourvoir dans chaque territoire du ministère, par région administrative, et le nombre d'éducatrices inscrites en formation technique.

Comme vous pouvez le voir, on prend notre travail très au sérieux, à la Commission de l'administration publique. Notre objectif, c'est justement de rendre l'imputabilité de la haute fonction publique beaucoup plus forte. Mais on veut s'assurer d'un suivi, puis c'est ça qu'on fait, je pense qu'on est en train de renforcer cette commission-là, ça nous tient à coeur, on veut un suivi plus serré. On veut que les ministères et organismes se sentent obligés de nous fournir des données, un état de la situation, un portrait pour que, justement, ensemble, toute la société, on puisse livrer la marchandise pour les Québécois et surtout pour les familles. Alors, merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. Et je cède maintenant la parole à Mme la députée de Lotbinière-Frontenac.

Mme Isabelle Lecours

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci. Tout d'abord, Mme la Présidente, je souhaite profiter de l'occasion pour saluer mes collègues de la Commission de l'administration publique. Le travail que nous effectuons au sein de cette commission est exigeant et rigoureux, et les exercices de reddition de comptes que nous supervisons sont indispensables à la mise en place de saines pratiques de gestion. C'est de cette façon que nous pourrons atteindre les plus hautes attentes de la population du Québec en matière d'administration publique.

Ceci étant dit, le débat d'aujourd'hui porte sur le dépôt du rapport des audiences publiques de la commission. J'aimerais plus précisément porter à votre attention l'audition que nous avons réalisée avec la Société d'habitation du Québec en suivi de la recommandation 2.1 du 41e rapport de la Commission de l'administration publique sur la réalisation des projets d'habitation du programme AccèsLogis Québec. L'audition a porté sur certaines recommandations du rapport sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes, ainsi que sur le chapitre 4 du rapport d'octobre 2020 du Vérificateur général du Québec, intitulé Programme AccèsLogis Québec : réalisation des projets d'habitation.

Tout d'abord, il faut noter que les rapports sont tous deux assez sévères avec la SHQ, particulièrement dans le cas du Vérificateur général. Les recommandations font état de plusieurs lacunes dans la gestion d'AccèsLogis, un des programmes phares de l'organisme. Par exemple, la VG note que la SHQ peine à se donner des objectifs clairs et à élaborer des indicateurs de performance, qui lui permettraient de mieux évaluer l'efficacité de ses programmes. Toujours selon le rapport, ces lacunes sont observables à la fois sur le terrain, dans la capacité de la SHQ à rendre à terme ses projets d'habitation, mais aussi concernant la gestion financière et le contrôle du coût final des projets une fois qu'ils sont réalisés.

À la page 10 du rapport du Vérificateur général, on peut lire que «selon notre examen d'un échantillon de 30 dossiers, les coûts engagés pour la réalisation des projets [...] sont 45 % plus élevés que la valeur foncière reconnue des immeubles». Donc, c'est énorme. La situation mérite clairement un redressement.

Fort heureusement, un changement est déjà entamé, selon le président-directeur général de la SHQ, qu'il nous a révélé lors de son audition. M. Jean-Pascal Bernier nous a tout d'abord rappelé que la SHQ a transmis son plan d'action à la commission en mars 2021. Les travaux se poursuivent à l'heure actuelle, notamment par une modification législative, l'élaboration d'un règlement visant à mieux définir la notion de revenus modestes, des ajustements aux formulaires utilisés ainsi que des précisions aux normes des programmes.

M. Bernier nous a aussi précisé qu'aucune réforme majeure n'a eu lieu depuis 1997, mais qu'un nouveau programme pour la réalisation de logements sociaux et abordables a été annoncé le 25 novembre dernier. Ce nouveau programme de construction de 2 200 logements abordables, annoncé par mon collègue le ministre des Finances la semaine dernière, pourra compter sur des crédits de 123 millions de dollars en cinq ans. En y ajoutant le montant cotisé par le gouvernement fédéral, ce montant atteindra 197 millions de dollars. À ces montants déjà importants s'ajoutera une aide directe au paiement des loyers pour les personnes à faibles revenus, soit plus de 35 millions sur cinq ans, doublée d'un soutien de 146 millions, aussi sur cinq ans, pour la modernisation du programme Allocation-logement.

Un autre constat inquiétant posé par la Vérificatrice générale concerne plutôt les portions logistiques et pratiques du programme AccèsLogis. La Vérificatrice générale a noté, dans son rapport, que les connaissances nécessaires à une application rigoureuse du programme étaient insuffisantes. On peut lire le constat suivant : «La SHQ n'a pas élaboré de stratégie d'intervention ni réalisé d'analyses lui permettant de s'assurer d'une utilisation judicieuse de ses programmes, dont le programme AccèsLogis Québec, afin de maximiser l'aide aux ménages ayant des besoins en matière de logement.»

Par exemple, il est primordial, selon moi, d'avoir une connaissance fine des besoins des différents types de clientèle. C'est uniquement de cette manière que l'analyse de l'admissibilité des requêtes reflétera véritablement la situation sur le terrain. Qu'en est-il des personnes en situation d'itinérance, des aînés autonomes ou en perte d'autonomie? Quels sont les besoins des familles nombreuses?

Vous savez, Mme la Présidente, un dossier qui me tient particulièrement à coeur est celui des femmes et des enfants victimes de violence conjugale. Une meilleure connaissance du milieu permettrait assurément à la SHQ de mieux évaluer les besoins pour ce type très particulier de clientèle qui, pour se sortir du piège de la violence et de l'intimidation, se retrouvent souvent dans une situation financière très précaire.

Notre gouvernement est activement engagé dans cette cause importante, et cela se reflète aussi dans le financement des maisons d'hébergement et des alternatives d'aide au logement pour les femmes victimes de violence conjugale. Lors du dernier exercice budgétaire, nous avons bonifié de 8,5 millions de dollars le budget des maisons d'hébergement. Nous avons aussi alloué 10 millions de dollars afin de consolider le réseau des maisons d'hébergement de deuxième étape pour femmes victimes de violence en situation postséparation. Au total, ce sont près de 407 millions de dollars sur cinq ans qui sont inscrits au budget pour lutter contre la violence conjugale et les féminicides. Une portion significative de ce montant-là est prévue pour l'aide au logement et l'hébergement d'urgence. L'argent est là, il est disponible, il faut maintenant travailler à ce que les projets voient le jour.

Avec le resserrement du marché locatif, les besoins en logements sociaux et abordables n'iront pas diminuant. Soyez assuré que les membres de la commission assureront un suivi serré avec la SHQ afin de l'inciter à améliorer ses pratiques de gestion et que ses projets soient menés dans les délais les plus courts, avec un souci de performance financière et logistique accru.

C'est en ce sens que la commission recommande que la Société d'habitation du Québec fasse rapport à la Commission de l'administration publique au plus tard le 1er mai 2022 sur les progrès de la mise en place de son nouveau programme pour la réalisation de logements sociaux et abordables. Les membres de la commission recommandent également que ce document résume la progression des portraits régionaux sur les besoins en matière d'habitation et la prise en compte des constats dressés par le Vérificateur général du Québec dans ses deux rapports d'audit sur le programme d'AccèsLogis. Merci, Mme la Présidente.

• (12 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée. Et maintenant je cède la parole à Mme la députée de Côte-du-Sud. Et vous disposez d'un temps de parole de 15 minutes.

Mme Marie-Eve Proulx

Mme Proulx (Côte-du-Sud) : Merci, Mme la Présidente. Je tiens à vous mentionner d'entrée de jeu que j'ai été nommée à la Commission d'administration publique en septembre, puis c'est, pour moi, une expérience fort pertinente et intéressante de pouvoir questionner, scruter, observer, analyser toutes les actions que fait le gouvernement au quotidien dans l'administration.

Comme députés, on a un rôle crucial et important d'être la voix des citoyens, mais aussi de s'assurer que l'État rende des comptes puis aussi de s'assurer que les choses sont faites convenablement. Puis la Commission d'administration publique nous permet de le faire de manière transpartisane. Donc, c'est vraiment un mandat important et crucial pour l'avancement tant des différents ministères que des différents organismes gouvernementaux. C'est un honneur, pour moi, de siéger à cette commission pour faire avancer ces dossiers. Aujourd'hui, Mme la Présidente, je vais vous parler des rapports de différents organismes. Donc, à l'instant, je débute.

Donc, depuis 2005, la Commission de l'administration publique examine les rapports annuels des ministères et des organismes publics soumis à certaines dispositions de la Loi sur l'administration publique. Depuis 2008, la commission concentre son attention non seulement sur la qualité de l'information relative à la reddition de comptes des entités placées sous son regard mais aussi sur leurs performances organisationnelles.

S'appuyant sur la définition retenue par le Secrétariat du Conseil du trésor, la commission estime que, pour être jugée performante, une organisation doit réaliser des activités qui couvrent l'ensemble de sa mission, atteindre des objectifs stratégiques, produire des services de qualité aux citoyens, utiliser des ressources de façon optimale.

Depuis 2017, la commission a élargi son mandat à l'ensemble des entités correspondant à l'une des quatre catégories définies à l'article 3 de la Loi sur l'administration publique. Elle réalise dorénavant deux types d'examens. Le deuxième type d'examen, qui est celui sur lequel je me concentrerai aujourd'hui, consiste en une analyse de la qualité de l'information. Elle s'intéresse aux organismes non assujettis ou assujettis en partie au chapitre II de la loi. L'exercice est basé sur l'information publiée dans les rapports d'activité des entités.

Le 6 octobre 2021, la Commission de l'administration publique a donc examiné les rapports annuels de huit organismes. Il s'agit, pour cette année, l'année en cours : la Commission des normes, de l'équité et de la santé et sécurité au travail, le Conseil de gestion sur l'assurance parentale, les Fonds de recherche du Québec — Nature et technologies, celui sur la santé, et celui... Société et culture. Aussi, on a analysé l'Office des professions du Québec, s'est ajouté à cela le rapport annuel de l'Office Québec-Monde pour la jeunesse et finalement nous avons étudié le rapport annuel de la Société de télédiffusion du Québec, soit Télé-Québec.

D'entrée de jeu, je vais aborder, là, les éléments qui sont sortis, ou qui ont émergé, là, de l'analyse qu'on a pu faire de la Commission des normes, de l'équité et de la santé et de la sécurité au travail. Donc, le rapport annuel de la CNESST était exhaustif, il brossait un portrait complet des activités de l'organisme. Les résultats obtenus, eu égard au plan stratégique, y étaient clairement présentés. Nous avons également pris acte de la décision de la CNESST de scinder un de ses indicateurs afin qu'ils reflètent davantage les délais qui lui sont non attribuables.

Néanmoins, nous nous sommes demandé pourquoi cet aspect n'a pas été pris en compte lors de l'élaboration de la planification stratégique au départ. La non-atteinte de la cible de trois engagements pris sur les services aux citoyens, dont celui visant à rendre une décision d'admissibilité dans un délai de 15 jours pour une réclamation relative à un accident de travail, était toutefois préoccupante, Mme la Présidente. Ces résultats mériteraient d'être davantage documentés.

De plus, le rapport présentait certaines données sur le traitement des plaintes, mais ni le nombre ni la teneur de celles-ci n'étaient indiqués. La publication de ces données ferait pourtant preuve de plus de transparence pour cet organisme fort important pour les travailleurs du Québec. Enfin, nous avons souligné que les excédants cumulés de l'organisme et du Fonds de la santé et de la sécurité au travail sont très élevés.

Deuxièmement, en ce qui a trait au Conseil de gestion de l'assurance parentale du Québec, le rapport annuel de 2020 était complet et répondait aux obligations de l'organisme en matière de reddition de comptes. Plusieurs données ont été publiées sur la mise en oeuvre du plan stratégique 2018‑2021. Toutefois, dans un souci d'amélioration continue, la commission invite le conseil à intégrer davantage d'indicateurs de résultats mesurables annuellement dans sa prochaine planification stratégique.

Il a été noté aussi que le conseil a une entente administrative avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale pour la gestion des relations avec la clientèle. Aussi, un certain manque de transparence du conseil et du ministère conduit la commission à s'interroger sur les efforts consentis à la qualité des services aux prestataires de l'assurance. À titre d'exemple, il était impossible de comprendre quels effectifs sont spécialement affectés au service à la clientèle du Régime québécois d'assurance parentale. La commission s'attend à de l'information plus complète dans une reddition de comptes rigoureuse qui doit décrire clairement l'utilisation des ressources.

Concernant les Fonds de recherche du Québec, tant le fonds Nature et technologies, celui de la Santé et de la Société et culture, qui sont gérés maintenant sous une même égide, les constats sur les rapports annuels de ces trois fonds du Québec étaient sensiblement les mêmes. Dans l'ensemble, les rapports répondaient aux exigences du Conseil du trésor. Plusieurs données présentaient les activités en détail, le tout accompagné de nombreux tableaux éclairants. Bravo! De plus, les trois rapports traitaient de façon exhaustive les résultats obtenus en lien avec le plan stratégique, donc il y a de la cohérence dans les gestes.

Pour la commission, les fonds doivent poursuivre leurs efforts pour atteindre les cibles de leur plan stratégique. Du travail reste à faire à cet égard. Par ailleurs, les trois fonds avaient prévu, pour 2019‑2020, un budget déficitaire. Deux d'entre eux ont conclu leur exercice avec un déficit. Donc, un des trois fonds a eu un surplus. Donc, bravo pour ça! Donc, on a dépassé les objectifs attendus.

En ce qui a trait au rapport sur l'Office des professions du Québec, cette dernière présentait un rapport annuel qui a répondu aux exigences. L'information publiée permettait de brosser un portrait complet de ses activités. Bien qu'il n'y soit pas tenu, l'office s'est doté d'un plan stratégique et d'une déclaration de services aux citoyens. Il en présentait les résultats dans son rapport annuel. L'Office est invité à poursuivre cette bonne pratique. Enfin, les données fournies sur l'utilisation des ressources étaient exhaustives.

Concernant maintenant l'Office Québec-Monde, la lecture de leur rapport annuel pour la jeunesse était toutefois plutôt compliquée. En effet, les données provenaient des Offices jeunesse internationaux du Québec, LOJIQ, soit de l'Office Québec-Monde pour la jeunesse, qui est assujetti en partie à la Loi sur l'administration publique, et de l'Office franco-québécois pour la jeunesse, qui ne l'est pas. Nous recommandons que l'organisation s'assure que les données soient séparées et ventilées entre les deux afin d'être en mesure d'apprécier les efforts et les résultats chacune. LOJIQ, pour sa part, s'engageait, dans sa déclaration de services aux citoyens, à rendre compte des résultats de ses engagements. Pourtant, le rapport annuel 2019‑2020 ne présentait aucune information à cet égard. Enfin, bien qu'il soit assujetti à l'obligation de consacrer 1 % de masse salariale à la formation du personnel comme le prévoit la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre, LOJIQ n'en faisait pas mention dans sa reddition de comptes.

Finalement, Mme la Présidente, en ce qui a trait à la Société de télédiffusion du Québec, soit Télé-Québec, le rapport annuel 2019‑2020 contenait beaucoup d'information sur la programmation de la chaîne télévisée. On y abordait aussi les autres plateformes et proposait plusieurs données sur les visionnements et l'auditoire. Les données sur la gestion des ressources étaient peu nombreuses mais éparses. La plupart des obligations liées à la reddition de comptes étaient néanmoins respectées. Télé-Québec a l'obligation de se doter d'un plan stratégique et de le déposer à l'Assemblée nationale. Nous avons été étonnés de lire dans le rapport annuel 2019‑2020 que, pour des raisons de concurrence, la chaîne ne divulgue ni son plan stratégique ni aucune information détaillée sur ses objectifs et leur atteinte. De plus, aucune donnée n'était fournie sur l'accès à l'égalité en emploi et sur la masse salariale consacrée à la formation du personnel. Donc, il aurait été important de le faire.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée...

Mme Proulx (Côte-du-Sud) : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Vous concluez? Alors...

Mme Proulx (Côte-du-Sud) : Ceci conclut les huit organismes. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Très bien. Merci. Je vous remercie.

Alors, compte tenu de l'heure, je suspends nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 1)

Le Vice-Président (M. Picard) :

 Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Aux affaires du jour, à l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée poursuit le débat sur le rapport de la Commission de l'administration publique.

Je vous informe du temps de parole qu'il reste à écouler pour la durée de ce débat : 5 min 42 s au groupe parlementaire formant le gouvernement, 15 min 49 s au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 9 min 36 s au troisième groupe d'opposition, pour un total de 31 min 7 s.

Je suis maintenant prêt à céder la parole à M. le député de Jonquière.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Alors, c'est toujours avec beaucoup de plaisir que je prends la parole sur les rapports... sur l'imputabilité de la Commission de l'administration publique. Vous savez à quel point c'est une commission qui est importante pour l'Assemblée nationale, qui est importante pour la reddition de comptes, on ne le dira jamais assez.

Dans nos fonctions de député, évidemment, il y a celle d'intermédiaire de la population qui nous a élus dans chacune de nos circonscriptions, il y a celle de législateur, donc de faire ou de contribuer, de participer à l'élaboration des lois en commission parlementaire, puis il y a celle de contrôleur. Celle de contrôleur c'est peut-être celle qui est un peu la plus méconnue, ou la plus théorique pour la population, ou, souvent, qui est trop ramenée à la période des questions où on assiste à un échange entre les partis d'opposition et le gouvernement puis les ministres sur les enjeux d'actualité. Mais un des gros volets de la reddition de compte et du contrôle de l'action gouvernementale, bien, ça se fait par la Commission de l'administration publique. Alors, c'est pour ça que c'est un travail très important qui est fait à la CAP et qui est fait de façon non partisane, comme vous le savez, parce que l'objectif, c'est d'entendre l'administration publique, les sous-ministres, les dirigeants d'organisme, des ministères, de l'appareil public de l'État sur la gestion de leur administration.

Donc, l'objectif de la Commission de l'administration publique n'est pas de questionner l'opportunité des choix gouvernementaux, ça, ça se fait à la période de questions, ça se fait à l'étude des crédits, c'est aussi de la reddition de comptes, mais le but de la Commission de l'administration publique, une fois que les choix politiques sont faits, c'est bien de savoir si la gestion est bien faite. Donc, c'est une reddition de comptes extrêmement importante, parce qu'au fond ça revient à quoi? À s'assurer que les impôts et les taxes des citoyens sont bien gérés en fonction des choix politiques du gouvernement.

Donc, on fait ça de façon non partisane. Nous rencontrons, à la Commission de l'administration publique, les sous-ministres, les dirigeants d'organisme. Moi, je suis membre de la Commission de l'administration publique presque sans interruption depuis 2014, ce qui est vraiment très apprécié de ma part, parce que c'est une commission, comme je viens de le dire, qui fait un travail tout à fait important. Et c'est un travail aussi, malgré le caractère un peu parfois... je pense que c'est juste un préjugé ou un stéréotype, mais le caractère un peu bureaucratique de notre travail, c'est vraiment un travail qui se fait pour les gens, pour les électeurs, pour les citoyens, les citoyennes, puis je veux en faire la preuve par l'intervention que je vais faire aujourd'hui sur le rapport de la commission.

Évidemment, on a travaillé en fonction de la réalité de la pandémie, donc parfois à distance, pas aussi souvent non plus qu'on aurait aimé le faire. L'agenda des parlementaires est très chargé. Et l'autre élément, c'est qu'on n'a pas un temps déterminé dans l'agenda parlementaire. Ça, c'est une revendication de longue date de la Commission de l'administration publique, une revendication que je répète aujourd'hui. Je sais que le leader parlementaire du gouvernement a présenté une réforme des règles qui nous gouvernent, des règles parlementaires, pour améliorer notre travail, pour améliorer les conditions entourant notre travail. On parle même de revoir l'aménagement du salon bleu, ce qui est tout à fait correct. Mais dans l'ensemble de ces réformes, dans l'ensemble des choses que nous devons améliorer pour bonifier notre travail au nom des citoyens et des citoyennes, c'est de faire en sorte qu'on ait un temps réservé, dans l'agenda parlementaire, pour la Commission de l'administration publique. Alors, je veux profiter de l'occasion, ici, pour le dire, pour le redire, pour le répéter. Je sais, M. le Président, que vous avez un rôle à jouer également parce que vous faites partie du bureau de la présidence. Vous avez l'occasion de pouvoir transmettre les messages parfois. Alors, j'insiste pour que nous ayons du temps réservé.

Les autres commissions ont du temps réservé parce qu'elles font de la législation. Donc, quand il y a un projet de loi qui se présente, bien, on réserve du temps pour que le projet de loi avance en étude détaillée, en auditions. C'est tout à fait correct. Mais la commission parlementaire de la Commission de l'administration publique, vu qu'elle ne fait pas de législation, se trouve à tomber entre deux chaises parce qu'il faut toujours qu'on négocie à la pièce les agendas puis le moment pour se rencontrer pour faire notre travail. Ce qui n'a aucun sens.

Alors, un des gestes forts, phare et fort, qui pourrait être posé par l'Assemblée nationale et dans l'éventuelle réforme, c'est d'accorder un temps déterminé, définitif, une fois par semaine, on verra le moment, mais pour que la Commission de l'administration publique puisse faire son travail. Et c'est le souhait que je transmets ici. Il y a plein d'autres choses, là, qu'on pourrait améliorer, notamment d'étudier les comptes publics, mais certainement au moins, je dirais, garantir un temps réservé pour le travail de la commission, ce serait fortement apprécié.

Maintenant, sur le fond des choses, il y a deux chapitres dans le rapport que nous avons sous les yeux aujourd'hui, le chapitre I et le chapitre II. Ça tombe bien, hein, il y a deux chapitres. Alors, le premier concernant l'audition du ministère de la Famille sur sa gestion administrative et sur l'accessibilité aux services de garde éducatifs à l'enfance, le deuxième chapitre sur l'audition de la Société d'habitation du Québec en suivi de la recommandation n° 2.1 du 41e rapport de la Commission de l'administration publique. Et je dois dire que, dans les deux cas, comme ça se fait souvent, d'ailleurs, à la Commission de l'administration publique, nous travaillons en étroite collaboration avec le Vérificateur général, qui est Mme Guylaine Leclerc présentement, que je salue et que je remercie pour sa grande collaboration.

Donc le Vérificateur général du Québec, comme vous le savez, M. le Président, fait des rapports de façon régulière sur un ensemble de sujets. Elle se donne ses propres mandats, parfois elle a des mandats de l'Assemblée nationale. Et, quand elle fait rapport, bien, elle vient nous les déposer à huis clos, les présenter auprès de la Commission de l'administration publique, puis, après ça, nous, on peut s'en saisir. Donc, dans le cas du ministère de la Famille, on a travaillé étroitement avec la VG, dans le cas de la Société d'habitation du Québec aussi.

• (15 h 10) •

Dans le cas du ministère de la Famille, la VG avait fait quand même des recommandations. J'en retiens cinq, des recommandations assez fortes, assez substantielles, assez critiques également concernant les services de garde éducatifs à l'enfance. Premièrement, elle nous disait que l'offre de places en service de garde est insuffisante par rapport aux besoins des parents. Deuxièmement, et c'était préoccupant, les familles à faibles revenus sont sous-représentées dans les services de CPE dans la région montréalaise, alors que les CPE, bien sûr, répondent à des besoins universels, mais l'objectif également des CPE était bien de faire en sorte que des parents, en particulier des mères qui doivent s'occuper des enfants... mais aussi leur donner l'occasion d'avoir des services de garde éducatifs de qualité qui vont leur permettre, dans certains cas, de pouvoir reprendre le marché du travail, de retourner dans une formation qualifiante dans un certain nombre de cas. Donc, les CPE sont un service universel pour faire en sorte que l'ensemble des familles puissent avoir un soutien pour améliorer leur situation. Donc, c'est sous-représenté, les places en CPE, dans la grande région de Montréal, pour les familles à faibles revenus. C'était questionnant.

La Vérificatrice générale nous disait également que le guichet unique pour les places 0-5 ans ne marchait pas bien, qu'il manquait aussi de l'encadrement des services de la part du ministère, des services de garde à l'enfance, et les objectifs de création de places n'étaient pas remplis. Donc, cinq recommandations, cinq constats de la Vérificatrice générale, très sévères envers le ministère de la Famille.

On a, à la Commission de l'administration publique, procédé à l'audition du ministère de la Famille sur ces enjeux-là avec la Vérificatrice générale et on est venu à la conclusion de proposer deux recommandations, dont la première, qui est de faire en sorte que le ministère de la Famille transmette à la Commission de l'administration publique, au plus tard le 1er mars 2022, donc, c'est très bientôt, et ensuite à tous les six mois, jusqu'en septembre 2024, un portrait à jour du développement de nouvelles places en service de garde.

Donc, c'est très important. Moi, je peux juste prendre dans ma propre région, dans ma propre circonscription, c'est une des demandes que nous avons le plus, comme député, des parents qui cognent à la porte du bureau de circonscription pour nous dire : On est en panique. On n'est pas capables de trouver de place en CPE. Mon congé parental se termine. Je dois retourner au travail. J'ai un jeune enfant, un poupon, un bambin qui n'est pas encore à l'école. Il faut trouver des places. Et c'est très difficile de pouvoir faire un suivi, d'avoir les chiffres à jour, de savoir où on s'en va, c'est quoi, les projets qui s'en viennent.

Alors, avec cette recommandation, que le ministère n'aura pas le choix de suivre parce que c'est une recommandation d'une commission parlementaire, bien, on va obtenir un portrait à jour du développement des nouvelles places avec les données suivantes : l'objectif de développement de places, le nombre de places en chantier, le nombre de places fermées, le nombre de places livrées, l'état de situation des appels de projets, dont le nombre de projets reçus et réalisés, puis on va obtenir également le nombre d'enfants en attente d'une place. Et, dans la mesure du possible, on veut obtenir ça ventilé par région administrative. Donc, c'est une recommandation très forte pour s'assurer que les constats de la Vérificatrice générale soient pris en compte et suivis par le ministère.

Deuxième chose, deuxième recommandation, un peu la même chose que sur les services ou le nombre de places en services de garde, mais par rapport à la main-d'oeuvre. On sait que la main-d'oeuvre dans les services de garde est très, très sollicitée, surtout aujourd'hui, là, on le voit avec les négociations avec le Conseil du trésor, mais on va obtenir par recommandation... la Commission de l'administration publique va obtenir du ministère de la Famille, au plus tard le 1er mars 2022 et, par la suite, tous les six mois, jusqu'en septembre 2024, un état de situation de la main-d'oeuvre du réseau des services de garde éducatifs avec une mise en relation des objectifs et des résultats des programmes incitatifs développés par le ministère, dont le Programme de formations de courte durée et les bourses d'études, les aides au démarrage en milieu familial, le détail des ressources financières accordées à ces différents programmes, le nombre de postes d'éducatrices qualifiées et non qualifiées à pourvoir dans chaque territoire du ministère ou par région administrative et le nombre d'éducatrices inscrites en formation technique.

Alors, ce sont des chiffres, des données très importantes, qui vont nous permettre de faire le suivi des constats qui ont été faits par le Vérificateur général auprès du ministère de la Famille. Puis, encore une fois, je le répète, ça peut avoir l'air un peu lourd ou bureaucratique, mais, au contraire, c'est extrêmement utile, parce qu'après ça dans les autres outils de reddition de comptes que nous avons, comme la période de questions, comme l'étude des crédits, bien, on va pouvoir se saisir de ce travail puis des redditions de comptes qui seront faites aux six mois par le ministère de la Famille auprès de la CAP pour être capable, après ça, d'avancer puis de répondre aux citoyens puis aux citoyennes qui viennent nous voir dans nos bureaux de circonscription pour savoir où on en est rendus dans le déploiement des places en service de garde dans chacune des régions du Québec. Alors, c'est un outil extrêmement pratique et c'est un travail tout à fait concret pour le... qui est fait par la Commission de l'administration publique.

L'autre chapitre, puis on vient tout juste de tenir l'audition, je pense, c'est la semaine passée, avec la Société d'habitation du Québec, là aussi la Vérificatrice générale avait fait des recommandations puis des constats j'allais dire assez sévères, mais le terme «assez» n'est pas assez. La Vérificatrice générale avait fait des recommandations très sévères envers la Société d'habitation du Québec. Trois éléments. La Vérificatrice générale nous a dit que la SHQ ne gère pas adéquatement le programme AccèsLogis, que la SHQ évalue mal les besoins des ménages qui ont besoin de logement abordable, sans faire non plus un portrait socioéconomique des besoins par région, et les groupes de ressources techniques, qu'on appelle les GRT, dans chacune des régions du Québec, les GRT sont peu encadrés par la Société d'habitation du Québec, c'est très inégal d'une région à l'autre, et également leur travail est mal évalué. Puis là, ici, évidemment, je ne lance pas la pierre aux GRT, parce que c'est inégal sur le territoire. Même, l'ensemble des GRT peuvent bien fonctionner, mais il n'y a pas nécessairement de relation directe ou d'encadrement qui est fait par la SHQ, ce qui ouvre la porte à des déséquilibres d'une région à l'autre.         

Donc, face à ça, on a entendu la direction de la SHQ. En passant, beaucoup d'intérims dans l'organigramme de la SHQ, ce qui nous pose des questions aussi. Vous savez, quand une organisation a beaucoup d'intérims dans ses différentes directions, ça envoie un signal de désorganisation ou d'instabilité. Alors, évidemment, on souhaite que les postes intérimaires soient comblés rapidement pour donner une erre d'aller puis donner une constance à la Société d'habitation du Québec.

Donc, les recommandations que nous avons faites à cet égard, premièrement, c'est que la Société d'habitation du Québec transmette à la Commission de l'administration publique, au plus tard le 1er mai 2022, son nouveau cadre de reconnaissance des groupes de ressources techniques. Donc, les groupes de ressources techniques, comme je le disais tout à l'heure, voient à la réalisation, concrètement sur le terrain, des immeubles d'habitation et des programmes AccèsLogis qui atterrissent dans chacune de nos régions. Puis, en audition, le P.D.G. intérimaire de la SHQ nous a dit qu'ils étaient à la veille de s'entendre avec les GRT pour avoir un cadre de reconnaissance de leur travail, ce qui va permettre de faire cet encadrement, on le souhaite, cet encadrement qui était jugé insuffisant par la VG. Donc, 1er mai 2022 au plus tard, on va obtenir, à la CAP, le nouveau cadre de reconnaissance des GRT par la Société d'habitation du Québec.

Deuxième recommandation, que la Société d'habitation fasse rapport à la CAP, au plus tard le 1er mai 2022, des progrès de la mise en place de son nouveau programme pour la réalisation des logements sociaux et abordables. La SHQ nous a dit : On est en train de mettre en place des nouveaux programmes pour réaliser les logements sociaux et abordables. Alors, nous, on veut que ce soit déposé à la CAP.

Et troisième recommandation, c'est que la Société d'habitation du Québec transmette aussi à la CAP le résultat des évaluations du Vérificateur général en suivi des recommandations formulées dans l'audit intitulé Programme AccèsLogis : réalisation des projets.

Donc, la Commission de l'administration publique devient un peu le pilier qui va permettre d'avoir une reddition de comptes publique sur le suivi que la SHQ va faire quant aux critiques sévères du VG à son endroit. Donc, ça ne tombera pas dans les limbes, ça va revenir à la CAP. Puis je peux vous assurer d'une chose, comme je vous disais tout à l'heure, moi, je suis membre de la Commission de l'administration publique depuis 2014, et il n'y a pas une recommandation qu'on laisse tomber entre deux chaises. On s'assure qu'il y a toujours un suivi. Donc, quand la Société d'habitation du Québec va nous faire parvenir son suivi des recommandations de la VG, bien, nous, on va avoir ce qu'il faut pour s'assurer que ça se fasse réellement.

• (15 h 20) •

Donc, c'est ce qui concerne les deux chapitres de ce rapport, d'une part, le ministère de la Famille, d'autre part, la SHQ. Mais on a fait autre chose aussi à la CAP. Comme il est dans notre mandat statutaire, on fait l'analyse détaillée des rapports annuels de gestion, ce qu'on appelle les RAG, les rapports annuels de gestion de l'ensemble des ministères et organismes qui sont soumis à la Loi sur l'administration publique. Donc, on en a fait huit pour ce rapport-ci à la dernière session, à la session qui s'achève dans les prochains jours. On a fait le suivi de huit rapports annuels de gestion et l'analyse fine et précise de huit rapports annuels de gestion. Et, vous savez, on fait ça régulièrement. Donc, il faut s'assurer que chaque ministère et organisme soit analysé, que les rapports annuels de gestion soient analysés par la CAP. Puis, au bout d'à peu près quatre ans, woups! on revient, on recommence les rapports annuels de gestion, de sorte que ce n'est pas juste des documents qui sont faits pour être tablettés, mais c'est vraiment suivi par notre commission. Et, une fois qu'on a analysé un rapport annuel de gestion, bien là on envoie une lettre à l'organisme avec nos commentaires pour qu'ils s'améliorent, pour qu'ils bonifient leur prochaine édition. Et, parfois même, on les auditionne à la Commission de l'administration publique. Donc, c'est très important.

Et là on a fait huit groupes, huit organismes : la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, le Conseil de gestion de l'assurance parentale, le Fonds de recherche du Québec — Nature et technologies, le Fonds de recherche du Québec — Santé, le Fonds de recherche du Québec — Société et culture, l'Office des professions, l'Office Québec-Monde pour la jeunesse et la Société de télédiffusion du Québec, qu'on appelle aussi Télé-Québec. Donc, ce sont les huit organisations qu'on a examinées dans cette dernière session avec leurs rapports annuels de gestion.

Je ne vous ferai pas le résumé des contenus, vous l'avez dans le rapport. Alors, ce serait de la redite inutile. Je vous invite à aller les lire, M. le Président. Vous allez voir, il n'y a rien de catastrophique, mais on fait parfois des recommandations ou on cible des petits éléments à améliorer puis on envoie ça à l'organisation, ce qui permet d'améliorer, dans le fond, la gestion des deniers publics que nous avons à surveiller.

J'achève mon intervention, M. le Président, en vous disant que nous faisons un travail extraordinaire, nous travaillons en collégialité. J'ai l'immense privilège de faire partie du comité directeur de la CAP avec mon collègue de Robert-Baldwin, qui est le président, et mon collègue de Portneuf, qui est le vice-président. Et je pense qu'avec le temps nous avons développé une bonne chimie pour bien travailler ensemble, pour bien collaborer, toujours dans le souci d'améliorer le travail de la Commission de l'administration publique pour le bien-être des citoyens et citoyennes du Québec.

Je veux remercier la Vérificatrice générale du Québec encore une fois. Sans elle — puis je vois mon collègue de Portneuf, je pense qu'il est d'accord avec moi — on serait dans l'incapacité de faire notre travail, parce que la VG et son équipe font un travail extraordinaire. Je voudrais remercier la Commissaire au développement durable, qui vient de prendre ses fonctions, elle a remplacé M. Paul Lanoie, que je salue, et avec qui on travaille très étroitement. La Protectrice du citoyen, même chose.

Et vous allez me permettre de remercier une recherchiste de grand talent. Chez nous, au Saguenay, on dit... quelqu'un qui a un grand talent, ce n'est pas nécessairement positif, mais là je ne le dis pas en tant que Saguenayen, je le dis de façon universelle. Alors, je veux remercie Julie Paradis, qui vient du Saguenay, ça fait qu'elle va bien comprendre, donc, Julie Paradis, qui fait un travail extraordinaire et qui nous a annoncé qu'elle quittait la commission, malheureusement pour nous, heureusement pour elle parce qu'elle a des nouveaux défis, mais qui, sans elle, on serait aussi dans l'incapacité de faire notre travail.

Alors, voilà, M. le Président, merci. Et nous espérons être capables de faire encore un bon travail à la prochaine session parlementaire.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député de Jonquière. Je reconnais maintenant M. le député de Portneuf.

M. Vincent Caron

M. Caron : Merci, M. le Président. Bien, à mon tour de saluer l'ensemble des collègues ici présents, mais particulièrement les collègues qui siègent sur la Commission de l'administration publique, la députée de Jean-Talon, députée de Châteauguay, députée de Labelle, députée de Lotbinière-Frontenac, député de Masson et députée de Côte-du-Sud. Bien entendu, aussi un salut particulier à mes collègues de l'opposition officielle, président, dont a parlé, il y a quelques instants, le député de Jonquière, le président, député de Robert-Baldwin... pardon, la députée de Vaudreuil et la députée de Saint-Laurent, du côté de la deuxième opposition, la députée de Mercier, la troisième opposition, le député de Jonquière.

En effet, peut-être suis-je arrivé en politique parfois avec des lunettes roses, mais j'ai la chance de retrouver, au sein de la Commission de l'administration publique, cet esprit de non-partisanerie qui nous permet de creuser les dossiers parfois de manière complètement différente. On le sait, nos journées sont politisées, et je comprends tout à fait le rôle des partis d'opposition de venir poser des questions ici, au salon bleu. Mais ce que j'apprécie particulièrement, au sein de la Commission de l'administration publique, notamment au sein du bureau directeur, lorsqu'il est... le temps est venu de s'interroger sur, justement, l'élaboration d'un chapitre selon des recommandations qu'on a obtenues des différents groupes représentés ici, à l'Assemblée nationale, bien, on est capables de prendre ce pas de recul non partisan pour pouvoir éclairer comme il le faut, finalement, la situation, ce que j'apprécie aussi particulièrement. Et je voulais féliciter, finalement, mes collègues de la partie gouvernementale, parce que ce n'est pas toujours facile, en effet, quand on participe à d'autres commissions et quand on arrive à la Commission d'administration publique, de comprendre cette subtilité qui est complètement différente et de pouvoir poser des questions qu'on n'oserait possiblement pas poser dans une autre commission. Donc, vraiment, je trouve que le travail que nous réalisons est exemplaire, et puis c'est vraiment un travail d'équipe dans tout ça, outre la partisanerie qui peut occuper, bien entendu, ces lieux.

Bien entendu, le rapport dont nous parlons aujourd'hui comporte deux chapitres. Mes collègues de ce matin sont revenus à de multiples reprises sur les sujets qui nous animent aujourd'hui, le ministère de la Famille et l'audition de la SHQ. Je perçois aussi parfois, lorsque je vois les ministères qui sont face à nous alors que nous les convoquons, je sens une certaine inquiétude de leur part. Cependant, je trouve que c'est une attitude saine, mais ils doivent bien comprendre aussi, eux, le rôle que joue la Commission de l'administration publique, qui est plutôt un rôle de chien de garde plutôt qu'un rôle de quelqu'un qui veut poser des gestes répréhensifs, mais plutôt aider les ministères et ceux qui les dirigent à mieux se gouverner et à apporter des solutions qui puissent être acceptables pour tout le monde et qui répondent absolument à notre fonction de vigilance, la fonction qui occupe les esprits de l'ensemble des députés qui sont réunis ici.

Bien entendu, la pandémie a eu pour effet de ralentir nos travaux. J'entendais mon collègue député de Jonquière souligner le fait qu'il trouvait très intéressant qu'on puisse allouer du temps à la commission, à ce que puisse siéger la commission. Je peux l'assurer que je sensibilise de manière régulière notre leader parlementaire. Et je peux vous assurer aussi que notre leader parlementaire est toujours sensible et a toujours cette question à l'esprit... présente à l'esprit, plutôt, pour faciliter les choses et faciliter les travaux de la Commission de l'administration publique.

J'ai aussi découvert un fonctionnement que je n'imaginais pas, une proximité, même, même si le mot est peut-être fort, mais c'est une proximité dans le bon sens, avec la Vérificatrice générale, le Vérificateur général, qui apporte et joue un rôle essentiel dans les travaux de notre commission. Et j'apprécie toujours à la fois la précision, à la fois le professionnalisme, mais à la fois aussi le tact avec lequel nous présente les dossiers la Vérificatrice générale, mais toujours dans une objectivité absolue. Donc, c'est vraiment une relation qui est assez exceptionnelle.

Il se développe un sentiment de confiance, finalement, entre la Vérificatrice générale et l'ensemble des parlementaires qui siègent sur la Commission de l'administration publique. Et, sans vouloir aucune proximité, puisqu'on sait bien que la Vérificatrice générale doit absolument demeurer complètement indépendante, mais je pense que cette façon de travailler que nous avons, à la Commission de l'administration publique, avec la Vérificatrice générale est vraiment exemplaire.

Bien entendu... Je vois que le temps file très, très vite, M. le Président. Bien entendu, je voulais remercier l'ensemble des personnes qui travaillent autour de nous, à l'administration publique... à la Commission de l'administration publique, plutôt. Je veux, bien entendu, parler de Dominic Garant, qui est secrétaire de la commission, de François Gagnon et Audrey Houle, du Service de la recherche.

• (15 h 30) •

Mais, à mon tour, je voulais souhaiter bon vent et puis un bon succès à Julie Paradis, qui a travaillé longuement au Service de la recherche et qui nous a fourni un travail qui était vraiment précieux à chaque fois qu'elle venait soumettre les rapports à notre commission. En effet, Julie quitte le Service de la recherche pour se tourner vers de nouveaux défis, et je tiens vraiment à lui rendre hommage aujourd'hui et à la remercier profondément pour son apport inestimable aux travaux de la commission.

Je reviendrai brièvement sur le mandat de la commission, sa raison d'être et son fonctionnement pour le bénéfice des gens qui nous regardent si c'était encore nécessaire. Donc, contrairement aux autres commissions permanentes, la Commission de l'administration publique n'étudie pas les projets de loi, mon collègue député de Jonquière l'a précisé juste avant moi, mais agit réellement en qualité de contrôleur. Et les répercussions de ce rôle et aussi la manière dont les choses peuvent évoluer dans le bon sens, naturellement, lorsque la Commission de l'administration publique met finalement le doigt sur une situation qui pourrait poser problème, eh bien, vite, on le remarque, se retrouvent ici, à la période de questions au salon bleu, et souvent ça permet de mettre en évidence... ou, en tout cas, de tout mettre en oeuvre pour essayer de chercher des solutions pour venir rétablir à situation.

Donc, c'est de cette manière que je vais terminer mon propos, M. le Président. M. le Président, vous êtes généreux, vous m'accordez maintenant un petit peu plus de temps. Donc, l'exercice de reddition de comptes dont je vous parlais il y a quelques instants est effectué de manière transpartisane, dans un esprit de collégialité avec des collègues, et ce, pour le bénéfice de toutes et tous. Pour appuyer ces travaux, nous avons, comme je le disais précédemment, le précieux soutien de la Vérificatrice générale mais aussi le précieux soutien de Mme la... j'oublie son nom, mais enfin, bref, l'ensemble des personnes qui se mobilisent autour de nous.

Il faut rester au fait des bonnes pratiques et de l'évolution de la reddition de comptes. Je sais aussi que les membres de la Commission de l'administration publique soulèvent depuis un bon moment la possibilité d'étudier les comptes publics, comme ça peut se faire ailleurs au Canada. Le comité directeur s'est penché aussi sur cette question. On ne souhaite pas fermer la porte, bien entendu, mais on évalue cette charge de travail qui serait ajoutée, justement, à celle, qui est déjà lourde, de la Commission de l'administration publique. Donc, ce dossier est en développement.

C'est de cette manière que je vais conclure mon intervention, M. le Président. Je vous remercie. Encore une fois, félicitations et merci à l'ensemble des députés qui siègent sur cette Commission de l'administration publique. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député de Portneuf. Cela met fin au débat restreint de deux heures sur le rapport de la Commission de l'administration publique.

Avant de céder la parole au leader adjoint du gouvernement, je tiens à rappeler que toutes les personnes qui n'ont pas la parole doivent porter le masque.

Donc, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Schneeberger : Oui, M. le Président. Alors, j'aurais besoin du consentement pour la demande d'appeler le débat sur le rapport de la Commission spéciale sur l'évolution de la loi sur les soins de fin de vie qui, afin d'analyser les enjeux reliés à l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude ou pour celles souffrant de troubles mentaux, a tenu des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières les 14, 18, 19, 20, 21, 25 et 28 mai ainsi que les 9, 10, 11, 12, 18, 19 et 23 août 2021 derniers.

Le Vice-Président (M. Picard) : Y a-t-il consentement pour déroger aux articles 94 et 96 du règlement prévoyant que de tels rapports de commissions contenant des recommandations sont pris en considération dans les 15 jours suivant leur dépôt à l'Assemblée et prévoyant que le leader du gouvernement indique l'affaire inscrite au feuilleton qui fera l'objet d'un débat? Consentement?

Des voix : Consentement.

Prise en considération du rapport de la commission qui a analysé les enjeux reliés
à l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir pour les personnes
en situation d'inaptitude et pour celles souffrant de troubles mentaux

Le Vice-Président (M. Picard) : Donc, l'Assemblée prend en considération le rapport de la Commission spéciale sur l'évolution de la loi sur les soins de fin de vie qui, afin d'analyser les enjeux reliés à l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude et pour celles souffrant de troubles mentaux, a tenu des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières les 14, 18, 19, 20, 21, 25 et 28 mai ainsi que les 9, 10, 11, 12, 18, 19 et 23 août 2021. La commission s'est réunie à 39 reprises en séance de travail relativement à ce mandat. Ce rapport, qui a été déposé aujourd'hui, contient des observations et 11 recommandations.

Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 95 du règlement, la prise en considération du rapport donne lieu à un débat restreint d'au plus deux heures et qu'aucun amendement n'est recevable. Je vous rappelle également qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 95 ce débat n'entraîne aucune décision de l'Assemblée.

Conformément à ce qui a été énoncé antérieurement par la présidence, la répartition des temps de parole dans le cadre de ce débat s'effectuera comme suit : 56 min 15 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 34 min 31 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 12 min 47 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 8 min 57 s sont allouées au troisième groupe d'opposition, 7 min 30 s sont allouées à l'ensemble des députés indépendants, sous réserve d'un maximum de deux minutes par député. Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. Enfin, je rappelle aux députés indépendants que, s'ils souhaitent intervenir au cours de débat, ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Et je suis maintenant prêt à céder la parole à Mme la députée de Roberval.

Mme Nancy Guillemette

Mme Guillemette : Merci, M. le Président. Comme vous l'avez mentionné, c'est plusieurs heures qu'on a eues, de discussions avec tous les collègues. J'ai eu le privilège de pouvoir présider une commission transpartisane. Dans la vie politique, ça n'arrive pas souvent, donc c'est un beau privilège que j'ai eu et j'en remercie mes collègues. Effectivement, on a déposé le rapport ce matin en Chambre, ici. C'était un très grand privilège.

Donc, j'aimerais prendre un moment pour saluer et remercier chaleureusement tous les collègues qui m'ont accompagnée et m'ont soutenue dans mon rôle de présidence tout au long de ces travaux. N'importe quelle capitaine de bateau qui compte sur 11 lieutenants de cette trempe peut se compter chanceuse, M. le Président. Donc, diriger les échanges et les débats au milieu de ces collègues fut pour moi une expérience extrêmement enrichissante et stimulante, et d'avoir pu compter sur la collaboration de chacun et chacune d'entre elles, compte tenu de la délicatesse du sujet abordé, ça a été déterminant dans la conduite de mes travaux. Donc, je tiens à remercier le député de D'Arcy-McGee, la députée de Joliette, le député de Rosemont, la députée d'Abitibi-Ouest, la députée de Mille-Îles, le député de Lac-Saint-Jean, la députée de Saint-François, le député de Mégantic, la députée de Westmount—Saint-Louis, la députée de Soulanges et finalement le député de Chomedey. Remerciements sincères également à la députée de Maurice-Richard et au député de Gouin, qui ont été avec nous pour la première partie des auditions.

Et je voudrais aussi remercier tout le personnel. Et je suis certaine que tous mes collègues de la commission vont se joindre à moi pour remercier le personnel de l'Assemblée, qui nous a, tout au long de la commission, accompagnés. Ce sont des acteurs qu'on ne voit pas beaucoup, ce sont des acteurs dont on n'entend pas beaucoup parler, mais ils sont vraiment essentiels à notre institution. Que ce soit le secrétariat, la recherche, le Service de référencement, la révision linguistique, le graphisme ou encore les communications, tous ont été d'une aide très précieuse pour mener à bien nos travaux et dans l'échéancier prévu. Ce travail énorme, cette responsabilité sans précédent auraient été impossibles sans l'équipe exemplaire qui nous a soutenus et accompagnés durant l'ensemble de cette commission.

Des notes, des documents, des questions, des réponses, des brouillons, des propres, des résumés, des synthèses, des rapports, des jugements, des lettres, des courriels, des appels, ça fait un méchant paquet de documents, M. le Président. Aucun député n'aurait pu surmonter l'ensemble de cette tâche titanesque à lui seul, surtout pour un sujet qui est si délicat. Donc, je tiens à remercier sincèrement Ann-Philippe, Félix, Mathieu et Constance. Ce sont eux que nous voyons avec nous à chaque rencontre. Mais, bien sûr, il y a plein d'autres gens en arrière de tout ça, donc passez le message à vos collègues, vous quatre. Vous avez été tellement précieux pour nous, pour rendre à bien ce mandat, pour nous faire digérer toute l'information qui rentrait, rendre ça dans... le langage technique, le rendre lisible dans notre rapport et le rendre cohérent, compréhensible pour les gens, formuler en mots clairs nos instincts, nos craintes, en fait, à faire connaître nos conversations et nos échanges. Donc, on est venu à bout de 11 recommandations et sept observations, desquelles nous sommes tous et toutes très fiers.

• (15 h 40) •

On a eu à faire cette commission-là, et je crois que c'est probablement la première dans l'histoire de notre Parlement, entièrement en visioconférence. On a réussi à se voir cet après-midi, à la conférence de presse, à 13 heures, tout le monde ensemble, pour la première fois. Donc, on a eu notre photo avec tous les membres de la commission. Donc, c'est pour ça que je tiens à remercier tous les collègues, tous les camarades. Je vais m'ennuyer de vos vieilles mains, neuves mains, nos problèmes de branchement d'Internet. Donc, un merci sincère à vous tous.

M. le Président, quelle épopée! Depuis neuf mois, maintenant on y est, c'est aujourd'hui. Après un long parcours, parfois contre vents et marées, mais toujours déterminée, j'ai déposé ce matin, au nom de mes collègues, le rapport final de la commission spéciale sur l'évolution des lois de fin de vie. Et je vais vous mentionner quelques données, donc : 10 recommandations applicables en situation d'inaptitude, une recommandation applicable pour les personnes dont le seul problème est un trouble médical en lien avec la santé mentale, sept observations. Il y a eu 75 heures d'auditions, donc, deux phases de consultations, 77 personnes et organsimes entendus, 75 mémoires déposés, 3 421 réponses au questionnaire de la consultation en ligne qu'il y avait, 2 076 commentaires transmis aux membres de la commission, et ça, c'était quelque chose à gérer, et c'est pour ça que je tiens vraiment à remercier le personnel qui nous a accompagnés. On a eu 25 heures en séance de travail et en comité directeur, donc pour 39 séances de travail et 46 comités directeurs. C'est beaucoup de travail en quelque mois. Donc, c'est un travail colossal, en effet.

Grâce à ce rapport, le Québec sera la première juridiction à travers le monde à mettre en place les demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Cela faisait plusieurs années que nous sentions les Québécoises et les Québécois, particulièrement ceux qui vivaient avec des troubles neurodégénératifs, prêts à faire ce pas en avant et à élargir l'aide médicale à mourir pour permettre à ces personnes de quitter notre monde avec dignité au moment qu'ils jugent opportun et entourées de leurs proches.

Vous savez, je me suis engagée en politique pour faire avancer des causes à caractère humain en particulier, je m'y suis appliquée avec beaucoup d'humilité depuis mon arrivée. Mais là j'avoue que j'ai été honorée et vraiment, vraiment émue d'avoir été choisie pour présider cette commission avec des collègues que je respecte beaucoup, de qui j'ai appris beaucoup durant ces neuf mois. C'est avec empathie, respect, écoute et tout mon coeur que j'ai entrepris, que nous avons tous entrepris ce mandat en mars 2020... 2021, excusez.

Donc, permettez-moi de vous guider à travers le cheminement logique qui a guidé nos recommandations. Après nous être entendus sur le fait que nous allions permettre un régime de demande d'aide anticipée à mourir, maintenant les questions difficiles commençaient : Pour qui et comment? Donc, pour la plupart des experts et invités que nous avons entendus, la question du diagnostic était centrale et la question de la souffrance également. Donc, autrement dit, pas de diagnostic précis, pas de demande d'aide médicale anticipée. C'est pourquoi notre recommandation n° 1 suggère «l'obtention d'un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l'inaptitude» comme porte d'accès à la demande anticipée. On pense ici à des maladies comme l'alzheimer, Huntington ou à la démence à corps de Lewy, par exemple, des maladies à la progression connue, à la finalité documentée et dont les porteurs peuvent évaluer avec lucidité le moment auquel ils pourront considérer, à titre personnel, que les symptômes vécus créent un manque ou une absence de dignité humaine.

Une fois la porte ouverte, M. le Président, il fallait également s'entendre sur des balises fermes afin que cet élargissement de l'aide médicale à mourir, un élargissement pas banal, j'en conviens, inédit à travers le monde, se déroule dans des conditions sécuritaires et encadrées selon des principes clairs, qu'il respecte l'autodétermination des personnes mais aussi la protection de nos gens les plus vulnérables. Donc, pour guider la demande anticipée d'aide médicale à mourir, nous avons convenu de s'appuyer sur le principe d'autodétermination de la personne. Nous nous sommes donc entendus qu'il revenait à l'individu de déterminer, à l'intérieur de ses valeurs et de ses convictions, qu'est-ce qui constitue pour lui une vie digne. Donc, c'est pourquoi, dans sa demande anticipée d'aide médicale à mourir, la personne munie d'un diagnostic éligible devra décrire en détail les conditions de vie qu'elle jugera comme ne faisant pas partie de sa conception d'une vie digne et qui, le cas échéant, devront enclencher le processus de la demande d'aide médicale à mourir. Ces conditions de vie devront toutefois être validées par un médecin qui s'assurera en amont, d'une part, qu'elles sont suffisamment graves et irréversibles pour donner accès à l'aide médicale à mourir et en aval, d'autre part, que le moment critique venu, les conditions sont bel et bien remplies et que le moment du départ est arrivé, et ceci devra être contresigné par un deuxième médecin.

Une balise supplémentaire : un tiers de confiance sera identifié par le patient. C'est d'ailleurs celui-ci qui identifiera au médecin que le moment serait probablement venu d'analyser la demande d'aide médicale à mourir. Ce qu'il est important de savoir, c'est que cette demande-là ne donnera pas automatiquement accès à l'aide médicale à mourir à la personne. Le médecin, comme je le mentionnais tout à l'heure, va devoir valider si les critères sont tous bien remplis et qu'ils respectent les conditions. Donc, la décision d'enclencher le processus d'aide médicale à mourir, M. le Président, ne sera donc jamais faite par une seule personne.

Voilà un peu les grands principes qui nous ont guidés dans la formulation des recommandations : autodétermination, oui, afin de respecter la volonté des individus qui souffrent mais également, prudence, équilibre, consensus et responsabilité, car l'aide médicale à mourir, ce n'est pas banal. Personne ne peut exiger l'aide médicale à mourir, l'aide médicale à mourir est un soin. Donc, je crois toutefois qu'avec ce rapport nous avons réussi à atteindre un point d'équilibre important par rapport aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir, et je suis très fière du travail accompli en ce sens avec tous les collègues, au bénéfice des citoyennes et des citoyens du Québec.

Commencer et terminer sa semaine, pendant des mois, les lundis et les vendredis, à 8 heures, en discutant de mort, de maladie, de souffrance, ce n'est pas une chose facile. Ce n'est pas nécessairement quelque chose auquel nous sommes habitués, en tant que parlementaires, non plus. Tout cela a pris une bonne dose de résilience de la part de mes collègues et de la part de moi-même. Mais cette résilience, ce n'est rien à côté de celle de toutes ces personnes qui sont venues s'ouvrir à nous, qui sont venues partager, qui sont venues nous témoigner, le coeur sur la main, parfois le coeur meurtri également, se confier sur leur vie, parfois sur leur maladie ou celle de leurs proches. Nous avons été honorés par la présence de toutes ces personnes en audience, M. le Président. Et j'ai encore en mémoire le témoignage d'un regroupement qui nous partageait... qui nous disait : Bien, il y a une dame en résidence pour personnes... qui est atteinte d'Alzheimer, et elle ne reconnaît plus son conjoint, mais, pour elle, elle a encore le goût de le séduire. Donc, elle est alzheimer, elle n'est plus là, elle ne reconnaît plus son conjoint, mais elle est quand même contente et heureuse de le voir arriver, puis elle a un petit kick, là, quand elle le voit arriver. Donc, c'est des... Autant on a eu des moments qui étaient touchants émotivement, autant on a eu d'autres moments où ça... en tout cas, moi, personnellement, ça me réconciliait un peu avec la situation que les gens vivaient.

• (15 h 50) •

On a parlé beaucoup de nos recommandations, mais on a très peu parlé des sept observations. Donc, je vais prendre quelques minutes, parce qu'il me reste quelques minutes, pour vous partager les observations, parce que je pense que ce n'est pas ça qui va ressortir beaucoup dans les médias, mais il y a des choses qui peuvent être intéressantes et importantes. Donc, la commission suggère : «Que soit [écrite] au dos de la carte d'assurance maladie l'existence de directives médicales anticipées; que la requête pour déclencher le traitement de la demande anticipée soit faite par écrit; qu'il soit possible de joindre [un] vidéo complémentaire à la demande, mais que la demande écrite ait préséance; que le médecin s'entretienne avec le patient en ce qui concerne les avancées médicales en lien avec sa maladie; que les infirmières praticiennes spécialisées puissent administrer l'aide médicale à mourir; que le gouvernement mène une campagne de sensibilisation sur le recours possible aux directives médicales anticipées; [et] qu'un rappel soit fait sur l'importance d'une consultation systématique du Registre des directives médicales anticipées.»

On parle ici de directives médicales anticipées, M. le Président, et non de demandes médicales. Les gens nous demandent... nous ont demandé, nous ont fait l'observation, ceux qui ont un AVC, un accident subit, pourquoi on n'a pas ouvert à ces gens-là. Bien, premièrement, ce n'était pas dans notre mandat, et ces gens-là ont accès aux directives médicales anticipées, qui est le refus de soins, de ne pas être gavé, de ne pas être mis sous respirateur. Mais ces directives-là ne sont pas vraiment bien publicisées et bien connues, donc nous, ce qu'on veut, c'est qu'elles soient connues, mieux connues pour offrir cette opportunité-là aux gens.

Donc, on a également... je vais vous nommer quelques gens qui sont venus témoigner. On a eu des experts qui sont venus témoigner généreusement également, donc : Dr Marcel Arcand, qui est médecin de famille, Dr Marcel Boisvert, médecin retraité en soins palliatifs. On a eu des gens qui sont venus, qui, à la première mouture de Mourir dans la dignité, n'étaient pas tellement en faveur. Et, quand ils sont venus, il y en a plusieurs qui nous ont dit : Maintenant, j'administre l'aide médicale à mourir et je vois qu'il n'y aura pas de dérive, qu'il n'y a pas eu de dérive. Donc, je tiens à rassurer les gens, il n'y a pas eu de dérive, et on dirait que ces gens-là, à l'usage, à l'administrer, se rendent compte que c'est apaisant et c'est un soin de fin de vie qui est important. Donc, Dr Félix Carrier, psychiatre, Me Danielle Chalifoux, présidente de l'Institut de planification des soins du Québec, la Chambre des notaires, le Collège des médecins, la Commission sur les soins de fin de vie.

La Commission sur les soins de fin de vie passe au travers de toutes les aides médicales à mourir qui ont été administrées pour voir si c'est dans les règles, si tout est fait correctement. Donc, il y a 7 000 aides médicales à mourir depuis le début de... depuis que c'est légal. Donc, 30 % n'ont pas été... n'ont pas eu droit à l'aide médicale à mourir pour différentes raisons, mais en particulier pour celle qu'ils ne répondaient pas aux critères de l'article 26, là, de la loi sur les soins de fin de vie.

Donc, on a eu le Curateur public qui est venu également nous témoigner, Me Nicole Filion, coprésidente du Groupe d'experts sur la question de l'inaptitude et l'aide médicale à mourir, parce que, oui, il y a eu un groupe d'experts qui avait été nommé pour faire un peu le point, pour regarder... pour l'aide médicale à mourir et en situation d'inaptitude, mettre des balises, commencer un peu le travail, et on les a entendus avec un très, très grand intérêt. On a également Dre Michèle Marchand, médecin de famille, Me Jean-Pierre Ménard, avocat, Dr Brian Mishara, professeur de psychologie, Dr Alain Naud, médecin de famille, Dr Félix Pageau, interniste gériatrique. On a eu des groupes : L'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale, l'association des retraités de l'éducation et des services publics, l'Association québécoise de prévention du suicide, l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, le Dr Laurent Boisvert, médecin de famille. Carpe Diem, le Centre de ressources Alzheimer, collectif des médecins contre l'alzheimer, donc, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. On a entendu une panoplie de gens pour et contre. On devait se faire une tête, je pense que ça a bien nourri nos discussions. Ça nous a permis d'avoir des recommandations claires, des balises fermes pour la suite des choses. On souhaite qu'il y ait suite à notre rapport, donc on va suivre ça de près également.

Avant de conclure, M. le Président, je veux vous dire à quel point je suis fière qu'on ait pu faire ce travail au sein d'une commission transpartisane. Encore une fois, je le mentionne parce que c'est important, c'est important pour nous, les parlementaires, d'avoir accès à ces commissions transpartisanes là. C'est des questions sensibles, délicates et importantes pour nous, pour l'ensemble des Québécoises et des Québécois, et le sujet demandait qu'on ait accès à cette commission transpartisane là. Nous sommes vraiment privilégiés, M. le Président, de vivre dans une société qui permet de discuter des enjeux comme ça dans le tout respect de chacun, et ça, je tiens vraiment à le souligner. Je rappelle que le Québec est un pionnier et un leader en matière d'aide médicale à mourir et de soins de fin de vie, et c'est en ce sens, également, que les recommandations ont été prises. Merci, M. le Président. Merci, encore une fois, à tous mes collègues.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, Mme la députée. Et je reconnais M. le député de D'Arcy-McGee.

M. David Birnbaum

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. C'est avec humilité et fierté que j'ai le privilège d'intervenir comme vice-président de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, un honneur solennel, en quelque part. Ce n'était pas une tâche facile qui nous a été confiée par l'Assemblée nationale de continuer sur un chemin tracé presque uniquement par le Québec, avec notre loi actuelle.

Alors, on avait devant nous une tâche assez solennelle. Et j'ai eu le plaisir de travailler avec la députée de Roberval, notre présidente, que je salue pour son efficacité, son humanité et l'intelligence avec laquelle elle a coordonné nos opérations, ainsi que le député de Rosemont, la députée de Joliette, qui se sont joints à notre comité directeur, ainsi que mes collègues la députée de Mille-Îles, qui a contribué son expertise et sagesse — elle était membre de la première commission — ainsi que la députée de Westmount—Saint-Louis, qui a contribué largement aussi. Et je salue mes collègues du côté ministériel aussi pour leur travail formidable. Je veux saluer aussi la députée de Maurice-Richard, qui a été la vice-présidente dans les premiers mois de nos délibérations.

Et je tiens à nous rappeler que notre travail s'insère dans une réalité qui existe déjà, dont on peut être fiers, c'est-à-dire une loi qui était un précurseur mondial, en quelque part, sur la fin de vie et sur l'aide médicale à mourir. Et, à ce sujet, je tiens à remercier aussi l'ancien ministre de la Santé, maintenant député de La Pinière, ma collègue la députée de Hull, qui siégeait, qui présidait cette première commission, l'ancien ministre et député Geoff Kelley, la députée actuelle de Joliette, une autre fois, et tant d'autres. Finalement, il faut vraiment remercier une équipe de recherche qui nous a épaulés de façon brillante et avec une patience et une expertise sans limites : Mathieu Houle-Courcelles, Félix Bélanger, Ann-Philippe Cormier ainsi que Constance Goodrich-Maclean, entre autres.

• (16 heures) •

Depuis son entrée en vigueur en 2015, la Loi concernant les soins de fin de vie a permis à plus de 7 000 personnes d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, respectant ainsi leur volonté de mourir dans la dignité. Notre travail, en quelque part, a été déclenché par deux exigences. Premièrement, et je crois qu'il faut le souligner, une évolution évidente de la population québécoise, basée sur cette loi régionale, les façons de voir cette question qui est légalement située comme soin médical, et à juste titre, l'évolution de la façon de voir cette question tellement difficile est évidente au Québec. Alors, c'est une des choses qui nous a interpelés à franchir notre mandat.

Deuxième chose, on va se rappeler d'une décision de la cour... du tribunal, qui a mis fin à un des critères existant dans notre loi, c'est-à-dire un critère de fin de vie. Et, bon, pour le bon ou le pire, la cour a tranché là-dessus, ce qui nous laissait dans une zone grise. Mais je tiens à noter que c'était d'une évidence qu'on avait du travail sérieux et solennel devant nous.

Devant ces deux questions, l'Assemblée nationale nous a accordé un mandat avec deux questions primordiales, il y en avait d'autres, mais deux questions primordiales, c'est-à-dire : Est-ce que l'accès à l'aide médicale à mourir devrait être élargi aux personnes devant un diagnostic d'une maladie neurodégénérative, comme l'alzheimer, et est-ce que l'aide médicale à mourir devrait être accessible aux personnes souffrant uniquement d'un trouble mental?

Et nos 11 recommandations s'adressaient à ces deux questions, et, je tiens à noter, deux questions d'un ordre solennel, et difficile, et humain. Et, si je peux nous féliciter, en quelque part, nous étions, collectivement, je trouve, à chaque moment, respectueux de deux ou trois choses qui étaient des fois conflictuelles : notre devoir de faire des recommandations qui pouvaient être crédibles, réalistes, responsables et légales pour le Québec dans son entier, en même temps, le genre de questions dont on nous parle, comment on peut faire abstraction de son implication pour moi, de 65... pour votre mère, pour votre conjoint, pour votre conjointe, pour votre enfant atteint d'un trouble mental. Et je trouve que, de façon responsable, nous avons toujours gardé en équilibre ces deux réalités. Et je les identifie parce qu'il faut être conscient du fait que quand... c'est notre boulot ici chaque jour. Chaque fois que nous avons à trancher sur des questions, on fait notre mieux collectivement dans tous nos débats musclés, mais de travailler au nom de tous et toutes, Québécois et Québécoises. Mais, à chaque fois, et là, ici, de façon très profonde, il y aurait eu des gens, des individus qui seraient, en quelque part... c'est brutal de le dire comme ça, mais un tout petit peu laissés à côté. Alors, je crois que, chaque lundi, chaque vendredi, on se présentait à nos rencontres avec un respect et une conscience de ce fardeau énorme. Et je me permets de croire que, de façon très responsable et unanime, nous avons... nous sommes arrivés aux conclusions dignes et raisonnables.

Comme je dis, il y avait ces deux grandes questions devant nous. Dans un premier temps, la possibilité de se prévaloir d'accès à l'aide médicale à mourir en cas d'inaptitude. Et c'est le sujet de plusieurs de nos recommandations principales, dont la deuxième, où on recommande que la personne qui est apte mais devant un diagnostic d'une maladie neurodégénérative ait la possibilité, selon des conditions à plusieurs reprises déjà identifiées dans la loi et d'autres que nous aurions bonifiées dans nos discussions, de rédiger une demande anticipée de l'aide médicale à mourir en cas d'inaptitude.

Qu'on se comprenne, deux choses très importantes, M. le Président, dans un premier temps, on parle uniquement des personnes devant un diagnostic. Pas une question facile, mais je trouve qu'on a la responsabilité d'être clair là-dessus avec la population qui nous écoute. Et, juste pour le rendre très, très clair, je me donne comme exemple. J'ai mes propres voeux, mais je comprends et je respecte qu'actuellement il n'y a aucune étape que je pourrais prendre en termes de demande anticipée, même selon nos recommandations, qui m'assurerait d'avoir accès à l'aide médicale à mourir advenant un diagnostic d'Alzheimer. Suite aux recommandations d'une majorité des experts, des individus qu'on a consultés lors de nos libérations, c'était le consensus du conseil qu'on a eu et, après nos mûres réflexions, notre conclusion aussi. Alors, voilà une première balise, il faut, de notre avis, être devant un diagnostic.

Là, qu'on ne fasse pas l'abstraction de tout ce qu'il y a à faire à ce point-là. Mais, premièrement, pour défendre, si vous voulez, cette recommandation, qu'on se rappelle... Et voilà, je touche aux critères déjà dans la loi. Si on parle d'être devant un diagnostic d'une maladie neurodégénérative, c'est triste à dire, mais voilà ce qui confronte les gens devant ces diagnostics, on est dans un domaine d'incurabilité, d'irréversibilité et où l'horizon d'une amélioration est presque nul. Alors, voilà pourquoi, en gros, nous avons jugé, comme plusieurs nous ont invités de faire, que c'était légitime que cette personne, avant de devenir inapte, qu'on se comprenne, qui, dans ces cas-là, est une certitude, ait le droit de demander l'accès médical à mourir.

Parce que, comme a bien dit la présidente de notre commission, nous avons une double obligation, de respecter l'autonomie des individus, mais aussi de respecter notre responsabilité comme législateur de protéger la vulnérabilité des gens. Juste pour vous donner un exemple possible et très triste, une famille de mauvaise foi qui trouve ça très difficile de prendre soin de quelqu'un de leur famille, qui trouverait des façons, à leur place, de décider, toutes sortes d'autres circonstances où on doit assurer que la demande soit libre et éclairée, nous avons eu une responsabilité d'être très prudents là-dessus. Et là je vous soumets que nous avons pris la décision de recommander un compromis, qui est tout à fait réalisable et responsable, dernière chose à noter dans ce cas-là : il y a l'étape, l'heure de déclenchement où... avant le déclenchement d'une éventuelle aide médicale à mourir dans ces cas-là, il y a l'équipe médicale qui doit valider que les conditions nécessaires sont comblées pour passer à l'acte.

Maintenant, très vite sur le deuxième gros volet, si vous voulez, qui était aussi déchirant, et j'avais fait allusion déjà, c'est advenant des troubles mentaux exclusifs, pas d'autre symptôme qui se manifeste. Nous avons pris la décision, j'insiste, responsable de ne pas recommander l'élargissement de l'aide médicale à mourir dans ces cas-là parce qu'il y a trois questions qui sont très difficiles à combler : Y a-t-il un élément d'incurabilité qui peut être établi de façon très claire? Des questions se posaient beaucoup là-dessus. Est-ce qu'on est devant l'irréversibilité? Des questions se sont posées. Et, comme je dis, troisième question : Est-ce qu'il y a une fiabilité dans tout ce qui à trait au diagnostic des conditions de santé mentale détériorée? Nous avons trouvé que la seule réponse responsable à offrir était de ne pas recommander l'élargissement, mais avec ses conséquences, qui peuvent être, dans certains cas, très tristes. Je me permets de le dire.

• (16 h 10) •

In the few minutes I have remaining, allow me to note my appreciation, my humble appreciation for having had the opportunity to serve as vice-president of this commission looking into the evolution of the existing Act respecting end-of-life care in Québec.

First of all, I think we should share a pride in Québec being a pioneer with respect to end-of-life care, and that is what we were talking about. Legally, in Québec, the notion of medical aid in dying is on the continuum, as it should be, of care in very clearly and carefully designated circumstances. The two major questions before us were : Should a person confronted with the diagnosis of a neurodegenerative disease like Alzheimer's, in front of a diagnosis, be allowed the right to indicate their wishes to avail themselves of medical aid in dying, under very strict, and serious, and observable conditions? And our recommendation, balancing the right to autonomy with our responsibility to protect the most vulnerable, our assessment was that the answer to that question should be yes.

Second very difficult question was : Should we recommend the widening of access to... the possible access to medical aid in dying to those who were suffering from severe mental difficulties and no other medical condition? And, again, this was a very difficult, emotional, intellectual exercise. And in all due prudence and responsibility we came to the conclusion that we could not recommend that enlargement, for three reasons, very quickly : one, the notion of incurability and irreversibility, two conditions already in the law, are both difficult to establish when we're dealing with mental illness, and the ambiguity surrounding the possibility of a firm and clear diagnosis in those questions is also not the subject of consensus. So, on that question, we came to the difficult choice that we could not recommend enlarging the medical aid in dying.

Tout cela pour dire que c'est un travail colossal, j'ose dire, que nous avons entrepris, et, je dirais, avec responsabilité, j'ose dire, intelligence et compassion. C'est pourquoi je me joins, je crois, à tous les membres de notre commission, en espérant que la suite va être un projet de loi sur nos recommandations dans les plus brefs délais. Et, une autre fois, je tiens à remercier tout le monde qui est venu devant nous ainsi que tous mes collègues, qui ont fait un travail formidable. Merci.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Je cède la parole à M. le député de Rosemont. Vous disposez de 13 min 38 s.

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Merci. Merci, M. le Président. Ce n'est pas beaucoup de temps pour parler de tant de travail qui a été fait sur un sujet si important. Parfois, c'est plus difficile de faire court, quand on a un gros sujet, parce que je pourrais en parler probablement, comme mes collègues, d'ailleurs, pendant des heures et des heures. Quand j'étais chroniqueur à l'écrit, des fois je disais au répartiteur : Je t'ai fait un texte de 1 000 mots. Si J'avais le temps, je l'aurais coupé à 600, mais je n'avais pas le temps. C'est plus facile de se lancer dans des grandes discussions, malheureusement je n'ai pas ce luxe-là aujourd'hui, mais j'ai quand même le grand, grand privilège de pouvoir me lever ici aujourd'hui puis pouvoir parler de ce sujet extrêmement important et du travail extrêmement important qu'on a fait en Commission spéciale sur l'évolution de la loi sur les soins de fin de vie. Voyez, j'ai même réussi à le dire sans me reprendre puis sans avoir à le lire. Après neuf mois de travaux, j'aurais au moins gagné ça.

C'est un grand privilège, je le dis puis je le pense. Ça a été un grand privilège de travailler là-dessus, de réfléchir là-dessus, d'arriver avec ce rapport, dont je suis très fier, je pense que mes collègues en sont très fiers. Je pense que tout le monde, ici, tous les élus de l'Assemblée nationale peuvent en être fiers, avec les réserves qu'ils y mettront, c'est correct. Et puis ça aura une vie après, un projet de loi, je le souhaite, très rapidement, un débat, oui. Et je souhaite aussi un débat dans la société là-dessus. C'est d'ailleurs le débat dans la société qui nous a amenés, ici aujourd'hui, à pondre ce rapport. C'était aussi un débat dans la société qui nous a amenés à la première mouture de la première loi sur les soins de fin de vie.

C'est un grand privilège, M. le Président. Je le dis parce qu'ici, dans cet édifice, à l'Assemblée nationale, et en particulier dans cette salle, le salon bleu, on fait souvent de la politique, ce qu'on appelle la joute politique, puis c'est correct, puis moi, j'y prends un certain plaisir, j'espère que mes collègues aussi. Ça fait partie de ce qu'on fait ici, c'est correct. Mais parfois on fait autre chose aussi, par exemple le travail en commission. On travaille en commission parlementaire, on travaille des projets de loi, j'adore ça. J'ai été à la Commission de l'administration publique pendant les trois premières années, j'ai adoré ça aussi. J'ai adoré travailler aussi sur ce difficile défi qui était devant nous, de proposer une modernisation de la loi sur l'évolution des soins de fin de vie... sur la Loi concernant les soins de fin de vie.

J'ai l'impression que je laisse, avec mes collègues, un morceau solide, quelque chose qui va rester puis ce sur quoi on peut travailler pendant les prochains mois et certainement les prochaines années. Puis je peux vous dire, M. le Président, qu'à chaque jour qui a passé, je me suis joint... Le train était déjà en route, parce qu'il y a eu un petit changement ici, du côté de ma formation politique, le train était déjà en route, mais je suis arrivé quand même pas mal au début des travaux. Puis je peux vous dire que, depuis, chaque jour qui a passé, que je sois ici en train de travailler, que je sois dans ma circonscription en train de travailler, que je sois en train de faire du jogging sur les plaines d'Abraham ou même, parfois, en train de cuisiner avec mes enfants, il n'y a pas une seule journée où je n'ai pas pensé à ce dossier-là, parce que c'est un dossier qui est un peu obsédant. Vous comprenez que le dossier et les questions qui étaient devant nous ne sont pas simples et ne sont pas légères, c'est des questions qui sont fondamentales dans notre société, et je pense, encore une fois, qu'on est arrivés à quelque chose qui se tient, quelque chose de solide, quelque chose de cohérent, surtout, et c'est ça qui est très important.

Je veux d'abord remercier mes collègues, la présidente de la commission au premier chef, la députée de Roberval, que je ne connaissais pas. Puis, en plus, à cause de la foutue pandémie, on a perdu nos collègues de vue un peu, puis, quand on les voit, c'est à travers des plexiglas, et il y a des collègues que je revois des fois comme ça, à l'occasion, mais on s'est perdus un peu de vue. Puis la présidente l'a dit, la députée de Roberval, on a fait presque... en fait, pas presque, on a fait tous nos travaux... peut-être une ou deux réunions du comité directeur en présence, le reste, ça s'est tout fait devant nos écrans, ce qui était évidemment un peu impersonnel aussi. Mais, cela dit, on a bien travaillé, puis, à un moment donné, dans une pause, la députée de Roberval m'avait dit... parce qu'on la complimentait pour sa façon de mener le travail qu'elle devait mener, et je le refais ici d'ailleurs, je la complimente et je la remercie, puis elle m'a dit : Oui, tu sais, je gagne à être connue. C'est vrai, c'est vrai, je reconnais que la députée de Roberval gagne à être connue. Et il y a d'autres députés, tout à l'heure, quand on a fait la conférence de presse, qui nous ont dit, qui m'on dit puis qui se disaient entre eux : Ah! ça a été le fun de se voir dans un autre contexte et de travailler ensemble. C'est vrai. Je le dis et je le pense sincèrement.

Merci aussi au personnel de l'Assemblée nationale qui nous a permis de pondre ce rapport-là en des temps records. La députée de Joliette, qui a plus d'expérience que moi là-dedans, avait même des doutes sur la capacité qu'on aurait à livrer dans les temps voulus. Moi aussi, je dois dire que je regardais le calendrier avec une certaine anxiété. Sans le personnel extraordinairement compétent de l'Assemblée nationale, on n'y serait pas arrivés. Puis on ne le dit pas assez souvent, ces gens-là travaillent de façon extraordinaire et puis ils nous soutiennent tous les jours dans le travail qu'on fait ici.

Bon, maintenant, que dit le rapport? Essentiellement, on avait deux questions devant nous. Devions-nous aller de l'avant avec un élargissement pour les patients qui tombent en état d'inaptitude? Nous avons tranché, la réponse est oui, avec, évidemment, un diagnostic. L'autre question qui était devant nous : Devrions-nous élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux gens dont le problème de santé est seul un trouble mental ou des troubles mentaux? Là-dessus, nous n'avons pas franchi le pas, pour les raisons que je vous expliquerai et qui sont très bien expliquées dans le rapport, d'ailleurs. J'invite la population à le lire, le rapport. Il est digeste, il est bien écrit. Il y a 11 recommandations, ça se tient, c'est solide.

• (16 h 20) •

Quand je dis qu'on a ouvert ou qu'on suggère d'élargir la loi sur les soins de fin de vie dans les cas d'inaptitude après diagnostic, quand je dis ça, et je l'ai testé à maintes reprises, sans révéler aucun scoop, je vous promets, M. le Président, je n'ai pas commis d'outrage au tribunal, même pas un soir en prenant une bière avec les amis, mais, à chaque fois que je disais ça à des gens dans mon entourage : On va peut-être, ou on songe à, ou on étudie la possibilité de proposer d'ouvrir la loi en cas d'inaptitude, je vous dirais que neuf fois sur 10, si ce n'est pas 10 fois sur 10, la réponse était : Bien oui, c'est évident! Bien non, ce n'est pas si évident que ça, finalement, une fois qu'on se penche sur les détails, et on sait que le diable s'y cache souvent, ce n'est pas si évident que ça.

On a dû quand même trancher, après des heures et des heures de débat, sur qu'est-ce qu'on entend par «accès à l'aide médicale à mourir en cas d'inaptitude»? C'est là qu'on a, d'abord et avant tout, tranché sur la question, que ça prend un diagnostic. Donc, ça prendra un diagnostic pour avoir la possibilité préalablement, de façon anticipée, de donner son consentement. Pourquoi un diagnostic? Tout simplement pour respecter le principe d'autodétermination, puisque, si, d'une minute à l'autre, on devient inapte, évidemment nous n'avons pas pu faire de demande anticipée, ça va de soi. Et il y aura certainement des débats là-dessus, mais il nous apparaissait essentiel que la personne qui signe ce document soit en pleine possession de ses moyens à ce moment-là et qu'elle comprenne tous les tenants et aboutissants. Autrement, il se pourrait que nous glissions vers ce qu'on ne voulait pas, c'est-à-dire le consentement substitué. Et de ça nous avons tranché rapidement.

Il y a des balises, aussi, dont on parle dans le rapport et qui devront être déterminées aussi de façon très précise dans un éventuel projet de loi, que nous souhaitons le plus tôt possible. Pourquoi des balises? Je vais dire une évidence ici, là : C'est parce qu'on parle de la mort, on parle tout de même de la mort. Et jamais, jamais, jamais nous n'avons parlé de la mort ou de l'accès médical à mourir avec légèreté, jamais. Ça a toujours été au coeur de nos délibérations, de nos travaux, le plus grand respect pour les gens qui souhaiteraient y avoir accès, mais aussi pour les avis contraires, et avec toujours l'idée qu'on va pondre un jour, à partir de ce rapport, un projet de loi qui va changer le Québec, qui va nous faire avancer, certes, mais qui n'est pas un détail dans la vie d'une législation, que de permettre à ses citoyens d'accéder à des soins vers la mort.

Je l'ai dit, puis mes collègues vont me reconnaître ici, il y a des statistiques, tout de même, qui nous incitent à la prudence et à la réflexion. Sachez, par exemple, M. le Président, que, dans 15 ans, au Québec, à moins qu'on trouve un remède avant, ce qui serait extraordinaire, mais, dans 15 ans, au Québec, il y aura autour de 260 000 personnes atteintes d'Alzheimer, 260 000. Je n'ai même pas parlé de la démence et d'autres maladies neurocognitives ou neurodégénératives. Ça fait beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde. C'est pour ça que moi, et je pense que mes collègues partagent mon fardeau, j'ai senti sur mes épaules tout du long une responsabilité d'arriver avec quelque chose de solide et de respectueux, qui se tient.

Les troubles mentaux, je l'ai dit, M. le Président, on a décidé, après analyse, après beaucoup de travaux, beaucoup de réflexion, de ne pas suggérer l'élargissement pour les troubles mentaux. Il y aura des débats là-dessus, j'en suis persuadé, il y aura des débats, c'est inévitable. Je pense assez bien résumer la position de mes collègues, en tout cas c'est la mienne assurément, qu'à ce moment-ci, et peut-être pour toujours, je n'en sais rien, je ne suis pas omniscient, les piliers du pont qu'on nous invitait à traverser n'étaient pas assez solides pour se rendre l'autre bord de la rivière, puis c'est correct, puis c'est correct. Puis, comme je le dis souvent, en plusieurs circonstances, les fleurs ne poussent pas plus vite quand on tire dessus. Il y a des débats dans la société. Ils se feront. Nous en serons, puisque nous sommes les élus de la population du Québec.

Donc, je souhaite que le débat se poursuive. Je souhaite que le débat n'oublie pas une autre chose fondamentale, c'est qu'on parle beaucoup d'aide médicale à mourir, et c'est un soin, puis on veut l'offrir idéalement à une population plus large afin d'éviter des souffrances, afin d'éviter de perdurer des souffrances, des drames. Mais j'ai toujours gardé en tête et je garderai toujours en tête qu'avant l'aide médicale à mourir ou avant mourir dans la dignité, le principal objectif que nous devrions poursuivre, ici, en tant que société, en tant qu'élus et en tant que gouvernement, pour qui occupe les sièges du gouvernement, c'est de vivre une vie et vivre, oui, dans la dignité plutôt que de mourir dans l'indignité.

Je veux vous lire, là, et je vais terminer bientôt là-dessus, parce que je n'ai plus beaucoup de temps, mais je veux vous lire, M. le Président, un seul paragraphe d'une très longue lettre, que j'ai reçue au tout début de nos travaux sur les soins de fin de vie, d'un citoyen de ma circonscription, qui est gravement malade. Je n'essaierai même pas de dire le nom de sa maladie, mais c'est une maladie dégénérative, une forme d'arthrite, on sait qu'il y a plusieurs formes d'arthrite. Et ça fait 20 ans qu'il souffre de ça, il a beaucoup essayé des traitements, il a tenté toutes sortes de choses, avec plus ou moins de succès. Et un jour il nous a écrit une longue lettre, et il y a un paragraphe qui dit ceci : «L'affaire, M. Marissal, c'est que je ne veux pas mourir. Je m'y sens contraint. La chose qui me frustre le plus dans tout ça, c'est que ça m'aura pris 19 ans pour avoir les traitements adéquats pour mes arthrites, mais ça m'aura pris moins de deux mois pour avoir l'aide médicale à mourir.»

Qu'on ne se trompe pas, je suis parfaitement d'accord avec le rapport unanime qu'on remet ici. Je suis parfaitement d'accord avec l'idée d'élargir l'aide médicale à mourir, dans les balises et dans les conditions, aux maladies que l'on a déterminées. Mais n'oublions jamais ces gens qui demandent aussi des soins et qui demandent de vivre.

En attendant, je le redis, je souhaite que ce projet... que ce programme... ce rapport — je vais finir par le dire — ce rapport donne rapidement naissance à un projet de loi. Et je suis tellement enthousiaste que je vais d'ores et déjà offrir ma collaboration si, quelque part en 2022, nous pouvions avoir un projet de loi là-dessus. Et je remercie encore une fois mes collègues pour la belle expérience et le très beau travail qu'on a fait ici. Merci.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député de Rosemont. Je cède la parole à Mme la députée de Joliette. Vous disposez de 9 min 33 s.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Alors, c'est vraiment remplie de gratitude que je me présente devant vous aujourd'hui. Remplie de gratitude parce que je saisis pleinement le privilège et la responsabilité que nous avons comme élus de l'Assemblée nationale quand on se penche sur des questions aussi fondamentales, aussi sensibles, aussi complexes mais aussi importantes pour notre société.

Je suis remplie de gratitude parce qu'encore une fois j'ai eu la chance, avec cette deuxième commission spéciale transpartisane sur des enjeux relatifs aux soins de fin de vie et à l'aide médicale à mourir, de travailler dans un esprit réellement transpartisan, comme on devrait le faire tellement souvent, avec des collègues extraordinaires, complètement dédiés aux enjeux qui nous étaient soumis, où on a appris à se connaître, avec le défi supplémentaire de ne pas pouvoir travailler dans une salle, réunis ensemble, donc toujours avec des écrans entre nous. Mais, rapidement, on a senti qu'on était là, d'abord et avant tout, comme des humains représentant d'autres humains et que cela, ça allait primer sur tout le reste. Et ça ne s'est pas démenti pendant tous ces mois de travaux, pendant toutes ces longues heures de débat, de réflexion, où on a retourné chaque pierre, où on s'est posé toutes les questions qui devaient être posées.

Et je suis emplie de gratitude parce que je pense qu'aujourd'hui on a réussi, avec l'équipe formidable de collègues et l'équipe qui nous soutenait, extrêmement compétente aussi dans ces travaux-là, à arriver à des propositions qui sont vraiment en phase avec l'évolution de la société, mais qui sont surtout en phase avec le sens profond que l'on veut donner au respect de la personne, au respect de son autonomie, au respect de sa dignité tout autant qu'à l'importance de tout faire pour protéger, dans notre société, les personnes vulnérables.

Et je suis vraiment reconnaissante, parce que je pense qu'avec toutes nos heures de dur labeur et de travail intense... Les délais étaient courts, c'est bon de le rappeler, on a commencé ça véritablement au printemps, et le tout est fait, débattu, déposé devant vous dans un magnifique format, dans ce rapport-là, que j'invite tout le monde à lire, avec, je pense, les bonnes recommandations.

• (16 h 30) •

Alors, c'était complexe, Mme la Présidente. Je veux parler, d'entrée de jeu, de la question pour laquelle nous demandons... nous recommandons une ouverture, celle de la demande anticipée d'aide médicale à mourir en prévision d'une inaptitude pour des personnes qui peuvent être atteintes de maladies dégénératives neurocognitives comme, on va tous y penser, la maladie d'Alzheimer.

Pour moi, c'est central, un, de s'être donné ce mandat-là ensemble de travailler à cet enjeu-là. Pourquoi? Parce que je suis convaincue profondément, comme je l'étais lorsqu'on a fait les autres travaux, que ce sont des questions qui relèvent d'abord et avant tout de l'Assemblée nationale, du pouvoir législatif, des élus et non des tribunaux. Les tribunaux, dans ces enjeux-là, devraient être un lieu de dernier ressort. Mais nous, on a la responsabilité de travailler au nom de nos concitoyens et concitoyennes quand ils nous amènent des enjeux, pour se poser les questions, offrir le forum le plus sain qui soit pour les tenir correctement, pas juste à coups de plaidoiries interposées ou de sorties dans les journaux interposées, mais vraiment dans un forum serein, sain, où on est capables de regarder tous les aspects de chacun des enjeux. Donc, je pense que la manière de le faire importe énormément.

Et pourquoi c'était si important de le faire? C'est que les gens nous interpellent partout. Vous l'avez senti, Mme la Présidente, tout le monde au Québec a une préoccupation sur cet enjeu-là. Mon collègue de Rosemont le disait, tout le monde dit tout le temps : Bien oui, il faudrait faire ça. Moi, j'ai la chance, depuis quelques années, compte tenu de la loi sur les soins de fin de vie, de parler souvent du dossier, de donner des conférences. C'est incroyable, c'est inévitable, c'est toujours le premier sujet qui arrive en période de questions, parce qu'il y a tellement de gens qui accompagnent des gens qui ont une maladie dégénérative comme l'alzheimer, qui ont perdu toutes leurs facultés, toutes leurs aptitudes, et qui savent très bien que, quand la personne était encore apte, ce qu'elle anticipait de pire, c'est de vivre certaines étapes de complète dépendance, de complète souffrance, de complète dégénérescence, et donc cette espèce d'impuissance qui est ressentie par les proches mais aussi par la personne au premier stade de la maladie, qui voit quel est l'avenir qui se trace devant elle, qui ne veut pas prendre une décision hâtive et qui veut pouvoir jouir de la vie le plus possible, tant qu'elle a encore ses facultés, mais en ayant, si possible, la paix d'esprit de savoir que, si le pire doit survenir et si ses pires angoisses et ses pires souffrances se concrétisent, dans les stades très avancés de la maladie... que cette espèce de sortie de secours va exister. Bien, moi, aujourd'hui, je suis très fière qu'on dise à ces personnes-là puis qu'on dise aux personnes qui les entourent, que, oui, la sortie de secours, on veut qu'elle puisse exister, parce que ce n'est pas vrai qu'une société aussi humaine et avancée que la société québécoise peut se contenter de laisser des gens qui se trouvent dans ces situations-là souffrir pendant des semaines, des mois, parfois des années, sans aucune issue, et dont, on le sait, la mort est inévitable.

Alors, c'est sûr qu'il y avait énormément de questions complexes qui se posaient. Et tantôt, c'était intéressant parce que toutes les questions les plus complexes... Les journalistes ont bien senti la complexité de ces enjeux-là. Ils nous les ont posées, ces questions, et c'était assez drôle de leur dire : Oui, oui, on y a pensé, on a réfléchi quelques journées, quelques semaines sur ces enjeux-là. Puis ces questions-là, elles sont réelles. Est-ce que la personne, alors qu'elle est au premier stade de la maladie et toujours apte, est-ce qu'elle va être la même personne, avec les mêmes besoins et les mêmes volontés, que la personne qui a perdu son aptitude, et qui peut-être vit relativement bien dans sa nouvelle vie? Est-elle la même personne? Ses souffrances... Est-ce qu'on doit s'arrêter aux souffrances anticipées uniquement ou aux souffrances contemporaines? Est-ce que les circonstances qui sont émises froidement par une personne qui a toutes ses capacités doivent être intégralement respectées ou s'il faut les jumeler avec le respect des critères actuels de la loi?

Donc, c'étaient des questions extrêmement complexes, et je pense qu'on est arrivés vraiment au bon équilibre. Et cet équilibre-là, c'est vraiment l'équilibre entre l'autonomie et l'autodétermination de la personne, qui a le droit de demander à l'avance, dans une demande anticipée, l'aide médicale à mourir, si certaines manifestations de sa maladie se produisaient, en nommant un tiers de confiance qui va être responsable d'agiter le drapeau, pas de consentir pour elle, pas de se mettre à sa place — le consentement substitué, on a mis ça de côté — juste pour dire : Moi, ma mère, moi, mon conjoint, moi, mon ami a demandé ça, je lève le drapeau parce que je veux être sûr qu'il y a quelqu'un qui considère la demande, parce que je pense qu'on est peut-être rendus dans les manifestations de la maladie qu'elle avait prévues. Mais il n'aura pas droit... il n'y a pas de droit d'exiger l'aide médicale à mourir, comme c'est le cas, d'ailleurs, à l'heure actuelle, vous le savez, Mme la Présidente.

Donc, à partir du moment où on lève le drapeau, bien là, l'équipe médicale embarque et elle va évaluer est-ce que, un, c'est conforme à ce qui était indiqué dans la demande anticipée mais, surtout, est-ce que c'est conforme à l'ensemble des critères qui sont maintenus, maladie grave et incurable, évidemment, déclin avancé et irréversible des capacités et souffrance constante, inapaisable, dans des circonstances jugées tolérables. Et je pense que oui. Quand on regarde tout ça, on arrive au bon équilibre.

Et j'ai rappelé aujourd'hui qu'il y a une experte, que je relisais hier soir, qui nous a donné le cas où une personne, par exemple, aurait dit tout simplement : Moi, vous savez, si je ne reconnais plus mes proches, ça va être la catastrophe, et je voudrais avoir l'aide médicale à mourir. Mais cette personne-là, rendue à ce moment-là, elle ne le reconnaissait plus, son mari, mais elle trouvait donc que c'était la plus belle personne qui existait au monde, et à chaque jour elle voulait le séduire et le reconquérir. Donc, on peut s'imaginer que, dans un cas comme celui-là, la souffrance n'est pas présente, même si on avait pu anticiper autrement.Mais, par ailleurs, pour toutes ces personnes qui sont dans des états de souffrance intolérable, dans des états grabataires, dans des états où la vie n'a plus de sens, je pense qu'aujourd'hui on fait une avancée significative, et on la fait de manière extrêmement balisée, ce qui fait que ça va être une vraie avancée pour l'ensemble de la société québécoise. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Joliette. Et maintenant je reconnais Mme la députée de Soulanges.

Mme Marilyne Picard

Mme Picard : Merci, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, permettez-moi de saluer chaleureusement les collègues avec qui nous avons traversé ce beau mandat. Tout d'abord, notre dévouée présidente, la députée de Roberval, qui a toujours été au poste et qui a très bien mené les travaux, la députée d'Abitibi-Ouest, la députée de Saint-François, le député de Mégantic et le député de Lac-Saint-Jean, merci, chers collègues, pour nos discussions parfois animées mais toujours franches, parfois corsées mais toujours cordiales, ce fut un plaisir de siéger à vos côtés sur cette commission spéciale; également les collègues des oppositions, en commençant par le vice-président M. le député D'Arcy-McGee, la députée de Westmount—Saint-Louis, la députée de Mille-Îles, le député de Rosemont, la députée de Joliette, le député de Chomedey ainsi que la députée de Maurice-Richard et le député de Gouin, qui ont malheureusement dû nous quitter en cours de route.

La Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie traitait d'un sujet vraiment délicat. Mais nos échanges ont toujours été riches, l'écoute toujours au rendez-vous. Du débat sont nés des consensus importants au bénéfice des citoyens et des citoyennes du Québec. Et je crois que nous avons tous et toutes sortis de ce mandat la tête haute et fiers du travail accompli et, surtout, un travail transpartisan.

Je me suis sentie particulièrement privilégiée de pouvoir participer à cette commission si importante pour tous les Québécois. Mon expérience personnelle avec la maladie, la fragilité de la vie, la mort a très bien certainement contribué aux échanges tant avec les milieux et entre nous, les membres. Nous avons passé presque tout l'été en virtuel à rencontrer des groupes et des professionnelles en consultations particulières. Cela m'a beaucoup ébranlée. Je m'apercevais qu'à chaque intervenant, je modifiais ma vision personnelle de cet enjeu. J'avais ensuite hâte de rencontrer les membres de la commission pour en débattre avec eux, voir leur point de vue. Lorsque nous avions des échanges sur le consentement substitué ou encore sur l'encadrement qui pourrait être nécessaire aux proches aidants, j'apportais mon point de vue, mon point de vue de mère, mon point de vue de partenaire du milieu.

Mme la Présidente, recommandation par recommandation, nous avons scruté chaque mot afin qu'il reflète notre vision. La recommandation n° 1 a suscité des heures et des heures de réflexion. Je la lis : «La commission recommande qu'une personne majeure et apte puisse faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir à la suite de l'obtention d'un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l'inaptitude.»

• (16 h 40) •

D'accord. D'où vient cette recommandation? Quelles ont été certaines de nos réflexions? Une «personne majeure et apte», donc un enfant de 17 ans et 11 mois n'y aurait pas accès, alors qu'à son anniversaire, un mois plus tard, il y aurait accès. Et encore, une personne majeure et apte, donc un adulte ayant une déficience intellectuelle légère y aurait peut-être accès, alors qu'un adulte avec une déficience intellectuelle moyenne, peut-être pas. Et un autre exemple, le mot «diagnostic», dans cette recommandation. Devait-on cibler des diagnostics précis? Si nous le faisions, cela pourrait limiter ce soin à quelques personnes. Et les mots «maladie incurable menant à l'inaptitude»... Qu'est-ce qu'une maladie incurable? Une maladie peut-elle être réellement incurable, avec les progrès constants de la science et de la médecine? Comme vous le voyez, ce sont des très grandes discussions profondes qui nous ont tous animés.

Mme la Présidente, la toute dernière recommandation, qui semble si banale lorsqu'on la lit, la voici : «La commission recommande de ne pas élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental; qu'à cet effet, l'article 26 de la Loi concernant les soins de fin de vie soit modifié.» Cette recommandation, vous devinerez, a suscité de nombreux débats. Personnellement, je n'ai pas été convaincue, à la suite des consultations particulières, qu'une maladie mentale pourrait être jugée incurable.

Mais ce qui est venu le plus me chercher, dans tous ces travaux, c'est probablement que plusieurs nous ont dit qu'il y avait une pression autour des gens en fin de vie, et ils se sentent un fardeau. Plusieurs veulent mettre fin à leurs jours pour alléger leurs proches. Je tiens à rappeler qu'une demande d'aide médicale à mourir fait partie d'un processus rigoureux par l'équipe médicale et que l'article 29 de la loi indique que le médecin doit s'assurer que la demande d'aide médicale à mourir ne résulte pas de pressions extérieures et que le demandeur doit nécessairement répondre à tous les critères, dont un des plus importants, la souffrance, souffrance physique, souffrance psychologique, y compris existentielle, constante, insupportable et validée, surtout, par le médecin.

Mme la Présidente, je me suis aperçu qu'il y a une possibilité offerte actuellement dans le réseau que peu de gens connaissent, les directives médicales anticipées. Il est possible, en ce moment, d'aller sur le site clicSEQUR ou de trouver sur Internet le formulaire de directives médicales anticipées. C'est gratuit et disponible pour tous. Une personne peut spécifier ses dernières volontés, soit de refuser les traitements ou de ne pas vouloir demeurer dans un état comateux. Il y a aussi le mandat d'inaptitude rédigé par un notaire qui peut être possible pour certaines personnes.

Dans tous les cas, Mme la Présidente, nous devons continuer, en tant que société, de tout faire en notre possible si une personne désire vouloir continuer de vivre et nous devons l'aider à soulager ses souffrances via l'aide médicale à mourir si elle le souhaite. Il est très important de respecter le choix de cette personne. De vouloir choisir son dernier soin est en soi le dernier choix dont nous disposons, et je suis fière d'être dans une société qui permet ce choix.

En conclusion, Mme la Présidente, permettez-moi de remercier toutes ces personnes qui, vivant des situations extrêmement difficiles sur le plan individuel ou familial, ont trouvé le courage de venir raconter leurs histoires et leurs expériences devant les membres de la commission. Que ce soit en auditions ou encore sous forme de mémoire, de lettre, de correspondance, de commentaire, ce sont des milliers de témoignages que nous avons reçus à la commission. Vivre avec la maladie, ce n'est déjà pas facile. De venir s'ouvrir et se raconter devant des inconnus, devant des dizaines, voire des centaines de personnes, c'est encore une tout autre paire de manches. Je salue leur courage. Nous avons accueilli à la commission des gens de tous horizons, des gens d'une force intérieure incroyable, des gens qui, peu importe le contenu de leurs témoignages, nous ont tous beaucoup appris sur notre propre relation à la vie et, par le fait même, à la mort. Nous ressortons tous et toutes grandis de cette commission, et je suis très fière d'en faire partie. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Soulanges. Et maintenant je reconnais Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Francine Charbonneau

Mme Charbonneau : Merci, Mme la Présidente. Je vous avoue que c'est un moment un peu émotif. Je vous explique. Cette commission est arrivée dans ma vie en 2009, et je suis arrivée en politique le 8 décembre 2008. Donc, aujourd'hui, Mme la Présidente, je suis peu égoïste en le faisant, mais je souligne mes 13 ans de vie politique. Je ne les souligne pas n'importe comment, je les souligne avec une commission qui m'a amenée à comprendre encore plus le rôle que nous avons à jouer en politique. Mon collègue de Rosemont le disait, il y a la joute politique, il y a la vie, il y a la complicité, et il y a l'avancement de la société. Et je vais commencer parce que... je vais commencer par le début en faisant les remerciements d'usage, puisqu'il le faut.

Vous savez, Mme la Présidente, en ce moment, et depuis deux ans, on vit un contexte tout à fait particulier. On parle de mort, mais pas nécessairement parce qu'on a le goût d'en parler. On reçoit des téléphones d'inquiétude de gens qui parlent de leurs parents, pas nécessairement parce qu'on a le goût d'en parler mais parce qu'il faut en parler. Et dans cette vie politique active et un peu folle, il y a eu cette parenthèse, cette parenthèse où, nonobstant le chapeau qu'on a sous quelle forme de gouvernement ou de parti nous sommes, on s'assoit ensemble et on discute.

Puis je suis heureuse que ce soit vous qui soyez sur le trône aujourd'hui parce que vous avez été des premiers débats. 2009, on a commencé à tourner, à parler, à aller partout au Québec, parce que, dans ce temps-là, on le pouvait, on ne se parlait pas de masques puis on s'assoyait une à côté de l'autre. Et on a fait le tour du Québec pour entendre la première fois où on a parlé du droit de demander l'aide médicale à mourir. Mme la Présidente, je vous rappelle, avec sourire, que ce n'était pas facile. Vous, comme la députée de Joliette, on a fait ça ensemble et on a fait... on s'est assuré qu'à tous les soirs on pouvait se quitter avec un petit sourire, avec un souvenir drôle parce que c'est lourd, parce que c'est dur puis parce que si vous pensez que parler politique, d'argent puis de religion, c'est toffe, bien, parler de sa propre mort ou la mort de quelqu'un d'autre, ce l'est tout autant. Ça n'a pas été simple, mais on a appris et on a grandi.

Puis, en 2012, presque le jour de mes 50 ans, on a déposé le premier rapport, un pas de géant, je vous le dis, là, j'en ai encore des frissons, un pas de géant parce qu'on se donnait le droit d'entendre les gens sur cette volonté qu'ils avaient de dire : J'aimerais choisir, j'ai une maladie, je ne vais pas guérir, je ne vais pas être mieux la semaine prochaine, je m'en vais de pire en pire, pendant que je le sais, pendant que j'ai mon diagnostic — parce que c'était clair que c'était vers ça qu'on s'en allait, on ne pouvait pas choisir comme ça n'importe comment — j'aimerais ça avoir le choix. Et l'Assemblée nationale du Québec, au mois de mars 2012, a dit : Oui, on fait ce pas.

Je ne veux pas vous dire combien de fois j'ai entendu le mot «dérive», combien de fois on a échangé avec différentes personnes qui nous ont dit : Attention à la dérive, attention, ça va arriver, il va arriver des moments où ça va être difficile. Mais je vous avoue, Mme la Présidente, que les gens à qui on a confié ce mandat d'écouter les patients, de les accompagner puis de faire en sorte qu'il n'y en ait pas, de dérive, ont tenu la porte serrée. Et, à ce jour, on ne peut pas dire qu'il y en a eu. Même au contraire, on peut dire qu'il y a des gens qui nous ont écrit pour dire : Je veux y avoir droit, j'aimerais ça y avoir droit, faites une place pour mon droit puis mon autodétermination. Et, à chaque fois, on est revenus avec la même discipline en disant : Non, non, non, ça ne se fera pas sans un diagnostic, sans un accompagnement et sans être sûr que ce qu'on fait, c'est la bonne décision. Bien, 10 ans plus tard, mesdames et messieurs assis dans cette Chambre avec moi, encore un grand pas, encore une avancée, mais toujours avec la fine ligne de prudence entre l'autodétermination, la possibilité d'avoir accès et ne pas arriver à la dérive.

• (16 h 50) •

Et je vous le dis, Mme la Présidente... puis vous le savez, je vous parle comme si vous étiez une amie, mais vous en êtes une, et, de ce fait, c'est difficile, pour moi, en ce moment, de vous vouvoyez puis dire «Mme la Présidente» tout le temps, j'aimerais beaucoup plus dire : Tu sais, Maryse, ça n'a pas été plus facile. Ça n'a pas été plus facile parce que chacun d'entre nous, mes collègues ici, en face de moi, mes collègues ici, de ce côté-ci, on avait toutes nos forces et toutes nos contradictions, mais aussi toute notre volonté. Puis je vous le dis, Mme la Présidente, il y en a eu, de la volonté, à tous les lundis matin, à 8 heures, à tous les vendredis matin, à 8 heures. Puis ce n'est pas parce qu'on était toujours devant une caméra chacun chez nous que c'était plus facile, puis de se dire : Bien, je n'écouterai pas. Non, on était tous suspendus aux lèvres de chacun d'entre nous pour voir comment je peux faire un pas de plus, comment je peux mieux comprendre, comment je peux mieux m'adapter à ce que ma collègue dit. Et chacun d'entre nous avait une réalité puis une expérience de vie, de gens qui avaient accompagné, de gens qui avaient des gens encore chez eux qui avaient besoin de soutien, à des citoyens qu'on avait entendus. Nous avons eu des échanges difficiles, et mes collègues l'ont tous dit, puis je pense qu'on va tous le dire, mais tellement respectueux. Et, à chaque fois, les petites avancées se font.

Mme la Présidente, je vous avoue aussi que notre présidente nous a menés de main de maître : sensibilité, respect. Des fois, elle me trouvait un peu tannante. Mais, à chaque fois que je vais la voir, je vais lui rappeler que j'aurai toujours une vieille main pour elle, toujours, puisque vous savez, Mme la Présidente, on lève la main sur l'ordinateur et, quelquefois, elle nous redonnait la parole puis on disait : Non, non, vieille main. Ça voulait dire qu'on avait juste oublié de baisser notre main. Et c'est rendu maintenant notre petite complicité de dire «vieille main».

Mme la Présidente, après 13 ans de vie politique, quand quelqu'un me demande : Ça vaut-u la peine pour tous les sacrifices qui se font? Je dirais qu'aujourd'hui oui. Pour vous, à votre premier mandat, si jamais vous avez l'opportunité d'avoir une commission transpartisane, allez-y. C'est difficile parce qu'il faut oublier, là, que la veille ou l'après-midi il s'est passé des trucs, on s'est brassé un peu. On n'est pas tout à fait d'accord puis on se plante un peu dans nos affaires, mais la volonté de vouloir avancer ensemble, la volonté de tourner chaque pierre pour être sûr que chacune d'elles nous rappelle le chemin qu'on a à faire fait toute la différence.

Je garde mes derniers mots pour les gens qui sont venus nous témoigner, pas les spécialistes, parce qu'ils ont été exceptionnels. Ils ont été exceptionnels, mais ils le sont à chaque fois. À chaque fois qu'on invite des gens, ils sont toujours exceptionnels puisque c'est dans leur métier, c'est dans leur façon de faire qu'ils nous donnent leur approche puis leurs recommandations. Mais ma collègue de Joliette le disait, les gens qui vivent la maladie, les gens qui accompagnent les gens qui vivent la maladie, puis je vais rajouter les gens qui ont peur de la maladie... Vous le savez, Mme la Présidente, quand on accompagne un parent, quand on accompagne quelqu'un, la crainte qu'on a, c'est toujours la génétique qui nous accompagne avec ça. Puis il y a des gens qui sont venus nous dire : Je n'ai pas le goût de ça. Je n'ai pas le goût de ça. Mais on a gardé notre prudence sur comment bien faire les choses.

Puis j'ai un collègue, si je me souviens bien, c'est mon collègue de Rosemont, ça va sûrement le faire sourire, il disait : Il ne faut pas signer un document pour la coquetterie. Il ne faut pas faire en sorte que, parce que je commence à avoir un peu d'incontinence, je pourrais signer un document. La volonté n'était pas là. La volonté, c'était de faire en sorte que ce qu'on donnait comme recommandation pour un projet de loi solide était une recommandation qui était applicable, sans dérive, juste et qui respectait l'autodétermination de chacun. Il est simple de dire que, quand on parle de sa mort, la seule question, c'est : Toi, tu veux-tu être enterré on tu veux être incinéré? Mais ce n'est pas la seule question. Il y en a beaucoup plus que ça. Et on a eu le plaisir de partager ces discussions-là ensemble.

Mme la Présidente, c'est avec beaucoup de fierté que je me suis jointe à ce groupe. J'ai été accueillie avec beaucoup... de façon très chaleureuse. J'ai fait au moins le trois quarts de la commission avec les gens. Je suis heureuse de vous dire que, ce rapport, j'espère qu'il sera lu, qu'il sera jugé et qu'il fera en sorte que, dans 10 ans, qui sait, je me lèverai peut-être en Chambre pour dire que je suis heureuse de participer au troisième rapport qui sera déposé. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Mille-Îles. Et maintenant je cède la parole à M. le député de Mégantic.

M. François Jacques

M. Jacques : Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, je tiens à exprimer toute ma gratitude aux collègues de l'Assemblée nationale qui nous ont permis à tous de pouvoir participer à cette commission spéciale sur les soins de fin de vie. Il s'agit d'un sujet délicat, qu'il a fallu évaluer de façon rationnelle tout en n'oubliant pas l'élément humain qui devait rester autour de toute cette grande démarche. Je crois que, malgré nos positions personnelles parfois divergentes, on a eu des grandes discussions, des discussions animées. Tout le monde ensemble, nous sommes arrivés à un consensus qui, selon moi, contribuera grandement, dans le cadre législatif de l'aide médicale à mourir.

Vous savez, Mme la Présidente, au-delà des députés que nous étions lors de la commission, je pense que chaque personne s'est présentée là humainement, avec un devoir à faire à chaque séance qu'on avait. On a eu à faire les audiences de tous les 88 groupes qui sont venus nous partager leurs recommandations. On a eu à travailler ensuite sur les recommandations et les observations, sur le rapport, autant sur la pochette que sur tout ce qui s'est retrouvé dans le rapport. Et on avait une belle fraternité, on se tutoyait, tous et chacun, lors de toutes ces rencontres-là, et, pour moi, ça a été une proximité qu'on a réussi à développer tout le monde ensemble malgré le fait qu'on était d'origines... de partis différents. Mais je crois que l'orientation de la commission des soins de fin de vie était très importante pour l'ensemble des collègues, là, qui étaient là.

Donc, je remercie... j'aurais aimé ça vous nommer par vos noms aujourd'hui, je sais que ça ne le permet pas ici, puis, bien, je vais me retenir. Parce que je pense qu'on a eu de beaux échanges. Je remercie quand même, là, tout le monde, Mme la Présidente, le comité directeur, la recherche, la bibliothèque, tous les gens qui ont participé, là, à nos travaux puis qui ont été en soutien avec tout le monde, avec nous.

Donc, pour ma part, une notion m'a suivi tout au long de cette grande réflexion et de mon travail à titre de commissaire, c'est tout le principe de l'autodétermination. On a eu beaucoup de discussions, avec certains collègues un peu plus que d'autres, mais je peux vous dire que, pour moi, c'est important que les gens puissent choisir de quelle façon la fin va arriver, la fin de vie va arriver. Vous savez, les soins de fin de vie, une demande médicale de soins de vie, c'est une décision personnelle, c'est un choix personnel. Les gens ne... Il n'y a personne qui peut être forcé à faire une demande de soins de vie. Donc, dans mon passé, dans ma vie familiale, ma femme est décédée du cancer, et jamais, jamais, au grand jamais elle n'aurait accepté de prendre l'aide médicale à mourir. Donc, c'est un choix, puis on en a bien parlé longuement dans toute cette grande discussion là, puis il faut que ça reste comme ça aussi. Je ne pense pas que les Québécois voudraient autre chose que ça. Donc, je demeure fermement convaincu que le choix doit, en toutes circonstances, demeurer celui de la seule personne véritablement concernée, c'est-à-dire le patient. Je crois que la compassion et la décence la plus élémentaire nous implorent de respecter les voeux de la personne souffrante. Ces personnes sont souvent déjà dépossédées de leurs capacités physiques, de leur autonomie, d'une partie de ce qu'ils sont. Il m'apparaît tout à fait inapproprié de les déposséder du choix qu'ils ont de finir leurs jours selon les modalités qu'ils souhaitent.

Cependant, il ne faut pas oublier et passer sous silence une autre facette de ce débat, et elle m'interpelle tout particulièrement : ceux qui restent derrière les personnes qui vont recourir à l'aide médicale à mourir, ceux qui accompagnent les personnes mourantes dans la souffrance et qui, même s'ils peuvent voir la fin de celle-ci comme une forme de délivrance, sont ceux qui vivront pour se poser la question : Ce choix était-il le bon? Aurait-on pu faire autrement dans d'autres circonstances?

• (17 heures) •

Accompagner une personne dans la mort est une expérience marquante qui peut être profondément douloureuse. Elle peut venir avec son lot de culpabilité et de doute. C'est pourquoi l'aide médicale à mourir doit être un processus qui ne se termine pas abruptement par la mort de la personne souffrante. Les vivants, eux, souffrent aussi, et cette souffrance, bien que de nature différente, ne doit pas être minimisée ou invisibilisée dans la démarche.

Je crois que c'est dans cet esprit que nous avons délibéré afin de produire notre rapport. Il apparaît clair aux membres de la commission que le respect du principe d'autodétermination doit être au coeur de toute réforme législative du droit d'obtenir l'aide médicale à mourir, y compris lorsque la demande est formulée de façon anticipée.

Cependant, il nous apparaît impératif de préciser que ce droit doit être balisé et que celui-ci doit répondre d'une définition précise des situations dans lesquelles il s'applique. Dans un souci de respect des valeurs humanistes qui animent la société québécoise, il est primordial que le recours à l'aide médicale à mourir ne soit pas banalisé et présenté comme une solution comme une autre. Il s'agit d'une décision grave qui doit être abordée avec tout le sérieux et le respect qui est recommandé.

Je crois que c'est uniquement de cette façon que nous pourrons assurer la dignité des personnes et du processus. Nous ne devrons jamais oublier, en tant que législateurs, que chaque vie est unique, que chacune des situations mérite d'être évaluée et contextualisée aussi. Nous devons avoir le souci de trouver un équilibre entre le droit de décider de son destin et un cadre légal qui assurera la protection des personnes vulnérables, quelle que soit leur décision, des plus ultimes. Donc, valider notre conception de mourir dignement, sans coercition, sans obligation et surtout sans subir la pression de devoir se conformer à un souhait précédemment exprimé. Donc, Mme la Présidente, la notion de liberté est inséparable de celle de la dignité. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Mégantic. Et maintenant je cède la parole à Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. À mon tour de partager un peu la réflexion en ce qui concerne notre Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Je vous ai tous entendus. Vous êtes tous très éloquents et éloquentes. Vous m'avez beaucoup inspirée. Je pensais de dire autre chose, puis là, évidemment, ça fait du bien que je n'avais rien d'écrit parce que je veux juste parler dret de mon coeur.

Un, premièrement, c'était tout un honneur et un privilège d'assister... que, pour moi, a été une première commission spéciale et aussi un privilège de siéger avec tous mes collègues de toutes les formations politiques ici, à l'Assemblée nationale, d'une façon transpartisane, avec beaucoup de respect, avec des échanges qui ont pris, je pense, beaucoup de courage, avec de la transparence, avec beaucoup d'humilité, avec beaucoup de caution, avec des gens que j'ai appris à apprécier beaucoup.

Et je partage aussi les sentiments de mes collègues en disant que j'ai vraiment hâte à mieux vous connaître. Puis c'est vrai, c'était la première fois, aujourd'hui, qu'on était réunis ensemble, en personne. On a passé au-dessus de 200 heures en virtuel ensemble. Alors, personnellement ça m'a vraiment fait du bien de vous voir ensemble. Et, si ce n'était pas COVID, je vous aurais vraiment tous embrassés, parce que j'ai beaucoup appris avec vous, grâce à vous.

Un privilège de siéger dans cette commission, Mme la Présidente, parce que c'est toute une grande responsabilité quand on parle de ce qui est peut-être le plus cher. C'est le plus cher, c'est ce que nous avons, c'est le plus précieux, c'est nos vies. Ça fait que, quand on parle de la mort, bien, dans le fond, il faut parler de la vie et qu'est-ce qu'on souhaite pendant que nous sommes ici en train de vivre.

Alors, j'ai pris cette responsabilité vraiment à coeur. J'ai apprécié chaque moment de nos débats et de nos discussions. Puis, malgré que je veux que la population soit sensible à l'effet que, oui, c'est unanime, mais nous avons eu des débats. Nous avons eu vraiment beaucoup de débats, puis c'est vrai ce qu'elle a dit, la députée de Joliette, les journalistes nous ont posé des questions aujourd'hui que, nous aussi, nous avons posées entre nous. Et on a joué à l'avocat du diable, on a vraiment posé des questions difficiles, parce qu'on a vraiment pris cette responsabilité à coeur, parce que c'est très important.

Je veux remercier les experts, les spécialistes. Ma collègue de Mille-Îles l'a mentionné, puis oui, c'est sûr, ils viennent avec cette expertise, mais j'ai beaucoup appris avec eux puis je pense que les gens... je sais que c'est beaucoup de temps, mais les gens qui veulent en apprendre de plus devront aller lire les mémoires qu'ils ont partagés avec nous, parce que ça a vraiment nourri notre réflexion en termes de membres de la commission. Ça fait que je veux remercier les experts, les spécialistes, les chercheurs, la communauté médicale, la communauté légale et évidemment, surtout, les citoyens, les gens qui sont en train de vivre des situations en ce qui concerne les soins de fin de vie et l'accès a l'aide médicale à mourir, parce que ça, ça prend énormément de courage, de venir témoigner et de partager qu'est-ce qui se passe dans leur vie personnelle.

Je pense qu'on était tous honorés d'entendre ces histoires. C'était très émotif comme commission. On a ri ensemble, on a pleuré ensemble, on a appris ensemble. Puis avant tout, nous sommes tous des élus, mais avant tout nous sommes des humains, puis je pense aussi, c'est important que la population en prenne conscience de ça. On vient avec un bagage politique, on vient avec notre formation politique. Oui, on a des débats ici, au salon bleu, oui, nous avons des débats en commission parlementaire, mais avant tout nous sommes des humains et nous vous... ont entendu. On a pris le temps, vraiment, de travailler en concertation pour s'assurer que vos droits seront respectés et vos voix seront entendues. Puis ça, c'est quelque chose que, pour moi, était très important.

Oui, on a déposé des recommandations puis on espère qu'il y aura une prochaine étape en ce qui concerne le dépôt d'un projet de loi pour poursuivre les travaux, parce que ce n'est que le début d'un processus, ce que nous avons fait ensemble. C'était huit mois de travaux, Mme la Présidente, vraiment, puis 11 recommandations unanimes. Ça aussi, ce n'est pas n'importe quoi. Puis, comme mes collègues, je dois remercier notre présidente qui... nous avons tenu avec une main forte mais aussi avec beaucoup de compassion, puis pas facile de faire ça tout en mode virtuel, ainsi que tous les autres collègues qui ont mené une réflexion qui était très profonde.

Je pense qu'on a eu beaucoup de questions des gens qui disaient : Bien, allez-vous statuer sur x, y, z? C'était compliqué comme commission de s'assurer qu'on reste à l'intérieur de notre champ d'expertise et de... les deux questions dont nous avons eues à poser puis à avoir une réflexion, puis ça, c'était vraiment est-ce qu'on pensait qu'on était pour faire les recommandations en ce qui concerne l'élargissement de l'accès de l'aide médicale à mourir à des personnes en situation d'inaptitude et les personnes où le seul problème médical, c'est un trouble mental.

C'était très difficile, je pense, d'avoir des débats, parce que c'est un débat de société, mais je suis heureuse de voir qu'encore une fois nous sommes allés au-delà de la mort pour parler de la vie puis de respecter qu'est-ce que les gens, ils voulaient comme vie quand ils sont rendus, vraiment, à des soins de fin de vie. Puis je reflète aussi ce qui a été dit auparavant, que l'aide médicale à mourir, c'est un soin, ce n'est pas un droit. Alors, c'est très important de prendre ça en considération.

Alors, il y avait vraiment une ligne très mince entre l'autodétermination et la protection des personnes en situation de vulnérabilité ou des personnes vulnérables. Je pense que moi, évidemment, Mme la Présidente, je vais parler de la cause des personnes handicapées, les personnes autistes. Je pense que c'est très important parce qu'ils ont fait partie de nos débats. Nous avons discuté de leur situation en particulier, et je vais citer le chercheur Martin Caouette parce que je pense que lui, il l'a dit vraiment justement : «Les personnes qui ont une déficience intellectuelle devraient avoir la possibilité d'accès à l'aide médicale à mourir, mais la raison pour y accéder ne devrait jamais être la déficience intellectuelle.»

• (17 h 10) •

Le respect de tous les Québécois et Québécoises, peu importe leur situation, s'ils peuvent consentir, s'ils peuvent être déterminés aptes, c'est ça que nous avons fait. Nous avons travaillé d'une façon pour s'assurer qu'il n'y aura pas de discrimination. On a vraiment vidé la question en ce qui concerne les personnes qui sont en situation de handicap ou les personnes qui souffrent du spectre de l'autisme. Puis c'était, je pense, des débats qui ont été très difficiles, parce qu'on a dû aussi faire le débat en ce qui concerne les personnes qui souffrent d'une maladie cognitive neurodégénérative comme l'alzheimer. Alors, je suis très contente pour ces personnes et ces familles. S'ils souhaitent placer une demande anticipée, ça fait partie de nos recommandations, Mme la Présidente. Ils vont pouvoir faire ceci pour eux et pour leur famille, pour s'assurer qu'eux, ils sont en contrôle de leur destin. C'est ça, l'autodétermination.

Avec le très peu de temps qui me reste, je veux parler des personnes qui souffrent uniquement d'un trouble de santé mentale. C'est tellement complexe, tellement complexe, Mme la Présidente, mais comme mon collègue de D'Arcy-McGee l'avait mentionné, les aspects d'incurabilité, les aspects de... le déclin irréversible puis le manque de... l'absence de consensus dans la communauté médicale, des personnes qui sont venues témoigner, à l'intérieur de ce que nous avons entendu de la consultation en ligne, puis ce n'est pas n'importe quoi. Mme la Présidente, «just an aside», presque 3 500 personnes ont répondu à notre questionnaire en ligne et on a reçu au-dessus de 2 000 commentaires.

Je sais que ce n'est pas facile, surtout pour les personnes qui souffrent d'un problème de santé mentale, parce que c'est une souffrance. C'est une souffrance, puis on y reconnaît. Puis ce n'est pas une question de jugement, mais c'est une question que nous pensons, parce qu'il y a un manque de consensus, qu'il faut aller à une autre étape pour faire le débat sur cette question. Il faut aller au-delà de la commission que nous avons eue ensemble pour s'assurer qu'on protège vraiment les personnes qui peuvent se retrouver en situation de vulnérabilité, parce que c'était vraiment un débat que nous avons eu. Je ne sais pas combien d'heures nous avons passées là-dessus, parce qu'on avait vraiment une sensibilité à ceci.

So, it really was a privilege for me to participate in this commission on the evolution of the existing act pertaining to end-of-life care. And, if I had more time, I would have loved to explain everything also in English for those of you that are following. Please, take the time to read the work that was done.

Merci aux équipes qui ont travaillé tellement fort pour produire ce rapport, les équipes de soutien, les équipes de la bibliothèque. Merci beaucoup. Sans vous, on n'aurait pas pu se rendre aujourd'hui où nous sommes pour faire le débat en ce qui concerne le dépôt du rapport. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis. Et maintenant je cède la parle à M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Éric Girard

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme la Présidente. Alors, permettez-moi de saluer les membres de la commission, mes collègues ici présents, mes collègues en face de moi, merci de rester afin de nous écouter. Mme la Présidente, je veux remercier aussi la présidente de la commission d'avoir mené, aussi, cette commission d'une main de maître, en virtuel aussi, qui était quand même un grand défi, et de toujours avoir su être à l'écoute des membres de la commission, et vraiment, elle a fait ça d'une façon très digne. Merci aussi à tous les intervenants, bien entendu, les groupes qui ont participé aux consultations, toutes ces personnes d'horizons très variés. On parle de professionnels de la santé, d'éthiciens, de philosophes, de spécialistes en droit, mais surtout aussi de personnes qui ont connu des expériences à propos de ce sujet.

Ça a été aussi un grand privilège pour moi de pouvoir participer à cette commission spéciale et d'avoir pu contribuer, avec mes collègues, à ce mandat dans un environnement de respect et d'humilité. Et je tiens à remercier aussi tout le personnel qui a travaillé avec nous, parce qu'ils ont réussi à mettre toutes nos réflexions sur un document, un document qui est très facile à lire et à comprendre. Donc, c'était très important, parce que c'est ça qui va nous rester, en fait, aussi de cette commission-là pour avoir des références et se référer à ça aussi, avec ce qui s'en vient.

On sait qu'en décembre 2009, bien, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité une motion créant la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, et nous voilà plus de 10 ans... c'est à notre tour d'aborder la question de l'aide médicale à mourir, et je vais pouvoir dire que nous avons réussi avec succès le mandat de cette commission, notamment grâce à une conciliation entre les députés de tous les partis. On l'a dit, je le redis, c'est très important de le mentionner, ce consensus et cette conciliation que nous avons eus. Donc, c'était important de le souligner.

Et on a traité aussi ce sujet avec toute la rigueur et tout le coeur qu'il commande. Donc, nous avons eu une grande réflexion, et l'essentiel de notre débat concernait la possibilité pour une personne de formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir alors qu'elle était encore apte à le faire, et c'était l'enjeu principal, et c'est ce qui est ressorti de la recommandation numéro un. Nous avons passé beaucoup de temps sur cet enjeu, parce que c'était là le départ de tout le reste de la commission et c'était aussi le mandat de cette commission.

Bien entendu, c'est un sujet qui a soulevé plusieurs questions philosophiques, notamment sur la vie, sur la souffrance et sur la dignité autant des personnes malades que de leurs proches. On avait aussi la question du patient, l'autodétermination, mais on avait aussi le souci des proches, des gens qui vivent aussi ces situations-là. Donc, c'était important de penser à ces personnes-là et aussi de penser aux personnes seules, qui ont aussi à vivre ces situations. On sait que la majorité des experts s'entendent pour dire que les troubles, aussi, neurocognitifs peuvent entraîner une perte de dignité pour les personnes qui en souffrent. Donc, l'appréhension de cette fin de vie peut également leur causer une grande souffrance. Ils savent d'avance que leur condition de vie va se dégrader, qu'ils vont perdre plusieurs de leurs capacités. Donc, on a donc parlé de respecter la dignité de la personne malade en lui donnant un soin et, bien entendu, l'autodétermination.

Je me souviens des personnes qui ont participé aussi à nos consultations, et je me souviens, entre autres, d'une personne qui était atteinte d'une forme précoce de la maladie d'Alzheimer, et je suis convaincu que mes collègues s'en souviennent aussi. Je me souviens aussi de bien d'autres personnes qui ont passé avec différentes expériences de vie et je dois avouer qu'en écoutant ces gens-là qui ont passé devant nous, eh bien, ça m'a appris encore beaucoup de choses sur la vie. En entendant toutes ces personnes, on reconnaît qu'il faut donner une importance à un choix à la personne malade sur comment elle souhaite passer sa fin de vie. On doit prioriser sa volonté sur ce qui constitue une fin de vie digne. C'est une question qui est subjective. C'est quelque chose qui, selon un grand nombre de personnes, revient aussi aux croyances et aux valeurs propres à chacun.

Nous ne devons pas juger du bien-fondé de ces convictions, mais bien nous interroger sur les responsabilités de notre société envers ces personnes qui souffrent de la détérioration de leur état de santé. Ce qu'on a déterminé, c'est que la dignité des personnes doit passer par l'écoute de leurs besoins à l'intérieur, bien entendu, d'un cadre prévu par la Loi concernant les soins de fin de vie. Donc, tout comme mes collègues l'ont mentionné, un processus, mais bien encadré, avec des balises pour éviter aussi les dérives, c'était un devoir pour nous.

On s'est entendu aussi pour dire qu'il était noble de permettre à des personnes dont l'état de santé ira en s'aggravant et dont les facultés déclineront inévitablement d'éviter de souffrir inutilement. On parle, bien entendu, ici de souffrance physique, mais aussi de souffrance psychologique. On a eu beaucoup de discussions au niveau des souffrances. On a eu des réflexions et beaucoup aussi d'interrogations au niveau de la question... tout ce qui tourne autour de la question de la souffrance.

• (17 h 20) •

On a, bien entendu, fait des recommandations. Tout à l'heure, auparavant, mes collègues en ont fait état, donc je ne reviendrai pas là-dessus. Mais il faut bien comprendre que, dans tout ça, la personne qui fait la demande anticipée se voit aussi avoir un droit de soins aussi. Ce qui est important, c'était un soin aussi dans cette perspective-là.

Donc, vous savez, Mme la Présidente, notre société chemine. Donc, le temps était venu pour nous d'avoir une réflexion là-dessus, et c'était un des pas importants qui vise aussi à ajuster nos lois aux valeurs québécoises qui évoluent. Et la consultation en ligne de cet été en témoigne, et le principe de mourir dans la dignité obtient l'approbation d'un large pan de notre société. Donc, ça témoigne de l'ouverture d'esprit de nos citoyens qui font preuve... et qu'on doit reproduire dans nos fonctions parlementaires aussi pour bien représenter la population. Je crois que nous avons agi au bénéfice de notre population tout au long de cette commission et je suis fier d'avoir été un membre et un acteur.

Donc, encore merci aux spécialistes, aux professionnels de la santé, mais aussi aux citoyens qui nous ont partagé leur expérience dans le cadre de cette commission. C'est ce qui a été essentiel pour élaborer notre rapport. Ce rapport, selon moi, représente parfaitement le cheminement que nous avons parcouru au cours des derniers mois. Et c'est une très belle représentation du travail que nous avons effectué, j'en suis fier. Et nous avons été très loin, nous avons été au fond des choses, et on devait le faire, ça a été mentionné à plusieurs reprises, le patient était l'élément principal, la famille, les proches et les personnes seules aussi, tout ça en étroite collaboration avec des professionnels et des spécialistes de la santé.

Donc, encore une fois, merci. Merci. Ce fut un privilège pour moi de pouvoir participer à cette commission qui était une des commissions extrêmement, extrêmement importante pour notre société. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Lac-Saint-Jean. Et je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Suzanne Blais

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Mme la Présidente, chers collègues, la responsabilité qui nous a été impartie dans le cadre de la commission spéciale de l'évolution concernant les soins de vie est extrêmement importante. En tant que législateurs, nous avons l'habitude de travailler afin d'encadrer légalement la vie des Québécoises et des Québécois, de travailler à élaborer des politiques qui auront pour finalité d'améliorer leur quotidien. Cependant, il est plus rare que nous ayons à légiférer sur la façon dont ils vivront leurs derniers moments.

Ce fut un mandat à la fois émotif et complexe, un mandat où se sont croisés empathie et éthique, droit et compassion, philosophie et politique. En ce sens, je tiens à remercier l'ensemble de mes collègues de la commission pour leur participation active et constructive qui m'a souvent permis de voir certaines problématiques sous un autre jour. Nos échanges ont été hautement enrichissants, et j'en garderai un excellent souvenir.

Je tiens aussi à remercier tous les experts et les spécialistes que nous avons entendus lors des consultations, mais surtout je tiens à remercier ceux qui sont venus partager des témoignages et qui nous ont permis de comprendre comment ils ont vécu la mort de leurs proches, comment cette expérience profondément marquante les a transformés. Il est primordial de trouver l'équilibre entre l'analyse rationnelle et le caractère profondément émotif et humain de la question des soins de fin de vie.

La participation à cette commission a été une expérience qui m'a profondément bouleversée. Ayant travaillé dans le réseau de la santé pendant de nombreuses années, j'ai souvent été témoin de la souffrance, de la maladie et même de la mort. J'ai eu le privilège d'accompagner, pendant 13 ans, des patients confrontés à un diagnostic irréversible.

Même en la côtoyant de façon régulière, nous sommes appelés instinctivement à nous questionner sur la nature de la souffrance, sur le sens à donner à la condition humaine, mais, sur ces enjeux, même les aspects plus pratiques sont difficiles à trancher. Comment qualifier et quantifier la souffrance? Comment évaluer la souffrance psychologique? Est-elle plus difficile à supporter que la souffrance physique?

Savez-vous, Mme la Présidente, ça m'a pris huit ans, huit ans à apprivoiser le phénomène de la mort, huit ans à prendre le temps de discuter avec les patients et leurs proches, à prendre le temps d'élaborer des plans de soins adéquats qui respectent leurs volontés. Et, dans ces nombreuses discussions, une constance se dégageait. Il y avait toujours la même inquiétude devant la souffrance. Alors, cette question se pose : Est-ce que la volonté de choisir soi-même le moment de sa mort marque réellement un désir de fin de vie ou l'expression d'une profonde détresse devant la souffrance?

Comment choisir le moment approprié de son départ? Dans quelles conditions? Quel doit être l'équilibre entre l'autonomie et la dignité du choix personnel et la valeur sacrée de la vie humaine? Qui sommes-nous pour juger de ce processus? Ce sont ces questions qui nous ont habités pendant de nombreuses semaines. Je sais que, pour ma part, la réflexion continuera encore longtemps.

Et aujourd'hui, même après toute cette expérience humaine, le grand départ, même si je l'aborde de façon plus posée et sereine, garde encore tout son mystère, tout son aspect solennel, l'ultime inconnu qui nous a fait réaliser que le vacarme de l'existence prend son sens dans le silence de la finitude, le silence pour toujours.

Puis il y a ceux qui restent derrière, ceux dont la voix toujours vibrante fera vivre l'être aimé pendant quelques années encore, au coeur de leurs souvenirs. Et, devant l'apaisement de la souffrance enfin échappée, il y a parfois un sourire triste et des larmes qui s'entremêlent. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée d'Abitibi-Ouest. Et maintenant je reconnais Mme la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Combien qu'il me reste de temps?

• (17 h 30) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Un peu plus de 10 minutes.

Mme Geneviève Hébert

Mme Hébert : Parfait. Merci. Donc, c'est avec beaucoup d'humilité que je me lève la dernière en cette Chambre pour prendre la parole sur le débat du rapport de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, un rapport, donc, je pense que tout le monde a dit qu'il était très fier.

Vous savez, Mme la Présidente, être plongée pendant neuf mois, des dizaines d'heures par semaine, dans un sujet aussi sérieux et aussi déterminant pour des milliers de Québécois, bien, ça vient avec son lot d'émotions, des émotions parfois posititives, comme lorsque les 11 membres de la commission parvenaient à s'entendre de manière consensuelle sur le libellé d'une recommandation, au bénéfice des citoyennes et des citoyens du Québec. Ce sentiment partagé d'avoir réussi entre nous à faire une différence positive dans la vie des gens, de toutes ces personnes qui comptaient sur la commission pour leur venir en aide, bien, je vous dirais que ça a créé en moi un certain apaisement puis une satisfaction de la mission que nous avions.

Des émotions parfois difficiles, comme lorsque nous sortions ébranlés d'un témoignage particulièrement touchant, particulièrement bouleversant. D'entendre des personnes se sachant parfois condamnées venir s'adresser à nous avec une voix forte, déterminée, le regard lucide puis passionné. Sentir toute la pression qui vient avec le rôle qui était le nôtre, se sentir parfois bien petit dans nos chaussures devant la dimension de la tâche et des décisions qui nous étaient confiées. Mme la Présidente, on parlait de vie, on parlait d'espoir, on parlait de peur, on parlait de craintes, de perception aussi face à la mort, mais on parlait de mort et de désespoir.

Vous savez, Mme la Présidente, le rôle qui était le nôtre était parfois déchirant. C'était garni de dilemmes intérieurs puis, je vais utiliser le mot qui est fort, là, mais cornéliens, car, bien que nous cherchions tous et toutes à remplir nos fonctions de la manière la plus objective et neutre possible, malgré tout, bien, on vient avec notre propre bagage de vie, nos valeurs, nos convictions, nos expériences, toutes ces choses qui déterminent la façon dont on voit la vie puis dont on voit également la mort.

Ces valeurs, ces convictions, ces expériences puis je dirais même, dans mon cas, ces croyances qui sont les miennes, bien, elles ont été confrontées pendant la commission. Ce n'était pas toujours facile, mais, avec humilité devant la tâche que commandait... de se mettre en mode écoute, d'ouvrir ses oreilles, bien évidemment, mais surtout d'ouvrir son coeur à l'autre, d'ouvrir son coeur à la souffrance, d'ouvrir son coeur à l'espoir comme au désespoir, d'ouvrir son coeur à ces personnes qui, elles, ont pris tout leur courage à deux mains pour venir nous ouvrir leur coeur, à nous, ces personnes qui sont venues nous dire : Je vais mourir, et aidez-moi à mourir dignement, c'est confrontant. Ce ne fut pas facile, Mme la Présidente, pour une personne qui, comme moi, est plutôt réticente à l'aide médicale à mourir. D'accepter d'élargir aux personnes atteintes d'une maladie dégénérative et de manière anticipée, bien, c'est un grand pas que j'ai eu à franchir, puis c'est un acte d'humilité et d'ouverture que j'ai fait.

C'est pourquoi je suis particulièrement fière d'avoir contribué à ma façon à ce que la procédure qui sera mise en place soit la plus humaine et responsable possible. Il était très important pour moi que la personne qui soit chargée d'accompagner et d'exécuter la volonté de la personne demanderesse, qu'on appelle le tiers de confiance, bien, soit bien au courant du rôle qui lui est imparti puis qu'aucune décision ne soit prise à la légère. La décision, c'était le choix du demandeur, mais le tiers de confiance, bien, ça l'implique. Alors, il devait savoir à quoi il était engagé. Donc, il ne fallait pas risquer l'incompréhension ou encore un désistement lorsqu'il y a un... moment critique de la décision fatale arrive. Être la personne qui déclenche, au nom de son proche, le processus d'aide médicale à mourir, bien, ce n'est pas banal. Puis personne ne doit être appelé à jouer ce rôle décisif sans bien comprendre tous les tenants et aboutissants de cette responsabilité qui était... qui est sans précédent. Ce n'est pas arriver encore. Mme la Présidente, quand on signe un contrat, on le lit. C'est important. Donc, c'est un engagement que la personne prend. Je trouvais important qu'elle puisse mettre la signature.

Donc, c'est pourquoi que je suis fière puis en confiance de la recommandation 8a que je vais vous lire : «La Commission recommande que la personne désigne sur le formulaire un tiers de confiance chargé de faire connaître sa demande anticipée d'aide médicale à mourir et de réclamer en son nom le traitement de la demande au moment opportun; que le tiers de confiance consente par écrit au rôle qui lui est attribué.»

Donc, elle vient confirmer, par la signature du tiers de confiance, que celui-ci, bien, il ne sera pas laissé dans le flou quant à la demande anticipée de son proche puis toutes les étapes qu'il aura à suivre au moment décisif.

Donc, Mme la Présidente, en conclusion, bien, j'aimerais prendre un moment pour remercier et saluer les collègues avec qui j'ai participé à cette commission. Il faut dire, Mme la Présidente, cette commission spéciale, bien, c'était ma toute première. Vous savez, moi, je suis whip adjointe. Je suis un officier souvent au salon bleu. On se côtoie souvent, on se voit régulièrement, mais ce n'est pas un rôle que j'ai à jouer dans les commissions parlementaires. Donc, bien qu'au commencement des consultations particulières, bien, j'étais un brin nerveuse, hein, je vous l'avoue, donc, je remercie mes collègues pour leur appui indéfectible. Franchement, j'ai des collègues qui m'ont rendu cette expérience-là très enrichissante et qui va rester marquante dans ma vie.

Puis j'ai un merci spécial tout d'abord à ma collègue de Roberval, notre présidente, qui a fait un travail remarquable. Tout le monde l'a mentionné, mais moi, je vais y mettre ma petite touche personnelle. Durant cette commission, elle a fait naviguer le bateau, là, puis à travers des eaux qui étaient, je dirais, tumultueuses à quelques occasions. Puis notre présidente, bien, elle n'a jamais hésité à décrocher le téléphone pour m'écouter, pour me rassurer. Je le dis personnellement parce que c'était ma première commission, puis je vous ai dit aussi mes opinions personnelles. Donc, on allait discuter avec moi de la direction que prenait à commission puis on a eu de beaux échanges. Puis je la remercie grandement pour ça.

Ensuite, bien, il y a mes collègues, hein, de Soulanges, Abitibi-Ouest, Mégantic, Lac-Saint-Jean. C'est un plaisir et un honneur de siéger à vos côtés. Puis les expériences de vie que vous nous avez partagées avec nous durant cette commission, bien, ça a été déterminant dans la suite de nos travaux. Vous avez teinté nos travaux par vos expériences, puis je suis très reconnaissante.

Il y a aussi les collègues des oppositions, les députés de D'Arcy-McGee, Maurice-Richard, Mille-Îles, Westmount—Saint-Louis, Rosemont, Gouin, Joliette et Chomedey. Je vous le dis, c'est un privilège que j'ai eu d'apprendre à vous connaître. J'ai une devise, hein, qui est Connaître, Aimer et Servir. Donc, je pense que plus on apprend à connaître l'autre, bien, j'ai appris à vous apprécier encore plus, parce que j'ai vu l'humain dans chacun de vous, et j'ai le goût encore plus de collaborer avec vous.

Alors, cette commission fut un excellent exemple de transpartisanerie, Mme la Présidente, avec des échanges riches, des perspectives multiples, des débats sains, toujours menés dans l'idée de rechercher le bien commun autour duquel tous les citoyens et les citoyennes pourraient se rassembler.

Au final, je vous dirais que chaque personne a dû mettre un peu d'eau dans son vin, ça, c'est... je pense que c'est une expression québécoise, mais on est arrivés avec un rapport final duquel nous sommes tous, je pense que tout le monde l'a mentionné, très fiers, et je suis certaine, et ce, au bénéfice de tous les Québécois et les Québécoises. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Alors, cela met fin au débat sur le rapport de la Commission spéciale sur l'évolution de la loi sur les soins de fin de vie.

Pour connaître la suite, je vais maintenant céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Schneeberger : Oui, Mme la Présidente. Je vous demanderais d'appeler l'article 8 du feuilleton.

Projet de loi n° 15

Adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : À l'article 8 du feuilleton, M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives. Alors, M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, la parole est à vous.

M. Lionel Carmant

M. Carmant : Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est avec beaucoup de fierté que je prends la parole comme ministre parrain de ce projet de loi visant à réformer en profondeur la Loi sur la protection de la jeunesse.

Je vais vous faire une confidence, Mme la Présidente, lors de mon discours d'ouverture, il y a presque trois ans, jour pour jour, je remerciais le premier ministre de me confier le mandat de faire du Québec un État qui offre à tous les enfants la possibilité de réaliser leur plein potentiel. J'avais l'occasion unique d'implanter le programme Agir tôt, un programme qui permet de faire de la prévention et de la détection pour les retards de développement chez nos tout-petits qui présentent des difficultés d'apprentissage et ainsi intervenir le plus tôt possible dans leur milieu de vie. Cet objectif avait été au coeur de mes recherches et de ma carrière en neuropédiatrie, et je me disais que ce projet allait définir mon engagement politique.

Mais, quand je suis arrivé, Mme la Présidente, à mon bureau de ministre, j'avais deux dossiers sur mon bureau qui me trottaient dans la tête sans arrêt, celui de deux enfants de la DPJ qui avaient eu une fin tragique. Les recommandations de la CDPDJ n'avaient toujours pas été appliquées, et, devant ces deux dossiers, j'ai décidé d'appeler une réunion de toutes les DPJ du Québec, en janvier, pour leur parler de cette situation. Et alors elles m'ont exprimé le désir d'avoir plus d'encadrement pour les intervenantes, les jeunes intervenantes de la DPJ qui prenaient en charge ces enfants-là. Et c'est ce qu'on a fait. Mais, malgré tout, j'ai quand même demandé un deuxième avis à M. André Lebon, qui a été le futur vice-président de la commission pour les jeunes et la protection de la jeunesse, qui... pour lui demander qu'est-ce qu'on pouvait faire de plus à ce moment-là.

• (17 h 40) •

Malheureusement, Mme la Présidente, moins de trois mois plus tard est survenue la tragédie de Granby, un drame qui a ébranlé le Québec, qui nous a tous chamboulés, moi aussi, profondément. C'est alors que le premier ministre a mis sur pied la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse. Et, en entendant ces témoignages, en prenant connaissance et conscience de cet univers qu'est la protection de la jeunesse, la nécessité de réformer en profondeur cette loi, adoptée il y a plus de 40 ans, s'imposait plus que jamais à mes yeux. J'ai compris que cette étape allait vraiment marquer mon passage en politique, Mme la Présidente. Il y avait eu un avant-Granby, il y aura un après-Granby.

Il y a six mois à peine, le gouvernement recevait le fruit du travail colossal réalisé par cette commission spéciale mise sur pied en mai 2019. Régine Laurent et tous les commissaires nous ont remis un impressionnant rapport, qui contient quelque 65 recommandations et plus de 250 pistes d'action. Et, à ce moment-ci, je tiens à remercier Mme Laurent, tous les commissaires, tous ceux qui ont travaillé, toutes les intervenantes qui sont allées parler à la commission et qui nous ont permis d'avancer autant qu'on a pu le faire dans ce rapport. Nous nous étions engagés à ne pas le tabletter, Mme la Présidente. Avec le projet de loi n° 15, nous tenons parole. Dire que les attentes à l'égard du rapport Laurent étaient très élevées et que le projet de loi était attendu avec impatience relève de l'euphémisme.

Au cours des derniers mois, nous avons travaillé sans relâche, avec les équipes du ministère, à formuler des propositions législatives qui soient à la hauteur des espoirs qu'a fait naître le rapport. Et, à en juger par les premières réactions depuis le dépôt du projet de loi n° 15, j'ai le sentiment que nous allons aller dans la bonne direction, celle souhaitée par une grande majorité des citoyens.

Vous me permettrez ici de citer le Dr Julien, qui, dans une lettre ouverte publiée en fin de semaine dernière, soulignait : «"Mettre l'enfant au coeur des décisions", selon la commission Laurent. "Affirmer l'intérêt primordial de l'enfant et le respect de ses droits qui seront [des] éléments à considérer dans toute prise de décisions", selon le nouveau projet de loi sur la protection de la jeunesse. [...]Nous applaudissons le gouvernement, qui semble déterminé à poursuivre dans la voie du changement profond.»

De son côté, l'ex-président du groupe de travail sur Un Québec fou de ses enfants, M. Camil Bouchard, a écrit : «Ce jour restera marqué dans ma mémoire comme un point de bascule essentiel vers une meilleure protection de nos enfants les plus vulnérables. [...]Nous passons, avec cette réforme, d'une loi qui au fil des années était devenue une loi de la protection des liens familiaux de l'enfant à une véritable loi de la protection des enfants.»

Depuis mon arrivée en politique, Mme la Présidente, j'ai bien compris l'importance que revêt l'intention du législateur quand on étudie un projet de loi, et je tiens à être sans équivoque à cet effet : l'intérêt de l'enfant est primordial et doit être la considération première dans toute décision le concernant lorsqu'il s'agit d'interpréter et de poser une décision dans la Loi sur la protection de la jeunesse. Nous nous donnons désormais les moyens requis pour que cette considération primordiale devienne une condition sine qua non.

Déjà dans le préambule, on vient affirmer plusieurs considérants en ce qui a trait aux droits des enfants et à l'intérêt de l'enfant, qui doit être le principal facteur dans la prise de décision. Un peu plus loin, au chapitre II, les articles 3 et 4, on vient clarifier une confusion qui avait pour effet d'induire un biais en faveur du maintien dans la famille. On y comprenait que l'intérêt de l'enfant était la considération principale, mais qu'il fallait néanmoins tendre vers un retour de l'enfant dans la famille. Aujourd'hui, on vient dire que c'est important, la famille, mais seulement si c'est dans l'intérêt primordial de l'enfant. Par conséquent, le retrait de cette notion de «tendre vers», ça vient vraiment clarifier les choses, Mme la Présidente.

Il est révolu, le temps où un enfant devait payer le prix d'une mauvaise interprétation de la loi ou souffrir d'une situation dans laquelle il n'a aucun contrôle. Parfois, il arrive qu'un enfant soit mieux de rester en famille d'accueil plutôt que d'être ballotté d'un milieu à un autre. Ça ne veut pas dire que les parents ne sont pas importants, loin de là. Le rôle de la famille demeure tout entier, et les parents sont des acteurs clés dans le développement et le bien-être de leurs enfants. Nous sommes et serons toujours là pour apporter notre soutien aux familles les plus vulnérables, notamment par nos interventions en prévention et par le biais de programmes dont nous avons rehaussé le financement, tels que SIPPE, les Services intégrés à la périnatalité et à la petite enfance, pour venir en aide aux mères pendant leur grossesse et qui suit les enfants jusqu'à l'entrée à l'école, l'avis de grossesse informatisé, qui va nous permettre de détecter beaucoup plus tôt les femmes enceintes qui ont des besoins particuliers, le programme de Crise-Ado-Famille-Enfance quand les enfants se désorganisent, ont des problèmes de santé mentale, le programme de négligence quand les enfants sont délaissés, évidemment, le programme dont je vous ai parlé au début, Agir tôt, quand les enfants ont un retard de développement, qui sera lui aussi pleinement déployé en 2022.

Nous allons aussi repérer les familles vulnérables via la première ligne et travailler avec elles en les accompagnant en amont. On veut leur donner plus de chances de travailler leur parentalité. Ce que les chercheurs nous ont démontré, c'est que, souvent, ces enfants sont signalés à répétition, soit des complications pendant la grossesse, quand ils sont jeunes enfants, quand ils sont plus vieux, quand ils sont adolescents, et souvent, même, quand ils sont adultes, ça devient des adultes à problèmes. Donc, ce qu'on veut, Mme la Présidente, c'est les accompagner tout au long de ce chemin de vie.

Puis ce qu'on vient préciser avec ce projet de loi, c'est de statuer qu'à un moment donné quand le juge ou quand la directrice de la protection de la jeunesse voit que les choses ne s'améliorent pas une décision doit être prise dans l'intérêt de l'enfant, dans son intérêt primordial. Parce que la notion de temps, pour un enfant, n'est pas du tout la même que pour un adulte. Le placer dans une situation d'incertitude est traumatisant pour l'enfant, qui peut développer des problèmes d'attachement et entraîner d'autres problèmes à long terme. Plus l'enfant est jeune, plus cette décision doit être prise tôt pour s'assurer que cet enfant ait une famille pour la vie. C'est ça que Régine Laurent nous a demandé, c'est ça que les autres commissaires nous ont demandé et c'est ce qu'on est fiers de livrer avec ce projet de loi, Mme la Présidente.

Dans le même esprit visant à faire primer l'intérêt de l'enfant, dans la loi actuelle, il n'y avait assignation d'un avocat à l'enfant que quand il y avait un conflit entre l'enfant, les parents et la Direction de la protection de la jeunesse. Désormais, comme nous le demande le rapport Laurent, on veut faire entendre la voix de l'enfant et on souhaite que l'avocat prenne le temps de connaître celui-ci, de travailler avec celui-ci, de l'accompagner tout au long du processus, pas seulement à la dernière minute, quand il est assigné en cour. On veut que ce soit vraiment un représentant de l'enfant qui soit toujours présent, et ce, dans toutes les causes.

Autre modification législative substantielle, la confidentialité, le partage de l'information et des renseignements. Ce changement majeur est introduit pour prévenir certains drames qu'on a vécus qui étaient carrément dus à un manque de partage de cette information. C'est notamment le problème vécu par de nombreuses familles d'accueil qui nous ont déploré de ne pas disposer de toute l'information requise sur le passé de l'enfant et ce qu'il a vécu. Si on a de l'information qui peut protéger la vie d'un enfant, il faut la partager avec la direction de la protection de la jeunesse puis il faut que nos intervenantes puissent la partager avec les autres partenaires, que ce soit la famille d'accueil, l'école ou les autres intervenants auprès de l'enfant. Ainsi donc, en levant les verrous et en modifiant les règles de confidentialité, le message qu'on envoie est on ne peut plus clair, et c'est qu'on doit protéger nos enfants, la confidentialité ou le secret professionnel ne peut valoir plus que la vie d'un enfant, Mme la Présidente.

Je résume donc les principaux objectifs de notre projet de loi : renforcer la primauté de l'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits, soutenir l'interprétation de la Loi sur la protection de la jeunesse, améliorer la communication de renseignements confidentiels, améliorer et harmoniser les pratiques cliniques en matière de protection de la jeunesse, notamment par la nomination d'une directrice nationale de la protection de la jeunesse, préciser les responsabilités de la directrice dans cette loi, faciliter le passage des jeunes à la vie adulte et reconnaître que les autochtones sont les mieux placés pour répondre aux besoins de leurs enfants de la manière la plus appropriée.

D'ailleurs, je veux également souligner toute l'importance que ce projet de loi accorde aux Premières Nations et aux Inuits. C'est avec les groupes autochtones des communautés conventionnées et non conventionnées, ainsi que les Inuits, que les propositions d'intervention en protection de la jeunesse en contexte autochtone ont été élaborées. Plusieurs rapports d'enquête nous proposaient des solutions concrètes pour adapter les services aux enfants autochtones. Ce que nous proposons aujourd'hui est une mise en oeuvre de plusieurs recommandations de l'ENFFADA et du rapport Viens. C'est avec et pour nos partenaires des Premières Nations autochtones et inuites que des adaptations sont proposées à la Loi sur la protection de la jeunesse afin de s'attaquer notamment à la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de la protection de la jeunesse. Je les remercie vraiment pour leur apport et leur collaboration entière à la réalisation de cette réforme.

• (17 h 50) •

Je suis très fier des travaux qui ont été menés au cours des derniers mois afin de présenter ce projet de loi. Je tiens à saluer tous ceux et celles qui y ont travaillé de près ou de loin, que ce soient les gens du ministère de la Santé et des Services sociaux, ministère de la Justice, également le comité permanent qui a travaillé sur ce projet. Il s'agit du premier jalon de ce grand parcours qui nous amènera à mieux protéger nos enfants au Québec.

D'ailleurs, je présente également aujourd'hui les étapes de mise en oeuvre des recommandations du rapport de la commission Laurent. À la suite du dépôt du rapport final, en mai dernier, je m'étais engagé à donner suite aux recommandations avec diligence et rigueur. Les actions mises de l'avant visent à transformer les services offerts aux jeunes et aux familles en misant sur la prévention et la participation des acteurs clés de la communauté et des différents réseaux. Elles s'articuleront autour de cinq axes et seront réalisées en trois phases : promotion et prévention pour les jeunes de 0 à 12 ans, trajectoire de qualification pour les 12 à 25 ans, gouvernance nationale, régionale et locale, protection de la jeunesse modernisée et intervention de pointe et soutenue, Mme la Présidente. Ces étapes témoignent de mesures déjà en cours et d'autres à venir. Elles seront de nature évolutive et seront mises à jour sur une base annuelle.

Je ne peux pas terminer sans parler à nos intervenantes. Vous faites un travail extraordinaire et vous avez à coeur le devenir de nos enfants. C'est également pour vous que nous déposons ce projet de loi. L'accès à toute l'information, le partage de celle-ci avec nos partenaires, le fait de mettre l'enfant au centre du projet de loi, ce sont des enjeux que vous m'avez mentionnés à de nombreuses reprises lors de mes passages en centres jeunesse. Et nous allons poursuivre en parallèle le déploiement des recommandations Laurent pour améliorer vos conditions de travail et valoriser le travail essentiel que vous faites sur une base quotidienne. Je sais que votre tâche est exigeante et qu'on vous en demande beaucoup, parfois dans des délais relativement serrés. Sachez que nous en avons conscience, sachez que je suis là pour vous et que je vais continuer d'être à vos côtés.

Le 24 novembre 1917, le ministre d'État au Développement social, M. Pierre Marois, concluait en ces mots son discours à l'étape de ce qui était alors le débat en deuxième lecture sur le projet de loi n° 24 sur la protection de la jeunesse : «[Cette loi] repose sur le postulat fondamental qu'il est possible d'amener une collaboration fructueuse des intervenants, qu'il s'agisse des policiers, des centres de services sociaux, des juges et des procureurs, des établissements du réseau des affaires sociales, des centres d'accueil, des CLSC, des organismes du milieu. Il est certain que cela suppose des ajustements de comportement, d'attitude et même de mentalité.

«C'est donc un défi que tous ces gens devront relever, et ce dans l'intérêt fondamental des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises, que cette loi vise avant tout à aider.»

C'est dans ce même esprit de collaboration, de solidarité et d'entraide auquel je convie mes collègues parlementaires afin que nous adoptions le principe de ce projet de loi qui, je l'espère sincèrement, constituera une autre étape historique en matière de protection de la jeunesse au Québec. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux. Et je cède maintenant la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil : Merci, Mme la Présidente. Donc, évidemment, il reste peu de temps. J'aurai l'occasion de revenir demain. Donc, ce serait plus une introduction.

Je suis vraiment heureuse et je me considère très privilégiée d'être porte-parole de l'opposition officielle dans ce dossier. J'écoutais le ministre et je pense que je suis animée par cette même passion. Je pense qu'on est tous... D'ailleurs, il y a eu des débats très, très, très passionnants et importants juste avant qu'on procède ici sur les travaux de cette commission spéciale. J'ai entendu les collègues de gouvernement, du parti du gouvernement s'exprimer. Mais on est aussi, ici, dans un dossier humain, profondément humain. On parle des enfants, on parle de leur avenir, de leur potentiel et qu'est-ce qu'on peut faire comme société pour nous assurer d'une stabilité pour ces enfants.

Et donc, aujourd'hui, on commence... donc, c'est l'adoption de principe. Normalement, dans les processus, on aurait entendu les groupes d'abord et on serait venus ici expliquer les points de vue de tous et chacun. Ça fait partie de ce processus. On nous avait demandé, le gouvernement nous avait demandé si on serait prêts... Parce que j'avais quand même exprimé mon souhait qu'on puisse procéder, ça, c'est avant que le projet de loi soit déposé, je me suis exprimée auprès du leader, on était en commission parlementaire, ensemble, sur un autre projet de loi, je disais : Quand est-ce que ce projet de loi vient? J'ai vraiment hâte qu'on puisse aller de l'avant. Il y a urgence d'agir. Je pense que le ministre, il est dans cette urgence d'agir, parce qu'il a monté ce dossier puis ce projet de loi. Mais, pour nous tous, ces dernières années ont été très difficiles en matière de protection de la jeunesse.

Dans mon passé, juste pour vous dire, Mme la Présidente, j'étais membre du conseil d'administration de Batshaw, d'ailleurs, quand Batshaw a été baptisé avec ce nom, Batshaw. Et j'étais aussi membre d'un comité qui existait, l'Association des centres jeunesse, qui avait aussi des administrateurs comme moi, qui siégeaient, pas simplement les directeurs. Et on aura l'occasion d'en parler, peut-être pas à ce stade-ci, mais en commission parlementaire, et je trouve que c'est intéressant qu'on ramène un peu cette notion avec un groupe de travail ou un groupe qui va se rencontrer régulièrement, et c'est les directeurs de protection de la jeunesse. Et, en guise d'introduction, c'est un outil intéressant pour s'assurer qu'on rafraîchit toujours nos façons de faire, on partage les meilleures pratiques, qu'on aille regarder ailleurs, c'est ce qu'on faisait à l'époque, et c'était toujours quelqu'un qui amenait... Savez-vous ce qu'ils... Bon, je me rappellerai toujours un projet à Hawaï qui avait fait feu, dans le sens que... donné des résultats extraordinaires où les grands-mamans... il y avait des groupes de grands-mamans qui allaient visiter les familles avec des enfants vulnérables.

Alors, en introduction, c'est de dire à quel point on va... Je déclare mes intentions. Évidemment, le travail que j'ai à faire aujourd'hui, c'est de souligner, évidemment, les modifications, mais aussi peut-être est-ce qu'on a bien suivi les recommandations de la commission Laurent, mais on aura l'occasion d'entendre la voix des autres organismes. Et, toujours dans un projet de loi, l'objectif, c'est d'améliorer, hein, c'est de bonifier, on parle toujours de bonifier le projet de loi, je pense que le ministre, il a eu l'expérience avec un projet de loi, c'est toujours ça, l'intention. Et c'est évident qu'on sera vraiment... je travaillerai, évidemment, avec beaucoup de diligence, parce que j'ai vraiment à coeur... On a tous été ébranlés par les terribles histoires. Depuis, d'ailleurs, ce tragique événement de la petite fille de Granby, il y a eu beaucoup d'autres histoires très, très préoccupantes d'horreur, etc., et, à quelque part, il faut souligner le travail des médias, les médias qui ont réussi à faire en sorte que toute la société québécoise se sente interpellée par cette mission fondamentale du gouvernement, dans un premier temps, mais de la société dans son entièreté.

Alors donc, pour parler plus précisément du projet de loi n° 15... Parce qu'il faut savoir, ici, on parle des mesures législatives. Le ministre a évoqué un grand plan d'action, mais là, évidemment, le travail qu'on a à faire, c'est de voir si les mesures législatives qui sont proposées... doivent-elles être... Est-ce qu'elles répondent, donc, aux recommandations de la commission Laurent? Est-ce qu'elles ont besoin d'être bonifiées? C'est de ça que je vais vous entretenir, Mme la Présidente.

Mais, avant d'aller dans le vif du sujet, je voulais savoir : Combien de temps est-ce qu'il me reste?

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Il ne vous reste que quelques secondes avant l'ajournement de nos travaux.

Ajournement

Alors, je vais tout de suite ajourner nos travaux au jeudi 9 décembre, à 9 h 40. Merci.

(Fin de la séance à 18 heures)