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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 29 septembre 2021 - Vol. 45 N° 210

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Féliciter trois cavalières de la circonscription de Huntingdon pour leurs performances à la
compétition équestre West Feria

Mme Claire IsaBelle

Souligner le départ à la retraite de Mme Patricia Bossy, directrice de l'organisme J'apprends
avec mon enfant

Mme Isabelle Melançon

Rendre hommage à M. Roger Barbeau pour son engagement bénévole et communautaire

M. Sylvain Lévesque

Souligner le Mois du patrimoine hispanique

M. Saul Polo

Souligner la Semaine lavalloise des aînés

M. Christopher Skeete

Souligner la mobilisation des Sherbrookois dans la lutte contre les changements climatiques et
pour la protection de l'environnement

Mme Christine Labrie

Souligner l'ouverture d'une deuxième usine par l'entreprise Les Plastiques Évolupak inc. à
Saint-Jean-sur-Richelieu

M. Louis Lemieux

Rendre hommage au Dr Pierre Ferron, oto-rhino-laryngologiste

Mme Geneviève Guilbault

Féliciter M. Wolf Thyma, récipiendaire d'une bourse destinée à la relève dans le domaine des
sciences de la santé

M. Frantz Benjamin

Présentation de projets de loi

Projet de loi n° 897 — Loi modifiant la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance afin
de garantir le droit de recevoir des services de garde

M. Marc Tanguay

Mise aux voix

Dépôt de documents

Rapports annuels du CIUSSS—Nord-de-l'Île-de-Montréal, du CIUSSS—Capitale-Nationale et
du CHUM, rapport sur l'application de la procédure d'examen des plaintes de l'Institut
universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, et rapport annuel et rapport
sur l'application de la procédure d'examen des plaintes du CISSS-Laurentides

Rapport annuel de RECYC-QUÉBEC

Rapport annuel de la Société des traversiers

Rapport annuel de la Société québécoise des infrastructures

Rapport annuel de La Financière agricole

Rapport annuel du Tribunal administratif du travail

Réponses à des pétitions

Questions et réponses orales

Femmes stérilisées sans consentement libre et éclairé

Mme Dominique Anglade

M. François Legault

Mme Dominique Anglade

M. François Legault

Mme Dominique Anglade

M. François Legault

Mme Isabelle Melançon

M. François Legault

Mesures pour contrer la pénurie de main-d'oeuvre

M. André Fortin

M. Jean Boulet

M. André Fortin

Mme Marguerite Blais

M. André Fortin

M. Jean Boulet

Effets de la pénurie de main-d'oeuvre sur le développement économique

M. Monsef Derraji

M. Pierre Fitzgibbon

M. Monsef Derraji

M. Pierre Fitzgibbon

M. Monsef Derraji

M. Jean Boulet

Création d'un registre national des loyers

M. Andrés Fontecilla

Mme Andrée Laforest

M. Andrés Fontecilla

Mme Andrée Laforest

M. Andrés Fontecilla

Mme Andrée Laforest

Mesures pour lutter contre la maltraitance envers les aînés

Mme Lorraine Richard

Mme Marguerite Blais

Mme Lorraine Richard

Mme Marguerite Blais

Mme Lorraine Richard

Mme Marguerite Blais

Projet de loi visant à garantir le droit de recevoir des services de garde

M. Marc Tanguay

M. Mathieu Lacombe

M. Marc Tanguay

M. Mathieu Lacombe

M. Marc Tanguay

M. Mathieu Lacombe

Investissements dans le secteur de l'aluminium

M. Sylvain Gaudreault

M. Pierre Fitzgibbon

M. Sylvain Gaudreault

M. Pierre Fitzgibbon

M. Martin Ouellet

M. Pierre Fitzgibbon

Services aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage

Mme Jennifer Maccarone

M. Jean-François Roberge

Mme Jennifer Maccarone

M. Jean-François Roberge

Mme Jennifer Maccarone

M. Lionel Carmant

Ruptures de services dans le réseau de la santé et des services sociaux

Mme Marie Montpetit

M. Christian Dubé

Mme Marie Montpetit

M. Christian Dubé

Motions sans préavis

Souligner l'anniversaire du décès de Mme Joyce Echaquan et observer une minute de silence à
sa mémoire ainsi qu'à celle des victimes et des survivants des pensionnats autochtones

Mise aux voix

Condamner le recours à des procédures de stérilisation chez des femmes sans consentement libre
et éclairé et demander au premier ministre de convoquer le président du Collège des médecins
afin que soient pris tous les moyens nécessaires pour faire cesser cette pratique

Mise aux voix

Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 92 — Loi visant la création d'un
tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale et portant sur la
formation des juges en ces matières

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Affaires du jour

Projet de loi n° 59 — Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail

Adoption

M. Jean Boulet

M. Monsef Derraji

M. Alexandre Leduc

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée demande au gouvernement de mettre sur pied une cellule de
gestion de crise pour mettre fin aux ruptures de services et de s'engager à apporter les correctifs
réclamés par les acteurs du réseau de la santé

Mme Marie Montpetit

M. Christian Dubé

M. Vincent Marissal

Mme Marilyne Picard

M. Joël Arseneau

Mme Nancy Guillemette

M. André Fortin

M. Samuel Poulin

Mme Marie Montpetit (réplique)

Mise aux voix

Projet de loi n° 59 — Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail

Reprise du débat sur l'adoption

M. Alexandre Leduc (suite)

M. Sylvain Gaudreault

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Bon mercredi. Vous pouvez vous asseoir.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Donc, nous débutons nos travaux aux affaires courantes, à la rubrique de déclaration de députés, et je cède la parole immédiatement à Mme la députée de Huntingdon.

Féliciter trois cavalières de la circonscription de Huntingdon pour
leurs performances à la compétition équestre West Feria

Mme Claire IsaBelle

Mme IsaBelle : Bonjour, Mme la Présidente. La circonscription de Huntingdon regorge de formidables centres équestres dédiés aux loisirs et à la formation.

D'ailleurs, au mois d'août dernier, à Tracy-Sorel, se tenait la 45e édition de West Feria, la finale interrégionale d'équitation western organisée par Cheval Québec. Près de 200 cavaliers ont participé à cette compétition, dont 15 formaient l'équipe du Sud-Ouest, sous la direction de Jacky-Lee Parent et Josée Fortin.

Trois jeunes cavalières de chez nous se sont fait remarquer pour leurs talents : Audrey Laplante de Napierville, Marie-Hélène Thibault de Lacolle, Riley Saint-Onge de Hemmingford.

Félicitations, les filles! Vous symbolisez des modèles de courage et de détermination pour tous les jeunes qui pratiquent ce sport. Qui plus est, vous représentez une grande fierté pour notre circonscription. Félicitations!

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, Mme la députée. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Verdun.

Souligner le départ à la retraite de Mme Patricia Bossy, directrice
de l'organisme J'apprends avec mon enfant

Mme Isabelle Melançon

Mme Melançon : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais aujourd'hui rendre hommage à Mme Patricia Bossy, qui a dirigé l'organisme verdunois J'apprends avec mon enfant, qu'on appelle JAME, pendant les 14 dernières années.

Après un parcours jalonné d'épreuves et de succès, Patricia quitte pour la retraite. Elle peut partir la conscience tranquille, car, grâce à son travail acharné, JAME se trouve aujourd'hui dans une situation très enviable.

L'ingrédient clé de cette réussite est certainement la passion de Patricia. Quiconque l'entend parler de JAME ne peut qu'être convaincu de l'importance de cet organisme. C'est ce que j'ai ressenti la toute première fois que j'ai rencontré Patricia, et c'est probablement ce qui explique la présence d'une armée de bénévoles impliqués au sein de JAME.

Ta passion est contagieuse, Patricia. Peu importe quels seront tes futurs projets, je ne te souhaite que le meilleur pour cette retraite. Bonne retraite, Patricia!

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le député de Chauveau, la parole est à vous.

Rendre hommage à M. Roger Barbeau pour son
engagement bénévole et communautaire

M. Sylvain Lévesque

M. Lévesque (Chauveau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Aujourd'hui, je désire remercier M. Roger Barbeau pour ses nombreuses années de bénévolat au sein de notre communauté.

C'est en 1952 que M. Barbeau a commencé à faire du bénévolat. Il a d'abord été secrétaire à la commission scolaire. Ensuite, il a fondé la Caisse populaire Desjardins de Saint-Émile dans sa résidence. Il a siégé sur différents comités, il a été marguillier, et j'en passe.

Toujours impliqué auprès des Chevaliers de Colomb, M. Barbeau est un guide et un mentor d'exception pour tous les chevaliers du comité paroissial de Saint-Émile et du conseil Laval.

Comme on dit, derrière chaque grand homme se cache une femme extraordinaire. Je tiens à saluer le soutien indéfectible de sa femme, Mme Aline Drouin, tout au long de ces années et encore aujourd'hui.

M. Barbeau, merci d'avoir consacré une partie de votre vie à notre communauté et merci d'être encore engagé. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Laval-des-Rapides.

Souligner le Mois du patrimoine hispanique

M. Saul Polo

M. Polo : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Depuis 2018, le mois d'octobre est officiellement le Mois du patrimoine hispanique du Québec. Il s'agit d'une occasion de souligner la richesse de l'apport que représentent les quelque 175 000 Québécois d'origine latino-américaine et hispanique, autant dans le développement économique, social et culturel du Québec. Ces Québécois apportent avec eux la richesse de leur bagage culturel, favorisant les échanges interculturels harmonieux et stimulant la créativité propre face à notre société diversifiée.

Présents dans toutes les sphères de notre marché du travail, que ce soit la culture, les arts, les sports, le développement économique, ces Québécois sont, à part entière, membres de notre société.

D'ailleurs, je salue notre collègue de Viau, qui remettra, cette semaine, la Médaille de l'Assemblée nationale à un modèle, un exemple de notre communauté, l'architecte Oscar Ramirez. J'ai la conviction profonde que le Québec s'enrichit à chaque fois qu'il accueille les espoirs et les rêves des personnes venues d'ailleurs ici même.

À tous les Québécois d'origine latino-américaine et hispanique, je nous souhaite un bon mois de l'héritage hispanique. (S'exprime en espagnol). Merci beaucoup.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Sainte-Rose.

Souligner la Semaine lavalloise des aînés

M. Christopher Skeete

M. Skeete : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je prends le temps de ma déclaration, aujourd'hui, pour honorer la 32e édition de la Semaine lavalloise des aînés, qui débutera le 1er octobre prochain, à l'occasion de la Journée nationale, bien sûr, des aînés.

C'est important pour moi de souligner l'apport de nos aînés à la collectivité. Célébrons-la, montrons-leur notre gratitude. Nos aînés constituent une richesse inestimable. C'est notre devoir de nous assurer qu'ils aient la reconnaissance qu'ils méritent. Après tout, ils ont construit le Québec. Les personnes âgées sont les piliers de notre société. Une grande majorité d'entre elles aussi assurent le bénévolat dans de nombreux organismes partout à travers le Québec et apportent un soutien nécessaire à leurs familles respectives.

Prenons un moment pour penser à eux, pour se souvenir de tout ce qu'ils ont fait, et célébrons ensemble leur contribution à travers le Québec. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Mme la députée de Sherbrooke, la parole est à vous.

Souligner la mobilisation des Sherbrookois dans la lutte
contre les changements climatiques et pour
la protection de l'environnement

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je veux souligner aujourd'hui le travail des organismes et des citoyens qui sont mobilisés depuis longtemps à Sherbrooke sur les enjeux environnementaux.

Il y a la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social qui a organisé la manifestation du 24 septembre dernier. Il y a aussi Urgence climatique Sherbrooke qui tient une activité de mobilisation tous les jeudis devant l'hôtel de ville. Il y a les citoyens du groupe Vélo urbain Sherbrooke et la Coop La Déraille qui font pression depuis des années pour faciliter le cyclisme utilitaire. Il y a l'Association citoyenne des espaces verts de Sherbrooke qui participera bientôt à La Grande marche pour la protection des forêts, l'association citoyenne pour la protection des boisés et des parcs qui se mobilise pour protéger nos boisés urbains. Des citoyens s'impliquent aussi dans des associations pour la protection de nos cours d'eau et le nettoyage des berges.

Ça fait vraiment beaucoup de monde qui s'engage bénévolement, depuis des années, pour influencer les décisions politiques ou même compenser l'inaction des élus, et je veux les remercier aujourd'hui pour leur travail essentiel parce qu'ils contribuent vraiment à améliorer notre qualité de vie et à nous faire avancer comme société.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, Mme la députée. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Saint-Jean.

Souligner l'ouverture d'une deuxième usine par l'entreprise
Les Plastiques Évolupak inc. à Saint-Jean-sur-Richelieu

M. Louis Lemieux

M. Lemieux : Merci, Mme la Présidente. Plastiques Évolupak a inauguré cette semaine sa toute nouvelle usine, sa deuxième, à Saint-Jean-sur-Richelieu, et j'y étais en compagnie de ma collègue la ministre déléguée à l'Économie et députée de Les Plaines, qui a annoncé un montage financier de 10 millions de dollars pour épauler l'entreprise avec le programme Essor, Investissement Québec et Fondaction pour équiper la nouvelle usine.

Oui, je le devine, il y a le mot «plastiques» dans le nom de la compagnie, et tout de suite votre fibre environnementale s'est froissée. Mais, justement, c'est tout le contraire. Michel Berger et toute sa famille, qui l'accompagne dans cette aventure manufacturière 2.0, sont tout ce qu'il y a de plus conscients de l'environnement, puisqu'à terme il s'agit d'économie circulaire. Et ils n'ont rien ménagé pour innover en créant l'usine de demain, qui fabrique aujourd'hui des barquettes et des emballages de plastique récupérés et recyclés. C'est rien de moins que l'incarnation de la nouvelle économie et de l'économie verte réunies. Et vous savez quoi? Ça marche. Avec de l'équipement de pointe et des emplois de qualité.

Bravo et merci à la famille Berger et à tous ses employés!

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Louis-Hébert.

Rendre hommage au Dr Pierre Ferron,
oto-rhino-laryngologiste

Mme Geneviève Guilbault

Mme Guilbault : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Ce matin, je désire rendre hommage à un grand homme et citoyen de Louis-Hébert, le Dr Pierre Ferron, décédé le 22 juin dernier, à son domicile, à l'âge de 83 ans. Il était entouré de ses proches, à qui je souhaite mes plus sincères condoléances.

Dr Ferron était un brillant oto-rhino-laryngologiste, qui a consacré une grande partie de sa carrière à venir en aide aux personnes sourdes ou malentendantes, qui ont pu profiter de son talent et de son grand dévouement. On lui doit, entre autres, de nombreuses avancées technologiques, dont l'implant cochléaire, au Canada.

En 1984, le grand chirurgien a réalisé pour la première fois au Canada l'opération consistant à insérer un implant cochléaire dans le crâne d'un patient. L'intervention avait duré plus de six heures. En 2000, il a également réalisé l'exploit chez un enfant de cinq mois, une première mondiale.

Son travail exceptionnel lui a valu de nombreux prix et distinctions tout au long de sa carrière, et il tirait une grande fierté de son titre de chevalier de l'Ordre national du Québec, reçu en 2004.

En terminant, je tiens aussi à souligner l'immense soutien de ses proches lors de ses dernières années de vie, vécues en pleine pandémie, surtout son épouse Francine, qui lui a témoigné douceur, amour et patience jusqu'à la toute fin.

• (9 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, Mme la députée. M. le député de Viau, la parole est à vous.

Féliciter M. Wolf Thyma, récipiendaire d'une bourse destinée
à la relève dans le domaine des sciences de la santé

M. Frantz Benjamin

M. Benjamin : Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, je tiens à rendre hommage à un jeune homme extraordinaire, un jeune résident de la circonscription de Viau. Il s'appelle Wolf Thyma.

Il n'a que 26 ans. Juriste, il est diplômé en droit avec mention d'excellence, et dans quelques mois il sera aussi médecin, il sera diplômé en médecine.

Et, Wolf Thyma, je veux saluer aujourd'hui l'excellence de son parcours, mais aussi son implication dans la collectivité, car, comme étudiant-chercheur, il a déjà contribué à plusieurs recherches visant les enjeux de santé et de justice sociale.

J'ai eu le bonheur, cette semaine, de lui remettre la bourse du député de Viau dans le domaine des sciences de la santé, en partenariat avec le Sommet socioéconomique pour le développement des jeunes des communautés noires, pour saluer son parcours, pour saluer aussi son implication dans la collectivité.

Wolf, tu es, pour les jeunes de la circonscription de Viau, tu es, pour l'ensemble des jeunes du Québec, un modèle d'excellence et surtout un modèle d'implication. Bonne chance dans ton parcours, monsieur le docteur. Merci. À bientôt.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, M. le député. Ceci met fin à la rubrique de déclarations de députés.

Et je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 51)

(Reprise à 10 h 4)

Le Président : Mmes et MM. les députés, je vous souhaite un très bon mercredi. Prenons quelques instants pour nous recueillir.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Nous poursuivons les affaires courantes.

Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi

À la rubrique Présentation de projets de loi, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Fortin : Oui, merci, M. le Président. Je vous demanderais d'appeler l'article a du règlement.

Projet de loi n° 897

Le Président : Et, à l'article a du feuilleton, M. le député de LaFontaine présente le projet de loi n° 897, Loi modifiant la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance afin de garantir le droit de recevoir des services de garde. M. le député.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, c'est avec une très grande fierté que je dépose aujourd'hui, au nom de ma formation politique, le projet de loi n° 897, Loi modifiant la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance afin de garantir le droit de recevoir des services de garde.

Les notes explicatives, toutes simples : Ce projet de loi modifie donc la Loi des services de garde éducatifs à l'enfance afin de garantir le droit de recevoir des services de garde. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président : Et, en application de l'ordre spécial, j'invite les leaders parlementaires à m'indiquer le vote de leurs groupes sur la présentation de ce projet de loi, suivi des députés indépendants. M. le leader de l'opposition officielle?

M. Fortin : Pour.

Le Président : M. le leader du gouvernement?

M. Jolin-Barrette : Pour.

Le Président : M. leader du... Mme la leader du deuxième groupe d'opposition?

Mme Labrie : Pour.

Le Président : M. le leader du troisième groupe d'opposition?

M. Ouellet : Pour.

Le Président : M. le député de Chomedey?

M. Ouellette : Pour.

Le Président : M. le député de Bonaventure?

M. Roy : Pour.

Le Président : Mme la députée d'Iberville?

Mme Samson : Pour.

Le Président : Je vous remercie. En conséquence, cette motion est donc adoptée. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Fortin : Oui, merci, M. le Président. Je profite de l'occasion pour souligner que c'est le 14e projet de loi déposé par l'opposition officielle depuis le début de la législature et pour relancer l'invitation au leader du gouvernement d'en appeler un seul au cours de cette session.

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, généralement, ce n'est pas le forum pour faire cette intervention-là, M. le Président, mais on est toujours ouverts à discuter des différents projets législatifs qui sont soumis par l'ensemble des députés ici. La preuve, M. le Président, c'est qu'on a appelé et on a adopté le principe du projet de loi n° 197 du député de Chomedey, M. le Président.

Le Président : Vous aviez raison. Et on poursuit.

Dépôt de documents

Nous en sommes maintenant à la rubrique Dépôt de documents. D'abord, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Rapports annuels du CIUSSS—Nord-de-l'Île-de-Montréal, du CIUSSS—Capitale-Nationale
et du CHUM, rapport sur l'application de la procédure d'examen des plaintes de
l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec,
et rapport annuel et rapport sur l'application de la procédure
d'examen des plaintes du CISSS-Laurentides

M. Dubé : Alors, oui, M. le Président, je dépose les rapports annuels de gestion 2020‑2021 des CIUSSS du Nord-de-Montréal, de la Capitale-Nationale, du CHUM, du CISSS des Laurentides, ainsi que les rapports annuels 2020‑2021 sur l'application de la procédure d'examen des plaintes et de l'amélioration de la qualité des services du CISSS des Laurentides et de l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec. Merci, M. le Président.

Le Président : Ces documents sont déposés. M. le ministre de l'Environnement et de la lutte contre les changements climatiques.

Rapport annuel de RECYC-QUÉBEC

M. Charette : Merci, M. le Président. Je dépose le rapport annuel de 2020‑2021 de RECYC-QUÉBEC.

Le Président : Ce document est déposé. M. le ministre des Transports.

Rapport annuel de la Société des traversiers

M. Bonnardel : M. le Président, je dépose le rapport annuel de gestion 2020‑2021 de la Société des Traversiers du Québec.

Le Président : Ce document est déposé. Mme la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor.

Rapport annuel de la Société québécoise des infrastructures

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Donc, je dépose le rapport annuel 2020‑2021 de la Société québécoise des infrastructures. Merci, M. le Président.

Le Président : Merci. Ces documents sont déposés. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Rapport annuel de La Financière agricole

M. Lamontagne : Oui, M. le Président. J'ai le plaisir de déposer le rapport annuel 2020‑2021 de La Financière agricole du Québec. Merci.

• (10 h 10) •

Le Président : Et ce document est déposé. M. le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

Rapport annuel du Tribunal administratif du travail

M. Boulet : M. le Président, je dépose le rapport annuel de gestion 2020‑2021 du Tribunal administratif du travail. Merci, M. le Président.

Le Président : Et ce document est donc déposé. M. le leader du gouvernement.

Réponses à des pétitions

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je dépose la réponse du gouvernement aux pétitions présentées en Chambre le 27 mai 2021 par la députée de Mercier. Merci.

Le Président : Merci. Ce document est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole à la cheffe de l'opposition officielle.

Femmes stérilisées sans consentement libre et éclairé

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : Merci, M. le Président. M. le Président, je vais vous lire l'extrait d'un article : «Après la naissance de son septième et dernier enfant, en 2019, un médecin aurait insisté pour [que Joyce Echaquan] subisse une ligature des trompes, une opération irréversible qui la rendrait stérile. Encore une fois, Joyce Echaquan aurait cédé sous la pression. [...]Elle aurait voulu une autre fille.»

Nous sommes, au Québec, des millions de femmes à avoir accouché, et on sait à quel point ce moment-là, il est intense, il est intime, et on peut sentir une très grande vulnérabilité. Au Québec, aujourd'hui, il y a des femmes qui, pendant leur accouchement, se font stériliser alors qu'elles ne l'ont pas demandé. Il y a des femmes qui subissent une pression pour qu'elles acceptent de se faire stériliser alors qu'elles sont en train d'accoucher. Cette pratique-là, M. le Président, elle est intolérable, elle est intolérable.

Et aujourd'hui je demande au premier ministre de se lever puis de nous dire qu'en cette Chambre on est capables de prendre une décision qui a un impact sur ces femmes qui sont touchées. Je lui demande s'il peut se lever et nous confirmer qu'au Québec ces pratiques-là sont désormais terminées.

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, ça me donne froid dans le dos, d'entendre ce genre d'intervention. De demander à une femme en plein accouchement la permission de ligaturer, donc qu'elle ne puisse plus jamais avoir d'enfants, c'est totalement, mais totalement inacceptable. C'est même barbare.

M. le Président, le Collège des médecins est intervenu auprès de ses membres, auprès de tous les médecins pour plus jamais que ça ne se reproduise. Puis, avec le ministère de la Santé, on va s'assurer aussi de ça, donc on va s'assurer que le message soit passé partout. C'est inacceptable. Puis, oui, j'accepte de dire un gros oui à la demande de la cheffe de l'opposition officielle.

Le Président : Première complémentaire, Mme la cheffe de l'opposition officielle.

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : Je suis contente d'entendre le premier ministre nous dire qu'il dit un gros oui et que dorénavant cette pratique-là, elle est terminée, parce que, oui, elle est barbare, cette pratique.

Aujourd'hui, nous déposons une motion qui va directement en ce sens. Est-ce que le premier ministre va donc accepter cette motion, qui, je l'espère, sera unanime?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, la motion qui a été déposée par le Parti libéral, on est d'accord avec toute la motion, sauf une phrase où on demande que ce soit le premier ministre qui rencontre le président du Collège des médecins. Bon, d'abord, le Collège des médecins a déjà dit que c'était inacceptable puis a envoyé l'information à tous les membres. Deuxièmement, c'est la responsabilité du ministre délégué à la Santé de s'assurer, avec le Collège des médecins, avec le ministère, que jamais ça n'arrive.

Le Président : En terminant.

M. Legault : Donc, malheureusement, le Parti libéral a refusé d'enlever ce petit bout de phrase.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la cheffe de l'opposition officielle.

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : M. le Président, c'est un enjeu qui m'apparaît essentiel, fondamental, et de haute importance, et qui nécessite l'implication directe du premier ministre. Il nous a dit, dans sa première réponse, qu'il trouvait ça barbare. Quelque chose de barbare, pour moi, requiert l'intervention du premier ministre.

Est-ce que, oui ou non, il va s'impliquer et s'assurer que, lui-même, ces pratiques-là n'aient plus...

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, la cheffe de l'opposition officielle connaît personnellement le ministre délégué à la Santé. Elle sait que son épouse, en plus, est obstétricienne. Elle sait que c'est un sujet, là, qui le touche beaucoup. Et il est beaucoup plus, 100 fois plus compétent que moi pour discuter de ça avec le Collège des médecins, discuter de ça avec les P.D.G. de CISSS, discuter de ça avec tous les médecins qui font des accouchements. Donc, M. le Président, je ne vois pas pourquoi le Parti libéral insiste pour ne pas enlever ce petit bout de phrase pour dire...

Le Président : En terminant.

M. Legault : ...au lieu du premier ministre, c'est la responsabilité du ministre délégué.

Le Président : Troisième complémentaire, Mme la députée de Verdun.

Mme Isabelle Melançon

Mme Melançon : Il faut qu'on ait une assurance, aujourd'hui, en cette Chambre, que plus jamais ça ne va se reproduire. Il s'agit d'une façon de faire qui est scandaleuse, et ça se produit chez nous en 2021.

Moi, ce que je demande au premier ministre, c'est aussi de convoquer la ministre de la Condition féminine pour qu'elle puisse faire le suivi, parce que, sur ce dossier-là, on a besoin d'avoir du leadership, il faut qu'on puisse avoir un enlignement très clair, et, s'il vous plaît, on veut savoir qui sera, dans ce cabinet, responsable...

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, je pense, là, qu'il doit y avoir moins de 10 000 médecins qui font des accouchements au Québec. Il faut que ces 10 000 médecins aient un ordre clair que plus jamais ce ne soit fait au Québec. Puis la meilleure personne pour le faire, là, puis la cheffe de l'opposition officielle le sait très bien parce qu'elle le connaît, c'est le ministre délégué à la Santé. Il va le faire.

Le Président : Question principale, M. le leader de l'opposition officielle.

Mesures pour contrer la pénurie de main-d'oeuvre

M. André Fortin

M. Fortin : Oui, merci, M. le Président. Je veux revenir sur l'enjeu qui a été discuté longuement hier, celui de la pénurie de main-d'oeuvre.

En 2016, le premier ministre du Québec, actuel, nous disait essentiellement qu'il n'y en avait pas, de manque de personnel. En 2018, il nous disait que ce n'était pas l'enjeu le plus important au niveau économique, au Québec. Et même hier, même hier, le premier ministre répétait qu'il voyait du positif là-dedans, que c'était positif, la pénurie de main-d'oeuvre.

Mais ce qu'il fait, en disant que c'est positif, M. le Président, c'est de dire que ce n'est pas important pour lui, c'est de dire aux travailleurs qui sont stressés, qui sont épuisés, qui sont démotivés que ce n'est pas grave, que ce n'est pas grave qu'ils soient en temps supplémentaire continuel, que ce n'est pas grave qu'ils manquent du temps avec leurs enfants. Ce qu'il fait, en niant la pénurie de main-d'oeuvre, M. le Président, c'est dire aux entrepreneurs : Ce n'est pas grave si vous devez fermer votre entreprise, celle que vous avez bâtie vous-mêmes, parce que vous n'êtes plus capables de la tenir ouverte seuls. Ce qu'il fait, en niant la pénurie de main-d'oeuvre, M. le Président, c'est dire aux préposés et aux infirmières...

Le Président : M. le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Merci, M. le Président. Je pense qu'il faut redire à quel point la pénurie de main-d'oeuvre est une priorité économique pour notre gouvernement. Nous sommes en action avec les partenaires du marché du travail. On fait... Ça s'appuie sur des piliers : l'intégration des personnes issues de la diversité, au sens général, dans le marché de l'emploi, les personnes en situation de handicap, les jeunes, les personnes âgées, fait partie de ces personnes-là; la formation en alternance travail-études, les formations de courte durée, la requalification, on a permis à plus de 20 000 personnes de se requalifier dans des secteurs prioritaires; l'augmentation de la productivité, c'est un défi que nous devons relever avec l'ensemble des entreprises du Québec, et ça, ça passe par la robotisation, l'automatisation et l'intelligence artificielle; et, enfin, l'immigration, bien sûr, les personnes issues de l'immigration qui sont qualifiées, les travailleurs étrangers temporaires, pour des besoins pressants et urgents, on a fait une entente avec Ottawa, le 4 août dernier, qui a été...

Le Président : En terminant.

M. Boulet : ...dont on a rendu hommage partout. Merci, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, M. le leader de l'opposition officielle.

M. André Fortin

M. Fortin : M. le Président, ce que j'entends de la bouche du ministre, c'est qu'on ne saisit pas l'ampleur de la situation encore aujourd'hui et qu'on nous présente des demi-mesures continuellement. Hier, là, hier, le Manoir Victoria, à Victoriaville, c'est une résidence de personnes aînées où il y a 47 résidents, qui opère depuis 40 ans, cette résidence-là, elle a dit à tout le monde, à toutes les familles : On n'a plus de monde, on va fermer les portes, 47 résidents abandonnés. Nier la pénurie de main-d'oeuvre, ne rien faire pour la pénurie de main-d'oeuvre, c'est abandonner les Québécois.

• (10 h 20) •

Le Président : Mme la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants.

Mme Marguerite Blais

Mme Blais (Prévost) : M. le Président, j'aimerais réagir. C'est toujours triste quand une résidence privée pour aînés ferme ses portes. Il y a une personne, préposée, qui a décidé de quitter, mais il y a quand même trois préposés qui quittent parce que ces personnes ne veulent pas se faire vacciner, sur 15 employés dans la résidence. Or, c'est important de protéger nos personnes âgées et de se faire vacciner quand on travaille avec les personnes les plus vulnérables.

Qui plus est, depuis le 23 septembre, 96 % des personnes qui vivent dans cette résidence sont accompagnées par l'établissement...

Le Président : En terminant.

Mme Blais (Prévost) : ...et on va voir à ce que toutes les personnes soient bien relocalisées.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le leader de l'opposition officielle.

M. André Fortin

M. Fortin : M. le Président, en prenant des demi-mesures sur l'enjeu, on n'abandonne pas juste les services aux Québécois, on abandonne les travailleurs, on abandonne les employeurs, on abandonne les gens qui sont supposés d'être des créateurs de richesse au Québec, qui veulent être des créateurs de richesse au Québec.

Hier, les manufacturiers ont dit très clairement au gouvernement que ces demi-mesures, ça ne fonctionnerait pas, que ça empêchait de créer de la richesse au Québec. Comment on peut se permettre ça?

Le Président : M. le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Merci, M. le Président. D'un parti qui a peu fait en matière de pénurie de main-d'oeuvre, c'est quand même assez étonnant. On l'annonce depuis la fin des années 90. En 2007‑2008, les démographes, les économistes l'anticipaient.

Écoutez, on a permis de former au-delà de 250 000 travailleurs l'an dernier. 46 000 entreprises ont profité de nos mesures de formation. En requalification, on a investi des sommes d'argent colossales, qui ont donné des résultats. On a permis, en 2019, d'intégrer 138 000 personnes dans le marché de l'emploi...

Le Président : En terminant.

M. Boulet : ...85 000 l'année dernière. Merci, M. le Président.

Le Président : Question principale, M. le député de Nelligan.

Effets de la pénurie de main-d'oeuvre sur
le développement économique

M. Monsef Derraji

M. Derraji : La réponse au ministre du Travail : Ce n'est pas assez. Avez-vous entendu les cris de coeur, hier, des Manufacturiers et exportateurs du Québec? Est-ce que vous avez devant vous le bilan des postes vacants? 200 000.

M. le Président, parlons en gage d'entreprise. Quand tu recrutes quelqu'un et tu lui donnes le mandat de régler un problème, il doit le régler. Le problème n'est pas réglé, la pénurie a doublé pendant l'ère caquiste. C'est ça, l'effet. Donc, c'est bien beau que le ministre du Travail relate l'ensemble des programmes, ça ne fonctionne pas. Vous savez pourquoi ça ne fonctionne pas? Parce qu'hier, la sortie des Manufacturiers et exportateurs du Québec, ils auraient dû saluer vos mesures, ils auraient dû vous dire bravo, au gouvernement caquiste. Par contre, ce qu'ils ont dit : On perd 18 milliards de dollars à cause de votre inaction.

Donc, M. le Président, ce n'est pas à moi que le ministre doit me répondre, il doit répondre aux Manufacturiers et exportateurs du Québec, qui perdent des contrats aujourd'hui.

Le Président : M. le ministre de... de l'Économie. M. le ministre de l'Économie.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : On est en harmonie, alors c'est correct.

Alors, M. le Président, on a discuté, hier, de ça. Mettre un contexte à tout ça. Le 18 milliards qui a été évoqué hier, qui frappe l'imaginaire, je dois le concéder, est sur un sondage de 400 entreprises. Quand on regarde les gens qui ont mentionné des pertes de contrats sur un an, deux ans ou trois ans, ce qu'on peut accepter, c'est de l'extrapolation. Maintenant, quand on regarde l'effet sur le PIB, il est relativement modeste.

Ceci étant dit, nous convenons qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre. Quand on regarde, sur les 150 000 postes vacants, il y en a entre 20 000 et 25 000 au niveau manufacturier. Mme Proulx, du MEQ, a mentionné qu'elle aimerait voir ça réduire à 16 000. Donc, on parle d'entre 5 000 et 9 000 personnes qu'on remet sur le marché du travail. Mon collègue, ministère du Travail, est à l'oeuvre. Il y a 265 000 chômeurs, présentement, et, sur les employés qu'il manque au niveau manufacturier, la plupart n'ont pas besoin de bac universitaire. Donc, on peut régler ça à l'intérieur. Les programmes qu'on a en place sont bons. Et je parle aux entrepreneurs sur une base régulière, ils sont satisfaits nos programmes. Évidemment, nous voulons les accélérer.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Nelligan.

M. Monsef Derraji

M. Derraji : M. le Président, ce qui est fascinant, avec le ministre de l'Économie, quand je l'entends répondre à mes questions, la vie est belle, tout va bien, il n'y a pas de problème. Je l'invite à revoir l'étude des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Je l'invite à aller voir sur le terrain le dégât et l'ampleur de leur inaction. Ce sont les faits. Il peut bien relater l'ensemble des problèmes... des programmes, mais, monsieur, aujourd'hui, nous sommes devant un fait : l'inaction du gouvernement caquiste, les programmes qui ne marchent pas met à mal notre économie. Ce sont les faits. Quand allez-vous agir?

Le Président : M. le ministre de l'Économie et de l'Innovation.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : Encore une fois, quand on regarde les faits, nous notons que le PIB du Québec, sur une base réelle, a repris sa valeur avant la pandémie. Les exportations au dernier trimestre sont à la hausse de 17 %. Certes, on pourrait mieux faire. L'économie du Québec est fondamentalement en bonne santé. La croissance économique qui va arriver requiert de la main-d'oeuvre, nous sommes d'accord. Encore une fois, 150 000 postes vacants, 265 000 chômeurs. On peut travailler à l'intérieur de ça. Et, sur les postes vacants, 87 % ne requièrent pas de bac universitaire. Donc, les programmes qu'on a avec le ministère du Travail est bon...

Le Président : En terminant.

M. Fitzgibbon : ...et en plus, au niveau de l'économie, on investit dans l'innovation...

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Nelligan.

M. Monsef Derraji

M. Derraji : M. le Président, en tout respect, je me permets de rectifier au ministre un chiffre. Ce n'est pas 150 000, c'est 200 000 emplois vacants, 200 000, M. le ministre. Donc, j'espère qu'il va mettre à jour ses informations. L'attente du gouvernement, l'absence de réponse, c'est une stratégie en or pour l'Ontario, le Vermont, New York, qui vont recevoir la croissance de nos entreprises.

Est-ce que c'est ça, le nationalisme économique de la CAQ, pousser les entreprises du Québec, de nos régions à aller grandir ailleurs?

Le Président : M. le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Merci, M. le Président. Les Manufacturiers et exportateurs, c'est un de nos partenaires avec qui nous travaillons et qui est un organisme qui est complètement conscient de l'importance de l'automatisation. D'ailleurs, à chaque fois que j'en parle avec Mme Proulx, la conciliation travail-famille, les conditions de travail et l'automatisation, on a lancé une offensive de transformation numérique, on fait de la formation, on est véritablement en action. Puis je ne veux pas parler des montants d'argent, mais on accompagne beaucoup d'entreprises qui cherchent à améliorer non seulement leurs conditions de travail, se donner des avantages sociaux...

Le Président : En terminant.

M. Boulet : ...et se permettre de mieux recruter. Merci, M. le Président.

Le Président : Question principale, M. le député de Laurier-Dorion.

Création d'un registre national des loyers

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Face à la crise du logement, Valérie Plante et Denis Coderre n'ont pas attendu la CAQ pour agir, ils vont instaurer un registre des loyers à Montréal. Je salue aujourd'hui leur leadership, M. le Président. Mais il est aussi temps de faire preuve de leadership ici, à Québec. Il est temps d'arrêter de pelleter la crise du logement dans la cour des villes. Un seul registre national, c'est plus efficace et plus économique que plusieurs registres différents. Tous les Québécois, pas juste les Montréalais, ont le droit de savoir s'ils sont victimes de hausses de loyer abusives.

Je présente une motion aujourd'hui pour instaurer un registre national des loyers. Est-ce que la ministre de l'Habitation va voter du bord des 3 millions de locataires du Québec?

Le Président : Mme la ministre des Affaires municipales et de l'Habitation.

Mme Andrée Laforest

Mme Laforest : Oui, merci, M. le Président. Puis je suis quand même réconfortée, parce qu'on est quand même le 29 septembre. On parlait du 1er juillet, on disait qu'il y avait une crise du logement. On est rendus le 29 septembre, première question, je suis heureuse de répondre, tout le monde a été logé, c'est important. Il y a des gens quand même en attente, quelques-uns, mais ils sont à l'hôtel, alors dites-vous qu'il n'y a personne à la rue. Et, le 1er juillet, ça a quand même été très, très bien de mon côté.

En ce qui concerne le registre des loyers, je salue quand même les candidats, parce qu'on voit quand même que l'habitation est au coeur de leurs priorités, c'est important, je félicite leurs engagements. Maintenant, ce que je peux dire au niveau du registre des loyers, on a travaillé avec la Société d'habitation du Québec, avec le ministère des Affaires municipales, avec Revenu Québec pour établir combien coûterait un registre des loyers et quel serait le mécanisme. Il y a un travail qui se fait, présentement. Par contre, si je peux vous rassurer, tous les mécanismes, présentement, fonctionnent. On a des mécanismes qui sont tout à fait à l'écoute pour ceux qui veulent savoir combien coûtait le loyer. Et même, dans le projet de loi n° 16, on a obligé la divulgation des prix payés...

Le Président : En terminant.

Mme Laforest : ...dans les dernières années passées. Merci, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : Je demande à la ministre de répondre à la motion, qui est très simple, je propose à la ministre de reconnaître la nécessité d'un registre des loyers dans la situation actuelle de grave crise du logement. On peut parler de coûts, on peut parler d'échéance, mais, à la base, c'est de reconnaître le besoin. Ça fait consensus, on le voit à Montréal.

La ministre peut-elle nous expliquer pourquoi ne s'engage-t-elle pas à instaurer un registre des loyers d'ici le 1er juillet prochain?

Le Président : Mme la ministre des Affaires municipales et de l'Habitation.

Mme Andrée Laforest

Mme Laforest : Oui. Alors, au niveau du registre des loyers qui est demandé par certaines municipalités, par exemple, j'ai demandé un avis juridique à mon ministère. Ce que je peux vous dire, c'est que toutes les municipalités au Québec ont déjà la possibilité, si elles le veulent, de mettre un régime des loyers en place. Alors, si la ville de Montréal s'engage et elle veut elle-même avoir son propre registre des loyers, alors, oui, elle peut le faire, c'est légal. Et c'est sûr que, considérant l'autonomie de Montréal, et aussi avec son réflexe en habitation, je vais laisser la ville de Montréal décider par rapport à un registre des loyers. Mais, en ce qui nous concerne, présentement, tous les mécanismes sont en place, et on a même amélioré la situation...

Le Président : En terminant.

Mme Laforest : ...vous étiez avec moi, dans le projet de loi n° 16. Merci.

• (10 h 30) •

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : La réponse de la ministre, c'est qu'elle en train d'abdiquer de sa responsabilité d'un gouvernement national. En pelletant ses responsabilités dans la cour des villes, la CAQ crée deux classes de locataires : ceux qui seront davantage protégés par un registre et les autres.

Comment la ministre peut-elle accepter que des locataires aient moins de droits parce qu'ils habitent en dehors de Montréal?

Le Président : Mme la ministre de l'Habitation et des Affaires municipales.

Mme Andrée Laforest

Mme Laforest : Oui. Merci, M. le Président. C'est important de le spécifier, parce qu'on a obligé, justement... Dans le bail, la case G doit être inscrite, sur le montant du loyer payé dans les 12 mois, et, s'il n'y a pas eu de location, même pour les dernières années passées.

Si vous voulez, je pourrais mettre à jour une étude qu'on a faite, qu'on a eu les résultats dernièrement. Vous verrez combien coûte un registre des loyers et, pour le garder à chaque année en fonction, combien ça coûterait à tous les Québécois du Québec. Sauf que ce que je veux vous dire, c'est que, tous les locataires et même tous les propriétaires, il faut qu'il y ait un équilibre entre les deux. Et, avec le ministère de l'Habitation, je crois que l'équilibre est vraiment atteint.

Le Président : En terminant.

Mme Laforest : Et je pourrai mettre à jour cette étude, si vous la voulez, bien entendu.

Le Président : Question principale, Mme la députée de Duplessis.

Mesures pour lutter contre la maltraitance envers les aînés

Mme Lorraine Richard

Mme Richard : Merci, M. le Président. M. le Président, depuis plusieurs années, il y a eu un grand nombre de rapports qui concernent, là, les aînés au Québec. En 2019, l'Institut de la statistique du Québec disait que 80 000 aînés avaient déclaré subir de la maltraitance. Ce n'est pas rien. En 2018, c'était le Comité national d'éthique sur le vieillissement qui présentait un rapport sur la maltraitance financière, parce que ça aussi, ça existe. Le mois dernier, c'était le rapport Dubuc à l'Institut du Québec qui faisait l'état des lieux pour les aînés et leurs soins en santé, rapport extrêmement préoccupant. Malheureusement, tous ces rapports finissent par être tablettés. La ministre n'agit pas beaucoup dans ce dossier. Pour dire, elle n'agit pas du tout.

Aujourd'hui je demande à la ministre de démontrer de l'ouverture, du leadership, de l'humanisme et de nommer un protecteur des aînés qui sera véritablement responsable et imputable, afin de combattre la maltraitance envers nos aînés au Québec.

Le Président : Mme la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants.

Mme Marguerite Blais

Mme Blais (Prévost) : M. le Président, la députée de Duplessis dit qu'on n'a pas travaillé en amont pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées. Écoutez, en 2009, il y a eu le dépôt du premier plan d'action pour combattre la maltraitance envers les personnes aînées. On est rendus au troisième plan d'action pour combattre la maltraitance. Il y a même eu des consultations. Donc, c'est faux de prétendre qu'il n'y a rien qui a été fait. On a des coordonnateurs, il y a une équipe spécialisée à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, il y a une chaire universitaire à Sherbrooke pour contrer la maltraitance.

Puis là on dépose une deuxième mouture. Il y a eu la loi n° 115. Vous voyez toutes les avancées. Là, on dépose une deuxième mouture pour aller plus loin. On va couvrir non seulement les CHSLD, mais les RI, les RTF, les RPA. Il y a plusieurs nouveautés dans ce projet de loi. On a même modifié une loi pour les commissaires aux plaintes et à la qualité des services. Et le Protecteur du citoyen nous avait dit : Je suis le protecteur des aînés. Ça fait qu'à un moment donné ça existe.

Et dans la loi... Je suis fière de cette loi qui a été déposée. On est en commission parlementaire, on l'étudie. Une commission parlementaire c'est fait...

Le Président : En terminant.

Mme Blais (Prévost) : ...pour bonifier une loi.

Le Président : Je vais vous demander de faire attention aux propos et aux mots tenus que vous savez être non parlementaires, je fais seulement vous le dire, là, sur la notion de faux, et tout ça, là.

Mme la députée de Duplessis, à vous pour la première complémentaire.

Mme Lorraine Richard

Mme Richard : Merci. Les aînés, M. le Président, ce qu'ils désirent, c'est avoir une personne qui serait responsable et imputable de combattre la maltraitance. Ils désirent une personne qui va veiller à leur sécurité, qui va défendre leurs droits. Les aînés, au Québec, devraient pouvoir compter sur un protecteur des aînés.

Est-ce que la ministre peut nous dire ce qui l'empêche de nommer un protecteur des aînés? Est-ce parce que l'idée ne provient pas de la Coalition avenir Québec qu'elle ne veut pas?

Le Président : Mme la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

Mme Marguerite Blais

Mme Blais (Prévost) : M. le Président, le Protecteur du citoyen va venir en commission parlementaire, on va l'écouter par rapport à son mémoire, ce qu'il a à dire par rapport à ça.

Tout le monde devrait être imputable par rapport à la maltraitance faite non seulement envers les personnes aînées, mais aussi les personnes majeures en situation de vulnérabilité, des personnes qui vivent avec un handicap. C'est toutes et tous notre responsabilité. Il y a 34 commissaires aux plaintes dans le réseau de la santé et des services sociaux qui veillent justement à contrer la maltraitance, à rapporter. On a nommé un commissaire-conseil au ministère de la Santé et des Services sociaux...

Le Président : En terminant.

Mme Blais (Prévost) : ...par rapport aux cas de maltraitance. Donc, c'est faux de prétendre qu'on n'agit pas.

Le Président : S'il vous plaît...

Mme Blais (Prévost) : Oui, j'enlève le terme.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Duplessis.

Mme Lorraine Richard

Mme Richard : M. le Président, la ministre, elle avait une belle occasion, avec le projet de loi n° 101, là, qui, soit dit en passant, est très mal ficelé dès le départ, là. C'est vraiment une occasion ratée de la part de la ministre de nommer un protecteur du citoyen.

Quand on se targue d'être un gouvernement qui veut réellement changer les choses, peut-être qu'elle devrait en discuter avec le premier ministre, puis vraiment changer les choses, et nommer un protecteur des aînés. Ils en ont réellement besoin, au Québec, en ce moment. Merci, M. le Président.

Le Président : Mme la ministre responsable des Aînés et Proches aidants.

Mme Marguerite Blais

Mme Blais (Prévost) : M. le Président, je pense que le premier ministre est bien au courant du projet de loi qui a été déposé, hein? Ici, on travaille ensemble, en équipe.

Écoutez, il y a 22 articles, donc il y a une bonification qui s'est faite. Et c'est aux parlementaires, en commission parlementaire, à faire en sorte qu'on puisse bonifier un projet de loi. On a commencé dans le calme, on écoute les groupes, on prend des notes. Et c'est fait pour ça, pour bonifier un projet de loi, quand on est en commission parlementaire, avec la population qui accepte, les groupes qui acceptent de venir en commission pour nous livrer leurs commentaires.

Alors, oui, on est à l'écoute. Oui, on est action.

Le Président : En terminant.

Mme Blais (Prévost) : Et j'ai même avisé qu'il y aurait des amendements de déposés avant même le début des consultations.

Le Président : Question principale, M. le député de LaFontaine.

Projet de loi visant à garantir le droit de
recevoir des services de garde

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : M. le Président, en 1997, il y a maintenant 25 ans, au Québec, nous nous dotions des centres de la petite enfance. Leur importance pour le développement et l'épanouissement de nos tout-petits n'est plus à démontrer. Nous avons déposé ce matin un projet de loi afin qu'au Québec on garantisse maintenant le droit pour tous les enfants à l'accès aux services de garde, comme c'est le cas actuellement au droit à l'éducation. Aujourd'hui, le prochain pas, donc, est de garantir ce droit par le projet de loi, parce que c'est important pour nos tout-petits.

Aucun parent, M. le Président, n'accepterait aujourd'hui, par exemple, de se faire dire, pour son enfant qui est d'âge primaire : Bien, écoutez, on n'a pas de place, on va mettre son nom sur une liste d'attente. Ce serait inacceptable. En 2021, ça l'est tout autant, inacceptable, de se faire dire : Votre enfant n'a pas de place en service de garde.

Alors, va-t-il appeler le projet de loi afin que ce droit existe et soit garanti? Juge-t-il qu'en 2021, au Québec, on est rendus là, M. le Président?

Le Président : M. le ministre de la Famille.

M. Mathieu Lacombe

M. Lacombe : Merci, M. le Président. Bien, d'abord, je veux saluer le député de LaFontaine, qui a effectivement déposé ce projet de loi là, dont j'ai pris connaissance dans les dernières minutes. Ça n'a pas été très long, il y a deux articles. Évidemment, c'est très, très précis. Le député de LaFontaine propose donc qu'on enlève tout encadrement qui est relatif au droit des enfants d'avoir une place.

Évidemment, quand on dit ça comme ça, on ne peut pas être contre la vertu, on veut que chaque enfant au Québec ait une place, on s'est engagés à le faire. Par contre, c'est très hasardeux de faire la comparaison avec le réseau scolaire, qui est un réseau qui est opéré par l'État, qui est un réseau public. Les services de garde éducatifs à l'enfance sont basés sur un modèle géré par la communauté, notamment. C'est ça, l'essence même des centres de la petite enfance. C'est aussi basé sur la présence, ils ont ouvert la porte grand à cette possibilité-là, la présence d'entreprises qui offrent, et c'est bien correct, des services de garde, aussi, de qualité sur le terrain.

Donc, ce que le député de LaFontaine propose implicitement, avec ce projet de loi là, c'est de nationaliser l'ensemble du réseau, donc de faire perdre aux CPE leur essence, de nationaliser les entreprises qui sont présentes et aussi, je dois le dire, de mettre en péril le milieu familial.

De notre côté, on a le même objectif, c'est-à-dire que chaque enfant ait une place...

Le Président : En terminant.

M. Lacombe : ...mais on aura une méthode, une proposition qui sera différente de celle du député de LaFontaine.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de LaFontaine.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : M. le Président, heureux de voir que le ministre a lu le projet de loi, heureux de voir qu'il comprend les implications. Le droit à l'accès à un service de garde ne serait plus conditionnel aux ressources que le gouvernement veut bien y consacrer, ferait en sorte qu'ultimement, M. le Président...

Puis il parle que c'est un acte de vertu. Ce n'est pas un acte de vertu, on est rendus là, au Québec, en 2021. Puis ce qui est en péril présentement, bien, c'est le développement puis l'épanouissement des 51 000 enfants qui sont sur la liste d'attente. C'est ça que ça réglerait, M. le Président.

Le Président : M. le ministre de la Famille.

M. Mathieu Lacombe

M. Lacombe : La proposition du député de LaFontaine, ce qu'elle implique, c'est que ce réseau qui a été bâti depuis 1997 ne peut plus être opéré de la façon dont il est opéré aujourd'hui. Parce que, concrètement, qu'est-ce qu'on fait la journée ou la semaine où six milieux familiaux ferment dans la circonscription de LaFontaine, à Rivière-des-Prairies, par exemple? Comment le gouvernement peut assurer ce droit-là lorsque le service est offert par des travailleuses autonomes, dans ce cas-ci les services de garde en milieu familial? Vous comprenez, c'est une incohérence, ça ne peut pas fonctionner.

Donc, la proposition, je le répète, du député de LaFontaine, telle qu'il la présente aujourd'hui, c'est de nationaliser l'ensemble du réseau, donc de signer la disparition des milieux familiaux...

• (10 h 40) •

Le Président : En terminant.

M. Lacombe : ...sur quelques années, à toutes fins pratiques, et de nationaliser les CPE et les entreprises. On n'est pas d'accord.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de LaFontaine.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : M. le Président, le ministre de l'Éducation n'abandonnerait jamais des élèves, des étudiants, des enfants pour une école primaire, M. le Président, il n'accepterait pas ça. Son ministère ferait en sorte qu'une école primaire qui serait sur le point de fermer trouverait une solution, M. le Président. C'est ce qu'on s'attendrait du ministre de l'Éducation. C'est la même chose que l'on désire recevoir du ministre de la Famille, M. le Président.

Et, encore une fois, le parcours éducatif débute dans les services de garde, et il faut maintenant l'assurer par un droit.

Le Président : M. le ministre de la Famille.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! On est attentifs aux réponses.

M. Mathieu Lacombe

M. Lacombe : M. le Président, je le répète, on est d'accord sur l'objectif, c'est-à-dire offrir une place à chaque enfant. Par contre, de ce côté-ci de la Chambre, nous ne sommes pas d'accord avec une nationalisation massive du réseau. Je pense, le gouvernement croit que les CPE doivent continuer d'être gérés par la communauté, c'est-à-dire par les parents, les membres de la communauté également. On pense que les entrepreneurs qui travaillent fort à chaque jour pour faire vivre ce réseau-là ont le droit de continuer d'exister et que les travailleuses autonomes que sont les responsables de services de garde en milieu familial doivent continuer d'exister, parce que, pour bien des parents, c'est aussi une préférence, c'est aussi de leur laisser le libre choix.

Donc, on a le même objectif, on n'est pas d'accord sur les moyens. Mais, puisqu'on a ce même objectif, cet objectif commun...

Le Président : En terminant.

M. Lacombe : ...je l'invite à travailler avec moi sur le projet de loi que je déposerai dans les prochaines semaines.

Le Président : Question principale, M. le député de Jonquière.

Investissements dans le secteur de l'aluminium

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui. M. le Président, depuis 2007, l'industrie de l'aluminium nous sert les mêmes raisons pour éviter d'annoncer de gros investissements en augmentation de la production : les prix sont bas, les inventaires sont hauts. Or, depuis quelques mois, c'est l'inverse. Les prix sont hauts, et les inventaires sont bas. Mieux encore, l'aluminium produit au Québec est le plus vert au monde, avec notre hydroélectricité. Ça aussi, c'est du nationalisme économique.

Le premier ministre aime bien dire que son ministre de l'Économie est un «deal maker». Il est où, son ministre, pour faire atterrir des investissements structurants pour le Québec et ses régions?

Avec la conjoncture favorable, est-ce que le «deal maker» a pris son téléphone pour dire au patron de l'industrie que le Québec et le Saguenay—Lac-Saint-Jean sont prêts à accueillir une nouvelle usine, comme on l'attend depuis longtemps?

Le Président : M. le ministre de l'Économie et de l'Innovation.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : M. le Président. Merci pour la question, qui est très pertinente. Non seulement j'ai pris mon téléphone, en fait, les gens de Rio Tinto ont pris l'avion pour nous rencontrer.

Alors, effectivement, on regarde aujourd'hui la situation de l'aluminium et les prix, le LME, qui est le prix de référence, est à un niveau historiquement élevé, qu'on n'a jamais vu depuis 25 ans. Par contre, il faut comprendre que la raison principale de cette hausse est la capacité en Chine qui a été réduite depuis un an, et aucune nouvelle capacité ne va être encourue. Certes, Alcoa, Rio Tinto réalisent que... si les prix vont rester ce qu'ils sont, ils sont intéressés à faire des projets soit d'expansion ou des projets de décarboniser les alumineries existantes, deux projets pour lesquels nous sommes ouverts. Et j'ai offert toute l'assistance requise, et on travaille intensément sur ça.

Je dirais, par contre, en même temps, que les règles d'engagement, en 2018, qui ont été modifiées par le Parti libéral, sont respectées. Donc, aujourd'hui, Rio Tinto respecte toutes les règles qui ont été établies. Ce n'est pas une raison pour laquelle nous ne sommes pas agressivement impliqués. Et, certes, aujourd'hui, à cause de l'avantage...

Le Président : En terminant.

M. Fitzgibbon : ...comparatif du Québec en termes d'hydroélectricité, on veut encourager les sociétés.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Jonquière.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Est-ce que le ministre défend les intérêts chinois ou les intérêts des travailleurs et des régions du Québec? On a besoin d'investissements massifs pour augmenter la production de métal primaire. AP60 à Jonquière, phase II d'Alma, usine d'anodes inertes pour Elysis, c'est des projets qui sont attendus depuis longtemps. Le marché est bon, la demande est là, le prix est bon aussi. Qu'est-ce que le ministre attend? Quand va-t-il faire des annonces positives?

Le Président : M. le ministre de l'Innovation et de l'Économie.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : M. le Président, je rappellerais au député que, pour faire pousser une plante, on ne tire pas dessus. Alors, il faut qu'elle pousse d'elle-même.

Le rôle du gouvernement est de mettre des conditions précédentes pour que les entreprises veuillent investir. Nous avons un paquet de programmes au niveau de l'innovation. Elysis, j'ai fait une annonce au printemps dernier. Le monde est réceptif pour investir au Québec.

La décision ultime de Rio Tinto et d'Alcoa, considérant les Chinois... Est-ce qu'ils vont remettre de la capacité? Il faut comprendre qu'au Québec ça coûte plus cher, bâtir des usines. Par contre, nous avons été clairement audacieux de suggérer des pistes de solution où nous pourrions intervenir, considérant que la plateforme est déjà...

Le Président : En terminant.

M. Fitzgibbon : ...propice pour les investissements.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le leader du troisième groupe d'opposition.

M. Martin Ouellet

M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. L'aluminium est un produit d'avenir afin d'atteindre la carboneutralité. La technologie d'Elysis permet de produire de l'aluminium plus vert que vert, de l'aluminium sans carbone.

À ce jour, le gouvernement du Québec a mis 80 millions dans Elysis. Avec les conditions favorables actuelles, il semble que le ministre ne devrait pas se gêner pour exiger auprès des grandes entreprises, Alcoa, Rio Tinto, des investissements concrets au Saguenay—Lac-Saint-Jean et en Côte-Nord pour créer des emplois payants.

Le Président : M. le ministre de l'Économie.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : Je suis 100 % d'accord avec le commentaire. Elysis, on en parlait dans mon bureau pas plus tard qu'hier matin. Et Elysis est la seule technologie carboneutre pour l'aluminium. Effectivement, l'anode inerte doit être un des catalystes.

Maintenant, la technologie ne sera pas commercialisable probablement avant trois, quatre ans. On travaille avec Rio Tinto et avec Alcoa, qui sont les deux partenaires d'Elysis, pour voir comment on peut précéder cette implantation-là et peut-être même se servir des cuves existantes et les convertir.

Alors, on est 100 % d'accord, mais il faut comprendre qu'il y a un processus. Mais la beauté, c'est qu'aujourd'hui, dans le monde, incluant les Russes et les Chinois, Elysis est probablement la technologie la plus avancée. Et, certainement...

Le Président : En terminant.

M. Fitzgibbon : ...on a mis en place des conditions précédentes pour que l'investissement se fasse ici, au Québec.

Le Président : Question principale, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

Services aux élèves handicapés ou en difficulté
d'adaptation ou d'apprentissage

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : M. le Président, hier, le Journal de Québec rapportait l'histoire de la petite Anaïs, qui a quatre ans et qui fréquente la maternelle quatre ans. L'an dernier, un orthophoniste a identifié des difficultés de langage pour Anaïs. C'est là, à ce moment précis, que le gouvernement aurait dû agir tôt, mais ce n'est pas arrivé, l'école n'a pas offert les services. Alors, les parents ont dû se tourner vers le privé et payer de leur poche pour aider leur fille.

Hier, le ministre a dit d'être choqué et de mauvaise humeur après avoir lu l'article. Il a dit, et je le cite : On va carrément rembourser les frais au privé pour la famille. Mais le cas d'Anaïs n'est pas unique. Ils sont une tonne de familles ayant des enfants avec des besoins particuliers qui font face à des absences de services et qui doivent se tourner vers le privé pour avoir des services.

M. le Président, où doivent-ils envoyer leurs factures?

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : M. le Président, ma collègue aborde deux questions très, très importantes : le déploiement des maternelles quatre ans pour agir tôt, un travail que je fais de concert avec mon collègue le ministre délégué à la Santé, et les services aux élèves qui ont des besoins particuliers, parfois on les appelle les élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage.

Dans les deux cas, on a fait des pas de géant, en trois ans. On donne plus de services professionnels qu'on en a jamais donnés. On a travaillé très fort pour réembaucher des professionnels qui, malheureusement, avaient été mis à la porte par le gouvernement libéral. Je pense d'ailleurs même que ma collègue elle-même avait dénoncé son propre parti et le gouvernement précédent, elle avait pris position contre ses mauvaises décisions. On est en train de réparer un réseau qui a été malmené en embauchant des gens puis, oui, en déployant des services dans les maternelles quatre ans, parce que c'est important d'agir tôt, c'est important de donner le meilleur service aux enfants puis d'offrir davantage de choix aux parents.

Quand survient un problème comme ça, on agit tout de suite. On n'a aucune tolérance pour des élèves qui sont en bris de service...

Le Président : En terminant.

M. Roberge : ...pour des élèves qui n'ont pas les services professionnels nécessaires.

Le Président : Première complémentaire, question de la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Je reviens aux faits, M. le Président. Hier, le ministre a dit : C'est un cas où il y a eu brisure de service, c'est inacceptable, ce n'est pas toléré, ça va être corrigé dès aujourd'hui. Bien, sur ça, je suis d'accord avec le ministre, mais Anaïs n'est pas seule.

Dans son rapport parcellaire déposé le printemps dernier, on apprend qu'il y a au moins 1 500 enfants handicapés ou sous le spectre de l'autisme qui vivent des ruptures de services ou qui sont renvoyés à la maison et qui ne sont même pas scolarisés. Est-ce que le ministre...

Le Président : M. le ministre de l'Éducation, à vous la parole.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : M. le Président, des ajouts de services professionnels, on les fait de plusieurs manières, d'abord en déployant un cycle préscolaire, en déployant des services pour agir tôt. Ensuite, on embauche des professionnels pour les élèves qui sont inclus, intégrés en classe régulière, soit des professionnels, orthopédagogues, psychologues, psychoéducateurs, ou des enseignants ressources. Je me souviens, je pense qu'il y a deux semaines je visitais une école primaire où il y avait un professeur, Simon, qui était dédié à aider dans plusieurs classes, une ressource qui avait été embauchée grâce aux investissements supplémentaires. On n'avait pas ça il y a deux, trois ans, on avait ça maintenant. Et on a aussi augmenté d'une manière exceptionnelle le nombre de classes spécialisées, parce qu'il y a des élèves qui ne peuvent pas être en classe régulière...

Le Président : En terminant.

• (10 h 50) •

M. Roberge : ...qui ont besoin de ressources spécialisées. On les aide aussi de cette manière.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Voyons donc, M. le Président! Des bris de service, c'est inacceptable. Je n'ai pas eu une réponse.

L'année dernière, j'ai déposé un mandat d'initiative en ce qui concerne la non-scolarisation des enfants autistes et handicapés qui ont été renvoyés à la maison. Puis savez-vous quoi? Vous avez refusé d'étudier le mandat d'initiative. J'ai redéposé le mandat d'initiative. On parle d'un minimum de 1 500 enfants non scolarisés.

Est-ce que le ministre va maintenant dire à tous ses collègues d'accepter d'étudier le mandat d'initiative ou est-ce qu'il faut appeler les journalistes pour se faire entendre?

Le Président : M. le ministre.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Je vous demande de ne pas commenter. C'est nos règles, vous les connaissez. La réponse pour M. le... délégué à la Santé et aux Services sociaux.

M. Lionel Carmant

M. Carmant : Merci, M. le Président. J'aimerais intervenir auprès de la députée de Westmount—Saint-Louis pour expliquer ce qu'on est en train de faire actuellement. Effectivement, plusieurs d'enfants aimeraient... Ce qu'on veut, c'est vraiment que les enfants puissent avoir leurs services en amont, avant l'entrée à l'école. On sait que l'âge important pour intervenir, c'est avant l'âge de trois ans. On sait qu'on peut changer des trajectoires quand on agit avant l'âge de trois ans. Donc, ce qu'on veut faire, c'est vraiment les dépister le plus tôt possible.

La plateforme informatisée d'Agir tôt est déployée dans tout le Québec, dans tous les CISSS et les CIUSSS du Québec. Maintenant, on est en train d'implanter l'évaluation des enfants systématiquement à l'âge de 18 mois, comme ça on va pouvoir dépister ceux qui sont à haut risque...

Le Président : En terminant.

M. Carmant : ...intervenir le plus rapidement possible et s'assurer que tout le monde ait des services avant d'entrer à l'école. Merci, M. le Président.

Le Président : Question principale, Mme la députée de Maurice-Richard. À vous la parole.

Ruptures de services dans le réseau de la santé et des services sociaux

Mme Marie Montpetit

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Depuis le printemps, on vit des fermetures de service de santé partout, au Québec, comme on ne l'a jamais vu, des fermetures d'urgence à Gatineau, à Valleyfield, à Saint-Eustache, en Abitibi, des fermetures de service en Estrie, à Roberval, à Matane, à Chicoutimi, sur la Côte-Nord.

 Il y a deux semaines, le ministre de la Santé s'est engagé à ce qu'il n'y ait plus de bris de service à compter du 15 octobre. Ça, c'est dans deux semaines, M. le Président. Depuis ce moment-là, ni le premier ministre ni aucun des ministres du gouvernement n'a répété cette affirmation. Même le ministre de la Santé n'a pas réitéré sa garantie aux Québécois.

Alors, je veux lui donner l'occasion, en cette Chambre, de répéter cet engagement, cette promesse qu'il a faite à l'ensemble des Québécois il y a tout juste deux semaines. Est-ce que le ministre peut nous confirmer ici que sa garantie tient toujours et qu'il s'engage à ce qu'il n'y ait plus de rupture de services au Québec?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, M. le Président, je suis content d'avoir l'opportunité de revenir sur cette question-là, parce que je pense que les gens réalisent très bien ce qui frappe notre réseau de santé présentement.

Je pense que c'est important aussi de rappeler à la députée de Maurice-Richard que ce qu'on fait présentement, notamment avec nos mesures pour les ressources humaines que nous avons annoncées jeudi passé... sont excessivement importantes pour ramener du personnel, pour nous aider, justement, à avoir le personnel nécessaire pour notre réseau.

Ce que j'aimerais, par exemple, aussi faire remarquer à toutes les infirmières qui nous écoutent, d'être très, très sensibles à cet appel que nous avons fait au cours des derniers jours, parce que j'ai plusieurs collègues ou plusieurs personnes, par exemple, dans le réseau qui ont fait déjà des appels, puis on a une très, très bonne réaction.

Donc, je pense, la première chose, pour avoir une approche constructive au cours des prochaines semaines puis d'être capables de minimiser l'impact sur notre réseau, M. le Président, c'est d'être capables d'aller rechercher des infirmières qui avaient laissé le réseau au cours des dernières années. Et j'apprécie beaucoup si l'opposition peut prendre, elle aussi...

Le Président : En terminant.

M. Dubé : ...une approche constructive au programme que nous avons annoncé la semaine dernière, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Marie Montpetit

Mme Montpetit : Je note que le ministre, encore une fois, ne réitère pas son engagement. Donc, est-ce que c'était de la poudre aux yeux, quand il a dit ça? Est-ce qu'il a parlé trop vite? Ce sera à lui de le dire.

Parlant d'approche constructive, il y a quelqu'un qui attend le téléphone du ministre de la Santé, et c'est le maire de Senneterre. Donc, je l'invite aussi à prendre contact avec le terrain. Il a annoncé dans une conférence de presse, du jour au lendemain, qu'il allait fermer l'urgence de Senneterre. Les médecins locaux ont dénoncé cette décision. Il sabre dans les services qui fonctionnent bien...

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Bien, écoutez, M. le Président, ce que j'aimerais rappeler à la députée de Maurice-Richard, puis je vais le rappeler en cette fin de session, aujourd'hui, c'est que je pense que l'opposition peut faire partie de la solution et non faire partie du problème.

Ce qu'on veut, c'est une discussion constructive. On doit aider le personnel infirmier à revenir dans le réseau. Et je pense que... J'en ai parlé avec le syndicat. Le syndicat a déjà apprécié le... J'apprécie le changement de ton qui s'est fait au niveau du syndicat au cours des derniers jours. Je pense qu'on peut demander la même chose à l'opposition. Puis c'est tous ensemble qu'on va réussir à passer à travers la crise, M. le Président.

Donc, je pense que c'est important de prendre...

Le Président : En terminant.

M. Dubé : ...la mesure de l'importance de ce qui est en train d'arriver. Puis tant mieux si l'opposition...

Le Président : Et cela met donc fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Nous allons passer, sur ce, à la rubrique des motions sans préavis. Je reconnais Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard : Merci, M. le Président. M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec la députée de Fabre, le député de Jean-Lesage, le député de Bonaventure, le député de Chomedey, la députée de Marie-Victorin et le député de Rimouski, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale rappelle que 80 000 aînés vivant à domicile ont affirmé avoir subi de la maltraitance en 2019, selon l'Institut de la statistique du Québec;

«Qu'elle souligne que de nombreux cas de maltraitance ont été mis [à] jour lors des dernières vagues de la pandémie, et ce, tant dans les CHSLD, dans certaines résidences pour les personnes aînées que dans d'autres lieux d'hébergement;

«Qu'elle rappelle que la maltraitance peut survenir en tout lieu et qu'elle prend plusieurs formes, notamment psychologique, physique, sexuelle, organisationnelle et financière;

«En conséquence, que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de nommer un protecteur des aînés spécifiquement dédié à prévenir, combattre et [à] documenter toutes les formes de maltraitance dont ils sont victimes, et de lui donner le mandat de veiller à la sécurité des aînés et de conseiller la ministre sur l'adoption des meilleures pratiques en la matière.»

Merci, M. le Président.

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Pas de consentement, M. le Président.

Le Président : Pas de consentement. M. le ministre responsable des Affaires autochtones, la parole est maintenant à vous.

Souligner l'anniversaire du décès de Mme Joyce Echaquan et observer
une minute de silence à sa mémoire ainsi qu'à celle des victimes
et des survivants des pensionnats autochtones

M. Lafrenière : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement de cette assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec le député de Jacques-Cartier, la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, le leader du troisième groupe d'opposition, le député de Chomedey, le député de Bonaventure, le député de Rimouski et la députée de Marie-Victorin :

«Que l'Assemblée nationale se souvienne du décès de Joyce Echaquan, survenu dans des circonstances tragiques le 28 septembre 2020 au centre hospitalier de Joliette, décès nous ayant tous ébranlés et mettant en images la discrimination que vivent des membres des communautés autochtones;

«Qu'elle réitère son soutien à son conjoint, M. Carol Dubé, sa famille et l'ensemble de la communauté;

«Qu'elle rappelle toute l'importance de poursuivre la mise en application des fondements du Principe de Joyce qui vise à garantir à tous les autochtones un droit d'accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé;

«Qu'elle souligne qu'il est de notre responsabilité à tous, de lutter contre le racisme dans notre société, comme le rappelle aussi le rapport de la commission d'enquête portant sur les relations entre les autochtones et certains services publics;

«Qu'au nom du devoir de mémoire elle reconnaisse également le 30 septembre comme étant une journée de commémoration en hommage aux survivants et victimes des pensionnats autochtones;

«Qu'en signe de solidarité avec les nations autochtones du Québec, l'Assemblée nationale s'illumine à la couleur orangée;

«Qu'enfin, elle observe une minute de silence à la mémoire de madame [Joyce] Echaquan ainsi que des victimes et des survivants des pensionnats autochtones.»

«Meegwetch.» «Tshinashkumitin.» «Nia:wen.» «Nakurmiik», M. le Président.

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Consentement, sans débat, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président : Consentement, sans débat. Je vais vous demander vos votes respectifs, bien sûr. M. le leader du gouvernement?

M. Jolin-Barrette : Pour

Le Président : M. le leader de l'opposition officielle?

M. Fortin : Pour

Le Président : Mme la leader du deuxième groupe d'opposition?

Mme Labrie : Pour

Le Président : M. le leader du troisième groupe d'opposition?

M. Ouellet : Pour

Le Président : M. le député de Chomedey?

M. Ouellette : Pour

Le Président : M. le député de Bonaventure?

M. Roy : Pour

Le Président : Mme la députée d'Iberville?

Mme Samson : Pour

Le Président : Cette motion est donc adoptée. Je vais vous demander de vous lever pour observer une minute de silence.

• (10 h 59   11 heures) •

Le Président : Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Toujours dans la rubrique Motions sans préavis, Mme la cheffe de l'opposition officielle.

Condamner le recours à des procédures de stérilisation chez des femmes sans
consentement libre et éclairé et demander au premier ministre de convoquer
le président du Collège des médecins afin que soient pris tous les
moyens nécessaires pour faire cesser cette pratique

Mme Anglade : Oui, merci, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, le chef du troisième groupe d'opposition, le député de Chomedey, le député de Bonaventure, le député de Rimouski et la députée de Marie-Victorin :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte des graves et douloureux témoignages révélés pas l'émission Enquête de Radio-Canada à l'effet que des femmes autochtones ou racisées ont fait l'objet, au Québec, de procédures de stérilisation sans leur consentement libre et éclairé;

«Qu'elle condamne sans équivoque de telles pratiques et qu'elle déclare qu'une telle situation porte atteinte aux droits et libertés garantis par la charte québécoise des droits et libertés de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés;

«Qu'elle affirme que le droit des femmes à disposer de leur corps ne saurait être mis en cause [d'autre] façon que ce soit et qu'une atteinte au droit d'une femme est une atteinte au droit de l'ensemble des femmes du Québec;

«Qu'elle reconnaisse qu'une procédure de stérilisation sans consentement a pour effet des séquelles psychologiques importantes chez les femmes qui y sont soumises et qu'elle peut entraîner une méfiance envers le réseau de la santé ayant un impact négatif sur la santé des femmes;

«Qu'enfin, elle exige du premier ministre qu'il convoque sans délai le président du Collège des médecins afin que soient pris tous les moyens nécessaires pour faire cesser immédiatement cette pratique révoltante.»

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Consentement, sans débat, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président : Consentement, sans débat. Je vous demande vos votes respectifs. D'abord, M. le leader de l'opposition officielle?

M. Fortin : Pour.

Le Président : M. le leader du gouvernement?

M. Jolin-Barrette : Pour.

Le Président : Mme la leader du deuxième groupe d'opposition?

Mme Labrie : Pour.

Le Président : M. le leader du troisième groupe d'opposition?

M. Ouellet : Pour.

Le Président : M. le député de Chomedey?

M. Ouellette : Pour.

Le Président : M. le député de Bonaventure?

M. Roy : Pour.

Le Président : Mme la députée... En conséquence, cette motion est donc adoptée. Je reconnais maintenant M. le député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : M. le Président, je demande le consentement de cette Assemblée pour débattre de la motion suivante conjointement avec la députée de Joliette et le député de Chomedey :

«Que l'Assemblée nationale accueille positivement l'engagement des principaux candidats et candidates à la mairie de Montréal à instaurer un registre des loyers sur le territoire de la ville;

«Qu'elle souligne qu'un registre des loyers permettrait aux locataires de suivre l'évolution du montant des loyers payés pour les logements qu'ils occupent et, ainsi, de pouvoir exercer leur droit à demander une fixation du loyer devant le Tribunal administratif du logement;

«Qu'elle reconnaisse qu'un registre national serait plus efficace que la multiplication de registres dans différentes municipalités du Québec;

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement d'instaurer un registre national des loyers.»

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Pas de consentement, M. le Président.

Le Président : Pas de consentement.

Une motion sans préavis ayant déjà été présentée par le groupe parlementaire formant le gouvernement, je demande s'il y a consentement pour permettre la lecture d'une autre motion sans préavis. Consentement. M. le leader du gouvernement.

Procéder à des consultations particulières
sur le projet de loi n° 92

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je fais motion, conformément à l'article 146 du règlement de l'Assemblée nationale, afin :

«Que la Commission des institutions, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 92, Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale et portant sur la formation des juges en ces matières, procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques le mardi 19 octobre 2021, de 9 h 45 à 12 h 35 et après les affaires courantes jusqu'à 19 heures ainsi que le mercredi 20 octobre 2021 après les affaires courantes jusqu'à 12 h 30 et de 15 heures à 18 h 30;

«Qu'à cette fin la commission entende les organismes suivants : Mme Louise Riendeau, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, Mme Manon Monastesse, directrice de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, Me Elizabeth Corte, [ancienne] juge en chef de la Cour du Québec de 2009 à 2016 et coprésidente du rapport Rebâtir la confiance, conjointement avec Mme Julie Desrosiers, chercheuse et professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval et coprésidente du rapport Rebâtir la confiance, le Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, M. Sylvain Guertin, enquêteur spécialisé en matière d'agressions sexuelles et de crimes majeurs et directeur adjoint de la Direction des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec, conjointement avec le Service de police de la ville de Montréal et le Service de police de la ville de Québec, Me Roxanne Roussel, spécialiste en droit familial, le Barreau du Québec, Me Maude Cloutier, détentrice d'une maîtrise sur l'étude comparée des tribunaux spécialisés — Dubé Gravel avocats — conjointement avec Angela Campbell, professeure de droit à l'Université McGill, Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel — le RQCALACS — Me Sophie Gagnon, de Juripop, Mme Mélanie Walsh, directrice générale de l'Auberge Madeleine et partenaire dans le Partenariat pour la prévention et la lutte à l'itinérance des femmes regroupant 5 maisons, le Directeur des poursuites criminelles et pénales;

«Qu'une période de 12 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, répartie de la manière suivante : 5 minutes 34 secondes pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, 3 minutes 43 secondes pour l'opposition officielle, 56 secondes au deuxième groupe d'opposition, 56 secondes au troisième groupe d'opposition et finalement 51 secondes au député indépendant;

«Que sous réserve de l'audition conjointe de Me Maude Cloutier et de Mme Angela Campbell, la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 10 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 35 minutes partagées ainsi : 16 minutes 15 secondes pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, 10 minutes 50 secondes pour l'opposition officielle, 2 minutes 43 secondes pour le deuxième groupe d'opposition, 2 minutes 43 secondes pour le troisième groupe d'opposition et 2 minutes 30 secondes pour le député indépendant;

«Que la durée maximale de l'exposé conjoint de Me Maude Cloutier et de Mme Angela Campbell soit de 10 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 50 minutes partagées ainsi : 23 minutes 13 secondes pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, 15 minutes 29 secondes pour l'opposition officielle, 3 minutes 52 secondes pour le deuxième groupe d'opposition, 3 minutes 52 secondes pour le troisième groupe d'opposition et 3 minutes 30 secondes pour le député indépendant;

«Que les témoins auditionnés puissent l'être par visioconférence;

«Qu'une suspension de 10 minutes soit prévue entre les échanges avec chaque personne et organisme; et

«Que le ministre de la Justice soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Consentement, sans débat.

Mise aux voix

Le Président : Consentement, sans débat. Vos votes respectifs. M. le leader du gouvernement?

M. Jolin-Barrette : Pour.

Le Président : M. le leader de l'opposition officielle?

M. Fortin : Pour.

Le Président : Mme la leader du deuxième groupe d'opposition?

Mme Labrie : Pour.

Le Président : M. le leader du troisième groupe d'opposition?

M. Ouellet : Pour.

Le Président : M. le député de Chomedey?

M. Ouellette : Pour.

Le Président : M. le député de Bonaventure?

M. Roy : Pour.

Le Président : Cette motion est donc adoptée.

Avis touchant les travaux des commissions

Nous passons à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'avise cette Assemblée que la Commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 100, Loi sur l'hébergement touristique, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 12 h 45 et de 15 heures à 18 h 45, à la salle du Conseil législatif;

La Commission de la culture et de l'éducation poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, aujourd'hui, après les affaires courantes, pour une durée de 45 minutes, et de 15 heures à 18 h 30, à la salle Pauline-Marois;

La Commission des relations avec les citoyens poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 101, loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance envers les aînés et toute personne majeure en situation de vulnérabilité ainsi que la surveillance de la qualité des services de santé et des services sociaux, aujourd'hui, après les affaires courantes, pour une durée de 45 minutes, et de 15 heures à 18 h 30, à la salle Marie-Claire-Kirkland;

La Commission de l'aménagement du territoire poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 49, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale et diverses dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 12 h 45 et de 15 heures à 18 h 45, aux salles Louis-Joseph-Papineau et Louis-Hippolyte-La Fontaine. Merci.

Le Président : Merci. Nous en sommes à la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour

La période d'affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour.

Et je suspends les travaux pour quelques instants. Merci pour votre collaboration.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

(Reprise à 11 h 19)

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, nous poursuivons aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Schneeberger : Bonjour, Mme la Présidente. Alors, je vous demanderais d'appeler l'article 10 du feuilleton.

Projet de loi n° 59

Adoption

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci. Donc, à l'article 10 du feuilleton, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale propose l'adoption du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail.

Y a-t-il des interventions? M. le ministre? M. le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, je vous cède la parole.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Oui. Merci, Mme la Présidente. Nous entamons effectivement la dernière étape menant à l'adoption du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. C'est une étape importante, car elle permettra de présenter le projet de loi dans son ensemble. Notre gouvernement avait une responsabilité envers tous les Québécois, celle de livrer une réforme qui répondrait aux réalités du marché du travail d'aujourd'hui. Je suis fier de dire que nous avons atteint notre objectif.

• (11 h 20) •

Le coeur de notre réforme reposait sur la prévention. Une forte culture en prévention de la santé et de la sécurité du travail est primordiale pour s'assurer que le Québec puisse compter sur tous ses talents. Malheureusement, en 2019, on comptait 107 000 lésions professionnelles, 190 travailleurs sont décédés cette année-là. Je ne veux plus de ces drames humains.

Près de 75 % des travailleurs ne sont pas couverts par des mécanismes de protection adéquats dans le régime actuel. Avec le projet de loi, nous corrigeons cette erreur du passé. Tous les secteurs d'activité économique seront maintenant couverts par des mécanismes de prévention et de participation des travailleurs.

Nous avons présenté le projet de loi n° 59 à l'Assemblée nationale le 27 octobre 2020. Les consultations particulières se sont déroulées du 19 au 22 janvier 2021 et ont permis d'entendre 30 groupes. En tout, 76 mémoires portant sur le projet de loi ont été reçus. Ces consultations ont permis de recueillir plusieurs commentaires dans l'objectif commun d'améliorer le régime de santé et de sécurité du travail actuel. Je remercie tous les groupes et toutes les personnes qui ont pris le temps de nous faire parvenir leurs commentaires et leurs suggestions. Chaque suggestion a été analysée.

La modernisation de ce régime est un vaste chantier qui touche tous les acteurs de la société civile. D'ailleurs, deux motions présentées à l'Assemblée nationale du Québec et demandant le dépôt d'un projet de loi ont été adoptées à l'unanimité. Le Vérificateur général du Québec faisait également état, dans deux rapports, de la nécessité de revoir la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles. Finalement, deux avis du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre présentaient des consensus pour une modernisation du régime. Bref, nous avons entendu cette volonté commune que le Québec retrouve son leadership en matière de santé et de sécurité.

Mme la Présidente, j'aimerais revoir les trois grands volets de ce projet de loi, soit la gouvernance, la réparation et l'indemnisation, la prévention. Mais d'abord revenons à l'objectif de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Dans sa forme actuelle, la loi a pour objet l'élimination à la source des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs. Cet objectif est fondamental, mais il a été négligé pendant 40 ans en faisant aussi abstraction de la protection de l'intégrité psychique des travailleurs. C'est pourquoi nous souhaitons que l'objet de la loi soit maintenant d'éliminer à la source les dangers pour la santé, la sécurité, l'intégrité physique et psychique des travailleurs. Ce changement reflétera l'importance que nous devons consacrer à la santé mentale au travail.

Mme la Présidente, lors de la première séance en étude détaillée, nous avons discuté de l'ensemble des dispositions du projet de loi touchant la gouvernance de la CNESST. J'ai senti que les parlementaires partageaient tous le même respect du paritarisme dans les matières relevant du droit du travail. La CNESST est d'ailleurs administrée par un conseil d'administration paritaire, et nous conservons cet acquis. Cependant, une même personne occupe le poste de président du conseil d'administration et de chef de la direction. Le projet de loi n° 59 prévoit donc la séparation de ces postes, tel que recommandé dans le rapport du Vérificateur général de 2015. L'actualisation de la gouvernance de la CNESST favorisera une gestion efficace de la résolution des conflits. Cela facilitera la prise de décision concernant l'évolution du régime.

Le projet de loi prévoit également la création d'un comité de gouvernance et d'éthique et d'un comité de vérification et de ressources humaines. Il s'agit de bonnes pratiques reconnues dans la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État.

La CNESST doit continuer d'exercer son leadership et de fournir un service sans faille aux travailleurs et aux employeurs du Québec. Je compterai sur le C.A., la présidence et la direction générale pour ce faire, en mettant toujours l'humain au coeur des décisions.

Mme la Présidente, le deuxième grand volet de notre réforme touchait la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles. L'un des plus grands reproches que l'on pouvait faire à cette loi était sans aucun doute la stagnation de la liste des maladies professionnelles présumées.

La LATMP définit la maladie professionnelle comme une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de celui-ci.

L'absence de présomption ne prive pas un travailleur de la possibilité de présenter une réclamation et de faire reconnaître le caractère professionnel de sa lésion. Il appartient alors au travailleur de faire la démonstration d'un lien de causalité. Malheureusement, comme le législateur a prévu cette liste à même la loi, elle n'a pas évolué depuis 1985, elle ne reflète plus l'état des connaissances scientifiques.

La solution proposée par le projet de loi n° 59 consiste à abroger l'annexe I de la loi et à la remplacer par un règlement. Un règlement sera beaucoup plus facile à faire évoluer. Nous avons saisi l'occasion pour ajouter certaines maladies à la liste. Ce faisant, nous allégeons davantage le fardeau du travailleur et nous réduisons l'attente. Encore une fois, l'humain reprend sa place au coeur du processus, et la vie des personnes ayant subi une lésion professionnelle s'en trouvera facilitée.

La CAQ s'était engagée à reconnaître plusieurs cancers chez les pompiers. Le projet de loi ajoute donc, pour les pompiers combattants, les cancers suivants : le cancer du rein, le cancer de la vessie, le cancer du larynx, le cancer du poumon, le cancer de la prostate, le cancer de la peau, le mésothéliome non pulmonaire, le cancer pulmonaire ou le mésothéliome pulmonaire, le myélome multiple et le lymphome non hodgkinien.

Au cours de l'étude du projet de loi, un amendement a également été adopté afin d'ajouter la maladie de Parkinson provoquée par l'exposition aux pesticides à la liste des maladies professionnelles. Je tends maintenant la main à tout le milieu agricole. Nous devons travailler ensemble pour sensibiliser les agriculteurs et les producteurs à l'importance de la prévention dans leurs milieux de travail, leurs milieux de vie. Vous nourrissez le Québec. Votre santé, c'est la santé de la nation.

Nous avons également ajouté le contact avec le parasite responsable de la maladie de Lyme dans les conditions particulières de la parasitose, maladie déjà présente dans la liste et bénéficiant d'une présomption.

Une autre grande avancée qui me tient à coeur concerne la reconnaissance du trouble de stress post-traumatique pouvant faire l'objet d'une présomption de maladie professionnelle. Il est grand temps d'en faire plus pour prendre soin de ceux qui nous protègent. Le travailleur qui est exposé, de manière répétée ou extrême, à une blessure grave, à de la violence sexuelle, à de graves menaces ou à la mort n'aura plus à assumer le fardeau de la preuve. Sur l'ensemble des réclamations pour une lésion psychologique attribuable au stress aigu, 67 % sont en lien avec des diagnostics de trouble de stress post-traumatique. La modernisation facilitera donc le processus de réclamation pour de nombreux premiers répondants au Québec.

Mme la Présidente, afin de faire en sorte que la réglementation suive l'évolution des connaissances scientifiques, le projet de loi a proposé la création d'un comité scientifique sur les maladies professionnelles. Il s'agit d'un comité indépendant, dont les membres sont nommés par le gouvernement. Il pourra toutefois s'adjoindre tout expert qu'il juge pertinent pour mener à bien son mandat.

• (11 h 30) •

Ce comité scientifique aura pour fonction de faire des recommandations quant aux relations causales entre les maladies, aux contaminants ou aux risques particuliers du travail. Pour ce faire, il recensera et analysera les recherches ainsi que les études en matière de maladies professionnelles. La transparence comme l'accessibilité sont des objectifs primordiaux du gouvernement. Ses avis et recommandations seront publiés sur le site Internet de la CNESST. Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale ainsi que la CNESST seront dès lors imputables de la décision de les suivre.

De plus, nous confierons au comité le mandat d'étudier de manière prioritaire les sujets suivants : les maladies psychologiques, tous les cancers qui affectent les pompiers qui sont reconnus dans les autres provinces, y compris le cancer du sein chez les pompières, les maladies prévues à la liste de l'Organisation internationale du travail qui ne se retrouvent pas dans le règlement sur les maladies professionnelles, les maladies qui affectent plus régulièrement les femmes, les autres maladies susceptibles d'être causées par l'exposition aux pesticides, notamment le lymphome non hodgkinien, les caractéristiques médicales de la surdité professionnelle et le seuil à partir duquel l'audition est considérée comme anormale.

Il est ambitieux d'introduire un tel comité au sein de la loi, mais je suis persuadé qu'il assurera un rôle majeur pour l'évolution de la liste des maladies professionnelles présumées.

Mme la Présidente, les lésions professionnelles ont des conséquences importantes aux plans personnel, social et économique. La LATMP actuelle structure le processus de réparation d'une lésion professionnelle de façon séquentielle. Tout d'abord, il y a l'indemnisation, puis la consolidation et, au besoin, la réadaptation en vue d'une réinsertion sociale et professionnelle. Pourtant, la littérature scientifique et l'évolution des connaissances énoncent clairement que le temps passé en dehors du marché du travail est souvent plus dommageable que la lésion elle-même. La loi ne comporte pas de levier pour permettre à la CNESST d'offrir des mesures de réadaptation avant que l'existence de séquelles permanentes ne soit démontrée. Il fallait y remédier. Certains travailleurs présentent des facteurs de risque de chronicité et nécessitent du soutien pour réintégrer le travail, et ce, le plus tôt possible au cours du processus de réparation. Avec ce projet de loi, la CNESST pourrait offrir des mesures de réadaptation en collaboration avec le travailleur et l'employeur. Les mesures de réadaptation seraient également approuvées par le professionnel de la santé qui s'occupe du travailleur. Cela permettra au travailleur de rester actif et ainsi de réduire les risques de chronicité des lésions professionnelles.

Un autre élément à considérer est l'assignation temporaire. L'assignation temporaire constitue un moyen pour favoriser le retour en emploi prompt et durable des travailleurs ayant subi une lésion professionnelle, notamment en protégeant le lien d'emploi. Cependant, le manque de connaissances de l'employeur sur les limitations fonctionnelles temporaires du travailleur peut constituer un frein à cette assignation.

Le projet de loi propose l'utilisation d'un formulaire d'assignation temporaire prescrit par la CNESST. Ce formulaire contiendra l'identification des limitations fonctionnelles temporaires du travailleur. Par conséquent, les employeurs auront en main toutes les informations nécessaires pour accommoder leurs travailleurs.

Tous ces éléments permettront de faciliter la réadaptation du travailleur et de diminuer le temps passé en dehors du marché du travail. Cette approche centrée sur les besoins du travailleur se garante d'un rétablissement plus rapide et d'un retour sur le marché du travail plus harmonieux.

Mme la Présidente, la LATMP prévoit une période de recherche d'emploi lorsque le travailleur ayant subi une lésion professionnelle n'est pas en mesure de réintégrer ses fonctions en raison de séquelles permanentes. En revanche, les démarches de recherche d'emploi sont souvent laborieuses et le soutien offert était insuffisant. Étant ministre du Travail et de l'Emploi, je devais formaliser une entente entre la CNESST et mon ministère.

Ainsi, les deux organisations vont conclure une entente prévoyant les services publics d'emplois dont les travailleurs victimes d'une lésion professionnelle pourront bénéficier. Les ressources de mon ministère seront mises au service des travailleurs. Comme société, on ne peut pas laisser tomber ces gens et les laisser à eux-mêmes. Je souhaite que tous puissent exprimer leur potentiel et retrouver un emploi à la hauteur de leurs ambitions.

Mme la Présidente, tout ce soutien envers les travailleurs doit également se traduire par la qualité des biens et des services offerts par les fournisseurs de la CNESST. Advenant des irrégularités dans la prestation de service d'un fournisseur de soins, la CNESST est actuellement dans l'impossibilité d'intervenir pour demander des rectifications. Cette situation empêche la CNESST d'assumer pleinement sa responsabilité en termes de contrôle et de vérification. Par exemple, elle ne disposait pas des moyens efficaces pour éviter la surfacturation par des fournisseurs mal intentionnés. Le projet de loi vient donc doter la CNESST d'un levier adéquat pour assurer cette qualité.

La mise en place d'un régime d'accréditation et de vérification des fournisseurs permettra d'atteindre cet objectif et d'assurer une plus grande cohérence dans les pratiques. L'intervention proposée imposera donc l'obligation pour ces partenaires essentiels d'obtenir une reconnaissance en bonne et due forme de la CNESST.

La CNESST pourrait également déterminer les documents nécessaires au dépôt d'une demande d'accréditation, identifier les critères de reconnaissance d'un fournisseur, établir des conditions permettant de mettre fin à l'accréditation avec un dispensateur fautif et prévoir des conditions de recouvrement, le cas échéant. Évidemment, tout comportement inadéquat de la part d'un professionnel pourra toujours être signalé aux différents ordres professionnels. Nous atteignons deux objectifs : assurer les meilleurs soins aux travailleurs et garantir que les fonds de la CNESST soient bel et bien consacrés à sa mission fondamentale.

Je tiens maintenant à rassurer les employeurs quant à l'encadrement de la notion d'obérer injustement proposée initialement par le projet de loi. Les employeurs pourront continuer de faire valoir qu'ils sont obérés injustement pour justifier un partage des coûts en imputation avec d'autres employeurs comme cela se fait présentement. De plus, les précisions apportées à la notion d'handicap préexistant d'un travailleur ayant subi une lésion professionnelle ont été retirées elles aussi. Nous avons éliminé les effets potentiellement préjudiciables et non souhaités. En résumé, nous revenons, à cet égard, au statu quo.

Mme la Présidente, l'un des objectifs du projet de loi était la déjudiciarisation. Plusieurs mesures prévues par le projet de loi permettront d'atteindre ce but. Je pense plus particulièrement aux modifications apportées à la Direction de la révision administrative, ce qu'on appelle la DRA. Pour plusieurs associations d'employeurs et représentants de travailleurs, la révision administrative constitue une étape dont les résultats sont mitigés.

Ainsi, ceux qui le souhaitent pourront contester directement au Tribunal administratif du travail une décision sans avoir recours à l'étape de la révision administrative. Les sujets visés incluent les décisions rendues à la suite d'un avis du Bureau d'évaluation médicale, d'un avis du comité spécial des présidents qui analysent les maladies professionnelles pulmonaires, d'un avis d'un comité des maladies professionnelles oncologiques et les décisions en matière de financement, dont celles liées aux dispositions d'exception en matière d'imputation. La diminution du nombre de paliers de contestation pour les employeurs et les travailleurs permettront encore de réduire les délais pour y accéder.

Mme la Présidente, la prévention est la clé du succès pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles. J'ai constamment été guidé par ma volonté de protéger davantage les travailleurs. Le projet de loi prévoit donc que tous les secteurs d'activité économique seront couverts par des mécanismes de prévention et de participation. L'introduction de ces nouveaux outils permettra de couvrir l'ensemble des 272 000 établissements québécois. Il s'agit d'une première au Québec, une première attendue depuis plus de 40 ans. Concrètement, cela veut dire qu'on retrouvera, dans les établissements d'au moins 20 travailleurs, un programme de prévention, un comité de santé et de sécurité et un représentant en santé et en sécurité.

• (11 h 40) •

Pour les établissements de moins de 20 travailleurs, il y aura l'obligation de faire un plan d'action en santé et en sécurité du travail. Un agent de liaison devra être désigné parmi les travailleurs. Il s'agit ici de faire en sorte que les mécanismes soient adaptés à la réalité des petites entreprises.

Cette approche a aussi l'avantage d'assurer une plus grande égalité entre les femmes et les hommes puisque tous les secteurs d'activité seront assujettis aux mêmes obligations. En effet, il ne faut pas oublier que la grande majorité des femmes, 85 %, se retrouvent dans les secteurs d'activité économique qui ne sont actuellement pas soumis aux obligations relatives aux mécanismes de prévention et participation des travailleurs. On retrouve plusieurs secteurs d'activité économique à prépondérance féminine dans les groupes prioritaires 4, 5 et 6, notamment l'enseignement, les services médicaux et sociaux et le commerce de détail. Les nouvelles mesures auront aussi un effet direct sur les jeunes travailleurs, notamment par le fait que des secteurs comme l'hébergement, la restauration et le commerce de détail seront maintenant couverts.

Plus de la moitié des jeunes travailleurs se retrouvent dans des groupes prioritaires qui ne sont pas actuellement visés par les mécanismes de prévention et de participation. Pourtant, ils représentent une part importante des personnes ayant subi des lésions professionnelles. Il est temps de tourner la page sur cette approche d'une autre époque.

Un règlement sur le fonctionnement des mécanismes de prévention devra être développé et adopté par le conseil d'administration paritaire de la CNESST dans un délai de trois ans, à défaut de quoi le gouvernement en adoptera un dans l'année suivante.

Je veux toutefois insister sur la grande confiance que j'ai en la capacité des parties à s'entendre sur le contenu du règlement. Les responsabilités qui incombent aux administrateurs de la CNESST sont à la hauteur de leur expertise. Ils peuvent et ils doivent relever ce défi. Entre-temps, un régime intérimaire sera déployé. Dans les six mois suivant la sanction de la loi, il permettra notamment de préparer les établissements à la mise en place des mécanismes complets de prévention et de participation des travailleurs.

Mme la Présidente, l'une des façons retenues pour assurer l'efficacité des mécanismes de prévention et de participation est la possibilité d'implanter des programmes multiétablissements. En effet, l'approche multiétablissement permet à un employeur de déployer un même programme de prévention à plusieurs endroits sous sa responsabilité. Cela lui permet d'être plus efficient s'il possède plus d'un établissement dans son entreprise. La décision d'utiliser le multiétablissement revient à l'employeur puisque c'est lui qui est responsable de la gestion de la santé et de la sécurité dans ses établissements. Il en est imputable.

Des critères précis permettront toutefois d'encadrer son utilisation tels que la distance entre les établissements. Cependant, le critère principal retenu pour le regroupement d'établissements demeure celui de retrouver des activités de même nature. Aux fins de déterminer si les activités sont de même nature, il faudra prendre en considération l'exécution de fonctions comparables par les travailleurs et les conditions d'exercice de celles-ci. Les employeurs devront prendre en compte le guide d'application qui sera élaboré par la CNESST et rendu public.

Lorsqu'un employeur décidera d'implanter un programme de prévention multiétablissement, un comité de santé et de sécurité et au moins un représentant en santé et en sécurité seraient déployés. Des comités et des représentants additionnels pourraient être ajoutés à la suite d'une entente entre l'employeur et les travailleurs. L'employeur devra également prendre en considération les établissements de moins de 20 travailleurs dans le déploiement de son programme. De plus, la CNESST aura le pouvoir d'imposer un programme de prévention, un comité et un représentant dans les établissements qu'elle désigne lorsqu'elle le juge nécessaire pour protéger la santé, la sécurité et l'intégrité physique et psychique des travailleurs.

Mme la Présidente, un sujet très important qui a guidé nos réflexions est celui de la santé mentale des travailleurs québécois. Nous avons, au cours des dernières décennies, assisté à l'émergence de risques en santé et sécurité du travail, notamment ceux liés à la santé psychologique au travail. Ce sont les risques psychosociaux. Ces risques, moins visibles que les risques physiques, sont plus difficiles à identifier. Ils demeurent, même encore aujourd'hui, un tabou dans certains milieux.

Le projet de loi propose que l'identification des risques psychosociaux soit spécifiée dans le contenu du programme de prévention. Une analyse de risque permet de mieux comprendre le risque et ses possibles conséquences. Elle permet aussi de déterminer les mesures à mettre en place pour éliminer ou contrôler ces risques dans le respect du droit de gestion de l'employeur. Le représentant en santé et en sécurité aura aussi un rôle à jouer car il pourra recommander des mesures qu'il juge opportunes pour les contrôler.

C'est une première au Québec. Depuis notre élection, la CAQ a augmenté les budgets consacrés aux services de santé mentale. Il y a un vrai redressement qui s'est opéré sous notre gouvernement. Le projet de loi répond lui aussi à cette priorité qu'est la santé mentale. L'identification spécifique des risques psychosociaux liés au travail contribuera à sensibiliser les employeurs et les travailleurs et fera une réelle différence.

Mme la Présidente, j'aimerais maintenant parler du secteur de la construction. Rappelons que les dispositions sur les mécanismes visant les chantiers de construction n'ont jamais été promulguées depuis leur adoption en 1979. Pourtant, le secteur de la construction constitue l'un des secteurs les plus à risque pour les travailleurs. En 2018, il s'agissait du secteur dans lequel sont survenus le plus de décès à la suite d'une lésion professionnelle, soit 70 des 226 décès survenus au Québec. Je ne veux plus de tels décès au Québec. C'est pourquoi le projet de loi prévoit que tous les établissements devront élaborer un programme de prévention ou un plan d'action afin de couvrir l'ensemble de leurs activités, même celles en chantier.

De plus, le projet de loi prévoit la mise en place d'un comité de chantier sur les chantiers de 20 travailleurs ou plus, prévoit également la présence d'un représentant en santé et en sécurité sur les chantiers qui occupent 10 travailleurs ou plus, à temps partiel ou à temps plein. L'agent de sécurité sera remplacé par un coordonnateur en santé et sécurité, présent à temps plein sur les chantiers de 100 travailleurs et plus, ou s'il s'agit d'un chantier d'une valeur supérieure à 12 millions de dollars. Le coordonnateur devra réussir une formation théorique de 240 heures, en plus d'une formation pratique.

Les mesures prévues par le projet de loi sont nécessaires et attendues depuis plusieurs décennies. Elles nécessiteront la collaboration des employeurs et des travailleurs. Mon ministère et la CNESST seront là pour les accompagner, mais il est fondamental d'améliorer la culture de prévention sur les chantiers de construction. Cette culture de prévention devra prendre en compte l'intérêt des femmes. Les femmes sont trop souvent poussées à quitter le domaine de la construction. L'une des raisons : le harcèlement, les menaces, l'intimidation. Le taux d'abandon des femmes, au cours d'une période de cinq ans, s'élève à 55 %. Il faut penser aussi en termes de capacité de rétention du secteur de la construction.

Les dispositions sur le harcèlement sexuel, combinées à la présence de représentants en santé et en sécurité, pourront contribuer à réduire ce risque lié au travail. Le harcèlement à l'endroit des femmes est simplement inacceptable. Les femmes ont le droit d'occuper un emploi sans être victimes de harcèlement, et ce, peu importe le secteur. Je suis donc résolument convaincu que les dispositions du projet de loi n° 59 sont un pas important dans la bonne direction.

Mme la Présidente, un élément majeur du projet de loi demeure l'élargissement du rôle d'intervention des directeurs de santé publique. Actuellement, les intervenants du réseau de la santé publique au travail ne peuvent intervenir que dans quelques secteurs économiques précis se trouvant dans les groupes prioritaires 1, 2 et 3. Comme les mécanismes de prévention et de participation s'appliqueront maintenant à plus de 272 000 établissements, il était primordial de repositionner le réseau pour assurer sa force d'intervention. Avec le projet de loi, nous confions l'autonomie nécessaire au réseau pour collaborer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des éléments de santé des programmes de prévention élaborés par les employeurs. Il pourra faire les recommandations appropriées. Les intervenants du réseau seraient également autorisés à intervenir sur le lieu de travail à la demande de la CNESST ou d'un directeur de santé publique. De plus, toute personne qui offre des services en santé au travail à un employeur devrait dénoncer une situation de danger. Je tiens à saluer le réseau pour son expertise et sa grande collaboration. La pandémie que nous vivons aura mis en lumière l'importance de leurs interventions dans les lieux de travail.

• (11 h 50) •

Avec notre réforme, la loi santé et sécurité du travail confierait désormais au réseau deux responsabilités majeures : la gestion de la prévention en santé, que nous venons de passer en revue, et l'évaluation des dangers dans le cadre du programme Pour une maternité sans danger. Le programme Pour une maternité sans danger a pour objectif le maintien en emploi sans danger de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Généralement, il est possible de protéger la santé de la mère et celle de l'enfant tout en permettant à celle-ci de poursuivre ses activités professionnelles. Dans le cas où l'employeur ne peut modifier le poste ou les tâches de la travailleuse, celle-ci a le droit de cesser temporairement de travailler et de recevoir des indemnités de la CNESST.

L'objectif du programme et les droits de la travailleuse demeurent les mêmes avec le projet de loi. Il n'existe cependant pas de protocole pour l'application du programme Pour une maternité sans danger au niveau national, si bien que la gestion du programme varie selon la région et parfois même au sein d'une même région. Cela entraîne une iniquité dans le traitement des dossiers et de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Nous confions donc au réseau la responsabilité d'établir un protocole qui pourra se décliner par secteurs.

De plus, une mise à jour régulière des protocoles visant l'identification des dangers et des conditions de travail qui y sont associés est prévue. Le directeur national de santé publique pourra consulter tout expert ou tout organisme public pour l'élaboration et la mise à jour de ces protocoles. Ce sera une occasion de suivre l'évolution des connaissances scientifiques et de bonnes pratiques puisque le protocole sera rendu public.

Mme la Présidente, le régime de santé et de sécurité actuel ne prévoit aucune disposition spécifique concernant la violence. C'est l'un des sujets qui a motivé mon désir de mener à terme cette ambitieuse réforme. Le projet de loi permet de corriger cette situation et de reconnaître explicitement la violence physique ou psychologique qui se manifeste sur les lieux du travail, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. L'employeur sera tenu de prendre des mesures s'il sait ou devrait savoir qu'une de ses travailleuses ou qu'un de ses travailleurs est exposé à une telle situation sur les lieux de travail. À titre d'exemple, un employeur pourrait changer le numéro de téléphone au travail d'une travailleuse victime de menaces d'un ancien compagnon de vie. Il s'agit ici d'une autre des nombreuses initiatives de notre gouvernement pour lutter contre la violence conjugale.

J'ai la conviction que ces précisions à la loi serviront à ouvrir un dialogue concernant la violence et ses répercussions sur le travail. Mme la Présidente, si le projet de loi est adopté, le Québec deviendra un leader en ce qui a trait à la protection des travailleuses et des travailleurs domestiques. Ces personnes ne sont protégées qu'à certaines conditions seulement, que par les régimes de santé et de sécurité du travail de l'Ontario, du Manitoba et de la Colombie-Britannique. Le travail domestique, nous le savons tous, est principalement exécuté par des femmes, souvent issues de groupes minoritaires. Pour bénéficier d'une protection en cas de lésions professionnelles, les travailleuses domestiques peuvent certes souscrire à une protection personnelle auprès de la CNESST et en assumer les coûts. Cependant, seulement 55 travailleuses domestiques se sont prémunies de cette protection en 2019. La couverture automatique des travailleuses domestiques au régime de santé et de sécurité du travail contribuerait à réduire les risques de vulnérabilité. Nous estimons qu'il y aurait un potentiel de plus de 18 400 travailleuses qui pourraient être ainsi couvertes par notre projet de loi.

Le texte de loi que nous soumettons permettra de couvrir les travailleuses qui gagnent leur vie grâce à cette activité, tout en excluant l'ensemble du travail sporadique. C'est une avancée majeure dont nous pouvons être fiers.

Mme la Présidente, je suis très heureux du travail de collaboration que fait notre gouvernement avec les diverses associations étudiantes. Lors d'une rencontre de travail avec des représentants étudiants, ils m'avaient exprimé leurs préoccupations quant à l'encadrement des stages d'observation dans le régime de santé et de sécurité. En effet, plusieurs étudiants en stage n'effectuent pas les tâches des salariés, mais puisqu'ils observent et se trouvent dans le milieu de travail, ils sont exposés à des risques eux aussi. Le projet de loi permet donc de venir confirmer que la protection offerte par la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles couvre aussi les stages d'observation. Ces stages se déroulent principalement dans des secteurs à prépondérance féminine, tels que l'enseignement et les sciences de la santé. En effet, c'est près de 75 % des stages d'observation qui sont effectués par des femmes. Nos jeunes méritent que la loi soit adoptée et que cette mesure entre en vigueur dès que possible.

Les associations sectorielles paritaires sont constituées en vertu d'ententes entre des associations d'employeurs et des associations syndicales d'un secteur d'activité économique. Elles ont le mandat d'offrir de la formation, de l'information, du soutien et de l'accompagnement aux employeurs et aux travailleurs afin de favoriser la prise en charge de la prévention. Toutes les associations sectorielles paritaires sont financées par la CNESST. On dénombre 10 associations, soit sensiblement le même nombre que lors de l'entrée en vigueur de la loi, alors que l'objectif initial était de doter tous les secteurs d'activité économique d'une telle association paritaire.

En 2018, près de 61 % de l'ensemble des travailleurs n'étaient pas couverts par une convention collective ou représentés par une association syndicale et conséquemment ne profitaient pas des services de formation d'une association sectorielle paritaire. La révision proposée dans le projet de loi n° 59 permettra d'améliorer l'offre de services, notamment de formation, et d'élargir l'accès à diverses clientèles. Le projet prévoit que d'autres groupes, tels qu'une association professionnelle, par exemple, pourraient conclure une entente et constituer une association sectorielle paritaire. C'est une modification concrète qui ajoute un outil de prévention à la portée de tous les secteurs.

Mme la Présidente, la pandémie a amené les milieux de travail à s'adapter rapidement lors du premier confinement que nous avons vécu. C'est un effort collectif remarquable qui a été fait par les employeurs et les travailleurs québécois pour s'adapter. Une des adaptations principales fut de recourir au télétravail. Au Québec, environ 40 % de la population active a basculé en mode télétravail, tout un changement si on considère qu'avant la pandémie à peine 15 % des salariés travaillaient depuis leur résidence. C'est pourquoi j'avais mandaté, le 16 octobre 2020, le comité de vigie du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre afin d'émettre un avis sur le télétravail.

Or, le comité de vigie a conclu que le télétravailleur était assujetti aux lois du travail, notamment la Loi sur les normes du travail, la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles et la Charte des droits et libertés de la personne.

Cependant, pour donner suite à des représentations de groupes et de députés de différentes formations politiques, nous avons décidé d'apporter une précision pour le régime de santé et sécurité. En effet, la loi s'appliquera dorénavant au travailleur qui effectue du télétravail ainsi qu'à son employeur. Nous nous sommes également assurés que le travail de l'inspecteur de la CNESST soit mieux encadré afin d'assurer le respect du droit à la vie privée du travailleur. Cette modification reflétera donc la réalité des organisations du travail contemporaines.

• (12 heures) •

Mme la Présidente, comme mentionné précédemment, la motivation première de ce projet de loi était d'améliorer la prévention dans les milieux de travail.

Au début de mon mandat, nous nous sommes rapidement consacrés à la publication du Règlement sur les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2020. Ce règlement encadre les pratiques des agences et prévoit les moyens pour faire respecter les droits de leurs employés et des travailleurs étrangers temporaires. Bien que ce règlement découle de la Loi sur les normes du travail, j'ai été sensible aux préoccupations soulevées concernant le régime de santé et de sécurité. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement qui vise à prévoir à la Loi sur la santé et sécurité les obligations qui incombent à l'employeur qui loue ou prête les services d'un travailleur. Nous avons exclu la possibilité pour ce dernier de s'en soustraire de manière contractuelle. Le gouvernement déploiera tous les outils pour assurer la protection des travailleurs d'agences et pour faire connaître leurs droits.

Mme la Présidente, le projet de loi prévoit que le ministre devra faire rapport sur l'application et la mise en oeuvre de la loi dans cinq ans de son adoption. D'ici là, je me suis engagé à dresser un bilan des mesures qui concernent les travailleuses domestiques. Nous rendrons le processus de mise en oeuvre de la loi le plus transparent possible. Nous assumerons les bons coups de cette réforme comme les moins bons. Mais, plus que jamais, les travailleurs n'auront plus à attendre 40 ans avant qu'un gouvernement prenne ses responsabilités. C'est des lois qui étaient devenues sclérosées. On avait un bilan, en termes de nombres et de gravité d'accidents de travail, qui était extrêmement anémique. Il faut redresser la situation, corriger le tir et s'intéresser à la santé des travailleurs et des travailleuses et de leurs familles.

Mme la Présidente, avant de conclure ce discours, je dois prendre le temps de faire certains remerciements — un projet de loi d'une telle ampleur n'aurait jamais pu voir le monde sans l'apport de plusieurs personnes — d'abord à tous les membres de notre gouvernement, qui ont cru en cette ambitieuse réforme, et à notre premier ministre, ensuite aux collègues de l'opposition, les collègues de Nelligan, Hochelaga-Maisonneuve, Jonquière mais également de Bonaventure et Robert-Baldwin, ainsi que leurs recherchistes, Marc-Antoine, Guillaume, Jean-Sébastien, sans oublier Viviana, aussi, qui accompagnait mon collègue de Nelligan pour une bonne partie de l'étude détaillée.

Moi, j'ai développé, au-delà des débats, des discussions, un respect, aussi une fraternité avec mes collègues, pour qui j'ai énormément d'estime, parce que j'ai senti que les collègues des partis d'opposition savaient... Puis ce projet de loi là, je l'avais dit au départ, était perfectible, il le demeure, mais c'est tous ensemble qu'on va s'assurer que l'objectif de prévention et de réduction des accidents de travail soit atteint. Et je les invite, je les ai invités souvent à travailler en collaboration avec moi, ils savent que ma porte est ouverte, que je travaille de manière transparente. Et, à chaque fois qu'ils me demandent une information, je m'assure, dans la mesure de sa disponibilité, de la partager avec eux. Et moi, je veux continuer de construire un régime de santé et sécurité au travail en équipe, avec tous les acteurs. Et ce n'est pas uniquement pour les employeurs et les syndicats, qu'on fait une réforme de cette nature-là, c'est d'abord et avant tout, je le répète souvent, pour les travailleurs et pour les travailleuses.

Je veux remercier aussi l'équipe de mon ministère, Anne Racine, Antoine Houde, sous-ministre pour Mme Racine, le directeur général des politiques et de la recherche pour Antoine. C'est des personnes qui ont été constamment à côté de moi, qui ont appris à me connaître, qui ont appris à partager avec moi, qui ont été des supports indéfectibles, qui m'ont aidé, qui ont aidé les partis de l'opposition à parfois faire les nuances qui s'imposaient et qui nous ont aidé à faire cheminer ce projet de loi là et le faire aboutir à sa conclusion. Leurs équipes aussi, Audrey Pichette, Janika Tardif, Nicolas Beauchemin. Aux équipes de la CNESST qui m'entouraient constamment, qui n'ont pas eu peur d'intervenir, personnes à l'égard desquelles, parfois, je mettais beaucoup de pression parce qu'on avait des amendements à faire puis on voulait respecter l'institution parlementaire, parce qu'on sait qu'il y a des Québécois, des Québécoises, il y a des acteurs, il y a des partenaires, il y a des syndicats, des employeurs qui nous écoutaient, et je voulais qu'ils soient fiers de la commission parlementaire, qu'ils réalisent qu'on travaille avec efficacité, du mieux qu'on pouvait, en respectant les ressources humaines puis les capacités de chacun et chacune d'intervenir. Mais je veux, à cet égard-là, remercier Carole Bergeron, Mylène Rivard-Demers, Geneviève Lapierre, Annick Marcoux, Tatiana Santos de Aguilar, également Louise Gravel, Guylaine Bourque, Jean-Pierre Jobin, Sophie Morais, des personnes qui ont joué un rôle, encore une fois, prépondérant. Et plusieurs, évidemment, ont la même formation que moi en droit, donc ça aidait, puis ils étaient constamment en contact avec nos conseillers en législation et ils se sont assurés que nos textes soient cohérents et respectueux du corpus législatif québécois. Me François Lamoureux, qui est président du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Les partenaires, les syndicats, les employeurs.

Je le sais, que c'est un projet de loi qui ne répond pas aux attentes de tout le monde, mais il y a des voies de passage. Puis en relations de travail puis en santé et sécurité du travail, on ne fait jamais l'unanimité, il y a toujours des insatisfactions, il y a toujours des attentes qui ne sont pas rencontrées. Puis ça, les personnes parlementaires le comprennent aussi, mais c'est sûr que parfois tu réponds à des intérêts externes, puis il y en avait beaucoup dans le régime de santé et sécurité au Québec, Mme la Présidente, qui avaient des intérêts puis des préoccupations, parfois au maintien du statu quo, parfois au changement de tel article ou de telle section, parfois à des changements plus radicaux, puis parfois à des changements plus souples. On ne fait pas l'unanimité quand on travaille en santé et sécurité. Mais il y a une chose qui est certaine : tout le monde veut l'amélioration du régime, tout le monde souhaite ardemment et profondément qu'on fasse plus de prévention et que nos lois ne restent pas encarcanées dans le béton pendant 40 ans encore.

S'il y a une grande leçon à tirer, c'est que n'attendons pas, adaptons-nous. Et le rapport de mise en application dans cinq ans, il faut déjà commencer à le préparer puis s'assurer qu'on remplit nos obligations envers les Québécois, les Québécoises. Et moi, je suis convaincu qu'en travaillant ensemble on va réussir, on va s'adapter, on va corriger le tir. Et je me souviens d'avoir parlé au ministre de l'époque, en 1979, Pierre Marois, du Parti québécois, qui était le parrain de la loi sur la santé et sécurité du travail, puis à l'époque on était un peu des révolutionnaires, on est devenus des leaders en santé et sécurité, puis lui, il me rassurait, il me disait : Il n'y aura pas personne de content. Les syndicats, pas totalement, puis les patrons, pas totalement. Il faut trouver une voie de passage. Puis il m'a nommé, évidemment, les leaders syndicaux et les leaders patronaux de l'époque, et ils avaient des positions diamétralement opposées. Certains en veulent plus, d'autres en veulent moins. Mais je pense que, si on travaille ensemble, on va, tout le monde, en faire beaucoup plus.

Je veux remercier l'équipe de mon cabinet, Denis, Stéphane, Maude, Brigitte, mais particulièrement Fanny Cantin. Je vais y revenir.

Le succès de cette réforme, Mme la Présidente, repose maintenant dans sa mise en oeuvre. Chaque acteur devra jouer son rôle et assumer ses responsabilités. Nous avons le devoir collectif de mieux protéger nos travailleurs et de faire baisser le nombre de talents dont le Québec se prive chaque année. Cette réforme demandera l'implication des travailleurs, des employeurs, des syndicats, de la CNESST et des autres partenaires du marché du travail. Nous devons rester vigilants et mettre les efforts de collaboration nécessaires.

• (12 h 10) •

Nos objectifs étaient clairs, je pense que je viens de les exprimer aussi, mais c'est augmenter la prévention des risques en milieu de travail, faciliter l'accès aux régimes d'indemnisation, apporter un meilleur soutien aux travailleurs ayant subi une lésion professionnelle ainsi qu'à leurs employeurs, améliorer la gouvernance et déjudiciariser. Aujourd'hui, je suis fier de dire aux Québécois que ces objectifs sont enfin atteints. Voter en faveur de l'adoption de la loi, c'est voter pour donner au régime les outils dont il a besoin pour faire face aux défis de demain.

Mme la Présidente, donc, Fanny Cantin, une compagne depuis le tout début, en fait depuis mon élection. Je me souviens encore, à la cérémonie d'assermentation elle m'avait été présentée, elle avait exprimé son intérêt pour les relations de travail, pour la réforme du régime. Je dois cette réforme-là beaucoup à cette personne-là. Elle m'a accompagné. Puis on n'est pas bon, quand on est ministre ou député, on le sait tous, si on n'a pas du monde avec nous autres, si on n'a pas du talent puis de l'intérêt humain qui nous côtoie. Fanny, elle est ce capital-là, elle est l'humanité, pour moi. Puis dans tout ce que je fais elle est là, à mes côtés, elle comprend mes sentiments, mes anxiétés, mes préoccupations et mes ambitions, donc je les partage totalement avec elle.

Puis mes collègues, encore une fois... Puis je l'ai souvent dit au collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, il m'a permis d'être meilleur, il a permis au régime d'être meilleur. Puis je sais qu'il en aurait voulu plus, puis j'en suis conscient. Puis les personnes puis les organisations avec lesquelles il travaille en voudraient beaucoup plus. Il faut toujours rappeler que les cotisations sont assumées totalement par les employeurs, puis, je le répète, ce n'est pas que pour les syndicats et les employeurs, c'est pour les travailleurs. Le collègue de Jonquière, qui s'est joint en cours de route, a fait un travail exceptionnel. Il est arrivé en courant dans notre commission parlementaire. Il a été un atout. Et je pense que le collègue de Nelligan, qui représente d'autres intérêts, je pense, mais... il y a des intérêts autres qui en auraient voulu moins. Mais c'est peut-être un signe qu'on a trouvé une voie de passage, c'est peut-être un signe qu'on est au bon endroit. Mais je vous tends la main. Puis je vous tends la main pour l'avenir. Puis je sais que vous avez à coeur la santé, la sécurité des travailleurs. Donc, moi, je vous tends la main. Puis le collègue de Jonquière... Puis je l'ai dit en commission parlementaire, n'hésitez pas, frappez à ma porte. Moi, mes portes vont être ouvertes, les portes de la CNESST vont être ouvertes, puis on va s'améliorer tous ensemble en se respectant puis en travaillant dans la civilité et la collaboration.

Mme la Présidente, j'invite donc tous les collègues de cette Assemblée à voter en faveur du projet de loi, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, M. le ministre. Maintenant, je suis prête à entendre un autre intervenant, et ce sera M. le député de Nelligan.

M. Monsef Derraji

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Je remercie le ministre. J'ai écouté attentivement son discours, plus d'une cinquantaine de minutes, mais il a très bien pris le temps d'exposer le fruit de plus de sept mois de travaux parlementaires.

Et je vais commencer par parler de l'ambiance au niveau de la commission parlementaire, et ça m'a extrêmement touché, les mots que le ministre a dits sur une personne qui a accompagné le ministre, mais le ministre, il est chanceux parce qu'il travaille avec cette personne chaque jour, mais cette personne était aussi à la disposition des autres formations politiques, donc je parle, en l'occurrence, les oppositions, que ce soit opposition officielle ou autres. Donc, je tiens, moi aussi, à remercier Fanny, qui nous a accompagnés depuis le début, mais pas uniquement le cabinet du ministre, les gens de la CNESST, qui ont fait un travail exceptionnel, qui étaient là. Ce n'est pas un projet de loi facile, c'est un projet de loi très complexe, le ministre l'a mentionné. J'espère que ça va être la dernière fois qu'on ne va pas toucher à des lois... et qu'on oublie, surtout, que ça fait 42 ans qu'on n'a pas touché à ces lois.

Donc, je lui lève mon chapeau, aujourd'hui, parce qu'il a fait un travail nécessaire, très important. À certains moments, il faut — je vais utiliser un langage de soccer — jongler entre les intérêts, ce n'est pas facile. Oui, il y avait des intérêts parfois partagés, intérêts des personnes qui contribuent dans le régime, à savoir les employeurs, mais aussi les intérêts des personnes qui représentent les travailleurs, mais les travailleurs à la fois syndiqués et non syndiqués.

Mme la Présidente, le 19 janvier dernier, lorsque nous entamions, à la Commission de l'économie et du travail, les consultations particulières par rapport au projet de loi n° 59, la loi modernisant la santé et la sécurité du travail, j'ai noté la longue attente des travailleuses et des travailleurs mais aussi des employeurs, de la communauté médicale et des Québécoises et des Québécois pour cette modernisation du régime. Il y avait un consensus, un consensus sur l'aspect de la modernisation. Tout le monde voulait la modernisation. Et, sur ce point, encore une fois, je pense que la modernisation était nécessaire, importante, pas uniquement pour le régime, qui est un régime exceptionnel, mais aussi pour voir l'avenir de ce régime. Et, quand on dit «l'avenir», les trois blocs que le ministre nous a présentés, le bloc de la gouvernance, le bloc de la prévention, le bloc de l'indemnisation, c'est ces blocs-là qui nous ont guidés.

Et, quand j'ai commencé mon intervention en remerciant l'équipe du ministre, ça a été un travail, oui, difficile à l'intérieur de la commission mais aussi à l'extérieur de la commission. Nous avons eu toute l'aide nécessaire de la part de l'équipe du ministre, et je tiens, aujourd'hui, à le dire, parce qu'il faut toujours, quand on a des bons coups, les souligner. Aujourd'hui, je tiens à lever mon chapeau à toute l'équipe du ministre, au niveau de la CNESST, mais l'équipe qui nous a accompagnés, parce que c'était un projet de loi très technique. Ce n'est pas un projet de loi comme les autres projets de loi.

Et c'est vrai, le ministre était un bon joueur d'équipe. Je ne sais pas quel sport il aime, mais, si j'ai à parier un 10 $ aujourd'hui, j'en suis sûr et certain, que, parmi les jeux que le ministre aime, c'est sûr que c'est un sport d'équipe et pas un sport individuel. Je ne sais pas s'il aime le tennis, comme le premier ministre, mais j'en suis sûr et certain, que c'est un bon joueur de hockey, sinon de soccer. Donc, ça a été un bon joueur d'équipe avec l'ensemble des membres de l'opposition, que ce soit l'opposition officielle ou les autres collègues.

Je vous ai dit que c'était un projet technique parce que ça touchait plusieurs aspects. Les maladies professionnelles, Mme la Présidente, ça nécessite beaucoup d'expertise. Il y avait aussi, à un certain moment, les représentants de la Santé publique, et je sais que les gens de la Santé publique étaient là, ils ont exprimé leurs préoccupations par rapport à leur rôle, la médecine au travail. Il y avait pas mal, pas mal, pas mal d'enjeux. Donc, depuis le début, Mme la Présidente, il y avait beaucoup de préoccupations, des préoccupations de groupes représentant les travailleurs syndiqués, des préoccupations de groupes représentant les travailleurs non syndiqués et des préoccupations de groupes patronaux. Et il faut le dire, il faut le dire, parce que, dans cette équation de modernisation de ce régime, il y a une équation extrêmement importante, c'est la capacité de ce régime de rester fiable pour l'intérêt des travailleurs.

La seule remarque que je dis au ministre, parce qu'il a dit que je représentais des groupes qui en voulaient moins, ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai que les groupes avec qui je parlais ont voulu moins, au contraire, j'ai eu l'occasion de travailler avec des groupes représentant des syndiqués et non-syndiqués, mais aussi les employeurs, parce qu'au bout de la ligne... j'en suis sûr et certain, que l'expert en droit du travail est conscient de ça, M. le ministre, qu'au bout de la ligne les employeurs, ils contribuent, d'une manière importante dans ce régime. Et donc l'équation qu'on avait depuis le début, depuis le début, Mme la Présidente, c'est : Est-ce que les décisions qu'on va prendre pour ce régime vont être... premièrement, vont aider nos travailleurs à avoir des milieux sécuritaires de travail mais aussi, un élément important, garder la fiabilité de ce régime pour l'avenir de nos travailleurs?

• (12 h 20) •

Je l'ai dit, au tout début, Mme la Présidente, je voulais faire une motion de scission de ce projet de loi. Ça a été très difficile de naviguer dans l'ensemble des articles. Encore une fois, avec la bonne collaboration, nous avons essayé quand même, après neuf mois... J'enlève les mois où nous n'avons pas pu siéger en commission, j'ajouterais les rencontres à l'extérieur de la commission où on a vu la bonne collaboration. C'est quand même une longue période où nous avons eu l'occasion de travailler ce projet de loi, un projet de loi qui, au tout départ, quand il a été déposé, les gens se posaient des questions, se posaient des questions sur : Est-ce que ça fait suite aux travaux de 2017 du comité consultatif sur le CCTM? Est-ce qu'on va aller plus loin? C'est quoi, l'impact? Il y a des études d'impact réglementaire. Il y avait des articles où il y avait un impact sur les travailleurs. Donc, tout au long de cet échange ou tout au long de l'échange dans cette commission, il y avait cet élément qui était important.

Le premier, premier bloc, Mme la Présidente, au niveau de la gouvernance, je pense qu'avec cette modernisation on vient de mettre la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État en application. Donc, dorénavant, la CNESST va avoir un président de C.A. et une présidente-directrice générale ou un P.D.G. pour gérer ses affaires. Et j'ai bien hâte à voir le nouveau plan, la nouvelle planification de la CNESST, parce que j'imagine qu'avec la nomination d'un nouveau C.A., un conseil d'administration, on va commencer à voir sur quoi la CNESST va travailler pour les prochaines années. Et je pense qu'une mise à jour de la planification stratégique de la CNESST est obligatoire avec l'adoption de ce projet de loi, parce qu'aujourd'hui, en date d'aujourd'hui, oui, il y a des enjeux de performance, vous avez vu récemment les enjeux liés au traitement de certaines réclamations, et le projet de loi, qui modernise, rajoute d'autres éléments. Et, sur ce point, j'offre mon entière collaboration, au ministre, de travailler ensemble, parce que ce qu'on veut tous, en tant que parlementaires, c'est l'excellence au niveau de la CNESST. Nous sommes très chanceux d'avoir un organisme, au Québec, comme la CNESST. Et, donc, donnons tous les moyens à la CNESST pour réussir cette transition que le ministre a entamée au niveau de la gouvernance. Moi, je pense, ces problèmes que nous sommes en train de voir, au niveau du fonctionnement, probablement, avec un conseil d'administration indépendant, avec un suivi de ses comités... Et on sait c'est quoi, les problèmes, les choses où on doit travailler. Avec une synergie entre le président ou la nouvelle présidente de C.A., avec la P.D.G. en place, je pense qu'on va atteindre les résultats escomptés. Et, sur ce point, je salue le ministre par rapport à cette première action ou par rapport à ce premier résultat, qu'aujourd'hui on doit tous se réjouir de ce gain.

Les deux autres blocs, Mme la Présidente, et là je souscris entièrement dans la réflexion du ministre, c'est deux blocs où il y avait beaucoup de détails techniques, la prévention et l'indemnisation. Et c'est là où on a vu, encore une fois je le dis, une excellente collaboration, parfois des suspensions de certains articles, parfois des interventions, parfois même des présentations pour voir... Écoutez, on nous disait que, le régime, avec une étude actuarielle, il y a des problèmes au niveau de la fiabilité du régime. Sur ces deux aspects, je tiens encore à préciser que nous avons eu l'entière collaboration du ministre dans ce sens.

Au tout début, Mme la Présidente, la plupart des commentaires visaient le niveau de risque. Et les niveaux de risque, ça a été une chose qui a été soulevée surtout parce qu'au Québec, à l'époque, bon, à l'époque, toujours, on avait les enjeux de la COVID qui frappaient le réseau de la santé. Et, à l'époque, je me rappelle que les gens se posaient la question sur le pourquoi de ces niveaux de risque. Et, encore une fois, avec la pression, avec les commentaires des groupes, le ministre a retiré le niveau de classification des risques.

Je vous rappelle, Mme la Présidente, que les réflexions de ce projet de loi, qui ont mené au projet de loi, en demandant aux tables paritaires du marché du travail de se mettre d'accord, d'avoir un consensus pour les modifications des lois... je tiens encore une fois à rappeler que ces réflexions ont commencé en 2018, parce que notre ancienne collègue, Dominique Vien, avait lancé ce chantier et ces réflexions. Les tables paritaires en sont venues à un consensus, ce qui a donc permis le dépôt du projet de loi.

Je ne vais pas aller, aujourd'hui, en profondeur au niveau d'est-ce que le ministre est allé beaucoup trop loin que le consensus. Et, comme je vous ai dit, je vais essayer de ne pas aller trop dans les détails, surtout que ça fait neuf mois que nous étudions ce projet de loi et je n'ai pas envie de perdre les gens qui suivent notre intervention.

Certains éléments sont bons, dans le projet de loi, mais malheureusement le consensus initial s'est effrité, et les différents groupes sont maintenant contre le projet de loi. Je l'ai dit, il y avait beaucoup de travail qui a été fait pour améliorer la prévention au niveau de plusieurs secteurs. Il y avait un besoin aussi, au niveau de la Santé publique, de les rassurer par rapport à leur rôle, rôle que la Santé publique veut toujours continuer à jouer. Et je prends quelques secondes pour remercier l'ensemble des directeurs de santé publique qui nous ont contactés tout au long de ce projet de loi parce qu'il y avait une inquiétude et parce qu'eux aussi se posaient la question sur leur rôle à l'intérieur de la santé et sécurité sur les milieux de travail. Mais je tiens quand même à le dire, que, leurs préoccupations, leurs questions, on les a entendues en commission parlementaire, et nous avons eu l'occasion de partager avec le ministre leurs préoccupations.

Juste me permettre, Mme la Présidente, de boire un peu d'eau.

Au niveau des maladies professionnelles, au début, j'avais une petite déception... ou, je dirais — il n'y a pas de «petite» — j'avais une déception. J'avais une déception parce qu'une année avant le dépôt du projet de loi plusieurs collègues à l'intérieur de cette Assemblée ont eu l'occasion d'étudier l'impact des pesticides et l'impact sur les agriculteurs, vous-même, Mme la Présidente, vous venez d'une très belle région, que j'aime, malheureusement le plus beau comté, c'est à Nelligan, mais, je vous le dis, vous venez d'une très belle région, Mme la Présidente, et vous avez pas mal d'agriculteurs dans votre belle région, et les agriculteurs, et les agricultrices, et les agronomes, et les applicateurs de pesticides voulaient avoir dans ce projet de loi enfin une reconnaissance de l'effet et du lien de causalité entre l'application des pesticides et la maladie de Parkinson. Je remercie le ministre, parce qu'il a mentionné que, suite à ce dépôt d'amendement... Mais aujourd'hui, du moment que nous sommes vers la fin de ce long parcours d'étude de ce projet de loi, je tiens à rendre à César ce qui revient à César. Et il y avait beaucoup d'échanges, il y avait beaucoup d'échanges avec l'équipe du ministre, avec le ministre. Nous avons eu beaucoup de points de vue, y compris par Parkinson Québec, lors de la consultation. On a vu une étude qu'on avait sur la table. Ce que j'ai aimé, c'est que le ministre, il est allé faire ses devoirs, rencontrer d'autres personnes, parler avec d'autres personnes. Et finalement, aujourd'hui, nous sommes très heureux de dire que, finalement, la maladie de Parkinson a été ajoutée comme maladie professionnelle, donc une très bonne nouvelle, très bonne nouvelle pour nos agriculteurs, nos agricultrices, nos agronomes et les applicateurs de pesticides.

• (12 h 30) •

Ça, ça a été un gain énorme, Mme la Présidente, pour notre... au nom de notre formation politique, parce qu'on a mené la bataille pour que le parkinson soit reconnu comme une maladie professionnelle, pour les raisons que vous savez. Et aussi ça donnait suite au beau travail des membres de notre... d'une commission qui a travaillé sur l'effet des pesticides sur les agriculteurs.

L'autre aspect qui nous a interpelés, Mme la Présidente, c'est qu'au tout début, au tout début de l'étude de ce projet de loi, il y avait beaucoup de commentaires concernant l'impact de ce projet de loi sur les femmes. J'ai été le premier à soulever ce point tout au long des consultations. Et, vous savez, Mme la Présidente, au niveau de la condition féminine, il y avait une recommandation depuis plusieurs années, ça revient à notre formation politique, que toute analyse d'impact des lésions professionnelles doit être accompagnée d'une ADS, analyse différenciée selon les sexes. Maintenant, on parle même de l'ADS+. Ça a été une des demandes premières de plusieurs groupes. Et j'ai devant moi le premier communiqué de presse rédigé à la fin des consultations, en échangeant avec les groupes, qui nous ont dit clairement que ça prenait l'ADS ou l'ADS+. Parce qu'à l'époque, souvenez-vous, Mme la Présidente, on parlait des niveaux de risque, et, dans le projet de loi, avant le recul, ces niveaux de risque ciblaient les femmes. Et donc les femmes se sont... les groupes qui représentaient les femmes se sont posé la question : Mais comment vous pouvez utiliser ou analyser ce projet de loi sans avoir à côté de vous l'analyse différenciée selon le sexe? Et, comme vous le savez, la plupart des personnes qui siégeaient au niveau des commissions, que tout projet de loi est accompagné par une analyse d'impact réglementaire, c'est obligatoire, analyse d'impact réglementaire, c'est obligatoire, dans le cas qui concerne les lésions professionnelles ça a été une des recommandations, d'avoir l'ADS avant de penser parler d'un projet de loi qui va avoir un impact sur les femmes. Bon. Ça a été ça, le début de nos consultations avec les groupes. Malheureusement, devant le fait accompli, on n'avait pas l'ADS ni l'ADS+ qui accompagnait ce projet de loi. Encore une fois, avec l'excellent échange que nous avons eu avec le ministre et son équipe, nous avons eu quelques ajouts, mais plus tard, pour davantage de considérations pour la réalité des femmes.

Donc, oui, ça n'a pas été fait avant le début du projet de loi, ça n'a pas accompagné le début du projet de loi, mais, au moins, ce qu'on a gagné pour ces travailleuses et pour les femmes, c'est que, dorénavant, pour les cinq prochaines années, on doit avoir une lecture ou davantage de considération pour les réalités des femmes, surtout au niveau des lésions professionnelles.

Donc, les lésions professionnelles, il y avait beaucoup de détails, surtout au niveau des cancers. Le ministre le mentionnait tout à l'heure, le cancer au niveau des pompières, des pompiers, cancer du sein et d'autres maladies que c'est très complexe. On ne peut pas se prononcer s'il n'y avait pas l'étude différenciée selon les sexes.

Ceci étant dit, ce qui est très important aussi dans le projet de loi, c'est les comités scientifiques. Les comités scientifiques, Mme la Présidente, c'est que c'est des comités scientifiques où, quand on va voir qu'il y a un impact sur un groupe qui travaille dans un secteur x, bien, on ne va pas attendre plusieurs années avant d'avoir un avis. Donc, le ministre, et nous, c'est notre rôle, en tant que législateurs, de suivre cela, c'est qu'avec ce comité scientifique le ministre peut donner des mandats. Et ce que nous avons conclu, au niveau de la commission, c'est que la lettre, elle est déjà prête, c'est que j'espère que le comité se penche, et dès maintenant, dès l'adoption du projet de loi, sur l'atteinte auditive, l'atteinte auditive qui a soulevé beaucoup, beaucoup, beaucoup de questionnements à la fois au niveau des travailleurs et à la fois au niveau des employeurs.

Il y a des gens qui disaient que c'était un bar ouvert, au niveau des remboursements au niveau de la CNESST. On prescrivait, on faisait... on donnait une référence à un appareil et on se ramassait avec un autre qui coûtait beaucoup plus cher, et parfois la personne ne l'utilisait pas; de l'autre côté, des travailleurs qui disaient qu'on n'a pas à notre disposition des moyens de prévention nécessaires pour diminuer l'impact du bruit dans le milieu de travail sur notre performance auditive. Ça a été un blocage pendant plusieurs semaines. Aujourd'hui, le constat est que c'est un statu quo et qu'on va attendre le comité scientifique. Et c'est extrêmement important, dorénavant, face à un blocage, que le ministre responsable ne doit pas attendre plusieurs années avant d'agir, parce qu'au bout de la ligne il s'agit de la santé et la sécurité au travail de nos travailleurs et de nos travailleuses.

Donc, pourquoi je ramène ces points? Comme je l'ai dit, Mme la Présidente, il y a plusieurs éléments, mais ce que je vais faire, aujourd'hui, c'est essayer de résumer quelques éléments qui m'ont marqué, parce que nous avons décidé, en tant que formation politique, le Parti libéral, de travailler en collégialité avec le ministre pour améliorer le projet de loi pour le bénéfice des travailleuses et des travailleurs.

Et donc le point qui était important, au niveau des maladies professionnelles, c'est qu'il n'y avait pas un mécanisme où le législateur ou le ministre pouvait donner le mandat d'agir pour régler une situation problématique.

Un autre point, Mme la Présidente, que nous avons gagné, et cette fois-ci c'est pour les PME du Québec... Vous savez que, pour les PME, maintenant, dans le contexte que vous connaissez tous... Vous êtes tous des représentants du peuple et vous êtes tous responsables d'une circonscription, j'en suis sûr et certain, sans assumer quoi que ce soit, que vous recevez des messages qui vous présentent l'état de la situation au niveau de la rareté, de la pénurie de main-d'oeuvre. Et, quand on échangeait avec le ministre, il y avait une problématique réelle que, parfois, au niveau des comités de prévention pour en bas de 20 employés et au-delà de 20 employés... il y avait une problématique que, parfois, pour une courte durée, on risque de passer d'un représentant à un comité, et on doit, et on doit avoir ce comité pour toute l'année. Mettez-vous à la place d'un jeune entrepreneur qui, pour une raison, une activité saisonnière, il passe de 19 à 25 employés pendant une courte durée. Bien, mettez-vous à la place de ce jeune entrepreneur, qui, déjà, il souffre de l'aspect réglementaire des choses... Parce que, vous savez, on parle beaucoup de la paperasse et l'impact réglementaire pour la petite et moyenne entreprise. Bien, il doit ajouter un comité, même si la présence au-delà de 20 employés au sein de son entreprise ne dépassait même pas quelques jours.

Ça, encore une fois, je remercie le ministre et je remercie les collègues, qui ont posé pas mal de questions par rapport à cet aspect, de permettre à certaines PME, dans le contexte prescrit dans la loi, d'avoir une certaine flexibilité, pendant un certain moment dans le temps, de ne pas être assujetties à la même réglementation pour les entreprises au-delà de 20 employés. Et ça, ça a été un gain énorme, surtout pour éviter la bureaucratie pour nos PME.

Mme la Présidente, aujourd'hui, après l'analyse de l'ensemble des amendements, après analyse de tout notre beau travail, malheureusement, j'ai quelques points qui me laissent perplexe par rapport à tout ce beau travail. Il n'y a rien qui est parfait.

Le ministre l'a mentionné, qu'à la fois il y a des représentants, que ce soit du côté patronal ou du côté syndical, encore une fois je le dis, même des représentants des travailleurs non syndiqués, avaient des points de vue et une divergence. Et c'est pour cela que j'insiste sur le dialogue social, j'insiste sur le paritarisme, qui est un peu le socle de notre démocratie et de notre plateforme d'échange entre le patronat et le syndicat.

• (12 h 40) •

Mes premières remarques au niveau de l'efficacité vont s'adresser à la CNESST. Je veux vraiment que la CNESST continue à jouer son rôle. Je fais confiance à l'ensemble des employés de la CNESST, de la haute direction jusqu'au dernier employé. Nous avons besoin de la CNESST, nous avons besoin d'un régime fiable. Mais, Mme la Présidente, force est de constater, malheureusement, que, les deux dernières années, la CNESST a accumulé beaucoup de retard. Et vous savez pourquoi? Par rapport aux lésions et les dossiers de certains employés. Donc, l'un des points les plus importants, c'est que je lève un drapeau rouge, aujourd'hui, sur la charge de travail que le ministre, avec le projet de loi, malgré la nécessité de la modernisation... que la CNESST a les moyens de remplir son mandat.

La CNESST souffre d'une pénurie de main-d'oeuvre, on l'a vu lors de notre étude de crédits. Ils vont avoir beaucoup de choses à réaliser. Il va y avoir une pression énorme, sachant que déjà, présentement, il y a des enjeux qui empêchent le fonctionnement de la CNESST. Donc, en mode, toujours, de suggestion, en mode suggestion, Mme la Présidente, des améliorations notables dans le mode de fonctionnement de la CNESST sont donc souhaitables avant que de nouvelles responsabilités lui soient conférées. Et je sais qu'au niveau de... le projet de loi, on s'est donné, le législateur s'est donné le moyen d'avoir un délai, avoir un délai avant la rentrée en vigueur de certains aspects.

L'autre problème, Mme la Présidente, c'est que la question des problèmes de santé mentale, dans notre société, est une question très importante, primordiale. J'avais personnellement, avec plusieurs groupes, soulevé la question de la définition des risques psychologiques, qui menace le droit de gestion des employeurs. Et, je vous le dis, je ne pense qu'aucun travailleur ou employeur va faire quelque chose pour ne pas accepter l'état de santé d'une partie, que ce soit dans une relation de travail à l'intérieur d'une entreprise ou PME. Force est de reconnaître que la CNESST n'a pas l'expertise nécessaire pour évaluer les réclamations en matière de lésions psychologiques. Vous avez vu, Mme la Présidente, que nous avons déjà un problème de liste d'attente par rapport à la santé mentale, par rapport à la détresse psychologique. Et, tous ces aspects, tous ces aspects, tous ces aspects, il faut les prendre en considération.

Le point qui me préoccupe le plus : Combien ça va nous coûter, l'ensemble des points soulevés dans son projet de loi? L'applicabilité. Le rôle de la CNESST à l'aube de l'ajout de nouvelles responsabilités conférées par le projet de loi n° 59. Et, je sais, le ministre a accepté un amendement de mon collègue par rapport à un rapport de mise en application. Et, tout à l'heure, il nous a mentionné qu'il veut continuer le travail. Moi, je tiens, aujourd'hui, à dire au ministre qu'on doit continuer à travailler, parce que ce beau travail qui a été réalisé pendant les sept ou neuf derniers mois est un début de la modernisation.

On peut rêver d'une modernisation parfaite. J'ai moi-même travaillé sur l'applicabilité des réformes. Vous savez quoi, même, j'ai eu l'opportunité de faire un doctorat sur la mise en forme d'un protocole de soins. Mais vous savez, le détail, il est où, le point important, il est où, Mme la Présidente? C'est lors de la mise en oeuvre. Et c'est la mise en oeuvre, aujourd'hui, que j'essaie de nous sensibiliser tous que c'est ça qu'on doit suivre. C'est très important que tout ce qui a été ajouté, amendé, amélioré dans ce projet de loi doit être suivi à la lettre. Et c'est là où j'offre mon entière collaboration au ministre, parce que, oui, il y a un rapport de mise en application, mais il ne faut pas attendre cinq ans avant d'agir. Faisons ça par étapes, faisons ça par étapes, parce qu'au bout de la ligne ce que nous sommes en train de dire, Mme la Présidente, c'est que toutes les dispositions dans ce projet de loi vont avoir un impact sur un travailleur.

Aujourd'hui, il y a un manque de 200 000... il y a 200 000 postes vacants. J'entends bien que les gens nous disaient qu'on voyait ça venir, excusez-nous, en 2014, il y avait un taux de chômage très élevé, et je me rappelle de notre campagne à l'époque, à l'aube de la défaite du gouvernement Marois, 250 000 emplois. On oublie cela, Mme la Présidente. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation économique, oui, importante, mais il y a une pression, une pression énorme sur nos employeurs mais aussi sur nos employés, qui voient l'augmentation des heures de travail, la charge de travail impacter leur vie. Et donc il ne faut pas, il ne faut pas, dans le contexte actuel, attendre plusieurs années avant de faire un état des lieux ou un rapport d'étape, avant la fin des cinq dernières années.

Mme la Présidente, le projet de loi amène des avancements et des gains pour les travailleurs. Tant les employeurs que les syndicats craignent que sa mise en oeuvre, telle qu'elle nous est présentée, risque de dégrader les relations de travail et de coûter cher, deux éléments, deux éléments que je considère importants dans n'importe quel dialogue social. Si ça coûte cher, c'est les employeurs qui vont payer le prix. S'il y a une dégradation des relations de travail, les deux parties vont payer le prix, les employeurs et les travailleurs. Plus les nombreuses failles que nous avons constatées tout au long du p.l. n° 59, malheureusement, Mme la Présidente, tout cela nous empêche aujourd'hui de voter pour ce projet de loi.

Mme la Présidente, aujourd'hui, je vais prendre aussi quelques secondes pour remercier l'équipe qui m'a accompagné depuis le début de ce projet de loi. Je tiens à remercier mes collègues au cabinet du leader, la recherche, la recherchiste qui m'a accompagné tout au long avec un excellent travail. Viviana, merci beaucoup pour tout le beau travail. Comme je l'ai dit, ça a été un projet de loi technique, très complexe, 300 articles, beaucoup d'heures de rencontre en commission mais aussi à l'extérieur de commission. Ça a été un travail que nous avons mené avec professionnalisme. On s'est donnés corps et âme pour améliorer et moderniser la santé et sécurité au travail pour nos travailleurs.

Je tiens aussi à remercier Marc-Antoine, qui a pris la relève en plein été pour finir le projet de loi. Je tiens à remercier toute l'équipe de la recherche, parce que, comme vous avez pu le constater, tout au long de ce projet de loi, beaucoup d'autres collègues, beaucoup d'autres secteurs ont été touchés par ce projet de loi et il y avait de l'impact sur leurs dossiers respectifs.

Je tiens aussi à remercier l'équipe de communication dans notre aile parlementaire. Je tiens aussi à remercier l'ensemble des collègues qui m'ont supporté, accompagné, qui sont venus en commission défendre leurs points de vue par rapport à la condition féminine, ils m'ont posé des questions par rapport... pourquoi il n'y avait d'ADS, pourquoi il n'y avait pas d'ADS+, réseau de l'éducation, mes collègues au niveau de l'éducation, ma collègue au niveau de la santé, l'aspect de la santé mentale, l'aspect économique avec mes collègues porte-parole au niveau de l'économie et des finances.

• (12 h 50) •

Aujourd'hui, je tiens juste à envoyer un message aux travailleurs et aux travailleuses qui nous suivent et aux employeurs. Le projet de loi, il sera adopté par le gouvernement. Le gouvernement est majoritaire, il est capable de le passer. Mais aujourd'hui je me lève et je vous dis que, certes, le projet de loi est adopté, mais c'est à nous de suivre l'applicabilité de ce projet de loi. L'avantage de notre démocratie, c'est que, un projet de loi, il est là pour changer les choses et pour moderniser.

J'ai entendu vos commentaires, j'ai entendu vos doléances, j'ai entendu les points que vous avez soulevés. Notre porte sera toujours ouverte pour questionner le gouvernement sur les points que vous avez vus qui ne faisaient aucun sens par rapport à votre vie. Aujourd'hui, je veux envoyer le message que, oui, on veut des milieux de travail sécuritaires. Aujourd'hui, j'envoie le message qu'en 2021 on ne peut pas faire aucun, aucun retour en arrière sur la santé et la sécurité des travailleurs et des travailleuses au Québec.

Aujourd'hui, aussi, je veux rassurer les PME, qui m'ont envoyé des milliers de messages, qui pensaient que c'est catastrophique pour eux, l'applicabilité de ce projet de loi. Je vous ai entendus. Et c'est pour cela qu'aujourd'hui, au nom de ma formation politique, on va voter contre ce projet de loi, mais on va continuer le travail pour ramener votre voix à l'intérieur de l'Assemblée nationale. Merci pour vos commentaires. Et continuez à nous alimenter, parce que c'est avec vous qu'on va vraiment moderniser la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, M. le député. Et maintenant je suis prête à céder la parole à M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. D'emblée, je vous annonce que je dépasserai les sept ou huit minutes qu'il nous reste avant la pause du dîner. Mais, bon, commençons maintenant.

Évidemment, je ne répéterai pas pour une troisième fois tous les remerciements qui devraient être faits pour l'ensemble des gens qui ont travaillé sur ce projet de loi, mais je voudrais faire un peu de chemin sur celui qu'a commencé mon collègue de Nelligan pour remercier toutes les personnes qui ont contribué à la discussion et au débat.

Hier, je faisais une analyse assez froide du peu de couverture que nous avons eu alentour de ce projet de loi là, par rapport à l'importance qu'il a pour la société québécoise, donc j'émettais une forme de déception, mais sans lancer de blâme à quiconque. Cela étant dit, au-delà de l'absence, ou de la relative absence, de grands débats publics que nous n'avons pas eus sur la SST au Québec, il y a quand même vraiment beaucoup de personnes qui s'y intéressent et qui nous ont communiqué, aux différentes oppositions, et, j'imagine, au gouvernement également, des mémoires, des lettres, des commentaires, des suggestions d'amendement, des arguments, des articles, des témoignages personnels, même, parfois, de leur calvaire qu'ils puissent avoir vécu avec leur aventure ou leur mésaventure au travail et parfois aussi à la CNESST. Et vraiment, pour nous, les députés de l'opposition, c'est vraiment une mine d'or, ces témoignages, ces contributions des différentes personnes qui nous ont écrit tout au long de cette commission, et je tenais de prendre un temps pour les remercier, pour les saluer, parce que sans eux et elles, évidemment, le travail que nous faisons ici n'aurait pas autant de sens.

J'ai divisé mon intervention, Mme la Présidente, en quatre morceaux. Espérons qu'une heure sera suffisant, du moins. Je n'aurai pas le droit à des extensions. Ça, je le sais d'avance. Donc, quatre grands morceaux. Le premier morceau, c'est les bonnes nouvelles du projet de loi, parce qu'il faut être bon joueur, c'était quand même quelques éléments intéressants. Deuxième morceau : les grands absents du projet de loi, donc ce que nous n'avons pas traité malheureusement, à mon avis, à l'intérieur du projet de loi. Troisième section : les reculs, les grands reculs du projet de loi. Et, là-dessus, ce sera peut-être la plus longue, malheureusement. Et finalement les gains, les gains que j'ai réussi à arracher au ministre, avec l'appui, bien sûr, des deux autres partis d'opposition.

Alors, commençons par les bonnes nouvelles. Le projet de loi en avait quelques-unes, quand même, il faut le saluer. Et, à chaque moment où on arrivait à ces sujets-là, je me prenais... je n'avais aucune honte à le dire, je n'avais aucun problème à le souligner, qu'il y avait des avancées intéressantes dans le projet de loi, particulièrement la disposition sur l'obligation de prévention de la violence conjugale en milieu de travail. C'était quelque chose qui était réclamé par plusieurs groupes de femmes avec qui j'étais en communication, plus particulièrement des groupes de femmes qui avaient fait des recherches avec le Service aux collectivités de l'UQAM, avec qui j'ai eu l'occasion de travailler assez étroitement dans mon passage dans le milieu syndical avant d'être élu, en 2018. Et, bref, une grande recherche avait été faite pour comparer ce qui se fait dans d'autres provinces, ce qui se... les effets bénéfiques qu'il pourrait y avoir avec une telle disposition ici. Moi, j'avais un peu appuyé cette démarche-là. J'en avais parlé au ministre dans des fameux brouhahas avant que ça commence, la période des questions, ici. Il m'avait semblé ouvert. Je ne savais pas trop s'il irait de l'avant en le mettant carrément dans le projet de loi. Je savais qu'il y aurait beaucoup de crainte de la part des patrons. Et il a eu... il a osé, il l'a fait.

Ça a suscité plusieurs discussions. Les groupes patronaux qui sont venus en commission sont venus nous dire à quel point ils avaient des angoisses par rapport à cette nouvelle disposition là. Peut-être qu'ils avaient la crainte d'être associés indirectement à ce qui allait pouvoir se passer. Bien sûr, on n'enverra personne en prison, comme patron, si une femme est victime de violence conjugale à la maison, là, on comprend bien ça. Mais ça peut avoir une répercussion de travail très sérieuse, et ce n'est pas la lune, de demander à un patron d'inclure ça dans son plan de prévention. Alors, c'est fait.

On comprend que la commission va faire un accompagnement, ce qui est souhaitable, bien sûr. Et on comprend que les patrons auront un certain délai, là, mais qu'au final ils devront faire ça dans leurs différents milieux de travail. C'est des bonnes nouvelles. Ce ne sera pas simple. Il va falloir en faire un suivi très serré. Je sais qu'il y a des groupes qui m'ont déjà approché pour faire des rencontres, notamment avec la CNESST, notamment avec le ministre, pour s'assurer qu'il y a des bonnes ressources, entre autres, avec les maisons d'hébergement, et que cette application-là ne soit pas de façade ou ne génère pas d'autres types de problèmes, parce qu'on aura pelleté ces enjeux-là dans la cour de groupes communautaires, par exemple. Alors, violence conjugale, bravo de l'avoir rajouté dans le projet de loi.

Autre élément, c'est le télétravail. Le télétravail fait maintenant partie de nos vies, c'est là pour rester. C'était déjà existant avant, bien sûr, mais là ça a pris une place beaucoup plus grande, beaucoup plus massive.

Il y a des ministères qui réfléchissent à ramener les fonctionnaires à temps partiel au travail, physiquement dans la bâtisse du ministère, je veux dire. Alors, vraiment, c'est un nouvel enjeu d'application de la santé et sécurité au travail, en particulier le volet prévention. Évidemment, la jurisprudence disait déjà de manière assez claire que l'obligation de prévention de l'employeur s'appliquait également en contexte de télétravail. Par contre, il y avait des défis, notamment sur l'inspection d'un milieu de travail. Si vous travaillez dans le bureau d'une entreprise et que je suis responsable de santé et sécurité, que je suis responsable de la prévention, bien, évidemment que, si vous vous blessez, je vais aller inspecter votre bureau de travail puis je vais aller y faire des correctifs, pour ne pas que ça se reproduise. Même, idéalement, vous feriez une inspection préalablement pour ne pas du tout qu'il y ait d'accident. Or, si vous êtes en contexte de télétravail à la maison, dans un lieu privé, un lieu personnel, est-ce que l'employeur peut commencer à venir décider si votre table à cuisine est appropriée ou si votre bureau est dans les bonnes dispositions, s'il y a un fil qui dépasse, etc., si votre chaise n'est pas... Alors, il y avait un certain flou là-dessus. On l'a clarifié, on a précisé dans la loi que le télétravail est tout à fait compris dans le paramètre d'application de la prévention de la santé et sécurité au travail. C'était quelque chose qui était déjà clair, à mon avis, dans la jurisprudence, mais là on vient le cimenter dans la loi. Il n'y a plus aucun doute. La jurisprudence ne pourrait plus, en fait, évoluer différemment.

Il y a quand même des incomplets, là. Moi, j'aurais voulu qu'on aille un peu plus loin pour la question des outils de travail, qui doit les fournir, qui doit les préciser, qui doit les entretenir, à quels frais, etc. Donc, ça, il resterait du travail à faire, mais, au moins, on a précisé, donc, que ça s'applique.

Et on a aussi précisé que, justement, pour préserver le droit à un espace privé, qui est un droit tout à fait normal et qu'on doit protéger, il y a un compromis qui existe, et que ce n'est pas, évidemment, le patron qui vient inspecter votre maison n'importe quand, à son propre chef, à son propre désir. C'est un inspecteur de la commission qui le ferait, en prenant rendez-vous ou avec un ordre de la cour.

C'était une disposition qui existait en Colombie-Britannique, que j'ai pointée du doigt au ministre en disant : Regarde, c'est quelque chose qui est en place là-bas, qui est intéressant. Ça aussi, ça faisait partie d'une étude que j'avais eu l'occasion de regarder, qu'on m'avait transmise par des collègues qui s'étaient penchés sur la question, notamment dans le milieu syndical, et c'est donc grâce à ces recherches-là... J'ai souligné plus tôt, là, malheureusement, le départ de Mme Lippel la semaine dernière. Alors, des chercheurs de ce calibre-là, il y en a plusieurs au Québec qui font des bonnes études, des bonnes recherches, et ça nous a aidés. Ça nous aide, ça nous a aidés et ça nous aidera encore, en tout cas, à faire du bon travail législatif et du bon travail de suivi sur le projet de loi n° 59 et sur la réforme de la santé et sécurité de manière plus générale.

L'autre enjeu qui était attendu, c'était la question des travailleuses domestiques. Là-dessus, c'est mi-figue, mi-raisin. Je le mets quand même dans les bonnes nouvelles parce qu'il fallait qu'il se passe quelque chose et il s'est passé quelque chose.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : M. le député, vous pourrez poursuivre votre intervention à la reprise des travaux.

Alors, compte tenu de l'heure et afin de permettre, cet après-midi, le débat sur une affaire inscrite par les députés de l'opposition, les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 heures)

Le Vice-Président (M. Picard) : Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée demande au gouvernement de mettre sur pied une
cellule de gestion de crise pour mettre fin aux ruptures de services et de s'engager
à apporter les correctifs réclamés par les acteurs du réseau de la santé

Aux affaires du jour, à l'article 70 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, Mme la députée de Maurice-Richard présente la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte que depuis maintenant près de 3 ans, le Québec enregistre une importante dégradation de ses délais d'attente dans l'accès aux services de première ligne;

«Qu'elle déplore que les ruptures de services qui se multiplient sont des facteurs de stress pour les patients en attente de suivis médicaux ainsi que pour l'ensemble de la population;

«Qu'elle constate que les délais d'attente aux urgences augmentent, et ce, malgré une diminution de 1 million de visites ambulatoires;

«Qu'elle déplore qu'actuellement, au Québec, 146 000 patients sont en attente de services de chirurgies;

«Qu'elle constate que le nombre de personnes en attente d'un médecin de famille au Québec a augmenté de près de 60 % au cours des deux dernières années pour se chiffrer à plus de 830 000 personnes en juillet dernier;

«Qu'elle rappelle que le gouvernement caquiste avait pris l'engagement ferme d'offrir un médecin de famille à tous les Québécois avec un délai d'accès en moins de 36 heures, de réduire l'attente à 90 minutes en moyenne avant de voir un médecin à l'urgence, de poursuivre les 17 projets pilotes sur les ratios patients-infirmière et d'augmenter le taux d'utilisation des blocs opératoires;

«Qu'elle constate que l'accès aux soins de santé au Québec a reculé depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement caquiste;

«Qu'elle exige que le gouvernement mette sur pied une cellule de gestion de crise pour mettre fin aux ruptures de services dans le réseau;

«Qu'enfin, elle demande au gouvernement caquiste de s'engager à apporter rapidement les correctifs nécessaires réclamés par les différents acteurs du réseau de la santé, notamment la fin du temps supplémentaire obligatoire pour les infirmières ainsi que l'implantation de ratios infirmières-patients sécuritaires.»

Je vous informe que la répartition du temps de parole pour le débat restreint sur la motion inscrite par Mme la députée de Maurice-Richard s'effectuera comme suit : 10 minutes sont réservées à l'auteure de la motion pour sa réplique, 51 min 15 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 31 min 53 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 11 min 23 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 7 min 58 s sont allouées au troisième groupe d'opposition, 7 min 30 s sont allouées à l'ensemble des députés indépendants, sous réserve d'un maximum de deux minutes par député.

Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les interventions ne sont soumises à aucune limite de temps. Enfin, je rappelle aux députés indépendants que, s'ils souhaitent intervenir au cours du débat, ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Et je cède maintenant la parole à Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Marie Montpetit

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. J'ai déposé cette motion aujourd'hui pour qu'on puisse prendre le temps de discuter plus amplement de ce qui est en train de se passer présentement dans le réseau de la santé. Le gouvernement de la CAQ avait pris des engagements — je ne sais pas s'il faut les qualifier d'ambitieux — durant la campagne électorale, vous les avez nommés, on les a mis dans la motion, qui étaient, entre autres, d'avoir... que tous les Québécois aient accès à un médecin de famille dans un délai de 36 heures. J'y reviendrai plus tard, mais non seulement on est à des années-lumière de ça, mais le bilan s'est détérioré, depuis l'arrivée au pouvoir de la CAQ, sur l'accessibilité aux médecins de famille. Ils avaient pris comme engagement aussi que le délai pour voir un médecin à l'urgence soit de 90 minutes. Même chose. Non seulement ils ne se sont pas rapprochés de ce délai-là, ils se sont éloignés de l'excellent bilan qu'on avait mis en place, nous, sous notre gouvernement.

Donc, le ministre commence à me connaître, hein, ça fait un an qu'on échange ensemble régulièrement sur différents dossiers. Je lui ai toujours donné l'heure juste, avec le moins de partisanerie et le moins de politique possible. Je suis très préoccupée, je suis très inquiète de ce qui est en train de se passer dans le réseau de la santé en ce moment. Et ce qui m'inquiète encore davantage, c'est qu'on n'entend absolument pas, mais absolument pas les députés caquistes ni les ministres caquistes, qui ont des hôpitaux, des soins intensifs, des urgences, des unités de néonatalogie, des unités d'obstétrique qui ferment dans leurs comtés, et on ne les entend absolument pas prendre la parole publiquement pour venir rassurer leur population, pour leur dire à quel moment la situation va s'améliorer, quel est le plan du gouvernement, justement, pour mettre une fin à cette situation-là. Et ça, c'est doublement préoccupant, parce qu'ils devraient être extrêmement inquiets de ce qui est en train de se passer présentement.

Donc, la motion qu'on dépose aujourd'hui, c'est pour faire le constat, justement, qu'il y a un recul vraiment important depuis l'arrivée au pouvoir de la CAQ, depuis trois ans, et qu'il est antérieur à la pandémie, parce que j'entends déjà le ministre me dire que peut-être qu'on n'est pas au courant qu'il y a eu une pandémie pendant les 18 derniers mois. Évidemment, on l'est. Évidemment, on mesure les pleines conséquences de tout ça. Mais la détérioration de l'accès aux services de santé, elle a débuté dès l'arrivée au pouvoir du gouvernement, et ce, bien avant la pandémie, et aujourd'hui elle est encore en train de s'exacerber. Et c'est vraiment de l'accès à des soins de base, des soins de santé de base, en ce moment, qui sont en jeu, et c'est de ça dont je veux qu'on prenne le temps de discuter aujourd'hui, parce que ça concerne tous nos citoyens à chacun d'entre nous, comme députés, qui sont inquiets, qui sont préoccupés de la situation.

Je vais commencer sur la question des ruptures de services. Puis j'ai eu l'occasion de questionner le ministre lors de la période de questions, aujourd'hui, sur l'engagement qu'il a pris il y a deux semaines, et je ne l'ai toujours pas entendu réitérer de façon claire, de façon affirmée l'engagement et la garantie qu'il a donnée aux Québécois il y a deux semaines. Il l'a dit très fermement, avec aucune nuance, avec aucune ambiguïté sur l'interprétation que l'on peut faire de ses paroles, il a dit : Je m'engage et je garantis à tous les Québécois qu'il n'y aura plus de rupture de services, qu'il n'y aura plus de bris de service à partir du 15 octobre. Depuis ce jour, il a refusé, à chaque fois qu'il a été questionné, de réitérer cet engagement-là. Donc, je vais lui donner encore l'occasion aujourd'hui. Il prendra la parole tout à l'heure. Je m'attends à ce que très clairement il nous donne un bilan, il nous donne l'heure juste. Est-ce qu'il réitère cet engagement-là? Est-ce qu'il garantit aux Québécois qu'il n'y aura plus de rupture de services ou est-ce qu'il a fait un faux chemin lorsqu'il a affirmé ça? Et qu'il nous donne l'heure juste, qu'il nous dise exactement ce qui va arriver.

Et je l'invite aussi à ne pas faire des débats de sémantique comme on l'a entendu faire lors du colloque... du congrès de la CAQ, à dire : Ce ne sont pas des bris de service, ce sera de la réorganisation. Moi, il peut appeler ça comme il veut, mais le fait est que, pour les citoyens, ça revient à la même chose. Une urgence qui est fermée, elle est fermée. Qu'il appelle ça un bris de service ou une réorganisation, quand il n'y a pas de soins d'urgence, par exemple, à Senneterre, quand on a une urgence à Gatineau qui est fermée depuis 100 jours, le bilan, il est le même, les gens n'ont pas accès aux soins et services. Donc, je l'invite à s'éloigner d'un débat sémantique et à donner l'heure juste sur la situation.

Donc, juste au cours des dernières semaines, M. le Président, on le voit, là, c'est la multiplication des fermetures au niveau des différents services. On a vu... Bon, l'hôpital de Senneterre, j'ai eu l'occasion de l'aborder. On a l'Hôpital Ville-Marie, dans le comté du ministre régional... dans l'Abitibi-Témiscamingue, pardon, le service d'obstétrique, il est fermé depuis plus de quatre mois déjà, depuis même cinq mois. Les femmes doivent aller accoucher, pour certaines, en Ontario. Et, de semaine en semaine, la réouverture du service d'obstétrique est reportée. On parle maintenant du 19 novembre, donc encore un mois et demi, avec aucune garantie que la solution va être... qu'elle rouvrira. Donc, on se retrouve dans une situation où des femmes doivent parcourir des centaines de kilomètres pour pouvoir aller accoucher dans une... avec tout le stress que comporte déjà un accouchement...

• (15 h 10) •

Le Vice-Président (M. Picard) : Excusez, Mme la députée. Je rappelle que tous les députés doivent porter leurs masques s'ils n'ont pas la parole. Mme la députée, vous pouvez reprendre.

Mme Montpetit : Avec plaisir. Merci. Pour notre sécurité à tous, c'est bien apprécié, M. le Président.

Donc, comme je le disais, l'unité d'obstétrique de Ville-Marie qui est fermée depuis déjà cinq mois, sur lequel je n'ai pas encore entendu le ministre de la Santé nous informer et informer la population de la date précise à laquelle ça rouvrira, parce que cette date-là, elle est reportée de fois en fois, et ce qu'on répond, c'est : Bien, de toute façon, il y a d'autres unités d'obstétrique à côté, donc essayez de prévoir — aussi, j'imagine, ça va rentrer dans sa réorganisation — essayez de prévoir à l'avance la date et l'heure exacte à laquelle vous allez accoucher. Mais j'ai des nouvelles pour le ministre : malheureusement, ça ne fonctionne pas toujours comme ça, quand on accouche.

Le CLSC de Montbeillard, en Abitibi, aussi, dont on vient d'annoncer la fermeture aujourd'hui, nouvelle fermeture qui est annoncée, d'un CLSC, pour une communauté. L'Hôpital de Matane qui a vu des lits fermer, il y a eu des ruptures de services à plusieurs reprises aussi. Des salles en hémodynamie à l'IUCPQ, ici. Il y en a eu à l'Hôtel-Dieu. Il y en a à Gatineau, mon collègue aura l'occasion d'y revenir aussi. L'hôpital de Sept-Îles, on est rendu à 13 bris de service, sur la Côte-Nord, au cours des dernières semaines. À l'hôpital Coaticook, l'urgence qui est fermée. L'Hôpital de Saint-Eustache, il y a eu des bris. Il y en a eu, M. le Président, dans presque toutes les régions. Des salles d'opération qui sont fermées à Saint-Jérôme. L'Hôpital du Suroît, on en a discuté ici, l'urgence qui s'est retrouvée à être fermée en catastrophe, avec tout ce que ça peut impliquer pour les gens qui sont en Montérégie-Ouest.

Donc, quand je dis que la situation, elle est très préoccupante, sur l'accès aux services, les exemples se multiplient. Et on a un ministre qui nous a annoncé, finalement, qu'il allait y avoir... là, je ne sais pas, là, il va pouvoir nous corriger, mais dans une phrase il nous disait qu'il n'y aurait plus de bris de service, puis dans l'autre il nous disait, il nous annonçait qu'il abdiquait puis que, finalement, il fallait que les Québécois se préparent à d'autres fermetures. Donc, je lui demanderais d'avoir la transparence déjà ici, lors de ce débat, de nous donner l'heure juste. À quoi peut-on s'attendre? Tous les Québécois veulent savoir ça. Tous les députés qui sont dans cette Chambre-là veulent savoir ça aussi. Qu'est-ce qui va fermer? Quand ça va fermer? Combien de temps ça va fermer? C'est sa responsabilité de nous donner l'heure juste là-dessus. Il est imputable de ces décisions-là. Il est imputable de ce qui va arriver aussi.

Parce que, je le répète, j'avais déjà donné cet exemple-là, mais moi, quand je dis que je suis préoccupée, là... Par exemple, la Montérégie-Ouest, je le rappelle, l'hôpital de Valleyfield qui est fermé. Il y a deux hôpitaux qui sont près de Soulanges, qui sont près de l'adjointe parlementaire du ministre de la Santé, qui connaît bien la région, c'est son comté, il y a deux hôpitaux : l'hôpital de Valleyfield, l'urgence est fermée; l'hôpital de Lakeshore, pas accessible parce qu'il y a une éclosion. Les gens, ils font quoi quand ils font un AVC, une crise cardiaque, un enfant qui avale des médicaments, qui doit se rendre à l'urgence? Bien, ce qui reste comme choix, c'est soit l'Ontario soit de faire 1 h 30 min pour venir à Montréal. Vous réalisez les conséquences que ça peut avoir quand c'est quelqu'un qui est dans une situation où il a besoin de voir un médecin d'urgence.

Donc, ça, c'est la réalité. Et je m'attends, je le répète, je m'attends, aujourd'hui, à ce que le ministre nous donne l'heure juste là-dessus, ne fasse pas des débats de sémantique et dise exactement ce qui va arriver, dans quelles régions ça va fermer, quels services il va fermer et comment il va s'organiser. Parce que, là, il nous a dit aussi : La vaccination obligatoire, le 15 octobre, ça s'en vient, dans deux semaines. J'imagine qu'aujourd'hui il pourra aussi nous donner... Il doit avoir les chiffres. On les attend, là, les chiffres. On a vu les chiffres pour le public, mais on n'a pas les chiffres entiers. Qu'est-ce que ça va avoir comme conséquences exactement? Est-ce qu'il a un plan de contingence en place? Est-ce qu'il va fermer certains services? Les citoyens sont en droit de savoir, et les élus qui sont en cette Chambre sont en droit de savoir également.

Pour ce qui est, toujours, de l'accès aux services, donc, je parlais tout à l'heure de l'engagement qui avait été fait par le gouvernement de donner accès aux citoyens en 90 minutes aux urgences du Québec. Vous comprendrez bien qu'on n'est vraiment pas là. Je regardais les chiffres de ce matin puis je vous ai pris des régions, quelques régions, mais j'aurais pu faire le tour de l'ensemble des régions administratives ou sociosanitaires. Juste à Lanaudière, par exemple, deux hôpitaux à Lanaudière, l'Hôpital Pierre-Le Gardeur, en ce moment, il est à 164 % d'occupation à l'urgence, puis le Centre hospitalier régional de Lanaudière est à 148 %. Ça va bien, hein? Dans les Laurentides, Saint-Eustache est à 131 % d'occupation; Saint-Jérôme, 121 %; l'Hôpital Laurentien, 167 %; puis l'Hôpital de Mont-Laurier est à 220 % d'occupation. Ça, c'est les chiffres de ce matin. J'aurais pu prendre ceux d'hier, ceux de la semaine passée, honnêtement ce n'est pas guère mieux, là. La Montérégie, Charles-Le Moyne, 123 %. L'Hôpital du Haut-Richelieu, 124 %. Anna-Laberge est à 153 % d'occupation. L'hôpital de Valleyfield, 169 % d'occupation. Puis, à Montréal, l'Hôpital de Verdun, 204 % d'occupation aujourd'hui. L'Hôpital général de Montréal, 152 %.

Donc, quand on parle d'accès aux services essentiels, les urgences en font partie. Donc, en ce moment, les délais pour avoir accès sont vraiment importants, les taux d'occupation sont vraiment très préoccupants. Et, en plus de ça, à ça s'ajoutent des décisions du gouvernement caquiste, du ministre de fermer certaines urgences, avec comme conséquence de mettre de la pression supplémentaire sur les urgences des hôpitaux avoisinants.

Sur un autre... Deux autres éléments, M. le Président, sur les questions d'accès. Les chirurgies, la question des chirurgies, on l'a vu, 149 860 personnes, 149 860 patients, aujourd'hui, qui sont en attente d'une chirurgie. Juste pour refaire un peu l'historique... parce qu'on a eu ce débat-là je ne sais plus combien de fois avec le ministre de la Santé, qui, au mois d'août, donc, 2020, nous disait : J'ai un plan en chirurgie, plan qui ne comprenait absolument rien, là, soyons clairs, et le nombre de personnes en attente d'une chirurgie ne fait que croître depuis ce temps-là. Il n'a jamais été capable de nous présenter un plan concret de comment il envisageait mettre des actions qui allaient permettre de diminuer la liste d'attente, d'accélérer les chirurgies, de reprendre un niveau de chirurgies, justement, qui allait permettre de baisser cette liste-là. Au début de l'été, il nous a annoncé, trompettes et tambours sortis, qu'il allait nous présenter un plan, mais finalement il a fait à peu près ce qu'il fait tout le temps dans ses points de presse, il a fait un point de presse pour nous annoncer, finalement, qu'il allait prochainement nous présenter un plan et qu'il travaillait un plan. Donc, ça fait quand même un petit peu plus qu'un an qu'il est en place, et on n'a toujours pas vu l'ombre d'un iota d'un début de quelque chose où il va nous expliquer exactement, concrètement comment il entend non seulement rattraper le nombre de chirurgies, rattraper le niveau aussi qui est en place.

Et ce n'est pas les solutions qui manquent, hein? Parce qu'après ça... J'entends bien le ministre, tout à l'heure, qui va sûrement me dire qu'il s'attend à des approches constructives. Les solutions, elles sont sur la table. L'Association des chirurgiens, entre autres, est sortie je ne sais combien de fois pour dire : Voici comment on pourrait s'organiser différemment dans les salles d'opération, comment on pourrait réorganiser le travail avec les infirmières qui sont en place, comment les instrumentalistes pourraient venir nous donner un coup de main pour gérer ça autrement, comment on pourrait utiliser le privé, aussi, différemment. Donc, les solutions, elles sont connues, elles sont sur la table, et ce qu'on reproche, justement, c'est que ces solutions-là, elles ne sont pas utilisées par le ministre qui est en place.

Et ça, ça m'amène, justement... ça me fait penser à la question de l'annonce qui a été faite jeudi dernier par le ministre puis le premier ministre, sa grande révolution. Il faut vraiment avoir beaucoup d'audace, je trouve, et une immense confiance en soi, comme premier ministre et comme ministre de la Santé, pour appeler une révolution ce qui nous a été présenté, alors que ça se résume à de l'argent, ça se résume à un deal, à simplement des chèques. On n'a probablement pas la même notion de ce qu'est une révolution organisationnelle dans un milieu. Et vous avez vu comme moi la revue de presse, vous avez vu comme moi les réactions. Puis on peut se dire : Ah! il y a des réactions qui étaient syndicales, oui, c'est une chose, mais ce qu'on a entendu beaucoup plus, c'est des réactions de travailleurs de la santé, de travailleuses de la santé. Combien vous avez lu... Vous les avez lues comme moi, que ce soit sur Facebook, que ce soit dans les médias, des infirmières, des inhalothérapeutes qui sont venus témoigner en disant : C'est une gifle en plein visage, ce n'est pas une question d'argent, ça n'a jamais été une question d'argent, ce n'est pas ce que nous avons demandé, et ça ne nous fera pas revenir dans le réseau public, ça ne nous fera pas passer de temps partiel à temps plein, parce que ce qu'elles demandent, c'est du respect, c'est de la reconnaissance, c'est de mettre des conditions en place qui permettent la conciliation travail-famille, c'est de mettre fin, à terme... de prendre un engagement qui est ferme pour mettre fin au temps supplémentaire obligatoire. Et moi, je les comprends très bien dans leur cri du coeur quand elles disent... par exemple, celles qui sont mamans, de dire : Moi, je ne suis pas capable, comme maman infirmière, de savoir si à la fin de mon chiffre je vais être capable d'aller chercher mon enfant à la garderie. Je ne peux même pas imaginer à quel point ça doit être une souffrance psychologique, de ne pas être capable de contrôler son horaire. Je veux dire, on l'a tous vécu ici, ceux qui ont des enfants, quand il y a des bâillons de dernière minute, ce que ça peut représenter, mais ce n'est pas une réalité que l'on vit tous les jours. Et on doit se réorganiser pour trouver quelqu'un qui va aller chercher l'enfant, qui va s'en occuper et tout, mais, elles, c'est leur quotidien, c'est tous les jours. Tous les jours on leur dit : Bien, je ne le sais pas quand est-ce que tu vas ressortir d'ici. Donc, on comprend très bien que, quand on leur dit : Bien, je te donne de l'argent, mais je ne viens pas régler tout le problème qui affecte ta santé mentale, ta qualité de vie, ta conciliation famille-travail, bien, la réponse, c'est : Non, merci. Et ça, ça démontre à quel point le niveau d'écoute du ministre de la Santé, je suis bien désolée d'avoir à dire ça, mais il n'est pas au rendez-vous. Donc, soit il n'a pas écouté, soit il n'a pas voulu y répondre, parce que, encore là, les solutions, elles sont sur la table.

• (15 h 20) •

On parle toujours de la question des ratios. Je ne comprends pas encore que le gouvernement n'avance pas plus rapidement dans ce dossier-là. Il y a des projets pilotes qui ont été faits, mis en place sous notre gouvernement par notre collègue ministre de la Santé qui ont eu un succès, qui ont démontré que ça avait une efficacité, évidemment, sur la rétention, sur le recrutement des infirmières. Bien évidemment, quand on est dans un CHSLD puis qu'on dit : Bien, écoute, tu vas avoir 50 patients de jour puis un maximum de tant de patients de nuit, bien, ça leur permet d'avoir une satisfaction dans leur travail, ça leur permet de rentrer à la maison puis de dire : Moi, professionnellement, je me suis respecté dans mon intégrité, j'ai respecté mes patients aussi, versus le cas qu'on a vu encore dernièrement en Estrie, dont je n'ai entendu aucun député caquiste parler, ni le dénoncer, ni les cinq députés qui sont en Estrie ni le ministre régional de l'Estrie non plus, d'avoir un infirmier qui s'est retrouvé avec 155 résidents à sa charge. Moi, je ne sais pas si vous êtes déjà rentré dans un CHSLD, M. le Président, mais la plupart des patients sont grabataires, donc ne se déplacent pas, plus de 70 % ont des problèmes cognitifs, de l'alzheimer avancé, ont besoin d'une prise en charge qui est extrêmement importante, on est presque dans du un pour un en termes de soins, et on demande à cet infirmier-là de prendre en charge 155 personnes pendant plus de 20 heures. Et l'infirmier en question a appelé son ordre en disant : Je ne suis plus en état de travailler, et on lui a dit : Tu dois rester parce que ton gestionnaire ne te permet pas de quitter. Et il a appelé son gestionnaire, et on lui a dit : Non, tu vas continuer à faire du temps supplémentaire obligatoire parce que c'est comme ça. Plus capable de prescrire, plus capable de prendre des décisions, 20 heures de travail consécutives. Et c'est ça qu'on demande aux infirmiers et aux infirmières qui sont sur le terrain, mais on va aller leur donner de l'argent. C'est ça, la solution du gouvernement. Donc, c'est sûr que ça n'aidera pas ni pour le recrutement et ça ne viendra pas aider sur la question de l'accès aux soins non plus.

Dernier élément aussi sur — puis là je pourrais passer la journée ici, mais je vois le temps qui file — la question des médecins de famille. Sous notre gouvernement, il y avait 1,1 million de Québécois de plus qui ont eu accès à un médecin de famille, et ça, on en était extrêmement fiers, et c'était une très bonne nouvelle. Je regarde en ce moment ce qui est en train de se passer, puis je suis convaincue que tous les députés qui sont ici, de la partie gouvernementale, pourraient témoigner de la même chose que moi, depuis plusieurs mois on se remet à avoir des courriels, des appels, dans nos bureaux de comté, de gens qui disent : Je ne trouve pas de médecin de famille, j'en ai besoin, je suis dans une situation où j'ai vraiment besoin d'un médecin de famille, je suis sur une liste d'attente depuis je ne sais pas combien de jours et je ne vois pas la lumière au bout du tunnel. Et, quand on regarde... Encore là, j'en reviens aux engagements de la CAQ, qui étaient d'assurer à tous les Québécois l'accès à un médecin de famille en 36 heures. Bien, j'ai bien hâte d'entendre le ministre nous dire comment il va parvenir à ça d'ici la fin de son mandat, dans un an, quand on voit que le délai moyen, au Québec, d'attente pour un médecin de famille est de 600 jours — on se rappellera, une année, 365 jours, donc on dépasse une année — que le nombre de Québécois qui sont en attente d'un médecin de famille a augmenté de 60 % juste dans les deux dernières années. On est à 830 000 Québécois qui sont en attente, présentement, d'avoir un médecin de famille, c'est très préoccupant. Et là j'entends déjà le ministre dire : Oui, mais il y a plus de Québécois qui ont un médecin de famille. On peut bien faire des grands débats de comptabilité ici, mais je veux juste lui rappeler qu'un nombre absolu, c'est une chose; un pourcentage, c'en est une autre. Donc, je vais lui demander de tenir compte du fait que la population du Québec aussi, elle augmente. Donc, en termes de pourcentages, le pourcentage de Québécois qui ont accès à un médecin de famille diminue, les délais augmentent, le nombre de gens qui attend augmente aussi, donc tout... Puis le nombre de personnes qui est en attente depuis plus d'un an, aussi, a doublé.

Donc, c'est des données qui sont toutes extrêmement préoccupantes sur l'accès. Puis on parle d'accès, on parle de soins sécuritaires, puis ça, j'ai souvent entendu le ministre parler de l'importance, pour lui, d'avoir des soins qui sont accessibles et qui sont sécuritaires, je ne peux que faire, factuellement, le constat qu'on s'en éloigne et que, depuis l'arrivée au pouvoir de la CAQ, il y a un recul sur l'accès aux soins de santé pour l'ensemble des Québécois dans toutes les régions. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Merci beaucoup, M. le Président. Alors...

Le Vice-Président (M. Picard) : M. le ministre, vous allez vous lever, on n'est pas le vendredi matin.

M. Dubé : Ah! Bien, avec plaisir. Avec plaisir, avec plaisir.

M. le Président, d'entrée de jeu, puis je le dis avec beaucoup de... Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que je réalise, avec la lecture des statistiques que la députée de Maurice-Richard vient de nous faire, qu'elle réalise maintenant, elle aussi, comme bien des Québécois l'ont réalisé depuis très longtemps, justement, qu'on est dans une pandémie depuis près de deux ans. Puis ça, M. le Président, il y a beaucoup de cette réalité-là qu'il faut tenir compte lorsqu'on entend toutes ces statistiques-là, puis, je pense, M. le Président, ça, c'est important de le réaliser.

N'en déplaise à l'opposition, je pense que la population a énormément apprécié, énormément apprécié la gestion de la pandémie que l'on a faite depuis le début de la pandémie, énormément apprécié. Que ce soit lorsqu'on a annoncé notre plan pour maîtriser la deuxième vague, qui a été beaucoup moins pire que la première, de la façon dont on a géré la troisième vague, de la façon dont on se démarque, dont on se démarque dans la quatrième vague, comparé à, même, d'autres provinces au Canada. Je pense que la population apprécie, M. le Président, comment nous avons géré la pandémie, en parallèle avec toutes les difficultés qu'elle apportait.

Par contre, M. le Président, il est difficile... puis ça on l'a annoncé, puis je pense que c'est difficile pour le Parti libéral de l'accepter, c'est difficile de réparer les 15 dernières années, M. le Président, encore plus dans un contexte de pandémie, difficile de réparer cette gestion libérale des médecins, ce qu'on appelait les médecins ministres, puis il y en a eu plusieurs au cours de ces 15 années là, pour qui la priorité, M. le Président, c'étaient les médecins, ce n'était pas le personnel infirmier, M. le Président. Soyons clairs, là, on l'a vu, les augmentations de salaire qui avaient été données aux médecins. Ce n'était pas le personnel infirmier qui était la priorité de nos ministres médecins, c'étaient leurs collègues, M. le Président. Et ça, il faut que le Parti libéral accepte, aujourd'hui, que c'est un choix que le parti a fait. Qu'ils l'aiment ou qu'ils ne l'aiment pas, M. le Président, c'est un choix qu'ils ont fait, et ils en paient le prix aujourd'hui, parce que la population leur a dit : C'est assez, et ils ont mis un nouveau gouvernement au pouvoir, M. le Président.

Donc, je suis très content d'entendre la députée qui dit qu'elle va pouvoir aller avec positivisme, puis tout ça, mais, quand j'entends le discours, je pense que, comme on dit souvent chez nous, les babines ne suivent pas les bottines, ou c'est le contraire, je pense que c'est les bottines qui ne suivent pas les babines.

Maintenant, on est très conscients, M. le Président, des enjeux auxquels on fait face, on en est très conscients. Et en fait ce qu'on a annoncé la semaine dernière, puis ça, je pense que c'est important, puis je le réexplique aux gens qui nous écoutent aujourd'hui, puis je profite de ce forum-là aujourd'hui, puis on a le temps de le faire, M. le Président. L'annonce qu'on a faite la semaine dernière pour intéresser le personnel infirmier à revenir nous aider dans le réseau public, elle est excessivement importante. Et là je ne parle pas de prime, M. le Président, je parle du style de gestion qu'on a annoncé, qui est effectivement à des lieues de la gestion des ministres libéraux dont je parlais tout à l'heure.

M. le Président, ce qu'on a annoncé pour nos infirmières la semaine dernière, c'est de leur dire : Écoutez, on est très conscients de la problématique, on s'engage à avoir un système de gestion qui va être différent. Et ça, comment c'est important, M. le Président, c'est que, pour moi, c'est un préalable. Puis, quand je dis «un préalable», c'est qu'on le sait, qu'il faut améliorer notre gestion des urgences, qui a été laissée de côté par les libéraux, on le sait, qu'il faut rattraper les chirurgies, on le sait, qu'il faut améliorer les soins à domicile. Ça, c'est ce qu'on doit améliorer. Mais, pour être capables de faire différemment ce qui a été fait dans les 15 dernières années, il faut avoir ces préalables-là. Et le plus important dans les préalables, c'est comment on gère les ressources humaines, comment on gère notre personnel infirmier, et ça, je crois, M. le Président, qu'on a démontré clairement, la semaine dernière, qu'on voulait le faire.

• (15 h 30) •

Maintenant, le Parti libéral, aujourd'hui, je l'entends parler des primes, parler des primes, mais ce n'est pas ça qu'on a annoncé la semaine dernière, M. le Président. On a dit : En priorité, avec les discussions que ma collègue la présidente du Conseil du trésor, qui négocie avec les différents syndicats depuis plusieurs mois, M. le Président, ce qu'on a entendu, c'est : Le gouvernement précédent n'a pas arrêté le TSO, il l'a augmenté, le gouvernement précédent n'a pas arrêté l'utilisation aux agences extérieures, il l'a augmentée. Toutes les demandes qu'on a eues de la FIQ, entre autres, et des autres syndicats, ma collègue la présidente du Conseil du trésor les a incorporées dans une convention collective qui, grâce au travail des deux parties, et je le dis, qui a été long, difficile en pandémie, pas facile de faire des négociations de convention collective durant une pandémie... bien, justement, la présidente du Conseil du trésor avec toutes les équipes et avec l'aide des syndicats ont fini par trouver un arrangement pour avoir une convention collective. Et ça, M. le Président, ce qui est dans la convention, c'est exactement, exactement ce qui a été demandé par les syndicats, et, dans ça, je tiens à vous le dire, il n'y avait pas de primes. Alors, ce qu'on a livré durant la pandémie, cette nouvelle convention là, respecte les demandes du syndicat.

Maintenant, je voudrais expliquer que ce qu'on a réussi à faire en ajout, en ajout à la convention qui a été signée par le Conseil du trésor, c'est de dire : Maintenant, qu'est-ce que ça nous prend, M. le Président, pour être capables, justement, d'avoir plus d'infirmières qui vont être dans les urgences, plus d'infirmières qui vont nous aider, par exemple, à aller faire les chirurgies dont nos spécialistes attendent les infirmières au bloc opératoire? C'est pour ça que j'appelle ça un préalable. Là, maintenant, ce qu'on a dit, c'est que, oui, on va vous trouver une passerelle qui va permettre à des infirmières, M. le Président, qui auraient peut-être laissé le système public pour une foule de raisons... Puis je ne reviendrai pas sur les 15 années libérales, M. le Président, je ne reviendrai pas comment c'est difficile d'avoir travaillé dans le réseau de la santé durant la pandémie, on le sait tous. Ce qu'on sait maintenant, c'est qu'il faut les aider à revenir pour donner un coup de main à celles qui sont restées. Il y en a plus de 60 000 qui sont restées, même durant les temps difficiles de la pandémie. C'est ce qu'il faut trouver. Alors, non seulement la convention adresse les demandes de ces infirmières-là, qui sont restées, mais les mesures incitatives que nous avons annoncées, ces mesures qu'on appelle des mesures passerelles, sont maintenant en place pour qu'on puisse inciter des personnes à revenir plus rapidement.

Mais le changement de culture, M. le Président, que nous avons annoncé... Moi, j'étais, hier... C'était la plus belle satisfaction que je ne pouvais pas avoir, hier matin, quand je suis allé, pour le premier matin... On a annoncé les mesures jeudi, on a parlé avec nos P.D.G. vendredi, on a déjà commencé à avoir un groupe qui s'occupe spécifiquement de ça à l'intérieur de l'équipe de la sous-ministre. Puis savez-vous ce que j'ai fait hier matin? Je suis allé à l'Hôpital Pierre-Boucher, puis je suis allé aux urgences, puis je suis allé rencontrer une infirmière. Puis là j'ai dit : Là, il n'y a pas personne, là, il n'y a pas de sous-ministre, il n'y a pas personne, là, on est tous les deux, on va s'asseoir, puis vous allez me dire ce qu'est-ce que vous pensez qui a été annoncé la semaine passée. Pourquoi il y a un doute dans vos collègues? Bien, il y a un doute parce que, le bris de confiance, M. le Président, il a été brisé à travers toutes ces années de gestion libérale. Alors, nous, on arrive aujourd'hui avec un plan qui se tient, qui va être difficile à implanter parce que c'est difficile la situation qu'on vit, mais ce que cette infirmière-là m'a dit : Je vous fais confiance, je vous fais confiance, M. Dubé, je suis sûre que vous allez réussir, mais, s'il vous plaît, venez nous voir régulièrement. Puis c'est ça qu'on s'est engagés à faire, et je vais le faire dans plusieurs hôpitaux au cours des prochaines semaines.

Alors, notre travail de livrer la marchandise, je le répète, M. le Président, on l'a fait, on a démontré qu'on pouvait penser, qu'on appelle, en dehors de la boîte, avec la vaccination. Moi, ma plus grande satisfaction, c'est quand des citoyens nous appelaient puis disaient : Mon Dieu! on regarde les centres de vaccination, M. le Président, puis les gens sont heureux de nous accueillir, ils nous servent avec le sourire. Puis ça, c'est des infirmières à la retraite, M. le Président, qui sont venues nous aider, entre autres. On voit comment le service est là. On n'a pas de file d'attente, les gens sont heureux de nous servir. Pourquoi qu'on ne pourrait pas faire la même chose avec le reste du système de la santé, M. le Président? C'est ça qu'on pose comme question, puis je pense qu'on va le démontrer.

Maintenant, on peut penser que c'est un choix, que ça va être excessivement difficile. M. le Président, moi, je regarde, puis, lorsqu'on veut changer une culture dans une organisation, qu'elle soit publique ou privée... (Interruption) Excusez-moi. M. le Président, quand on veut changer une culture, une culture d'organisation, la première chose qu'on doit faire, c'est établir des mesures, puis des mesures comparatives au niveau des meilleures pratiques de gestion. Bien, savez-vous, M. le Président, où sont ces meilleures pratiques là qu'on va mettre en place, là, dans les prochains jours, prochaines semaines, pour livrer la marchandise? Pour la plupart du temps, elles sont dans nos propres hôpitaux.

Puis je vais vous en nommer juste quelques-unes, là, dont je suis très, très fier, qui ont été nommées récemment, comme étant dans les meilleurs hôpitaux à travers le monde, par le fameux magazine Newsweek, de New York, qui dit que les meilleurs hôpitaux... parmi les meilleurs hôpitaux du monde, on compte le Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine, on compte le Centre universitaire de santé McGill, l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie, ça, c'est ici, à Québec, et au Centre hospitalier universitaire de Québec, L'Hôtel-Dieu de Québec, l'Hôpital Saint-Sacrement puis l'Hôpital L'Enfant-Jésus.

Alors, quand on parle aux P.D.G. de nos CISSS et CIUSSS, on leur dit : Écoutez, oui, ça a été difficile la pandémie. Peut-être que le modèle de gestion qui était préconisé par l'ancien gouvernement, où beaucoup de priorités a été mises sur les médecins, il faut se reculer puis de dire, maintenant, comment on va tenir compte du reste du personnel infirmier. Et, quand je regarde ça puis je regarde le nombre d'hôpitaux qui sont dans cette liste-là, M. le Président, bien, ces meilleures pratiques-là, elles sont à côté de chez nous. On n'a pas besoin d'aller voir ailleurs, ils sont chez nous. Alors, dans les équipes de travail, M. le Président, qu'on est en train de mettre en place, ce sont ces gens-là qui vont venir nous aider pour nous assurer que, le plus rapidement possible, les infirmières, les inhalothérapeutes, les différentes personnes qui sont dans les catégories qu'on a visées dans notre première phase du plan vont pouvoir s'inspirer de ces meilleures pratiques là.

Maintenant, je pense qu'on est conscients aussi des défis qu'on a. Moi, je ne me mets pas la tête dans le sable, M. le Président, en disant, un peu comme en 2007, M. le Président, en 2007, le ministre de l'époque, qui était le ministre de la Santé, qui est devenu premier ministre, avait dit, en 2007 : Écoutez, temps supplémentaire obligatoire et les recours aux agences privées, on va mette fin à ça dans la prochaine année. Ça, c'est en 2007. Puis c'est pour ça que je vous dis qu'on est conscients des défis, parce qu'il y a bien des choses qui ont été promises qui n'ont pas été données, puis c'est pour ça qu'il y a eu un bris de confiance.

Maintenant, ce que je pense, c'est qu'il va falloir, puis je l'ai expliqué... Puis ça, ça prend du courage pour le faire, notre gouvernement a eu ce courage-là, on l'a dit, M. le Président : Ça va être difficile dans les prochains mois, puis on l'a dit, qu'il va arriver des endroits où ça va être encore plus difficile. Puis on peut parler de Senneterre, on peut parler d'Outaouais, on peut parler de Matane, on peut parler de ces endroits-là. On a été transparents. Puis, savez-vous, M. le Président, c'est que je pense que les Québécois apprécient cette transparence-là, de le dire : Bien, écoutez... puis encore mieux quand on est en mesure de l'annoncer d'avance, je pense, M. le Président, que les Québécois l'apprécient, parce que le manque de personnel, là, ce n'est pas quelque chose qui nous fait plaisir, c'est un manque de personnel qui est dû à tout ce que je viens d'expliquer, puis maintenant dont il faut traiter. Mais on l'adresse.

• (15 h 40) •

Alors, écoutez, M. le Président, je crois que les Québécois s'attendent que la hauteur des défis que nous avons sera à la hauteur aussi des engagements que nous sommes en train de prendre. Moi, j'aime bien mieux dire aux Québécois, puis c'est ce qu'on fait en ce moment : Écoutez, on se relève tranquillement, tranquillement d'une pandémie qui a été excessivement difficile pour tout le monde, premièrement difficile pour les Québécois, qui ont connu des moments très difficiles, mais qui ont quand même accepté de faire leur effort avec la vaccination, difficile pour les gens du réseau de la santé, mais je crois que les gens s'attendent qu'on ne prendra pas, nous, 15 ans pour régler un problème. Ça, les Québécois s'y attendent. Et c'est pour ça qu'au cours des prochaines semaines on va voir déjà les différences. Et c'est ça qui va aider ce qu'on appelle des petits succès, qu'on va réaliser, M. le Président, dans les prochaines semaines. C'est ces petits succès là, lorsqu'on va être capables de ramener du personnel dans nos institutions, qui vont pouvoir nous permettre de régler le problème de Senneterre, de régler les enjeux qu'on a en Outaouais, les enjeux qu'on a à Matane. Il faut le regarder avec réalisme, avec transparence, M. le Président. Et c'est ça qu'on est en train de faire.

Maintenant, j'aimerais aussi donner des exemples très concrets sur... Encore une fois, lorsqu'on dit, puis je l'ai entendu, ce commentaire-là, je l'ai encore entendu aujourd'hui : Oui, mais ce que le gouvernement a mis, c'est des primes, des dollars, puis ce n'est pas ça que les infirmières demandaient. On en est très conscients, M. le Président. Vous savez, dans les mesures qu'on a annoncées, puis ça, c'est quelque chose avec laquelle je suis familier, c'est une gestion des horaires locaux. Vous savez, l'infirmière que j'ai rencontrée hier matin, là, bien, c'est exactement ce qu'elle m'a dit. Vous savez, là, c'est correct, si vous êtes capable d'aller les chercher avec les primes, les gens pour accélérer leur retour, on apprécie ça puis on comprend pourquoi vous l'avez fait, mais, ce que je veux savoir — parce qu'elle me le disait hier — comment je vais faire, moi, pour être capable de gérer mon horaire avec mon équipe, avec la flexibilité que ça prend?

Vous savez, dans la grande réorganisation du gouvernement libéral passé, on a enlevé des gestionnaires locaux. C'est des gestionnaires locaux. Vous savez ce qu'ils faisaient entre autres, M. le Président? C'est qu'ils faisaient des horaires localement qui tenaient compte des besoins de l'hôpital, qui tenaient compte des besoins du CHSLD, qui tenaient compte des besoins locaux. Par souci d'économie, par souci d'économie, M. le Président, on a enlevé ces gestionnaires-là, locaux, qui ne sont plus là. Alors là, nous, ce qu'on dit maintenant aux infirmières : Écoutez, on va organiser, on va vous aider à organiser pour que vous soyez capables de faire vos horaires localement pour tenir compte des changements qui peuvent arriver. C'est tout à fait normal qu'une infirmière, un infirmier peut tomber malade, peuvent avoir une raison de rester à la maison parce qu'ils ont un enfant malade, ou peu importe. Mais ça, lorsqu'on est pris avec un gestionnaire qui est à distance, M. le Président, qui ne sait même pas c'est quoi, le nom du personnel qui est sur un plancher d'urgence ou à une table de console où on suit les gens, c'est tout à fait normal, M. le Président, qu'on ne soit pas capables d'avoir une agilité qu'on doit avoir dans une organisation comme ça.

Vous savez, la première chose qu'on a faite lorsqu'il y a eu les grands problèmes de la première vague au niveau des CHSLD, c'est de réaliser la même chose, qu'il y avait bien des gestionnaires locaux qui avaient été enlevés par l'ancienne administration, puis qui ne permettait pas de savoir ce qui se passait, d'avoir le pouls sur le terrain, M. le Président.

Alors, moi, je pense que, oui, il y a des mesures qui sont incitatives, qui permettent d'intéresser des gens à revenir ou à rentrer, mais, par contre, je pense que l'essentiel des mesures, notamment, là, une gestion des horaires locaux, permet, M. le Président, de démontrer au personnel infirmier que les choses vont être différentes. Et, encore une fois, je le dis, ce que j'ai demandé à nos P.D.G. dans les derniers jours, c'est de me dire : Donnez-moi des exemples au cours des prochaines semaines où la gestion des horaires va se faire localement et on va être capables de voir rapidement un intéressement, une satisfaction, de la part des infirmières, qu'on s'attend de faire les choses différemment.

Bon, maintenant, je pense qu'on a démontré comment il est possible pour les Québécois de suivre lorsqu'on est transparents dans l'information. La campagne de vaccination, vous savez, M. le Président, je pense qu'une des raisons, je ne dis pas que c'est la seule, parce qu'il y en a plusieurs mais une des raisons pour laquelle je pense qu'on a eu un si grand succès puis qu'on est parmi les nations où on a le plus de personnes vaccinées, on a eu 89 %, là, dans les derniers jours pour la première vague, vous savez pourquoi? C'est parce qu'on s'est mesuré. Puis à chaque jour, à chaque semaine, cette information-là, on la partageait avec le grand public, parce qu'on leur disait : Écoutez, si on vous donne cette information, au moins les gens peuvent savoir puis s'ajuster. Il y a des gens qui ne sont pas encore vaccinés aujourd'hui, mais, lorsqu'on voit comment l'ensemble de la population s'est fait vacciner, lorsqu'on voit comment on est capables de mesurer chaque étape qu'on a faite, autant dans les files d'attente que dans la vaccination, M. le Président, je pense que les gens réalisent, les Québécois réalisent qu'on n'a pas eu peur d'être transparents puis de mettre l'information publique pour que les gens voient puis, ça, d'ailleurs, je pense, c'est une des raisons pour laquelle ils apprécient la vaccination.

Pourquoi je parle de ça aujourd'hui, M. le Président? C'est parce qu'on va faire la même chose avec les ressources humaines, la même chose. Savez-vous une chose? Moi, lorsqu'on m'a parlé de TSO puis que j'ai eu la discussion avec ma collègue présidente du Conseil du trésor, j'ai dit : Pouvez-vous me dire si... Écoutez, le TSO, c'est tellement évident comme problème, puis il n'y a pas une infirmière qui aime se faire imposer à la dernière minute, après son quart de travail, de continuer à travailler. C'est ça, du temps supplémentaire obligatoire. On ne lui donne pas le choix, on lui dit : Vous allez rester parce qu'il y a quelqu'un qui n'est pas là, bon. Première question que j'ai posée, j'ai dit : Est-ce que vous pouvez me donner le nombre d'heures en TSO par hôpital, par établissement, de façon globale? Non, on n'a pas ça, on n'a pas ça, M. le Président. Mais là j'ai dit : Écoutez, vous me dites que c'est le plus grand problème qu'on a avec nos infirmières, puis on n'a pas de statistiques, on n'a pas de données sur le TSO, on ne les a pas. Écoutez, M. le Président, je ne vois pas comment des gestionnaires peuvent régler un problème quand ils n'ont pas accès aux données qui donnent l'information du plus grand problème qu'on a, c'est-à-dire le temps supplémentaire obligatoire.

Alors, moi je m'engage, M. le Président, puis je l'ai dit en point de presse la semaine dernière, je me suis engagé envers les différents gestionnaires, on va vous donner tous les outils, tous les outils qu'il faut, les tableaux de bord, appelez-le comme vous voulez, mais je veux avoir un suivi du temps supplémentaire obligatoire au cours des prochaines semaines. C'est ça qui est en train d'être préparé, là, parce que ça n'avait pas de bon sens qu'on ne soit pas capables d'avoir cette information-là pour mieux gérer. Puis ça, écoutez, ça va prendre une collaboration de tout le monde, parce que c'est sûr que ça va changer les habitudes de bien des gens, autant au niveau du syndicat, des employés et des gestionnaires. Parce que lorsqu'on s'entend, puis c'est ça je pense qu'on est en train de faire, M. le Président, lorsqu'on s'entend sur une problématique, bien, c'est bien plus facile de tous aller dans la même direction, la bonne direction, parce qu'on reconnaît le problème. Alors, moi, ce que je vous dis aujourd'hui, c'est qu'on va s'entendre très rapidement pour ce qui va être mesuré, puis savez-vous quoi? Comme on l'a fait pour la vaccination, comme on l'a fait pour des statistiques dans les deuxième, troisième et quatrième vagues, maintenant, on va rendre ces données-là publiques, M. le Président. Comme on l'a fait pour les autres améliorations que nous avons faites, et je pense que les Québécois s'attendent à ça, ils ont vu qu'on était capables de le faire, on va le faire même si c'est un gros changement. Maintenant, je dirais quelques mots sur les incitatifs financiers. Écoutez, on est très conscients...Puis je pense qu'il faut faire attention de la part de l'opposition parce que ça fait plusieurs fois que je leur demande, et j'aimerais le répéter, parce que je veux être très clair, oui, on peut critiquer, mais de dire que c'est juste de l'argent qui a été tiré la semaine passée puis qu'on n'a pas annoncé d'autres mesures, ça, je ne pense pas que c'est une critique constructive, M. le Président. Je pense que ce qui est important de dire, c'est qu'on a trouvé, après avoir discuté avec les infirmières, après avoir mis en place la convention, de dire : Oui, voici la liste des mesures sur lesquelles on va s'améliorer, et c'est ça que les infirmières ont demandé.

Maintenant, il y a une raison pour les incitatifs financiers, il faut être certain, puis c'est ça que je reviens à dire, que la passerelle que nous avons annoncée, il faut aller chercher des gens à l'extérieur. Les gens qui sont à l'intérieur, ils sont fatigués, ils ont besoin d'aide, ils ont besoin d'une bouffée d'air, ils ont besoin que des gens viennent les aider. Alors, c'est sûr qu'il a fallu mettre une prime pour inciter des gens, puis il y aura d'autres mesures aussi dont le ministre des Finances est en train de travailler, mais des mesures qui vont inciter... Puis c'est des primes quand même importantes qu'on a faites, particulièrement dans les régions qui sont encore plus difficiles, donc a nommé cinq régions dans lesquelles les primes sont encore plus importantes. Mais, vous savez, on n'aurait jamais été capables, M. le Président, d'annoncer des primes pour que des gens reviennent de l'extérieur sans donner des primes équivalentes à ceux qui ont gardé le fort pendant la pandémie. Il fallait être équitable, et, lorsqu'on a parlé à nos différents représentants syndicaux, à notre personnel, aujourd'hui, on met beaucoup plus d'argent au personnel qui est resté que ceux qui viennent, mais il fallait avoir une équité. Puis ça, je pense qu'il ne faut pas avoir peur de le dire.

• (15 h 50) •

Et, maintenant que nos P.D.G., que nos gestionnaires ont les moyens de leurs ambitions, parce que, là, on va donner tous les outils qui peuvent faire, autant dans le style, le modèle de gestion que l'accès à ces primes-là pour être capable d'avoir accès à du personnel, moi, je pense... Puis je l'ai vu au cours des deux derniers jours, écoutez, on a annoncé, jeudi, les mesures, jeudi; vendredi, nos P.D.G., avec leurs équipes, étaient sur les appels, pour appeler des gens sur des listes de rappel, des gens qui ont été dans Je contribue, sur la vaccination. Depuis hier, j'entends parler de certaines discussions qu'ils ont, de suggestions qu'ils vont nous faire. Moi, je leur parle encore demain matin. Je pense, M. le Président... Puis je me fie à la créativité, à l'agilité de nos gestionnaires, qu'ils ont démontrés depuis deux ans à gérer la pandémie, puis je pense qu'on va être capables de démontrer aussi aux infirmières que ce ne sont pas uniquement des souhaits mais que c'est une réalité qu'on veut mettre ce nouveau système de gestion là.

En fait, M. le Président, je vous dirais, en conclusion, que je crois que le changement de culture, et je pèse bien mes mots, le changement de culture qu'on a annoncé, de donner beaucoup plus d'autonomie au personnel, pour moi, il est fondamental. C'est un changement fondamental. Ce n'est pas ce qui avait été préconisé par l'ancien gouvernement. Ils ont essayé une recette. Elle n'a pas fonctionné, malheureusement, puis on en paie le prix aujourd'hui. Ce que je dis, c'est que la démarche que l'on fait aujourd'hui, M. le Président... Et c'est pour ça que je pense que tout le monde, tout le monde doit se mettre ensemble pour dire : Là, là, il n'en reste plus beaucoup, de chances, M. le Président, pour être capables de sauver notre système de santé, particulièrement lorsqu'on est rendu où on est rendu dans la pandémie. Il n'en reste plus beaucoup, de chances. Là, je pense que le temps de la critique, là, il est terminé. Là, ce qu'il est le temps, là, c'est de se mettre ensemble puis de dire : Oui, il y a eu des erreurs qui ont été faites, oui, il y a eu des choses qui ont été peut-être mal gérées, d'accord, mais est-ce qu'on peut aujourd'hui se mettre ensemble et d'être capables de renforcer rapidement notre réseau de la santé?

Et, nous, ce qu'on s'engage à faire, M. le Président, ce qu'on s'engage à faire, c'est d'être capables de mesurer ces changements-là qu'on va vivre pas dans un an, pas dans deux ans, dans les prochaines semaines, M. le Président. Je veux qu'on soit réalistes. Mais il va y avoir des gains qu'on est capables de faire dans les prochains jours, les prochaines semaines, qui vont encourager des gens à revenir travailler avec nous, qui vont encourager ceux qui ont tenu le fort depuis si longtemps de nous aider à le faire.

Puis, M. le Président, je pense que si tout le monde fait sa part, tout le monde, puis je le répète, si tout le monde fait sa, part dans un contexte constructif, je suis certain qu'on va réussir. Notre réseau de la santé, on lui doit. Et il veut être performant, il veut être humain. Et c'est ça qu'on va essayer de faire, M. le Président, dans les prochaines semaines. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le ministre. Merci. Je cède la parole à M. le député de Rosemont. Vous disposez de 11 min 34 s.

M. Vincent Marissal

M. Marissal : 11 min 34 s. Merci, M. le Président. Chers collègues, j'en profite pour vous saluer, parce qu'il y en a un certain nombre d'entre vous que je n'ai pas vus depuis très longtemps, puisque nous ne siégeons pas à pleine capacité. Ça fait plaisir de vous revoir. Il y en a que j'ai vus par Zoom depuis des semaines et des semaines que je vois en présence. Ça me fait plaisir de vous voir aussi, je le dis sincèrement.

Ce qui ne me fait pas plaisir, par contre, c'est ce que je viens d'entendre, en tout cas certaines parties, par exemple que le temps de la critique est terminé. Bon, bien, voilà. Nous voilà dans une nouvelle ère. Voulez-vous que je rentre chez nous, peut-être, aussi? On sauverait un salaire de député, tu sais. Bien non, le temps de la critique n'est pas terminé, bien non. Mais il ne faut pas confondre critique et chialage.

Ça fait des années qu'ici, là, ma formation politique, là, Amir Khadir, là, qui était ici, là, il y a plus de 10 ans, quand même, et après ça les suivants de ma formation politique... ça fait des années qu'on critique, oui, j'ose le terme, qu'on critique le recours systématique au temps supplémentaire obligatoire, qui est devenu un mode de gestion. Ça fait des années qu'on critique ça. Bien, savez-vous quoi? Le gouvernement est arrivé à la même conclusion que nous. Il avait même promis d'abolir aussi le temps supplémentaire obligatoire. Ça n'a pas été fait, d'ailleurs. Est-ce que le ministre de la Santé, le premier ministre et le gouvernement de la CAQ critiquent? Est-ce qu'ils sont... non pas constructifs, est-ce qu'ils sont chialeux? Est-ce que... Bien non. Ils avaient fait le même constat que nous. Nous aussi, on a fait ce constat-là.

Alors, je suis désolé pour le ministre, mais on va continuer de faire notre boulot. Moi, je n'ai pas l'habitude de laisser des chèques en blanc traîner, là, pré-signés, je ne m'appelle pas «rubber stamp», puis je ne déjeune pas de ragoût de couleuvres. Je n'accepte pas n'importe quoi et tout ce qui se dit parce que le ministre a déclaré que c'est une révolution et que c'est un changement de culture. En fait, c'est une révolution autoproclamée qui s'est réalisée, aux yeux du ministre, dès qu'il a prononcé ce mot. Mais, avant de crier au changement de culture et à la révolution, il faut quand même bien arriver avec des solutions puis attendre les résultats.

Ça fait penser à mon garçon quand il était petit. La première fois qu'on est allés jouer au hockey dans la rue, on est revenus à la maison, puis il a dit : Papa, je veux être le prochain Carey Price. Oui, bien oui, bien sûr. Bien sûr, mon garçon. On va laisser aller quelques années, on va retourner jouer une couple de fois au hockey puis on verra ce que ça donnera, là. Mais les prophéties autoréalisatrices, c'est bien connu, se réalisent assez rarement, et, les révolutions autoproclamées, on les jugera une fois qu'elles auront eu lieu. Je comprends que le ministre croit à son affaire, puis c'est correct, puis on lui souhaite de réussir parce que ça réussirait à tout le monde. Je veux revenir sur deux, trois trucs qui ne marchent pas dans sa révolution, mais, enfin, bref. Ça, c'est pour la révolution autoproclamée.

À part ça, le ministre nous dit toujours : Je veux du monde de bonne humeur, je veux ramener le bonheur, je veux ramener la fierté. De un, le personnel soignant, en particulier les infirmières, c'est du monde fier. C'est du monde fier. Ils n'ont pas besoin de se faire dire par le gouvernement qu'il faut qu'ils soient fiers. Ils sont fiers. Ils sont fiers en maudit, à les voir travailler, en tout cas, puis avoir sauver du monde dans des conditions extrêmement difficiles. Bon, pour le bonheur, là, j'avoue que c'est un peu plus compliqué. C'est un peu plus compliqué d'être de bonne humeur, là, puis d'être toujours, là, superheureux, hop la vie quand, à chaque fois que tu rentres travailler, tu ne sais si dans une demi-heure, dans deux heures, dans quatre heures, ton boss va venir te voir pour dire : Finalement, il va falloir que tu restes, il va falloir que tu fasses 16 heures. C'est difficile d'être super de bonne humeur puis hop la vie quand ça fait 14, 15, 16 heures de suite que tu travailles. Ça fait que c'est beau le bonheur, là, mais on ne va pas tomber dans le jovialisme non plus, là. En ce moment, nos infirmières ne sont pas dans le bonheur, là, sont dans la survie. Elles essaient de survivre dans leur job puis de sauver du monde à travers ça dans des conditions épouvantables.

Le ministre, lui, fait un parallèle avec les cliniques de vaccination. Puis c'est vrai que ça a bien marché la vaccination. Bravo! Bravo collectif, en passant. Ça a bien marché, la vaccination, et on continue. On continue d'aller se faire vacciner, deux puis trois fois s'il le faut, puis on continue le temps qu'on n'aura pas vaincu cette affreuse pandémie. Très bien. Mais il y a quand même une différence entre les cliniques de vaccination dont il parle puis un département de soins intensifs. Il y a quand même une sacrée différence, là. Je comprends qu'il y a des gens qui sont revenus. J'en ai rencontré moi. Moi, j'ai rencontré, assez récemment dans Rosemont, un médecin. Il était en vélo, il m'accroche, il me reconnaît, il se met à me parler. Il venait de prendre sa retraite, deux ans plus tôt, il est revenu pour piquer. Il était supercontent. Il ne comprenait même pas, d'ailleurs, pourquoi on le payait, parce qu'il voulait faire ça, puis, en tout cas, à cause des ententes, il fallait le payer pareil. Tu sais, oui, il était superheureux, oui, mais on ne peut pas comparer une clinique de vaccination au Stade olympique ou à la clinique sur Christophe-Colomb, à Montréal, avec un département de soins intensifs qui manque de monde, qui manque de lits, qui manque de matériel, qu'il fait 38° aux étages de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont. «Come on», le bonheur, là! On n'est pas dans le bonheur, là. Alors, on ne peut quand même pas comparer une clinique de vaccination où des gens reviennent travailler volontairement à un milieu de travail que les gens fuient parce qu'on les oblige à faire du temps supplémentaire, puis on ne leur donne pas des conditions de travail saines et décentes. Alors, permettez-moi de critiquer. Bien sûr que je vais critiquer.

• (16 heures) •

La motion du Parti libéral, que j'appuierai, que nous appuierons, après une tentative d'amendement, néanmoins, se lit ainsi pour le premier paragraphe — je ne vous lirai pas tout :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte que depuis maintenant près de 3 ans, le Québec enregistre une importante dégradation de ses délais d'attente dans l'accès aux services de première ligne.»

Je voudrais quand même... Maintenant que j'ai dit que j'appuierai la motion de l'opposition officielle, je voudrais juste quand même rappeler que les problèmes du système de santé au Québec ne sont pas nés de génération spontanée dans les trois dernières années. Ça fait quand même des années que les gouvernements successifs s'emploient à maganer notre système de santé. Je ne referai pas toute l'histoire, je n'ai absolument pas le temps de faire ça, mais ne soyons pas naïfs, là, ne soyons pas dupes, il y a eu des réformes, et une en particulier qui porte le nom d'un député qui siège toujours ici, qui a fait mal puis qui fait encore mal, et puis on en entend encore parler. Alors, oui, je veux bien, je veux bien reconnaître certains manquements du côté du gouvernement, mais disons qu'ils n'ont pas le monopole des problèmes du réseau de la santé.

Cela dit, je l'ai dit, je le répète, la CAQ ne pourra pas toujours se sauver puis se camoufler derrière les problèmes causés par le précédent gouvernement ou par la pandémie. La CAQ a manqué à ses engagements, puis je vais vous donner juste trois exemples rapidement, parce que le temps file.

D'abord, la rémunération des médecins. C'est vrai que le gouvernement précédent les avait payés bien trop, surtout les spécialistes. Mais ce gouvernement, qui est maintenant au pouvoir, avait dit : On va aller rechercher 1 milliard. Ils sont allés chercher la moitié, même pas tout à fait. Puis, encore, selon certaines études, dont une qu'on a vue ce matin, ce n'est pas clair qu'ils sont allés chercher même pas la moitié de ce qu'ils avaient promis. Et le ministre de la Santé, à l'époque, était président du Conseil du trésor. Je me souviens, il s'était levé pour dire qu'on devrait être fiers de ça. Je présume qu'il ne voulait pas qu'on critique non plus, mais, quand tu vas chercher la moitié de ce que tu as promis, ce n'est pas une réussite, c'est une moitié de réussite au mieux, c'est peut-être même une moitié d'échec, quant à moi. Alors là, là-dessus, le gouvernement a ses responsabilités.

Ratio infirmière-patients, ça avait été promis par le gouvernement, ça n'a pas été fait, ça n'a pas été fait, pas du tout. Ça avait été promis par la précédente ministre.

Le temps supplémentaire obligatoire aussi, je l'ai dit tout à l'heure, ça avait été identifié, ça devait disparaître. Trois ans plus tard, toujours pas, puis on est même pogné avec ça plus que jamais.

Par ailleurs, le ministre est devenu assez habile avec les mots, avec les termes. Il ne veut plus entendre parler de bris de service. Bon, il ne veut plus entendre parler de critique, il ne veut plus entendre parler de bris de service, alors, bien, il a changé ça pour réorganisation. Parlez-moi pas de bris de service, dit-il, parlez-moi de réorganisation. Bien, allez en parler à une femme qui va accoucher, là, puis, avec sa famille, qui sont obligés de rouler 120 kilomètres pour se déplacer de sa propre région pour aller accoucher ailleurs. Allez la voir, là, quelques minutes après son accouchement, là, ayez le guts d'aller lui dire : Tu sais, hein, tu n'as pas subi un bris de service, tu es l'heureuse bénéficiaire d'une réorganisation. Je vous suggère de sortir assez vite de la chambre une fois que vous aurez dit ça, parce que ça pourrait assez mal tourner.

Après, le ministre nous dit : Je ne veux plus de mauvaise surprise. Ce n'est pas lui qui a des mauvaises surprises, c'est la population, parce que lui, il devrait savoir ce qui se passe dans son département puis dans son ministère. Puis, il y a deux semaines, il nous a fait l'immense surprise de nous dire qu'il était surpris de constater à quel point on est en pénurie de personnel. Là, il dit : Bien non, ce n'est pas de ma faute, c'est parce que les P.D.G. des CIUSSS et des CISSS me font des cachotteries, puis ils ne me disent pas tout; ça fait que je ne veux plus de surprise; puis je les ai appelés puis je leur ai dit : Je veux des solutions.

On leur parle aussi, hein, aux CIUSSS puis aux CISSS, puis ce qui sort de ça, c'est qu'ils n'ont pas de pouvoirs surnaturels, M. le Président. Ce n'est pas parce que la commande vient, là, «top-down», trouve-moi des solutions, je ne veux plus entendre parler des problèmes, que tout d'un coup tu trouves des infirmières au coin des rues puis que tu es capable de rouvrir tes salles opératoires. Bien non, ça ne marche pas comme ça. Ça fait qu'on ne parle plus de bris de service, on parle de réorganisation : Je ne veux plus de surprise, je veux que les P.D.G. fassent leur job. Alors, on va se réveiller, un matin, puis on va avoir encore les mêmes problèmes.

Même chose pour les listes d'attente en chirurgie. On le sait, là, le passage, en ce moment, vers le privé, on le sait, on le voit aller. Je le sais de première main... ou de première hanche, en fait, elles ne sont pas premières, elles sont vieilles, il faut que je me fasse changer les deux hanches, moi. Je les vois, les orthos, là, qui essaient de me pousser vers le privé, là, ils essaient de me pousser vers le privé. Ils se disent : Ce gars-là, il est en forme, il travaille, il a un peu d'argent. Bon, ce qu'il ne sait pas, c'est que j'ai quatre enfants, donc je n'ai pas d'argent. Mais ils doivent se dire : Bon, bien, on va le pousser vers le privé, il va se faire opérer, puis hop! ça va être réglé. Mais, non, je n'irai pas au privé. Puis je ne pense pas que les gens devraient aller au privé.

Alors, je vais terminer là-dessus, parce que malheureusement je n'ai plus de temps. J'étais bien parti, pourtant, j'aurais aimé ça avoir plus de temps, mais je vais m'arrêter là-dessus, sur une chose en particulier : la CAQ met le doigt sur le bobo, sur un des bobos, c'est-à-dire le temps supplémentaire et les agences, mais, pourtant, ils arrivent avec une moitié de remède, ou même un quart de remède, parce qu'on dit : On va essayer de changer la structure, puis le temps supplémentaire va se liquéfier dans l'air ambiant, ça va disparaître. Non, il faut en finir avec ça, il faut en finir. Il faut avoir le courage de dire : On n'a pas besoin de ça, c'est une nuisance, on met fin au temps supplémentaire obligatoire, on ramène les infirmières dans le giron. Je n'ai plus de temps, je m'arrête là-dessus.

J'aurai des amendements, en fait un, que je vais résumer en un, avec mes collègues de l'opposition officielle, comme ça je ne perdrai pas de temps ici, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député de Rosemont. Est-ce que je comprends que vous déposez un amendement? Oui? Donc, vous savez que l'auteure de la motion devra donner sa permission pour amender.

Donc, je cède maintenant la parole à... Qui veut prendre la parole? Mme la députée de Soulanges.

Mme Marilyne Picard

Mme Picard : Merci, M. le Président. Premièrement, je tiens à remercier ma collègue la députée de Maurice-Richard de nous donner l'occasion de débattre de la saine gestion du système de santé québécois, les défis auxquels nous faisons face, de nos réalisations. J'aimerais la remercier de me donner l'occasion de parler des moyens qui sont déployés présentement pour améliorer le système qui a été amoché par des réformes, des virages, des centralisations. Vous savez, quand j'ai décidé de m'impliquer en politique avec la Coalition avenir Québec, une de mes préoccupations principales était d'améliorer l'accès aux soins de santé, d'améliorer la qualité de vie des personnes parmi les plus vulnérables de notre société. Et aujourd'hui, trois ans plus tard, j'ai le privilège d'être au coeur de l'action en tant qu'adjointe parlementaire du ministre de la Santé et des Services sociaux. J'ai le privilège de prendre la parole à l'Assemblée nationale pour débattre du système de santé avec les formations politiques qui ont mis en place les réformes, les virages et les centralisations.

Comme je l'ai souvent dit, j'ai tout d'abord été utilisatrice du système de santé. Je ne suis pas neurochirurgienne, omnipraticienne, gériatre ou radiologiste, mais mon rôle de maman, de proche aidante et mon engagement auprès des parents et des enfants vivant avec un handicap m'ont permis d'avoir une compréhension différente des problématiques d'accès aux soins, une compréhension plus terre à terre, plus proche des gens, plus proche de leur souffrance, de leurs défis, mais plus proche de leur quotidien, de leur bonheur aussi, on pourrait dire plus proche des ratés du système et consciente du chemin qu'il reste à faire.

C'est aussi une position qui me permet de voir les solutions qui ont des impacts réels dans le quotidien des utilisateurs du système de santé et de leurs familles, de voir comment le travail dévoué des parlementaires peut faire une différence dans la vie de milliers de personnes, comme dans le cas de la Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes, la loi sur les infirmières praticiennes spécialisées ou la loi qui étend le champ d'action des pharmaciens.

Je comprends que le travail des députés de l'opposition, c'est de poser des bonnes questions, de trouver des failles dans les projets de loi. Cependant, je crois sincèrement que le portrait dressé dans le libellé de la motion d'aujourd'hui est incomplet. Il est incomplet parce qu'il occulte volontairement les réalisations et les progrès qui ont été faits en santé depuis 2018, et ce, malgré la persistance de la plus importante crise sanitaire depuis plus d'un siècle.

Et ces progrès, M. le Président, sont nombreux et considérables. Par exemple, notre gouvernement en est à son troisième budget aîné avec des investissements historiques en soins à domicile. Pour le budget 2021-2022, nous avons alloué des sommes de 1 870 000 000 en soutien à domicile pour les personnes aînées et personnes handicapées. Au total, l'ensemble du soutien à domicile, toutes clientèles confondues, atteint 2,4 milliards de dollars. Avec une injection de 530 millions de dollars annuels récurrents depuis 2019-2020, cela représente une augmentation de 67 % depuis 2018-2019. Nous avons aussi agi sur le front fiscal avec une bonification de 394 millions de dollars du crédit d'impôt remboursable pour le maintien à domicile des aînés.

Voilà le choix que nous avons fait, favoriser le maintien à domicile des personnes qui souhaitent recevoir des soins chez eux, dans le confort de leur foyer, avec le réconfort de leurs proches. Voilà ce qui distingue notre approche, une approche basée sur l'expérience des usagers, orientée sur leurs besoins, et non sur les économies d'échelle ou les rationalisations budgétaires. En bout de ligne, nous offrons plus de soins à domicile et nous avons amélioré le contexte dans lequel ces soins sont prodigués. De 360 000 usagers, en 2018-2019, nous sommes passés à 400 000 personnes recevant des soins à la maison. En heures travaillées, cela représente une augmentation de près de 20 %, passant de 19,5 millions d'heures à plus de 24,5 millions d'heures.

• (16 h 10) •

Mais, contrairement au gouvernement précédent, nous ne mettons pas tous les oeufs dans le même panier. Pour ces personnes qui sont en perte d'autonomie, qui font face à des problématiques plus complexes et dont les soins à domicile ne sont pas envisageables, nous avons mis en chantier des maisons des aînés. Celles-ci viendront s'ajouter aux services d'hébergement existants. Notre gouvernement a pris l'engagement ferme de livrer 2 600 nouvelles places d'ici l'automne 2022. Ce sont 2 600 personnes qui pourront bénéficier d'un milieu de vie qui répond aux exigences et aux besoins d'aujourd'hui en hébergement.

En ce qui concerne les difficultés rencontrées lors de la première vague, nous travaillons aussi à améliorer la gestion des établissements existants. Nous avons embauché plus de 280 gestionnaires, qui permettront un meilleur suivi de l'utilisation des ressources et qui sauront réintroduire les notions de responsabilité, de proximité et d'imputabilité, qui s'étaient perdues dans les centralisations abusives caractéristiques de l'ère libérale.

Nous avons recruté et formé plus de 8 000 préposés aux bénéficiaires. En pleine pandémie, cela relève d'un exploit, M. le Président. D'autres cohortes sont d'ailleurs en formation.

Nous sommes en démarche afin de conventionner les CHSLD privés et nous avons déposé la Politique d'hébergement et de soins et services de longue durée. Nous avons investi 20 millions de dollars en amélioration de l'offre alimentaire dans les CHSLD et nous travaillons présentement à la réfection et la reconstruction de 23 CHSLD vétustes, inspirée par la philosophie des maisons des aînés. Pour la première fois, nous avons inclus les comités de résidents en leur confiant un budget de 5 millions de dollars afin de compter les petits travaux, comme les jardins, les achats d'équipement ou l'amélioration des lieux communs.

Je pourrais aussi parler de soins de première ligne dans les hôpitaux. Ma collègue la députée de Maurice-Richard nous parle de délais aux urgences et d'accès aux soins hospitaliers. J'aimerais prendre l'occasion pour lui rappeler la réalité des gens de Soulanges. Les libéraux ont été au pouvoir de façon quasi ininterrompue de 2003 à 2018. Malgré un contexte de croissance démographique soutenue et du vieillissement d'une partie importante de la population attendu, ils ont tardé à construire un nouvel hôpital dans ma région. Le résultat? Aujourd'hui, les gens de Soulanges doivent se déplacer pour se faire soigner. Souvent, ils se présentent dans les hôpitaux les plus occupés du Québec, l'Hôpital du Suroît ou l'Hôpital général du Lakeshore. J'ai même parlé à certains citoyens de ma circonscription qui ont fait le choix de se rendre en Ontario pour se faire soigner. Pourquoi les gens de Soulanges et de Vaudreuil-Dorion ont-ils dû attendre un gouvernement de la CAQ pour pouvoir voir enfin ce projet d'hôpital se concrétiser?

À l'opposé des libéraux, notre gouvernement ne s'affaire pas à démanteler le système de santé, au contraire, nous l'agrandissons, nous le modernisons, M. le Président. Avec un investissement considérable de 1,7 milliard de dollars, c'est la première fois depuis une trentaine d'années que le CISSS de la Montérégie-Ouest verra le nombre de lits net augmenter sur son territoire. Le nombre de villes et de régions qui verront apparaître de nouveaux hôpitaux, des travaux d'agrandissement et de modernisation dans les prochaines années est impressionnant : Amos, La Malbaie, Montréal, Gatineau, Le Gardeur, Thetford Mines. Nous agissons aux quatre coins du Québec pour augmenter la capacité hospitalière et la qualité des soins.

Comme je l'ai dit plus tôt, nous ne mettons pas tous les oeufs dans le même panier, nous souhaitons aussi agir en amont des soins hospitaliers. La modification substantielle que nous avons apportée à la Loi sur la pharmacie en est un bel exemple.

Dans la même optique, cet été, nous avons annoncé le déploiement d'un projet qui permettra de diminuer le recours systématique à l'urgence en Montérégie. Ce projet est piloté par les services préhospitaliers d'urgence du CISSS de la Montérégie-Centre en collaboration avec le centre de communication santé et le CISSS de la Montérégie-Ouest. L'objectif est de réduire le nombre de transports ambulanciers jugés non urgents et ainsi optimiser les ressources ambulancières et hospitalières afin qu'elles répondent plus efficacement aux urgences vitales. Les citoyens de Soulanges savent que la desserte ambulancière est un défi dans la région. Depuis juin, la stratégie se déploie sur tout le territoire de la Montérégie-Ouest, va graduellement s'étendre à l'ensemble de la Montérégie au cours de l'automne. Avec cette approche novatrice, les usagers en situation de détresse vitale pourront recevoir une prise en charge ambulancière et hospitalière plus rapide. En bout de ligne, tous les usagers bénéficieront de services mieux adaptés à leurs besoins. Ce projet reflète l'esprit d'innovation des gens de la Montérégie et la volonté de notre gouvernement d'améliorer l'accès aux soins de première ligne partout au Québec. C'est en optimisant les services déjà disponibles en dehors des urgences que nous favoriserons un meilleur accès aux soins de santé.

Nous travaillons fort afin de déployer des mécanismes efficaces et adaptés à la réalité de chacune des régions du Québec. Il s'agit d'un bel exemple de collaboration interprofessionnelle entre les techniciens ambulanciers, paramédics et les infirmières. M. le Président, je crois sincèrement que le travail effectué par notre gouvernement est considérable. Certes, il reste du chemin à faire. Un gouvernement responsable sait qu'on peut toujours faire mieux, surtout lorsqu'il est question de la santé des gens.

Encore une fois, je remercie ma collègue la députée de Maurice-Richard de nous donner l'occasion de débattre de la question. C'est en travaillant tous ensemble, sans partisanerie, que nous pourrons améliorer l'accessibilité aux soins de santé pour tous les citoyens et citoyennes du Québec. Le gouvernement de la Coalition avenir Québec en fait un des piliers de son engagement politique. J'ai pleinement confiance que les Québécois et les Québécoises sauront reconnaître et apprécier la collaboration de tous les parlementaires afin de bâtir une nation prospère et en santé. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, Mme la députée de Soulanges. Je cède maintenant la parole au chef de la troisième opposition et député des Îles-de-la-Madeleine. Vous disposez de 8 min 6 s.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, un gros huit minutes pour discuter de cette motion-fleuve de l'opposition officielle, c'est bien peu. Mais je vais essayer de faire bon usage du temps qui m'est imparti pour faire un plaidoyer en faveur de la motion mais surtout en faveur de l'action, l'action résolue du gouvernement.

Même si on a pu entendre le ministre, tout à l'heure, présenter, là, un certain nombre de voeux pieux, ce qu'il est un petit peu lassant d'entendre dans le discours du ministre, je vais le dire d'emblée, là, c'est qu'il y a essentiellement deux raisons pour lesquelles on vient de se réveiller avec surprise pour voir que le système de santé, le réseau était en lambeaux, deux raisons : il y un gouvernement qui l'a précédé qui a fait une réforme, et, deuxièmement, il y a une pandémie, évidemment, qui nous frappe depuis un an et demi. Je pense que ces explications-là peuvent être valables jusqu'à un certain point mais ne peuvent excuser le fait qu'à l'heure actuelle, l'heure, évidemment, est grave, le navire coule.

Et, depuis trois ans, effectivement, on n'a jamais senti la volonté résolue du gouvernement de s'attaquer aux problèmes de la santé, qui étaient déjà présents au moment de l'élection de la CAQ en 2018. On a maints et maints exemples du fait qu'on était, semble-t-il, bien contents de la réforme qui avait été réalisée, au point, même, où une promesse électorale de la CAQ, dès les premiers mois, a été rompue, lorsqu'il avait été question de créer un CISSS tout à fait sur mesure pour la région du Centre-du-Québec. On a reculé là-dessus, on n'a jamais voulu aller... La réforme faisait tout à fait notre affaire.

On a aussi mis de côté la question des ratios sécuritaires. Des projets pilotes étaient en cours. Lorsqu'il est venu le temps de mettre, évidemment, ces projets pilotes là en oeuvre pour les appliquer, on a mis ça de côté, et encore aujourd'hui on se demande si le gouvernement les mettra en vigueur. C'est l'une des demandes de la FIQ notamment, après avoir négocié les conventions collectives.

La convention collective, le ministre en a parlé à de nombreuses reprises, comme quoi il fallait, après l'avoir négociée longuement, la mettre en oeuvre, et ça prendrait du temps. Mais ça a pris énormément de temps aussi pour convenir d'une convention collective, plus d'un an après la fin, justement, de la précédente convention, du précédent contrat de travail. Alors que la pandémie frappait, on peut se demander pourquoi le gouvernement n'a pas justement accéléré la cadence.

On a évidemment travaillé à mettre en place des mesures pour former les préposés aux bénéficiaires, mais, parallèlement, il ne fallait pas négliger non plus les anges gardiens, dont on félicitait le travail sans nécessairement, plutôt, s'attaquer à leurs conditions de travail, qui étaient décriées à tous les jours dans les médias. Et les seules choses... en fait, la seule façon pour le gouvernement d'empêcher la critique à l'intérieur du ministère, à l'intérieur des rangs des infirmières, notamment, mais de bien d'autres catégories de personnel de la santé, c'était d'imposer l'omerta, qu'on a décriée depuis deux ans et qui est toujours en vigueur.

• (16 h 20) •

Et c'est la raison pour laquelle, moi, j'ai beaucoup de difficultés, malgré les bonnes intentions qui sont manifestées aujourd'hui par le ministre, à croire qu'on a enfin compris et qu'on va agir. On agit, évidemment, tellement tard, après avoir, un peu comme la cigale, chanté tout l'été, qu'on se demande si véritablement les choses vont changer.

Et c'est précisément le sentiment qu'on sent actuellement dans le réseau. Ce bris de confiance, on peut dire qu'il remonte à des années, mais, dans les trois dernières années, et particulièrement depuis le début de la pandémie, jamais le gouvernement n'a manifesté de sensibilité particulière envers les conditions de travail des infirmières, jusqu'à ce qu'il voie que le réseau soit en train véritablement d'imploser, il y a de cela quelques jours. Et preuve en est que le ministre lui-même, après nous avoir raconté tout l'été que les choses allaient s'améliorer de par elles-mêmes avec l'automne qui arriverait, révèle, il y a une dizaine de jours, sa surprise de voir qu'il manquait 4 000 infirmières dans le réseau, une information que tous connaissaient déjà, évidemment, à plus forte raison les infirmières du réseau elles-mêmes qui croulaient sous le travail, quand ce n'était pas, évidemment, celles qui avaient déjà quitté le navire.

Alors, cette épiphanie-là, pardonnez-nous, mais il est difficile pour nous d'y croire aujourd'hui, surtout lorsqu'on nous présente ce qui est décrit comme une petite révolution, alors que tout ce qu'on a à mettre sur la table, de concret, je dis bien de concret, ce sont des primes, des primes pour faire revenir celles qui ont quitté, pas parce que les conditions salariales, les conditions financières étaient inadéquates, parce que les conditions de travail étaient inadéquates. On n'a actuellement que des promesses, que des engagements à agir éventuellement. On parle du temps supplémentaire obligatoire comme une pratique qui dure depuis des années et des années. Aujourd'hui, on semble réaliser que c'est absolument inacceptable. Mais, plutôt que de fixer une date, un échéancier où on va dire : Le temps supplémentaire sera maintenant interdit dans le système de santé à partir de telle date, mais, non, on dit : On va le réduire au mieux possible.

Même chose pour les agences. On semble dire qu'on va réduire cette dépendance envers les agences privées sans pourtant non plus mettre une date sur la fin de ce recours aux agences qui gangrènent le système, qui cannibalisent les ressources, qui vont les chercher à coup de 1 milliard de dollars par année. On vient de décider d'injecter 1 milliard de dollars dans le système de santé, alors qu'on injecte déjà 1 milliard de dollars dans le système de santé privé qui vient miner le système de santé public. Alors, qu'est-ce que le système de santé privé... que les agences vont faire s'ils voient un jour les infirmières quitter tranquillement vers le privé? On a des doutes à l'effet que ces primes-là vont fonctionner. Mais, si on commence à perdre des ressources, du côté du privé, qu'est-ce qu'on va faire? On va améliorer encore les conditions de travail, les conditions financières puis on va refiler la facture au gouvernement? Le gouvernement qui est complètement dépendant des agences privées, il va faire quoi? Il va payer davantage, va passer de 1 milliard à 1,2 milliard, 1,5 milliard? Cette façon de faire là, où on tolère qu'un système vienne comme un ver dans la pomme miner nos efforts, il faut y mettre fin. Tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas décidé de façon résolue d'arrêter d'être dépendant du système des agences de placement privées, on n'en sortira pas. C'est le serpent qui se mord la queue.

Maintenant, on parle aussi de modifier les conditions de travail et d'organisation sur le terrain, mais on peut se permettre de douter, évidemment, de l'effet d'une promesse comme celle-là lorsqu'on n'a absolument rien de concret à se mettre sous la dent pour prouver effectivement que, cette fois-ci, c'est la bonne, que, cette fois-ci, on va changer.

Je ne voudrais pas finir mon intervention sans parler du fait que le gouvernement agit à la pièce, il a une action qui est ciblée sur un élément en particulier. Le gouvernement ne peut pas marcher et mâcher de la gomme en même temps, et ça, c'est dramatique pour le système de santé. On n'en a eu que pour les préposés aux bénéficiaires pendant le printemps 2020. Les infirmières pouvaient se plaindre et pouvaient quitter le réseau à pleine porte, le gouvernement n'y voyait que du feu. Cet automne, on s'est réveillé, on a dit : Les infirmières quittent, il faut agir. On met 1 milliard de dollars pour les infirmières. Pendant ce temps-là, tout le personnel professionnel et technique est aux abois, il est négligé, il demande, lui aussi, d'être considéré. On les ignore. C'est ça, la prochaine crise dans le système de santé, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Prochaine intervention, Mme la députée de Roberval.

Mme Nancy Guillemette

Mme Guillemette : Merci, M. le Président. Chers collègues, merci d'être ici cet après-midi. Une salutation particulière à ma collègue la députée de Maurice-Richard. Merci de nous permettre de discuter d'un sujet si important pour nous tous ici aujourd'hui.

Qui aurait prévu, il y a un an et demi, qu'on devrait passer à travers quatre vagues de COVID-19, au Québec? On en était à notre première vague, on disait : Peut-être une deuxième. On est maintenant dans une quatrième vague. Cette fameuse pandémie a mis notre système de santé à mal, à rude épreuve, autant sur le système lui-même que sur le personnel. Le bilan de la première vague a été difficile. Il a fallu qu'on cible les problèmes les plus pressants et qu'on s'y attarde très rapidement.

Vous me permettrez, M. le Président, à ce moment-ci, de prendre quelques minutes pour remercier tout le personnel soignant et tout le personnel du réseau, qui a été si important et qui, dans les conditions qu'on connaît, a fait un travail extraordinaire pour soigner, soutenir et, bien entendu, réconforter les patients.

Vous savez ce qu'on disait à ce moment-là? C'est que les failles de système qui venaient finalement de nous rattraper, l'état du réseau de la santé, la lourdeur du ministère, la désuétude des moyens de communication, les fameux fax — oui, les fax, M. le Président — un bateau, un radeau, un paquebot pas très agile, pas très souple, très dur à virer, mais on a quand même réussi à faire en sorte que cette grosse machine là puisse prendre en charge et puisse rapidement prendre la vague pour... et réagir de façon efficace et rapide. Donc, notre ministre a établi les priorités dans son plan d'action pour la deuxième vague, et on a constaté par la suite que les mesures qui avaient été prises, bien, ils nous ont permis d'aider tout le Québec à passer au travers de la première vague et de la deuxième... de la deuxième vague et de la troisième vague.

La pandémie sévit chez nous et partout ailleurs dans le monde, là. Notre système de santé est encore sous pression. On se doit d'être très, très prudent encore. La pandémie nous aura prouvé, une fois de plus, la capacité du gouvernement à rebondir dans l'adversité, à refuser le statu quo et à repousser ses limites. On a pu réaliser au cours des derniers mois qu'on est capables d'atteindre les objectifs qu'on se donne, aussi importants qu'ils soient. Notre premier ministre a affirmé que sa plus grande réalisation, sa plus grande fierté, ça a été l'opération de formation accélérée des PAB, des préposés aux bénéficiaires. Ici, chez nous, la formation accélérée et l'embauche massive des préposées aux bénéficiaires, ça a littéralement sauvé les CHSLD durant la deuxième vague, Mme la Présidente. Cette opération a été faite dans un temps record. On peut être fier de la solidarité des Québécois au plus fort de la pandémie.

On travaille fort pour améliorer les conditions de vie des gens du réseau, des gens qui oeuvrent en première ligne. Cette valorisation, elle n'est pas que pécuniaire, malgré tout ce qu'on entend ici cet après-midi, c'est pour faire en sorte de leur offrir une meilleure qualité de vie et d'enlever le temps supplémentaire obligatoire et tout ce qui vient avec. Mais, pour ça, ça nous prend plus de personnel, plus de monde, plus de personnel soignant pour être en mesure de leur offrir ces conditions de travail là. Le recrutement massif des préposés a limité aussi le transfert du personnel soignant, un vecteur important de contagion durant la première vague.

Un autre exemple de succès de notre système de santé, ça a été notre campagne de vaccination. Et, au-delà de ce qui se passe dans le Québec, je peux constater ce qui a été vécu chez nous. Ce que j'ai vu dans mon comté, j'en suis très fière. J'ai vu des gens qui voulaient bien faire, des gens qui voulaient que la campagne de vaccination soit une réussite, soit un wow, et ils ont réussi. On a vu plein de belles idées se déployer pour inciter les gens à se faire vacciner : les vaccin-o-bus, les brigades de vaccination mobiles. Et merci au responsable, chez nous, de la vaccination, au CIUSSS Saguenay—Lac-Saint-Jean, M. Marc Thibault, et toute son équipe. Un merci spécial, également, à tous nos retraités, qui ont répondu en un si grand nombre à la plateforme Je contribue et qui sont venus prêter main-forte aux équipes pendant la vaccination. Nous sommes la région avec le plus haut taux de vaccination au Québec, et ça me rend très fière, Mme la Présidente.

• (16 h 30) •

Les chiffres que la collègue a partagés dans son libellé, ce n'est pas le bilan d'un seul gouvernement. Derrière le système de santé, on peut voir les gouvernements qui ont passé avant nous. Il y a eu des bonnes mesures, des moins bonnes mesures. Par contre, on ne me fera pas croire qu'au gouvernement... que c'est avec l'arrivée de notre gouvernement que la dégringolade s'est précipitée. Je crois plutôt que le partage de ces chiffres, Mme la Présidente, c'est la manière qu'a ma collègue de nous inciter à travailler ensemble pour régler ces problèmes, qui ont pris de l'ampleur depuis plusieurs années, plusieurs décennies, et qui ont été exacerbés pendant la pandémie.

La santé, c'est véritablement quelque chose qui doit être transpartisan. Nous sommes tous ensemble dans le même bateau et nous avons tous la même volonté d'offrir à nos citoyens et nos citoyennes, notre population, des services de qualité. Le changement positif, on y croit, on y contribue et on se serre les coudes ensemble pour y arriver, mais pour ça, on a besoin de tout le monde, de tous les partenaires. Autant ici que dans tout le réseau, on a besoin de se serrer les coudes présentement.

Donc, on parle beaucoup de santé au Québec parce qu'on investit beaucoup en santé. Vous savez, 43 % de notre budget est consacré à ce portefeuille, presque la moitié de nos dépenses. Nous avons les moyens, autant financiers qu'humains, pour réussir à améliorer notre système de santé. C'est notre devoir de travailler ensemble pour aller dans cette direction-là, pour une meilleure qualité de vie pour les patients et une meilleure qualité de vie également pour le personnel de soins et le personnel du réseau. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Roberval. Et maintenant je vais céder la parole à M. le député de Pontiac. Et votre formation politique dispose d'un temps de parole de 11 min 15 s.

M. André Fortin

M. Fortin : Merci, Mme la Présidente. Avant de vous parler de ce qui se passe dans ma région, dans notre région, Mme la Présidente, je vais prendre quelques instants puis revenir sur ce que le ministre de la Santé a avancé dans son allocution.

C'est comme si le ministre de la Santé nous avait dit : Oui, je travaille là-dessus, là, mais 15 ans de gouvernement libéral... Puis tout de suite après, là, en fait, dans le même discours, il nous dit : Aïe! on a les meilleurs hôpitaux au Québec. Aïe! on est vraiment, là... on a le top des hôpitaux, l'Enfant-Jésus, là, un des meilleurs hôpitaux au Québec. Tu sais, ils n'ont pas fait ça en trois ans, là, désolé. Ça vient de ce qui s'est passé avant. Ça fait des années, et des années, et des années qu'il y a du monde qui travaille là-dessus pour qu'on ait des bons hôpitaux au Québec.

Il nous dit : Oui, oui, oui, je travaille là-dessus, mais la pandémie... Moi, j'ai le souvenir, Mme la Présidente, du premier ministre du Québec qui faisait la tournée des régions pendant la pandémie puis qui disait à tout le monde qui voulaient l'entendre, dans toutes les régions, là : On va tenir toutes nos promesses électorales malgré la pandémie. Aujourd'hui, c'est comme si la pandémie pouvait être utilisée par n'importe quel ministre, à n'importe quelle sauce, pour dire : Ah! bien, savez-vous, je ne réalise pas mes engagements. Ce n'est pas ce qu'on avait entendu du premier ministre. Le premier ministre s'est déplacé dans toutes les régions du Québec pour dire : Pandémie, pas pandémie, on va régler les enjeux, on va remplir nos promesses.

Aujourd'hui, là, question en logement? Pandémie. Question en habitation? Pandémie. Question en transport? Pandémie. Question en santé? Pandémie. Ce n'est pas ça qu'on avait entendu, Mme la Présidente. Oui, ça cause des enjeux. Oui, ça rend les choses plus difficiles. Mais le premier ministre du Québec s'était engagé formellement auprès des Québécois à remplir l'ensemble de ses engagements, pandémie pas pandémie.

Le ministre de la Santé nous dit : Moi, j'ai réussi la vaccination, donc je vais être capable d'appliquer la même formule à tout le reste du réseau de la santé. C'est gros, là. Le député de Rosemont a fait la démonstration que ça ne marche peut-être pas exactement pareil. Mais il dit : J'ai réussi la vaccination. Mais il a fait deux choses. Il n'a pas juste implanté la vaccination, il n'a pas juste mis la vaccination de l'avant, il a mis le dépistage de l'avant aussi. Puis le dépistage, je ne peux pas vous dire que ça fonctionne aussi bien que la vaccination, Mme la Présidente. Pour être allé moi-même dernièrement, là, ça, c'est son initiative, c'est lui qui l'a mis en place, c'était nécessaire, c'est long attendre, dans certaines régions, pour avoir un test de dépistage.

Moi, je suis allé, expérience personnelle, là, 15 h 30, un dimanche, ça ferme à 18 heures. 15 h 30, tout le monde attend. Il y a des enfants qui sont là, évidemment, le retour à l'école. Les enfants qui sont là, les parents avec leurs enfants, tout le monde attend, puis, à un moment donné, ah, on n'a plus de place aujourd'hui. Vous reviendrez demain, puis allez en ligne, prenez un rendez-vous. Allez en ligne, Mme la Présidente. Le lundi, il n'y a pas de rendez-vous avant 17 heures. 24 heures plus tard.

Ça, c'est des gens qui n'envoient pas leurs enfants à l'école, des gens qui ne vont pas travailler. Pas parce qu'ils n'ont pas leur résultat, parce qu'ils ne sont pas capables d'avoir un test de dépistage. Ça, c'est la réalité dans votre comté à vous, Mme la Présidente. Donc, quand le ministre nous dit : Moi, je peux prendre la même formule que j'ai appliquée à la vaccination, le mettre à l'ensemble du réseau, il peut-u au minimum l'appliquer à la deuxième affaire qu'il a mise en place lui-même?

Depuis quelque temps, Mme la Présidente, il y a des fermetures à répétition un peu partout au Québec, des fermetures de services. Et je vais utiliser les termes, disons, qui ont été utilisés par les deux derniers députés qui se sont exprimés, qui ont fait référence à un navire, vous savez. Puis du député des Îles-de-la-Madeleine, je m'attends à ça, un paquebot, une barque. Puis à chaque fois qu'il y avait un enjeu, à Ville-Marie, hein, l'obstétrique a fermé à Ville-Marie pendant un temps, fissure dans la barque, bien, on dirait que le gouvernement colmatait la brèche, là, comme il pouvait, hein? Ah! on va trouver quelques infirmières de Montréal, on va les envoyer là. On va prendre un petit morceau de notre gomme, là, on va la mettre dans la brèche, puis ça va régler tout ça. Le navire, il n'y aura pas d'eau qui va rentrer, bien correct.

Il y a un autre enjeu à Amqui? Ah! tiens, découverture médicale à Amqui, on ne pourra pas faire de l'obstétrique. On va envoyer... La présidente de la fédération des médecins qui va se déplacer. On va prendre l'autre morceau de gomme qu'on a dans la bouche, on va colmater l'autre brèche. Mais ça, ça marche pendant un temps. À un moment donné, on n'a plus de gomme, Mme la Présidente. À un moment donné, on n'a plus assez de ressources pour colmater toutes les brèches.

Puis dans mon comté, ce que ça veut dire, c'est que ça fait 600 jours, 600 jours que l'obstétrique, elle est fermée. Ce n'est jamais arrivé avant, ça, Mme la Présidente. Puis là, en Outaouais, il y a un endroit pour accoucher, un dans tout l'Outaouais. Ce n'est pas petit, l'Outaouais. Moi, j'habite dans mon comté, me rendre à l'autre bout de mon comté, c'est deux heures et demie de route. Il y a un endroit où accoucher. Et qu'est-ce que ça veut dire, ça? Que les femmes vont accoucher en Ontario. Déjà, il y a en avait beaucoup, des femmes de l'Outaouais qui accouchaient en Ontario, mais dans mon comté, là, c'est presque tout le monde qui va en Ontario maintenant.

 Le gouvernement nous avait dit, main sur le coeur... Je me souviens encore du jour où le premier ministre s'est pointé en Outaouais pour faire ses grandes promesses électorales, en août 2018. Il était dans un parc à Gatineau, il y avait les trois députés actuels de la CAQ et les deux autres candidats, une infirmière qui s'est présentée dans le comté de Hull, et la candidate qui s'est présentée dans Pontiac qui, aujourd'hui, ne se gêne pas trop pour dire ce qu'elle pense du gouvernement de la CAQ. On pourra vous ressortir les citations, il y en a une puis une autre, M. le député. Mais le jour où ils se sont pointés, ils nous ont dit : Nous, on veut rapatrier les soins en Outaouais. Nous, on veut ramener les soins...

Les gens qui se font soigner en Ontario, là, on en veut moins, on veut ramener les gens en Outaouais pour qu'ils puissent se faire soigner chez nous. C'est le contraire qui est en train de se passer, c'est l'inverse. On envoie des gens, davantage de gens en Ontario, puis des fois, c'est bien correct. Des fois, là, il n'y a pas de problème avec ça, des fois c'est plus simple, les gens veulent avoir accès à des services là-bas, mais pour des choses de base, comme l'accouchement, quand on veut avoir accès à des services de qualité dans notre région, avec des gens qui nous soignent qu'on connaît, parce que c'était ça, la réalité à l'hôpital du Pontiac, des gens qui nous soignent qu'on connaît, mais ça fait 600 jours que c'est fermé.

Puis le ministre, il peut bien appeler ça une réorganisation au lieu d'un bris de service. C'est vrai que 600 jours, ça commence à être long pour un bris de service. Mais, quand il appelle ça une réorganisation, il est en train de dire à tous les gens du Pontiac qu'il fait le choix de fermer ce service-là. Il le réorganise, il fait le choix que ce service-là ne soit plus disponible aux gens du Pontiac. Mais ce qu'il dit, Mme la Présidente, aussi, c'est : Bien, ce n'est pas la fin du monde, parce qu'essentiellement les gens le savent que c'est fermé, hein? Une fermeture annoncée d'avance, bien, les gens le savent, c'est mieux qu'une fermeture annoncée à quelques heures d'avance. Mais pour la mère qui est en train d'accoucher, qu'elle l'ait appris quatre heures avant, six heures avant, deux semaines avant, deux mois avant, un an et demi avant, elle est quand même obligée d'aller en Ontario. Elle est quand même obligée de faire une heure de route. Elle ne trouve pas ça drôle, que ce soit prévu ou pas prévu, là. Ça veut dire qu'il n'y a plus le service dans son comté, dans son village.

C'est la même chose à l'urgence à Gatineau, Mme la Présidente. En juin, le gouvernement a fermé l'urgence à Gatineau. Au début, c'était fermé, là, tout le temps pour tout le monde. Après ça, c'était fermé, sauf pour les femmes enceintes puis les enfants. Après ça, c'était fermé, mais juste certaines heures de la journée. Là, c'est fermé de façon permanente 14 heures par jour. Il est quelle heure, là, Mme la Présidente? Pointez-vous pas à l'urgence de Gatineau, ça ferme dans 1 h 30 min. Tournez-vous vers Hull. Tournez-vous vers l'Ontario, encore une fois, comme beaucoup de résidents de nos circonscriptions choisissent de faire en ce moment. C'est ça qui se passe.

Puis là on dirait que, parce que cet enjeu-là n'est plus juste en Outaouais, parce qu'il y a d'autres régions du Québec qui sont en train de vivre la même réalité que le gouvernement a laissé se produire dans notre région, là... Quand c'était juste l'hôpital de Shawville, quand c'était juste l'urgence de Gatineau, pas grave. Mais, maintenant que c'est un peu partout, ah, là, ça nous prend une révolution dans le système. Là, ça nous prend quelque chose de complètement différent. Beau message pour les gens de l'Outaouais qui vivent ça depuis un certain temps.

• (16 h 40) •

Vous savez ce que les infirmières de la région chez nous ont dit en fin de semaine à propos de la révolution du ministre de la Santé? Elles ont dit, et c'était le titre dans Le Droit en fin de semaine : Je ne reviendrai pas pour 15 000 $. Je ne reviendrai pas pour 18 000 $. Parce que, quand même, vous le savez, Mme la Présidente, les conditions de travail sont très différentes en Ontario qu'elles le sont au Québec. Les conditions de travail, là, qu'on demande dans la motion de ma collègue de Maurice-Richard, pas de temps supplémentaire obligatoire, l'implantation de ratios infirmière-patients sécuritaires, ça, c'est des choses qui sont déjà en place dans d'autres juridictions. Les infirmières qui quittent l'Outaouais et qui s'en vont en Ontario, elles nous disent : Je suis vraiment contente, je ne fais plus de temps supplémentaire obligatoire. Donc, au-delà du salaire, qui est déjà plus grand en Ontario qu'au Québec, elles nous disent très clairement, là : Moi, ce qui fait la différence dans ma vie, ce n'est pas le 18 000 $ du gouvernement, c'est le temps supplémentaire obligatoire que je ne ferai plus, que je ne fais plus.

À travers tout ça, Mme la Présidente, il y a une chose qui vient m'interpeler dans chacun des discours du gouvernement, c'est quand le ministre de la Santé nous dit : On peut-u juste se mettre ensemble? On peut-u juste travailler ensemble? Il dit : On n'a plus le droit à la critique, là. Plus personne n'a le droit à la critique, ça n'existe plus, ça, il faut travailler ensemble. Il se permet de critiquer les anciens gouvernements en le disant, mais ce n'est pas grave, tout le monde se met ensemble.

Je ne sais pas si le ministre a lu la motion de la députée de Maurice-Richard. Je ne sais pas s'il a entendu les questions de l'opposition libérale depuis un certain temps. On lui demande de mettre sur pied une cellule de gestion de crise. On lui demande de se mettre ensemble avec les syndicats, avec la gouvernance du réseau, avec les travailleurs. On peut y être, nous aussi, s'il veut bien, là. Il veut qu'on en fasse partie? Pas de problème. Mais il nous dit : On a déjà une cellule de crise, mais il l'a fait indépendamment. Il nous a montré une photo de sa cellule de crise sur ses réseaux sociaux, il n'y a pas longtemps, c'était tout le monde du gouvernement. Après ça, il nous dit : On veut travailler ensemble.

Franchement, Mme la Présidente, il veut une approche constructive, voilà l'approche constructive : Mettez en place une cellule de crise avec... où vous ne vous parlez pas juste entre vous, où il y a du monde qui connaissent le réseau qui peuvent prendre part. Ça, ce serait constructif. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Et maintenant je cède la parole à M. le député de Beauce-Sud. Et vous disposez d'un temps de parole de 5 min 55 s.

M. Samuel Poulin

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est un plaisir pour moi d'intervenir aujourd'hui sur cette motion, parce qu'on ne parlera jamais trop des enjeux de santé, ici, à l'Assemblée nationale.

D'ailleurs, je pense que ce n'est pas la première fois qu'on parle des enjeux de santé, à l'Assemblée nationale. De gouvernement en gouvernement, il y a des sujets récurrents qui sont revenus, que ce soit le temps d'attente, que ce soit la couverture, que ce soit le virage ambulatoire, que ce soit la réforme du député de La Pinière. On aura la chance d'y revenir, mais chaque cycle, chaque législature même a eu ses enjeux entourant la santé. Maintenant, il y a une chose que nous, nous avons et qu'aucun autre gouvernement n'a eue, c'est bel et bien une pandémie. Alors, je peux bien comprendre que la pandémie, selon certains, a le dos large, mais il faut bien se placer dans nos bottines, dans des yeux de gestionnaire pour comprendre ce que c'est la gestion du plus grand défi qu'un gouvernement a eu à vivre dans son histoire.

Avant de vous parler de tout ça, Mme la Présidente, j'aimerais vous parler du ton, parce que vous, vous êtes une gardienne du ton ici, à l'Assemblée nationale, et vous le faites vraiment d'une façon magistrale, je tiens à vous le mentionner, mais le ton est aussi très important dans notre réseau de la santé. Et je me souviens de l'assermentation de la précédente ministre de la Santé, la députée de Sanguinet, lorsqu'elle est entrée en fonction, combien les gens du réseau de la santé nous ont dit : Ça fait donc bien du bien d'avoir quelqu'un en charge du ministère de la Santé qui respecte les médecins, qui respecte les infirmières, qui respecte les préposés, qui a un ton agréable sous la collaboration. Et je vous le dis, ça a été instantané. Dès que la députée de Sanguinet se rendait dans les hôpitaux, c'était une «rock star», parce qu'ils disaient : Enfin, on a quelqu'un qui nous comprend et qui vit réellement nos préoccupations.

Lorsqu'il y a eu un remaniement, Mme la Présidente, et c'est l'actuel ministre de la Santé qui a été nommé, bien, c'est la même chose, parce que notre collègue a un ton sur la base du respect, du respect des infirmières, du respect de nos préposés, des gens qui oeuvrent dans les CHSLD. Et ça, Mme la Présidente, c'est la clé, pour les gens qui travaillent dans le réseau, de se sentir respectés. Et ça n'a pas toujours été le cas, dans le passé, à la fois au niveau des conditions de travail, à la fois au niveau des horaires, mais surtout au niveau du ton et de la considération. Et, vous savez, l'annonce de jeudi dernier de notre gouvernement, Mme la Présidente, oui, il y a de l'argent, oui, il y a des programmes, oui, il y a des enjeux, mais il y a aussi un ton, le ton que l'on vous considère, les infirmières, dans la réussite de notre réseau de la santé. Et ce qu'ils nous disent... Parce qu'évidemment je pense qu'on a une responsabilité, comme parlementaires, et je n'entends pas beaucoup mes collègues lancer un appel au retour des infirmières. On fait de la politique, on dit comment c'est difficile, comment c'est dur, mais on a une responsabilité, parce que ça pourrait être vous à l'urgence, ça pourrait être un de vos proches à l'urgence, et on veut des infirmières, on veut des gens pour soigner notre population.

Alors, je comprends qu'on utilise toutes les minutes qui nous sont imparties, Mme la Présidente, pour faire de la politique, mais il faut aussi travailler ensemble et s'élever au-dessus de la mêlée. Puis j'espère que tous les parlementaires ici vont travailler pour que le programme historique qu'on a lancé la semaine dernière soit connu, soit bien communiqué auprès des potentielles infirmières et fasse en sorte qu'on puisse recruter. Parce qu'on a un message positif aussi à lancer aux gens : On a besoin d'eux dans le réseau de la santé. Puis ça, il n'y a pas de politique, Mme la Présidente, là. Les infirmières, quand ils arrivent, là, ils ne disent pas : Ah! je vous choisis ou je ne vous choisis pas. Au contraire, ils soignent tout le monde au Québec. Et puisqu'ils soignent tout le monde, puisqu'on est les députés de tout le monde, on se doit de faire la promotion de ce programme-là, Mme la Présidente, qui, oui, est une révolution. Puis il est une révolution parce que l'histoire nous dicte qu'il n'y a jamais eu un gouvernement qui en a fait autant pour investir dans le recrutement à la fois de nos préposés, qui a été un succès incroyable, et à la fois au niveau de nos infirmières.

Et, quand j'entends dire : Ah! bien là, les préposés, vous en aviez promis 10 000, actuellement ils sont à peu près 8 000, évidemment, il y a d'autres formations qui se poursuivent, mais c'était zéro il y a quelques mois. On est partis de zéro à 8 000, Mme la Présidente. On devrait entendre les oppositions être contentes, nous féliciter parce que ça soigne le monde dans leurs comtés, mais, non, on critique les programmes. Quand on va recruter des infirmières... puis on le connaît l'objectif, Mme la Présidente. 4 300 infirmières, c'est notre objectif, et on souhaite l'atteindre, mais disons que demain matin on en a 2 000, on est toujours bien partis de zéro à 2 000. On a-tu les raisons d'être fiers de ça? Oui, puis tous les parlementaires ici ont raison d'être fiers de ce programme-là même si c'est 2 000 infirmières.

Puis attendez, là, je ne recule pas sur notre objectif, entendez-moi bien. On en veut 4 300 en Outaouais, en Beauce, dans toutes les régions du Québec. Mais 2 000, là, c'est mieux que zéro, Mme la Présidente. Puis ça, là, j'aimerais comparer les bilans des précédents gouvernements comparés à nos actions qu'on vient de mettre en place. Alors, cette responsabilité-là, de recruter, d'être positifs face au réseau de la santé, c'est aussi une question de ton et une question de confiance que l'on doit envers le réseau.

J'ai visité, la semaine dernière, Mme la Présidente, et je termine là-dessus parce que j'en aurais long à vous dire sur le réseau de la santé, et des tweets, et bien des choses, là, qui entourent le réseau de la santé, mais la semaine dernière j'ai visité le CHSLD Richard-Busque, chez nous, en Beauce. J'ai rencontré des préposés passionnés, nouvellement diplômés. J'ai rencontré des infirmières qui se sentent enfin considérées et qui ont hâte, dans l'espace public, qu'on puisse dire que c'est le fun et que c'est agréable, être infirmière. J'ai rencontré des médecins qui nous disent : Vous venez nous donner l'aide dont on a tant besoin. Puis j'ai rencontré aussi des patients qui demeurent là, qui disent : Moi, j'en ai encore pour quelques années, et je sens que votre gouvernement est à l'écoute et agit. Et c'est ce qu'on va voir au cours des prochains jours et des prochaines semaines. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Beauce-Sud. Il est maintenant temps de permettre à l'auteur de cette motion de faire sa réplique. Et il faudra aussi que vous nous disiez si vous acceptez ou non l'amendement déposé par M. le député de Rosemont. Alors, à votre tour de faire votre réplique de 10 minutes.

Mme Marie Montpetit (réplique)

Mme Montpetit : Merci, Mme la Présidente. Simplement pour ne pas oublier, d'entrée de jeu, par rapport à l'amendement qui a été déposé par mon collègue de la deuxième opposition, malheureusement on ne pourra pas le recevoir. Mais je le félicite quand même pour l'excellente allocution qu'il a faite.

Je ne suis pas très surprise des échanges qu'on vient d'avoir, mais ça me fascine... je ne sais pas si «fascine» est le bon mot, mais de voir à quel point il y a une déconnexion entre le discours de la partie gouvernementale et ce qui se passe sur le terrain. Puis ils peuvent parler de ton, ils peuvent parler... les collègues en ont bien fait référence, je pense qu'il ne faut pas mélanger critique et attaque.

• (16 h 50) •

Quand on nous parle de collaboration, premièrement, moi, je ne recevrai pas de leçons, ici, de collaboration. Mon collègue l'a bien mentionné, on a proposé il y a deux semaines déjà au ministre de la Santé de mettre sur pied une cellule de crise, parce que la situation nous inquiète, et de toute évidence le gouvernement n'a pas le contrôle de cette situation-là, on le voit encore aujourd'hui, il y a des fermetures qui sont annoncées. Et on a tendu cette main-là en disant : Nous avons une expertise, nous pouvons collaborer. Il faut réunir les syndicats, il faut réunir les différents ordres. Et cette main tendue là, elle a été refusée par le premier ministre du Québec et elle a été refusée par le ministre de la Santé. Donc, c'est bien beau dire que le gouvernement souhaite de la collaboration, mais je vais retourner à ce que le ministre disait, il faut que les bottines suivent les babines.

Nous, on est prêts à collaborer, et c'est ce qu'on fait tous les jours ici quand on souligne des propositions, des recommandations qui devraient être mises en place. On en a fait, des propositions pour améliorer le réseau de la santé. On vous a parlé de la question des ratios. C'est des projets que nous-mêmes, on avait mis en place, que le gouvernement a décidé de ne pas poursuivre, avec les conséquences que ça a.

Et, quand je parle de déconnexion, puis mon collègue aussi y a fait référence, j'entendais le député de Beauce-Sud... — nord, sud? — Beauce-Sud, c'est ça, exactement, Beauce-Sud, qui nous ramène sur le fait qu'il y a une pandémie, mais je l'inviterais à refaire sa revue de presse et à revoir, effectivement, les nombreux discours qui ont été faits par le premier ministre du Québec, effectivement, qui a répété à plusieurs reprises à qui voulait bien l'entendre, durant l'été 2020, à travers tout le Québec, que ce n'est pas la pandémie qui allait l'empêcher de réaliser tous ses engagements. Donc, ses engagements en santé, là, il reste un an pour les réaliser. Je les ai nommés : 36 heures pour avoir accès à un médecin de famille, 90 minutes d'attente à l'urgence. On est à des années-lumière de ça.

Donc, on ne peut parler des deux côtés de la bouche puis avoir deux discours, d'un côté, dire : La pandémie ne nous empêchera pas de réaliser nos engagements, puis d'un autre côté, à chaque fois qu'on soulève un enjeu, se faire répondre par la partie gouvernementale : Bien, vous n'avez pas vu, il y a eu une pandémie depuis deux ans. Donc, c'est deux discours qui sont absolument irréconciliables. Donc, il va falloir qu'ils en choisissent un. Soit c'est : Nous allons réaliser les engagements qu'on a pris durant la dernière campagne électorale, soit c'est : On se cache derrière une pandémie à chaque fois que ça fait notre affaire. Tu sais, je veux dire, on ne peut pas dire les deux choses.

Et, quand je parle de déconnexion, j'entendais, encore là, le ministre qui nous disait qu'il est allé voir une infirmière — et j'espère qu'il en a rencontré plus qu'une sur le terrain, puis je l'invite peut-être à y retourner le plus souvent possible — ça me fascine, encore là, de voir à quel point la réponse gouvernementale, elle est à des années-lumière de la réalité. J'ai passé l'été à rencontrer des infirmières, que ce soit en Estrie, que ce soit en Mauricie, comme la plupart de mes collègues ici, de l'opposition. Ce qu'elles nous disent, c'est dramatique. Je veux dire, encore en Estrie, il y a quelques semaines, des infirmières me disaient mot pour mot, puis je ne veux pas avoir l'air alarmiste ou catastrophiste, c'est les mots qu'elles m'ont prononcés, c'est : Pour sauver notre peau, à l'heure actuelle, il faut quitter le réseau de la santé. C'est ça, la réalité. Et on devrait... Au lieu d'être dans ce genre d'échange là, de dire : L'opposition, elle n'est pas constructive, je suis bien désolée, ce qu'on vous rapporte, c'est ce que les infirmières disent sur le terrain tous les jours. Puis je dis «les infirmières», mais les travailleurs de la santé, de façon générale, soulèvent... Tu sais, je veux dire, faites votre revue de presse, allez leur parler. Ce sont elles, ce sont eux qui disent ça et qui lancent des cris du coeur au gouvernement en disant : Il faut absolument qu'il y ait des gestes concrets, des engagements concrets qui soient faits pour réorganiser la façon dont on travaille à l'heure actuelle.

Et je me serais attendue, en cette Chambre... J'entendais les députés qui sont intervenus, puis je le dis très respectueusement, mais j'entendais, entre autres, la députée de Roberval, qui est venue nous parler de vaccination, alors que dans sa propre circonscription elle a neuf infirmières qui ont démissionné, six préposés aux bénéficiaires qui ont démissionné, les soins intensifs de l'hôpital qui sont fermés. Je me serais attendue à ce que ça fasse partie d'une allocution, d'un échange sur la question qui nous occupe ici comme motion, parce que c'est très préoccupant. Puis je suis certaine qu'elle suit le dossier de façon étroite, mais, dans la situation dont on parle, à Roberval, les gestionnaires l'ont dit sur place, ils ont dit mot pour mot : La crise était prévisible, ça fait des mois qu'on anticipe cette situation.

Donc, quand le ministre nous dit, il y a deux semaines : «My God», on ne le l'avait pas vu venir, on pensait que les fermetures étaient seulement reliées aux vacances d'été des infirmières, puis qu'on a des gestionnaires sur le terrain qui disent : Non, non, non, ça fait des mois qu'on voit cette crise arriver... On savait qu'à Roberval ça allait arriver, et là on se retrouve avec des infirmières, justement, qui sont épuisées et qui démissionnent en bloc. Avec la réalité que ça apporte à la région, je me serais attendue à ce que ce soit le genre d'élément qui fasse l'objet de nos échanges, et non la vaccination, parce qu'on parle d'accès aux services.

La députée de Soulanges, même chose, qui nous a parlé de vaccination. Puis on est contents que la campagne de vaccination ait bien été, on est tous heureux de ça, mais ce n'est absolument pas l'objet des échanges ici. La députée de Soulanges, qui nous fait des grands laïus aussi sur la vaccination alors que l'accès aux médecins de famille, l'accès aux services d'urgence, dans sa région, je le mentionnais tout à l'heure, avec la situation à l'hôpital de Lakeshore, à l'hôpital de... voyons, excusez-moi, de Valleyfield, du Suroît, est extrêmement précaire aussi, je ne l'ai pas entendue manifester aucune préoccupation par rapport à ça. Puis, à un moment donné, il ne faut pas vivre dans un monde de licornes, là. Je veux dire, on la sait, la réalité, on fait tous la même revue de presse tous les matins. On parle tous aux mêmes infirmières, on parle tous aux gens sur le terrain. On voit ce qui se passe en ce moment. Il y a des ruptures de services, il y a des fermetures.

Et, encore une fois, le ministre avait l'occasion, aujourd'hui, de venir donner l'heure juste aux Québécois. Il aime ça nous dire qu'il est transparent, mais je ne l'ai pas entendu répondre à la question principale, qui est : Qu'est-ce qui va se passer dans les prochaines semaines? Parce qu'il a dit deux choses, dans les dernières semaines, il a dit... encore là, on ne peut pas dire tout et son contraire, il a dit : Je garantis qu'il n'y aura plus de bris de service, mais il a aussi dit : Je demande aux Québécois d'être prêts parce qu'il va falloir faire des choix sur les services que nous allons fermer. Donc, s'il anticipe fermer de nouveaux services, bien, il va falloir qu'il soit honnête, qu'il soit transparent, qu'il annonce de façon claire dans quelles régions il va fermer les services, quels services il va fermer aussi et pendant combien de temps il va les fermer.

Et je ne l'ai pas entendu non plus répondre, parce qu'on est dans une question d'accès, et, notre motion, ce qu'elle fait, c'est qu'elle déplore le fait que l'accès aux services de base, donc médecins de famille, les chirurgies, l'urgence... que l'accès aux services a reculé, au cours des dernières années, a reculé, depuis l'arrivée en poste du gouvernement de la CAQ. J'ai entendu le ministre sur plein de choses mais pas là-dessus. Je ne l'ai pas entendu nous dire de quelle façon il entendait, de façon précise et structurée, arriver, justement, à corriger ces questions-là d'accès, de quelle façon... Il nous a parlé de ces données, très bien, parfait. C'est certainement une bonne chose. Mais ça ne m'explique pas de quelle façon l'accès aux médecins de famille va arrêter de reculer, comment il va s'organiser, justement, pour que le temps d'attente aux urgences arrête d'augmenter, comment il va s'assurer, justement, que les 140 000 patients qui sont en attente d'une chirurgie soient opérés, dans quel délai aussi.

Et c'est toutes des réponses auxquelles il n'a pas... ce sont toutes des questions auxquelles il n'a pas répondu, et c'est à ça que les Québécois veulent des réponses. Et je trouve ça très malheureux qu'échange après échange, après échange, le ministre soit dans l'incapacité de nous présenter avec clarté ce qui va arriver au cours des prochains mois — il reste 12 mois au mandat de la CAQ — de nous dire précisément c'est quoi, la direction qui va être prise, de quelle façon ils vont régler les enjeux en santé et de quelle façon, justement, on va arrêter de reculer pour l'accès des Québécois. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Maurice-Richard.

Mise aux voix

Alors, je vais maintenant mettre aux voix la motion de Mme la députée de Maurice-Richard, qui se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte que depuis maintenant près de 3 ans, le Québec enregistre une importante dégradation de ses délais d'attente dans l'accès aux services de première ligne;

«Qu'elle déplore que les ruptures de services qui se multiplient sont des facteurs de stress pour les patients en attente de suivis médicaux ainsi que pour l'ensemble de la population;

«Qu'elle constate que les délais d'attente aux urgences augmentent, et ce, malgré une diminution de 1 million de visites ambulatoires;

«Qu'elle déplore qu'actuellement au Québec, 146 000 patients sont en attente de services de chirurgies;

«Qu'elle constate que le nombre de personnes en attente d'un médecin de famille au Québec a augmenté de près de 60 % au cours des deux dernières années pour se chiffrer à plus de 830 000 personnes en juillet dernier;

«Qu'elle rappelle que le gouvernement caquiste avait pris l'engagement ferme d'offrir un médecin de famille à tous les Québécois avec un délai d'accès en moins de 36 heures, de réduire l'attente à 90 minutes en moyenne avant de voir un médecin à l'urgence, de poursuivre les 17 projets pilotes sur les ratios patients-infirmière et d'augmenter le taux d'utilisation des blocs opératoires;

«Qu'elle constate que l'accès aux soins de santé au Québec a reculé depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement caquiste;

«Qu'elle exige que le gouvernement mette sur pied une cellule de gestion de crise pour mettre fin aux ruptures de services dans le réseau; et

«Qu'enfin, elle demande au gouvernement caquiste de s'engager à apporter rapidement les correctifs nécessaires réclamés par les différents acteurs du réseau de la santé, notamment la fin du temps supplémentaire obligatoire pour les infirmières ainsi que l'implantation de ratios infirmières-patients sécuritaires.»

En application de l'ordre spécial, j'invite maintenant les leaders parlementaires à m'indiquer le vote de leurs groupes sur cette motion, en commençant par M. le leader de l'opposition officielle.

• (17 heures) •

M. Fortin : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Schneeberger : Contre.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Rosemont?

M. Marissal : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : M. le chef du troisième groupe d'opposition?

M. Arseneau : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie. En conséquence, la motion est rejetée.

Maintenant, pour connaître la suite de nos travaux, je cède la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Schneeberger : Oui, Mme la Présidente. Je vous demanderais de rappeler l'article 10 du feuilleton.

Projet de loi n° 59

Reprise du débat sur l'adoption

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, c'est très bien. À l'article 10 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné plus tôt aujourd'hui sur l'adoption du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail.

Et, lors de l'ajournement de ce débat, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, c'est vous qui aviez la parole, et vous aviez utilisé 8 min 6 s de votre temps de parole. La parole est à vous.

M. Alexandre Leduc (suite)

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Alors, on en était, ce midi, à faire la liste, trop courte, à mon avis, bien sûr, mais la liste quand même des bonnes nouvelles du projet de loi, parce qu'il y en avait. J'avais mentionné l'enjeu de la disposition de prévention de la violence conjugale en milieu de travail, j'avais parlé de l'enjeu du télétravail, qui était reconnu maintenant nommément dans le projet de loi, et j'en étais rendu à parler des travailleuses domestiques.

Alors, c'était une grande attente que, dans le cadre du projet de loi sur la réforme de la santé et sécurité au travail du Québec, on fasse ce qui n'était pas le cas depuis des années, c'est-à-dire qu'on assujettisse, qu'on couvre l'ensemble des travailleuses domestiques. Les attentes ont quand même été déçues. Je l'ai quand même mis dans les bonnes nouvelles, parce qu'il fallait que ça se fasse.

Il y avait des grandes faiblesses dans cet assujettissement-là. On a réussi à en corriger quelques-unes, notamment la question du seuil, le nombre d'heures faites à partir duquel on était assujetti, notamment le droit du retour au travail, qui était interdit, selon ce que le ministre voulait originalement, on a réussi à le réintroduire, et finalement l'obligation pour un employeur de tenir un registre des accidents, ce qui est l'obligation de tous les employeurs en vertu de la loi, mais on voulait exempter les employeurs de travailleuses domestiques de ce faire, ce qui était un peu absurde, à mon avis. Alors, ça aussi, on a réussi à le faire bouger. Mais, au final, je le mets quand même dans les bonnes nouvelles parce que c'était attendu depuis longtemps. Donc, c'est loin d'être satisfaisant, mais, au moins, il y a un petit pas qui est fait.

Une autre bonne nouvelle du projet de loi, c'est, en fait, la couverture de tout le monde, de manière générale, en matière de prévention. Vous savez, Mme la Présidente, il y a deux grandes lois en santé et sécurité, la loi sur la prévention, qu'on appelle la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la LSST, et la loi en réparation. Une fois que vous vous êtes bien cassé la gueule, c'est celle-là qui vous intéresse, c'est la LATMP, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Or, la loi sur les réparations, la LATMP, couvre déjà tout le monde ou à peu près, là, à quelques exceptions près. La loi, par contre, sur la prévention couvrait à peine 15 % des salariés. Et ça, c'était un enjeu historique. D'ailleurs, c'était la motivation de base derrière les appels répétés depuis des années à une réforme de la santé et sécurité au travail du Québec.

Moi, Mme la Présidente, vous le savez, je suis un ancien syndicaliste, j'ai fait mon parcours dans le milieu syndical à différents niveaux, puis, dans tous les congrès auxquels j'assistais, en particulier ceux de la FTQ, qui était la centrale à laquelle j'appartenais à l'époque, tous les congrès avaient une motion pour demander qu'on élargisse l'application de la LSST à l'ensemble des salariés du Québec. Parce que quand on a adopté la LSST, dans les années 70, on a décidé de découper le milieu du travail en six grands secteurs puis on a dit : On va commencer par appliquer la loi aux deux premiers secteurs, qui étaient dits des secteurs prioritaires, des secteurs de grosses jobs de gars. Ce n'était pas dit comme ça, bien sûr, mais c'est ce que c'était. Et on s'était dit : Progressivement, à chaque cinq ans, mettons, on va couvrir un nouveau secteur jusqu'à couvrir l'ensemble des salariés du Québec.

Or, depuis 40 ans, on est restés exactement au point de départ. Cette idée de progresser, qui aurait pu se faire par n'importe quel gouvernement précédent, par un décret, par une évolution, donc, de cette couverture-là, est restée lettre morte par des pressions patronales, bien sûr, mais reste que c'était ça qu'on attendait. On va couvrir tout le monde. Tous les mécanismes de prévention s'appliqueront à tous les salariés. C'était d'ailleurs la nature d'une motion que j'avais déposée ici il y a presque deux ans de cela, qui avait été adoptée par l'Assemblée nationale ici, par le salon bleu, qui disait qu'il fallait donc qu'un projet de loi soit déposé bientôt, on savait que la réforme s'en venait et que l'impact principal de ce projet de loi soit la couverture de tout le monde. Alors, ça, je le classe dans les bonnes nouvelles parce qu'en effet pas mal tout le monde maintenant va être assujetti à la LSST.

Plus loin, dans les mauvaises nouvelles, je dirai en quoi la couverture sera probablement insuffisante, parce qu'évidemment on n'a pas repris textuellement tous les mécanismes qui étaient déjà prévus pour les secteurs prioritaires, on ne les a pas élargis tels quels à tout le monde. On les a modulés beaucoup à la baisse. Mais, bon, au final, pour être de bonne foi, je l'ai mis dans les bonnes nouvelles. La couverture de tout le monde en prévention, c'est fait maintenant. Est-ce que c'est suffisant? Non, certainement pas, mais tout le monde est couvert. C'est une bonne nouvelle en soi.

L'autre bonne nouvelle, c'était la question des stagiaires. Vous savez, il y a tout un débat dans la société québécoise, qui a eu des échos ici, à savoir qu'il est complètement injuste qu'à travers les années on ait exclu les stagiaires de plein de lois. Beaucoup de ces lois concernent les droits du travail, donc les normes du travail, la santé et sécurité au travail, alors qu'il reste à couvrir la question de la Loi des normes du travail. D'ailleurs je soupçonne, et j'ai taquiné à quelques reprises le ministre du Travail durant l'étude détaillée, je le soupçonne donc qu'un projet de loi s'en vient pour couvrir les stagiaires en matière de loi des normes du travail. J'ai même fait adopter une motion il y a quelques semaines, il y a deux semaines, d'ailleurs, là, à ce sujet, pour qu'une loi soit déposée ici d'ici la reprise des travaux de l'hiver, donc d'ici février. Donc, logiquement, si on veut qu'elle soit déposée, il faut que ce soit en décembre, logiquement, maximum. J'espère qu'elle sera déposée plus tôt, mais tout ça pour vous dire que ça, c'est plus le volet normes du travail. Mais, dans le cadre de ce projet de loi n° 59, où on touchait les deux lois, LSST et LATMP, il y avait à couvrir là un certain angle de l'enjeu des stagiaires, et ça a été fait. Maintenant, les stagiaires sont nommément précisés autant dans le volet prévention que dans le volet réparation. C'était une évidence. En fait, ça aurait été un scandale que ce ne soit pas le cas. Mais, bon, ça l'a été. On le salue, on le souligne. On a évidemment voté pour ces dispositions.

Et une autre bonne nouvelle, qui n'était pas dans la mouture originale du projet de loi, qui est rajoutée plus tard, c'était la question de deux maladies en particulier qui ne figuraient pas à la liste des maladies professionnelles. Bon, qu'est-ce que ça fait, ça, la liste des maladies professionnelles, Mme la Présidente? C'est fondamental, parce que ça renverse le fardeau de preuve. Si vous avez un accident ou une maladie professionnelle, plus précisément, dans ce cas-là, une maladie professionnelle, et que vous allez vouloir vous la faire reconnaître, vous voulez avoir réclamé une indemnité à la commission, vous allez devoir prouver que la maladie que vous avez a été contractée au travail et en raison du travail. C'est assez difficile de faire ça parce que le fardeau de preuve est sur vos épaules.

Or, il y a des maladies qui sont tellement communes et qui ont fait le fruit de beaucoup de recherches scientifiques qu'on décide de rajouter à une liste de maladies professionnelles, qui fait en sorte que, si vous vous qualifiez pour cette maladie-là, on renverse le fardeau de la preuve. C'est donc à votre patron de prouver que ce n'est pas au travail ou en raison du travail que vous avez contracté cette maladie. Très intéressant pour un salarié, parce que c'est pas mal plus aisé, plus logique d'aller se présenter au tribunal et d'espérer obtenir gain de cause.

Toute une batterie de travaux avait été faite sur la question des pesticides au Québec en cette Chambre, avec des rapports qui avaient été déposés, qui avaient fait couler beaucoup d'encre, avec raison. Une des recommandations fortes de ce rapport était de reconnaître la maladie de Parkinson dans la liste des maladies professionnelles. Ce n'était pas dans la mouture originale du projet de loi. Malheureusement, le ministre, je pense, se rangeait à des arguments qu'il n'y avait peut-être pas assez de science ou, en tout cas, alors que les études étaient abondantes, alors qu'il y avait une recommandation même de cette Chambre de le faire, et il a fallu travailler. Je pense que toutes les oppositions, on a travaillé, on a demandé ça. Je dois par contre saluer l'insistance de mon collègue de Nelligan, qui en a fait un engagement personnel, qui a mis beaucoup, beaucoup d'énergie là-dessus et qui a certainement contribué, donc, à ce que le ministre change son fusil d'épaule. Il y avait beaucoup d'associations... L'UPA était bien contente. La société québécoise de la maladie de Parkinson, avec qui on discutait beaucoup, était bien contente, elle aussi. Alors, ça, ça a été une bonne nouvelle, pas dans la mouture originale, mais qui est venue en cours de route, et on l'a appréciée à sa juste valeur.

• (17 h 10) •

Et la même chose est arrivée pour la maladie de Lyme. Ça, c'était aussi une maladie qu'on aurait voulu voir se retrouver dans la liste, elle n'y était pas. C'est le collègue de Bonaventure qui a fait un peu plus cette bataille-là en particulier. Je le salue. Et puis, voilà, ça aussi, c'était une bonne nouvelle, pas dans la mouture originale, mais on l'a rajoutée.

Alors, quelques bonnes nouvelles qui étaient dans le projet de loi, qu'on était contents de voir et qui pouvaient avoir l'air... en fait, pas... qui étaient des bonnes nouvelles et qui peuvent donner un portrait sympathique à ce projet de loi là dans sa première lecture. Je me rappellerai d'ailleurs, ici quand j'ai entendu les notes explicatives, il y avait beaucoup d'emphase qui était mise sur ces éléments, et c'est plus tard, quand on a lu les petits caractères du projet de loi, qu'on a commencé à être un peu plus inquiets. Mais, bon, au final, il y avait des bonnes nouvelles. Je me suis fait un devoir de les souligner et de commencer par ça, parce que, bien que je vais évidemment voter contre, comme je l'ai annoncé, bien que je vais faire beaucoup de critiques sur d'autres aspects du projet de loi, ce n'est jamais complètement tout noir ou tout blanc, et je voulais prendre le temps de le saluer.

Il y a aussi des grands absents dans ce projet de loi là. C'est des thèmes qui n'étaient pas couverts par le projet de loi, qu'on a tenté de soulever de différentes manières, par des amendements, par des questions, par des débats, par des interventions dans les médias, et qui auraient dû, à mon avis, se retrouver dans le projet de loi, mais qui n'y étaient pas. Alors, c'est ce que j'ai appelé la section des grands absents.

La première, c'est la question des maladies psychologiques. L'épuisement professionnel, pour le nommer, le burn-out, en bon français, est une maladie endémique, la maladie du siècle, qu'on appelle parfois, qui touche plein de personnes, qui touche beaucoup d'employés de l'État dans le secteur de la santé, de l'éducation et qui ne figure pas à la liste des maladies professionnelles. Alors, je vous rappelais tantôt, hein, l'importance du fardeau de preuve qui peut être renversé, donc l'importance qu'une maladie comme ça puisse se retrouver sur une liste de maladies professionnelles. Alors, on a mené bataille pour que ce soit le cas. Ça a été évidemment complètement refusé. Est-ce que c'est en raison d'une crainte de voir les coûts exploser à la CNESST? Peut-être que ce serait en effet le cas, parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont dans une situation d'épuisement professionnel au Québec. La plupart du temps, ils se ramassent avec l'assurance salaire quand c'est le cas, mettons, d'employés de la fonction publique, de salariés de l'éducation ou de la santé. Ça provoque d'ailleurs aussi, le fait qu'ils soient sur l'assurance salaire, un phénomène de sous-déclaration qui peut être invoqué pour dire : Bien, ce n'est pas un si grand problème que ça en matière de santé et sécurité. Mais c'est sûr que, si on ne dépose pas une requête parce qu'on est presque certain de la perdre parce que ce n'est pas sur la liste des maladies professionnelles, vous comprenez, là, tout est dans tout, là, bien, on se retrouve avec un problème. Il y a un phénomène qui est endémique, qui est un véritable enjeu de société, je pense, en particulier pour l'État employeur. Et on ne l'a pas traité de front. On a rajouté des références dans la loi, là, sur le fait de pouvoir faire de la prévention sur la santé psychique. Mais évidemment que la santé psychique, c'est important, mais ce n'est pas la même chose que la santé psychologique. Alors, pas de maladie psychologique dans la liste des maladies professionnelles de la LATMP, malheureusement.

Toujours sur la question de la liste, un des grands absents du débat, c'est la mise à jour de cette liste avec celle de l'Organisation internationale du travail, l'OIT. C'est une organisation officielle qui regroupe les États, les employeurs et les syndicats, donc une organisation tripartite qui cherche à dégager des grands consensus de société et internationaux et qui met à jour, sur son site Web, une liste impressionnante de maladies professionnelles reconnues à l'international. Et vous vous imaginez qu'avec à peu près aucun changement depuis sa création, dans les années 70, le retard qu'on avait pris avec notre propre liste et celle de l'OIT.

Alors, moi, j'aurais voulu qu'on ait un mécanisme de renouvellement, à la limite automatique, de cette liste des maladies professionnelles en lien avec celle de l'OIT parce que, quand une maladie se retrouve sur la liste de l'OIT, ce n'est pas par hasard, c'est parce qu'elle a fait le fruit d'une énorme recherche scientifique et d'un énorme consensus politique tripartite et international. Alors, c'est des balises assez sécuritaires, à mon avis, pour nous permettre de faire confiance à cette liste-là. Ça n'a pas été... Ce n'était pas dans le projet de loi, bien sûr. On aurait voulu que ça le soit. Ça ne l'a pas été malheureusement.

L'autre enjeu qui a attiré mon attention, et ça a été évoqué dans les discours, c'est la question de l'analyse différenciée selon les sexes, la fameuse ADS+. Vous savez, c'est cette méthode de recherche et d'analyse qu'on a développée à travers le temps et qui vise à faire en sorte de produire une lecture d'un programme, d'une loi, d'un ministère, même d'une organisation, à la limite, en vertu de l'égalité des sexes, des genres. Est-ce que l'ADS+ aurait dû être appliquée sur le projet de loi n° 59? Oui. Ça nous aurait évité beaucoup de problèmes, en particulier de pénibles débats sur les niveaux de risque, faible, moyen, élevé. Vous vous en rappelez peut-être, il y avait eu des débats ici, en cette Chambre, au début, quand le projet de loi a été déposé. Pourquoi est-ce qu'à la santé et l'éducation, quel hasard, où l'État est employeur, est considéré comme un niveau de risque faible où on offre des grenailles en matière de libération pour faire du travail de prévention.

Si on avait fait une ADS+, on se serait rendu compte que le modèle qui nous était présenté, avec les différents secteurs qu'on nous proposait au gouvernement, bien, tous les niveaux faibles étaient à prédominance féminine et pas mal tous les niveaux élevés étaient à prédominance masculine. Quel hasard! Si on avait fait une ADS+, on aurait évité cette, j'oserais dire, cette humiliation, parce que le gouvernement a dû reculer dans l'humiliation et complètement, complètement, jeter aux poubelles tout ce travail-là qui avait été préparé pour arriver avec un système 100 % différent.

Alors, on s'est dit : Bon, ça n'a pas été fait à la base, c'est une chose. Maintenant assurons-nous que la batterie de règlements que la CNESST devra adopter dans les prochaines années fasse l'objet, eux aussi, d'ADS+. Assurons-nous que le rapport de suivi à l'issue des cinq ans d'application de la loi qu'on a été arracher au ministre... assurons-nous que ce rapport soit fait en fonction de l'ADS+. Fin de non-recevoir. On a rajouté des éléments qu'il fallait tenir compte de la différence entre les hommes et les femmes, bref, un principe qui allait de soi, à mon avis, mais un refus obstiné de considérer l'ADS+ comme méthode d'outil, comme méthode d'évaluation, ce qui est bien regrettable, d'autant plus qu'on avait démontré qu'une ADS+ aurait évité bien des problèmes à ce projet de loi.

Un autre élément qui était absent du projet de loi, c'est les droits de visite. C'est peut-être un peu plus technique, plus une culture. Moi, j'ai voulu en faire un argument, un amendement, qui a été battu, vous le devinez. Mais, moi, il y a quelque chose d'absurde que les inspecteurs de la CNESST prennent des rendez-vous pour venir faire une inspection. Évidemment que, si vous appelez, vous prenez un rendez-vous, vous venez faire une inspection, peut-être qu'on va se mettre un petit peu plus propre, puis qu'on fera un petit peu le ménage, puis on va s'assurer que tout est beau avant que l'inspecteur arrive.

Pas que je suis contre dans l'absolu de faire un appel. Il peut arriver qu'un appel de courtoisie soit pertinent, un appel pour vérifier que telle machine soit bel et bien en fonction ou que tel... Il y a plein de raisons qui pourraient justifier qu'on prenne un rendez-vous, qu'on fasse un appel. Le problème, c'est que, de ce qu'on entend du terrain, c'est devenu pratique courante de faire ce genre d'appel de courtoisie pour prendre rendez-vous avant une visite. Moi, je pense, ça devrait être l'exception plutôt que la règle. Donc, c'est un changement de culture à laquelle on conviait la CNESST et le ministre. Là aussi, on n'a pas eu de réponse. En fait, on n'a pas eu de réponse positive. Ça a été refusé.

Autre enjeu. Il me reste deux enjeux dans les grands absents du projet de loi. Le premier, c'est l'équipe volante. Dans le domaine de la construction, il y a eu tout un débat sur la hauteur... le nombre de millions que doit avoir un chantier de construction pour se qualifier avec certains mécanismes de prévention, donc être couvert par la loi et, en deçà de ça, de ce chiffre, donc, on était à l'extérieur de la loi en quelque sorte. Mais les petits chantiers sont légion au Québec. Et les petits chantiers, évidemment, font l'objet d'un petit peu moins de vérification syndicale. Pour des raisons évidentes de nombre, ils vont concentrer leurs efforts, les ressources syndicales, sur les gros chantiers, ce qui fait en sorte qu'il y a quand même des accidents graves sur les petits chantiers, qu'il n'y a pas beaucoup de prévention, qu'il n'y a pas beaucoup de travail qui est fait. Alors, pour éviter qu'ils soient encore laissés sur la ligne de côté, on a proposé qu'il y ait une équipe volante qui ait la tâche d'aller se promener spécifiquement sur les différents petits chantiers. Fin de non-recevoir encore une fois.

Finalement, un des derniers grands absents de ce projet de loi, c'est que le représentant en santé et sécurité puisse effectuer lui aussi un droit de refus. Qu'est-ce qu'un droit de refus? C'est un article fondamental de la LSST. C'est assez... c'était assez avant-gardiste à l'époque, quand on l'a adopté. Ce l'est encore en bonne partie aujourd'hui. Si on vous demande de faire une tâche dangereuse et que vous considérez qu'elle est trop dangereuse et que vous n'avez pas soit la formation, soit l'équipement nécessaire, la condition physique pour le faire, vous avez le droit d'exercer un droit de refus. C'est-à-dire : Je refuse de faire cette tâche parce que je la considère dangereuse et que je ne suis pas bien protégé ou autres raisons. Et ça vous permet d'éviter une sanction disciplinaire, par exemple. Ça vous protège, et là il y a un inspecteur de la commission qui va venir vérifier si, en effet, la tâche est dangereuse ou pas, proposer des correctifs. Bref, ça met sur pause, dans les faits, le travail et ça force une espèce de temps de recul, un moment de recul et un temps de réflexion pour vérifier que la tâche est vraiment sécuritaire.

Donc, ce droit de refus là, dans la loi, il est important, il est fondamental, mais il ne peut être exercé que par le salarié. Je ne sais pas si vous imaginez à quel point ce n'est pas évident d'appliquer un droit. Et là-dessus on a, moi et le ministre, on a eu 150 fois la même discussion. C'est bien beau d'avoir un droit sur papier, c'en est une autre de voir s'il est effectif. Moi, c'est un concept qui m'intéresse beaucoup, c'est le concept de l'effectivité du droit. Est-ce que le droit fonctionne? Est-ce que le droit est appliqué? Qui est responsable de l'application? Est-ce qu'il amène des résultats? Et, dans le domaine du droit de refus, de tout mettre sur les épaules uniques du salarié cette tâche d'effectuer un droit de refus, c'est énorme. Imaginez ce que ça représente dans sa relation avec son employeur en particulier dans un contexte non syndiqué. Alors, d'imaginer que c'est la solution miracle et que tout le monde va pouvoir librement et facilement exercer son droit et être un justiciable dans le système, c'est naïf, à la limite.

• (17 h 20) •

Moi, ce que je proposais c'est de donner au représentant santé et sécurité un rôle qui est bien défini dans la loi, qui est une personne qui est choisie parmi les pairs pour faire ce travail de prévention là, de donner au représentant en santé et sécurité le pouvoir, lui aussi, d'exercer un droit de refus au nom d'un salarié. Alors, ce serait une tierce personne qui viendrait dire : Oh! un instant. Cette tâche qu'on vous demande, qu'un patron vous demande de faire, je la considère trop dangereuse, j'exerce le droit de refus. Ça libérerait le salarié de ce poids, de ce fardeau de devoir appliquer ce droit-là et de devoir se lever debout et de faire face potentiellement à des représailles, si ce n'est pas direct, en tout cas, c'est indirect. Proposition innovante, ça aurait été assez nouveau. Ce n'était évidemment pas dans le projet de loi, mais ça aurait été du droit nouveau. Malheureusement, ça a été refusé, comme à peu près tout le droit nouveau qu'on a proposé. On y reviendra certainement, parce que cette réforme, évidemment, vous l'avez compris, je la trouve incomplète, et elle ne me satisfait pas.

Alors, ça, c'étaient les grands absents du projet de loi, c'est des thèmes qui n'étaient pas présents dans la première mouture du projet de loi, qui... aurait souhaité qu'ils soient couverts par le ministre.

Passons maintenant au plus gros morceau de mon allocution, à savoir les reculs du projet de loi. Il y en a plusieurs, des reculs dans le projet de loi. Je vais les parcourir, j'en ai plusieurs. Vous voyez, j'ai quelques pages. C'est un document qui a été préparé par un groupe très important qui s'appelle l'UTTAM, l'Union des travailleurs et travailleuses accidentés de Montréal, qui ont suivi de manière passionnée et méthodique la commission, l'étude détaillée de la commission. C'étaient des gens qui étaient fidèles au rendez-vous, qui avaient plein de bonnes idées, plein de bonnes analyses, avec qui on a eu une très bonne relation de travail avant, pendant et, j'espère, après aussi la commission et qui ont ramassé, donc, cette liste des principaux reculs à l'issue de l'étude détaillée, liste que j'ai parcourue et que, dans l'essentiel, je fais mienne. Je partage l'essentiel de cette analyse et je vais vous en énumérer quelques éléments. Mais, avant de plonger à l'intérieur de ça, deux analyses, plus générales.

La première, dans l'étude d'impact réglementaire qui a été déposée par le ministre sur le projet de loi n° 59, qui est une obligation, hein, qu'on a ici, dans ce parlement, de faire lorsqu'on dépose un projet de loi, c'était très clair, il y avait, si ma mémoire est bonne, 2 milliards sur 10 ans d'économies de prévu à l'issue de ce qui allait avoir comme modifications, comme réforme. Je vais utiliser les termes qui étaient prévus dans l'analyse d'impact réglementaire. Alors, ça, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent. 10 milliards d'économies sur 10 ans, c'est vraiment des gros sous. C'est des sous qui étaient essentiellement des indemnisations, ce qu'on appelle le remplacement de revenu, l'IRR. Et, comme on sait que c'est 100 % des cotisations des employeurs qui financent la CNESST, on devine que, si on fait des grandes économies de millions, et de millions, et de millions de dollars, qu'est-ce qu'on recherche au bout de l'équation, c'est invariablement une baisse de cotisations. C'est qu'on trouve... les employeurs et en bonne partie le gouvernement trouvent que ça coûte trop cher. Ça coûte trop cher, indemniser les lésionnés du Québec, les malades du Québec. Ça coûte trop cher. Alors, le projet de loi, certainement dans son volet sur la réparation, sur la LATMP, visait essentiellement à réduire les coûts.

Comment on réduit les coûts? Il y a deux manières. Soit on serre la vis en matière de prévention pour s'assurer qu'il y ait moins d'accidents, qu'on met plus de mécanismes, qu'on oblige les patrons à être plus vigilants, il y avait un petit bout de fait là-dedans dans le volet LSST, on y reviendra tantôt, mais ce n'était pas la chose la plus incroyable, ou, l'autre aspect, et c'est ce que je regrette et c'est ce qui est arrivé, on serre la vis aux salariés qui veulent réclamer. On rend ça plus compliqué, on met des nouveaux critères d'exclusion, on lève la barre plus haute pour se qualifier à telle ou telle réclamation. C'est à ça qu'on a assisté essentiellement avec le projet de loi n° 59. C'était ça qu'on a observé tout au long de la première moitié, j'oserais dire, du projet de loi, la première moitié de l'étude détaillée du projet de loi, c'était le sabrage, à plusieurs égards, à des droits des travailleurs. Et je vais vous en faire la lecture dans quelques instants.

L'autre analyse plus générale, c'est les pouvoirs réglementaires, et ça cadre exactement à ce que je viens de vous expliquer. Le pouvoir réglementaire, ça sonne bien correct. Bien oui, la CNESST va pouvoir adopter tel ou tel règlement sur tel ou tel sujet. Le problème, c'est que l'objet de la loi, c'est réparer les maladies ou les lésions professionnelles des salariés qu'ils se sont faites en raison du travail. Puis, n'oubliez pas, il y a un principe de base en droit du travail, en santé et sécurité du travail, c'est le principe de Meredith. C'est un auteur, là, qui — puis, si ce n'est pas le XIXe, c'est début XXe — avait dit la chose suivante : Nous proposons un grand compromis. Les salariés ne pourront plus poursuivre au civil, voire au criminel leur patron s'ils se sont blessés au travail. En échange, le patron devra fournir — dans le cadre d'un régime socialisé, en quelque sorte, avec l'ensemble des patrons — un régime de réparation généreux et facilement accessible. C'est ça, le compromis de base. Je ne peux plus te poursuivre, mais tu me proposes un bon régime pour me protéger, payer des indemnités si je me blesse à cause de toi, à cause de ton manque de prévention. C'est une question de... on dit souvent le «no fault», en bon français. Donc, on ne cherche pas à voir si c'est la faute du patron et à le poursuivre. Inversemenent aussi, le patron ne visera pas à dire que c'est la faute personnelle du salarié.

Alors, il y a quelque chose d'un peu brisé par rapport à ce compromis-là avec la réforme du ministre où à plusieurs moments on est venu serrer la vis à l'endroit du travailleur puis on lui a compliqué l'accès à ses droits, c'est-à-dire celui d'obtenir une pleine réparation en fonction de blessures ou de maladies qu'il a eues en raison du travail ou au travail.

Alors, je me plonge dans cette longue liste, Mme la Présidente, je verrai le temps qu'il me reste quand je l'aurai terminé, mais elle est fondamentale puis elle fait vraiment un tour très complet de tout ce qui s'est dit dans le cadre de ce projet de loi.

Alors, c'est parti. En réparation, recherche d'emploi obligatoire. Suite à la détermination d'un emploi convenable ou à une perte d'emploi suite à la lésion, les services de soutien en recherche d'emploi deviennent systématiques, et la participation à ces démarches devient obligatoire sous peine de suspension de l'indemnité de remplacement de revenu, l'IRR. Alors, bien sûr, le ministre disait : Vous n'êtes pas obligé de le faire. Il faut qu'il le veuille. Si on n'est pas obligé de le faire, mais qu'en conséquence on perd son indemnité de revenu, on est pas mal dans une situation d'obligation, si vous voulez mon avis.

Retour au travail forcé avant la consolidation. La CNESST pourra imposer des mesures de réadaptation avant la consolidation, incluant l'imposition de retour au travail. L'accord du médecin traitant ne sera nécessaire que si la CNESST juge que la mesure a un effet sur l'état de santé. Dans aucun cas l'accord de la victime n'est nécessaire, et l'IRR est suspendu en cas de refus.

La mesure de réadaptation, bien sûr, qu'on en souhaite, bien sûr que c'est souhaitable, encore faut-il qu'il y ait... Il y a comme trois parties là-dedans, là. Il y a la commission qui paie, évidemment, puis qui souhaiterait que le salarié revienne en emploi, le patron aussi, évidemment, mais il y a le salarié puis il y a le médecin traitant. Il est supposé d'avoir un accord tacite dans tout ce beau monde là. Et là, visiblement, parce qu'on trouve peut-être qu'il y a de l'abus, bien, on serre la vis puis on décide de passer par-dessus le médecin traitant, par-dessus le salarié, et puis, chop-chop, on ira en réadaptation si la CNESST juge que c'est la bonne chose à faire, nonobstant l'avis du salarié, nonobstant l'avis du médecin traitant. C'est en soi, évidemment, Mme la Présidente, un net recul.

• (17 h 30) •

Restriction de la réadaptation sociale et professionnelle. Les listes de mesures de réadaptation deviennent limitatives. On perd le droit à toute mesure de réadaptation sociale ou professionnelle qui n'est pas explicitement prévue par la loi ou un règlement. C'est un exemple de ce que je vous expliquais à l'instant sur les pouvoirs réglementaires. Comme l'objet de la loi est large, il a été historiquement interprété ainsi par les tribunaux. Alors, souvent, si un salarié voulait telle mesure de réadaptation qui était recommandée par son médecin et que la CNESST disait : Non, ça ne me tente pas de payer ça, je refuse, toute décision de la commission est contestable au Tribunal du travail, bien, le Tribunal du travail pouvait, selon la preuve qui lui était présentée, selon l'appréciation des faits, renverser la décision de la commission. Et ça arrivait très fréquemment. La commission avait tendance à être pas trop dépensière, mettons, et les salariés qui avaient un peu d'accompagnement par différents groupes, notamment l'UTTAM ou les centrales syndicales, pouvaient décider d'aller contester. Et, avec une interprétation large de la loi, ils gagnaient souvent. Mais là si on ne peut pas rien faire et on ne peut pas rien donner de ce qui est nommément écrit dans la loi ou dans le règlement à venir, la portée d'interprétation du juge, elle est complètement réduite à peau de chagrin, là. On est en train, et c'est le reproche que j'ai fait souvent au ministre, on est en train de télégraphier d'avance le résultat d'une contestation devant le tribunal. Le juge ne pourra que se baser que sur la liste qu'on lui aura fournie, il n'aura pas grand-chose à interpréter, ça devient quasiment une perte de temps, d'aller au tribunal. Alors, là-dessus, ça aussi, c'est un très net recul du projet de loi n° 59.

Retour forcé chez l'employeur. Chaque fois que c'est possible, la CNESST imposera le retour au travail chez l'employeur, même contre la volonté de la victime. Elle n'aura pas l'option de ne pas exercer son droit à l'accommodement. On placera ainsi des travailleurs et des travailleuses dans une position de vulnérabilité face à un employeur devenu hostile suite à sa lésion. Ça risque d'être catastrophique pour les non-syndiqués en général, les employés d'agences de placement en particulier. C'est comme si, parfois, on oubliait ou M. le ministre oubliait qu'il y a un rapport de force dans la vie, il y a rapports de force entre un employeur et un salarié, et que fondamentalement ça n'a pas vraiment changé depuis l'invention du capitalisme, si j'oserais dire. Bien sûr, maintenant il y a des syndicats, bien sûr, maintenant il y a les normes du travail, bien sûr, maintenant il y a des lois, mais ce rapport de force là existe toujours et s'applique, je dirais, au final, en dépit, souvent, des lois. Et d'espérer que bien naturellement tout s'équivale et puis que ça fonctionne bien, c'est encore une fois, à mon avis, une grande naïveté et ça constitue un recul, ça, également, de ne pas permettre... de forcer, pardon, le retour chez l'employeur.

Assignation temporaire sous-payée. On légalise la pratique de sous-payer les travailleurs et travailleuses en assignation temporaire. Alors que l'employeur doit actuellement payer 100 % du salaire, il pourra désormais ne payer que les heures faites, et la CNESST ne compensera qu'à la hauteur de l'IRR, et le maximum annuel assurable s'applique. Ça, c'était une demande patronale, évidemment. Quand on fait une assignation temporaire, ça veut dire que vous êtes blessé, mais vous pouvez continuer à travailler quand même dans d'autres tâches, alors je vous resitue ailleurs dans l'entreprise, mais il est possible que cette tâche-là ou ce poste-là n'avait pas le salaire équivalent à la fonction que vous occupiez avant. Dans la loi actuelle, on ne vous rétrograde pas de salaire, là, si vous faisiez 100 000 dans l'emploi A, que vous vous faites blesser en raison du travail mais que vous pouvez encore travailler puis qu'on vous propose des tâches d'un emploi B, vous gardez votre salaire de l'emploi A, bien évidemment, parce que ce n'est pas de votre faute si vous êtes blessé, là, c'est la faute de l'employeur. Mais là on vient tout changer ça, là, on vient dire que, maintenant, ce ne sera que les heures faites par la CNESST qui compensera à l'IRR et le maximum annuel assurable. Donc, ça aussi c'est un net recul, concernant plus par... évidemment les gens qui faisaient un salaire plus intéressant mais, quand même, un net recul, surtout sur le concept.

Nouveau formulaire d'assignation temporaire. Changements au formulaire d'assignation temporaire qui remettent en question la possibilité pour un médecin de refuser l'assignation pour le motif qu'elle n'est pas favorable à la réadaptation. Le médecin devra dorénavant identifier les limitations fonctionnelles temporaires. Il y avait donc, on le comprendra, une beaucoup plus grande liberté de décision, d'action du médecin traitant. C'est vraiment un principe de base, ça aussi, du régime de santé et sécurité, la primauté du médecin traitant, c'est lui qui doit être, au final, celui qui tranche, celui qui recommande, celui qui vous connaît, de toute façon, dans toutes vos coutures, avec votre dossier, qui fait votre suivi. Et historiquement les patrons ont toujours voulu contester le médecin traitant, vouloir imposer un bon vieux médecin de l'employeur. Il y a eu tout un débat alentour du Bureau d'évaluation médicale, le BEM, que le ministre n'a pas voulu remettre en question. Tiens, ça aurait pu être dans ma liste des grands absents, ça, la remise en question du BEM. Mais, là-dessus, on vient encore une fois limiter un peu la liberté d'action du médecin traitant, et ça aussi, ça constitue un recul.

Abolition de la présomption d'incapacité pour les victimes de maladies professionnelles de 55 à 59 ans. Disparition de la présomption d'incapacité de travail pour les victimes d'une maladie professionnelle âgées de 55 à 59 ans qui conservent des limitations fonctionnelles. Ils perdent leurs droits à l'IRR jusqu'à la retraite en cas de congédiement de la part de leur employeur. C'était quelque chose qui existait, dans le fond, pour donner une espèce de répit aux salariés qui avaient une blessure ou une maladie, qui étaient âgés de 55 ans et plus, pour faire le pont jusqu'à la retraite, à 65 ans. Parce qu'on... pour des raisons évidentes, à ces âges-là, c'est beaucoup plus compliqué, sur le fond et sur la forme, de se trouver un nouvel emploi. Et le ministre avait proposé de tout balayer ça, et on a réussi à le garder, à ne perdre que les 55-59 ans. Mais évidemment ça constitue en soi, ça aussi, un énorme recul qui, à mon humble avis, manque beaucoup de coeur mais ça, j'ai déjà eu l'occasion de le dire au ministre.

Des emplois dits convenables, même si on ne peut pas faire toutes les tâches. La CNESST peut déterminer un emploi convenable sans tenir compte de la capacité de la travailleuse ou du travailleur à exercer les tâches secondaires de cet emploi. Des victimes devront donc chercher et trouver un emploi qu'elles ne peuvent, en réalité, exercer, et le tribunal ne pourra pas renverser la décision si l'incapacité d'exercer l'emploi dit convenable ne repose que sur l'incapacité d'exercer des tâches secondaires. Encore une fois, on vient télégraphier d'avance ce que le tribunal va dire. On ne lui laisse plus la marge interprétative qui devrait normalement faire partie de toute bonne pratique judiciaire dans un tribunal, avec les faits qui nous sont exposés, avec les grandes lignes de la loi mais une marge interprétative en fonction d'un objet de la loi, qui est celui de la réparation d'une lésion. Bien, on vient contre ce sens-là complètement ici, avec cet article-là aussi, et on essaie de télégraphier d'avance ce que le tribunal pourra dire ou ne pas dire, dans l'objectif, évidemment, toujours, de réduire les coûts, réduire les coûts sur le dos des travailleurs, faut-il le préciser.

Discrimination des travailleuses domestiques. Création d'une catégorie discriminatoire pour les travailleuses domestiques, qui devront atteindre un seuil d'heures de travail pour être couvertes, ce qui ne s'applique à aucune autre catégorie d'emploi. Tantôt, je vous ai dit que j'avais quand même mis une partie du sujet des travailleuses domestiques dans les bonnes nouvelles, parce qu'il fallait qu'elles apparaissent enfin dans la loi, mais encore une fois, c'était aigre-doux, comme nouvelle, parce qu'évidemment on a mis un critère d'un nombre d'heures que... En effet, personne d'autre dans la loi ne doit travailler un certain nombre d'heures pour se qualifier, sauf les travailleuses domestiques. Là, ça, on a décidé que, oui, si tu fais en bas de tant d'heures, tu ne te qualifies pas, fin de l'histoire. C'est, je pense, à toutes fins pratiques, une discrimination, il n'y a pas beaucoup de doutes à mon égard. J'ai bien l'impression que ça va être contesté en vertu de la charte. J'ai hâte de voir ce que ça va donner. Ça me semble tellement clair que c'est un élément discriminatoire que je... Bref, on verra comment ça évolue, mais on devine que c'est ce qui va arriver.

Une liste des maladies que la CNESST pourra modifier à sa guise. La liste des maladies présumées professionnelles ne sera plus protégée par la loi. Elle se retrouve dans un règlement que la CNESST pourra modifier pour ajouter des conditions ou des seuils d'exposition ou retirer des maladies. Tantôt, je vous ai parlé, Mme la Présidente, du fait que la liste des maladies n'avait pas bougé pendant 40 ans. C'était un problème, c'est vrai. Il y avait déjà des dispositions de la loi qui permettaient au ministre d'en rajouter, ce qui n'avait jamais été fait. Là, le ministre décide de ne pas procéder par la loi, de procéder par le règlement. Je vous ai dit tout ce que j'en pense, des règlements de la CNESST. Ici, l'enjeu, ce n'est pas tellement de rajouter des nouvelles maladies, parce que ça, c'est une bonne nouvelle, puis on imagine qu'il n'y en a aucune qui va être retirée. L'enjeu, c'est de rajouter des nouvelles conditions. Pour pouvoir avoir la présomption de telle ou telle maladie, la CNESST, maintenant, peut faire des nouvelles conditions à sa guise, par la voie réglementaire, qui est beaucoup plus simple et rapide que par la voie d'un projet de loi, comme vous le savez bien. Or, c'est très inquiétant. Évidemment, ce n'est pas écrit d'avance, mais il y aura des grosses batailles, ça, au C.A. de la CNESST, entre la partie syndicale et patronale, j'en suis convaincu, pour être certain que des révisions ne mènent pas à des limitations trop fortes, voire pas de limitations du tout, à ce qui se contient comme critères d'admissibilité pour les maladies professionnelles.

Conditions particulières pour faire obstacle à la reconnaissance des maladies. C'est une suite logique du point précédent. Alors qu'il suffisait d'avoir exercé un genre de travail — c'étaient les mots utilisés dans la loi — correspondant à la maladie professionnelle pour bénéficier de la présomption, il faut désormais rencontrer des conditions particulières, qui peuvent concerner des facteurs n'ayant rien à voir avec le travail, comme le comportement de la victime, par exemple, la cigarette, la durée de l'emploi, etc., et de telles conditions ne sont prévues, pour le moment, que pour des cancers de pompier ou pour la maladie de Parkinson causée par les pesticides, mais la CNESST pourra en rajouter pour toutes les autres maladies. D'ailleurs, je me rappelle, on a eu tout un débat avec le ministre, parce que, si je me souviens bien, le premier libellé, c'était «n'avoir consommé aucun produit du tabac dans les derniers 10 ans». C'est pas mal intense, là, comme condition limitative, n'avoir consommé aucun produit du tabac depuis 10 ans. D'une part, c'est intense. D'autre part, qu'est-ce que ça va provoquer, ça, Mme la Présidente? Ça va provoquer une enquête de l'employeur, qui va aller fouiner chez vous, dans vos amis, dans vos photos Facebook, dans votre passé pour peut-être essayer de dénicher une photo d'un party où est-ce qu'à côté de vous, il y a quelqu'un qui avait une cigarette... ou avez-vous une tante ou un ancien copain qui a déjà fumé la cigarette? Vous avez été dans une... Vous avez habité avec ou vous avez été fumeur, fumée indirecte... C'est un bordel. Alors, là-dessus, on a réussi à le faire quand même baisser un peu, l'intensité de cette référence-là à la cigarette, mais elle demeure quand même dans la loi, et c'est en soi un net recul.

• (17 h 40) •

La CNESST pourra mandater un nouveau comité, le comité scientifique, pour examiner toutes les maladies de la liste n'ayant pas de conditions particulières au-delà du travail exercé afin qu'il vérifie s'il y a lieu de recommander l'ajout de nouvelles conditions. De plus, l'autorisation des dépenses du comité doit tenir compte des priorités de la CNESST, à qui le comité doit rendre des comptes. Ça, on a eu des longs débats là-dessus. C'était la stratégie du ministre pour éviter de faire le lien avec la liste des maladies de l'OIT qui se renouvelle automatiquement dont je vous ai parlé tantôt. Alors, pour éviter de faire ça, il a dit : Ah bien! je vais créer un comité scientifique maison qui va faire soit les mêmes études que d'autres ou qui va compiler des études qui existent déjà et qui va nous faire des recommandations pour mettre à jour les listes de maladies. Mais ce comité scientifique là doit fonctionner en fonction des priorités de la CNESST. Alors, l'indépendance de ce comité-là, il est questionnable. On n'est pas en train de dire qu'il est complètement inféodé, mais il est questionnable, et on a bien hâte de voir comment ça va fonctionner dans le réel.

Obstacles à la reconnaissance des cancers professionnels. Dès le dépôt d'une réclamation pour un cancer professionnel, le médecin traitant sera dessaisi du dossier de la victime, qui sera soumis à l'évaluation d'un comité d'experts sur le même modèle que ceux existant pour les maladies pulmonaires. Un comité des maladies professionnelles oncologiques nouvellement créé par le projet de loi donnera un avis dont les conclusions seront... lieront, pardon, la CNESST à la place de l'opinion du médecin traitant. Une nouvelle fois, on vient limiter la capacité d'action du médecin traitant, et c'est regrettable.

Élimination de toute rétroactivité du droit à l'IRR avant la réclamation. Pour toute lésion professionnelle, la date d'incapacité du travail devient la date du dépôt de la réclamation, et, à moins de déposer sa réclamation dans les 14 premiers jours de la lésion, les journées d'IRR seront donc nécessairement perdues, et ce, même si la date de connaissance de l'existence d'une maladie professionnelle est postérieure. Tout un jeu de dates ici qu'on vient jouer dans l'unique but ou, en tout cas, qui aura certainement l'unique conséquence de limiter les gens dans leur réclamation. On ne vient certainement pas leur faciliter la vie, là, ça, c'est très clair.

Aucune rétroactivité pour une lésion survenue plus de trois ans avant la réclamation. Alors, pour une lésion survenue plus de trois ans avant la réclamation, aucun frais avant la réclamation ne peuvent être payés rétroactivement, que ce soit la réadaptation, l'assistance médicale ou autre. C'est quelque chose qui était possible avant, si on faisait la démonstration, puis si un juge, devant la démonstration, trouvait qu'on avait raison, il donnait... Ça ne fonctionnait pas comme ça, là. Il fallait faire toute la démarche juridique, faire toute la démonstration, mais on pouvait l'obtenir. Là, ce n'est plus possible. On vient encore une fois télégraphier ce que le juge pourra dire ou ne pas dire.

Disparition du droit aux prothèses et orthèses. Le droit aux prothèses et orthèses qui était garanti par la loi disparaît du droit à l'assistance médicale. Désormais les victimes n'auront droit qu'à ce qu'accordera un éventuel règlement de la CNESST, que la CNESST pourrait adopter sur l'équipement adapté, lequel pourrait comprendre la liste... les limites, pardon, et restrictions que la commission jugera bon d'imposer. Gros morceau, celle-là aussi, qui fait le lien avec le pouvoir réglementaire que je critiquais tantôt. C'est quand même un gros morceau, là, le droit aux prothèses et orthèses. Et ça aussi, c'était interprété au sens large par les tribunaux, par la loi. Et là, vraiment, là, avec une liste qui sera à déterminer dans un futur règlement, ce qui n'est pas dans la liste n'est pas remboursable, point à la ligne. Personne ne pourra aller contester ça. Ce n'est pas dans la liste? Vous n'êtes plus dans le régime. Vous êtes hors du régime. Et c'est complètement regrettable parce que ça ne respecta pas l'objet de la loi qui est la réparation complète et entière d'une lésion, d'une maladie du travail.

Élargissement du rôle du BEM, le Bureau d'évaluation médicale, aux dépens de celui du médecin traitant. Dorénavant, un médecin du BEM pourra se prononcer sur la consolidation d'une lésion, même si cette question n'est pas en litige, et il devra déterminer les séquelles permanentes s'il juge la lésion consolidée, sans possibilité de laisser le médecin traitant établir l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Il y a beaucoup de termes techniques, ici, Mme la Présidente, mais l'essentiel est, ici, de constater qu'encore une fois la liberté du médecin traitant est mise à mal. Le Bureau d'évaluation médicale, pour vous donner un exemple clair, là, l'entièreté de la partie syndicale réclame son abolition pure et simple parce qu'il ne sert que comme outil pour les patrons, et trop souvent la CNESST aussi, afin d'aller contester l'opinion du médecin traitant, aller gruger la volonté du salarié d'obtenir gain de cause, de faire peser le poids du système de la CNESST et du système judiciaire, du périple que représente une réclamation. Pour beaucoup de personnes, et tous nos bureaux de circonscription, je suis certain que c'est votre cas aussi, Mme la Présidente, reçoivent, de temps à autre, des témoignages de gens qui ont eu des mésaventures incroyables avec le système de la santé et sécurité au Québec, avec le système de la réclamation, en particulier, de la CNESST, des histoires d'horreur de réclamations, et d'étapes, et de poursuites qui n'en finissent plus, qui s'étalent sur des années. Alors, là-dessus, vraiment, encore une fois, qu'on vienne donner un plus grand pouvoir au BEM aux dépens du médecin traitant, c'est un recul qui est inacceptable.

Des pouvoirs réglementaires exorbitants sur l'assistance médicale. Non seulement la CNESST pourra déterminer par règlement les médicaments, traitements et équipements adaptés auxquels auront droit les victimes, mais elle pourra aussi déterminer des cas et conditions pour limiter ces droits. Dans bien des cas, ce n'est plus le médecin traitant qui déterminera l'assistance médicale que recevra la victime, mais un règlement de la CNESST. Même argument que sur le règlement que je vous ai évoqué tantôt.

Une prescription pour les indemnités de décès. Il ne sera plus possible de réclamer pour un décès causé par le travail sept ans après qu'il se soit produit, même si l'origine professionnelle du décès n'est connue qu'après cette période. Actuellement, une telle limite absolue n'existe pas. Encore une fois, un recul, qui, cette fois-ci, en plus touche très peu de personnes, mais qui représente bien l'idéologie derrière ce projet de loi là, qui est de limiter le plus de manières possible les coûts et les dépenses, nonobstant si les cas étaient pertinents ou pas, nonobstant... C'est comme, en fait, Mme la Présidente, là, si la CNESST et le ministre avaient regardé toutes les causes qu'ils ont perdues depuis des années au tribunal puis qu'ils ont dit : Ah! Ha! on va s'arranger pour ne plus perdre ces causes-là. On va aller changer ça dans la loi, puis on va écrire d'avance que le tribunal ne pourra plus aller nous donner tort. C'est vraiment à ça que ça ressemble comme projet de loi, en tout cas, dans le volet réparation.

Un dernier, Mme la Présidente, le pouvoir d'exclure par règlement certaines surdités professionnelles. Le projet de loi accorde le pouvoir à la CNESST d'exclure, par règlement, certaines atteintes auditives causées par le bruit, du régime. La commission pourra ainsi établir par règlement des critères devant être rencontrés pour que la réclamation soit admissible. Le ministre a d'ailleurs mandaté le nouveau comité scientifique pour se pencher sur cette question. Les surdités qui ne rencontrent pas ces éventuels critères ne seront pas indemnisables, une première depuis 1979.

Ça me permet de faire le pont, Mme la Présidente, cet enjeu de la surdité, avec les gains. Là, je terminerais le volet des grands reculs, d'ailleurs il me reste peu de temps, pour essayer de conclure sur les gains, parce que du travail, j'en ai fait. On a évoqué un total de, je pense, 180 quelques heures de commission. Je pense, sans fausse modestie, avoir occupé la majorité de ces heures de commission avec le ministre. J'avais beaucoup de choses à dire, j'avais beaucoup de matière. Ça a été un exercice intéressant, mais heureusement ça a mené à des résultats. Le plus grand, celui dont je suis le plus fier, c'est celle-là, c'est la question de la santé auditive. Le ministre faisait quelque chose de complètement inacceptable. Il proposait de disqualifier une personne qui avait une perte auditive d'une seule oreille ou une perte auditive qui n'était pas la même d'une oreille à l'autre. Il disait : À partir de 0,5 %... 0,5 décibel de différence de perte auditive, vous êtes en dehors du régime, vous êtes exclu. Ça n'avait complètement aucune base scientifique, c'était hallucinant. C'était un recul sans nom. C'était évidemment chiffré, là, c'était plusieurs millions, dans l'étude d'impact, qu'on allait récupérer avec ça. Ça allait vraiment mettre dans une situation de pauvreté et de détresse des centaines de travailleurs et de travailleuses au Québec. Et je suis particulièrement fier de l'avoir fait reculer sur ce point-là. La solution élégante, là, c'est d'envoyer ça au comité scientifique, qui verra s'ils peuvent faire de quoi, mais, dans les faits, c'est un recul sur un recul. Si vous avez manqué le début de mon intervention, hier, je me demandais si un recul sur un recul constitue un gain. J'en encore de débats à avoir sur cette question existentielle. Mais certainement ce recul-là, j'en suis particulièrement fier.

Il n'est pas seul, par contre, parce qu'il y avait un règlement qui dormait sur le bureau du ministre depuis des mois, de manière tout aussi inadmissible à mon avis, pour faire en sorte qu'un des vieux retards du Québec par rapport à d'autres législatures nord-américaines quant au niveau de décibels, en matière de prévention, qu'on autorise... À peu près partout en Amérique du Nord, c'est 85 décibels, ici c'est 90. Ça faisait des années que tout le monde réclamait de le baisser à 85, ça dormait sur le bureau du ministre. Ça dormait, ça dormait, je ne sais pas s'il attendait la fin du projet de loi pour l'appliquer. Toujours est-il que non seulement on l'a fait reculer sur la surdité, ça a fait hérisser le poil de beaucoup d'associations patronales. Je ne pas surpris d'apprendre que c'est une des raisons pour laquelle, par exemple, certaines associations ont décidé de refuser d'appuyer le projet de loi finalement. Mais en plus on a forcé le ministre à adopter plus tôt que prévu cette nouvelle norme. Il l'a fait en Conseil des ministres, je pense, en juin et maintenant la nouvelle norme est à 85 dB au Québec, et j'en suis particulièrement fier.

Autre gain majeur, l'instauration d'un régime intérimaire. Les heures de libération, le nombre de fréquences de réunions, combien de personnes sont sur votre comité de santé et sécurité, c'est vraiment la moelle osseuse de la prévention, Mme la Présidente. C'est beau d'avoir des beaux règlements, mais, si personne n'est là sur le terrain pour les appliquer, ils ne serviront à rien, ils ne seront pas effectifs. Or, les fameux niveaux de risque qu'on nous proposait au début étaient complètement ridicules. Ça a été démoli. Le ministre, après ça, voulait tout envoyer ça à la CNESST et judiciariser complètement la prévention. C'était tout aussi inadmissible.

Son troisième scénario, que je trouve un peu ridicule également, mais bon, c'est le dernier qu'on a adopté, c'est celui de remettre toute la patate chaude dans les mains des patrons et des syndicats. Le ministre a dit : Vous n'êtes pas capables de vous entendre? Je vous renvoie ça. Puis adoptez un nouveau règlement d'ici trois ans. Bon, bien, là, on allait se retrouver bredouille pendant un autre trois ans, en plus d'une année supplémentaire s'ils ne sont pas capables de le faire puis que ça revient dans les mains du ministre. Alors, on allait se retrouver avec un autre quatre ans sans nouvelles normes. C'était inadmissible. Alors, moi, j'ai vraiment poussé en coulisse. Et ça a fonctionné. À la fin des études détaillées, le ministre l'a accepté, un régime intérimaire, loin d'être suffisant à mon avis, mais quand même alentour de 25 % des seuils qui sont actuellement appliqués dans les secteurs prioritaires. Et ça va servir de bonne base de négociation pour la partie syndicale, qui va avoir la lourde tâche, la tâche sinistre de négocier avec les associations patronales dans le C.A. pour ce fameux règlement qui doit être adopté d'ici trois ans.

• (17 h 50) •

Autre gain fondamental, Mme la Présidente, c'est le maintien intégral des fonctions d'inspection et d'enquête du représentant en santé et sécurité. Le représentant, c'est vraiment les yeux et les oreilles de la prévention pour les salariés. C'est un salarié. Dans un environnement de travail, il avait deux pouvoirs fondamentaux, c'était celui de pouvoir faire enquête et de pouvoir faire une inspection. Le ministre voulait transférer ces pouvoirs-là au comité de santé et sécurité. Le comité, c'est paritaire, moitié patron, moitié syndicat. En d'autres mots, pour faire une inspection ou une enquête, le représentant allait devoir attendre le O.K., l'approbation du patron. C'est complètement inadmissible. Ça, ça a été une grosse bataille. Je l'ai gagnée. J'en suis très content. On l'a fait reculer. Alors, c'est le maintien des pouvoirs d'inspection et d'enquête pour le RSST.

Finalement, la question du multiétablissement. Toute une marotte et je vais devoir conclure là-dessus parce qu'il reste peu de temps. Et j'aurais beaucoup d'autres pages, j'avais trois autres pages de gains, Mme la Présidente, et on mettra ça sur les réseaux sociaux, j'imagine, mais le multiétablissement, c'est important.

Il ne s'est rien passé en prévention pendant des années pour 85 % des salariés, et il ne s'est particulièrement rien passé pour deux grands secteurs de l'État-employeur, la santé et l'éducation. Et là, tout d'un coup, maintenant que tout le monde est assujetti, l'État employeur panique : Ah mon Dieu! Il va falloir que je fasse un comité de santé et sécurité, un plan d'intervention, un programme de santé, ah! Et là il se dit : Je ne peux pas faire ça dans tous les établissements que je représente. Alors, il y avait un fort courant à l'intérieur de l'État, qui s'est certainement exprimé au Conseil des ministres, de dire : Bien là, on va tout fusionner ça, on va faire un seul gros comité pour le même employeur, pour un CIUSSS complet, pour un centre de services scolaire complet, nonobstant la grosseur, la quantité, la diversité des emplois. Ça, c'était la mouture originale.

C'est encore ça, le concept du multiétablissement. Pourtant, le multiétablissement, ça devrait être paritaire, il devrait y avoir les deux parties qui sont d'accord, mais ça, le ministre n'a pas voulu entendre, pourtant, le consensus du CCTM. Mais on a réussi à le faire reculer, on a réussi à préciser que c'était en fonction de la nature de l'emploi, que c'était en fonction des tâches, qu'il y avait toutes sortes de critères qui pourraient être pris en compte pour l'appliquer, notamment la question de la distance. Et j'ai, entre autres, en tête la circonscription de mon amie la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, qui a des établissements d'une distance équivalente entre Montréal et Québec, alors vous vous imaginez que la distance doit être un critère aussi. Et on a surtout permis à une partie syndicale de contester ce multiétablissement-là et de tenter de le défaire à travers la CNESST, en fonction des différents critères qu'on a mis en place.

Il y aurait vraiment beaucoup, beaucoup d'autres choses à dire, Mme la Présidente, je savais qu'une heure ne serait pas suffisant pour compléter tout ce qu'on a fait dans cette commission-là, mais je suis particulièrement fier de mon travail. Il y a un parti à l'Assemblée nationale qui défend les travailleurs et travailleuses, je proviens de ce milieu-là, c'était pour moi un grand moment, une grande fierté, de faire ce travail-là. Je suis fier du travail accompli. J'ai hâte de voir ce rapport d'application dans cinq ans. J'espère être encore ici, Mme la Présidente, pour en lire tous les menus détails et en faire des propositions de modification, et, qui sait, peut-être occuper la place et le siège de mon collègue le député de Trois-Rivières et ministre du Travail, et faire une véritable réforme de la santé et de la sécurité au travail, dans l'intérêt de tous les travailleurs et travailleuses du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Et maintenant je cède la parole à M. le député de Jonquière.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui. Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir également, à mon tour, de reprendre la parole dans ma cabine téléphonique sur le projet de loi n° 59 pour cette adoption finale, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail.

Alors, je commence en vous disant tout de suite que nous voterons contre, mais ce n'est pas une grosse nouvelle parce que je l'ai déjà dit et je l'ai déjà répété. Mais, vous savez, moi, je pense que la répétition a une valeur pédagogique, alors je répète que nous allons voter contre. J'ai eu l'occasion déjà de le dire à plusieurs reprises, notamment lors des travaux en commission, les remarques finales de l'étude détaillée, également dans plusieurs manifestations qui ont eu lieu, par exemple avec des travailleurs et des travailleuses, je l'ai dit à des groupes dans ma circonscription, parce qu'on voyait bien, au fur et à mesure que les travaux évoluaient, que le ministre et le gouvernement, sur un certain nombre d'enjeux, n'allaient pas bouger et ne voulaient pas bouger.

Est-ce que le ministre lui-même aurait été prêt à faire parfois quelques concessions supplémentaires? Peut-être, mais, vous savez, quand on fait un projet de loi et qu'on est ministre, on a une certaine marge de manoeuvre mais, sur des enjeux plus fondamentaux, si on veut modifier le projet de loi qui a été présenté, qui a été convenu par le Conseil des ministres, bien, il faut se faire valider par le Conseil des ministres sur un certain nombre de principes plus fondamentaux, et je pense que, là-dessus, le gouvernement n'a pas donné son aval, que ce soit, par exemple, sur le multiétablissement, sur l'analyse différenciée des sexes, sur la question des lésions d'ordre psychique par exemple. Je pense que le gouvernement ne donnait pas la marge de manoeuvre nécessaire au ministre pour arriver avec des propositions dans ce sens, de modifications profondes sur le projet de loi quand nous étions lors de l'étude détaillée. Donc, dans ce contexte-là, évidemment, on voyait bien, là, que le ministre n'allait pas bouger, donc j'ai déjà annoncé que nous allions voter contre, et je le répète aujourd'hui, je le confirme aujourd'hui.

Donc, c'est un projet de loi, vous le savez, tout à fait substantiel, un projet de loi qui était attendu également depuis plusieurs années. Le premier régime de santé, sécurité au travail est un héritage du gouvernement du Parti québécois de 1979, c'était un gain tout à fait majeur pour les travailleuses et les travailleurs, je l'ai mentionné également hier lors de la prise en considération du rapport de la commission. Moi, je situe cette réforme de la santé et sécurité au travail, qui était déjà à l'époque imparfaite mais, quand même, qui constituait un gain important pour l'époque, je la situe dans la longue lignée des avancées du Québec moderne issue de la Révolution tranquille.

Et, vous savez, moi, je suis historien de formation et, souvent, je... bien, lors de mes études, j'ai eu à travailler beaucoup dans les journaux, dans les archives, dans les archives des journaux, et je le fais encore pour m'amuser à l'occasion, présentement. Et c'est fou de voir comment, au XIXe siècle, au XXe siècle, à l'époque industrielle, à l'époque du développement industriel des régions et du Québec, il y avait des accidents de travail absolument atroces qui n'étaient pas indemnisés. Et là il y avait des articles dans les journaux, par exemple, je vois encore des articles du Progrès du Saguenay, début XXe siècle, fin XIXe, début XXe siècle, puis là on raconte des histoires abracadabrantes de travailleurs qui sont blessés, puis on fini l'article en disant : Bien, on souhaite que le travailleur puisse retourner au travail rapidement. Bien oui, il a perdu un bras dans une machine. Il s'est fait estropier de façon importante dans une scierie. C'est fou.

• (18 heures) •

Moi, quand j'étais étudiant au Saguenay, j'étais guide, l'été, pour le site historique de La Pulperie de Chicoutimi. Je ne sais pas si vous avez déjà visité ça, Mme la Présidente, mais, si vous ne l'avez pas fait, il faut absolument le mettre dans votre liste pour l'été prochain. Donc, La Pulperie de Chicoutimi, qui est une... on l'appelle une pulperie parce qu'elle produisait de la pulpe, qui était la pâte à papier, puis quand je faisais la visite, c'était toute la chaîne de production de la pulperie. Puis, à un moment donné, il y avait une étape, évidemment, qui était la scierie, puis, après la scierie, les billots étaient amenés par un genre de convoyeur... bien, en fait, une glissoire à bois avec de l'eau, puis là ça arrivait dans ce qu'on appelait le «slasher». Le «slasher», c'était une invention pour écorcer les billes de bois, un genre d'écorceur finalement. Puis le surnom que les travailleurs avaient donné à cette machine, c'était la machine qui coupe des pouces ou la coupe-pouces, quelque chose du genre, parce qu'il fallait que les travailleurs fassent littéralement pivoter les billes de bois sur une mégalame qui tournait à une vitesse folle devant eux pour écorcer les billes de bois. Là, qu'est-ce que vous pensez qui arrivait? Les pouces partaient avec l'écorce. Bien, c'étaient des accidents de travail, mais après, il arrivait quoi? Bien, le travailleur, s'il perdait ses deux pouces, il s'en allait chez eux, puis la compagnie continuait de produire. Alors, c'était ça à l'époque, alors imaginez. Puis mon grand-père a travaillé là, dans cette usine-là. Ça fait qu'on ne remonte pas à Mathusalem, là, je veux dire, c'est quelques générations à peine.

Donc, c'est quand même toute une évolution de sorte qu'avec l'arrivée du Québec moderne dans les années 60, bien, on a pris conscience de l'importance de l'État pour équilibrer les choses puis intervenir pour protéger les plus vulnérables. Ça a été vrai pour l'éducation, ça a été vrai pour le régime d'assurance maladie, ça a été vrai pour la protection du consommateur, ça a été vrai aussi pour la protection des travailleurs, pour leur santé, sécurité au travail. Donc, il ne faut pas oublier à quel point, ce qu'on est en train de faire là, là, comme législateur, comme parlementaire, c'est de jouer dans un héritage fondamental que construit le Québec moderne qui est la protection de la santé, de la sécurité des travailleurs.

Alors, moi, j'arrive comme parlementaire humblement pour étudier ce projet de loi, mais avec toute cette charge historique pour nous assurer qu'on ne commettra pas d'erreur, pour nous assurer qu'on ne reculera pas. On ne reculera pas à l'époque des «slashers» de la pulperie, je suis bien conscient de ça, on n'est pas là, mais il ne faut quand même pas reculer à quelques années ou quelques décennies derrière.

Et, quand je regarde l'économie générale du projet de loi, malgré quelques gains, malgré, puis je vais en parler tout à l'heure, malgré quelques avancées, il reste que c'est insuffisant par rapport à là où on est présentement, en 2021, au Québec, et par rapport également à la réalité du monde du travail aujourd'hui, et par rapport aussi à l'occasion unique que nous avons de réformer cette loi... de réformer ces lois, en fait, et de réformer ce régime de santé et sécurité au travail et d'indemnisation qui va avec. Ça n'a pas été fait depuis 1979. Ça veut dire que ça fait une quarantaine d'années. Il y avait eu une première réforme en 1985, mais, disons, on n'y avait pas touché substantiellement depuis 1985, certainement. Donc, ça fait pas loin de 40 ans qu'on n'a pas touché substantiellement à ces lois-là.

Puis je le disais hier, lors de l'étude... pas de l'étude, mais de l'adoption du rapport de la commission, de la prise en considération, moi, c'est arrivé rarement, dans des projets de loi qu'on a étudiés ici, que j'ai vu des articles qu'on modifiait puis qui n'avaient pas été modifiés depuis la toute première loi, en 1979, des articles intégraux, je ne sais pas si ça se dit, mais écrits encore intégralement selon la version de 1979. Ça veut dire qu'il y avait tout un dépoussiérage à faire.

Puis je reconnais quand même que le ministre a déposé une réforme ambitieuse, de nombreuses pages qui retournaient quand même beaucoup de pierres, la plupart des... voire toutes les pierres. Puis je sais aussi comment ça marche dans les ministères. Je veux dire, ce n'est pas le ministre tout seul, en arrivant, là, en 2018, comme ministre, qui a fait ça. Je veux dire, c'est le résultat de plusieurs années, là, je veux dire, de travail à l'intérieur du ministère ou de la part de la fonction publique, et c'est lui qui a eu l'occasion de le déposer. Mais, si c'est lui qui a eu l'occasion de le déposer, ça veut dire que c'est lui aussi qui aurait pu lui donner une impulsion différente, sur un certain nombre d'enjeux puis de sujets, par rapport à ce qui a été fait à l'intérieur de sa machine administrative, la machine de son ministère, au moment où il l'a déposé. Donc, c'est ça, le contexte.

Et je vous rappelle... En tout cas, les derniers chiffres... je ne sais pas si vous avez les mêmes que moi, Mme la Présidente, là, puis je ne les ai pas notés lorsque la présidente de commission nous l'a dit, mais en fait, ce que j'ai noté, là, c'est, de mémoire, vous me corrigerez si je me trompe, mais c'est minimalement 37 séances en commission parlementaire, 122 heures de débats en étude détaillée. Alors, c'est vraiment substantiel comme travail.

Alors, vous savez, les gens qui disent : Ah! les parlementaires n'ont pas assez travaillé, les parlementaires auraient pu travailler davantage... Écoutez, on a passé des heures, et des heures, et des heures sur ce projet de loi. Et s'il y a des choses insatisfaisantes ou s'il y a des réformes, des amendements ou des orientations du projet de loi insatisfaisants, ce n'est pas parce qu'on n'a pas essayé, ce n'est pas parce qu'on n'a pas voulu. C'est parce qu'il a manqué de volonté politique du côté du gouvernement pour faire une vraie réforme de la santé et sécurité au travail digne de ce nom, une réforme qui correspond réellement aux besoins d'aujourd'hui. C'était ça, l'objectif, puis je reconnais qu'il y a des gains qui ont été faits, mais malheureusement, ça ne va pas à la totalité de ce que nous aurions pu faire aujourd'hui en matière de santé et sécurité au travail.

Tout à l'heure, je vous disais qu'en 1979, lors de l'adoption du premier projet de loi qui a implanté le régime, il y avait des principes, il y avait des idées derrière ce régime, il y avait des postulats, il y avait une idéologie pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Il y en a plusieurs, mais je pourrais les résumer, grosso modo, en trois éléments.

Évidemment, la prévention. La meilleure façon d'éviter des accidents puis des lésions professionnelles, c'est de faire de la prévention. C'est d'être capable de voir que, par exemple, ici, au salon bleu, il y a toutes sortes de fils qui traînent partout à terre, là, hein, si on prend cet exemple-là. Bien, si on agissait vraiment avec de la prévention, bien, on dirait : Il y a quelqu'un qui va s'enfarger dans les fils, on va les enlever. Bon, je sais qu'il y a des projets, Mme la Présidente, de rénovation du salon bleu, puis ça va faire du bien. C'est un bel exemple, là. Tu sais, c'est de la prévention : Ah! il y a des fils qui traînent, c'est dangereux d'avoir des accidents de travail, donc on va enlever les fils, puis les députés, puis les pages, puis le personnel vont pouvoir se promener sans le risque de s'enfarger dans un fil. Un exemple bête que je vous donne, mais c'est la prévention.

Quand on est dans une usine, mon «slasher» qui tourne comme ça, super rapidement, puis je fais pivoter des billots pour enlever les écorces, bien, la prévention, c'est d'avoir des gants, par exemple, en métal pour éviter de couper les doigts, c'est de voir une approche différente, moins d'humidité sur la plateforme, etc. Bon, alors, c'est ça, c'est d'être capable d'anticiper les risques, d'anticiper les problèmes du poste de travail et du milieu de travail puis de travailler en amont... agir, plutôt, en amont pour éviter les accidents. Alors, ça, c'est le premier principe, la prévention. Comment je pourrais dire? J'allais dire : Le meilleur accident, c'est celui qui n'arrive pas. Ça ne se dit pas. Mais la meilleure chose, c'est qu'il n'y en ait pas, d'accident. Puis, pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'accident ou de problème de santé au travail, bien, c'est justement d'agir en matière de prévention.

Puis le deuxième postulat ou le deuxième principe, qui découle de celui-ci et qui est à la base ou dans la philosophie de la loi à l'origine, c'est de cibler la source des dangers. Puis ça, le mieux placé ou la mieux placée pour cibler la source des dangers, pour pouvoir agir en prévention, bien, c'est la personne elle-même qui est au poste de travail, c'est le travailleur ou la travailleuse. De n'est pas le patron qui est dans son bureau, qui parfois est dans un bureau, en plus, éloigné du milieu de travail. C'est de reconnaître que le spécialiste ou la spécialiste de son poste de travail, c'est la personne qui est au poste de travail.

Alors, moi, en étant député ici, par exemple, je constate que j'ai deux fenêtres de chaque côté de moi, je n'ai pas beaucoup d'espace derrière parce que la chaise est bloquée. Donc, si j'ai à sortir pour urgence, je ne sais pas comment je vais faire parce que j'ai un plexiglas à côté de moi, ce serait compliqué. C'est moi le spécialiste de mon poste ici, parce que je l'utilise. Bien, c'est la même chose pour le travailleur ou la travailleuse qui est dans son usine, qui est dans son poste de travail, qui passe sa journée assis avec un ordinateur, c'est le spécialiste. Donc, c'est le deuxième principe qui découle de la prévention, c'est de s'assurer de cibler la source des dangers à partir de la réalité intime, je dirais, presque, du travailleur ou de la travailleuse.

• (18 h 10) •

Et de ça découle le troisième principe, qui va invariablement avec les deux premiers, c'est celui de la parité. Donc, la parité, vu qu'il faut prévenir, vu que le mieux placé pour prévenir et identifier les risques, c'est le travailleur ou la travailleuse qui connaît son poste, bien, quand on établit un plan de prévention dans une entreprise, quand on établit un système de prévention dans un milieu de travail, bien, il faut que le travailleur soit partie prenante. Alors, ça, c'est la logique, là, c'est comme une pyramide inversée ou un entonnoir, prenez-le comme vous voulez, pour dire : Prévention, meilleure analyse du risque à partir du lieu de travail et parité, donc le travailleur et la travailleuse, d'un côté, paritairement, avec les employeurs, ils vont établir la meilleure façon de procéder.

D'ailleurs, vu que moi, j'ai un bagage d'historien, c'est un réflexe, je n'ai pas le choix de retourner toujours dans la source même du projet. Et je suis retourné au livre blanc, le livre blanc qui a été déposé par le ministre à l'époque, Mme la Présidente, Pierre Marois, qui a déposé le livre blanc sur une politique québécoise de la santé et la sécurité des travailleurs, 1978, qui a conduit au projet de loi de 1979. Alors, j'ai la page couverture ici, on... demain, peut-être si je me prends de bonne heure, là, avec la bibliothèque, je pourrai sortir le livre blanc en lui-même. Je pense, ce serait intéressant qu'on le voie. Et le ministre Pierre Marois le disait, dans ce livre blanc en 1978, que l'un des fondements de la Loi sur la santé et sécurité au travail se basait, écoutez bien, j'ouvre les guillemets, sur «une participation active et volontaire du milieu de travail lui-même», et c'est basé aussi sur un État qui prend ses responsabilités en mettant à la disposition des milieux de travail des outils et des moyens «leur permettant de trouver eux-mêmes les solutions», à leurs problèmes. Donc, je répète, une participation active et volontaire du milieu de travail lui-même et mettre à la disposition des milieux de travail des outils et des moyens leur permettant de trouver eux-mêmes des solutions à leur travail... à leurs problèmes. C'est pour ça que, je vous dis, c'est de la parité. Si on veut que le milieu de travail identifie lui-même ses risques reliés à la santé, ça veut dire qu'il faut qu'il participe, qu'il réfléchisse. Et c'est là qu'il y a un os par rapport à la réforme actuelle, et, pour moi, c'est la pierre d'angle, c'est le fondement qui base la réflexion ou la décision du vote que nous devons prendre.

Je viens de vous le dire, en 1978, c'était crucial, c'était le fondement, la parité. Mais dans sa réforme, le ministre, avec le projet de loi n° 59, vient briser un principe fondamental, celui de la parité, entre autres sur la question du multiétablissement, donc des plans et des comités de santé et sécurité au travail qui peuvent couvrir plusieurs établissements d'un même employeur. Et ça, j'aurai l'occasion d'y revenir dans mon allocution, mais c'est tellement important. Puis, vu que le principe de parité est au coeur du régime, si on vient permettre un comité de santé et sécurité multiétablissement, il ne faut pas que ce soit entre les mains d'une seule partie, parce que, là, on vient briser le principe de la parité. Les mieux placés pour déterminer le risque relié à une fonction ou à un poste de travail, c'est celui ou celle qui est dans cette fonction-là. Alors, si on vient dire, bien, ce sera juste entre les mains de l'employeur de décider s'il va y avoir un comité de santé et sécurité multiétablissement, bien, on vient briser ce principe de parité qui m'apparaît absolument fondamental.

Donc, ça, c'est le contexte de création du régime au Québec, en 1979, héritage de la période de la Révolution tranquille et qui fait en sorte que les travailleurs doivent être impliqués au premier chef, en premier lieu des mesures qui sont mises en place pour la santé et sécurité dans leurs milieux de travail.

Donc, vous voyez où je m'en vais, Mme la Présidente, c'est ma logique. Et pour moi, cet élément-là... puis il va y avoir d'autres choses, là, mais pour moi, cet élément-là est tellement fondamental que, vu que le gouvernement a refusé de changer ça, bien, on ne peut pas appuyer le projet de loi. On ne peut pas l'appuyer, mais on a essayé jusqu'à hier, là, parce que vous savez que... je ne sais plus c'est quel article de nos règlements, on peut, à la prise en considération, proposer des amendements. Vous êtes bien au courant de ça. Donc, on l'a essayé. Tu sais, moi, je suis un optimiste, un gars s'essaie. Alors, j'ai essayé encore une fois de proposer que le multiétablissement soit décidé de façon paritaire. Malheureusement, ça a été refusé, là, en amendement. Donc, c'est la réalité. Donc, voilà pour ce qui est du contexte, Mme la Présidente.

Je vais vous parler des manquements qui nous apparaissent fondamentaux, qui nous apparaissent tellement importants qu'on ne peut pas appuyer le projet de loi. Je veux continuer encore, quand même, un peu sur le multiétablissement, qui est comme le premier. Je vous en ai parlé amplement, mais je pense que c'est important de vous donner un petit peu plus de contexte sur l'enjeu du multiétablissement. Donc, comme je vous le disais, le projet de loi, sur la question du multiétablissement, vient autoriser la mise sur pied de programmes de prévention multiétablissement sans l'accord des syndicats ou des employés. Donc, on vient briser l'idée ou le principe du paritarisme.

Cet enjeu du multiétablissement fait en sorte qu'on éloigne l'analyse du risque à la source. Si, par exemple, ce n'est qu'un employeur qui décide si le même comité de santé et sécurité va couvrir plusieurs établissements, bien... et qu'il décide lui-même, bien, ça veut dire qu'il ne tiendra pas compte de l'opinion d'un travailleur ou d'une travailleuse qui connaît bien son milieu de travail. L'exemple classique, et celui que je connais le mieux, c'est celui de l'industrie de l'aluminium, parce que c'est dans ma région, parce que c'est dans ma circonscription. Il n'y a personne, je pense, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, qui n'a pas au moins quelqu'un dans son entourage qui travaille en lien avec l'industrie de l'aluminium, tellement que c'est important.

Vous savez que la bauxite arrive des fournisseurs, du côté de l'Afrique ou du côté des Antilles, par bateau au port de Port-Alfred, et là, bien, il y a des débardeurs, il y a des gens qui travaillent pour décharger les bateaux de la bauxite, empiler ça. Après ça, on met ça dans des trains. Ça, c'est l'autre étape, un chemin de fer Roberval-Saguenay et qui amène la bauxite jusqu'aux installations de l'usine d'alumine, qui est dans ma circonscription, ce qu'on appelle l'usine Vaudreuil, qui n'est pas à Vaudreuil. Il y a bien des gens qui disent : L'usine Vaudreuil, ça doit être à Vaudreuil. Non, l'usine Vaudreuil est à Jonquière et produit de l'alumine à partir de la bauxite, et ça, c'est une quatrième dimension.

Si un jour vous avez l'occasion de visiter une usine d'alumine, là, allez-y, Mme la Présidente. Moi, quand je suis rentré là, je ne pensais jamais de voir ça, c'est comme dans un film de science-fiction. Il n'y a que des tuyaux, des petites allées étroites, de la poussière, énormément de bruit. C'est ce qu'on appelle aussi les usines d'hydrate. Alors, c'est vraiment particulier, il n'y a pas un milieu comme ça. Il y a une usine d'alumine au Québec, donc c'est forcément le seul milieu qui est comme ça au Québec.

Mais là on est toujours dans la production d'aluminium. Gardez-vous ça en tête, parce que c'est de ça que je vais parler. Alors là, après l'alumine, bien là, on s'en va dans les salles de cuve, avec les anodes, pour pouvoir produire l'aluminium à une température extrêmement élevée, puis ensuite l'aluminium, bien, est expédié en lingots par camion, par train, sur les marchés. Puis annexe à ça, bien, évidemment, on a un centre de recherche et de développement de l'industrie de l'aluminium pour savoir comment on peut améliorer la production d'aluminium, avoir une pureté plus importante, par exemple, de l'alumine. C'est une des forces, d'ailleurs, de l'aluminium au Québec puis du Saguenay—Lac-Saint-Jean, c'est que la pureté de l'alumine est reconnue mondialement. C'est une alumine très, très pure qui vient rentrer dans la fabrication de l'aluminium. Donc, le centre de recherche est là pour améliorer les procédés, puis évidemment on a toute la chaîne administrative, des cadres, etc., de la compagnie.

• (18 h 20) •

Mais tout ça, ce que je viens de vous décrire, bien, on produit un même produit qui s'appelle l'aluminium, les lingots d'aluminium. Mais là, Mme la Présidente, entendez-moi bien, là, entre le travailleur ou la travailleuse au port, puis l'autre qui travaille dans le centre de recherche, et l'autre qui travaille dans une salle de cuve, et l'autre qui travaille dans ma quatrième dimension, là, l'usine d'alumine, l'usine Vaudreuil, c'est des risques tellement différents, tellement différents. Et le critère que le ministre a mis dans loi, c'est : il pourrait y avoir du multiétablissement quand ce sont des activités de même nature.

Alors, quel est le sens de la même nature? Est-ce que la même nature, c'est la production d'aluminium? Bon, déjà là, cela voudrait dire qu'on aurait un comité de santé et sécurité au travail qui couvrirait l'ensemble de l'oeuvre. Mais vous voyez tout de suite les différences entre les différentes fonctions. Est-ce qu'on peut segmenter? La même nature, c'est le transport, bon, mais le transport, est-ce que c'est le port avec les bateaux et le chemin de fer? C'est du transport. Est-ce que c'est de la recherche? Est-ce que c'est du développement, aussi, qui sont de la même nature? Alors, vous comprenez, puis là, en plus, je viens juste de vous parler de la chaîne pour l'usine d'Arvida puis le complexe Jonquière, mais il y a aussi, du même employeur, une usine à Alma, il y en a une à Laterrière puis il y en a une à Grande-Baie, mais qui ont des technologies différentes.

Alors, c'est extrêmement complexe. C'est extrêmement complexe, puis je comprends le ministre qui dit : Ah! non, non, ça ne couvrira pas les secteurs de l'aluminium, soyez assurés de ça. Mais moi, je veux que ça apparaisse dans la loi, et ça n'apparaît pas dans la loi. On a essayé, nous, au moins d'amener la dimension que, pour décider du multiétablissement... et là on parle, disons, l'exemple que je vous donne, c'est Rio Tinto qui a plusieurs établissements, des installations portuaires jusqu'à l'expédition en passant par l'alumine et les salles de cuves. Bien, ça, c'est plusieurs établissements d'un même employeur. On a essayé d'amener cette dimension de tenir compte et de décider du multiétablissement avec les travailleurs, avec l'accord des travailleurs et des travailleuses. Ça nous a été refusé. Donc là, c'est un accroc fondamental à ce que je vous disais tout à l'heure, qui est le principe de la parité à l'intérieur même du régime plus large de la santé et sécurité au travail.

Donc, moi, comme vous tous ici, Mme la Présidente, avec les collègues, je suis d'abord le représentant des électeurs puis des électrices de Jonquière, dont plusieurs travaillent dans des usines ou dans des installations, entre autres, de Rio Tinto en matière d'aluminium, qui sont extrêmement préoccupés par ça. Alors, moi, je peux bien, là, travailler des heures... on a parlé de 122 heures en commission parlementaire puis ici. Puis j'essaie d'amener des amendements, mais, quand je retourne chez moi... puis j'en ai encore eu aujourd'hui, là, des citoyens de ma circonscription qui m'ont écrit. Quand je retourne chez moi, puis que je rencontre un travailleur de chez Rio Tinto à l'épicerie, puis qu'il est profondément inquiet parce qu'il n'a pas eu les garanties ou les assurances du ministre que le multiétablissement ne s'appliquera pas pour l'ensemble de la filière de l'aluminium, bien, je ne peux pas retourner ici puis dire : Non, non, il n'y en aura pas de problème. Il y en a un problème puis, en plus, il y a un problème parce qu'on ne tiendra pas compte de celui ou de celle qui le connaît, le risque, parce qu'il travaille dans la quatrième dimension de l'usine d'hydrate pour produire l'alumine. Ça fait qu'il sait, il est où, le risque.

Et moi, Mme la Présidente, je comprends, là, qu'il peut y avoir différentes conditions ou différents milieux où il pourrait s'appliquer, le multiétablissement, que ce soit dans le commerce, par exemple, même dans le manufacturier, mais avec des tâches moins complexes. Je le comprends. L'idée, ce n'est pas d'être contre le multiétablissement de facto. L'idée, c'est d'être contre le fait que les travailleurs puis les travailleuses, qui sont les mieux placés pour connaître le risque, ne peuvent pas se prononcer avec l'employeur pour décider si ça va être multiétablissement ou pas.

C'est là-dessus que je fais la bataille, puis c'est là-dessus que j'ai essayé d'amender le projet de loi hier, puis c'est là-dessus que j'ai essayé de l'amender aussi durant l'étude détaillée, puis c'est là-dessus, malheureusement, que le ministre a refusé de faire des changements. Puis je lui avais dit, à micro fermé comme à micro ouvert, je n'ai qu'une seule parole, je lui ai dit : Nous, c'est un élément très, très important. Puis il y en a d'autres, là, des éléments, je vais vous en parler, mais il n'a pas voulu changer son fusil d'épaule là-dessus, ce qui est regrettable, Mme la Présidente.

D'ailleurs, l'amendement, je l'ai ici, là. C'est en... Ah! je l'ai. Tantôt, je vous disais, je ne me souvenais plus c'était quel article du règlement de l'Assemblée. C'est l'article 252 du règlement de l'Assemblée nationale qui nous permet d'amener des amendements lors de la prise en considération. Donc, nous, on s'est prévalu de cet article-là pour modifier l'article 58.1 de la Loi sur la santé et sécurité au travail, pour insérer les mots «avec l'accord des travailleurs», donc que l'employeur peut décréter un multiétablissement, si on veut, puis je n'ai pas le texte précis de la loi, là, mais l'idée de notre amendement, c'était d'ajouter les mots «avec l'accord des travailleurs». Puis, hier encore, le gouvernement l'a refusé.

Alors, ce n'est pas qu'on n'aura pas essayé. On y croit, on y croyait, on va y croire encore que ça prend l'accord des travailleurs dans un contexte de multiétablissement. Je suis sûr que vous avez plein, plein d'exemples, vous, Mme la Présidente, et tous les collègues ici, dans chacune de nos circonscriptions, sur ce que pourraient représenter les risques dans un contexte de multiétablissement, puis je ne comprends pas qu'on ne puisse pas permettre aux travailleurs de se prononcer avec l'employeur sur la pertinence ou non de décréter un multiétablissement. Ça, je ne comprends pas ça et je ne le comprendrai pas. Ça me prendrait des fichus bons arguments, puis le ministre, il est bon, il en a sorti plusieurs, mais ça ne m'a pas convaincu. Alors, on n'a pas le choix d'être contre le projet de loi, notamment en raison de cet élément sur le multiétablissement.

L'autre élément, Mme la Présidente... Après le multiétablissement, un des autres éléments qui fait en sorte qu'on veut voter contre ce projet de loi, c'est les lésions d'ordre psychique. Le projet de loi introduit, dans la loi sur la santé et la sécurité des travailleurs, les facteurs de risque psychiques qui pourraient aboutir à des maladies d'ordre psychologique. Bon, d'arriver avec les facteurs de risque psychique, c'est une avancée réelle, on le reconnaît. Vous comprenez qu'en 1979, lors de l'élaboration du premier projet de loi puis lors de l'élaboration même, en 1978, du livre blanc qui a conduit au projet de loi, à cette époque-là, la dimension des risques ou des problèmes de santé mentale reliés au milieu du travail, je veux dire, c'était du chinois. Ça, on n'en tenait pas compte, de ces risques-là psychiques reliés au milieu du travail. Donc, évidemment, ce n'était pas dans la loi.

Donc, quand je vous dis qu'il y a une avancée parce qu'il y a des... on tient compte des facteurs de risque qui pourraient aboutir à des maladies d'ordre psychologique ou de santé mentale, il y a une avancée là, mais c'est comme... le ministre puis le gouvernement ont fait un pas puis ils se sont arrêtés là, alors qu'il aurait fallu qu'ils fassent un deuxième pas, c'était de modifier la loi sur les accidents et les maladies professionnelles. Parce que vous savez qu'il y a deux lois, hein, qui sont concomitantes, là, la loi sur la santé et sécurité des travailleurs puis la loi sur les accidents et les maladies professionnelles, qui, elle — c'est là que le deuxième pas n'a pas été fait — ne reconnaît pas les lésions d'ordre psychique, donc on ne peut pas être indemnisé. On reconnaît qu'il peut y avoir des facteurs de risque psychique, mais on ne reconnaît pas qu'ils peuvent être indemnisés, les travailleurs.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Jonquière, alors, à cette heure-ci, je me dois de vous demander... J'imagine que vous n'avez pas terminé votre intervention et je vais vous inviter à poursuivre lors de la reprise de ce débat.

Ajournement

Et, compte tenu de l'heure, j'ajourne nos travaux au jeudi 30 septembre, à 9 h 40.

(Fin de la séance à 18 h 30)