(Dix-sept heures)
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Alors, bon lundi à tous et toutes. Vous pouvez prendre place.
Affaires courantes
Déclarations de députés
Nous allons
débuter nos travaux avec la rubrique des déclarations de députés. Et,
sans plus tarder, je vais céder la parole à M. le député de Saint-Jérôme.
Déplorer le recours à une procédure législative
d'exception pour présenter et adopter
un projet de loi assurant la continuité de la prestation des services
juridiques au
sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi
que le renouvellement de la convention collective des salariés
assurant la prestation de ces services juridiques
M. Marc Bourcier
M. Bourcier : Mme la Présidente, on
a un ministre libéral qui a visiblement passé plus de temps à rédiger sa loi spéciale qu'à négocier. Ce n'est pas la
première fois que le gouvernement libéral impose ses conditions au mépris du
principe de base en relation de travail :
la négociation. Ce gouvernement
libéral qui, en 2011, a forcé le
retour au travail de centaines de
procureurs et de juristes, ce gouvernement
libéral qui a rompu des contrats
signés pour couper la retraite de
milliers de travailleurs, il y a de quoi être inquiet, car ce gouvernement libéral, qui aime tellement imposer des conditions de travail et priver les travailleurs de leurs
droits, veut maintenant modifier la Loi sur les normes du travail. Les
millions de travailleurs du Québec
sont inquiets que le gouvernement
libéral leur retire des droits acquis
après des décennies de lutte. Il faut les arrêter. En 2018, la population
jugera. Merci, Mme la Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. Maintenant, je vais céder la parole à M. le député d'Arthabaska.
Rendre hommage aux petits Tigres de Victoriaville,
gagnants du Tournoi
international de hockey pee-wee de Québec, classe AA Élites
M. Éric Lefebvre
M.
Lefebvre : Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, je rends hommage aux petits Tigres de
Victoriaville qui ont remporté la
finale de la classe AA Élites du 58e Tournoi international de hockey
pee-wee de Québec. Les petits Tigres ont remporté une victoire de 3 à 2 en prolongation sur les petits
Saguenéens de Chicoutimi sur un but de Jason Desruisseaux en période supplémentaire. Je veux
féliciter chaleureusement l'entraîneur-chef Félix Bergeron, les joueurs pour ce
bel exploit.
Les Tigres
sont demeurés invaincus en six sorties lors du tournoi. Après avoir vaincu
Chicoutimi au lever de rideau, ils ont eu le dessus sur Lac-Saint-Louis,
séminaire Saint-François, le Maryland, les petits Blue Jackets de Columbus. La catégorie AA Élites regroupait pas moins de
28 équipes. Cette année, c'étaient les Cascades Élites pee-wee AAA qui
représentaient les petits Tigres, une équipe
formée de joueurs de la région de Victoriaville, mais également
de la région de Drummondville, de mon collègue Sébastien Schneeberger.
Je leur souhaite une bonne fin de saison. Je les invite à poursuivre dans leur succès et de continuer à
faire rayonner la région et d'être des ambassadeurs de saines habitudes de
vie. Merci, Mme la Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M.
le député d'Arthabaska. Maintenant, je
cède la parole à M. le député de Sanguinet pour sa déclaration d'aujourd'hui.
Déplorer le recours à une procédure législative d'exception pour présenter
et adopter
un projet de loi assurant la continuité de la prestation des services
juridiques au
sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi
que le renouvellement de la convention collective des salariés
assurant la prestation de ces services juridiques
M. Alain Therrien
M.
Therrien : Mme la
Présidente, chers collègues, ça fait maintenant
18 semaines que le gouvernement
libéral fait semblant de négocier
avec les juristes. Jamais, au cours de ces longs mois, le gouvernement n'a négocié de bonne foi. Une entente
négociée est toujours mieux qu'une entente imposée. Tout ce qu'on demande
depuis 18 semaines, Mme la Présidente, c'est une négociation de bonne foi. Les
faits alternatifs concernant les offres proposées, qui se sont avérées
inférieures à celles du front commun, en disent long sur ce gouvernement. On
s'en rend compte aujourd'hui, Mme la Présidente, l'intention du ministre et de
son prédécesseur a toujours été d'imposer et non pas de négocier. L'intransigeance libérale à son paroxysme, Mme la Présidente. La marque de commerce de ce gouvernement, c'est ça : couper, imposer, bâillonner. L'histoire du Québec
se rappellera de ce gouvernement, un gouvernement de lois spéciales, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais : Mme la Présidente, le
25 janvier dernier...
Une voix : ...
Mme
Maltais :
Excusez-moi, là!
Des voix : ...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Un instant! Je vais attendre que ce soit un peu plus calme avant de
céder la parole à qui que ce soit. Alors, il y a une seule personne qui
a la parole en ce moment et c'est Mme la députée de Taschereau pour sa déclaration
d'aujourd'hui.
Une voix : ...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Un instant! Alors, une question de règlement, M. le
leader adjoint du gouvernement?
M. Tanguay : Oui, Mme
la Présidente. Vous connaissez mieux
que moi l'article 32, le décorum. Je vous prierais de
rappeler à l'ordre notre collègue de Sanguinet, qui hurlait il n'y a pas...
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
C'est très bien. Alors là, on ne commencera pas déjà à faire des... Il y a une
personne...
Une voix : ...
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
C'est moi qui décide. Alors, vous allez vous asseoir.
Une voix : ...
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Non, je vais reconnaître la personne...
Une voix : ...
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
La soirée va être longue, là, je pense.
Des voix : ...
La Vice-Présidente
(Mme Gaudreault) : Je ne lui
ai pas permis de terminer son intervention. Il y a une personne qui a la parole ici. Nous en
sommes à la rubrique des déclarations de députés. Je vais demander à Mme la
députée de Taschereau de nous faire sa déclaration et je voudrais certainement
demander la collaboration de tout le monde, les deux leaders et tous les
membres de cette Assemblée. Mme la députée.
Déplorer le recours à une procédure législative d'exception pour présenter
et adopter
un projet de loi assurant la continuité de la prestation des services
juridiques au
sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi
que le renouvellement de la convention collective des salariés
assurant la prestation de ces services juridiques
Mme Agnès Maltais
Mme
Maltais : Le 25 janvier dernier, le président du Conseil du trésor
déclarait, et je le cite : «Je n'ai pas dans mes cartons l'ombre d'une pensée de demander la
rédaction d'une loi spéciale parce que ce n'est pas la nature des relations
qu'on veut établir entre les juristes et le
gouvernement.» Qu'est-ce qu'on peut en rire aujourd'hui! Le nouveau ministre se Aujourd'hui, nous avons la preuve, c'était de la poudre aux
yeux. Le président du Conseil du
trésor n'a jamais voulu
négocier. Encore vendredi, il prétendait que son offre finale n'était pas un
ultimatum, et le lendemain il demandait une loi spéciale. En 2005, les
juristes sont rentrés sur une loi spéciale; en 2011, les juristes sont rentrés
sur une loi spéciale, et on leur promettait
un comité de négociation; aujourd'hui, on veut les faire rentrer en leur repromettant
un comité de négociation qui n'a jamais eu lieu. Laissez les poignées sur les valises,
pas dans notre dos, pas dans celui des juristes de l'État.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, ceci met fin à la rubrique des déclarations de députés, et je
suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 7)
(Reprise à 17 h 11)
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, chers collègues, nous allons nous recueillir quelques instants.
Alors, je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Dépôt d'une lettre du premier ministre demandant que
l'Assemblée se réunisse en séances extraordinaires
Avant de
poursuivre les affaires courantes, je vous rappelle que nous sommes réunis à la
suite de la lettre qu'a adressée au
président de l'Assemblée nationale M. le
premier ministre lui demandant de
prendre les dispositions nécessaires pour
que l'Assemblée se réunisse en
séances extraordinaires à compter de 17 heures, ce 27 février 2017, selon
le calendrier et l'horaire qui seront
déterminés par l'Assemblée, afin de permettre la présentation d'un projet de
loi assurant la continuité de la
prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la
poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention
collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques ainsi
que de procéder à toutes les étapes de son étude. Alors, je dépose cette
lettre.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni
de présentation de projets de loi.
Dépôt de documents
Lettre du Commissaire à l'éthique et à la déontologie,
M. Jacques Saint-Laurent, informant de sa décision de
cesser d'exercer ses fonctions le 30 septembre 2017
À la rubrique
de documents, je dépose une lettre qu'a reçue le président de l'Assemblée
nationale de la part du Commissaire à
l'éthique et à la déontologie, Me Jacques Saint-Laurent, l'informant de sa décision de cesser d'exercer ses fonctions
le 30 septembre 2017 advenant qu'il ne soit pas remplacé d'ici là.
Alors, il n'y a pas de dépôt de rapports de
commissions.
Dépôt de pétitions
À la rubrique
des pétitions, j'ai reçu une demande de Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour la présentation d'une
pétition non conforme. Alors, y
a-t-il consentement pour la
présentation de cette pétition? Consentement. Mme la députée.
Tenir une commission parlementaire pour étudier le
projet de réseau électrique métropolitain
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Je
dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée
par
113 pétitionnaires, qui s'ajoute aux 1 000... que j'ai déposée dernièrement. Désignation : citoyens
et citoyennes du Québec.
«Les faits invoqués sont les suivants :
«Considérant
la volonté des gouvernements d'investir massivement dans un projet visant à
améliorer le transport collectif pour la Communauté métropolitaine de
Montréal;
«Considérant
que la Caisse de dépôt et placement du Québec Infra demande une subvention des
gouvernements de 2,5 milliards
pour son projet de réseau électrique métropolitain sans avoir élaboré son
modèle de financement en tenant compte de la tarification;
«Considérant
que le tracé proposé favorise l'étalement urbain sur des terres agricoles, des
forêts et des milieux humides et ne
contribue pas à la revitalisation des importantes friches industrielles de la
Communauté métropolitaine de Montréal;
«Considérant que les impacts du projet de loi de
la Caisse de dépôt et placement Infra sur les infrastructures existantes et les
services actuels de transport collectif n'ont pas été évalués et présentés avec
transparence;
«Et l'intervention
réclamée se résume ainsi :
«Nous,
soussignés, demandons au gouvernement du Québec de différer le mandat du BAPE
et de mettre sur pied une commission
parlementaire afin d'évaluer le projet de la Caisse de dépôt et de placement
Infra et de démontrer, avant d'aller de l'avant, que :
«L'investissement gouvernemental prévu vise à
répondre à un besoin actuel du réseau de transport collectif et constitue une
priorité pour l'ensemble de la région et comblera les besoins du plus grand
nombre d'usagers;
«[Deux,] le
système sera complémentaire aux réseaux existants et ne diminuera pas l'utilisation
du transport collectif dans des secteurs non desservis par le REM, mais
actuellement desservis par les réseaux existants;
«Le projet contribuera de manière importante à
une réduction des gaz à effet de serre.»
Je certifie que cet extrait est conforme à
l'original de la pétition.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Cet extrait de pétition est déposé.
Il n'y a pas
de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation
de droit ou de privilège.
Questions et réponses orales
Nous en
sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je cède
la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Négociations avec les juristes de l'État
Mme Nicole Léger
Mme Léger :
M. le Président, le nouveau président du Conseil du trésor a été nommé en
janvier, et sa priorité était de faire sortir de l'impasse le conflit de
travail avec les juristes de l'État. Son premier test a échoué. Pas de sauveur.
Il n'y a pas d'entente négociée, il impose une loi spéciale et il brise le
climat de confiance avec les juristes.
Le ministre
va me dire que le gouvernement a fait cinq offres aux juristes de l'État.
Pourtant, il sait fort bien que la plupart de ces offres étaient les
mêmes offres, mais patentées différemment. Lorsque je lui ai demandé de déposer
publiquement sa proposition, il a fait un
briefing technique pour nous endormir, et cela n'a pas fonctionné. Opération de
relations publiques manquée. Aujourd'hui, le
ministre plaide l'intransigeance des juristes, alors que c'est plutôt lui qui
préfère passer en force une loi spéciale et
mettre fin aux négociations. Après les avoir laissés dans le froid pendant
19 semaines, il a choisi le mépris avec une loi spéciale.
Le ministre
est-il capable de retarder la loi spéciale, de recourir à la médiation et de
trouver une solution négociée, tel que demandé par le Barreau et la
Chambre des notaires?
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
M. le président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M. Moreau : Alors, M. le Président, je regrette
que la députée de Pointe-aux-Trembles se soit endormie pendant le briefing technique. L'idée n'était pas
celle-là, l'idée était de faire preuve de transparence et d'indiquer clairement
quelles étaient les offres qui étaient présentées par le gouvernement.
M. le Président, effectivement, j'ai été
assermenté au Conseil du trésor le 16 janvier. Le premier ministre m'a demandé de faire tous les efforts dans la
négociation pour régler ce conflit de travail. M. le Président, j'ai ici un
tableau qui indique quelles sont les
étapes qui ont été suivies dans cette négociation. De février 2015 à février
2017, M. le Président, nous avons
augmenté constamment l'offre salariale faite aux juristes de l'État, et la
ligne verte, ici, représente les procureurs. J'ai été assermenté le 16 janvier 2017. Le 24 janvier, la proposition
salariale était supérieure à la situation des procureurs, et à l'offre finale elle est bonifiée pour un écart
positif en faveur des procureurs de 355 $. La demande de LANEQ se situe
à...
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En terminant.
M. Moreau :
...119 838 $, M. le Président. C'est bien plus que la parité avec les
procureurs.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Première complémentaire, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Nicole Léger
Mme Léger :
Le ministre nous parle toujours des questions monétaires seulement. En
12 ans, trois lois spéciales, ça
prouve que quelque chose ne marche pas. Jamais vous ne parlez de leur régime de
négociation, vous ne les avez pas écoutés. Qu'est-ce que le ministre va
dire entre autres à Julie, Paul, Éric et Nathalie, qui vous écoutent attentivement
aujourd'hui dans les tribunes, entre autres, mais que vous allez faire rentrer
avec une loi spéciale?
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
M. le président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M. Moreau : M. le
Président, pour le texte de la loi
spéciale, on en discutera lorsqu'elle sera déposée. Ce que j'ai indiqué depuis le début de mon mandat au Conseil du trésor, c'est que le premier choix du gouvernement était d'en arriver à une entente négociée.
C'est ce que nous avons fait, nous nous sommes constamment présentés à la table
de négociation, et même lors de rencontres demandées par LANEQ, à laquelle
eux-mêmes ne se sont pas présentés.
Il y a une négociation qui est en cours depuis 4 heures cet après-midi. Vous savez quoi?
Parce que nous sommes en mode de
négociation, et les négociations, ça rapporte. Hier, dans la nuit, nous nous
sommes entendus avec un groupe de travailleurs du gouvernement du
Québec...
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En terminant.
M. Moreau : ...qui assure la sécurité dans les prisons. On
est en mode négociation pour tout
le monde, incluant pour les
juristes.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En deuxième complémentaire, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Nicole Léger
Mme Léger : Nous nous sommes entendus... pourtant, ce que j'ai entendu, c'est une
loi spéciale tout à l'heure.
J'ai une
question pour le premier ministre. Les juristes de l'État ont tenté à deux reprises
de contacter votre directeur de
cabinet. À chaque fois, Jean-Louis Dufresne leur a dit qu'il allait les
rappeler. Il n'a jamais rappelé. Est-ce que c'est ça de tenter de
trouver une sortie de crise de bonne foi et d'avoir du respect pour vos
juristes : ne pas parler au monde et imposer une loi spéciale?
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
M. le président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M. Moreau : Le préambule des
questions de la députée de Pointe-aux-Trembles, là, c'est une histoire qui ne
correspond pas à la réalité. Ne pas discuter avec les gens? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles,
je vous indique simplement que j'ai rencontré le président de LANEQ... M. le Président, j'indique à la députée de Pointe-aux-Trembles
que j'ai rencontré le président de LANEQ trois fois, à sa demande, qu'il y a eu
des négociations depuis deux ans, qu'il y a
eu six offres de déposées par le gouvernement. Vous pouvez bien dire, dans un préambule, qu'on
ne leur parle pas : la réalité
est tout autre. Vous pouvez bien dire, dans vos préambules, que l'on a du
mépris : ce que nous avons fait au plan salarial, c'est de déposer
ce qu'ils nous ont demandé.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En terminant.
M. Moreau : On n'a toujours
pas de règlement. Et, sur leur statut, on a repris leur vocabulaire.
• (17 h 20) •
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En principale, M. le député de Lac-Saint-Jean.
Statut des juristes de l'État
M. Alexandre Cloutier
M.
Cloutier : M. le Président, crise après crise au ministère de la
Justice et c'est toujours la même action de la ministre de la
Justice : de l'inaction, de la passivité et carrément de la résignation
sur des enjeux qui, pourtant, sont fondamentaux.
Cet automne, c'était la crise des délais en matière criminelle et ça va avoir
pris une sortie sans précédent de la
magistrature pour finalement avoir un début de réponse. La semaine dernière, on
apprenait qu'elle était mise sous tutelle. Et, dans la plus longue grève
des employés de l'État de l'histoire du Québec, la grève des juristes, sous la
responsabilité de la ministre de la Justice : silence radio, M. le
Président, absence complète du débat.
Pourtant, M. le Président, les juristes
comptaient sur elle pour les défendre, pour les représenter et pour qu'on reconnaisse la valeur de leur travail. Alors,
est-ce qu'on peut enfin connaître l'opinion de la ministre de la Justice, elle
qui a été muette durant les 18 derniers mois?
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Mme la ministre de la Justice.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée :
M. le Président, je ne commenterai pas les insultes du collègue, parce que, de
l'autre côté, c'est ce qu'on tente de
faire : apporter ce dossier-là et le faire sous le volet des insultes. M.
le Président, comme ministre de la Justice,
j'ai annoncé 175,2 millions pour débloquer la crise en matière criminelle
et pénale, une annonce sans précédent, M. le Président. Et, de l'autre côté, qu'on nous
fasse la morale, bien, moi, ça me permet simplement de mettre en lumière
tous les efforts qui ont été consentis au cours des derniers mois, au cours des
dernières années pour en arriver à des règlements concrets pour améliorer le
système de justice au bénéfice des contribuables du Québec.
Et,
pour ce qui est de l'actuel dossier qui nous amène ici aujourd'hui, M. le
Président, je peux vous garantir avoir le plus profond respect pour
l'ensemble des juristes de l'État. Ça, je peux vous le garantir. Mais, ceci
étant dit, les négociations menées par notre
collègue sont menées avec respect, sont menées dans un souci de bien assurer
que les juristes auront un règlement qui sera propre...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant.
Mme Vallée :
...à leur statut.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Première complémentaire, M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Alexandre Cloutier
M.
Cloutier : M. le Président, ce qui nous intéresse de la ministre de la
Justice, M. le Président, c'est son opinion sur le conflit actuel. La Cour suprême nous a clairement indiqué que les
procureurs en matière civile, criminelle ou pénale, ils devaient être indépendants. Son ancien
collègue Benoît Pelletier a émis un avis juridique qui va exactement dans le
même sens. Le Pr Garant, professeur de droit public, nous dit exactement la
même chose.
Est-ce qu'on peut
connaître l'opinion de la ministre de la Justice?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Mme la ministre de la Justice.
Mme Stéphanie Vallée
Mme
Vallée : M. le Président, ce qui nous préoccupe aujourd'hui,
c'est l'effet de cette grève des juristes pour l'ensemble du système de justice et pour également l'ensemble du
fonctionnement de notre gouvernement. M. le Président, nous avons respecté le droit de grève de nos
juristes, ce droit de grève qui est exercé depuis près de quatre mois. Ce droit
de grève, M. le Président, il n'est pas sans
conséquence non seulement pour le gouvernement, mais pour les citoyens, pour
des contribuables, pour des gens qui sont en attente de décisions devant le
Tribunal administratif du Québec...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant.
Mme Vallée :
...de décisions devant la Cour du Québec. Ça, c'est un enjeu sur lequel on doit
se...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En deuxième complémentaire, M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Alexandre Cloutier
M.
Cloutier : M. le Président, je n'en reviens pas. La ministre prétend
qu'on respecte le droit de grève. C'est la troisième loi spéciale pour
exactement le même enjeu. M. le Président, la raison pour laquelle ça ne se
règle pas sur les négociations salariales,
c'est parce que le vrai enjeu, ils veulent être reconnus comme indépendants,
reconnus par la Cour suprême, reconnus comme Benoît Pelletier puis
reconnus comme Patrice Garant.
Ce
qu'on veut savoir, c'est la réponse de la ministre de la Justice. Est-ce
qu'elle partage les interprétations, les indications de la Cour suprême?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M.
Moreau : Peut-être
veulent-ils être reconnus comme Patrice Garant ou comme Benoît Pelleter, la
réalité est tout autre. Nous sommes
d'avis... Et je n'ai pas entendu, ce matin, la députée de
Pointe-aux-Trembles, la question lui a été posée : Est-ce que, si vous étiez au gouvernement, vous donneriez
ce statut? Elle a habilement patiné. C'était une... Tu sais, elle n'a
pas répondu à la question.
Ce
que nous, on fait, bien qu'on soit en désaccord sur le statut d'indépendance,
on est prêts à mettre en place un comité
indépendant qui va statuer sur cette question-là. Ça, on est capables de faire ça. Et le texte que
nous avons soumis, c'est le vocabulaire utilisé par les juristes
eux-mêmes et par Me Denis. Alors, expliquez-moi pourquoi...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant.
M.
Moreau : ...il n'y a pas d'entente sur cet aspect-là des
choses parce qu'en ce qui me concerne, ce qu'on a mis sur la table, en
grande partie...
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En principale, M. le leader de l'opposition officielle.
Enquête
sur le Service de police de la ville de Montréal
M. Pascal Bérubé
M.
Bérubé : M. le Président, résumé des épisodes précédents.
Mardi dernier, d'ex-enquêteurs du SPVM allèguent la fabrication de preuves. C'est très grave. Le patron du SPVM appelle
celui de la SQ, ils conviennent ensemble d'une vérification. Le ministre applaudit, trouve que ça a bien du sens. Le
lendemain, il nous dit que le Bureau des enquêtes indépendantes, il ne peut pas intervenir
là-dessus, il n'a pas le pouvoir de le faire. Pourtant, il y a l'article 289.6.
Ensuite, il y a un sondage qui nous
montre que 80 % et plus de la population croient que ça prend une enquête
indépendante, et là le ministre bouge.
Et
là il décide, un vendredi après-midi, de prendre une décision puis de
dire : Écoutez, on va ajouter plus de policiers pour enquêter sur plus de policiers, une pratique
qu'on croyait révolue. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il croit qu'il
est à la hauteur de la situation en perpétuant un système où la police
enquête sur la police?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Martin Coiteux
M.
Coiteux : Bien, M. le Président, je vais remercier mon critique de
l'opposition officielle de me poser la question parce que c'est
l'occasion de réitérer les gestes qui ont été posés vendredi dernier.
Alors,
vendredi dernier, j'ai annoncé deux choses en particulier — puis il y a d'autres choses, donc il y aura des
questions complémentaires, sans doute — mais, en particulier, j'ai annoncé qu'il y
avait une amplification de l'enquête de
nature criminelle. On a maintenant pas moins de 14 enquêteurs qui seront
choisis pour n'avoir absolument aucun lien avec l'objet de leurs enquêtes. Ces enquêteurs, ces 14 enquêteurs,
seront dirigés notamment par Me Madeleine Giauque, qui est
directrice du BEI, et, d'autre part, en même temps, j'envoie quelqu'un
directement à l'intérieur du SPVM, un commissaire
enquêteur à l'intérieur du SPVM, qui va pouvoir faire toute la lumière sur ce
qui se passe avec le module des
enquêtes indépendantes à l'intérieur... des enquêtes internes, pardon, à l'intérieur
du SPVM, et j'ai demandé aussi un
rapport au chef de police de Montréal. Alors, on a là des outils qui vont nous
permettre de savoir exactement ce qui se passe et, s'il y a des suites,
il y aura des suites par la suite.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Première complémentaire, M. le leader de
l'opposition officielle.
M. Pascal Bérubé
M.
Bérubé :
J'espère qu'il y aura des suites.
On
se souviendra que l'actuel ministre du Conseil du trésor, qui a été ministre de
la Sécurité publique, qui, en plus d'avoir
retardé de plusieurs mois la mise en place du BEI, avait bloqué la candidature
de trois civils aux postes d'enquêteurs, il disait préférer que les enquêteurs soient des agents de la SQ, même
si la direction du Bureau des enquêtes indépendantes demandait qu'il y
ait parité avec les civils. Il faut croire que ce gouvernement avait un malaise
avec le BEI.
Pourquoi le ministre
refuse-t-il de mettre en place une véritable enquête indépendante comme le
demande la population? La vérité a ses droits. Le ministre souhaite-t-il
l'obtenir?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Martin Coiteux
M.
Coiteux : La réalité des faits, c'est qu'on a mis sur pied le Bureau
des enquêtes indépendantes qu'on a doté en effectifs spécialisés. Des gens ont été recrutés pour leurs qualités,
pour la qualité de leur dossier. Et les gens ont été formés. On a utilisé aussi les pouvoirs qui sont
conférés par la loi pour étendre le mandat des enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes aux cas d'agressions
sexuelles. On a fait exactement ce qui était prévu. Maintenant, la réalité des
choses, M. le Président, c'est qu'il y a 22 enquêteurs
au Bureau des enquêtes indépendantes. 12 d'entre eux sont d'anciens policiers, 10 sont des civils. C'est la réalité
aujourd'hui. Et ils font pratiquement une enquête par semaine. Alors, à court
terme...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant.
M. Coiteux :
...les empêcher de faire ce pour quoi le bureau a été constitué pour les
allouer...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Deuxième complémentaire, M. le leader de
l'opposition officielle.
M. Pascal Bérubé
M.
Bérubé : Bien, il aura fallu un sondage pour faire bouger le
ministre, M. le Président. Il aura fallu un sondage qui démontre le
cynisme de la population à l'égard de ce qui se passe au SPVM.
On
a un outil que s'appelle le Bureau des enquêtes indépendantes. Est-ce que le
ministre a l'intention de lui donner
davantage de moyens, davantage de pouvoirs pour ne plus jamais que des
policiers enquêtent sur des policiers, une pratique qu'on croyait
révolue au Québec, M. le Président?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Martin Coiteux
M.
Coiteux : Simplement, M. le Président, non, le gouvernement n'agit pas
en raison des sondages, et encore moins les sondages d'un seul matin,
n'est-ce pas? Il y a eu un sondage dans le Journal de Montréal. La
décision que j'ai annoncée vendredi après-midi, elle était prise le jeudi soir.
Et, non, je n'avais pas d'information privilégiée du Journal de Montréal à
l'effet du sondage le lendemain. Ce qu'on a fait vendredi, c'est prendre les
moyens qui me sont conférés par la
loi en tant que ministre de la Sécurité publique pour faire face à une
situation où un nombre plus grand d'allégations
de crimes potentiels graves pourrait avoir été commis. Alors, on a amplifié la
quantité d'enquêteurs pour l'enquête criminelle et on a envoyé quelqu'un
à l'intérieur du SPVM pour faire toute la lumière.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant.
M. Coiteux :
C'est ça qu'on a fait. On assume nos responsabilités.
• (17 h 30) •
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En principale, M. le chef de la deuxième
opposition.
Rémunération des juristes de
l'État
M. François Legault
M.
Legault : M. le Président, les juristes de l'État sont en grève
depuis quatre mois. Depuis quatre mois, combien de fois le premier ministre les a rencontrés et a rencontré leurs
représentants? Aucune fois. Quel manque de leadership! Quelle nonchalance! M. le Président, c'est un
dossier qui aurait pu être réglé. Imaginez-vous, les juristes demandent d'avoir
la même rémunération que les procureurs. Puis le gouvernement dit qu'il leur
offre la même rémunération que les procureurs. Eux disent que ce n'est pas
vrai.
Comment
ça se fait qu'en quatre mois le premier ministre ne s'est pas impliqué, n'a pas
trouvé une façon de mettre en place
un comité indépendant pour savoir qui
dit vrai? Est-ce qu'il peut nous dire, là, pourquoi ça ne l'intéresse
pas, ce dossier-là? Pourquoi qu'il
n'a pas rencontré les représentants des juristes depuis quatre mois? Pourquoi il
veut les forcer de rentrer au travail? Il peut-u s'imaginer le climat de
travail, le gâchis qu'il est en train de faire?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : M. le premier ministre.
M. Philippe Couillard
M.
Couillard : M. le Président, je veux saluer la vigueur nouvelle du collègue
pour le mouvement syndical. Je pense que tout
le monde aura remarqué ça. Je le
félicite. C'est bien. C'est également sa première question sur le sujet. Bien sûr,
aujourd'hui, c'est dans les nouvelles. Quand c'est dans les
nouvelles, la CAQ se lève. Ça, on peut être garantis que c'est une
prédiction qui se réalise toujours.
Maintenant,
je veux lui dire quelque chose de très clair. D'abord, quand on a une
équipe, hein, une équipe, je ne sais
pas s'il connaît c'est quoi, une équipe, quand on a une équipe, les gens qui
composent l'équipe sont compétents et sont capables de prendre en main
les mandats qui leur sont confiés avec toute la compétence requise.
Deuxièmement, cette négociation a été bien menée puis elle a été menée de bonne
foi. On l'a dit tantôt, la rémunération, aujourd'hui même et depuis quelques semaines déjà,
dépasse celle accordée aux procureurs de la couronne. Donc, cet enjeu-là, il est réglé. Les procureurs
auraient dû, selon moi, rentrer au travail déjà depuis quelques
semaines.
L'autre
enjeu, qui consisterait à sous-traiter à des tiers la rémunération des employés de l'État, je ne sais pas ce qu'en pense le collègue, il pourra peut-être s'exprimer là-dessus,
mais on ne pense pas, nous, que ce sont des tiers qui devraient prendre en main la rémunération de l'État. Je
pense que l'État
ici montre qu'il a réglé avec 450 000
personnes du secteur public, encore un groupe la nuit dernière. Je pense
que toutes les conditions sont réunies depuis plusieurs semaines pour avoir un
règlement dans ce dossier-là.
La
bonne nouvelle, c'est qu'alors qu'on est ici les négociations se poursuivent,
et je souhaite qu'elles réussissent.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En première complémentaire, M. le chef de la
deuxième opposition.
M. François Legault
M.
Legault : M. le Président, les procureurs de la couronne ont un
comité d'évaluation de leurs conditions de travail qui fait des
recommandations au gouvernement. Le gouvernement peut les accepter, les refuser,
les modifier. Ce matin ou ce midi, j'ai
rencontré les représentants des juristes. Ils seraient prêts à accepter la même
chose que les procureurs.
Pourquoi le
premier ministre n'est pas d'accord pour leur donner le même comité
d'évaluation que les procureurs?
Le Vice-Président (M.
Ouimet) : M. le premier ministre.
M. Philippe Couillard
M.
Couillard : ...nous ne
pensons que la situation soit la même et soit comparable, M. le Président,
d'une part. D'autre part, on a
proposé, d'ailleurs, dans nos dernières offres, on a proposé de mettre en place
un comité bien formé avec des gens
indépendants qui discuteraient du statut professionnel des juristes de l'État,
qui sont des gens que je connais et que je respecte énormément. Là
aussi, on pourrait être au travail. Au lieu d'être en grève pas de salaire
depuis des semaines, là, les juristes
pourraient être au travail actuellement avec nous pour régler cette question ou
faire avancer cette question de leur
statut professionnel. Mais encore une fois il va falloir que notre collègue
soit un peu plus précis. Est-ce qu'il pense qu'il faudrait payer les
juristes plus que les procureurs de la couronne? Est-ce qu'il pense qu'il
faudrait sous-traiter la rémunération des employés de l'État à des tiers?
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En deuxième complémentaire, M. le chef de la deuxième opposition.
M. François Legault
M. Legault :
M. le Président, le premier ministre ne comprend pas le dossier. Ce n'est pas
un dossier d'argent. M. le Président,
il n'a pas donné un argument, là. Pourquoi les procureurs de la couronne ont le
droit à un comité d'évaluation? Ce
n'est pas exécutoire. Quand le premier ministre reçoit le rapport, il peut
l'accepter, il peut le refuser, il peut le modifier.
Il peut-u nous donner un argument pourquoi il
est en désaccord avec ça?
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
M. le premier ministre.
M. Philippe Couillard
M.
Couillard : ...ou
heureusement, le collègue n'est pas le porte-parole syndical. Donc, on aura ces
conversations actuellement à la table de négociation et on a déjà été
très ouverts à former un comité de travail formé avec des gens indépendants
pour nous éclairer sur cette question. Nous sommes convaincus — on
peut être en désaccord avec nous — nous sommes convaincus qu'il existe une
différence fondamentale entre les procureurs de la couronne et les juges,
qui sont le bras judiciaire du gouvernement, et les juristes de l'État, qui ont
une grande compétence et une expertise que
j'ai moi-même appréciées au cours de ma carrière politique, et je leur en suis
reconnaissant, mais ce n'est pas la même chose. C'est notre position. Il peut ne pas être d'accord, mais c'est
notre position. Maintenant, on est d'accord, nous, pour quelque chose, cependant. On a rempli la demande
des juristes pour la rémunération, c'est fait depuis longtemps déjà.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En terminant.
M. Couillard : On est prêts à
remplir également l'autre, mais il faut s'asseoir pour en parler.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En principale, M. le député de Borduas.
Conséquences de la
grève des juristes de l'État
M. Simon Jolin-Barrette
M.
Jolin-Barrette : M. le
Président, le premier ministre aurait peut-être intérêt à aller passer un peu
quelques jours dans les palais de justice pour voir le travail des
juristes de l'État, qui sont au palais de justice également.
M. le Président, le conflit de travail qui
oppose le gouvernement aux avocats et aux notaires de l'État a des conséquences
désastreuses sur la conduite de l'État au cours des 18 dernières semaines.
Depuis le début de la grève, le
24 octobre dernier, le gouvernement a octroyé des contrats totalisant
868 millions sans les précieux conseils de ses juristes. Parmi ces ententes, 400 ont été conclues sans
appel d'offres, donc de gré à gré, ce qui représente 214 millions de
dollars. Comment le gouvernement peut-il être certain que ces contrats,
ces ententes ont été donnés à juste prix? Parce que ce sont les Québécois qui
vont payer. Le prochain budget est aussi touché par la mauvaise gestion du
Conseil du trésor. Deux cadres remplacent la
dizaine de fiscalistes appelés à travailler sur le budget. Il y a des
conséquences également pour les citoyens qui veulent être indemnisés par
l'IVAC, par la SAAQ.
M. le Président, le président du Conseil du
trésor est-il conscient de son échec à trouver une solution?
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, M. le président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M. Moreau :
Bien, écoutez, le député de Borduas peut bien essayer de personnaliser le
débat, moi, je ne le ferai pas. Ça ne
m'intéresse pas. Ce n'est pas ça, le débat. Le débat, c'est de savoir :
Est-ce qu'on a du respect pour les juristes de l'État? La réponse, c'est oui. Est-ce que ces gens-là
font un travail important? La réponse, c'est oui. Vous êtes allé dans les palais de justice? J'y suis allé pendant
22 ans et je sais très bien que les plaideurs au niveau civil, et vous
devriez le savoir, ne peuvent pas
régler un dossier sans l'accord de leur client. Dans le cas des juristes de
l'État et des plaideurs, le client,
c'est le gouvernement, que ça vous plaise ou non, M. le député de Borduas.
Donc, M. le Président, ce que l'on estime,
c'est que le statut des juristes de l'État est un statut qui les inscrit dans
une relation avocat-client. Ça ne fait pas d'eux de moins bons avocats que les procureurs de la couronne, ça fait
d'eux des gens qui occupent des fonctions qui sont différentes. Et,
malgré notre désaccord sur ce point de vue là, nous sommes d'accord pour
soumettre à un comité indépendant la question du statut des procureurs.
Sur la
question des contrats, j'aurai l'occasion d'y revenir, il est faux de prétendre
que le gouvernement n'est pas conscient des contrats qui sont accordés,
lesquels le sont dans les règles applicables en vertu de la loi sur les
contrats publics, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Première complémentaire, M. le député de Borduas.
M. Simon Jolin-Barrette
M.
Jolin-Barrette : M. le Président,
le président du Conseil du trésor sait très bien qu'un criminaliste, un
procureur de la couronne doit consulter son procureur-chef également.
J'ai d'autres
exemples à vous présenter, M. le Président. Les tribunaux administratifs sont
paralysés. Le TAQ, par exemple,
produit deux fois moins de décisions en décembre 2016 qu'en décembre 2015, la
même chose à la CPTAQ. À la Commission des transports, c'est de 210 à 98
en décembre 2016.
Le président
du Conseil du trésor peut-il admettre que le conflit a été mal géré, qu'il a
fait mal à l'État de droit en agissant de la sorte?
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
M. le président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M. Moreau :
Ce que je reconnais, M. le Président, c'est que le droit à la grève est un
droit constitutionnel, qu'un droit de
grève, c'est un moyen de pression et qu'un moyen de pression, ça rend plus
difficile la prestation des services par l'employeur, dans ce cas-ci le
gouvernement. Ça, je reconnais ça.
Sur votre
procureur de la couronne, M. le député de Borduas suggérait que le procureur de
la couronne qui siège au palais de
justice a l'obligation de se rapporter à son supérieur. Oui, mais son
supérieur, ce n'est pas le gouvernement, M. le Président. Le président
du Conseil du trésor ne peut pas imposer à un procureur de la couronne de
déposer des accusations criminelles. Il peut
dire à un plaideur... Il peut dire à un plaideur au civil d'accepter le
règlement hors cour qui est proposé, il peut demander... Et un plaideur
au civil ne peut pas se lever un matin...
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En terminant.
M.
Moreau : ...en disant : Je vais prendre action. C'est le
gouvernement qui doit agir. C'est ça, la relation avocat-client.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En deuxième complémentaire, M. le député de Borduas.
M. Simon Jolin-Barrette
M.
Jolin-Barrette : M. le
Président, le conflit de travail avec les juristes de l'État a retardé la
rédaction et le dépôt de nombreux projets de loi. Par exemple, la
ministre de la Justice n'était même pas en mesure, jeudi dernier, d'avoir un plan de travail pour le projet de loi
n° 98, ce qui a notamment paralysé les travaux de la commission. Le
ministre de l'Environnement voit son projet de loi n° 102
constamment suspendu en raison de la grève des juristes.
M. le
Président, en refusant de négocier de bonne foi, le gouvernement a fait mal à
l'État de droit. Il a manifesté un mépris certain pour ses juristes.
Est-ce que le ministre est fier de son travail bâclé?
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Mme la ministre de la Justice.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée :
M. le Président, c'est certain que le conflit actuel a des répercussions. C'est
certain que le conflit actuel a des
répercussions pour l'ensemble des parlementaires de cette Assemblée. Mais,
au-delà de ça, les répercussions de
ce conflit-là sont beaucoup plus importantes pour les contribuables, les
citoyens et citoyennes en attente de décisions importantes. M. le Président, notre collègue faisait référence tout à
l'heure au nombre de décisions du TAQ qui avait chuté pendant la période touchée par le conflit. C'est
exact, le nombre de dossiers reportés est sans précédent. Ça, M. le Président,
ce sont des citoyens et des citoyennes...
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En terminant.
Mme Vallée : ...qui ne voient pas la lumière au bout du
tunnel. Et ça, M. le Président, on doit en tenir compte.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En principale, M. le député de Saint-Jean.
Dépôt du plan d'action sur l'autisme
M. Dave Turcotte
M.
Turcotte :
Jérémie Lagacé, père de Clément, un jeune autiste, lance un cri d'alarme. Il
dénonce les listes d'attente pour obtenir un diagnostic, entre 12 et 24 mois.
Il dénonce aussi les listes d'attente pour ensuite obtenir les services, 12 à 18 mois.M. Lagacé dit :
«Il aurait fallu qu'on le sache quand ma blonde était six mois enceinte», pour
que le petit Clément obtienne les services dans des délais acceptables.
Il y a
deux semaines, M. le Président, j'ai posé cette question à la ministre, la
question de Nadia Lévesque, une question
citoyenne qui demandait à la ministre : Quand va-t-elle déposer son plan d'action pour
l'autisme? La ministre ne nous
a toujours pas répondu.
Est-ce que
son plan est prêt? Où en est-il? Elle l'avait pourtant promis en décembre 2016.
Aucune page du plan n'est connue encore aujourd'hui, M. le Président.
Va-t-elle le déposer, son plan sur l'autiste?
• (17 h 40) •
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Mme la députée déléguée... Mme la ministre
déléguée à la Réadaptation.
Mme Lucie Charlebois
Mme
Charlebois : Alors, merci, M. le Président. Effectivement,
c'est un dossier pour lequel je me suis vraiment investie dès mon arrivée en poste, et vous savez, M. le Président, nous
avons fait le premier forum sur l'autisme l'année dernière, en février 2016. Il est exact, de ce que
dit le député de Saint-Jean, que j'aurais dû déposer, en décembre, le plan
d'action, mais, M. le Président, tant qu'à
déposer quelque chose de bâclé, de ce côté-ci de la Chambre, on ne travaille
pas comme ça.
Alors,
je l'invite à attendre quelques jours, voire quelques semaines. Nous aurons un
plan d'action qui pourra nous permettre
d'aider les personnes qui sont autistes, les parents d'enfants autistes. Vous
savez, M. le Président, on est autiste souvent à partir du jeune âge, mais on
l'est jusqu'à la fin de notre vie. Et ce que je vise, c'est réduire les délais
d'attente pour les personnes qui ont besoin d'un diagnostic. Je vise
aussi à faciliter l'accès aux services. Ce que je vise, c'est augmenter les ressources de répit. Ce que je vise
aussi, c'est qu'il y ait une gamme variée de services. Bref, ce qu'il faut, là,
c'est un grand plan d'action qui va toucher toutes les strates d'âge, M. le
Président.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant.
Mme
Charlebois : Alors, qu'il ne soit pas inquiet, on aura un
bon plan pour les personnes qui en ont besoin.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Première complémentaire, M. le député de
Saint-Jean.
M. Dave Turcotte
M.
Turcotte :
Le père du petit Clément, Jérémie Lagacé, ainsi que les autres parents membres
de la coalition pour l'autisme ont des choses à dire à la ministre, notamment
sur son plan d'action, et elle dit qu'elle ne veut pas faire un travail bâclé.
Suite à sa réponse, beaucoup de parents ont été choqués par l'absence de
réponse de la part de la ministre.
Est-ce
que la ministre peut maintenant s'engager à rencontrer Jérémie Lagacé ainsi que
les membres de la coalition avant de dévoiler son plan d'action?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Mme la ministre déléguée à la Réadaptation.
Mme Lucie Charlebois
Mme
Charlebois :
Alors, M. le Président, depuis le début, hein, il y a
eu une consultation où il y
a eu 150 personnes présentes. Non seulement ça, M. le Président, mais il y a eu 800 personnes sur le Web, et savez-vous quoi,
je n'ai jamais eu peur de rencontrer des gens qui veulent me
parler sur ce que vivent ces personnes-là qui sont autistes et/ou des parents
qui ont des enfants autistes. Alors, il me fera plaisir de rencontrer ce
monsieur.
Et
ça ne sert à rien de
personnaliser tout le débat, je vous le dis, M. le Président, le plan d'action
est sur le point d'être déposé, et
j'espère que le député l'applaudira parce que ça va être un bon plan d'action, pas
pour moi, pas pour nous ici, mais pour les parents d'enfants autistes et
pour les personnes autistes elles-mêmes.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Deuxième complémentaire, M. le député de
Saint-Jean.
M. Dave Turcotte
M.
Turcotte : ...M. le Président. La ministre nous dit :
Il ne faut pas personnaliser le débat. Le problème, ce n'est pas un débat, c'est une situation que des milliers
de parents vivent, que des milliers d'enfants vivent au Québec, et on parle
des enfants autistes, on pourrait parler aussi des adultes autistes qui vivent
aussi des réalités autant difficiles.
Pourquoi qu'on se
lève, aujourd'hui, M. le Président? Pourquoi que je me suis levé il y a deux
semaines, pourquoi que beaucoup de députés
se lèvent, c'est parce qu'il n'y a pas de service au numéro où... les parents
composent. Donc, est-ce que la ministre s'engage maintenant à dévoiler
son plan d'action?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Mme la ministre déléguée à la Réadaptation.
Mme Lucie Charlebois
Mme
Charlebois :
Alors, M. le Président, ça ne lui sert à rien de se choquer, ce n'est
pas comme ça qu'on va venir en aide aux personnes.
Moi, ce que je veux, c'est avoir un bon plan
d'action, que je vais déposer dans les jours qui viendront et qui va donner des
services à la hauteur de ce que les gens ont besoin, de leur enfance jusqu'à la
vie adulte, M. le Président. Et, vous savez quoi, on a besoin d'éducation
spécialisée, d'ergothérapie, d'orthophonie, conseillers à l'enfance. Moi, je
dis aux parents, là : Ça s'en vient, vous allez l'avoir bientôt. Nous, on
ne fera pas semblant d'en déposer un, on va vous déposer un réel plan où il y
aura ce qu'il faut dedans, mais mon voeu, c'est de vous venir en aide le
plus rapidement possible, et ça s'en vient, soyez patients.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En principale, Mme la députée de Vachon.
Cadre de négociation avec les juristes de l'État
Mme Martine Ouellet
Mme Ouellet : Merci, M. le Président. Les juristes de l'État sont en grève depuis
quatre mois. Ils demandent la parité avec les procureurs de la couronne,
ce qui leur est refusé par les libéraux. Les 1 100 juristes sont un
rouage important de l'État, ils possèdent une expertise indispensable :
projets de loi, règlements, contrats, etc. L'expertise, c'est la force
d'un État. Par son mépris dans les négociations, le gouvernement libéral est en
train de saccager cette expertise essentielle, est en train de saccager l'État,
comme il l'a fait pour le MTQ.
Par
son mépris dans les négociations, le gouvernement libéral a laissé traîner la
grève, ce qui a entraîné pour plus de
850 millions de dollars de contrats sans validation des juristes. Le
gouvernement libéral a ainsi laissé la porte grande ouverte non seulement au saccage de l'expertise,
mais aussi la porte grande ouverte à la corruption et à la collusion. Le
président du Conseil du trésor peut-il être
transparent et nous expliquer quelles sont les réelles motivations qui
l'amènent à opérer ce saccage de l'expertise des juristes?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Alors, M. le président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M.
Moreau : Il fut une
époque dans ma vie où je pensais devenir vraiment transparent, M. le Président, mais sur la question de la députée, quand
elle dit que... Bien, écoutez, avec tous les qualificatifs, là, que c'est quoi,
odieux, mauvaise foi... Écoutez, mettez-en, là. De toute façon, on va en
entendre. Il est juste 17 h 45, et je pense qu'on va en entendre beaucoup, beaucoup,
de ces choses-là. On n'est pas là.
Négocier
de bonne foi, là, ça s'établit, on peut en faire la preuve; les déclarations
incendiaires, c'est une chose, en
faire la preuve, c'est autre chose. Les juristes de l'État le savent très bien
et les juristes de l'État, pour qui on a le plus grand respect, savent aussi ou
devraient savoir que nous avons déposé une offre sur le plan salarial qui est
même légèrement supérieure à la
rémunération moyenne des procureurs aux affaires criminelles et pénales en leur
faveur de 355 $ en moyenne
annuellement sur la période de quatre ans et, à la cinquième année, parce que
les juristes de l'État sont dans un
contexte de négociation de cinq ans, une augmentation supérieure pour
la cinquième année de 2 %. Alors, est-ce qu'on a du respect pour
ces gens-là? Oui.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant.
M. Moreau :
Est-ce qu'ils travaillent fort? Oui. Et on le reconnaît dans les conditions
qu'on leur offre.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Première complémentaire, Mme la députée de Vachon.
Mme Martine Ouellet
Mme
Ouellet : Le ministre n'a clairement pas écouté la question, parce qu'il a même repris
des qualificatifs qui n'ont même pas
été dits dans la question. Les juristes de l'État le disent, que ce n'est
pas du tout l'équivalent de ce qui a été donné aux procureurs de la
couronne.
Est-ce que le président du Conseil du trésor peut sortir de son attitude de mépris et de
saccage de l'État et reprendre les négociations, et cette fois-ci de
bonne foi, avec les juristes de l'État?
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Il faudrait faire attention à vos propos, Mme la députée de Vachon. M. le
président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M.
Moreau : Ils
n'avaient peut-être pas été prononcés la première fois, mais je comprends qu'elle s'est reprise pour la
complémentaire, M. le Président. La réalité, c'est qu'autant à l'égard de la
députée qu'à l'égard des juristes de l'État, j'ai trop de respect pour
utiliser le vocabulaire qu'elle utilise dans ses préambules, M. le Président.
Ce
que l'on dit, c'est que les juristes de l'État ont un rôle important,
un rôle essentiel, et les conditions de travail qui sont les leurs déjà sont des conditions de travail qui sont
à la hauteur de l'importance du travail qu'ils font. Est-ce qu'ils ont le droit de négocier pour les améliorer? La
réponse est oui, on est là, on est à la table de négociation et on a déposé
sur le plan salarial ce qu'ils demandaient, c'est-à-dire la parité avec les
procureurs des affaires criminelles...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant.
M. Moreau :
...et pénales et on est prêts à discuter sur leur statut, même si on ne partage
pas leur opinion.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Vachon.
Mme Martine Ouellet
Mme
Ouellet : Merci, M. le Président. Clairement, ils n'ont pas déposé ce qui fait l'affaire des
juristes parce que clairement il n'y a pas d'entente. Et c'est un échec
de la part du ministre.
Est-ce
que le président du Conseil du trésor peut sortir de sa tour d'ivoire, écouter les propositions du Barreau et de
la Chambre des notaires et des juristes et arrêter le saccage de l'expertise
des juristes en acceptant la médiation?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : M. le président de Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M.
Moreau : M. le Président, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec la bâtonnière du Québec
plus tôt aujourd'hui, pour laquelle j'ai le plus grand respect, et je
lui ai indiqué que la proposition de médiation... la médiation a été essayée
pendant six séances au cours de l'été dernier et que nous n'avons pas pu, dans
le contexte de la médiation, trouver un terrain d'entente ou faire évoluer les négociations.
L'heure n'est pas à la médiation, l'heure est à la négociation. Je comprends
que les parties négocient encore aujourd'hui depuis 4 heures cet après-midi, depuis 16 heures, et
il est bientôt 18 heures. Je comprends qu'ils sont toujours en négociation.
C'est ça qu'on souhaite. Le premier choix du gouvernement, c'est une
entente négociée. La loi, c'est si on n'est pas en mesure de s'entendre.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En principale, M. le député de Beauce-Nord.
Processus d'enquête sur le Service de police de la ville
de Montréal
M. André Spénard
M.
Spénard : Merci, M. le Président. En 2013, l'Assemblée nationale a voté
la création du Bureau des enquêtes
indépendantes pour réinstaurer la confiance des Québécois envers les corps
policiers. Or, vendredi dernier, le ministre
de la Sécurité publique nous a annoncé une troisième version de son
enquête de la police sur la police. Il ajoute maintenant des enquêteurs de
la police de Longueuil, Gatineau, Québec et même de la GRC. 81 % de la population québécoise pense que le gouvernement devrait déclencher une enquête
indépendante. Ceci s'ajoute aux nombreux policiers qui nous écrivent pour le mentionner. C'est une situation grave, et
on dirait que le ministre essaie de minimiser l'impact de sa décision de
faire enquêter la police sur la police.
Le
ministre de la Sécurité publique peut-il prendre la seule décision qui s'impose
dans ce genre de situation, soit donner le plein contrôle de l'enquête
au BEI, non pas seulement une codirection, et rendre son rapport public?
• (17 h 50) •
Le Vice-Président (M.
Ouimet) : Alors, M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Martin Coiteux
M. Coiteux : Je ne sais pas comment
le député de Beauce-Nord fait ses calculs pour arriver à trois versions.
Écoutez, il y a une seule version. Cette seule version, c'est que le nombre
d'allégations a pris de l'ampleur et il fallait dépêcher encore davantage
d'enquêteurs, raison pour laquelle, en ce qui concerne le volet criminel de
cette enquête, il y a eu une amplification des moyens, et effectivement ça
implique plusieurs corps policiers.
À la question du Bureau des enquêtes
indépendantes, que nous avons mis sur pied, nous avons procédé d'ailleurs
à toutes les décisions, entériné les recrutements pour doter de
22 enquêteurs aujourd'hui le Bureau des enquêtes indépendantes. Or, le Bureau des enquêtes indépendantes, qui est en
fonction depuis maintenant à peu près huit mois, mène déjà, partout au Québec, au nord, au sud, à l'est
et à l'ouest, pratiquement une enquête par semaine. Alors, ça ne rendrait
pas service à la qualité des enquêtes que
nous devons faire à la fois par le Bureau des enquêtes indépendantes et ce que
nous allons faire au SPVM que de dépêcher la
totalité des enquêteurs du BEI dans cette enquête. Mais, en même temps,
en même temps, il y aura un commissaire enquêteur à l'intérieur du SPVM qui va
nous permettre de...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant.
M.
Coiteux : ...faire la
lumière totale sur ce qui s'y passe, à l'intérieur. C'est ça,
la décision. Il n'y en a pas eu trois, c'est ça, la décision.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En première complémentaire, M. le député de Beauce-Nord.
M. André Spénard
M.
Spénard : Le directeur
général, M. Pichet, soutient qu'il a
encore la confiance du maire, M. Coderre. Le ministre a été beaucoup plus évasif sur cette question de confiance
vendredi dernier. Alors que le SPVM est dans une quasi-tutelle, qu'il dépend dans les faits du ministère de la Sécurité publique, le ministre peut-il déclarer dans cette Chambre qu'il réitère
toujours sa confiance à M. Pichet, alors que les scandales s'accumulent?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Martin Coiteux
M.
Coiteux : ...porter un
jugement basé sur des allégations, des articles dans les journaux ou des rumeurs, on a décidé d'aller faire la lumière sur place. Il y aura
un commissaire enquêteur, qui va être nommé dans les prochains jours, qui va aller faire enquête sur place. Qu'est-ce qui se passe à l'intérieur des enquêtes
internes du SPVM? Qu'est-ce qui se passe pour que le SPVM soit si souvent sur la sellette et que ça mine
la confiance des citoyens, et pas seulement de Montréal par ailleurs? Il y aura quelqu'un qui va nous faire rapport, et
je rendrai public ce rapport. Mais, d'autre part, aujourd'hui même, j'ai écrit au directeur du SPVM
pour lui demander de me présenter un plan d'action pour redresser la
situation à court délai.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant. M. le député de Beauce-Nord,
deuxième complémentaire.
M. André Spénard
M.
Spénard : Le ministre vient de mentionner qu'il a reçu de
nouvelles allégations graves de
nature criminelle au SPVM. C'est le
deuxième plus grand corps policier du Québec, et ça prend un leadership fort, ce que n'a pas
démontré la situation actuelle. Le ministre n'a pas répondu à ma
question en première complémentaire : Fait-il encore confiance à M.
Pichet pour assumer la direction générale du SPVM?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Martin Coiteux
M.
Coiteux : Je lui ai répondu,
M. le Président, j'ai dit que je voulais faire la lumière, et on
va faire la lumière au moins de deux
façons; pas seulement de deux façons, mais notamment
de deux façons. Par le commissaire enquêteur à l'interne, on va savoir ce qui se passe à l'intérieur. Ce ne sera pas
de la rumeur, ça ne sera pas un article de journal, ça ne sera pas le sentiment du
député de Beauce-Nord.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : ...règlement, M. le leader de la deuxième
opposition.
M.
Bonnardel : M. le Président, à l'article 79, là, le ministre
doit répondre directement à la question. Le patinage artistique, ce
n'est pas accepté au salon bleu. Est-ce que, oui ou non, il a confiance au...
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, veuillez
poursuivre, M. le ministre de la Sécurité publique.
M.
Coiteux : J'ai répondu directement à la question, M. le Président,
j'ai répondu directement à la question. Mais, du côté de la deuxième
opposition, faire la lumière, ça ne les intéresse pas; dans toute chose, par
ailleurs, même pas seulement dans la
question du SPVM. Ils ont une opinion sur tout, et vous savez quoi? Elle change
plusieurs fois au cours d'une période de 24 heures, leur opinion. C'est
ça, l'enjeu avec la deuxième opposition, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
En principale, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Comité de rémunération
indépendant pour les juristes de l'État
Mme Nicole Léger
Mme
Léger : Merci, M. le Président. Le gouvernement n'a jamais
considéré la principale demande des juristes, celle de leur régime de négociation et de leur indépendance. Les
juristes veulent être traités comme partout ailleurs : en Ontario, Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique. Pourquoi pas ici, au Québec? Le président
va-t-il accepter de leur accorder le comité de rémunération indépendant plutôt
que recourir à une loi spéciale? Qu'attend-il pour leur accorder? Le conflit va
être réglé immédiatement, tout le monde va rentrer la tête haute.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M.
Moreau : ...dans sa complémentaire, elle nous dise, si elle
était au gouvernement, si elle accorderait ce statut-là? J'ai hâte
d'entendre la réponse, parce que la question était posée ce matin puis on ne
l'a pas entendue.
M.
le Président, il est faux de prétendre que partout au Canada la situation est
la même. C'est carrément faux. Dans certaines provinces, il y a même
cinq échelles de salaire différent, alors on ne peut pas comparer la
situation...
Des voix :
...
M.
Moreau : ...on ne peut pas comparer la situation pour
dire : Ailleurs au Canada, tout est pareil. Ce n'est pas vrai. D'autre part, on a au Canada des provinces de
«common law» et ici on est une province de droit civil. Le rôle des juristes
de l'État, et c'est la prétention du
gouvernement, ne leur confère pas le statut d'indépendance, et le statut quasi
judiciaire qu'a reconnu la Cour
suprême du Canada en 1955 aux procureurs de la couronne et, dirait-on, dans le
régime parlementaire britannique au
XIIIe siècle. Les procureurs de la couronne, c'est une chose, parce qu'ils ont
une fonction quasi judiciaire. Ça ne
fait pas des juristes de l'État de moins bons juristes, M. le Président, ça
fait d'eux des gens qui occupent des fonctions différentes et, dans
lesquelles fonctions, il n'y a pas ce caractère d'indépendance. Et c'est la
raison pour laquelle...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant.
M. Moreau :
...nous sommes en désaccord, mais nous sommes prêts à en discuter au sein d'un
comité qui est indépendant.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Première complémentaire, Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles.
Mme Nicole Léger
Mme
Léger : M. le Président, il peut bien me renvoyer la balle,
mais à ce que je sache c'est eux qui ont obtenu le mandat de
gouverner...
Une voix :
...
Mme Léger :
Ah bon! C'est parce que, là, ils viennent de réaliser qu'ils ont un mandat de
gouverner.
Peut-être
regarder dans votre camp, aussi. «Le président de la Commission des
communications du Parti libéral du Québec, Nicolas Plourde, déplore la
décision du ministre Pierre Moreau de refuser la médiation et de recourir au
bâillon pour régler le conflit de travail qui perdure depuis maintenant quatre
mois.» Qu'est-ce que vous répondez à ça?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En vous rappelant qu'on appelle un député par son
titre, Mme la députée. M. le président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M.
Moreau : M. le Président, ce que je réponds, je réponds deux
choses. La première, c'est que la députée de Pointe-aux-Trembles n'a toujours pas dit si elle était prête, elle, à
leur accorder le statut. Je comprends que ça a l'air glissant un peu, cet aspect-là des choses, pour une raison
simple : c'est que, quand on est au gouvernement, la responsabilité du
gouvernement est de ne pas sous-contracter à des tiers 60 % des dépenses
de l'État, c'est-à-dire la rémunération des employés qui sont à son service, M.
le Président.
Et, à Nicolas
Plourde, je lui dis : Vous avez droit, M. Plourde, à vos opinions, je les
respecte, mais je ne les partage pas.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Deuxième complémentaire, M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Alexandre Cloutier
M.
Cloutier : M. le Président, pourtant le gouvernement l'a fait pour les
juges, pourtant le gouvernement l'a fait pour les procureurs généraux. Et vous savez quoi, M. le Président? Ce
qui guide notre action politique, nous, ce qui nous guide lorsqu'on a à
prendre des décisions, ce sont nos principes. Et ici on parle de l'indépendance
judiciaire, un des principes de base de
notre organisation constitutionnelle. C'est pour ça, M. le Président, qu'on en
vient à la conclusion avec leur
ancien collègue, Benoît Pelletier, que ça prend un comité
indépendant. C'est ça, le coeur du litige. Ce n'est pas une question de
chiffre...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M.
Moreau : M. le Président, je dirai en toute amitié que j'ai beaucoup de respect pour le député de
Lac-Saint-Jean. Je
sais d'ailleurs qu'il a été clerc à la Cour suprême du Canada. Il y a un des arrêts de la
Cour suprême du Canada qu'il ne peut pas ne pas connaître et qui est
celui qui a fait une distinction très claire en ce qui a trait aux procureurs
de la couronne quant au statut quasi
judiciaire du travail qu'ils font. Le procureur de la couronne n'a pas d'ordre
à recevoir du ministre de la Justice ou de quelque membre du
gouvernement sur le choix de déposer ou non des accusations criminelles. Un
plaideur du gouvernement ne peut pas décider un jour de prendre action proprio
motu alors que le gouvernement n'a pas pris une décision. Il ne peut pas
prendre la décision de régler...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En terminant.
M.
Moreau : ...il ne peut pas prendre la décision non plus de
légiférer sans qu'il y ait une intention gouvernementale. Voilà...
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : En principale, M. le leader de la deuxième
opposition.
Contrat attribué par Loto-Québec au chef Joël Robuchon
pour le Casino de Montréal
M. François Bonnardel
M.
Bonnardel : M. le Président, hier soir à Tout le monde en parle, le ministre des Finances s'est fait passer tout un savon par les critiques culinaires Lesley
Chesterman, par Marie-Claude Lortie, par M. McMillan, la propriétaire de
Joe Beef sur le contrat octroyé donc par Loto-Québec au chef Robuchon pour 11 millions
de dollars.
Il dit quoi, le ministre des Finances, aujourd'hui, s'il n'a pas un peu plus de fierté québécoise, à M. David
McMillan, propriétaire de Joe Beef, qui fait partie du World's 50 Best
Restaurants in the World? Il dit quoi à Normand
Laprise, à Jérôme Ferrer, à Martin Picard? Vous n'êtes pas assez bons pour
attirer des touristes internationaux au
Casino de Montréal? Pourquoi ne pas avoir permis aux chefs québécois
de soumissionner sur ce contrat de Loto-Québec?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Alors, M. le ministre des Finances.
M. Carlos J. Leitão
M.
Leitão : Bon, on est encore
là, très bien. Hier soir, non, je ne regardais pas Tout le
monde en parle, je regardais les
oscars, par exemple, où d'ailleurs le génie québécois
a rayonné, puisqu'un Québécois a gagné, a été reconnu à l'étranger
comme étant parmi les meilleurs.
Alors,
les restaurants que le collègue a mentionnés sont très bien, je n'ai rien à
redire de cela. Ils jouent un rôle très important dans le rayonnement de
Montréal. Cependant, ce que Loto-Québec a fait, c'est conclure une entente commerciale avec un chef de renommée mondiale.
C'est un contrat commercial accordé par Loto-Québec, et on verra
bien comment cela va se poursuivre. Ce qu'on
doit dire, c'est qu'on demeure ouverts à la participation de notre économie
avec les joueurs étrangers. On ne doit pas se renfermer sur soi-même, M. le
Président.
• (18 heures) •
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Très bien. Alors, cela met un terme à la période
des questions et réponses orales.
Il n'y a pas de votes
reportés.
Motions sans préavis
Nous
passons maintenant à la rubrique des motions sans préavis. Et, à
cette rubrique, je cède la parole à Mme la leader adjointe du gouvernement.
Déterminer
le cadre temporel des séances extraordinaires
Mme Vien : Alors, merci
beaucoup, M. le Président, j'ai deux motions à présenter,
conformément au règlement.
Alors, conformément aux dispositions de
l'article 26.1 du règlement de l'Assemblée nationale :
«Qu'en [vertu] de procéder à la présentation et
à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des
services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la
négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des
salariés assurant la prestation de ces services juridiques, l'Assemblée se
donne le cadre temporel suivant :
«Que
l'Assemblée puisse siéger tous les jours à compter de 17 heures jusqu'à ce
qu'elle ait terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été
convoquée ou qu'elle décide d'ajourner ses travaux.»
Établir la procédure
législative d'exception en vue de
procéder à la présentation et aux autres étapes
de l'étude du projet de loi n° 127
J'ai une seconde motion, M. le Président :
«Qu'en vue de procéder à la présentation et à
toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des
services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la
négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des
salariés assurant la prestation de ces services juridiques, l'Assemblée établisse la procédure législative d'exception
telle que prévue aux articles 182 à 184.2 et 257.1 à 257.10 du
règlement; [et]
«Qu'à tout
moment de la séance, le président puisse suspendre les travaux à la demande
d'un ministre ou d'un leader adjoint du gouvernement.»
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Très bien. Alors, merci, Mme la leader adjointe du gouvernement.
Je vais suspendre les travaux de l'Assemblée.
Vous voulez intervenir, M. le leader?
M.
Bérubé : J'allais
vous dire, M. le Président : Est-ce qu'on peut suspendre?
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je vais
suspendre les travaux une quinzaine de minutes pour permettre aux
députés de prendre connaissance des deux motions. Nous serons de retour à
18 h 15.
Alors, les travaux sont suspendus.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
(Reprise à 18 h 19)
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, l'Assemblée reprend ses
travaux. Et, au moment de la suspension, la leader adjointe du
gouvernement a déposé deux motions. Je suis prêt à entendre des plaidoiries,
s'il y a lieu, sur la recevabilité de la motion.
Il n'y a pas de plaidoirie? Alors, parfait. Je
suspends les travaux pour une durée d'environ 1 h 30 afin de...
M. le leader adjoint... M. le leader de
l'opposition officielle.
M.
Bérubé : M. le
Président, avec l'assentiment de tous, nous aimerions deux heures comme
ajournement.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je suspends les
travaux pour une durée de deux heures afin de permettre à l'ensemble des députés de prendre connaissance du projet de
loi. Nous serons de retour vers les 20 h 20. Et nous sonnerons
les cloches avant.
(Suspension de la séance à 18 h 20)
(Reprise à 20 h 23)
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Nous reprenons nos travaux.
Débat restreint sur le
motif de la convocation en séances
extraordinaires et sur les motions fixant le cadre
temporel et la procédure d'exception
Les motions
présentées pas Mme la leader adjointe
du gouvernement étant recevables, je
vous informe maintenant de la répartition du temps de parole établi pour le débat restreint sur le motif de la convocation en
séances extraordinaires et sur les deux motions présentées par la leader adjointe du gouvernement, soit la motion fixant le cadre temporel de la
séance et la motion de procédure d'exception.
La répartition du temps de parole se fera comme
suit : 56 min 30 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 33 min 26 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition
officielle, 23 min 4 s
sont allouées au deuxième groupe d'opposition, sept minutes sont réservées aux députés
indépendants. La présidence répartira cette enveloppe de temps parmi
ceux qui auront signifié vouloir participer au débat sous réserve d'un maximum,
selon le nombre de députés qui se seront manifestés, de deux minutes chacun
pour les députés de Groulx et de Vachon et de six minutes pour les deux députés
de Québec solidaire. Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les
députés indépendants ou par l'un des groupes
parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies
précédemment. Mises à part ces consignes, les interventions ne seront soumises
à aucune limite de temps. Et enfin je
rappelle aux députés indépendants qui souhaitent intervenir au cours du débat
qu'ils ont 10 minutes à partir de maintenant
pour en aviser la présidence.
Alors,
je suis prête à entendre le prochain intervenant. Et je cède la parole à M. le président du Conseil
du trésor.
M. Pierre Moreau
M. Moreau :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Nous sommes ici aujourd'hui pour adopter des
mesures législatives d'exception. Vous le savez, depuis quatre
mois, un conflit de travail oppose le
gouvernement à ses employés avocats
et notaires. Et, après de nombreuses rencontres de négociation et de médiation
avec les avocats et notaires de l'État québécois,
le syndicat qui représente les juristes de la fonction publique, LANEQ, nous
avons tiré la conclusion que c'est une
impasse. J'aurai l'occasion plus tard dans ce débat de vous expliquer comment
nous en sommes venus à cette situation malheureuse.
Bien entendu, les parties ont négocié encore aujourd'hui, à 16 heures. Ces négociations sont suspendues. Les canaux de communication demeurent ouverts, et je souhaite encore, je
souhaite encore, comme tous les membres du gouvernement, de pouvoir en
arriver à une entente négociée.
Samedi,
j'ai recommandé au gouvernement de soumettre à l'Assemblée nationale et à ses
membres un projet de loi
visant à mettre fin à ce conflit, à permettre à ses employés avocats et
notaires de retourner au travail. C'est pourquoi, Mme la Présidente, l'Assemblée nationale a été convoquée en séances extraordinaires. Ce n'est pas de gaieté de coeur que je dépose aujourd'hui le projet
de loi intitulé Loi assurant la continuité de la prestation des
services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la
négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des
salariés assurant la prestation de ces services juridiques. L'honorable lieutenant-gouverneur
a pris connaissance de ce projet de loi et en a recommandé l'étude à l'Assemblée.
Personne n'aime
imposer des contraintes ni s'en faire imposer. C'est pourquoi on appelle cette
procédure loi spéciale, parce que
c'est un instrument dont le législateur doit se servir avec la plus grande prudence et
avec parcimonie. Ce n'est pas nous
qui avons fait le choix d'une loi spéciale, c'est la conduite de l'exécutif
syndical de l'association des notaires et avocats du Québec. Je rappelle qu'en
janvier dernier le président de LANEQ, Me Denis, nous mettait au défi de faire une loi spéciale. Jamais, jamais nous
n'avons évoqué ni même invoqué ce recours. Toujours, nous avons dit que nous voulions une entente négociée, et je le
répète ici ce soir. Nous avons tout fait pour l'obtenir, mais un gouvernement
responsable doit prendre les mesures qui
s'imposent pour fournir aux citoyens les services auxquels ils ont droit et
pour lesquels ils paient des taxes et
des impôts. J'entends vous démontrer pourquoi le gouvernement a recours à ces
mesures d'exception.
Mme la Présidente,
revoyons, si vous le voulez bien, les événements des derniers jours qui nous
ont conduits jusqu'ici. Jeudi dernier, j'ai pris connaissance d'un rapport des
négociateurs qui m'indiquait que, lors de la dernière séance de négociation tenue deux jours plus tôt, soit mardi, LANEQ avait
déposé une proposition qui non seulement ne se rapprochait pas des offres du gouvernement, mais qui s'en éloignait.
La proposition de LANEQ suggérait, entre autres, que le gouvernement abdique à un tiers son droit de gérance sur ses
employés avocats et notaires. Cette proposition n'est tout simplement pas acceptable. C'était un retour
à la case départ, aux propositions initiales de LANEQ. D'ailleurs, cet après-midi, alors qu'il était en compagnie du chef
de la deuxième opposition, Me Denis a affirmé que les demandes de LANEQ
sont les mêmes depuis le début et qu'elles n'ont pas changé. Négocier, ce n'est
pas s'entêter.
J'ai
alors mandaté les négociateurs du gouvernement pour qu'ils déposent aux représentants
de LANEQ une offre finale et globale, avec toute la possibilité d'y
apporter des ajustements à la marge. Je précise que l'offre permet aux membres de LANEQ d'avoir une rémunération globale
comparable à celle des procureurs de la couronne, tel que le réclame publiquement LANEQ depuis le début de ce conflit.
L'offre comporte également un geste significatif quant à la proposition de créer un groupe de travail impartial sur le
statut des avocats et notaires, une demande prioritaire de LANEQ. Le gouvernement accepte de s'engager à prendre des
mesures en suivi du rapport sur leur statut, rapport qui serait rendu public.
Il s'agit de la cinquième offre écrite
présentée par le gouvernement dans ce dossier depuis le début des négociations,
et le tableau que j'ai utilisé à la
période de questions, Mme la Présidente, reflète clairement que chacune de ces
offres a comporté une augmentation en termes de proposition de
rémunération globale.
• (20 h 30) •
J'ai
aussi demandé aux négociateurs de se rendre disponible pour présenter et
expliquer cette offre aux représentants de LANEQ et de me faire rapport dans les 24 heures, c'est-à-dire à 17
heures le lendemain, vendredi dernier. J'ai indiqué clairement que suite
à ce rapport je présenterais au gouvernement mes recommandations sur les suites
à donner à ce dossier. Étant donné que la
proposition du gouvernement était globale et finale, nous avons donné une
période de temps raisonnable aux représentants de LANEQ pour qu'ils nous
indiquent simplement si une entente de principe était possible. On n'a pas demandé de refaire la négociation. On a
demandé : Sur la base de la proposition finale et globale qui vous
est déposée, croyez-vous qu'une entente soit possible? Ça ne prend pas
50 heures pour faire ça.
Vendredi, peu avant l'expiration de
l'échéance de 24 heures, l'exécutif syndical de LANEQ a demandé de rencontrer les négociateurs du gouvernement. J'ai immédiatement autorisé cette
rencontre pour le lendemain, samedi. Le
samedi matin, les représentants de LANEQ ont informé nos négociateurs qu'ils ne seraient
pas disponibles pour cette rencontre,
qu'ils avaient pourtant eux-mêmes demandée, je le rappelle. 48 heures
après le dépôt de notre offre finale et globale, nous n'avions reçu aucun signal de la part des dirigeants de LANEQ
indiquant qu'une rencontre était possible. Nous avons pris acte et en avons tiré une conclusion : les
représentants de LANEQ n'ont pas agi de façon et n'avaient pas
une réelle intention d'en arriver à une entente négociée.
Mme
la Présidente, encore ce matin, et avant même d'avoir pu prendre connaissance
du projet de loi, avant même d'avoir
pris connaissance du projet de loi, les représentants de LANEQ
ont indiqué qu'ils contesteraient ce projet de loi si l'Assemblée nationale l'adopte dans sa forme actuelle.
La forme n'était pas connue au moment où cette déclaration-là a été faite. Et je rappelle que, plusieurs semaines
auparavant, le président de LANEQ disait : Présentez-en une, loi spéciale.
Ce n'était pas notre intention.
Leur
présumée contestation se base sur l'arrêt Saskatchewan de la Cour suprême,
rendu le 30 janvier 2015. Nous en avons pris connaissance. Vous me permettrez d'en citer des extraits
fort pertinents à notre débat et de les commenter.
«[L']effet n'est pas proportionné à [l']objectif...»
Les causes sont reportées, des citoyens vivent dans l'incertitude et le questionnement. Des sommes dues à l'État ne
peuvent pas être réclamées. Ce moyen de pression a eu un effet sur
chacun des 8 millions de citoyens du Québec. Ma collègue la Procureur
général du Québec et ministre de la Justice expliquera
plus en détail l'impact de la grève sur la capacité de l'État à fournir les
services auxquels les citoyens ont droit.
Deuxièmement :
«...il faut déterminer si, dans un cas donné, la limitation législative du
droit de grève entraîne substantiellement le droit à un processus
véritable de négociation collective.»
Je ne crois pas que
l'on puisse considérer qu'après près deux ans de négociation, une quarantaine
de séances, 18 semaines de grève, en ajoutant à tout cela la possibilité
de négocier encore pendant 105 jours, il y ait une entrave substantielle
du droit de grève.
«Dans
le secteur public, la grève est un outil de politique. [...]Les syndicats
tentent donc de faire pression sur l'État pour qu'il accède à certaines
demandes en échange de la reprise du travail», selon la Cour suprême.
Nous
avons constaté l'impasse réelle des négociations lors de la présentation de
notre cinquième offre à l'exécutif syndical.
Il serait, pour le gouvernement, irresponsable de laisser les citoyens du
Québec dans cette situation encore pendant deux semaines, puisque l'Assemblée ne siège pas. C'est pourquoi nous
avons pris la difficile décision de déposer ce projet de loi afin de permettre le retour au travail et
assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein de
l'État. Le lien de confiance pourrait être effrité, et nous avons tout
intérêt à s'assurer de rebâtir sur des bases solides le plus rapidement
possible, pour le bénéfice de tous les citoyens.
Quatrième
point : «Les conflits de travail dans le secteur public revêtent un
caractère unique en ce que l'État, en tant
qu'employeur, doit tenir compte du fait que les sommes supplémentaires requises
pour accéder aux demandes des salariés seront prélevées sur les fonds
publics.»
C'est précisément la
raison pour laquelle une entente de principe a été conclue avec le front
commun : 450 000 employés de
l'État avec lesquels nous nous sommes entendus. Et, encore hier, au cours de la
nuit, nous avons atteint une entente
de principe, la deuxième en deux semaines, avec les agents de la paix, et
notamment, hier, ceux qui travaillent au sein de nos services correctionnels.
Mme
la Présidente, le Québec est une société démocratique et surtout un État de
droit. Une société démocratique repose
sur la représentation de la population par des élus redevables et imputables.
Un État de droit, c'est une société dans laquelle est assurée l'égalité
de tous devant la loi, la démocratie, le respect des valeurs fondamentales ainsi
que les libertés individuelles et
collectives. C'est précisément parce que nous vivons dans un État de droit que
les juristes peuvent exercer leur droit de grève, droit que, je le
répète, nous n'avons jamais remis en cause.
Dans un État de
droit, cependant, il est aussi important de faire l'équilibre entre les droits
des uns et ceux des autres. À tous les paliers de l'État, dans ses fonctions
législatives et exécutives, les avocats et notaires jouent un rôle important, nous le reconnaissons. Ils ont la
charge d'assurer le respect de la primauté du droit et la conformité des actes
de l'État avec la loi. Aucun élu, ici, dans
cette Assemblée, ne sous-estime l'importance de leur charge, de leurs fonctions
et de leurs tâches, ils font un travail
exigeant, ils le font avec professionnalisme et compétence. Mais, Mme la
Présidente, comme je l'ai dit plus
tôt, les avocats et notaires de l'État sont en grève générale illimitée depuis
le 24 octobre 2016, depuis plus
de 18 semaines. Leur travail est partie prenante du rôle de l'État :
fournir les services à la population et assurer la marche normale des
tribunaux et de ses autres institutions. Cette grève a maintenant des
incidences sérieuses sur les citoyens du
Québec et les activités quotidiennes de l'État. Cette grève qui perdure
s'exerce au détriment des droits des citoyens.
Nous le savons, Mme la Présidente, de nombreux
citoyens patientent depuis plusieurs mois pour être entendus, sur le
fond, dans des causes qui touchent leur vie personnelle, familiale ou professionnelle.
Prenons, par exemple, les victimes
d'accidents de la route et du travail qui voient leurs recours au Tribunal
administratif être reportés. Et pensons aussi aux nombreuses personnes qui attendent d'être entendues dans un
système judiciaire qui s'engorge davantage à chaque journée de grève
supplémentaire.
Cette grève retarde
des dossiers névralgiques dans les ministères, et les organismes
gouvernementaux, et les tribunaux
administratifs, dont le report a des impacts sur plusieurs services à la population.
Cette grève constitue donc une
entrave sérieuse au fonctionnement du gouvernement et au processus judiciaire,
de même qu'à l'exercice des droits par
les citoyens du Québec. Elle porte atteinte aux intérêts des Québécois. Nous
avons ici, Mme la Présidente, une situation que l'on peut qualifier
d'urgente.
Les collègues des deux
oppositions pensent la même chose. Le député de Borduas l'a dit lors de la
période de questions du 7 février 2017, et je le cite :
«Des projets
de loi et des règlements sont en attente[...]. Il y a des annulations de
commissions parlementaires [...] et il y a des remises massives dans les
différents dossiers à la cour.»
«Cette
grève-là a des conséquences directes pour des milliers de Québécois qui ont un
dossier en attente devant un tribunal
administratif, [comme] les victimes d'actes criminels, les accidentés de la
route, les travailleurs blessés, les travailleurs lésés sont en attente
d'indemnisation ou de révision de leur situation.» Fin de la citation.
Sa collègue
la députée de Pointe-aux-Trembles, quant à elle, n'est pas en reste. Le
9 décembre 2016 à l'Assemblée nationale, elle interpelait le gouvernement en ces termes : «M. le
Président, la grève des juristes de l'État a eu des impacts immenses sur l'État : le blocage de
20 projets de loi, 300 règlements, paralysie dans plusieurs services
gouvernementaux, 211 millions de
dollars de contrats octroyés sans avis juridique adéquat,
3 500 causes retardées, dont 1 500 causes pénales de
l'UPAC de fraude et de contrebande de tabac sont désormais, maintenant, hors
délai. Ce sont des millions en jeu.
«C'est de
votre responsabilité de régler ce conflit maintenant. Allez-vous agir
maintenant?» Fin de la citation.
Elle
récidivait le 22 février dernier, je cite : «Le gouvernement a choisi
de prendre le risque de faire perdurer une crise paralysante pour tout l'État québécois, de prendre en otages les
citoyens, causant des impacts négatifs concrets et graves.
«6 000
causes reportées devant les tribunaux; des victimes en attente d'une
indemnisation — imaginez
le stress et l'inquiétude de tous ces
gens; des municipalités incapables d'emprunter pour des travaux
d'infrastructure; [...]un millier de
contrats publics sans les conseils juridiques totalisant 870 millions [de
dollars]; le menu législatif du Parlement littéralement bloqué;
l'incertitude quant à la rédaction du futur budget.»
«La vie des
gens est affectée. Par exemple, les gens attendent un règlement sur les déchets
dangereux, une loi pour protéger
contre les pesticides, celle sur les milieux humides, une autre sur les OGM, et
j'en passe. Cette grève affecte la sécurité, la santé et l'environnement
de la population.» Fin de la citation.
• (20 h 40) •
Malgré tous
ces inconvénients, nous avons toujours maintenu un équilibre entre les droits
des uns et des autres, soit le droit constitutionnel des juristes de
l'État de faire la grève et le droit des citoyens, comme l'exprimaient ces deux députés, de recevoir des services. Toutefois,
force est de constater que le droit des juristes de l'État est maintenant
exercé au détriment des droits des citoyens et de l'intérêt général des Québécois.
L'équilibre est rompu. Les dernières propositions de LANEQ m'en ont définitivement convaincu, bien
que je demeure ouvert à une négociation, bien que nous serons ouverts, après l'adoption de cette loi, à une période de négociation, bien que nous souhaitions encore et toujours un règlement négocié du conflit qui nous oppose.
Après
18 semaines de grève, les avocats et notaires de l'État
ont pu se faire entendre et exprimer haut et fort leurs revendications, qui sont demeurées inchangées
depuis le début. Le gouvernement, quant
à lui, a fait six offres au total,
chacune ayant augmenté la question salariale au bénéfice des représentants de
LANEQ et en parité de rémunération globale
avec les procureurs de la couronne. L'attitude intransigeante des représentants de LANEQ ne nous a pas laissé le
choix. Laissez-moi, Mme la Présidente, vous lire la définition de
l'intransigeance : «Attitude d'un esprit qui refuse toute concession sur le plan des principes.» Concéder,
c'est la base même de toute négociation. Concéder, accepter, s'ouvrir, discuter,
négocier, transiger, c'est ça, une négociation.
Je reviens à
l'arrêt Saskatchewan. La Cour suprême nous indique : «La grève ne garantit pas en
soi qu'un conflit de travail sera
réglé d'une certaine manière, ni même du tout, mais elle permet aux travailleurs de négocier davantage sur un pied d'égalité relativement à
leurs conditions de travail.»
Mme la Présidente, la grève est un moyen et non
une fin. Notre devoir comme gouvernement responsable est d'assurer la
continuité de la prestation des services juridiques nécessaires à sa bonne
marche. Malgré le maintien des services
essentiels, trop de citoyens en subissent les conséquences directes et
indirectes. Mme la Présidente, il est temps d'agir, et nous agissons. C'est la raison pour laquelle nous avons
demandé à l'Assemblée nationale de se réunir en séances extraordinaires pour l'étude du projet de loi qui est maintenant entre les mains de tous les membres de cette
Assemblée. Merci.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le
président du Conseil du trésor. Maintenant, je cède la parole à M. le leader
parlementaire de l'opposition officielle.
M. Pascal Bérubé
M.
Bérubé : Mme la
Présidente, ce soir, cette nuit,
demain matin, demain après-midi, nous siégerons, car c'est notre devoir. C'est spécial, c'est une loi
spéciale. Le ministre a échoué, le gouvernement a échoué. Il va
exercer sa majorité, il va imposer ce qu'il n'a su négocier.
Et aujourd'hui je me souviens, 10 ans après ma première élection, du service
public, de ce qui m'anime comme parlementaire et je sais que je ne
pourrais faire ce travail sans d'autres personnes qui se sont engagées dans le
service public pour le bien commun, qui ont
choisi de faire carrière pour le peuple québécois au sein de
l'appareil gouvernemental, qui le font avec grande fierté, des Québécois,
des Québécoises compétents, sensibles à notre société, qu'on a laissés 18 semaines au froid. Ces juristes de l'État,
ils sont 1 100 avocats et
notaires répartis dans les ministères et organismes du gouvernement du
Québec. Plusieurs d'entre eux sont ici, Mme la Présidente, dans nos tribunes.
Ils sont au service de l'intérêt public, ils
participent à la représentation du gouvernement du Québec en tant que plaideurs
auprès des tribunaux civils,
administratifs et pénaux. Ils agissent également comme conseillers juridiques
et légistes auprès des ministres et présidents
d'organisme, les juristes de l'État, qui fournissent des conseils juridiques
apolitiques dictés par le respect de la primauté du droit. Trois types de
fonctions spécialisées : fonctions de conseil, de légiste, fonction de
plaideur.
Des collaborateurs de tous les instants pour nous,
les législateurs, des gens qui sont d'un concours essentiel, et
on a pu le réaliser. Moi, comme leader parlementaire, Mme la Présidente, j'ai pu réaliser, comme législateur,
comme planificateur de notre action
parlementaire, les résultats : le ralentissement de l'action législative,
des dossiers bloqués, des dossiers qui manquent de conseils, un
gouvernement qui croit qu'il peut se passer si facilement des légistes pour poursuivre son action. J'ai entendu le ministre dire qu'il respectait le droit de grève des
juristes. Je le remercie pour sa mansuétude.
Merci de reconnaître un droit prévu dans la loi, celui de la grève. Est-ce qu'il aurait pu en être autrement? Est-ce qu'il aurait pu dire :
Je ne reconnais pas ce droit? Merci au ministre de nous rappeler ça.
Mme la Présidente, il y a une dizaine de bonnes raisons pour nous, députés,
de se réunir en cette Chambre. Il y
en a également, malheureusement, de moins bonnes. C'est l'une de celles-ci qui nous réunit ce soir. Pour
la troisième fois en 12 ans, les
juristes de l'État verront leurs conditions
de travail fixées par une loi
spéciale. Je ne crois pas avoir entendu ça dans le discours du ministre. Reprenant à son compte le guide du négociateur du premier ministre Jean Charest, à
qui le ministre aspirait pouvoir
succéder, inspiré par les coups de force imposés aux juristes en 2005 et 2011,
le président du Conseil du trésor n'a
pas fait preuve de la bonne foi nécessaire. Laissant traîner l'affaire depuis
le mois de mars 2015, le
gouvernement n'a cessé d'empoisonner les négociations jusqu'à ce qu'elles se
rompent, puis jusqu'au déclenchement d'une
grève générale illimitée d'une longueur maintenant inédite. Les juristes de
l'État étaient dans le froid. Et je vous garantis qu'il en restera un, froid. Il restera des traces durables dans
cette profession, et pour longtemps. Et le message qu'on envoie aux
futurs juristes qui voudront s'engager dans le service public, il sera
considérablement vicié par les 18 dernières semaines et le débat qu'on va
vivre ce soir, Mme la Présidente.
Mme la
Présidente, ce débat se fait aux dépens de l'État de droit — ces dernières semaines, les parlementaires
ont eu à travailler avec des outils incomplets, avec des cahiers à peine
noircis pour évaluer des projets de loi pourtant essentiels à la bonne conduite du Québec. C'est notre réalité, et elle
mérite d'être dénoncée en cette Chambre — au mépris de la neutralité religieuse de l'État étudiée par le projet de loi
n° 62, au mépris de l'environnement étudié par le projet de loi n° 102, au mépris des services aux
citoyens, de la CNESST et du Curateur public, au mépris des parties impliquées
dans environ 6 000 causes qui se
retrouvent aujourd'hui devant les tribunaux administratifs, civils et
pénaux — derrière
ces chiffres, des réalités humaines, de
l'attente, de l'angoisse, un espoir de voir se réaliser un projet, de voir se
régler un litige, de pouvoir compter
sur l'État, de lutter contre le cynisme, d'être là pour prendre soin des
gens — au
mépris des cadres gouvernementaux qui se voient surchargés par le
travail et qui ne peuvent le dire à leurs ministres, et surtout, Mme la Présidente, au mépris des juristes eux-mêmes,
dont certains parlementaires font partie de cette noble profession ici même, en cette Chambre. Au bout de
18 semaines, au bout du fonds de grève, se présentant encore, tout à
l'heure, à la table des négociations
avec bonne foi et espoir, nos juristes de l'État. Nos juristes de l'État.
L'État, c'est nous. L'État, c'est les
125 parlementaires. L'État, c'est l'ensemble des Québécois. L'État, c'est
l'ensemble de ces fiers travailleurs et travailleuses qui se sont
engagés pour le service public.
Mme la Présidente,
nous sommes plus ici ce soir que tous réunis. Dans les tribunes, dehors, il y a
celles et ceux qui souhaitent une entente entre les parties. Nous en
sommes. Au premier chef, le Barreau de Montréal et de Québec, l'association des avocats et procureurs au fédéral
et des autres provinces, l'Association des cadres juridiques de la fonction
publique, l'association des avocats de
l'aide juridique, la FTQ, le SCFP, le SFPQ, le SPGQ, l'APGQ, d'anciens membres
de cette Chambre, un ancien ministre du nom de Benoît Pelletier, respecté de
tous, le Pr Patrice Garant. Pas plus tard qu'avant-hier,
Mme la Présidente, la bâtonnière demandait de repousser l'adoption de cette loi
inique. Aujourd'hui, on découvre que
le président de la Commission des communications du Parti libéral du Québec,
lui aussi demande qu'on évite cette loi spéciale. Il a choisi
volontairement d'envoyer ce message.
• (20 h 50) •
Alors, Mme la
Présidente, j'espère qu'au moment où le projet de loi sera mis aux voix les
députés gouvernementaux ne soient pas
seuls en cette Chambre, qu'ils soient accompagnés près d'eux d'une honte, je le
dis, Mme la Présidente. Qu'on se
rappelle des humiliations subies par les juristes, qui se sont prononcés par de
larges marges pour la poursuite de
leur mouvement au fil des dernières semaines. Le gouvernement aura tenté de
faire écran sur les réels enjeux en recentrant la négociation sur les seules demandes salariales. Il y a pourtant
tellement plus. Il y a le respect, il y a la considération, il y a l'estime qu'on leur porte, il y a la façon de
négocier, la façon de livrer les messages d'abord aux parties impliquées avant de le faire par voie de communication en essayant de jouer une stratégie
qui sert bien plus aux intérêts communicationnels du gouvernement qu'à une
réelle volonté de régler l'entente.
Le gouvernement aura tenté de jouer le temps, mais pourtant nous voici, Mme la Présidente. Après les artifices, les
sparages, il ne reste plus que la vérité. L'incapacité du président du Conseil du trésor à accomplir la tâche qui lui avait été confiée par le premier
ministre est maintenant
manifeste. Il nous avait promis un nouveau ton, il est revenu à ce qu'il était.
Après l'avoir
exclu, après avoir juré que ce n'était pas l'objectif, le résultat lève le
voile sur la seule volonté réelle du gouvernement, une conclusion écrite d'avance : une loi spéciale. C'est à croire
qu'il existe, pour ce gouvernement, Mme la
Présidente, deux classes d'employés
de l'État : certains privilégiés, d'autres non, certains corps de métier
qui ont toutes les entrées possibles dans ce gouvernement, qui ont
l'oreille et qui ont surtout les avantages qui viennent avec.
À ce message d'échec envoyé malgré lui, je veux
rappeler ceci, Mme la Présidente : ce n'est pas une fatalité. Il existe des gens qui préfèrent le gouvernement des femmes et des hommes à l'administration des choses, des gens qui
mettent la bonne foi et l'éthique au coeur
de leur action, des gens qui voteront contre cette loi spéciale malgré la
majorité libérale, qui feront leur
travail en plaidant, en étudiant, en mobilisant, en expliquant qu'on peut, on
l'espère encore, changer les choses
dans ce Parlement et que, bien qu'un gouvernement soit majoritaire, il se peut qu'à l'occasion il
se rende à nos arguments, qu'il puisse nous écouter. Nous maintenons cet
espoir.
Nous
sommes échaudés. Des gens du Parti
québécois, de la Coalition avenir Québec, de Québec
solidaire, des gens qui, comme nous, ont entendu les juristes,
travaillent avec les juristes, respectent les juristes, ont besoin des juristes
et se disent que le geste irréparable
qu'on va commettre en adoptant une loi spéciale à leurs dépens laissera des
traces durables, Mme la Présidente.
Mme la Présidente, cette vision strictement
comptable n'est pas une fatalité. Nier la lente asphyxie de nos services publics et l'humiliation de nos employés
qui ont à coeur le service public et l'intérêt de l'État n'est pas une manière
de faire. Comme mes collègues, Mme la Présidente, j'entends le message de courage envoyé par les juristes de l'État.
J'étais avec eux au froid aujourd'hui, et ce n'était pas la première fois.
L'importante contribution qui est la vôtre, les juristes de l'État, nous la reconnaissons. Votre volonté de
servir, nous la partageons. Votre volonté de faire avancer le Québec, nous la partageons aussi. Nous prenons la mesure
de l'insatisfaction de la population envers ce gouvernement usé. Nous
prenons aussi rendez-vous en octobre 2018. Mme la Présidente, nous y
serons.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le
leader parlementaire de l'opposition officielle. Je vais maintenant
céder la parole à M. le leader du deuxième groupe d'opposition.
M. François Bonnardel
M.
Bonnardel :
Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, vous comprendrez que je prendrai quelques
minutes pour vous démontrer notre
grande déception de voir le Parti libéral, le gouvernement, utiliser encore une
fois la façon la plus ignoble de faire avancer son agenda
politique : une loi spéciale, un bâillon.
Mme la Présidente,
on peut constater depuis les dernières années une sorte de mépris, un mépris
systémique de la part du
gouvernement, face à des professionnels, face aux aînés, face aux familles du
Québec. On a un gouvernement qui ne
s'est jamais entendu avec les étudiants, on s'en souvient tous, avec les
éducatrices en CPE, avec les infirmiers, infirmières, avec les pharmaciens — on a un ministre qui est en chicane avec à
peu près tout le monde dans le système de santé — avec les aînés — on a eu
heureusement un recul la semaine passée de la part du ministre des Finances sur
ces fameux crédits d'impôt qu'on
enlevait aux aînés les plus vulnérables au Québec — aux familles québécoises — où on est allés chercher plus de 1 300 $ dans leurs poches depuis
l'élection du Parti libéral. Ça, c'est du mépris. Ça, c'est oublier que c'est
grâce à eux que le retour à l'équilibre budgétaire s'est fait. Les
médecins, bien... bien oui, le ministre de la Santé qui est en chicane avec à peu près tous les spécialistes, les
médecins de famille. On a même le Parti québécois... J'entendais — je fais un aparté, là — le Parti québécois, le chef, la semaine passée, qui nous
disait : Nous, prochaine
élection, on va être contre les
médecins. Aïe! Ça va être le fun, la prochaine élection! Vraiment,
de ce côté, on va avoir deux partis
politiques qui ne voudront jamais s'entendre avec eux. Puis les cadres en santé,
les cadres en santé qui sortaient la semaine passée en disant : Ça
ne fonctionne plus, toutes les réformes que le ministre a mises en place, c'est
l'échec.
Et on peut
constater, Mme la Présidente, depuis que cette grève a débuté, des voix
discordantes dans les derniers jours,
des gens qui disent, au Parti
libéral : Ça ne fonctionne pas,
vous ne pouvez pas imposer une loi spéciale. Nicolas Plourde, Mme la
Présidente, le président de la Commission
des communications du Parti libéral
du Québec, qui dit : «Je déplore la décision du ministre de refuser la
médiation et de recourir au bâillon pour régler le conflit de travail
qui perdure.» Et là c'est certain que le
Parti libéral nous dit : Ah! c'est juste un employé, c'est juste
quelqu'un... c'est juste le président
des communications du Parti libéral du Québec. Il aura sûrement à parler à
quelques bonzes du Parti libéral suite à cette déclaration, mais il
reste quand même que c'est inquiétant.
Mme la
Présidente, on a Marc Bellemare, que tout le monde connaît, l'ancien ministre
du Parti libéral qui a claqué la porte,
qui dit : Recourir à une loi spéciale «est une très mauvaise nouvelle. Les
juristes de l'État ont fait preuve de courage, ça va laisser des traces — oui, j'en reparlerai un petit peu plus
longuement. Leur coeur est brisé, il faut blâmer le gouvernement, la
ministre de la Justice [...] qui a été absente...»
On ne peut
pas s'empêcher de parler non plus, Mme la Présidente, de Benoît Pelletier,
autre ancien ministre du Parti
libéral du Québec, éminent professeur, qui dit, dans un papier qu'il a écrit le
16 janvier 2017... Ah! il dit : Il faut mettre fin au clivage entre les procureurs de la
couronne et les juristes de l'État. Il dit : «Nous saisissons mal pourquoi
le statut des avocats et notaires du
gouvernement du Québec serait différent de celui de leurs collègues oeuvrant en
matière criminelle ou pénale. Après
tout, tous ces juristes se doivent d'être impartiaux dans l'exercice de leurs
fonctions. À moins bien entendu que
l'État québécois ne se contente d'opinions juridiques de complaisance et de
conseils biaisés, ce dont nous doutons fortement.»
Mme la
Présidente, savez-vous ce qui m'inquiète? Il y a un papier que j'ai ressorti,
qui est écrit par Elisa Cloutier : Des avocats veulent précipiter leur départ à la retraite. Savez-vous quelle sorte de trace ça va laisser
avec cette loi spéciale, ceux qui vont entrer au boulot mercredi matin,
si on leur impose et s'il n'y a pas terrain d'entente d'ici là? Vous avez Me Jean Denis qui dit : «"Il y a des
gens [pendant la grève qui] ont quitté, des jeunes. Personnellement, j'en
connais deux. Et moi, je vais quitter un an d'avance, en avril, parce
que je ne veux plus rien savoir de ce gouvernement[...]. Je suis écoeuré!", mentionnait Me Jean Denis,
président de LANEQ, quelques minutes avant de faire l'annonce en conférence
de presse d'une contre-proposition au gouvernement...»
Me Pascal Renaud,
32 ans, légiste au ministère de la Justice, dit : Moi, je songe à
quitter le navire plus tôt que prévu.
«J'étais censé partir dans deux ans, mais, en rentrant — après l'imposition de la loi spéciale — je fais mes calculs et, si je peux
sacrer mon camp, je le fais!»
Mme la
Présidente, je vous en cite quelques-uns, mais imaginez tous ceux qui n'ont pas
parlé à des journalistes, qui sont
assis à la maison avec leurs maris, avec leurs épouses, puis qui se
disent : C'est assez! Quand je vous parlais de mépris systémique, là, bien, vous avez la preuve
de gens qui risquent de quitter un emploi qu'ils aimaient, mais, avec un
gouvernement aussi
arrogant, Mme la Présidente, vous comprendrez que, dans ces conditions, ces
gens se disent : À quoi bon continuer?
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
...
M. Tanguay :
Mme la Présidente, nous sommes au début d'un débat qui va durer plusieurs
heures. Je pourrais prendre
énormément de temps sur les termes antiparlementaires utilisés par les
oppositions, le dernier en lice, «arrogant», «mépris», «mépriser», «un
nouveau mépris systémique», «ignoble...».
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. Alors, je sais
que plusieurs de ces termes ont été utilisés. J'ai été assez... tolérante est
le mot. Alors, je vais vous inviter à un peu plus de prudence pour
poursuivre votre intervention.
• (21 heures) •
M.
Bonnardel :
Je suis sur un ton tellement doux, malgré des mots extrêmement sévères. Vous
savez, j'ai déjà été pas mal plus... hein?
Mme la
Présidente, autre papier : Dur retour au travail à prévoir. Encore
une fois, on dit : «L'annonce de la loi spéciale est un aveu d'échec
signé [par le ministre].» Et je termine, Mme la Présidente, encore une
fois avec Me Denis, qui dit — pas le choix de lancer quelques flèches à la
ministre de la Justice : «Elle ne m'a jamais adressé la parole. Elle
semble être en tutelle. Pourtant, comme
procureure en chef, comment a-t-elle pu laisser se dégrader le conflit? C'est
la pire ministre de la Justice de l'histoire du Québec.»
Une
déclaration triste, Mme la Présidente, mais, en terminant, vous comprendrez que
notre formation politique n'appuiera
jamais, jamais, jamais ce bâillon. Et je termine en vous disant une chose, Mme
la Présidente : Le parti libéral est devenu une sorte de sanctuaire
pour les négociations arrogantes avec ceux qui servent l'intérêt public.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je le répète, je vous demande de ne
pas utiliser des propos blessants pour
quiconque ici, en cette Chambre. Vous avez le droit à vos positions, vos
opinions, mais, s'il vous plaît, un peu plus de prudence.
Alors, je
suis prête à reconnaître la prochaine intervenante et je cède la parole à Mme
la ministre de la Justice.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée :
Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, je vais faire un petit bout
de chemin sur vos dernières paroles.
Je pense qu'ici, en cette Chambre, depuis cet après-midi, il y a eu, de part et
d'autre, des propos qui n'étaient pas
nécessairement à la hauteur de ce qu'on peut s'attendre ici, au salon bleu. Les
attaques personnelles, je pense qu'on
peut les mettre de côté. Le dossier qui nous amène ici, dans le cadre de cette
procédure extraordinaire, ce n'est pas un
dossier banal, ce n'est pas un dossier léger, ce n'est pas un dossier qui prête
aux attaques personnelles de part et d'autre. C'est un dossier important qui amène le gouvernement à devoir poser un
geste extraordinaire, c'est-à-dire le dépôt d'une loi pour ramener au
travail ces juristes, ces avocats, ces notaires qui, au quotidien, offrent des
services publics à la population et au gouvernement.
Vous savez,
Mme la Présidente, nous sommes placés dans une situation où nous devons, en
tant que gouvernement, peser et
établir la balance des inconvénients dans un conflit où, évidemment, l'État a
respecté le droit de grève de ces juristes, de ces avocats, de ces notaires, mais l'État a aussi d'autres
obligations. L'État a l'obligation de fournir des services à la population, l'État a l'obligation d'assurer la
marche normale des tribunaux, de ses institutions, et, Mme la Présidente, force
est de constater que le conflit de travail
qui perdure entre les juristes de l'État et le gouvernement a des incidences
sérieuses, des incidences
importantes, des incidences graves pour le fonctionnement général de l'État et,
incidemment, pour le maintien de l'État de droit. Dans l'intérêt public,
il nous importe d'agir. Les conséquences du statu quo sont réelles, elles sont
importantes, et, comme je le mentionnais, une analyse de la balance des
inconvénients milite largement en faveur de l'intervention gouvernementale.
Vous savez,
Mme la Présidente, depuis les deux dernières années et demie, presque les
derniers trois ans, plusieurs de nos
collègues se sont levés en cette Chambre pour dénoncer les délais qui ont cours
dans notre système de justice, pour soulever,
souligner l'importance de l'accès à la justice pour les citoyens et les
citoyennes du Québec. Actuellement, la grève
et le conflit portent atteinte de plein fouet à cette question, à l'accès à la
justice pour des milliers de contribuables québécois. Il y a actuellement des entraves au processus judiciaire, des
entraves à la saine administration de la justice, des entraves
au traitement des dossiers en temps utile. Mme la Présidente, à titre
d'information, il y a actuellement 783 dossiers au contentieux qui n'ont
pas été traités, 85 dossiers Procureur général du Québec qui ont été reportés,
1 881 dossiers au Tribunal administratif du Québec qui n'ont pas été traités. Ce sont des dossiers
au Tribunal administratif du Québec, Mme la
Présidente. Et ça, on l'a entendu à
maintes reprises, que ce soit par les interventions de notre collègue de Borduas,
que ce soit par les interventions des collègues de l'opposition, que ce soit même par les interventions publiques de certaines personnalités, le Tribunal administratif du Québec, c'est la porte d'entrée pour bien des citoyens
qui ont des litiges qui les opposent
à l'État, des litiges concernant la Société
d'assurance automobile,
l'indemnisation des victimes d'actes criminels, les dossiers de
prestations d'aide sociale.
Mme la Présidente, ce sont des dossiers importants, qui affectent les citoyens dans leur
quotidien. Ces dossiers-là, ces
1 881 dossiers qui ont été remis, ça représente, Mme la Présidente, 415 journées d'audition. Vous savez, à chaque année, lors de
l'étude des crédits, on pointait souvent du doigt les délais de traitement des
dossiers devant le Tribunal administratif du Québec, le
TAQ. Le TAQ, depuis les deux dernières années, s'était livré à un véritable
travail pour renverser la vapeur, et traiter
les dossiers à l'intérieur de délais raisonnables, et réduire les listes
d'attente, les rôles, permettre le
traitement des dossiers. Mme la
Présidente, le nombre de dossiers qui
avaient été traités au cours des deux dernières années avait vraiment permis au tribunal de reprendre le dessus. La
grève actuelle et le report des 1 881 dossiers ramènent le Tribunal
administratif à des délais que nous
connaissions il y a quelques années, et ça, Mme la Présidente, ça a un impact direct pour les citoyens et les citoyennes.
Il y a
également, Mme la Présidente, de nombreux dossiers au Procureur général qui n'ont pas été traités. Nous avons, depuis le début du conflit de travail, plus de 447 dossiers qui
n'ont pas été traités au contentieux, 447 nouveaux dossiers qui sont entrés et qui n'ont pas été
traités. L'impact de la grève : elle se fait sentir sur les litiges, elle
se fait sentir dans le
service-conseil, elle se fait sentir au niveau de la législation et elle a un
impact sur l'ensemble de l'organisation du travail.
Lorsque je vous mentionne l'impact actuel sur
les litiges, Mme la Présidente, annuellement ce sont près de 10 000
dossiers de litige qui sont gérés par les contentieux de Québec et de Montréal.
La plupart de ces dossiers, Mme la Présidente,
vont requérir plus d'une présence à la cour. Dans le cours normal de leur
travail, le volume est déjà un défi pour les équipes de juristes, et, au
tout début de la grève, nous avions 581 dates qui étaient inscrites au
calendrier pour les contentieux de Québec et
de Montréal, et ça, jusqu'au 31 décembre de l'année dernière. Pratiquement tous
les dossiers ont dû être reportés.
Alors, à la fin janvier, on avait noté 344 demandes de remise qui avaient été
accordées à Montréal seulement.
• (21 h 10) •
Ça, ce sont
des dossiers qui sont reportés et qui s'ajoutent au volume annuel habituel, ce
sont des dossiers qui vont ajouter
aux délais de traitement devant les tribunaux, et certains de ces dossiers-là,
Mme la Présidente, oui, ont un impact dans
la vie des citoyens et des citoyennes, de tierces parties, donc de tierces
parties au conflit actuel, mais également certains de ces dossiers ont un impact financier sur les
droits du gouvernement, les droits de l'ensemble des citoyens du Québec.
Par exemple, à titre d'exemple, le ministère
du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale a de nombreux dossiers de saisie de salaire, de prise d'hypothèque
légale, de saisie d'avoirs liquides qui ont des conséquences sur la
récupération des sommes qui sont dues
à l'État, mais qui ont des conséquences... il y a des pertes de droits
potentielles pour l'État et, donc, pour l'ensemble des contribuables.
Il y a des
dossiers de pension alimentaire, Mme la Présidente, et ça, ça nous touche plus
particulièrement. Moi, je vous avoue,
Mme la Présidente, ça me touche tout particulièrement parce que les dossiers de
pension alimentaire, ils ont un
impact dans le quotidien des citoyens et des citoyennes, dans le quotidien des
enfants et ils feront la différence également
entre le versement ou non d'une prestation d'aide sociale et une réalité de vie
dans l'extrême pauvreté pour certaines citoyennes, certaines femmes, certains
hommes et bien des enfants.
336 dossiers
n'ont pas été traités, Mme la
Présidente. Le conflit actuel a des
impacts qui vont bien au-delà des
impacts que nous pouvons vivre ici, en cette
Chambre, au niveau de la législation. Certes, la législation ne procède
pas selon le rythme habituel. Certes, tous les processus de règlements,
de rédaction, de dépôt, d'adoption de règlements sont paralysés. Mais, au-delà
de ça, on a des tierces parties, on a
des citoyens, des citoyennes qui sont impactés directement au quotidien dans leur réalité en raison d'un conflit de travail qui
oppose les juristes de l'État et le gouvernement, et c'est cette
réalité dont nous ne pouvons faire abstraction aujourd'hui, Mme la Présidente. Légiférer par voie de loi spéciale, ce n'est pas un choix, ce n'est
pas une volonté, ce n'est pas un plaisir, mais c'est une nécessité lorsqu'après
quatre mois de grève les impacts sont ceux que je vous décris ce soir, Mme
la Présidente.
Alors, dans
un contexte comme celui-là, dans un contexte également où les
services-conseils au gouvernement
ont un impact pour des tierces personnes que
sont, par exemple, les municipalités... Parce qu'à la Direction des affaires
juridiques du ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du
territoire c'est des centaines de dossiers de règlement d'emprunt, de cautionnement, d'engagement
de crédits qui concernent les municipalités du Québec qui ne peuvent être traités. Mme la
Présidente, ce conflit actuel là n'a
pas qu'un impact envers le gouvernement, envers l'action de notre gouvernement et de cette Assemblée, mais il a aussi un impact pour nos partenaires
que sont les municipalités, pour les contribuables de ces municipalités qui attendent avec beaucoup d'impatience de
pouvoir aller de l'avant et de procéder avec des projets qui viendront
améliorer leur qualité de vie.
Mme la Présidente, il y a également des dossiers majeurs pour le gouvernement — ça,
je le mentionnais — les
dossiers de négociation à l'international,
les acquisitions de terrains, les expropriations. Tous ces dossiers commandent,
évidemment, l'intervention de nos collègues et juristes de
l'État. Et, en matière de législation, je vous le mentionnais, la pression de cette grève a un impact, évidemment, bien réel. Tous ceux et celles qui attendent des modifications importantes à certaines
pièces législatives sont sur la glace. Alors, vous savez, Mme la Présidente, lorsque vient le temps de déposer une loi spéciale, on doit, bien
sûr, évaluer l'ensemble
des impacts. Mais aujourd'hui, en ce 27 février, il y a un constat, c'est que
la grève des juristes a un impact important. Un impact plus qu'important, en
fait, un impact majeur pour le bon fonctionnement de l'État, pour la bonne administration
et la saine administration de la justice.
La
proposition qui est sous étude ce soir et qui sera sous étude ce soir est une
proposition respectueuse des parties, respectueuse
aussi du processus de négociation. Une proposition qui permettra, nous l'espérons,
un retour au travail de ces hommes et de ces femmes pour qui nous avons
le plus profond respect, pour des hommes et des femmes qui, au quotidien, offrent des services à l'État, au
gouvernement, mais qui aussi, par leur action, leur quotidien, ont un impact
dans la vie de citoyens et de citoyennes du Québec que nous représentons tous
ici, en cette Assemblée.
Alors, Mme la
présidente, il est de notre devoir de légiférer. Nous ne le faisons pas de
gaieté de coeur, mais nous avons la
responsabilité de considérer ceux et celles qui sont impactés de front par
cette grève et qui sont les citoyens et les citoyennes du Québec. Je
vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme
Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la ministre de la Justice.
Je cède maintenant la parole à Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles, qui est aussi la porte-parole de l'opposition
officielle pour le Conseil du trésor.
Mme Nicole Léger
Mme
Léger : Merci, Mme la Présidente. Je suis un peu abasourdie
d'entendre la ministre de la Justice juste avant nous. D'abord, on est ici, il faut se rappeler, on est ici parce que le
gouvernement nous impose une loi spéciale, une loi spéciale pour faire
rentrer les juristes, les juristes de l'État, les faire rentrer au travail
mercredi matin.
J'entends
la ministre de la Justice juste avant, mais je pense qu'elle oublie qu'elle a
un autre rôle, la ministre de la Justice, c'est elle qui est la
Procureur général du Québec. La Procureur général du Québec, c'est un rôle
apolitique. Avez-vous entendu la ministre de
la Justice dernièrement? Avez-vous entendu la ministre de la Justice les
derniers mois? Avez-vous entendu la
ministre de la Justice cet automne? On n'a pas entendu la ministre de la
Justice, Mme la Présidente, et,
aujourd'hui, elle nous parle de tous les impacts de la grève? Aujourd'hui,
quand elle aurait dû penser à ça quelques semaines avant, quelques mois
avant.
J'entends
le président du Conseil du trésor — qui a la responsabilité des négociations,
c'est lui qui a la responsabilité des
négociations pour le gouvernement — j'entends le ministre nous dire aujourd'hui
les mêmes choses, tous les impacts, il
me recite... quand je lui ai dit cet automne — il n'était même pas ministre à ce
moment-là — que
cette grève-là a des graves impacts. Il se réveille, il se réveille
aujourd'hui, puis là loi spéciale.
Il
nous dit en même temps aussi, Mme la Présidente, que, jeudi passé, il a donné
un ultimatum de 24 heures aux juristes
de l'État. Puis il dit : On a essayé de négocier un peu quelques semaines
avant. Parce qu'il oublie... Il ne faut quand même pas oublier d'octobre à janvier, là, hein, c'est quand même là où
c'était son prédécesseur, qui est le ministre des Finances actuellement, c'est lui qui était en
charge de ce dossier-là des juristes de l'État, ça a été bien difficile de le
faire bouger. Ça a été bien
difficile, Il n'y avait pas de négociations pantoute. Demandez aux juristes de
l'État. Puis demandez à d'autres que les juristes de l'État, demandez aux
députés qui ont reçu les juristes de l'État dans leur comté, dans leur
bureau, ils ont entendu comment que ça s'est passé les derniers mois.
Ce
n'est pas pour rien que le premier ministre a dit : Bien, maintenant,
c'est important, notre collègue revient. Donc, on est contents qu'il est revenu, évidemment, mais là on lui
dit : On te donne... Le premier ministre dit : Je te donne le mandat, règle-moi ça, ce conflit-là. Il ne lui
a pas dit de régler ça par une loi spéciale. Puis là il nous dit aujourd'hui
qu'il n'a pas le choix sur la loi spéciale
parce qu'ils sont intransigeants. Est-ce qu'ils se sont assis deux secondes
avec les juristes de l'État pour comprendre le fondement de leurs
demandes et de leurs revendications?
Le ministre a dit : Je les ai rencontrés
trois fois. Mais, à chaque fois, qu'il les a rencontrés... Il retournait sur la
table de négociation, oui, je lui concède, mais il ne donnait pas le mandat à
ses négociateurs de négocier, on revenait à
la case zéro. Puis là il dit : C'est les juristes de l'État qui reviennent
à la case zéro, c'est eux autres qui n'avaient rien sur la table. Là, je l'ai poussé, j'ai dit :
Est-ce que vous allez faire une offre sur la table aux juristes de l'État? Bravo! Voilà
trois semaines, une offre, briefing technique, on va la rendre publique.
On
a un briefing technique, j'ai dit : Là, on va avoir les comparatifs, un
peu. Parce que la demande des juristes de l'État est d'avoir la parité
avec les procureurs de la couronne. Procureurs de la couronne, est-ce que ça
nous dit quelque chose, les procureurs de la couronne? C'est des avocats
aussi, les procureurs de la couronne. Je vais revenir un peu sur leur statut tout à l'heure si le temps me
le permet, je vais revenir sur leur statut. Briefing technique, opération
médiatique extraordinaire, j'y ai été. J'ai dit : Je ne laisserai
pas passer ça, je vais y aller, l'offre est sur la table. Bien, opération médiatique ratée, en deçà de la fonction publique. Ils demandent la même chose que le DPCP, les procureurs de la couronne. Alors là, on peut bien me dire : J'ai fait
une offre, une deuxième offre, une troisième offre, je l'ai dit aujourd'hui, ce sont des offres déguisées, Mme la Présidente. Il a ramassé un
petit peu puis ramassé les affaires...
• (21 h 20) •
Des voix :
...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Attendez un peu, Mme la
députée. Je vais vous demander d'être
un peu plus silencieux, s'il vous plaît, pour
permettre à Mme la députée de poursuivre, j'ai de la difficulté
à entendre, là, ses propos puis je suis à quelques pieds. Alors, vous
pouvez poursuivre, Mme la députée.
Mme Léger :
Merci, Mme la Présidente. J'étais dans mon envolée, là, quand même.
Alors,
il a donné un 24 heures d'un ultimatum, et puis là il y a eu une contre-offre.
Parce qu'il a oublié de le dire, il y
a eu une contre-offre, et même le Barreau et la Chambre des notaires ont comme
demandé au ministre responsable : Peut-être qu'il faudrait
ouvrir à avoir une médiation quelque
part. En fin de semaine, ça. Là, il y
a un ultimatum, il a dit : C'est
24 heures pour le régler. Bien, minute, là, ce n'est pas ça, une négociation de bonne foi, puis nous autres, on a fait ce qu'il faut de bonne foi. Il viole actuellement le processus de bonne foi en ayant une loi spéciale. Ce n'est pas un
processus de bonne foi, une loi spéciale. Il dit : C'est assez, là,
ça fait quatre mois. Vous n'avez rien foutu pendant quatre mois.
Alors,
Mme la Présidente, le ministre a dit que c'était sa priorité, qu'il était pour
régler le conflit. Ce qu'il va nous dire
aujourd'hui, régler le conflit, c'est par la loi spéciale,
qu'il n'a pas été capable, qu'il n'a pas pu trouver une entente négociée. Puis là je l'entendais tout à l'heure de nous parler qu'on peut toujours encore. On a une loi spéciale, on commence
ça, là, c'est une loi spéciale qu'on a
devant nous. Les canaux sont ouverts... C'est intéressant, quand vous avez, Mme la Présidente, la corde presque au cou, là, pour dire : On
est encore capables de négocier. Il n'a jamais écouté les juristes de
l'État parce que le principe même de leurs revendications est tout le régime de négociation,
particulièrement, et leur statut. C'est ça, le fond.
L'entendez-vous quand je l'ai
questionné? Jamais il ne revient sur ça. Là, aujourd'hui, je l'ai essayé un
petit peu, là. Si j'avais davantage de temps, je pourrais revenir sur ce
qu'il a dit aujourd'hui, mais il n'a jamais parlé du régime de négociation, il va même demander... Dans une des
offres possibles, là, il va même leur demander : Signez-moi ça, le
salarial, puis après on verra bien
ici un petit groupe de travail. Ils demandent de revoir le régime de
négociation, il ne répond pas à ça. Tout
ce qu'il me dit, c'est : Vous, Mme Léger, puis vous, la députée...
Qu'est-ce qu'il fait? C'est lui, le président du Conseil du trésor.
C'est la revendication principale des juristes de l'État.
Alors,
le ministre a eu le mandat du premier ministre de régler le conflit. Bien, il a
échoué parce que ce n'est pas une
entente négociée. Il arrive, il nous impose une loi spéciale, puis le troisième
élément, qu'on va revivre les prochaines semaines, c'est de briser le climat de confiance de ses juristes, des
juristes de l'État, avec qui on travaille. Je l'entendais aujourd'hui : Ils sont extraordinaires, ils
ont des fonctions très... On ne peut pas s'en passer, les juristes. Loi
spéciale! C'est pour moi illogique, qu'est-ce qu'il nous dit
aujourd'hui, le président du Conseil du trésor, Mme la Présidente.
Puis
là, bien, ils sont en grève, puis il dit : Ah! je respecte ça, leur droit
de grève. Oui, effectivement. Qui ne respecte pas le droit de grève? On respecte le droit de grève, c'est un droit
fondamental au Québec d'avoir le droit de grève. Est-ce que vous pensez que ça les amuse, les juristes de
l'État, d'aller en grève? Pensez-vous qu'ils
ont le goût de faire ça, la grève?
Pensez-vous qu'ils sont contents d'être dehors sans salaire, sans fonds de
grève? Le gouvernement, on a dit : Ah! c'est ça, leur tactique, c'est de les affaiblir,
de les rendre jusqu'au bout pour les affaiblir. Puis plus de fonds de
grève, puis on va aller jusqu'au bout. Bien, ils ont été tenaces, ils
ont été résistants, ils ont été résilients, les juristes de l'État.
Puis
là, bien, la capacité de notre président
du Conseil du trésor a été loi
spéciale. Il a convaincu son monde pour une loi spéciale. C'est ça, sa façon de régler le conflit, par une loi
spéciale. Il n'a pas été capable de trouver une entente négociée, il n'a pas été capable de s'asseoir sur
le fondement même des demandes des juristes de l'État et sur une question de
principe fondamental. Il ne parle pas de ça, il nous a toujours
parlé du salaire. Les juristes de l'État ont toujours dit : Ce
n'est pas une question salariale. Puis là qu'il ne nous fasse pas pleurer aujourd'hui
sur le salaire des juristes de l'État, c'est
juste ça qu'il essaie de nous dire : Ah! ils sont payés assez, tout ça. Ce
n'est même pas sur ça, il nous amène ailleurs, le président du Conseil du trésor. Ça fait son affaire parce qu'il ne va pas au coeur de la demande des juristes de l'État.
Et, pendant ce
temps-là, bien, on entendait la ministre, tout à l'heure, nous dire, Mme la
Présidente, qu'il y a des impacts.
Son rôle de Procureur général, est-ce qu'elle a parlé à ses collègues? Est-ce
qu'elle a parlé avec les juristes de l'État?
Est-ce qu'elle les a rencontrés, les juristes de l'État, dont elle a une grande
responsabilité? C'est elle, la
procureure. Les juristes de l'État ont besoin de leur indépendance de travail,
et c'est la même chose pour la Procureur général. Je ne parle pas à la ministre, je parle à la Procureur général.
Il y a un rôle particulier, unique dans ce gouvernement. Et, dans l'ensemble, quand on parle d'un
gouvernement, la Procureur général a un rôle particulier, un rôle indépendant
elle-même. Alors, elle n'accorde même pas
aux juristes de l'État ce qu'elle est elle-même, qu'elle a un rôle indépendant.
Alors, on comprend que les juristes de
l'État sont fâchés, sont en colère. Pensez-vous qu'ils n'ont pas le goût de le
régler?
Alors, Mme la
Présidente, c'est qui, ça, ces juristes de l'État, là? Qui sont-ils? On en
parle souvent, mais c'est qui? Les juristes
de l'État fournissent des conseils juridiques apolitiques dictés par le respect
de la primauté du droit. Trois types
de fonctions spécialisées : fonction de conseil, ils font des enquêtes,
appels d'offres, conformité constitutionnelle; fonction de légistes, élaborent des lois, règlements, programmes et
politiques; fonction de plaideurs, tribunaux administratifs, civils et
pénaux dans les recours qui impliquent l'État.
Alors,
ils ont, les juristes de l'État... J'ai pu accrocher un article, un point de
vue le 16 janvier dans La Presse, on expliquait que plus d'un millier d'avocats et notaires de l'État
québécois agissent tantôt en droit civil, tantôt en droit
constitutionnel ou administratif, tantôt en droit fiscal ou autre. Ce sont même
eux qui défendent les procureurs aux poursuites
criminelles et pénales. Je le répète, ce sont même eux qui défendent les
procureurs aux poursuites criminelles et pénales lorsque ceux-ci font l'objet de litiges civils où leur
responsabilité professionnelle est attaquée ou qui soutiennent la validité des dispositions du Code criminel
lorsque celle-ci est débattue devant les tribunaux. Et ils se portent
quotidiennement à la défense de la primauté du droit, empêchent l'État de poser
des actes illégaux ou inconstitutionnels et préparent les dossiers devant être entendus par les cours de justice et
les tribunaux administratifs. Ce sont même eux qui vont plaider ces
dossiers devant ces instances. Dans certains cas, les avocats et notaires du
gouvernement québécois travaillent en tant que légistes à la rédaction des lois
et règlements, préparent des contrats.
• (21 h 30) •
En
passant, il y en a eu pour 868 millions de contrats publics depuis les
quatre derniers mois. Je comprends que la ministre de la Justice nous en parle, mais 868 millions de contrats
octroyés sans conseil juridique pendant quatre mois... Ils préparent les contrats et défendent l'État
lorsque sa responsabilité est en jeu. Dans d'autres cas, leur travail en
matière de contentieux fiscal permet
à l'État de poursuivre les fraudeurs et autres débiteurs et de recouvrer
d'importantes sommes d'argent.
Le
droit criminel et pénal ne constitue pas une branche du droit plus noble que
les autres. De fait, rien ne saurait justifier
qu'au sein d'un même employeur, c'est-à-dire l'État, des salariés ayant la même formation en droit et
exerçant le même type de fonctions soient payés selon des barèmes
différents ou soient soumis à des régimes différents de négociation. Je le redis bien parce que
je vois que le président du Conseil
du trésor m'écoute très bien : soient soumis à des régimes différents de négociation en
matière de relations de travail.
Alors,
ce n'est pas tout d'écouter, Mme la
Présidente, il aurait fallu agir
aussi, et il avait l'occasion d'agir dans ce conflit avec les juristes de l'État. Les juristes de l'État ont dit
au gouvernement le 20 décembre 2016 : 97 % contre l'offre du gouvernement,
90 % poursuivent la grève. 26 janvier 2017 : 97 % contre l'offre
du gouvernement et 83 % pour la poursuite de la grève. 12 février
2017 : 96 % contre l'offre du gouvernement, ah! 63 % pour la
poursuite de la grève illimitée. On pensait
que, peut-être, ils rentraient au travail parce que le gouvernement les a assez
poussés et affaiblis. Là, il a dit :
Ils vont rentrer. Bien non, ils ont résisté, Mme la Présidente. Ils ont résisté
malgré tout pour dire au gouvernement qu'il se trompe.
C'est quoi, le statut? C'est quoi, le
statut quand on parle du statut — parce que c'est ça, leur principale revendication,
leur statut, leur régime de négociation — dans le projet de loi de la
loi spéciale qu'ils nous déposent aujourd'hui?
Pas grand-chose, si ce n'est que pas pantoute. Pas pantoute. L'article 28 dans
tout le processus de médiation : «Le processus de médiation porte
sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la modification,
directement ou indirectement, du régime de
négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle
condition de travail.» Pas de régime de négociation, ça ne sera même pas
discuté.
Ça,
c'est toute une gifle parce que, Mme la Présidente, c'est la principale
revendication des juristes de l'État. On fait plein d'articles puis on dit au 28 : On n'en discute même pas.
Ça ne fait même pas partie du processus de médiation. Je ne sais pas où ils sont, le gouvernement, là.
Où sont-ils, les ministres, de l'autre côté, et les députés du gouvernement?
On ne sent aucunement une ouverture, et pas
du tout, puis là on se retrouve avec une loi, une loi spéciale, Mme la
Présidente. Ça fait la troisième fois
qu'il y a une loi spéciale pour les juristes de l'État. Peut-être que ça veut
dire quelque chose, ça.
Ils
sont prêts à ne plus avoir recours à de la grève, et la grève est incompatible
avec la fonction qu'ils ont dans un
État de droit. Il y a des impacts que ça engendre, ça. C'est ça qu'ils vous
demandent. Alors, je ne sais pas, le ministre, s'il est conscient que c'est la troisième fois qu'on s'en va dans une
loi spéciale pour les faire revenir au travail. Ils disent :
Enlevez-nous-le, le droit de grève, comme les procureurs, comme les juges,
parce qu'on veut préserver notre rôle d'indépendance.
C'est ça, leur revendication. Et le ministre leur dit aujourd'hui : Bien,
écoutez, je vous impose une loi spéciale, et en plus, et en plus, vous
rentrez au travail le 1er mars, et on n'en parlera même pas en médiation.
Qu'ils
soient conseillers juridiques, légistes ou plaideurs, les juristes de l'État
ont tous le même employeur et ont tous
le même devoir de loyauté envers ce dernier, qui est lui-même au service de
l'intérêt public qu'est l'État québécois. Pourquoi les procureurs de la couronne auraient-ils la responsabilité de
servir l'intérêt public et pas les juristes
de l'État? J'aimerais bien que le ministre me réponde à ça, pourquoi il
fait cette différence. Il aurait pu aujourd'hui avoir une solution gagnante-gagnante. Il aurait pu aujourd'hui sortir lui-même la tête haute sans loi spéciale et faire
sortir... et faire rentrer, dans le fond, les juristes de l'État avec la tête haute. Mais je vais lui dire quelque chose : Les juristes de l'État vont
être obligés de rentrer avec la loi
spéciale, mais ils vont rentrer la
tête haute parce qu'ils ont été,
pendant des semaines et des mois, la tête haute et qu'ils ont affronté
ce gouvernement-là, qui est impitoyable avec ses juristes de l'État.
Nous,
Mme la Présidente, nous nous objectons à cette loi spéciale, c'est sûr. Il
n'est pas normal de distinguer les avocats de pratique privée et les
juristes de l'État, qui sont les mandataires de l'État. De quel droit peut-on
faire une distinction entre l'indépendance des juristes de l'État et celle des
procureurs? Parce que le ministre nous parle particulièrement
de salarial, ils ont la même chose, ce qui n'est pas vrai, là. On n'a pas le
même discours à ce niveau-là, puis
ça, ça peut être prouvé. Mais il n'en demeure pas moins que c'est la
revendication principale des juristes de l'État, et, Mme la Présidente,
le ministre décide aujourd'hui de faire une loi spéciale.
Alors,
évidemment, on est tous outrés de ça. C'est une journée noire, comme on dit
tout le temps, une nuit noire qu'on
va passer parce que c'est une loi spéciale, une loi spéciale avec les juristes
de l'État. On s'objecte à l'attitude du gouvernement, de la façon qu'il traite ses juristes. Nous nous objectons
de briser ce lien de confiance parce que le lien de confiance est important. Les juristes de l'État travaillent avec les
ministres, les sous-ministres, la haute direction. Ils travaillent avec les grands mandataires de l'État
tous les jours. Ils vont travailler avec le ministre. Lui, il est particulier. Le
Conseil du trésor, c'est particulier.
Mais les autres collègues, vous allez avoir des juristes de l'État avec qui
vous travaillez. Je ne pense pas que
vous allez avoir grand heures supplémentaires. Imaginez tout ce qu'on a à
rattraper depuis des mois.
Je
ne suis pas sûre qu'ils ont réfléchi à ça, l'impact sur chaque juriste qui va
rentrer mercredi matin, le goût immense au travail, on s'entend, le goût immense au travail, de se donner corps
et âme. Parce qu'ils ont une éthique extraordinaire, les juristes de l'État, un code de déontologie
qu'on connaît tous, ils vont faire leur travail... continuer de faire leur
travail extraordinaire, mais le coeur n'y sera sûrement pas, Mme la
Présidente. Et ça, c'est à cause du gouvernement libéral que nous avons devant nous, qui n'ont pas voulu
vraiment les écouter, parce que c'est ça qu'il faut se dire, ce n'est pas
vraiment les écouter, même s'il dit, le président du Conseil du trésor, qu'il
les a rencontrés quelques fois. Mais ce que
lui a dit et ce qu'il y avait sur la table, ce n'est pas ça. Ce n'est pas ça.
Ça ne s'est pas rendu jusque-là. Ça ne s'est pas rendu jusque-là. Et il écoute les... Il dit : Ah! bien, ils
m'ont fait des rapports. Bien, peut-être que ça aurait été bien qu'il
prenne le temps vraiment, vraiment, de s'asseoir avec les juristes de l'État
dans le sens de leur revendication principale qui est celle de leur statut de
leur régime de négociation. Alors, ce lien de confiance est brisé et ce lien de
confiance, Mme la Présidente, est un lien
essentiel pour la gouvernance et les affaires de l'État. C'est primordial, ce
lien de confiance qu'il va avoir avec les juristes de l'État.
Alors,
ce projet de loi n° 127, projet de loi spéciale n° 127, est une gifle
et un affront pour vos propres bras droits, ceux qui travaillent tout
près de vous, les juristes de l'État. Merci, Mme la Présidente.
• (21 h 40) •
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles. Et, pour la prochaine intervention, je
vais céder la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques tout en vous
rappelant que vous disposez d'un temps de parole de six minutes.
Mme Manon Massé
Mme
Massé : Merci, Mme la Présidente. Alors, je suis contente de pouvoir
intervenir à cette étape-ci pour dire comment ça m'horripile de voir que
le gouvernement, encore une fois, utilise une loi spéciale pour mettre au pas
les employés de l'État. Ça
m'horripile parce que je pense que, dans ma vie, s'il y a une chose que j'ai
apprise, c'est : quand il est temps de négocier, il faut, un, le
faire de bonne foi et, deux, il faut se mettre en mode ouverture.
Et, je pense
que la Cour suprême nous l'a rappelé, une négociation, le droit de
grève, le droit d'être représenté syndicalement,
c'est un droit parce qu'il y a un rapport de force qui n'est pas là. C'est pour
ça qu'on a le droit, dans notre société
démocratique, de se regrouper, de se rassembler, de se mettre ensemble en force
pour être capables, dans ce cas-ci, d'aller dire à notre employeur : Nous
voulons être reconnus comme les autres procureurs de l'État.
Ça n'a pas de bon
sens qu'après quatre mois de grève où le ministre, à plusieurs reprises, nous a
dit, en cette Chambre, qu'il s'est mis en
mode négociation, là, à ma grande surprise, ce que j'entends de la part de la
partie gouvernementale, c'est comme si c'était la faute des juristes si
on en est rendus là où on est. C'est comme si c'était la faute des juristes si les cas s'additionnaient, dont la ministre a
parlé tantôt, si les pensions alimentaires n'étaient pas payées, si les argents dus à l'État n'étaient pas
rendus. Quand vous êtes dans une négociation et que, pendant 18 semaines — ça fait une couple de mois, ça — la
partie patronale, c'est le silence radio, je n'appelle pas ça négocier de bonne
foi.
La
grève arrive, on se met en mode écoute, ouverture, mais plus on avance, plus on
recule. Ça non plus, à mon sens, ça
n'a pas de bon sens. Puis plus on avance, on recule tellement, Mme la
Présidente, que, dans le cadre de la négociation, le ministre a mis un ultimatum à la fin de la
semaine dernière. Les avocats et notaires de l'État ont dit : Ah! on vous
fait une contre-proposition, on
aimerait ça avoir une médiation. J'entendais d'ailleurs, plus tôt, le ministre,
en Chambre, dire : «Anyway», ça
ne donne rien. C'est intéressant comment ça ne donne rien, hein? Ça se retrouve
même dans le projet de loi.
Alors,
c'est dur à suivre, sinon que de se poser la question : Mais pourquoi ça
se passe de même? Et là, puisqu'on ne
peut pas prêter d'intention, on peut essayer au moins de réfléchir à pourquoi
c'est comme ça. Pourquoi c'est comme ça? Parce que, d'un côté, on dit : Nous, les employés de l'État, et,
notamment, les avocats, et les notaires, on les aime, on les trouve bons, on trouve qu'ils font bien leur job,
etc., mais, en même temps, non, on ne veut pas leur reconnaître le même statut que des employés qui ont le même statut
qu'eux autres. C'est un drôle de message, ça, à envoyer à nos employés, d'avoir
deux classes d'avocats. Nous, là, nous, l'État, nous allons avoir deux classes
d'avocats, deux classes de juristes. C'est un peu bizarre, cette
affaire-là.
L'autre
élément de ce qui me sidère là-dedans, c'est toute la question de
l'indépendance, hein, le... J'entendais encore ce matin : Les avocats et les notaires sont au service de
l'État, à notre service, alors que, dans les faits, on va être clairs,
comme tous les avocats et notaires, ils sont au service du droit, de la règle
du droit.
Alors,
j'espère... Bien, vous comprendrez bien, à travers cette intervention-là, que
nous sommes vraiment très tristes de
voir comment on est rendus à cette étape-là, on est en défaveur, on est contre
l'utilisation de cette mesure d'exception
parce que, dans les faits, je pense qu'ils s'en allaient vers une entente et
que, si ce n'est pas arrivé, l'espèce de seule conclusion que j'ai dans
ma tête à moi, c'est de me dire, bien, que le gouvernement voulait montrer
que c'était lui qui avait le gros
bout du bat et qu'en bout de ligne il va l'utiliser pour forcer les travailleurs et travailleuses à retourner
en emploi. Puis après ça on va
continuer à mettre de l'argent public pour dire aux gens : Venez dans la
fonction publique parce que c'est le fun, la fonction publique. Alors, c'est
clair qu'on est en désaccord avec ça, Mme la Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Maintenant, pour la prochaine intervention, je vais céder la parole à M. le
député de Borduas, qui est aussi le porte-parole du deuxième groupe
d'opposition en matière de justice.
M. Simon Jolin-Barrette
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. J'interviens ce soir sur le
projet de loi n° 127, un projet de loi bâillon qui fait en sorte que les
juristes de l'État, les avocats et les notaires de l'État québécois, vont
devoir rentrer au travail, vont devoir rentrer au travail contre leur gré dans
les conditions dans lesquelles c'est imposé.
Vous
savez, Mme la Présidente, le fait d'adopter une loi spéciale pour forcer les
juristes de l'État, premièrement, ce n'est pas un bon message à envoyer. On
parle de relations de travail, on parle du gouvernement qui traite ses employés
de cette façon-là. On vient leur taper sur
la tête, on leur dit : On vous a laissés pendant 18 semaines à
l'extérieur, on vous a laissés durant
les fêtes, à Noël, on a vous a laissés épuiser votre fonds de grève, on va a
laissés emprunter des millions de
dollars pour financer votre grève, on vous laissés accumuler une dette qui va
chiffrer pour plusieurs milliers de dollars pour chacun des avocats, des avocats, des notaires qui se retrouvent
dans les tribunes ce soir, Mme la Présidente. Des gens qui viennent travailler pour s'assurer que les
droits de l'État soient respectés, qui viennent travailler pour s'assurer que
les droits des citoyens sont respectés.
Parce
qu'on a entendu plusieurs choses du côté du gouvernement, plusieurs choses pour
dire : Les procureurs de la couronne,
ce n'est pas la même chose. Ce soir, on aura l'opportunité de faire la
démonstration que, bien qu'en 2005 on a fait en sorte que les procureurs de la couronne, maintenant, relèvent du
Directeur des poursuites criminelles et pénales, la fonction qui est exercée par les juristes de l'État, qu'ils soient
avocats ou notaires, elle est très importante dans notre système, dans notre État québécois, et que ceux-ci
font un travail qui mérite d'être reconnu. Prenons simplement le cas d'un ou d'une procureure, d'un avocat ou d'une
avocate qui travaille à la Commission des normes du travail, qui prend le dossier d'un travailleur lésé, de quelqu'un
dont les droits ont été violés, que ça soit au niveau de la rémunération, que
ça soit au niveau des conditions de
travail, au niveau des normes minimales de travail. D'ailleurs, la ministre du
Travail nous a annoncé qu'elle
voulait faire une réforme au niveau de la Loi sur les normes du travail, mais
elle n'a pas d'échéancier, on ne sait pas quand. Ça fait que ça sera
probablement la journée des quatre jeudis. Mais ça, on y reviendra.
Donc, l'avocat ou l'avocate qui représente cette
personne-là pour un litige de nature salariale, ou même pour un congédiement
injustifié, Mme la Présidente, ou même pour une plainte de harcèlement... on en
parle beaucoup ici, de harcèlement au cours
des dernières années, au cours des derniers mois. Bien, la job des procureurs,
des juristes de l'État, dans certains cas, c'est de faire en sorte que les
travailleurs québécois, lorsqu'ils travaillent dans leur milieu de travail,
ils soient exempts de harcèlement. Ça, c'est
un des exemples concrets où les avocats, les avocates à la Commission des
normes du travail, qui est maintenant
fusionnée avec la Commission de l'équité salariale et la CSST, vont prendre le
dossier et vont s'occuper des droits des citoyens.
Mais, Mme la Présidente,
aujourd'hui, on est sur le bâillon. Pourquoi on est sur un bâillon? Je vous
dirais : Parce que le Parti libéral et
ce gouvernement libéral là aiment les proverbes, Mme la Présidente. Jamais deux
sans trois, hein? C'était peut-être à prévoir, Mme la Présidente. 2005,
2011, 2017. Une chance que le proverbe arrête à jamais deux sans trois puis qu'en 2018... J'espère qu'il va y avoir un
changement pour ne pas que ça se reproduise encore, cette situation-là, la façon dont on traite des employés
de l'État, des juristes, des avocats, pour que ça ne se reproduise pas, ce
manque de respect, la façon dont on négocie
les conventions collectives, la façon dont on fait en sorte que ces employés-là
reviennent au travail.
• (21 h 50) •
Jamais deux sans trois, Mme la Présidente. En
2011, il y a eu une grève de deux semaines : procureurs de la couronne, juristes de l'État, avocats et notaires
de l'État; loi spéciale. Vous y étiez, Mme
la Présidente, je crois, vous avez
pu constater. Ça faisait suite à une
précédente loi spéciale du même gouvernement
libéral. Par la suite, les mois ont suivi, on a modifié la loi, la loi spéciale qui avait été
adoptée. L'association des juristes
s'était entendue avec le gouvernement
par le biais d'une lettre d'entente, Mme la Présidente. Donc, dans le document Entente
de principe concernant certains éléments
modifiant la convention collective des avocats et notaires 2010-2015 intervenue
entre : Le gouvernement du Québec — gouvernement libéral de l'époque — représenté par le Secrétariat du Conseil
du trésor et l'Association des juristes
de l'État, Québec, le 7 juillet
2011, Mme la Présidente, vous pouvez constater que ce sont les mêmes acteurs
qui sont en place il y a six ans, Mme
la Présidente. Donc, le gouvernement a adopté sa loi en 2011, et là quelques
mois plus tard, en juillet, juillet
2011, arrive à une entente avec les juristes de l'État et leur dit, dans le
cadre de l'annexe 5, une lettre d'entente,
là, où les deux parties disent : On va travailler en ce sens-là... Le
gouvernement a signé de sa main pour dire : Je vais travailler en
ce sens-là. Lettre d'entente concernant la réforme du régime de
négociation avec l'Association des juristes de l'État :
«Le
gouvernement du Québec et l'Association des juristes de l'État conviennent de
mettre sur pied, à la date de la
signature de l'entente — bon, je vous fais part, entre les procureurs et le
gouvernement — [...]afin
de discuter de la réforme du régime de négociation.» Il y a deux
paragraphes.
«Dans le
cadre de son mandat, le comité devra déterminer les éléments sur lesquels
porteraient les travaux d'un nouveau comité
présidé par un tiers indépendant, désigné par les parties. Les recommandations
formulées par le comité pourraient être approuvées, modifiées ou
rejetées en tout ou en partie par le gouvernement.»
Mme la Présidente, en 2011, le gouvernement,
avec sa propre signature, avait offert de regarder le mode de négociation des
juristes de l'État québécois. Qu'est-ce qu'il a fait, le gouvernement? Il n'a
rien fait. Il a eu six ans, six années, Mme
la Présidente, presque six ans, cinq ans et demi parce qu'on est en février,
cinq ans et demi pour établir un
nouveau mode de négociation pour la convention collective. Le gouvernement n'a
pas négocié sérieusement. Ce n'est pas à partir du moment où la loi spéciale de
2011 a pris fin que le gouvernement a commencé à négocier de mauvaise
foi, Mme la Présidente, c'est à partir de 2011.
Qu'on se le tienne pour dit, lorsque vous signez
une entente avec ce gouvernement libéral, ça ne vaut rien, Mme la Présidente, parce que le Parti libéral ne
tient pas sa promesse sur ses engagements. Il faut que ce soit très clair
pour la population. On ne serait pas dans
cette situation-là si le président du Conseil du trésor, ses prédécesseurs
avaient fait en sorte de négocier sérieusement puis d'arriver à une
entente.
Vous savez, Mme la Présidente, les avocats et
les notaires de l'État québécois sont des personnes qui sont raisonnables, ils sont habitués à respecter les
règles. D'ailleurs, vous aurez noté que, tout au long du conflit de travail, il
n'y a pas eu de débordements. Pourquoi il n'y a pas eu de débordements? Parce
qu'ils soutiennent la règle de droit, ils
soutiennent la primauté du droit. Ils ont exercé avec toute la rigueur possible
leur droit de grève. Les actions qu'ils ont entreprises étaient des actions légales, en conformité, et on
devrait les féliciter pour ça, Mme la Présidente. Par contre, eux qui remplissent leur partie du contrat, de
vouloir se mettre à la table de négociation, Mme la Présidente, le gouvernement
ne le fait pas.
J'entendais
le président du Conseil du trésor nous dire tout à l'heure : Écoutez, on a
eu des séances de médiation qui ont débuté l'été dernier. Est-ce que le
médiateur, est-ce que la position gouvernementale avait un véritable mandat
de régler? C'est la question à poser au
président du Conseil du trésor. Six séances de négociation. Avait-il le mandat
de régler? Ça m'étonnerait, Mme la
Présidente, ça m'étonnerait parce que, si on entend les deux parties, Mme la
Présidente, vous verrez qu'il y a des
versions contradictoires. Et, dans ce cas-ci, en raison de ce que je vous ai
dit, j'aurais tendance à prendre la parole donnée par les juristes de
l'État plutôt que celle du Parti libéral.
Mme la Présidente, je vous le dis, c'est
extrêmement malheureux. Six ans plus tard, on se retrouve dans une situation où on est à l'Assemblée nationale, on va
passer une nuit blanche pour débattre des conditions de travail des juristes
de l'État qui seront imposées par ce gouvernement libéral là, qui fait preuve
d'insensibilité.
On a entendu toutes sortes de choses, Mme la
Présidente, tout à l'heure, lors de l'intervention du président du Conseil du trésor et de la ministre de la Justice, mais ça vaut quand même la peine d'y
revenir. On nous a dit d'un côté : Écoutez, ce n'est pas un
choix, le fait de présenter une loi spéciale. Ce n'est pas un choix. Bien, si
c'est contre votre volonté, je vous
dirais : Votez contre la loi. Retirez le projet de loi, si ça l'est. Mme la Présidente, le choix que le président du
Conseil du trésor a, c'est d'aller s'asseoir à la table des négociations et de régler la situation. Dans son bulletin, le président du Conseil du trésor pourrait
inscrire la lettre E pour échec présentement, Mme la
Présidente. Mme la Présidente, peut-être qu'on devrait avoir
la formation continue puis on devrait réinstaurer les bulletins,
particulièrement pour les gens qui siègent au Conseil des ministres, ça
ferait peut-être du bien d'être évalué, Mme la Présidente.
Donc, on nous
dit : Ce n'est pas notre choix. C'est à regret qu'on impose une loi
spéciale. Et on fait porter le fardeau de
cette loi spéciale là aux juristes qui sont dans les tribunes, aux juristes qui
sont à l'extérieur. On leur dit : Écoutez, pour assurer
la prestation de services, pour s'assurer que la population puisse avoir accès
à la justice, bien, c'est de la faute des juristes parce qu'ils exercent un droit. Et on
dit : Écoutez, nous, on agit en tant que médiateurs, comme
équilibre, et là on vient rétablir la
situation. La vraie raison, Mme la Présidente, c'est que,
depuis 2003, ce gouvernement libéral là est en
poste, il y a eu trois conflits de travail avec les juristes de l'État. Le système de justice est affecté et atteint, se
retrouve dans une situation où il y a
de longs délais. Les gens n'ont pas accès rapidement à la justice. Et ça, Mme
la Présidente, ce n'est pas parce que
les juristes de l'État sont en grève, c'est parce que le gouvernement n'a pas
assez investi dans le domaine de la justice, n'a pas procédé aux
réformes qu'il devait y avoir dans le système de justice.
Avant Noël,
la ministre de la Justice nous a annoncé en catastrophe l'investissement de
175 millions de dollars, avec des salles, d'ailleurs, qui avaient
déjà été annoncées, à la onzième heure, à la dernière minute. Mais on constate qu'encore aujourd'hui on n'a pas réglé le
problème, Mme la Présidente. On n'a pas réglé le problème. Et la réalité
là-dedans, Mme la Présidente, c'est
que la grève des juristes n'est pas la cause des retards qu'il y a, du problème
d'accessibilité à la justice. Donc,
de faire porter ce fardeau-là aux juristes, je trouve que ça n'a pas de bon
sens parce que, si le gouvernement libéral était vraiment sensibilisé
aux droits de la population, au fait que les citoyens aient accès à la justice,
dans un premier temps, il se serait assis
avec une plus grande célérité à la table des négociations avec les juristes. Il
aurait essayé de trouver
véritablement une voie de passage, Mme la Présidente. Il n'aurait pas laissé
perdurer la grève pendant 18 mois parce que, quand qu'on a vraiment à
coeur le droit des justiciables, de faire en sorte que quelqu'un qui a été
victime d'agression sexuelle, ou qui a été
battu, ou qui a subi une agression physique ou morale... bien, on s'arrange
pour que son dossier soit prioritaire. Actuellement, ce n'est pas le cas
dans les dossiers dans les tribunaux administratifs. Il y a de longs délais. Même chose pour un accidenté de la
route, même chose pour un bénéficiaire de l'aide sociale qui n'a pas accès. Ce sont toutes des situations qui étaient
connues par le président du Conseil du trésor, par la ministre de la Justice,
et ils n'ont pas agi.
Donc le recours à une loi spéciale n'est pas la
formule appropriée, mais ce qu'on a fait, c'était une stratégie gouvernementale de laisser s'épuiser les
ressources dont les juristes de l'État disposaient. On a laissé pourrir le
système. C'est ça, la méthode de gestion libérale, Mme la Présidente. Ce
n'est pas la responsabilité des juristes de l'État.
Et, vous
savez, Mme la Présidente, le président du Conseil du trésor met en doute la
parole des juristes. Ça semble être
la mode, au niveau du gouvernement libéral, de mettre en doute la parole des
interlocuteurs. Prenez récemment le cas des agriculteurs du Québec. Le premier ministre s'est levé de son siège
pour dire : Ça n'existe pas, les hausses de taxes agricoles. Ça
n'existe pas. Il ne croyait pas l'ensemble des agriculteurs du Québec qui
avaient des hausses parfois de plusieurs milliers de dollars au niveau du rôle
d'évaluation foncière, qui recevaient leur compte de taxes. Puis il leur disait : Ce que vous nous dites, vous, dans
toutes les régions du Québec, ce n'est pas vrai, vous êtes des menteurs.
Qu'est-ce qui est arrivé? Finalement, ils se sont bien rendu compte que
les agriculteurs avaient raison.
Les juristes
nous disent : L'offre que nous
avons, ce n'est pas la parité avec les procureurs de la couronne ou les
procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Ça fait des mois qu'ils le
disent. Le président du Conseil du trésor s'entête,
lui, à dire : Je vous offre la même chose. Il nous présente son tableau
didactique. Même ses fonctionnaires, sa sous-ministre n'a pas été
capable d'expliquer aux journalistes, lors de la présentation de l'offre du gouvernement, comment ça se fait que ça ne
coïncidait pas. Les juristes nous disent : On veut la même chose que les
procureurs de la couronne. On veut
l'équité. Le président du Conseil du
trésor nous dit : Je l'ai fait,
l'équité. Manifestement, il y a deux versions. On ne croit pas les juristes. Pourquoi est-ce que le gouvernement s'entête à ne toujours pas croire ses interlocuteurs, des gens
qui travaillent dans l'intérêt collectif, qui soutiennent la primauté du droit
et qui veulent s'assurer d'avoir des conditions
de travail qui vont leur permettre de travailler en toute liberté, qui va leur
permettre de faire en sorte de défendre les intérêts de tous les Québécois?
• (22 heures) •
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le
député de Borduas. Maintenant,
je cède la parole à M. le député de Mégantic.
M. Ghislain Bolduc
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Il est remarquable, dans ce débat restreint,
d'entendre les conversations divergentes,
je dirais, parce que, d'un côté, on entend un vocabulaire de négativité
extraordinaire et de plus en plus démoralisant,
quand moi, j'ai bien entendu, j'ai bien écouté, le président du Conseil du trésor et le ministre de la Justice
nous parler d'un débat respectueux, d'un
débat qui se fait dû à une raison bien fondamentale : c'est que la population, qui actuellement commence à souffrir des enjeux de cette grève, doit
être protégée, et l'équilibre dans lequel nous vivons doit être rétabli.
J'ai
travaillé en commission depuis qu'on est revenus. Les juristes étaient en
grève. Les gens ont été respectueux, et,
comme nous l'avons bien mentionné du côté du gouvernement,
ce sont des gens respectueux. Ce sont des gens que l'on respecte, mais, à un moment donné, nous avons une
obligation de maintenir des services à notre population, qui, elle, est en
train de devenir inquiète et en train de subir des préjudices auxquels il faut
survenir.
Donc, c'est un point très, très important
d'écouter un débat où la couleur des débats est très, très évidente et il nous faut bien voir que, d'un côté, on a du
négativisme, du foncé, des caractéristiques très négatives et obscures et, de
l'autre côté, il me semble qu'on a bien mis
une image dans laquelle il y a un débat, une grève dans ce cas ici, qui nous
force à arriver avec une loi spéciale pour
régler le conflit tout en permettant de pouvoir régler dans un futur la
négociation des éléments qui sont encore en litige.
On nous a
parlé de toutes sortes de vecteurs, mais le président du Conseil du trésor a
bien mentionné : Il ne faut surtout pas oublier ce phénomène-là, il
y a eu plus de 450 000 employés du gouvernement avec lesquels on a fait
une entente. On a parlé aussi que, la
semaine dernière, il y a eu une entente avec les agents de la paix, quelque
chose qui ne s'est
pas produit depuis des décennies. Donc, quand on essaie d'être négatif et de
réduire et qu'on oublie l'aspect positif, les actions réalistes, les effets concrets de ce qui s'est produit par
le gouvernement, on polarise de façon négative un débat. Et je dois admettre que, de l'autre côté de la
Chambre, ils ont certaines dispositions à cet égard. Malheureusement, c'est
comme ça.
Donc, il est
très important de bien comprendre que cette loi spéciale, elle est ici pour
protéger notre public, pour s'assurer que l'inquiétude sera résorbée, tout en
maintenant une possibilité de règlement dans un cadre mieux défini par
le projet de loi n° 127, qui permettra d'avancer et, nous l'espérons,
d'arriver à une entente.
On nous a
abondamment parlé de l'équilibre entre les juristes et les procureurs, et l'opposition essaie de nous faire accroire
que tout ça se fait dans un contexte d'équité, etc., mais il faut bien se
rendre compte que les deux groupes d'employés
travaillent dans des environnements différents et dans des conditions différentes,
chose qui semble se faire oublier de façon systématique quand on veut
polariser le débat dans une direction. Vous savez, il est toujours facile, quand on n'a pas la responsabilité, de faire des
critiques et de polariser un débat, mais, quand la responsabilité décisionnelle
est en cause, il faut prendre le temps
d'analyser l'ensemble des variables et des vecteurs qui vont faire que
l'ensemble du bien commun va être pris en considération.
Donc, je crois fermement que la position que
nous prenons ici ce soir est la bonne. Et je vais reprendre encore une fois les propos du président du Conseil
du trésor, qui a dit que nous avons mis six propositions sur la table et six propositions croissantes, bonifiées à chacune
des étapes qui ont été déposées, et, qui plus est, les juristes, l'association
des juristes, la semaine dernière, a déposé
une proposition de recul. Il faut bien voir les faits, et nous ne parlons pas
de perceptions, d'idées, de
principes, de couleurs, de teintures des émotions que les gens... on parle ici
de faits, de réalité concrète, substantielle, démontrée.
Donc, il est
très, très important pour l'ensemble de cette Assemblée de bien réaliser que le
débat que nous avons ce soir est le
résultat d'un déchirement entre deux entités, le bien commun et l'association
des juristes, qui s'est mise dans une
position qui actuellement nous force à agir pour éviter qu'il y ait des
problématiques de plus en plus sérieuses pour la population du Québec.
Donc, Mme la
Présidente, je crois que le dossier, il est au bon endroit. On s'assure qu'à
l'intérieur du projet de loi
n° 127 il y aura de la place pour discuter, pour négocier, pour amener ce
débat-là au bon endroit. Et je crois que c'est une très bonne façon
d'approcher la situation. Merci, Mme la Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de
Mégantic. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Vachon, et
vous disposez d'un temps de parole de 1 min 30 s.
Mme Martine Ouellet
Mme
Ouellet : Oui. Ce que
j'entends, ici, ce soir, de la part du gouvernement libéral, n'est pas très
honorable. J'ai entendu, ce soir,
deux ministres libéraux, pas les moindres, la ministre de la Justice et le président
du Conseil du trésor, avocats de formation en prime, deux ministres qui
ont tenté d'invoquer leur propre turpitude pour justifier la loi spéciale et le bâillon, deux ministres libéraux
qui ont laissé traîner les négociations, deux ministres libéraux qui ont laissé
traîner la grève, et ils se plaignent aujourd'hui des conséquences de la grève
pour justifier la loi spéciale et le bâillon. Franchement, Mme la Présidente,
je ne sais pas trop où est-ce qu'ils ont gagné leurs diplômes d'avocats.
J'ai aussi
entendu ce soir le président du Conseil du trésor, qui a eu le front, le culot
de dire ici qu'il respecte le droit de grève des...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée de Vachon, vous
disposez de 1 min 30 s, mais j'aimerais que vous puissiez intervenir en utilisant des
propos un peu plus respectueux de vos collègues ici, en cette Chambre. Veuillez
poursuivre.
• (22 h 10) •
Mme Ouellet : ...qui a dit ici, dans
cette Chambre, qu'il respectait le droit de grève des juristes, alors qu'il a lui-même déposé une loi spéciale qu'il veut faire
adopter sous bâillon pour forcer leur retour au travail. Il y a un mot pour qualifier ça, mais, ici, il
est interdit, ce mot-là...
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Je vous remercie, Mme la députée de Vachon. Maintenant, je vais passer à la
prochaine intervention et je cède la parole à...
Une voix : ...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Bien, le Parti québécois... Il reste 15 secondes à l'opposition officielle, alors, si vous voulez... Vous êtes déjà
intervenu, M. le leader parlementaire. Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut
intervenir? Ce serait normalement à un membre formant le...
Des voix : ...
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Un instant! Un instant! Habituellement, c'est...
Une voix : ...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, vous avez tout à fait raison, il
y a une alternance qui est souhaitée.
Y a-t-il un intervenant du côté du gouvernement? Il vous reste un temps de parole de 16 minutes et, pour terminer
le débat, il restera 15 secondes
à l'opposition officielle. Alors, je vous cède la parole, M. le leader adjoint du gouvernement. Merci.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay :
Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, point de vue alternance, tout à
l'heure, nous avons eu, pour le
bénéfice de mes collègues, une intervention du Parti québécois, de la CAQ et de
la députée indépendante de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Je comprends que là
ils sont très pris au dépourvu, Mme la Présidente : Que dire en 15 secondes sur un tel débat? On se regarde,
on se pointe : toi, pas moi, non, toi. Alors, 15 secondes, on pourra
le prendre, Mme la Présidente, le cas
échéant. Inquiétez-vous pas, on aura l'occasion de justifier ce qui nous réunit
ici ce soir, à savoir le projet de loi n° 127.
Et il est important, Mme la Présidente, d'en
lire et d'en comprendre l'impact de l'intitulé. Alors, le projet de loi
n° 127 s'intitule de la façon suivante : Loi assurant la continuité
de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le
renouvellement de la convention collective des salariés assurant la
prestation de ces services juridiques
Alors, Mme la
Présidente, important, et ça se dit en plus de 15 secondes, ça, Mme la
Présidente, important de voir, à sa face même, l'objectif du projet de
loi, d'une part, d'assurer la continuité de la prestation des services au sein
du gouvernement, des services juridiques,
et, d'autre part, de voir qu'il permettra la poursuite de la négociation. Et,
en ce sens-là, il est important, Mme
la Présidente, de mentionner évidemment le processus qui nous a amenés à ce
dépôt de projet de loi. Et le
ministre, le président du Conseil du trésor, a eu l'occasion de mentionner les
éléments qui font en sorte qu'après
deux ans de négociation, après une quarantaine de séances, et une séance, Mme
la Présidente, on n'est pas seuls dans
des séances... Alors, après une quarantaine de séances, deux ans de
négociations, 18 semaines de grève, grève générale illimitée qui a cours
depuis le 24 octobre 2016, soit depuis plus de 18 semaines...
Et, ce matin,
que disait le président de l'association en cause, le président de LANEQ? Pas
ce matin, cet après-midi, alors qu'il
était en compagnie du chef de la deuxième opposition, le président de LANEQ,
président qui représente un groupe de négociation qui, depuis deux ans,
a des négociations, qui, depuis plus de 18 semaines, 24 octobre 2016, est en grève générale illimitée, qui, après donc plus de
18 semaines de grève, le président, alors qu'il était en compagnie du
chef de la deuxième opposition, M. Denis a affirmé que les demandes de
LANEQ sont les mêmes depuis le début et qu'elles
n'ont pas changé, Mme la Présidente. Encore une fois, le président dit :
Les demandes sont les mêmes depuis le début et elles n'ont pas changé.
Il est important, Mme la Présidente, de parler
de chiffres. Et les gens qui nous écoutent à la maison, Mme la Présidente, on parle de salaires de plus de
100 000 $ par année. Les juristes de l'État font un travail
excessivement important, central, déterminant. Et j'aurai l'occasion, un
peu plus tard, de revenir sur les propos tenus par la collègue de Pointe-aux-Trembles
et tenus par le collègue de Borduas qui ont été mentionnés par le ministre, qui
semblent aujourd'hui nous dire :
Bien, écoutez, c'est trop tôt. On ne devrait pas se réunir ce soir, c'est
beaucoup trop tôt. On devrait poursuivre les négociations. Puis on nous accuse même, Mme la Présidente, du côté du
gouvernement, de ne pas avoir eu de négociation sérieuse, alors que j'aurai l'occasion un peu plus tard également de
faire état du dépôt de cinq offres qui ont été faites durant ce contexte et qui fait en sorte qu'aujourd'hui
nous nous retrouvons, Mme la Présidente, devant les juristes de l'État qui se
font offrir 116 997 $, 116 997 $, Mme la Présidente.
Puis on l'a
entendu un peu plus tôt par les collègues des oppositions, on a dit : Le
gouvernement n'a pas bougé du tout.
Et j'ai pris des notes. La collègue de Pointe-aux-Trembles, je pense que ses
paroles ont excédé sa pensée, et je la cite :
«Vous n'avez rien foutu pendant quatre mois.» Fin de la citation. Mais, quand
la collègue de Pointe-aux-Trembles dit
ça, bien, elle met sa crédibilité en jeu. Elle met, comme porte-parole de
l'opposition officielle, sa crédibilité en jeu quand elle accuse le gouvernement, puis c'est des accusations sérieuses,
importantes, majeures. Évidemment, on se base sur sa rigueur intellectuelle et sur son honnêteté. Quand elle
dit : «Vous n'avez rien foutu pendant quatre mois», fin de la citation,
bien, allons voir, Mme la Présidente, si ce que dit la porte-parole de
l'opposition officielle est véridique, si les faits collent à ce qu'elle
a dit, Mme la Présidente.
Rapportons-nous au 16 février 2015.
Qu'est-ce qui était offert, à ce moment-là, aux juristes de l'État? C'était
113 551 $. Février 2015, on offre 113 551 $. Quelle est la
demande de LANEQ? 119 838 $.
Huit mois
plus tard, 24 novembre 2015, ce n'est plus 113 500 $, c'est
114 392 $ qui est offert aux juristes de l'État. Quelle est la
position de LANEQ? 119 838 $. C'est le même montant il y a huit mois
plus tôt.
On poursuit.
30 novembre 2016, Mme la Présidente, qu'est-ce qui est demandé par LANEQ?
119 838 $. Qu'est-ce qui
est offert par le gouvernement? 115 525 $. Alors, de
113 000 $, à 114 000 $, à 115 000 $ sur une
période de temps qui va de février 2015 à novembre 2016. Et on voit que
la position de LANEQ demeure toujours la même.
24 janvier 2017, qu'offre le gouvernement?
Alors qu'il offrait 115 525 $ en novembre 2016, qu'offre-t-il en 24 février 2017? 116 677 $. Quelle
est la proposition, la demande de LANEQ? Toujours la même, 119 838 $,
la même qu'en février 2015, la même
qu'en novembre 2015, la même qu'au 30 novembre 2016, la même qu'au
24 janvier 2017.
Plus
récemment, 23 février 2017, le gouvernement fait encore un pas de plus
pour essayer de rejoindre LANEQ, le
gouvernement passe de 116 677 $ à 116 997 $ par année.
116 997 $, Mme la Présidente. Quelle est la proposition de
LANEQ? 119 838 $. Elle n'a pas bougé, LANEQ.
Alors, en ce
sens-là, Mme la Présidente, force nous est de constater que la position de
LANEQ n'a pas du tout bougé et force
nous est de constater qu'au premier titre le chef de la deuxième opposition,
cet après-midi même, lorsqu'il se le
faisait dire par M. Denis, devait se rendre compte qu'effectivement
M. Denis disait la vérité au niveau des chiffres, que les demandes de LANEQ
sont les mêmes depuis le début et qu'elles n'ont pas changé. Et ça, Mme la
Présidente, ce sont des chiffres qui sont extrêmement clairs.
Alors, la
position du gouvernement est passée, durant cette période, à une augmentation
de 113 551 $ à 116 997 $. Le gouvernement a bonifié son offre de 3 446 $ durant cette
période. Le gouvernement n'a cessé de monter, si bien qu'il a fait plus
que la moitié du chemin, Mme la Présidente, si bien qu'il a atteint le même
niveau salarial qui est offert aux procureurs. Et ça a toujours été un étalon
de mesure, ça, les procureurs, qui gagnent moins, qui gagneraient moins, à
116 642 $ versus 116 997 $.
Alors, lorsque l'on dit — et
j'entends les hauts cris de mes collègues des oppositions : Il aurait
fallu, pour le gouvernement, de négocier, il
aurait fallu... on a même dit, Mme la Présidente, qu'il aurait fallu être de
bonne foi. Bien, Mme la Présidente, lorsque l'on négocie avec une partie
qui est assise devant nous et lorsque l'on est prêt à faire la moitié du chemin, on s'attend à ce que la partie
en face de nous en fasse de même. Lorsque, mieux que ça, on fait plus que la
moitié du chemin et que la partie en face de nous ne fait aucun pas pour
essayer de rejoindre un côté commun, une
entente commune, en ce sens-là, Mme la Présidente, force est de constater que
les offres du gouvernement n'ont pas eu d'écho favorable du point de vue
de LANEQ.
• (22 h 20) •
Alors, Mme la Présidente, face à cela, et ce
sont des faits, nous avons les juristes de l'État, juristes de l'État pour
lesquels, évidemment, nous avons beaucoup d'estime; 116 997 $ pour
les juristes de l'État, c'est un bon salaire, Mme
la présidence. Ils font un travail essentiel, nous les estimons ici, les
125 élus à l'Assemblée nationale, bien évidemment.
Mais aussi il faut mettre le tout en
perspective. Lorsque l'on dit : Le gouvernement n'a pas su négocier de bonne foi, bien, je pense qu'on fait très peu de
cas du fait que ce gouvernement a eu l'occasion de conclure des ententes avec plus de 450 000 salariés de l'État
depuis avril 2014. Alors, en ce sens-là, la preuve est démontrée que nous avons
su trouver un terrain d'entente avec plus de 450 000 employés de l'État.
En ce sens-là, 116 997 $, Mme la
Présidente... est un travail, oui,
bien, bien payé pour un travail essentiel, et les personnes, les gens... parce qu'on a dit, un peu
plus tôt... la collègue de Pointe-aux-Trembles a dit : Coudon, est-ce qu'ils se le sont
fait dire, dans leurs bureaux de comté, les députés du gouvernement? Oui, on se le fait dire, Mme
la Présidente, on se fait dire :
Oui, bien, on les a rencontrés, les juristes de l'État, ils sont venus nous
rencontrer, ils nous ont fait part de leurs revendications.
Et c'est important,
comme gouvernement responsable, d'être capable de faire la part des
choses, d'être capable de faire les
arbitrages qui s'imposent. En ce
sens-là, d'autre part, la capacité de
payer des Québécoises et des Québécois, Mme la
Présidente, la capacité de payer...
et celles et ceux qui nous écoutent, à la maison, combien d'entre vous gagnent
116 997 $? Mme la Présidente, la question est lancée.
Lorsque nous
administrons les fonds publics, nous devons nous baser sur des faits. C'est un
salaire, donc, pour les employés de
l'État, pour que les personnes à la maison, là, puissent bien comprendre, un
salaire moyen supérieur à la moyenne, qui est au-delà de
100 000 $ pour 35 heures semaine. Du temps supplémentaire payé, un régime
de retraite financé en partie par le
gouvernement, des avantages sociaux et une sécurité d'emploi. Oui, les juristes
de l'État ont un travail essentiel,
oui, ils ont toute notre estime, et, oui, nous avons hâte qu'ils retournent au
travail, offrir à l'État québécois des services inestimables, des
services qui sont nécessaires au bon fonctionnement. Et je reviendrai aux
citations des collègues de
Pointe-aux-Trembles. Mais, lorsque le gouvernement a la responsabilité... un
gouvernement responsable, de gérer
efficacement les fonds publics, qui viennent des taxes des femmes et des hommes
qui, au Québec, évidemment, travaillent fort, bien, il est important de
faire la part des choses et de faire un nécessaire arbitrage.
En ce
sens-là, Mme la Présidente, lorsque l'on regarde... depuis deux ans,
négociations, depuis 18 semaines, grève générale illimitée, le président de
LANEQ qui dit : Écoutez, nous, on n'a pas bougé, et qu'il l'affirme
après-midi même, et qu'on voie le gouvernement... j'ai pris le temps d'y
aller... des chiffres, Mme la Présidente, on voit les chiffres de 113 000 $ à 116 000 $, à trois
dollars de 117 000 $, qui montent de 3 400 $ et plus du
gouvernement, et qu'on voit qu'au niveau
de LANEQ la position n'a pas du tout modifié... Face à cela, face à des offres
qui sont soutenues, qui sont répétées... On ne peut pas négocier tout
seuls, Mme la Présidente.
Face à cela,
j'entendais le collègue de Borduas — puis je vais reprendre sa citation du 7
février 2017 — je le
cite, collègue de la CAQ, de Borduas,
je le cite : «Des projets de loi et des règlements sont en attente[...].
Il y a des annulations de commissions
parlementaires, [...]il y a des remises massives dans les différents dossiers à
la cour.» «Cette grève-là a des
conséquences directes pour des milliers de Québécois qui ont un dossier en
attente devant un tribunal administratif, [comme] les victimes d'actes criminels, les accidentés de la route, les
travailleurs blessés, les travailleurs lésés sont en attente
d'indemnisation ou de révision de leur situation.» Fin de la situation. C'est
le collègue de Borduas.
Alors, pour
bien comprendre puis pour que les gens à la maison comprennent bien ce qui nous
unit ici ce soir : d'un côté, un gouvernement qui doit gérer de
façon rigoureuse les finances publiques, qui a réussi à s'entendre avec 450 000 fonctionnaires de l'État, qui
aujourd'hui arrive avec une offre bonifiée de plus de 3 400 $ dans
les derniers mois, Mme la Présidente,
alors qu'une position n'a jamais changé par la partie qui est face, qui est
LANEQ, aujourd'hui, une offre de
116 997 $, d'une part, et, d'autre part, comme nous, service qui est
estimé, service dont les impacts sur le terrain se font sentir, collègue de Borduas qui dit : Écoutez, il y a un
impact négatif, il faut que ça cesse. En ce sens-là, il s'agit, pour un
gouvernement responsable, de soupeser le pour et le contre, et c'est ce qui
nous amène, le contre, c'est ce qui nous
amène aujourd'hui à avoir ce débat sur un projet de loi qui, d'une part, assure
la continuité de la prestation des services et, d'autre part, permet la
poursuite des négociations. C'est dans le libellé même du projet de loi.
Mme la
Présidente, on a entendu un peu plus tôt le collègue de Borduas, on a également
entendu la collègue de Pointe-aux-Trembles.
Que disait la collègue de Pointe-aux-Trembles? Parce que force est de constater
les chiffres qui ont été présentés devant vous. La collègue de
Pointe-aux-Trembles, le 9 décembre 2016, disait, à l'Assemblée nationale, alors qu'elle interpellait, dans ce dossier, le
gouvernement, elle disait, et je la cite : «...M. le Président. La grève
des juristes de l'État a eu des impacts
immenses sur l'État : le blocage de 20 projets de loi, 300 règlements,
paralysie dans plusieurs services gouvernementaux,
211 millions de contrats octroyés sans avis juridique adéquat, 3 500
causes retardées, dont 1 500
causes pénales de l'UPAC de fraude et de contrebande de tabac sont désormais,
maintenant, hors délai. Ce sont des millions en jeu.
«C'est de
votre responsabilité de régler ce conflit maintenant. Allez-vous agir
maintenant?» Fin de la citation de la collègue de Pointe-aux-Trembles,
qui interpellait le gouvernement. Elle demandait au gouvernement d'agir, parce qu'il y avait des impacts tangibles, à ce qu'elle
disait. Et là je l'ai citée dans les statistiques qu'elle avait elle-même
colligées. Et elle disait, elle
concluait : «C'est [...] votre responsabilité de régler ce conflit
maintenant. Allez-vous agir maintenant?» En vue de régler ce conflit-là, Mme la Présidente, de façon raisonnable,
raisonnée et responsable, le gouvernement a bonifié de plus de 3 400 $ les conditions
salariales, a réussi à avancer, à faire plus de la moitié du chemin qui les
séparait. Mais force est de constater, encore une fois confirmé cet
après-midi par le président de l'ANEQ, que nous étions les seuls à vouloir
réellement négocier et conclure une entente.
Elle
récidivait, la collègue de Pointe-aux-Trembles, le 22 février dernier. Et je la
cite : «Le gouvernement a choisi de
prendre le risque de faire perdurer une crise paralysante pour tout l'État
québécois, de prendre en otages les citoyens, causant des impacts
négatifs concrets et graves.» Et là elle y allait d'abondant avec 6 000
causes reportées devant les tribunaux, et ainsi de suite. Alors, Mme la
Présidente, il est important, important de souligner que c'est ce que fait le gouvernement aujourd'hui, de prendre ses
responsabilités dans un contexte, et vous l'avez bien noté, il n'a pas été
contesté. La procédure empruntée ce
soir en vertu de notre règlement de l'Assemblée nationale n'a pas du tout, du
tout, été contestée au point de vue
de sa recevabilité. Le gouvernement aujourd'hui initie un débat parlementaire.
Plus de 4,3 millions de Québécoises
et Québécois ont élu ce gouvernement-là en avril 2014 dernier. Et aujourd'hui
les parlementaires représentant les
125 circonscriptions auront l'occasion de statuer pour faire retourner
évidemment les juristes au travail et faire en sorte qu'il puisse y
avoir des lendemains qui seront bénéfiques pour le Québec. Merci, Mme la
Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le leader
adjoint du gouvernement. Et, pour
les dernières 15 secondes, je vais céder la parole à M. le député de Richelieu.
M. Sylvain Rochon
M.
Rochon : Vous savez quoi, Mme la Présidente? Le ministre peut faire arrêter la grève avec sa loi, mais on
ne construit pas l'avenir comme il
s'y prend. On le compromet. Et de
plus en plus de Québécois
réalisent que le gouvernement
compromet leur avenir.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, M. le député de Richelieu. Alors, cela met fin au débat restreint.
Et je mets donc aux voix la motion de Mme la leader adjointe du gouvernement
fixant le cadre temporel de la séance extraordinaire conformément aux dispositions
de l'article 26.1 du règlement de l'Assemblée nationale et qui se lit
comme suit :
«Qu'en vue de
procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet
de loi n° 127, Loi assurant la
continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et
permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de
la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services
juridiques, l'Assemblée se donne le cadre temporel suivant :
«Que
l'Assemblée puisse siéger tous les jours à compter de 17 heures jusqu'à ce
qu'elle ait terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été
convoquée ou qu'elle décide d'ajourner ses travaux.»
Est-ce que cette motion est adoptée?
Une voix : ...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, c'est très bien. Alors,
qu'on appelle les députés pour un vote par appel nominal. Et je suspends
les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 22 h 29)
(Reprise à 22 h 36)
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
...lecture de la motion fixant le cadre temporel, conformément aux dispositions
de l'article 26.1 du règlement de l'Assemblée nationale :
«Qu'en vue de procéder à la présentation et à
toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des
services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de
la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des
salariés assurant la prestation de ces services juridiques, l'Assemblée se
donne le cadre temporel suivant :
«Que
l'Assemblée puisse siéger tous les jours à compter de 17 heures jusqu'à ce
qu'elle ait terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été
convoquée ou qu'elle décide d'ajourner ses travaux.»
Et que les députés en faveur de cette motion
veuillent bien se lever.
Mise
aux voix de la motion proposant de déterminer le
cadre temporel des séances extraordinaires
Le Secrétaire adjoint : M. Couillard
(Roberval), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Blais (Charlesbourg), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Leitão
(Robert-Baldwin), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Coiteux (Nelligan), Mme David (Outremont),
M. Proulx (Jean-Talon), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot (Vanier-Les Rivières), Mme Vallée
(Gatineau), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), M. Barrette
(La Pinière), M. Drolet (Jean-Lesage),
M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Charlebois (Soulanges),
M. Moreau (Châteauguay), M. Heurtel (Viau), M. Arcand
(Mont-Royal), M. Billette (Huntingdon), M. Morin (Côte-du-Sud),
Mme Nichols (Vaudreuil), M. Ouellette (Chomedey),
Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Ménard (Laporte), M. Tanguay
(LaFontaine), Mme Boulet (Laviolette), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau),
M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), M. Girard (Trois-Rivières),
M. Auger (Champlain), Mme Vallières (Richmond), M. Bolduc
(Mégantic), M. Simard (Dubuc), M. Matte (Portneuf), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Boucher (Ungava),
M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Fortin (Pontiac), M. Giguère
(Saint-Maurice), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy
(Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie),
M. Plante (Maskinongé), M. Polo
(Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), Mme Tremblay (Chauveau),
M. Busque (Beauce-Sud), Mme Sauvé (Fabre), Mme Melançon (Verdun).
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Maintenant, que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire
adjoint : M. Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Léger
(Pointe-aux-Trembles), Mme Maltais (Taschereau),
Mme Lamarre (Taillon), M. LeBel (Rimouski), M. Bergeron
(Verchères), M. Rochon (Richelieu), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Cloutier
(Lac-Saint-Jean), M. Therrien (Sanguinet), M. Gaudreault (Jonquière),
M. Pagé (Labelle), M. Cousineau
(Bertrand), M. Bourcier (Saint-Jérôme), Mme Jean (Chicoutimi),
M. Ouellet (René-Lévesque), M. Kotto (Bourget), M. Turcotte
(Saint-Jean), M. Roy (Bonaventure).
M. Bonnardel
(Granby), M. Caire (La Peltrie), M. Martel (Nicolet-Bécancour),
Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Laframboise
(Blainville), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Lemay (Masson),
Mme Lavallée (Repentigny), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord),
M. Paradis (Lévis), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière),
M. Jolin-Barrette (Borduas).
Mme Massé
(Sainte-Marie—Saint-Jacques),
Mme Ouellet (Vachon), M. Surprenant (Groulx).
• (22 h 40) •
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Y a-t-il
des abstentions? Alors, Mme la secrétaire générale, pour le résultat du
vote.
La
Secrétaire : Pour : 54
Contre : 38
Abstentions :
0
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Alors, la motion est adoptée.
Mise aux voix de la
motion proposant d'établir la procédure législative
d'exception en vue de procéder à la présentation et aux
autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127
Je mets maintenant aux voix la motion de
procédure d'exception présentée par Mme la leader adjointe du gouvernement, qui
se lit comme suit :
«Qu'en vue de
procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant
la prestation de ces services juridiques, l'Assemblée établisse la
procédure législative d'exception telle que prévue aux articles
182 à 184.2 et 257.1 à 257.10 du règlement;
«Qu'à tout
moment de la séance, le président puisse suspendre les travaux à la demande
d'un ministre ou d'un leader adjoint du gouvernement.»
Est-ce que cette motion est adoptée? M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Tanguay : ...Mme
la Présidente, de consentement, nous vous demanderions de vouloir bien enregistrer le même vote que le précédent.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, il y a consentement? Alors, Mme la secrétaire générale, pour le
résultat du vote.
La Secrétaire : Pour : 54
Contre : 38
Abstentions :
0
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, cette motion est adoptée.
Et, conformément au deuxième alinéa de l'article 27 du règlement, cela
met fin à la période des affaires courantes.
Affaires du jour
Projet de loi
n° 127
Présentation
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, après les affaires courantes,
nous allons aux affaires du jour. Alors, nous en sommes maintenant aux
affaires du jour, et, conformément à la motion...
Des voix : ...
Le
Vice-Président (M. Gendron) : ... — s'il vous plaît — que nous venons d'adopter, je cède la parole
maintenant à M. le ministre responsable de l'Administration
gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du
Conseil du trésor pour la présentation de son projet de loi. M. le ministre, à
vous la parole.
M. Pierre Moreau
M. Moreau : Merci, M. le
Président. Alors, je dépose le projet de loi n° 127, Loi assurant la
continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et
permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la
convention collective des salariés assurant la prestation de ces services
juridiques.
Ce projet de
loi a pour objet d'assurer la continuité de la prestation des services
juridiques au sein du gouvernement. Il
prévoit également la poursuite de la négociation de la convention collective
des salariés ayant pour fonction de fournir cette prestation de
services. À défaut d'entente, il pourvoit au contenu de la convention
collective.
À cette fin,
le projet de loi prévoit notamment que les avocats et notaires nommés suivant
la Loi sur la fonction publique et
représentés par les avocats et notaires de l'État québécois doivent cesser de
participer à la grève en cours et doivent
reprendre le travail conformément à leur horaire habituel et aux autres
conditions de travail qui leur sont applicables.
Le projet de
loi prévoit également un mécanisme de négociation permettant dans un premier
temps la poursuite de la négociation
avec la possibilité de nommer un conciliateur et dans un second temps, si cela
s'avère nécessaire, un processus de médiation.
Le projet de
loi procède au renouvellement de la convention collective liant ces avocats et
notaires et qui a expiré le 31 mars
2015, selon l'entente à laquelle les parties seront parvenues dans le cadre de
la poursuite de la négociation ou, à défaut d'entente, en y apportant
certaines modifications afin notamment de majorer l'échelle de traitement.
Le projet de loi contient enfin des dispositions
relatives à la continuité des services juridiques qu'il vise, notamment de
nature administrative, civile et pénale.
Le Vice-Président (M. Gendron) : La
table!
(Consultation)
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi là?
Des voix : ...
Adoption du principe
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Adopté sur division. Alors, on va
maintenant procéder au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de
la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et
permettant la poursuite de négociation ainsi que le renouvellement de la
convention collective des salariés assurant la prestation de ces services
juridiques.
Je vous rappelle que, conformément au premier
paragraphe de l'article 257.1, la durée de ce débat est limitée à cinq heures.
Pas obligés de le prendre, mais c'est cinq heures.
La
répartition du temps de parole se fera comme suit :
2 h 21 min sont allouées au groupe parlementaire formant
le gouvernement, 1 h 23 min 30 s
est allouée au groupe parlementaire formant l'opposition officielle,
57 min 40 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 17 min 30 s sont
réservées aux députés indépendants. Et la présidence répartira cette
enveloppe de temps parmi ceux qui auront signifié vouloir participer au débat,
sous réserve d'un maximum, selon le nombre
de députés qui s'inscriront, de cinq minutes chacun pour les députés de
Groulx et de Vachon et de 10 minutes pour les deux députés de Québec solidaire. Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés
indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué
entre les groupes parlementaires selon les formations établies. Mis à part ces
consignes, les intervenants ne sont soumis à aucune limite de temps. Enfin, je
rappelle aux députés indépendants
qui souhaitent intervenir au cours du débat qu'ils ont 10 minutes à partir
de maintenant pour en aviser la présidence.
M. le ministre responsable de l'Administration
gouvernementale et de la Révision permanente
des programmes et président du Conseil du trésor, je vous laisse à nouveau la parole pour votre
intervention. M. le ministre, à vous la parole.
M. Pierre Moreau
M. Moreau : Merci,
M. le Président. Je dois préciser,
avant de commencer cette intervention, que l'honorable lieutenant-gouverneur
a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'étude à l'Assemblée.
M. le
Président, plus tôt aujourd'hui, j'ai déposé un projet de loi devant cette
Assemblée, un projet de loi qui vise à
mettre fin au conflit de travail qui oppose le gouvernement à ses employés
avocats et notaires. Le projet de loi n° 127 est intitulé Loi assurant la continuité de la
prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la
poursuite de la négociation ainsi que le
renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation
de ces services juridiques. Vous aurez remarqué que l'intitulé comporte
deux volets, l'un qui vise à assurer la prestation des services juridiques au gouvernement et l'autre à la poursuite des négociations. Je reviendrai sur chacun de ces volets. Au moment du dépôt,
j'ai bien expliqué les motifs et les raisons impérieuses qui ont amené le gouvernement
à poser à contrecoeur ce geste d'exception.
Ma collègue la ministre de la Justice
et Procureur général a également indiqué quels sont les effets de cette
grève qui perdure sur la capacité du gouvernement à fournir ses services aux
citoyens. Je crois avoir bien indiqué
également qu'à tous les paliers du fonctionnement de notre État de droit les
avocats et notaires jouent un rôle central, en particulier dans les
fonctions législatives et exécutives de l'État. Leur travail est essentiel pour
que l'État puisse fournir les services à la
population et assurer la marche normale des tribunaux et des autres
institutions de l'État.
• (22 h 50) •
Tout cela est convenu d'abord par la
rémunération qu'ils reçoivent déjà, rémunération qui est à la hauteur de l'importance des fonctions qu'ils occupent :
en moyenne plus de 100 000 $ annuellement pour 35 heures de travail,
avec possibilité de faire du temps
supplémentaire au-delà de ces 35 heures; puis par le fait qu'ils
bénéficient d'un fonds de pension assumé
en partie par le gouvernement et de la sécurité d'emploi. M. le Président, je
ne peux m'empêcher de constater que ces conditions n'ont pas
d'équivalent dans aucun autre domaine où des avocats et des notaires
pratiquent, et en particulier dans le secteur privé.
Récemment, M.
le Président, le gouvernement a lancé un appel de candidatures pour un poste de
juriste de l'État. Cet appel de
candidatures a été lancé en janvier, en pleine période de conflit de travail
entre le gouvernement et les juristes. Cet
appel de candidatures a été en vigueur pendant 40 jours. Dans ce délai de
40 jours, nous avons reçu plus de 1 900 dossiers
de candidature. Aucun cabinet privé, M. le Président, ne pourrait recevoir dans
un temps comparable un aussi grand nombre de candidatures. Pourquoi?
Parce que jamais les conditions de travail au privé ne pourront être
comparables à celles des juristes de l'État, et ces conditions, je le répète,
sont à la hauteur de l'importance que l'on accorde à leur travail.
Nous
convenons qu'ils puissent vouloir les améliorer, soit, nous sommes disposés à
le négocier, et c'est pourquoi nous
avons proposé de nombreuses avenues pour en arriver à une entente négociée. Le
leader adjoint du gouvernement a largement exposé les différentes
propositions qui ont été faites par le gouvernement et qui toutes, les unes
après les autres, ont convenu de conditions
de rémunération globales plus généreuses à chaque fois. Nous avons fait des
offres qui cadraient avec les paramètres financiers du gouvernement. Ces
offres étaient honnêtes et respectaient la capacité de payer des Québécois puisque les sommes offertes aux juristes de l'État, comme
c'est le cas pour tous les autres employés de la fonction publique, sont
d'abord et avant tout le résultat des taxes et des impôts des contribuables,
qui nous les confient en fiducie. Ces offres
étaient aussi équitables pour les 450 000 autres employés de l'État,
avec lesquels nous nous sommes entendus. Elles l'étaient aussi pour ceux
avec lesquels nous avons convenu, au cours de la nuit dernière, une entente de
principe.
Mais, M. le Président, il reste qu'un
gouvernement responsable doit prendre les mesures qui s'imposent pour fournir aux citoyens les services auxquels ils ont
droit. Les avocats et notaires de l'État sont en grève générale illimitée
depuis le 24 octobre 2016, soit depuis
plus de quatre mois. La grève, répétons-le, a des incidences sérieuses sur les
activités quotidiennes de l'État et
entrave la poursuite de ses objectifs. Elle touche directement les citoyens qui
ne reçoivent pas les services que les ministères, organismes gouvernementaux
et tribunaux administratifs doivent leur donner, d'où la décision du
gouvernement d'agir.
M. le
Président, le gouvernement est en discussion avec LANEQ depuis près de deux ans;
plus de 40 rencontres ont eu
lieu. La députée de Pointe-aux-Trembles nous demandait si nous avions discuté
avec les juristes de l'État : nous l'avons fait à 40 reprises
par le biais des négociateurs du gouvernement. Je l'ai fait, personnellement, à
trois reprises, depuis le 16 janvier
dernier, et à chaque fois, M. le Président, et je l'indique pour la députée de
Pointe-aux-Trembles, nous avons discuté et de rémunération et du statut
des juristes, à chaque fois.
Depuis janvier 2015, LANEQ revendique la réforme
du régime de négociation qui leur est applicable. Leur proposition, au début,
équivalait à demander un statut équivalent à celui des juges, allant au-delà
même du statut des procureurs de la couronne, puis on est passé à un arbitrage
liant deux positions qui étaient totalement, totalement indéfendables.
D'ailleurs, ils les ont abandonnées. Nous avons eu six séances de médiation et,
aujourd'hui, ce que les juristes nous
demandent, c'est de s'en remettre à un tiers, l'Institut de la statistique du
Québec, pour déterminer les conditions relatives à la rémunération.
M. le Président,
c'est important pour les gens qui nous écoutent de savoir que les dépenses de
rémunération, les dépenses de rémunération représentent 60 % des
dépenses de l'État. Peut-on penser qu'un gouvernement responsable et imputable devant la
population puisse céder à un tiers non imputable 60 % des dépenses de son
budget? M. le Président, cette proposition est impensable. Un
gouvernement responsable ne peut se permettre qu'un tiers non élu et donc non imputable envers les citoyens du Québec décide ce
qui adviendra des taxes et des impôts que les Québécois paient à l'État.
D'ailleurs, j'ai posé la question à la députée de Pointe-aux-Trembles, qui n'y
a toujours pas répondu. Si elle était au gouvernement, est-ce qu'elle céderait
60 % des dépenses du gouvernement à un tiers non imputable? Est-ce qu'elle
reconnaîtrait le statut aux juristes de
l'État qui soit comparable à celui des procureurs de la couronne? Jamais son
gouvernement ne s'est engagé à cela et jamais aujourd'hui elle n'a
répondu à cette question de façon affirmative.
M. le
Président, nous représentons un gouvernement responsable et ce gouvernement
responsable n'abdiquera pas son droit
de gérance à l'égard des employés, quelle que soit l'importance du travail
qu'ils font, importance que nous reconnaissons d'emblée.
M. le
Président, le projet de loi n° 127 prévoit d'abord, à la première section,
son champ d'application, il vise à assurer
la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement
et la poursuite de la négociation de la convention collective des
salariés. À défaut d'entente, évidemment, la loi pourvoit au contenu de la
convention collective. Mais, si l'on regarde
la procédure qui est suivie, outre la continuité des services qui est assurée,
le projet de loi met en place un espace de négociation. Cet espace de
négociation, M. le Président, il est prévu aux dispositions des articles 20 et suivants de la loi, que nous aurons
l'occasion d'étudier plus tard au cours de nos travaux. Il prévoit notamment
que l'association ainsi que l'employeur
doivent, dès la date de l'entrée en vigueur de la loi, poursuivre avec
diligence et bonne foi, pendant une
période maximale de 45 jours, la négociation en vue de convenir d'une entente.
Ce délai de 45 jours peut être
prolongé une fois d'une période additionnelle de 15 jours. Puis, en cours de
négociation, en tout temps au cours de
la période de 45 jours ou encore de la période de prolongation, l'association
ou l'employeur peut demander la nomination d'un conciliateur au ministre du Travail. Au terme de cette période,
ouverture d'un processus de médiation, et le processus de médiation peut être prolongé. Il est d'abord de
30 jours, il peut être prolongé une seule fois d'une période de 15 jours
additionnels, non pas à la demande des parties, mais à la demande du médiateur.
La députée de
Pointe-aux-Trembles faisait état de l'article 28 de la loi en disant :
Oui, mais, vous savez, dans la médiation,
on ne pourra pas toucher directement ou indirectement le régime de négociation
applicable aux salariés, puisque ça
ne constitue pas une condition de travail, et pour cause, ça n'appartient pas
au médiateur de le décider. Et, dans la période de négociation, M. le Président, il y a sur la table présentement non
seulement l'aspect de rémunération globale, mais aussi toute la question
du statut des juristes de l'État, qui, selon la dernière offre du gouvernement,
peut être soumise à un comité d'arbitrage
impartial, dont la composition a fait l'objet d'une discussion directe entre Me
Denis et moi-même. Cette proposition
reste sur la table. Cette proposition est là, peut faire l'objet d'une
négociation maintenant, comme elle pourra faire l'objet de la négociation
lorsque le projet de loi aura été adopté, dans cette période de 45 jours. Mais
non, elle ne sera pas prévue dans le
cas de la médiation, parce qu'encore une fois ce n'est pas un tiers non
imputable à qui le gouvernement remettra l'élaboration d'un régime de
négociation distinct.
M. le
Président, le projet de loi en question établit clairement l'intention du
gouvernement d'obtenir ultimement une
entente négociée avec les juristes de l'État. Si la loi s'applique en imposant
des conditions, elle ne s'appliquera qu'à l'expiration de tous ces délais, qui représentent au-delà de 100
quelques jours où encore les parties peuvent convenir d'une entente.
• (23 heures) •
Finalement,
dans le cadre du projet de loi, l'annexe prévoit quelles sont les modifications
qui seraient imposées à la convention
collective. Dans les faits, s'il n'y a pas d'entente à l'expiration de tous ces
efforts, la convention collective qui
a expiré le 31 mars 2015 serait reconduite jusqu'en 2020, mais l'échelle de
traitement serait néanmoins rehaussée. Pour quelle raison est-ce que les
éléments qui sont contenus dans l'annexe ne reproduisent pas la dernière
entente du gouvernement? Parce que, M. le
Président, nous savons, et les juristes le savent, que le gouvernement, dans
l'imposition d'une loi, doit se
conformer à une atteinte minimale au droit d'association et aux droits qui sont
contenus dans les conditions de travail prévues à la convention
collective qui a expiré. Et, pour cette raison, les conditions qui s'y
retrouvent et les modifications ou les
bonifications qui s'y retrouvent le sont dans le cadre de l'architecture de la
convention collective qui expire le
31 mars 2015. Mais je réitère, M. le Président, que, dans le cadre des
négociations, le gouvernement pourra
rétablir les propositions, notamment les
propositions de rémunération globale qui sont contenues aux offres qui ont été
déposées, mais il ne peut le faire dans le
contexte précis, selon l'application du droit, de la loi imposant le retour au
travail.
Dans ce
contexte, M. le Président, le principe du projet de loi reflète
directement l'intention du gouvernement,
qui est la même depuis le début de ce
conflit, c'est-à-dire d'en arriver à une entente négociée avec les
avocats et notaires du gouvernement, de l'État, des gens qui, je le
répète, ont une fonction importante, des gens qui, je le répète, nous le souhaitons, puissent conclure avec le gouvernement une entente négociée. Mais une entente négociée, je le répète encore
une fois, nécessite des concessions de part et d'autre. Je ne veux pas par mes
propos envenimer la situation. Je veux garder
cet espace de négociation, M. le
Président, et dire essentiellement
qu'on a senti dans les derniers jours un mouvement. Je souhaite que ce mouvement se continue. Très
sincèrement, sur la rémunération globale, le gouvernement estime avoir
fait la démonstration de la parité que LANEQ
réclamait avec les procureurs au DPCP. Et, sur la question de leur statut,
bien que je le dise avec beaucoup
d'égards, je ne partage pas leur opinion sur le caractère de l'indépendance
qu'ils réclament, mais, comme membre
du gouvernement et au nom du gouvernement, je réitère notre volonté d'en débattre devant une instance qui soit impartiale, et qui a été
proposée selon un vocabulaire très similaire à celui utilisé par les
représentants des juristes de l'État, et qui pourrait disposer de cette
question.
Alors, M. le
Président, je pense que cela fait le tour de la question, quant au principe,
pour celui qui est porteur du projet
de loi. Et je réitère que le premier choix du gouvernement est toujours d'en
arriver à une entente négociée et non pas
à des conditions de travail qui seraient imposées par la loi, et c'est la
raison pour laquelle nous présentons un projet de
loi qui, au-delà du simple retour au travail et bien au-delà de dicter des
conditions d'emploi, donne encore pleine ouverture à une négociation, à une
conciliation et à une médiation.
M. le
Président, je demande donc que le principe du projet de loi soit adopté par
cette Assemblée dans le cadre des procédures auxquelles nous sommes
engagés depuis le début du débat. Merci.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, M. le président
du Conseil du trésor. Est-ce que le principe de ce projet de loi est
adopté?
Des voix : ...
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Non, je le sais. Le prochain
intervenant... C'est parce que personne ne se lève. Je veux dire...
Alors, M. le député du Lac-Saint-Jean, pour votre intervention. Allez.
M. Alexandre Cloutier
M.
Cloutier : Bien, je vous
remercie, M. le Président. Alors, je vais essayer de reprendre un peu les
arguments du côté gouvernemental, parce que, de toute évidence, le président du Conseil du trésor, M. le Président, semble avoir oublié ces bonnes années où lui-même exerçait le métier d'avocat, M. le Président. Lui-même, sans doute, a eu à travailler avec des instances arbitrales où il y a des procédures
particulières pour les policiers. Il
y a d'autres procédures particulières,
M. le Président, pour les pompiers. Pourquoi, M. le Président, on crée des régimes particuliers? Parce que, dans certains
scénarios, M. le Président, le droit de
grève ne peut simplement pas être exercé de son plein droit, pleinement. Et on
se rappellera que, dans le contexte actuel, il s'agit d'une situation
où, pour la troisième reprise, M. le Président, depuis le début des années 2000, le gouvernement procède par une
loi spéciale. Alors, tout à l'heure, j'entendais la ministre de la Justice dire : Mais il faut respecter le droit de
grève! Mais encore faut-il qu'il existe, ce droit de grève. Assez incroyable
que le gouvernement ait procédé de façon précipitée, encore une fois, avec une
loi spéciale.
Alors, le
ministre nous dit : Oui, mais vous savez, 60 % de la rémunération... 60 % du budget de l'État va à la
rémunération. Ah bon! Comme si c'était différent, M. le Président, pour le ministère de la Justice. Comme si ce n'était pas le cas pour l'Éducation. Comme si ce n'était pas
le cas pour l'ensemble des ministères. Bon, c'est vrai qu'il y a peut-être une exception pour les médecins, M.
le Président, mais ça, je vais laisser ce volet-là, aujourd'hui, de côté.
Ce que
j'essaie de vous dire, M. le
Président, c'est que des régimes
d'exception, ça fait partie de l'organisation de l'État. C'est ce qui est déjà prévu par la loi. Les juges, par exemple, M. le Président, comme vous le savez, c'est donné à un comité indépendant, recommandations qui nous
sont déposées ici, à l'Assemblée
nationale, et qui ensuite sont
débattues et discutées entre nous,
entre les membres, pour être adoptées ou rejetées en fonction des
recommandations qui nous sont présentées.
Alors, M. le Président, ce que le président du
Conseil du trésor a oublié de dire
aux membres de l'Assemblée, c'est que
la seule place où on crée une exception pour les procureurs civilistes, les
procureurs en droit administratif, en droit constitutionnel, bien, c'est
ici, au Québec. Parce que ce que le président du Conseil du trésor n'a pas dit,
c'est qu'ailleurs, en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Nouvelle-Écosse, en Ontario, bien, c'est fixé par un comité indépendant. Puis là, évidemment, il y a
des variantes, ça peut être par une procédure arbitrale qui est liante ou non,
etc., mais ce qui est certain, M. le Président, c'est qu'on ne crée pas de distinction entre un poursuivant en matière
criminelle ou un poursuivant en matière civile.
Bien, il me semble qu'il devrait y avoir une
cloche qui aurait dû sonner du côté gouvernemental. Il aurait dû y avoir quelqu'un qui se questionne à savoir : Ah! Pourquoi
ailleurs on n'a pas cru bon de créer une division entre les poursuivants
en matière civile, administrative, versus le criminel? Bien, savez-vous
pourquoi, M. le Président? Parce qu'il y a aussi des instructions qui sont données par
la Cour suprême, et, parmi ces instructions-là, on retrouve, entre autres, l'indépendance du procureur.
L'indépendance du procureur, M. le Président, c'est une extension, dans le
fond, de la séparation entre l'exécutif, le
judiciaire, le législatif, et on considère que, dans l'exercice discrétionnaire
d'aller de l'avant avec toute forme
de poursuite, bien, il doit exister cette espèce de zone tampon, cette
indépendance qui permet justement aux procureurs, à ceux et celles qui
représentent l'administration judiciaire de pouvoir exercer pleinement leur
droit en toute liberté, M. le Président, sans interférence. Et c'est pour ça
que, dans la définition qu'on a donnée à l'expression «procureur», on ne retrouve pas cette distinction que tente de faire le
gouvernement entre le criminel, le civil ou l'administratif.
M. le
Président, il est reconnu que les procureurs sont des conseillers juridiques,
des conseillers de l'État, des gens qui
accompagnent pour la saine administration de la justice, et la distinction que
souhaite faire le gouvernement en matière juridique, entre le criminel et le droit civil, essentiellement, ça
n'existe tout simplement pas, M. le Président, ou du moins ça n'a pas
été retenu par la Cour suprême.
Maintenant,
pourquoi, M. le Président, on en arrive à une situation où, justement, ces
comités indépendants sont nécessaires?
Bien, c'est, justement, non seulement pour assurer l'indépendance, mais aussi
de ne pas créer une espèce de
division inexplicable entre les procureurs. Pourquoi, dans notre société, on
voudrait payer davantage ou on créerait des disparités entre le milieu
criminel et les autres types de droit dans la fonction publique québécoise?
Comment expliquez-vous cette espèce de
double standard, M. le Président, sans créer, évidemment, toute forme de
tension, sans créer des scénarios qui sont carrément injustifiables?
• (23 h 10) •
Lorsqu'on a à
mettre en oeuvre la Loi sur la protection du consommateur, la Régie du
bâtiment, il y a des procureurs qui
représentent l'État québécois, qui prennent les décisions d'aller de l'avant ou
non. Ces procureurs sont accompagnés de l'appareil judiciaire, de l'appareil
administratif pour prendre les décisions. Et c'est essentiel pour eux, M. le
Président, aussi d'avoir accès à toute forme d'indépendance. Le
président du Conseil du trésor semblait nous dire tout à l'heure, M. le Président, qu'il n'y avait pas de
distinction à faire... Il fallait faire les distinctions mais entre le privé
puis le public, hein?
Essentiellement, ce qu'il nous disait, c'est que, dans le domaine privé, tout le
monde rêve de venir ici comme avocat dans
le secteur civil. C'est la preuve que les conditions de travail sont bonnes. Ce
qui est remis en cause, M. le Président, ici, ce ne sont pas les conditions salariales elles-mêmes. Ce n'est pas
le signe de piastre qui va être donné en fonction des heures
travaillées, mais c'est le principe lui-même, qui est celui d'être reconnu
pleinement comme étant un procureur indépendant.
M. le
Président, lorsqu'on décide de retirer le droit de grève à un groupe de
salariés, bien, ça a des conséquences. Par
définition, quand le législateur prend la décision pour des raisons de services
publics qui doivent être rendus, pour des
situations d'urgence, évidemment le cas des policiers puis des pompiers, c'est
à peu près ce qu'il y a de plus parlant, bien, en échange, on leur donne d'autres droits. Le législateur
reconnaît qu'effectivement on leur retire une capacité de négocier, que, le droit de grève que les autres
salariés syndiqués ont droit, eux n'y ont pas droit. Alors, pour compenser
ça, M. le Président, on a créé des
mécanismes, des mécanismes d'arbitrage qui sont liants pour les parties. Et
c'est comme ça qu'on a trouvé une
espèce de compromis qui nous permet justement d'obliger par loi... pas par loi
spéciale, d'obliger en fonction des
services essentiels qui sont donnés, mais on a retiré en échange le droit de
grève. Mais c'est extrêmement sournois,
ce qui est en train de se passer pour les juristes de l'État, M. le Président,
parce que, dans le fond, on leur retire le droit de grève sans le dire, mais on le fait, mais, en échange, il n'y a
absolument aucun mécanisme de compensation, qui devrait normalement
succéder au fait qu'on leur a retiré le droit de grève.
L'arrêt
Saskatchewan, M. le Président, de la Cour suprême nous explique en long et en
large, justement, la capacité ou non de l'État, lorsqu'il intervient
justement sur les droits que sont les droits reconnus comme le droit de la
grève, d'intervenir dans des scénarios et l'espèce d'encadrement que doit
respecter le législateur québécois.
Alors, M. le
Président, on a créé un régime d'exception ici, au Québec, de façon
artificielle, vraiment artificielle. Et
là on se retrouve dans une espèce de scénario où on crée une espèce de
situation de deux poids, deux mesures, en fonction des avocats au criminel, essentiellement, qui
travaillent probablement, essentiellement, au DPCP, j'imagine, et les autres.
Et les autres.
Alors, le
ministre, le président du Conseil du trésor nous dit : On ne donnera
surtout pas la capacité de dicter les conditions salariales à un groupe
indépendant. C'est bien trop d'argent. Ça serait abdiquer à nos
responsabilités. Pourtant, M. le Président,
c'est ce qui se fait sur une base assez régulière dans des secteurs d'activité
bien précis, bien encadrés, bien définis. Et c'est ce qu'on aurait
souhaité entendre de la part... de la bouche du ministre.
M. le Président, durant les 18 dernières
semaines, on a eu une ministre de la Justice complètement absente du débat. Moi qui est porte-parole à l'éducation de
notre formation politique, M. le Président, lorsqu'il y a eu les négociations
avec le Conseil du trésor, je me souviens
d'avoir vu et entendu le ministre de l'Éducation se positionner dans le débat,
je me souviens d'avoir entendu le ministre sectoriel défendre et
représenter minimalement son milieu. Mais là ce qu'on assiste, M. le Président, c'est une ministre de l'Éducation qui a
carrément abdiqué à ses responsabilités, qui ne défend pas son monde,
qui ne défend pas ses procureurs — imaginez le climat au retour — elle
qui a la responsabilité de l'ensemble de
l'organisation judiciaire au Québec, elle qui aurait été absente pourtant d'un
débat qui est fondamental dans l'organisation judiciaire.
C'est assez
fascinant, M. le Président, parce que ce n'est pas un conflit habituel au sens
de... Ce n'est pas juste une bataille
de ça va être quoi : C'est-u 4 % d'augmentation pour le fonds de
pension? C'est-u une journée de plus de vacances, etc.? On est vraiment
sur une question de principe puis, je vous dirais même, de philosophie.
Moi, je vous
dirais, M. le Président : Si on croit vraiment au principe d'indépendance
judiciaire, si on reconnaît le principe de la primauté du droit, si on
souhaite que nos procureurs puissent s'exprimer et agir en toute liberté dans
toutes les circonstances, il n'y a pas lieu de créer cette fausse distinction
entre ceux et celles qui décident de faire une poursuite au criminel ou ceux et celles qui décident de faire une
intervention auprès de la Régie du logement. Alors, à mon point de vue, M. le Président, on crée une
distinction qui n'est pas la bonne. Sans compter qu'on aurait absolument
dû s'entendre, parce que l'utilisation pour
la troisième fois d'une loi spéciale, troisième fois sous un gouvernement
libéral, dois-je le rappeler... bien,
se pose sérieusement la question du droit réel de grève des procureurs, M. le
Président. Et, de toute évidence, et
de toute évidence, l'absence d'encadrement actuel crée d'autres problématiques
et soulève, à mon point de vue, d'autres enjeux de nature
constitutionnelle qui, fort probablement, se retrouveront devant les tribunaux.
Ce qui est
triste, M. le Président, aussi, c'est toute l'espèce de mauvaise publicité ou
de, je dirais... j'allais dire dénigrement de la fonction publique, mais
je n'irai pas jusque-là, mais je vais certainement aller sur l'absence de
reconnaissance réelle du travail fondamental qui est exercé par les juristes de
l'État dans l'ensemble des enjeux qui touchent la société québécoise.
M. le
Président, je suis porte-parole à l'éducation puis aux affaires autochtones,
puis récemment j'avais un dossier avec
les Inuits. Ils me disaient qu'ils étaient en négociation pour reconduire le
prix du logement sur les territoires inuits et que les négociations étaient terminées, mais ils étaient incapables
de mettre en oeuvre la nouvelle entente parce qu'ils étaient en attente
du règlement avec les juristes.
J'ai
rencontré récemment la Fédération des cégeps, et ils me disaient qu'ils étaient
en attente d'un règlement de la part
du gouvernement mais qu'ils ne pouvaient pas aller de l'avant parce qu'il y
avait, encore une fois, la grève avec les juristes de l'État.
M. le
Président, il n'y a pas une journée qui se passe sans qu'on ne subisse les
conséquences. Il me semble que ça
aurait été nettement plus avantageux d'avoir une approche qui est plus
positive, qui reconnaît leur travail remarquable. Mais, au-delà des
belles paroles, au-delà de cette reconnaissance, on aurait souhaité qu'il y ait
également des gestes qui
accompagnent ces paroles, et que ça se traduise, à notre point de vue, par une
réelle indépendance reconnue, et qu'on mette fin à cette espèce de
double standard entre les procureurs, qu'on est en train de créer au Québec.
Alors, sur ce, M. le
Président, je vais arrêter là, mais je veux simplement dire qu'il y a des
enjeux, parfois, de principe qui se
présentent sur la route et sur la vie des parlementaires, et ce qui doit guider
notre choix d'appuyer ou non, ce sont justement ces principes. Et il ne fait
aucun doute dans mon esprit, à la lecture des jugements, à la lecture des avis
juridiques qui nous ont été remis, que nous
devons appuyer et reconnaître cette indépendance, qui m'apparaît nécessaire
pour la saine administration, pour la
reconnaissance de la primauté du droit, mais, plus généralement, pour
l'organisation de l'État, dont le principe fondamental et
constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Merci, M. le Président.
• (23 h 20) •
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, M. le député de
Lac-Saint-Jean, pour votre intervention.
Et, pour la poursuite du débat, toujours sur ce même principe, je cède
maintenant la parole à M. le député de Mégantic. À vous la parole.
M. Ghislain Bolduc
M.
Bolduc : Merci, M. le Président. Je m'en remets à l'éloquence du
député de Lac-Saint-Jean qui nous a démontré très clairement qu'à tous les jours il y a des problèmes pour nos
citoyens du Québec, et c'est pour ça que nous sommes ici ce soir, pour définitivement aider les
citoyens du Québec à retrouver leur normalité. Donc, je dois remercier le
député de nous aider et de participer, contribuer, finalement, à notre
projet, tout en espérant qu'il va voter pour.
Je voudrais refaire
un petit résumé des points saillants du projet de loi n° 127 pour débuter
cette étude du principe. Parce que ce projet
de loi a pour objet d'assurer la continuité de la prestation des services
juridiques au sein du gouvernement.
Avec l'éloquence du député de Lac-Saint-Jean, il nous a bien démontré qu'à tous
les jours il y a des gens qui souffrent, qui sont affectés et subissent
les conséquences d'une grève qui cause préjudice à la population.
Il
prévoit également la poursuite de la négociation de la convention collective
des salariés ayant pour fonction de
fournir cette prestation de services. À cette fin, le projet de loi prévoit
notamment que les avocats et notaires nommés suivant la Loi sur la fonction
publique et représentés par les avocats et notaires de l'État québécois doivent
cesser de participer à la grève en
cours et doivent reprendre le travail conformément à leurs horaires habituels
et aux conditions de travail qui leur sont applicables.
Le
projet de loi prévoit également un mécanisme de négociation permettant, dans un
premier temps, la poursuite de la
négociation avec la possibilité de nommer un conciliateur, dans un second
temps, si cela s'avère nécessaire, donc un processus de médiation.
Le
projet de loi procède au renouvellement de la convention collective qui a
expiré au 31 mars 2015 en y apportant certaines modifications afin de majorer l'échelle de traitement. Enfin,
le projet de loi contient des dispositions administratives, civiles et
pénales.
Donc,
le projet de loi qui se fait une obligation de rétablir, si on veut, la
prestation de services aux citoyens du Québec
n'est pas un projet de loi qui a pour objectif primaire d'indiquer aux juristes
que nous leur prêtons une mauvaise foi.
Actuellement, la négociation est arrêtée. Il y a un problème majeur pour la
population, et nous nous devons, comme législateurs,
d'imposer une règle de loi qui va permettre à la population de retrouver ses
bénéfices normaux et d'éliminer l'inquiétude et les problèmes qu'on
retrouve de plus en plus fréquemment à l'intérieur du manque de services
actuel.
Le président du
Conseil du trésor nous a indiqué très clairement qu'il y a eu plus de
40 négociations dans la dernière année et demie, et qu'il y a eu beaucoup
de rencontres régulières, et qu'il y a eu six propositions qui ont été déposées à la table de négociation, tous sur des
montants en croissance. Donc, le gouvernement a vraiment travaillé dans un esprit de négociation, un esprit de trouver une
solution, O.K., sur le plan salarial, dont les juristes demandaient une équité avec les procureurs, ce que le gouvernement
a non seulement fait, mais dépassé dans les dernières semaines. Donc, cet
élément-là a été rencontré jusqu'à un point où, en fait, l'association des
juristes a fait un pas en arrière.
L'autre
point de litige qui est très important, c'est la référence à avoir un médiateur
indépendant pour gérer les conditions
de travail des juristes comme l'ont les procureurs. La différence fondamentale
entre les deux, c'est qu'il y en a un
qu'ils sont dans un tribunal ou ministère de la Justice, et l'autre,
finalement, travaille à l'intérieur d'un ministère dans un encadrement de services à l'égard de son
employeur qui est les ministères et les appareils d'opération et organismes
du gouvernement. Donc, il y a une différence fondamentale, et d'associer l'un
avec l'autre pour permettre d'y retrouver les
mêmes mécaniques constitue, selon moi, un faux pas, une étape qu'il n'y a pas
de logique à franchir pour en arriver à dire : Bien, oui, il faudrait faire ça parce que les juristes le
demandent. Il n'y a pas de relation ici entre la cause et l'effet, et, comme
employeur, le gouvernement se doit d'une responsabilité fondamentale envers la population
du Québec, à l'égard de ces services et à l'égard du respect de
la gestion des argents qui lui sont assignés en tant que responsable et
gestionnaire du gouvernement du Québec. On peut comprendre facilement
pourquoi le gouvernement précédent s'est mis dans un pétrin financier
assez considérable si l'on considère que, parce qu'il y a quelqu'un
qui nous demande ça, sans égard à la population du Québec, on va lui donner ce qu'il demande pour acheter
une paix sociale. Ce que l'on fait, quand on fait ça, c'est qu'on achète un désastre économique, ce qui nous a été amplement démontré
dans la législature précédente.
Donc,
la responsabilité gouvernementale d'établir un équilibre entre la capacité de
payer du gouvernement et les positions dans lesquelles les conditions
salariales des juristes... que personnellement je respecte beaucoup, comme
l'ensemble de la machine gouvernementale, et
qui font un très bon travail, et, pour moi, ce n'est pas une question de manque
de respect, en aucun temps, parce que ces
gens-là nous rendent un très bon service. La question, elle est d'avoir un
équilibre entre la capacité de payer et la capacité de fournir un
service adéquat à notre population.
D'ailleurs, à
ce titre, on a négocié de façon équitable avec plus de
450 000 employés et nous en sommes arrivés à une entente négociée. Donc, les gens qui
prétendent que le gouvernement est de mauvaise foi vont avoir de la difficulté
à avaler cette
pilule-là. Et, de plus, les agents de la paix, avec qui il y a eu des relations
difficiles dans le passé, on a eu la semaine dernière une entente
négociée, ce qui n'était pas arrivé depuis des décennies.
Donc, M. le
Président, je crois que, dans l'étude du principe de ce projet de loi, qui nous
démontre bien que le gouvernement se
doit d'agir pour le bien de la population du Québec, tout en maintenant, pour
les juristes et leur association, une
opportunité de négociation... qui est très bien inscrite dans le projet de loi
n° 127, qui dit clairement qu'il y aura des périodes d'assignées pour essayer d'en arriver avec une négociation et
une entente, et, s'il n'y a pas entente, on prévoit une autre mécanique
pour avoir un médiateur et avoir une discussion qui nous permettra de regarder,
encore une fois, certains délais pour essayer d'en arriver à une entente
négociée.
Donc, moi, je
regarde le projet de loi, je crois que c'est un projet de loi que l'on impose
pour des raisons très bien définies, en regard de la population du Québec, et
nous maintenons une base de respect envers les juristes, qui permet, à l'intérieur du cadre du projet de loi, de négocier
de bonne foi et, nous l'espérons, en arriver à une entente bien définie.
• (23 h 30) •
On nous a parlé aussi que le statut des
procureurs était une position que nous ne pouvons pas nous permettre, pour une
raison qui est très claire, c'est que le gouvernement, comme employeur, doit
maintenir sa responsabilité de gestionnaire, parce que plus de 60 % du
budget du gouvernement va en salaires et que tout écart significatif qui sera provoqué à l'intérieur de ce budget peut causer
des impacts économiques très considérables à la population du Québec. Et, à titre simple d'exemple, si on considère que
le budget du Québec tourne autour de 75 milliards, on parle donc d'un
coût de salaire annuel de 45 milliards de dollars et que chaque pour cent
représente près d'un demi-milliard. Donc, je voudrais
que la population qui nous écoute ce
soir réalise que chaque petit impact de salaire sur la population
des employés du gouvernement a des conséquences très importantes sur la structure de coûts de
l'opération du gouvernement et des services
qui leur sont donnés. Le projet de loi
n° 127 s'inscrit très
légitimement à l'intérieur de ce cadre responsable du gouvernement pour
en arriver à un contrôle des coûts et à une possibilité de négociation dans le
plus grand respect possible pour les employés de l'État.
On a parlé à
l'intérieur de beaucoup de débats aujourd'hui sur les contrats
et que les partis nous ont mentionné qu'il
y avait eu des centaines de millions de dollars d'argent donné en contrats et
qu'il y avait eu des centaines de millions de dollars de donnés en contrats de gré à gré pour illustrer encore une
fois l'importance de la grève des juristes, qui nous occasionnait certains débats. Il faut bien
comprendre, pour la population qui nous écoute, que l'ensemble
de ces montants-là n'a pas été donné
à contrat dans une position de risque significatif. Il y a déjà à
l'intérieur de l'opération du gouvernement
une procédure pour certains contrats de gré
à gré qui doivent être inscrits à l'intérieur d'une procédure. Et, deuxièmement, pour les contrats qui sont donnés à des entrepreneurs ou des
contracteurs, il y a déjà, sur une base bien structurée, des contrats
préétablis qui ont été analysés, démontrés,
éprouvés antérieurement à l'intérieur d'un cadre déjà démontré, et il est très
faux de prétendre qu'il y a eu ces sommes de
mises à risque à l'égard des contrats que le gouvernement a octroyés dans
le contexte de son opération normale.
Il faut bien
se rappeler qu'il y a une machine ici qui est structurée, organisée, et qui est
très loin d'être chaotique, et qui
nous permet d'opérer. Ça ne veut pas dire qu'on peut faire ça indéfiniment
parce qu'il y a quand même un contexte dynamique qui doit faire qu'il faut éventuellement réviser, moderniser,
corriger et ajuster, ce qui fait qu'éventuellement
nos juristes, notre personnel légal, nos notaires doivent participer à l'élaboration
de l'opération du gouvernement.
Donc, le projet de loi n° 127 constitue une mesure législative
exceptionnelle, et elle doit conduire à une situation qui va nous amener à
remettre en état le service à la population. Et nous allons maintenant
pouvoir redonner à la population
ces services, mais aussi permettre, comme je
l'ai mentionné précédemment, assurer qu'il y aura une ouverture pour les
négociations du gouvernement avec l'association des juristes.
Le président du Conseil du trésor nous a
mentionné précédemment aussi qu'ils ont fait en janvier, pour une période de 40 jours, des appels de candidatures et
il nous a dit qu'il a reçu plus de 1 900 applications pour ces candidatures.
L'intérêt de cet élément-là est de dire qu'il y a
quand même un intérêt certain pour cette profession, qui a une compensation très
excédentaire à 100 000 $
par année pour un travail hebdomadaire de 35 heures. Je crois que c'est un
élément que je qualifierais de
significatif pour 35 heures par semaine quand on a un revenu qui excède
largement 100 000 $, et l'appel de candidatures a démontré
très clairement que cette application-là constitue quelque chose d'important.
Il faut bien, donc, comprendre qu'il y a eu deux
ans de négociation, qu'il y a eu 40 périodes de négociation, qu'il y a eu six éléments de proposition de
salaire de faits au personnel, et que 60 % des dépenses de l'État sont
versées en salaires, et que l'ensemble de la population est maintenant
en souffrance de services et de besoins pour en arriver à obtenir les services du gouvernement, ce qui crée une tension et un
problème certain chez plusieurs d'entre eux qui ont affaire à travailler avec certains tribunaux
administratifs puis les organismes et ministères du gouvernement, et c'est pour
ça que, ce soir, nous avons une procédure
d'exception qui s'appelle la loi n° 127 et qui est là pour assurer la
continuité de la prestation des
services juridiques au sein du gouvernement et permettre la poursuite de la
négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective. Et
c'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que je vais voter pour ce
projet de loi là, pour ce principe-là. Merci.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : On vous remercie, M. le député de Mégantic, de votre
intervention. Et, pour la poursuite
du débat, toujours sur ce même projet de loi là, je cède maintenant la parole à
M. le député de Borduas. À vous.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. J'interviens à contrecoeur sur l'adoption du principe parce que je
préférerais qu'on ne soit pas ici et que le gouvernement soit plutôt à la table
de négociation en train de trouver une solution, hein, une solution à cette impasse qu'il
a lui-même créée pour renouveler un contrat de travail qui est échu depuis
un certain temps et pour éviter qu'on impose
une loi spéciale, qu'on impose les conditions à la fois salariales et aussi du
régime de négociation aux juristes de l'État.
Et j'écoutais
avec attention mon collègue de Mégantic et, respectueusement, je ne peux pas
être en accord avec lui sur quelques points qu'il a soulevés. Il nous a
dit tout à l'heure qu'il a écouté les juristes, là, pour 35 heures de travail, 100 000 $, c'est la majorité.
Écoutez, je l'invite à regarder l'échelle salariale des juristes de l'État, on
ne commence pas à
100 000 $, on arrive à 100 000 $ lorsqu'on est vers la fin
de la progression de l'échelle salariale, après de nombreuses années de service, et, à cet effet-là, je
questionnerais le député de Mégantic, mais aussi l'ensemble du gouvernement à
savoir que est-ce que l'expérience, ça a un
prix, est-ce que la valorisation des employés, ça a un prix, M. le Président,
et est-ce qu'on ne doit pas, comme
État fort, pour s'assurer que les gens qui représentent l'État québécois...
bien, ceux-ci soient rémunérés d'une
façon où ils vont être à l'abri de toute ingérence, de toute influence et
qu'ils aient l'indépendance nécessaire pour exercer leurs fonctions
Et
j'inviterais peut-être les collègues de la partie gouvernementale à faire
l'exercice suivant. Prenez un dossier de
nature juridique. Vous voulez confier un mandat de représentation en matière
civile, supposons, l'État québécois souhaite poursuivre un cocontractant en matière civile ou a besoin de prendre des
procédures judiciaires. Mandater un procureur, un avocat privé d'un
bureau, que ce soit un bureau de Québec, un bureau de Trois-Rivières, un bureau
de Montréal, M. le Président, regardez les
tarifs horaires qui sont chargés par les avocats de la pratique privée pour
représenter les intérêts. Et c'est
déjà arrivé, il y a déjà des comparables, M. le Président, parce que ça arrive
parfois, lorsque des juristes de l'État ne peuvent pas représenter le
gouvernement pour une question de conflit d'intérêts ou en matière de relations
de travail, O.K., ça arrive, ça s'est déjà fait. Ça se fait dans des
municipalités aussi, le recours... lorsque des municipalités ou le gouvernement ont un contentieux, on a recours à
des procureurs externes, donc on embauche un cabinet privé pour un
mandat.
• (23 h 40) •
Combien
pensez-vous que ça va coûter à l'État québécois, le recours à des procureurs
externes? Parce que ça, c'est un
choix aussi, M. le Président. On a choisi de se doter d'un contentieux d'avocats, de notaires pour
servir l'État québécois, notamment au niveau de la représentation. Ces
individus-là sont rémunérés en fonction d'une échelle de traitement salarial
qui varie entre 55 000 $ et environ 127 000 $ lorsqu'il y a
le niveau de juriste expert. Combien pensez-vous,
M. le Président, qu'un mandat juridique donné au privé, ça va coûter aux
contribuables québécois, M. le Président? Pour un dossier qui irait
jusqu'à la Cour supérieure, avec quelques procédures, ça va coûter facilement, M. le Président, le salaire annuel d'un juriste de
l'État. Faites l'exercice, à ce compte-là, au niveau comptable, il n'y a rien
qui vaut le rapport qualité-prix que les
citoyens québécois et que le gouvernement ont en embauchant des juristes de
l'État.
Il y a un
autre élément par rapport à ça. Lorsque vous embauchez un procureur à
l'externe, il ne connaît pas la machine,
il n'est pas familiarisé nécessairement avec tous les leviers de l'État, avec
la particularité de l'État québécois. Par
contre, quand vous avez des juristes de l'État qui travaillent au service de
l'État, ils connaissent leur travail, ils connaissent les
particularités, ils connaissent les particularités des ministères, la question
de droit, il y a une expertise à l'interne qui
est conservée et qui est présente, et ça, M. le Président, c'est la force de
l'État québécois d'avoir des professionnels qui sont compétents, d'avoir des professionnels qui sont capables de
saisir rapidement un dossier, qui sont capables d'en comprendre les subtilités et qui sont capables de
conseiller juridiquement, de donner des avis juridiques, de plaider des
dossiers à la cour pour défendre les intérêts de l'État québécois.
Lorsqu'on
parle de l'intérêt de l'État québécois, M. le Président, parfois on parle de la
position gouvernementale, on parle
aussi des intérêts des citoyens québécois. Parce que c'est l'intérêt public qui
est en cause lorsque les juristes font la représentation ou donnent des
avis juridiques. Donc, il y a une distinction entre un contentieux et le fait
de donner des mandats à l'externe, quoiqu'il
peut arriver qu'il y a des mandats qui sont donnés à l'externe. Le collègue de
Mégantic nous dit : Écoutez, ils sont très bien payés. Je pense que c'est
important — puis
c'est l'explication que j'ai donnée, M. le Président — d'expliquer
clairement l'échelle salariale et aussi le coût au niveau de l'expertise, que
nous devons considérer dans le cadre des fonctions.
Je ne sais
pas qu'est-ce qui serait préférable. Est-ce qu'on ne doit pas payer les
employés, M. le Président? Ce n'est
pas une solution qui m'apparaît envisageable. On a dit, du côté du
gouvernement, 60 % des dépenses de l'État sont en rémunération. Effectivement, M. le Président,
le gouvernement, l'État québécois, le gouvernement du Québec donne des
services à la population, il est là pour ça. Le président du Conseil du trésor
nous l'a dit, des collègues de la partie gouvernementale
nous l'ont dit, on parle de 1 100 juristes de l'État. On ne parle pas de
60 % de l'ensemble des employés, on parle de 1 100, d'un corps
professionnel de 1 100 personnes.
On l'a fait
avec les procureurs de la couronne il y a quelques années, M. le Président, un
comité de rémunération indépendant qui arrive avec des recommandations,
étudie les modalités, fait un rapport à l'Assemblée nationale, et ici nous choisissons d'adopter, de rejeter ou de
modifier le rapport. C'est ce que les juristes de l'État demandent. Pourquoi
refuser? C'est ça, la question fondamentale,
M. le Président. Parce que, lorsqu'on regarde de quelle façon ils exercent
leur travail, qu'est-ce qui les investit de
leur pouvoir pour faire leur travail, M. le Président, bien, c'est sensiblement
la même chose que les procureurs de la couronne... ou les procureurs aux
poursuites criminelles et pénales, M. le Président, c'est le nouveau
terme qu'il faut utiliser. Parce que le Procureur général, ici, M. le
Président, c'est la ministre de la Justice. Ça
n'a pas toujours été comme ça, il y a certains premiers ministres qui s'étaient
gardé cette prérogative-là, M. le Président. L'ancien député de Trois-Rivières, Maurice Duplessis, ancien premier
ministre, lui, s'était gardé ce droit-là, M. le Président, puis il y a une cause célèbre aussi, Roncarelli
contre Duplessis, M. le Président, qui est une cause marquante de la Cour
suprême. D'ailleurs, lors du 100e
anniversaire de la Cour suprême, ça avait été décrété, M. le Président, comme étant la cause ayant le plus marqué l'histoire de la Cour
suprême.
Mais, dans le cadre de cette
fonction-là de Procureur général, bien entendu, la ministre
de la Justice, ce n'est pas elle qui fait l'analyse de tous les dossiers. En sa qualité, c'est elle
qui conseille l'ensemble des membres de son gouvernement, hein, les autres
ministres, elle a une fonction de jurisconsulte. Mais elle
ne fait pas ça tout seule, M. le
Président. Du moins, je
l'espère. Donc, elle a recours à des avocats, des notaires de l'État québécois.
Du côté criminel, M.
le Président, ce sont les procureurs aux poursuites criminelles et pénales qui
exercent la prérogative du Procureur général, le fait de déposer et de porter des accusations. En 2005, on a créé le
poste du Directeur des poursuites
criminelles et pénales pour se garder un bras de distance à savoir : Qui
est-ce qui accuse ou non? Qui porte des
accusations relativement aux infractions criminelles? C'est bien ainsi,
pour autant qu'il y ait une complète indépendance.
Du
côté civil, bien là c'est la prérogative du Procureur général qui est exercée en matière civile, M. le Président,
donc exercée par les juristes de l'État.
Mais, dans le fond, M. le Président, les juristes de l'État puis les procureurs
de la couronne, ils font la job de la
ministre de la Justice au jour le jour. C'est ça, la réalité. Et c'est ce que
les juristes de l'État demandent, ils
disent : Considérez-nous comme les procureurs de la couronne au niveau du
conseil juridique que l'on fait, au
niveau de la rédaction législative que l'on fait, au niveau des dossiers que
l'on plaide devant les différents tribunaux.
Vous
savez, M. le Président, les juristes de l'État sont un peu partout dans les
différentes sociétés d'État, mais aussi
à l'intérieur de l'État québécois. Vous avez des avocats de l'Association des
avocats et notaires de l'État québécois qui travaillent à la CSST, donc
qui vont plaider des dossiers, qui portent des accusations en matière pénale en
vertu de la Loi sur la santé et sécurité au travail lorsqu'il y a des
situations de danger au travail pour s'assurer que tous les travailleurs
québécois, lorsqu'ils vont travailler, leur milieu de travail soit sécuritaire.
On peut penser à des usines où il y a des
machines, supposons, qui ne sont pas cadenassées. On peut penser au domaine de
la construction, où il faut que les
couvreurs soient attachés, M. le Président, il faut que les travaux de
construction soient effectués de façon sécuritaire. Tout ça, M. le Président, pour s'assurer que la Loi
sur la santé et sécurité au travail soit respectée puis qu'il n'y ait aucun
travailleur qui perde la vie. Ça, c'est une des fonctions que les juristes de
l'État exercent.
Et
le président du Conseil du trésor, tout à l'heure, nous disait : Écoutez,
le DPCP ou les procureurs du DPCP n'ont pas à valider s'ils doivent
retirer ou non un chef d'accusation. Leur client, ce n'est pas le gouvernement.
Bien, écoutez, M. le Président, un exemple,
à la CSST, lorsque vous avez un procureur de la CSST... ou de la CNESST, en
vertu de la Loi sur la santé et sécurité au travail, son client, c'est
le directeur régional. Mais c'est de la CSST, ce n'est pas le gouvernement.
Voyez-vous? Première incohérence avec le discours du président du Conseil du
trésor.
La
Commission des normes du travail, M. le Président, il y a des avocats, des
avocates, là, qui prennent fait et cause
pour les citoyens dont les droits ont été lésés, brimés en vertu de Loi sur les
normes du travail. Eux, leurs clients, ça va être, oui, la Commission des normes, mais aussi le citoyen, le
citoyen dont les droits sont lésés. Même chose pour les procureurs de la
Société d'assurance automobile du Québec, qui, eux, représentent cette
entité-là.
Un
autre aspect important dans un autre groupe, le groupe majoritaire pour les
juristes de l'État, ceux qui travaillent pour le Procureur général, M. le Président. Parce que, dans chacun des
ministères, il faut le dire, il y a des avocats, des notaires qui travaillent là qui relèvent de la
ministre de la Justice en sa fonction de jurisconsulte, et qui se retrouvent
dans les différents ministères, et
qui accompagnent les ministres, qui donnent des opinions juridiques, qui
plaident certains de leurs dossiers.
On a juste à penser au dossier de Mascouche, avec l'aéroport de Mascouche, M.
le Président, où, si les juristes de
l'État avaient été là, bien, ils se seraient opposés à l'aéroport. Finalement,
la ministre de la Justice s'est réveillée, puis ils ont envoyé quelqu'un pour plaider le dossier. Mais la requête
n'avait pas été prise par le Procureur général pour l'application d'une
loi provinciale, il a fallu que ce soit la municipalité de Mascouche qui,
elle-même, engage ses procureurs pour faire appliquer la loi québécoise en
matière d'environnement.
• (23 h 50) •
Les gens au Procureur
général, M. le Président, interviennent en matière civile. Prenez le recours
contre les cigarettiers, M. le Président, un recours de plusieurs centaines de millions de dollars, M. le Président, par rapport à l'impact sur le réseau de la santé. On poursuit en dommages et intérêts les
compagnies de tabac. Qui gère ça, M.
le Président? Le Procureur
général du Québec. C'est un dossier d'une grande importance.
Et
là le président du Conseil du trésor nous dira : Ce n'est pas important,
le travail que les juristes font? Je vous dirais qu'il est fondamental, ce travail-là, M. le Président. En matière
de pensions alimentaires, vous savez, lorsqu'il y a un dossier en matière familiale, parfois le
Procureur général doit intervenir pour s'assurer du respect des dispositions.
C'est un travail qui est important. Vous savez, l'hiver dernier, on a eu le
plaisir d'avoir des débats ici, à l'Assemblée nationale,
à savoir : Quelle est la position du Procureur général sur la définition
de «mariage»? Est-ce que le mariage a des conséquences civiles entre
deux individus ou ça peut exister, des mariages uniquement religieux? Bien, le
Procureur général, cette fois-là, s'était
peut-être un peu trompé, mais ils vont aller en appel. D'ailleurs, M. le
Président, pour vous montrer à quel point c'est important, les
juristes, la Procureur général a demandé un délai supplémentaire pour remettre
son mémoire parce qu'elle n'avait pas les gens pour l'aider à écrire le mémoire pour
pouvoir le présenter à la Cour d'appel du
Québec. Et ça, c'est un enjeu important à trancher, M. le Président, on a
besoin de l'expertise des juristes de l'État parce qu'un mariage, M. le Président, on ne doit pas
permettre que ça n'ait pas de conséquences civiles. Sinon, on ouvre la porte à des mariages forcés, on
contrevient à la règle de droit, on contrevient à l'ordre public. C'est un des
exemples.
En matière de contestation constitutionnelle, M. le Président, vous savez, il y a
un dossier qui s'en vient, celui de
la loi n° 99 en réponse à la loi sur la clarté. Le Procureur général du Québec intervient, ce sont des juristes de l'État qui vont plaider le dossier. Et, peu
importe la formation politique ici, je pense que tout le monde s'entend là-dessus,
c'est un dossier d'une grande importance, à
savoir : Est-ce que le choix du Québec, ça se passe à Ottawa
ou ça se passe ici, dans l'Assemblée
nationale d'un peuple, M. le
Président? Qu'on soit fédéraliste,
souverainiste, autonomiste, nationaliste, tous les istes, M. le Président,
bien, il y a une chose qui est sûre,
ça a toujours fait consensus que c'était ici que c'était décidé
puis que la loi québécoise,
elle est valide. Mais ça, ce sont les avocats du Procureur général qui vont
aller défendre ça, M. le Président. Si ça, ce n'est pas important, si
ça, ce n'est pas important d'avoir des gens compétents pour faire ça, qu'ils aient un statut,
qu'ils puissent conseiller en toute indépendance le gouvernement, je me demande c'est quoi, M. le Président.
Vous savez,
l'ancien collègue de beaucoup de députés et de ministres libéraux, Benoît
Pelletier, a rendu une opinion juridique
exposant si les juristes avaient raison de demander ce qu'ils demandaient, et
vous me permettrez peut-être de lire sa conclusion, qui va nous
renseigner. Puis là ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président, c'est un
député libéral, ministre libéral pendant cinq ans, 2003-2008, député,
1998-2008, prédécesseur du député de Chapleau,
qui nous dit : «Les motifs qui justifient que les procureurs de la
couronne du Québec aient droit à ce que certaines de leurs conditions de travail soient déterminées par un comité
indépendant sous réserve d'une décision finale de l'Assemblée nationale — et c'est
intéressant — valent
aussi pour les autres poursuivants de l'État québécois, voire pour tous ces
avocats, avocates et notaires
qui agissent comme "conseillers juridiques officiels de l'État".»
Alors, Benoît Pelletier nous dit ça. Puis Benoît
Pelletier, ce n'est pas n'importe qui, professeur à l'Université d'Ottawa, professeur de droit constitutionnel, ancien ministre,
ancien député libéral. Si ce ne sont pas des références qui satisfont le président
du Conseil du trésor, je me demande quelle sorte de références... sur quoi on
devrait se baser pour l'influencer, M. le Président.
J'entends mes
collègues dire : On adopte une loi spéciale ce soir pour le bien de la population, parce qu'il faut fournir la prestation de services juridiques. M.
le Président, cette préoccupation-là, elle est tardive de la part du
gouvernement, ça aurait dû être dans
la tête de la ministre de la Justice puis dans la tête du président du Conseil
du trésor dès le jour 1 où la grève s'est déclenchée ou même avant ça, en se
disant : Écoutez, s'il y a une grève, si je refuse de négocier en tant
que gouvernement, je refuse de négocier de
bonne foi avec les juristes de l'État, je refuse d'arriver avec des offres
acceptables, je refuse d'étudier et
de respecter ma parole relativement au mode de négociation, tel que je m'étais
engagé en 2011, bien, c'est sûr que je vais mettre en péril les services
juridiques pour la population, l'accès à la justice.
Donc, M. le
Président, le gouvernement a fait un choix conscient lorsqu'il a laissé les
juristes de l'État en grève, et qu'ils
ont fait le choix conscient de refuser d'offrir une offre et de travailler à
arriver à une proposition, à un consensus, à une entente avec les juristes. Il a choisi lui-même de couper des
services à la population. Il a choisi lui-même de dire aux gens qui avaient un dossier devant les tribunaux
administratifs : Prenez votre mal en patience. C'est ça, le message du
gouvernement libéral, de dire aux gens : On vous coupe des services et on
verra plus tard. Ils l'ont fait dans le réseau de la santé, M. le Président. Peut-être, chez vous, ça a sonné. Ça a sonné
à mon bureau de circonscription, des gens qui avaient accès à des
infirmières qui n'ont plus accès, des gens qui avaient accès à du soutien à
domicile qui n'ont plus accès. Bien, c'est la même recette libérale qui
s'applique de nouveau, M. le Président, relativement au dossier.
Et, tout à
l'heure, la ministre de la Justice nous disait : Écoutez, au Tribunal
administratif, il y a eu 1 100 remises. Elle a dit : On avait réussi, là, à récupérer le retard qu'on avait
eu. Mais il y avait quand même du retard, M. le Président. Mais vous noterez aussi qu'au Tribunal
administratif du Québec, là, bien, ça fait des années qu'ils attendent que les
postes de juges administratifs soient
comblés. Mais qu'est-ce que le gouvernement du Québec fait? Il ne comble pas
les postes. Ils sont en déficit de juges administratifs, mais le
gouvernement du Québec n'investit pas en justice.
Alors,
voyez-vous, M. le Président, venir plaider le fait que c'est à cause des
juristes de l'État qu'il y a du retard quand le gouvernement lui-même
néglige la justice depuis des années... Depuis 2003 qu'ils ont accepté que les
délais s'allongent, que ce soit en matière criminelle, en matière pénale, que
ce soit en matière civile aussi. Allez aux Petites Créances, M. le Président, si vous êtes un citoyen, où, là, il n'y a pas
d'avocat, là, les délais pour avoir un jugement, les délais pour se faire entendre, les délais pour
l'exécution de jugements... Pour l'exécution de jugements aussi, l'État s'est
retiré. Allez en matière civile, M. le
Président. Pour un citoyen, les délais pour être entendu, c'est long, c'est
lourd. Donc, lorsque la ministre de
la Justice nous dit : Nous, on a investi, vous avez investi à la dernière
heure, vous avez laissé le système de justice se détériorer.
Et il y a un
aspect important, M. le Président, dans notre démocratie, c'est notamment
l'État de droit, mais c'est également le fonctionnement du système de
justice. Mais c'est aussi le fait de pouvoir obtenir justice, et les juristes de l'État qui travaillent dans nos institutions
sont un maillon de ce système de justice là. Donc, si on veut avoir un système
de justice qui est fort, qui est intègre au
Québec, qui est impartial, c'est important, M. le Président, de s'assurer aussi
que les gens qui y travaillent aient les conditions aussi pour rendre
cette réalité-là.
Alors,
lorsque la ministre de la Justice nous dit : Ce n'est pas un choix, la loi
spéciale, malheureusement, M. le Président,
c'en est un, choix. C'est un choix conscient de ce gouvernement-là de
dire : Plutôt que de négocier, plutôt que de regarder clairement quelles sont les possibilités qui peuvent être
faites relativement à la prérogative du Procureur général en matière civile et en matière criminelle...
bien, c'est un choix de dire : Non, je ne le fais pas, je continue avec un
climat de confrontation, M. le Président.
Parce que c'est ça qui est arrivé. Lorsque vous
dites à vos employés : Restez 18 semaines à l'extérieur, restez
18 semaines à faire la grève, et je vais vous rentrer au travail avec une
loi spéciale écrite sur le coin de la table un soir du 27 février, bien, M.
le Président, vous manquez de respect
envers, un, les juristes, vous manquez de respect envers la population
du Québec. Véritablement, M. le Président, parce qu'on passe la nuit ici le 28
février, maintenant...
• (minuit) •
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Je vais continuer, M. le Président. Ainsi, ce que
je veux vous dire, c'est que ma formation politique, M. le Président, va voter contre cette loi parce que
l'obligation de négocier de bonne foi n'a pas été respectée du côté du gouvernement. Ce n'est pas de cette
façon-là dont on traite les employés. Ce n'est pas de cette façon-là aussi
qu'on construit une société. Il faut arriver
à se parler. Il faut arriver à avoir des relations de travail qui vont faire en
sorte que les deux parties vont faire
leur bout de chemin et vont arriver à un consensus. Il ne s'agit pas de tout
donner, M. le Président, il s'agit
simplement d'agir raisonnablement, en personnes raisonnables, d'une façon à
s'assurer que les citoyens
québécois
vont pouvoir avoir des services juridiques mais vont aussi pouvoir en avoir
pour leurs services et que ça va faire en sorte que les juristes de
l'État pourront exercer leur travail.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, M. le
député de Borduas. Et je reconnais maintenant Mme la députée de Vachon pour son intervention, en vous indiquant que
vous avec cinq minutes, compte tenu que l'autre député indépendant a signalé à la table qu'il ne prendra pas la parole.
Alors, vous avez cinq minutes pour vous exprimer. À vous la parole.
Mme Martine
Ouellet
Mme Ouellet : Oui, merci, M. le Président. M. le Président, je
suis assez perplexe. Je suis assez perplexe parce qu'on a entendu, ici un petit peu plus tôt dans la
soirée, le président du Conseil du trésor libéral nous dire qu'il respectait
le droit de grève, M. le Président. Et vous savez qu'ici au salon bleu on se
doit de prendre la parole d'un député. Or, M.
le Président, je lis le projet de loi, et le même président du Conseil du
trésor a écrit le contraire de ce qu'il nous a affirmé ici, au salon bleu. Il a écrit dans le projet de
loi spéciale : «...les avocats et notaires — donc, les juristes — doivent cesser de participer à la
grève en cours et doivent reprendre le travail conformément à leur horaire
habituel et aux autres conditions de travail qui leur sont applicables.» Donc,
M. le Président, plus de droit de grève.
D'un
côté, il nous dit ici, au salon bleu, qu'il respecte la grève puis, de l'autre
côté, il écrit le contraire, M. le Président. Je sais qu'il y a un mot interdit ici, en Chambre, pour qualifier ce comportement
incohérent, mais ce qui est choquant, M.
le Président, c'est que le mot soit interdit mais que le comportement
incohérent, lui, ne soit pas interdit ici, en Chambre.
Je suis
perplexe aussi, M. le Président, parce que le ministre président du Conseil du
trésor libéral, aujourd'hui, a refusé du revers de la main un processus
de médiation qui était proposé par le Barreau, par la Chambre des notaires et appuyé par les juristes de l'État. Refusé comme
ça, là, en claquant des doigts. Fini. Je ne veux rien savoir. Or, M. le Président, tout d'un coup, dans le projet de loi
spéciale, il nous parle de médiation, alors que le processus de médiation
qui était sur la table aujourd'hui aurait pu éviter la loi spéciale. Donc,
encore de l'incohérence, M. le Président.
On voit, dans
le projet de loi spéciale, que c'est pour renouveler les conventions
collectives liant les avocats et notaires
qui ont expiré le 31 mars 2015. Ça fait presque deux ans, M. le Président, que
la convention collective est expirée. Et
pire que ça, M. le Président, parce qu'en 2011 le gouvernement libéral de
M. Charest, dans lequel était le président actuel du Conseil du trésor, avait promis, avait promis, de négocier les
mécanismes de négociation des conditions de travail. Et donc, là, on est aujourd'hui six ans plus tard,
et là le gouvernement libéral s'indigne du fait des conséquences désastreuses
de la grève des juristes de l'État, alors que c'est lui-même qui a laissé
traîner les négociations depuis tout ce temps-là puis c'est lui-même qui a laissé traîner la grève. Ça, M. le Président,
là, on dit qu'on ne peut pas invoquer notre propre turpitude pour justifier des actions. C'est
exactement ce que fait le gouvernement libéral à travers la voix, d'ailleurs, de deux ministres avocats de
formation. Assez surprenant, M. le Président.
Vous savez,
les juristes de l'État, c'est une expertise essentielle. Et ce projet de loi là vient saccager l'expertise des
juristes de l'État. Le Parti libéral, après avoir saccagé l'expertise du MTQ, après
avoir saccagé l'expertise du ministère
de l'Environnement, aujourd'hui, s'attaque à l'expertise des juristes de l'État. C'est dommage. C'est
dommage puis ça va coûter cher à
l'ensemble des citoyens et des citoyennes parce que les juristes de l'État sont là pour
vérifier les contrats. Il me semble, M. le Président, on l'a-tu assez
vu, avec la commission Charbonneau, la corruption puis la collusion? On a besoin de monde indépendant qui vont
conseiller, qui vont s'assurer que c'est correct. Tous les retards du côté des
différentes causes, les projets de loi, les règlements, tout l'impact que ça a
sur le gouvernement du Québec...
Donc, c'est
clair, M. le Président, que je voterai contre la loi spéciale, qui est une loi
qui vient confirmer le saccage de l'expertise des juristes de l'État.
Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : On vous remercie, Mme la députée de
Vachon, de votre intervention. Et, pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant M. le député d'Ungava
pour son intervention. M. le député d'Ungava, à vous la parole.
M. Jean Boucher
M. Boucher :
Alors, bon mardi, M. le Président. On est aujourd'hui mardi le 28 février. M.
le page, tantôt, m'a volé mon punch. J'espérais commencer mon
allocution comme ça, mais il est venu changer la date. Donc, bon mardi quand
même.
Écoutez, qu'est-ce qu'on fait ici ce soir, M. le
Président? Qu'est-ce qu'on est venus faire ici? Je pense que, dans la vie, il faut savoir d'où l'on vient pour
savoir où l'on va. On est ici ce soir pour adopter le projet de loi
n° 127, la Loi assurant la
continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et
permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de
la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services
juridiques.
Écoutez, M.
le Président, bon, on a entendu bien des choses, là, depuis le début de ce
débat restreint de cinq heures. On a
entendu bien des choses auparavant aussi. Je pense qu'il y a des mots qui ont
été prononcés, là, par les oppositions et
les députés indépendants, qui ne collent pas avec ce qui a été dit de ce
côté-ci de la Chambre. J'ai bien écouté, bon, M. le président du Conseil du trésor au tout début, lorsqu'il a fait son
allocution. Jamais, bon, monsieur... le Conseil du trésor a, de quelque
façon que ce soit, minimisé l'importance, la compétence, le savoir des juristes
de l'État. Bien au contraire, les juristes
de l'État sont un élément essentiel de la conduite des bonnes affaires du
gouvernement. Puis, dans ce sens-là, ce sont des gens dont on ne peut se
passer. Ce n'est en aucun cas des gens qui sont superflus ou des gens, là,
à l'expertise doutable. Bien au contraire,
ils ont une expertise pointue, une expertise qu'on ne saurait retrouver
ailleurs, dans aucun autre cabinet, que ce soit au privé... D'ailleurs,
là-dessus, bon, le député de Borduas l'a bien souligné, quand même qu'on
confierait un dossier au plus grand cabinet d'avocats de Montréal ou de Québec,
je veux dire, jamais cet individu-là n'aura
la perception fine de ce qui se passe dans les ministères puis de la façon de
fonctionner du gouvernement. Donc, là-dessus, je peux vous dire,
M. le Président, que les juristes de l'État ont toute mon appréciation,
ont toute ma sympathie, et puis de ce
côté-là, de notre côté de la Chambre, on peut dire que ce sont des gens qui
sont appréciés à leur juste valeur.
Une
grève, ce n'est jamais plaisant pour personne, ce n'est jamais plaisant pour
celui qui la fait, ce n'est jamais plaisant
pour celui qui la subit, que ce soit dans l'entreprise privée ou ailleurs, que
ce soit une compagnie privée. Si les employés
se mettent en grève, ce n'est pas par pur plaisir, et pour s'amuser, et prendre
du bon temps, bien au contraire. Pour l'employeur, bien, ça le restreint
dans ses activités. Quand ça ne le paralyse pas complètement, ça le restreint
sérieusement dans sa production, dans la livraison des services.
Donc,
ce n'est jamais plaisant pour personne puis ce n'est jamais payant pour
personne aussi, autant pour le salarié, bon, qui exerce son droit de grève, qui est un droit constitutionnel,
comme ça a été souligné à de nombreuses reprises, puis qui perd son
salaire. Je veux dire, tout le monde, dans la vie, là, bon, on aime bien nos
emplois, on aime bien ce qu'on fait, mais,
quand même, la majorité, je veux dire, on est là pour le jeudi aussi. Donc, le
salaire est important, et puis je
pense que pas personne ne peut dire : Bien, moi, je me prive de mon
salaire pendant quatre mois, pendant trois mois, puis il n'y a aucun problème, je vis bien avec ça, puis ça n'a aucune
conséquence. Bien au contraire, ça a
des conséquences qui sont très difficiles pour les familles qui sont
impliquées et puis les gens qui sont directement impliqués dans ça.
• (0 h 10) •
Ça
a des conséquences, bon, pour la poursuite des affaires du gouvernement, M. le président du Conseil
du trésor l'a souligné, bon, des projets de loi au ralenti, bon, les juristes de l'État qui sont plutôt plaideurs, des
plaidoiries puis des procès qui sont
arrêtés pour des justiciables qui sont en attente de décisions, qui sont en
attente de jugements qui se voient, bon, prolongés dans le temps. Notre
collègue, là, de Chicoutimi parlait tout à l'heure... pas de Chicoutimi, plutôt
de Jonquière, parlait tout à l'heure... Lac-Saint-Jean, des Inuits, pardon,
bon, un dossier que je connais bien. C'est vrai qu'il y a une entente concernant le renouvellement de l'échelle des
loyers là-bas pour les habitations à loyer modique. Là-bas, ce n'est pas anecdotique ou anodin comme
dossier, c'est primordial, mais, malgré l'entente, tout ça est comme mis sur la glace à cause qu'on attend après les
juristes de l'État. Donc, dire que les juristes de l'État ont un travail qui
est secondaire et puis dont on peut se passer, c'est très loin de la
vérité.
J'ai
entendu des choses, par contre, là... Bon, notre collègue de Borduas
disait : Écoutez, un salaire de 100 000 $ par année pour 35 heures de travail, ce n'est pas vrai,
regardez l'échelle de... pas l'échelle de loyer, pardon, je suis encore sur les loyers, regardez l'échelle salariale.
Bien, c'est bien sûr, là, on n'est pas naïfs au point de penser, là, qu'il n'y
a qu'un niveau salarial chez les
juristes de l'État, tout le monde gagne 100 000 $ par année ou rien.
C'est une moyenne. Il y en a, des gens, qui sont en bas, il y en a, des
gens, qui sont en haut. C'est le propre de la moyenne.
Donc,
on parle d'une moyenne de salaire aux alentours de 100 000 $ par
année pour 35 heures de travail par semaine, du temps supplémentaire qui est payé au besoin, un régime de retraite
qui est financé en partie par le gouvernement. C'est qui, le gouvernement? C'est vous et moi, M. le
Président. C'est tous ceux qui nous écoutent au travail, à la maison ou un
peu partout. C'est des avantages sociaux et
surtout une sécurité d'emploi. Demain matin, on ne pourrait pas dire :
Bien là, les affaires du gouvernement
ont ralenti, on élimine 150 juristes de l'État qui ne sont plus nécessaires. On
sait que, bon, ces gens-là, ça ne leur arrivera jamais, ce qui n'est pas
le cas dans le privé. Vous travaillez dans un grand bureau d'avocats, bon, ça va bien, les dossiers rentrent,
tout va bien, puis là, à un moment donné, woups! On frappe un creux de vague, on ralentit. Bien, ce n'est pas vrai qu'on
va garder 150, 200 avocats sur le «payroll» si on en a besoin de 70. C'est
cruel, mais c'est comme ça. Il y a des gens
qui vont devoir quitter, et puis ce n'est pas drôle. Donc, les juristes de
l'État sont protégés contre ça par la sécurité d'emploi.
M.
le président du Conseil du trésor puis mon collègue de Lac-Mégantic... de
Mégantic, pardon, nous parlaient tantôt...
où il y avait eu des concours qui avaient été ouverts en janvier pour recruter
des candidats à occuper des postes de
juristes de l'État. Plus de 1 000 candidatures avaient été reçues pour un
certain nombre de postes. Ça démontre quand même un certain attrait, là.
À l'extérieur, on voit que les avocats et les notaires ont de l'attrait pour
ces postes-là.
Les
négociations, comment ça s'est passé, les négociations? On nous taxe de
dire : Bien là, écoutez, vous êtes assis sur vos positions, vous ne
voulez pas négocier. Depuis le tout début, tout ça, là, c'est comme une grande
pièce de théâtre que tout le monde a jouée
pour en arriver à l'acte final, qui est ce soir, de la loi spéciale, et puis,
bang! C'est comme ça que ça se passe. Bien, il y en a eu, des séances de
négociation, plus de 40, des offres qui ont été déposées le 16 février 2016, le 24 novembre 2016, 30
novembre 2016, 24 janvier 2017 et une dernière le 23 février 2017. Alors,
prétendre qu'il n'y a pas eu de négociation,
qu'on était fermés... mais on a eu toutes sortes d'épithètes, là, dont
plusieurs étaient non parlementaires,
puis je vais vous en faire grâce parce que je ne suis pas sûr, là, que ça
volait assez haut, là, pour valoir la peine de relever ça, mais des
choses, là, qui n'ont pas leur place dans le débat présent.
Qu'est-ce
qui s'est passé du côté, bon, des juristes, le syndicat de LANEQ? J'ai ici,
bon, des citations du président, M. Jean
Denis, qui disait, bon : «La grève durera "autant de temps qu'on
n'aura pas ce qu'on demande".» «Le gouvernement devra porter l'odieux de l'impact de cette grève
sur la population...» Les avocats,
les notaires, en parlant du
gouvernement : «Ils sont rendus
à nous manquer de respect, c'est carrément du mépris.» «...c'est juste du
mépris à notre égard.» C'est de l'ignorance et du mépris. «Le gouvernement
cherche [...] à nous humilier.» Parlant d'un comité consultatif proposé par le gouvernement pour discuter du statut des
juristes, on disait, bon : «C'est un comité bidon...» Ça ne va servir à
rien. «Le mépris s'accentue, [ça]
continue[...]. Ils ne font que ça — en parlant du gouvernement — ils veulent nous épuiser, ils veulent
nous faire rentrer à genoux. On les met au défi : Faites-nous en donc une,
loi spéciale, [juste] pour voir...»
Écoutez, M. le Président, ce soir, je
pense qu'on est rendus à la croisée des chemins. Puis je peux vous dire que,
suite à l'adoption de la loi, il n'y a pas
un juriste de l'État qui va rentrer à genoux au travail mercredi matin. Je
pense que tout le monde peut rentrer
la tête très haute. Et puis ce n'est pas des conditions de travail, là, qui
vont... une loi bête et méchante qui
décrète les conditions de travail puis qui dit : Bien là, regardez, là
c'est terminé. À partir de mercredi matin, c'est ça, ça, ça. Non. On ouvre vers une nouvelle ère de négociation. On
ouvre vers une séance de négociation de 45 jours, qui pourra être prolongée une fois d'une période
de 15 jours. À la suite, si ça ne fonctionne pas, une médiation de 30 jours,
qui pourrait être prolongée d'un autre 15
jours à la demande du médiateur s'il juge que ce n'est pas suffisant puis
qu'encore un petit peu de temps
pourrait peut-être boucler l'affaire. Donc, on ouvre sur une période de plus ou
moins, grosso modo, 105 jours de négociation dans le but d'en venir à
une entente. Je pense que ça, je veux dire... Moi, personnellement, si j'étais un juriste de l'État, c'est un genre de
loi qui me réjouirait. Je serais très content de revenir au travail, très
content de récupérer mon salaire et
puis de voir que, bon, il y a de l'espoir, là, pour que les négociations
reprennent et puis que tout ça aille dans le bon sens.
Je
parlais tout à l'heure, bon, pourquoi qu'il y a deux catégories, là, pourquoi
il y a des procureurs de la couronne qui sont sous un régime puis les
juristes de l'État qui sont sous un autre régime. Il y a-tu comme deux sortes
d'avocats au Québec? Il y a ceux qui sont là
puis ceux qui sont une coche en dessous? Pas du tout, M. le Président.
Absolument pas. C'est deux types de
professions, bien que ça soit exercé tous les deux par des avocats, qui sont
différentes, M. le président du
Conseil du trésor l'a dit, puis je fais miennes les paroles qu'il a prononcées
à ce moment-là. Si on parle du côté des gens, là, du DPCP, du Directeur des poursuites criminelles et pénales,
c'est des gens qui ne relèvent pas du ministre de la Justice, ne
relèvent pas du gouvernement. Le gouvernement ne pourra jamais dire : Bien
là, vous devez déposer des accusations
contre M. Untel, contre la compagnie L'Autretelle. Vous devez retirer les
accusations pour raisons x, y. Pas du
tout, ce sont des gens qui sont totalement indépendants. Est-ce que ça veut
dire qu'ils n'ont aucun compte à rendre? Non. Bien, je veux dire, le
procureur a un compte à rendre à son procureur-chef, qui, lui, a des comptes à
rendre à la direction du DPCP. C'est tout à fait normal. C'est comme ça.
Du côté des juristes
de l'État, bien, notre collègue de Borduas, là, a fait une longue liste,
tantôt, quand même assez exhaustive de tous
les champs dans lesquels ils opèrent. Puis je ne reprendrai pas sa liste. Je
pense que c'était assez détaillé.
Vous avez des plaideurs, vous avez conseillers, etc. Mais ce sont quand même
des gens qu'on peut associer, là, à des
gens de contentieux. Dans un contentieux d'entreprise, la majorité des grandes
entreprises ont comme leurs avocats maison. Puis là-dessus je ne veux pas
suivre la logique de M. le député de Borduas dans laquelle il dit : Bien,
confiez donc des dossiers au privé
pour le fun. Allez voir. C'est sûr! Confiez à un grand bureau, là. Si vous vous
en tirez en bas de 200 $,
250 $, 300 $ de l'heure, là, vous êtes chanceux. C'est le prix. Bon,
c'est sûr qu'il n'y a pas un juriste de l'État qui va faire 300 $ de l'heure, ça, c'est bien entendu. Donc, lui
semblait dire : Bien, si vous êtes prêts à payer, de ce côté-là, ce prix-là, payez donc sur l'autre bord. La
question d'argent, elle est réglée. M. le président du Conseil du trésor disait :
Sur quatre ans, à quelques centaines de
dollars près, même en avantage du côté des juristes de l'État, ils auront la
parité salariale avec les procureurs
de la couronne. Reste à savoir : Est-ce que les conditions salariales
doivent être réglées par un comité indépendant, oui ou non?
• (0 h 20) •
Bien, là-dessus,
encore une fois, je vais faire miennes les paroles, là, du président du Conseil
du trésor dans lesquelles il disait :
Le budget de la province du Québec, le budget, là, qui est fait à même de
toutes nos taxes et nos impôts qu'on
paie à chaque jour, à chaque semaine, à partir du simple paquet de gomme, là,
que vous pouvez acheter au dépanneur en
allant travailler à aller jusqu'à la retenue salariale sur votre chèque de paie
et même... bon, c'est la saison des impôts qui s'en vient, les chanceux vont retirer, les moins chanceux devront faire
un chèque. Donc, tout cet argent-là, qui est collecté par le gouvernement,
60 % de cet argent-là, 60 % du budget de la province, ça va en dépenses
de masse salariale pour les employés de l'État. Je pense que ce n'est
pas rien, c'est beaucoup d'argent, c'est de la grosse argent. Puis, à titre de
gestionnaire de cet argent-là, à titre de gouvernement responsable, on ne peut
pas confier à un tiers non imputable de dire :
Bien, dis-nous combien on doit payer nos employés, là, puis, quand la réponse
sera là, nous, on suivra. Allez dans n'importe quelle compagnie, allez
chez Rio Tinto, bon, peu importe l'entreprise, allez voir, suggérez ça pour le fun.
Les employés de votre contentieux, ça serait
bien qu'un comité indépendant fixe leurs conditions salariales, puis vous,
bien, vous aurez juste à payer après. Je
pense qu'il va avoir des problèmes rendu à l'assemblée des actionnaires, M. le
Président. Vous savez très bien que ça ne fonctionne pas comme ça.
Donc,
la position du gouvernement est une position qui est raisonnable, qui est
responsable. Je parlais tantôt, bon, que
le projet de loi n° 127 amenait vers un nouveau champ, ouvrait un champ de
négociation qui est souhaitable, M. le Président.
Moi, en commençant, puis je suis sûr que c'est le cas pour tous les gens qui
sont assis de ce côté-ci de la Chambre, personne, personne ne souhaite
arriver puis dire : Bien là, ce qu'on veut, nous, dans le fond, là, c'est
qu'il n'y ait pas d'entente, puis qu'il n'y
ait rien qui marche, puis finalement que ça soit l'annexe de la loi, là, à
l'article 39, là, qui s'applique à 0 % pour telle année,
1,5 %, 1,5 %, etc. Et puis, dans le fond, ce qu'on veut, c'est ça. Pas
du tout, M. le Président. Ce qu'on veut,
c'est une entente négociée, une entente où chacun devra «give and take», comme
on dit à Paris, là. Chacun devra en
donner et puis en recevoir de l'autre côté, et faire en sorte qu'à la fin on
puisse avoir une entente qui soit valable, là, pour les deux parties.
Souvent,
bien, je voyais les juristes de l'État à l'extérieur. On nous accuse,
bon : Le gouvernement a laissé ses procureurs dans le froid, puis etc. Moi le premier, quand je les voyais
à l'extérieur, je veux dire, ce n'était pas réjouissant de les voir, je les aime pas mal mieux avec nous,
ici, en commission parlementaire et dans différents travaux parlementaires.
Ce sont des gens compétents, des gens
brillants, des gens allumés, des gens dont on a besoin, et dont l'État du
Québec a besoin, et dont les citoyens du Québec ont besoin.
Donc, à ce
point de vue là, je peux vous assurer, M. le Président, que c'est dans cette
optique-là que je vais voter en faveur du projet de loi n° 127, pas
du tout dans l'intention de rentrer, comme on pouvait entendre sur certaines radios, des conditions de
travail dans la gorge des juristes de l'État puis les faire rentrer à genoux au
travail, au contraire. Une loi qui va
leur permettre de rentrer debout, la tête haute, et fiers, avec un champ de
négociation qui s'ouvre devant eux et
devant le gouvernement et faire en sorte, là, que, finalement, tout ça puisse
se régler dans les meilleurs délais, dans les meilleures conditions.
Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député d'Ungava,
pour cette intervention. Très bien. Alors,
je vais céder la parole... Oui? D'accord, je vous reconnaîtrai par la suite.
Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Nicole Léger
Mme Léger :
Merci, M. le Président. Avec tout ce que je viens d'entendre, j'aime mieux
intervenir tout de suite. On est
actuellement à une loi spéciale. Je ne sais pas s'ils l'ont oublié, là, c'est
une loi spéciale, la 127, que le gouvernement vient d'imposer pour faire
rentrer les juristes de l'État d'une façon obligatoire. Avec cette loi-là, ils
viennent de faire, là — j'entends différents commentaires — la démonstration de leur position négative
face aux juristes de l'État, de la méconnaissance
de leur rôle, de la méconnaissance de leurs revendications et la méconnaissance
du litige du gouvernement.
Des voix : ...
Mme Léger :
J'entends des réactions, là. Qu'ils aillent dans l'antichambre, d'abord, parce
que je vais continuer à les dire. Je n'en
reviens pas de ce qui s'est dit de l'autre côté aujourd'hui, M. le Président.
Ce soir, 0 h 25, les juristes sont encore là, ils sont dans les tribunes, ils sont là, ils ont tout écouté ce que vous avez dit. Ils doivent être complètement offusqués de ce qu'on a
entendu à l'instant même et dans les dernières heures.
On connaît
mal leur travail. Ils défendent les intérêts de l'État. Ils ont un rôle crucial de la
primauté du droit dans l'État québécois, puis on nous parle de salaire, l'autre bord. Il y a des
principes... Je pense qu'ils ne savent pas c'est quoi, leurs revendications. On ne dit pas, dans une négociation, que toutes les revendications sont bonnes puis on prend toutes les revendications, on est là dans une question
de principe. Je vais revenir un petit
peu plus tard sur cette question-là
pour vraiment l'expliquer davantage.
J'entendais le député
dire : Ils étaient dehors, ils manifestaient, puis je suis allé les voir à
l'extérieur, j'aime mieux les voir en dedans. Mais il aurait peut-être
dû aller un peu les voir à l'extérieur, il aurait peut-être dû aller leur
parler parce qu'ils ont été dehors dans le
froid, ils ont passé Noël dehors, en plus de ça, parce que vous avez été quatre
mois sans régler le dossier. Puis là
vous dites : Ah! on le règle, on fait une loi spéciale. Ce n'est pas une
façon de la régler. On peut encore
négocier. On va avoir un médiateur, tout ça. On peut encore négocier. Arrêtez
de nous dire que vous faites une entente
négociée, c'est une loi spéciale que vous nous faites. Alors, je peux bien croire
qu'on peut nous faire accroire que peut-être il y a des négociations, on fait une loi spéciale, on leur dit, aux
juristes : Vous rentrez mercredi matin. Alors, arrêtez de nous
faire accroire des choses, M. le Président.
La stratégie du gouvernement, moi, je redis
encore que le ministre a échoué. C'était sa priorité, au ministre, quand il est rentré dans le nouveau Conseil des ministres. Sa priorité était de régler. C'était sa
priorité, les juristes de l'État. Échec
total, loi spéciale. C'est comme ça que le nouveau président du
Conseil du trésor a réglé la situation des juristes de l'État. Puis là il nous dit aujourd'hui... j'entendais le président tout à l'heure dire : Il y a encore de l'espace. Où est-ce qu'il est, l'espace? Il est 0 h 25, là.
On s'en va faire la loi, là. On va l'adopter, là. Il y a
encore de l'espace. C'est rire de nous,
M. le Président. C'est une stratégie d'évitement, de ne
pas vraiment prendre de front leur demande du régime des
négociations, de s'asseoir avec eux pour trouver une voie. Non, on l'évite, la situation.
On a été pendant quatre mois avec le ministre des Finances, qui était responsable, président du
Conseil du trésor, il n'en a jamais parlé. Puis là le nouveau ministre, question
que j'ai posée, il n'en parlait pas, il a commencé, depuis aujourd'hui, d'en
parler.
Il me demande
si on est d'accord. Oui. Je ne sais pas s'il m'entend, là, mais, oui, on est
d'accord avec le régime de négociation. Il faut. C'est la base du principe
de leurs revendications et qui est fondé sur différents aspects. On n'a pas le temps, dans une allocution du principe aujourd'hui, d'aller tout en détail de tout ça. On a une loi spéciale, ça fait que tout est raccourci, puis il faut livrer.
Il y a eu
24 heures d'ultimatum, le ministre a donné 24 heures d'ultimatum, puis après il nous
dit : Bien, il faudrait peut-être avoir un moment de médiation, mais il a refusé la
médiation. Puis là il met, dans la loi actuelle, la loi spéciale... hop! La médiation est
apparue. Il la refuse, il l'a refusée en fin de semaine, hier, là, je
ne me souviens plus le temps, il l'a refusée, puis là, bien, il
dit : On le met, il va y avoir un processus de médiation. Il y a une
contradiction, là, flagrante.
Ils sont en
grève. Pourquoi ils sont en grève? Il
y a une question
de principe pour réformer leur mode de négociation,
pour mieux accomplir leur travail. Quand on refait une convention collective,
c'est parce qu'on veut améliorer leurs conditions
et leur travail. C'est légitime, c'est très correct. Le ministre
reconnaît le droit constitutionnel d'être en grève, mais il le leur enlève aujourd'hui avec la loi spéciale.
Deuxième contradiction. Ah! je reconnais, ils peuvent aller en grève.
Bien oui, je le leur enlève aujourd'hui par une loi spéciale. Rentrez. On va
appeler de la bonne foi, ça? Non.
• (0 h 30) •
Puis là
j'entends les collègues, de l'autre côté, nous rappeler le salaire des juristes
de l'État. Les juristes de l'État, comme
d'autres employés, n'ont pas droit à leur salaire? On parle de moyenne, pas de
moyenne tout à l'heure. On joue sur
les chiffres, on met ça en mille, ça fait plus de 100 000 $. Puis
après on reconnaît leur travail, leur
fonction, leur rôle. On est contents,
on est fiers. Mais on est en train de leur dire, de l'autre bord : Bien
là, baisser de salaire, là, tu sais... ne venez pas faire pleurer
personne. Puis vous nous dites en même temps : L'enveloppe du Québec, la
masse salariale, c'est 60 %. On doit bien gérer ça. Bien, oui, c'est le
rôle d'un gouvernement de bien gérer ça. C'est le rôle d'un gouvernement de bien
négocier. C'est le rôle d'un gouvernement de s'assurer aussi que les conditions
de travail soient bonnes pour ses
employés. C'est normal que les employés demandent des bonnes conditions de
travail et c'est normal qu'un
gouvernement s'occupe de ses employés aussi, également. Alors, ne venez pas
nous dire que ce n'est pas correct qu'ils
revendiquent. Mais ce n'est même pas sur le salarial qu'ils revendiquent. Puis
là j'entends, un après l'autre, des collègues
du gouvernement nous parler du salaire. Vous n'avez rien compris. M. le
Président, ils n'ont rien compris. Ce n'est même pas sur ça. Puis, en
plus, j'entends dire, M. le Président, parce que je mets entre guillemets :
On a ouvert un poste, puis il y a des
juristes qui ont appliqué... Il y en a, des juristes. J'espère que ce n'est pas
les petits amis qu'on va faire
profiter dans le domaine privé, là. Je n'espère pas. Vous avez le droit de
parole. Ils parleront. Puis ils le diront. Mais là ils disent : On va les remplacer. On peut les remplacer.
N'importe qui, n'importe quand, comme ça. Vous êtes en train de dire à vos juristes de l'État que ce
n'est pas grave, on va vous remplacer. C'est ça qu'il est en train de dire.
C'est ça que des collègues ont dit de
l'autre côté. Je n'oserais pas le dire, le mot «intimidation», mais ce n'est
pas loin.
Leur statut, leur
particularité, M. le Président, c'est quoi, la particularité des juristes de
l'État? En raison des particularités de
leurs fonctions, les avocats, avocates et notaires de l'État participent au
respect de la primauté du droit, de la conformité et de l'orthodoxie des actes
de l'État lorsque ce dernier gouverne et légifère. Il s'agit là du principe
fondamental du maintien d'un État de droit
dans une société libre et démocratique. Les avocats, avocates et notaires ont
la lourde et très importante
responsabilité, dans l'intérêt supérieur de l'État, d'agir également à titre de
gardiens de la légalité de l'action
étatique et gouvernementale, de la règle de droit et de l'intérêt public. C'est
ça, le rôle des avocats et notaires de l'État, je vous le rappelle.
Maintenant,
M. le Président, on a discuté un peu, on a glissé, de leur indépendance, parce
que ça fait partie du fond de leurs
revendications mais dans le sens du principe important qu'ils ont voulu faire
partager au gouvernement — et ça fait des années,
d'ailleurs, qu'ils essaient de le faire partager — puis là, bien, ils ont dit : Ça fait,
c'est assez, on veut que le
gouvernement comprenne ce qu'on est et on est prêts à aller loin pour ça.
Alors, quand j'entends les propos qu'on ramène de M. Denis plus particulièrement, bien oui, mais il est choqué,
à un moment donné, là. Il essaie de vous faire comprendre quelque chose. Ça ne veut pas dire que vous prenez tout,
cash, toute. Ce n'est pas ça. Mais négociez de bonne foi. Puis comprenez à travers tout ça, M. le
Président, qu'on essaie de comprendre leur fond, les revendications profondes
que les juristes de l'État essaient de faire passer.
Je lisais un M. Leduc, qui a passé son opinion sur
ce que c'est, l'indépendance des avocats. Il dit : «Le concept
déontologique d'indépendance est au coeur de la pratique professionnelle des
avocats. Ils doivent arbitrer des choix éthiques en toute liberté de conscience
dans le respect de la règle de droit et sans que leurs choix soient influencés
par des considérations partisanes.
«L'avocat
est libre de refuser un mandat ou de cesser un mandat qui est contraire à sa
vision d'un dossier. Par contre,
l'avocat salarié de l'État ou d'une entreprise est assujetti à une obligation
d'obéir qui est incompatible avec cette notion d'indépendance, sans compter les ingérences de tout ordre qui
dénaturent son rôle. Cela explique la volonté syndicale des juristes de l'État de revendiquer le droit à
leur indépendance professionnelle.» Alors,
vous pouvez le relire pour c'est quoi, le combat des juristes, actuellement.
L'origine de ce
conflit-là... Je rappelle aussi l'article 13, dans le fond, du Code de
déontologie des avocats. L'article 13 : «L'avocat préserve son intégrité et
sauvegarde son indépendance professionnelle quels que soient le mode d'exercice de sa profession et les circonstances
dans lesquelles il l'exerce. Il ne peut subordonner son jugement professionnel
à quelque pression que ce soit.» Quand on
parle des avocats et notaires de l'État, il faut se rappeler ces notions-là, qui
sont importantes, et ça nous indique pourquoi les juristes de l'État font ce
combat-là depuis ces derniers mois.
Le
conflit de travail qu'ils ont, ça dure depuis 12 ans, avant évidemment,
mais particulièrement depuis 12 ans qu'ils ont eu trois grèves, 2005, 2011, 2016, et trois
lois spéciales pour fixer leurs conditions de travail. Alors, ce n'est pas pour
rien qu'ils disent : On aimerait ça ne
pas aller en grève. On aimerait ça ne plus aller en grève. Puis le gouvernement, bien, décide que plutôt
c'est par une loi spéciale. Il n'a rien réglé, là. Il n'a rien réglé. Pour quelques
années; on va revenir. On va revenir.
Et
leur demande de parité avec les procureurs de la couronne, le DPCP, les
procureurs de la couronne ont eu, eux autres, une entente de principe, en
2011, actuellement, et on a reconnu leur statut, on dit, quasi judiciaire, qui
est un mécanisme adapté de détermination de
leurs conditions de travail calqué sur celui des juges en dehors, évidemment,
du Code du travail. Alors, quand on parle de cette parité-là, c'est de
ça qu'on parle. C'est de ça qu'il est question.
Le Comité de
rémunération, tel que les DPCP ont obtenu, il prenait «en considération les
facteurs suivants :
«1° les
particularités de la fonction de procureur;
«2° la
nécessité d'attirer des avocats ayant les aptitudes et les qualités requises
pour exercer la fonction de procureur;
«3° les conditions de travail et la rémunération globale par
heure travaillée des procureurs au Québec et ailleurs au
Canada en tenant compte des différences quant au coût de la vie et quant à la
richesse collective;
«4° les responsabilités assumées par les procureurs au
Québec et ailleurs au Canada, leur charge de travail, les
exigences requises par les employeurs, les structures salariales et les
problématiques d'attraction et de rétention;
«5° la conjoncture économique du Québec, la situation
générale de l'économie québécoise et l'état des finances
publiques du Québec;
«6° les conditions de travail et la rémunération des
avocats du secteur privé québécois et d'autres salariés de l'État; et
«7°
tout autre facteur que le comité estime pertinent».
C'est
ça qu'ils ont, les procureurs de la couronne. Pourquoi que les juristes ne
peuvent pas avoir l'équivalence? J'aimerais ça les entendre. J'aimerais
ça comprendre, comprendre ce que vous êtes en train d'éviter.
Aussi,
je l'ai dit un petit plus tôt puis je le rappelle, qu'ils soient conseillers
juridiques, légistes ou plaideurs, les juristes
de l'État ont tous le même employeur et ont tous le même devoir de loyauté
envers ce dernier, qui est lui-même au service de l'intérêt public qu'est
l'État québécois. Pourquoi les procureurs de la couronne auraient-ils la
responsabilité de servir l'intérêt public et pas les juristes de l'État?
M. le
Président, ils ont de nombreux appuis, plusieurs appuis. Ils ont l'appui
évidemment, je l'ai entendu de certains autres collègues... Le 26 septembre 2016, Me Benoît Pelletier,
ex-ministre libéral sous Jean Charest, l'ancien premier ministre, et professeur titulaire à la Faculté de
droit de l'Université d'Ottawa, a appuyé la légitimité de la revendication
des juristes de l'État en signant un avis juridique
concluant notamment : «Les motifs qui justifient que les procureurs de
la Couronne du Québec aient droit à ce que certaines de leurs conditions de
travail soient déterminées par un comité indépendant — sous réserve d'une décision finale de
l'Assemblée nationale — valent aussi pour les autres poursuivants de l'État québécois, voire pour tous [les]
avocats, avocates [...] qui agissent comme "conseillers juridiques
officiels de l'État".» C'est un de vos amis, ça, je vous le
rappelle.
• (0 h 40) •
Le 27 octobre
2016, il y a aussi l'association canadienne des juristes de l'État qui s'est prononcée
en faveur des demandes des juristes
de l'État. Le Barreau du Québec a enjoint la ministre de la Justice à mettre
fin au conflit de travail avec les juristes de l'État. Les Barreau du
Québec et de Montréal appuient également les juristes de l'État.
Le 9 décembre 2016 et le 9 janvier 2017, Me
Patrice Garant, professeur émérite du droit public à l'Université Laval, donnait raison aux juristes de l'État en
citant plusieurs jugements de la Cour suprême du Canada qui soulignent
le principe d'indépendance des poursuivants de l'État.
Le 23 janvier
2017, Le Soleil a dévoilé que le Syndicat canadien de la fonction
publique avait été approché aussi par les juristes pour obtenir leur
soutien. Les avocats de l'aide juridique ont également appuyé les juristes de
l'État, également la FTQ, le FPQ, SCFP,
SPGQ, APIGQ, etc. Je ne les nommerai pas tous, mais il y en a plusieurs qui
appuient les procureurs... les juristes de l'État. Hein, je me mélange
même en disant : Les procureurs. C'est assez semblable.
Je dois vous
dire aussi que, ce matin, cet après-midi, j'ai interpelé la ministre de la
Justice, parce que, pour moi, elle a
un rôle fondamental comme Procureur général du Québec, qui a un rôle
fondamental d'indépendance. Et c'est elle, c'est elle qui a ce rôle-là qu'aucun
autre ministre a. C'est la ministre de la Justice qui a le rôle du Procureur
général du Québec. Elle a un rôle
d'indépendance, elle. Mais les juristes, eux autres, ils ne peuvent pas
l'avoir, qui sont pourtant sous la gouverne actuellement des ministères
et organismes dont elle a la responsabilité.
Puis le
premier ministre, bien, je l'ai interpelé aujourd'hui. Puis le premier
ministre, bien, a-t-il daigné rencontrer les juristes de l'État? Ce
matin, je relatais qu'il y a eu des appels au bureau du premier ministre. Il
n'y a pas eu de retour d'appel. C'est le
premier ministre du Québec, il aurait pu rencontrer les juristes de l'État, il
aurait pu écouter les revendications
des juristes de l'État. J'ai rarement vu un premier ministre qui ne fait pas
ça. J'ai rarement vu un premier ministre
qui n'écoute pas tout le monde. Ce n'est pas parce qu'ils sont en négociation
que tu ne les rencontres pas. Et, ce
matin, il m'a répondu... il ne m'a pas nécessairement précisé qu'il ne les
avait pas rencontrés. Il y a eu une demande de rencontre. Il a eu des appels puis il n'a pas retourné des appels. Pas
personne au bout de la ligne. Pourtant, c'est le premier ministre du
Québec.
Alors, M. le Président, on voit tout l'intérêt
du gouvernement qui est devant nous par rapport aux juristes de l'État. Il y a des conséquences importantes, je
l'ai mentionné. Puis là j'entends les collègues de l'autre côté dire : Là,
le conflit a assez duré, parce que
tel, tel, tel, il y a des retards, il y a des délais. Ils viennent de se
réveiller, là. On a dit ça cet automne.
Et là, bien, ils viennent de réaliser que, oui, effectivement... Puis là oups! Loi
spéciale. On vient de réaliser ça, loi spéciale, tout de suite.
Il y a aussi 868 millions sans conseil
juridique. Je pense que c'est une préoccupation adjacente au conflit, ça. Il y a près d'un millier de contrats publics qui
ont été conclus, avec ou sans appel d'offres, sans l'aide des juristes de
l'État pour vérifier leur conformité.
Puis la plupart se retrouvent au MTQ, drôle d'adon. Les plus importants
contrats gouvernementaux octroyés par
appel d'offres depuis le début de la présente grève : 111 millions de
dollars, achat de produits pétroliers
par le Centre de services partagés au Québec, sans les conseillers juridiques
de l'État, là; 71 millions de dollars, contrat pour la reconstruction du pont Gouin sur la rue Saint-Jacques à
Saint-Jean-sur-Richelieu, octroyé par le ministre des Transports; 48 millions de dollars, achat
de véhicules légers par le Centre de services partagés du Québec,
48 millions; puis, dans les
contrats conclus sans appel d'offres, les plus importants, les services
professionnels, 40 millions de dollars; des produits technologiques, 24 millions de dollars; des produits
applicatifs, 15 millions de dollars, acquis par le Centre de services partagés du Québec, sans les juristes
de l'État. Alors, vous comprenez qu'il y a énormément d'inquiétudes par
rapport à ça.
Le projet de loi spécial qui est devant nous...
Quand on a une loi spéciale, c'est parce que c'est une motion d'exception, c'est un bâillon. C'est imposé,
imposé par la majorité du gouvernement, puis, parce
qu'il a la majorité du gouvernement, bien, le projet de loi va passer. Mais, tant qu'il n'a pas passé, on va
le décrier ici, du côté de l'opposition, et puis en
même temps toutes les oppositions
vous disent que vous faites erreur. Ce n'est pas juste le Parti québécois, entendez les autres. Toute l'opposition vous dit que vous faites erreur. Mais vous
autres, vous regardez ça aller, puis c'est un conflit bien ordinaire,
puis envoie, une loi spéciale.
Puis, quand je regarde l'article 28, particulièrement,
vous n'avez encore bien moins rien compris, parce que «le processus de
médiation porte sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la
modification, directement ou indirectement,
du régime de négociation applicable aux salariés est réputée [de] ne pas
constituer une telle condition de travail.»
La revendication principale, ce qui a été au coeur de toute cette résistance
des juristes de l'État, c'est leur régime de négociation, leur statut, leur indépendance et le régime de négociation. Et là, dans le projet de loi que le ministre nous dépose,
ah! on va faire un processus de médiation, mais ça, on enlève tout ça. On vient
de faire plein d'articles d'une loi spéciale sans — sans — donner
la possibilité de parler, d'essayer de régler, d'essayer de
négocier la revendication principale des juristes de l'État, qui est le
régime de négociation. C'est ce que dit l'article 28 devant nous.
Et, quand on
va un petit peu plus loin, c'est encore plus insultant, M. le Président. Quand on va un petit peu
plus loin, ce qu'il offre — tout à l'heure, il parlait de salaires — c'est en deçà de la dernière offre globale
et finale du ministre. Jeudi soir,
là, voici l'offre finale et globale. La loi spéciale, aujourd'hui, c'est en
deçà de ça. On rit du monde, là. Ce qui était sur la table, ce n'est pas la dernière offre finale et globale. On
en reparlera. Tout à l'heure, on va aller en plénière, là, on en reparlera. Ce n'est même pas ça. Rien de la reconnaissance de leur indépendance dans ce projet de loi là. Échec du président du Conseil du trésor,
le dépôt de ce projet de loi là.
Le gouvernement est-il en train de faire un Donald Trump de lui-même, M. le Président? Ils vont bâtir un mur entre les juristes et le gouvernement? Inacceptable, irresponsable et surtout irrespectueux de vos bras
droits de l'État du Québec.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles, pour cette intervention. Je cède la parole maintenant à M. le
député de Mercier. Vous disposez de 10 minutes, M. le député de Mercier.
M. Amir Khadir
M. Khadir : Merci, M. le
Président. De combien de minutes je dispose? 10 minutes?
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
10 minutes.
• (0 h 50) •
M. Khadir : Très bien. M. le
Président, il va de soi que Québec solidaire va demeurer cohérent avec la position que nous avons tenue depuis le début du déclenchement de la grève par
les juristes et les notaires de l'État
et nous allons voter contre l'adoption du principe de ce projet de loi n° 127, qui traduit d'abord le résultat
d'une insensibilité profonde que je
sens de plus en plus s'installer, plus les années passent, au coeur du
gouvernement actuel. N'oublions pas que, de 2003 à aujourd'hui, se sont écoulés 14 ans, à l'exception d'un bref
intervalle de 18 mois; le Parti
libéral a été au pouvoir, et, comme chaque pouvoir qui se prolonge, chaque
pouvoir qui, dans son usure, finit par oublier un certain nombre de réalités, entraîne malheureusement, comme on le
voit aujourd'hui, une espèce d'insouciance qui frise parfois
l'arrogance, l'irrespect. Je ne
choisis pas ces mots-là par légèreté, je sais bien que ça peut heurter plusieurs
de mes collègues libéraux, surtout plusieurs de mes collègues qui ont
été élus au cours des derniers mois, dernières années.
Mais la
réalité est que, au coeur de ce projet
de loi, il y a
l'affrontement entre la loi et le droit. Le gouvernement, par sa loi spéciale, vient en quelque sorte interdire, par voie législative,
un droit fondamental que notre société a reconnu pour ses employés, pour ses travailleurs, le droit de grève. Lorsque le gouvernement vient subitement, sans justification qui puisse relever d'un
quelconque danger pour la vie des personnes, d'un quelconque danger pour la
sécurité du public, d'un quelconque danger
pour la santé du public québécois, donc sans un motif qui puisse reposer sur ce qui
relève du caractère urgent d'imposer une loi spéciale, le gouvernement
vient, par loi, déposséder un droit fondamental en société démocratique. Ma collègue de Pointe-aux-Trembles y
a fait mention : toute société démocratique qui repose sur des droits doit respecter ce droit primordial, qui
est dans un rapport de négociation entre deux parties, de conférer un statut
égal et des conditions égales de négociation
pour qu'il puisse y avoir justice. Pour emprunter des termes de Victor Hugo sur le texte sur lequel je tombais récemment à
propos de d'autre chose, le droit et la loi sont deux forces importantes
en société. Lorsque les deux se
conjuguent, lorsque les deux viennent en accord, de cet accord naît l'ordre,
entendu ici comme justice, un ordre
qui puisse apporter une justice. Mais, lorsque les deux s'affrontent, lorsque
l'un vient, en fait, en pleine confrontation,
antagonisme avec l'autre, de là naît, a contrario, l'injustice. Et il y a, dans
notre société, une grande injustice quand
un gouvernement, régulièrement — et ce gouvernement, ça va faire la troisième
fois — recourt
à une loi pour priver des gens de leurs droits.
Le droit de
grève, ici, est refusé, sans aucune contrepartie réelle pour remplacer ce qui
est conféré comme droit par le greffe
par un autre mécanisme qui soit efficace, qui soit juste, pour résoudre le
conflit qu'il y a actuellement entre les
juristes sur leurs conditions de travail, pas juste sur leurs salaires, ou, en
fait, essentiellement pas sur le salaire, mais, comme a dit et l'a répété ma collègue, sur leur indépendance et sur le
lien qu'il y a entre cette indépendance et une requête, qui se trouve très justifiée et consolidée par
leur propre expérience depuis plus de 10 ans maintenant, par la nécessité que
leurs conditions de contrat d'emploi soient
soumises à un arbitrage, à un mécanisme qui ne les soumette pas à l'obligation
de recourir à la grève.
Et le gouvernement parle de responsabilité
aujourd'hui. Je le dis pour le bénéfice encore de mes collègues libéraux qui ne sont pas là depuis aussi longtemps
que d'autres que le pouvoir a peut-être un peu usé pour avoir l'arrogance
aujourd'hui de prétendre — de
prétendre — au
sens des responsabilités.
S'il y avait
le moindre sens des responsabilités de la part de ce gouvernement, ce
gouvernement se rappellerait qu'en 2011, lorsqu'il y a eu l'autre loi
spéciale, il s'est engagé formellement, mais aussi moralement, à revoir ce mécanisme et à trouver une solution à cette
revendication au centre de ce qui est aujourd'hui en jeu, c'est-à-dire
d'octroyer un mécanisme, de prévoir un mécanisme de règlement des
conflits qui ne passe pas par la grève mais qui passe par la médiation, qui passe par l'arbitrage. Comment
prétendre au sens de la responsabilité lorsque ce même gouvernement... Moi,
je l'ai vu, nombre d'entre nous l'ont vu, ce qui explique d'ailleurs pourquoi
tant d'acteurs dans la société, des journalistes
et des commentateurs politiques à d'anciens ministres libéraux au Barreau du
Québec et à l'ensemble du corps social
dans les mouvements sociaux, dans les syndicats appuient les grévistes, c'est que nous avons bien vu comment le
gouvernement, malheureusement, n'a pas négocié de bonne foi.
Pendant des semaines, les juristes
étaient dans l'attente que le gouvernement avance dans les négociations, avance dans les propositions. Si le gouvernement avait vraiment le sens des responsabilités quant aux
services dont une partie de la population est privée, quant aux contrats
à hauteur de presque 900 millions de dollars octroyés sans supervision, sans souci de leur conformité aux attentes pour
qu'on puisse éviter la surfacturation, qu'on puisse éviter les recours, les
problèmes et les coûts engendrés par
l'absence de l'exercice professionnel de vérifier la conformité de ces contrats
avec l'intérêt de l'État, s'il y
avait vraiment le moindre souci de ce sens de la responsabilité, les
négociations auraient avancé beaucoup
plus rapidement et le gouvernement aurait certainement eu le moyen, et je le dis
pour le bénéfice de nos auditeurs, de
trouver les 30 millions de dollars, 30 millions, sur cinq ans,
c'est-à-dire 6 millions par année, que le gouvernement aurait eu besoin
pour rencontrer, là, immédiatement les demandes justes en questions salariales
de la part des notaires et des avocats de l'État.
Quand
on compare, juste pour les quatre mois pendant lesquels ils ont été en grève,
ce que des contrats représentent pour
le gouvernement, les chiffres qui sont en jeu, si on ne le voyait que d'un
point de vue strictement comptable en oubliant tout le reste, toute la question de l'indépendance des juristes, ça
aurait été parfaitement justifié de la part du gouvernement, qui a dégagé 2 milliards de surplus officiels
plus un autre 2 milliards enfouis dans le Fonds des générations. Le
gouvernement avait amplement les
marges de manoeuvre pour se doter de ce service essentiel, pour s'assurer que,
dans un ministère aussi malheureusement mal en point dans l'octroi des
contrats publics... il a fallu une commission qui nous a coûté 50 millions de dollars pour nous rappeler à
l'ordre, qu'un ministre a perdu son poste pour vouloir se mettre le nez dans
les irrégularités au sein de ce ministère...
Et là le gouvernement prétend au sens de la responsabilité en refusant aux juristes
un processus de négociation accéléré qui
puisse répondre à leurs demandes, régler le conflit et les retourner au
travail.
Je
reviens sur le fond du sujet : le droit de grève a été refusé. Il y a une
interdiction effective d'un droit par la loi. Et il s'agit là d'une injustice qui, malheureusement, n'est pas sa
première de la part de ce gouvernement et qui traduit un mépris profond
pour ce que c'est que vraiment une société de droit et de loi, où la loi ne
peut pas, au risque de faire survenir des injustices
répétées, comme on l'a trop souvent vu malheureusement brandir par ce
gouvernement, la loi ne peut pas venir constamment mettre fin à des
droits fondamentaux.
• (1 heure) •
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci à vous, M.
le député de Mercier. Je vais maintenant céder la parole à M. le député
de La Prairie pour son intervention.
M. Richard Merlini
M.
Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. En ce mardi matin, nous
sommes ici en séances extraordinaires avec
un processus d'exception pour adopter le projet de loi n° 127. Il est
important de rappeler à tous les gens qui nous écoutent ce matin que le
titre du projet de loi dit ceci : c'est la Loi assurant la continuité de
la prestation des services juridiques au
sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le
renouvellement de la convention collective des salariés assurant la
prestation de ces services juridiques. Donc, l'objet du projet de loi, c'est
d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du
gouvernement. Il prévoit également la poursuite de la négociation de la convention collective des salariés ayant pour fonction
de fournir cette prestation de services. Le projet de loi prévoit également un
mécanisme de négociation permettant dans un premier temps la poursuite de la
négociation avec la possibilité de
nommer un conciliateur et, dans un second temps, si cela s'avère nécessaire, un
processus de médiation.
Nous
l'avons dit et nous le répéterons, M. le Président, que le travail de nos
juristes de l'État est un travail qui est
essentiel au bon fonctionnement de l'appareil gouvernemental, et c'est pourquoi qu'ils sont payés
correctement pour la nature du
travail qu'ils font. C'est important de rappeler qu'ils ont un salaire moyen supérieur
à la moyenne, qui est au-delà de
100 000 $, pour 35 heures-semaine. Ils ont du temps
supplémentaire payé, ils ont un régime de retraite financé en partie par le gouvernement, ils ont des
avantages sociaux et, très important, M. le
Président, une sécurité d'emploi.
Ils sont, comme le député de Châteauguay et président du Conseil du
trésor l'a bien dit, en relation employeur-employé, avocat et client.
Nous
avons, depuis le début des négociations, déposé cinq offres, et le député de
Mégantic l'a bien illustré en disant que c'étaient des offres bonifiées.
À chaque offre que le gouvernement déposait, l'offre salariale était
augmentée : le 16 février 2016, le
24 novembre 2016, le 30 novembre 2016, le 24 janvier 2017, le
23 février 2017. Les deux dernières offres que nous avons déposées permettent aux juristes d'avoir dans
leurs poches, au bout de quatre ans, autant d'argent que les
procureurs de la couronne. Même que l'offre qui est sur la table depuis
vendredi va un peu au-delà de ce que bénéficient
les procureurs. La députée de Pointe-aux-Trembles nous dit : Ce n'est pas
ça du tout, l'enjeu, alors que l'enjeu est
clair depuis le début, c'est le processus de négociation et l'offre salariale.
Les juristes de l'État demandaient la parité, et depuis vendredi dernier
on va même au-delà de cette parité salariale.
Sur
la création d'un comité de rémunération tel qu'il est demandé par l'association
des avocats et des notaires du
Québec, c'est tout simplement inacceptable, M. le Président, qu'une entité,
qu'un tiers non imputable soit en charge de déterminer les conditions de travail des juristes de l'État. C'est le
gouvernement qui est imputable, ce sont les élus qui sont imputables et
c'est au gouvernement à garder cette responsabilité.
Nous avons toujours
été présents à la table de négociation et nous le sommes toujours. Nous devons,
comme gouvernement, respecter le cadre
financier que le gouvernement s'est fixé avec le front commun des employés de
l'État. Il faut le rappeler, M. le Président, que nous avons une entente
négociée avec plus de 450 000 employés de l'État. Nous avons même
réussi, la nuit dernière, à signer une autre entente, cette fois-ci avec les
gardiens de prison. C'est la première fois
en 60 ans que les négociations avec cette classe d'employés de l'État ne
mènent pas à une grève illégale. Donc, en matière de négociation avec les employés de l'État, nous avons un bilan
qui est très impressionnant et nous en sommes très fiers.
Maintenant,
il ne faut pas oublier, M. le Président, que tous les jours, comme dans la
situation actuelle avec les juristes
de l'État, nous représentons également l'intérêt de l'ensemble des citoyens du
Québec et, dans leur intérêt, nous avons
la responsabilité de respecter leur capacité de payer. Nous souhaitons toujours
arriver à une entente négociée, et le projet
de loi n° 127 prévoit justement que nous puissions continuer ces
négociations-là pour en arriver à une entente. Nous ne contestons en
aucun temps le droit de grève. Cependant, depuis le début de cette grève,
LANEQ, l'association des avocats et des notaires de l'État, n'a pas bougé d'un
iota.
Alors, comme
je l'ai dit tout à l'heure, le gouvernement a modifié son offre par écrit à
cinq reprises. Les juristes de l'État
demandent l'intervention d'un médiateur spécial, ce que le gouvernement a
rejeté parce que la médiation a déjà été
essayée, dans ce dossier, sans succès, avec six séances de médiation l'été
dernier. Il vient un moment où le gouvernement doit prendre ses
responsabilités, et c'est ce que nous faisons.
M. le
Président, ce matin... pas ce matin mais hier soir, je devrais dire plutôt, à la
période de questions... je vais citer une des réponses du député de
Châteauguay et président du Conseil du trésor, qui donne un peu l'esprit de
notre relation ou de ce que nous avons comme
impression de nos juristes de l'État, je le cite : «Est-ce qu'on a du
respect pour les juristes de l'État?
La réponse, c'est oui. Est-ce que ces gens-là font un travail important? La
réponse, c'est oui. Vous êtes allé
dans les palais de justice? J'y suis allé pendant 22 ans et je sais très bien que les plaideurs au niveau civil [...] ne peuvent pas régler un dossier sans l'accord de
leur client. Dans le cas des juristes de l'État et des plaideurs, le client,
c'est le gouvernement, que ça vous
plaise ou non[...]. Donc, M. le Président — je continue la citation — ce que l'on estime, c'est que le statut des juristes de l'État est un
statut qui les inscrit dans une relation avocat-client. Ça ne fait pas d'eux
de moins bons avocats que les procureurs de
la couronne, ça fait d'eux des gens qui occupent des fonctions qui sont différentes.
Et, malgré notre désaccord sur ce point de
vue là, nous sommes d'accord pour soumettre à un comité indépendant la question
du statut des procureurs.»
À
Saint-Philippe, dans la ville de Saint-Philippe, j'ai eu la chance, avec le
député de Jean-Talon et ministre de l'Éducation,
d'inaugurer une nouvelle école primaire, l'école de la Traversée. On a eu la
chance de rencontrer des juristes qui
étaient en grève et on a discuté avec eux des enjeux qui les concernaient. La
discussion s'est faite respectueusement. Les juristes ont respecté un périmètre autour de l'école pour que les
enfants demeurent en sécurité, et on a pu faire l'inauguration sans problème, sans anicroche. Mais, par contre, en
contraste avec cette attitude respectueuse que nous avions, le député de Jean-Talon et moi-même, avec
les juristes qui étaient là, il y a l'attitude du syndicat qui est LANEQ.
Je vais lire quelques citations du président
de LANEQ qui vous donnent un peu l'état d'esprit dans lequel LANEQ faisait
ces négociations-là. Ce sont toutes des citations.
«La grève
durera "autant de temps qu'on n'aura pas ce qu'on demande".» À vrai
dire, M. le Président, une négociation, ça ne se fait pas comme ça. «Le
gouvernement devrait porter l'odieux de l'impact de cette grève sur la population...»
Pas très enclins à vouloir négocier de cette façon-là. «Ils sont rendus à nous
manquer de respect, c'est carrément du
mépris.» «C'est de l'ignorance et c'est du mépris[...]. [...]ils sont en train
de nous rouler dans la farine.» Encore
une fois, quand on négocie, ce n'est pas une attitude à prendre qui va mener à
une entente négociée. «Le gouvernement cherche clairement à nous
humilier.»
En parlant du comité... Je continue les
citations, M. le Président. En parlant du comité consultatif proposé par Québec pour discuter du statut des juristes
ultérieurement : «C'est un comité bidon.» Alors, déjà, en partant, on voit
l'attitude négative prise par le
représentant de LANEQ, qui fait qu'on se retrouve aujourd'hui, en séances
extraordinaires, avec une loi qui, je
le répète, vise la continuité de la prestation des services juridiques et de
permettre la poursuite des négociations et le renouvellement de la convention. C'est en contraste avec qu'est-ce
qui est écrit dans le projet de loi, et on va y arriver, éventuellement,
à l'étude détaillée tantôt.
La continuité des services, à
l'article 3 : «Un salarié doit, à compter du même moment, respecter
les devoirs attachés à ses fonctions ainsi
qu'accomplir ses activités professionnelles ou administratives, conformément
aux conditions de travail contenues dans la convention collective
intervenue entre l'association et le gouvernement qui a expiré le 31 mars 2015.» On ne doute nullement du
professionnalisme de nos juristes de l'État. On l'a dit, on le répète, c'est un
travail essentiel qu'ils font.
Si on va plus
loin, à l'article 7 et 8, il y a une responsabilité qui revient à leur
association. À l'article 7 : «L'association
doit prendre les moyens appropriés pour amener les salariés qu'elle représente
à se conformer à l'article 3 et à ne pas contrevenir aux
articles 4, 8 et 9.»
«Nul ne
peut — à
l'article 8 — par
omission ou autrement, faire obstacle ou nuire de quelque manière au respect
des devoirs attachés aux fonctions d'un
salarié, à la fourniture de services juridiques par un salarié, à
l'accomplissement par un salarié de
sa prestation de travail ou de ses activités professionnelles ou
administratives, ni contribuer directement ou indirectement à ralentir
ou à retarder l'accomplissement de cette prestation.»
Et la
prestation de services, elle est importante non seulement pour le gouvernement,
mais pour plusieurs citoyens à travers le Québec. C'est pour ça que nous
agissons, c'est pour ça que nous sommes ici ce soir, pour non seulement remettre la machine, l'appareil gouvernemental en
marche, mais aussi remettre ces dossiers-là en marche pour les citoyens,
pour le bien de nos citoyens à travers le Québec.
Aux
articles 20 et 21, on parle de la poursuite de la négociation. À
l'article 20 : «L'association ainsi que l'employeur doivent, dès la date de l'entrée en vigueur de la
présente loi, poursuivre avec diligence et [de] bonne foi, pendant une période
maximale de 45 jours, la négociation en vue de convenir d'une entente.»
• (1 h 10) •
À l'article
21 : «Le délai de négociation prévu à l'article 20 peut être prolongé par le ministre
du Travail, une seule fois et à la
demande conjointe de l'association et de l'employeur. La durée d'une telle
prolongation est déterminée par le ministre du Travail et ne peut
excéder 15 jours.»
Donc,
la possibilité de négociation peut aller jusqu'à 105 jours, M. le Président, de plus, après la promulgation de la loi. Alors, on ne met pas
fin, on n'impose pas des conditions de travail, on veut poursuivre la négociation
et arriver à une entente négociée. Mais ce
n'est pas tout parce qu'il y a aussi un processus de médiation dans le projet de loi. Alors, non seulement
on peut avoir jusqu'à 60 jours de négociation, on a un processus de médiation si jamais les négociations achoppent.
À l'article
24 : «...l'association et l'employeur s'entendent sur le choix d'un
médiateur que le ministre du Travail nomme. À défaut d'entente, le ministre du
Travail nomme un médiateur, après avoir consulté l'association et l'employeur,
dans les 15 jours de la réception des listes mentionnées à l'article 23.»
À l'article
27 : «Le médiateur doit tenter d'amener l'association et l'employeur à
s'entendre à l'intérieur d'un délai de
30 jours suivant sa nomination. Ce délai peut être prolongé par le ministre du
Travail, une seule fois et à la demande du médiateur. La durée d'une telle prolongation est déterminée par le
ministre du Travail et ne peut excéder 15 jours.»
L'article 28 est très important pour le
gouvernement : «Le processus de médiation porte sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la modification,
directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle
condition de travail.» Et c'est là où nous avons le désaccord avec l'opposition
et le deuxième groupe d'opposition à cet effet.
Le renouvellement arrive à l'article 38. Parce
que c'est toujours le but du projet de loi n° 127, c'est d'arriver à cette
entente-là et à un renouvellement de la convention collective. L'article
38 : «Si une entente est conclue entre l'association
et l'employeur sur l'ensemble de la convention collective et est ratifiée par
les membres de l'association dans les
cinq jours de sa conclusion, la convention collective entre l'association et
l'employeur qui a expiré le 31 mars 2015 est renouvelée selon les termes
de cette entente.»
Alors, il est
très clair pourquoi nous sommes ici, pourquoi la procédure d'exception est
nécessaire pour adopter cette
loi : pour s'assurer de la prestation des services juridiques de l'État,
pour s'assurer que nos citoyens puissent avoir réponse à leurs dossiers... qui ont été soulevés par plusieurs députés
dans cette Chambre. C'est pour ça que l'Assemblée nationale a été
convoquée en séances extraordinaires par le premier ministre, pour se saisir de
ce projet de loi spécial visant le retour au
travail et la poursuite des négociations pour arriver à cette entente que
toutes les parties veulent avoir, le gouvernement inclus.
Il faut
préciser, M. le Président, que cette loi spéciale ne vise pas à imposer des
conditions de travail aux juristes, mais
à mettre en place les conditions favorisant la conclusion d'une entente
négociée. Et ça, c'est tout à fait possible dans la situation actuelle,
et c'est ce que nous souhaitons.
J'aimerais
terminer en citant des propos du député de Châteauguay et président du Conseil
du trésor, des propos que je fais les miens parce que je les trouve très
pertinents à la situation dans laquelle nous sommes présentement : «...le Québec est une société démocratique et
surtout un État de droit. Une société démocratique repose sur la représentation
de la population par des élus redevables et
imputables. Un État de droit, c'est une société dans laquelle est assurée
l'égalité de tous devant la loi, la démocratie, le respect des valeurs
fondamentales ainsi que les libertés individuelles et collectives.» Et je fais un aparté, car les libertés
individuelles sont une de nos valeurs fondamentales au Parti libéral du Québec,
et c'est pourquoi nous y tenons très fort, à ce principe.
Je
continue : «C'est précisément parce que nous vivons dans un État de
droit que les juristes peuvent exercer leur droit de grève, droit que — nous répétons — nous n'avons jamais remis en [question].» Il
est important, dans un État de droit, de faire l'équilibre entre le
droit des uns et des autres.
«À tous les
paliers de l'État, dans ses fonctions législatives et exécutives, les avocats
et [les] notaires jouent un rôle important.
[...]Ils ont la charge d'assurer le respect de la primauté du droit et la
conformité des actes de l'État avec la loi. Aucun élu [...] dans cette
Assemblée, ne sous-estime l'importance de leur charge, de leurs fonctions et de
leurs tâches. Ils font un travail exigeant, ils le font avec
professionnalisme et compétence.
«[...]Cette grève retarde des dossiers
névralgiques dans les ministères, et organismes gouvernementaux, et les tribunaux administratifs, dont le report a des
impacts sur plusieurs services à la population. Cette grève constitue donc une
entrave sérieuse au fonctionnement du
gouvernement et au processus judiciaire[...]. Elle porte atteinte aux intérêts
des Québécois.
«[...]Notre [premier] devoir comme gouvernement
responsable est d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques nécessaires à sa bonne marche.
Malgré le maintien des services essentiels, trop de citoyens en subissent
les conséquences directes et indirectes. [...]il est temps d'agir.»
Nous agissons, M. le Président, et nous voterons
en faveur du principe du projet de loi n° 127. Merci.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Merci à vous, M. le député de La Prairie. Je cède maintenant la parole à
M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.
M. Marc Picard
M. Picard :
Merci, M. le Président. Si nous sommes réunis cette nuit ici, c'est avant tout
pour les 791 femmes et
393 hommes qui sont avocats et notaires de l'État québécois. Ces gens-là
ont choisi, ont choisi de servir, de servir les citoyens du Québec.
Pour le
bénéfice des parlementaires, je vais faire une lecture de leurs principales
tâches, pour permettre aux gens de bien apprécier qu'est-ce qu'ils font.
Les avocats et notaires de l'État participent notamment à la représentation du gouvernement auprès des tribunaux civils, en plus
d'agir à titre de conseillers juridiques et légistes auprès des ministres
et présidents d'organisme, ce qui requiert
d'eux de faire respecter la primauté du droit de manière équitable et
indépendante, et
ce, sans interférence politique. Les avocats et notaires de l'État ont pour
tâche de servir le grand public. Ils jouent un rôle primordial dans l'administration d'un système de justice juste et
équitable. Ils ont la responsabilité principale de faire fonctionner le système de justice de manière à ce
que le public reconnaisse non seulement que ce système le protège, mais qu'il
est juste et équitable dans son fonctionnement.
Leurs
multiples devoir et responsabilités publics les distinguent des autres
fonctionnaires de l'État. Leur rôle dans le système de justice et au sein de l'État contribue à maintenir des
garanties essentielles à la primauté du droit dans une société libre et
démocratique.
De plus, ceux
et celles qui assument les responsabilités de poursuivant jouent un rôle
central dans le système de justice pénale.
Ce rôle requiert l'exercice du pouvoir discrétionnaire du poursuivant de
manière équitable et indépendante et, encore une fois, sans interférence
politique.
M. le
Président, si nous sommes ici ce soir, c'est suite à la, je dirais, malheureuse
troisième grève des juristes de l'État, qui malheureusement va se
conclure comme les deux premières, par des lois spéciales.
Il y a une
dizaine de jours, j'ai assisté à l'exercice de relations publiques pour essayer
de faire comprendre aux journalistes
que 10 % pour quatre ans, c'est la même chose que 9,15 % pour cinq
ans. Difficile à comprendre, c'est normal, c'est illogique. Ça va être le seul bout de mon allocution qui va porter
sur le salaire, parce que ce n'est vraiment pas une question de salaire, mais c'est pour démontrer
qu'actuellement le président du Conseil du trésor joue différentes cordes,
des cordes, je dirais, très simples à
comprendre pour les citoyens. Le président du Conseil du trésor dit :
C'est la même chose, ils ont la même
chose que les autres, puis c'est des bons salariés, mais donc il joue un peu la
ligne, je dirais, populiste, tout simplement.
• (1 h 20) •
M. le
Président, les avocats et notaires, leur principale demande, c'est d'avoir un
comité, un comité comme les procureurs,
un comité qui va faire des comparaisons en respectant certains critères, et par
la suite le rapport est déposé ici, et là l'Assemblée, le gouvernement décide.
Ce matin, le premier ministre répondait au chef de la deuxième
opposition, il disait : «L'autre enjeu, qui consisterait à sous-traiter à des tiers la rémunération des
employés de l'État...» C'est le contraire de la vérité. Parce que, si on avait
le même mécanisme pour les juristes
que celui pour les procureurs, le rapport est déposé ici et il y a une décision
de prise.
Malheureusement,
nous avons un gouvernement majoritaire, donc il décide et il fait qu'est-ce
qu'il veut. Mais là on veut, avec
cette loi, ne pas permettre d'avoir un exercice de comparaison réelle pour que
les juristes et le gouvernement... vont
faire valoir leurs points, puis il va y avoir un rapport, puis là, après ça,
là, le gouvernement décidera, et puis sa décision... supportera sa
décision, tout simplement.
Donc, LANEQ,
qu'est-ce qu'elle demande? C'est ça, comité pour évaluer le niveau de
complexité, en tout cas, qui sert à
toutes les tâches. Le gouvernement, lui, quand on dit qu'il a bonifié... Je
regardais, là, c'est certain, il a commencé, il a dit : On va maintenir le régime actuel, on a dépassé, comme
tous les autres employés de l'État, autres que les procureurs.
Après ça, il dit : On bonifie un groupe de
travail non exécutoire. Ah! un groupe de travail, mais ce n'est pas exécutoire. Dernière bonification : groupe de
travail ne le liant pas. Non exécutoire, ne liant pas, là, la progression n'est
pas énorme. Mais disons que, si le gouvernement dit que, pour lui, c'est une
progression, tant mieux, tant mieux.
Mais tout à
l'heure, en feuilletant le projet de loi n° 127, qui, rappelons-le, est
très semblable au projet de loi n° 135, là, qui ramenait les juristes de l'État au travail en 2011... Il y a
quelques ajouts, là, mais il y a surtout, comme disait tout à l'heure la députée de Pointe-aux-Trembles,
l'article 28, on vient dire, là, tout simplement, là : Il n'y en aura
pas, de comité, là. Parce que l'article 28, on vient dire... Parce que
tantôt j'écoutais le député de La Prairie... oui, La Prairie, qui
nous disait : Il y a un
processus de médiation, puis on veut vraiment qu'il y ait des résultats. Oui,
on veut qu'il y ait des résultats, mais toujours selon les balises du Conseil du trésor. Parce que
l'article 28 vient préciser que «le processus de médiation porte
sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la modification,
directement ou indirectement, du régime de négociation
applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle condition de
travail.» Donc, on vient dire : Il va y avoir une médiation, mais il faut s'entendre selon le carré de sable
établi par le gouvernement. Et, encore une fois, on dit à nos
juristes : Il n'en est pas question, du fameux comité.
Également,
des appuis, il y en a eu d'un peu partout. LANEQ a demandé à l'ancien ministre
Benoît Pelletier, que j'ai connu
parce que j'ai été là en 2003... J'ai côtoyé M. Pelletier lors de la réforme
du mode de scrutin, quelqu'un de gentil, sensé, et, lorsqu'il avançait des idées, il les supportait aussi. Et
j'ai pris connaissance de son opinion juridique. Et, si vous me permettez, M. le Président, je vais en déposer
une copie pour mes collègues libéraux parce que je ne suis pas certain qu'ils l'ont tous lue, surtout les nouveaux, là.
C'est vrai qu'on se fait dire des choses par les plus anciens, on se fait dire
des choses par le Conseil des ministres...
Document déposé
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, y a-t-il consentement pour le dépôt de l'avis juridique?
Des voix : ...
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Consentement. Très bien.
M. Picard : Mais, pour aider
mes collègues libéraux, là, lisez les trois premières pages, puis vous allez
être corrects, là. Je vais vous en faire un
petit résumé. Même les pages 2 et 3, je vais les lire de bout en bout
parce que ça donne vraiment le sens de...
Donc, M. le Président, M. Pelletier a
eu le mandat par LANEQ de chercher à savoir si on pouvait créer un comité
indépendant qui serait chargé de la
détermination des conditions de travail ayant une incidence pécuniaire comme
pour les procureurs.
D'entrée de jeu, M. Pelletier nous dit :
«Soulignons toutefois, dès le départ, que le droit de grève dont jouissent actuellement les avocats, avocates et notaires de
l'État québécois nous paraît très relatif, pour ne pas dire très hypothétique.
En effet, depuis le début des années 2000, il y [a eu] deux grèves suivies
de deux lois spéciales fixant les conditions de
travail et interdisant le droit de
grève.» Donc, demain, il y aura une
nouvelle version disant qu'il y a eu trois grèves, trois projets de loi
spéciaux.
Si
je continue, M. le Président, M. Pelletier nous dit : «L'adoption de
telles lois illustre [...] à quel point l'image de l'État lui-même est
influencée par la relation qu'il entretient avec ses juristes. En d'autres
termes, l'adoption de ces lois spéciales par
l'État québécois démontre à quel point celui-ci est sensible à la perception
que la population a de lui et à quel
point les grèves de la part de ses juristes ternissent cette perception et
fragilisent les assises mêmes de ce qu'il [a] convenu d'appeler "l'État de
droit". Car, il faut le dire, les fonctions qu'assument les juristes de l'État
québécois touchent au coeur même de l'action gouvernementale. Elles sont
du reste fort variées.
«De fait, les
avocats, avocates et notaires de l'État québécois sont les jurisconsultes du
gouvernement et de différents organismes
publics relevant de ce dernier. Ils conseillent et donnent des opinions en
matière de droit civil, pénal, public et administratif. Ils rédigent les
projets de loi déposés par le premier ministre ou les ministres à l'Assemblée
nationale[, ils] s'assurent de la constitutionnalité de ceux-ci. Ils rédigent
aussi la réglementation pertinente. De plus, ils assistent les ministres en
commission parlementaire et les conseillent sur les impacts dans la société des
règles de droit dont l'adoption est envisagée. Ils représentent, en demande et
en défense, le gouvernement et plusieurs [de ses] organismes [devant] l'État
dans tous [ces] litiges qui les opposent à la société civile, et ce, devant
tous les tribunaux judiciaires et
administratifs. Ils préparent et, dans certains cas, déposent des poursuites
pénales en lien avec les différentes missions
de l'État ou des organismes relevant du gouvernement, comme l'Agence du revenu
du Québec, l'Autorité des marchés
financiers, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la
sécurité du travail et l'Office de la protection du consommateur. Ils prodiguent également leurs conseils à certaines
entités particulières, comme l'Unité permanente anticorruption. Ils
représentent la Sûreté du Québec dans des dossiers de perquisitions, de
détentions et d'arrestations abusives
faisant l'objet de litiges en matière civile. Ils vont même jusqu'à représenter
les procureurs de la couronne dans des poursuites civiles intentées
contre eux.»
M.
le Président, si je poursuis : «Comme on peut le constater à la lumière de
ce qui précède, les juristes de l'État québécois
orientent les décisions de ce dernier et assurent le respect des lois et des
autres règles de droit, et ce, [...]en leur
qualité de conseillers, légistes ou plaideurs, ou que ce soit dans des matières
relevant du droit pénal, criminel, civil, public ou administratif.»
Or,
M. le Président, les procureurs de la couronne profitent d'un statut
particulier au sein de l'État québécois : ils sont couverts par la Loi sur le processus de détermination de la
rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation
collective. Pour déterminer les critères, il y a une série de questions, M. le
Président, que je vais lire. Et je
demanderais aux collègues, lorsque je vais dire «procureur», de mettre le terme
«juriste», pour voir si ça
fonctionne. Et, s'ils le font, ils vont voir qu'on pourrait appliquer tout
simplement le même mécanisme.
• (1 h 30) •
Donc,
les questions, c'est : «Quant aux questions dont nous avons dit [...]
qu'elles ne pouvaient pas être négociées par l'Association des procureurs de la Couronne, elles relèvent
toujours, selon la même loi, d'un comité de [...] rémunération constitué de trois membres. Ces derniers sont
désignés d'un commun accord par le gouvernement et l'association concernée.
Ce comité doit prendre en considération les facteurs suivants — M. le
Président : les particularités de la fonction du procureur; la nécessité d'attirer des avocats ayant les aptitudes et les
qualités requises pour exercer [les formations] de procureur; les conditions de travail et la
rémunération globale par heure travaillée des procureurs au Québec et ailleurs
au Canada, leur charge de travail, les
exigences [relatives] par les employeurs, les structures salariales et les
problématiques d'attraction et de
rétention; les responsabilités assumées par les procureurs au Québec et
ailleurs au Canada, leur charge de
travail, les exigences requises par les employeurs, les structures salariales et les problématiques
d'attraction et de rétention; la conjoncture économique du Québec, la situation
générale de l'économie québécoise et l'état des finances publiques
du Québec; les conditions
de travail et la rémunération des avocats du secteur privé québécois et d'autres salariés de l'État [et] tout
autre facteur que le comité estime pertinent.»
Mais,
à la fin de tout ça, M. le Président, on dit : «L'Assemblée nationale du Québec peut approuver, modifier ou rejeter en tout ou en partie les
recommandations [du] comité.» C'est si simple, M. le Président. Le comité est
créé, et après ça le gouvernement
décide. Tantôt, j'entendais mes collègues du parti gouvernemental dire :
C'est beaucoup d'argent. Si on n'a
pas les moyens, bien, le gouvernement décidera, mais au moins tout le monde aura
l'heure juste. Les juristes pourront
dire : Nous, on considère peut-être qu'on devrait avoir plus, le
gouvernement va peut-être dire non, selon les conclusions du comité.
M. le Président, les
partis d'opposition sont contre le projet de loi. Aujourd'hui, le Barreau du
Québec et la Chambre des notaires réclament
la médiation. Le titre : Il faut éviter la loi spéciale! Rien n'est
bon dans une loi spéciale, rien n'est
bon pour ces femmes et ces hommes qui travaillent pour l'État québécois, au
service de tous les Québécois, rien...
On prévoit la date de retour. Imaginons, imaginons l'adoption de ce projet de
loi, le climat de travail. Comment peut-on demander à ces gens... Même
si je ne doute pas qu'ils vont le faire. Parce que, malheureusement, ça va être
la troisième fois. Comme je disais tout à l'heure, trois grèves, trois lois
spéciales. Mais il y a un coût à tout ça, M. le Président, il y a un
coût : perte d'expertise. Tout à l'heure, le président du Conseil du
trésor nous indiquait : un poste, 1 000 applications.
Oui, sauf qu'on ne peut pas se baser là-dessus pour prendre les décisions.
L'État doit être pérenne, donc il doit avoir une continuité, doit
conserver le plus possible son expertise.
Donc,
M. le Président, vous comprendrez aisément que je vais voter contre ce projet
de loi, et je demande surtout à mes collègues libéraux de bien lire
l'avis juridique de M. Pelletier et peut-être d'essayer d'influencer le Conseil
des ministres pour retarder... On peut
retarder, on peut passer la semaine ici, là. On est bien à Québec, M. le
Président. Donc, je vous remercie, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député
des Chutes-de-la-Chaudière. Je suis prêt à céder la parole à un prochain
intervenant et je reconnais M. le député de Portneuf.
M. Michel Matte
M.
Matte : Merci, M. le Président. Si nous sommes réunis ici cette nuit,
c'est que nous avons décidé de prendre nos
responsabilités. Prendre des responsabilités, c'est aussi s'engager quand il
faut. C'est choisir, c'est décider dans l'intérêt de toute la
population.
Ce n'est pas
l'option que nous avions privilégiée pour trouver une issue au conflit dont
nous parlons cette nuit. Vous le
savez, M. le Président, jusqu'au dernier moment, nous avons été présents à la
table de négociation, et notre objectif était d'en arriver à une entente négociée. Le respect et l'estime que
nous avons pour les juristes de l'État ne sont aucunement mis en question. Pourtant, après 18 semaines
de négociation, force est de constater que ce sont bien des responsabilités
qui doivent nous guider pour débloquer cette situation.
M. le
Président, si nous ne prenions pas ces responsabilités qui nous incombent, nous
manquerions tout simplement de
solidité et de lucidité, car, devant la montagne de dossiers qui s'accumulent,
des situations de paralysie se multiplient partout au Québec. Dans
Portneuf, mon comté, plusieurs dossiers d'envergure sont tributaires de la
grève et sont tout simplement bloqués depuis
des mois. La municipalité de Donnacona a sonné l'alarme à de nombreuses
reprises à mon bureau de
circonscription pour que l'on puisse enfin approuver leur règlement d'emprunt.
La municipalité de Neuville retient son souffle pour un autre projet
d'importance.
M. le
Président, les exemples sont nombreux dans Portneuf comme ailleurs, nous ne
pouvons pas les ignorer. Il faut que
la situation se débloque maintenant. Les beaux jours arrivent. Vous le savez,
la saison estivale est courte au Québec, et certains travaux ne peuvent s'effectuer que durant le beau temps, et
certains projets sont mis en péril. Cette situation ne peut perdurer plus longtemps. Au stade
d'accumulation de retards où nous sommes rendus, ne pas avoir recours à la
mesure d'exception de ce soir, c'est tout
simplement fuir nos responsabilités, c'est empêcher de construire du solide au
bénéfice de l'ensemble des Québécoises et des Québécois.
M. le
Président, nous reconnaissons unanimement que le travail des juristes de l'État
est essentiel au bon fonctionnement de l'appareil gouvernemental, mais
aujourd'hui le conflit a des répercussions et des incidences très sérieuses sur le fonctionnement de l'État, et nous
n'avons plus d'autre choix que celui de réagir. Nous ne contestons pas
le droit de grève, mais, depuis novembre dernier, cette grève a eu des effets
néfastes, des effets qui ralentissent notre fonctionnement.
Cette grève pénalise nos municipalités, qui ne demandent qu'à se moderniser,
qu'à avancer, qu'à offrir de meilleurs services à nos concitoyens et
concitoyennes.
Le ministre Pierre Moreau l'a démontré
immédiatement lorsqu'il a pris...
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : M. le député de Portneuf, vous
connaissez la règle, on doit désigner un député ou un ministre par son
titre et non pas par son nom personnel.
M. Matte :
Oui, M. le Président. Le président du Conseil du trésor l'a démontré
immédiatement lorsqu'il a repris le
dossier, il était tout simplement ouvert à de meilleures négociations. Avec les
qualités de plaideur qu'on lui connaît, le ministre, le président du Conseil du trésor a, jusqu'ici, toujours
démontré avec talent la bonne foi de notre gouvernement pour trouver une
solution acceptable et gagnante pour tout le monde dans ce dossier.
Pour nous, la
loi spéciale demeure le tout dernier recours, mais nous sommes rendus là. M. le
Président, le retour au travail des
juristes de l'État n'est plus une option. Ce n'est pas de gaieté de coeur que
nous les forcerons à reprendre les
activités normales, mais, en notre qualité d'employeur, notre devoir est de
s'assurer que le fonctionnement de l'État soit respecté.
Il est incompréhensible que l'offre déposée par
le ministre, le président du Conseil du trésor, M. Moreau...
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
...
M.
Matte : ... — je m'excuse, le président du Conseil du trésor — alors qu'on met exactement les mêmes sommes
dans les poches des juristes de l'État que
dans celles des procureurs, ne soit pas acceptée. Les représentants de LANEQ
sont tout simplement inflexibles, ce qui a rendu la situation dans l'impasse
que nous connaissons.
M. le
Président, nos efforts et la bonne foi dont nous avons fait preuve depuis
18 semaines n'ont pas été saisis par les représentants des juristes
de l'État, et nous le déplorons, mais aujourd'hui nous n'avons plus qu'une
seule alternative possible pour débloquer la
situation. C'est à regret que nous constatons qu'une entente négociée paraît de
moins en moins possible. Le dépôt de
cette loi spéciale pour permettre le retour au travail des juristes de l'État
est incontournable.
Savez-vous, M. le Président, que, malgré tous
nos efforts et la bonne foi dont nous avons fait preuve depuis 18 semaines, la loi spéciale déposée ce soir,
ou cette nuit, là, permet le retour au travail mais permet également de
poursuivre les négociations? L'article 20
du projet de loi n° 127 permet une période de 45 jours pour négocier
en vue de convenir d'une entente
négociée. Donc, voici, le projet de loi n° 127 démontre la bonne volonté,
la bonne foi que notre gouvernement a démontrées depuis 18 semaines pour en
arriver à une entente négociée, tel qu'on l'indique dans l'article 20 du
projet de loi n° 127. Je vous remercie, M. le Président.
• (1 h 40) •
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député
de Portneuf, pour cette intervention. Je cède la parole maintenant à M.
le député de Jonquière.
M. Sylvain Gaudreault
M.
Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Évidemment, ce n'est pas de
gaieté de coeur que nous sommes ici à 1 h 40,
ce mardi matin, mais notre travail, notre responsabilité de parlementaires nous
oblige à être ici pour, au fond, oui, discuter
d'un projet de loi spéciale mais surtout faire le constat qu'encore une fois on
a devant nous un gouvernement qui n'a
pas rempli ses responsabilités, un gouvernement, comme on est habitués de le
voir, qui est encore victime et qui fait en sorte que les Québécois et
les Québécoises sont victimes d'un laisser-aller.
Il
y a eu trois grèves, dans les dernières années, pour les juristes : 2005,
2011 et la grève actuelle. Pas une, M. le Président, pas une grève, pas deux, trois, trois grèves qui se sont
conclues par trois lois spéciales. Alors, il faut le faire. On a devant nous un gouvernement qui n'apprend
pas, un gouvernement qui est là depuis 2003, sauf un intermède, et dans lequel il y a eu trois grèves qui se sont conclues
par des lois spéciales, mais qui n'apprend pas. Donc, la situation avec
la grève actuelle était prévisible, mais, encore une fois, le gouvernement a
laissé pourrir la situation.
La
revendication des juristes de l'État était bien connue, et ce, depuis
longtemps. C'est d'obtenir la reconnaissance d'un statut quasi judiciaire, avec un mécanisme adapté pour déterminer
les conditions de travail, calqué, au fond, sur celui des juges ou sur celui des procureurs aux
poursuites criminelles et pénales, ce qu'on appelle les PPCP. Au fond, la reconnaissance de ce système, la reconnaissance de
ce statut quasi judiciaire est une bataille professionnelle mais qui nous
ramène au fondement de notre système de
justice et au fondement du rôle d'avocat et de notaire, c'est celui d'être
indépendant, leur indépendance professionnelle.
Mais, comme le
gouvernement nous a habitués, et le président du Conseil du trésor est
certainement l'expert là-dedans, bien, ils
font de la diversion en ramenant constamment le débat sur soi-disant un enjeu
salarial, alors que l'enjeu de fond
n'est pas là. Mais constamment le gouvernement nous ramène ça à une question de
salaire. C'est drôle parce que, quand
c'est venu le temps d'accorder 600 millions aux médecins, là, ce n'était
pas important, là, sur les finances publiques, cette question des
salaires. Mais là, soudainement, dans la grève des juristes de l'État, là,
soudainement, la question salariale et
l'impact supposé sur les finances publiques sont un enjeu important. Mais ce
n'est que de la poudre aux yeux pour l'opinion, pour essayer
d'influencer l'opinion publique.
Il
faut se rappeler, M. le Président, que les juristes de l'État ont trois types
de fonctions absolument au coeur de la primauté
du droit et évidemment de l'ordre professionnel des avocats et des
notaires : fonction de conseil, entre autres, dans la rédaction, dans la conclusion des
contrats, des avis juridiques pour le gouvernement; fonction de
légistes, et on est tous
habitués ici d'en voir plusieurs auprès de nous, dans les commissions
parlementaires, en fait auprès des représentants du
gouvernement, pour la rédaction d'amendements, pour la rédaction des
projets de loi; et évidemment un rôle de plaideurs, entre autres devant les
tribunaux administratifs.
Vous
conviendrez avec moi, M. le Président, que ces fonctions sont aussi importantes
que celles exercées par les procureurs
aux poursuites criminelles et pénales, comme ça se fait ailleurs au Canada,
d'ailleurs, dans toutes les provinces canadiennes.
À la période des questions, en après-midi, vers 17 heures, le ministre a
dit : C'est faux, que ce n'est pas comme ça partout ailleurs au Canada. Encore une fois, ce n'est qu'un jeu.
Encore une fois, ce n'est que de la diversion. Les autres provinces à travers le Canada reconnaissent ce
statut comparable entre les plaideurs devant le... poursuites criminelles
et pénales et des juristes de l'État. Mais
là, quand ça vient le temps de discuter des grilles salariales, ça peut donner des résultats différents, mais il reste que le statut est le
même. Mais, encore une fois, le ministre veut faire de la diversion. Alors, quand
on parle de mauvaise foi du côté du gouvernement, c'en est une preuve.
Vous
savez, le refus du gouvernement de régler ce problème... Et, je répète, depuis au
moins 2011... Il y a eu la grève
de 2005, il y a eu la grève de 2011. Dans la grève de 2011, je
m'en souviens très bien, nous étions ici, encore une fois une loi spéciale. Le gouvernement avait pris des engagements, à
l'époque, de régler la situation, d'étudier ce statut quasi judiciaire. Bien,
ils ne l'ont pas fait. Alors, c'est quoi, la conséquence? C'est qu'on se
retrouve aujourd'hui avec une grève
des juristes de l'État qui a des conséquences sur le fonctionnement de notre
État : menu législatif très mince; impact sur les services aux citoyens devant la Commission des normes, de
l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, devant le Curateur
public; blocages dans la rédaction
des projets de loi, dans les règlements également;
retards devant les tribunaux administratifs, civils, devant les tribunaux pénaux; retards
devant Revenu Québec; retards devant l'adoption des règlements
municipaux, 300 règlements municipaux,
des contrats gouvernementaux... c'est particulièrement inquiétant,
et il faudra voir ce que le Vérificateur général en pense, mais des contrats gouvernementaux de l'ordre de 870 millions qui ont été octroyés sans
conseils juridiques.
Mais
ce n'est pas la conséquence... c'est la conséquence directe de la grève, mais,
si on en est là, c'est parce que le gouvernement a refusé, a abdiqué sa responsabilité
de régler la situation, qu'il connaît, parce qu'on en est rendus à la troisième reprise depuis 2005. Ce n'est que la responsabilité du gouvernement. Puis, quand j'entends les collègues du gouvernement, les députés du gouvernement
nous dire : Ah! c'est parce qu'il y a justement ces blocages dans le
système qu'il faut une loi spéciale, je n'en reviens pas, ils invoquent leur
propre turpitude. C'est parce qu'ils ont manqué à leur responsabilité comme gouvernement qu'on se
retrouve dans cette situation-là, M. le Président, et c'est une des raisons
pour laquelle on ne peut pas continuer comme
ça éternellement. Ça va être quoi la prochaine fois? On va se retrouver,
l'année prochaine ou dans quelque temps,
avec un autre conflit parce que le gouvernement va avoir encore manqué à sa
responsabilité? C'est le jour de la marmotte avec ce gouvernement.
Je
pourrais vous parler du projet de loi n° 102 sur la qualité de
l'environnement et du Fonds vert, qui a été, certainement, une belle
illustration des conséquences de ce manque de responsabilité du gouvernement et
également une belle illustration de la
mauvaise foi, également, du gouvernement dans ses négociations avec les
juristes de l'État. Un projet de loi
de 288 articles, M. le Président, le projet de loi n° 102, on siège
depuis novembre 2016. Depuis le début de l'année 2017, depuis janvier, depuis qu'on a été convoqués en
commission parlementaire... Puis je vois les juristes dans les tribunes,
je sais que plusieurs, plusieurs, plusieurs d'entre eux ont été assidus aux
débats en commission parlementaire sur le
projet de loi n° 102 pour montrer leur disponibilité, mais aussi, pour
eux, c'était un moyen de pression important
d'être présents. Donc, depuis janvier, on a siégé, M. le Président, du début
janvier jusqu'au 20 février, 40 h 38 min, jusqu'au
20 février. Et, sur ces 40 h 38 min, on a été suspendus
13 h 23 min, le tiers, le tiers.
• (1 h 50) •
Tous, ici,
nous sommes tous des parlementaires, nous sommes habitués de siéger en
commission parlementaire en étude article par article, essayez de me
trouver un projet de loi qui a été suspendu le tiers du temps. Le projet de loi n° 102, ça a été suspendu le tiers du
temps. Pourquoi? Parce que le gouvernement profitait de ces moments de
suspension pour faire travailler les juristes de l'État, en services
essentiels sous le principe du privilège parlementaire, sur des amendements. On l'a répété à plusieurs reprises en
commission parlementaire, puis je vois des collègues ici qui ont siégé sur cette Commission des transports et de
l'environnement sur le projet de loi n° 102, alors c'était une façon de
faire du gouvernement pour, sans le
dire, suspendre et, pendant cette période de suspension, faire travailler les
juristes de l'État en services
essentiels sur la rédaction d'amendements. Bien, on a refusé de jouer dans ce mauvais théâtre, parce que
ça revenait, M. le Président, savez-vous à quoi? Ça revenait à être des scabs. Puis ça, on a refusé
de jouer là-dedans, on l'a dit
à plusieurs reprises, de sorte qu'on
a été obligés d'ajourner la commission parlementaire. Parce qu'il y a une
différence entre l'ajournement et la suspension, comme vous le savez.
Alors, quand
on dit que le gouvernement a négocié de mauvaise foi, quand on dit que le
gouvernement cherchait par toutes
sortes de manières à empêcher les actions de bonne foi du gouvernement...
d'exercer leur droit de grève légitime, leurs moyens de pression
légitimes, bien, le projet de loi n° 102, c'est un bel exemple où le
gouvernement a abusé de suspensions, de
périodes de suspension pour faire travailler les juristes de l'État sur des
amendements ou sur du travail qui, au fond, nous assimilait, si on
consentait à ça, à être des scabs. Alors, on a refusé ça.
Alors, le
projet de loi n° 102 est certainement la plus belle illustration, un, de
l'absence de responsabilité, du sens des
responsabilités de ce gouvernement depuis 2011, ne pas avoir réglé la
situation, qui fait en sorte qu'on se retrouve dans un autre conflit de
travail. Et, deux, le projet de loi n° 102 a été une belle illustration de
cette mauvaise foi du gouvernement dans les
négociations, parce qu'il affectait le moyen de pression fondamental des
juristes de l'État à travers une commission parlementaire.
Le ministre,
président du Conseil du trésor nous a dit à plusieurs reprises qu'il ne croit
pas, et c'est assez fort quand même
dans sa façon de l'exprimer... le ministre ne croit pas au statut indépendant
des juristes de l'État, il l'a dit encore à la période de questions tout à l'heure. Alors que c'est reconnu partout
à travers le Canada, lui, il dit : Je ne crois pas à ça, au statut indépendant des juristes de l'État.
Pourtant, quand on regarde les fonctions de travail, ils font un travail, les
juristes, comparable aux PPCP. C'est
comme si, au fond, en faisant cet aveu, le ministre ne croyait pas à leur
professionnalisme, et tout ce qu'il
veut, c'est avoir du personnel qui va faire du travail partisan, où il va
pouvoir leur donner des commandes. Mais les juristes de l'État, c'est
des professionnels, ce sont des professionnels du droit. Ce sont des gens qui
sont tenus à l'État de droit, qui sont tenus
à faire respecter cet État de droit. Ce sont des professionnels, ils ne sont
pas là pour être utilisés à des fins partisanes, ne serait-ce que pour
protéger ce principe fondamental. C'est pourquoi nous devons reconnaître ce
statut, tel qu'ils le demandent depuis plusieurs années.
Le résultat
de tout ça, il est bien malheureux, M. le Président, c'est qu'on est encore
devant une loi spéciale, encore une
fois. C'est devenu une habitude avec ce gouvernement, usé à la corde, qui
trouve comme seule manière de régler un problème de nous convoquer la nuit pour adopter une loi soit sous le
bâillon ou une loi spéciale, ce qui revient au même.
Mais, sur le plan politique, c'est clairement,
clairement... même si le ministre, président du Conseil du trésor essaie de faire croire à tout le monde le
contraire, là, je veux dire, on ne se mettra pas la tête dans le sable, c'est
clairement la démonstration d'un échec cuisant, fort du président du
Conseil du trésor, qui était vu, quand il est arrivé dans ce dossier-là, comme le sauveur, hein? La meilleure
invention depuis le pain tranché, là, c'était le président du Conseil du
trésor, lors de sa nomination, qui allait
sauver et régler rapidement le conflit. Bien oui, il l'a tellement réglé
rapidement qu'on se retrouve en loi
spéciale encore une fois. Si c'était ça, je veux dire, il fallait le dire dès
le début, là, si on savait qu'on s'en allait vers ça, là. On va nommer ce
ministre le président du Conseil du trésor, qui va nous conduire à une
belle loi spéciale quelques semaines plus tard.
Alors, ce
n'est pas une solution négociée ou une solution politique, c'est une solution
imposée. C'est cette façon de faire
de ce gouvernement, puis c'est la marque de commerce de ce ministre, président
du Conseil du trésor, c'est ça également.
C'est
également un affront aux employés de la fonction publique, qui se retrouvent, les juristes de l'État, dans
une grève record. Il faut le faire. Le gouvernement est habitué d'accumuler les records, mais les records négatifs. Là, il
vient d'en accumuler un autre. Un record
dans la plus longue grève, au Canada, dans la fonction
publique. Wow! Quelle fierté!
Je vais
terminer quand même avec une belle illustration de ce que je vous
disais tout à l'heure de notre travail au projet de loi n° 102, où le gouvernement, par souci, évidemment,
de travail d'équipe, nous a déposé des cahiers qu'on appelle des articles commentés. Alors,
voilà, c'est ce qu'on a eu, un cahier vert, parce que c'était quand même
le ministère de l'Environnement, mais, regardez, c'est des feuilles — et je le dis en riant, mais ce n'est pas drôle — des
feuilles 8½ X 14 blanches,
sans notes explicatives, sans texte de référence. On en a eu cinq, six, des
cahiers comme ça. Belle conséquence de l'absence
de responsabilité crasse de ce gouvernement. Alors, évidemment, on sera contre
le principe du projet de loi n° 127. Merci.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci à vous, M. le député de Jonquière.
Mme la ministre de la Justice,
je vous cède la parole.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée : Merci,
M. le Président. Alors, maintenant,
voici ce moment de l'adoption de principe. J'écoutais notre collègue, qui vient tout juste de nous exhiber son cahier
vert, et il nous parle de mauvaises intentions et nous targue, targue ce gouvernement d'avoir négocié de mauvaise foi, d'être de
mauvaise foi dans les démarches aujourd'hui. M. le
Président, s'il y a une chose que ce gouvernement a faite au cours
des deux dernières années, c'est de négocier de bonne foi, négocier sérieusement,
avec cette volonté d'en arriver à une entente négociée.
Je veux
revenir... Notre collègue dit : Nous, finalement, on accepterait tout
ce qui est sur la table. Parce que, vous savez,
M. le Président, négocier, négocier, ça implique une réciprocité.
Négocier, ce n'est pas nécessairement abdiquer. Négocier, ça ne s'exécute pas à sens unique. Et ce que l'on entend de l'opposition
ce soir, c'est : S'ils avaient formé le gouvernement, ils auraient
accordé les demandes de LANEQ.
Moi, M. le Président, je ne veux pas prêter une intention à mon collègue,
pas du tout, mais je veux simplement porter deux petits
faits à votre attention ce soir. En 2013, le comité Clair avait déposé son
rapport sur la rémunération de la magistrature,
la rémunération des juges. On a fait le même exercice il y a
quelques semaines ici. La réponse gouvernementale à l'époque — on parle de la
magistrature, on parle d'un comité qui n'est pas liant — la
réponse du gouvernement du Parti québécois,
dont faisait partie notre collègue, à l'époque c'était une réponse qui refusait
et rejetait de nombreuses recommandations du comité indépendant. Le
gouvernement, dont notre collègue faisait partie, à l'époque avait bien saisi que certaines des recommandations allaient à
l'encontre de la capacité de payer des Québécois. Ils ont rejeté du revers
de la main un certain nombre de
recommandations qu'ils ont soumises à cette Assemblée. D'ailleurs, on les a
votées, on s'était prononcés sur
cette question-là le 28 février 2014. Et, six mois plus tôt, nous
étions, un 1er juillet, rassemblés dans ce salon bleu pour une loi spéciale déposée par la première ministre de
l'époque, forçant le retour au travail d'employés de la construction
pour des motifs, encore là, particuliers.
• (2 heures) •
Alors,
lorsque j'entends nos collègues de l'opposition, ce soir, déchirer leurs
chemises, lorsque je les vois déchirer leurs
chemises, lorsque je les entends s'insurger contre la procédure qui est en
place ce soir, permettez-moi d'avoir un petit doute et de me remémorer
certains échanges qui ont eu cours ici même, en cette Chambre.
Vous savez, M. le Président, dans ce dossier, on a beaucoup fait état, au cours des dernières minutes, au
cours de la dernière heure, de la particularité de la fonction de procureur. Il y a actuellement nos procureurs à la poursuite
criminelle et pénale qui sont nommés en
vertu d'une loi, en vertu de la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles
et pénales. Nos juristes de l'État, que nous respectons, sont, eux,
nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique.
Il y a des particularités au rôle de procureur
aux poursuites criminelles et pénales. Cette particularité-là, on la retrouve d'ailleurs dans le rapport du comité, qui
a été déposé — le
rapport Bouchard — en 2015.
Les procureurs aux poursuites
criminelles et pénales ont, en raison de leurs fonctions particulières, un empêchement
d'exercer certains droits civiques.
Ce n'est pas rien. N'oublions pas. Puis je pense que nous devons conserver
quand même en tête que les procureurs aux poursuites criminelles et
pénales n'ont pas le droit d'être membre d'un parti politique, n'ont pas le
droit de contribuer à la caisse électorale d'un parti politique, peu importe le
parti, que ce soit au niveau scolaire, municipal, provincial, fédéral. Le
procureur aux poursuites criminelles et pénales ne peut se livrer à aucune
activité politique.
Et on le
sait. Lorsqu'un procureur... et certains font le choix de participer plus
activement à la vie politique, ces derniers
vont se voir attribuer un autre classement justement en fonction de la Loi sur
la fonction publique. Pourquoi? Bien, parce que les procureurs aux
poursuites criminelles et pénales exercent des fonctions de nature quasi
judiciaire, ils ont un pouvoir
discrétionnaire dont l'étendue est très importante et a des conséquences très
vastes. Ils ont un statut d'officier
public. Donc, le caractère de la fonction commande ce caractère apolitique.
Alors, en raison de ce statut bien particulier,
ils ont un processus qui leur est propre pour déterminer de leurs conditions de
travail. Même chose pour la magistrature, M. le Président.
Nos collègues
souhaiteraient que ce comité, cette forme d'évaluation des conditions de
travail soient mis en place pour les procureurs... pour les juristes de
l'État. Nous ne partageons pas cet avis. Toutefois, toutefois mon collègue le président du Conseil du trésor a toutefois convenu
qu'il était possible de discuter de cet aspect-là de la négociation de façon
distincte, puisque, pour ce qui est des conditions de travail, M. le Président,
les négociations qui ont cours depuis deux
ans ont mené à des offres qui, en bout de piste, amènent à un écart positif de
355 $ en faveur des juristes de l'État, si on compare aux
procureurs aux poursuites criminelles et pénales.
Maintenant, cette offre salariale, cette offre
globale, elle est sur la table. L'élément distinct, c'est le statut des juristes. Est-ce que le tout justifie une grève
qui actuellement se poursuit depuis 18 semaines? 18 semaines, M. le
Président, de grève, deux ans de
négociation, six offres transmises et déposées par la partie gouvernementale,
chaque fois à la hausse en faveur des
juristes de l'État, six séances de médiation, l'été dernier, qui,
malheureusement, n'ont pas donné de lueur d'espoir.
Nous avons
énormément de respect pour nos juristes, mais la demande... J'écoutais notre
collègue de la deuxième opposition nous parler du comité liant, comité
liant que la magistrature et les procureurs aux poursuites criminelles et
pénales n'ont pas malgré la nature des fonctions toutes particulières dont je
faisais état plus tôt.
Donc,
M. le Président, nous sommes devant une impasse, une impasse de la situation
qui n'est pas sans conséquence pour
la population, qui n'est pas sans conséquence pour l'intérêt public dans son
ensemble. Alors, avant de déposer une loi, évidemment dans un contexte où le droit de grève est un droit reconnu,
qui a d'ailleurs été réitéré, et les atteintes à ce droit de grève là ont été limitées, de façon
substantielle, par un récent jugement de la Cour suprême... Et, dans l'affaire
Saskatchewan Federation of Labour, on
définit, évidemment... on dit ce qui suit, la cour dit ce qui suit : «Le
pouvoir unilatéral de l'employeur
public de décider que des services essentiels seront assurés durant un arrêt de
travail et de déterminer la manière dont
ils le seront, à l'exclusion de tout mécanisme de contrôle approprié,
[...]justifie la conclusion selon laquelle la [loi en l'espèce] porte
atteinte plus qu'il n'est nécessaire aux droits constitutionnels en cause.»
Alors,
nous, on fait l'inverse de ce qui a été prévu dans cette disposition attaquée de
la Saskatchewan. Le gouvernement propose
un équilibre entre le droit de grève et le droit, pour la collectivité, de
recevoir des services. Le projet de loi n° 127, déposé par le président du Conseil du trésor,
permet d'atteindre l'équilibre qui est complexe entre les intérêts respectifs
des employeurs, des salariés et du public,
parce qu'évidemment l'objectif est d'en arriver à une solution gagnant-gagnant
pour l'ensemble des parties.
Le projet de
loi propose spécifiquement la poursuite des négociations entre les juristes et
le gouvernement, malgré le retour au
travail. Le projet de loi prévoit des conditions de travail qui sont les
conditions de la dernière offre, c'est-à-dire des conditions qui amènent une parité avec les conditions que les
procureurs aux poursuites criminelles et pénales ont, et ce, sans pour
autant venir modifier le statut des juristes.
C'est un
projet de loi, M. le Président, qui est équilibré, équilibré parce que, je le
mentionnais un peu plus tôt lors de
ma prise de parole ce soir, les conséquences de la grève, elles sont majeures.
Elles sont majeures pour les citoyens, pour
les tierces parties qui non seulement contribuent à la rémunération de
l'ensemble du secteur public, mais qui aussi a droit à des services
juridiques, a droit de pouvoir avoir accès à ces services à l'intérieur d'un
délai raisonnable.
• (2 h 10) •
J'ai parlé de
report de 1 881 dossiers devant le Tribunal administratif du Québec.
Les collègues le reconnaissent, et
nous reconnaissons l'impact de cette grève. Mais l'impact de cette grève, il est important, et la balance des
inconvénients milite en faveur d'un retour au travail des juristes, mais
tout en maintenant une négociation avec l'employeur.
Alors,
lorsque je parle du TAQ, l'impact du report, c'est 415 jours que nous
devrons trouver afin de refixer ces dossiers
qui s'ajouteront au volume habituel du Tribunal
administratif du Québec. Les effets,
ce sont les 336 dossiers qui n'ont
pas encore été traités dans le contentieux de Québec et de Montréal,
des dossiers qui, bientôt, vont nécessiter des interventions urgentes,
rapides, pour assurer la préservation des droits des parties, préservation des
droits de l'État, mais aussi
préservation des droits des citoyens et des citoyennes qui sont en cause, parce que, de ces dossiers,
M. le Président, il y a des questions
de pensions alimentaires, des questions d'indemnités versées en vertu des
différentes lois.
Alors, M. le Président, l'impact de la grève a
et milite en faveur d'une intervention, une intervention qui est raisonnable, une intervention qui est balancée,
qui respecte les droits fondamentaux des parties, qui respecte les droits
fondamentaux de la collectivité et qui
assure, Mme la Présidente, la saine administration de la justice.
La loi spéciale, c'est une loi d'intérêt public, Mme la Présidente, et l'intérêt public milite en faveur de l'adoption
de cette loi spéciale, l'intérêt public milite en faveur d'un retour de nos
juristes de l'État en fonction au gouvernement, dans les ministères, et milite en
faveur d'une entente négociée, Mme la
Présidente, et nous croyons que le projet de loi n° 127 répond à ce
juste besoin d'équilibre entre les droits de l'ensemble de la société. Je vous
remercie.
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Alors, je vous remercie, Mme la ministre de la Justice. Je vais maintenant
céder la parole à M. le député de La Peltrie.
M. Éric Caire
M.
Caire :
Merci, Mme la Présidente. Jusqu'à date, Mme la Présidente, il s'est dit
beaucoup de choses, notamment de la
part des collègues du gouvernement, et ce que je trouve curieux, c'est qu'on a
abordé la question de la saine gestion. Pas que je ne suis pas d'accord avec ça, au contraire, je suis tout à
fait d'accord avec ça, mais j'ai entendu des collègues dire : Ce que les juristes demandent, c'est
30 millions sur cinq ans. Ça fait 6 millions par année. C'est
beaucoup d'argent, c'est vrai. Indéniablement, ce n'est pas des peanuts.
Quand on
pense, par contre, que celui qui dépose le projet de loi, le président du
Conseil du trésor, par son incapacité chronique
à gérer comme du monde, laisse 100 millions sur la table dans un seul
dossier... Je vous donne un exemple, je l'ai donné en Chambre, et
probablement que le député de Nelligan sait de quoi je parle, du moins je
l'espère, puis le ministre des Finances devrait le savoir lui aussi, mais je ne
suis pas sûr. Les centres de traitement de l'information, c'est là où on met les serveurs du gouvernement
puis où on va, évidemment, entreposer toutes les données nécessaires à la gestion du gouvernement, il y en a 450 au
Québec, bientôt 451, malgré un plan pour les regrouper, hein? Ils ont mis en
place un plan pour les regrouper, puis là on
passe de 450 à 451. Ce n'est pas exactement ma notion à moi du regroupement,
mais bon. Ça, Mme la Présidente, ça coûte...
c'est un gaspillage net par année de 100 millions de dollars. Je n'ai pas
entendu mon collègue de Mégantic en
parler, par exemple. Donc, 6 millions par année pendant cinq ans pour
payer à leur juste valeur les
juristes de l'État, qui font un travail essentiel, ça, c'est beaucoup d'argent,
mais 100 millions qu'on pellette, hein, dans le caniveau à chaque
année, ça, bon, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse?
Alors, je
suis pour la saine gestion, mais, la saine gestion à géométrie variable, vous
admettrez, Mme la Présidente, que ça
manque de crédibilité. Donc, avant de faire des leçons de saine gestion puis
avant de demander aux oppositions de bien réfléchir avant de dépenser l'argent
de l'État, bien peut-être, peut-être que le gouvernement devrait prendre
un gros, gros, gros miroir puis se regarder.
Puis
là je vous parle des centres de traitement de l'information, mais je pourrais
vous parler d'autres systèmes informatiques
qui ont fait l'objet de beaucoup, beaucoup, beaucoup d'articles, assez rarement
pour les bonnes raisons, plutôt parce
que c'était du gaspillage éhonté. Ce projet SAGIR qu'on appelle affectueusement
«ça chire», pour lequel on avait
acheté sept modules, on est en train d'essayer d'implanter le troisième, ça
devait coûter 80 millions, on dépasse le milliard. Ça aussi, c'est beaucoup d'argent, beaucoup d'argent qui ne
sert à rien, là, rien. Avec les juristes de l'État, on a des services, on a des gens compétents qui
nous donnent des services. Avec le gaspillage libéral, on n'a rien, juste
un gros, gros trou dans le budget. Bon. Donc, la saine gestion, évitez le
sujet, je pense, petit conseil d'ami.
Autre chose
qu'on a abordée aussi, quand on dit : Bon, bien, écoutez, là, il faut
faire attention, là, quand on négocie, on ne peut pas tout donner à tout
le monde ce qu'ils demandent, c'est vrai, entièrement d'accord, mais, dans une négociation, normalement, on donne puis on prend,
c'est ce qui est supposé se passer. Mais au final ce qui est important, c'est d'être capable de mettre en place des
conditions de travail qui vont faire en sorte que les employés vont être
heureux puis que nos employés qui ont
de l'expertise, ils vont rester. Pourquoi? La commission Charbonneau, Mme la
Présidente, ça vous dit-u quelque chose,
ça sonne un petit quelque chose? La commission Charbonneau, c'est le résultat
de quoi? C'est le résultat d'un
gouvernement, libéral majoritairement, qui a été incapable de garder son
expertise en ingénierie, hein? Il y
avait un beau système d'alarme; on l'a tout démonté morceau par morceau, on a
pris les fenêtres, on les a enlevées, on a enlevé les portes, puis là on s'est étonné que les voleurs rentrent
dans la maison. Bien oui, les voleurs, ils sont rentrés dans la maison.
Alors,
sur un autre registre, si on n'est pas capable de garder notre expertise
juridique, il va y avoir des conséquences. Donc, il y a des conséquences à dire oui aux juristes, mais il y a des
conséquences à dire non, comprenez-vous? Oui? O.K. Et ces conséquences-là, on les a vécues, elles
coûtent cher. Augmenter les salaires, ça coûte cher, mais perdre son expertise,
ça coûte encore plus cher. Ça, c'est la grande leçon de la commission
Charbonneau. Puis là, bien, il n'y a pas eu de commission d'enquête en
informatique parce que le gouvernement libéral l'a refusé systématiquement,
parce que j'imagine qu'avec Charbonneau ils
avaient eu leur dose de scandales, mais, d'après moi, on aurait appris aussi un
bon lot de mauvaises nouvelles,
conséquence de la perte de l'expertise. Donc, ne reproduisons pas les mêmes
erreurs, arrangeons-nous pour garder
notre expertise. Ça, Mme la Présidente, c'est la conséquence à ne pas être
capable de regarder ce qui se passe sur le marché puis d'être capable
d'accoter les salaires, les conditions de travail.
Dans le
projet de loi n° 127 qui nous préoccupe, il y a des failles. Je ne sais
pas qui l'a écrit, ce n'est peut-être pas
des juristes, mais il y a des failles. D'abord, vous allez devoir nous
expliquer pourquoi les avocats de Revenu Québec ne sont pas touchés par le
projet de loi. Il y a sûrement une raison, puis j'aimerais ça qu'on nous la
donne, parce que moi, je ne l'ai pas
encore trouvée, mais la notion de «salarié» s'adresse aux avocats de la
fonction publique et donc pas ceux qui
sont créés en vertu de la loi sur Revenu Québec. Donc, le ministre responsable
de Revenu Québec, lui, ses avocats, je ne sais pas ce qu'ils vont faire
avec, mais, bon, il y a un trou, un trou.
• (2 h 20) •
Autre petit
problème, l'article 28 du même projet de loi exclut nommément la
possibilité, pour un médiateur, de travailler
sur le comité indépendant. Le problème, Mme la Présidente, c'est que le comité
indépendant, c'est le coeur du problème,
parce qu'au point de vue salarial, bon, je n'étais pas à la table des
négociations, mais j'ai cru comprendre qu'on avait quelque chose qui ressemble à une entente. Ça ne fait pas
l'affaire de tout le monde, on s'obstine. Les juristes disent : On n'a pas ce que les procureurs ont, mais on
n'est pas si loin. La ministre de la Justice nous dit : Non seulement ils l'ont, mais ils
ont plus. Bon. On s'obstine. Mais on n'est pas si loin d'une entente.
Ce que les
juristes de l'État veulent, c'est un comité indépendant. Or, lui dit : Ça
ne se fera jamais. Bon. Ça pose un problème, Mme la Présidente, ça pose
un grave problème, parce que, s'il n'y a pas de comité, je vois difficilement
comment il pourrait y avoir une entente. Comprenez-moi bien.
Ce que je
comprends, c'est qu'au départ les juristes de l'État demandaient l'arbitrage.
Le président du Conseil du trésor
dit : Non, ça, c'est trop. Les juristes de l'État disent : O.K., un
comité indépendant, mais avec des recommandations exécutoires, donc ce que le comité recommande,
c'est ce qui est appliqué. Le gouvernement dit : Non, parce que les
juristes ne peuvent pas être traités comme les procureurs.
Bon. Moi, que
je sache, là, il y a une délégation du Procureur général du Québec et ministre
de la Justice, de ses pouvoirs en
matière de droit criminel et de ses pouvoirs en matière civile, qui sont
assumés d'une part par les procureurs, d'autre
part par les juristes du gouvernement. C'est comme ça que je comprends la
chose. Donc, la base du mandat part de
la même source. C'est la même formation, c'est la même obligation juridique,
c'est le même code d'éthique, c'est le même
ordre professionnel, c'est la même obligation d'aller plaider devant les
tribunaux. À date, ça se ressemble pas mal, à date.
Là, le
président du Conseil du trésor dit : Ah! mais non, attention, attention,
attention, ce n'est pas pareil. Ce n'est pas pareil pantoute, parce que, dans le cas des juristes, nous sommes le
client. Ah! les juristes, quand ils vont négocier, ententes hors cour, tribunal, ils ne peuvent pas,
en bon français, «closer le deal». C'est le gouvernement qui fait ça. Hé! toute qu'une différence, ça! Toute qu'une
différence. Parce qu'un procureur, lui, quand il négocie une peine, il n'a pas
à référer à personne. Ce n'est pas comme ça
que j'avais compris que ça marchait, mais, selon le président du Conseil du
trésor, ça a l'air que ça marche comme ça. Mais comprenez-vous qu'on est
dans les virgules, là, Mme la Présidente? Comprenez-vous
qu'il faut chercher des raisons pour dire que ce n'est pas pareil?
Comprenez-vous qu'il faut trouver une raison d'expliquer la pirouette.
Bon, c'est quoi, la pirouette?
Moi, j'ai un
document qui est intéressant. Je ne le déposerai pas parce que c'est un
document qui est déjà public. En fait, j'aurais aimé ça que vous me
demandiez de le déposer, parce que ça m'aurait permis de rire un bon coup...
Des voix : ...
M.
Caire : Envoye donc! Vas-y. Député de Vanier qui est
volontaire, Mme la Présidente. Entente de principe concernant certains éléments modifiant la
convention collective des avocats et des notaires 2010‑2015. Il y a un certain nombre de choses intéressantes dans ce document-là, entre autres le fait
que le gouvernement libéral actuel a signé cette entente-là, hein? Ça,
c'est la première chose qui est intéressante. 7 juillet 2011
L'autre chose intéressante, c'est les annexes.
L'annexe 7, entre... l'annexe 5, pardon. Page 7, mais
annexe 5. Qu'est-ce qu'elle dit,
l'annexe 5? Et là je vois que mes collègues sont pendus à mes lèvres,
disent : Voyons, c'est quoi, ça, l'annexe 5?
Bien, je vais vous le dire : Lettre d'entente concernant la réforme du
régime de négociation avec l'Association des juristes de l'État.
Beau titre. Qu'est-ce que ça dit? «Le gouvernement du Québec et l'Association
des juristes de l'État conviennent de
mettre sur pied, à la date de la signature — 7 juillet 2010, ça, c'est la date de la
signature — de
l'entente modifiée à la convention
collective 2010‑2015 des avocats et notaires, un comité patronal-syndical
composé d'un maximum de deux représentants de chacune des deux parties,
dont le secrétaire associé au sous-secrétariat du Conseil du trésor, [...]vice-président de l'association des
juristes», blablabla. Le mandat : «[Le] comité adopte les règles de
fonctionnement appropriées pour
l'exécution de ce mandat. À cette fin, chaque partie peut notamment
s'adjoindre, au besoin, les personnes qu'elle
juge nécessaires. Le comité doit déposer ses recommandations aux parties dans
les 12 mois suivant sa mise sur pied.» Alors, on va faire un petit
calcul vite, vite, vite.
7 juillet 2010 plus 12 mois,
7 juillet 2011...
Des voix : ...
M.
Caire : Bien oui, il sait compter. Moi, je sais compter.
Vous autres, visiblement pas, mais moi, je sais compter. Alors là, ça
nous fait un an de plus...
Des voix : ...
M.
Caire : Bien, Mme
la Présidente, si ma collègue exerçait son droit de silence, ça serait bien.
Donc, un an
plus tard, un an plus tard, il dépose des recommandations, donc ça nous
met en 2011. Eh oui, je sais compter.
Mais il dépose quoi, donc? «Dans le
cadre de son mandat, le comité devra
déterminer les éléments sur lesquels porteraient
les travaux d'un nouveau comité présidé par un tiers indépendant désigné par
les parties. Les recommandations formulées
par le comité pourraient être approuvées, modifiées ou rejetées en tout ou en
partie par le gouvernement.» Ils se sont entendus pour mettre en
place un comité dès la signature, 7 juillet 2010, qui devait mettre en
chantier ce fameux comité indépendant avec
des recommandations un an plus tard. Un an plus tard, ça nous met en
2011. Et, oui, on va continuer l'exercice mathématique, nous sommes en
2017, ce n'est pas fait.
Pourquoi
sommes-nous là ce soir? Parce que ce gouvernement a, encore une fois, renié sa parole. Mais,
pire que ça, là il a renié sa
signature. Il a renié sa signature parce
que, s'il avait fait ça, Mme la Présidente, il y aurait un comité indépendant. Et, contrairement
à ce que le président du Conseil du trésor essaie de nous expliquer
aujourd'hui, le gouvernement libéral, dans le temps, il pensait que c'était une bonne
idée, le comité indépendant. Il était prêt à travailler sur le comité indépendant, il était prêt à le
mettre sur pied, ils ont même signé une lettre à cet effet. Puis là aujourd'hui
ce n'est plus pareil, ce n'est plus pareil.
Mais, si on
avait fait ça, si on avait respecté sa signature, il y aurait
un comité indépendant, et ce soir nos tribunes seraient vides. Savez-vous pourquoi, Mme la Présidente? Parce qu'on ne serait pas là, parce qu'il y aurait une entente négociée sur des bases non arbitraires. Parce que
le comité, il fait quoi? Le comité, il établit des comparatifs; le comité,
il regarde l'historique salarial; le comité, il tient compte de la capacité de
payer des contribuables puis il fait des recommandations. Et ce n'est pas un tiers qui décide parce que,
comme le dit la lettre d'entente, le gouvernement peut ne
pas tenir compte des recommandations, peut les modifier ou peut les adopter, mais on
n'est pas dans l'arbitraire, et aujourd'hui
on ne serait pas en train de se poser les questions : Mais là ils
ont-u plus, ils ont-u moins, ils ont-u la même affaire, parce qu'on aurait des gens sérieux, crédibles et
indépendants qui donneraient l'heure juste à travers un document fouillé.
Mais, au lieu de ça, parce que ce gouvernement a renié sa signature, nos juristes sont dans la
rue au lieu d'être au travail, puis
nous, ce soir, on discute d'un projet
de loi plein de trous qui va avoir
pour seul effet de retourner de force nos
juristes au travail. Aïe! Ils vont être de bonne humeur mercredi matin, eux
autres, ça va leur tenter. Ils ne se posséderont plus, Mme
la Présidente, de rentrer au travail, là, avec un projet de loi de même.
Puis là j'entends, là j'entends : Oui, mais
ça ne force pas le retour au travail parce que ça laisse la place à une négociation. Bien oui, un couteau sur la gorge, le fusil sur la tempe, on négocie.
Si on ne s'entend pas dans 100 jours, on reconduit la convention
collective jusqu'en 2020. Wow! Ça, c'est un contexte de négociation idéal.
Alors, Mme la Présidente, vous comprendrez, pour toutes ces raisons, que non seulement je vais voter contre ce projet
de loi, mais je vais me battre, avec toute l'énergie dont je dispose, pour
essayer de faire entendre raison à ce gouvernement.
• (2 h 30) •
La Vice-Présidente
(Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de La Peltrie. Maintenant, je suis prête à reconnaître le prochain intervenant.
Il s'agit de M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Robert Poëti
M. Poëti :
Merci, Mme la Présidente. On a entendu plusieurs choses depuis plusieurs
heures, certaines surprenantes. Subitement,
on s'est aperçu que, dans cette Assemblée, tous les partis politiques, sans
égard à leur formation, connaissent vraiment
très bien les juristes de l'État. Tout d'un coup, c'est devenu, pour l'ensemble
des députés ici, dans cette salle, un point important de bataille. On a vu la
députée, évidemment, de Québec solidaire s'exprimer partout sur les tribunes,
bras dessus, bras dessous avec Me Denis,
aujourd'hui, «hot room», si vous me permettez l'expression, le trottoir, le
coin de la rue, l'entrée, les
corridors, s'exprimer à haute voix. Pour qui? Pour les juristes de l'État. Pas parce
qu'elle se sent en péril avec la carte électorale, pas parce qu'elle a besoin d'un peu de visibilité, d'aucune façon. Vraiment,
elle s'est battue pour les juristes de l'État, qu'elle connaît très bien
depuis à peu près deux semaines. Et ça, c'est à quoi on a droit ici aujourd'hui.
Qu'est-ce qu'on a eu droit également ce matin?
Une envolée lyrique. Le député de Sanguinet, vraiment, à l'ouverture de cette session particulière, un
envol avec des rebondissements sans arrêt. En fait, incapable de s'exprimer
calmement, incapable de discuter calmement,
incapable de nous donner un seul exemple précisément qui concerne les
juristes de l'État, mais on a eu droit à une pièce de théâtre assez sérieuse.
D'un autre côté, on entend aussi les gens de la
CAQ qui... Là, je viens de voir le collègue trouver une façon extraordinaire — ça, je vais lui donner — de faire un détour sans fin pour revenir à
son dossier à lui, l'informatique. Tout ça pour qui? Pour les juristes de l'État. Un grand détour extraordinaire
pour nous dire qu'il y a 4 000 serveurs au gouvernement, et là on cherche où sont les juristes de l'État.
C'est vrai, ils doivent utiliser à l'occasion des ordinateurs. C'est une blague,
Mme la Présidente.
C'est grave, ce qu'on vit ici aujourd'hui. C'est
grave, ce qu'on vit ici aujourd'hui, et moi, depuis le début des discussions,
j'ai toujours eu la conviction qu'il y avait une possibilité d'entente.
Pourquoi? Parce que je connais personnellement
les juristes de l'État. Parce que, quand on a un privilège d'être dans un
ministère, on travaille avec eux directement;
je sais qui ils sont, je connais leurs compétences. Est-ce que c'est le cas de
la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques?
Permettez-moi d'en douter.
Et là on fait
des parallèles parce qu'aussi, tout d'un coup, tout le monde est devenu
spécialiste dans le domaine des procureurs de la couronne, hein? Sur une
base régulière, nous, on est au palais de justice? La réponse, c'est non. Mais je connais aussi très bien les procureurs de
la couronne par un travail, évidemment, que j'ai eu pendant 28 ans, où on
a côtoyé des procureurs de la couronne. Tous
les policiers côtoient les procureurs de la couronne, et, savez-vous quoi,
Mme la Présidente, on côtoie les juges aussi parce que les juges sont aussi là
en finalité. Mais ça, ça intéresse tout le monde
depuis deux semaines, on est tous spécialistes là-dedans, on est capables de
comparer le travail de un, le travail de l'autre. Tous ces gens-là qui, pendant des semaines, ont voulu se faire
entendre, tout d'un coup, ils ont des alliés, des alliés extraordinaires
qui appuient sans aucune difficulté les demandes.
Est-ce qu'on
peut prendre juste un pas de recul, Mme la Présidente, et regarder les choses
telles qu'elles sont? Il n'y a pas
quelque chose de bien compliqué dans la vérité, il y en a une seule, les
juristes de l'État, effectivement, il y a un passé de discussion où il y a eu des lois spéciales. Et, quand
j'entendais les collègues de la première opposition nous dire : Le Parti libéral... Et là on entend la
partisanerie tellement forte qu'on n'entend plus le problème des juristes de
l'État, on entend la partisanerie
faire dire des choses qui me sidèrent. Quand j'entends : Ce gouvernement-là a fait une première, bon, il semble que, sur le volet
salarial, on ne serait pas trop loin, et c'est terrible, ce que ce gouvernement-là
fait.
Ils ont
oublié, ils ont oublié que ce gouvernement-là a non
seulement coupé le droit de grève à
450 000 fonctionnaires,
mais ils ont coupé 20 % de leur
salaire, 20 % du salaire des employés de l'État. Ça, si ce n'est pas un
record, je me demande qu'est-ce que c'est. C'est ça qui s'est passé, et
nous, aujourd'hui, dans des discussions, dans des tentatives, dans des négociations difficiles, certes, on va blâmer notre gouvernement de donner la
parité salariale, même un peu plus, parce
que c'est sur cinq ans. On verra ce que les procureurs de la couronne auront.
Et ça, ça ne marche pas.
On a pris le
tableau, on l'a expliqué, puis on a regardé les offres, les demandes et où on
se retrouve aujourd'hui. Et là
on dit : Bien non, le salaire, ce n'est plus important. On n'a pas parlé
de salaire vraiment. Ah non? Première demande. Et la valeur
intrinsèque du salaire dans un emploi, c'est normal. Quand un employeur
rencontre un employé puis que l'employé
dit : Bien, le salaire, ce n'est pas grave, M. le patron, moi,
engagez-moi, puis on en reparlera après... Ce n'est pas ça qui se passe,
la réalité de la valeur intrinsèque du salaire va avec l'emploi.
On a entendu,
il n'y a pas longtemps, le président
du Conseil du trésor, hier, s'est
réglé par négociation — pas
facile parce que les négociations, c'est ça — le
contrat, évidemment, des gens qui travaillent à l'intérieur des centres de détention, les
agents correctionnels. Depuis 60 ans, il semblerait qu'on ne s'était pas
entendu d'une façon négociée. Bien, c'est
arrivé. 60 ans, un autre record, Mme
la Présidente, mais pas de l'opposition. Et est-ce que c'est important, les gens qui travaillent à l'intérieur des centres de
détention? Je ne le ferais pas, moi, Mme
la Présidente. Ces gens-là font du
temps à l'intérieur, mais l'autre côté des barreaux. Est-ce que c'est
important, ce travail-là? Est-ce qu'il doit être reconnu? Bien sûr. Et demandez aujourd'hui à un agent correctionnel si ses conditions de travail peuvent
se comparer à celles d'un juriste de l'État.
Bien, je les entends déjà me
dire : Bien, voyons, là, M. le député, vous comparez quoi, là? Bien, je
compare un employeur de l'État qui a
réussi à négocier dans des conditions difficiles un travail qui n'est pas
facile, que pas n'importe qui va faire. Et, aujourd'hui, on va nous dire
qu'on était de mauvaise foi pour négocier avec les juristes?
Avant d'être
adjoint parlementaire du président du Conseil du trésor, j'ai suivi ce
dossier-là. Et, à chaque fois que j'avais l'occasion de discuter, de parler
avec les juristes de l'État, je leur disais : J'espère que ça va se régler
le plus rapidement possible, j'espère qu'on
va réussir à s'entendre pour vous, les pères, les mères de famille, les gens,
de jeunes avocates, de jeunes
avocats, de jeunes notaires qui ont décidé de venir au gouvernement du Québec
pour faire une carrière avec, certes,
des bonnes conditions, qu'ils veulent améliorer, et c'est tout à fait louable,
1 100 personnes au service de l'État, Mme la Présidente. Les gens qui travaillent en milieu de
détention sont aussi au service de l'État, les procureurs de la couronne
sont aussi au service de l'État.
Et, quand on a eu le député de la CAQ, de
Borduas, qui, pourtant, a une formation d'avocat, venir blâmer le président du Conseil du trésor, je pense qu'il a
frappé un mur, je pense qu'il a eu une leçon de droit qui lui a fait la
différence entre notre droit ici, au
Québec, et à travers le Canada, la différence du quasi-judiciaire lorsqu'on
parle des procureurs de la couronne. Un procureur de la couronne et un juge ne reçoivent pas
de directions, d'orientations, de décisions de leur patron, jamais. Quand le juge décide, c'est en
fonction de ce qu'il a entendu, des règles de droit, des jurisprudences, c'est
sa décision. Quand les procureurs de
la couronne reçoivent un dossier, ils l'étudient, ils l'évaluent et, en âme et
conscience, doivent être convaincus
qu'ils vont gagner ce dossier-là. Et, quand ils ont fait l'exercice, ils
décident d'aller de l'avant ou, dans certains cas, de retirer les accusations.
C'est leur propre décision, et personne — et ça, c'est notre droit au
Québec — personne
ne peut les influencer ou leur ordonner d'agir différemment.
Qu'est-ce
qui se passe avec un juriste de l'État? Le client, c'est le gouvernement. Et ce
n'est pas mal en soi parce que c'est
la fonction. Et le juriste de l'État vient, évidemment, porter des
recommandations, faire un travail important, mais en finale, que ça leur plaise ou pas, c'est le patron qui décide
qu'est-ce qu'on va faire parce que c'est une information, une expertise essentielle à la prise de décision
politique. Là est la différence. Ils veulent un statut que les juges n'ont pas,
ils veulent un statut que les procureurs
n'ont pas. Mais le salaire, ce n'est pas grave. Le salaire, ce n'est pas
important. Pourtant, le salaire est là, on l'a très bien démontré.
• (2 h 40) •
Comment
se fait-il qu'à la lumière des informations que nous avons on se retrouve ici
aujourd'hui avec ces gens-là qui, depuis 18 semaines, se retrouvent dehors
sans emploi, sans argent? Permettez-moi de penser, Mme la Présidente, que, par habitude de consultation, les juristes, lorsqu'ils ne sont pas au travail, consultent quelqu'un
d'autre pour les guider. Et la
décision de celui qui les guide, c'est Me Denis, celui qui a mené ces négociations-là. Et, quand on parle d'échec, j'ai un peu peur sur la projection de ce que j'ai entendu de
Me Denis. J'ai été sidéré à chaque fois d'entendre des phrases de cette nature et, derrière lui,
1 100 personnes qui dépendent d'un commentaire, d'une décision,
d'une orientation parce
que c'est de nature chez eux, professionnellement, de le faire.
Je
vais le citer, Mme la
Présidente : «La grève
"durera autant [...] qu'on n'aura pas ce qu'on demande."» Je vais
revenir tantôt sur la définition globale d'une négociation. Ça, c'est le
11 novembre 2016 : «Le gouvernement devra porter l'odieux de l'impact de cette grève sur la population.» On est toujours
au mois de novembre, je vous rappelle quelle date on est aujourd'hui.
On
était partis sur une drôle de tangente, mais ça peut arriver, hein? Quand on a
entendu le député de Sanguinet
ce matin, c'est sûr qu'on était partis sur
une drôle de tangente, c'était un dérapage complet. Mais on se dit : Avec un peu de recul, il va se replacer. Non, ça
n'a pas été le cas.
23 février,
Me Denis : Nos demandes sont les mêmes depuis le début. La population
est derrière nous, même les radios-poubelles.
Lui, il représente
1 100 juristes, des gens professionnels, sérieux, qui ont du
vocabulaire, qui ont une profession, qui ont une fierté, et je les
connais.
On
continue, 7 novembre : «Ils sont rendus à nous manquer de respect,
c'est carrément du mépris.» Là, on est arrivés vers le mépris puis le
respect.
On continue :
«C'est de l'ignorance et c'est du mépris[...]. Ils sont en train de nous rouler
dans la farine.»
Ce
sont des gens de mots, les juristes de l'État. Celui qui les représente dans la
négociation fait preuve de peu de mots : C'est juste du mépris à
notre égard. Le gouvernement ment quand il prétend rechercher l'équité. Est-ce
qu'il parle de l'équité salariale? Les
demandes, évidemment, de LANEQ, 119 000 $; le gouvernement,
116 997 $. Les procureurs, 116 642 $. C'est vrai que
ce n'est pas équitable, ils ont un peu plus. Ça, c'est la réalité, Mme la
Présidente. Et il y a 1 100 personnes
qui étaient dehors aujourd'hui, qui n'ont pas encore de salaire, des impacts
sur leurs familles. Et celui qui les
guide, c'est ce qu'il dit : «Le mépris s'accentue, le mépris continue,
a-t-il dit. Ils ne font que ça, [parce qu'ils] veulent nous épuiser, ils
veulent nous faire rentrer à genoux.»
Et
là écoutez bien, qu'est-ce qu'on fait ici? Une loi spéciale. Ça n'a pas de bon
sens, Mme la Présidente. Qui aurait voulu
ça? Me Denis. «On les met au défi : faites-nous donc une loi spéciale pour
voir.» Ça, ça a été le mot de bienvenue au président du Conseil du trésor lorsqu'il a pris le dossier par les
différentes nominations. On les met au défi. Ils nous demandent : «Faites-nous donc une loi
spéciale pour voir.» Je ne sais pas ce que les 1 100 juristes ont
pensé de ce défi.
On
continue : «M. Leitão parle de négocier dans le cadre habituel. Moi, j'ai
dit à M. Leitão — et là on
parle de beaucoup de mots — on s'en fout, du cadre habituel.»
On continue :
«Ça va nous amener encore plus loin pour nuire au gouvernement lors de la
prochaine session parlementaire.» Oh! là, ça, c'est de la bonne foi!
Qu'ils
nous fassent ça, ils vont voir, mais qu'on rentre, qu'est-ce qui va arriver.
Savez-vous quoi? Je ne le crois pas,
moi, des 1 100 juristes de l'État parce que ce n'est pas ce type de
personnes là. Mais celui qui les guide et les conseille, c'est ça qu'il dit, lui : Faites-nous
rentrer, vous allez voir ce qui va se passer. Ça, c'est de la bonne foi, Mme la
Présidente? Je vais vous dire, si on
veut débattre ça devant les tribunaux...
M. Denis, il parle de prendre sa retraite plus rapidement,
là. Il a dit ça, là, il a dit ça aujourd'hui. Il les aide vraiment, là, il leur donne tout un coup de main : Je
vais prendre ma retraite un an plus
vite, moi, hein? Dans le fond, là, c'est un gouvernement de merde, je le cite. Les 1 100 juristes sont
fiers d'avoir quelqu'un qui les a
guidés là? «Le président du syndicat avait recommandé à ses membres de rejeter
massivement "l'offre de merde" du ministre Moreau.» Des gens
de peu de mots.
Là,
M. le président du Conseil du trésor a dit : Écoutez, on explique les
chiffres, on les donne, on les démontre, on fait des tableaux, on invite
les médias, on dit à la population du Québec : Voici ce qu'on offre, là.
Savez-vous ce que M. Denis a répondu? «Qu'il [la] fasse, [son offre,] on
va la démolir, son offre.» Et là, bien, à l'occasion, parce que publiquement il n'y avait pas toujours la députée
de Sainte-Marie—Saint-Jacques
pour aller devant une caméra, il est allé
sur Twitter : «Puis les maudits procureurs de la couronne, je les
emmerde.» Sérieux, là, sérieusement, Mme la Présidente, c'est
inquiétant.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, c'est quelque peu
inquiétant, M. le député. Il faut que vous soyez un peu plus prudent
avec vos propos, même en citant des articles.
M. Poëti :
...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, ce sont des propos qui sont inacceptables ici, en notre enceinte,
alors je vous demande un peu plus de prudence. Merci.
M. Poëti : Je vais être très prudent. En fait, je vais
arrêter de citer Me Denis. Et, si je citais les 1 100 procureurs
et les juristes de l'État que j'ai
rencontrés, dont ceux avec qui j'ai travaillé, je n'ai jamais
entendu l'ombre d'un mot de cette nature,
Mme la Présidente. Alors, si on cherche le problème,
je pense qu'on l'identifie assez facilement,
on est guidé vers une contre-négociation, on est guidé en dehors du
cadre naturel qu'on veut avoir. En clair, Mme la Présidente, un salaire
moyen au-delà de 100 000 $ pour 35 heures-semaine, du temps
supplémentaire payé, un régime de retraite financé en partie par le gouvernement, des avantages sociaux, une sécurité
d'emploi, ça, ça a une valeur, Mme la Présidente, ici, au Québec. Et on
reconnaît la compétence des juristes, on reconnaît leur capacité à travailler.
Depuis le
début des négociations, j'ai entendu, par tout le monde des oppositions, qu'on
était de mauvaise foi et qu'on n'a
pas bougé. Le 16 février 2016, le 24 novembre 2016, le
30 novembre 2016, le 24 janvier, le 23 février 2017... a eu des nouvelles offres. Et c'est pour ça qu'à
chaque fois que je les rencontrais je disais... et j'étais fortement convaincu
qu'on arriverait à s'entendre. Mais il y a
une chose qu'ils ont oubliée et il y a une chose que les gens à la table
auraient dû leur dire : C'est clair, le président du Conseil du trésor, le
gouvernement actuel n'acceptera pas de donner à un tiers la décision, l'imputabilité, la responsabilité de
choisir les conditions de travail. C'est notre responsabilité pour les citoyens
du Québec qui paient des impôts.
On s'est
entendu avec 450 000 fonctionnaires, on s'est entendu avec des
groupes particuliers comme eux. Les agents
correctionnels, depuis 60 ans, une entente négociée. Nous n'étions pas
capables de nous entendre ensemble, je ne le crois pas encore. Et il aurait
fallu, dans une négociation, un pas de part et d'autre, et non rester sur une
prémisse de base. Une fois que le salaire a été entendu, bien là, tout
d'un coup, le statut était plus important que la réalité.
Alors, Mme la
Présidente, on est tristes de voir une négociation se terminer comme celle-là.
Mais le président du Conseil du
trésor a eu la générosité, à l'intérieur du projet de loi, encore une fois, de
donner une chance à la négociation. Mais,
pour le citoyen qui a eu un accident d'automobile, pour la personne qui a un
problème majeur parce que c'est une victime
d'acte criminel, pour les citoyens qui ont besoin des services publics, bien,
ces gens-là, aujourd'hui, sont brimés. Après 18 semaines, il est temps que
le gouvernement dise : C'est assez, et demande aux procureurs, aux
juristes de l'État de travailler avec
nous, et être capables de s'entendre à l'intérieur d'une négociation réfléchie,
de travailler à l'intérieur d'un
cadre pour permettre une entente entre les deux, et que les citoyens du Québec
cessent d'être lésés par des phrases,
par des mots qui ne leur ressemblent pas. Merci, Mme la Présidente.
• (2 h 50) •
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Richelieu.
M. Sylvain Rochon
M.
Rochon : Merci, Mme la Présidente. J'aurais bien pu, à une dizaine de reprises, me
lever invoquant l'article 35. Ce discours à l'emporte-pièce, Mme
la Présidente, du député de Marguerite-Bourgeoys...
Des voix : ...
M.
Rochon : Ah! c'était un
discours à l'emporte-pièce. Il est bien mal placé pour critiquer ce qu'il a
entendu de notre côté plus tôt aujourd'hui. Ce discours à l'emporte-pièce, il est instructif, Mme la Présidente. Il aura servi à quelque
chose, à nous aider à comprendre pourquoi nous en sommes là aujourd'hui. Nous en sommes là en raison de cette attitude, en raison de cette attitude, Mme la Présidente, de ce discours vieux comme la terre, de cette stratégie vieille comme
la terre consistant à semer la division, hein, chez la partie syndicale.
Il y a
Gilbert Lavoie qui écrivait dès janvier : «Personne ne croyait que le gouvernement laisserait "sécher" ces serviteurs de l'État sur le trottoir aussi longtemps.
[...]le gouvernement a opté pour la ligne dure.» C'est Gilbert Lavoie qui a écrit ça. On l'a entendu, la ligne dure, il y a
un instant, d'ailleurs. «L'explication officielle est que l'on créerait un
précédent coûteux en cédant aux demandes des
juristes qui veulent le même traitement que les procureurs de la couronne.
On m'a expliqué que, contrairement aux
procureurs, les avocats du gouvernement ne plaident pas devant les tribunaux.
C'est faux — écrit Lavoie. On m'a aussi déclaré que les
procureurs doivent être indépendants du pouvoir dans leur travail, comme les juges. Serait-ce — demande
Lavoie — que
le gouvernement croit que ses avocats et ses notaires sont les valets
des politiciens?» C'est une bonne question, Mme la Présidente.
«Ça finira
par se régler — conclut
Gilbert Lavoie — mais
imaginez un peu l'atmosphère de travail quand [les] 1 100 employés reprendront le travail
avec une importante dette de grève qu'il leur faudra rembourser pendant des
années.»
Mme la Présidente, c'est donc hier et aujourd'hui
que le gouvernement a choisi de faire sa loi. Parce que ce gouvernement est un gouvernement
qui fait sa loi. Hier et aujourd'hui...
Une voix : ...
M.
Rochon : Oui, sa loi, faire
la loi, faire sa loi. Hier et aujourd'hui, après quatre mois de travaux parlementaires au ralenti qui n'avaient pas
l'air de bien déranger l'équipe ministérielle, je me vois encore demander au
leader adjoint, à la rubrique des renseignements sur les travaux, s'il ne fallait pas regretter
les cahiers incomplets, sans notes explicatives, remis aux députés pour l'étude article par article
des rares projets de loi au
feuilleton. Je me réentends lui faire remarquer que des commissions parlementaires — mon collègue de Jonquière a fait allusion à
ça, tantôt — étaient
convoquées pour, finalement, ajourner
leurs travaux avant l'heure. Ça ne paraissait pas beaucoup l'impressionner, Mme
la Présidente. Ça ne l'impressionnait
pas, il tournait ça en dérision. Et voilà qu'en pleine semaine de travail en
circonscription, deux semaines statutaires,
là, prévues au calendrier parlementaire, voilà que maintenant, plutôt que de choisir de négocier à temps plein, de profiter de ces semaines-là, le gouvernement nous sollicite de
quitter nos circonscriptions pour son coup de force. Parce qu'une loi spéciale, c'est un coup de
force.
Mme la Présidente, notre devoir comme députés est notamment, c'est vrai, un
travail de législateur, celui d'étudier, d'analyser, de voter les projets
de loi. Ce rôle, les citoyennes
et les citoyens du Québec nous ont élus dans chacune des 125 circonscriptions que nous représentons pour que nous l'exercions avec sérieux, ils ont investi en
nous leur confiance. Eh bien, nous
devons nous en montrer dignes. Adopter à la vapeur, en participant dans la
nuit, un projet de loi spécial, ce n'est pas à la hauteur de ce qu'on
attend de nous, Mme la Présidente.
Cette
procédure d'exception, Mme la Présidente, suspend des règles qui n'ont pas été
établies innocemment, qui n'ont pas été établies juste pour noircir du
papier. Elles ont été établies pour éviter aux Québécoises et aux Québécois savez-vous quoi? Un gouvernement qui impose sa
loi. Ce gouvernement impose sa loi, il impose ses conditions. Il dicte,
il contraint, il détermine, il commande.
Alors, il court-circuite le processus de négociation, d'une part, et, d'autre
part, par le recours à des procédures
d'exception, le travail rigoureux pour lequel nos concitoyennes et nos
concitoyens nous ont élus. Cette
façon de gouverner, Mme la Présidente, n'est pas celle d'un gouvernement qui
cherche des consensus, n'est pas celle
d'un gouvernement à la recherche du vivre-ensemble. Ce gouvernement, il veut
faire la loi, la faire seul, sans nous. C'est ça, son modèle. C'est sa
philosophie, c'est sa manière, faire sans, faire seul.
Il y a mon
collègue de Borduas qui, tantôt, n'a pas eu tort de parler du réseau de la
santé. Là aussi, le gouvernement fait
la loi, impose sa loi, ce qui s'est traduit par l'abolition, dans nos
circonscriptions, des centres de santé et de services sociaux. Devant
l'hôpital, chez moi, à Sorel-Tracy, n'a toujours pas été retiré de son socle le
panneau annonçant le Centre de santé
et de services sociaux Pierre-De Saurel. C'est écrit ça : CSSS
Pierre-De Saurel, direction générale. Eh bien, c'est désormais, ce panneau-là, un monument élevé au
passé, ça n'existe plus. Ça n'existe plus parce que le gouvernement fait
la loi chez moi. Terminées, les instances locales, c'est le ministre qui
décide.
Qui sont les
juristes de l'État, Mme la Présidente? 1 100 avocats, notaires
répartis dans les ministères et organismes du gouvernement du Québec. Au
service de l'intérêt public, ils participent à la représentation du
gouvernement en tant que plaideurs
auprès des tribunaux civils, administratifs, pénaux. Ils agissent comme
conseillers juridiques et légistes auprès des ministres et présidents d'organisme, les juristes de l'État qui
fournissent des conseils juridiques apolitiques, dictés par le respect de la primauté du droit, alors
fonctions de conseil, enquête, appels d'offres, conformité constitutionnelle.
• (3 heures) •
La ministre
de la Justice a dressé un portrait à faire peur, un peu plus tôt, des impacts
de ce conflit de travail en ne se
rendant pas compte d'une chose essentielle,
et j'ai trouvé ça surréaliste, absolument surréaliste. Elle ne se rend pas
compte que ce gâchis, c'est celui de son gouvernement, son gouvernement, Mme la
Présidente. Est-ce qu'elle sait
qu'elle est au gouvernement? Est-ce qu'ils savent qu'ils sont au gouvernement?
Je me le demande parfois.
Un millier de contrats, pour une valeur de 868 millions
de dollars, octroyés sans conseil juridique depuis quatre mois. C'est leur faute, là. La plupart de ces contrats se
trouvent au ministère des Transports du Québec, tu sais, au
moment où j'ai juste devant moi, là, le député de Marguerite-Bourgeoys. Alors, c'est une préoccupation à
apporter auprès du Vérificateur général du Québec. Il faut examiner la
conformité de ces contrats-là, certainement. Les plus importants contrats gouvernementaux octroyés par appel d'offres depuis
le début de la grève : 111 millions de dollars, achat de produits pétroliers par le Centre de
services partagés du Québec; 71 millions de dollars, contrat pour la reconstruction du pont Gouin sur la rue
Saint-Jacques à Saint-Jean-sur-Richelieu, octroyé par le ministère des Transports;
48 millions, achat de véhicules légers
par le Centre de services partagés du Québec. Et, dans le cas des contrats
conclus sans appel d'offres, les plus importants concernent des services
professionnels, 40 millions de dollars; des produits technologiques, 24 millions; des produits
applicatifs, 15 millions, acquis par le Centre de services partagés du
Québec.
Nos juristes,
ils occupent des fonctions de légistes, hein, élaboration de lois, de
règlements, de programmes, de politiques.
Notre menu législatif a été très mince pour une deuxième session parlementaire
consécutive. C'est leur faute, Mme la
Présidente. C'est la faute de ce gouvernement qui n'a pas négocié, qui n'a pas
négocié de bonne foi, il n'y avait qu'à
entendre tantôt le ton du député de Marguerite-Bourgeoys pour nous en
convaincre, Mme la Présidente. Alors, impact sur les services aux citoyens, commission des normes et de la santé et
sécurité au travail et Curateur public, blocage dans la rédaction d'au
moins 20 projets de loi, plus de 220 projets de règlement.
Je vois le
ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles qui aura bien besoin des
juristes, lui dont le projet de loi
n° 106, maintenant adopté en pleine nuit sous bâillon, là, comme
maintenant d'ailleurs, est parsemé, n'est-ce pas, de reports à des règlements dont on n'a jamais encore
vu la couleur et qui vont déterminer sa portée. Un autre incroyable déficit démocratique. Retard dans environ
6 000 causes devant les tribunaux administratifs, civils et pénaux.
Retard sur plus de 400 dossiers
de cotisation judiciarisés à Revenu Québec, pouvant représenter plus d'une
dizaine de millions de dollars en
intérêts. 300 règlements d'emprunt dans les municipalités,
870 millions en contrats gouvernementaux octroyés sans conseil juridique approprié,
500 000 heures de travail au moins et conseils juridiques non rendus
au gouvernement.
Mme
la Présidente, la mauvaise foi de ce gouvernement doit cesser. Elle doit
cesser. Nous réclamons depuis le début
du conflit que les négociations soient menées de bonne foi afin qu'une solution
négociée soit trouvée dans les plus brefs
délais. On s'attendait à ce que le président du Conseil du trésor abandonne le
ton de la confrontation et fasse tout ce qui est en son pouvoir pour dénouer l'impasse. Ce n'est pas ce qui s'est
produit. Le ministre, Mme la Présidente, il peut faire arrêter la grève, c'est vrai, mais on ne
construit pas l'avenir en s'y prenant comme il s'y prend. On compromet
l'avenir. Et vous savez quoi? Les
Québécoises et les Québécois se rendent compte, réalisent que ce gouvernement
compromet leur avenir. Le
gouvernement avait sans doute fait le pari que les Québécois n'y verraient que
la poursuite d'intérêts corporatistes, syndicaux,
personnels. Bien non, ça ne s'est pas
produit. Ils ont de l'estime pour ce groupe-là et puis ils réalisent que c'est pas mal plus compliqué pour les juristes de l'État
de négocier que pour les médecins, pas mal plus compliqué. Le président du Conseil du trésor ne devait pas être
très à l'aise de voir son collègue de la Santé négocier avec les médecins,
n'a pas dû trouver ça bien, bien
responsable. Le leader adjoint, là,
qui tout à l'heure nous citait le salaire moyen d'un juriste, j'aimerais
ça qu'il nous cite le salaire moyen d'un radiologiste, Mme la Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le
député de Richelieu. Maintenant, je vais céder la parole à M. le député
de Sainte-Rose.
M. Jean Habel
M.
Habel : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, ce n'est pas dans la joie
que le gouvernement prévoit l'adoption de
mesures législatives d'exception, mais, depuis quatre mois, le conflit de
travail perdure entre le gouvernement et ses employés avocats et
notaires. Après quatre mois, il n'était plus l'heure à la médiation mais bien à
la négociation. En l'absence de volonté des avocats et notaires de l'État
québécois, le syndicat qui représente les juristes de la fonction publique a effectué un silence radio suite à la
proposition finale de mon collègue, et l'absence de la table de négociation,
jumelée à un défi lancé de mettre une loi
spéciale, galvanisé par Me Denis, il apparaissait évidemment improbable
d'en arriver à une entente dans ces
termes. Je ne répéterai pas les propos de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys,
qui a cité plusieurs propos non parlementaires de la part de
Me Denis, qui a certes terni, Mme la Présidente, le processus des
négociations entre LANEQ et le gouvernement.
Mme la Présidente, j'ai beaucoup de respect pour
les juristes de l'État. Cependant, étant donné leur travail essentiel au bon
fonctionnement de l'appareil public, nous n'avions d'autre choix que de prévoir
l'adoption d'une mesure législative
concrète et d'exception. C'est ainsi que mon collègue ministre responsable de
l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des
programmes et président du Conseil du trésor a présenté le projet de loi
n° 127, Loi assurant la continuité de
la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la
poursuite de la négociation ainsi que
le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la
prestation des services juridiques.
Mme la Présidente,
nous avons toujours agi de bonne foi dans la négociation avec nos employés.
Lorsqu'on regarde les
450 000 employés de l'État qui se sont entendus avec le gouvernement,
nous pouvons réaliser que nous avons toujours
eu la main tendue avec les employés de l'État. Vous pouvez le voir encore cette
nuit, nous avons eu une entente de principe avec les agents de la paix,
notamment, hier, ceux aussi qui travaillent dans les services correctionnels.
Cependant,
lors de la médiation, nous avons proposé des offres qui à chaque fois étaient
de plus en plus intéressantes aux
juristes de l'État, et force est de constater, Mme la Présidente, que les
avocats et notaires de l'État, qui sont en grève générale illimitée
depuis le 24 octobre 2016, depuis plus de quatre mois, ne voulaient pas,
eux, mettre de l'eau dans leur vin, alors
qu'on a fait une proposition qui dépassait le salaire des procureurs.
Cependant, avec le projet de loi n° 127, Mme la Présidente, nous
demeurons toujours ouverts à la négociation, avec aussi une mention de
conciliateur.
Mme
la Présidente, cette mesure spéciale vient du fait que leur travail est
indispensable, et il est important pour nous, après plus de 18 semaines, de ne pas mettre au détriment ce
conflit pour les citoyens du Québec. De nombreux citoyens attendent à être entendus dans des causes qui
touchent leur vie personnelle et professionnelle. Pensons aux nombreuses
personnes qui attendent d'être entendues dans un système judiciaire qui
s'engorge étant donné les journées de grève supplémentaires,
qui retarde des dossiers névralgiques dans les ministères, les organismes
gouvernementaux et les tribunaux administratifs.
Cette grève est en soi un blocage sérieux au fonctionnement du gouvernement et
au processus judiciaire, de même qu'à
l'exercice des droits pour les citoyens du Québec. Elle porte atteinte à la
prestation de services pour les Québécois, et nous devions en venir à
une résolution.
• (3 h 10) •
Le député de Borduas,
Mme la Présidente, a affirmé que des projets de loi et des règlements sont en
attente, il y a des annulations de
commission parlementaire, il y a des remises massives dans les différents
dossiers de la cour, et je pourrais
continuer encore et encore, Mme la Présidente. Mais essentiellement ses propos
étaient : Réglons la situation. Il
apparaissait donc évident qu'il voulait que les juristes de l'État reviennent au travail le plus rapidement possible. Et
la citation aussi de la députée... les propos de la députée de
Pointe-aux-Trembles allaient dans le même sens, Mme la Présidente, nous
devions en venir à une résolution de ce conflit.
Le
projet de loi n° 127 permet donc un retour au travail, mais aussi la
poursuite de la négociation, Mme la Présidente. C'est un projet de loi
qui est équilibré, un projet de loi qui vient régler la situation, mais aussi
perdurer la négociation, Mme la Présidente. Il fallait le faire pour les
citoyens du Québec. Ce sont des mesures de négociation constante qui seront offertes dans le projet de loi n° 127. Parce
que, si on regarde hier, il apparaissait évident qu'on était dans une
impasse, Mme la Présidente, nous avions une volonté de négocier. Mais,
lorsqu'on regarde les chiffres... Et, Mme la
Présidente, je ne suis pas avocat, mais je suis comptable et, lorsqu'on regarde
les chiffres, Mme la Présidente, ils
sont clairs. À chaque fois que le gouvernement a rencontré les gens de LANEQ,
il y avait une augmentation des offres gouvernementales. Du
16 février 2015 jusqu'au 23 février 2017, il y a eu des augmentations
constantes des offres gouvernementales,
allant même, suite à ce que le président du Conseil du trésor est entré en
poste, à une augmentation par rapport à celle des procureurs au niveau
salarial.
Mme la Présidente, ce sont des mesures
concrètes, de bonne foi que nous avons présentées et, le député de Marguerite-Bourgeoys, Mme la Présidente, l'a
évoqué, il y a eu, de la part de Me Denis, un ternissement des négociations.
Cependant, nous nous
sommes levés à chaque fois — et le président du Conseil s'est levé — afin de toujours bonifier les propos, parce que nous trouvons que les
juristes font un travail essentiel pour l'avenir du Québec, mais nous devons
toujours le faire avec des balises claires.
Et quoi de plus clair, Mme la Présidente, que des chiffres, des chiffres qui
sont, ici, assez clairs jusqu'au
23 février. Nous allons leur demander de poursuivre la négociation avec le
projet de loi n° 127, Mme la
Présidente, c'est clair, net et précis. Mais, quand on se fait mettre au défi
de faire une loi spéciale, ce n'est pas dans la perspective d'améliorer
le climat de négociation, Mme la Présidente.
Par
ailleurs, LANEQ demande aussi que le même régime de négociation soit celui
applicable des procureurs du DPCP et
que la mise en application immédiate de celui-ci soit afin de recouvrir la
période en cours. Cela ne représente pas la vision de notre
gouvernement, Mme la Présidente. Nous ne pouvons, Mme la Présidente,
sous-traiter 60 % des dépenses
publiques de l'État. Nous ne pouvons le faire, Mme la Présidente, parce que, si
nous le faisons, nous confions à un tiers qui est non imputable la
gestion de 60 % des dépenses de l'État. À titre de comptable, je ne le
suggère pas, Mme la Présidente, parce que, si on confie ça, on rend non
imputables les élus de cette Assemblée nationale.
Et
soulignons quand même que le gouvernement a proposé la mise sur pied d'un
comité consultatif devant faire rapport,
dans un délai donné, sur le statut des juristes de l'État et que LANEQ a
refusée. Alors, Mme la Présidente, le projet de loi n° 127, c'est un projet de loi qui est équilibré, c'est un
projet de loi qui propose, oui, le retour, dès le 1er mars, de la
présence des juristes de l'État, mais c'est un projet de loi qui, lorsque vous
allez le consulter, Mme la Présidente, à l'article 20,
l'article 21 et tous les articles subséquents, propose une négociation qui
doit être de bonne foi, des mesures claires qui nous amènent, si le
besoin est, vers un conciliateur ou la médiation.
Alors,
Mme la Présidente, c'est sûr et certain que nous allons devoir voter pour ce
projet de loi. Mais, Mme la Présidente, il faut être deux pour danser,
il faut que Me Denis soit capable de réaliser que ce sont des offres qui sont
essentielles, qui sont intéressantes pour les juristes de l'État, mais il doit
aussi réaliser que nous devons, chacun des deux
côtés, être de bonne foi. Nous l'avons fait maintes et maintes fois en
augmentant nos offres du 16 février 2015 au 23 février 2017. Alors, nous allons procéder dans un processus de
bonne foi. Nous invitons aussi les gens, comme Me Denis, à procéder de
cette façon. Alors, je vais voter pour le projet de loi spéciale. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente
(Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Sainte-Rose. Et maintenant
je vais céder la parole à M. le député de René-Lévesque, tout en vous rappelant que vous disposez d'un
temps de parole de 11 min 53 s.
M. Martin Ouellet
M. Ouellet : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Donc, à mon tour de prendre
la parole et de clore ce débat, du côté
de ma formation politique. Il est présentement 3 h 15, alors je manque peut-être
un petit peu de voix, mais j'ai encore toute la
vivacité d'esprit pour positionner, encore une fois, ce projet de loi. Puis je pense
que ça serait important de le remettre en contexte.
Ce projet de loi là, Mme
la Présidente, assure la continuité de la prestation des services juridiques au
sein du gouvernement et permet la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des
salariés assurant la prestation de ces services juridiques.
En
d'autres termes, Mme la Présidente,
c'est une loi qui met fin aux moyens de pression pour forcer le retour au
travail en définissant un cadre très strict,
fixe dans le temps, avec des pénalités syndicales, et ce, sans une offre
salariale à la hausse, le tout en niant l'existence fondamentale d'une
situation d'exception dans le statut des salariés et en ne permettant pas d'en
discuter pour mieux le circonscrire.
En gros, on casse les
moyens de pression, on retourne à l'ouvrage. Bref, on a assez perdu de temps,
Mme la Présidente, on vous donne — aux gens de LANEQ — 60 jours pour négocier, 45 jours
de médiation, donc 105 jours, total, pour arriver à une fin, une fin qui devrait convenir exclusivement des
salaires, rien sur le statut. Et, si on ne s'entend pas, Mme la
Présidente, bien, on reproduit la convention collective telle qu'existante pour
les cinq prochaines années.
Alors,
Mme la Présidente, pour nos citoyens, pour nos travailleurs, pour nos juristes,
pour l'état des relations de travail,
il est important de recentrer le débat où il doit être : c'est un débat de
droit et non un débat de chiffre. Et, on a vu, la partie gouvernementale a essayé de gagner
l'opinion publique. Ils ont essayé de démontrer la justesse de l'imposition de
la loi et essayé de faire passer ce projet
de loi là comme étant la solution, comme étant la raison, Mme la
Présidente. Oui, ce projet de loi,
c'est la solution libérale pour punir les travailleurs, c'est la raison
libérale de renier un principe fondamental, Mme la Présidente, de libre
négociation.
Et
j'ai assisté à l'ensemble des représentations de tous mes collègues, mais
quelques-unes m'ont fait un peu tiquer les oreilles, je vous dirais, Mme la
Présidente. Tout d'abord, le député de Mégantic est arrivé avec un constat
alarmiste : les juristes de l'État gagnent 100 000 $ par
année pour 35 000 heures par semaine...
Des voix :
...
• (3 h 20) •
M. Ouellet : ...35 heures par semaine, pardon. Et il a déposé ça dans le débat,
juste comme ça, en nous faisant peut-être croire que c'était une norme.
Mme la Présidente, ce n'est pas une norme, c'est un état maximal d'une situation. Alors que les juristes ont obtenu, à
travers toutes leurs négociations... je pense qu'ils ont obtenu un salaire plus
que convenable pour un travail essentiel et
exigeant. Et ils ne l'ont pas volé, Mme la Présidente, ils l'ont négocié, ils
l'ont obtenu, ils se sont entendus,
ils l'ont convenu, bref, entre les parties. Et ça, c'est le fruit de plusieurs
négociations. Alors, Mme la Présidente, le débat n'est pas là.
Deuxième
chose qui m'a fait titiller un peu : la masse salariale. Là, on nous a
fait miroiter... on nous a fait comprendre
que 60 % de la masse salariale des juristes était le coût. Et là on a
grossi la loupe, on a dit : Chaque pourcentage compte
dans la gestion des finances publiques, c'est important. Alors, en grossissant
la loupe, Mme la Présidente, on a transformé ces pourcentages en
millions, et ces millions-là ont été inclus dans des milliards.
Je
pense qu'il faut faire attention, Mme la Présidente. Les demandes des juristes
ne sont pas affriolantes, ils ont
demandé un rattrapage. Mais, lorsqu'on
grossit cette loupe-là, ça a l'air immense, dans l'enveloppe globale du gouvernement. Mais j'aimerais savoir, moi,
si cette attention particulière qu'on porte à ce pourcentage donné ou enlevé
aux juristes de l'État est aussi importante
et préoccupante que ce pourcentage supplémentaire qu'on a donné aux médecins. Est-ce que, dans un État de droit, ce pourcentage est moins important
pour les juristes qu'il ne l'a été pour les médecins spécialistes? Est-ce que
le droit des médecins et des spécialistes d'avoir une plus grande rémunération est
plus grand que le droit des juristes d'avoir une pleine compensation? Mme
la Présidente, je pense que le débat ne se situe pas là non plus.
Les
collègues gouvernementaux aussi, pendant la nuit, ont essayé de nous
dépeindre l'obstination de LANEQ de
ne pas vouloir régler selon les offres du gouvernement à coup de
citations du président de LANEQ, et même certains de nos collègues nous ont lu les découpures de
presse, découpures de presse que nous avons tous lues dans nos documents.
On a tenté de diaboliser LANEQ, on a tenté
de pointer son président pour en faire un coupable, de trouver le méchant.
On a essayé de démontrer son intransigeance
comme étant un signe de fermeture, qu'il a mis au défi le gouvernement d'une loi spéciale. Si on est
rendus là, Mme la Présidente, aujourd'hui, ça serait de sa faute à lui et à ses
membres.
Non,
Mme la Présidente, ce n'est pas ça qui fait qu'aujourd'hui on est rendus là. Nous, on a une autre version. Ma députée la
collègue de Pointe-aux-Trembles a rencontré les membres de LANEQ plus souvent,
je suis convaincu, que l'ensemble des
collègues et des ministres de la partie gouvernementale. Et les
membres, en solidarité, ont décidé de mener
un combat juste. Après des promesses brisées des dernières négociations, grève, loi spéciale, ils ont voulu dialoguer, Mme la Présidente, ils ont voulu faire comprendre, ils ont voulu expliquer, ils ont voulu
démontrer le bien-fondé de leur représentation, pourquoi ils se
battaient pour ça, pourquoi ils faisaient la grève à chaque jour dans le froid.
Ils ont essayé d'avoir cet espace de
discussion qui, malheureusement, Mme la Présidente, achoppe, puisqu'on est
rendus à une loi spéciale.
Ce
qui est encore plus aberrant, puis c'est ce que j'ai cru comprendre aussi,
c'est qu'il existait une différence entre ce que le ministre disait dans les médias, dans sa capacité de négocier
ou dans sa volonté de négocier, et ce qui était transmis aussi à la table des négociations auprès des
négociateurs. Alors, on avait deux discours entre ce qu'il voulait être comme
étant l'idéal à atteindre, mais ce qui était concrètement offert aux membres de
LANEQ. Alors, de dépeindre le syndicat, et son président, et les membres comme étant le grand diable dans les
détails dans cette négociation... Je pense, Mme la Présidente, que c'est
hasardeux de ne prendre qu'un seul revers de la médaille et ne pas regarder
l'autre côté.
Mme la Présidente, si on est rendus là,
c'est-à-dire de voter une loi pour forcer le retour au travail et de déterminer
un cadre temporel de négociation, je pense
qu'il y a eu un trou de mémoire du côté de la partie gouvernementale, là.
On dirait que leur hippocampe, là, il n'a pas fonctionné au bon moment, là. On
oublie que la convention collective était échue
depuis 2015, on oublie ces 18 semaines de grève qui servaient aux membres
de LANEQ de se faire entendre et de se
faire voir. L'échec n'appartient pas aux juristes, Mme la présidente, il
appartient au gouvernement d'avoir usé de stratégies de négociation pour affaiblir la position
syndicale, de profiter d'un momentum à l'avantage du gouvernement pour
justifier son intervention. Et là, là, on a entendu l'avantage, là.
Présentement,
les tribunaux sont embourbés, Mme la Présidente. On a fait des représentations
ici, en Chambre, avant même la grève des juristes. Les tribunaux étaient
déjà embourbés, on manquait de procureurs, on manquait de monde. Il n'y a pas juste nous autres qui l'ont dit,
les spécialistes sont intervenus, puis la ministre a décidé d'agir et mettre du
monde supplémentaire. Ça fait que l'embourbement qu'on vit aujourd'hui n'est
pas tributaire exclusivement de la situation des juristes, mais il est
tributaire d'un ensemble de facteurs, et ça, je pense qu'il faut en tenir
compte.
L'autre
partie qui nous force à agir rapidement, c'est l'urgence du menu législatif,
Mme la Présidente. Je ne sais pas si cette urgence est pour l'avenir,
mais elle n'est assurément pas pour le passé, puisque le menu législatif est
très mince — et mon collègue de Jonquière, d'ailleurs,
vous l'a bien démontré lors de son étude article par article dans son projet de loi n° 102 — ses cahiers sont vides, sont blancs. Alors,
le président du Conseil du trésor fait des farces avec les cahiers à colorier du collègue de la deuxième
opposition, mais ce qu'il nous remet en commission, ce sont des cahiers
blancs, des cahiers à dessiner, Mme la Présidente.
Une
guerre de chiffres encore, le gouvernement ne veut pas confier à un tiers
l'établissement des conditions de travail, ça serait un impair, selon
eux, ça serait incompatible avec la capacité financière. Là, Mme la Présidente,
là, là j'achoppe. Là, là, la dichotomie
frappe le gouvernement. En décembre dernier, avec le ministre des Affaires
municipales, le député de Nelligan, on est venu jouer dans le Code du travail pour créer un nouveau régime d'exception pour les salariés des municipalités autres que les policiers et pompiers. Bien, oui,
c'était pertinent, en décembre dernier, de dire aux maires : Écoutez,
si vous arrivez à une impasse, Mme la Présidente, là, je vais vous donner un
médiateur spécial qui va me recommander la finalité de votre négociation, Mme
la Présidente. Alors, des maires et des mairesses à la recherche d'autonomie et de pouvoir qu'on a rencontrés dans
le projet de loi n° 122 ont dit oui à ce mécanisme, Mme la Présidente. Ils ont dit oui comme
étant le mécanisme pour conclure une négociation qui était dans l'impasse, Mme
la Présidente.
C'est
ça que les juristes veulent, Mme la
Présidente. Ils veulent un tiers
indépendant non lié qui permet une fin à la négociation lorsque toutes
les avenues ont été utilisées. Mais à trois reprises, Mme la Présidente, pas
une fois, pas deux fois, pas trois fois, à
trois reprises, on leur a dit non, Mme
la Présidente. Alors, on les comprend
d'être aujourd'hui avec nous dans les gradins, et d'entendre ce qui
se passe, et d'être déçus de la suite. Je les comprends et je les entends
très bien, Mme la Présidente.
Je vous dirais, Mme la Présidente, qu'après
avoir passé toute la nuit, le matin va nous amener à l'adoption du projet de loi. Mais, à l'heure actuelle, pour nous, Mme la Présidente, l'espace de
négociation à la marge n'existe plus. Les pages encore blanches
de la négociation ont été remplacées, Mme la Présidente, par la noirceur de l'encre de cette loi spéciale, Mme la
Présidente. Les juristes vont en
garder un souvenir indélébile. Et, pour nous, pour notre formation politique, nous marquerons ce moment en signifiant notre opposition
à cette loi, parce que, pour nous, la solidarité et le combat que les membres, que LANEQ ont mené,
c'était un droit juste et fondamental. Et présentement, avec ce projet
de loi, Mme la Présidente, il est bafoué. Je vous remercie.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le
député de René-Lévesque. Et, pour la poursuite de ce débat, je vais céder la parole à M.
le député de Pontiac.
M. André Fortin
M.
Fortin (Pontiac) : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, Mme la Présidente, ou bon
matin. Je ne suis plus trop certain.
Mme la Présidente, j'ai entendu plusieurs des allocutions de certains de nos collègues,
celle du député de Richelieu
le toujours divertissant député de Richelieu,
qui s'est terminée de façon abrupte. Il nous a demandé de parler des salaires
moyens. Je vais lui en donner un, salaire moyen, Mme la Présidente. Dans la MRC
Pontiac, le revenu disponible par habitant, c'est 21 740 $.
21 740 $ pour payer l'hypothèque, 21 740 $ pour nourrir les
enfants, pour les paiements de l'auto,
21 740 $ pour tout le reste, Mme la Présidente. Puis moi, c'est eux
que je représente, ce n'est pas quelqu'un d'autre. Ici, c'est eux que je
représente, ces gens-là.
Alors,
quand on parle à tous ces gens-là, les gens qui paient des taxes, qui paient
des impôts, ce n'est pas toujours évident
quand on fait 21 740 $. Même s'ils pensent que c'est trop, ils paient
leurs impôts. Même s'ils pensent que c'est trop, ils le font de façon honnête,
ils le font comme des bons citoyens. Et, pour ces gens-là, Mme la Présidente,
pour ces gens que je représente ici,
on se doit d'être transparent avec eux puis de leur dire ce qu'on fait avec
l'argent qu'ils envoient à Québec.
Alors,
voilà, soyons transparents dans ce qu'on a offert à leurs concitoyens, les
juristes et les notaires. Les procureurs de la couronne, des gens importants dans notre société, Mme la
Présidente, gagnent en moyenne 116 642 $. Et les juristes et les notaires du gouvernement, des gens tout
aussi importants pour le fonctionnement de notre société, ces gens-là nous
disent qu'ils veulent la parité, la parité
salariale avec les procureurs de la couronne. Bien, la parité salariale, ça
veut dire 116 642 $. Et, au
début, Mme la Présidente, c'est vrai, on leur offrait moins. Bien, c'est bien
évident, c'est une négociation.
Et,
Mme la Présidente, vous allez me dire que ça fait peut-être moins longtemps que
certains de mes collègues ici que
j'ai suivi mes cours de relations industrielles à l'université, mais je suis
encore assez jeune pour me souvenir de ce qu'on nous disait. Mais je suis pas mal sûr qu'on nous disait qu'on ne
commence pas une négociation en offrant tout ce que l'autre partie veut. Peut-être qu'on va finir proche, mais on ne
commence pas la négociation... C'est comme, Mme la Présidente, quand on achète une maison, hein? Si
les vendeurs demandent 300 000 $, bien, allez-vous offrir
325 000 $ en partant, Mme la Présidente? Probablement pas.
• (3 h 30) •
Alors,
on a effectivement commencé, il y a deux ans, en février 2015, parce que ça
fait plus de deux ans que ça dure,
avec une offre plus basse. Mais, depuis ce temps-là, Mme la Présidente, la
parité salariale dans les offres du gouvernement a été atteinte. Elle a
été atteinte le 24 janvier 2017, quand le gouvernement a offert la parité
avec les procureurs de la Couronne. Ça,
c'était une offre qui dépassait les 116 000 $.
Mais, puisque ce n'était pas encore assez, Mme la Présidente, le
gouvernement a bonifié son offre davantage hier, ou peut-être avant-hier
maintenant, là, en offrant 116 997 $.
Et,
Mme la Présidente, quand j'écoute les interventions des collègues depuis
tantôt, il y a une chose qui revient parce que, pendant toute la nuit,
les oppositions, incluant la CAQ, surprenamment, ont incité pour dire que la
foi des négociateurs du gouvernement était
questionnable. Mais, Mme la Présidente, quand on fait six offres différentes,
on ne peut pas être de mauvaise foi.
Je reviens à mon exemple de maison, Mme la Présidente. Si la maison est offerte
à 300 000 $, puis moi, je
commence la négociation à 250 000 $, puis le propriétaire me
dit : Non, moi, je suis à 300 000 $, je me réessaie, je vais me réessayer à 260 000 $. Le
propriétaire, il dit : Non, la contre-offre est encore
300 000 $. Je me dis : Oui, O.K., il est peut-être un peu particulier, mais je l'aime,
la maison, on l'aime, la maison, on veut l'avoir, je veux que ça marche.
Alors, je reviens avec 265 000 $.
Le propriétaire me dit qu'il reste à 300 000 $... puis qu'on fait le
même manège six fois, Mme la
Présidente, c'est dur de dire que c'est moi qui est de mauvaise foi. Quand six
offres consécutives proposent un meilleur traitement salarial que la
précédente offre, Mme la Présidente, c'est dur de dire qu'on est de mauvaise
foi. Quand on a un ministre qui rencontre le président du syndicat trois fois à
leur demande, c'est dur de dire qu'on est de mauvaise
foi. Quand on réussit à conclure des ententes négociées avec 450 000
employés de l'État, c'est dur de dire qu'on est des négociateurs de mauvaise foi. Quand, comme ça a été le cas hier
avec les gardiens de prison, on signe des ententes avec des groupes qui, en 60 ans, n'ont jamais signé
d'entente négociée avec le gouvernement, c'est dur de dire qu'on est de
mauvaise foi.
Pourtant, Mme la
Présidente, ce n'est pas comme si les conditions de la convention collective
actuelle sont si mauvaises. Mme la
Présidente, être un avocat ou un notaire de l'État, c'est un excellent emploi.
Souvent, pour certaines professions,
c'est vrai, le gouvernement a de la misère à matcher, disons, les offres du
privé ou encore du gouvernement fédéral — vous le savez, chez nous, Mme la Présidente,
c'est toujours un enjeu, le gouvernement fédéral — mais, dans la profession avocate... c'est un emploi qui est recherché, c'est un bon
salaire, c'est des heures raisonnables, c'est 35 heures par semaine, de base, pour plus de
100 000 $ par année. Parce que, s'ils étaient au travail, s'ils
avaient été au travail ce matin ou
hier matin, c'est plus de 100 000 $ par année qu'ils auraient gagné,
avec une possibilité de temps supplémentaire, et, avec du temps supplémentaire, les salaires peuvent monter vite, Mme
la Présidente. Ils ont un bon régime de retraite, ils ont des avantages
sociaux, ils ont une sécurité d'emploi.
Et ce que le président du
Conseil du trésor propose aujourd'hui, ce n'est pas de leur enlever quoi que ce
soit, Mme la Présidente, ce n'est même pas
de leur imposer quoi que ce soit, Mme la Présidente, mais, à partir
d'aujourd'hui, après deux ans de
négociations, après une quarantaine de séances de négociation, après 18
semaines de grève, ce qu'on tente,
par la loi présentée hier, c'est d'ajouter une période de négociation de 45
jours suivie d'une période de médiation de 30 jours pour favoriser une
entente négociée. On est loin de la torture, Mme la Présidente.
Mais ce qui
est intéressant — et
j'écoute l'opposition se déchirer la chemise, là, depuis le début de la
soirée — c'est
que, même plus tôt hier, ils ne parlaient
pas de statut, Mme la Présidente. Ce soir, ils nous disent, finalement, là, que
le statut, c'est le problème. Mais plus tôt aujourd'hui, plus tôt hier,
ils parlaient de la parité salariale. Hier, j'ai entendu une entrevue entre
Sébastien Bovet et la critique du président du Conseil du trésor du Parti
québécois, la députée de Pointe-aux-Trembles,
et, juste pour être fidèle à ses propos, Mme la Présidente, je vais lire la transcription
de l'entrevue de la députée de
Pointe-aux-Trembles sur ce qui semble être le fond de la contestation des
offres du gouvernement. Alors, voilà,
M. Bovet : «Je me permets d'insister sur l'indépendance des juristes de
l'État — c'est M.
Bovet qui parle — parce
que, si vous ne me répondez pas ici, ça peut
donner l'impression que vous êtes du même côté que le gouvernement pour
refuser un statut particulier aux juristes de l'État. Votre position sur le
statut des juristes de l'État, c'est quoi?» Et la députée de Pointe-aux-Trembles de répondre : «M. Bovet, ce qui est
clair, ce que je vous dis, c'est que, pour moi, c'est important
qu'actuellement on n'est plus à ce niveau-là, on est vraiment au niveau des
amendements. On a clairement dit qu'on veut
la parité et l'égalité avec ce que le gouvernement a donné aux procureurs de la
Couronne. Alors, pour moi...» Et M.
Bovet de l'interrompre, évidemment : «En termes salariaux ou en termes de
statut?» La députée répond : «C'est salarial, le statut, ça a toujours été clair.» Et là je m'arrête, Mme la
Présidente, je pourrais continuer. Mais la députée de
Pointe-aux-Trembles, elle-même, dit que l'égalité doit être salariale, Mme la
Présidente.
Alors, Mme la
Présidente, les juristes et les avocats du gouvernement, évidemment, ont le
droit d'être en grève. Les juristes
et les avocats, peu importent leurs conditions de leur travail, peu importent
les offres du gouvernement, ont le droit d'être en grève depuis octobre
2016.
Mais Mme la Présidente, pour les citoyens, pour
les contribuables de Pontiac, à qui je faisais référence un petit peu tôt, eux qui paient leurs impôts...
Puis, en contrepartie, là, ils ont le droit de s'attendre à un bon
fonctionnement de l'État, ils ont
droit de s'attendre à des délais raisonnables devant les tribunaux. Les
1 881 reports dont parlait la ministre de la Justice, tantôt, c'est 1 881 Québécois qui attendent le
retour au travail des avocats et des juristes du gouvernement.
C'est notre
devoir, Mme la Présidente, comme législateurs, c'est notre devoir, comme élus,
c'est notre devoir, comme
représentants, de s'assurer d'un bon fonctionnement du gouvernement, de
s'assurer que les citoyens partout au Québec puissent avoir accès aux
services gouvernementaux dont ils ont besoin, auxquels ils ont droit.
La grève des
juristes, Mme la Présidente, a eu un impact négatif sur le fonctionnement, le
bon fonctionnement du gouvernement.
Alors, pour le bon fonctionnement de l'État, la grève a assez duré. Le moment
est venu de retourner au travail. Les
Québécois s'attendent à ce que tous ceux qui font le choix du service public
soient au service du public. Et, de
toute évidence, Mme la Présidente, la seule façon d'y arriver, en ce moment,
sera cette loi. Merci, Mme la Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, M. le député de Pontiac. Maintenant, je cède la parole à
M. le député de Trois-Rivières.
M. Jean-Denis Girard
M. Girard : Merci, Mme la
Présidente. Il nous reste combien de temps?
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : ...tout en vous précisant que vous
disposez d'un temps de parole de 7 min 47 s.
M.
Girard : On va faire ça vite, Mme la Présidente. Donc, c'est un
plaisir d'intervenir, ce soir, cette nuit, ce matin, bref. Tout a été dit, mais souvent on doit
répéter. On doit répéter pour que les gens comprennent bien la situation. Ce
n'est pas agréable pour personne
d'être ici, ce soir, en cette Chambre, cette nuit, puis jusqu'à demain matin,
mais nous avons dit que nous voulions
une entente négociée. Nous y avons travaillé, nous avons tout fait pour obtenir
cette entente négociée, mais on se retrouve quand même ici, ce soir.
Un gouvernement responsable doit prendre des
mesures qui s'imposent. C'est ce que l'on fait. Pourquoi, Mme la Présidente? Pour fournir aux citoyens les
services auxquels ils ont droit, pour lesquels nos citoyens paient des taxes, paient des impôts. C'est avec ces taxes et
ces impôts que l'on offre des services et que l'on rémunère les juristes
de l'État. Les juristes font partie des
employés du secteur public qui rendent des services aux citoyens et, pour nous,
ils ont vraiment un travail qui est important au sein de l'appareil
gouvernemental.
On a
mentionné, à plusieurs reprises, et c'est ce que le collègue de René-Lévesque
disait tout à l'heure, que l'échec appartient
au gouvernement. Au risque de me répéter, de répéter mes prédécesseurs, six
offres ont été faites, des offres toujours
supérieures, une après l'autre, qui ont été faites aux juristes de l'État, des
offres pour être équitable avec ce qu'il se fait au niveau des procureurs. Inutile de revenir sur le fameux
tableau pour démontrer que l'offre salariale est même légèrement
supérieure à ce qui est offert au niveau des procureurs.
• (3 h 40) •
Mon collègue
de Marguerite-Bourgeoys a parlé un peu de mauvaise foi concernant LANEQ. Vous
savez, avant même d'avoir pris
connaissance du projet de loi, les représentants de LANEQ indiquaient
clairement qu'ils contesteraient ce
projet de loi. Mme la Présidente, nous avons constaté que l'impasse était
réelle. Après cinq offres consécutives, l'exécutif salarial de LANEQ ne voulait pas faire aucune
concession. Ils n'ont pas bougé d'un iota depuis le début des négociations.
Pour reprendre ce que mon collègue disait
tout à l'heure : Il faut être deux pour danser. Donc, quand on négocie, ça
se fait entre deux parties, Mme la
Présidente. Nous avons été de bonne
foi. Nous avons fait des offres améliorées, une fois après l'autre.
Jamais LANEQ n'a voulu négocier. LANEQ est demeurée sur ses positions.
Il serait
irresponsable de laisser les citoyens du Québec dans cette situation encore pendant plusieurs
semaines. C'est pourquoi nous sommes
ici, cette nuit, pour pouvoir mettre fin à cette situation. C'est une décision
qui est difficile, qui a été
difficile pour notre gouvernement, de déposer ce projet de loi, mais c'est
vraiment pour permettre un retour au travail
et pour permettre la continuité des services du gouvernement. Oui, il y a
des projets de loi qui sont en cours, oui, nous avons besoin de nos juristes. Nous avons
besoin de travailler avec eux. On ne sous-estime aucunement l'importance des juristes, l'importance de leurs charges, de leurs fonctions, de
leurs tâches, qu'ils font pour l'État. Ils font un travail qui est exigeant. Ils le font avec
professionnalisme. Ce sont des gens extrêmement compétents pour l'État, mais
ils doivent fournir des services, des
services à la population. Ils doivent assurer la marche normale des tribunaux
et de nos institutions. Donc, cette
grève a des incidences sérieuses, à l'heure actuelle, sur les citoyens du
Québec et sur les activités quotidiennes de l'État.
Oui, les
juristes ont des droits, ont le droit de faire la grève, mais les citoyens ont
également des droits. Les citoyens ont le droit d'avoir des services.
Donc, le droit des juristes de l'État est maintenant exercé au détriment du
droit des citoyens. Après 18 semaines de grève, les avocats, les notaires de
l'État ont su se faire entendre. Ils ont exprimé leurs revendications mais ils sont demeurés sur leurs positions depuis le
début. Le gouvernement, quant à lui, a fait plusieurs offres, chacune
toujours plus généreuse.
Inutile de
revenir sur le salaire, les collègues en ont parlé : le salaire moyen des
juristes de l'État, la possibilité de
faire du temps supplémentaire, un bon régime de retraite — ce n'est pas tous les Québécois, Mme la
Présidente, qui ont accès à un régime
de retraite de cette qualité — les avantages sociaux, une sécurité
d'emploi. Ce sont des avantages qui
sont vraiment intéressants pour les juristes de l'État. Le président du Conseil
du trésor le disait au début de la journée ou de la soirée : Il y a eu un appel de candidatures qui a été
fait. 1 900 candidatures ont été reçues. Je ne sais pas s'il y a beaucoup d'entreprises, de PME, au Québec,
lorsqu'ils ouvrent un poste dans leurs entreprises, qui ont autant de candidatures
et des candidatures de qualité. Donc, je pense qu'être juriste de l'État, c'est
un emploi qui est drôlement intéressant et qui attire des gens qui veulent
travailler avec nous.
Donc, Mme la Présidente, suite aux négociations,
à travers plus de 40 séances de négociation, nous sommes toujours au même endroit. Nous avons tenté la
médiation, sans succès. Il y a eu six séances de médiation l'été dernier.
La loi spéciale n'était vraiment pas notre premier choix, mais vient un moment
où un gouvernement doit prendre ses responsabilités, Mme la Présidente.
Vous savez, on
nous a accusés d'être de mauvais négociateurs. On l'a mentionné — au risque de répéter — 450 000
employés de l'État ont négocié et sont satisfaits du contrat de travail qu'on
leur a offert. On l'a mentionné également, pas plus tard que la nuit
dernière, il y a eu une signature d'une entente avec les gardiens de prison. 60
ans qu'il n'y avait pas eu de négociation avec cette classe d'employés.
Donc, Mme la
Présidente, c'est important aujourd'hui, cette loi spéciale ne vise pas à
imposer des conditions de travail aux
juristes mais à mettre en place des conditions qui vont favoriser la conclusion
d'une entente négociée. Cela est tout
à fait possible dans la situation actuelle et c'est ce que nous souhaitons, et
c'est pourquoi je vais voter en faveur du projet de loi aujourd'hui.
Merci, Mme la Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M.
le député de Trois-Rivières. Et cela met fin au débat sur l'adoption du principe du projet
de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant
la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective
des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.
Je mets donc aux voix la motion de M. le ministre
responsable de l'Administration...
Une voix : ...
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Un instant. Oui?
Une voix : ...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, alors, c'est très bien. Je n'avais pas terminé de lire mon texte,
alors je vais quand même poursuivre.
Une voix : ...
La Vice-Présidente
(Mme Gaudreault) : Oui.
Alors, je mets donc aux voix la motion de M. le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du
trésor proposant l'adoption du
principe du projet de loi n° 127, Loi
assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du
gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le
renouvellement de la convention collective des salariés assurant la
prestation de ces services juridiques. Cette motion est-elle adoptée?
Une voix : ...
La Vice-Présidente (Mme
Gaudreault) : Et c'est ici
que nous faisons appel aux députés pour un vote par appel nominal.
Alors, que l'on appelle les députés.
Je suspends les
travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à
3 h 46)
(Reprise à
3 h 56)
La Vice-Présidente
(Mme Gaudreault) : Je mets donc aux voix la motion de M. le ministre
responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes
et président du Conseil du trésor proposant l'adoption du principe du projet de loi n° 127, Loi
assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du
gouvernement et permettant la poursuite de
la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des
salariés assurant la prestation de ces services juridiques.
Mise aux voix
Et que les députés en
faveur de cette motion veuillent bien se lever.
La Secrétaire adjointe :
M. Couillard (Roberval), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Blais (Charlesbourg), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Leitão
(Robert-Baldwin), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Coiteux (Nelligan),
Mme David (Outremont), M. Proulx (Jean-Talon), M. D'Amour
(Rivière-du-Loup—Témiscouata),
M. Huot (Vanier-Les Rivières),
Mme Vallée (Gatineau), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac),
M. Barrette (La Pinière), M. Drolet
(Jean-Lesage), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Charlebois (Soulanges),
M. Moreau (Châteauguay), M. Heurtel (Viau), M. Arcand
(Mont-Royal), M. Billette (Huntingdon), M. Morin (Côte-du-Sud), Mme Nichols (Vaudreuil), M. Ouellette
(Chomedey), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), Mme Weil
(Notre-Dame-de-Grâce), Mme Ménard
(Laporte), M. Tanguay (LaFontaine), Mme Boulet (Laviolette),
Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Poëti
(Marguerite-Bourgeoys), M. Girard (Trois-Rivières), M. Auger
(Champlain), Mme Vallières (Richmond), M. Bolduc (Mégantic),
M. Simard (Dubuc), M. Matte (Portneuf), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Boucher (Ungava),
M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Fortin (Pontiac), M. Giguère
(Saint-Maurice), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy
(Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie),
M. Plante (Maskinongé), M. Polo
(Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), Mme Tremblay (Chauveau),
M. Busque (Beauce-Sud), Mme Sauvé (Fabre), Mme Melançon (Verdun).
La Vice-Présidente (Mme
Gaudreault) : Maintenant, que les députés contre cette motion
veuillent bien se lever.
La
Secrétaire adjointe : M. Bérubé (Matane-Matapédia),
Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Maltais (Taschereau),
Mme Lamarre (Taillon), M. LeBel (Rimouski), M. Bergeron
(Verchères), M. Rochon (Richelieu), Mme Poirier
(Hochelaga-Maisonneuve), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Gaudreault
(Jonquière), M. Pagé (Labelle), M. Cousineau
(Bertrand), M. Bourcier (Saint-Jérôme), Mme Jean (Chicoutimi),
M. Ouellet (René-Lévesque), M. Kotto (Bourget),
M. Turcotte (Saint-Jean), M. Roy (Bonaventure).
M. Bonnardel
(Granby), M. Caire (La Peltrie), M. Martel (Nicolet-Bécancour),
Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Laframboise
(Blainville), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Lemay (Masson),
Mme Lavallée (Repentigny), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Soucy
(Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis
(Lévis), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Jolin-Barrette
(Borduas).
M. Khadir
(Mercier).
La Vice-Présidente (Mme
Gaudreault) : Alors, y a-t-il des abstentions? Alors, Mme la
secrétaire générale, pour le résultat du vote.
• (4 heures) •
La
Secrétaire : Pour : 54
Contre : 35
Abstentions :
0
La Vice-Présidente
(Mme Gaudreault) : Alors, cette motion est adoptée.
Alors,
en conséquence, le principe du projet
de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des
services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite
de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des
salariés assurant la prestation de ces services juridiques, est adopté.
Alors,
conformément à la procédure législative d'exception prévue aux
articles 257.1 et suivants, je suspends les travaux durant quelques instants afin de permettre à l'Assemblée de se
constituer en commission plénière pour l'étude détaillée du projet de
loi. Je suspends les travaux.
(Suspension de la séance à
4 h 1)
(Reprise à 4 h 8)
Commission plénière
Mme Gaudreault (présidente de la commission plénière) : Nous sommes réunis en commission plénière pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 127, Loi
assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de
la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective
des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.
Je
vous rappelle que l'étude détaillée en commission
plénière est d'une durée de cinq
heures, tel que prévu au deuxième paragraphe
de l'article 257.1 du règlement. Dans le cadre de ce débat, 17 min 30 s sont réservées aux députés indépendants.
La présidence répartira cette enveloppe de temps parmi ceux qui auront signifié
vouloir participer au débat, sous réserve
d'un maximum, selon le nombre de députés qui se seront manifestés, de cinq
minutes chacun pour les députés de
Groulx et de Vachon et de 10 minutes pour les deux députés de Québec
solidaire. Enfin, je rappelle aux députés indépendants qui souhaitent intervenir au cours du débat qu'ils ont
10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.
Remarques préliminaires
Je vais maintenant
céder la parole à M. le président du Conseil du trésor pour ses remarques
préliminaires.
M. Pierre Moreau
M.
Moreau : Merci, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, je veux
saluer les porte-parole de l'opposition qui sont avec nous aujourd'hui de même que les collègues qui se joignent, pour
chacune de leurs formations respectives, à eux pour les besoins de la
plénière.
• (4 h 10) •
Vous
me permettrez de présenter les gens du Conseil du trésor qui
m'accompagnent : d'abord, Me Édith Lapointe, Mme Renée De Bellefeuille, Me René Dufresne,
Me François Perron, Mireille Godard-Dubois, Caroline Pelland et, à ma droite immédiatement, Me Louis Bernier. Et
j'aimerais les remercier de se joindre à nous pour les fins de ce travail. Je
remercie également les membres de mon cabinet politique qui sont ici
aujourd'hui.
Alors,
nous sommes réunis pour commencer l'étude en commission plénière du projet de
loi, le projet de loi n° 127, qui,
essentiellement, traduit l'intention du gouvernement depuis le début de ce
conflit, c'est-à-dire une intention d'en arriver à une entente négociée.
Et je vous
rappellerai, Mme la Présidente, comme on a eu l'occasion de le faire au cours
des interventions antérieures, soit au tout
début du débat ou lorsque nous étions à l'adoption du principe du projet de
loi, que ce projet de loi aménage un
espace de négociation additionnel à celui qui existe déjà, et qui existe
toujours, et qui continue d'exister jusqu'à l'adoption du projet de loi.
Et le projet de loi transforme la situation antérieure dans la mesure où, bien
sûr, il demande aux juristes de l'État de
reprendre le travail. Mais, en même temps, il ouvre une période de négociation
qui s'étend sur une période
supérieure à 100 jours : première période de négociation de
45 jours, qui peut faire l'objet d'une extension de 15 jours à la demande conjointe des
parties puis au cours de laquelle il peut y avoir conciliation, et par la suite
une période de médiation, d'une
période originaire de 30 jours, qui peut faire l'objet d'une demande de
prolongation à la demande du médiateur.
Et,
si, à l'expiration de ce délai-là, il y avait des ententes en tout ou en partie
sur certains points, ces ententes-là seront
reconduites. Mais, s'il n'y avait pas d'entente, globalement, le projet de loi,
à la toute fin de cette période, impose les conditions de travail, c'est-à-dire reconduit la convention
collective qui est échue et prévoit, notamment à son annexe, les
majorations apportées à l'échelle de traitement ainsi que d'autres dispositions.
J'ai
suivi nos débats. J'entends aussi certains questionnements : Pourquoi
l'annexe ne reproduit-elle pas la dernière offre faite par le
gouvernement? Parce que la loi nous impose, et en fait la jurisprudence nous
impose, dans ce type de législation là, de
porter une atteinte minimale au droit des salariés. Et, dans ce contexte-là,
toute disposition qui ne fait pas
l'objet d'une négociation doit être limitée dans la mesure du possible. Et donc
le projet de loi, s'il reconduit la convention collective, tente de le
faire suivant ce que j'appellerais l'architecture actuelle de la convention
collective.
Alors, certains
éléments de bonification qui ont fait partie des offres du gouvernement ne
peuvent pas être reproduits en annexe,
puisqu'elles faisaient l'objet de négociations et de concessions de part et
d'autre. Et, dans le contexte où la
loi imposerait les conditions de travail, nous ne prenons pas pour acquis que
les concessions faites par l'association syndicale seraient acceptées par le représentant. Et donc la loi
s'écarte de cet espace de négociation qui existait et qui existera
toujours, Mme la Présidente, après l'adoption de la loi dans le contexte d'une
négociation.
Deuxième
élément sur lequel je veux attirer l'attention des collègues de cette plénière,
et je pense que la députée de
Pointe-aux-Trembles y a fait référence lorsqu'elle traite... je crois que c'est
de l'article 28 du projet de loi, où elle dit : Lorsqu'on est
en période de médiation, la deuxième phrase de l'article 28 prévoit que la
modification du régime de négociation ne
constitue pas une condition de travail et elle est au texte du projet de loi. Pourquoi cette situation? Parce qu'encore
une fois le médiateur est un tiers par rapport à l'État et que la négociation
ou le régime de négociation applicable ne constitue pas une condition de
travail.
Par contre, dans la première partie de l'espace
aménagé pour la négociation, le gouvernement réitère que les propositions qui sont sur la table et qui touchent
les deux aspects du litige continueront d'y être, c'est-à-dire, d'une part,
la question de la rémunération globale et, d'autre part, la question du statut
des juristes de l'État.
J'ai
eu l'occasion de le dire, mes collègues qui sont intervenus l'ont réitéré à de
nombreuses reprises également, et
avec beaucoup d'égards pour l'opinion exprimée par l'association, nous ne
sommes pas d'avis que les fonctions occupées par les juristes de l'État
leur confèrent l'indépendance qui est reconnue par les décisions de la Cour
suprême pour les procureurs aux poursuites criminelles et pénales.
Mais, malgré
cette opinion contraire, et nous sommes des parlementaires, on sait très bien
qu'on peut avoir des opinions
contraires et continuer à se parler, le gouvernement offre à l'association la
possibilité de discuter de cette question-là au sein d'un comité qui, suivant la dernière proposition
gouvernementale, serait formé d'un représentant de LANEQ, d'un
représentant du gouvernement, et présidé par un tiers qui serait un juge de
compétence fédérale.
Pourquoi un
juge de compétence fédérale? Parce qu'on ne souhaitait pas, de part et d'autre
d'ailleurs, qu'il y ait une apparence de partialité. Parce qu'un juge
nommé par l'instance provinciale, par le gouvernement du Québec pourrait peut-être donner l'apparence d'une partialité
favorable au gouvernement, selon les époques de sa nomination, ce qui, très
sincèrement, n'a pas de fondement en droit. Mais non seulement veut-on que,
comme on l'exprime souvent dans les tribunaux,
justice soit rendue, mais qu'il y ait également apparence de justice, et c'est
la raison pour laquelle... Et d'ailleurs c'était la proposition du président de LANEQ, que l'on ait un juge de
nomination fédérale. Et je me souviens très bien, dans une discussion directe que j'ai eue avec lui,
que ça pouvait être un juge de la Cour supérieure, de la Cour d'appel ou
même un juge à la retraite de la Cour suprême, ce avec quoi nous sommes
parfaitement d'accord.
Dans le cadre
des négociations, il y a également la question du mandat qui serait donné à ce
comité-là. Et là aussi je pense que je peux me faire le porte-parole des
négociateurs du gouvernement pour dire que les parties s'entendent largement
sur le mandat à donner au comité. Là où il y a encore une zone de négociation,
c'est sur les suites à donner au rapport du
comité. Et, encore là, Mme la Présidente, je veux dire que, dans l'esprit de
négociation qui nous anime, nous sommes
encore disponibles, en tout temps, à la table de négociation, pour continuer
ces discussions-là, nous le sommes maintenant, avant l'adoption du
projet de loi, et nous le serons dans la période subséquente à son adoption,
s'il était adopté par l'Assemblée, pour
toute la période de 45 jours de négociation et la période subséquente, et
que, même lorsque nous serons en
médiation, bien que le médiateur ne puisse le considérer dans le rapport qu'il
a fait, il y aura toujours une possibilité pour les parties de s'entendre. Ce
que j'exprime, Mme la Présidente, c'est donc l'ouverture du gouvernement
à trouver un moyen et une voie de passage pour avoir, avec les juristes de
l'État, une entente négociée.
Le contexte qui entoure une négociation qui
s'étend sur une aussi longue période et avec un conflit de travail aussi long amène toujours sa part de commentaires
parfois très virils, mais... Là, je ne fais pas une référence aux hommes
ou aux femmes, mais des commentaires qui peuvent être durs, parfois. Je le
comprends parfaitement.
• (4 h 20) •
Lorsque je suis arrivé en poste, le conflit
existait déjà depuis 13 semaines et, dès que j'ai reçu le mandat du premier ministre, mandat que mes prédécesseurs
avaient aussi, j'ai vérifié sur un élément. Et ça, je tiens à le mentionner
parce que je l'ai fait avec beaucoup de
sincérité : je savais qu'on avait des juristes qui étaient sans
rémunération ou dans des conditions difficiles depuis un bon moment,
que dans bien des cas il s'agit de jeunes professionnels, des gens
talentueux dans tous les cas, et qui étaient
privés d'une rémunération. Ayant l'espace nécessaire pour nous rendre à
la demande de rémunération paritaire, dans le contexte d'une rémunération
globale avec les procureurs, et ayant une connaissance du conflit, qui était
lié beaucoup à ce qui a été rapporté dans les journaux... Je savais que la revendication
de LANEQ publique, qui est encore celle-là,
à ma connaissance, est un élément de parité dans la rémunération avec les procureurs de la
Couronne. Et je suis d'accord avec la
députée de Pointe-aux-Trembles à l'effet qu'au-delà de ça il
y avait un élément très important dans la revendication qui existe toujours, qui est la question
de leur statut, sur lequel j'ai fait les remarques préliminaires d'il y
a quelques minutes. Donc, sur la
question de la rémunération, il m'apparaissait possible, vu la marge de manoeuvre que nous avions, de nous rendre, et à
l'intérieur du cadre financier du gouvernement, rapidement à une entente sur cet aspect-là, pour permettre à ces gens-là de récupérer une source
de revenus qui était compatible à la demande de leur association, quitte à ce que nous puissions discuter de la question
du statut subséquemment et sans arrière-pensée, sans calcul ou sans stratégie
de négociation postérieure qui aurait eu pour effet de les piéger d'une façon
quelconque.
Et ça, j'en
ai discuté à au moins trois reprises avec les représentants de LANEQ lorsque
je les ai rencontrés à leur demande.
D'ailleurs, j'ai toujours accepté de les rencontrer à leur demande. Puis un
élément dans la chronologie des faits... J'entendais Me Denis dire : Vous savez, lorsqu'il est arrivé en
poste, il nous a dit : Donnez-nous un peu de temps, puis après ça il n'avait pas de temps parce qu'il
faisait du financement. Je vous le dis tout
de suite, là : Je n'ai jamais
fait de financement encore cette année dans ma circonscription, et j'ai
rencontré Me Denis bien avant d'aller dans quelque circonscription que ce soit pour faire du financement. Et j'ai rencontré
d'ailleurs partout où je suis allé, depuis le début de mes fonctions à la présidence du Conseil du
trésor, les juristes de l'État là où ils se trouvaient lorsque je les ai
rencontrés, et j'ai exprimé exactement la même ouverture auprès d'eux.
Et je sais
que, pour instance, les juristes de l'État disaient : Bien, vous savez,
lors de la dernière négociation, en qui ce qui a trait à nos conditions, à notre statut, il y a eu une lettre
d'entente, la lettre d'entente n° 5, et je sais très bien les mots
qui ont été utilisés et par Me Denis et par moi lors de nos rencontres sur la
validité ou la valeur de cette lettre d'entente.
La lettre d'entente, ce qu'elle dit, essentiellement, c'est que les parties
conviennent de mettre sur pied un comité patronal-syndical, avec une certaine composition qui apparaît au premier
alinéa, qui adopte des règles de fonctionnement, et, après le dépôt des
recommandations, les parties ont six mois pour convenir des suites à donner.
Mme la
Présidente, ce n'est pas moi qui étais au Conseil du trésor au moment où ces
choses-là se sont passées, et loin de
moi l'idée de dire que c'est la faute à un ou c'est la faute à l'autre. J'ai
donc vérifié ce qui s'était produit. Il y a eu quatre rencontres. LANEQ
a fait une proposition d'obtenir un comité à l'instar des procureurs, ce qui
est toujours la demande de LANEQ
aujourd'hui. Le gouvernement a proposé un comité qui ferait des recommandations
aux parties; cette proposition a été
rejetée par LANEQ. Suite au rejet de cette proposition, et on est en 2013,
2013, LANEQ a demandé une rencontre avec le président du Conseil du trésor, et cette rencontre-là
a été refusée. Ce n'est pas une question de parti politique, ce n'est pas une
question qui relève strictement de la partisanerie, c'est une question qui
relève de la gestion de l'État. Et à
l'époque, déjà, la position du gouvernement, qui est celle que nous défendons
encore aujourd'hui, malgré le changement de représentation politique au
sein de l'État, du gouvernement, c'est une position qui est cohérente avec l'opinion, qui n'est pas partagée par les juristes
de l'État, mais l'opinion gouvernementale à l'effet que la relation qui existe
entre eux et nous — et votre gouvernement, Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles, avait exactement la même position — est de
dire : Il existe une relation avocat-client qui est différente de
l'indépendance reconnue par les tribunaux en ce qui a trait aux
procureurs de la couronne. Voici pour le résumé des faits.
Aujourd'hui, nous nous retrouvons dans une situation
où, bien malgré nous, nous proposons cette loi de retour au travail. Mais cette loi de retour au travail, elle
est dans la continuité de l'objectif posé par le gouvernement dès le début
du conflit, qui est d'obtenir, dans la mesure du possible, une entente
négociée.
Alors, je
pense que ces remarques préliminaires établissent un peu le cadre et la pensée
qui animent le gouvernement dans ce dossier-là. Et, M. le Président, nous serons en mesure d'entreprendre les travaux de la plénière et
l'analyse du projet de loi qui supporte les commentaires que je viens de
faire. Merci.
Le
Président (M. Gendron) :
Alors, merci, M. le ministre, de votre intervention. Je cède maintenant
la parole à la porte-parole de l'opposition officielle en ces matières. Mme
la députée de... du bon comté, oui.
Mme Nicole Léger
Mme Léger : Oui, M.
le Président, merci. Le ministre a
dit beaucoup de choses. On va avoir l'occasion de revenir,
parce qu'on va aller dans les articles un après l'autre. D'abord, je veux, moi aussi,
saluer le ministre lui-même et l'équipe qui est autour de lui. D'ailleurs, quelques-uns que je reconnais. J'ai été vice-présidente du Conseil du
trésor, alors, quand le ministre me
parle de l'époque où nous y étions, j'aurais bien des choses à lui dire de
cette époque-là. Et je remercie les
collègues de Jonquière, de Saint-Jérôme, de Saint-Jean,
d'Hochelaga-Maisonneuve, Taillon, Bonaventure qui sont ici avec moi, qui m'accompagnent... et Taschereau,
oui, députée de Taschereau, qui est arrivée. Et je salue aussi les juristes qui sont aussi à l'écoute de nos travaux, soit
directement par notre télé, mais ceux qui sont ici, vaillants, à
4 h 25 du matin, parce qu'ils sont ici à cause d'une loi
spéciale que le gouvernement nous impose.
Et le gouvernement nous dit entre autres que le
projet de loi qui est devant nous laisse de l'espace additionnel pour négocier. Je ne sais pas pourquoi qu'il ne
l'a pas fait avant encore, pourquoi qu'il n'a pas donné le temps pour négocier,
qu'il fait un projet de loi, qu'il impose un
projet de loi pour la rentrée au travail, met toutes les conditions qu'il met
dedans, qu'on pourra y revenir un
après l'autre tout à l'heure. Il dit qu'il essaie de trouver une voie de
passage pour arriver à une entente
négociée. Il me semble qu'il y aurait dû y avoir une entente négociée avant
d'arriver ici pour faire une loi spéciale.
Il a dit
aussi qu'il voulait, par le projet de loi qui est là, trouver un espace pour
discuter de leur statut. J'ai bien hâte de voir où il voit l'espace pour
discuter de leur statut d'une façon plus précise.
C'est sûr que
j'ai évoqué l'article 28. On en reparlera tout à l'heure, de
l'article 28, on va y arriver. Alors, pour le moment, je préfère aller article par article pour vraiment aller au
fond du projet de loi qu'on a devant nous, qui demeure quand même un
projet de loi coup de poing pour faire rentrer les juristes de l'État au
travail.
Le Président (M. Gendron) : Merci,
Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Je cède maintenant la parole à M. le
député de Borduas pour ses remarques préliminaires s'il en a.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M.
le Président. Bien, écoutez, on va entamer l'étude détaillée du projet de loi n° 127. Je l'ai dit lors de l'adoption de
principe, je trouve ça malheureux qu'on soit rendus là à adopter une loi
spéciale pour la rentrée des juristes au travail.
M. le
Président, tous les arguments qui ont été soulevés par mes collègues de la
partie gouvernementale lors de l'adoption de principe tout à l'heure
faisaient état du fait que le gouvernement faisait ça pour offrir des services,
l'accessibilité à la justice à la
population. Bien, M. le Président, lorsqu'on plaide ça, c'est un peu comme si
on plaidait sa propre turpitude,
hein? Écoutez, pendant 18 semaines, le gouvernement a laissé aller le
conflit. Le gouvernement n'a pas agi
préalablement pour arriver à une entente négociée. Et ce qu'on réalise, dans le
projet de loi n° 127, c'est qu'il y a déjà des règles qui s'appliquent : les règles du Code du travail.
Lorsqu'une convention collective va arriver à échéance, il y a déjà des dispositions dans le code qui
prévoient un conciliateur, un médiateur. Et là on constate que ça a été l'échec
des négociations, l'échec de trouver une
voie de passage de la part du président du Conseil du trésor actuellement et de
son prédécesseur, qui est également
ministre des Finances. Durant des mois, il avait la possibilité de régler,
d'arriver à une entente avec les juristes de l'État, une entente
négociée.
• (4 h 30) •
Lorsqu'on
traite de relations de travail, le fait d'arriver avec l'arme ultime, hein...
Parce que c'est ça, M. le Président. Et
c'est l'arme ultime parce que le gouvernement, dans le fond, vient décréter les
conditions de travail de ses employés. Il
vient les décréter, vient dire aux juristes de l'État : Bien, écoutez,
malgré le fait qu'on a eu une loi spéciale en 2005, malgré le fait qu'on
a eu une loi spéciale en 2011, bien, on va en faire une troisième en 2017. On
va vous dicter les conditions de travail et surtout ce qu'on avait dit en 2011, le fait
d'avoir un comité par l'annexe 5 de la convention, sur lequel on s'était engagés à réfléchir sur le mode
de négociation des juristes, bien, on n'a pas progressé là-dedans.
Pendant six
ans, on n'a pas progressé. On se retrouve... Écoutez, ça a même été
compliqué pour changer le nom de l'association. Quand
vous vous objectez au changement de nom de l'association, je pense que ça
indique que les pourparlers partent
du mauvais bord un peu. Donc, il faut avoir de la flexibilité des deux côtés.
Je comprends
le président du Conseil du trésor qui nous dit : Écoutez, nous, notre
position est la suivante, et final bâton.
Et il nous dit : On est prêts à négocier, même maintenant. Pourtant, il
n'a pas d'appétit pour négocier véritablement parce qu'on peut bien dire : Je veux négocier, je veux négocier, je
veux négocier, mais, si je reste sur ma position, bien, ce n'est pas de la véritable négociation. Ça prend
deux parties pour négocier. Là, on vient dire aux juristes... Là, on a le
gouvernement qui impose, qui décrète les conditions. Ça, ça ne constitue pas de
la véritable négociation. Il y a des précédents. Il y a des exemples dans les
autres provinces canadiennes. Et toute la question du statut doit être étudiée.
Malheureusement, le gouvernement décide d'y
aller encore avec le bâton plutôt que d'avoir une approche collaborative.
Les finances
publiques de l'État doivent être prises en considération dans le dossier des
procureurs de la couronne et surtout
la capacité de payer des contribuables. Dans le dossier de la couronne, le
comité qui a été mis en place prend en considération
cette capacité de payer là des contribuables, fait l'analyse. Mais par contre,
avec ce groupe de professionnels là, le
gouvernement a réussi à s'entendre en 2011. Les juristes avaient bon espoir, en
2011 aussi, que leur statut serait étudié. Malheureusement, il n'y a pas eu de suite à ça. Là, on se retrouve avec
18 semaines de grève, on se retrouve dans une situation, ce soir, où on doit adopter une loi spéciale, une loi qui
vient imposer une convention collective qui vient dire : Écoutez, bien, on s'oblige, nous, le gouvernement,
à négocier de nouveau avec un conciliateur, avec un médiateur, avec la procédure, dans le fond, du Code du travail,
grosso modo. C'est un peu drôle qu'on vienne s'imposer ça lorsqu'on avait la
possibilité de trouver une entente préalablement.
Et j'ai
entendu mes collègues aussi tout à l'heure dire : Écoutez, les gens qui
sont des juristes de l'État gagnent très bien leur vie, puis on a cité les
salaires. C'est un peu normal que, quand vous travaillez, vous gagniez un
salaire.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Je suis content de l'entendre. La qualité des
professionnels qu'on a aussi, ça se paie. Puis je donnais l'exemple aussi, puis peut-être que le président du Conseil
du trésor ne m'a pas entendu tout à l'heure aussi, pour l'État, dans
l'éventualité où il décidait de sous-traiter à des cabinets privés le travail
que les juristes font, combien ça coûterait
à l'État québécois. Je pense qu'il le sait très bien. Avec un dossier de nature
juridique, un dossier au palais de
justice, contesté, un dossier qui va jusqu'à la Cour supérieure avec des
interrogatoires, ça serait l'équivalent du salaire annuel d'un juriste
de l'État. Le président du Conseil du trésor doit réaliser ça aussi.
Et on
constate que le président du Conseil du trésor va avoir fait des économies aussi
sur le dos des juristes parce que, durant 18 semaines, ils n'ont pas été payés,
M. le Président. Ils se sont même endettés pour faire valoir leurs
droits. Donc, ce rattrapage-là, il va être
perdu. On se retrouve dans une situation où les juristes vont devoir rentrer au
travail. On avait une possibilité que
les juristes puissent rentrer la tête haute, que le président du Conseil du
trésor aussi le fasse, d'arriver à une solution négociée.
Malheureusement, ce n'est pas ce qui va arriver. Et c'est pour ça qu'on
s'oppose à la loi, M. le Président.
On s'oppose à la loi parce que, au-delà de dire certaines choses, au lieu de plaider, le gouvernement aurait dû
s'asseoir à la table de négociation sérieusement et faire son bout de chemin,
ce qu'il n'a pas fait. Et, ce soir, on est rendus là.
Le Président (M. Gendron) :
Alors, je vous remercie, M. le député de Borduas. Et on va appeler l'article 1.
M. le ministre.
Une voix : ...
Le Président (M. Gendron) :
Oui. Allez, on va vous entendre.
M. Jolin-Barrette : Oui. «Qu'en vertu de l'article 244 de nos règles
de procédure, la commission plénière tienne, avant d'entreprendre l'étude
détaillée du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la
prestation des services juridiques au sein
du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le
renouvellement de la convention collective
des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, des
consultations particulières et qu'à cette fin elle entende dès que
possible Les avocats et notaires de l'État québécois.»
Le Président (M. Gendron) :
Oui, M. le ministre de l'Éducation, on va vous donner la parole.
M. Proulx : Je vais agir à titre de leader dans le cadre de
cette séance. Je vais vous demander de statuer sur la recevabilité. Je considère, M. le Président, qu'en
vertu de l'article 182 de notre règlement, troisième alinéa, ce n'est pas
recevable.
Le
Président (M. Gendron) : C'est ce que j'ai l'intention de faire.
Alors, à moins que d'autres qui sollicitent la plaidoirie, rapidement, parce qu'on a une petite habitude de ces
situations-là, alors, on va écouter vos arguments, si vous en avez,
rapidement. Oui, M. le député de Borduas, vous voulez ajouter?
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez, M. le Président, selon nos
recherches, en termes de motion préliminaire pour une procédure d'exception, ça ne s'est jamais fait, donc ça
constituerait du droit nouveau. Donc, vous avez à vous pencher sur la
recevabilité de l'amendement. Moi, ce que je vous soumets, c'est qu'il y a une
extrême pertinence à entendre les
juristes de l'État ce soir en commission parce que ça les touche directement.
Donc, la commission plénière ici bénéficierait
du témoignage des juristes de l'État, qui pourraient venir exposer
véritablement puisqu'il ne va pas y avoir de véritable négociation avec
le Conseil du trésor, M. le Président.
Donc, je vous soumets que la proposition, la
motion, est recevable.
Le
Président (M. Gendron) : Il y a des appréciations qui peuvent
être plus courtes que d'autres. Alors, on va suspendre rapidement. On va
essayer d'apprécier ça rapidement. Oui, M. le ministre, vous avez de quoi à
ajouter?
M. Proulx : Oui, bien, je
voudrais...
Le Président (M. Gendron) : Pour
aider, toujours, la présidence à prendre la meilleure des décisions?
M. Proulx : Voilà, M. le Président. Je voulais peut-être vous
lire le troisième alinéa de l'article 182, je pense que vous le
connaissez, à moins que vous souhaitiez que je le fasse.
Le Président (M. Gendron) : ...
M. Proulx : Pardon?
Le Président (M. Gendron) :
Vous pouvez rester assis en plénière.
M. Proulx : Oui, mais je ne
savais pas si vous m'aviez vu.
Le Président (M. Gendron) :
Bien, moi, je suis sûr que oui, je suis sûr que oui.
M. Proulx : N'étant pas grand,
j'ai préféré me lever. Alors, voilà, à l'article 182, troisième alinéa :
«Dès
l'adoption de la motion, les dispositions du règlement incompatibles avec la
procédure prévue dans la motion sont implicitement suspendues pour les
fins de l'étude de l'affaire faisant l'objet de la motion, sous réserve des
dispositions de la présente section.»
M. le Président, c'est assez simple, les règles
sont suspendues implicitement, la demande n'est pas recevable.
Le
Président (M. Gendron) : Bien, justement, on va suspendre
quelques instants pour aller apprécier rapidement dans les meilleurs
délais.
Une voix : ...
Le Président (M. Gendron) :
Oui.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, juste là-dessus, ce n'est pas
incompatible d'entendre des gens lorsqu'on statue sur leurs conditions
de travail, et on pourrait les entendre dans le forum approprié.
Le Président (M. Gendron) :
...aller apprécier. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 4 h 38)
(Reprise à 4 h 44)
Le
Président (M. Gendron) :
Alors, on va reprendre nos travaux. M.
le député de Borduas
a présenté une motion préliminaire qui se lit comme suit :
«Qu'en vertu de l'article 224 de nos règles
de procédure la commission plénière tienne, avant d'entreprendre l'étude
détaillée du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la
prestation des services juridiques au sein du gouvernement
et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la
convention collective des salariés
assurant la prestation de ces services juridiques, des consultations
particulière et qu'à cette fin elle entende, dès que possible, Les
avocats et notaires de l'État québécois — communément appelé LANEQ.»
Le ministre
de l'Éducation a soulevé l'irrecevabilité de cette motion en faisant valoir que
cela n'est pas compatible avec la procédure d'exception et serait donc contraire
à ce que prévoit l'article 257.10 du règlement. Après avoir pris
connaissance de la motion et des règles applicables, voici ma décision.
Selon la coutume, le processus régulier d'étude
détaillée des projets de loi publics subit toujours trois étapes distinctes. Il
débute par des remarques préliminaires, puis se poursuit par des motions
préliminaires, et se termine par l'étude
article par article. De plus, la jurisprudence
parlementaire a déjà établi qu'une motion préliminaire proposant de
tenir une consultation particulière est recevable en commission plénière
puisque la procédure pour l'étude détaillée d'un projet de loi en
plénière est analogue à celle applicable en commission parlementaire.
Il
faut cependant souligner que tout cela est valable lorsque la durée du mandat
de la commission n'est pas limitée dans le temps. Cependant, l'étude du
projet de loi n° 127 se fait en ce moment, et je crois que ça a été
mentionné par plusieurs, dans un contexte
particulier qui diffère de la situation applicable généralement en commission.
En effet, la manière dont nos délais
peuvent se dérouler est actuellement déterminée dans le cadre de la procédure
législative d'exception en vertu de la motion qui a été adoptée plus tôt
par cette même Assemblée nationale.
Dans ce
contexte, ce sont les articles 257.1 et 257.10 qui déterminent la durée de
chaque étape de l'étude d'un projet
de loi, et l'article 257.10 prévoit expressément que les règles générales
relatives aux projets de loi s'appliquent à la procédure législative d'exception, et je cite : «...dans la mesure
où elles sont compatibles avec la motion de procédure d'exception.» Ainsi, quand l'Assemblée adopte une
procédure d'exception, elle fixe par le fait même la durée des étapes du
processus législatif et toutes les règles incompatibles avec celle-ci, qui
cesse de s'appliquer, bien sûr.
Le fait que
la durée de l'étude détaillée soit limitée à cinq heures rend presque
impossible... rend impossible, dans ma
décision, je dis, moi, que ça rend impossible la présentation de motions
préliminaires visant à entendre des intervenants. En effet, les délais qu'impliquerait une telle
convocation feraient en sorte qu'une partie du temps de la commission plénière
ne serait pas utilisée pour débattre du projet de loi.
Or, l'étape de l'étude détaillée en commission
est la seule où les députés peuvent discuter en profondeur des détails du projet de loi, et il importe de
maximiser l'utilisation du temps prévu pour l'étape tel que prévu. Ainsi, si
une motion de consultation est tout à fait applicable alors qu'il n'y a
pas de limite de temps fixée d'avance pour l'étude détaillée, cette manière de procéder n'est pas compatible avec la
procédure d'exception. Et, pour toutes ces raisons, la motion présentée
par le député de Borduas doit être déclarée irrecevable.
Étude détaillée
Alors, voilà
la décision de la présidence. Et à ce moment-ci nous allons poursuivre à
l'article 1. Et, à l'article 1... Là, est-ce que vous voulez
que je le lise? Alors, c'est le ministre, normalement, qui le présente. Alors,
M. le ministre, présentez-les avec les notes. À vous, M. le ministre.
M. Moreau :
Merci, M. le Président. Alors, article 1. Objet et champ d'application, section
I : «La présente loi a pour
objet d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein
du gouvernement. Elle prévoit également la poursuite de la négociation de la convention collective des salariés
ayant pour fonction de fournir cette prestation de services. À défaut
d'entente, elle pourvoit au contenu de la convention collective.»
M. le
Président, cet article énonce l'objet de la loi, qui est d'abord d'assurer le
maintien des services juridiques et
ensuite de permettre la poursuite de la négociation de la convention
collective. Il stipule également qu'à défaut d'en arriver à une entente
la loi pourvoit au contenu de la convention collective.
Le
Président (M. Gendron) : Questions, commentaires, points de vue?
Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, à vous, si c'est requis.
Mme Léger : Non.
Le Président (M. Gendron) :
Non. M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le
Président, je vais avoir un amendement.
Le Président (M. Gendron) :
Alors, on vous écoute pour votre amendement.
M. Jolin-Barrette : Donc, modifier l'article 1 du projet de loi,
là, en ajoutant les mots «avec diligence et bonne foi» après le mot
«négociation».
Le
Président (M. Gendron) : Vous allez la déposer, on va en prendre
connaissance très rapidement. Bien, la présidence n'a pas de problème
sur la recevabilité, on la trouve recevable.
Une voix : ...
Le
Président (M. Gendron) : Excusez. Bien, ce n'est pas moi qui
dispose des copies. Alors, nous, on la trouve recevable. Vous pouvez
poursuivre, si c'est requis. M. le ministre, avez-vous des objections?
M. Moreau : À ce que?
Le Président (M. Gendron) : À
ce que la présidence reçoive l'amendement proposé.
M. Moreau :
Non, je n'ai pas d'objection sur sa réception, mais j'ai des commentaires sur
l'intérêt qu'elle peut avoir.
Le Président (M. Gendron) :
Est-ce que ça vous tente de les faire tout de suite?
M. Moreau :
Ah! bien oui, on peut faire ça tout de suite sans attendre les photocopies,
mais peut-être que la députée de Pointe-aux-Trembles...
Le Président (M. Gendron) :
C'est ça, tout à fait.
Une voix : ...
Le
Président (M. Gendron) : Non, non, on va attendre que vous ayez
copie sous vos yeux. Alors, les travaux sont suspendus quelques petites,
peut-être, minutes, mais des secondes autant que possible.
(Suspension de la séance à 4 h 50)
(Reprise à 4 h 52)
Le
Président (M. Gendron) :
Alors, merci. Nous allons poursuivre puisque chacun des membres intéressés a
pris connaissance de la légère modification en termes de
mots. Sur le contenu, j'ai peu à dire parce
que je préside. M. le ministre, à vous.
M. Moreau : Oui. Merci,
M. le Président. Alors, vous avez déclaré recevable l'amendement. Cependant, le
gouvernement estime que cet amendement est inutile et redondant. Le législateur
n'ayant pas l'habitude de s'exprimer pour ne rien dire, cette disposition est prévue déjà à l'article 20 du projet de loi que nous
étudions. Je vous en fais la lecture simplement
pour faire cette démonstration-là. Peut-être que le député
de Borduas ne s'est pas rendu à
la lecture de l'article 20. On y lit :
«L'association
ainsi que l'employeur doivent, dès la date de l'entrée en vigueur de la
présente loi, poursuivre avec diligence et bonne foi, pendant une période
maximale de 45 jours, la négociation en vue de convenir d'une entente.»
Alors,
non seulement le texte de la loi y pourvoit, mais il y pourvoit avec beaucoup
plus de précision que l'amendement
nous le suggérerait. Alors, pour cette raison, M. le Président, nous allons
voter contre l'amendement.
Le Président (M. Gendron) :
Autre expression? Je cède la parole à M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Bien, je peux rassurer tout de suite le président du Conseil du
trésor, j'ai lu son projet de
loi puis je me suis rendu jusqu'à la fin. Puis on est capables de lire d'un
recto à l'autre.
Bien, écoutez,
M. le Président, le président
du Conseil du trésor nous dit :
Le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Par
contre, il y a
un endroit où on peut l'inscrire de façon significative, c'est dans l'objet et
le champ d'application de la loi. C'est
un message fort à envoyer pour dire : On est véritablement de bonne foi et on veut négocier rapidement, négocier avec
diligence et bonne foi.
Je comprends
que c'est indiqué à l'article 20, mais l'indiquer à l'article 1,
il y a un choix rédactionnel puis un choix légistique qui s'imposent
dans ce sens-là. Et, si véritablement le gouvernement est de bonne foi, il veut
vraiment régler la situation
rapidement et arriver avec une solution négociée éventuellement, bien, je ne verrais pas pourquoi le président du Conseil du trésor
s'oppose à mon amendement, M. le
Président, d'autant plus que, dans le
conflit, la question de la bonne foi
a été soulevée de part et d'autre. Et je pense que ce serait pertinent de
l'inscrire directement dans le projet
de loi. Bien qu'elle se présume, la bonne foi, parfois par les gestes, par les
actions des parties, on ne peut pas toujours la constater.
Donc, si les parties y sont liées avec l'article 1 du projet de loi, je pense que ce
serait pertinent de l'indiquer.
Le Président (M. Gendron) :
Autres commentaires, s'il y a des gens qui le souhaitent? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Oui, M. le
Président. Évidemment, si le ministre a été capable de le placer à l'article 20,
«avec diligence et bonne foi», il n'y aurait
pas d'inquiétude à le placer à l'article 1. Et effectivement, comme dit le collègue, la section I, c'est elle qui place l'application, dans le fond,
tout le champ d'application de ce projet de loi là. Alors, si le ministre, il veut vraiment faire des bons
trucs, c'est vraiment «de bonne foi». Ça ne l'empêche pas de... «Elle prévoit
également la poursuite de la négociation [avec diligence et bonne foi].» Il n'y
a vraiment pas de problème. Alors, je pense que c'est un bon endroit pour le placer.
Le
Président (M. Gendron) : Autres commentaires? Alors, s'il n'y a
pas d'autre commentaire, est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix : Rejeté.
Le Président (M. Gendron) :
Alors, adopté d'un bord mais rejeté de l'autre. Donc, l'amendement est rejeté.
Nous en sommes maintenant à l'article 2.
M. Moreau :
...l'article 1 est adopté?
Le Président
(M. Gendron) : Toujours à l'article 1, c'est ça, parce que
l'amendement a été rejeté, mais nous sommes toujours à l'article 1. Est-ce
qu'il y a d'autres commentaires à faire à l'article 1?
Une voix : ...
Le
Président (M. Gendron) : C'est ce que je croyais. Est-ce qu'il y
a d'autres commentaires par les collègues? Je ne vois pas de demande
d'intervention. Alors, est-ce que l'article 1 est adopté?
Des voix : Adopté.
Des voix : Sur division.
Le Président (M. Gendron) :
Adopté sur division.
M. le ministre, à l'article 2.
M. Moreau : Merci, M. le
Président. L'article 2 :
«Dans la présente loi, on entend par :
«"association" : Les avocats et
notaires de l'État québécois, association ayant succédé à l'Association des juristes
de l'État par décision de la Commission des relations du travail du
23 novembre 2015, accréditée selon les articles 66 et 67 de la
Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1), et toute association qui
lui succède;
«"organisme public" : un ministère
ou un organisme à l'égard duquel l'association est accréditée en vertu des
articles 66 et 67 de la Loi sur la fonction publique;
«"salarié" :
un avocat ou un notaire nommé suivant la Loi sur la fonction publique qui, le
(indiquer ici la date de l'entrée en vigueur de la présente loi), est
représenté par l'association ou qui le devient par la suite.»
Cet article précise la signification des termes
«association», «organisme public» et «salarié» au sens de la présente loi.
Le
Président (M. Gendron) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles,
avez-vous des commentaires? Je vous entends.
Mme Léger :
Oui, M. le Président. On a pu voir, lorsqu'on a pris connaissance du projet de
loi, qu'il y a eu quelques copier-coller
de celle de 2011. On voit des éléments semblables, des articles semblables. Le
questionnement que nous avons, que je
veux demander au ministre, c'est particulièrement... Comme ça s'est fait en
2011, il y avait un ministère du Revenu.
Maintenant, c'est une Agence du revenu, et on ne voit pas qu'ils sont inclus.
Alors, est-ce que le ministre peut m'expliquer pourquoi que l'Agence du
revenu n'est pas à l'article 2? Est-ce qu'il y avait une autre...
Le Président (M. Gendron) : M.
le ministre.
M. Moreau :
Oui, M. le Président. Alors, l'Agence du revenu du Québec a été créée en avril
2011. Elle n'est pas assimilée à un organisme public au sens de la
présente loi puisque son personnel n'est pas nommé selon la Loi sur la fonction publique. Et effectivement l'Agence du
revenu du Québec n'est pas visée par le projet de loi. La raison en est bien simple, c'est que l'état des négociations
entre les avocats et les... en fait, le personnel syndiqué de l'Agence du
revenu du Québec n'est pas au même
stade que l'état d'avancement des négociations entre le gouvernement du Québec
et... les organismes publics, devrais-je dire, et Les avocats et
notaires de l'État québécois.
Le Président (M. Gendron) : Ça
vous va ou ça ne va pas?
Mme Léger : ...terminé.
Le Président (M. Gendron) : Ça
vous va?
Mme Léger : Non, ce
n'est pas terminé
Le Président (M. Gendron) :
Veuillez poursuivre.
Mme Léger :
Et qu'arrive-t-il aussi à... parce que, si je regarde le projet de loi
auparavant, en 2011, il était aussi mention
de l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale n'est pas... que le ministre a
parlé... Je lui ai demandé pour l'Agence
du revenu, je pensais qu'il était pour me parler aussi de l'Assemblée
nationale. Alors, je repose la question : Pourquoi l'Assemblée
nationale n'est pas là?
Le Président (M. Gendron) : M.
le ministre, à vous.
M. Moreau :
Alors, on m'indique qu'il n'y a aucun juriste nommé en vertu de la Loi sur la
fonction publique à l'Assemblée
nationale. Et c'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale n'est pas
visée par le texte du projet de loi.
Le Président
(M. Gendron) : Mme la députée.
• (5 heures) •
Mme Léger :
Pourtant, en 2011, il était là. Alors, pourquoi
cette fois-ci il ne l'est pas, là? Là, si je comprends la réponse du ministre, qu'il me dit aujourd'hui, là, bien, en 2011, c'était inclus. Et même, pour ceux de l'Agence du revenu, M. le Président... donc, l'Agence du revenu ne seront pas
amenés à rentrer au travail. C'est ce que je comprends.
M. Moreau : ...ce que vous devez comprendre, c'est que l'Assemblée nationale n'est pas visée par le projet de loi. Pourquoi est-ce que ça
l'était en 2011? Je demande une vérification ici, là, et je vais vous donner la
réponse dès que je l'ai obtenue.
Mais, pour l'instant, vous avez raison de dire que le projet de loi qui est à l'étude ne vise pas l'Assemblée
nationale.
Mme Léger : Et, ma deuxième question, par rapport à ceux de
l'Agence du revenu, il m'a expliqué qu'ils n'étaient pas inclus, mais donc ces gens-là ne rentreront
pas nécessairement... par ce projet de loi là, là, ne
rentreront pas au travail.
M. Moreau : Il ne sont pas visés, M. le Président, pour une raison très simple, c'est que l'état d'avancement des négociations...
parce que l'agence est un organisme qui dirige elle-même les négociations, et
l'état d'avancement des négociations entre l'Agence
du revenu et les juristes qui sont à
son service n'a pas l'état d'avancement qui est le même que celui à l'égard des organismes publics représentés dans la négociation par l'association, et la partie patronale étant
représentée par le Conseil du trésor. Et on estime que la situation juridique est donc différente, et donc c'est la
raison pour laquelle le projet de loi ne vise pas les juristes au
service de l'Agence du revenu du Québec.
Le Président (M. Gendron) : Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Oui. Combien il y
a de juristes à l'Agence du revenu? Est-ce que le ministre le sait?
M. Moreau : 176.
Le Président (M. Gendron) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Oui, quelques
questions, M. le Président, dans un souci de compréhension. Donc, je
comprends que le Conseil du trésor ne négociait pas avec les juristes qui sont représentés... bien, enfin,
ils sont dans l'unité d'accréditation
des juristes de l'État, mais par contre le Conseil du trésor ne négociait
pas leurs conditions salariales et le renouvellement
de leur convention collective. C'était plutôt la direction de l'Agence du revenu
qui négociait avec eux.
M. Moreau : Oui, tout
à fait. Ce sont les négociateurs de
l'Agence du revenu du Québec qui négocient avec les juristes, les
176 juristes de l'agence.
M.
Jolin-Barrette : Dans la
précédente loi spéciale, qui tenait compte... Bien, je pense que le ministre
siégeait quand même dans cette
Assemblée. Dans la précédente loi spéciale qui tenait lieu de convention collective, on a imposé les mêmes conditions entre
les différents juristes qui travaillent pour l'État québécois, incluant l'Agence
de revenu. On fait une distinction
maintenant. Je veux savoir : Dans le fond, l'association des juristes et
des notaires représente, dans le
fond, l'ensemble des juristes de l'État. Pourquoi est-ce que l'on fait une
distinction, du point de vue syndical, avec un point de vue patronal?
Le Président (M. Gendron) : M. le
ministre.
M. Moreau : Alors, si je comprends bien, votre question,
c'est : Pourquoi en 2011 la situation était différente de ce qu'elle est aujourd'hui? Alors, l'Agence du revenu du
Québec a été créée en avril 2011, et la loi à laquelle vous référez, c'était le projet de loi n° 135, qui
est devenu le chapitre II des lois de 2011, date du... a été sanctionnée le
22 février 2011, donc avant la création de l'agence, et c'est
ceci qui explique cela, sans aucun doute.
M.
Jolin-Barrette : Mais
l'association représentative conserve son mandat de négociation auprès des
juristes qui travaillent pour l'Agence du revenu du Québec.
M. Moreau : Oui.
M.
Jolin-Barrette : Donc, la
résultante, ça fait en sorte qu'on peut avoir une convention collective
différente pour ces juristes-là
versus ceux qui travaillent pour le Procureur général, ceux qui travaillent
pour les différentes entités qui sont sous la supervision du Conseil du
trésor.
M. Moreau : S'il y avait
conclusion d'une entente négociée entre l'agence et ses juristes, la réponse à
votre question, c'est oui, parce qu'on est
dans le contexte d'une négociation. Et ce serait vrai si on ne se rendait pas
au bout de l'exercice du projet de
loi n° 127, c'est-à-dire si on ne se rendait pas à la disposition qui
prévoit la reconduction de la convention collective de 2015, avec les
modifications de l'annexe de la loi... du projet de loi n° 127.
M.
Jolin-Barrette : Donc, on se retrouve...
M. Moreau : Mais on pourrait arriver aussi avec... Parce que
ce que j'essaie de vous expliquer, c'est qu'on pourrait aussi arriver à
la même convention collective si les parties s'entendent sur une entente
négociée.
M.
Jolin-Barrette : Mais on se
retrouve quand même dans une situation où les conditions salariales, les conditions
de traitement des avocats et des notaires
qui travaillent pour l'Agence du
revenu du Québec pourraient ne pas
être les mêmes que celles des autres juristes de l'État qui travaillent pour
les autres entités de l'État, donc celles qui relèvent de la juridiction
du Conseil du trésor.
M. Moreau : Absolument.
M. Jolin-Barrette : Donc, en créant l'Agence du revenu du Québec,
ce qu'on a fait, c'est qu'on a en
quelque sorte sorti les employés de la juridiction du Conseil du trésor, en créant l'agence, faisant en sorte que la catégorie
d'emploi, dans le fond, amène à ne pas avoir nécessairement les mêmes
conditions.
M. Moreau : Alors, en créant l'Agence du revenu du Québec,
les juristes ne sont plus assujettis à la Loi sur la fonction publique.
Et, bien qu'ils soient représentés par une même association, au sens de la
définition qu'on donne au mot «association»
dans cette loi, il pourrait arriver, parce que leur négociation est faite entre
eux et l'agence, qu'on arrive à des
conventions collectives différentes. Mais on pourrait aussi, dans un contexte
de négociation, arriver aux mêmes conventions collectives. Là où la
différence pourrait être notable, c'est si, encore une fois, on laisse
l'ensemble du processus du projet de loi
n° 127 s'appliquer, on pourrait arriver avec une entente négociée dans le
cas de l'agence et une entente... pas une entente, mais une convention
collective reconduite dans le cadre des juristes visés par le projet de loi
n° 127. Ce n'est pas ce que nous souhaitons, bien entendu.
M.
Jolin-Barrette : Dans le
cadre d'une entente entre les juristes travaillant pour l'Agence du revenu et
l'Agence du revenu, est-ce que cette entente-là doit être approuvée par le
ministre des Finances, qui est responsable de l'Agence du revenu?
(Consultation)
M. Moreau : Alors, comme toutes les autres conventions, elle
doit faire l'objet d'une approbation par le président du Conseil du trésor et non pas par le ministre des
Finances.
M.
Jolin-Barrette : Donc,
ultimement, M. le Président, c'est le président
du Conseil du trésor qui approuve ou
qui désapprouve. Donc, le président du Conseil du trésor n'est pas à la
table des négociations. Ce n'est pas son ministère qui mène les négociations.
M. Moreau : Comme il n'est pas à la table de négociation avec les juristes de l'État non plus. Ce n'est pas moi qui négocie. Le président du Conseil du trésor
n'est pas là pour négocier. Il y a des négociateurs qui le font. Le président du
Conseil du trésor — et je ne parle pas de moi à la troisième personne,
là, je parle du titulaire du poste — peut
recevoir les représentants des associations, c'est ce que j'ai fait,
mais je ne suis pas à la table de négociation pour négocier.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
M. le Président, c'est le choix du titulaire du poste d'être présent ou non,
d'assister ou non aux négociations, dépendamment du degré d'implication...
M. Moreau :
...vous serez président du Conseil du trésor, vous pourrez aller négocier. Il
n'y a pas de difficulté.
M.
Jolin-Barrette :
Dépendamment du degré d'implication. Cela étant dit, je comprends que, dans
l'éventualité où l'Agence du revenu concluait un accord de principe pour
une convention collective avec ses juristes, ça relèverait quand même du veto du Conseil du trésor pour l'approbation
de cette entente-là. Donc, la latitude que l'Agence du revenu a pour négocier sa convention collective, elle est
extrêmement limitée, parce qu'elle est soumise au Conseil du trésor.
C'est ce que je comprends.
M. Moreau :
Je ne vois pas, là, comment la réalité ne nous rattraperait pas. S'il y avait
une entente de principe entre
l'Agence du revenu, les négociateurs de l'Agence du revenu et les juristes de
l'agence, je verrais... il faudrait que le président du Conseil du
trésor soit capable de développer une justification, je pense, pour s'opposer à
une entente de principe intervenue entre les négociateurs de l'Agence du
revenu, qui ne sont quand même pas étrangers à la réalité gouvernementale, et
les salariés.
Le Président (M. Gendron) : M. le
député de Jonquière.
M. Moreau : Mais, si vous
appelez ça un veto, vous pouvez toujours appeler ça un veto. On appelle ça une
approbation.
Une voix :
...
• (5 h 10) •
Le
Président (M. Gendron) : Un
instant, M. le député de Borduas, j'ai une demande du député de
Jonquière. Je veux bien vous laisser un bon bout de temps pour
débattre, mais... bien, un peu d'alternance. C'est normal, par exemple, cependant, de vous laisser autant que possible finir votre
argumentaire. Mais là il me semble que vous avez eu quatre ou cinq questions.
Et le député de Jonquière a demandé la parole il y a quatre ou cinq questions.
Je lui laisse la parole. M. le député de Jonquière, à vous.
M. Gaudreault : Oui. Donc, j'ai
compris que le projet de loi n° 127 ne couvre pas l'Agence du revenu, et
le ministre nous a dit : Parce que l'état des discussions ou l'état des
négociations n'est pas le même.
M. Moreau : L'état
d'avancement...
M.
Gaudreault : L'état d'avancement des discussions ou des négociations
n'est pas le même. Je voudrais savoir en quoi c'est différent.
M. Moreau :
Je pense qu'au niveau des propositions qui ont été faites, là... Je ne sais pas
si les propositions ont été déposées dans le cas de l'Agence du revenu. Il n'y
a pas eu de dépôt officiel encore, de proposition par l'Agence du
revenu, c'est ce qu'on m'indique.
M.
Gaudreault : Alors, quand le ministre dit que l'état d'avancement
n'est pas le même, c'est que c'est moins avancé, d'une certaine manière,
que ce où vous en étiez avant de déposer la loi spéciale.
M. Moreau : Avec les juristes
de l'État, tout à fait.
M.
Gaudreault : O.K. Mais est-ce que ça ne vient pas donner à l'Agence du
revenu un signal de toute façon de ne pas
négocier ou de ne pas discuter, considérant que la loi spéciale va être adoptée
cette nuit en fixant des conditions d'une certaine manière... bien, pas d'une certaine manière, d'une manière
certaine va fixer des conditions, et ça vient éteindre tout intérêt pour
l'Agence du revenu de négocier?
M. Moreau : Non. D'ailleurs, la loi,
lorsqu'elle sera adoptée, ne fixera pas immédiatement les conditions, parce qu'en définitive ces conditions-là seront dans une
période où il est possible d'arriver à une négociation... à une entente négociée au-delà de la période de négociation et à
la fin de la période de médiation. Donc, non, il n'y a pas de message envoyé de façon particulière par ce projet de loi
là à l'Agence du revenu. Et d'ailleurs c'est tellement vrai qu'ils ne sont
pas dans le champ d'application de l'agence.
Il aurait été possible de les mettre dans le champ d'application, avec des
modalités différentes, si le gouvernement
avait voulu donner une indication, mais le choix qui a été fait, c'est de dire :
Non, on va respecter la procédure de
négociation, et l'agence conduira ses négociations en présentant ses offres, et
on procédera à la négociation par les mécanismes habituels.
Le Président (M. Gendron) : Autre
question, autre commentaire à l'article 2? Oui, Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles, à vous.
Mme Léger :
Bien, je fatigue avec l'explication que le ministre donne, là, sur... avec
l'Agence du revenu. Je ne comprends pas la distinction vraiment. L'association
elle-même, de LANEQ, elle, elle représente les avocats et notaires de l'État québécois, dont ceux de l'Agence du
revenu, elle négocie en fonction de tous ces membres-là. Et là le ministre
nous dit qu'il y a une distinction, que,
pour le Trésor, il fait vraiment une distinction... les juristes de l'Agence du
revenu, ils ont un autre processus.
M. Moreau : Il y a une table
de négociation qui tient compte du fait que l'Agence du revenu est une entité externe aux organismes publics du gouvernement du
Québec, et c'est donc l'agence qui a le premier contrôle sur l'évolution
des négociations avec ses juristes. Et,
comme il n'y a pas eu de proposition de déposée par l'agence, il n'y avait pas
lieu de viser ces juristes-là par le
projet de loi n° 127... et de laisser continuer la négociation, à tout le
moins pour que l'agence dépose une proposition et que cette
proposition-là soit discutée dans le cadre d'une négociation.
Mme Léger : Donc, c'est quand
même l'association LANEQ qui les représente à l'Agence du revenu.
M. Moreau :
Oui, tout à fait. Mais, comme je vous dis, là, l'Agence du revenu, elle,
lorsqu'elle est créée, en 2011, là, elle n'est pas assimilée à un organisme
public au sens de la présente loi. Et je vous lis ceci : «Les avocats et
notaires représentés par LANEQ mais
qui ne sont pas nommés suivant la fonction publique ne sont pas visés par la
loi, car ils font partie d'unités de négociation distinctes et ne sont pas en
grève. Il s'agit des juristes de l'Autorité des marchés financiers,
d'Investissement Québec et de la Régie de l'énergie.» Alors, il y en a
d'autres. Et là l'agence... évidemment, ceux de l'agence, je pense qu'ils sont
en grève, là.
Le Président (M. Gendron) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, le président du Conseil du
trésor nous a dit : L'Agence du revenu n'a pas fait de proposition.
M.
Moreau : Je voudrais juste faire une correction — je m'excuse, M. le Président — tantôt, j'ai indiqué 176 comme
membres par certificat d'accréditation. Ce que l'on m'indique, ce serait plutôt
186 à l'Agence du revenu du Québec, 894 pour
la fonction publique, 54 à l'Autorité des marchés financiers, 11 à
Investissement Québec et huit à la Régie de l'énergie en date du
29 février 2016, en termes de ETC.
Le
Président (M. Gendron) : O.K. Ça, c'était de l'information
additionnelle. Maintenant, reposez votre question, M. le député de
Borduas.
M. Jolin-Barrette : Certainement, je vais reposer ma question. Donc, M. le ministre nous
disait : Il n'y a pas eu de
proposition de la part de l'Agence de revenu pour les juristes. Il n'y a pas eu
de proposition de négociation. Est-ce que c'est ça que j'ai entendu?
M. Moreau :
Oui, vous avez raison, vous avez entendu ça.
M.
Jolin-Barrette : Donc, depuis que la convention collective... en fait,
depuis que la loi de 2011 est échue, il n'y a pas eu de pourparler.
M. Moreau :
Ah! non, non, je n'ai pas dit qu'il n'y a pas eu de pourparler.
M.
Jolin-Barrette : Mais il n'y a pas eu de proposition.
M. Moreau :
J'ai dit qu'il n'y a pas eu de proposition. Mais je présume que les gens se
sont parlé. Ce que je comprends, c'est que les gens se sont parlé, mais il n'y
a pas eu de proposition de... C'est pour ça que la négociation n'est pas au même point d'avancement que celle qui
existe entre le Conseil du trésor et les juristes de l'État. Et c'est la
raison pour laquelle l'agence n'est pas visée par les dispositions du projet de
loi n° 127.
M. Jolin-Barrette : Donc, les offres qui ont été soumises par le Conseil du trésor,
l'Agence de revenu n'a pas soumis d'offre aux juristes de l'Agence du
revenu.
M. Moreau :
C'est ce que l'on m'indique.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Le fait d'avoir deux négociateurs, vous ne
pensez pas que ça peut faire en sorte qu'il
y ait une disparité de traitement entre les juristes de l'État, entre les
différents juristes, ceux qui travaillent pour l'Agence de revenu, ceux
qui travaillent pour... qui relèvent du Conseil du trésor?
M.
Moreau : Il peut y arriver, dans le cadre des négociations,
qu'on arrive à des situations qui sont différentes. Mais, encore une fois, là, tous ces gens-là vivent
dans la réalité, hein, et j'ai l'impression que c'est du monde qui se parle.
Et je pense qu'on éviterait, autant que
faire se peut, une disparité. Évidemment, vous l'avez mentionné... Je l'ai
mentionné tantôt en réponse à une de
vos questions : Ici, on est dans un processus qui peut conduire à
l'imposition des dispositions de la
convention collective. Si, dans le cadre de l'agence, il y a une négociation
qui arrive à une entente négociée, bien, il se peut qu'il y ait une
distinction entre l'une et l'autre des situations.
Le Président (M.
Gendron) : ...
M. Jolin-Barrette : Oui. Parce que, généralement, M. le Président, historiquement, il y a
toujours des clauses remorques entre,
supposons, les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, les avocats de
l'aide juridique et les juristes de l'État. Donc là, on...
M.
Moreau : Je ne sais pas où est-ce que vous puisez cette
information-là, là, mais clause remorque... Il faudrait que vous m'indiquiez
où vous voyez une clause remorque.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, généralement, les conventions collectives se ressemblent
beaucoup, puis ce qui est donné à l'aide juridique, généralement,
ressemble énormément à ce qui est donné aux couronnes.
M.
Moreau : Il y a une différence entre des conventions
collectives qui se ressemblent et l'existence d'une clause remorque, je
veux juste vous souligner ça.
M. Jolin-Barrette : Je comprends, mais ultimement on se retrouve dans une situation où les
avocats et les notaires qui travaillent pour l'Agence du revenu
pourraient ne pas être liés par les mêmes conditions salariales, les conditions
d'indépendance également.
M. Moreau : Pour la cinq ou
sixième fois, la réponse à la question, c'est oui.
M.
Jolin-Barrette : Parfait.
Le Président (M. Gendron) : M. le
député de Jonquière.
M. Gaudreault : Qu'en est-il des
juristes pour les autres organismes hors fonction publique?
M. Moreau :
Bien, en fait, ceux qui sont visés sont ceux qui sont indiqués ici, à l'article
1. Pour les juristes de l'Autorité
des marchés financiers, d'Investissement Québec et de la Régie de l'Énergie,
ils ne sont pas visés par le projet de loi et...
M. Gaudreault : Au même titre que
les juristes de l'Agence du revenu.
M. Moreau :
Oui. D'ailleurs, pour les mêmes raisons, parce que les négociations sont
conduites par les autres organismes, comme c'est le cas pour l'Agence du
revenu.
M.
Gaudreault : Et c'est quoi, l'état d'avancement des négociations pour
les autres, régie, investissement et AMF?
(Consultation)
M. Moreau :
Je n'ai pas l'information sur l'état d'avancement de ces négociations-là,
puisqu'elles ne sont pas conduites par les représentants du Conseil du
trésor.
M. Gaudreault : Mais vous en avez
sur l'Agence du revenu.
• (5 h 20) •
M. Moreau :
Bien, on en a sur l'Agence du revenu parce que la question s'est posée à savoir
si... D'ailleurs, les autres ici, là,
ils ne sont pas en grève, là, l'Autorité des marchés financiers, Investissement
Québec et la Régie de l'énergie ne sont pas en grève. On en a sur
l'Agence du revenu du Québec parce qu'ils sont aussi en grève.
Le Président (M. Gendron) : Est-ce
que ça va?
M. Gaudreault : Non. Mais c'est
correct.
Le
Président (M. Gendron) :
Non. Non, non, mais c'est ce que ça voulait dire : Est-ce que
vous avez terminé? Oui?
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais, M. le Président, vous savez, ce modèle-là, ça me fait penser à la création de classes
de juristes. Dans le cadre de la négociation
qui est menée, on verra comment ça va en résulter, mais, moi, à la lumière de ces informations-là, c'est comme si on voulait
créer des différentes classes de juristes. Alors, peut-être
que le temps nous le dira, mais je
vais suivre ça très certainement de très près, parce qu'il m'apparaît qu'il
peut y avoir un glissement vers des
différentes classes de juristes qui servent l'État québécois
et où le gouvernement fait un choix de créer une agence, au lieu que ça soit un ministère,
l'Agence du revenu, là on fait ce choix-là, mais la résultante, ça pourrait
être cela, d'avoir différentes classes de juristes.
M. Moreau : Ce n'est pas un diktat gouvernemental de créer une agence — d'ailleurs, vous pourrez demander au député de
Jonquière, il souhaitait le faire avec le ministère
des Transports alors qu'il était au gouvernement — c'est
une décision qui relève d'une loi adoptée
par l'Assemblée nationale du Québec. Et ici ce n'est pas des classes de juristes,
c'est des unités de négociation qui sont
différentes. Alors, il ne faut pas... tu sais, je veux bien vous suivre, là, il
ne faut pas mêler les genres non plus, là.
Ce n'est pas aujourd'hui, là, qu'on a inventé des unités de négociation distinctes pour des
groupes distincts, avec des
employeurs distincts. Et les sociétés d'État sont des employeurs distincts, et c'est la raison
pour laquelle ils ont une existence qui leur est propre. Alors, ce n'est
pas qu'on aime moins, ou on aime plus, ou on crée des classes ou de la discrimination, c'est que, dans l'organisation du
travail, il y a des unités de négociation. Alors, vous êtes dans
une ou vous êtes dans l'autre puis
vous ne pouvez pas être dans le milieu, entre les deux. Et, selon l'unité de
négociation à laquelle vous appartenez, bien, vous négociez avec l'employeur
qui fait face à l'unité de négociation. Ce n'est pas une grande
révélation, là.
Le Président (M. Gendron) : Oui, Mme
la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Donc, avec tout ce que le ministre
nous dit et avec les questions des collègues, il y
a différentes unités de
négociation pour les juristes de l'État, de ce que je comprends, c'est que la
loi qui est devant nous concerne particulièrement ou uniquement les 894.
M. Moreau :
Je m'excuse, Mme la députée, j'essaie d'avoir les informations pour répondre le
plus adéquatement à vos questions, ce qui m'a empêché d'écouter
celle-là, et je vous présente mes excuses.
Mme Léger : Ce que
je veux dire, c'est que, comme vous nous avez clarifié les unités, dans le
fond, de négociation, là, on voit que...
l'AMF, Investissement Québec, la Régie de l'énergie, et vous avez dit qu'il y
avait 894... vous nous les avez bien indiqués tout à l'heure, il y a
894. Donc, ce qu'on touche présentement, là, la loi concerne ces 894 là.
M. Moreau :
Oui.
(Consultation)
Mme
Léger : Donc, évidemment, il y a quand même... Tout à l'heure,
je vous voyais répondre au collègue, vous voulez bien faire la différence que c'est des unités de négociation puis
que ce n'est pas nécessairement des traitements, nécessairement... oui, des traitements différents, mais ce n'est pas
nécessairement ça que vous vouliez dire. Ça reste quand même qu'il y a un impact. On peut s'entendre puis
voir qu'il y a quand même un impact que c'est différentes négociations qui se font, et il n'y en a qu'une, de ces
unités-là, dans l'ensemble des juristes de l'État, il n'y en a qu'une que le
négociateur est le Conseil du trésor.
M.
Moreau : Bien, si vous parlez de l'Agence du revenu, l'Autorité
des marchés financiers, Investissement Québec et la Régie de l'énergie, elles conduisent, elles, leurs négociations
avec les unités d'accréditation, qui sont différentes. Et ceux qui sont visés par le projet de loi
n° 127, ce sont les 894 membres de la fonction publique, et c'est
avec eux que l'état des
négociations... parce que, dans certains cas, je répète... Tantôt, là,
j'indiquais que, sauf pour l'Agence du revenu, l'Autorité des marchés financiers, Investissement Québec et la Régie de
l'énergie ne sont pas en grève, c'est la réponse que je donnais à savoir
pourquoi est-ce qu'on savait que l'Agence du revenu du Québec n'était pas visée
puis qu'on connaissait l'état d'avancement
des négociations. Et, pour la fonction publique, bien, l'état d'avancement des
négociations a été largement débattu, là, entre nous, et c'est eux qui
sont visés par le projet de loi n° 127.
Mme Léger :
Les autres unités, l'AMF, Investissement Québec, Régie de l'énergie, ils ne
sont pas en grève, comme vous avez dit tout
à l'heure, sauf ceux de l'Agence du revenu et de la fonction publique. Ceux-là,
est-ce que leurs conventions se terminent? Où en sont rendues les
négociations à eux? Ma première question.
La
deuxième, M. le ministre, c'est : Particulièrement, ça fait des impacts de
n'avoir un projet de loi... une loi spéciale que pour ceux de la fonction publique que vous touchez présentement. Il
va y avoir un impact sur les autres, évidemment, du traitement que vous venez de faire avec la loi spéciale. Les autres
sont entamées ou ils vont s'entamer. Il va y avoir une réaction, là.
Est-ce que vous êtes conscient de ça?
M.
Moreau : J'arrive sur la deuxième question, je reviendrai sur
la première, je pense qu'on est en train de faire la vérification. Sur votre deuxième
question : Est-ce que ça a des impacts?, dans la mesure où, un, ils ne
sont pas visés par la loi
n° 127, deux, dans la mesure où la loi n° 127 établit encore un
espace de négociation, ce que l'on souhaite, c'est dire : On va arriver à une entente négociée.
Alors, par exemple, dans le cas des juristes visés par la loi n° 127, je
reviens aux deux questions, aux deux
questions qui sont en débat à la table de négociation, c'est-à-dire la
rémunération et le statut. À ma
connaissance, sur la rémunération, tant et aussi longtemps qu'il y a une
discussion et qu'on est à l'intérieur du cadre financier, le
gouvernement est en mode négociation, il n'a pas l'intention de l'imposer si on
est dans un contexte de négociation qui se
continue, et qui progresse, et qui n'arrive pas à une situation d'impasse. Donc,
il n'y a pas de message envoyé par cette loi-là aux autres unités
d'accréditation, dans la mesure où ils ont libre choix de négocier.
Et,
pour l'unité d'accréditation liée à la fonction publique, aux 894 salariés
qui sont visés par le projet de loi n° 127, encore une fois, je le répète, notre intention est de ménager cet espace
de négociation pour en arriver à une entente négociée. Et il me semble que l'aménagement que propose...
l'architecture que propose la loi permet un contexte où on peut arriver à une entente négociée. Est-ce que c'est idéal? Je
vous l'ai dit plusieurs fois, la réponse, c'est non, ce n'est pas le premier
choix du gouvernement. Le premier choix du gouvernement, c'est de pouvoir
s'asseoir, négocier et s'entendre.
Le Président (M.
Gendron) : M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, tout à l'heure, le président du
Conseil du trésor nous a dit : S'il y a une convention collective qui est signée entre les juristes de l'État qui
travaillent pour l'Agence de revenu et l'Agence du revenu, cela doit
être approuvé par le Conseil du trésor.
M. Moreau :
Oui, le Conseil du trésor doit donner son approbation...
M.
Jolin-Barrette : J'imagine que c'est la même...
M.
Moreau : ...aux ententes de principe intervenues entre les
parties, comme c'était... Par exemple, la nuit dernière, il y a eu une
entente de principe avec les agents du service correctionnel. Cette entente de
principe là est soumise, évidemment, aux
représentants... aux syndiqués et par la suite est entérinée par le Conseil du
trésor, puisque ça implique une
dépense pour l'État, c'est-à-dire la mise en oeuvre de la convention
collective, et c'est la raison pour laquelle c'est soumis à
l'approbation du Conseil du trésor.
M. Jolin-Barrette : Il y a quand
même une différence, les agents correctionnels relèvent du ministère de la
Sécurité publique, à moins que je me trompe.
M.
Moreau : Comme le ministère de la Sécurité publique, aussi, va
négocier ou a commencé à négocier avec les
représentants de la Sûreté du Québec. Puis, à la fin de la journée, tout ça
revient au Conseil du trésor pour approbation parce que la mise en oeuvre de la convention collective suppose une
dépense des deniers de l'État, et le Conseil du trésor est l'organisme
de régulation et de contrôle des dépenses.
M.
Jolin-Barrette : Je
comprends, mais il y a quand même une distinction avec le cas d'exemple qu'on donnait
par rapport aux juristes de l'Agence du
revenu, parce qu'eux, ils sont en dehors du périmètre directement des
ministères.
M. Moreau : Oui.
M.
Jolin-Barrette : Ils
relèvent d'une agence. Donc, c'est la même chose pour Investissement Québec,
pour la Régie de l'énergie, pour l'agence de... pour l'AMF : s'il y
a une entente... une convention collective, elle est sujette à l'approbation du
Conseil du trésor. Là, on suit.
• (5 h 30) •
M. Moreau :
Oui, mais évidemment je vous répète que, lorsqu'il y a une entente de principe dégagée à la table de négociation, il y a peu d'obstacles pour obtenir l'approbation du Conseil du trésor, à moins qu'il nous arrive quelque
chose, là, de... C'est possible, mais c'est peu probable.
M. Jolin-Barrette : Bon, alors, M. le Président, ma question
au ministre : Est-ce que les paramètres de négociation qui sont offerts,
que ce soit à l'AMF, à Investissement
Québec, à la Régie de l'énergie, à l'Agence du revenu du
Québec, pour les juristes de l'État
qui sont couverts par les différentes unités d'accréditation et ceux qui sont
représentés par l'association des
juristes... est-ce que les paramètres de négociation peuvent être plus
élevés que ceux que le Conseil du
trésor présente?
M. Moreau : Non, le Conseil
du trésor autorise les mandats de négociation. Alors, le Conseil du trésor autorise les
mandats de négociation, ces mandats-là sont exécutés. Lorsqu'il
y a une entente de principe, ça revient au Conseil du trésor pour autoriser la mise en oeuvre de la convention
collective.
M. Jolin-Barrette : Donc, pour ma
compréhension, le président du Conseil du trésor donne un mandat aux dirigeants de l'Agence de revenu et dit :
Vous devez régler entre tel paramètre puis tel paramètre. Voici les offres que
j'ai faites aux juristes, voici le mandat que j'ai donné à mes négociateurs à
la table des négociations avec les juristes de l'État qui travaillent pour l'État, supposons PG, CSST, CMT, et là vous
devez vous gouverner... les offres que vous allez faire aux procureurs
qui travaillent à l'Agence du revenu vont être les mêmes. Est-ce que c'est ça?
M. Moreau :
Ce n'est pas de cette façon-là que ça fonctionne. Je vous donne l'exemple,
l'agence, par exemple, va présenter
une proposition de mandat au Conseil du trésor, qui va ou non l'autoriser,
exactement comme le ministre, par
exemple, de la Sécurité publique va présenter ou le ministre de la Santé va
présenter au Conseil du trésor des paramètres d'un mandat de négociation. Le Conseil du trésor autorise les
paramètres, ou les discute, ou en demande des modifications. La négociation s'enclenche, et, s'il y a une
entente de principe, là il peut y avoir des modifications au mandat parce que
c'est une négociation et que les choses peuvent évoluer. Et à la fin, lorsque
l'entente de principe est conclue, lorsqu'une entente de principe est conclue, elle revient au Conseil du trésor pour
être autorisée et donner suite à la mise en oeuvre de la convention
collective.
Le Président (M. Gendron) : M. le
député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Donc, je veux juste savoir si la convention
collective des juristes de l'Agence de revenu était échue également
depuis le 31 mars 2015.
M. Moreau : Ah! Je ne le sais
pas. L'Agence du revenu, c'est...
Une voix : Oui.
M. Moreau : On me dit que
oui.
M.
Gaudreault : Donc, c'est exactement la même date que les juristes de
l'État sous la Loi de la fonction publique.
M. Moreau : C'est ce qu'on me
dit, oui.
M.
Gaudreault : O.K. Est-ce que le mandat de négociation avec les
juristes de l'État à l'Agence du revenu couvre également le salarial et
le statut?
M. Moreau : Est-ce que le
mandat à la...
Une voix : ...
M. Moreau :
Il couvre le salarial, me dit-on, sauf le normatif.
M. Gaudreault : Mais la question du
statut?
M. Moreau : Je ne sais pas.
Est-ce que...
M. Gaudreault : Ce serait important
de le savoir.
M. Moreau : On n'a pas eu de
demande de l'Agence du revenu sur une question liée au statut.
M.
Gaudreault : Mais,
considérant l'indépendance de l'Agence
du revenu et si je comprends la
logique que vous nous expliquez depuis tout à l'heure...
Une voix : ...
M.
Gaudreault : Oui, bien,
c'est ça. Donc, est-ce que ça serait possible que l'Agence du revenu négocie un statut séparé?
M. Moreau : Non, parce que la question liée au statut, lorsqu'on
la ramène aux termes les plus techniques, là, c'est un mode de négociation qui serait différent, et le mode de négociation n'est pas déterminé par l'Agence
du revenu. Les conditions de
travail sont déterminées dans le contexte de la négociation menée par l'agence,
mais le mode de négociation, qui dit, bon, bien, est-ce qu'il y aurait
un comité, par exemple, comme les procureurs de la couronne, ce n'est
pas dans le mandat de l'Agence du revenu de le déterminer, c'est au gouvernement. Alors, toute cette question-là, du statut...
D'ailleurs, c'est un peu la raison pour laquelle
on suggère, dans le cadre de la négociation actuelle, de dire : Il y aura
un comité qui va déterminer la question du statut. J'ai expliqué qu'on... très
respectueusement, on n'était pas d'accord avec la position des juristes de
l'État, mais qu'on est prêts à en débattre et même de voir si, à l'intérieur
même des juristes, le statut peut
être différent. Est-ce qu'il y a une distinction entre, par exemple, le plaideur, entre le légiste, entre le notaire? C'est une possibilité.
Le Président (M. Gendron) : Ça va?
M. Moreau : Et, pour donner un complément d'information, je pense, au député de Borduas, là, et probablement
au député
de Jonquière également,
là, c'est l'article 37 de la Loi sur l'administration publique qui
oblige les organismes publics
à venir en requête. Chaque dossier est analysé dans son contexte et ses particularités, et le mandat est subséquemment
autorisé par le Conseil du trésor.
M.
Gaudreault : Donc, si je comprends bien, les juristes membres de LANEQ
au service de l'Agence du revenu, eux, ils ont encore du temps pour négocier
sans la menace de la loi spéciale, mais non pas les autres juristes membres
de LANEQ qui sont des juristes de l'État
sous la Loi sur la fonction publique. Donc, il y a plus de marge de manoeuvre
de négociation, au fond, du côté de l'agence... ou c'est peut-être des
meilleurs négociateurs que le ministre, là, ça, c'est possible, du côté de l'Agence du revenu, ce qui ne
m'étonnerait pas, mais eux, ils ont encore de la place de négociation, ce qu'il n'y a plus du côté des juristes de l'État
sous la Loi sur la fonction publique parce que le ministre a décidé de mettre
une loi spéciale.
M. Moreau :
Je ne sais pas si je peux vous convaincre que votre interprétation est erronée,
mais, en tout cas, je vais essayer de
le faire. Ce n'est pas une question de qualité de négociateur, contrairement à
ce que vous dites, là, c'est des unités
d'accréditation qui sont différentes et c'est des unités d'accréditation qui ne
sont pas au même niveau d'avancement dans
leurs négociations avec le représentant de l'employeur. Alors, je ne présume
pas qu'il y a plus ou moins de marge de manoeuvre, il y a la même marge
de manoeuvre dans le contexte d'une négociation et la possibilité d'arriver à
une entente négociée.
Le Président (M. Gendron) : Est-ce
que l'article 2 est terminé?
M. Moreau : J'espère que je
vous ai convaincu.
Une voix : ...
M. Moreau : Ah! O.K. Le
contraire m'aurait étonné.
Le Président (M. Gendron) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Je veux qu'on
revienne sur la question des mandats. Lorsqu'un organisme vient voir le président du Conseil du trésor et dit : Moi,
j'ai des juristes qui sont en grève à l'Agence du revenu, voici, je vous
présente un mandat de négociation, au
président du Conseil du trésor, voici ce que je souhaite négocier, les
paramètres qui sont fixés... Est-ce que les paramètres autorisés pour la négociation avec
les avocats qui sont à l'Agence du revenu sont les mêmes que les paramètres qui
ont été offerts aux juristes de l'État?
M. Moreau :
...par l'Agence du revenu pour établir les paramètres. Alors, il est prématuré
de répondre à votre question.
M.
Jolin-Barrette : Donc, les
avocats et les notaires de l'Agence du revenu sont en grève depuis
18 semaines, l'employeur n'a pas
de mandat de négociation, n'a pas demandé une négociation au Conseil du trésor,
et il n'y a pas eu de négociation du
tout entre ces juristes-là et l'Agence du revenu. Et ces gens-là, mercredi
matin, donc le 1er mars, ils sont
toujours en grève, à moins qu'ils décident de mettre fin à leur grève, et ils
n'auront pas d'offre qui sera soumise par l'Agence du revenu.
M. Moreau :
Bien, vous allez vite un peu, là. Votre présomption est très, très longue, là,
il y a des grands bouts qui ne sont pas exacts, mais continuez.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
ma présomption, M. le Président, M. le Président de la commission...
Le Président (M. Gendron) : Oui,
j'ai compris.
M. Moreau : On est deux
présidents, mais il s'adresse à vous.
M.
Jolin-Barrette : C'est ça,
mais prenons pour acquis que, lorsque je dis juste «président» dans le cadre de
cette commission, c'est le président de la commission plénière.
Mais, pour le
1er mars, dans le fond pour mercredi matin, ça veut dire qu'il n'y a pas de
mandat qui aura été octroyé à
l'Agence du revenu, qui aura été autorisé, il n'y aura pas eu de négociation,
et les avocats qui travaillent à Revenu Québec vont toujours être en
grève, à moins qu'ils mettent fin à leur grève, et ils ne sont pas visés par la
loi spéciale.
M. Moreau :
Bien, qu'ils ne soient pas visés par la loi spéciale, là, je pense que ce n'est
plus une surprise, ça fait plusieurs fois que je réponds à cette
question-là. Qu'il n'y ait pas de négociation, c'est faux...
M. Jolin-Barrette : Alors, pourquoi
ne pas l'inclure?
M. Moreau :
Je vais terminer si vous me permettez. Pour dire qu'il n'y a pas de
négociation, c'est faux. J'ai dit simplement
qu'il n'y avait pas d'offre qui avait été présentée, qu'une demande de mandat
n'avait pas été présentée au Conseil
du trésor par l'Agence du revenu, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de
discussion entre l'unité d'accréditation des juristes de l'État à
l'Agence du revenu et l'agence elle-même.
M.
Jolin-Barrette : Bien, M. le
Président, s'il n'y a pas de mandat qui été demandé, vous pouvez bien vous
asseoir autour d'une table, s'ils ne sont pas autorisés à régler la situation
et à trouver, à négocier une entente, c'est un peu difficile.
• (5 h 40) •
M. Moreau : ...parce que vous
avez manqué peut-être la réponse que j'ai donnée à votre question tantôt, le normatif ne fait pas partie du mandat qui est donné par le Conseil du trésor. Alors, on peut s'entendre, régler le normatif et, après, demander un mandat. Et on peut même
discuter avant d'obtenir le mandat de façon exploratoire parce que
c'est comme ça aussi que ça
fonctionne, une négociation de convention
collective, pour savoir s'il y a des
ententes possibles sur l'aspect de rémunération. Alors, je présume qu'à
l'heure actuelle les discussions qui
existent peuvent toucher sur le normatif,
elles peuvent avoir lieu depuis fort longtemps et continuer sans qu'un mandat n'ait été demandé,
puis on n'est pas dans une situation
qui est exceptionnelle ou en dehors du champ de la négociation par l'Agence du revenu du
Québec.
M.
Jolin-Barrette : Mais ça
veut quand même dire que, s'il n'y a pas eu de mandat de demandé,
les négociations vont devoir
se poursuivre encore un certain temps.
M. Moreau : Je vous ai dit tantôt...
M. Jolin-Barrette : À court terme,
on ne prévoit pas...
M. Moreau : Regardez, moi, je peux répondre à votre question jusqu'à
7 heures, ce soir, là, ça ne me dérange pas. La négociation, oui,
elle peut se poursuivre. Savez-vous pourquoi? Comme dans ce cas-là, la négociation
peut se poursuivre, mais je vous répète que,
même si la négociation se poursuit, l'unité d'accréditation qui relève
de l'Agence du revenu du
Québec n'est pas visée par la loi n° 127. Est-ce qu'ils peuvent négocier?
La réponse est oui. Est-ce qu'ils discutent? La réponse est oui. Est-ce qu'il y
a un mandat? La réponse est non.
Là, je ne
sais pas ce que je peux vous dire de plus que ça parce que ça fait plusieurs
fois que vous tournez autour de la même
question. Alors, je présume que, si vous avez d'autres questions
dans le même genre, référez-vous aux notes que vous pourrez avoir parce
que la réponse que je vais vous
donner est toujours la même. On peut continuer comme ça. Si vous ne voulez pas l'étudier, le projet de loi, c'est votre choix. Moi, je suis prêt pour aller dans d'autres articles.
Mais, si vous
voulez avoir le contexte général du fonctionnement du Conseil
du trésor, le Conseil du trésor, c'est un conseil qui touche
les dépenses du gouvernement. Il est présidé par le président du Conseil du trésor, il y a des ministres du gouvernement qui siègent au Conseil du
trésor, et on reçoit les mandats selon qu'ils nous sont acheminés ou pas, et on
prend cette décision-là.
M. Jolin-Barrette :
M. le Président, je pense que ma question était...
Le
Président (M. Gendron) : M. le ministre, un instant, j'allais faire une mise au point très raisonnable. C'est clair que l'intervenant peut poser les questions qu'il veut, comme vous,
vous pouvez donner les réponses que vous voulez, même si, effectivement, elles ont été dites et répétées de part et
d'autre à plusieurs reprises. Il s'agit de ne s'en tenir qu'à ça. Alors,
est-ce que c'est terminé, l'article 2? Merci. À l'article... Oui. Est-ce que
l'article 2 est adopté?
Des voix :
Sur division.
Le Président (M.
Gendron) : Adopté sur division. M. le ministre, à l'article 3.
M.
Moreau : Alors, on m'indique, M. le Président, qu'il y aura un
amendement à l'article 2. On peut passer à l'article 3 ou on peut
attendre que les amendements soient prêts.
Le
Président (M. Gendron) : Oui, un instant, là. Il n'y a pas une erreur?
Parce que l'article 2, vous-même, vous avez proposé de l'adopter.
M.
Moreau : Non, mais on m'indique à l'instant, là, qu'il y aurait
des amendements à l'article 2, notamment aux termes des définitions.
Alors, si vous avez...
Le
Président (M. Gendron) : Mais là on a un problème, ça s'appelle... On
vient de l'adopter, puis proposé par vous.
M. Moreau :
Pardon?
Le Président (M.
Gendron) : On vient de l'adopter et proposé par vous, l'article 2.
M.
Moreau : On pourra vous faire un amendement à une autre
disposition qui viendra à 2.1, ce n'est pas plus difficile que ça.
...l'adoption de l'article 2, on fera...
Le Président (M.
Gendron) : Faites donc 2.1 tout de suite. Êtes-vous en mesure de faire
2.1 tout de suite?
M. Moreau :
Non, je ne suis pas en mesure de le faire parce que le texte n'est pas là et...
Le
Président (M. Gendron) : Non, ça va, c'est clair. Non, on s'entend. On
s'entend, M. le ministre, que, quand ça sera prêt, on fera un 2.1. Et
ça, il n'y a pas de problème.
M. Moreau :
Parfait.
Le Président (M.
Gendron) : O.K. Bien, un instant. Par contre, est-ce qu'on peut
s'entendre tout de suite qu'il y aura consentement parce que, quand je suis sur
le 3...
Une voix :
...
Le
Président (M. Gendron) : Non, non, mais ça ne me dérange pas, mais je
veux juste poser la question, là. Si on fait l'article...
Une voix :
...
Le
Président (M. Gendron) : Un instant, pardon, je voulais juste finir ma
phrase. C'est que, si nous entamons l'article 3, ça va être difficile de
faire un 2.1, à moins qu'il y ait consentement tout de suite de le faire après
quand les parties seront prêtes à le faire.
Donc, je le sollicite, est-ce que vous donnez tout de suite votre consentement
pour faire 2.1, ce qui nous
permettrait de commencer l'article 3? C'est juste ça que je veux savoir. Est-ce
qu'il y a consentement de faire ça?
Mme
Léger : Mais là, si je comprends bien, c'est qu'on s'en va à
l'article 3, mais on va revenir à 2.1 pour leur donner le temps d'avoir...
Le Président (M.
Gendron) : Si vous donnez votre consentement.
Mme Léger : La raison, c'est
pour qu'on ait le temps d'avoir les choses dans les mains?
Le
Président (M. Gendron) : Exact.
Mme Léger :
Pas de problème pour moi.
Le
Président (M. Gendron) : Alors, il n'y a pas de problème, il y a
consentement. Est-ce que vous voulez plaider pareil?
M. Proulx : ...M. le Président, que c'est en vertu de 257.6,
à l'amendement au rapport, on pourrait le faire une heure après la
présentation du rapport de la commission plénière, mais...
Le
Président (M. Gendron) : Oui, oui. Vous avez raison là-dessus.
M.
Proulx : Mais je comprends qu'il y a peut-être une autre option qui est
envisagée.
Le
Président (M. Gendron) : Ça va. Alors, M. le ministre, allez à
l'article 3.
M.
Moreau : Merci, M. le Président. Article 3, section II,
Continuité des services :
«Un salarié doit, à compter de 8 h 30 le mercredi 1er mars 2017, cesser
de participer à la grève en cours et reprendre le travail, conformément
à son horaire habituel et aux autres conditions de travail qui lui sont
applicables.
«Un
salarié doit, à compter du même moment, respecter les devoirs attachés à ses
fonctions ainsi qu'accomplir ses
activités professionnelles ou administratives,
conformément aux conditions de travail contenues dans la convention
collective intervenue entre l'association et le gouvernement qui a expiré le 31
mars 2015.»
M. le Président, cet
article oblige la ou le salarié à retourner au travail le mercredi 1er mars
2017 comme à l'habitude. Il doit donc cesser de participer à la grève,
respecter les devoirs attachés à ses fonctions et accomplir ses activités
professionnelles ou administratives suivant les conditions de travail qui lui
sont applicables.
Le Président (M.
Gendron) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, à l'article 3.
Mme
Léger : Oui, M. le Président. C'est une série d'articles qui
suivent, qui enlèvent vraiment le droit de grève. C'est ça qu'on voit
dans les articles subséquents du 3, le 3 et les autres. Évidemment, je vais
avoir besoin d'une discussion avec le ministre parce que, lorsqu'on dit qu'on
enlève un droit de grève, on doit donner aussi un processus équivalent pour régler les différends. Alors, le
ministre n'est pas sans savoir qu'il y a de la jurisprudence à ce niveau-là, et
je veux savoir pourquoi le ministre enlève
ce droit de grève là tout en n'ayant pas un autre mécanisme, un autre processus,
dans le fond, qui est équivalent.
Il
va s'attendre à ça, que je lui cite l'arrêt Saskatchewan. Les juges de cet
arrêt-là ont cité le juge Dickson dans le renvoi relatif à l'Alberta, à
la page 380, entre autres, qui dit : Manifestement, si le droit de grève
devait être refusé et s'il n'était remplacé
par aucun moyen efficace et juste de résoudre les conflits de travail, les
employés se verraient refuser tout
apport susceptible d'assurer des conditions de travail équitables et décentes
et le droit des relations de travail s'en trouverait faussé entièrement à l'avantage de l'employeur. C'est pour
cette raison que l'interdiction législative de la grève doit
s'accompagner d'un mécanisme de règlement des différends par un tiers.»
Alors,
comment le ministre explique ce qu'il nous apporte, toute la partie de la médiation
qui est non exécutoire, la manière que le ministre l'a mise dans son
projet de loi, qui est pour lui un mécanisme suffisant qui va compenser le
retrait du droit de grève? Alors, le ministre a dû réfléchir à ça quand il a
fait sa loi. Ce n'est quand même pas rien, M. le
Président, on enlève le droit de grève, hein? C'est ce qu'on fait avec une loi
spéciale qu'on a devant nous. Et, en même
temps, l'arrêt Saskatchewan, c'est une jurisprudence que le ministre doit
connaître. Donc, j'ai besoin d'explications, les gens ont besoin
d'explications, on veut comprendre l'intention du ministre et comment il va
suppléer à ça.
Le Président (M.
Gendron) : Alors, M. le ministre.
M.
Moreau : M. le Président, oui, on connaît l'arrêt Saskatchewan
de la Cour suprême. Il y a eu d'autres arrêts aussi qui ont été rendus par la Cour suprême, notamment dans B.C. Health
Services en 2008 où, finalement, sans la citer au texte, la Cour suprême vient dire que le droit de négocier, ce n'est
pas nécessairement le droit d'avoir raison et qu'une négociation, ce
n'est pas éternel.
Alors,
la cour dit ceci : «...les parties ne sont pas tenues à des efforts
illimités pour parvenir à une entente. Les parties engagées dans la
négociation peuvent en arriver à un point où la poursuite des discussions
serait vaine. Dans ce cas, la décision de
rompre les négociations ou d'adopter l'attitude "à prendre ou à
laisser" ne serait probablement pas considérée comme allant à
l'encontre des négociations de bonne foi.
«L'obligation
de négocier de bonne foi n'impose pas la conclusion d'une convention collective
ni l'acceptation de clauses
contractuelles particulières. Elle n'empêche pas non plus la négociation
serrée. Les parties restent libres d'adopter une "ligne dure dans l'espoir de pouvoir forcer l'autre partie à
accepter les conditions qui lui sont offertes".» Et là on réfère à une autre décision de la Cour suprême du Canada
rendue en 1983 dans Syndicat canadien de la Fonction publique contre
Conseil des relations du travail de la Nouvelle-Écosse.
• (5 h 50) •
Alors, il y a
beaucoup plus de nuances que ce que vous exprimez, Mme la députée, avec
beaucoup d'égard, je le dis, dans
toute la question de la considération, par la Cour suprême du Canada, des
paramètres de négociation d'une convention
collective. Négocier, là, ce n'est pas s'asseoir à une table, se croiser les
bras puis dire : Moi, si je n'ai pas exactement
ce que je veux, c'est bien de valeur, mais ça ne marchera pas. Ce n'est pas ce
que la Cour suprême dit. Négocier, ce
n'est pas non plus l'épuisement des parties pour avoir absolument raison. Puis
négocier, ce n'est pas le droit d'avoir raison en totalité sur ce que l'on demande. Et la négociation, dans le
contexte du droit au Canada, qui s'applique aussi au Québec, ce n'est pas
un droit qui est illimité.
Et
j'ai expliqué plus tôt, dans les notes que j'ai livrées lorsqu'on a fait les
remarques sur l'adoption du principe de
la loi, que, dans le contexte actuel, un gouvernement, lorsqu'il négocie avec
ses employés, doit, à un certain moment, établir un équilibre, un équilibre entre les droits de l'association
syndicale et les droits qui, ailleurs dans la société, peuvent être touchés. J'ai repris les propos que vous
aviez tenus en cette Chambre à la période des questions sur les inconvénients
posés par la grève. Le député de Borduas en
a fait également grandement état. Mais on ne peut pas à la fois dire : il
y a un grave problème, puis
réglez-le. Puis réglez-le par la négociation parce que, si vous ne le réglez
pas par la négociation, on va continuer à... Ce n'est pas éternel, ces
choses-là. C'est les paramètres que nous donne la Cour suprême.
Puis
vous ne pouvez pas à la fois vous envelopper en disant : Il y a un
problème social, puis c'est de la faute du gouvernement, puis le
gouvernement doit absolument le régler en négociant parce que, autant dans la
prétention que vous avez que dans les
discours du député de Borduas, vous laissez l'impression qu'à la table de
négociation il y a juste une partie,
c'est le gouvernement puis que, si la négociation n'aboutit pas, c'est la faute
du gouvernement. On dirait que vous
avez évacué totalement de la pensée l'idée qu'il puisse y avoir à une table de
négociation deux parties qui s'y trouvent. Et c'est exactement les nuances
qu'apporte la Cour suprême dans l'arrêt B.C. Health Services de 2008, où elle
dit, écoutez : La négociation,
ce n'est pas éternel. M. le Président, je suis convaincu que vous avez négocié
plusieurs fois dans votre vie dans
des situations de relations de travail, et ça, ce n'est pas la garantie, la
négociation, d'obtenir exactement ce que l'on demande, et c'est balisé
dans le temps.
Alors,
à votre question : Est-ce que le ministre a réfléchi aux dispositions et
aux préceptes de la Cour suprême dans l'arrêt Saskatchewan, la réponse
est oui. Et c'est la raison pour laquelle, dans le projet de loi, lorsqu'on le
verra dans les articles suivants, on aménage
un mécanisme qui compense le retrait du droit de grève et l'obligation d'entrer
au travail. Et ce mécanisme-là, c'est
un mécanisme balisé dans le temps qui s'appelle une négociation, négociation
avec ou sans conciliation et négociation avec ou sans conciliation
suivie d'une médiation pour une période additionnelle de 105 jours. C'est ce
qu'on appelle un mécanisme de balise.
Le Président (M.
Gendron) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, poursuivez.
Mme
Léger : M. le Président, le ministre s'est éloigné, puis il est
revenu, puis il s'est éloigné, puis il est revenu, là. Je comprends
qu'il n'est pas content, puis qu'il fait une loi spéciale, puis qu'il dit que,
là, ça suffit, puis qu'on fait une loi
spéciale, mais qu'on a quand même à l'intérieur de la loi spéciale un temps
pour négocier. Mais, dans son arrêt, l'arrêt, tout à l'heure, qu'il...
Moi, je lui ai parlé de l'arrêt Saskatchewan, il est revenu sur l'arrêt Health
Services. La personne à côté de lui — je ne sais pas si c'est le sous-ministre, il
n'a pas été présenté — à côté du ministre, il lui a remis un petit papier, là. Mais je pense qu'il faut le lire au complet aussi,
l'arrêt. L'arrêt dit aussi que d'imposer des conditions de travail,
c'est aussi inconstitutionnel. Alors, je pense qu'il faudrait le lire au
complet.
Et là le ministre
nous dit : Bien, on continue et on négocie. Puis négocier, c'est quand
même un mécanisme. Alors là, le ministre est
en train de nous dire que... Devant lui, il lui apporte l'arrêt Saskatchewan,
qui dit qu'il y a une obligation dans cet arrêt-là, la jurisprudence, de
trouver un mécanisme, d'avoir un mécanisme adjacent, et là il nous dit que, dans le projet de loi, négocier, c'en est
un, mécanisme. Est-ce que c'est ça que je comprends du ministre, que le fait
qu'il insère dans son projet de loi la partie qu'il va avoir une négociation
correspond pour lui à un mécanisme dont la jurisprudence fait état dans l'arrêt
Saskatchewan?
M.
Moreau : Absolument. Non seulement ça, mais, dans B.C. Health
Services, qui avait été trouvé
illégal par la cour, c'est le fait d'avoir annulé des dispositions d'une
convention collective existante. Et c'est exactement ce que je vous ai expliqué
dans les remarques préliminaires à la présente séance, où je vous dis :
Ici, la raison pour laquelle l'annexe de la
loi ne reproduit pas exactement les dernières propositions gouvernementales,
c'est parce qu'on respecte l'architecture
de la convention collective qui a pris fin en 2015. Vous suivez le raisonnement
que je vous fais, là, ce n'est pas
parce que le gouvernement veut être moins généreux, c'est parce que, justement,
dans les préceptes enseignés par la Cour
suprême, dans B.C. Health Services, là où la cour intervient pour invalider les
dispositions, c'est précisément parce qu'on avait contrevenu à des dispositions
de la convention collective existante.
D'ailleurs,
vous me parlez de Saskatchewan, dans l'arrêt Saskatchewan, je vais vous lire un
passage de la décision de la Cour
suprême qui dit ceci : Lorsque le législateur limite le droit de grève
«d'une manière qui entrave substantiellement un processus véritable de
négociation collective, il doit le remplacer par l'un ou l'autre des mécanismes
véritables de règlement des différends couramment employés dans les relations
de travail. La loi qui prévoit un tel mécanisme de rechange voit sa justification accrue au regard de l'article 1° de la
charte. À mon avis, l'absence d'un tel mécanisme — là, la cour parle à la province de la
Saskatchewan — représente
ce qui, en fin de compte, rend les restrictions apportées inadmissibles sur le
plan constitutionnel.»
Alors,
la raison pour laquelle la Cour suprême rend cette décision-là dans
Saskatchewan, c'est que non seulement on a limité le droit de grève,
mais qu'on ne l'a pas remplacé par un mécanisme véritable de règlement des
différends couramment employé dans les
relations de travail. Qu'est-ce que la cour veut dire par «mécanisme couramment
employé dans les relations de
travail»? La négociation, la conciliation et la médiation. Qu'est-ce que la loi
n° 127 prévoit? Elle prévoit la
négociation, la conciliation et la médiation. Est-ce qu'on écoute ce que la
Cour suprême nous dit? La réponse, c'est oui.
Et ce que la Cour suprême dit, c'est
que, lorsque ces mécanismes-là se trouvent dans une loi en remplacement
d'un droit de grève ou en limitation d'un droit de grève, ils justifient de
façon accrue la disposition législative en regard de l'article 1° de la charte.
Alors, ici, on dit : «Il n'y a pas d'entrave substantielle...» Qu'est-ce
que c'est...
Une voix :
...
M.
Moreau : Et, dans le cas qui nous occupe, encore là, en faisant
référence à B.C. Health Services, comme le droit à le négociation n'est pas un droit illimité ou éternel, il n'y a
pas, à notre avis, d'entrave substantielle aux droits des salariés. Et c'est la raison pour laquelle, après
deux ans de négociation et 18 semaines de grève, le gouvernement estime qu'il est dans son droit, suivant les dispositions
reconnues par la Cour suprême du Canada, d'intervenir, et d'intervenir
d'une façon particulière parce que la limite du droit de grève est compensée
par un mécanisme qui est reconnu, une négociation
et médiation qui est un mécanisme reconnu selon l'enseignement de la Cour
suprême dans les relations de travail.
Le Président (M.
Gendron) : M. le député de Jonquière. Ah! excusez.
Mme Léger :
...excusez-moi, je veux juste finir.
Le Président (M.
Gendron) : Non, allez, allez, Mme la députée.
Mme
Léger : Le ministre évacue complètement l'arbitrage, il n'en
parle pas, il n'en parle pas, puis pourtant... Je vais lui réciter un bout de l'arrêt :
«Lorsque l'obligation d'assurer les services jugés essentiels à la sécurité
publique enlève tout son mordant à
l'action syndicale de telle sorte que les mesures de grève autorisées privent
le syndicat de tout rapport de force
important, ce dernier devrait pouvoir recourir à son gré à l'arbitrage. [...]Il
est généralement reconnu qu'employeurs et
employés doivent être sur un pied d'égalité en situation de grève ou
d'arbitrage obligatoire lorsque le droit de grève est retiré.»
Je
comprends, le ministre me parle de la partie de négociation, mais moi, je veux
y revenir, sur l'arbitrage, il ne m'en a pas parlé. C'est voulu,
c'est...
• (6 heures) •
M. Moreau :
D'abord, le droit de grève n'a pas été retiré. Il a été exercé pendant 18
semaines, il est retiré maintenant. Et je vous relis une autre fois le passage
de la Cour suprême parce que vous dites que je n'ai pas parlé de l'arbitrage. Non, ce n'est pas le choix que le législateur a fait, il n'y a pas de
cachette là-dedans. Mais la Cour suprême ne vous dit pas : Écoutez, si vous enlevez le droit de grève, vous
devez absolument aller à l'arbitrage. Ce n'est pas ça qu'elle dit. La Cour suprême dit : «Lorsque le
législateur limite le droit de grève d'une manière qui entrave
substantiellement un processus
véritable de négociation collective, il doit le remplacer par l'un ou l'autre
des mécanismes véritables de règlement des différends couramment
employés en relations de travail.» Négociation, conciliation, médiation.
Alors, c'est le choix
que le législateur prend ici, mais on n'est pas...
Le Président (M.
Gendron) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, vous avez terminé ou
si...
Mme
Léger : Alors, je comprends, de ce qu'a dit le ministre, que,
pour lui, il fait le choix... Ça va, c'est son choix. Je ne remets pas en question...
Je ne remets pas en question le choix
que le ministre fait. Je vous dis que ce n'est pas nécessairement
la bonne voie, mais, peu importe, ce n'est pas... Ça, c'est votre choix. Mais
là vous dites que le mécanisme, dans le fond, pour vous — le
mécanisme pour faire suite à l'arrêt Saskatchewan particulièrement — c'est
négocier. Et, pour vous, négocier, c'est le mécanisme qui est, pour vous,
correct et qui est très constitutionnel.
M.
Moreau : C'est un
mécanisme véritable, le règlement des différends, couramment employé en relations
de travail, selon l'expression
utilisée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Saskatchewan, que vous m'avez
cité tantôt. Oui?
Le Président (M.
Gendron) : M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Le ministre nous dit que la négociation et la médiation
sont des moyens véritables, selon le jugement
de la Cour suprême dans l'affaire Saskatchewan. Où, dans le
jugement, il est dit que la négociation et la médiation sont des moyens
véritables?
M. Moreau :
La Cour suprême n'a pas établi... n'a pas nommé le moyen, n'a pas nommé un
seul...
M.
Gaudreault : ...
M. Moreau :
...n'a pas nommé un seul moyen.
M.
Gaudreault : L'arbitrage est nommé.
M. Moreau : Non...
M. Gaudreault : Juste avant... La phrase que le ministre
omet de nous dire, juste avant sa citation du même jugement, c'est : «La Public Service Essential Services
Act ne prévoit pas non plus d'autre moyen véritable (tel l'arbitrage) de mettre
fin à l'impasse des négociations.»
M. Moreau :
...
M.
Gaudreault : Donc, le seul
moyen véritable nommé par le jugement est l'arbitrage. Et le ministre
ne parle pas d'arbitrage dans son projet de loi.
M.
Moreau : Bon, ce que
la Cour suprême a dit, vous avez bien cité, «tel l'arbitrage».
Ça, c'est un exemple. Alors, la Cour suprême, dans sa décision, elle exprime un des mécanismes, mais ce n'est pas le
seul. Et nulle part dans le jugement elle indique que l'arbitrage est le
seul et exclusif mécanisme. Alors, celui que nous avons...
M.
Gaudreault : ...jugement...
Le Président (M.
Gendron) : Un à la fois.
M.
Gaudreault : ...
M. Moreau :
Est-ce que je peux terminer?
Le
Président (M. Gendron) :
Oui, c'est pour ça... c'est pour ça que j'intervenais, pour dire que ça ne
donne rien de renchérir. Alors, veuillez terminer, il pourra reprendre
par la suite. Alors, M. le ministre, à vous la parole.
M.
Moreau : Voilà. Alors, lorsqu'on lit une décision de la
Cour suprême, il faut le prendre pour ce qu'il est. Et la Cour suprême n'a pas dit, dans cette décision de
la Saskatchewan : Seul l'arbitrage est un mécanisme qui est un mécanisme
véritable de règlement des différends. D'ailleurs, dans le passage que j'ai
cité, la Cour suprême exprime clairement qu'il
y a plus d'un mécanisme, parce qu'elle dit : «...il doit le remplacer par
l'un ou l'autre des mécanismes...» Alors, bien sûr, oui, on a établi... on a évoqué l'arbitrage, mais, si l'arbitrage
était le seul mécanisme, la Cour suprême n'aurait pas dit subséquemment «l'un ou l'autre des
mécanismes». Alors, le texte reconnaît donc l'existence de plusieurs
mécanismes. Et ici, dans le projet de loi n° 127, le législateur
fait un choix sur d'autres mécanismes que celui de l'arbitrage.
Le Président (M.
Gendron) : M. le député, avez-vous terminé ou vous poursuivez?
M.
Gaudreault : Non, bien, je vais continuer. Mais, je veux dire, la
lecture du jugement de la Cour suprême, on ne peut pas prendre non plus juste ce qui fait notre affaire. Le
ministre nous a dit, tout à l'heure, que nulle part dans le jugement de la Cour suprême il était mentionné que
la négociation et la médiation étaient nommées. Ce qui est vrai, ce n'est pas nommé dans le jugement. Mais le juge a
quand même pris la peine de donner comme exemple... le seul exemple qu'il a donné comme autre moyen véritable de
mettre fin à l'impasse de négociation, le seul exemple que le juge prend
la peine de nommer, c'est l'arbitrage. Ça veut toujours bien dire que
l'arbitrage est important.
À partir du moment où
le ministre nous dit : On va mettre aussi la négociation puis la
médiation, là c'est son interprétation à lui, puis il en ajoute.
Moi,
ce que je dis, c'est que le juge, dans ce jugement, a pris la peine de nommer
un seul moyen. Ça n'exclut pas
les autres, mais, au moins, il a pris la peine d'en nommer un qui s'appelle
l'arbitrage. Et, dans le projet de loi n° 127, l'arbitrage n'est pas nommé
comme moyen. C'est quand même étonnant. Le ministre nous dit : On passe le
test constitutionnel, puis il a l'air à
vouloir être assez sûr là-dessus, mais pourtant, le seul moyen qui est nommé
par le juge, le ministre ne le
reprend pas dans le projet de loi n° 127. Il faut le faire. Et les règles
d'interprétation en cette matière, c'est qu'il faut quand même aussi
avoir une vision d'ensemble du texte du jugement.
Et
l'esprit, quand même, qui se dégage de ce jugement... je vais lire une autre
citation du jugement : «Le droit de grève favorise aussi l'égalité
dans le processus de négociation. La cour reconnaît depuis longtemps les
inégalités marquées qui façonnent les
relations entre employeurs et salariés, ainsi que la vulnérabilité des salariés
dans ce contexte.» Un peu plus
loin : «L'ininterruption des services publics essentiels constitue à
l'évidence un objectif urgent et réel, mais la question décisive en l'espèce est celle de savoir si les moyens retenus
par l'État portent atteinte le moins possible ou non aux droits constitutionnels en cause, c'est-à-dire
s'ils sont ou non soigneusement adaptés de façon que l'atteinte aux droits
n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire.»
Donc,
l'esprit, c'est quand même de ne pas créer un déséquilibre dans la négociation.
En ne mettant pas l'arbitrage, le
ministre s'expose à ce déséquilibre. L'esprit du jugement, c'est de maintenir,
dans un contexte de services essentiels et de loi spéciale, un équilibre quand
même. Ça, c'est constitutionnel. Vu que le juge, le seul moyen qu'il nomme
comme moyen véritable est l'arbitrage,
l'arbitrage est au moins, est nécessairement équilibré. Alors, je trouve le
ministre en des terrains fort vaseux quand il nous dit que ça passe le
test de la constitutionnalité.
Le
Président (M. Gendron) : Alors, M. le ministre, avez-vous une réplique
ou des commentaires additionnels suite à la question posée par le député
de Jonquière.
M. Moreau : Oui.
Bien, le député de Jonquière nous invite à lire le jugement de la Cour suprême
en entier. Il saura sans aucun doute
aussi que les faits dans l'arrêt Saskatchewan sont pas mal différents de la
situation dans laquelle nous sommes présentement.
Dans le dossier de
Saskatchewan, on était en présence d'un régime de services essentiels déterminé
par le gouvernement, donc très différent de
ce qui existe ici, au Québec, et dans une situation où il n'y avait pas de
droit de grève. Et c'est dans ce
contexte-là où on dit : Bien, écoutez, on est dans une situation qui est
vraiment différente d'ici et dans le
contexte... je comprends, là, le député de Jonquière veut faire beaucoup de...
souligner à grands traits le fait que le juge a mentionné l'arbitrage,
mais il ne peut pas effacer les passages du jugement où la Cour suprême indique
qu'il existe clairement d'autres mécanismes,
qu'il n'en existe pas qu'un seul. Et vous avez beau ne pas vouloir le lire,
j'ai compris votre opinion, M. le
député de Jonquière, avec beaucoup d'égards, je ne la partage pas et je vous
servirai un peu le réflexe ou la réaction que vous avez eue
tantôt : je vous ai entendu, mais vous ne m'avez pas convaincu.
Le Président (M. Gendron) :
M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Bien, simplement mentionner, M.
le Président, qu'il y a une
discussion depuis tout à l'heure
relativement au mode de règlement des différends qu'on inscrit dans la loi.
Dans le Code du travail, il y a les mêmes dispositions, notamment au niveau de
la conciliation, au niveau de la médiation, puis on constate que ça a échoué.
Donc,
je ne sais pas si l'optimisme du président du Conseil du trésor va se traduire
éventuellement à la table des négociations,
mais, cela étant dit, peut-être que l'arbitrage aurait été une voie appropriée,
comme le soulignait le député de
Jonquière, parce que déjà ce qui est proposé par le ministre dans sa loi, bien,
c'est déjà prévu dans le Code du travail puis la convention collective
était régie nécessairement par cela aussi.
Donc,
c'est un simple commentaire, M. le Président. Peut-être qu'on aurait dû
proposer un autre mode de négociation.
Je comprends que le ministre nous dit : Oui, la Cour suprême reconnaît de
genre de mode de règlement des différends, j'en suis aussi, mais
peut-être qu'il aurait été approprié d'en choisir un autre de façon à vraiment
dénouer l'impasse, parce que la résultante
aujourd'hui, avec le projet de loi, avec la conciliation, la médiation, le résultat risque d'arriver à la même réalité qu'on vit ce soir
aussi, où il n'y aura pas d'entente. J'espère que non, mais on
dirait que le scénario est écrit à l'avance puis on dirait que le Conseil
du trésor décide d'écrire ce scénario-là pour avoir un échec annoncé dans ce
cas-là.
• (6 h 10) •
M.
Moreau : Bien, vous
êtes d'un optimisme débordant, je vous en remercie. Et merci de partager votre
état d'esprit avec l'ensemble de l'Assemblée et les juristes qui sont ici et qui nous écoutent. C'est curieux, moi,
je ne suis pas dans cet état d'esprit là et je refuse d'y être.
Et
d'ailleurs vous avez indiqué... vous avez fait référence au
Code du travail. Nous avons utilisé tous les mécanismes du Code du
travail, c'est vrai. On a négocié, on a eu des séances de médiation qui n'ont
pas permis d'en arriver à un accord, c'est
vrai, mais on continue dans cet espace de négociation. Et ce que les dispositions de la loi nous permettent de
faire, c'est de continuer la négociation, de recourir encore à la conciliation,
de recourir à la médiation.
Mais,
vous savez, il y a un élément additionnel qui n'est pas dans le Code du travail
qui vous a peut-être échappé, qui est
contenu à l'article 29 du projet de loi, c'est qu'«en tout temps pendant
le processus de médiation, le médiateur peut formuler des propositions
de nature exploratoire et confidentielle s'il les croit justes et utiles et
s'il estime que de telles propositions sont
de nature à favoriser le règlement du différend sur une ou plusieurs des
conditions de travail», ce que nous
avons fait, nous nous sommes conformés à nos obligations comme employeur. On
est allés au-delà de tout ce qui
était possible, notamment parce que, je le répète, là, le mode de négociation,
ce n'est pas une condition de travail, on est allés au-delà des
conditions de travail en suggérant un mécanisme qui permettait d'établir si,
oui ou non, il devait y avoir un mode de
négociation qui soit différent, on est allés au-delà des obligations normales
d'une négociation d'une convention.
On établit un mécanisme ici qui donne au médiateur éventuellement des pouvoirs
qu'on ne retrouve pas dans les
dispositions générales de la loi. Pourquoi? Parce qu'on est logiques avec la
proposition que nous avons faite depuis le début de ce conflit, c'est-à-dire
que l'intention du gouvernement est de mettre tout en oeuvre pour essayer d'en
arriver à une solution négociée.
Mais
je sais que, dans votre raisonnement, M. le député... M. le Président, je sais
que, dans le raisonnement du député
de Borduas, il exclut la possibilité qu'une discussion se fasse entre deux
parties, et, pour lui, son dialogue puis sa pensée se résument à
dire : Bien, peu importe ce qui arrive, là, c'est tout le temps la faute
d'une partie, comme s'il y avait une seule partie à cette table-là.
Une voix :
...
M. Moreau :
Je n'ai pas terminé, M. le député de...
M.
Jolin-Barrette : ...le ministre me prête des intentions.
Le Président (M.
Gendron) : Oui, mais... Oui, faites attention quand même, parce que,
là...
M.
Jolin-Barrette : Il sait ce qu'il dit, c'est totalement...
Le
Président (M. Gendron) : Un instant, un instant! Je suis ici pour
entendre... Bon, il y avait une fragilité, là, parce qu'il y avait un jugement assez clair porté, en
termes d'intentions, au député de Borduas. Alors, faites attention. Ça
va.
M. Moreau :
...compréhension, M. le Président, du raisonnement du député de Borduas. Et je
ne l'ai pas entendu une seule fois, M. le Président, dire...
Une voix :
...
M.
Moreau : Il peut parler en même temps que moi, ça ne me
perturbe d'aucune façon, je vais continuer la pensée jusqu'à la fin.
Le Président (M.
Gendron) : ...la parole, c'est à vous et...
M. Moreau :
Merci.
Le
Président (M. Gendron) : Rapidement. Après ça, s'il veut parler, je
vais lui donner la parole avec plaisir, mais là c'est à vous.
M.
Moreau : Oui, oui, oui, c'est ça. La politesse suggère que l'on
écoute la personne qui parle. Et, en ce qui me concerne, ma compréhension de ce qu'il exprime est de résumer toute
situation issue de la table de négociation comme étant la seule responsabilité d'une des deux parties. C'est son choix,
c'est un choix qui s'inscrit dans une ligne de partisanerie qui n'a rien à voir avec ce qui se passe à une table
de négociation. C'est son choix, il l'a fait, il veut se peinturer comme
ça puis il dit : Bon, bien, écoutez,
nous, on est l'opposition; évidemment, tout ce que le gouvernement peut faire
est négatif, donc, s'il y a un
problème à la table de négociation, c'est de la faute du gouvernement. Ça,
c'est d'exclure 50 % de ce qui se passe dans la réalité des choses
et c'est d'exclure ce qui se passe à une table de négociation.
Vous
pouvez continuer comme ça jusqu'à demain matin. Je comprends très bien où vous
êtes, les gens qui nous écoutent
comprennent dans quelle dynamique votre diatribe s'inscrit. En ce qui me concerne,
M. le Président, ce qui compte, au-delà
de ça, au-delà, je dirais, de la répartie qui se résume à l'aspect politique de
nos débats... Je laisse ça à mon collègue. Moi, ce qui m'importe, c'est de trouver une solution à un conflit qui a
duré déjà très longtemps et une solution qui soit une solution négociée.
Malheureusement, ce n'est pas
possible, évidemment. On l'a dit tantôt, la négociation n'est pas un droit
éternel ou indéfini, et le
gouvernement doit établir des équilibres, prendre ses responsabilités et
établir des équilibres entre les droits et les obligations non seulement de
ceux avec qui il négocie et avec qui il négocie de bonne foi, mais à l'égard de
l'ensemble de la société, et c'est ce qu'on fait.
Le
Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci, M. le ministre. M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, pour revenir à la question
originale, au niveau du mode de négociation, le président du Conseil du
trésor, il nous disait : Écoutez, ce n'est pas au niveau des conditions
salariales, et il me réfère à l'article 29 de son projet de loi. Par
contre, il sait très bien que le mode de négociation va avoir un impact sur les
conditions salariales éventuelles, et ça, le
médiateur ne peut pas le proposer dans le cadre de son projet de loi.
Ultimement, il le sait très bien. Alors, lorsque le président du Conseil
du trésor nous dit cette chose-là, ça ne se tient pas.
Le
Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.
M. Moreau : M. le
Président, je ne vois pas comment on peut faire un lien entre le mode de
négociation et le résultat des
négociations sur les conditions monétaires ou salariales. Il n'y a rien qui
nous permet d'établir un lien direct entre un mode déterminé de négociation ou d'établissement des conditions
salariales et la résultante que seraient les conditions monétaires d'une convention collective. J'entends
ce que le député de Borduas dit, mais, très sincèrement, ça prendrait
beaucoup plus d'explications pour qu'on puisse en faire un lien direct.
Le Président (M. Ouimet) : On va aller du côté de l'opposition officielle.
Je reviendrai à vous... Oh! Rapidement, oui.
M. Jolin-Barrette : Le fait d'avoir un comité indépendant à l'image
de celui que les procureurs aux poursuites criminelles et pénales ont,
vous pensez que ça n'a pas d'effet sur les conditions de travail. Si le
ministre est sérieux là-dedans, qu'il le dise, mais moi, je ne partage pas du
tout son avis.
M. Moreau : J'ai
dit et répété, M. le Président, que le mécanisme de négociation des procureurs
de la couronne est le reflet de
l'indépendance qu'ils ont dans l'exercice de leurs fonctions, indépendance que
le gouvernement ne reconnaît pas aux juristes de l'État et sans que ce
soit un jugement de valeur sur la qualité des uns ou des autres, je l'ai dit à
de nombreuses reprises. Et, si on retenait
une seule chose, là, je veux que ce soit très clair dans l'esprit de tout le
monde que je ne fais pas une distinction sur la qualité, la compétence
ou l'importance du travail des uns et des autres; je fais une distinction dans
l'exercice de la fonction. Et, à l'heure actuelle, si le raisonnement du député
de Borduas était fondé, M. le Président,
expliquez-moi pourquoi le gouvernement aurait proposé des conditions de
rémunération globale qui sont maintenant supérieures à celles des
procureurs de la couronne, expliquez-moi ça.
Alors, on a eu le loisir d'exposer, plus tôt aujourd'hui,
qu'à chaque fois que le gouvernement a déposé, dans le cas de la présente négociation, une proposition
officielle, la proposition était, en ce qui a trait à la rémunération globale,
en constante
croissance. Et les deux dernières propositions qui ont été faites, donc la
première qui a été faite alors que je suis devenu président du Conseil du
trésor est devenue, en parité, supérieure à la rémunération des procureurs de
la couronne et la dernière proposition est également supérieure.
J'ai été assermenté à ce poste le 16 janvier 2017. Le
24 janvier, le gouvernement déposait une proposition qui suggérait une
rémunération globale moyenne annuelle de 116 677 $ pour les juristes
de l'État, alors que la rémunération moyenne des procureurs était de
116 642 $. Et l'offre finale et globale qui a été présentée suggérait
une rémunération de 116 997 $,
alors que celle des procureurs est toujours inchangée, et ce, pour la période
de quatre années qui couvre l'entente avec les procureurs de la
couronne. Or, les juristes de l'État sont dans un contexte de négociation pour
une période additionnelle d'une année, et,
pour cette période-là, le gouvernement a offert un rehaussement, pour la
cinquième année, de 2,1 %.
Alors, oui, il y a des modes de négociation qui sont
différents, mais voyez-vous que votre relation sur la rémunération
globale ne tient pas la route dans le contexte factuel qui nous occupe
aujourd'hui? Alors, moi, je veux bien que
l'on dise des choses semblables, mais encore faudrait-il que la proposition ait une prise dans la réalité, ce qui n'est pas le cas à l'heure
actuelle, malheureusement, M. le Président.
• (6 h 20) •
Le
Président (M. Ouimet) : Très bien.
Alors, merci, M. le président du Conseil du trésor. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Oui. Ça tombe... Quand je vois le ministre
brandir son petit tableau... J'en ai un qui va peut-être lui faire plaisir,
j'en ai un, petit tableau des augmentations salariales moyennes, j'ai un petit tableau
aussi. Moi aussi, j'en ai un, petit
tableau. Les juristes de l'État, de 2015 à 2020, ils ont une augmentation de 1,5 %, mais la ligne rouge, c'est celle des médecins; eux autres, ils ont
3,43 %. Juste qu'on ne l'oublie pas, la rémunération des médecins, au gouvernement qu'on a devant nous. Ça fait
que, tableau pour tableau, j'en avais un à côté.
Alors, je
continue. Je veux revenir sur la discussion du mode de règlement
de différends, là, je veux juste comprendre le ministre dans sa réflexion. Il
propose quand même... Ce qu'on a devant nous, dans le projet de loi qu'on a devant nous, le ministre propose une médiation mais non
exécutoire, donc le dernier mot revient malgré tout au gouvernement. Où est le
rapport de force, là? Le ministre parle tout
le temps d'équilibre, mais là le
rapport de force, dans la médiation non exécutoire... Quel est
l'incitatif? Il n'y a aucun incitatif pour conclure une entente.
Alors, quand
le ministre me parle d'un certain équilibre, je ne le vois
pas, là. Alors, il dit que nous, dans le projet de loi, le ministre il dit, on fait le choix. Le choix, c'est
celui... le mécanisme, dans le fond, j'enlève le droit de grève, mais le
mécanisme adjacent est celui d'une médiation, mais elle est non exécutoire, ce
qui veut dire que la balle est dans le camp
du gouvernement, à ce
moment-là, qui est l'employeur. Donc,
la relation employeur-salarié, là, ça revient quand même au gouvernement, dans la façon que le ministre l'a indiqué dans son projet de loi, donc il y a un problème
de rapport de force. Alors, quel est l'incitatif, que je vais dire au ministre,
pour conclure une entente?
Le Président (M. Ouimet) : M. le
président du Conseil du trésor. L'incitatif.
M. Moreau : M. le Président,
le droit de grève, lui, est une manifestation publique d'une désapprobation sur
l'orientation qui est donnée à une négociation ou pour presser l'exercice de négociation. Encore
une fois, dans le contexte du droit au Canada, ce droit-là n'est pas
illimité, on l'a vu tantôt dans le présent débat, lorsqu'on discutait sur
deux décisions de la Cour suprême,
B.C. Health Services et la décision de la Cour suprême en Saskatchewan. Et donc ce n'est pas un droit
qui est illimité. Puis, à la fin de ça, lorsque l'employeur et le gouvernement... il doit faire l'équilibre, et c'est d'ailleurs l'état du
droit, il doit faire l'équilibre entre les droits des uns et les droits des
autres.
Dans le contexte de la loi actuelle, ce que le
gouvernement propose, c'est de prolonger, donc, la période de négociation, de donner recours aux mécanismes de
conciliation et de médiation et de rendre public le rapport du médiateur,
et le rapport du médiateur rendu public
établira les points de convergence et de divergence des parties dans le cadre
de la négociation qui sera entamée suite à l'adoption du projet de loi
n° 127. Et un gouvernement est jugé sur la base de la transparence et du
caractère public des décisions qu'il prend en accord ou non avec les débats.
Or, les débats ne se feront pas derrière des
portes closes comme normalement les débats de négociation d'une convention
collective. Et, dans le cas qui nous
occupe, le rapport du médiateur, étant rendu public, crée aussi un mécanisme à
l'égard duquel le gouvernement est
très sensible, parce qu'à la fin de la journée on verra quels seront les
efforts faits par les uns et par les autres. Et, comme le gouvernement est gestionnaire des deniers publics
qui lui sont remis, il aura à répondre, parce qu'il imputable devant la
population du Québec des gestes qu'il a posés. Voilà le rapport de force
qui existe entre les parties.
Le Président (M. Ouimet) : Très
bien. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Moi, ça m'inquiète, la réponse du ministre,
malgré tout, parce que ce n'est pas le ministre qui doit
assurer l'équilibre. Ce n'est pas le ministre qui doit être juge et partie;
c'est le mécanisme en lui-même qui doit être équitable.
Et, dans l'arrêt, particulièrement, Saskatchewan, il est vraiment
dit clairement, ça doit être... on permet de résoudre équitablement,
efficacement et promptement les différends.
Donc, le
ministre ne peut pas être lui-même juge et partie, puis lui-même, comme
personne, assurer cet équilibre-là. C'est le mécanisme qui doit être
équilibré. Alors, la réponse du ministre m'inquiète.
Le Président (M. Ouimet) :
Réaction, M. le ministre?
M. Moreau : Bien,
le raisonnement de Mme la députée serait exact s'il n'y avait pas une tierce
partie. Or, lorsqu'on est dans le
contexte de la médiation, le médiateur est un tiers. Ce n'est pas le ministre
qui établit le rapport, ce n'est pas un membre du gouvernement qui
établit le rapport de médiation; c'est le médiateur qui a entendu les parties,
qui a des pouvoirs exceptionnels d'ailleurs,
comme on le voit en vertu des dispositions dont j'ai fait lecture tantôt, et
qui lui permettent d'explorer même de
façon confidentielle des propositions s'il estime que ces éléments-là sont
aptes à rapprocher les parties.
Et
le texte du projet de loi prévoit que le médiateur a l'obligation de satisfaire
à des conditions très spécifiques qui
en assurent l'impartialité. Le médiateur doit jouir d'une expérience reconnue
en relations de travail — ce n'est pas n'importe
qui. Et le médiateur ne doit pas être ou avoir été employé, dirigeant,
représentant ou membre de l'association ou du gouvernement au cours des sept années précédant sa nomination. Les
dispositions de l'article 25 assurent l'impartialité du médiateur.
Et
l'article 29 de la loi dit : «En tout temps, pendant le processus de
médiation, le médiateur peut formuler des propositions de nature exploratoire et confidentielle — ce que j'expliquais tantôt — s'il les croit justes et utiles et s'il
estime que de telles propositions sont de
nature à favoriser le règlement du différend sur une ou plusieurs des
conditions de travail.»
Le
médiateur est tenu de prendre en considération les facteurs prévus à
l'article 31, aux paragraphes 1° à 4° de
l'article 31. Alors, la mécanique qui est là est une mécanique qui assure
l'impartialité de la médiation et qui débouche sur un rapport rendu public sur les éléments d'accord et de désaccord
entre les parties. Semble-t-il que là il y a un mécanisme assez efficace et qui est un des mécanismes
auxquels réfère la Cour suprême dans l'arrêt Saskatchewan dont on a parlé
plus tôt.
Le Président (M.
Ouimet) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme
Léger : Bien, on aurait un bon différend sur ça, M. le
Président, parce que le choix du ministre est quand même, dans son projet de loi, d'avoir une
médiation non exécutoire. Donc, il se donne une porte de sortie. En cas
d'impasse, c'est le gouvernement qui fait ce choix-là. Alors, c'est là
le noeud du problème. On pourrait en discuter longtemps, M. le Président, mais
on a un différend à ce niveau-là.
Le Président (M.
Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.
M.
Moreau : Je saisis la balle au bond, là. Une médiation
exécutoire, ça n'existe pas en relations de travail. Je regrette, ça n'existe pas. Alors, on se réfère aux
mécanismes qui sont usuels, habituels et connus dans ce domaine-là. C'est
ce à quoi nous convie la Cour suprême du Canada.
Maintenant,
l'autre élément, et je reviens sur ce débat encore plus fondamental. Si je me
rends à la proposition de la députée
de Pointe-aux-Trembles, je lui dis avec beaucoup d'égard — j'ai beaucoup de respect pour elle — ça équivaut à sous-traiter le droit
de gérance de l'employeur. C'est ça. C'est ça qu'elle nous dit.
Et
je reviens encore à la lettre d'entente n° 5 qui parlait du comité qui
devait être mis sur pied, qui s'est réuni à quatre reprises. C'est son
gouvernement, M. le Président, qui était là au moment où le Conseil du trésor,
à l'époque, a refusé de rencontrer les
représentants de LANEQ pour y donner suite. C'est son gouvernement qui était là
aussi au moment où elle aurait pu
reconnaître le statut particulier. Ils ne l'ont pas fait pour une raison très
simple, parce qu'à l'extérieur du
concept de partisanerie dans lequel nos débats s'inscrivent, puis je ne le dis
pas de façon péjorative ou négative, mais à l'extérieur de ce concept-là il y a une réalité qui est celle de la
responsabilité de l'État. Et ce concept de la responsabilité de l'État impose que le gouvernement ne peut pas
sous-traiter à des tiers non imputables la gestion des revenus provenant des taxes
et des impôts que leur confient les contribuables. C'est le choix que le
gouvernement actuel fait, c'est le choix que son parti, alors qu'il était au
gouvernement, a fait, et c'est un choix qui est responsable, avec lequel nous
sommes capables de vivre, M. le Président.
• (6 h 30) •
Le Président (M.
Ouimet) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme
Léger : Je veux dire,
je ne peux pas avoir une discussion longue avec le ministre,
vu qu'il nous parle de 2013. Là, là, ce que je peux... On est rendus en
2013, M. le député de... On est rendus en 2013.
En
tout cas, ce qui était certain, M. le
Président, c'est que, je lui redis,
le Parti québécois veut la parité des juristes et des procureurs. Alors, la parité, c'est salarial
et ça résume la négociation. Alors, je lui redis encore aujourd'hui. Parce que c'est toujours de trouver d'autres façons, je le dis
clairement... Alors, M. le Président, on pourrait avoir une discussion longuement sur toute la constitutionnalité, sur la
médiation, sur le choix d'un ministre, sur l'arrêt Saskatchewan, mais on
va avancer un petit peu.
Le Président (M.
Ouimet) : Alors, si je comprends bien, nous serions prêts à mettre aux
voix l'article 3?
M. Moreau :
Oui.
Le Président (M.
Ouimet) : Alors, est-ce que l'article 3 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Des voix : Sur division.
Le
Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 4, maintenant.
Pourriez-vous nous en faire la présentation, M. le ministre?
M.
Moreau : Oui, M. le Président. L'article 4. «Il est interdit à un salarié de participer à toute
action concertée qui implique
l'arrêt, le ralentissement, la diminution ou l'altération des devoirs attachés à
ses fonctions ainsi que de ses activités professionnelles ou
administratives ou qui a pour effet d'empêcher ou de diminuer la prestation des
services juridiques ou de retarder le cours de procédures pénales, civiles ou
administratives.»
M. le Président, cette disposition vise à empêcher un salarié d'exercer toute forme
d'action concertée qui a pour effet
d'altérer ou de modifier les devoirs rattachés à ses fonctions, ses activités
professionnelles ou administratives, ou qui a pour effet d'empêcher ou
de diminuer la prestation des services juridiques ou de retarder le cours de
procédures pénales, civiles ou administratives. Voilà.
Le Président (M. Ouimet) : Merci. Alors, questions, commentaires? Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles, sur l'article... Oh! M. le député de
Saint-Jérôme, sur l'article 4.
M.
Bourcier : Oui. Écoutez, M. le Président, il aurait été bien
intéressant, à un moment ou l'autre — en tout cas, c'est mon préambule — d'entendre la ministre, au cours de notre longue
discussion, la ministre du Travail s'exprimer à propos du projet de loi
n° 127. Nous aurions sûrement bénéficié de son éclairage en matière de
relations de travail.
Mais
je vais m'attarder au mécanisme de l'article 4, justement, où on dit qu'il
y aurait possiblement des arrêts, des ralentissements, des diminutions,
altérations des devoirs rattachés à des fonctions, de diminution de prestation
de services juridiques, des retards de procédures civiles ou administratives.
Alors,
ma question pour le président du Conseil du trésor serait : Alors, où va
se retrouver la ligne entre un retard normal des procédures et l'autre
où on accuserait... possiblement sans présomption d'innocence, on ne le sait
pas, là, mais où on accuserait le salarié
d'avoir causé ces retards? Alors, qui va tracer cette ligne-là? Et qui va juger
de ces possibles situations? Est-ce qu'il y aurait un «Big Brother», en
quelque part, de caché pour observer les juristes de l'État?
Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Merci, M. le député de Saint-Jérôme.
M. le président du Conseil du trésor.
M.
Moreau : Oui, M. le Président. Alors, la réponse à la question
du député de Saint-Jérôme se trouve dans le texte même de l'article 4. On parle ici d'une action concertée. On
ne parle pas des retards liés à la procédure parce qu'une décision d'un tribunal administratif ou une
procédure est déposée dans un délai qui est un délai normal lié à la procédure,
on parle ici d'une action concertée. Et qui
va décider? Bien, écoutez, c'est un concept nouveau peut-être, mais ça
s'appelle le droit de gérance de
l'employeur. Alors, le droit de gérance de l'employeur, c'est lui qui s'assure,
avec les supérieurs hiérarchiques de
l'employé, si, oui ou non, il y a une action concertée qui vise à contourner l'objectif
qui est prévu par la loi.
Le Président (M.
Ouimet) : M. le député de Saint-Jérôme.
M.
Bourcier : Moi, je considère que, quand même, si on en arrive à une
seule personne, l'employeur, pour juger peut-être de l'inefficacité d'un
employé ou de son ralentissement... Je juge quand même que ce jugement-là est
un petit peu tronqué, un petit peu biaisé.
Le Président (M.
Ouimet) : M. le ministre.
M.
Moreau : Oui, bien, écoutez,
c'est le principe du droit de gérance des relations de travail au Québec,
et ailleurs au Canada,
et probablement ailleurs dans le monde. L'employeur et l'employé
sont dans une relation contractuelle. L'un paie pour les services que l'autre doit rendre, l'autre rend les
services en contrepartie de la rétribution qu'il reçoit. Et, dans cette relation-là... ce n'est pas un concept
nouveau et unique au Québec, mais il
y a un droit de gérance. C'est-à-dire que l'employeur doit
s'assurer que l'employé fournit sa prestation de services, et l'employé doit
s'assurer que l'employeur lui donne
les conditions pour établir sa prestation de services et qu'il est rétribué en
conséquence. Ça s'appelle les relations
de travail.
Le Président (M. Ouimet) : D'autres questions, Mme
la députée de Pointe-aux-Trembles? Pas à ce moment-ci. M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Et, si, M. le Président, l'employeur considère qu'il y a
contravention à l'article 4 et que le salarié est de l'avis
contraire, qu'arrive-t-il? Est-ce qu'il y a un mécanisme de grief?
M. Moreau :
Pourtant, le député de Borduas m'a dit tantôt qu'il avait lu le projet de loi
dans son entier. Je le taquine, je sais qu'il l'a fait.
La réponse à votre question se trouve à l'article 13
du projet de loi : «Toute mésentente portant sur l'application de l'article 12...» Et l'article 12 étant celui
qui traite des suspensions des droits de l'employé, alors : «Toute
mésentente portant sur l'application
de l'article 12 est soumise à l'application de la procédure de règlement
des griefs — une procédure standard.
«Le salarié a droit au remboursement du montant
retenu uniquement s'il démontre qu'il s'est conformé à l'article 3 ou à l'article 4 — c'est dans le contexte de l'article 4
que nous étudions cela — selon le cas, ou qu'il en a été empêché
bien qu'il ait pris tous les moyens raisonnables pour s'y conformer et que le
fait de ne pas s'être conformé à l'article 3 ou à l'article 4 ne
faisait partie d'aucune action concertée — c'est la réponse que je
donnais au député de Saint-Jérôme.
«Quiconque
est saisi en arbitrage de la décision prise par un organisme public suivant le
présent article ne peut que la confirmer ou l'infirmer en se fondant
uniquement sur le deuxième alinéa.»
Alors, c'est la mécanique qui est prévue.
Le Président (M. Ouimet) : Oui, M.
le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, au niveau de cette mécanique-là, le salarié pourrait se
faire imputer dès le départ un 20 % sur son salaire s'il participe... enfin,
s'il continuait de faire la grève ou s'il contrevient à l'article 4. Par
la suite, l'employé pourrait faire un grief. Le grief est traité.
Supposons que l'employé gagne son grief, la somme lui est remboursée, la somme qui a été retenue. Mais,
pendant tout ce temps-là, il a perdu cette somme-là. Cette somme-là a été
prélevée de son salaire. Donc, ça, c'est le premier élément. Dans le fond, on
tape sur la tête du salarié tout de suite, même s'il y a grief
là-dessus.
Le deuxième élément qu'on peut voir là-dedans
aussi est à l'effet que l'application des sanctions pénales... Celles-ci
sont-elles suspendues jusqu'à l'étude du grief ou elles sont données tout de
suite?
Le Président (M. Ouimet) : M. le président
du Conseil du trésor.
• (6 h 40) •
M. Moreau : Alors, quand — je reprends l'expression du député de Borduas,
là — on
tape sur la tête de l'employé, on
tape sur la tête de l'employé dans le contexte où il y a
une contravention disposition de l'article 4 ou des dispositions de la loi qui
prévoient de ne pas avoir d'action concertée pour détourner l'objectif de la
loi. Puis on est conscients qu'ici on traite avec les juristes de l'État
puis on pense bien qu'ils vont se conformer aux dispositions de la loi.
D'ailleurs, je pense avoir entendu
Me Denis, hier, indiquer qu'il n'avait pas l'intention de contrevenir à la
loi mais qu'il entendait exercer leur
recours à l'encontre de la légalité de cette loi-là, ce qui est leur droit le
plus absolu. Et le mécanisme auquel réfère le député est mis en place
lorsqu'il y a une action concertée puis il y a une contravention à la loi. Et, lorsqu'il y a une contravention à la
loi, oui, les sanctions pénales prévues au projet de loi s'appliquent. On
espère ne pas avoir à se rendre là, puis, très sincèrement, je ne pense pas
qu'on va se rendre là, parce que je sais avec qui
on transige. Mais les dispositions d'une loi de retour au travail qui sont
là... Sauf les mécanismes de négociation, de conciliation, de médiation, qui sont des mécanismes nouveaux dans le
contexte d'une loi semblable, les autres mécanismes sont des mécanismes assez courants que l'on retrouve dans ce type de législation là. Alors, il n'y a pas derrière ça
une intention particulière du gouvernement autre que celle de créer un
contexte où tout le monde sait que la loi doit être respectée.
Le Président (M. Ouimet) :
Merci, M. le président du Conseil du trésor. M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : La
mécanique applicable dans l'éventualité où il y a un litige relativement,
supposons, au ralentissement des activités,
l'employeur qui exerce son droit de gérance, comme le président du Conseil du
trésor l'a dit, évalue que, lui, de
son opinion, il y a ralentissement. Le syndiqué dit : Non, il n'y a pas de
ralentissement. Il se retrouve pénalisé jusqu'au moment où le grief va
être entendu, et même les sanctions pénales pourraient s'appliquer. Donc, si d'aventure l'employeur considérait qu'il
contrevient à l'article 4, avant même d'être jugé ou d'avoir pu exposer
les faits par le biais d'un grief, il se retrouve à être déjà pénalisé. Pour
moi, il m'apparaît une certaine incohérence là-dedans, parce qu'on a décidé... bien, en fait, le gouvernement
décide de régler la question par un grief, ultimement, où les deux parties
vont être entendues, puis il y a un arbitre qui
va déterminer, dans le fond, le grief. Là, on se ramasse dans un cas où on
sanctionne tout de suite le salarié, on
pourrait lui imposer une amende également, mais on lui dit : Bien,
écoutez, on va voir plus tard,
peut-être que tu as raison, finalement, puis peut-être que tu n'as pas
contrevenu à la loi. Donc, on impose tout de suite l'amende, on impose
tout de suite la pénalité financière, et par la suite on dit : Bien, on
verra.
Le Président (M. Ouimet) : M.
le ministre.
M. Moreau :
M. le Président, dans notre système de droit, la bonne foi des parties se
présume de part et d'autre. C'est
vrai pour un employeur comme pour un employé. Et, si le gouvernement abusait ou
agissait de mauvaise foi, on n'a pas
besoin de l'écrire dans cette loi-là, l'employé aurait un recours et,
probablement, pourrait obtenir une condamnation et des dommages
exemplaires si l'employeur, dans ce cas-ci le gouvernement, agissait de façon
malicieuse.
On n'est pas
dans un contexte où on doit présumer que les gens, autant les employeurs que
les employés, agissent de façon malicieuse ou de mauvaise foi. On est dans un
contexte où clairement on établit ici qu'on a franchi une étape. Et je répète que la loi, ce n'est pas le premier choix
du gouvernement. Mais, lorsque le gouvernement établit ce choix-là dans
l'arbitrage qu'il doit faire comme gouvernement responsable pour l'équilibre
entre les droits des uns et des autres, dans le respect de la capacité
de payer des citoyens et du droit des syndiqués de continuer cette négociation-là,
il établit des règles qui sont claires. Et
qu'est-ce que c'est, ces règles claires? C'est de dire : Écoutez, le
retour au travail ne se négocie pas
ici, on doit fournir les services parce que le jugement fait par le
gouvernement dans l'exercice de cet équilibre-là milite en faveur de la continuation des services
gouvernementaux à tous les égards, dans les tribunaux administratifs comme
dans l'administration des autres
institutions de l'État. Et on veut qu'il soit très clairement établi dans ce
projet de loi là, comme dans tous les projets de loi de retour au travail qui ont été
faits sous tous les gouvernements, qu'il y a des sanctions qui sont sévères et qui s'appliqueraient s'il y
avait contravention aux dispositions qui prévoient la reprise des services.
Or, il est très clair dans notre esprit que
la reprise des services, c'est un élément qui n'est pas un obstacle à
poursuivre les négociations pour en arriver à une entente négociée entre
les parties pour les conditions de travail.
Il
est clair que je ne suis pas... puis je ne vous plaiderai jamais que les
dispositions de cette loi-là ne sont pas sévères pour assurer la reprise du travail. C'est clair, c'est là, puis on ne
s'en cache pas, mais je répète encore une fois que ce n'était pas notre
premier choix.
Le Président
(M. Ouimet) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette :
...que ce n'était pas le premier choix du gouvernement. Pour notre part, on
pense qu'on aurait dû avoir une autre solution qu'une loi spéciale. Ceci étant
dit, on en discute depuis un certain temps.
Pour
soutenir l'application de la loi, j'en suis. À partir du moment où il y a une
loi qui est votée au Parlement, il faut
la respecter. Puis je n'ai pas de doute, moi non plus, que l'ensemble des
intervenants au dossier vont la respecter. Mais, dans le cadre du conflit, vous savez, il y a eu certains litiges
aussi, notamment pour les avocats qui représentent la Commission des
normes du travail, la commission... bien, en fait, la commission des normes, de
la santé, de l'équité salariale, la CNESST,
et certains juristes qui travaillaient pour eux, qui devaient, par le biais des
services essentiels, offrir une
prestation de travail, se voyaient ne pas se voir rembourser les normes
minimales du travail, donc le trois heures. Donc, lorsqu'une telle situation se produit, on peut se
questionner aussi.
Et
donc, dans l'application de la loi, on a déjà une procédure d'arbitrage
de grief avec la loi. Alors, pourquoi imposer la sanction tout de suite,
si jamais il y a un litige par rapport au grief... par rapport à la situation? Parce
que, si on prend le cas des procureurs de la
Commission des normes, qui eux sont rentrés travailler en services essentiels
et qui n'ont pas été rémunérés à
hauteur de trois heures minimalement comme c'était prévu, on voit qu'il y a
une sorte de débalancement.
Le Président (M.
Ouimet) : Oui, M. le président...
M.
Moreau : Alors, j'en viens directement au cas que soulève le
député de Borduas et je lui rappelle que cette situation-là n'a pas été
tranchée, au fond, par les tribunaux et que l'instance est toujours pendante.
Alors, je l'invite à la prudence concernant
l'application notamment des règles qui nous gouvernent dans le règlement de nos
débats et je n'émettrai pas de commentaire sur cette situation-là
puisqu'un jugement final n'a pas été rendu. Ce n'est pas que je n'ai pas de commentaire à faire, j'ai des
opinions là-dessus, mais, à ce stade-ci, je pense qu'il n'est pas approprié que
je les fasse connaître parce que je m'exprime au nom du gouvernement. Ça, c'est
sur un élément.
Sur
l'autre élément, il ne faut pas se surprendre que, dans une loi de retour au
travail, il y ait des dispositions qui ont
un caractère dissuasif, et c'est exactement ce dont on parle. Alors, vous avez
raison dans l'interprétation que vous faites
des dispositions de la loi, et essentiellement ce que vous êtes en train de
décrire là, c'est le caractère dissuasif de la loi quant à toute action qui
pourrait être intentée par une partie, par une personne, par l'association pour
contourner l'objectif premier, qui est la reprise normale des services.
Le Président (M. Ouimet) : Bien. D'autres questions, commentaires? Du côté
de l'opposition officielle, non plus?
Alors, je vais mettre
aux voix l'article 4. Est-ce que l'article 4 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Des voix :
Sur division.
Le Président (M.
Ouimet) : Adopté sur division. L'article 5, maintenant... Oui,
Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme
Léger : Avant d'arriver à l'article 5, tout à l'heure on
s'était dit qu'il y avait un 2.1 du ministre et qu'on faisait le 3, mais là on est rendus au 5, et puis
il n'a pas déposé... on n'a pas reçu encore les amendements du 2.1. Alors,
est-ce que ça va être déposé par le ministre?
Le Président (M.
Ouimet) : Oui. Alors, M. le président du Conseil du trésor.
M. Moreau :
On m'indique qu'on devrait avoir le texte dans quelques minutes, M. le
Président.
Le Président (M. Ouimet) : Donc, je vous propose de poursuivre avec
l'article 5, puis, dès qu'il sera prêt, vous me le signalez. Très
bien.
Alors, M. le
président du Conseil du trésor, pour la présentation de l'article 5.
M. Moreau :
Oui, merci. L'article 5 : «Tout organisme public, ses dirigeants et
ses représentants doivent, à compter de
8 h 30 le mercredi 1er mars 2017, prendre les moyens
appropriés pour assurer la fourniture par les salariés des services
juridiques.»
M. le Président, cet article oblige un organisme
public à prendre les moyens pour que les salariés puissent fournir les
services juridiques à compter de mercredi le 1er mars, à 8 h 30.
Le Président (M. Ouimet) : Questions, commentaires, du côté de la deuxième
opposition? Ah! M. le député de Jonquière. Désolé.
• (6 h 50) •
M.
Gaudreault : Oui. Donc, pour revenir à ce qu'on disait à l'article...
je ne me souviens plus, là, l'article 1 ou 2... 2, oui, «tout organisme public» ne couvre pas
évidemment l'Agence du revenu. Donc, qu'arrive-t-il, là, du grand argument
qui a été invoqué à maintes et maintes reprises par les députés du gouvernement
quant à la nécessité de régler les situations des contribuables face à Revenu
Québec, les milliers de dossiers qui sont en attente?
J'ai
un article ici, là, de La Presse Affaires, 26 janvier. C'était le 26 janvier,
ça, donc ça fait plus d'un mois : «Ce n'est peut-être que la pointe de l'iceberg, car Revenu Québec a dû
reporter 2 878 dossiers en matière pénale depuis le début de
la grève.» Alors là, ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'à partir de cet après-midi,
quand le gouvernement va avoir fait adopter
sa loi spéciale, il y a un certain nombre de juristes qui vont retourner de
force au travail, mais les juristes au service de l'Agence du revenu du
Québec seront toujours dans la rue, à la grève. Donc, la préoccupation des
collègues du gouvernement pour faire avancer les dossiers... Les quelque 3 000 dossiers en matière pénale, entre
autres à Revenu Québec, qui sont en retard, ça sera toujours en retard.
Le Président (M.
Ouimet) : Oui, M. le président du Conseil du trésor.
M.
Moreau : M. le Président, alors, je réitère encore une fois que
l'Agence du revenu n'est pas visée par le projet de loi pour une raison simple : c'est qu'il y a des discussions
entre les parties, et que l'état d'avancement des négociations ne nous semble pas être suffisant pour assujettir
l'agence aux dispositions de l'article... 127, et que donc on est dans un
contexte de négociation, tout ça dans le respect des dispositions et des
enseignements qui nous sont faits par la Cour suprême
dans les deux arrêts dont on a discuté tantôt, B.C. Health Services et
Saskatchewan. Alors, il n'aurait pas été convenant ou conforme à ces dispositions-là d'inclure l'unité de
négociation de l'Agence du revenu, puisque les discussions continuent et qu'elles n'ont pas un stade
d'avancement comparable à celui pour les juristes de l'État qui sont visés par
le projet de loi n° 127.
Le Président (M.
Ouimet) : M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Bien, c'est parce que c'est quand même
important, là, on parle de milliers de dossiers en attente à Revenu
Québec. D'autant plus que plus le temps court, plus les contribuables qui
contestent une décision risquent de voir des
intérêts, là, continuer de courir sur les sommes qui sont dues. Donc, ça a des
impacts majeurs pour les
contribuables. Et je ne sais pas si tous les députés du gouvernement étaient au
courant, parce que c'est quand même des arguments qui ont été plaidés à
plusieurs reprises, entre autres lors de l'étape de l'adoption du
principe : il fallait régler la situation des dossiers à Revenu Québec.
Je
voudrais savoir aussi si, considérant le fait que l'Agence du revenu n'est pas
couverte par le projet de loi n° 127, ça a des impacts également en
lien avec l'UPAC, les enquêtes de l'UPAC.
Le Président (M.
Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.
M. Moreau :
Il n'y a aucun lien à faire avec les enquêtes de l'UPAC, d'une part. D'autre
part, j'écoute le préambule ou le
commentaire fait par le député de Jonquière sur les impacts sur les dossiers de
Revenu Québec. On ne peut pas dans un
même discours dire : Écoutez, vous devez respecter le droit de grève des
employés puis la négociation, puis en
même temps nous reprocher de ne pas... de le faire puis de ne pas inclure ces
gens-là à l'intérieur des dispositions de la loi n° 127, là. À un moment
donné, il faut choisir le côté de la clôture où on s'installe, là.
Là,
le député de Jonquière nous dit : Bien, ça, ce projet de loi là, vous ne
devriez pas passer ça parce que c'est une
atteinte au droit de grève. Puis là il nous dit : Bien, comment ça se fait
que, dans ce projet de loi là, vous ne visez pas l'Agence du revenu?, quand on dit : Écoutez, ces gens-là sont en
processus de négociation, mais leur négociation n'est pas assez avancée
pour que l'on considère que, comme dans le cas qui nous occupe ici, des
négociations qui ont duré depuis plus de...
depuis deux ans, qui ont été soumises à un mécanisme de conciliation qui... de
médiation, pardon, qui ont fait l'objet de six propositions
différentes... Là, on n'est pas dans le même contexte.
Et
un projet de loi, ça ne s'applique pas sur le plus large dénominateur. Ce
projet de loi là s'applique à une situation qui est spécifique, qui est
celle que l'on décrit depuis tantôt. Alors, moi, je veux bien entendre les
opinions du député là-dessus, mais on ne
peut pas avoir une opinion pour un puis une opinion différente pour l'autre,
là, et c'est ce que je comprends qui se produit à l'heure actuelle, là.
Le Président (M. Ouimet) :
Très bien. M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Non, non — c'est parce que, le ministre, on sait qu'il
est habile, là, dans l'art des pirouettes, là — ce
n'est pas ça du tout qu'on dit, là, M. le Président, là.
Le Président (M.
Ouimet) : Ça allait bien, M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Hein?
Le Président (M. Ouimet) : Ça
allait bien.
M.
Gaudreault : Non, mais c'est un compliment que je donne, là. Alors, il
est habile dans l'art des pirouettes, c'est
un compliment. C'est parce que ce n'est pas ça du tout qu'on dit, là, d'avoir
deux... Nous, on est contre la loi spéciale puis on veut donner plus de marge de manoeuvre à la négociation, on l'a
dit d'emblée et à plusieurs, plusieurs reprises. Mais là ce qu'on apprend, c'est que la loi spéciale ne réglera même pas
la question des requêtes ou des recours devant l'Agence du revenu, et pour les contribuables qui, en plus, en cours de
route, vont voir augmenter leurs frais d'intérêts, donc c'est quand même assez fascinant, alors que
c'est un argument qui a été présenté à plusieurs reprises par le gouvernement,
que c'était une situation d'urgence.
Beaucoup de contribuables sont en attente de voir leurs dossiers progresser
avec l'Agence du revenu du Québec, et là ce ne sera pas le cas. Alors,
c'est quand même important d'être conscient de ça ce matin, M. le Président.
Et je reviens
sur ma question sur l'UPAC, parce que le ministre, je pense, a mal compris ou
n'a pas répondu, là. À partir du moment où il y a une enquête de l'UPAC
qui conduit à des poursuites, qui est le poursuivant?
Le Président (M. Ouimet) :
Alors, M. le président du Conseil du trésor.
M. Moreau :
Je retourne au député de Jonquière son compliment. Il est très habile dans les
pirouettes lui-même, parce que, là,
il nous dit : Comment ça se fait que ces gens-là ne sont pas inclus dans
le projet de loi n° 127? Pourquoi vous ne les faites pas rentrer au
travail tout de suite?
Êtes-vous
favorables à la loi? Bien, alors, votez favorablement à cette loi-là puis
proposez un amendement pour qu'on ajoute les gens de l'Agence du revenu,
mais arrêtez de faire des pirouettes ou des «backflips», je ne sais pas comment vous exprimez ça, là, dans l'expression de
vos compliments, mais vous ne pouvez pas avoir un discours qui porte des deux côtés en même temps, là, il faut
que vous vous décidiez. Ou bien vous êtes pour l'exercice de la négociation
ou l'exercice du droit de grève ou vous êtes
contre. Vous ne pouvez pas être pour et contre à la fois, parce que ça, ça fait
une drôle de coloration. Et c'est un peu ce
que le premier ministre exprimait l'autre jour comme la position Frost. Quand
on est sur la clôture, ça pique en tabarouette!
Alors là, ou bien vous êtes favorable à ça ou
vous n'êtes pas favorable. Vous avez le droit, il n'y a aucune difficulté, mais vous ne pouvez pas tenir un
discours A pour un groupe de travailleurs... Parce que le discours du
gouvernement, il est logique et compatible à la situation. On arrive à
une loi de retour au travail le jour où on estime que les effets de la négociation et de l'exercice du droit de grève sont
terminés, et on le fait dans le contexte d'une atteinte minimale aux
droits des salariés. La proposition que fait le député de Jonquière, à l'heure
actuelle, ne respecte pas ces
dispositions-là. Et pourtant, tantôt, là, il nous faisait la lecture et
l'interprétation qu'il faisait des décisions de la Cour suprême. Je l'invite à relire les décisions dont
il nous parlait tantôt et de voir si c'est compatible avec la suggestion qu'il
semble vouloir nous faire de faire rentrer
tout de suite les gens de l'Agence du revenu, alors qu'ils sont en processus de
négociation. C'est peut-être une pirouette, mais c'est une pirouette qui est
très malhabile, M. le Président.
Le Président (M. Ouimet) : Il
avait une dernière question, je pense, sur la question de l'UPAC.
M.
Gaudreault : Oui. C'est
parce que le ministre me met des mots dans la bouche, là, je n'ai jamais dit
cela. Et le double discours, il est
tenu du côté du gouvernement, hein, parce que, d'un côté, ils prétendent
vouloir régler les questions soi-disant urgentes qui traînent, là, du côté des
poursuites, du côté des retards de l'Agence du revenu, alors qu'on
apprend aujourd'hui que ce ne sera pas le cas avec la loi spéciale qu'on a
devant nous.
Mais je n'ai pas entendu le ministre répondre à
ma question concernant l'UPAC.
Le Président (M. Ouimet) :
Sur l'UPAC.
M. Moreau : Lorsqu'il y a des
poursuites intentées suite à une enquête de l'UPAC, c'est les procureurs aux poursuites criminelles et pénales qui sont chargés
de la situation. Et les procureurs de la couronne ne sont pas, d'aucune
façon, visés par ça, puisqu'ils sont dans le contexte d'un contrat d'une durée
de quatre ans, qui a fait l'objet de la recommandation d'un comité de
négociation. Et ils ont un salaire qui est inférieur à la proposition
gouvernementale dans le cas des juristes de
l'État. Ils sont au travail, ils respectent leur contrat de travail, et c'est
eux qui prennent les poursuites criminelles qui doivent être prises
lorsque l'UPAC estime qu'il y a... que les éléments d'enquête révélés par
l'UPAC suggèrent aux procureurs de la couronne qu'il y a matière à poursuite
criminelle.
M. Gaudreault : ...matière fiscale?
M. Moreau :
Même si on est en matière fiscale, si c'est une infraction criminelle, c'est le
DPCP qui prend les poursuites. Si
vous parlez d'un recours qui est de recouvrement, qui n'est pas un recours
criminel, à ce moment-là ce sont les juristes de l'État et ceux qui sont
dans l'unité de négociation de l'Agence du revenu.
Le Président (M. Ouimet) : Ça
va, du côté de l'opposition officielle, pour l'instant? Monsieur... Non?
Alors, on va mettre aux voix l'article 5.
Est-ce que l'article 5 du projet de loi est adopté?
Des voix : Adopté.
• (7 heures) •
Des voix : Sur division.
Le
Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. Sommes-nous prêts
pour l'amendement introduisant 2.1? M. le président...
M. Moreau :
Ce qu'on m'indique, c'est que l'amendement en question serait fait au terme de
la plénière parce que le document n'est toujours pas prêt.
Le Président
(M. Ouimet) : Oui. Alors, juste un instant, là. J'ai des
réactions de Mme la députée de Pointe-aux-Trembles là-dessus. Mme la députée.
Mme Léger :
C'est parce que je veux juste rappeler... Merci, M. le Président. Juste
rappeler que moi, j'étais consentante parce
que le ministre... On avait déjà adopté le 2, j'étais consentante pour que le
ministre puisse déposer quand même
son article, de faire le 2.1, mais en autant que c'est là, là. Sinon, il est
trop tard. Il y a une ouverture, mais, en même temps, il faut juste que
lui aussi collabore.
Le Président (M. Ouimet) : Bien, là-dessus, juste entendre les arguments de
M. le député de Borduas, puis je vais revenir à vous, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Effectivement, M. le Président, on avait une entente à l'effet que ça serait
déposé ici.
Le Président
(M. Ouimet) : Je n'ai pas compris.
M. Jolin-Barrette : J'ai dit : Effectivement, M. le Président,
on avait consenti à ce que ça soit déposé ici. Même si les règles parlementaires prévoient qu'ils
peuvent le faire après, je pense qu'on s'était entendus pour qu'on puisse le
présenter en commission plénière.
Le Président (M. Ouimet) : Bien. Alors, M. le président du Conseil du
trésor... ou M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Tanguay :
M. le Président, en vertu, vous le savez, de la procédure qui nous guide, 257.1
et suivants, il y a opportunité,
évidemment, de déposer les amendements dans une fenêtre qui est celle après la
plénière. Donc, cette opportunité-là n'a pas été mise de côté par le
ministre.
Le
fait de pouvoir revenir à un article n'oblige pas le ministre à revenir audit
article. Le consentement ne peut pas empêcher le ministre de faire ce
que le code, par ailleurs, lui permet de faire. Et, à ce stade-là, il y aura
une fenêtre d'opportunité pour déposer
l'amendement, le communiquer, l'analyser. Vous le savez, il y a des délais
d'une heure et... deux fois, qui vont s'appliquer à ce moment-là. Alors,
voilà.
Le Président (M. Ouimet) : Bien, écoutez, la présidence... Je n'ai pas les
pouvoirs pour contraindre le ministre de déposer un amendement. Je comprends qu'il y a eu des discussions. Comme
le disait le leader adjoint du gouvernement, il a toute la latitude, au niveau des articles qui ont été cités, pour, à
une autre étape, présenter des amendements, s'il juge opportun de les
présenter à cette étape-là. M. le président du Conseil du trésor.
M. Moreau :
Oui. Il n'y a pas de grand mystère là-dedans, là. Il y a des vérifications
juridiques qui ont cours présentement pour voir s'il y a lieu de déposer un
amendement à l'article 2 ou, si ce n'est pas l'article 2 parce que l'article 2 a été adopté, un article
subséquent au terme des définitions pour s'assurer que toutes les situations
sont couvertes pour les unités d'accréditation qui seraient visées dans
le cas du projet de loi n° 127.
Alors,
de toute façon, les oppositions... Puis j'attirerai leur attention sur la
nature de l'amendement en question. Ça
m'apparaît être un élément qui est extrêmement technique, et l'idée n'est pas
de prendre personne par surprise ou de revenir sur des consentements. On
va le faire selon ce que la procédure prévoit.
Le Président
(M. Ouimet) : Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
M. le Président, ce qu'on avait convenu tout à l'heure, c'est que le ministre,
après qu'on ait adopté l'article 2,
a dit qu'il y avait un amendement, et, pour réussir à ce que l'amendement soit
passé, on a dit que c'était 2.1, à 2.1. Il a soulevé, le ministre, à 2.1... Moi, j'étais consentante, il n'y
avait pas de problème à ce niveau-là. En même temps, il peut les déposer en plénière aussi, c'est son
droit. Moi, ce n'est pas à ce niveau-là, sauf que c'est sûr que, quand ça va en
plénière, bien, on ne peut pas en débattre. Alors, ça dépend de l'ouverture du
ministre.
Et,
s'il n'est pas prêt, pourquoi qu'il n'est pas prêt? Il y a des juristes qui
peuvent l'aider, là, qui sont en haut, là. Mais, s'il n'est pas prêt, je peux comprendre aussi, là. Mais l'objectif,
c'était qu'on en débatte ici. Alors, il peut faire en plénière, s'il veut le faire en plénière, mais on
s'était entendus qu'on lui laissait un peu de temps, on allait à
l'article 3 et 4 pour qu'il revienne.
Alors, c'est son
choix, M. le Président, mais je veux juste que ce soit clair.
Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, écoutez, quant à moi, ça clôt
le débat là-dessus. Passons à l'article 6. L'article 6, M. le
président du Conseil du trésor.
M. Moreau :
Très bien, M. le Président. Alors, article 6 : «Il est interdit à
l'association de déclarer ou de poursuivre une grève ou de participer à toute action concertée si cette grève ou
cette action concertée implique une contravention par des salariés à une
disposition de l'article 3 ou de l'article 4.
«De même, le lock-out
est interdit s'il implique une telle contravention.»
Cette disposition
vise à empêcher, M. le Président, l'association de déclarer ou de poursuivre
une grève ou de participer à toute action concertée qui ont pour effet
d'altérer ou de modifier les devoirs rattachés aux fonctions des salariés,
leurs activités professionnelles ou administratives ou qui ont pour effet
d'empêcher la prestation de services juridiques
ou de retarder le cours de procédures pénales, civiles ou administratives. Cet article
interdit aussi le lock-out.
Le Président
(M. Ouimet) : Très bien. Alors, questions, commentaires? Ça va
pour cet article, du côté de la deuxième opposition?
Je vais mettre aux
voix l'article 6. Est-ce que l'article 6 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Une voix :
Sur division.
Le Président
(M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 7. M. le
président du Conseil du trésor.
M. Moreau : Merci,
M. le Président. «L'association doit
prendre les moyens appropriés pour amener les salariés qu'elle
représente à se conformer à l'article 3 et à ne pas contrevenir aux
articles 4, 8 et 9.»
Cette
disposition oblige l'association de salariés à prendre des mesures pour amener les
salariés à respecter les devoirs
attachés à leurs fonctions, à accomplir leurs activités professionnelles ou administratives et à fournir leur prestation
habituelle de travail.
Le Président
(M. Ouimet) : Questions, commentaires?
S'il n'y en a pas, je
vais mettre aux voix l'article 7. Est-ce que l'article 7 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Une voix :
Sur division.
Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 8 maintenant.
M. le président du Conseil du trésor.
M. Moreau :
Oui, M. le Président. Article 8 : «Nul ne peut, par omission ou
autrement, faire obstacle ou nuire de
quelque manière au respect des devoirs attachés aux fonctions d'un salarié, à
la fourniture de services juridiques par un salarié, à l'accomplissement par un salarié de sa prestation de travail
ou de ses activités professionnelles ou administratives, ni contribuer
directement ou indirectement à ralentir ou à retarder l'accomplissement de
cette prestation.»
Cette
disposition, M. le Président, vise à assurer que la prestation de services
juridiques ne sera pas gênée. Cette disposition vise les salariés mais
également toute autre personne qui ferait obstacle ou qui nuirait à cette
prestation.
Le Président
(M. Ouimet) : Merci. Questions, commentaires?
Sinon, je mets aux
voix l'article 8. Est-ce que l'article 8 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Une voix :
Sur division.
Le Président
(M. Ouimet) : Adopté sur division. Très bien. L'article 9
maintenant.
M.
Moreau : Article 9 : «Nul ne peut entraver l'accès
d'une personne à un lieu où elle a le droit ou le devoir de se trouver
et dans lequel un salarié doit exercer ses fonctions.»
Cette
disposition vise à assurer l'accès pour tout citoyen, y compris un salarié, à
un lieu où les services juridiques sont ou doivent être rendus par un
salarié.
Le Président
(M. Ouimet) : Questions, commentaires à l'article 9?
Je mets aux voix
l'article 9. Est-ce que l'article 9 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Une voix :
Sur division.
Le Président (M. Ouimet) :
Adopté sur division. L'article 10 maintenant. M. le ministre.
M. Moreau :
Article 10 : «Section III. Mesures administratives et civiles.
«1. Cotisation syndicale.»
Article 10 :
«Dès qu'un organisme public constate que ses salariés ne se conforment pas à
l'article 3 ou à l'article 4 en
nombre suffisant pour assurer que soient dispensés ses services, il doit cesser
de retenir toute cotisation syndicale ou tout montant en tenant lieu sur
le traitement de chacun des salariés que représente l'association.»
«Cette
cessation vaut pour une période égale à 12 semaines par jour ou partie de
jour pendant lequel l'organisme public constate que ses salariés ne se
conforment pas à l'article 3 ou à l'article 4 en nombre suffisant
pour assurer que soient dispensés ses services.»
Alors, M. le
Président, cette disposition prévoit une sanction à l'égard de l'association
advenant que des salariés maintiennent la grève, ne respectent pas les
devoirs attachés à leurs fonctions, n'accomplissent pas leurs tâches professionnelles ou administratives ou participent
à une action concertée afin de diminuer ou altérer ces devoirs et tâches.
Il en est de même si l'action concertée
empêche ou diminue la prestation des services juridiques ou retarde le cours de
procédures pénales, civiles ou administratives.
La sanction
consiste à suspendre pour 12 semaines le prélèvement par l'organisme
public de la cotisation syndicale ou de tout montant qui en tient lieu.
Le Président (M. Ouimet) :
Questions, commentaires sur l'article 10? M. le député de Saint-Jérôme.
M. Bourcier :
Alors, M. le Président, on est encore au même point où l'employeur pourrait
être juge et partie de certaines
baisses de régime ou de travail, mais moi, je m'attarde plutôt à la période de
12 semaines qui, évidemment, là, ferait partie de la punition. Alors, sur
quoi on s'est basé pour ce total de 12 semaines? Est-ce qu'on a fait des
comparatifs? Y a-t-il eu jurisprudence dans cette matière? Il me semble
que c'est très punitif, 12 semaines.
Le Président (M. Ouimet) : M.
le président du Conseil du trésor.
• (7 h 10) •
M. Moreau :
Alors, M. le Président, encore là, on est dans la notion des mesures dissuasives. Et on m'indique que les dispositions de l'article 10 sont des dispositions que l'on retrouve
dans ce type de législation, qui prévoient le retour au travail et se retrouvent généralement comme mesures
dissuasives pour éviter qu'une action concertée ou que l'association
puisse inciter à déroger aux dispositions prévoyant le retour au travail ou la
prestation de services.
Le
Président (M. Ouimet) :
Merci. Questions ou commentaires additionnels? Ça va? Je mets aux voix l'article
10. Est-ce que l'article 10 est adopté?
Mme Léger : Sur division.
Des voix : Adopté.
Le Président (M. Ouimet) : Adopté
sur division. L'article 11 maintenant.
M. Moreau : L'article 11 : «Malgré toute stipulation de la
convention collective applicable, un salarié n'est pas tenu de payer une cotisation, une contribution ou
toute autre somme d'argent en tenant lieu, à l'association ou à un tiers
à l'acquit de celle-ci, pour la période de suspension de retenues résultant de
l'application de l'article 10.»
Alors, cet article,
M. le Président, est lié à l'article précédent. Il
prévoit qu'en cas de suspension du prélèvement de la cotisation syndicale l'obligation
de payer cette cotisation cesse de lier le salarié.
Le Président (M. Ouimet) : Questions
ou commentaires? M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Concrètement, à partir du moment où le salarié n'a plus besoin de payer sa cotisation,
il ne perd pas la protection du syndicat?
Parce que lui, pour être représenté par le syndicat, nécessairement, son
obligation envers son association
syndicale, c'est de payer sa cotisation, payer les droits afférents. Si on lui
dit dans la loi : Vous n'avez
plus besoin de payer votre cotisation, est-ce que lui, par rapport au syndicat,
ne contrevient pas à sa partie du contrat d'association? Peut-être que
le ministre peut nous renseigner là-dessus.
Le Président (M. Ouimet) : Oui.
M. Moreau : ...une question contractuelle.
L'obligation qu'a le syndicat de représenter de bonne foi ses salariés est une
obligation qui lui échoit en vertu du Code du travail. Cette disposition du
Code du travail continue de s'appliquer. Ici, il s'agit d'une mesure dissuasive et qui allège le salarié de
l'obligation de fournir une cotisation qui, de toute façon, n'est pas
retenue par l'organisme auquel est attaché l'organisme public auquel est
attaché le salarié.
Alors, l'idée
n'est pas de pénaliser le salarié, l'idée est d'avoir... C'est une mesure
dissuasive qui s'applique à la réception
de la cotisation syndicale par l'association, mais le Code du travail n'est pas
modifié par le projet de loi n° 127, et l'obligation de
représentation, qui est une obligation légale et non pas contractuelle prévue
au Code du travail, continue de s'appliquer. Alors, il n'y a pas de
perte de protection pour le salarié à l'égard de l'obligation de son syndicat
de le représenter de bonne foi dans toute instance liée à sa prestation de services.
M. Jolin-Barrette : ...à l'article 10, on vient modifier un peu la
formule Rand. On dit : En guise de pénalité pour le syndicat, en guise de pénalité, vous n'allez
plus... bien, le Conseil du trésor ne va plus prélever la cotisation syndicale
sur le salaire du juriste pour la remettre au syndicat. Ça, c'est une chose en
guise de punition.
À l'article
11, on dit aux syndiqués : Vous avez le droit de ne plus payer votre
cotisation au syndicat. Qu'est-ce qui justifie
le fait de ne plus verser sa cotisation? Je comprends quand le Conseil du
trésor dit : Écoutez, nous, à cause des agissements du syndicat, à cause
d'un agissement contraire à l'article 3, 4 ou 6, on ne prélève pas. Ça, je
comprends. Mais pourquoi vous dites aux salariés : Vous n'avez pas
l'obligation de verser votre cotisation?
M. Moreau :
Bien, parce que, d'une part, un, on ne prélève pas la cotisation. D'autre part,
la protection prévue au Code du
travail, qui doit être fournie par le syndicat, est maintenue. Maintenant, si le
salarié, malgré ce congé-là, décide de faire une donation à son
syndicat, il peut toujours le faire, mais on le relève de l'obligation de le
faire, qui est un corollaire du fait que la cotisation est suspendue par
l'employeur envers le syndicat.
Alors, pour
quelle raison est-ce que j'obligerais le salarié à payer sa cotisation si moi,
je ne la paie pas comme employeur au
syndicat, alors que l'important, c'est d'assurer que la protection prévue par
les dispositions du Code du travail, du syndicat envers le travailleur,
soit maintenue?
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends qu'il n'y a pas d'obligation
légale pour un salarié de payer sa cotisation
syndicale à son syndicat, à moins que ça soit prévu par convention collective.
M. Moreau :
Non, non. La disposition réfère à une disposition générale du Code du travail.
Ici, ce que l'on dit, c'est : On suspend, on relève de son obligation le
salarié étant donné que la cotisation n'est pas payée pour la période de
12 semaines prévue à l'article 10. Alors,
pour quelle raison... Qu'est-ce que je ferais avec la cotisation que je prélève
du salarié? L'employeur s'enrichirait parce qu'il ne la reverse pas à
l'association syndicale.
M. Jolin-Barrette : Il y a deux choses distinctes. Dans un premier
temps, à cause des agissements du syndicat, le Conseil du trésor dit : Écoutez, comme sanction punitive, moi,
je ne prélèverai plus les cotisations syndicales des employés vers le
syndicat. Ça, c'est le premier élément. O.K.
Bon, si
l'employé... Mais, en fait, la question, c'est : Pourquoi relever
l'employé du fait de dire : Vous devez quand même cotiser à votre syndicat, à part pour
affaiblir le syndicat? Parce que l'employeur dit : Écoutez, moi, je vais
rendre ça plus difficile pour le
syndicat parce qu'il ne pourra plus se financer directement. Ça facilite, dans
le fond, le financement du syndicat lorsque l'employeur prélève la
cotisation et la verse, mais pour l'employé comme tel.
Le Président (M. Ouimet) : M.
le président du Conseil du trésor.
M. Moreau :
La cotisation prélevée chez le salarié, dans un contexte normal, n'est pas
faite pour enrichir l'employeur mais pour assumer le paiement de la
cotisation syndicale.
L'article que
nous venons d'adopter, sur division, j'en conviens, mais il est assez clair,
l'article 10 : pendant une période
de 12 semaines, il n'y aura pas de paiement de cotisation au syndicat, de la
cotisation syndicale. Alors, je ne vois pas pourquoi je continuerais de
prélever chez le salarié une cotisation qui n'est pas versée au syndicat.
L'idée, ce
n'est pas d'affaiblir le syndicat. L'idée, c'est de dissuader le syndicat, à
l'article 10, de poser des gestes qui
iraient à l'encontre de la reprise des activités. Mais maintenant ce que vous
me dites, là, vous dites : Très bien, si je suis votre raisonnement, j'ai un petit peu de difficultés, là, vous
dites : Ne versez pas au syndicat la cotisation, mais continuez de
la prélever chez le salarié. Ça n'a pas beaucoup de bon sens, là.
M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas ça que j'ai dit. Je l'ai dit
par deux fois, vous, en tant qu'employeur, vous, le Conseil du trésor, là, vous, en tant qu'employeur, généralement, vous
prélevez une cotisation sur le salaire de l'employé, et ensuite elle est redistribuée au syndicat. Vous
dites : S'il y a contravention aux articles 3, 4 et 6, nous ne le ferons
plus. On ne facilitera pas la job du
syndicat d'obtenir ces ressources-là, ces ressources auxquelles ils ont droit,
la cotisation syndicale, et, par le
fait même, on va dire à l'employé : Tu n'as plus besoin de la verser. Mais
il n'y a pas d'intérêt à relever le syndiqué de son obligation de verser
sa cotisation au syndicat.
Le Président (M. Ouimet) : M.
le président du Conseil du trésor.
M. Moreau : J'ai
beaucoup de difficultés à suivre votre raisonnement. Vous voulez que je fasse
quoi avec la cotisation? Que je continue à
prélever, alors que je ne la verse pas au syndicat? Vous voulez que je fasse
quoi avec? Que je la donne à un
organisme de charité? Que je vous la remette, à la Coalition avenir Québec?
Qu'est-ce que vous voulez que je fasse avec?
Pourquoi est-ce que je pénaliserais le syndiqué
et que je ne le relèverais pas de son obligation de payer une cotisation que, de toute façon, l'employeur ne
verse pas au syndicat? Honnêtement, j'ai un petit peu de misère, là. Je ne
sais pas. Vous voulez que je fasse quoi avec? Faites-moi une suggestion.
M. Jolin-Barrette : Non, je pense qu'on ne se comprend pas, M. le
Président. Ce que j'ai dit au ministre, c'est qu'à son article 10 on dit : Le Conseil du trésor ne prélèvera plus
la cotisation syndicale. Supposons que c'était 10 $. Pendant 12
semaines, il ne prendra plus le 10 $. À son article 11...
Une
voix : ...
M. Jolin-Barrette : Exactement. Pourquoi? Parce que le Conseil du
trésor ne sera pas inclus là-dedans. C'est une relation entre le
syndicat et son syndiqué. Ça ne touche pas le Conseil du trésor. À partir du
moment où le Conseil du trésor dit : Moi, je ne prélève plus, en guise de
représailles, en guise de pénalité, parce que vous avez contrevenu aux articles
3, 4 et 6 de la loi, moi, je n'exerce plus la formule Rand, je ne prélève pas
les paiements sur le slip de paie du syndiqué. Ensuite, à 11, vous dites :
Bien, écoutez...
• (7 h 20) •
M. Moreau : L'obligation du syndiqué n'existe plus à l'égard du paiement
d'une formule que je ne paie pas au syndicat, c'est un corollaire.
M. Jolin-Barrette : D'accord, mais, par le fait même, vous dites aux
syndiqués : Vous n'avez pas besoin de cotiser à votre syndicat.
M.
Moreau : Ça ne
peut pas être plus clair que ça, là, M.
le Président. Je le relève de son
obligation de cotiser, effectivement. C'est ce que dit l'article 11, mais c'est un corollaire du fait que je ne
prélève plus et que je ne verse plus au
syndicat la cotisation syndicale. Alors, si j'oblige encore le salarié, si
j'assujettis le salarié à faire une contribution à un syndicat, alors que je ne prélève... je ne verse
pas la cotisation syndicale, il y a quelqu'un en quelque part qui va détenir
de l'argent qui n'est pas remis aux fins
pour lesquelles normalement l'obligation de payer est prévue au Code du
travail. Alors, c'est le corollaire,
l'article 11, aux dispositions dissuasives prévues à l'article 10 à
l'égard de l'association syndicale, à l'égard du syndicat.
M. Jolin-Barrette : Mais pas si le syndiqué envoie sa cotisation
directement au syndicat, sans passer par le Conseil du trésor.
M. Moreau :
Bien, s'ils veulent faire une donation à leur syndicat, ils sont libres de le
faire, là. La donation, c'est une
libéralité qui est prévue au Code civil, ils peuvent continuer de faire ça,
mais ils ne sont pas obligés de le faire. C'est ce qu'on dit à
l'article 11.
Le Président
(M. Ouimet) : Ça va? Bon, alors, voilà qui est éclairci. D'autres
interventions à l'article 11?
Sinon, je vais mettre
aux voix l'article 11. Est-ce que l'article 11 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Une voix :
Sur division.
Le Président
(M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 12 maintenant. M.
le ministre.
M. Moreau :
«2. Rémunération des salariés.» Article 12 :
«Il
est interdit à un organisme public de rémunérer un salarié qui contrevient à
l'article 3 ou à l'article 4 pour la période pendant laquelle
la contravention a lieu.
«De
plus, si la contravention résulte d'une absence ou d'un arrêt de travail, le
traitement à être versé au salarié en
application de la convention collective pour le travail effectué après cette
absence ou cet arrêt est réduit d'un montant égal au traitement qu'il
aurait reçu pour chaque période d'absence ou d'arrêt.
«Un
organisme public doit faire les retenues découlant de l'application du deuxième
alinéa jusqu'à concurrence de 20 % du traitement par période de paie. Il
verse par la suite ces sommes à un organisme de bienfaisance enregistré au
sens de la Loi sur les impôts (chapitre I-3) et désigné par décret du
gouvernement.»
Cet
article prévoit donc que le salarié n'est pas rémunéré pour le jour où il
maintient la grève, ne respecte pas les devoirs rattachés à ses fonctions, n'accomplit pas ses tâches professionnelles
ou administratives ou participe à une
action concertée afin de diminuer ou
altérer ses devoirs et tâches. Il en est de même si l'action concertée empêche
ou diminue la prestation des services juridiques ou retarde le cours de procédures
pénales, civiles ou administratives.
De
plus, il est prévu, au deuxième alinéa, qu'un montant égal à cette rémunération
sera déduit du traitement du salarié
ultérieurement. Les modalités de retenue de ces sommes sont déterminées au
troisième alinéa. Un organisme public peut
retenir jusqu'à 20 % du traitement par période de paie. Les sommes ainsi
recueillies sont versées à un organisme de bienfaisance.
Le Président (M. Ouimet) : Bien. Alors, questions, commentaires du côté de
l'opposition officielle? Il n'y en a pas. Du côté de la deuxième
opposition non plus?
Je mets aux voix
l'article 12. Est-ce que l'article 12 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Une voix :
Sur division.
Le Président (M. Ouimet) :
Adopté sur division. L'article 13. M. le président du Conseil du trésor.
M. Moreau : Oui.
«Toute mésentente portant sur l'application de l'article 12 est soumise à
l'application de la procédure de règlement des griefs.
«Le
salarié a droit au remboursement du montant retenu uniquement s'il démontre
qu'il s'est conformé à l'article 3 ou à l'article 4, selon le cas, ou qu'il en a été empêché bien
qu'il ait pris tous les moyens raisonnables pour s'y conformer et que le
fait de ne pas s'être conformé à l'article 3 ou à l'article 4 ne
faisait partie d'aucune action concertée.
«Quiconque
est saisi en arbitrage de la décision prise par un organisme public suivant le
présent article ne peut que la confirmer ou l'infirmer en se fondant
uniquement sur le deuxième alinéa.»
Alors, cette
disposition prévoit un mécanisme de règlement des conflits advenant un litige
lié à l'absence de rémunération ou à la
réduction du traitement en application de l'article 12. Le litige doit
être soumis à un arbitre comme l'est
un grief. Un salarié pourra faire une défense de moyens raisonnables et
démontrer qu'il n'a pas participé à une action concertée.
Le dernier alinéa
précise la compétence du décideur, soit celle fixée par le deuxième alinéa de l'article 13.
Le Président (M. Ouimet) : Merci. Questions, commentaires sur l'article 13? Est-ce que
l'article 13 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Mme Léger :
Sur division.
Le Président
(M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 14.
M. Moreau :
«3. Salariés libérés pour activités syndicales.» Article 14 :
«Il est interdit à un
organisme public de rémunérer un salarié qui est l'objet d'une libération pour
exercer des activités syndicales pour un jour ou une partie de jour pendant lequel
l'association contrevient à l'article 6.
«De
plus, le traitement à être versé au salarié en application de la convention
collective pour le travail effectué après la contravention de
l'association est réduit d'un montant égal à celui qui lui aurait été versé en
l'absence de contravention.
«Un organisme public
doit, s'il constate une contravention visée au premier alinéa par
l'association, faire les retenues découlant
de l'application du deuxième alinéa jusqu'à concurrence de 20 % du
traitement par période de paie. Il verse
par la suite ces sommes à un organisme de bienfaisance enregistré au sens de la
Loi sur les impôts et désigné par décret du gouvernement.»
Alors,
cette disposition prévoit une mesure semblable à celle prévue à l'article 12
pour un salarié en libération pour exercer des activités syndicales
alors que l'association ne se conforme pas à la loi. Donc, il ne reçoit aucune rémunération pour le jour où la contravention a
lieu. De plus, une somme équivalente à cette rémunération est déduite du traitement que le salarié devra recevoir après
cette contravention, et les retenues sur la paie se font jusqu'à
concurrence de 20 %.
Le Président (M. Ouimet) : Très
bien. Questions ou commentaires? Pas
à ce moment-ci. Est-ce que l'article 14 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Mme Léger :
Sur division.
Le Président
(M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 15, maintenant.
M. Moreau : Article 15 : «Toute mésentente portant
sur l'application de l'article 14 est soumise à l'application de la
procédure de règlement des griefs.
«Le salarié a droit
au remboursement du montant retenu uniquement s'il démontre qu'il n'a pas
participé aux activités de l'association qui sont reliées à la contravention.
«Quiconque
est saisi en arbitrage de la décision prise par un organisme public suivant le
présent article ne peut que la confirmer ou l'infirmer en se fondant
uniquement sur le deuxième alinéa.»
Alors,
cet article prévoit un mécanisme de règlement
des conflits advenant un litige lié à l'absence de rémunération ou à la réduction du traitement en application de l'article 14.
Il est le même que celui prévu à l'article 13. Le litige
doit être soumis à un arbitre comme
l'est un grief. Un salarié pourra faire une défense de moyens raisonnables et démontrer
qu'il n'a pas participé aux activités de l'association qui sont reliées à la
contravention.
Le
dernier alinéa précise la compétence du décideur, qui se limite à confirmer ou
infirmer la décision de l'organisme public.
Le Président (M. Ouimet) : Très
bien, merci. Questions ou
commentaires sur l'article 15? Sinon, je vais mettre aux voix l'article 15.
Est-ce que l'article 15 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Mme Léger : Sur division.
Le
Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 16
maintenant.
M. Moreau : «Dès qu'un organisme public constate que
l'association a accompli un acte visé à l'article 6, il doit, après en avoir avisé l'association, cesser de
payer, pour la période déterminée en vertu du troisième alinéa, à tout salarié
qui est l'objet d'une libération au cours de
cette période pour exercer des activités syndicales au bénéfice de
l'association, tout traitement pour le temps durant lequel le salarié
est libéré.
«Le
premier alinéa s'applique également lorsqu'un organisme public constate que les
salariés ne se conforment pas à l'article 3 ou à l'article 4
en nombre suffisant pour assurer que soient dispensés ses services.
«La
cessation de paiement prescrite par le présent article est d'une durée de 12
semaines par jour ou partie de jour pendant lequel l'organisme public
fait le constat prévu au premier ou au deuxième alinéa.»
Cette
disposition prévoit une mesure à
l'endroit d'une association qui contrevient à la loi. Pour une période de
12 semaines, un organisme public doit cesser
de payer à un salarié libéré pour exercer des activités syndicales pour le
bénéfice de cette association tout traitement durant lequel il est libéré.
Le Président (M. Ouimet) : Questions, commentaires à l'article 16? Je
mets aux voix l'article 16. Est-ce que l'article 16 est
adopté?
Des voix :
Adopté.
Mme Léger :
Sur division.
Le Président
(M. Ouimet) : Adopté sur division. Article 17 maintenant. M.
le ministre.
• (7 h 30) •
M. Moreau :
«4. Réorganisation du travail.»
«Si,
dans un organisme public, les salariés ne se conforment pas à l'article 3
ou à l'article 4 en nombre suffisant pour assurer la prestation des
services, le gouvernement peut, par décret, à compter de la date, pour la période
et aux conditions qu'il fixe, uniquement aux
fins d'assurer la prestation des services de l'organisme public, remplacer,
modifier ou supprimer toute
stipulation de la convention collective liant cet organisme public et
l'association, afin de pourvoir au mode
selon lequel l'organisme public comble un poste, procède à l'embauche de
nouveaux employés et à toute matière se rapportant à l'organisation du
travail.»
Cet
article permet au gouvernement d'apporter par décret des ajustements
temporaires aux conventions collectives dans le cas où les salariés ne respectaient pas les devoirs attachés à
leurs fonctions ou n'accomplissaient pas les tâches professionnelles et administratives en nombre
suffisant pour assurer, dans un organisme public, la prestation des services.
Le Président (M. Ouimet) : Merci, M. le ministre. Questions, commentaires à
l'article 17? M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Bien, concrètement, l'article veut dire que le gouvernement va pouvoir
embaucher par décret ou donner un
mandat à quelqu'un, à un individu — dans le fond, vu qu'on vise les juristes, à
un avocat ou à un notaire — pour effectuer le
travail. Dans le fond, le gouvernement se donne cette latitude-là, avec cet
article-là, pour agir par décret pour faire une embauche. C'est bien ça?
M. Moreau :
Qui serait essentiellement temporaire et pour éviter que... si un nombre
important de salariés étaient en
contravention de la reprise du travail, pour que le gouvernement puisse
s'assurer d'avoir un nombre suffisant de personnes pour assurer la
prestation des services visés.
Alors,
le décret prévoirait... oui, pourrait prévoir éventuellement l'embauche de
personnes pour une durée déterminée et
permettre au gouvernement d'assurer les services qui, par ailleurs, ne seraient
pas rendus, en contravention avec les dispositions de la loi qui
indiquent la reprise des services à compter de mercredi.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que, par cet article, on vise l'embauche d'un contrat à durée
déterminée, supposons, on donne un
mandat à quelqu'un en tant que salarié, ou on vise plutôt le fait de donner un
mandat à l'externe? Exemple, supposons
que le Procureur général aurait un dossier à la cour, au civil, à la Cour
supérieure, supposons. Est-ce que cet article
vient confier la possibilité de mandater un bureau d'avocats pour dire :
Bien, vous allez agir en tant que procureurs externes pour la conduite de mon dossier? Est-ce que c'est ça qui est
visé ou c'est plutôt le fait d'embaucher un avocat à durée déterminée à
l'intérieur du contentieux?
M.
Moreau : Bien, en fait, les deux situations sont possibles, là,
parce que... Le texte me semble assez clair : «...pour la période et aux conditions qu'il fixe,
uniquement aux fins d'assurer la prestation des services de l'organisme public,
remplacer, modifier [...] supprimer toute
stipulation de la convention collective liant cet organisme public et
l'association, afin de pourvoir au
mode selon lequel l'organisme public comble un poste, procède à l'embauche de
nouveaux employés [ou] à toute matière se rapportant à l'organisation du
travail.»
Alors,
il pourrait le faire en impartition, en disant : Bien, voici, pour les
fins données, les juristes ne se présentent pas, on n'est pas en mesure de fournir le travail. Alors, il pourrait
procéder à une embauche temporaire, donc à l'interne, ou encore confier le mandat à un avocat externe, à
une firme d'avocats, ou à un avocat externe, ou à une firme de notaires externe, si, par exemple, la prestation de
services qui n'est pas fournie est celle d'un notaire juriste de l'État qui
refuserait de constater une convention entre les parties qui devrait
normalement résulter en un acte notarié.
M. Jolin-Barrette : Mais vous ne pensez pas que, dans l'éventualité
où vous confiez un mandat à l'externe, plutôt que d'utiliser le terme «pour la période [...] qu'il fixe», on devrait
plutôt la rattacher à la période du temps pour laquelle le juriste n'offre pas ses services? Parce que,
dans le fond, il n'y a pas vraiment de limite, là. Ça va être l'organisme qui
va décider pendant combien de temps
il confie son mandat à l'externe, même si les avocats et notaires de l'État
québécois, eux, reviennent au
travail, sont disponibles, ne contreviennent plus à la loi et qu'ils sont
disponibles pour travailler, et là votre mandat va être à l'externe
quand même, entraînant des coûts supplémentaires pour les contribuables
québécois.
M.
Moreau : Oui, mais avec des compensations financières pour
l'employeur, ce que la loi prévoit, d'une part. D'autre part, ce que vous indiquez là pourrait amener une situation un
peu étrange, où la prestation de services n'est pas fournie, le mandat est donné à l'extérieur, on est en cours d'exécution du mandat puis là on
mettrait fin au mandat externe parce que le salarié décide de revenir au
travail, alors... Et on recommence depuis le début, si, par exemple, c'est une négociation ou c'est un élément qui est un service de prestation continue pour l'exercice d'un mandat déterminé. Alors, c'est la raison pour laquelle la disposition est large, pour faire en sorte que, de façon
la plus commode possible, dans le cas d'une
contravention à la loi, le service puisse être fourni adéquatement par le gouvernement au moyen d'une ressource externe ou par une embauche temporaire.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends, mais ça m'apparaît que
c'est plus ou moins balisé et qu'un mandat qui serait donné
pourrait s'étirer dans le temps à l'externe.
M. Moreau : Encore
une fois, M. le député de Borduas, je vous souligne que les gens à qui s'adresse
cette loi-là ne me semblent pas
vouloir, selon les dires de leur président d'association syndicale,
contrevenir à la loi. Mais, lorsqu'on légifère,
moi, je ne veux pas me retrouver ici la semaine prochaine pour venir faire un
amendement à cette loi-là parce qu'il y aurait des dispositions qui ne
seraient pas suivies et qui ne seraient pas suffisamment larges pour permettre
l'organisation adéquate du travail. Et je suis convaincu que, vous non plus,
vous ne souhaitez pas être ici la semaine prochaine,
à 7 h 35, après une nuit bien remplie, pour se retrouver dans des
conditions où le mécanisme prévu n'est pas fonctionnel.
Le Président
(M. Ouimet) : Bien. Toujours M. le député de Borduas, dernier
commentaire?
M. Jolin-Barrette :
On n'est pas obligés de faire un bâillon la nuit, on peut le faire de jour
aussi.
M. Moreau :
Bon, bien, ça...
Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je mets aux voix
l'article 17. Est-ce que l'article 17 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Mme Léger :
Sur division.
Le Président
(M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 18, M. le
président du Conseil du trésor.
M. Moreau :
«Sous-section 5. Responsabilité civile.»
Article 18 : «L'association est responsable du préjudice causé à l'occasion d'une
contravention à l'article 3 ou à l'article 4
par des salariés qu'elle représente à moins qu'il ne soit établi que le
préjudice n'est pas dû à la contravention ou que celle-ci ne fait pas
partie d'une action concertée.»
Cette
disposition vise à faciliter les recours civils qui pourraient être intentés
contre une association de salariés.
Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Questions, commentaires sur
l'article 18? Je vais mettre aux voix l'article 18. Est-ce que
l'article 18 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Mme Léger :
Sur division.
Le Président
(M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 19.
M. Moreau :
L'article 19 : «Toute personne qui subit un préjudice en raison d'un
acte posé en contravention de l'article 3 ou de l'article 4
peut s'adresser au tribunal compétent pour obtenir réparation.
«Malgré
l'article 575 du Code de procédure civile (chapitre C-25.01),
lorsqu'une personne qui a subi un tel préjudice
exerce l'action collective prévue au livre VI de ce code par une requête
présentée conformément au deuxième alinéa
de l'article 574 de ce code, le tribunal autorise l'exercice de l'action
collective s'il est d'avis que la personne à laquelle il entend attribuer le statut de représentant est
en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres du groupe
décrit dans la requête.»
Cet article vise à
faciliter, M. le Président, l'exercice d'une action collective, que l'on
connaît aussi sous l'expression «recours
collectif», intentée par une personne au nom d'un groupe de personnes ayant
subi un préjudice en raison d'un acte posé en contravention avec les
articles 3 ou 4 du présent projet de loi.
Le
Président (M. Ouimet) :
Bien. Alors, questions, commentaires à l'article 19? Sinon, je le mets aux
voix. Est-ce que l'article 19 est adopté?
Des voix : Adopté.
Mme Léger : Sur
division.
Le Président (M. Ouimet) :
Adopté sur division. L'article 20, maintenant.
M. Moreau :
Article 20 : «Section IV. «Mécanisme de négociation et de
renouvellement de la convention collective des salariés.
«Sous-section 1. Poursuite de la négociation.
«L'association ainsi que l'employeur doivent, dès
la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, poursuivre avec
diligence et bonne foi, pendant une période maximale de 45 jours, la
négociation en vue de convenir d'une entente.»
Cet article
prévoit la poursuite de la négociation pour une période de 45 jours après
l'entrée en vigueur de la loi.
Le
Président (M. Ouimet) :
Très bien. Alors, je crois comprendre qu'il y aurait un amendement de présenté
par l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Oui, M. le Président. Alors, j'ai un amendement. Je voudrais modifier l'article
par le remplacement de «45» par «90».
Le
Président (M. Ouimet) :
Très bien. Alors, l'amendement m'apparaît recevable. Voulez-vous l'expliquer un
tout petit peu ou ça va de soi?
• (7 h 40) •
Mme Léger : Je peux
l'expliquer quand même.
Le Président (M. Ouimet) : Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Alors, l'article 20 met une période maximale de 45 jours, alors, pour
la négociation et en vue de convenir d'une entente, comme le dit
l'article 20. Alors, nous... J'aimerais que ce soit à 90 jours plutôt
que 45 jours.
Le
Président (M. Ouimet) : On
est en train de faire les photocopies, M. le député Borduas. Voilà, vous
l'avez, l'amendement. M. le ministre, vous l'avez également,
l'amendement?
M. Moreau : Oui, je l'ai.
Le Président (M. Ouimet) : Oui? Très
bien. Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, oui.
Mme Léger :
Oui, bien, M. le Président, la question que je voudrais poser au
ministre : Pourquoi il a choisi le 45 jours? Quelle est son
intention du 45 jours, si je prends pour acquis que le ministre nous a
longuement expliqué, explicité que, pour
lui, le projet de loi qui est là, devant lui, devant nous, c'est une loi spéciale,
mais il dit qu'il croit toujours à
une négociation, il croit toujours qu'il y ait une entente négociée et il met
des dispositions, à l'intérieur de ce projet de loi là spécial, de l'espace de négociation, ce qui me surprend quand
même tout le temps, parce que, je me dis, on aurait dû faire une entente
négociée avant d'arriver à une loi spéciale, mais le ministre a différentes
façons de nous exprimer qu'il y a encore de l'espoir pour lui de négocier.
Alors, s'il a vraiment l'espoir de négocier, s'il croit vraiment à la négociation, je veux savoir pourquoi qu'il
s'arrête à 45, puisque, s'il veut vraiment donner l'espace de négociation, le
90 nous apparaît souhaitable pour laisser vraiment l'espace nécessaire à une
entente négociée.
Le
Président (M. Ouimet) :
Bien. Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. M. le président du Conseil
du trésor.
M. Moreau :
M. le Président, le délai de 45 jours est un choix qui est exprimé par le
gouvernement, 45 jours de négociation additionnels à deux années de
négociation, alors que, là, je pense que notamment avec, je dirais, les rapprochements, je l'exprime comme ça, les
rapprochements qui ont eu lieu au cours des dernières heures... Il me semble
que le dossier, l'écart entre les parties ou
la façon de cerner les éléments qui restent à négocier ne justifient pas d'un
délai de 90 jours de
négociation. 45 jours, on a amplement le temps de voir, surtout avec le
recours à la conciliation, s'il y a une possibilité d'entente.
Et d'ailleurs
la raison pour laquelle l'article 21 prévoit la possibilité d'une
prolongation de ce délai-là, c'est à la demande conjointe des parties. Pourquoi? Parce que, là, les parties
constatent que le délai de 45 jours achève mais qu'on est sur le point de
s'entendre, puis on pense encore conjointement, parce qu'il y a deux parties à
une table de négociation, on pense
encore conjointement qu'il y a une possibilité qu'avec quelques jours de plus
l'entente négociée soit à portée de main. Alors, c'est dans ce
contexte-là.
C'est vrai qu'on
aurait pu choisir un autre délai, mais le délai de 45 jours nous apparaît
amplement raisonnable, compte tenu de l'équilibre que nous avons à
arbitrer dans ce contexte-là.
Le Président (M. Ouimet) : Merci.
Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Bien, un, premièrement, le ministre ne m'explique pas pourquoi il a choisi
vraiment 45. Pourquoi pas 44? Pourquoi pas 50? Là, regardez, je n'ai pas
pourquoi il a choisi le 45.
Et,
deuxièmement, le ministre fait rentrer le monde au travail, là. Là, il a
amplement le temps... S'ils rentrent au travail, là, les gens vont faire leur travail, c'est la loi spéciale,
ils ont dit : Vous rentrez au travail, alors pourquoi il ne se
donne pas le temps qu'il faudra pour négocier cette entente-là? S'il a eu de la
difficulté avant puis qu'il n'a pas réussi à
avoir une entente négociée avant, alors maintenant, après, pourquoi il se donne
un temps si restreint pour s'assurer vraiment qu'on puisse avoir une entente vraiment négociée et donner le temps
nécessaire pour la faire, cette négociation-là? S'il dit qu'il n'a pas
eu le temps de le faire avant... Je ne le suis pas, là.
Le Président (M. Ouimet) : Oui, M.
le président du Conseil du trésor.
M. Moreau :
Alors, c'est 45... parce que ce n'est pas 44, puis ce n'est pas 46, puis ce
n'est pas 38. C'est 45 parce qu'on
estime que c'est un espace de temps qui est raisonnable, compte tenu du fait
qu'il y a beaucoup de négociation derrière ça. Et l'espace-temps total prévu par la mécanique du projet de loi est
de 105 jours, donc au-delà de 90 jours. Et donc, même pendant la période de médiation, il n'y a rien qui empêche les
parties de négocier puis de réussir à convenir d'une entente. Alors, on
a là un élément qui m'apparaît suffisant.
Et je suis
convaincu que la députée de Pointe-aux-Trembles saura, et de même que le député
de Borduas, que, lorsqu'il y a un
échéancier qui est fixé, qui est connu d'avance par les parties... et, en matière
de négociation, il y a une question
de... la mauvaise expression, pour le français, il y a une question de timing.
L'expression anglaise est celle-là, là. Je cherche comment... Il y a un momentum qui peut être créé par
l'espace-temps prévu pour la négociation. Et souvent, on le voit notamment dans le cas des procès où les
parties sont en opposition, les procédures, la date de procès est fixée,
et, dans les jours qui suivent et souvent
dans les heures qui suivent l'audition, on arrive à un règlement. Alors, le
momentum que crée cette disposition
législative là comporte un espace de 105 jours avant l'imposition de mesures
par la loi et donc 105 jours au cours desquels, à tout moment, les
parties peuvent convenir d'une entente négociée.
Alors,
j'estime que le temps prévu est suffisant, qu'il ne bouscule personne, dans la
mesure où, en 45 jours, là, on peut
convenir de bien des choses. Et on peut convenir de bien des choses dans un
délai beaucoup plus court que 45 jours. Et je répète, M. le Président, que le processus complet prévu par la loi
donne une possibilité d'une durée totale de 105 jours.
Le Président (M. Ouimet) : Très
bien. Merci, M. le président du Conseil du trésor. Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles, puis je reviendrai à vous, M. le député.
Mme Léger :
Je m'interroge si le ministre se donne vraiment tous les moyens, parce que son
objectif est d'arriver à l'entente
négociée. C'est pour ça qu'il nous dépose aujourd'hui la loi spéciale, pour que
les gens rentrent au travail, mais qu'on
puisse avoir le temps de négocier. Est-ce qu'il a vraiment cette réelle
intention là? Il ne bloquerait pas sur le 45 jours nécessairement.
Si je fais la
comparaison avec d'autres projets de loi... Je pense au projet de loi
n° 110, qui a été adopté le 2
novembre 2016, la Loi concernant le régime de négociation des conventions
collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal. À l'article 6, c'était : «Le médiateur a
60 jours suivant sa nomination pour amener les parties à s'entendre. [Et] le ministre responsable de
l'application du Code du travail peut, une seule fois et à la demande conjointe
des parties ou du médiateur, prolonger la période de médiation d'au plus 60
jours.
«Les parties sont tenues d'assister à toute
réunion où le médiateur les convoque.»
Sur un autre
projet de loi dernièrement qui a été... celui-là, le 2 novembre 2016. Un autre,
le projet de loi n° 3, adopté le 4 décembre 2014, un exemple, la
Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal, à
l'article 28 : «Les négociations doivent commencer et se poursuivre avec
diligence et bonne foi — nous rappeler, là, le collègue — dans le but de conclure une entente dans les
12 mois suivant le début de celles-ci.»
L'article
29 : «À la demande conjointe des parties, le ministre peut prolonger la
période de négociation pour une période
de trois mois. [Et] cette période de prolongation ne peut être renouvelée
qu'une seule fois», donc un autre six mois, 12 mois, 18 mois pour ce
projet de loi là.
Alors, la
question légitime que je pose, c'est que le ministre a décidé que c'était 45 jours
en sachant pertinemment que c'est une
loi spéciale pour faire entrer les gens au travail et que son intention réelle
est, qu'il nous dit tout le temps — si elle
est vraiment réelle — de
vouloir négocier. Alors, il se dit : Je mets 45 jours. À mon avis... Ma
proposition, ce que je dépose comme amendement, c'est de mettre 90 jours
pour laisser vraiment le temps de faire une négociation de trois mois, qui peut être réelle, si je suis les
intentions du ministre. Parce qu'au départ j'aurais aimé mieux que ce soit
négocié avant une loi spéciale.
• (7 h 50) •
Le
Président (M. Ouimet) : Très bien. Réaction, M. le président du
Conseil du trésor.
M.
Moreau : Oui. Ce que la députée de Pointe-aux-Trembles indique
comme délai dans les deux autres dispositions législatives dont elle a
parlé... J'irai dans l'ordre.
D'abord, sur la
question des relations de travail dans le milieu municipal, il faut que vous
considériez que la disposition législative
s'applique à une négociation qui s'amorce. Ici, on n'est pas dans le contexte
d'une négociation qui s'amorce, on
est dans le contexte d'une négociation qui est amorcée depuis fort longtemps.
Alors, dans le contexte où on part à partir d'une ardoise neuve, que les
délais soient plus longs, c'est tout à fait normal.
Dans
le cas du projet de loi qui vise la pérennité des régimes de retraite dans le
secteur municipal, c'est un projet de
loi que je connais assez bien, et, dans ce cas-là, les éléments de négociation
sont des éléments fort complexes, qui touchent le domaine actuariel, notamment sur les éléments de
partage entre les parties au fonds de pension, l'assumation du déficit passé, la négociation des éléments pour établir
l'équilibre et la pérennité des régimes de retraite, ce qui demande aussi des
études actuarielles qui n'étaient pas
disponibles au moment même où le projet de loi a été adopté. Et donc c'est ce
qui a expliqué que le délai de 18
mois en question ait été accordé dans ce cas-là. Alors, il y a une logique
derrière des délais qui sont aussi longs.
Il
y a aussi une logique derrière les délais qui sont prévus dans le projet de loi
n° 127, l'idée de créer un momentum, même si on doit constater l'existence d'une impasse actuelle dans le
contexte des négociations. Et je rappelle donc qu'un des mécanismes qui nous permet de dénouer une
impasse souvent est lié au momentum d'une négociation. Vous le savez, je pense que le député de Borduas doit le
reconnaître également, le fait de voir arriver une échéance qui est
suffisamment longue pour permettre aux
parties d'exprimer clairement leurs positions, dans un contexte où, depuis deux
ans, ces positions-là se précisent
dans le cadre d'une négociation et dans le contexte des derniers jours,
d'ailleurs, où il y a eu un mouvement,
là, dans les deux derniers jours, qui permet encore de cerner davantage les
éléments qui restent en débat, on estime que le délai prévu à la loi est
suffisamment long.
Et
vous parlez de 90 jours comme si, après 45 jours, la négociation cessait, ce
qui n'est pas le cas. La négociation formelle, dans le contexte de la
loi, prévoit 45 jours au départ, possibilité d'extension conjointe de 15 jours
si les deux parties voient qu'on a besoin de
quelques jours additionnels, et rien n'empêche les parties de convenir d'une
entente négociée, même lorsqu'on est dans la période prévue pour la
médiation.
Donc,
en réalité, la période totale de 105 jours est possible avant l'imposition des
conditions prévues par le projet de
loi. L'effet, je dirais, législatif d'imposition des conditions de travail ne
prend effet qu'après 105 jours. C'est ainsi que la loi est bâtie.
Le Président (M.
Ouimet) : Merci. M. le député de Saint-Jérôme.
M. Bourcier :
M. le Président, je peux comprendre qu'il y a un échéancier ou, peut-être citer
M. le ministre, qu'il y a un momentum qui
était déjà connu par le gouvernement, soit 126 jours, puisqu'il y a eu 18
semaines de négociation. Moi, j'ai
tendance à faire confiance aux gens, à la négociation, mais 126 jours, ça
n'avait rien donné. Alors, je fais confiance, mais c'est dans cette optique de confiance que nous, on propose un délai
de 90 jours. On se donne un peu plus de temps, mais, en prenant le nombre de 90 jours, on fait aussi confiance aux gens
en place qui sont capables de négocier correctement, plutôt que 45, qui nous apparaît une période de
temps beaucoup trop courte, mais, en même temps, beaucoup plus courte
que 126 jours. Mais, encore une fois, on essaie de faire confiance aux gens,
mais avec un petit peu plus de temps.
Le Président (M.
Ouimet) : Bien. Réaction, M. le président du Conseil du trésor?
M.
Moreau : Très rapidement, et je n'en tiens pas rigueur au
député de Saint-Jérôme, là, je sais qu'on a un bon moment de travail déjà dans le corps tout le
monde, il n'y a pas eu que 18 semaines de négociation. Les négociations ont
commencé le 29 janvier 2015. Il y a eu 18 semaines de conflit de travail
où les juristes de l'État étaient en grève générale illimitée, mais la
négociation, elle a débuté le 29 janvier 2015.
Alors, il y a eu des
discussions qui ont eu lieu, il y a eu une évolution dans la position des
parties qui fait que maintenant on pense que
les enjeux sont suffisamment cernés, de sorte qu'à l'intérieur d'une période de
105 jours il est possible d'arriver à une entente négociée. Encore
une fois, je l'exprime pour la énième fois, c'est l'objectif premier poursuivi
par le gouvernement.
Le Président (M.
Ouimet) : Bien. D'autres questions, commentaires, du côté de
l'opposition officielle? Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Bien, je veux juste rappeler au ministre... Quand il dit qu'il y a eu des
négociations depuis janvier 2015, juste
rappeler qu'à partir de juillet 2016 ça a arrêté. Il y a eu un an, là,
peut-être, là, mais pas beaucoup de négociations,
puis à partir de juillet 2016 il n'y a vraiment rien eu. C'est pour ça que les
gens se sont retrouvés en grève le
24 octobre, après... Ils n'ont jamais été rappelés à la table. Et là,
après octobre, depuis que les juristes sont dehors, le 24 octobre 2016, il n'y a pas eu grand-chose
non plus, après le 24 octobre 2016, jusqu'au retour du ministre, quand il
dit, le ministre, qu'il y a eu des négociations avec lui.
Alors, je
veux bien prendre... Le temps que le ministre nous dit, qu'il y a eu beaucoup
de temps, là, je veux juste rappeler que ce n'est pas parce qu'il part
de janvier 2015 qu'il y a eu des négociations depuis janvier 2015, comme s'il y en avait eu pendant deux ans de temps, puis
que, là, il est temps de rentrer au bercail, puis : Je vous donne
45 jours. Je veux juste faire des nuances, là, M. le Président.
Le Président (M.
Ouimet) : Très bien. Le ministre souhaite faire des nuances, lui
aussi.
M. Moreau :
M. le Président, vu qu'on est dans la nuance, il y a eu une pause,
effectivement, dans les négociations en
juillet 2016, après la médiation, et cette pause-là, juillet, ça ressemble pas
mal à l'été, je pense que c'était une pause qui était convenue de part et d'autre, et, dans une négociation, il faut
aussi reconnaître ces éléments-là. Et par la suite l'avis de grève a été
signifié quelque part en octobre.
Alors,
écoutez, quand l'association syndicale a souhaité que les négociateurs du
gouvernement soient présents à une
table pour négocier, en tout temps, en tout temps, et ce, sans exception, les
négociateurs du Conseil du trésor ont été présents.
Le Président (M. Ouimet) : Bien.
Une voix : ...
Le Président (M. Ouimet) : D'accord.
Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
C'est comme si, parce que l'association dit : On aimerait négocier, le
Conseil du trésor est là. Un, ce n'est pas exact. Et, deuxièmement, ce
n'est pas parce qu'ils arrivent à une table qu'il y a une offre sur la table
puis qu'il y a la commande du ministre de vraiment vouloir négocier.
Ça fait que
je veux juste qu'on apporte des nuances dans la négociation. De toute façon, ça
ne nous apporte rien vraiment, là, on est dans une loi spéciale, là.
M. Moreau :
...si la nuance n'apportait rien, je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez
en faire. Je veux en faire une
additionnelle. Si vous connaissez une seule date, si vous connaissez une seule
date à laquelle les négociateurs du Conseil du trésor ne se sont pas
présentés alors qu'ils ont été demandés, je vous prierais de me l'indiquer.
Le
Président (M. Ouimet) :
Bien. Alors, je pense, les nuances ont été faites de part et d'autre. M. le
député de Borduas, y avait-il autre chose à ajouter, de votre point de
vue?
M.
Jolin-Barrette : Bien,
simplement pour signifier que je suis en accord avec l'amendement de ma
collègue de Pointe-aux-Trembles. Et
d'ailleurs, sur l'expectative de temps, ça ne veut pas dire, parce que le
gouvernement s'engage à quelque chose, qu'il va le faire nécessairement.
Pensons, nécessairement, à la lettre d'entente en 2011. Je pense que, même si le gouvernement fixe des balises, bien, ça
ne veut pas dire que ça va se réaliser puis ça ne veut pas dire qu'il va
réussir à trouver et à faire des rencontres
de travail qui vont porter fruit. Parce qu'en 2011 on a eu l'exemple concret,
dans une entente signée avec le
gouvernement, que le statut allait être véritablement étudié. Nous, les
informations dont on dispose, c'est
qu'il n'a pas été étudié, le statut, donc... à moins que le président du
Conseil du trésor me dise le contraire.
Le Président (M. Ouimet) : Très
bien. Ça va? Oui.
M. Moreau :
...si on veut que je reprenne sur la lettre d'entente n° 5, je vais
me faire un plaisir de le faire, mais je
ne pense pas que ça va faire avancer le débat puis je ne pense pas que c'est à
l'avantage de qui que ce soit de continuer la discussion sur cet élément-là, parce qu'en ce qui me concerne les
suites à donner à la lettre d'entente n° 5 ont aussi été
arrêtées par le gouvernement qui nous a précédés.
• (8 heures) •
Le Président (M. Ouimet) : Bien.
Alors, moi, je vous suggère... Revenons sur l'amendement. On est sur le 90 jours, et je vais mettre cet amendement-là
aux voix. Est-ce que l'amendement présenté par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles
est adopté?
Des voix : Adopté.
Des voix : Rejeté.
Le Président (M. Ouimet) : Alors, l'amendement
est rejeté. Revenons à l'article 20 tel que proposé par le ministre.
Est-ce que l'article 20 est adopté?
Des voix : Adopté.
Des voix : Sur division.
Le
Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 21 maintenant, M. le
président du Conseil du trésor.
M. Moreau : Merci, M. le
Président. L'article 21 : «Le délai de négociation prévu à
l'article 20 peut être prolongé par le
ministre du Travail, une seule fois et à la demande conjointe de l'association
et de l'employeur. La durée d'une telle prolongation est déterminée par
le ministre du Travail et ne peut excéder 15 jours.»
Cet article donne donc la possibilité
à la ministre du Travail de prolonger la période de négociation prévue à
l'article 20 pour une période additionnelle de 15 jours, s'il y a
demande conjointe de l'employeur et de l'association.
Le
Président (M. Ouimet) :
Merci, M. le président du Conseil du trésor. Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles, je crois que vous avez un nouvel amendement à nous
présenter.
Mme Léger :
Oui, M. le Président. On est dans le nombre de jours. Alors, j'aimerais, à
l'article 21, modifier l'article par le remplacement de «15» par
«30».
Le Président (M. Ouimet) : Alors,
réaction, M. le ministre.
M. Moreau :
Je ne veux pas devancer le raisonnement de la députée de Pointe-aux-Trembles,
là, mais je pense qu'on peut voir les
choses. Nous, on a durée globale de 105 jours, on estime que c'est
suffisant. Et, pour la même raison pour
laquelle nous avons voté de façon défavorable à l'amendement de
l'article 20, nous allons utiliser la même logique et épargner probablement quelques discours et
quelques déclarations pour arriver exactement au même vote sur l'amendement
qui est proposé à l'article 21.
Le Président (M. Ouimet) : Très
bien. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
...de l'expliquer, mais je vais quand même l'expliquer. Évidemment, c'est de
15 jours à 30 jours, ce
n'est pas nécessairement si compliqué à l'expliquer, ça, c'était évident, on
s'entend. Mais ma question revient : Pourquoi le 15 jours? Parce que, déjà, on dit,
15 jours, c'est quand même assez court, hein, il faut s'entendre. Alors,
le ministre a décidé que c'était
15 jours, j'aurais préféré que ce soit 30 jours pour donner un délai
que je considère plus raisonnable. Alors, pourquoi le choix de
15 jours, un deux semaines seulement pour cet article-là?
Le Président (M. Ouimet) : M. le
président du Conseil du trésor.
M. Moreau : Pour les mêmes
raisons que c'était 45 jours à l'article précédent, c'est un choix qui est
fait.
Le Président (M. Ouimet) : Bien.
D'autres commentaires sur l'amendement? Ça va?
Mme Léger : Non, non, merci.
Le Président (M. Ouimet) : M. le député
de Borduas, vous avez l'amendement entre les mains?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Le Président (M. Ouimet) : Avez-vous
des questions, des commentaires?
M. Jolin-Barrette : Non, ça va, M.
le Président.
Le
Président (M. Ouimet) : Très bien.
Alors, je vais mettre aux voix l'amendement présenté par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Est-ce que l'amendement
est adopté?
Des voix : Adopté.
Des voix : Rejeté.
Le Président (M. Ouimet) : L'amendement
est donc rejeté. Est-ce que l'article 21...
Mme Léger : ...
Le Président (M. Ouimet) : Ah! Sur l'article 20?
Mme Léger : 21, excusez-moi.
Le Président (M. Ouimet) : 21. Oui,
allez-y. Désolé. L'article 21, allez-y.
Mme Léger : Pourquoi que le délai de négociation prévu à l'article 20 peut être prolongé par le ministre du Travail. Pourquoi avoir fait le
choix de la ministre du Travail?
M. Moreau :
Bien, parce que, normalement, l'économie générale des relations de travail
donne à la ministre du Travail une
juridiction dans ces domaines-là. Le ministre, comme institution, le ministre
du Travail est une partie qui est neutre dans les conflits de travail et
qui ne prend pas position pour une partie ou pour l'autre.
Et je vous rappelle ici que l'économie
de l'article 21 prévoit une demande conjointe. Alors, c'est véritablement
les deux parties en négociation qui
disent : Écoutez — bien, j'imagine que le contexte est le suivant — on est au bord d'une entente, puis le
délai de 45 jours va expirer, permettez-nous de l'extensionner. C'est dans
ce contexte-là, où on est là dans un
contexte de négociation pour la partie prévue comme telle par la loi
n° 127. Mais je réitère qu'en tout temps les parties, avant l'entrée en vigueur des dispositions qui imposent
l'entrée en vigueur de l'annexe du projet de loi n° 127, les
parties peuvent convenir d'une entente négociée.
Le Président (M.
Ouimet) : Bien. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme
Léger : Question : Pour revenir à la ministre du Travail,
est-ce que le ministre ne croit pas qu'elle peut être juge et partie, la
ministre du Travail? Parce que c'est quand même l'employeur, malgré tout, là.
M.
Moreau : Bien, écoutez,
ici, là, elle intervient après qu'une demande conjointe lui ait été faite,
alors elle n'est pas... il n'y a
pas vraiment une question de parti pris. Puis d'ailleurs, même
s'il y avait un parti pris, dans ce cas-là, comme
il s'agit d'une demande conjointe, je ne verrais pas comment on pourrait
arriver à une situation où le gouvernement et
LANEQ s'entendent pour dire : On a besoin de 12 jours additionnels,
puis que la ministre dise : Non, non, non, je vous en
donne trois, là. Tu sais, c'est... Le contexte est véritablement une démarche
commune.
Le
Président (M. Ouimet) :
Bien. D'autres questions, commentaires? M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.
M. Picard :
Bonjour.
Le Président (M.
Ouimet) : Vous êtes la relève, maintenant.
M. Picard :
Eh oui!
Le Président (M.
Ouimet) : Et avez-vous des questions, commentaires sur
l'article 21?
M. Picard :
Non, ça va, M. le Président, merci.
Le Président (M.
Ouimet) : Ça va? Des forces fraîches.
Je vais mettre aux
voix l'article 21. Est-ce que l'article 21 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Des voix :
Sur division.
Le
Président (M. Ouimet) :
Adopté sur division. L'article 22, maintenant. M. le président du Conseil
du trésor.
M. Moreau :
Vous me permettrez, avant d'en faire la lecture, de souhaiter la bienvenue à
notre collègue des Chutes-de-la-Chaudière.
L'article 22 :
«En tout temps au cours de cette période de 45 jours ou de sa prolongation
accordée en application de l'article 21, l'association ou
l'employeur peut demander la nomination d'un conciliateur au ministre du
Travail.»
Donc,
cet article prévoit la possibilité, pour l'une ou l'autre des parties à la négociation, de demander à la ministre
du Travail de nommer un conciliateur pour aider les parties dans leur
négociation.
Le Président (M.
Ouimet) : Questions, commentaires sur l'article 22? Oui, Mme
la députée.
Mme
Léger : Bien, M. le Président, oui. Oui, M. le Président, c'est sûr que j'ai un amendement
de jours, je vais être cohérente avec
la suite de ce que j'ai fait avant. Alors, j'aimerais, à l'article 22,
modifier l'article par le remplacement de «45 jours», dans le fond,
par «90».
Le Président (M.
Ouimet) : Très bien. Est-ce que quelqu'un va nous rédiger...
Mme Léger :
Non, M. le Président.
Le Président (M.
Ouimet) : Non?
Mme
Léger : Je ne veux pas déposer nécessairement l'amendement,
parce que, le ministre, je sais déjà qu'il va me dire non. Alors, je
veux quand même être cohérente.
Le Président (M.
Ouimet) : O.K. Là, vous présumez des intentions du ministre,
là.
Mme Léger : Ah! peut-être, c'est vrai. Bien, écoutez... Mais je veux être
cohérente. Je ne veux pas perdre de temps pour perdre le temps, là, ce n'est
pas dans ce but-là, je veux être constructive. Je crois que ce serait
important.
À moins que le ministre me
dise... me donne le signal qu'il serait ouvert pour le 90. Je le dépose.
Le Président (M. Ouimet) : M.
le président du Conseil du trésor, sur l'amendement non existant.
M. Moreau : Bien, étant
donné que l'amendement qui proposait 90 jours a été défait, il serait incohérent
d'introduire un délai de 90 jours à l'article 22, puisque la
référence de l'article 22 est en référence au délai donné à un
article précédent qui prévoit 45 jours.
Alors, je
comprends très bien la... je comprends que la députée
de Pointe-aux-Trembles souhaite être cohérente dans l'extension des délais et que c'est la raison
pour laquelle elle fait le commentaire, mais qu'elle a, de façon constructive,
indiqué qu'il ne lui semblait pas utile de déposer un amendement, et je la
remercie.
Le Président (M. Ouimet) : Très
bien. D'autres questions, commentaires? M. le député de Saint-Jérôme.
M.
Bourcier : Oui. Je répète
mon commentaire de tantôt, M. le Président, qu'il aurait
été bien intéressant, à un moment ou
l'autre de cette discussion nocturne et matinale, d'entendre la ministre du Travail s'exprimer à propos du projet
de loi n° 127. On aurait sûrement bénéficié de son
éclairage, c'est le cas de le dire, là, en matière des relations de travail.
Mais ma
question par rapport à l'article 22 est en lien avec la
phrase : «...l'employeur peut demander la nomination d'un conciliateur au ministre du Travail.» Alors,
pourquoi ici et pas à la négociation antérieure avec les juristes de l'État? C'est quand même spécial de constater qu'à cet article
l'employeur ou les salariés peuvent demander un conciliateur.
Le Président (M. Ouimet) : M.
le président du Conseil du trésor.
• (8 h 10) •
M. Moreau :
...deuxième partie de l'intervention, il n'y a pas eu de demande de nomination
d'un conciliateur, il y a eu seulement une médiation. Et je pense qu'il
y a eu, on disait, six séances de médiation.
Maintenant,
sur la première partie de son intervention, il souhaite entendre la ministre du
Travail. Je vais vous dire, très sincèrement, compte tenu que l'on
souhaite que l'institution qu'est le ministre du Travail ait une position de désignation et de réception des demandes des
parties, il est beaucoup plus... il est de beaucoup préférable qu'elle exerce une réserve dans le contexte de l'adoption de la
loi, puisqu'elle sera une instance neutre, comme elle l'est dans le contexte
des relations
de travail dans l'économie générale du Code du travail, qu'elle demeure une
instance neutre et qu'elle ne participe
pas aux débats. Et, loin de lui en faire grief, j'estime que c'est une réserve
qui est tout à fait appropriée, compte tenu
que l'on souhaite avoir un processus qui soit le plus neutre, puis le plus
équilibré, puis le plus équitable possible.
Le
Président (M. Ouimet) : Très
bien. D'autres questions, commentaires sur l'article 22? Sinon, Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles,
puisque c'était une suggestion que vous avez formulée, je ne vais mettre aux
voix que l'article 22. Est-ce que l'article 22 est adopté?
Des voix : Adopté.
Des voix : Sur division.
Le Président (M. Ouimet) : Adopté
sur division. L'article 23, M. le président du Conseil du trésor.
M.
Moreau : Oui, M. le Président. Alors, 23 : «Au terme
de cette période de 45 jours ou de sa prolongation accordée en vertu de l'article 21, l'association et
l'employeur, avec l'assistance du conciliateur, le cas échéant, dressent par
écrit une liste des éléments ayant fait l'objet d'une entente.
«Si une
mésentente subsiste quant à certains éléments, l'association et l'employeur
préparent chacun une liste de ceux-ci
et de leurs dernières propositions à l'égard de chacun d'eux. Ces listes
doivent être transmises à l'autre partie dans les cinq jours.»
Alors donc,
cet article explique ce qui arrive au terme de la période de négociation. Les
parties dressent une liste des
éléments sur lesquels il y a une entente. Pour les éléments sur lesquels il n'y
a pas d'entente, les parties en dressent la liste et y joignent leurs dernières propositions à l'égard de chacune
d'elles. Les parties s'échangent cette liste dans les cinq jours de la
fin de la période de négociation.
Le Président (M. Ouimet) : Très
bien. Questions, commentaires? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Alors, M. le Président, pour toujours être cohérente, j'allais préciser...
déposer un amendement de «45 jours» à «90 jours». Alors, je ne
déposerai pas mon amendement, mais je veux quand même le dire, que je reste
cohérente avec mes autres interventions précédentes.
Le
Président (M. Ouimet) : Très
bien. C'est noté. Je mets aux voix l'article 23. Est-ce que
l'article 23 est adopté?
Des voix : Adopté.
Des voix : Sur division.
Le
Président (M. Ouimet) :
Adopté sur division. L'article 24 maintenant, M. le président du Conseil
du trésor.
M. Moreau :
Merci, M. le Président. Sous-section 2, Processus de médiation,
article 24 : «Dans les cinq jours suivant la réception des listes
mentionnées à l'article 23, l'association et l'employeur s'entendent sur
le choix d'un médiateur que le ministre du
Travail nomme. À défaut d'entente, le ministre du Travail nomme un médiateur,
après avoir consulté l'association et l'employeur, dans les
15 jours de la réception des listes mentionnées à l'article 23.»
Cet article
prévoit la nomination d'un médiateur par le ministre du Travail. Si les parties
s'entendent sur le choix du
médiateur, celui-ci est nommé par la ministre. Si les parties ne s'entendent
pas, la ministre du Travail consulte les parties et nomme par la suite.
Le Président (M. Ouimet) : Alors,
merci, M. le président du Conseil du trésor. Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles, vous avez un nouvel amendement à nous proposer.
Mme Léger :
Oui, c'est un nouvel amendement, M. le Président. À l'article 24 :
Modifier l'article par le remplacement,
après les mots «À défaut d'entente», des mots «le ministre du Travail» par les
mots «le juge en chef de la Cour supérieure».
Le Président (M. Ouimet) : Très
bien. Alors, pourriez-vous peut-être nous exposer votre amendement?
Mme Léger :
Oui. Bien, je pense que c'est évident. Au fil des derniers jours, nous avons
entendu le Barreau du Québec, et le Barreau, entre autres, a fait la
proposition au ministre que ce soit le juge en chef de la Cour supérieure.
Alors, j'ai
entendu que le ministre, il avait une ouverture à ce que ce soit le juge en
chef de la Cour supérieure. Il a dit
qu'il était ouvert à la question, à la situation. Alors, je propose qu'on
puisse vraiment changer... remplacer vraiment «le ministre du Travail» par «le juge en chef», pour être aussi... pour
que le ministre puisse vraiment accéder à la demande du Barreau du
Québec, entre autres.
Le
Président (M. Ouimet) : Très
bien. Alors, merci. M. le président du Conseil du trésor, sur l'amendement.
M. Moreau : Oui, M. le
Président. L'amendement... Je comprends l'objectif poursuivi par la députée de
Pointe-aux-Trembles. Je lui indiquerai seulement que la formulation actuelle de
l'article 24... — oui,
c'est ça, de l'article 24 — permet très bien d'arriver au même résultat,
puisque la ministre du Travail consulte les parties et nomme par la suite. Non seulement la formulation actuelle permettrait que ce soit l'un des deux
juges... Et j'ai compris que le juge
en chef, des propos de la bâtonnière et des conversations que j'ai eues avec
elle, avait suggéré deux candidatures. Alors,
la formulation actuelle n'écarte pas ces candidatures-là, mais la formulation
actuelle ajoute la possibilité de recourir à des médiateurs. Et on m'a expliqué clairement que, dans la liste ou le
groupe reconnus comme médiateurs, suggérés généralement dans les conflits de relations de travail par le ministère du Travail, ce sont des gens très expérimentés et qui
sont, comment dire... qui jouissent de beaucoup de crédibilité.
Alors, je ne
veux pas limiter strictement à deux possibilités, aux possibilités émises par le juge en chef, pour lequel j'ai le plus grand respect, mais les dispositions
qui touchent la qualification des médiateurs sont assez larges à
l'article 25 pour inclure les recommandations qu'a faites le juge en chef de la Cour supérieure à l'égard de
la réponse à la suggestion du Barreau du Québec. Le médiateur doit jouir
d'une expérience reconnue en relations du travail. Il y a des juges de la Cour
supérieure... Et je crois comprendre
que les suggestions faites par le juge en chef rencontrent le premier critère
ainsi que le deuxième, vraisemblablement, à l'effet que la personne désignée
comme médiateur ne doit pas avoir été employé,
dirigeant, représentant ou liée à l'une ou l'autre des parties qui demandent la
médiation pour une période de sept années précédant... sept ans
précédant sa nomination.
Alors, je
dirais à la députée que le gouvernement est bien au fait de la demande
présentée par... de la suggestion faite par le Barreau, de l'ouverture
manifestée en réponse à cette demande par le juge en chef de la Cour
supérieure. Cela dit, la formulation de
l'article 24, actuellement, permet de donner suite à ces recommandations
et en même temps ne ferme pas la
porte à la possibilité de recourir au personnel ou aux personnes expérimentées
qui agissent déjà comme médiateurs suivant la liste dans laquelle puise
la ministre du Travail lorsqu'une demande de médiation est acceptée.
Alors, pour
cette raison, l'amendement, bien que louable, ne me semble pas nécessaire. Et,
pour cette raison, nous ne voterons pas en faveur de l'amendement
proposé.
Le
Président (M. Ouimet) : Très
bien. D'autres questions ou commentaires? Ça va? Sur l'amendement, M. le
député des Chutes... Ah! Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Mais la recommandation du Barreau du Québec, c'est que c'est... la personne qui
nomme, que ce soit le juge en chef. Parce que, là, on parle de nommer la
personne. Alors, c'était ça, la recommandation. De ce que je comprends, c'est que le ministre ne suivra pas la
recommandation du Barreau du Québec, et de la Chambre des notaires,
d'ailleurs.
• (8 h 20) •
M. Moreau :
La réponse que je vous donne, c'est qu'on peut arriver à suivre cette
recommandation-là de façon intégrale
dans le contexte de la rédaction actuelle et que la rédaction actuelle tient
compte d'une mécanique qui, d'une part,
à l'article suivant, indiquera les conditions auxquelles doit satisfaire le
médiateur qui sera choisi mais élargit aussi la possibilité. Parce que la médiation, là, elle
pourrait survenir après 60 jours de négociation. Il se peut très bien que
les parties, à ce moment-là, choisissent peut-être un médiateur qui
aurait une qualification toute spécifique et qui rencontre les dispositions des
paragraphes 1° et 2° de l'article 25, tout en n'étant pas un juge en
exercice de la Cour supérieure.
Alors, je ne veux...
Ce que je vous dis, là, je ne vous dis pas... je n'annonce pas qu'on ne suivra
pas cette recommandation-là, je vous
dis : Laissons la possibilité beaucoup plus large que celle-là. Je suis
convaincu que l'opinion publique, de
même que les partis représentés à la Chambre, est alertée aux suggestions que
fait le Barreau, la Chambre des notaires, à la contribution qu'a faite
le juge en chef de la Cour supérieure, et on est très conscients de ça, mais on
ne souhaite pas strictement créer un
entonnoir qui exclurait le régime général de désignation d'un médiateur. Parce
que, je le répète, ce n'est pas un
élément avec lequel j'étais très familier, mais on m'a expliqué clairement que
la désignation, ou les médiateurs
généralement désignés, dans le cas des relations de travail, par le ministère
du Travail était un mécanisme qui avait une grande crédibilité.
Alors,
il n'y a pas de stratégie derrière ça. Il y a simplement l'ouverture la plus
large possible pour assurer que la médiation soit la plus efficace
possible. Et je réitère que je suis bien conscient des recommandations faites
par le Barreau, pour lequel j'ai le plus grand respect, par la Chambre des
notaires et le concours du juge en chef de la Cour supérieure du Québec, qui
est une personne que j'estime beaucoup.
La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, M. le président du Conseil du
trésor. Est-ce que madame... Non? Alors, je vais céder la parole à M. le
député de Chutes-de-la-Chaudière. Avez-vous d'autres commentaires?
M.
Picard : Bien, j'entends les propos du ministre, là, mais ça ne
me rassure pas, là, même si je comprends que ça peut être couvert, parce qu'il faut bien comprendre que le ministre du
Travail fait partie du gouvernement. L'employeur, c'est le gouvernement.
On tourne, là.
Je ne sais pas si...
Je comprends que cet amendement-là va être battu, mais je vais peut-être en
proposer un autre, là, qui va venir laisser
le choix au ministre, le ministre du Travail ou le juge en chef. En tout cas,
on va poursuivre là-dessus, là, parce que je comprends du propos du
ministre que ça n'ira pas loin, cet amendement-là.
La Présidente (Mme Gaudreault) : ...à l'article 24. Alors, je vais mettre aux
voix l'amendement proposé par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix :
Adopté.
Des voix :
Rejeté.
La Présidente (Mme Gaudreault) : Il est rejeté. Maintenant, M. le député de
Chutes-de-la-Chaudière, vous voulez présenter votre amendement?
M. Picard :
Oui, comme annoncé précédemment, seulement un amendement, là, dans la phrase «à
défaut d'entente, le ministre du Travail»,
et on ajoute «ou le juge en chef nomme un médiateur», pour couvrir... On couvre
le spectre en entier, là. Je ne pense
pas que ça va causer d'émoi du côté du président du Conseil du trésor. Donc,
c'est très simple. Je vais vous le rédiger, là.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Oui, on aurait besoin de votre amendement par écrit.
M.
Moreau : ...le dispenser, là, j'ai bien compris, à moins que ma
collègue de Pointe-aux-Trembles souhaite avoir le texte sous les yeux, là. Je ne veux pas... Non? Bien, écoutez, je
vais dispenser le député des Chutes-de-la-Chaudière de rédiger son amendement, puisque nous ne serions
pas favorables à un amendement semblable, étant donné que, là, qui va choisir
entre... Qui nomme? Est-ce que c'est le juge de la Cour supérieure ou la
ministre du Travail? Puis je ne vous tiens
pas rigueur, là. Je ne sais pas si vous étiez avec nous au moment où, plus tôt,
on a eu des discussions sur le rôle de la ministre du Travail dans le contexte général des lois du travail ou même
dans le contexte de la loi actuelle, qui est un rôle de neutralité. Elle n'est pas impliquée dans...
D'ailleurs, le député de Saint-Jérôme, tantôt, disait : Bon, on aurait
aimé entendre la ministre du Travail,
puis moi, je dis : Non, il y a une réserve, là, parce que... D'ailleurs,
il y a des collègues de l'opposition
officielle qui ont déjà rempli la fonction de ministre du Travail, et on sait
que le rôle du ministre du Travail n'est
pas d'être partie prenante à un conflit. Alors, on veut préserver cette
situation-là dans le contexte de la loi actuelle comme dans le contexte
général d'économie des relations de travail.
L'amendement
que vous proposez, puis, encore là, je le dis avec beaucoup d'égards,
amènerait, là, un choix qui serait fait par qui? Et, si le choix était
fait, par exemple, de demander à la ministre du Travail de désigner, on
pourrait voir que ce choix-là constitue un
biais que nous ne souhaitons pas voir imposé sur l'institution qui est le
ministre du Travail, là, indépendamment de la personne qui occupe la
fonction.
La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, très bien. Alors, on peut considérer que
l'amendement n'a pas été déposé? O.K. Alors, nous avons besoin d'un
texte, M. le député.
M. Picard :
...vous rédiger ça, mais on peut...
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Entre-temps, s'il y a d'autres commentaires avant de
passer au vote, à la mise aux voix sur l'amendement de M. le député de
Chutes-de-la-Chaudière?
Une voix : ...
La Présidente (Mme Gaudreault) :
Oui. On va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 8 h 25)
(Reprise à 8 h 31)
La Présidente (Mme Gaudreault) :
Alors, nous allons reprendre nos travaux, et je vais mettre aux voix l'amendement à l'article 24 proposé par M. le
député de Chutes-de-la-Chaudière. Alors, est-ce que cet amendement est
adopté?
Des voix : ...
La Présidente
(Mme Gaudreault) :
Alors, l'amendement est rejeté. Y a-t-il d'autres amendements à
l'article 24? Alors, s'il n'y a pas d'autre amendement, est-ce que
l'article 24 est adopté?
Des voix : Adopté.
Des voix : Sur division.
La
Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté sur division. Alors, l'article 25. M. le président du
Conseil du trésor.
M. Moreau :
Oui, Mme la Présidente. Article 25 : «Le médiateur nommé par le
ministre du Travail doit satisfaire aux conditions suivantes — on a
un peu devancé tantôt, là :
«1° le médiateur doit jouir d'une
expérience reconnue en relations du travail;
«2° le
médiateur ne doit pas être ou avoir été employé, dirigeant, représentant ou
membre de l'association ou du gouvernement au cours des sept années précédant
sa nomination.»
Alors, cet
article prévoit les conditions
auxquelles le médiateur doit répondre pour être nommé, donc posséder une expérience reconnue et ne pas avoir de liens,
là, au cours des sept dernières années avec le gouvernement ou LANEQ.
La
Présidente (Mme Gaudreault) : Y a-t-il d'autres commentaires sur l'article 25? Alors, puisqu'il n'y a pas de commentaire,
est-ce que l'article 25 est adopté?
Des voix : Adopté.
Des voix : Sur division.
La Présidente (Mme Gaudreault) :
Adopté sur division. Article 26.
M. Moreau : L'article 26 : «La rémunération et les dépenses du
médiateur sont, à défaut d'entente entre l'association et l'employeur,
fixées par le ministre du Travail. Elles sont assumées à parts égales par
l'association et l'employeur.»
Alors, l'article s'explique de lui-même.
La Présidente (Mme Gaudreault) :
Je vous remercie. Y a-t-il des commentaires? Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Oui, des questionnements par
rapport à, dans le fond, les coûts qui sont assumés, dans
le fond, par les parties. Est-ce
qu'il y a d'autres lois qui ont les mêmes façons de faire, mêmes dispositions
par rapport à ça? Parce qu'en général c'est l'employeur. Pourquoi que
c'est entre les deux parties?
La Présidente (Mme Gaudreault) :
M. le ministre.
M. Moreau : Oui, Mme la
Présidente. Alors, on m'indique qu'effectivement, là... Je n'ai pas en tête
cette information-là, mais on m'indique
qu'effectivement il y a d'autres lois qui prévoient le... En fait, votre
question, c'était de savoir : Dans d'autres lois, est-ce que c'est
assumé par une partie plutôt que réparti entre les deux?
D'abord, oui,
il y a d'autres lois où c'est réparti. Et ici, si je reprends le texte de
l'article 26, là, on dit : Autant rémunération que dépenses peuvent faire l'objet d'une entente — dans le fond, c'est comme ça que l'article
est rédigé — entre
l'association et l'employeur. S'il n'y a pas
d'entente, c'est fixé par le ministre en termes de rémunération et de dépenses,
et l'article prévoit
la répartition. Et donc votre question touche sur la dernière phrase :
Est-ce qu'il y a d'autres lois qui contiennent une répartition semblable
à parts égales? On m'indique que la réponse à cette question est oui.
La Présidente (Mme Gaudreault) :
Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Alors, j'ai deux sous-questions, Mme la Présidente. Même si on me dit que oui, j'aimerais bien savoir où, si on peut m'en donner quelques-uns.
Et l'autre question : Est-ce
que normalement, généralement... Parce que c'est peut-être
exceptionnel, mais généralement c'est l'employeur. Alors, je veux juste
qu'il m'éclaircisse sur ça.
La Présidente (Mme Gaudreault) :
Alors, merci. Est-ce que M. le ministre a des réponses aux questions de Mme la
députée?
M. Moreau : On est en
train de colliger la chose, là.
(Consultation)
M. Moreau : Ce qu'on
m'explique, ce qu'on m'explique, Mme la Présidente, à titre d'illustration, là,
je ne sais pas si on est toujours
dans la recherche de lois, mais, par exemple, en convention collective,
l'arbitre de griefs est payé à parts égales par les parties pour
sauvegarder son impartialité. Alors, dans le cas qui nous occupe ici, le
médiateur, les critères de nomination du
médiateur que l'on vient de voir à l'article 25 assurent son impartialité.
Le partage de la rémunération et de
ses dépenses entre les parties assure aussi... ou sont une illustration de son
indépendance. On ne voudrait pas, par exemple,
si le gouvernement assume 100 % de la rémunération du médiateur, que cette
situation-là influence sur le caractère ou la perception d'impartialité
du médiateur.
Et là on est
en train de faire un exercice pour me présenter un projet de loi que j'ai
rapidement vu, là, O.K., attendez un
petit peu, de la loi... Ah! bien, c'est une loi que Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles nous citait tantôt, là, le projet de loi n° 110, qui est le chapitre 24
des lois de 2016, qui concerne le régime de négociation des conventions
collectives et des règlements des
différends dans le secteur municipal. Le conseil de règlement des différends
prévoit une formule de partage des
coûts. Alors, l'article 34 dit : «Les frais du conseil, y compris les
honoraires de ses membres, sont assumés à parts égales par les parties.
«Ces frais
sont déterminés par règlement du gouvernement. Le ministre peut mettre en place
un programme d'aide financière destiné aux parties.»
Alors, il y a une question liée un peu à
l'impartialité et à l'apparence d'impartialité.
La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme
la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Vitement, là, sans nous en donner d'autres, mais est-ce qu'il y en a d'autres,
projets de loi, ou si c'est assez... c'est plus unique? Juste ça.
La Présidente (Mme Gaudreault) : M.
le ministre.
M. Moreau :
On me dit que c'est les deux références que l'on peut vous donner puisque cette
situation-là est un peu
exceptionnelle et que c'est un principe lié, encore une fois, à la... c'est un
souci de rédaction pour équivaloir au souci d'impartialité que l'on
souhaite conférer au médiateur.
La Présidente
(Mme Gaudreault) : Alors,
cela vous convient, Mme la députée? Y a-t-il d'autres commentaires sur
l'article 26? Questions?
Alors, je vais mettre aux voix
l'article 26. L'article est-il adopté?
Des voix : Adopté.
Une voix : Sur division.
La Présidente (Mme Gaudreault) :
Adopté sur division. Article 27.
M. Moreau :
Oui. «Le médiateur doit tenter d'amener l'association et l'employeur à
s'entendre à l'intérieur d'un délai
de 30 jours suivant sa nomination. Ce délai peut être prolongé par le
ministre du Travail, une seule fois et à la demande du médiateur. La durée d'une telle prolongation
est déterminée par le ministre du Travail et ne peut excéder 15 jours.»
Alors, le texte parle pas mal par lui-même.
L'article prévoit le rôle du médiateur, qui doit tenter d'amener les parties à s'entendre dans un délai de
30 jours, et le fait que la ministre du Travail peut prolonger de
15 jours le délai de médiation si le médiateur, et non pas les
parties, lui en fait la demande.
La
Présidente (Mme Gaudreault) :
Je vous remercie. Y a-t-il des questions, commentaires? Mme la députée
de Pointe-aux-Trembles? Non?
Alors, est-ce que l'article 27 est adopté?
Des
voix : Adopté.
Une voix :
Sur division.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Adopté sur division. Article 28.
M.
Moreau : Article 28 : «Le processus de médiation
porte sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du
régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer
une telle condition de travail.»
Cet
article prévoit que le processus de médiation ne peut porter sur une
modification au régime de négociation applicable aux membres de LANEQ en
vertu du Code du travail et de la Loi sur la fonction publique.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Je vous remercie. Je crois que vous avez un amendement à
apporter à l'article 28, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
• (8 h 40) •
Mme
Léger : Oui, mais j'aimerais en parler un petit peu d'abord
avant si vous permettez. C'est un article, à mon avis, important, le 28,
dans le sens que j'ai peut-être le goût de le supprimer complètement, tellement
qu'il peut être important. Je peux paraître incohérente, là, mais c'est très
difficile de comprendre, dans l'article 28, que le ministre instaure un
processus de médiation qui porte sur les conditions de travail des salariés et
qui écarte complètement le régime de négociation quand c'est la principale revendication des juristes de l'État. Et comment on ne peut pas penser que le processus
n'est pas biaisé, que le processus est correct quand cette principale revendication
là n'est pas là?
Puis
j'ai interpelé le ministre, effectivement, aujourd'hui ou hier — on
ne sait plus quelle heure puis quel jour on est, là — par
rapport à cet article-là, et très,
très, très clairement : «Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux
salariés est réputée ne pas constituer une telle condition de travail.»
Alors, j'ai besoin d'explications du ministre.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : M. le ministre.
M.
Moreau : Alors, je
lui répondrai en boutade : Il est 8 h 40, et nous sommes le 28
février. Mais effectivement,
dans ce genre de procédure là, on peut perdre le fil de l'espace temps dans
lequel on se situe.
Or,
la réponse à la question de Mme
la députée de Pointe-aux-Trembles, je l'ai donnée plus tôt aujourd'hui. La question de discuter du régime de négociation, on estime que ça peut être abordé entre le gouvernement et l'association. D'ailleurs, les offres... et notamment la dernière offre
présentée par le gouvernement fait état des deux éléments : ce que Mme
la députée estime être la revendication principale de LANEQ et la question de
la rémunération globale.
Je
rappelle que le projet de loi
n° 127 permet, autant à LANEQ et
au gouvernement, de s'entendre en tout temps au cours de la
période de 105 jours qui touche la négociation et la médiation. Mais, dans
le processus de médiation, il n'y a pas que deux parties qui se parlent; il y a
une tierce partie qui arrive, qui est le médiateur. Et on ne souhaite pas sous-traiter au médiateur la question
liée au régime de négociation. Et on fait une distinction entre le régime
de négociation, qui relève de
la prétention de LANEQ sur leur caractère d'indépendance de leur statut, et les
conditions de travail.
Les
conditions de travail, c'est une chose qui est déterminée à l'intérieur d'un
régime de négociation, et le régime de négociation actuel est celui que l'on connaît en relations de
travail entre l'employeur et l'employé. Alors, on dit : La médiation, elle peut faire évoluer les parties sur
les conditions de travail, mais non pas sur la mécanique de négociation de ces conditions-là. Cette mécanique-là peut faire l'objet de discussion
entre les parties directement, mais le gouvernement
ne souhaite pas que le médiateur intervienne dans l'établissement de cette
modalité de négociation.
Je
répète cependant que la modalité de négociation est ouverte à la
discussion dans l'état actuel des négociations et que c'est sur la base, d'ailleurs,
de la dernière offre déposée par le gouvernement que le processus de négociation prévu au projet de loi n° 127 s'amorcerait, donc avec les deux
éléments : ce que vous estimez être la revendication principale
de LANEQ et les conditions de rémunération globale.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Je vous remercie. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme
Léger : Mme la Présidente, le ministre est en train de nous dire que l'espace qu'il voit — pas
dans l'article 28,
pour la réforme du régime de négociation — c'est
par le médiateur, par la négociation possible avec le médiateur. C'est là qu'il
le voit. Pourtant, il sait très bien qu'à toutes les négociations qu'il y a eu
précédemment — certaines, pas
depuis 2015, certaines — ça a toujours été écarté. La réforme du régime de négociation a toujours été écartée. Pourquoi croit-il que
maintenant, en le plaçant quelque part, le médiateur a ce mandat-là, peut-être?
Ça, il n'a pas le mandat, mais ça peut être possible que ce soit dans
cet espace-là, que ça fait que ça va arriver par miracle, là, là, puis que...
Alors, il dit qu'il y
a un espace avec le médiateur pour qu'on puisse voir, échanger, discuter sur le
comité de rémunération ou le régime de
négociation particulièrement, et il ne le met pas dans le 28, pas du tout.
Alors, dans le 28, il dit : Le processus de médiation porte juste sur les
conditions de travail des salariés. Pourquoi que ça ne peut pas non plus
être sur le régime de négociation?
Alors, il m'explique que ça... on s'entend sur
les conditions de travail. Le ministre peut décider qu'on peut s'entendre aussi sur un régime de négociation.
Donc, c'est le choix du ministre de ne pas aborder le régime de négociation.
C'est ce que je comprends. Et il relaie au
médiateur pour négociation, quand on sait préalablement que le ministre ne veut
rien savoir du régime de négociation, à moins qu'il me dise autre chose, là. Il
va avoir l'opportunité de me répondre.
Alors, il a intentionnellement
instauré l'article 28 en tassant le régime de négociation. Puis il nous
dit : Probablement, le médiateur,
on est ouverts. Mais il ne l'a jamais réglé à date, puis il n'a jamais voulu en
parler, puis il n'a jamais voulu le faire. Alors, j'écoute.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : M. le ministre.
Mme Léger :
Il a l'air très attentif, là...
M. Moreau :
Oui, oui, mais...
Mme Léger :
...est prêt à sauter, je pense... sur l'autre bord de la Chambre, si... je le
vois faire, mais...
M.
Moreau : ...non, je me penche vers vous dans un signe de
concentration pour écouter ce que vous me dites, Mme la députée. Ne m'en
tenez pas rigueur.
Non,
ce que je vous dis, c'est ceci, là : Dans le contexte de la négociation,
qui peut avoir lieu et arriver à une entente négociée en tout temps à
l'intérieur du délai de 105 jours, il y a une procédure de médiation qui est
possible, mais la négociation existe
toujours entre les deux parties. Ce que l'article 28 fait, c'est qu'il
dit : Il ne sera pas de la juridiction du médiateur de déterminer
autre chose que les conditions de travail.
Par
contre, sur la table, au moment où on se parle, j'ai exprimé quelle était mon
opinion sur le fait que le statut des
juristes de l'État ne justifierait pas un mode de négociation différent. Mais,
en même temps, dans la proposition faite par le gouvernement et dans le cadre des négociations — les négociateurs de LANEQ vous le
confirmeront — le
gouvernement propose un mécanisme
pour déterminer si, oui ou non, il doit y avoir un régime de négociation
différent, compte tenu du statut. Ça, c'est dans le mandat du groupe de
travail sur lequel siégerait... et là je comprends que, sur cet aspect-là des
choses, il n'y a pas véritablement de
mésentente... sur lequel siégerait un représentant de LANEQ, un représentant du
gouvernement ainsi qu'un juge de
juridiction fédérale. Bon, il y a encore du débat sur le mandat, ce que je
comprends, et sur les suites à donner à ce mandat-là, mais ça, c'est
dans le processus de négociation.
Ce
n'est pas vrai que je dis : Bon, le ministre ne veut pas en jaser. Le
ministre, il veut en jaser, mais il veut en jaser parce que c'est l'exercice de son droit de gérance, directement
avec l'association syndicale et non pas confier au médiateur le choix de faire
des propositions sur l'aménagement du droit de gérance de l'État. Et la raison
pour laquelle c'est exclu de l'article 28, c'est qu'à l'article 29 on donne au
médiateur un pouvoir qui excède le pouvoir général confié à un
médiateur, en vertu des lois du travail, en lui permettant de formuler des
propositions de nature exploratoire et confidentielle.
Alors, on ne souhaite pas que le médiateur, un tiers, fasse de l'exploration
dans l'exercice du droit de gérance de
l'employeur; ici, le gouvernement. Et c'est la raison pour laquelle on
dit : L'aide qu'il peut apporter est une aide qui vise à convenir
des conditions de travail et non pas d'un mécanisme de négociation.
Et c'est donc à
l'issue des conclusions du groupe de travail, dont la composition me semble
convenue avec LANEQ, que l'on déterminera
si, oui ou non, il doit y avoir un mécanisme de négociation des conditions de
travail différent applicable aux salariés représentés par LANEQ.
Je
n'essaie pas de vous confondre, là, j'essaie d'être le plus clair possible.
Cela dit, je vous dis tout de suite que, même
si ce groupe de travail là était constitué, que sa constitution et que son
mandat étaient convenus, le gouvernement ferait des représentations
auprès du groupe de travail qui n'iraient pas dans le même sens que ceux faits
par LANEQ parce que nous estimons que les
fonctions... Et je répète pour la énième fois que la distinction de fonction ne
fait pas une distinction dans la compétence, dans le professionnalisme
ou dans la qualité des juristes par rapport aux procureurs de la Couronne, mais nous estimons que les
fonctions inhérentes, les fonctions exercées par les juristes de l'État ne leur
confèrent pas un caractère quasi
judiciaire comme celles... et l'indépendance qui est reconnue par la Cour
suprême pour les procureurs de la Couronne.
On
peut très bien être en désaccord sur ces éléments-là et convenir d'en débattre
dans un forum impartial. C'est le sens de la proposition, de l'offre
déposée par le gouvernement dans le contexte de la négociation. Et je réitère
que la structure du projet de loi
n° 127 permet de maintenir cet espace de négociation pendant une période
de 105 jours, mais en balisant les périodes au cours desquelles il
pourra aussi y avoir de la médiation en vertu de l'article 27.
• (8 h 50) •
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Mme la députée.
Mme
Léger : Je comprends, Mme la Présidente — il faut quand même se le dire
clairement — qu'on
est dans un processus de renouvellement d'une convention, là, qui est échue
depuis 2015. Et là le ministre me parle de la médiation, particulièrement les conditions de travail avec la
médiation. Ce n'est pas nécessairement la partie de négociation que... le
ministre dit qu'il est toujours ouvert. Par contre, son idée est faite, malgré
tout, sur le régime de la négociation.
Quel
est le mécanisme, dans ce renouvellement de convention collective que nous
avons présentement pour les juristes
de l'État, qu'ils veulent renouveler, où leur principale revendication est ce
régime de négociation là, leur statut, avoir
le rôle... Quel est le mécanisme que les juristes de l'État ont pour convaincre
le ministre... Même si, le ministre, sa tête est faite. Le ministre, c'est sa tête, mais il représente quand
même un gouvernement, hein? Il peut rester un statu quo du rôle des juristes de
l'État depuis les dernières années. Il peut leur mettre sur le nez 2013, il
peut continuer à dire ça, là, c'est
son problème de le dire. Mais il n'en reste pas moins que c'est des années, on
est rendus à la troisième loi spéciale. Je ne peux pas croire que le ministre n'a pas conscience de cet enjeu et
de cette revendication-là des juristes de l'État. Il m'a dit : Ça fait partie des revendications.
Les revendications, bien, hein, vous savez, il faut en prendre puis en laisser.
Puis il y a deux parties, puis... Bon. Mais on n'est pas sur ça, là, Mme la
Présidente, là.
Est-ce
que le ministre pellette en avant, pellette en avant encore, pellette en avant
cette revendication-là principale des juristes de l'État? Que le
ministre ne croit pas à leur statut particulier, que le ministre ne croit pas
que c'est... Qu'il y ait une parité avec les
procureurs de la Couronne, c'est peut-être son opinion, ou ça l'est, parce
qu'il l'a quand même déjà dit, mais
ça n'en demeure pas moins que c'est lui qui est le président du Conseil du
trésor, qui est en train de renouveler
une convention collective présentement, et c'est la principale revendication
quand même des juristes de l'État.
Et là
j'essaie de voir, dans la loi spéciale qui est devant nous... Le ministre m'a
dit : Au 28. Ce n'est pas là. 28, c'est :
«Le processus de médiation porte sur les conditions de travail des salariés»,
puis ça n'appartient pas au médiateur. Mais
les négociations continuent quand même. Alors, on peut toujours parler de
négociation, mais il refuse. Et lui-même, comme ministre, le refuse. Alors, où est la porte possible d'ouverture
du ministre à revoir... et à ce que les juristes puissent exprimer et
convaincre le ministre... Parce que le ministre a peut-être son idée de faite,
mais peut-être que les juristes peuvent le
convaincre davantage. Et, s'ils ne convainquent pas le ministre, il y a d'autre
monde dans le gouvernement qui peuvent être convaincus puis qui peuvent
influencer le ministre.
Alors, je
veux savoir quel est le mécanisme que le ministre suggère, propose pour que les
revendications des juristes de l'État puissent se retrouver quelque part
dans la négociation.
La
Présidente (Mme Gaudreault) :
Alors, merci. M. le ministre, vous avez une réponse pour Mme la députée de Pointe-aux-Trembles?
M. Moreau : Oui. Je ne sais pas si la réponse va satisfaire Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, mais je vais prendre un peu de recul.
Le mode de négociation des conditions de travail est fixé par le Code du travail. Si on veut changer
le mode de négociation prévu au Code
du travail, qui est dans notre corpus législatif depuis 1964, ça n'a jamais été
changé... Et le mode de négociation
prévoit un mécanisme correct de règlement et de négociation des conditions de
travail; ce n'est pas contesté. La validité du Code du travail n'est pas
remise en question.
Pour changer cette modalité-là, vous conviendrez
avec moi, Mme la députée, Mme la Présidente, qu'on doit modifier le Code du travail. La modification du Code du travail, ça
implique une modification législative. La législation est adoptée dans
notre système par l'Assemblée nationale dans le contexte que nous connaissons
tous, puisque nous sommes tous des
législateurs. Vous conviendrez avec moi que je ne sous-traiterai pas le pouvoir
législatif de l'Assemblée nationale
et modifier un mode de négociation des conditions de travail prévu par une loi
du Québec en donnant juridiction à un médiateur de faire une suggestion
sur le mécanisme de négociation, ce n'est pas ça.
Et c'est ce qui
nous fait dire que, dans la proposition que nous faisons à LANEQ, dans les
offres déposées par le gouvernement, nous allons au-delà de notre
obligation de négocier les conditions de travail, puisque nous proposons l'examen de leur statut par un mécanisme
indépendant, qui, lui, ne modifiera pas la loi, mais va statuer si, oui ou non,
leur statut impose la composition d'un
nouveau mécanisme de négociation des conditions de travail. Et, indépendamment
de l'opinion que j'exprime clairement à
l'effet que j'estime que la réponse à cette question est non, le gouvernement
est prêt à se soumettre à cet organisme impartial.
Quand deux
parties arrivent devant la cour, il y a un demandeur puis il y a un défendeur.
Il y en a un qui plaide blanc puis
l'autre qui plaide noir, ça ne fait pas ni de l'un ni de l'autre des mauvaises
personnes, mais ça fait qu'à un moment donné
la disposition ou leur prétention va être tranchée par un arbitre impartial
dans le cas d'une action au civil par un juge d'une des cours qui a juridiction
au Québec.
C'est
exactement ce qu'on dit, on dit : Regardez, moi, je pense que votre statut
ne le justifie pas. Ça ne fait pas de vous
du moins bon monde, ça ne fait pas de moi un plus mauvais garçon, mais on est
prêts... Puis ce n'est pas une condition de travail, c'est un mécanisme de négociation des conditions qui est
prévu dans une loi du Québec qui existe depuis 1964 et dont la validité
n'est pas remise en question.
Alors, avant
de changer la loi, on va se poser la question s'il y a lieu de le faire puis si
on est prêts à en débattre devant un organisme impartial, dont la
composition, je le rappelle, et je comprends que la négociation n'est pas complétée, mais... n'est pas contestée, là,
ni par le gouvernement ni par les représentants de LANEQ. Je comprends
que, sur la composition de ce mécanisme d'arbitrage, il y a presque une
entente, bien qu'elle ne soit pas complète.
La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme
la députée de Pointe-aux-Trembles, vous avez d'autres questions, commentaires?
Mme Léger :
Le ministre m'a dit beaucoup de choses, Mme la Présidente. C'est évident qu'on
pourrait avoir des discussions encore
longtemps, mais je vois que le ministre est clairement sur sa vision de la
chose. Alors, on peut passer à un autre article, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gaudreault) :
Alors, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.
M. Picard :
Évidemment, Mme la Présidente, je suis déçu que le ministre ne veuille pas
accepter l'amendement parce que c'est le coeur du litige, là. Ce
point-là...
• (9 heures) •
La Présidente (Mme Gaudreault) : M.
le député, il n'y a pas eu dépôt d'amendement.
M. Picard : Ah!
La Présidente (Mme Gaudreault) : Il n'y a pas eu dépôt, elle a changé d'idée, peut-être,
Mme la députée, mais il n'y a pas eu dépôt d'amendement.
M. Picard :
Est-ce que Mme la députée va le déposer? Parce que là on discute sur un
possible...
La Présidente (Mme Gaudreault) : Elle vient de mentionner qu'elle souhaitait que
nous passions à un prochain article.
M. Picard :
O.K. Bien, moi, je vais le déposer, l'amendement.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : D'accord. Vous allez déposer un amendement?
M. Picard :
Oui.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Alors, il nous le faudra par écrit, encore une fois.
Alors, je vais devoir suspendre... ou vous l'avez déjà par écrit?
M. Picard :
Non, non, non, on l'a déjà.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Très bien. Nous allons faire quelques copies pour...
Oui?
Une voix :
...
M. Picard :
Non, mais ça... Bien, c'est ça...
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Oui, mais est-ce que c'est le même amendement?
Mme Léger :
Je ne sais pas, mais moi, j'avais un amendement.
La Présidente (Mme Gaudreault) : Mais vous venez de me mentionner que vous vouliez
que nous passions à un autre article. Alors, je n'ai pas du tout fait
mention de l'amendement depuis le début des échanges.
Mme Léger :
Bien oui, je l'ai déposé. J'ai déposé l'amendement.
La Présidente (Mme Gaudreault) : Là, en
ce moment, la parole est au député de
Chutes-de-la-Chaudière et... Est-ce que vous voulez redonner la
parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles?
Une voix :
...
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Il n'a pas été déposé.
M.
Picard : Oui, je vais
lui redonner la parole pour qu'elle dépose rapidement son amendement, parce qu'il ne reste
pas beaucoup de minutes, là.
La Présidente (Mme Gaudreault) : Très bien. Oui, alors, il y a eu discussion sur
l'article 28, mais jamais dépôt de l'amendement. Alors, vous
souhaitez déposer l'amendement, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles?
Mme Léger :
Oui.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Alors, vous allez en faire la lecture?
Mme
Léger : Modifier l'article 28
du projet de loi par le remplacement des mots «. Toutefois, la modification, directement ou indirectement,
du régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer
une telle condition de travail.» par les
mots suivants : «, y compris le régime de négociation qui leur est
applicable, ainsi que les modalités de leur retour au travail.»
La Présidente (Mme Gaudreault) : Très
bien. Est-ce qu'il y a des commentaires, questions suite au dépôt de cet amendement? M. le
député de Chutes-de-la-Chaudière.
M.
Picard : Mme la Présidente, comme je disais tout à
l'heure, c'est le coeur du litige,
c'est le coeur du projet de loi, cet
amendement-là. Pourquoi nous sommes réunis ici aujourd'hui? C'est parce que LANEQ veut avoir...
aimerait avoir un comité pour discuter, et le ministre, il ne veut pas.
Mais cette nuit j'ai écouté, j'ai écouté beaucoup de députés libéraux qui nous
ont dit qu'ils avaient une très grande ouverture pour trouver une solution,
puis il y avait même une gradation, là, il y avait beaucoup, beaucoup d'ouverture, sauf qu'en ne
modifiant pas cet article-là on limite beaucoup, on va dire, le carré de sable, pour le médiateur, pour trouver des
solutions, parce que c'est le litige, c'est le point qui achoppe le
plus. Donc, moi, j'ose espérer que le ministre va démontrer de l'ouverture,
tout simplement.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Oui, M. le ministre.
M.
Moreau : Mme la Présidente, le gouvernement n'entend pas donner
au médiateur un pouvoir de modifier le régime général des lois au
Québec, particulièrement dans le domaine du travail.
Permettez-moi
de vous faire la lecture de la proposition de mandat. On sait que, sur la
composition, là, du groupe de
travail, je pense qu'on s'entend, là : un représentant de chaque côté,
LANEQ, le gouvernement, un juge de nomination fédérale. Voici la proposition qui a été déposée hier par les médiateurs
du gouvernement auprès de LANEQ concernant le mandat de ce comité-là. Alors, le mandat que nous suggérons est celui
«d'analyser les fonctions et [les] responsabilités [des] avocats et notaires» de la fonction publique
représentés par Les avocats et notaires de l'État québécois, LANEQ. Le mandat
comporte aussi celui «de statuer, après l'analyse des éléments, s'il existe un
caractère distinctif des avocats et notaires [...] à l'égard des autres
employés de la fonction publique et des procureurs, justifiant d'apporter des modifications au régime actuel de négociation».
Alors, indépendamment de ce que je vous ai dit sur ce que moi, je pensais
et ce que le gouvernement plaiderait devant
ce comité-là, il est clair que la proposition gouvernementale permet de
débattre du caractère distinctif ou non des avocats et notaires à l'égard des
autres employés de la fonction publique et des procureurs et est-ce que,
oui ou non, cela justifie d'apporter des modifications au régime actuel de
négociation.
Ça, là, ça se passe
entre l'employeur — le
gouvernement — et
ses employés. Et ce n'est pas au médiateur de déterminer une modification
législative, ce n'est pas dans sa juridiction. Ça, c'est la juridiction des
législateurs ici, à l'Assemblée nationale.
Alors, pour cette raison-là, très clairement, on va voter contre l'amendement
que vous proposez.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Y a-t-il d'autres... Oui, M. le député de
Chutes-de-la-Chaudière.
M.
Picard : Mme la Présidente, seulement pour que les gens qui nous écoutent comprennent bien, là,
que, lorsqu'on a créé le comité pour les procureurs, il y a
eu un projet de loi qu'on est venus insérer dans le Code du travail, là. Ça existait... Parce que tantôt ça avait l'air très
complexe, en tout cas, mais, ma validation, c'est tout simplement ça.
Mais
votre fameux comité, là, que vous venez d'élaborer, est-ce qu'il va avoir plus de valeur que l'annexe V de l'autre convention,
qui malheureusement n'a pas été respectée?
La Présidente (Mme
Gaudreault) : M. le ministre.
M.
Moreau : Merci de
poser la question. J'ai moi-même indiqué à Me Denis, le président de LANEQ,
que la raison pour laquelle on se
retrouvait dans cette situation-là, c'est que la lettre d'entente n° 5,
dont j'ai amplement discuté tantôt, ne permettait pas de résoudre la situation.
Le
comité, lui, c'est un comité qui va statuer si, oui ou non, il y a
une distinction. Et là on est à négocier, là, les suites à donner au mandat du comité, si on
s'entend sur le mandat du comité, et, plutôt que de rédiger une lettre d'entente dans le contexte rapide d'une convention collective, on dit : Regardez, sur la question
de la rémunération, l'offre qui vous est faite est paritaire avec les procureurs de la couronne, et,
sur la question du statut, on pourra en débattre sans égard aux
conditions de rémunération globale qui vous sont proposées par le gouvernement.
Il
me semble que c'est une approche qui est raisonnable, et qui est respectueuse
des droits et obligations de chacun, et surtout qui est respectueuse du
rôle de l'Assemblée nationale pour modifier une loi qui établit le cadre
général de négociation qui s'applique aussi, en vertu du Code du travail, aux juristes
de l'État.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Est-ce que vous avez d'autres commentaires, M. le
ministre?
M. Moreau :
Non, ça complète.
La
Présidente (Mme Gaudreault) :
Non? Alors, nous sommes prêts à mettre
aux voix l'amendement à l'article 28, déposé par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix :
Adopté.
M. Moreau :
Rejeté.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : L'amendement est rejeté.
Maintenant, nous
revenons à l'article 28. Y a-t-il d'autres commentaires, questions à l'article
28? Est-ce que l'article 28 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Une voix :
Sur division.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Adopté sur
division. Article 29. Oui, Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme
Léger : ...savoir
l'intention du ministre pour le 2.1, l'article 2.1. Est-ce qu'il va le déposer là ou plus tard?
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Je n'étais pas là... Alors, M. le ministre...
M. Moreau :
Si un amendement doit avoir lieu, là, il sera déposé après la plénière.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : D'accord. Est-ce que ça vous convient, oui?
Mme Léger :
Est-ce que ça me convient? Non, parce qu'on ne peut pas en débattre.
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Non, mais... Nous en sommes à l'article 29.
M.
Moreau : Ce que la députée de Pointe-aux-Trembles dit, qu'on ne
peut pas en débattre, mais c'est la même chose pour le gouvernement. Et la possibilité de déposer des amendements
après la plénière existe aussi pour l'opposition officielle et pour la
deuxième opposition. On a tous les mêmes règles, ce sont celles fixées par
l'Assemblée.
La
Présidente (Mme Gaudreault) : Vous pourrez discuter... Il y aura une
heure de débat un peu plus tard pour la prise en considération.
Nous arrivons au
terme, presque, de cette commission plénière. Alors, nous allons revenir à
l'article 29 avec M. le ministre.
Mme
Léger : ...alors, c'est l'article 2, là, O.K.? Ça fait que, là,
on a fini le cinq heures, ça fait qu'il a eu cinq heures pour le
déposer. Alors, le déposer ici, ça veut dire de le débattre. Alors, on peut
bien aller en plénière...
La Présidente (Mme
Gaudreault) : Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, nous
allons permettre à M. le ministre de faire la lecture de l'article 29.
M. Moreau :
Oui. Merci, Mme la Présidente.
Alors :
«29. En tout temps pendant le processus de médiation, le médiateur peut formuler
des propositions de nature exploratoire
et confidentielle s'il les croit justes et utiles et s'il estime que de telles
propositions sont de nature à favoriser le règlement du différend sur
une ou plusieurs des conditions de travail.»
Alors,
cet article prévoit que, pendant le processus de médiation, le médiateur puisse
formuler des propositions s'il estime
que les propositions peuvent favoriser une entente entre les parties, et ce, de
façon exploratoire et confidentielle, ce qui va au-delà des dispositions
prévues par le Code du travail.
La
Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, M. le ministre, le temps imparti
à la commission plénière est maintenant écoulé. Alors, je remercie ceux
et celles qui ont participé.
Et,
pour permettre à l'Assemblée de poursuivre sa séance, je suspends les travaux
quelques instants et je prie toutes les personnes qui doivent se retirer
de bien vouloir le faire immédiatement.
(Suspension de la séance à
9 h 10)
(Reprise à 9 h 15)
La Vice-Présidente
(Mme Gaudreault) : M. le député.
M.
Auger (président de la commission plénière) : Mme la
Présidente, j'ai l'honneur de vous faire part que la
commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 127, Loi
assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du
gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le
renouvellement de la convention collective
des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, et qu'elle n'en
a pas complété l'étude.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le
député. Et je rappelle aux membres de cette
Assemblée que, conformément à l'article 257.6 du règlement, tout député
dispose d'au plus une heure pour transmettre au bureau du secrétaire général copie des amendements qu'il entend
proposer à ce rapport. Cet article prévoit également que le débat débute
au plus tôt une heure après l'écoulement de ce délai.
Je
suspends donc les travaux de cette Assemblée pour une période d'au moins deux
heures, et les cloches sonneront pour vous aviser de la reprise de la
séance. Les travaux sont suspendus.
(Suspension de la séance à
9 h 16)
(Reprise
à 11 h 26)
Prise en considération du rapport de la commission qui en
a fait
l'étude détaillée et des amendements transmis
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 127, Loi
assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du
gouvernement et permettant la
poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention
collective des salariés assurant la prestation
de ces services juridiques, ainsi que
des amendements transmis par M. le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des
programmes et président du Conseil du trésor, par Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles et M. le député de Borduas.
Je
déclare ces amendements recevables, à l'exception de celui présenté par
l'opposition officielle à l'article 28, car le régime de négociation exclut de la compétence du médiateur, alors
que l'amendement prévoit expressément que le régime de négociation serait plutôt inclus. Notre jurisprudence
parlementaire a établi qu'une motion d'amendement ne peut nier, contredire ou dénaturer la motion
principale. Par conséquent, cette motion d'amendement doit être déclarée
irrecevable.
De
plus, en application de l'article 252 de notre règlement, les amendements aux
articles 20 et 21 du projet de loi présentés par le deuxième groupe
d'opposition ne seront pas mis aux voix car ils sont parfaitement identiques à
des amendements présentés par l'opposition officielle. Donc, on ne peut pas
faire deux fois la même chose.
Je
vous rappelle que, conformément au troisième paragraphe de l'article 257.1, la
durée du débat sur la prise en considération
du rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 127, Loi
assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la
poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant
la prestation de ces services juridiques, et sur les amendements proposés
est d'une heure. La répartition du temps de
parole pour ce débat restreint est établie comme suit : 28 minutes sont
allouées au groupe parlementaire
formant le gouvernement; 16 min 43 s sont allouées au groupe parlementaire
formant l'opposition officielle;
11 min 30 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition; puis
3 min 30 s sont réservées aux députés indépendants, dépendamment que vous allez aviser que, ainsi de suite,
là, vous savez tout ça. La présidence répartira cette enveloppe de temps parmi ceux qui auront signifié
leur intention d'utiliser leur droit de parole. Dans le cadre de ce débat,
le temps non utilisé par les députés
indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les
concernés. Mis à part ces consignes, les interventions ne seront
soumises à aucune limite de temps.
Je
rappelle aux députés indépendants qui souhaitent intervenir au cours du débat
qu'ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la
présidence.
Je
suis prêt à entendre les premières interventions et je vais reconnaître la
personne qui va se lever. Alors, on me dit que c'est M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Alors, à vous, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, pour votre intervention. À vous la parole.
M. Robert Poëti
M.
Poëti : Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, une
question : Pourquoi sommes-nous ici? Pourquoi, tous ensemble, on est assis ici aujourd'hui? Pour
traiter d'un dossier majeur. Parce que l'ensemble des députés du Québec travaillent pour les citoyens du Québec. Parce que
c'est notre mandat. Parce qu'on les représente. Parce qu'on est là pour eux.
• (11 h 30) •
Depuis
une semaine, cinq jours, quatre jours, les oppositions nous démontrent
travailler cette fois-ci spécifiquement pour les juristes de l'État. En fait, allégrement, la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques,
je l'ai dit un peu plus tôt, a fait le
tour des médias bras dessus, bras dessous avec Me Denis, à LCN, sur le
trottoir, dans l'escalier, au «hot room», un peu partout, comme si cette démarche-là était pour les juristes de l'État.
Il faut comprendre le bout de la partisanerie, parce que, quand on est là pour défendre les citoyens,
il faut penser aussi à ceux qui ont un accident d'automobile, qui tentent
d'obtenir de l'argent, qui ont besoin des
compensations. Il faut aussi qu'on pense à ceux qui sont devant d'autres
difficultés avec la Société de
l'assurance automobile du Québec. Il faut qu'on pense à ceux, les victimes
d'actes criminels, qui n'ont pas de service. Ces citoyens-là,
aujourd'hui, pour les oppositions, ne semblent plus compter.
Et
pourtant les gens de LANEQ ont pensé que les oppositions travaillaient que pour
eux. C'était l'objectif. C'est un
débat grave. On a eu droit à des envolées lyriques. Le député de Sanguinet nous
a fait une ouverture resplendissante. Mais
ce qu'il y a d'étonnant, M. le Président, c'est qu'à la première période de
questions trois questions de la première opposition et ensuite on s'est questionnés, mais c'était vraiment important,
sur les cuisines du Casino de Montréal. Ça, ça a été dans la liste des questions importantes soulignées ici. C'est
quoi, le dossier, exactement, M. le Président? C'est la problématique reliée aux négociations avec les
juristes de l'État ou c'est le nouveau chef des cuisines du Casino de Montréal?
Parce que c'est ça qu'on a eu.
Alors,
moi, je pense que, si ça avait été tellement le dossier important pour
l'opposition, on aurait passé pas mal plus
de temps là-dessus puis on aurait posé des questions spécifiques à ce
dossier-là. Mais non, on a décidé... parce que, vous savez, chassez le naturel et il revient au galop, on a eu droit,
avec le député de la CAQ, évidemment, vraiment à une course en rond qui
ressemblait aux 500 milles d'Indianapolis, parce que je me disais :
Comment on peut arriver à son dossier, là,
celui qu'il maintient ici, là, en débat, en fait, le problème informatique du
Québec? Là, tu cherches, là, comment on
peut faire le lien avec les juristes de l'État, autre qu'ils doivent utiliser
des ordinateurs aussi. Bien, il a réussi, M. le Président. Il a réussi à
nous expliquer que ce problème-là, son problème à lui, était relié aux juristes
de l'État. Plutôt surprenant.
Et là on avait aussi, du côté de la
CAQ, hein, un avocat, quelqu'un qui connaît ça, les lois, qui se lève souvent
pour interpeler la ministre de la Justice.
Évidemment, il a eu une leçon de droit parce que le président du Conseil du
trésor a fait aussi un peu de droit pendant plusieurs années, plus de 20
ans. Il lui a expliqué qu'est-ce que voulait dire «casier judiciaire».
Alors,
quand les juristes de l'État pensent que, quand l'opposition se lève vraiment
pour eux, là, puis ça, là, ils sont
convaincus, là, tout le monde, que ce que nous, on a fait est mauvais, bien, la
façon dont ils gèrent les questions est loin de démontrer cela.
Sur
l'autre volet, de penser qu'aujourd'hui... Parce qu'il y une partie de la
partisanerie, puis vous le savez, vous me
connaissez, ce n'est pas quelque chose qu'on aime vraiment beaucoup, mais il y
en a qui ne vivent que pour ça. Alors, c'est
certain qu'il y a des gens de l'autre côté qui se disent : Un salaire
moyen supérieur à 100 000 $ pour 35 heures semaine, du temps supplémentaire payé, un régime de
retraite financé en partie par le gouvernement, des avantages sociaux, une
sécurité d'emploi... je le sais, qu'il y en
a, des gens, de l'autre côté, qui pensent que ce sont d'excellentes conditions.
Mais on ne peut pas dire ça parce qu'on est de l'autre côté, et jamais on ne va
dire : Bien non, on ne peut pas, parce que, dans le fond, il y a une limite, parce que les gens qui
sont blessés, les gens qui sont victimes d'actes criminels n'ont pas le droit,
eux, à cet égard-là, d'appuis de l'ensemble
des députés de la Chambre. Pourtant, ça devrait être ça. Ces gens-là qui sont
en attente de règlements ne sont pas traités, et ça fait 18 semaines, M. le
Président. Est-ce que le gouvernement a une responsabilité
de rétablir un équilibre pour l'ensemble des citoyens du Québec? Mais
contrairement à ce que ce parti-là, de notre première opposition, a déjà
fait, c'est-à-dire couper 20 % des salaires...
Une voix :
...
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Oui, amical. Le règlement est très
clair, c'est l'opposition officielle puis la deuxième opposition. Il n'y
a pas de première opposition.
M. Poëti :
Ah! l'opposition officielle. Alors, c'est bien. Donc, l'opposition officielle...
Une voix :
...
M. Poëti :
Alors, non, c'est correct. Non, il n'y a pas de problème pour l'élan, on l'a eu
pour la nuit. Alors, l'opposition officielle, la première opposition officielle, l'opposition officielle, dans son histoire, a dit clairement : Lorsqu'on ne s'entend pas
avec des fonctionnaires, 450 000, bien, on les coupe de 20 % puis on
les oblige à rentrer au travail. Ça, c'est
ce que vous avez fait. Alors, le gouvernement, ici, ce n'est pas ça qu'il fait. Le gouvernement, dans un projet de loi, encore
une fois, de bonne foi, dit : Il
faut penser aux gens. Il faut penser
aux victimes, il faut penser aux citoyens qui ont besoin
de ces services-là et on va les faire rentrer pour travailler et traiter ces
dossiers-là. Mais on ne va pas vous imposer l'ensemble des conditions.
On veut encore les négocier. On veut encore s'asseoir avec vous et aller de
l'avant. J'ai toujours cru qu'on arriverait à une entente, parce qu'on a
toujours modulé nos offres. On les a toujours
améliorées. Maintenant, sur
l'autre côté, il faut regarder les réponses qu'on avait. Et ça, c'est une
réalité. Et mes collègues de l'autre côté le savent aussi. On a entendu
à plusieurs reprises. Et là on se dit : Comment se fait-il qu'on est
devant une loi spéciale?
Me
Denis, le 9 février 2017 : «On les met au défi : faites-nous donc une
loi spéciale pour voir...» Ce n'est pas moi qui dis ça, M. le Président, c'est celui qui guide les juristes de l'État dans ce conflit. C'est de
la bonne foi, ça. Un peu plus tôt, la
même personne... «M. Leitão parle de négocier dans le cadre habituel. Moi,
j'ai dit à M. Leitão : On s'en fout, du cadre habituel.»
Des voix :
...
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Non, mais, même dans une citation...
Une voix :
...
Le
Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît! Puis ça allait bien,
là, je demande la collaboration de tous pour finir ça, mais, attention, on a convenu qu'il n'y a pas de «M.
Leitão» en Chambre. Il y a un ministre des Finances ou député de. Alors,
on s'en tient, même dans une situation, à l'appellation autorisée. Monsieur,
veuillez poursuivre.
M.
Poëti : Mais je veux quand même souligner qu'à ce moment-là,
dans la citation, je ne pourrai pas citer ce que M. Denis a dit. C'est
ce que vous me dites, là? Alors, c'est ça.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Dans une citation, si vous nommez un
parlementaire, il faut le nominer par son appellation contrôlée.
M.
Poëti : Sans aucun problème. 21 décembre : «Ça va nous
amener encore plus loin pour nuire au gouvernement lors de la prochaine session parlementaire.» Me
Jean Denis. Nous sommes accusés de mauvaise foi. Nous sommes pointés du doigt avec des propos de cette nature-là. Et
là, bien, il y en a d'autres, citations, mais évidemment, la vice-présidente
m'a dit que je ne pouvais pas utiliser des
termes antiparlementaires, donc ils appartiennent à M. Denis, je vais lui
laisser. Mais on a tous entendu, plus
qu'une fois, des termes qui s'éloignaient d'une négociation, qui appelaient à
une confrontation. Et ça, c'est un peu surprenant dans un contexte comme
celui-là.
Une
négociation de bonne foi, ça implique aussi, M. le Président, des concessions.
Il n'y a pas d'autre façon de faire.
Mais, lorsqu'on négocie et qu'on dit : Nous, on ne changera pas d'un iota,
ce qu'on a demandé, on va l'avoir, point à la ligne, je ne vois pas la
définition de la négociation.
Et l'intérêt
des citoyens du Québec, l'intérêt des citoyens qui ont besoin du service des
juristes de l'État, subitement, pour
mes collègues... En tout cas, depuis quelques jours, semble être moins là.
Pourquoi, M. le Président? Je n'ai pas cette réponse-là autre que la partisanerie. Et je pense que, dans un cas comme
celui-là, on devrait prendre un pas de recul face à cette partisanerie
et se rappeler qu'on travaille pour tous les citoyens du Québec.
Le président du Conseil du trésor n'a jamais sur
la place publique dénigré le travail des juristes de l'État, au contraire. Il a reconnu leur travail. Je les
connais personnellement, ils sont aussi des professionnels. Mais comment se
fait-il qu'on peut s'entendre avec
450 000 fonctionnaires, qu'on peut s'entendre avec les agents
correctionnels dans les centres de
détention... Et ce n'est pas une négociation qui a été facile. Et
historiquement ça fait 60 ans qu'on ne s'est pas entendus sur une façon négociée, mais on l'a fait. Alors, pourquoi on
n'aurait pas voulu le faire avec les juristes de l'État? Alors, voilà.
Alors, voilà. Ça veut dire que, d'une certaine façon, il y a sur un des deux
côtés qu'on n'a pas négocié.
• (11 h 40) •
Et, lorsqu'on parle d'un statut particulier, le président du Conseil du trésor a toujours été clair. Sur le plan salarial, nous leur avons offert ce qu'ils demandaient et un peu plus. À partir de ce moment-là, on n'entend plus parler du volet salarial. Ça devient même accessoire. Excusez-moi,
c'est une valeur intrinsèque d'une négociation de salaire. Ce n'est pas vrai qu'on va faire une négociation sur une forme, sur un statut et ne pas tenir compte du volet salarial.
Je m'excuse, je n'y crois pas.
Alors, nous
avons répondu à la demande des juristes
de l'État. Mais là on veut un statut.
On veut, en fait, que le gouvernement ne soit plus responsable, évidemment,
du 60 % que coûte l'ensemble des fonctionnaires sur le plan salarial. On veut donner à un tiers la
responsabilité gouvernementale de décider pour nous ce qui serait acceptable.
La réponse du président du Conseil du trésor, dès le premier jour, a
toujours été claire à ce niveau-là, jamais il n'a laissé sous-entendre ou a
démontré une ouverture à cet effet-là.
Sur ce statut
des juges, les juristes de l'État veulent le même statut que les juges, et le
député, évidemment, de la CAQ, bien, bien informé sur le volet quasi
judiciaire, dans sa leçon, au cours de la nuit, a compris qu'un procureur
de la Couronne ou un juge ne demande pas à
son patron qu'est-ce qu'il doit faire dans un dossier; il le fait. Il prend la
décision. Et, devant cette leçon de
droit, je suis convaincu aujourd'hui que mon collègue est bien d'accord avec le
président du Conseil du trésor. Mais
les juristes de l'État, le client, c'est le gouvernement. Les juristes de
l'État, le client, c'est les citoyens du Québec...
Une voix : ...
Le Vice-Président (M. Gendron) : Un
instant. Oui?
M.
Jolin-Barrette : Le député
de Marguerite-Bourgeoys porte des intentions fausses et trompeuses à mon
endroit et induit la Chambre en erreur. Lorsque vous avez un procureur
de la CSST...
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Non, mais...
Une voix : ...
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Non, là, je ne peux pas, parce que, si on commence
ça... Moi, je trouve que ça allait relativement bien, même si ce n'est
pas facile.
Une voix : ...
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Non, non, mais écoutez, le temps, on l'a
dit tantôt, il n'y a pas de temps limité. Faites attention, effectivement, aux accusations, mais je trouve que,
pour le moment, je ne peux pas permettre que d'autres qui n'ont pas la parole
portent un jugement qualitatif sur ce qui est dit. Si c'est réglementaire et
que ça doit être reçu comme tel... Ce n'est pas pour rien que c'est un
débat. Les gens jugeront des propos des uns et des autres.
Alors, veuillez poursuivre, en faisant
attention, par exemple, aux jugements.
M. Poëti :
Merci, M. le Président. En fait, je vois que vous appliquez le règlement, que
vous le comprenez et vous demandez à
tout le monde ici de le comprendre, même à un procureur, même à un avocat de
formation. Merci, M. le Président.
Alors, ce qui
est important, ce qui est important sur le quasi-judiciaire, c'est que le
procureur de la couronne ne se fera
pas dire par son patron qu'il doit accuser ou pas, qu'il doit aller de
l'avant ou pas. Un juge ne recevra pas un coup de téléphone de qui que ce soit pour l'inciter à aller dans un sens ou
dans l'autre. Ça, c'est la nette différence. Que certains procureurs
n'aiment pas le fait que les juristes de l'État se rapportent à leur patron
lors de décisions, qu'ils jouent un rôle-conseil
important, qu'ils ont une implication réelle à l'intérieur de leur travail, on
le reconnaît. Mais ils ne décident pas
de la finalité, parce qu'ils travaillent pour le client, le client étant nous,
le gouvernement. Alors, cette leçon de droit là est de base.
Maintenant,
si le statut... et c'est ça qui fait que les juristes de l'État passent 18
semaines dehors en se disant : Nous, on veut être reconnus dans ce sens-là... jamais, et je le répète, et je
peux sortir plusieurs déclarations de beaucoup de gens, autant de l'opposition que du président de LANEQ, jamais le
président du Conseil du trésor n'a ouvert la porte vers ça ou n'a guidé la négociation vers ça. Et je pense que c'était clair à
ce moment-là. Il n'y a pas eu de faux espoirs, il n'y a pas eu de faux-semblants, ça a été ça. Mais, sur
le salarial, on est allés, et, sur ce volet-là, bien, malgré tout, M. le
Président... Parce qu'aussi, en
droit — pour le
simplifier, parce que, quand on fait du droit, bien, on commence
doucement — il y a
une règle qui est claire : on
doit agir, souvent, les juges, comme de bons pères de famille, donner une
chance, regarder de quelle façon on
peut bien agir. Alors, c'est comme ça que le président du Conseil du trésor
agit, M. le Président : dans le projet de loi, il demande encore de
s'asseoir avec les juristes de l'État.
Des voix :
...
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Un instant. Un instant, s'il vous
plaît, là. Moi, il faut
que je n'entende qu'une seule voix.
Une voix :
...
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Non, non, mais un instant, un instant, là. S'il y a une question de règlement, vous
la soulevez, mais là j'entendais quatre, cinq voix autres que celui qui a la
parole. Alors, c'est là-dessus que je me suis levé, là.
Une voix :
...
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Bien, quoi? Alors, je vous entends.
M.
Cloutier : C'est une question de règlement, M. le
Président, je veux donner mon appui
au député de Borduas. Le
député de Borduas
avait tout à fait raison de se plaindre tout à l'heure de la compréhension du point
de vue gouvernemental, en ce
qui a trait...
Des voix :
...
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Je ne peux pas... S'il vous plaît, là, c'est important, les opinons des uns
et des autres sont souvent
différentes, et surtout quand on a dit : Ce n'est pas la bonne
compréhension qu'il a, l'interlocuteur qui plaide. C'est votre droit.
Des voix :
...
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
S'il vous plaît! C'est votre droit de penser ça, mais c'est une
opinion, ce n'est pas un problème
qui ne peut pas être soulevé ici, c'est ça, le débat. Non, mais il y a
une personne qui a le droit de parole, et
ce n'était pas une question de
règlement, c'est sûr, une question
d'opinion, et on ne peut pas trancher les opinions. Allez.
M. Poëti :
Merci, M. le Président, d'avoir éclairci aussi encore à un avocat de formation
les règlements de l'Assemblée nationale. Et c'est ironique un peu, parce qu'on
a deux avocats de formation, on traite un dossier ici des juristes de l'État, et il y a deux personnes ici
qui ne semblent pas comprendre le quasi-judiciaire quand les citoyens qui
nous écoutent, depuis hier, l'ont compris,
quand les juristes de l'État le savent aussi très bien, ce pour quoi ils
veulent un statut particulier. Alors,
à partir de là, M. le Président, je pense qu'on vient de faire la démonstration
très bien ici, avec deux collègues que j'apprécie, mais qui, sur le fond
du droit, passent juste à côté.
Alors, M. le
Président, j'appelle aujourd'hui...
Des voix :
...
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Écoutez, un peu de décorum, je répète : J'en appelle à la collaboration de tout le monde.
Des voix :
...
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Bien, justement, si nos débats sont télédiffusés, il appartiendra
à ceux qui le voient puis qui
écoutent de porter un jugement, mais ce n'est pas une question de règlement de dire : Ce qu'il dit ne fait pas
mon affaire.
Des voix :
...
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
S'il vous plaît! Veuillez poursuivre, mais dans le respect des
uns, des autres, autrement que ça, on n'est pas sortis.
M. Poëti : Merci, encore
une fois, d'appliquer le règlement
pour tous et chacun. Alors, à partir de là, M. le Président, on
voit où ça dérange, on voit ce qui est difficile à accepter quand on n'est pas exactement
du même avis.
Mais
ce que je veux dire aujourd'hui aux juristes de l'État, c'est que le président du Conseil du trésor a ouvert, encore une fois, la table, a
ouvert, encore une fois, la porte à la négociation et leur permettre
de travailler, d'obtenir leur salaire,
de travailler pour l'État et, en même
temps, être capables d'améliorer leur
condition, en sachant très bien qu'à travers
ce débat-ci... Est-ce qu'on peut ressortir plus fort, plus collaboratif et être
capables de travailler ensemble, comme on l'a toujours fait?
Alors, je pense que ce débat-là a été fait, et il
y a eu des points qui ont été soulevés clairement, et c'est clair aujourd'hui, on le voit très bien. Mais on ne peut pas oublier le reste des citoyens
du Québec, on ne peut pas oublier les victimes d'actes criminels, on ne peut pas oublier
les gens qui attendent des règlements à travers les ministères. Je pense que, 18 semaines, oublier ces gens-là
n'était pas acceptable pour le gouvernement, et c'est pour ça qu'on a pris
cette décision-là. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron) : Je
suis prêt à entendre le prochain intervenant, s'il se manifeste... ou la
prochaine intervenante, là. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean? Non? O.K.
Alors, M. le député de Saint-Jérôme...
Des voix : ...
• (11 h 50) •
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
S'il vous plaît, j'aimerais l'entendre. M. le député de Saint-Jérôme, à vous.
M. Marc Bourcier
M.
Bourcier : M. le Président, d'entrée de jeu, je salue les juristes de l'État, qui sont encore
assis en haut, car il y a un côté humain à considérer dans toute cette histoire.
Ces personnes, ces citoyens, ces collaborateurs de l'État se battent,
depuis des semaines, pour des principes, des
conditions afin de bien protéger les citoyens et des conditions qu'ils n'ont manifestement pas obtenues dans le projet de loi n° 127 imposé par le gouvernement. Les conditions salariales, probablement que, oui, ils vont peut-être les
obtenir, selon le président du Conseil du trésor. Mais qu'a-t-on fait du régime
de négociation, évincé de ce projet de loi?
De plus, M.
le Président, comme je le mentionnais ce matin... et cette nuit, plutôt, oui,
il aurait été bien intéressant d'entendre
le ministre du Travail à un moment ou l'autre de ce long débat; son éclairage
en matière de relations de travail aurait été fort utile. Mais il semble
que c'est impossible.
Nous avons
questionné différents articles du projet de loi, dont le quatrième où on
parlait de possibilité que les salariés,
lors de leur retour au travail, soient impliqués dans certains arrêts, des
ralentissements, des retards de procédure pénale, civile ou administrative. Où va se trouver la ligne entre un
retard normal des procédures et l'autre où on pourrait accuser les
salariés de l'avoir causé? Qui va juger et statuer de ces possibles situations?
Dans un autre
article, on propose une poursuite de la négociation avec les juristes de l'État
de seulement 45 jours avec un boni de
15 journées supplémentaires au bon jugement d'un conciliateur, d'un médiateur.
Nous aurions voulu plus, mais cela
nous a été encore refusé. Et justement, M. le Président, voici donc l'arrivée
d'un médiateur, un conciliateur, un
genre d'arbitre dans ce projet de loi, alors qu'on n'en voulait pas lors de la
négociation antérieure, et c'était pourtant une demande légitime des
juristes de l'État.
Pour finir,
le médiateur-conciliateur aura tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de
son mandat, et, à cette fin, il peut,
s'il le juge nécessaire, mettre fin au processus de médiation. C'est spécial
comme médiateur. En fait, pour nos juristes, c'est tout comme il y a six ans : ils sont entrés au travail avec
des engagements salariaux du gouvernement mais sans vrai régime de
négociation applicable aux salariés. M. le Président, c'est le jour de la
marmotte. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Alors, je vous remercie pour votre intervention, M. le
député de Prévost. Je cède maintenant
la parole à M. le député de La Peltrie pour son intervention. M. le député
de La Peltrie, à vous la parole.
M. Éric Caire
M.
Caire :
Merci, M. le Président. Visiblement, il y a encore un petit peu de pédagogie à
faire. J'écoutais tout à l'heure
attentivement le député de Marguerite-Bourgeoys parler des détours qu'on
faisait sur un dossier. Il n'a toujours pas expliqué pourquoi 100 millions de dollars gaspillés année après
année, ça, ce n'est pas grave. Ça, c'est un dossier. Il a même banalisé la situation. On gaspille, on
gaspille, juste pour ce dossier-là, 100 millions de dollars de votre
argent. Puis ça, c'est juste un
dossier, puis on fait des détours. Mais, quand on parle de vos conditions de
travail, là vous êtes gâtés. Là, vous
êtes gâtés. On a dit quoi? 6 millions par année? 6 millions pendant
cinq ans? Ça fait encore 94 millions de dollars gaspillés! Mais ça, le député de Marguerite-Bourgeoys, dans son
acte de contrition, ne semble pas vouloir en tenir compte.
Il y a un
autre élément, M. le Président. Parce que là on fait des leçons de pédagogie
aux uns et aux autres sur un poste quasi judiciaire, les juristes de
l'État. c'est drôle, mais le gouvernement libéral de 2011, Michelle Courchesne,
présidente du Conseil du trésor, signe une
entente avec les juristes en disant : À la signature, on va mettre en
place un comité qui aura 12 mois pour
nous faire des recommandations pour être capable d'aller de l'avant avec le
comité indépendant comme les procureurs l'ont.
Ça fait qu'en
2011 ça fonctionnait, c'était légitime. Il n'y avait pas la notion de quasi...
Les procureurs, ils n'étaient pas
quasi judiciaires en 2011? Ils n'avaient pas la même fonction? Les juristes de
l'État n'avaient pas la même fonction, n'avaient pas exactement la même
définition... Qu'est-ce qui a changé chez les procureurs et les juristes de
l'État depuis 2011 qui
fait qu'aujourd'hui il y a une lumière rouge qui s'est allumée au Conseil du
trésor pour dire : Ah non, ce n'est plus pareil pantoute?
M.
le Président, le gouvernement libéral omet de nous expliquer pourquoi il renie
sa signature. Parce qu'on l'a, l'entente,
là. Puis je peux la déposer. Parce qu'hier je faisais des jokes, j'ai
dit : Ils ne me demanderont pas de la déposer. Je veux dire, c'est une entente du Conseil du
trésor avec les juristes de l'État, ils doivent l'avoir lue. Mais visiblement
non, M. le Président. Visiblement, je vais
devoir la déposer au minimum pour le bénéfice du député de
Marguerite-Bourgeoys, qui ne l'a pas lue.
Puis
le député de Marguerite-Bourgeoys, qui fait des leçons de fonctionnement de
l'appareil judiciaire, devrait se
poser cette question : Est-ce que la parole donnée... non, mieux que
ça : Est-ce que sa signature au bas d'une entente, ça veut dire quelque chose? Alors, la réponse, je
n'aurai pas de réponse, parce qu'on est habitués de poser des questions,
ne pas avoir de réponse, mais je vais donc y
répondre moi-même. Du point de vue du gouvernement libéral, la réponse à cette question-là, c'est non. Et quelle a été
l'explication vaseuse du président du Conseil du trésor? J'ai eu envie de
mettre ça sur le coup du fait qu'il
était tard, puis on était fatigués, puis, dans ce temps-là, le hamster, il
roule moins vite un peu. Il a
dit : Une entente signée à la va-vite. Donc, Michelle Courchesne, la
collègue de l'actuel président du Conseil du trésor, parce qu'ils étaient ensemble au Conseil des
ministres, là, tu sais, l'actuel président du Conseil du trésor était membre
de ce gouvernement-là, il était au Conseil
des ministres quand ça s'est fait, alors lui juge que sa collègue a bâclé le
travail. C'est ça qu'il nous dit.
C'est ça qu'il nous dit, et, du moment où le travail a été bâclé, bien là on ne
va quand même pas respecter la signature d'un document bâclé. Là, il
faut corriger cette erreur historique, M. le Président.
Donc, dans le fond,
le président du Conseil du trésor, le député de Marguerite-Bourgeoys, qui est
son adjoint parlementaire, sont dans une
sainte mission nulle part pédagogique, parce que, visiblement, mes collègues ne
comprennent pas le fonctionnement de
l'État, de son point de vue et du haut de sa vaste expérience, et,
deuxièmement, signer un document, ça
ne veut rien dire. Ça ne veut rien dire. Et je vous invite, M. le Président, à
relire l'annexe V : «Dans le cadre de son mandat...» J'espère que ses écoutilles sont grandes ouvertes,
là : «Dans le cadre de son mandat, le comité devra déterminer les éléments sur lesquels porteraient
les travaux d'un nouveau comité présidé par un tiers indépendant, désigné
par les parties. Les recommandations formulées par le comité pourraient être
approuvées, modifiées ou rejetées...»
Alors,
ça, ça nous amène à la deuxième notion : on ne va pas céder notre pouvoir
de gérance à un tiers. Ce n'est pas
ça que ça dit, c'est des recommandations, exactement comme dans le cas des
procureurs, même chose, même chose. On
l'a vu, ça fonctionnait avec les procureurs, là. Ils sont au travail. Ils ont
fait l'objet d'un rapport, d'une recommandation par un comité
indépendant. Ces recommandations-là ont été acceptées parce que le travail
avait été fait sérieusement, professionnellement, et, aujourd'hui, nos
procureurs sont au travail.
La
dernière fois, M. le Président, que le gouvernement a négocié de gré à gré avec
ses juristes, ça s'est fini pas mal
avec le même scénario, une loi spéciale. Visiblement, ça, ça ne fonctionne pas.
Ça ne fonctionne pas. Tu sais, c'est un peu comme le ministre de l'Environnement qui envoie des avis de
conformité à satiété, là, puis que l'entreprise qui s'en fout, il ne comprend pas que ça ne marche pas.
Bien, quand tu es rendu à ta troisième loi spéciale, il faudrait peut-être,
à un moment donné, que ça allume quelque
chose quelque part. Ça ne fonctionne pas. Les procureurs, ça fonctionne. On en
est arrivés à la conclusion que la prochaine
fois, qui est maintenant, on devait trouver une nouvelle formule. On l'avait.
On s'est entendus. On s'est entendus. On a signé et on a renié sa signature.
Alors,
M. le Président, quand on fait des leçons de bonne foi aux juristes de l'État
sur leur volonté ou non de négocier à visière
levée et que la prémisse de base de la négociation, c'est le fait qu'on a pris
une entente signée, on l'a foutue aux poubelles
sans explication sinon que c'était un document bâclé — bravo, Michelle Courchesne! — bien, ça prend du front pas à peu près, pas à peu près. Parce que, si ce
gouvernement-là avait respecté sa parole, si ce gouvernement-là avait respecté
sa signature, on ne serait pas ici
aujourd'hui, on serait dans nos circonscriptions puis les juristes de l'État
seraient au travail en train de travailler pour le bénéfice de tous les
citoyens. C'est ça qui se passerait, M. le Président.
• (12 heures) •
M.
le Président, je me mets à la place des juristes de l'État... Puis je reviens
sur l'adjoint parlementaire du président du Conseil du trésor, qui dit : Le député de La Peltrie, il a
juste un dossier. S'il y en a un qui devrait être au courant qu'il n'y en a pas juste un, c'est bien lui, parce qu'il
y en a un, dossier, au MTQ aussi, puis ça lui a fait perdre sa job en même
temps que ça nous a fait perdre plusieurs
centaines de millions, hein? Alors, il me semble que ça, ça en fait deux. On est
rendus à deux, ça va bien. Puis, en grattant, d'après moi, on va en trouver
trois.
M.
le Président, je l'ai dit, je le répète, l'erreur qui a été faite dans d'autres
secteurs, c'est de perdre notre expertise. Si on ne veut pas perdre notre expertise, il faut que des gens avisés,
éclairés, nous aident à avoir des conditions de travail qui vont faire en sorte que, oui, les jeunes
avocats vont s'engager dans la fonction publique, progresser dans la fonction
publique, mais les avocats expérimentés
aussi. Et, s'il y en a un qui devrait être au courant des conséquences de
perdre son expertise, c'est l'ancien ministre des Transports — salutations à Dominique Savoie — parce que, M. le Président, c'est des
centaines de millions de dollars que ça nous
a coûté parce qu'on n'avait pas les ingénieurs avec le niveau de compétence
suffisant. Pourquoi? Parce qu'ils s'en
allaient. On va faire la même chose avec nos juristes? On va les former puis on
va attendre que les grands cabinets viennent nous les chercher puis nous
les refilent à deux fois le prix?
Dans
ce que le président du Conseil du trésor a qualifié de cahier à colorier, on
faisait une analyse du coût de la sous-traitance.
Mon collègue de Borduas, qui, soit dit en passant, connaît très bien l'appareil
judiciaire et connaît très bien aussi
le fonctionnement de la facturation, a indiqué clairement que, quand on fait
affaire avec un cabinet privé, ça chiffre, ça chiffre. Et on a établi qu'en diminuant de 30 % notre dépendance
à la sous-traitance c'est 50 millions, 50 millions, qu'on sauve. On a dit quoi pour les juristes de l'État,
M. le Président? 30 sur cinq ans, six par année, on économise
50 millions par année. On est
encore... 44 millions qui s'additionnent aux 100 millions, là. Ça
fait qu'on commence à en trouver, de l'argent,
là, de l'argent qu'on perd parce que... Le député de Marguerite-Bourgeoys, il
rit de ça, il trouve ça comique, il a du fun. Il est beaucoup plus préoccupé d'essayer de moucher ses collègues
plutôt que de comprendre c'est quoi, le raisonnement.
Des
voix : ...
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Ce n'est pas nécessaire. Oui, c'est
ça. Il n'y a pas de drame, là, en soi, là, mais faites attention aux
propos. Faites attention aux propos parce que, là, c'est clair que c'est un
jugement.
Une voix :
...
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Oui, c'est clair que c'est un
jugement que j'aimerais mieux qu'il ne se porte pas parce que ça n'aide
pas au décorum. Ça, c'est clair.
M.
Caire : M. le Président, je dirai donc un synonyme :
faire la leçon. Ça va, ça? C'est bon? Ça vous calme? Oui? La tisane est
là? Parfait.
Donc,
M. le Président, c'est beaucoup plus important pour lui de faire des
leçons de savoir à ses collègues que de
se poser ce genre de question là. Est-ce que son gouvernement a échoué à bien
gérer? Oui. Est-ce que son gouvernement a échoué à traiter correctement
ses juristes? Oui. Est-ce que son gouvernement a échoué parce qu'il a renié sa
parole, M. le Président? Oui.
Aujourd'hui,
ce n'est pas vous qui en payez le prix, c'est les citoyens du Québec, c'est les
juristes de l'État. Ceux qui sont
laissés pour compte, c'est les Québécois à cause de votre incurie puis votre
incapacité chronique à respecter la parole donnée, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Je vous remercie pour votre
intervention. Et, pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant M.
le député de Mégantic.
Des voix : ...
Le Vice-Président (M. Gendron) :
S'il vous plaît! S'il vous plaît! Les travaux ne sont pas suspendus. Alors, M. le député de Mégantic, en vous rappelant, si
c'est vous qui prenez tout le temps, il vous reste 13 min 45 s. À vous.
M. Ghislain Bolduc
M. Bolduc : Merci, M. le Président.
J'ai bien écouté les énoncés mathématiques du député de La Peltrie...
Le
Vice-Président (M. Gendron) : O.K. Tout de suite, je dois me
corriger, là. On me dit qu'il vous reste 9 minutes.
M. Bolduc :
Merci, M. le Président. J'écoutais les élaborations du député de
La Peltrie puis je pense que j'en suis venu à une conclusion :
je vais lui acheter une calculatrice, il va en avoir de besoin.
Il est très important de se rappeler aujourd'hui
que nous sommes ici pour une raison très, très simple. Nous sommes ici pour redonner à nos citoyens le service
auquel ils ont droit. Il est très fondamental que ce projet de loi n° 127
n'est pas un manque de respect envers les juristes du gouvernement mais est plutôt un acte pour qu'on puisse redonner à notre
population ces services. Et la preuve en est dans le projet de loi lui-même,
qui fait qu'il va pouvoir y avoir une continuité de négociation et dans
l'espoir d'en arriver avec une entente négociée.
Je trouve vraiment
fascinant d'entendre des propos comme on l'entend ce matin dans la Chambre. Je pense
que tout le monde en a eu... peu de sommeil et beaucoup
de tension, mais j'aimerais beaucoup que les gens, des fois, restent respectueux et regardent l'image telle qu'elle
est. Je crois que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a donné un point de vue très intéressant, et, à la place d'écouter, et
d'entendre, et de réfléchir, on réagit un peu comme un tambour, puis, quand on
frappe dessus, ça fait boum! C'est à peu près ça que ça fait.
Donc, je pense
que c'est très important. Rappelez-vous, l'objectif de la loi n° 127, c'est de rendre service à nos citoyens. Merci, M. le
Président.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci de votre intervention. Et, pour la poursuite du
débat, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles
pour son intervention. Mme la députée, à vous.
Mme Nicole Léger
Mme Léger : Oui, merci,
M. le Président. Nous sommes à
l'étape de la prise en considération, qui est une étape avant de faire des mises aux voix mais avant
d'arriver à l'adoption finale, l'adoption finale dans quelque temps. Je pense que
ça fait 17 heures de temps, sans arrêt, qu'on est à la loi spéciale. Et j'entends les collègues du gouvernement, M. le
Président, et ils nous disent : On ne manque pas de respect envers les
juristes, on comprend leur travail, on connaît leur rôle. Avec tout ce
que j'entends, on ne connaît pas leur rôle, on ne connaît pas leur travail.
On dit toujours
qu'une loi spéciale, c'est un dernier recours, la loi spéciale. Ce n'était pas nécessaire de faire
une loi spéciale si on avait pris le
temps d'écouter les juristes de l'État. Et, de l'autre côté, on nous dit :
Ah! on les a écoutés, ça fait 18 semaines, 19 semaines. Bien, on oublie que,
pendant bien des semaines, on ne les a pas écoutés pantoute. Ça a même pris un changement de ministre. C'est le
nouveau président du Conseil du trésor qui a le mandat de régler le conflit.
Est-ce qu'il a réglé le conflit? Il a
échoué. Il a échoué. C'est une loi spéciale. Il ose nous dire aujourd'hui,
lorsqu'on écoute... lorsqu'on a travaillé les articles, il nous dit : Mais, dans la loi
spéciale, j'ai mis du temps pour négocier encore, on peut toujours négocier, mais j'ai mis du temps pour
faire une médiation. Puis on peut toujours quand même négocier. J'ai toujours
espoir qu'on négocie.
J'ai voulu
faire un amendement pour ne pas que ce soit nécessairement juste 45 jours, que
ce soit un peu plus long, parce qu'il
n'a pas réussi avant, pourquoi qu'il réussirait en 45 jours? Alors, j'ai
dit : Pouvez-vous ouvrir les délais, là, pour vous donner le temps, le temps qu'ils puissent vraiment travailler
puis avoir vraiment une entente négociée, si, de bonne foi, vous voulez vraiment négocier? Alors, il y a eu plein
d'amendements qu'on a apportés, l'opposition, les autres collègues des
autres partis d'opposition, tous ensemble. C'est drôle, là, c'est toute
l'opposition ensemble. Mais le gouvernement, lui, il est sûr, il fait une loi
spéciale.
On a discuté
certaines choses pendant la prise en considération, on a effleuré, des fois
évité. Le ministre a évité quelques
sujets, entre autres, particulièrement la constitutionnalité de l'exercice
qu'il fait de cette loi-là. Pourquoi qu'il reconnaît que les juristes ont un droit constitutionnel de faire la
grève, mais il leur retire, maintenant, le droit de grève? Je comprends
qu'on peut mettre en cause la constitutionnalité de cette loi-là. On l'a
effleuré, on en a parlé un peu. Le ministre est sûr de son coup, c'est constitutionnel.
• (12 h 10) •
Le ministre
dit aussi qu'il a instauré un mécanisme de règlement des différends. On en a
discuté, que le mécanisme de
règlement des différends par un tiers, c'était contestable. Je lui faisais
référence, évidemment, par l'arrêt
Saskatchewan. Dans l'arrêt
Saskatchewan, on dit : «C'est pour cette raison que l'interdiction
législative de la grève doit s'accompagner d'un mécanisme de règlement des différends par un tiers.» Le mécanisme,
pour le gouvernement, c'est de la négociation qu'il met
dans son projet de loi. Ça fait qu'il nous fait accroire qu'il va négocier. Ça
lui permet, pour lui, de respecter l'arrêt Saskatchewan. C'est ce qu'il a essayé de me démontrer aujourd'hui, lorsqu'on a
travaillé, en prise en considération, le projet de loi.
En même temps, on a effleuré quand même la médiation. Bien, je veux rappeler juste
auparavant l'indépendance, malgré
tout... Je veux juste vous parler de l'indépendance du statut des juristes de
l'État. Nous croyons que la Procureur général
du Québec et les juristes de l'État la représentant doivent
jouir de l'indépendance professionnelle et que leur statut diffère des autres fonctionnaires, vu leur rôle
particulier. Je l'ai glissé au ministre. Il ne veut pas s'avancer sur ça. Ça a été
discuté dans la prise en considération, différents éléments que je vous apporte
aujourd'hui.
L'indépendance
des juristes de l'État... J'ai un article ici de François Leduc, je vous en ai
parlé un petit peu hier, je veux
revenir... de ce concept : «Le concept déontologique d'indépendance est au
coeur de la pratique professionnelle des avocats. Ils doivent arbitrer des choix éthiques en toute liberté de
conscience dans le respect de la règle de droit et sans que leurs choix
soient influencés par des considérations partisanes.
«L'avocat est
libre de refuser un mandat ou de cesser un mandat qui est contraire à sa vision
d'un dossier. Par contre,
l'avocat salarié de l'État ou d'une entreprise est assujetti à une obligation
d'obéir qui est incompatible avec cette notion d'indépendance, sans compter les ingérences de tout ordre qui
dénaturent son rôle. Cela explique la volonté syndicale des juristes de
l'État de revendiquer le droit à l'indépendance professionnelle.»
C'est ça que je voudrais redire au député de Marguerite-Bourgeoys,
qui nous a conté toutes sortes d'affaires. Je
n'ose même pas tout répéter parce que c'est trop choquant. Je n'aimerais tellement
pas être dans la peau des juristes qui
nous écoutent aujourd'hui. On en a, là, qui sont là, en haut, avec nous, aujourd'hui. Ils sont là depuis le début. Ils sont là depuis des heures et des heures. Toute la nuit, qu'ils ont passée à
tour de rôle. Ils sont là pour écouter ce qui se dit ici et suivre les débats. Ils doivent être découragés, M. le Président, d'entendre ce qu'on entend, découragés de méconnaître leur rôle et de l'absence de ce gouvernement-là de vouloir, un, les reconnaître et aller plus loin. Là, il fait
juste pelleter en avant, là, il fait juste pelleter en avant. Il n'a pas
réglé la situation des juristes de l'État et de leurs revendications
principales.
Il y a des
questions que je vous pose, que j'ai posées au ministre, puis je les redis
ici. Comment peut-il expliquer que le
processus de médiation a été proposé dans ce projet de loi, alors que le ministre
prétend qu'il n'est plus à l'heure de la médiation? Quelle
contradiction! Pourquoi impose-t-il ce mécanisme, alors que, selon lui, ce
n'est plus de mise? Comment le ministre explique-t-il que la médiation non
exécutoire — le
terme entre guillemets — est
un mécanisme suffisant pour compenser le retrait du droit de grève? Est-il au
courant de cette jurisprudence-là et de cette question? Comment un ministre qui dit être de bonne foi exclut-il, à l'article
28 du projet de loi, le mode de négociation du processus de
médiation prévu dans la loi, alors qu'il s'agit d'un point fondamental dans les
revendications des juristes de l'État? Comment
les juristes pourraient-ils travailler dans le climat de confiance nécessaire?
Comment compte-t-il travailler dans le climat de confiance nécessaire
après un projet de loi comme celui-là, qui est une loi spéciale?
Le ministre
peut-il nous assurer aussi que l'action concertée dont il est question à l'article
4 du projet de loi ne reviendra
pas à priver les juristes de leur capacité de refuser des mandats en raison
d'une violation de leur code de déontologie, par exemple, en raison
d'une surcharge de travail et d'accumulation des dossiers après une grève de
quatre mois? Parce qu'il faut se le dire, il faut se le dire, M. le Président,
après une grève de quatre mois, on s'attend qu'il y ait un amas de travail qui
les attend demain matin. On l'a dit voilà deux jours, mais c'est déjà demain
matin, mercredi le 1er mars, où, dans le
projet de loi, c'est la rentrée au bercail des juristes de l'État. Il y aura
beaucoup de questions comme celles-là, M. le Président.
Il y a le
régime de négociation que j'ai essayé de parler avec le ministre. Le ministre
me brode beaucoup de choses autour du
régime de négociation. J'ai dit : Pourquoi que, dans le projet de loi que
nous avons, il n'est pas là? Pourtant, c'est
la revendication principale des juristes de l'État, et, dans le projet de loi,
il n'y a rien, il n'y a rien qui concerne le régime de négociation. Savez-vous comment il s'en sort, le ministre? Il
me dit : Ah! malgré ça, je suis toujours ouvert. Il y a la
négociation parallèle possible. On peut toujours régler ça dans la négociation
parallèle.
Alors, il nous impose un projet de
loi, une loi spéciale, où la première revendication des juristes n'est même pas
là, même pas là pour en discuter,
même pas là pour écouter, même pas là pour en échanger, même pas la pour que ce
soit envisagé, qu'on ait des façons
de vouloir régler la situation mais, en tout cas, au moins d'envisager. Il n'y
a même pas ça. Quand on lit
l'article 28, le processus de médiation porte... c'est ça, le projet de
loi, là. À part de lui mettre une annexe à la fin, là. Puis l'annexe à la fin, là, c'est les modifications aux
conditions de travail prévues à la convention collective entre le gouvernement et l'association, expirée
le 31 mars 2015, parce qu'il ne faut pas oublier que c'est expiré
depuis 2015.
Mais ce qu'il propose
là... même, il parlait de salarial parce qu'il dit : Ah! non...
J'entendais le député de Marguerite-Bourgeoys :
Mais c'est important, il n'y a pas une convention collective, il n'y a pas un
contrat de travail qui se fait sans
nécessairement avoir le salaire. Bien oui, on est tous d'accord avec ça, mais
ce n'est pas ça, l'enjeu principal. Ça prend quoi pour leur faire
réaliser au gouvernement? Ce n'est pas l'enjeu principal des juristes de
l'État. Puis aujourd'hui, après
18 semaines, 19 semaines de grève, ils nous imposent une loi spéciale
puis ils ne savent pas encore, M. le Président, que ce n'est pas l'enjeu
principal, pourquoi les juristes de l'État sont dehors.
On
entend des députés nous dire : Le salarial est important, voici le
salaire. On a entendu ça hier, toute la journée. Là, j'entends encore aujourd'hui le député de Marguerite-Bourgeoys dire que c'est important. Il n'y a
pas personne qui peut nous faire
accroire que le salarial n'est pas important. On est tous d'accord que le salarial est important. On est là à revoir des conditions de travail. Ça fait partie
des conditions de travail, mais ce n'est pas ça, la revendication principale.
Leur indépendance, la médiation, évidemment,
mais, important, leur statut, on n'en parle pas dans ça, M. le Président.
Il n'y a rien qui indique ça.
L'article 28 :
«Le processus de médiation porte sur les conditions de travail des salariés.
Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de
négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle condition de travail.» Donc, le régime de
négociation, pour le ministre, ce n'est pas une condition de travail, donc on
met ça de côté, on n'en discute pas.
Ce n'est pas le médiateur qui a à faire ça. C'est qui? C'est le ministre. Mais
le ministre ne veut pas entendre raison.
Et
il y a d'autres collègues au Conseil du trésor, d'ailleurs. Il y a la ministre
de la Réadaptation, le ministre des Relations
internationales, le ministre de l'Éducation, le ministre des Transports. C'est
tous des ministres, ça, qui sont sur le Conseil des ministres, M. le Président. Alors, vous avez accepté qu'il y
ait une loi spéciale et, comme le président du Conseil du trésor, vous ne reconnaissez pas l'indépendance
des juristes de l'État et les revendications nobles des juristes de l'État.
On
va s'en reparler à l'adoption finale, M. le Président, mais, à la prise en
considération, aucun de nos amendements n'a été adopté, aucune ouverture du ministre face à nos amendements de
tout l'ensemble de l'opposition officielle, mais le ministre est ouvert.
• (12 h 20) •
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles, pour votre intervention. Je cède maintenant la parole
à M. le député de Mercier en vous indiquant que vous avez deux minutes. À vous.
M. Amir
Khadir
M. Khadir : Merci,
M. le Président. Deux minutes, ça
peut être quand même généreux si on tient compte de la
nécessité de rappeler que, d'abord, Québec solidaire soutient parfaitement les
demandes légitimes des juristes et des notaires
de l'État québécois, dont la principale demande, ce n'est pas des augmentations salariales de revenus. La principale demande, c'est des conditions de négociation, des conditions de
règlement de leurs différends avec l'État québécois qui puissent... Excusez-moi, là, je viens de monter les escaliers. Je suis
essoufflé, pas à cause de vous, M. le Président, à cause des escaliers
et de mon âge.
Donc,
les juristes et les notaires demandent que ces conditions de négociation par
arbitrage puissent leur assurer l'indépendance nécessaire pour qu'ensuite quand
des contrats sont donnés au ministère du Transport... J'en parle parce
que l'ex-ministre qui a perdu son emploi justement pour mettre fin aux
irrégularités dans le dossier du ministère du Transport
le sait très bien, les trois quarts des contrats qui sont donnés par le
gouvernement, c'est au ministère des Transports, avec toutes les
irrégularités qu'on connaît.
Ce que demandent les
juristes et les notaires, c'est de l'indépendance pour dire au ministre, pour
dire au sous-ministre : Non, je ne
signerai pas. Ce n'est pas dans l'intérêt public. Aujourd'hui dans le régime
qui les met toujours, par cycles
répétés, devant le gouvernement, dans des grèves, dans des affrontements, ils
sont dans une situation d'être intimidés,
d'être rudoyés politiquement dans ces négociations et n'ont pas l'indépendance,
la distance nécessaire pour pouvoir
agir, comme c'est prévu, dans l'intérêt du bien public, et donc dire non aux
responsables politiques malveillants, qui
fait en sorte qu'on a eu tout ce scandale dans l'industrie de la construction,
dans l'octroi des contrats publics et au ministère du Transport.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : M. le député de Mercier, je vous
remercie de votre intervention. Et il reste 6 min 45 s à M. le député de LaFontaine. Alors, M. le
député de LaFontaine, je vous reconnais pour votre intervention.
M. Marc
Tanguay
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, je passerai sous silence... parce
que, vous l'avez noté, les mots ont un sens, et les gens à la maison
sont capables de juger de l'intervention de chacun des collègues ici. Et l'intervention du collègue de Mercier, M. le
Président, parle pour elle-même en ce qui a trait au poids des arguments qui se
résumaient à l'accusation
des collègues et à l'imputation de motifs indignes et non justifiés en
l'instance. Alors, je pense, M. le Président, que c'est important de le
noter.
La collègue
de Pointe-aux-Trembles a dit : Il n'y a pas juste le salarial. Il n'y a
pas juste le salarial, mais on va toujours
bien en parler un peu, du salarial, M. le Président. Non, il n'y a pas juste le
salarial, il y avait deux éléments : le régime de négociation et
les conditions de rémunération.
Pour ce qui
est du régime de négociation, essentiellement, la demande de LANEQ était la
mise sur place d'un comité de
rémunération qui statuerait sur le volet salarial. Très clairement, dans un
geste de gouvernement responsable, la
demande a été jugée inacceptable, car le gouvernement ne peut sous-traiter à un
tiers non imputable la responsabilité de
fixer les conditions salariales des employés de l'État. Soulignons par
ailleurs, dans un souci de main tendue, que le gouvernement a proposé la mise sur pied d'un comité consultatif devant
faire rapport dans un délai donné sur le statut des juristes de l'État,
proposition qui a été rejetée par LANEQ.
Alors, non,
il n'y a pas juste le salarial, il y avait le régime de négociation. On vient
d'en traiter. Alors, je ne pense pas
que la collègue de Pointe-aux-Trembles voulait également que le gouvernement
sous-traite son pouvoir décisionnel de bien gérer les fonds publics et de
s'assurer, évidemment, dans le respect de tous les travailleurs, notamment
des juristes de l'État, que l'État
fonctionne bien et qu'en ce sens-là il y ait une négociation qui ait lieu, qui
soit en place. Donc, ça, c'est le premier volet, régime de négociation.
Le deuxième
volet, le salarial, vous me permettrez de noter trois contradictions parce
qu'il s'est dit beaucoup de choses depuis l'introduction de ce sujet, M.
le Président.
Alors, on
nous dit, du côté des oppositions, que le projet de loi est précipité, qu'il
est trop tôt, qu'on devrait attendre, Je
viens d'entendre la collègue de Pointe-aux-Trembles qui a dit : Ce n'était
pas nécessaire de faire un projet de loi. Or, la collègue de Pointe-aux-Trembles, puis ça participe de la première
contradiction, le 22 février, affirmait, et je la cite : «Le
gouvernement a choisi de prendre le risque de faire perdurer une crise
paralysante pour tout l'État québécois, de prendre
en otages les citoyens, causant des impacts négatifs concrets et graves.»
C'était le 22 février. Même plus tôt que ça, M. le Président, le 9 décembre 2016, elle disait, pointant le
gouvernement : «C'est [...] votre responsabilité de régler ce
conflit maintenant. Allez-vous agir maintenant?» Fin de la citation.
Alors, quand
on dit, il y a à peine 15 minutes : Ce n'était pas nécessaire
de faire un projet de loi, on peut voir que c'est en contradiction
avec des déclarations, pour ma collègue de Pointe-aux-Trembles, du 9 décembre
2016 puis du 22 février 2017. Première contradiction, M. le Président.
Deuxième
contradiction, parce qu'évidemment
Parti québécois, Coalition avenir Québec, Québec solidaire sont du même côté de la clôture sur cet enjeu, hier,
vers 21 h 45, j'entendais ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques, et qui évidemment aujourd'hui... La citation, je vais vous la dire dans
quelques secondes, M. le Président, mais je pense que je résume bien leur position lorsqu'ils
disent : Bien, écoutez, il n'y a jamais eu de véritables négociations. Je
pense que je résume bien. Quand on
dit : Il n'y a jamais eu de véritables négociations, c'est épouvantable ce
que fait le gouvernement. Et les
trois partis, Québec solidaire, Parti québécois, Coalition avenir Québec, sont
à l'unisson là-dessus, pas eu de négociations véritables. Or, hier, à 21 h 45 ou à peu près, selon les
transcriptions, notre collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques, qui est également porte-parole de cette coalition des oppositions, disait,
et je la cite : «...je pense qu'ils s'en allaient vers une
entente...» Fin de la citation, deuxième contradiction, M. le Président.
Poursuivons
maintenant au niveau de la troisième contradiction, mais c'est important lorsque
l'on a à juger. Les gens à la maison,
les citoyens et citoyennes ont à juger du bien-fondé des positions de chacun
ici qui s'exprime en cette Chambre. Troisième contradiction, la collègue de
Pointe-aux-Trembles a dit un peu plus tôt, il y a à peine 15, 20 minutes,
et je la cite : On ne les a pas écoutés pantoute. Fin de la
citation. On ne les pas écoutés pantoute, c'est la collègue du Parti québécois de Pointe-aux-Trembles. M. le
Président, on ne les a pas écoutés pantoute, ça fait deux ans qu'il y a des
négociations, il y a eu 40 séances
après plus de 18 semaines de grève, et on ne les a pas écoutés pantoute.
Voyons — parce qu'elle ne veut pas qu'on parle du salarial, mais
on va toujours bien en parler un petit peu, M. le Président — ce que ça veut dire ça, il y a
15 minutes, la collègue du Parti québécois, Pointe-aux-Trembles : On
ne les a pas écoutés pantoute.
Alors, les gens à la maison peuvent juger. Un
salaire annuel de 119 838 $, c'est ce qui est demandé. Offert en février 2015, 113 500 $; en novembre 2015,
114 400 $; en novembre 2016, 115 525 $. Alors, on monte, on
monte. En janvier, le
24 janvier 2017, 116 677 $ et, le
23 février 2017, 116 997 $. Donc, on ne les a pas écoutés
vraiment, citation de ma collègue. Je vais la citer au texte : On
ne les a pas écoutés pantoute.
Alors, on est
passés de février 2015 à 113 500 $ à février 2017 à
116 997 $, M. le Président. C'est plus de
3 400 $ de bonification des
offres qui ont été faites, alors que le 119 838 $ qui était demandé a
toujours été, M. le Président, le même
montant qui a été demandé. Alors, ça, ça ne colle pas à la réalité lorsqu'on
dit qu'on ne les a pas écoutés pantoute.
Puis le salarial, je sais qu'on ne veut pas en parler du côté des oppositions,
mais c'est important de le mentionner.
Alors, les juristes de l'État ont tout notre
respect, M. le Président. Le gouvernement doit faire les arbitrages parce que c'est un gouvernement responsable, le
gouvernement libéral, et le projet de loi n° 127 est un geste du
gouvernement responsable qu'ensemble en Assemblée nationale,
démocratiquement élus, nous aurons l'occasion, M. le Président, d'adopter.
Voilà.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, cette dernière intervention
met fin à la prise en considération du rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 127, Loi assurant
la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de
la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective
des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.
Conformément
à l'article 257.7 du règlement, je vais donner lecture de chacun des
amendements proposés avant la mise aux voix, et chacun des votes se fera
à main levée.
Mise
aux voix de l'amendement du ministre
Je vais maintenant
mettre aux voix la motion d'amendement présentée par M. le ministre responsable
de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes
et président du Conseil du trésor introduisant l'article 2.1, et elle se lit
comme suit... l'article 2.1 se lit comme suit :
«2.1.
L'Assemblée nationale et toute personne nommée ou désignée par cette dernière
pour exercer une fonction en
relevant, dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique
et à l'égard de laquelle l'association est accréditée pour représenter des salariés, sont considérés être des
organismes publics pour l'application de la présente loi.»
Cette motion d'amendement
est-elle adoptée?
• (12 h 30) •
Des voix :
Adopté.
Des voix :
Sur division.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Alors, adopté à la majorité des voix, donc sur division.
Donc, le nouvel article 2.1 est adopté.
Mise aux voix des amendements
de la
députée de Pointe-aux-Trembles
Je
mets maintenant aux voix la motion d'amendement présentée par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles à l'article 20 du projet de loi, et qui se lit
comme suit : «Loi assurant la continuité de la prestation des services
juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective
des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.»
Alors,
cette motion d'amendement... Excusez, ça modifie l'article
par le remplacement de «45» par «90». J'avais oublié d'ajouter
cet élément important. Est-ce que cette motion d'amendement est adoptée?
Des voix :
Rejeté.
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Alors, adopté...
Des voix :
Rejeté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Rejeté. Oui. J'ai entendu «adopté sur
division», mais c'est rejeté, compte tenu du nombre.
Alors,
nous allons poursuivre. Je mets maintenant aux voix l'article 21. Alors : Modifier l'article
par le remplacement de «15»
par «30». Est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Des voix :
Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, j'ai entendu «rejeté», l'amendement est rejeté. À l'article 22,
c'est : Modifier l'article par le remplacement de «45» par «90». Est-ce
que cet amendement est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Des voix :
Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Rejeté. Article 23 : Modifier l'article par le remplacement de «45» par «90». Est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Des voix :
Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Rejeté. L'article 24 : Modifier l'article
par le remplacement, après les mots «À défaut d'entente», des mots «le ministre du Travail» par les
mots «le juge en chef de la Cour
supérieure». Est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Des voix : Adopté.
Le Vice-Président (M.
Gendron) : Alors, j'ai
entendu «rejeté». Modifier l'article par le remplacement des mots «par le ministre du Travail» par
les mots «nommé en vertu de l'article 24». Est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Des voix :
Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Rejeté. J'en suis maintenant à l'article 25... 27, pardon, l'article 27 :
Modifier l'article par le remplacement de «30» par «60» et par le remplacement de «15» par «30». Est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Des voix :
Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Rejeté. Article 31, il nécessite votre attention, il est un peu plus long : Modifier l'article 31 du projet
de loi par le remplacement, au niveau de l'alinéa, du mot «prend» par les mots «peut prendre»; par
l'ajout, à la fin, des paragraphes suivants :
«5° les
particularités de la fonction des salariés;
«6° la nécessité
d'attirer des avocats et des notaires ayant les aptitudes et les qualités
requises pour exercer la fonction de juriste de l'État;
«7°
les conditions de travail et la rémunération globale par heure travaillée des
avocats et des notaires au Québec et
des avocats ailleurs au Canada, en tenant compte des différences quant au coût
de la vie et quant à la richesse collective;
«8°
les responsabilités assumées par les avocats et les notaires au Québec et des avocats ailleurs au Canada,
leur charge de travail, les exigences
requises par les employeurs, les structures salariales et les problématiques
d'attraction et de rétention;
«9° la conjoncture économique du Québec, la
situation générale de l'économie québécoise et l'état des finances
publiques du Québec;
«10°
les conditions de travail et la rémunération des avocats et des notaires du
secteur privé québécois et d'autres salariés de l'État; et
«11° tout autre
facteur que le médiateur estime pertinent.»
Est-ce que cet
amendement est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Des voix :
Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. Alors, nous en sommes maintenant
à l'article 37 : Supprimer, dans le premier alinéa de l'article 37 du projet de loi, les mots
«relative à une condition de travail des salariés». Est-ce que cet
amendement est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Rejeté. Article 44 : Remplacer, dans
l'article 44 du projet de loi, «aux articles 38 et 39» par «à la
présente [ici]». Est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Alors, l'amendement est rejeté.
Mise aux voix des amendements
du député de Borduas
Je mets maintenant
aux voix la motion d'amendement présentée par M. le député de Borduas à
l'article 1 du projet de loi, et qui se
lit comme suit, article 1 : Modifier l'article 1 du présent
projet de loi en ajoutant les mots «avec diligence et bonne foi» après
le mot «négociation». Est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Des voix :
Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, l'amendement est rejeté. À
l'article 4 : Modifier l'article 4 du projet de loi en
ajoutant un deuxième alinéa se lisant comme suit :
«Le présent article n'a pas pour effet de
limiter l'application de la Loi facilitant la divulgation d'actes
répréhensibles à l'égard des organismes publics.» Est-ce que cet amendement est
adopté?
Des voix : Rejeté.
Des voix : Adopté.
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Rejeté. Alors, je suis maintenant à l'article 17 du projet de loi :
Modifier l'article 17 du projet de loi
en remplaçant les mots «par décret» par «avec le consentement du...» Excusez,
il y a probablement une faute, là.
«Des deux tiers de l'Assemblée nationale». Bon, on a écrit «du», mais moi, je
vais lire «des deux tiers de l'Assemblée nationale». Est-ce que cet
amendement est adopté?
Des voix : Rejeté.
Des voix : Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, rejeté. J'en suis maintenant
rendu à l'article 24 : Modifier l'article par l'insertion, après les mots «[au] ministre du
Travail», des mots «ou le juge en chef de la Cour supérieure». Est-ce que cet amendement
est adopté?
Des voix : Rejeté.
Des voix : Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, l'amendement est rejeté. J'en
suis maintenant à l'article 28 : Modifier l'article 28 du projet de loi en retirant la phrase :
«Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne
pas constituer une telle condition de travail.» Est-ce que cet amendement
est adopté?
Des voix : Rejeté.
Des voix : Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. J'en suis maintenant à
l'article 36 : Modifier l'article 36 du projet de loi en
modifiant les mots «au plus tard 10 jours après» par le mot «dès». Est-ce
que cet amendement est adopté?
Des voix : Rejeté.
Des voix : Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. Conformément à
l'article 257.7 du règlement, je vais maintenant mettre aux voix
les articles ainsi amendés.
Une voix : Non. Il n'y en a
pas.
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Non, il n'y en a pas. Parce qu'ils ont été rejetés.
Les articles dont la commission n'a pas disposé
et les autres éléments du projet de loi, ils seront mis aux voix un à un, sans
que la présentation en donne lecture, et chacun des votes se fera à main levée.
Mise aux voix des
articles non adoptés par la commission
Donc, je mets maintenant ces articles-là aux
voix. Est-ce que l'article 29 est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Adopté. Est-ce que l'article 30 est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Adopté. Est-ce que l'article 31 est adopté?
Des voix : Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Adopté. Est-ce que l'article 32 est
adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 33 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 34 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 35 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 36 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 37 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 38 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 39 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 40 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 41 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 42 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 43 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 44 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 45 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 46 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que l'article 47 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Est-ce que l'article 48 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Mise aux voix de l'annexe
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Est-ce que l'annexe de cette loi est adoptée?
Des voix : Adopté.
Mise aux voix des intitulés
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Est-ce que les intitulés des sections et sous-sections sont adoptés?
Des voix : Adopté.
Mise aux voix du titre
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?
Des voix : Adopté.
Mise aux voix de la motion de renumérotation
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Est-ce que la motion de renumératation... — vous avez tous compris,
là! — renumérotation,
alors, est adoptée?
Des voix : Adopté.
Mise aux voix de la motion d'ajustement des références
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Est-ce que la motion d'ajustement des références est adoptée?
Des voix : Adopté.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Je vais maintenant mettre aux voix le
rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 127, Loi
assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du
gouvernement et permettant la poursuite de
la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des
salariés assurant la prestation de ces services. Est-ce que ce rapport
est adopté?
Une voix : M. le Président...
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Oui.
Une voix : Nous demandons un
vote par appel nominal.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, le vote par appel nominal étant demandé, que l'on appelle les
députés.
• (12 h 40 — 12
h 44) •
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, ce que nous faisons, c'est que nous votons sur le rapport de ce projet de loi, le rapport de la commission.
Mise aux voix du rapport amendé
Alors, est-ce que ce rapport est-il adopté?
Alors, quels sont ceux qui sont favorables?
La Secrétaire adjointe : M. Couillard
(Roberval), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Blais (Charlesbourg), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Leitão
(Robert-Baldwin), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Coiteux (Nelligan), Mme David (Outremont),
M. Proulx (Jean-Talon), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot (Vanier-Les Rivières),
Mme Vallée (Gatineau), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac),
M. Barrette (La Pinière), M. Drolet
(Jean-Lesage), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Charlebois (Soulanges),
M. Moreau (Châteauguay), M. Heurtel (Viau), M. Billette
(Huntingdon), M. Morin (Côte-du-Sud), Mme Nichols (Vaudreuil),
M. Ouellette (Chomedey), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé),
Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Ménard (Laporte), M. Tanguay (LaFontaine), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Poëti
(Marguerite-Bourgeoys), M. Girard
(Trois-Rivières), M. Auger (Champlain), Mme Vallières (Richmond),
M. Bolduc (Mégantic),
M. Simard (Dubuc), M. Matte (Portneuf), M. Birnbaum
(D'Arcy-McGee), M. Boucher (Ungava), M. Bourgeois
(Abitibi-Est), M. Fortin (Pontiac), M. Giguère (Saint-Maurice),
M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit
(Crémazie), M. Plante (Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides),
Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), Mme Tremblay (Chauveau), M. Busque
(Beauce-Sud), Mme Sauvé (Fabre), Mme Melançon (Verdun).
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Oui. Y a-t-il des gens qui sont en
désaccord avec ce rapport?
La
Secrétaire adjointe : M. Bérubé (Matane-Matapédia),
Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Maltais (Taschereau),
Mme Lamarre (Taillon), M. Bergeron (Verchères), M. Leclair
(Beauharnois), M. Rochon (Richelieu), Mme Poirier
(Hochelaga-Maisonneuve), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Gaudreault
(Jonquière), M. Pagé (Labelle), M. Cousineau
(Bertrand), M. Bourcier (Saint-Jérôme), Mme Jean (Chicoutimi),
M. Ouellet (René-Lévesque), M. Kotto (Bourget),
M. Turcotte (Saint-Jean), M. Roy (Bonaventure).
M. Legault
(L'Assomption), M. Bonnardel (Granby), M. Caire (La Peltrie),
M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme Samson
(Iberville), M. Laframboise (Blainville), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Lefebvre (Arthabaska),
M. Lemay (Masson), Mme Lavallée (Repentigny), Mme D'Amours
(Mirabel), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard
(Beauce-Nord), M. Paradis (Lévis), M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière), M. Jolin-Barrette (Borduas).
M. Khadir
(Mercier), Mme Ouellet (Vachon), M. Surprenant (Groulx).
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Mme la secrétaire générale, pour le
résultat du vote.
La
Secrétaire : Pour : 52
Contre : 38
Abstentions :
0
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, le rapport est donc adopté.
Adoption
Nous en sommes maintenant rendus — s'il vous plaît! — à l'étape de l'adoption du projet de loi, et
c'est M. le ministre responsable de
l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et
président du Conseil du trésor qui va
proposer l'adoption du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de
la prestation des services juridiques
au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que
le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la
prestation de ces services juridiques.
Je vous rappelle que, conformément au
paragraphe 4° de l'article 267.1, la durée du débat sur l'adoption du
projet de loi est d'une heure. La
répartition du temps de parole pour ce débat restreint a été établie comme
suit : 28 min 15 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement,
16 min 45 s sont allouées au groupe parlementaire formant
l'opposition officielle,
11 min 30 s sont allouées au deuxième groupe de l'opposition, et
il y a 3 min 30 s qui sont réservées aux députés
indépendants, en indiquant si vous voulez intervenir ou pas, puis on va gérer
ça à la fin.
Je suis prêt à entendre les
interventions dès maintenant et je reconnais maintenant M. le président du
Conseil du trésor pour son
intervention sur la dernière étape du projet de loi. À vous la parole, M. le
président du Conseil du trésor.
M. Pierre Moreau
M. Moreau : Merci,
M. le Président. Alors, nous voici donc à la fin d'un long mais nécessaire
processus, celui qui nous conduira à l'adoption du projet de loi n° 127.
Dans quelques instants, nous allons demander à cette Assemblée d'adopter le projet de loi qui vise à mettre fin
au conflit de travail qui oppose le gouvernement à ses employés avocats
et notaires.
Si le projet de loi est adopté, il
deviendra la Loi assurant la continuité de la prestation des services
juridiques au sein du gouvernement et
permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la
convention collective des salariés
assurant la prestation de ces services juridiques. Vous aurez remarqué que
l'intitulé comporte deux volets : l'un qui vise à assurer la
prestation des services juridiques du gouvernement; l'autre, la poursuite des
négociations.
• (12 h
50) •
Au moment du dépôt du projet de loi,
j'ai bien expliqué, M. le Président, les motifs et les raisons impérieuses qui
ont amené le gouvernement à poser ces gestes
d'exception. La ministre de la Justice et Procureur général a expliqué en
détail les effets de la grève sur la capacité de l'État à rendre ces services
aux citoyens.
Durant
les débats, j'ai toujours indiqué qu'à tous les paliers du fonctionnement de
notre État de droit les avocats et notaires
jouent un rôle important dans les fonctions législatives, exécutives et
judiciaires de l'État. Au moment d'adopter le projet de loi, il est important, je crois, de le redire encore. Leur
travail est essentiel pour que l'État puisse fournir les services à la population et assurer la marche
normale des tribunaux et de ses autres institutions, nous le reconnaissons
d'emblée. Et leurs conditions de travail reflètent l'importance que nous
attribuons aux fonctions qu'ils exercent.
M. le Président, et
de façon très factuelle, ces conditions de travail n'ont pas d'équivalent dans
aucun autre domaine où des avocats et des
notaires pratiquent, et en particulier dans le secteur privé. Et bien sûr il
est légitime pour quiconque, incluant
les juristes de l'État, de vouloir améliorer ses conditions de travail. Nous le
reconnaissons, et c'est pourquoi nous
avons proposé de nombreuses avenues pour en arriver à une entente globale
négociée. Au moment même où nous nous apprêtons à adopter le projet de
loi, nous sommes toujours ouverts à la négociation.
C'est
également pourquoi tout au long du processus de négociation nous avons, de
bonne foi, fait des offres qui respectent
le cadre financier du gouvernement et la capacité de payer des Québécois, comme
nous l'avons toujours dit. Dans le
cas des juristes de l'État, des offres ont été déposées le
16 février 2015, le 24 novembre 2015, le
30 novembre 2016, le
24 janvier 2017 et le 23 février 2017 par les négociateurs
du gouvernement. Et, dans chaque cas, l'évolution des offres déposées
montre une croissance du salaire moyen pour les juristes de l'État, au point
où, au moment des offres du 24 janvier 2017
et de celles du 23 février 2017, la rémunération et le salaire moyen,
sur quatre ans, net des juristes de l'État excédaient celui des procureurs. Ces offres doivent aussi être
équitables pour les 450 000 autres employés de l'État avec
lesquels nous nous sommes déjà entendus à l'intérieur de ce cadre financier.
M. le
Président, avant même l'échéance de la convention collective, soit depuis plus
de deux ans, le gouvernement est en
discussion avec les représentants de LANEQ. Nous sommes bien au fait des
demandes de LANEQ, et, bien que nous ne partagions pas leur point de vue
sur le caractère d'indépendance lié à leurs fonctions, il n'en demeure pas moins que, dans ses offres, le gouvernement est
prêt à en débattre devant un comité impartial, dont le mandat demeure à
négocier mais dont la composition semble de plus en plus faire consensus.
Tout au long
des discussions, et je le dis sans intention d'accuser qui que ce soit, mais
ils sont le reflet des faits, les
négociateurs du gouvernement ont fait face à des représentants syndicaux qui,
pour le moins que l'on puisse dire, n'ont pas fait écho à l'idée que négocier, ce n'est pas avoir raison sur tout.
Les offres bonifiées faites par le gouvernement ont systématiquement été rejetées, et LANEQ est resté
campé sur ses positions, menant les négociations à l'impasse que l'on connaît. Le discours de l'exécutif syndical des
juristes a été très simple : Ce qu'on demande n'est pas négociable, ce que
le gouvernement nous offre est inacceptable.
À ce propos, je me permettrai de citer le
représentant syndical de LANEQ, propos repris dans La Presse
du 11 novembre 2016, où Denis
Lessard cite le président de LANEQ — j'ouvre la citation : «La grève durera
autant de temps qu'on n'aura pas ce qu'on demande.» Fin de la citation.
Est-il utile d'en rajouter?
Une chose demeure, M. le Président, un
gouvernement responsable doit prendre les mesures qui s'imposent pour fournir aux citoyens les services auxquels ils ont droit. Comme l'exprime la Cour suprême dans l'affaire Saskatchewan : «La grève ne garantit pas en soi qu'un
conflit de travail sera réglé d'une certaine manière», et de plus ajoutons que
la négociation n'est pas une procédure sans fin.
La raison de
notre présence ici, c'est la raison pour laquelle nous demandons à cette Assemblée
d'adopter le projet de loi
que nous avons étudié depuis hier. M.
le Président, les avocats et notaires
de l'État sont en grève générale illimitée depuis le
24 octobre 2016, soit depuis plus de quatre mois, et en négociation
depuis plus de deux ans. La grève a des incidences
sérieuses sur les activités quotidiennes de l'État, entrave la poursuite de
ses objectifs et atteint le fonctionnement des tribunaux administratifs et des autres institutions de l'État. Le droit des uns ne doit pas être un obstacle à
l'exercice du droit des autres. Et,
dans ce fragile équilibre, dans une société libre et démocratique, l'arbitrage doit s'exercer par le gouvernement
et l'exercice du processus législatif. C'est ce que nous faisons ici.
Je l'indiquais au début de mes remarques, la loi
comporte deux objectifs principaux. L'un d'entre eux est la continuité de la prestation des services
juridiques au sein du gouvernement. C'est ce dont je viens de traiter. Mais
elle a aussi pour objet de permettre
la poursuite des négociations et de créer les conditions propices au
renouvellement de la convention
collective dans un contexte de négociation et la perspective d'en arriver à une
entente négociée. Sans reprendre dans
le détail les dispositions du projet de loi, rappelons, au moment de son
adoption, qu'il aménage un espace de négociation
qui dure sur une période de 105 jours, qui est circonscrite dans une
première portion de 45 jours qui peut être extensionnée une fois, à la demande conjointe des parties, d'une durée
additionnelle de 15 jours, qu'il s'ensuit une période de médiation
d'une durée originale de 30 jours et qui peut être extensionnée à la
demande du médiateur.
L'ensemble de
cette procédure, et la procédure de médiation, n'est pas un obstacle à
l'obtention d'une entente négociée.
Et, en tout temps durant cette période de 105 jours et à compter
d'aujourd'hui, de demain, comme c'était le cas hier, le gouvernement est disponible pour négocier une entente avec les
juristes de l'État. La loi ne fixera les conditions de travail des avocats et notaires de l'État
québécois que si et seulement si, dans cette période de 105 jours, les
parties n'ont pas réussi à convenir
d'une entente négociée. Le projet de loi s'inscrit dans la logique du
gouvernement de d'abord avoir comme
objectifs d'obtenir une entente négociée et subsidiairement d'assurer le
maintien des services à la population en
imposant, à regret et dans l'absence d'une entente négociée, des conditions de
travail qui reproduiront l'architecture de la convention collective
échue en 2015, mais en majorant les avantages et les bénéfices liés à la
rémunération.
• (13 heures) •
Je répète, M.
le Président, nous avons toujours été ouverts à la discussion et aux compromis,
comme il se doit dans une
négociation. Le gouvernement est constant dans son approche face aux
négociations et dans son attitude de bonne foi, d'ouverture et de
transparence. C'est d'ailleurs cette approche et c'est cette attitude qui ont
permis à l'État et à 450 000 de ses
employés de signer une entente avec le gouvernement. C'est aussi cette approche
et cette attitude qui nous ont permis
depuis les deux dernières semaines de conclure une entente de principe avec les
agents des services correctionnels et
les contrôleurs routiers. Le gouvernement est toujours en négociation avec
certains autres groupes d'employés de l'État et il y fait preuve de la
même approche et de la même attitude.
Si nous avons pu nous entendre avec la très
grande majorité des employés de l'État, je ne vois rien qui puisse constituer un obstacle insurmontable pour dénouer
l'impasse avec les juristes de l'État. Dès que j'ai eu ce dossier en main,
j'en ai immédiatement pris connaissance et donné des orientations et des
directives très claires aux négociateurs du gouvernement :
en arriver à une entente négociée gagnante-gagnante pour tous. À plusieurs
reprises, à la demande des dirigeants de LANEQ, j'ai rencontré ces
derniers pour tenter de faire avancer les choses.
Permettez-moi, d'ailleurs, d'apporter une
précision très importante. Le président de LANEQ a affirmé que les négociateurs
du gouvernement ne traduisaient pas les orientations qui leur étaient données.
Je tiens à le redire ici : Il n'y a jamais
eu de dissonance ou d'incompréhension entre les négociateurs du gouvernement et moi. Tout comme j'ai vanté
le professionnalisme des juristes de l'État, je tiens à réaffirmer ici la
confiance que j'ai envers les négociateurs du gouvernement, qui, en toutes
circonstances, ont démontré eux aussi leur compétence et leur
professionnalisme. Les orientations du gouvernement ont été correctement traduites dans les offres déposées. Nos échanges
ont été parfaitement limpides, et ce qui est sur la table de négociation aujourd'hui représente en tous points, en tous points, les
offres et les orientations du gouvernement.
Mon travail, M. le Président, et celui du gouvernement,
c'est de nous assurer que l'argent des impôts et des taxes des contribuables qui nous est confié
judicieusement soit géré de façon équitable et dans le respect de la capacité
de ceux qui nous les confient. Nous avons déployé des efforts
considérables pour remettre en ordre les finances publiques du Québec, et le gouvernement ne confiera jamais à
des tiers non imputables la responsabilité de leur gestion. Les dépenses
de rémunération représentent 60 % des dépenses de l'État et un
gouvernement responsable et imputable doit assumer l'ensemble de ses
responsabilités. M. le Président, c'est ce que nous ferons.
Aujourd'hui,
nous demandons à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi n° 127
afin de mettre fin à une situation insoutenable et d'intervenir pour
restaurer pleinement le fonctionnement normal et efficace de l'État, des tribunaux et de ses autres institutions. Nous
souhaitons que tous les citoyens puissent recevoir les services auxquels ils
sont en droit de s'attendre dans un
État moderne, lequel est guidé par la règle de droit. Si le projet de loi que
nous avons déposé est adopté, il
permettra le retour au travail des avocats et notaires de l'État et la
prestation de services juridiques au sein du gouvernement, pour citer l'intitulé, mais il n'imposera pas leurs
conditions de travail, à moins qu'il n'y ait pas d'entente négociée. Parce que, dans une perspective
d'ouverture, le gouvernement a prévu des mesures législatives permettant la
poursuite de la négociation ainsi que le
renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation
de ces services juridiques. Le
gouvernement maintient ainsi un espace de négociation, assorti d'un mécanisme
impartial de médiation.
Cette loi, M.
le Président, si elle est adoptée, offre encore une fenêtre de négociation avec
le gouvernement. Au nom du gouvernement,
je formule le souhait que LANEQ saisisse cette fenêtre d'opportunité et
concentre ses énergies et ses
ressources afin de parvenir à une entente négociée des conditions de travail de
ses membres plutôt qu'à une contestation judiciaire de la loi.
Pour
conclure, M. le Président, l'adoption de cette loi n'était pas le premier de
nos choix, comme je l'ai répété à maintes
reprises, mais l'intérêt public le commande. Je sais que les juristes de l'État
sont des professionnels et qu'ils ont à coeur le respect de leurs obligations déontologiques. Je sais également
qu'ils agiront avec honneur, dignité, intégrité, respect, modération et
courtoisie.
En terminant,
je veux bien sûr remercier tous mes collègues de l'aile parlementaire
gouvernementale de même que tous les
membres de cette Assemblée pour leur participation active à nos travaux. Et je
vous suggère enfin, M. le Président, que nous adoptions le projet de loi
n° 127.
Le
Vice-Président (M. Gendron) : Alors, on vous remercie, M. le ministre
et président du Conseil du trésor, de votre intervention. Et, pour la
poursuite du débat toujours sur cette dernière étape, je cède maintenant la
parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles pour son intervention. Mme la
députée, à vous.
Mme Nicole Léger
Mme Léger : Merci,
M. le Président. On est à l'adoption
finale d'un projet de loi, projet
de loi spécial qui va faire entrer au travail les juristes de l'État, les avocats et notaires de l'État. Ce n'est pas une belle journée, M. le Président, parce que le ministre
a échoué à sa tâche. Le ministre a échoué à son premier test, celui de régler le
conflit. Pas eu d'entente négociée,
il impose une loi spéciale puis il brise le climat de confiance des juristes de l'État. Ce projet-là est arrivé parce
que
le ministre a donné un ultimatum aux juristes de 24 heures,
fin de semaine dernière, sinon, il brandit la loi spéciale qui force ce
retour au travail.
On a longtemps
dénoncé l'impact de cette grève, les causes retardées devant les tribunaux, 6 000 causes retardées devant les tribunaux : celles de l'Agence du
revenu du Québec, entre autres — mais, ce matin, cet après-midi, on a eu une
conversation avec le député de Jonquière,
avec le ministre concernant les juristes de l'Agence du revenu, qui ne sont pas
concernés dans le projet qui est là devant nous — des victimes en
attente d'indemnisation; des municipalités qui sont incapables d'emprunter pour des travaux d'infrastructure; un millier de
contrats publics, 870 millions; un menu législatif au parlement
littéralement bloqué.
On a fait
rentrer les 125 députés ici, au parlement, puis le menu législatif est
complètement mince. Je pense à mon collègue
député de Jonquière, avec le projet de loi n° 102, hein, particulièrement,
où il s'est retrouvé avec même pas de notes descriptives dans son
cahier, puis ces notes-là servent, évidemment, à comprendre article par
article, mais les juristes étaient dehors, évidemment, les juristes n'ont pas
pu aider. Et ce gouvernement, en fait, plusieurs fois, s'est retrouvé en situation d'attendre puis d'arrêter.
Alors, le député de Jonquière a dit, à un moment donné : Ça fait, ça fait.
On est ici pour faire quoi, là? Faire un
article, puis après, on attend, puis après, un petit peu plus tard, un autre
article, puis on attend?
L'incertitude,
évidemment, aussi quant à la rédaction du budget : il y a des pans
là-dedans qui sont fiscaux, qu'on a
besoin des juristes de l'État; des causes hors délais qui laissent les
fraudeurs sans payer leur dû; des projets de loi qui ne voient pas le jour. Je pense... les chiens
dangereux, contre les pesticides, sur les milieux humides, sur les OGM et
combien d'autres. Et là le
gouvernement se réveille depuis la fin de semaine et nous sort tous ces
arguments pour donner raison à la loi
spéciale, après quatre mois. On me relate ce que je disais, même ici, en
Chambre, cet automne, ce que je disais, que ça n'a
pas de bon sens, que ça va s'accumuler, ça va s'accumuler. Puis là on nous sort
ça depuis deux jours par les collègues du
gouvernement. Ah! là, tout a été retardé, il était temps, il fallait absolument
faire la loi spéciale, parce que, parce que. Il était où, pendant qu'on
parlait pendant quatre mois? Il était où, pendant que les juristes étaient
dehors?
Le monde que
vous avez laissé de côté depuis des mois, le monde qui ont vécu et qui vivent
des situations difficiles devant les
tribunaux en attente de régler, le monde qui attend un dénouement qui affecte
leur quotidien, leur vie de tous les
jours, vous les avez laissés tomber pendant quatre mois. Puis aujourd'hui vous
donnez une gifle aux juristes de l'État en imposant à gros sabots leur rentrée pour éviter de régler le conflit
et soudainement vous venez de réaliser tous ses impacts. Vous avez été
des mois à les ignorer dehors. Des ministres avaient peine à les saluer dehors.
Je remercie
mes collègues du Parti québécois qui ont été à leur rencontre, les juristes de
l'État, qui ont échangé sur les préoccupations;
qui ont été dehors, qu'ils ont rencontré dans leurs bureaux de circonscription.
Et nous leur disons, encore
aujourd'hui, que nous sommes favorables à leur demande de parité avec les
procureurs et leur indépendance, parce que leur cause est juste, leurs
revendications, louables.
• (13 h 10) •
Je reste sur
mon appétit, évidemment, sur les arguments du président du Conseil du trésor,
quant à sa compréhension du fondement
de leurs demandes, de leur reconnaissance. Son arrivée en janvier aurait pu
faire la différence; il y avait eu de
l'espoir. On a eu tous de l'espoir. Oh!
nouveau ministre, c'est sa priorité. Tout
le monde, même les juristes de l'État
pire, on se retrouve à une loi spéciale.
Je ne veux
pas oublier qu'une des préoccupations aussi était la ministre de la Justice, parce
qu'on l'a cherchée, la ministre de la Justice. La ministre
de la Justice nous parle aujourd'hui... on l'entendait, depuis hier, nous dire l'urgence de tous les
impacts. Mais elle était où depuis quatre mois? Les juristes l'ont réclamée.
Les juristes avaient besoin de leur Procureur général du Québec.
Le premier ministre, quant à lui, on a lancé des appels au premier ministre. Les juristes
ont appelé le premier ministre,
pas de retour d'appel du premier ministre, dossier qui ne l'intéressait pas. Puis aujourd'hui il laisse son président du Conseil du trésor faire la loi
spéciale.
Il y a
des conséquences demain, au-delà des juristes en eux-mêmes, de leur entrée,
mais aussi 868 millions sans conseils
juridiques pendant quatre mois, une préoccupation importante, près d'un millier
de contrats publics qui ont été conclus
avec et sans appel d'offres, sans
l'aide des juristes de l'État pour vérifier leur conformité. Il y en a
énormément, de ces contrats.
111 millions d'achats de produits pétroliers pour le Centre de services
partagés; 71 millions de dollars, contrat
pour la construction du pont Gouin, sur la rue Saint-Jacques à
Saint-Jean-Richelieu, octroyé par le ministère des Transports; 48 millions de dollars, achat de
véhicules légers par le Centre de services partagés du Québec. Dans le cas
des contrats conclus sans appel
d'offres : des services professionnels pour 40 millions de dollars,
des produits technologiques pour
24 millions de dollars, des produits applicatifs pour 15 millions de
dollars, acquis par le Centre de services partagés du Québec, entre
autres.
M. le Président, ils sont ici, avec nous, les
juristes de l'État aujourd'hui. Je veux leur dire que vous avez été courageux,
empreints d'une volonté de faire reconnaître votre rôle et votre statut, de ce
désir de faire comprendre au gouvernement
l'indépendance de votre fonction et votre rôle de gardien de l'État de droit.
Et vous exercez ce rôle à tous les jours avec loyauté, en vous appuyant
sur une éthique et un code de déontologie qui est tout à votre honneur.
Je vous
implore de rentrer la tête haute, au nom de notre chef député de Rosemont, qui
est avec vous, et de toute l'aile
parlementaire du Parti québécois, tous mes collègues, qui vous disent par moi
aujourd'hui leur admiration de votre résilience et de vous être battus
pour vos convictions et pour des principes chers dans un État de droit.
Le
gouvernement a voulu vous faire ramper. Le gouvernement impose son
irresponsabilité à votre égard. Je sais que le lien de confiance est ébranlé, brisé,
même, mais nous connaissons votre sens de l'État. Je nous souhaite de se revoir
un jour avec un gouvernement du Parti
québécois, qui vous saluera et travaillera avec vous avec respect, dans les
coulisses du pouvoir. Parce qu'ils se pensent au pouvoir depuis
longtemps, je vous le dis en passant, là.
Comme
porte-parole, j'ai usé de tous les moyens possibles pour porter votre voix.
J'ai écouté souvent M. Denis — je le
salue, avec toute son équipe — même si j'entends un gouvernement en face ne
sortir que quelques petites phrases que M. Denis auraient dites. C'est ça, la collaboration, c'est ça, le
partenariat, c'est ça, le respect? On peut avoir quelques petits écarts de temps en temps. Le ministre, M. le
Président, en a eu pas mal, d'écarts. C'est lui, à un moment donné, qui a
dit : Ils sont intransigeants,
ils sont butés. J'ai entendu ça. Je lui redis aujourd'hui, je lui rends la
pareille. Comme porte-parole, M. le
Président, en ayant usé toutes les possibilités et les outils que je pouvais
avoir et essayé de faire entendre raison à ce gouvernement, en
collaboration avec tous mes collègues...
Malheureusement, M. le Président, les juristes, vous n'êtes pas des médecins, vous
n'avez pas le traitement des médecins
que ce gouvernement donne. Mais vous êtes debout, les juristes de l'État du Québec. Rentrez la tête haute. Merci.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, merci à vous, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Je suis prêt à
céder la parole au prochain intervenant et je reconnais M. le député de Borduas.
M. Simon Jolin-Barrette
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, on en est à l'adoption finale du projet de loi n° 127, qui
va forcer les juristes de l'État
québécois à rentrer au travail, à rentrer au travail contre
leur gré, avec des conditions imposées. Ils sont dans nos tribunes aujourd'hui.
Ils auraient bien aimé rentrer au travail avec une solution négociée. Je
souligne d'ailleurs la présence de Me Denis,
le président de l'association, de tous les juristes qui sont présents dans nos tribunes,
qui, depuis quatre
mois, les quatre derniers mois, ont voulu exprimer ce pour quoi ils
travaillent. Ils ont voulu dire au gouvernement :
Écoutez, quand on vous conseille, quand on vous rend des avis juridiques, quand
on plaide pour l'État québécois, on souhaite être reconnus, on souhaite que notre statut est reconnu, on souhaite que
la lettre d'entente de 2011 soit appliquée, que notre statut soit évalué, qu'on jouisse de
l'indépendance qui devrait nous être reconnue. En fait, on devrait exercer la
prérogative du Procureur général en matière civile de la même
façon que le Procureur général la délègue au Directeur des poursuites
criminelles et à ses procureurs.
M. le
Président, toute la nuit, en fait, depuis 24 heures, j'ai entendu mes collègues
de la partie gouvernementale nous
dire : Ce que les juristes ont dit, ce que l'exécutif syndical a dit par
rapport à la négociation, par rapport aux offres, ce n'était pas vrai. En quelque sorte, on a accusé
les juristes et les avocats de l'État québécois, les avocats et les notaires de
l'État québécois, de mentir, en quelque
sorte, publiquement, de dire... Écoutez, j'ai entendu le ministre, j'ai entendu
des députés de la partie
gouvernementale nous dire : Ce que LANEQ dit, ce n'est pas vrai. Nous, on
a véritablement voulu négocier; eux,
non. Lorsque vous posez la question à LANEQ, ce n'est pas ce qu'ils nous
disent. Ils nous disent : Nous, on a voulu négocier, on a voulu exprimer notre positionnement, et c'est le
gouvernement qui n'est pas sur la même longueur d'onde que nous. Donc, vous voyez, M. le Président, on a deux versions
contradictoires. Mais très clairement, dans cette Chambre, on a entendu,
de la part de la partie gouvernementale, que les juristes ne disaient pas la
vérité.
Moi, je vous
dis, M. le Président : Les juristes qui sont présents dans nos tribunes,
qui vont rentrer, demain matin, travailler,
ce sont eux qui vont conseiller le gouvernement, ce sont eux qui vont être
assis à leurs côtés, lors des projets de loi, ce sont eux qui vont aller plaider les dossiers à la cour,
notamment en matière de constitutionnalité, ce sont eux qui vont
intervenir dans les dossiers de pensions alimentaires, ce sont eux qui vont
poursuivre les employeurs en matière de CSST
lorsque les employeurs mettent en péril la santé et la sécurité des
travailleurs québécois, ce sont eux qui vont représenter les salariés par le biais de la Commission des normes du
travail, M. le Président. Alors, je pose ma question au gouvernement et
je leur demande : Lorsque vous utilisez des stratagèmes comme vous avez
fait aujourd'hui pour décrédibiliser les
juristes, quel va être le climat de travail à la rentrée demain? Parce que vous
savez que leur travail est essentiel.
• (13 h 20) •
On fait ça de
plus en plus du côté gouvernemental, M. le Président. C'est le discours du
gouvernement. On a fait la même chose
avec les agriculteurs il y a quelques semaines, il y a quelques mois; on ne les
croyait pas. On a fait la même chose avec les juristes; on ne les
croyait pas. Pourtant, ces gens-là, ce sont des gens qui travaillent pour
l'État, qui soutiennent l'État de droit, qui
soutiennent la primauté du droit. Et le gouvernement nous dit : Je ne les
crois pas. Parce que c'est ça, le
message gouvernemental. Bien, moi, M. le Président, je vais vous dire une
chose : Je les crois, les juristes de l'État dans leurs
prétentions et je n'ai pas l'impression qu'ils m'ont menti. J'ai bien
l'impression qu'ils m'ont dit la vérité puis qu'ils m'ont renseigné
adéquatement en commission parlementaire, à l'adoption de principe, et encore à
l'adoption finale. Je ne peux pas en dire la
même chose de la part de la partie gouvernementale. Alors, M. le Président,
vous voyez dans quelle façon les juristes vont rentrer au travail demain.
J'ai entendu beaucoup
de choses ici, M. le Président, sur le rôle, le travail des juristes relativement aux procureurs de la Couronne. Il ne faut jamais oublier que le
travail qu'ils font est un travail important. Et, vous savez, l'ancien collègue
du président du Conseil du trésor, Benoît Pelletier,
qui était député de Chapleau, ancien ministre, a rendu une opinion juridique qui a été rendue publique au début du
conflit, M. le Président. Ce n'est pas moi qui l'ai écrit, c'est un ministre
libéral professeur de droit à l'Université d'Ottawa. Et il parle du droit de
grève ou l'absence de droit de grève, et il explique
c'est quoi, la conséquence de ces lois spéciales. En fait, c'est la véritable
suppression du droit de grève, M. le Président.
Et on va dire que M. Pelletier avait une sorte de boule de cristal parce
que c'est comme s'il avait prévu une autre loi spéciale.
À la
page 2, il nous dit : «L'adoption de telles lois — en parlant de lois spéciales référant à 2011
et à 2005 — illustre
bien à quel point l'image de l'État lui-même
est influencée par la relation qu'il entretient avec ses juristes. En d'autres
termes, l'adoption de ces lois spéciales par
l'État québécois démontre à quel point celui-ci est sensible à la perception
que la population a de lui et à quel point
des grèves de la part de ses juristes ternissent cette perception et
fragilisent les assises mêmes de ce
qu'il est convenu d'appeler "l'État de droit". Car, il faut le dire,
les fonctions qu'assument les juristes de l'État québécois touchent au
coeur même de l'action gouvernementale. Elles sont du reste fort variées.»
Et
Benoît Pelletier poursuit et il dit : «De fait, les avocats [...] et
notaires de l'État québécois sont les jurisconsultes du gouvernement et de différents organismes
publics relevant de ce dernier. Ils conseillent et donnent des opinions en
matière de droit civil, pénal, public et
administratif. Ils rédigent les projets de loi déposés par le premier ministre
ou les ministres à l'Assemblée
nationale et s'assurent de la constitutionnalité de ceux-ci. Ils rédigent aussi
la réglementation pertinente. De plus, ils assistent les ministres en
commission parlementaire et les conseillent sur les impacts dans la société des règles de droit dont l'adoption est
envisagée. Ils représentent, en demande et en défense, le gouvernement et
plusieurs des organismes relevant de l'État
dans tous les litiges qui les opposent à la société civile, et ce, devant tous
les tribunaux judiciaires et administratifs. Ils préparent et, dans
certains cas, déposent des poursuites pénales — M. le Président, pour information du député de Marguerite-Bourgeoys — en lien avec les différentes missions de
l'État [et] des organismes relevant du gouvernement, comme l'Agence du
revenu du Québec, l'Autorité des marchés financiers, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du
travail et l'Office de la protection du consommateur. Ils prodiguent
également leurs conseils à certaines entités particulières comme l'Unité
permanente anticorruption. Ils représentent la Sûreté du Québec dans des
dossiers de perquisitions, de détentions et d'arrestations abusives faisant
l'objet de litiges en matière civile.» Et là, M. le Président, c'est
intéressant : «Ils vont même jusqu'à représenter les procureurs de la Couronne dans des poursuites civiles
intentées contre eux.» Alors, on a un exemple concret, ici, M. le Président, de l'importance du travail des juristes
de l'État et de l'importance de leur statut particulier et de l'indépendance.
Souvent,
M. le Président, on parle en cette Chambre de corruption, de l'indépendance, de
la nécessaire indépendance du
Commissaire à la lutte contre la corruption. Bien, les gens qui le conseillent,
ce sont les gens qui sont dans les tribunes, ce sont des notaires et des avocats de l'État québécois qui, eux, donnent
des conseils juridiques à l'UPAC. Et le ministre nous dit : Ils
n'ont pas besoin d'avoir la même indépendance que les procureurs de la
Couronne.
M. le
Président, Me Pelletier le dit très bien dans son opinion. Vous me
permettrez de citer sa conclusion également. «Les motifs qui justifient que les procureurs de la Couronne du Québec
aient droit à ce que certaines de leurs conditions de travail soient déterminées par un comité
indépendant — sous
réserve d'une décision finale de l'Assemblée nationale — valent aussi pour les autres poursuivants de l'État québécois, voire pour tous
ses avocats, avocates et notaires qui agissent comme "conseillers juridiques officiels de
l'État".» M. le Président, le président du Conseil du trésor peut ne pas
être d'accord avec moi, mais, par
contre, venant d'un professeur d'université, venant d'un ancien ministre
libéral, c'est difficilement défendable.
Un autre
élément important, M. le Président, ou... Quoi qu'il en soit, nous ne croyons pas que l'argument voulant qu'il appartienne à l'État de décider
discrétionnairement de l'utilisation des fonds publics puisse être opposé
davantage aux avocats, avocates et notaires de l'État québécois qu'il ne
l'est aux procureurs de la Couronne en ce moment.
En d'autres
termes, cet argument ne devrait pas pouvoir faire obstacle à l'instauration
d'un arbitrage. En effet, ces
derniers doivent démontrer la même indépendance que les procureurs de la
Couronne dans l'exercice de leurs fonctions. Ils doivent servir
l'intérêt collectif de la même façon que ces derniers, c'est-à-dire tout aussi
dignement qu'eux.
M. le Président, je n'aurais pas pu choisir de meilleurs termes pour exprimer où les
juristes de l'État devraient loger en termes de conditions de
travail, en termes d'indépendance.
Le président du Conseil du trésor nous a dit à
de multiples reprises : On ne souhaite pas soustraire le fait de négocier 60 % des dépenses de l'État, 60 %, qui représente la masse
salariale de l'État dans le cadre des dépenses. Il n'est pas question de soustraire à la juridiction de
l'État les conditions salariales des avocats et des notaires de l'État
québécois, M. le Président. Le meilleur exemple, c'est celui du comité
indépendant des procureurs de la Couronne.
Il y a un comité, M. le Président. Il y a un
comité qui rend rapport. Et ce rapport est déposé ici, à l'Assemblée nationale,
et on décide, tous ensemble : Est-ce
que, oui ou non, il est adopté tel quel, il est modifié ou il est rejeté.
On aurait pu faire la même chose, M.
le Président, avec la situation des juristes de l'État. Ça aurait été la voie à
privilégier, mais le gouvernement a décidé de s'entêter et de faire
porter le fardeau aux juristes de l'État le fait de la loi spéciale.
Mais il y a
une chose qui est sûre, M. le Président, c'est que les juristes qui sont là, ce
sont eux qui vont accompagner les Québécois dans le système de justice,
parce qu'ils ont à coeur l'intérêt de la justice, ils ont à coeur la primauté
de la règle de droit et ils vont continuer à
faire leur travail de façon appropriée, j'en suis convaincu. Mais il y a une
responsabilité à prendre, du côté du
gouvernement, la troisième fois, M. le Président, la troisième fois en
12 ans. Malheureusement, nous allons voter contre.
4vpo
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci à vous, M. le député de Borduas, pour cette intervention. Pour rappel, il reste 11 min 50 s à
la partie ministérielle; 5 min 30 s à l'opposition officielle; il ne reste plus de temps pour la deuxième opposition; il reste 45 secondes à la
députée de Vachon; 45 secondes au député de Groulx; et deux minutes
à M. le député de Mercier.
Alors, M. le député de Groulx, je vous cède la
parole pour 45 secondes.
M. Claude Surprenant
M.
Surprenant : Merci, M. le Président. Alors, le gouvernement libéral a
essayé de faire bifurquer cette grève sur des questions monétaires, mais
ce n'était pas le but de la négociation, M. le Président.
Depuis le
début des années 2000, les 1 100 avocats, avocates et notaires
de l'État ont fait deux grèves suivies de deux lois spéciales fixant les conditions de
travail et interdisant le droit de grève. Ils sont dessaisis de leur droit de
faire la grève; ils souhaitent donc que certaines de leurs conditions de
travail soient déterminées par un comité indépendant. Devant l'incapacité de
s'entendre de ce gouvernement sur à peu près tout, sa léthargie, ses décisions
mal éclairées, je rappelle les propos du président du Conseil du trésor hier : «Concéder, c'est la base même de
toute négociation.» Or, dans ses
discussions à venir, on lui propose donc de faire une concession et de se
rallier à l'amendement proposé du collègue du Borduas, qui souhaitait...
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je dois vous interrompre, M. le député de Groulx, là. Votre temps de parole est épuisé. Je
vous remercie. Mme la députée de Vachon, pour 45 secondes.
Mme Martine Ouellet
Mme
Ouellet : Merci, M. le
Président. J'aimerais, dans un
premier temps, saluer les juristes
qui nous ont écoutés pendant toute la
nuit et saluer leur expertise. Parce
qu'il y a une expertise importante
pour l'État dans tous les domaines de l'État québécois. Et c'est
ça, la force de l'État québécois.
Donc, merci pour votre expertise. Mais vous avez fait face à un mur d'intransigeance. Vous avez fait face à un
mur de mépris de la part du
gouvernement libéral. Et ce qu'on a vu dans ce dossier-là...
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la députée de Vachon, les
choses allaient bien. Soyez prudente au niveau de votre choix de termes.
On achève une longue, longue nuit, alors je vous invite à la prudence.
Mme
Ouellet : Le résultat :
saccage d'expertise, contradictions, porte ouverte à la corruption et à la
collusion. D'ailleurs, ça, ils connaissent...
Des voix : ...
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la députée de Vachon, le temps
imparti est terminé. Le temps imparti est terminé.
M. Tanguay :
...ce n'est pas parce que la collègue a terminé de parler qu'elle peut s'en
sauver de ce qu'elle vient de faire.
C'est antiparlementaire. Je vous demande de sanctionner, M. le Président, et de
statuer sur l'appel au règlement à l'effet qu'elle ne peut pas, de façon
dérogatoire, accuser, prêter des intentions comme elle l'a fait. Je m'attends,
M. le Président, à ce que vous sanctionniez son comportement condamnable.
• (13 h 30) •
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Je vous demanderais de
retirer vos propos, Mme la députée de Vachon.
Mme Ouellet : J'aimerais savoir
lesquels, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Je vous demande gentiment de retirer vos propos, puis ça va aller bien.
Mme Ouellet : ...je le retire, M. le
Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la députée de Vachon, vous avez employé le terme «corruption», vous
avez fait allusion à «corruption». Je vous demande de retirer ces propos.
Mme Ouellet : Je vais le retirer, M.
le Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Merci. M. le
député de Mercier.
Vous disposez de deux minutes.
M. Amir Khadir
M. Khadir : M. le Président, puisque le propos glisse sur ce terrain-là, je
voudrais dire que je suis persuadé que la plupart des ministres et des députés libéraux qui sont assis en
Chambre, qui travaillent pour le
gouvernement n'ont aucun intérêt à ce
que les contrats publics, à ce que la gestion de l'activité gouvernementale
soient entachés de corruption, on s'entend
tous là-dessus. Cependant, ce que disent les juristes de l'État québécois...
Avec ce qu'on sait de l'état de la situation au Québec depuis une
dizaine d'années, on ne peut quand même pas nier le fait qu'on a eu une vaste
enquête dans la commission Charbonneau, on a
eu de multiples démonstrations publiques qu'il y a des problèmes, par exemple,
au ministère des Transports et des
millions, des centaines de millions de contrats sont donnés, et ce que nous
disons et ce que disent les juristes,
qui est en débat depuis plusieurs semaines, c'est que les juristes de l'État
tiennent à une plus grande indépendance pour pouvoir assurer à l'avenir
que l'État québécois est le plus exempt possible, le plus imperméable possible
à toute possibilité qu'il puisse y avoir des malversations, qu'il puisse y
avoir des non-conformités, qu'il puisse y avoir des irrégularités dans l'octroi
des contrats publics.
Et, pour ce
faire, ils ont besoin d'une indépendance qu'ils n'ont pas aujourd'hui en
raison, notamment, du régime de
négociation qui les emmène à devoir faire grève, un employeur qui est aussi
titulaire des fonctions de l'État et qui peut donc intervenir, comme il intervient actuellement. Quand une loi vient
enlever des droits aux juristes de l'État, c'est vous dire à quel point
il est possible, malheureusement, que parfois la loi vienne donner naissance à
des injustices dans un processus qui doit
donner le plus d'indépendance possible à ceux et celles qui sont mandatés pour
assurer la conformité, et la
transparence, et l'intégrité de la fonction de l'État. Et donc, dans cette
optique, moi, je ne comprends pas encore pourquoi le ministre actuel, le titulaire du poste, refuse
d'accepter une proposition raisonnable qui est d'accorder la possibilité...
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je vous
remercie, M. le député de Mercier, le temps est écoulé. Il me reste deux
droits de parole. M. le député de Lac-Saint-Jean, à vous la parole. Vous
disposez de...
M. Alexandre Cloutier
M.
Cloutier : Je vous remercie, M. le Président. Alors, M. le Président,
est-ce que la loi spéciale va régler quoi que ce soit sur la question de fond, sur l'indépendance des procureurs?
La réponse, c'est non, M. le Président. Tout ce que le gouvernement fait, M. le Président, c'est
prendre le problème actuel, pelleter ça dans la cour des tribunaux. Va
s'ensuivre une longue contestation
judiciaire, et vous savez quoi, M. le Président? Je vous fais une petite
prédiction, les procureurs vont
gagner devant les tribunaux. Savez-vous pourquoi ils vont gagner, M. le
Président? Parce que les indications que nous donne déjà la Cour suprême sur l'importance de l'indépendance des
procureurs, l'indépendance des juristes de l'État... elle est entière. Elle est entière pourquoi, M. le
Président? Pour assurer, justement, que la fonction judiciaire soit à l'abri de
toute forme d'intervention politique, de
toute forme de pression, de toute forme d'intervention qui arriveraient de
l'extérieur.
Le président
du Conseil du trésor essaie de nous faire accroire que ce n'est pas pareil dans
le civil, qu'il y a des fonctions
quasi judiciaires, puis, en criminel, bien, c'est plus important qu'ils soient
complètement indépendants. Mais pourtant, M. le Président, pensez-vous que les
procureurs en matière civile, sur la protection du consommateur, en matière
de droit des travailleurs, dans le domaine
de la santé... Ils prennent des décisions, ils vont de l'avant et ils
poursuivent. Mais ils sont accompagnés d'une équipe, ils sont
accompagnés de juristes pour les aider dans cette prise de décision.
L'indépendance, elle doit être complète, pas juste en matière de criminel.
Et
vous savez quoi, M. le Président? Comme par hasard, le seul endroit en Amérique
du Nord où on va créer cette distinction
salariale, c'est au Québec. Il y en a qui vont dire : Oui, mais c'est
parce qu'ici, au Québec, c'est le droit civil. C'est le droit civil, c'est différent. Ah bon! Alors, comment
expliquez-vous qu'en Nouvelle-Écosse, par exemple, qui ont aussi des civilistes, on n'a pas tenu compte de
cette distinction. On ne peut pas faire cette distinction, M. le Président,
parce qu'on est incapable de la faire
sur le fond. La définition que la Cour suprême a donnée à «Procureur général»,
c'est une définition large et générale qui inclut tous les services qui
sont donnés à l'État.
Bon,
maintenant, la réponse du gouvernement, ça va avoir été de dire : Bon,
bien, prenons le problème, faisons semblant
de négocier avec une loi spéciale au-dessus de la tête, puis pelletons le
problème dans la cour des tribunaux, puis
on verra le résultat, puis, un jour, un autre gouvernement devra négocier ou
devra se plier à la décision de la Cour suprême. Savez-vous quoi, M. le Président? C'est exactement ce qui s'est
passé avec les juges, c'est exactement ça qui est arrivé, une décision
de la Cour suprême, puis, finalement, ça a pris un comité indépendant.
Une autre affaire, M.
le Président, le ministre nous dit : Oui, mais il faut respecter le droit
de grève. Même la ministre de la Justice a
poussé l'odieux à dire aux membres de l'Assemblée qu'il fallait respecter le
droit de grève. Or, trois lois
spéciales, trois lois spéciales depuis 2005 pour les juristes de l'État. Y
a-t-il quelqu'un dans la salle qui prétend que le droit de grève, il est réel pour les juristes de l'État? Y a-tu
quelqu'un qui, sérieusement, peut lever la main, dire que le droit de grève, pour les juristes de
l'État, existe au Québec? Bon. Alors, si nous concluons tous que ce droit de
grève, il est purement théorique,
alors il faut compenser, M. le Président, ça prend un autre mécanisme. Pourquoi
on a retiré le droit de grève aux
policiers? Pourquoi on l'a fait pour les pompiers? Bien, on l'a fait pour des
raisons assez évidentes, qu'ils donnent des services essentiels.
Mais,
en parallèle, qu'est-ce qu'on a fait? Bien, on a créé des procédures arbitrales
qui sont liantes pour les autres, qui
sont liantes, justement, parce qu'on a retiré un droit fondamental, un droit
important dans le rapport d'équilibre des forces, chose que vient de
retirer le gouvernement. C'est assez incroyable, le gouvernement libéral, à trois
reprises, M. le Président, impose à ses
juristes de l'État... Là, les juristes de l'État, M. le Président, en passant,
là, c'est quand même pas mal au coeur
de l'appareil administratif, là, tu es pas mal dans l'a b c de ce qui est
fondamental pour offrir les services à la population. Ce n'est pas des
débats purement théoriques, là. Lorsque les juristes doivent faire un pas en
arrière, ne peuvent pas exercer leur métier
pleinement à cause d'une grève comme, par exemple, on vit présentement, bien,
qu'est-ce que ça fait? Ça a des impacts immenses.
M.
le Président, il me reste seulement qu'une minute pour conclure, mais je ne
veux surtout pas passer sous silence le
travail extraordinaire de la députée de Pointe-aux-Trembles. La députée, je
vais vous le dire, M. le Président, elle a été au front au caucus des députés, elle a été à la rencontre des citoyens,
à la rencontre, surtout, des juristes. Et, s'il y en a une qui a plaidé pour la cause et qui est
extrêmement consciente que le problème actuel n'est que remis à plus tard,
c'est certainement la députée de Pointe-aux-Trembles, M. le Président.
C'est une question de principe. On est fiers de se lever debout pour défendre la primauté du droit et l'indépendance en
matière de justice, plaidées par notre collègue, notre porte-parole officielle. L'ensemble des députés du
Parti québécois, on est extrêmement fiers d'avoir des principes, de les
tenir, et, lorsqu'on sera au gouvernement, on fera les ajustements nécessaires,
M. le Président.
• (13 h 40) •
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député
de Lac-Saint-Jean, pour cette intervention. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, au total, il reste 11 min 50 s. À vous.
M. Robert Poëti
M.
Poëti : Merci, M. le Président. M. le Président, personne
n'aime imposer des contraintes ni s'en faire imposer. C'est pourquoi on appelle cette procédure «loi
spéciale», parce que c'est un instrument dont le législateur doit se servir
avec la plus grande prudence et avec parcimonie. Ce n'est pas nous qui avons
fait le choix d'une loi spéciale, c'est l'exécutif
syndical de LANEQ. Jamais nous n'avions évoqué ni même pensé à ce recours. Au
contraire, le président du Conseil du
trésor s'est exprimé à maintes reprises depuis le début de ce conflit, depuis
qu'il a pris le poste. Toujours nous avons
dit que nous voulions une entente négociée, mais un gouvernement responsable
doit prendre les mesures qui s'imposent pour fournir aux citoyens les
services auxquels ils ont droit et pour lesquels ils paient des taxes et des
impôts.
Nous
entendons vous démontrer pourquoi le gouvernement a recours à ces mesures
d'exception. Il faut déterminer si,
dans un cas donné, la limitation législative du droit de grève entrave
substantiellement le droit à un processus véritable de négociation collective. Je ne crois pas que
l'on puisse considérer qu'après deux ans de négociations, une quarantaine
de séances,
18 semaines de grève, en ajoutant à tout cela la possibilité de négocier encore
pendant 105 jours, il y ait entrave substantielle du droit de grève.
Nous
avons constaté l'impasse réelle des négociations lors de la présentation de notre cinquième offre
syndicale à LANEQ. Il serait irresponsable de laisser les citoyens dans
cette situation encore pendant deux semaines, puisque l'Assemblée ne siège pas.
C'est pourquoi nous avons pris la difficile décision de déposer
ce projet de loi, afin de permettre le retour au travail et assurer la continuité de la prestation des
services juridiques au sein du gouvernement. Le lien de confiance pourrait être
effrité, qu'on dit, et nous avons tout intérêt à s'assurer de rétablir sur des
bases solides, le plus rapidement possible, pour le bénéfice de tous, et de
tous les citoyens...
Dans un État
de droit, il est important de faire l'équilibre entre le droit des uns et le
droit des autres. À tous les paliers
de l'État, dans ses fonctions législatives et exécutives,
les avocats et notaires jouent un rôle important, ils ont la charge d'assurer le
respect de la primauté du droit et la conformité des actes de l'État
avec la loi. Aucun élu ici, dans cette Assemblée,
ne sous-estime l'importance de leur charge, de leurs fonctions et de leurs
tâches. Ils font un travail exigeant, ils le font avec professionnalisme
et compétence.
Cette grève qui perdure s'exerce au détriment des droits des
citoyens. Nous le savons, M. le
Président, de nombreux
citoyens patientent depuis plusieurs mois pour être entendus sur le fond dans
des causes qui touchent leur vie personnelle,
familiale ou professionnelle. De ceci, nous en avons entendu peu parler au
cours des derniers jours. Prenons, par exemple, les victimes d'accidents
de la route ou du travail qui voient leur recours au Tribunal administratif
être reporté. Et pensons aussi aux
nombreuses personnes qui attendent d'être entendues dans un système judiciaire
qui s'engorge davantage à chaque
journée de grève supplémentaire. Cette grève retarde des dossiers névralgiques
dans les ministères et organismes gouvernementaux et les tribunaux
administratifs dont le report a des impacts sur plusieurs services à la population. Cette grève constitue donc une entrave
sérieuse au fonctionnement du gouvernement et au processus judiciaire. Elle porte atteinte aux intérêts des Québécois.
Nous avions ici, M. le Président, une situation que l'on pouvait qualifier
d'urgente. La grève est un moyen, et non une
fin. Notre devoir, comme gouvernement responsable, est d'assurer la continuité de la prestation des services
juridiques nécessaires à sa bonne marche. Il était temps d'agir, nous l'avons
fait.
Le projet de loi
n° 127 est intitulé Loi assurant la continuité de la prestation des
services juridiques au sein du gouvernement
et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la
convention collective des salariés
assurant la prestation des services juridiques. Vous aurez remarqué que
l'intitulé comporte deux volets, l'un qui vise à assurer la prestation des services juridiques au gouvernement et
l'autre — et non
le moindre — à la
poursuite des négociations. Je reviendrai sur chacun de ces volets.
Au moment du dépôt, il a été bien expliqué les motifs et les
raisons impérieuses qui ont amené le gouvernement à poser à contrecoeur ce geste d'exception. Nous
croyons avoir bien indiqué qu'à tous les paliers du fonctionnement de notre État de droit les avocats et notaires jouent
un rôle central, en particulier dans les fonctions législatives et exécutives
de l'État. Leur charge est lourde, s'assurer
du respect de la primauté du droit et de la conformité des actes de l'État avec
la loi. Leur travail est essentiel
pour que l'État puisse fournir les services à la population et assurer la
marche normale des tribunaux et ses autres institutions.
Tout cela est reconnu, M. le Président, d'abord par la
rémunération généreuse qu'ils reçoivent déjà, c'est-à-dire plus de 100 000 $, en moyenne,
annuellement pour 35 heures de travail, avec possibilité de faire du temps
supplémentaire rémunéré, puis par le
fait qu'ils bénéficient d'un fonds de pension assumé en partie par le
gouvernement et, surtout, de la sécurité d'emploi. M. le Président, je ne peux
m'empêcher de constater que ces conditions n'ont pas d'équivalent dans aucun
autre domaine où des avocats ou des notaires pratiquent parce que les
conditions de travail au privé ne sont pas comparables à celles des
juristes de l'État.
C'est
pourquoi nous avons proposé de nombreuses avenues pour en arriver à une entente
négociée. Nous avons fait des offres
qui cadraient avec les paramètres financiers du gouvernement. Ces offres
étaient honnêtes et respectaient la
capacité de payer des Québécois. Elles étaient aussi équitables pour les
450 000 autres employés de l'État, avec lesquels nous nous sommes entendus. Il reste qu'un
gouvernement responsable doit prendre les mesures qui s'imposent pour fournir
aux citoyens les services auxquels ils ont droit.
M. le Président, les avocats et notaires de l'État sont en
grève générale illimitée depuis le 24 octobre 2016, soit depuis plus de
quatre mois. La grève a des incidences sérieuses sur les activités quotidiennes
de l'État et entrave la poursuite de ses objectifs. Elle touche directement les
citoyens, qui ne reçoivent pas les services que les ministères et organismes gouvernementaux et tribunaux
administratifs doivent leur donner, d'où la décision du gouvernement d'agir.
Les offres bonifiées
faites par le gouvernement ont systématiquement été rejetées par LANEQ, qui est
restée campée sur ses positions, menant
ainsi les négociations dans une impasse. Le gouvernement, lui, constant dans
son approche des négociations et son
attitude : bonne foi, ouverture et transparence. Le discours de l'exécutif
syndical des juristes a été très
simple : Ce qu'on demande n'est pas négociable. Ce que le gouvernement
nous offre est inacceptable. Ce que l'on demande n'est pas négociable.
Nous parlions ici, M. le Président, d'une négociation pour régler un conflit,
la même approche, la même attitude qui a permis à 450 000 autres salariés
de l'État de signer une entente historique avec le gouvernement, notre approche, notre façon de faire pour régler les
conflits. Une entente où nous avons pris l'engagement d'offrir ces mêmes
paramètres à tous les employés de l'État, incluant les juristes de l'État.
M. le Président, je
peux vous assurer que nous n'avons ménagé aucun effort afin d'en arriver à un
règlement négocié. Parce que le gouvernement
a toujours reconnu la contribution essentielle de ses avocats et notaires à la
bonne administration de la justice et des affaires de l'État, nous avons
toujours convenu que les juristes puissent vouloir améliorer ces conditions déjà généreuses et nous avons proposé de
nombreuses avenues pour y arriver. Mais nous avons été aussi très clairs dans
nos propos et constants dans nos offres, une entente négociée devrait entrer dans
les paramètres financiers, voire le
cadre financier du gouvernement. En d'autres mots, toute entente négociée
devait respecter la capacité de payer
des Québécois et être équitable pour les 450 000 autres employés de
l'État, avec lesquels nous nous sommes, encore une fois, entendus. C'est exactement ce que nous avons fait avec
les agents des services correctionnels, et nous avons conclu une entente de principe pas plus tard qu'hier. Depuis 60
ans, une telle entente n'avait pas été possible. C'est quand même le même gouvernement qui a traité avec
la même façon, la même rigueur, la même ouverture ces négociations-là.
Une entente qui respecte le cadre financier du front commun.
M. le Président, vous me direz que, si nous avons pu nous
entendre avec la très grande majorité des employés de l'État, pourquoi pas avec les juristes de l'État?
Nous étions prêts à tenir compte de leur réalité, et c'est ça, là, une vraie
négociation. Une véritable négociation,
c'est de dire : Voici toutes les possibilités, et maintenant voici le
cadre financier que nous devons
respecter. M. le Président, jamais nous n'avons remis en cause leur droit de
négocier leurs conditions de travail, non plus que leur droit de grève.
En terminant,
M. le Président, il n'est jamais agréable pour un gouvernement d'en arriver à
une telle avenue afin de clore une
négociation. Mais ici nous n'allons pas clore une négociation. Si ce projet de
loi est adopté, nous allons la continuer,
et ce sera gagnant-gagnant pour les deux, car ils pourront retrouver leur
emploi, retrouver leur salaire et encore avoir la possibilité de
négocier avec le gouvernement. Merci, M. le Président.
• (13 h
50) •
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, ceci met fin au débat. Je mets maintenant aux voix la motion
de M. le ministre responsable de l'Administration
gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président
du Conseil du trésor proposant l'adoption du
projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des
services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite
de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des
salariés assurant la prestation de ces services juridiques.
Alors, cette motion
est-elle adoptée?
M. Tanguay :
...appel nominal, s'il vous plaît.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Alors, qu'on appelle les députés.
• (13 h 51 — 13
h 56) •
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, je vous rappelle que le vote porte sur l'adoption
du projet de loi n° 127, Loi
assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du
gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le
renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation
de ces services juridiques.
Mise aux voix
Que les députés en
faveur de cette motion veuillent bien se lever.
La
Secrétaire adjointe : M. Couillard (Roberval), Mme Thériault
(Anjou—Louis-Riel),
M. Blais (Charlesbourg), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Leitão
(Robert-Baldwin), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Coiteux
(Nelligan), Mme David (Outremont), M. Proulx (Jean-Talon),
M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot
(Vanier-Les Rivières), Mme Vallée (Gatineau), M. Lessard
(Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La Pinière), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Blanchette
(Rouyn-Noranda—Témiscamingue),
Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay),
M. Heurtel (Viau), M. Billette (Huntingdon), M. Morin
(Côte-du-Sud), Mme Nichols (Vaudreuil),
M. Ouellette (Chomedey), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé),
Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Ménard (Laporte),
M. Tanguay (LaFontaine), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger),
M. Carrière (Chapleau), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys),
M. Girard (Trois-Rivières), M. Auger (Champlain), Mme Vallières
(Richmond), M. Bolduc (Mégantic), M. Simard (Dubuc), M. Matte
(Portneuf), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Boucher (Ungava),
M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Fortin (Pontiac), M. Giguère
(Saint-Maurice), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François),
M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), M. Plante
(Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides),
Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), Mme Tremblay (Chauveau), M. Busque
(Beauce-Sud), Mme Sauvé (Fabre), Mme Melançon (Verdun).
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Que les députés contre cette
motion veuillent bien se lever.
• (14
heures) •
La
Secrétaire adjointe : M. Bérubé (Matane-Matapédia),
Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Maltais (Taschereau),
Mme Lamarre (Taillon), M. Bergeron (Verchères), M. Leclair (Beauharnois),
M. Rochon (Richelieu), Mme Poirier
(Hochelaga-Maisonneuve), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Gaudreault
(Jonquière), M. Pagé (Labelle), M. Cousineau
(Bertrand), M. Bourcier (Saint-Jérôme), Mme Jean (Chicoutimi),
M. Ouellet (René-Lévesque), M. Kotto (Bourget),
M. Turcotte (Saint-Jean), M. Roy (Bonaventure).
M. Legault
(L'Assomption), M. Bonnardel (Granby), M. Caire (La Peltrie),
M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy
(Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Laframboise (Blainville),
M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Lefebvre
(Arthabaska), M. Lemay (Masson), Mme Lavallée (Repentigny),
Mme D'Amours (Mirabel), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis
(Lévis), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Jolin-Barrette
(Borduas).
M. Khadir
(Mercier), Mme Ouellet (Vachon), M. Surprenant (Groulx).
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Y a-t-il des abstentions? Sinon,
pour le résultat du vote, Mme la secrétaire générale.
La
Secrétaire : Pour : 52
Contre : 38
Abstentions :
0
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, la motion est adoptée, et, en conséquence, le projet de loi est
adopté.
Ajournement
L'Assemblée ayant
terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été convoquée, j'ajourne les
travaux au mardi 14 mars 2017, à 13 h 40.
(Fin de la séance
à 14 h 1)