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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le lundi 27 février 2017 - Séance extraordinaire

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Déplorer le recours à une procédure législative d'exception pour présenter et adopter un projet
de loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement
et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention
collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques

M. Marc Bourcier

Rendre hommage aux petits Tigres de Victoriaville, gagnants du Tournoi international
de hockey pee-wee de Québec, classe AA Élites

M. Éric Lefebvre

Déplorer le recours à une procédure législative d'exception pour présenter et adopter un projet
de loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement
et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention
collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques
Erreur ! Signet non défini.

M. Alain Therrien

Déplorer le recours à une procédure législative d'exception pour présenter et adopter un projet
de loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement
et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention
collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques
Erreur ! Signet non défini.

Mme Agnès Maltais

Dépôt d'une lettre du premier ministre demandant que l'Assemblée se réunisse en séances
extraordinaires


Dépôt de documents

Lettre du Commissaire à l'éthique et à la déontologie, M. Jacques Saint-Laurent, informant
de sa décision de cesser d'exercer ses fonctions le 30 septembre 2017


Dépôt de pétitions

Tenir une commission parlementaire pour étudier le projet de réseau électrique métropolitain

Questions et réponses orales

Négociations avec les juristes de l'État

Mme Nicole Léger

M. Pierre Moreau

Mme Nicole Léger

M. Pierre Moreau

Mme Nicole Léger

M. Pierre Moreau

Statut des juristes de l'État

M. Alexandre Cloutier

Mme Stéphanie Vallée

M. Alexandre Cloutier

Mme Stéphanie Vallée

M. Alexandre Cloutier

M. Pierre Moreau

Enquête sur le Service de police de la ville de Montréal

M. Pascal Bérubé

M. Martin Coiteux

M. Pascal Bérubé

M. Martin Coiteux

M. Pascal Bérubé

M. Martin Coiteux

Rémunération des juristes de l'État

M. François Legault

M. Philippe Couillard

M. François Legault

M. Philippe Couillard

M. François Legault

M. Philippe Couillard

Conséquences de la grève des juristes de l'État

M. Simon Jolin-Barrette

M. Pierre Moreau

M. Simon Jolin-Barrette

M. Pierre Moreau

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Stéphanie Vallée

Dépôt du plan d'action sur l'autisme

M. Dave Turcotte

Mme Lucie Charlebois

M. Dave Turcotte

Mme Lucie Charlebois

M. Dave Turcotte

Mme Lucie Charlebois

Cadre de négociation avec les juristes de l'État

Mme Martine Ouellet

M. Pierre Moreau

Mme Martine Ouellet

M. Pierre Moreau

Mme Martine Ouellet

M. Pierre Moreau

Processus d'enquête sur le Service de police de la ville de Montréal

M. André Spénard

M. Martin Coiteux

M. André Spénard

M. Martin Coiteux

M. André Spénard

M. Martin Coiteux

Comité de rémunération indépendant pour les juristes de l'État

Mme Nicole Léger

M. Pierre Moreau

Mme Nicole Léger

M. Pierre Moreau

M. Alexandre Cloutier

M. Pierre Moreau

Contrat attribué par Loto-Québec au chef Joël Robuchon pour le Casino de Montréal

M. François Bonnardel

M. Carlos J. Leitão

Motions sans préavis

Déterminer le cadre temporel des séances extraordinaires

Établir la procédure législative d'exception en vue de procéder à la présentation et aux autres
étapes de l'étude du projet de loi n° 127 — Loi assurant la continuité de la prestation des
services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation
ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la
prestation de ces services juridiques

Débat restreint sur le motif de la convocation en séances extraordinaires et sur les
motions fixant le cadre temporel et la procédure d'exception

M. Pierre Moreau

M. Pascal Bérubé

M. François Bonnardel

Mme Stéphanie Vallée

Mme Nicole Léger

Mme Manon Massé

M. Simon Jolin-Barrette

M. Ghislain Bolduc

Mme Martine Ouellet

M. Marc Tanguay

M. Sylvain Rochon

Mise aux voix de la motion proposant de déterminer le cadre temporel des séances
extraordinaires

Mise aux voix de la motion proposant d'établir la procédure législative d'exception en vue
de procéder à la présentation et aux autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127 — Loi
assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et
permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention
collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques


Affaires du jour

Projet de loi n° 127 — Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein
du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que
le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la
prestation de ces services juridiques

Présentation

M. Pierre Moreau

Mise aux voix

Adoption du principe

M. Pierre Moreau

M. Alexandre Cloutier

M. Ghislain Bolduc

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Martine Ouellet

M. Jean Boucher

Mme Nicole Léger

M. Amir Khadir

M. Richard Merlini

M. Marc Picard

Document déposé

M. Michel Matte

M. Sylvain Gaudreault

Mme Stéphanie Vallée

M. Éric Caire

M. Robert Poëti

M. Sylvain Rochon

M. Jean Habel

M. Martin Ouellet

M. André Fortin

M. Jean-Denis Girard

Mise aux voix

Commission plénière

Remarques préliminaires

M. Pierre Moreau

Mme Nicole Léger

M. Simon Jolin-Barrette

Étude détaillée

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et
des amendements transmis

M. Robert Poëti

M. Marc Bourcier

M. Éric Caire

M. Ghislain Bolduc

Mme Nicole Léger

M. Amir Khadir

M. Marc Tanguay

Mise aux voix de l'amendement du ministre

Mise aux voix des amendements de la députée de Pointe-aux-Trembles

Mise aux voix des amendements du député de Borduas

Mise aux voix des articles non adoptés par la commission

Mise aux voix de l'annexe

Mise aux voix des intitulés

Mise aux voix du titre

Mise aux voix de la motion de renumérotation

Mise aux voix de la motion d'ajustement des références

Mise aux voix du rapport amendé

Adoption

M. Pierre Moreau

Mme Nicole Léger

M. Simon Jolin-Barrette

M. Claude Surprenant

Mme Martine Ouellet

M. Amir Khadir

M. Alexandre Cloutier

M. Robert Poëti

Mise aux voix

Ajournement

Journal des débats

(Dix-sept heures)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, bon lundi à tous et toutes. Vous pouvez prendre place.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Nous allons débuter nos travaux avec la rubrique des déclarations de députés. Et, sans plus tarder, je vais céder la parole à M. le député de Saint-Jérôme.

Déplorer le recours à une procédure législative d'exception pour présenter et adopter
un projet de loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au
sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi
que le renouvellement de la convention collective des salariés
assurant la prestation de ces services juridiques

M. Marc Bourcier

M. Bourcier : Mme la Présidente, on a un ministre libéral qui a visiblement passé plus de temps à rédiger sa loi spéciale qu'à négocier. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement libéral impose ses conditions au mépris du principe de base en relation de travail : la négociation. Ce gouvernement libéral qui, en 2011, a forcé le retour au travail de centaines de procureurs et de juristes, ce gouvernement libéral qui a rompu des contrats signés pour couper la retraite de milliers de travailleurs, il y a de quoi être inquiet, car ce gouvernement libéral, qui aime tellement imposer des conditions de travail et priver les travailleurs de leurs droits, veut maintenant modifier la Loi sur les normes du travail. Les millions de travailleurs du Québec sont inquiets que le gouvernement libéral leur retire des droits acquis après des décennies de lutte. Il faut les arrêter. En 2018, la population jugera. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. Maintenant, je vais céder la parole à M. le député d'Arthabaska.

Rendre hommage aux petits Tigres de Victoriaville, gagnants du Tournoi
international de hockey pee-wee de Québec, classe AA Élites

M. Éric Lefebvre

M. Lefebvre : Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, je rends hommage aux petits Tigres de Victoriaville qui ont remporté la finale de la classe AA Élites du 58e Tournoi international de hockey pee-wee de Québec. Les petits Tigres ont remporté une victoire de 3 à 2 en prolongation sur les petits Saguenéens de Chicoutimi sur un but de Jason Desruisseaux en période supplémentaire. Je veux féliciter chaleureusement l'entraîneur-chef Félix Bergeron, les joueurs pour ce bel exploit.

Les Tigres sont demeurés invaincus en six sorties lors du tournoi. Après avoir vaincu Chicoutimi au lever de rideau, ils ont eu le dessus sur Lac-Saint-Louis, séminaire Saint-François, le Maryland, les petits Blue Jackets de Columbus. La catégorie AA Élites regroupait pas moins de 28 équipes. Cette année, c'étaient les Cascades Élites pee-wee AAA qui représentaient les petits Tigres, une équipe formée de joueurs de la région de Victoriaville, mais également de la région de Drummondville, de mon collègue Sébastien Schneeberger. Je leur souhaite une bonne fin de saison. Je les invite à poursuivre dans leur succès et de continuer à faire rayonner la région et d'être des ambassadeurs de saines habitudes de vie. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le député d'Arthabaska. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Sanguinet pour sa déclaration d'aujourd'hui.

Déplorer le recours à une procédure législative d'exception pour présenter et adopter
un projet de loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au
sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi
que le renouvellement de la convention collective des salariés
assurant la prestation de ces services juridiques

M. Alain Therrien

M. Therrien : Mme la Présidente, chers collègues, ça fait maintenant 18 semaines que le gouvernement libéral fait semblant de négocier avec les juristes. Jamais, au cours de ces longs mois, le gouvernement n'a négocié de bonne foi. Une entente négociée est toujours mieux qu'une entente imposée. Tout ce qu'on demande depuis 18 semaines, Mme la Présidente, c'est une négociation de bonne foi. Les faits alternatifs concernant les offres proposées, qui se sont avérées inférieures à celles du front commun, en disent long sur ce gouvernement. On s'en rend compte aujourd'hui, Mme la Présidente, l'intention du ministre et de son prédécesseur a toujours été d'imposer et non pas de négocier. L'intransigeance libérale à son paroxysme, Mme la Présidente. La marque de commerce de ce gouvernement, c'est ça : couper, imposer, bâillonner. L'histoire du Québec se rappellera de ce gouvernement, un gouvernement de lois spéciales, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Mme la Présidente, le 25 janvier dernier...

Une voix : ...

Mme Maltais : Excusez-moi, là!

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Un instant! Je vais attendre que ce soit un peu plus calme avant de céder la parole à qui que ce soit. Alors, il y a une seule personne qui a la parole en ce moment et c'est Mme la députée de Taschereau pour sa déclaration d'aujourd'hui.

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Un instant! Alors, une question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Tanguay : Oui, Mme la Présidente. Vous connaissez mieux que moi l'article 32, le décorum. Je vous prierais de rappeler à l'ordre notre collègue de Sanguinet, qui hurlait il n'y a pas...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : C'est très bien. Alors là, on ne commencera pas déjà à faire des... Il y a une personne...

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : C'est moi qui décide. Alors, vous allez vous asseoir.

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Non, je vais reconnaître la personne...

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : La soirée va être longue, là, je pense.

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je ne lui ai pas permis de terminer son intervention. Il y a une personne qui a la parole ici. Nous en sommes à la rubrique des déclarations de députés. Je vais demander à Mme la députée de Taschereau de nous faire sa déclaration et je voudrais certainement demander la collaboration de tout le monde, les deux leaders et tous les membres de cette Assemblée. Mme la députée.

Déplorer le recours à une procédure législative d'exception pour présenter et adopter
un projet de loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au
sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi
que le renouvellement de la convention collective des salariés
assurant la prestation de ces services juridiques

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais : Le 25 janvier dernier, le président du Conseil du trésor déclarait, et je le cite : «Je n'ai pas dans mes cartons l'ombre d'une pensée de demander la rédaction d'une loi spéciale parce que ce n'est pas la nature des relations qu'on veut établir entre les juristes et le gouvernement.» Qu'est-ce qu'on peut en rire aujourd'hui! Le nouveau ministre se       Aujourd'hui, nous avons la preuve, c'était de la poudre aux yeux. Le président du Conseil du trésor n'a jamais voulu négocier. Encore vendredi, il prétendait que son offre finale n'était pas un ultimatum, et le lendemain il demandait une loi spéciale. En 2005, les juristes sont rentrés sur une loi spéciale; en 2011, les juristes sont rentrés sur une loi spéciale, et on leur promettait un comité de négociation; aujourd'hui, on veut les faire rentrer en leur repromettant un comité de négociation qui n'a jamais eu lieu. Laissez les poignées sur les valises, pas dans notre dos, pas dans celui des juristes de l'État.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, ceci met fin à la rubrique des déclarations de députés, et je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

(Reprise à 17 h 11)

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, chers collègues, nous allons nous recueillir quelques instants.

Alors, je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Dépôt d'une lettre du premier ministre demandant que
l'Assemblée se réunisse en séances extraordinaires

Avant de poursuivre les affaires courantes, je vous rappelle que nous sommes réunis à la suite de la lettre qu'a adressée au président de l'Assemblée nationale M. le premier ministre lui demandant de prendre les dispositions nécessaires pour que l'Assemblée se réunisse en séances extraordinaires à compter de 17 heures, ce 27 février 2017, selon le calendrier et l'horaire qui seront déterminés par l'Assemblée, afin de permettre la présentation d'un projet de loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques ainsi que de procéder à toutes les étapes de son étude. Alors, je dépose cette lettre.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

Lettre du Commissaire à l'éthique et à la déontologie,
M. Jacques Saint-Laurent, informant de sa décision de
cesser d'exercer ses fonctions le 30 septembre 2017

À la rubrique de documents, je dépose une lettre qu'a reçue le président de l'Assemblée nationale de la part du Commissaire à l'éthique et à la déontologie, Me Jacques Saint-Laurent, l'informant de sa décision de cesser d'exercer ses fonctions le 30 septembre 2017 advenant qu'il ne soit pas remplacé d'ici là.

Alors, il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions

À la rubrique des pétitions, j'ai reçu une demande de Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour la présentation d'une pétition non conforme. Alors, y a-t-il consentement pour la présentation de cette pétition? Consentement. Mme la députée.

Tenir une commission parlementaire pour étudier le
projet de réseau électrique métropolitain

Mme Massé : Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 113 pétitionnaires, qui s'ajoute aux 1 000... que j'ai déposée dernièrement. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant la volonté des gouvernements d'investir massivement dans un projet visant à améliorer le transport collectif pour la Communauté métropolitaine de Montréal;

«Considérant que la Caisse de dépôt et placement du Québec Infra demande une subvention des gouvernements de 2,5 milliards pour son projet de réseau électrique métropolitain sans avoir élaboré son modèle de financement en tenant compte de la tarification;

«Considérant que le tracé proposé favorise l'étalement urbain sur des terres agricoles, des forêts et des milieux humides et ne contribue pas à la revitalisation des importantes friches industrielles de la Communauté métropolitaine de Montréal;

«Considérant que les impacts du projet de loi de la Caisse de dépôt et placement Infra sur les infrastructures existantes et les services actuels de transport collectif n'ont pas été évalués et présentés avec transparence;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement du Québec de différer le mandat du BAPE et de mettre sur pied une commission parlementaire afin d'évaluer le projet de la Caisse de dépôt et de placement Infra et de démontrer, avant d'aller de l'avant, que :

«L'investissement gouvernemental prévu vise à répondre à un besoin actuel du réseau de transport collectif et constitue une priorité pour l'ensemble de la région et comblera les besoins du plus grand nombre d'usagers;

«[Deux,] le système sera complémentaire aux réseaux existants et ne diminuera pas l'utilisation du transport collectif dans des secteurs non desservis par le REM, mais actuellement desservis par les réseaux existants;

«Le projet contribuera de manière importante à une réduction des gaz à effet de serre.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Cet extrait de pétition est déposé.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Négociations avec les juristes de l'État

Mme Nicole Léger

Mme Léger : M. le Président, le nouveau président du Conseil du trésor a été nommé en janvier, et sa priorité était de faire sortir de l'impasse le conflit de travail avec les juristes de l'État. Son premier test a échoué. Pas de sauveur. Il n'y a pas d'entente négociée, il impose une loi spéciale et il brise le climat de confiance avec les juristes.

Le ministre va me dire que le gouvernement a fait cinq offres aux juristes de l'État. Pourtant, il sait fort bien que la plupart de ces offres étaient les mêmes offres, mais patentées différemment. Lorsque je lui ai demandé de déposer publiquement sa proposition, il a fait un briefing technique pour nous endormir, et cela n'a pas fonctionné. Opération de relations publiques manquée. Aujourd'hui, le ministre plaide l'intransigeance des juristes, alors que c'est plutôt lui qui préfère passer en force une loi spéciale et mettre fin aux négociations. Après les avoir laissés dans le froid pendant 19 semaines, il a choisi le mépris avec une loi spéciale.

Le ministre est-il capable de retarder la loi spéciale, de recourir à la médiation et de trouver une solution négociée, tel que demandé par le Barreau et la Chambre des notaires?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Alors, M. le Président, je regrette que la députée de Pointe-aux-Trembles se soit endormie pendant le briefing technique. L'idée n'était pas celle-là, l'idée était de faire preuve de transparence et d'indiquer clairement quelles étaient les offres qui étaient présentées par le gouvernement.

M. le Président, effectivement, j'ai été assermenté au Conseil du trésor le 16 janvier. Le premier ministre m'a demandé de faire tous les efforts dans la négociation pour régler ce conflit de travail. M. le Président, j'ai ici un tableau qui indique quelles sont les étapes qui ont été suivies dans cette négociation. De février 2015 à février 2017, M. le Président, nous avons augmenté constamment l'offre salariale faite aux juristes de l'État, et la ligne verte, ici, représente les procureurs. J'ai été assermenté le 16 janvier 2017. Le 24 janvier, la proposition salariale était supérieure à la situation des procureurs, et à l'offre finale elle est bonifiée pour un écart positif en faveur des procureurs de 355 $. La demande de LANEQ se situe à...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Moreau : ...119 838 $, M. le Président. C'est bien plus que la parité avec les procureurs.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Première complémentaire, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Le ministre nous parle toujours des questions monétaires seulement. En 12 ans, trois lois spéciales, ça prouve que quelque chose ne marche pas. Jamais vous ne parlez de leur régime de négociation, vous ne les avez pas écoutés. Qu'est-ce que le ministre va dire entre autres à Julie, Paul, Éric et Nathalie, qui vous écoutent attentivement aujourd'hui dans les tribunes, entre autres, mais que vous allez faire rentrer avec une loi spéciale?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : M. le Président, pour le texte de la loi spéciale, on en discutera lorsqu'elle sera déposée. Ce que j'ai indiqué depuis le début de mon mandat au Conseil du trésor, c'est que le premier choix du gouvernement était d'en arriver à une entente négociée. C'est ce que nous avons fait, nous nous sommes constamment présentés à la table de négociation, et même lors de rencontres demandées par LANEQ, à laquelle eux-mêmes ne se sont pas présentés.

Il y a une négociation qui est en cours depuis 4 heures cet après-midi. Vous savez quoi? Parce que nous sommes en mode de négociation, et les négociations, ça rapporte. Hier, dans la nuit, nous nous sommes entendus avec un groupe de travailleurs du gouvernement du Québec...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Moreau : ...qui assure la sécurité dans les prisons. On est en mode négociation pour tout le monde, incluant pour les juristes.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En deuxième complémentaire, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Nous nous sommes entendus... pourtant, ce que j'ai entendu, c'est une loi spéciale tout à l'heure.

J'ai une question pour le premier ministre. Les juristes de l'État ont tenté à deux reprises de contacter votre directeur de cabinet. À chaque fois, Jean-Louis Dufresne leur a dit qu'il allait les rappeler. Il n'a jamais rappelé. Est-ce que c'est ça de tenter de trouver une sortie de crise de bonne foi et d'avoir du respect pour vos juristes : ne pas parler au monde et imposer une loi spéciale?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Le préambule des questions de la députée de Pointe-aux-Trembles, là, c'est une histoire qui ne correspond pas à la réalité. Ne pas discuter avec les gens? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, je vous indique simplement que j'ai rencontré le président de LANEQ... M. le Président, j'indique à la députée de Pointe-aux-Trembles que j'ai rencontré le président de LANEQ trois fois, à sa demande, qu'il y a eu des négociations depuis deux ans, qu'il y a eu six offres de déposées par le gouvernement. Vous pouvez bien dire, dans un préambule, qu'on ne leur parle pas : la réalité est tout autre. Vous pouvez bien dire, dans vos préambules, que l'on a du mépris : ce que nous avons fait au plan salarial, c'est de déposer ce qu'ils nous ont demandé.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Moreau : On n'a toujours pas de règlement. Et, sur leur statut, on a repris leur vocabulaire.

• (17 h 20) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En principale, M. le député de Lac-Saint-Jean.

Statut des juristes de l'État

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier : M. le Président, crise après crise au ministère de la Justice et c'est toujours la même action de la ministre de la Justice : de l'inaction, de la passivité et carrément de la résignation sur des enjeux qui, pourtant, sont fondamentaux. Cet automne, c'était la crise des délais en matière criminelle et ça va avoir pris une sortie sans précédent de la magistrature pour finalement avoir un début de réponse. La semaine dernière, on apprenait qu'elle était mise sous tutelle. Et, dans la plus longue grève des employés de l'État de l'histoire du Québec, la grève des juristes, sous la responsabilité de la ministre de la Justice : silence radio, M. le Président, absence complète du débat.

Pourtant, M. le Président, les juristes comptaient sur elle pour les défendre, pour les représenter et pour qu'on reconnaisse la valeur de leur travail. Alors, est-ce qu'on peut enfin connaître l'opinion de la ministre de la Justice, elle qui a été muette durant les 18 derniers mois?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la ministre de la Justice.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : M. le Président, je ne commenterai pas les insultes du collègue, parce que, de l'autre côté, c'est ce qu'on tente de faire : apporter ce dossier-là et le faire sous le volet des insultes. M. le Président, comme ministre de la Justice, j'ai annoncé 175,2 millions pour débloquer la crise en matière criminelle et pénale, une annonce sans précédent, M. le Président. Et, de l'autre côté, qu'on nous fasse la morale, bien, moi, ça me permet simplement de mettre en lumière tous les efforts qui ont été consentis au cours des derniers mois, au cours des dernières années pour en arriver à des règlements concrets pour améliorer le système de justice au bénéfice des contribuables du Québec.

Et, pour ce qui est de l'actuel dossier qui nous amène ici aujourd'hui, M. le Président, je peux vous garantir avoir le plus profond respect pour l'ensemble des juristes de l'État. Ça, je peux vous le garantir. Mais, ceci étant dit, les négociations menées par notre collègue sont menées avec respect, sont menées dans un souci de bien assurer que les juristes auront un règlement qui sera propre...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

Mme Vallée : ...à leur statut.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Première complémentaire, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier : M. le Président, ce qui nous intéresse de la ministre de la Justice, M. le Président, c'est son opinion sur le conflit actuel. La Cour suprême nous a clairement indiqué que les procureurs en matière civile, criminelle ou pénale, ils devaient être indépendants. Son ancien collègue Benoît Pelletier a émis un avis juridique qui va exactement dans le même sens. Le Pr Garant, professeur de droit public, nous dit exactement la même chose.

Est-ce qu'on peut connaître l'opinion de la ministre de la Justice?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la ministre de la Justice.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : M. le Président, ce qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est l'effet de cette grève des juristes pour l'ensemble du système de justice et pour également l'ensemble du fonctionnement de notre gouvernement. M. le Président, nous avons respecté le droit de grève de nos juristes, ce droit de grève qui est exercé depuis près de quatre mois. Ce droit de grève, M. le Président, il n'est pas sans conséquence non seulement pour le gouvernement, mais pour les citoyens, pour des contribuables, pour des gens qui sont en attente de décisions devant le Tribunal administratif du Québec...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

Mme Vallée : ...de décisions devant la Cour du Québec. Ça, c'est un enjeu sur lequel on doit se...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En deuxième complémentaire, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier : M. le Président, je n'en reviens pas. La ministre prétend qu'on respecte le droit de grève. C'est la troisième loi spéciale pour exactement le même enjeu. M. le Président, la raison pour laquelle ça ne se règle pas sur les négociations salariales, c'est parce que le vrai enjeu, ils veulent être reconnus comme indépendants, reconnus par la Cour suprême, reconnus comme Benoît Pelletier puis reconnus comme Patrice Garant.

Ce qu'on veut savoir, c'est la réponse de la ministre de la Justice. Est-ce qu'elle partage les interprétations, les indications de la Cour suprême?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Peut-être veulent-ils être reconnus comme Patrice Garant ou comme Benoît Pelleter, la réalité est tout autre. Nous sommes d'avis... Et je n'ai pas entendu, ce matin, la députée de Pointe-aux-Trembles, la question lui a été posée : Est-ce que, si vous étiez au gouvernement, vous donneriez ce statut? Elle a habilement patiné. C'était une... Tu sais, elle n'a pas répondu à la question.

Ce que nous, on fait, bien qu'on soit en désaccord sur le statut d'indépendance, on est prêts à mettre en place un comité indépendant qui va statuer sur cette question-là. Ça, on est capables de faire ça. Et le texte que nous avons soumis, c'est le vocabulaire utilisé par les juristes eux-mêmes et par Me Denis. Alors, expliquez-moi pourquoi...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Moreau : ...il n'y a pas d'entente sur cet aspect-là des choses parce qu'en ce qui me concerne, ce qu'on a mis sur la table, en grande partie...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En principale, M. le leader de l'opposition officielle.

Enquête sur le Service de police de la ville de Montréal

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : M. le Président, résumé des épisodes précédents. Mardi dernier, d'ex-enquêteurs du SPVM allèguent la fabrication de preuves. C'est très grave. Le patron du SPVM appelle celui de la SQ, ils conviennent ensemble d'une vérification. Le ministre applaudit, trouve que ça a bien du sens. Le lendemain, il nous dit que le Bureau des enquêtes indépendantes, il ne peut pas intervenir là-dessus, il n'a pas le pouvoir de le faire. Pourtant, il y a l'article 289.6. Ensuite, il y a un sondage qui nous montre que 80 % et plus de la population croient que ça prend une enquête indépendante, et là le ministre bouge.

Et là il décide, un vendredi après-midi, de prendre une décision puis de dire : Écoutez, on va ajouter plus de policiers pour enquêter sur plus de policiers, une pratique qu'on croyait révolue. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il croit qu'il est à la hauteur de la situation en perpétuant un système où la police enquête sur la police?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Martin Coiteux

M. Coiteux : Bien, M. le Président, je vais remercier mon critique de l'opposition officielle de me poser la question parce que c'est l'occasion de réitérer les gestes qui ont été posés vendredi dernier.

Alors, vendredi dernier, j'ai annoncé deux choses en particulier — puis il y a d'autres choses, donc il y aura des questions complémentaires, sans doute — mais, en particulier, j'ai annoncé qu'il y avait une amplification de l'enquête de nature criminelle. On a maintenant pas moins de 14 enquêteurs qui seront choisis pour n'avoir absolument aucun lien avec l'objet de leurs enquêtes. Ces enquêteurs, ces 14 enquêteurs, seront dirigés notamment par Me Madeleine Giauque, qui est directrice du BEI, et, d'autre part, en même temps, j'envoie quelqu'un directement à l'intérieur du SPVM, un commissaire enquêteur à l'intérieur du SPVM, qui va pouvoir faire toute la lumière sur ce qui se passe avec le module des enquêtes indépendantes à l'intérieur... des enquêtes internes, pardon, à l'intérieur du SPVM, et j'ai demandé aussi un rapport au chef de police de Montréal. Alors, on a là des outils qui vont nous permettre de savoir exactement ce qui se passe et, s'il y a des suites, il y aura des suites par la suite.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Première complémentaire, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : J'espère qu'il y aura des suites.

On se souviendra que l'actuel ministre du Conseil du trésor, qui a été ministre de la Sécurité publique, qui, en plus d'avoir retardé de plusieurs mois la mise en place du BEI, avait bloqué la candidature de trois civils aux postes d'enquêteurs, il disait préférer que les enquêteurs soient des agents de la SQ, même si la direction du Bureau des enquêtes indépendantes demandait qu'il y ait parité avec les civils. Il faut croire que ce gouvernement avait un malaise avec le BEI.

Pourquoi le ministre refuse-t-il de mettre en place une véritable enquête indépendante comme le demande la population? La vérité a ses droits. Le ministre souhaite-t-il l'obtenir?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Martin Coiteux

M. Coiteux : La réalité des faits, c'est qu'on a mis sur pied le Bureau des enquêtes indépendantes qu'on a doté en effectifs spécialisés. Des gens ont été recrutés pour leurs qualités, pour la qualité de leur dossier. Et les gens ont été formés. On a utilisé aussi les pouvoirs qui sont conférés par la loi pour étendre le mandat des enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes aux cas d'agressions sexuelles. On a fait exactement ce qui était prévu. Maintenant, la réalité des choses, M. le Président, c'est qu'il y a 22 enquêteurs au Bureau des enquêtes indépendantes. 12 d'entre eux sont d'anciens policiers, 10 sont des civils. C'est la réalité aujourd'hui. Et ils font pratiquement une enquête par semaine. Alors, à court terme...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Coiteux : ...les empêcher de faire ce pour quoi le bureau a été constitué pour les allouer...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Deuxième complémentaire, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Bien, il aura fallu un sondage pour faire bouger le ministre, M. le Président. Il aura fallu un sondage qui démontre le cynisme de la population à l'égard de ce qui se passe au SPVM.

On a un outil que s'appelle le Bureau des enquêtes indépendantes. Est-ce que le ministre a l'intention de lui donner davantage de moyens, davantage de pouvoirs pour ne plus jamais que des policiers enquêtent sur des policiers, une pratique qu'on croyait révolue au Québec, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Martin Coiteux

M. Coiteux : Simplement, M. le Président, non, le gouvernement n'agit pas en raison des sondages, et encore moins les sondages d'un seul matin, n'est-ce pas? Il y a eu un sondage dans le Journal de Montréal. La décision que j'ai annoncée vendredi après-midi, elle était prise le jeudi soir. Et, non, je n'avais pas d'information privilégiée du Journal de Montréal à l'effet du sondage le lendemain. Ce qu'on a fait vendredi, c'est prendre les moyens qui me sont conférés par la loi en tant que ministre de la Sécurité publique pour faire face à une situation où un nombre plus grand d'allégations de crimes potentiels graves pourrait avoir été commis. Alors, on a amplifié la quantité d'enquêteurs pour l'enquête criminelle et on a envoyé quelqu'un à l'intérieur du SPVM pour faire toute la lumière.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Coiteux : C'est ça qu'on a fait. On assume nos responsabilités.

• (17 h 30) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En principale, M. le chef de la deuxième opposition.

Rémunération des juristes de l'État

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, les juristes de l'État sont en grève depuis quatre mois. Depuis quatre mois, combien de fois le premier ministre les a rencontrés et a rencontré leurs représentants? Aucune fois. Quel manque de leadership! Quelle nonchalance! M. le Président, c'est un dossier qui aurait pu être réglé. Imaginez-vous, les juristes demandent d'avoir la même rémunération que les procureurs. Puis le gouvernement dit qu'il leur offre la même rémunération que les procureurs. Eux disent que ce n'est pas vrai.

Comment ça se fait qu'en quatre mois le premier ministre ne s'est pas impliqué, n'a pas trouvé une façon de mettre en place un comité indépendant pour savoir qui dit vrai? Est-ce qu'il peut nous dire, là, pourquoi ça ne l'intéresse pas, ce dossier-là? Pourquoi qu'il n'a pas rencontré les représentants des juristes depuis quatre mois? Pourquoi il veut les forcer de rentrer au travail? Il peut-u s'imaginer le climat de travail, le gâchis qu'il est en train de faire?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, je veux saluer la vigueur nouvelle du collègue pour le mouvement syndical. Je pense que tout le monde aura remarqué ça. Je le félicite. C'est bien. C'est également sa première question sur le sujet. Bien sûr, aujourd'hui, c'est dans les nouvelles. Quand c'est dans les nouvelles, la CAQ se lève. Ça, on peut être garantis que c'est une prédiction qui se réalise toujours.

Maintenant, je veux lui dire quelque chose de très clair. D'abord, quand on a une équipe, hein, une équipe, je ne sais pas s'il connaît c'est quoi, une équipe, quand on a une équipe, les gens qui composent l'équipe sont compétents et sont capables de prendre en main les mandats qui leur sont confiés avec toute la compétence requise.

Deuxièmement, cette négociation a été bien menée puis elle a été menée de bonne foi. On l'a dit tantôt, la rémunération, aujourd'hui même et depuis quelques semaines déjà, dépasse celle accordée aux procureurs de la couronne. Donc, cet enjeu-là, il est réglé. Les procureurs auraient dû, selon moi, rentrer au travail déjà depuis quelques semaines.

L'autre enjeu, qui consisterait à sous-traiter à des tiers la rémunération des employés de l'État, je ne sais pas ce qu'en pense le collègue, il pourra peut-être s'exprimer là-dessus, mais on ne pense pas, nous, que ce sont des tiers qui devraient prendre en main la rémunération de l'État. Je pense que l'État ici montre qu'il a réglé avec 450 000 personnes du secteur public, encore un groupe la nuit dernière. Je pense que toutes les conditions sont réunies depuis plusieurs semaines pour avoir un règlement dans ce dossier-là.

La bonne nouvelle, c'est qu'alors qu'on est ici les négociations se poursuivent, et je souhaite qu'elles réussissent.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En première complémentaire, M. le chef de la deuxième opposition.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, les procureurs de la couronne ont un comité d'évaluation de leurs conditions de travail qui fait des recommandations au gouvernement. Le gouvernement peut les accepter, les refuser, les modifier. Ce matin ou ce midi, j'ai rencontré les représentants des juristes. Ils seraient prêts à accepter la même chose que les procureurs.

Pourquoi le premier ministre n'est pas d'accord pour leur donner le même comité d'évaluation que les procureurs?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : ...nous ne pensons que la situation soit la même et soit comparable, M. le Président, d'une part. D'autre part, on a proposé, d'ailleurs, dans nos dernières offres, on a proposé de mettre en place un comité bien formé avec des gens indépendants qui discuteraient du statut professionnel des juristes de l'État, qui sont des gens que je connais et que je respecte énormément. Là aussi, on pourrait être au travail. Au lieu d'être en grève pas de salaire depuis des semaines, là, les juristes pourraient être au travail actuellement avec nous pour régler cette question ou faire avancer cette question de leur statut professionnel. Mais encore une fois il va falloir que notre collègue soit un peu plus précis. Est-ce qu'il pense qu'il faudrait payer les juristes plus que les procureurs de la couronne? Est-ce qu'il pense qu'il faudrait sous-traiter la rémunération des employés de l'État à des tiers?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En deuxième complémentaire, M. le chef de la deuxième opposition.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, le premier ministre ne comprend pas le dossier. Ce n'est pas un dossier d'argent. M. le Président, il n'a pas donné un argument, là. Pourquoi les procureurs de la couronne ont le droit à un comité d'évaluation? Ce n'est pas exécutoire. Quand le premier ministre reçoit le rapport, il peut l'accepter, il peut le refuser, il peut le modifier.

Il peut-u nous donner un argument pourquoi il est en désaccord avec ça?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : ...ou heureusement, le collègue n'est pas le porte-parole syndical. Donc, on aura ces conversations actuellement à la table de négociation et on a déjà été très ouverts à former un comité de travail formé avec des gens indépendants pour nous éclairer sur cette question. Nous sommes convaincus — on peut être en désaccord avec nous — nous sommes convaincus qu'il existe une différence fondamentale entre les procureurs de la couronne et les juges, qui sont le bras judiciaire du gouvernement, et les juristes de l'État, qui ont une grande compétence et une expertise que j'ai moi-même appréciées au cours de ma carrière politique, et je leur en suis reconnaissant, mais ce n'est pas la même chose. C'est notre position. Il peut ne pas être d'accord, mais c'est notre position. Maintenant, on est d'accord, nous, pour quelque chose, cependant. On a rempli la demande des juristes pour la rémunération, c'est fait depuis longtemps déjà.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Couillard : On est prêts à remplir également l'autre, mais il faut s'asseoir pour en parler.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En principale, M. le député de Borduas.

Conséquences de la grève des juristes de l'État

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le premier ministre aurait peut-être intérêt à aller passer un peu quelques jours dans les palais de justice pour voir le travail des juristes de l'État, qui sont au palais de justice également.

M. le Président, le conflit de travail qui oppose le gouvernement aux avocats et aux notaires de l'État a des conséquences désastreuses sur la conduite de l'État au cours des 18 dernières semaines. Depuis le début de la grève, le 24 octobre dernier, le gouvernement a octroyé des contrats totalisant 868 millions sans les précieux conseils de ses juristes. Parmi ces ententes, 400 ont été conclues sans appel d'offres, donc de gré à gré, ce qui représente 214 millions de dollars. Comment le gouvernement peut-il être certain que ces contrats, ces ententes ont été donnés à juste prix? Parce que ce sont les Québécois qui vont payer. Le prochain budget est aussi touché par la mauvaise gestion du Conseil du trésor. Deux cadres remplacent la dizaine de fiscalistes appelés à travailler sur le budget. Il y a des conséquences également pour les citoyens qui veulent être indemnisés par l'IVAC, par la SAAQ.

M. le Président, le président du Conseil du trésor est-il conscient de son échec à trouver une solution?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Bien, écoutez, le député de Borduas peut bien essayer de personnaliser le débat, moi, je ne le ferai pas. Ça ne m'intéresse pas. Ce n'est pas ça, le débat. Le débat, c'est de savoir : Est-ce qu'on a du respect pour les juristes de l'État? La réponse, c'est oui. Est-ce que ces gens-là font un travail important? La réponse, c'est oui. Vous êtes allé dans les palais de justice? J'y suis allé pendant 22 ans et je sais très bien que les plaideurs au niveau civil, et vous devriez le savoir, ne peuvent pas régler un dossier sans l'accord de leur client. Dans le cas des juristes de l'État et des plaideurs, le client, c'est le gouvernement, que ça vous plaise ou non, M. le député de Borduas. Donc, M. le Président, ce que l'on estime, c'est que le statut des juristes de l'État est un statut qui les inscrit dans une relation avocat-client. Ça ne fait pas d'eux de moins bons avocats que les procureurs de la couronne, ça fait d'eux des gens qui occupent des fonctions qui sont différentes. Et, malgré notre désaccord sur ce point de vue là, nous sommes d'accord pour soumettre à un comité indépendant la question du statut des procureurs.

Sur la question des contrats, j'aurai l'occasion d'y revenir, il est faux de prétendre que le gouvernement n'est pas conscient des contrats qui sont accordés, lesquels le sont dans les règles applicables en vertu de la loi sur les contrats publics, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Première complémentaire, M. le député de Borduas.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le président du Conseil du trésor sait très bien qu'un criminaliste, un procureur de la couronne doit consulter son procureur-chef également.

J'ai d'autres exemples à vous présenter, M. le Président. Les tribunaux administratifs sont paralysés. Le TAQ, par exemple, produit deux fois moins de décisions en décembre 2016 qu'en décembre 2015, la même chose à la CPTAQ. À la Commission des transports, c'est de 210 à 98 en décembre 2016.

Le président du Conseil du trésor peut-il admettre que le conflit a été mal géré, qu'il a fait mal à l'État de droit en agissant de la sorte?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Ce que je reconnais, M. le Président, c'est que le droit à la grève est un droit constitutionnel, qu'un droit de grève, c'est un moyen de pression et qu'un moyen de pression, ça rend plus difficile la prestation des services par l'employeur, dans ce cas-ci le gouvernement. Ça, je reconnais ça.

Sur votre procureur de la couronne, M. le député de Borduas suggérait que le procureur de la couronne qui siège au palais de justice a l'obligation de se rapporter à son supérieur. Oui, mais son supérieur, ce n'est pas le gouvernement, M. le Président. Le président du Conseil du trésor ne peut pas imposer à un procureur de la couronne de déposer des accusations criminelles. Il peut dire à un plaideur... Il peut dire à un plaideur au civil d'accepter le règlement hors cour qui est proposé, il peut demander... Et un plaideur au civil ne peut pas se lever un matin...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Moreau : ...en disant : Je vais prendre action. C'est le gouvernement qui doit agir. C'est ça, la relation avocat-client.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En deuxième complémentaire, M. le député de Borduas.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le conflit de travail avec les juristes de l'État a retardé la rédaction et le dépôt de nombreux projets de loi. Par exemple, la ministre de la Justice n'était même pas en mesure, jeudi dernier, d'avoir un plan de travail pour le projet de loi n° 98, ce qui a notamment paralysé les travaux de la commission. Le ministre de l'Environnement voit son projet de loi n° 102 constamment suspendu en raison de la grève des juristes.

M. le Président, en refusant de négocier de bonne foi, le gouvernement a fait mal à l'État de droit. Il a manifesté un mépris certain pour ses juristes. Est-ce que le ministre est fier de son travail bâclé?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la ministre de la Justice.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : M. le Président, c'est certain que le conflit actuel a des répercussions. C'est certain que le conflit actuel a des répercussions pour l'ensemble des parlementaires de cette Assemblée. Mais, au-delà de ça, les répercussions de ce conflit-là sont beaucoup plus importantes pour les contribuables, les citoyens et citoyennes en attente de décisions importantes. M. le Président, notre collègue faisait référence tout à l'heure au nombre de décisions du TAQ qui avait chuté pendant la période touchée par le conflit. C'est exact, le nombre de dossiers reportés est sans précédent. Ça, M. le Président, ce sont des citoyens et des citoyennes...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

Mme Vallée : ...qui ne voient pas la lumière au bout du tunnel. Et ça, M. le Président, on doit en tenir compte.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En principale, M. le député de Saint-Jean.

Dépôt du plan d'action sur l'autisme

M. Dave Turcotte

M. Turcotte : Jérémie Lagacé, père de Clément, un jeune autiste, lance un cri d'alarme. Il dénonce les listes d'attente pour obtenir un diagnostic, entre 12 et 24 mois. Il dénonce aussi les listes d'attente pour ensuite obtenir les services, 12 à 18 mois.M. Lagacé dit : «Il aurait fallu qu'on le sache quand ma blonde était six mois enceinte», pour que le petit Clément obtienne les services dans des délais acceptables.

Il y a deux semaines, M. le Président, j'ai posé cette question à la ministre, la question de Nadia Lévesque, une question citoyenne qui demandait à la ministre : Quand va-t-elle déposer son plan d'action pour l'autisme? La ministre ne nous a toujours pas répondu.

Est-ce que son plan est prêt? Où en est-il? Elle l'avait pourtant promis en décembre 2016. Aucune page du plan n'est connue encore aujourd'hui, M. le Président. Va-t-elle le déposer, son plan sur l'autiste?

• (17 h 40) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la députée déléguée... Mme la ministre déléguée à la Réadaptation.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois : Alors, merci, M. le Président. Effectivement, c'est un dossier pour lequel je me suis vraiment investie dès mon arrivée en poste, et vous savez, M. le Président, nous avons fait le premier forum sur l'autisme l'année dernière, en février 2016. Il est exact, de ce que dit le député de Saint-Jean, que j'aurais dû déposer, en décembre, le plan d'action, mais, M. le Président, tant qu'à déposer quelque chose de bâclé, de ce côté-ci de la Chambre, on ne travaille pas comme ça.

Alors, je l'invite à attendre quelques jours, voire quelques semaines. Nous aurons un plan d'action qui pourra nous permettre d'aider les personnes qui sont autistes, les parents d'enfants autistes. Vous savez, M. le Président, on est autiste souvent à partir du jeune âge, mais on l'est jusqu'à la fin de notre vie. Et ce que je vise, c'est réduire les délais d'attente pour les personnes qui ont besoin d'un diagnostic. Je vise aussi à faciliter l'accès aux services. Ce que je vise, c'est augmenter les ressources de répit. Ce que je vise aussi, c'est qu'il y ait une gamme variée de services. Bref, ce qu'il faut, là, c'est un grand plan d'action qui va toucher toutes les strates d'âge, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

Mme Charlebois : Alors, qu'il ne soit pas inquiet, on aura un bon plan pour les personnes qui en ont besoin.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Première complémentaire, M. le député de Saint-Jean.

M. Dave Turcotte

M. Turcotte : Le père du petit Clément, Jérémie Lagacé, ainsi que les autres parents membres de la coalition pour l'autisme ont des choses à dire à la ministre, notamment sur son plan d'action, et elle dit qu'elle ne veut pas faire un travail bâclé. Suite à sa réponse, beaucoup de parents ont été choqués par l'absence de réponse de la part de la ministre.

Est-ce que la ministre peut maintenant s'engager à rencontrer Jérémie Lagacé ainsi que les membres de la coalition avant de dévoiler son plan d'action?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la ministre déléguée à la Réadaptation.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois : Alors, M. le Président, depuis le début, hein, il y a eu une consultation où il y a eu 150 personnes présentes. Non seulement ça, M. le Président, mais il y a eu 800 personnes sur le Web, et savez-vous quoi, je n'ai jamais eu peur de rencontrer des gens qui veulent me parler sur ce que vivent ces personnes-là qui sont autistes et/ou des parents qui ont des enfants autistes. Alors, il me fera plaisir de rencontrer ce monsieur.

Et ça ne sert à rien de personnaliser tout le débat, je vous le dis, M. le Président, le plan d'action est sur le point d'être déposé, et j'espère que le député l'applaudira parce que ça va être un bon plan d'action, pas pour moi, pas pour nous ici, mais pour les parents d'enfants autistes et pour les personnes autistes elles-mêmes.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Deuxième complémentaire, M. le député de Saint-Jean.

M. Dave Turcotte

M. Turcotte : ...M. le Président. La ministre nous dit : Il ne faut pas personnaliser le débat. Le problème, ce n'est pas un débat, c'est une situation que des milliers de parents vivent, que des milliers d'enfants vivent au Québec, et on parle des enfants autistes, on pourrait parler aussi des adultes autistes qui vivent aussi des réalités autant difficiles.

Pourquoi qu'on se lève, aujourd'hui, M. le Président? Pourquoi que je me suis levé il y a deux semaines, pourquoi que beaucoup de députés se lèvent, c'est parce qu'il n'y a pas de service au numéro où... les parents composent. Donc, est-ce que la ministre s'engage maintenant à dévoiler son plan d'action?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la ministre déléguée à la Réadaptation.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois : Alors, M. le Président, ça ne lui sert à rien de se choquer, ce n'est pas comme ça qu'on va venir en aide aux personnes.

Moi, ce que je veux, c'est avoir un bon plan d'action, que je vais déposer dans les jours qui viendront et qui va donner des services à la hauteur de ce que les gens ont besoin, de leur enfance jusqu'à la vie adulte, M. le Président. Et, vous savez quoi, on a besoin d'éducation spécialisée, d'ergothérapie, d'orthophonie, conseillers à l'enfance. Moi, je dis aux parents, là : Ça s'en vient, vous allez l'avoir bientôt. Nous, on ne fera pas semblant d'en déposer un, on va vous déposer un réel plan où il y aura ce qu'il faut dedans, mais mon voeu, c'est de vous venir en aide le plus rapidement possible, et ça s'en vient, soyez patients.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En principale, Mme la députée de Vachon.

Cadre de négociation avec les juristes de l'État

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet : Merci, M. le Président. Les juristes de l'État sont en grève depuis quatre mois. Ils demandent la parité avec les procureurs de la couronne, ce qui leur est refusé par les libéraux. Les 1 100 juristes sont un rouage important de l'État, ils possèdent une expertise indispensable : projets de loi, règlements, contrats, etc. L'expertise, c'est la force d'un État. Par son mépris dans les négociations, le gouvernement libéral est en train de saccager cette expertise essentielle, est en train de saccager l'État, comme il l'a fait pour le MTQ.

Par son mépris dans les négociations, le gouvernement libéral a laissé traîner la grève, ce qui a entraîné pour plus de 850 millions de dollars de contrats sans validation des juristes. Le gouvernement libéral a ainsi laissé la porte grande ouverte non seulement au saccage de l'expertise, mais aussi la porte grande ouverte à la corruption et à la collusion. Le président du Conseil du trésor peut-il être transparent et nous expliquer quelles sont les réelles motivations qui l'amènent à opérer ce saccage de l'expertise des juristes?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Il fut une époque dans ma vie où je pensais devenir vraiment transparent, M. le Président, mais sur la question de la députée, quand elle dit que... Bien, écoutez, avec tous les qualificatifs, là, que c'est quoi, odieux, mauvaise foi... Écoutez, mettez-en, là. De toute façon, on va en entendre. Il est juste 17 h 45, et je pense qu'on va en entendre beaucoup, beaucoup, de ces choses-là. On n'est pas là.

Négocier de bonne foi, là, ça s'établit, on peut en faire la preuve; les déclarations incendiaires, c'est une chose, en faire la preuve, c'est autre chose. Les juristes de l'État le savent très bien et les juristes de l'État, pour qui on a le plus grand respect, savent aussi ou devraient savoir que nous avons déposé une offre sur le plan salarial qui est même légèrement supérieure à la rémunération moyenne des procureurs aux affaires criminelles et pénales en leur faveur de 355 $ en moyenne annuellement sur la période de quatre ans et, à la cinquième année, parce que les juristes de l'État sont dans un contexte de négociation de cinq ans, une augmentation supérieure pour la cinquième année de 2 %. Alors, est-ce qu'on a du respect pour ces gens-là? Oui.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Moreau : Est-ce qu'ils travaillent fort? Oui. Et on le reconnaît dans les conditions qu'on leur offre.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Première complémentaire, Mme la députée de Vachon.

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet : Le ministre n'a clairement pas écouté la question, parce qu'il a même repris des qualificatifs qui n'ont même pas été dits dans la question. Les juristes de l'État le disent, que ce n'est pas du tout l'équivalent de ce qui a été donné aux procureurs de la couronne.

Est-ce que le président du Conseil du trésor peut sortir de son attitude de mépris et de saccage de l'État et reprendre les négociations, et cette fois-ci de bonne foi, avec les juristes de l'État?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Il faudrait faire attention à vos propos, Mme la députée de Vachon. M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Ils n'avaient peut-être pas été prononcés la première fois, mais je comprends qu'elle s'est reprise pour la complémentaire, M. le Président. La réalité, c'est qu'autant à l'égard de la députée qu'à l'égard des juristes de l'État, j'ai trop de respect pour utiliser le vocabulaire qu'elle utilise dans ses préambules, M. le Président.

Ce que l'on dit, c'est que les juristes de l'État ont un rôle important, un rôle essentiel, et les conditions de travail qui sont les leurs déjà sont des conditions de travail qui sont à la hauteur de l'importance du travail qu'ils font. Est-ce qu'ils ont le droit de négocier pour les améliorer? La réponse est oui, on est là, on est à la table de négociation et on a déposé sur le plan salarial ce qu'ils demandaient, c'est-à-dire la parité avec les procureurs des affaires criminelles...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Moreau : ...et pénales et on est prêts à discuter sur leur statut, même si on ne partage pas leur opinion.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Vachon.

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet : Merci, M. le Président. Clairement, ils n'ont pas déposé ce qui fait l'affaire des juristes parce que clairement il n'y a pas d'entente. Et c'est un échec de la part du ministre.

Est-ce que le président du Conseil du trésor peut sortir de sa tour d'ivoire, écouter les propositions du Barreau et de la Chambre des notaires et des juristes et arrêter le saccage de l'expertise des juristes en acceptant la médiation?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le président de Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : M. le Président, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec la bâtonnière du Québec plus tôt aujourd'hui, pour laquelle j'ai le plus grand respect, et je lui ai indiqué que la proposition de médiation... la médiation a été essayée pendant six séances au cours de l'été dernier et que nous n'avons pas pu, dans le contexte de la médiation, trouver un terrain d'entente ou faire évoluer les négociations. L'heure n'est pas à la médiation, l'heure est à la négociation. Je comprends que les parties négocient encore aujourd'hui depuis 4 heures cet après-midi, depuis 16 heures, et il est bientôt 18 heures. Je comprends qu'ils sont toujours en négociation. C'est ça qu'on souhaite. Le premier choix du gouvernement, c'est une entente négociée. La loi, c'est si on n'est pas en mesure de s'entendre.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En principale, M. le député de Beauce-Nord.

Processus d'enquête sur le Service de police de la ville de Montréal

M. André Spénard

M. Spénard : Merci, M. le Président. En 2013, l'Assemblée nationale a voté la création du Bureau des enquêtes indépendantes pour réinstaurer la confiance des Québécois envers les corps policiers. Or, vendredi dernier, le ministre de la Sécurité publique nous a annoncé une troisième version de son enquête de la police sur la police. Il ajoute maintenant des enquêteurs de la police de Longueuil, Gatineau, Québec et même de la GRC. 81 % de la population québécoise pense que le gouvernement devrait déclencher une enquête indépendante. Ceci s'ajoute aux nombreux policiers qui nous écrivent pour le mentionner. C'est une situation grave, et on dirait que le ministre essaie de minimiser l'impact de sa décision de faire enquêter la police sur la police.

Le ministre de la Sécurité publique peut-il prendre la seule décision qui s'impose dans ce genre de situation, soit donner le plein contrôle de l'enquête au BEI, non pas seulement une codirection, et rendre son rapport public?

• (17 h 50) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Martin Coiteux

M. Coiteux : Je ne sais pas comment le député de Beauce-Nord fait ses calculs pour arriver à trois versions. Écoutez, il y a une seule version. Cette seule version, c'est que le nombre d'allégations a pris de l'ampleur et il fallait dépêcher encore davantage d'enquêteurs, raison pour laquelle, en ce qui concerne le volet criminel de cette enquête, il y a eu une amplification des moyens, et effectivement ça implique plusieurs corps policiers.

À la question du Bureau des enquêtes indépendantes, que nous avons mis sur pied, nous avons procédé d'ailleurs à toutes les décisions, entériné les recrutements pour doter de 22 enquêteurs aujourd'hui le Bureau des enquêtes indépendantes. Or, le Bureau des enquêtes indépendantes, qui est en fonction depuis maintenant à peu près huit mois, mène déjà, partout au Québec, au nord, au sud, à l'est et à l'ouest, pratiquement une enquête par semaine. Alors, ça ne rendrait pas service à la qualité des enquêtes que nous devons faire à la fois par le Bureau des enquêtes indépendantes et ce que nous allons faire au SPVM que de dépêcher la totalité des enquêteurs du BEI dans cette enquête. Mais, en même temps, en même temps, il y aura un commissaire enquêteur à l'intérieur du SPVM qui va nous permettre de...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Coiteux : ...faire la lumière totale sur ce qui s'y passe, à l'intérieur. C'est ça, la décision. Il n'y en a pas eu trois, c'est ça, la décision.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En première complémentaire, M. le député de Beauce-Nord.

M. André Spénard

M. Spénard : Le directeur général, M. Pichet, soutient qu'il a encore la confiance du maire, M. Coderre. Le ministre a été beaucoup plus évasif sur cette question de confiance vendredi dernier. Alors que le SPVM est dans une quasi-tutelle, qu'il dépend dans les faits du ministère de la Sécurité publique, le ministre peut-il déclarer dans cette Chambre qu'il réitère toujours sa confiance à M. Pichet, alors que les scandales s'accumulent?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Martin Coiteux

M. Coiteux : ...porter un jugement basé sur des allégations, des articles dans les journaux ou des rumeurs, on a décidé d'aller faire la lumière sur place. Il y aura un commissaire enquêteur, qui va être nommé dans les prochains jours, qui va aller faire enquête sur place. Qu'est-ce qui se passe à l'intérieur des enquêtes internes du SPVM? Qu'est-ce qui se passe pour que le SPVM soit si souvent sur la sellette et que ça mine la confiance des citoyens, et pas seulement de Montréal par ailleurs? Il y aura quelqu'un qui va nous faire rapport, et je rendrai public ce rapport. Mais, d'autre part, aujourd'hui même, j'ai écrit au directeur du SPVM pour lui demander de me présenter un plan d'action pour redresser la situation à court délai.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant. M. le député de Beauce-Nord, deuxième complémentaire.

M. André Spénard

M. Spénard : Le ministre vient de mentionner qu'il a reçu de nouvelles allégations graves de nature criminelle au SPVM. C'est le deuxième plus grand corps policier du Québec, et ça prend un leadership fort, ce que n'a pas démontré la situation actuelle. Le ministre n'a pas répondu à ma question en première complémentaire : Fait-il encore confiance à M. Pichet pour assumer la direction générale du SPVM?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Martin Coiteux

M. Coiteux : Je lui ai répondu, M. le Président, j'ai dit que je voulais faire la lumière, et on va faire la lumière au moins de deux façons; pas seulement de deux façons, mais notamment de deux façons. Par le commissaire enquêteur à l'interne, on va savoir ce qui se passe à l'intérieur. Ce ne sera pas de la rumeur, ça ne sera pas un article de journal, ça ne sera pas le sentiment du député de Beauce-Nord.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : ...règlement, M. le leader de la deuxième opposition.

M. Bonnardel : M. le Président, à l'article 79, là, le ministre doit répondre directement à la question. Le patinage artistique, ce n'est pas accepté au salon bleu. Est-ce que, oui ou non, il a confiance au...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, veuillez poursuivre, M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Coiteux : J'ai répondu directement à la question, M. le Président, j'ai répondu directement à la question. Mais, du côté de la deuxième opposition, faire la lumière, ça ne les intéresse pas; dans toute chose, par ailleurs, même pas seulement dans la question du SPVM. Ils ont une opinion sur tout, et vous savez quoi? Elle change plusieurs fois au cours d'une période de 24 heures, leur opinion. C'est ça, l'enjeu avec la deuxième opposition, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En principale, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Comité de rémunération indépendant pour les juristes de l'État

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Merci, M. le Président. Le gouvernement n'a jamais considéré la principale demande des juristes, celle de leur régime de négociation et de leur indépendance. Les juristes veulent être traités comme partout ailleurs : en Ontario, Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique. Pourquoi pas ici, au Québec? Le président va-t-il accepter de leur accorder le comité de rémunération indépendant plutôt que recourir à une loi spéciale? Qu'attend-il pour leur accorder? Le conflit va être réglé immédiatement, tout le monde va rentrer la tête haute.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : ...dans sa complémentaire, elle nous dise, si elle était au gouvernement, si elle accorderait ce statut-là? J'ai hâte d'entendre la réponse, parce que la question était posée ce matin puis on ne l'a pas entendue.

M. le Président, il est faux de prétendre que partout au Canada la situation est la même. C'est carrément faux. Dans certaines provinces, il y a même cinq échelles de salaire différent, alors on ne peut pas comparer la situation...

Des voix : ...

M. Moreau : ...on ne peut pas comparer la situation pour dire : Ailleurs au Canada, tout est pareil. Ce n'est pas vrai. D'autre part, on a au Canada des provinces de «common law» et ici on est une province de droit civil. Le rôle des juristes de l'État, et c'est la prétention du gouvernement, ne leur confère pas le statut d'indépendance, et le statut quasi judiciaire qu'a reconnu la Cour suprême du Canada en 1955 aux procureurs de la couronne et, dirait-on, dans le régime parlementaire britannique au XIIIe siècle. Les procureurs de la couronne, c'est une chose, parce qu'ils ont une fonction quasi judiciaire. Ça ne fait pas des juristes de l'État de moins bons juristes, M. le Président, ça fait d'eux des gens qui occupent des fonctions différentes et, dans lesquelles fonctions, il n'y a pas ce caractère d'indépendance. Et c'est la raison pour laquelle...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Moreau : ...nous sommes en désaccord, mais nous sommes prêts à en discuter au sein d'un comité qui est indépendant.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Première complémentaire, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : M. le Président, il peut bien me renvoyer la balle, mais à ce que je sache c'est eux qui ont obtenu le mandat de gouverner...

Une voix : ...

Mme Léger : Ah bon! C'est parce que, là, ils viennent de réaliser qu'ils ont un mandat de gouverner.

Peut-être regarder dans votre camp, aussi. «Le président de la Commission des communications du Parti libéral du Québec, Nicolas Plourde, déplore la décision du ministre Pierre Moreau de refuser la médiation et de recourir au bâillon pour régler le conflit de travail qui perdure depuis maintenant quatre mois.» Qu'est-ce que vous répondez à ça?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En vous rappelant qu'on appelle un député par son titre, Mme la députée. M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : M. le Président, ce que je réponds, je réponds deux choses. La première, c'est que la députée de Pointe-aux-Trembles n'a toujours pas dit si elle était prête, elle, à leur accorder le statut. Je comprends que ça a l'air glissant un peu, cet aspect-là des choses, pour une raison simple : c'est que, quand on est au gouvernement, la responsabilité du gouvernement est de ne pas sous-contracter à des tiers 60 % des dépenses de l'État, c'est-à-dire la rémunération des employés qui sont à son service, M. le Président.

Et, à Nicolas Plourde, je lui dis : Vous avez droit, M. Plourde, à vos opinions, je les respecte, mais je ne les partage pas.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Deuxième complémentaire, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier : M. le Président, pourtant le gouvernement l'a fait pour les juges, pourtant le gouvernement l'a fait pour les procureurs généraux. Et vous savez quoi, M. le Président? Ce qui guide notre action politique, nous, ce qui nous guide lorsqu'on a à prendre des décisions, ce sont nos principes. Et ici on parle de l'indépendance judiciaire, un des principes de base de notre organisation constitutionnelle. C'est pour ça, M. le Président, qu'on en vient à la conclusion avec leur ancien collègue, Benoît Pelletier, que ça prend un comité indépendant. C'est ça, le coeur du litige. Ce n'est pas une question de chiffre...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : M. le Président, je dirai en toute amitié que j'ai beaucoup de respect pour le député de Lac-Saint-Jean. Je sais d'ailleurs qu'il a été clerc à la Cour suprême du Canada. Il y a un des arrêts de la Cour suprême du Canada qu'il ne peut pas ne pas connaître et qui est celui qui a fait une distinction très claire en ce qui a trait aux procureurs de la couronne quant au statut quasi judiciaire du travail qu'ils font. Le procureur de la couronne n'a pas d'ordre à recevoir du ministre de la Justice ou de quelque membre du gouvernement sur le choix de déposer ou non des accusations criminelles. Un plaideur du gouvernement ne peut pas décider un jour de prendre action proprio motu alors que le gouvernement n'a pas pris une décision. Il ne peut pas prendre la décision de régler...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En terminant.

M. Moreau : ...il ne peut pas prendre la décision non plus de légiférer sans qu'il y ait une intention gouvernementale. Voilà...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : En principale, M. le leader de la deuxième opposition.

Contrat attribué par Loto-Québec au chef Joël Robuchon
pour le Casino de Montréal

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : M. le Président, hier soir à Tout le monde en parle, le ministre des Finances s'est fait passer tout un savon par les critiques culinaires Lesley Chesterman, par Marie-Claude Lortie, par M. McMillan, la propriétaire de Joe Beef sur le contrat octroyé donc par Loto-Québec au chef Robuchon pour 11 millions de dollars.

Il dit quoi, le ministre des Finances, aujourd'hui, s'il n'a pas un peu plus de fierté québécoise, à M. David McMillan, propriétaire de Joe Beef, qui fait partie du World's 50 Best Restaurants in the World? Il dit quoi à Normand Laprise, à Jérôme Ferrer, à Martin Picard? Vous n'êtes pas assez bons pour attirer des touristes internationaux au Casino de Montréal? Pourquoi ne pas avoir permis aux chefs québécois de soumissionner sur ce contrat de Loto-Québec?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, M. le ministre des Finances.

M. Carlos J. Leitão

M. Leitão : Bon, on est encore là, très bien. Hier soir, non, je ne regardais pas Tout le monde en parle, je regardais les oscars, par exemple, où d'ailleurs le génie québécois a rayonné, puisqu'un Québécois a gagné, a été reconnu à l'étranger comme étant parmi les meilleurs.

Alors, les restaurants que le collègue a mentionnés sont très bien, je n'ai rien à redire de cela. Ils jouent un rôle très important dans le rayonnement de Montréal. Cependant, ce que Loto-Québec a fait, c'est conclure une entente commerciale avec un chef de renommée mondiale. C'est un contrat commercial accordé par Loto-Québec, et on verra bien comment cela va se poursuivre. Ce qu'on doit dire, c'est qu'on demeure ouverts à la participation de notre économie avec les joueurs étrangers. On ne doit pas se renfermer sur soi-même, M. le Président.

• (18 heures) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, cela met un terme à la période des questions et réponses orales.

Il n'y a pas de votes reportés.

Motions sans préavis

Nous passons maintenant à la rubrique des motions sans préavis. Et, à cette rubrique, je cède la parole à Mme la leader adjointe du gouvernement.

Déterminer le cadre temporel des séances extraordinaires

Mme Vien : Alors, merci beaucoup, M. le Président, j'ai deux motions à présenter, conformément au règlement.

Alors, conformément aux dispositions de l'article 26.1 du règlement de l'Assemblée nationale :

«Qu'en [vertu] de procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, l'Assemblée se donne le cadre temporel suivant :

«Que l'Assemblée puisse siéger tous les jours à compter de 17 heures jusqu'à ce qu'elle ait terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été convoquée ou qu'elle décide d'ajourner ses travaux.»

Établir la procédure législative d'exception en vue de
procéder à la présentation et aux autres étapes
de l'étude du projet de loi n° 127

J'ai une seconde motion, M. le Président :

«Qu'en vue de procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, l'Assemblée établisse la procédure législative d'exception telle que prévue aux articles 182 à 184.2 et 257.1 à 257.10 du règlement; [et]

«Qu'à tout moment de la séance, le président puisse suspendre les travaux à la demande d'un ministre ou d'un leader adjoint du gouvernement.»

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Je vais suspendre les travaux de l'Assemblée.

Vous voulez intervenir, M. le leader?

M. Bérubé : J'allais vous dire, M. le Président : Est-ce qu'on peut suspendre?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je vais suspendre les travaux une quinzaine de minutes pour permettre aux députés de prendre connaissance des deux motions. Nous serons de retour à 18 h 15.

Alors, les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise à 18 h 19)

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, l'Assemblée reprend ses travaux. Et, au moment de la suspension, la leader adjointe du gouvernement a déposé deux motions. Je suis prêt à entendre des plaidoiries, s'il y a lieu, sur la recevabilité de la motion.

Il n'y a pas de plaidoirie? Alors, parfait. Je suspends les travaux pour une durée d'environ 1 h 30 afin de...

M. le leader adjoint... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bérubé : M. le Président, avec l'assentiment de tous, nous aimerions deux heures comme ajournement.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je suspends les travaux pour une durée de deux heures afin de permettre à l'ensemble des députés de prendre connaissance du projet de loi. Nous serons de retour vers les 20 h 20. Et nous sonnerons les cloches avant.

(Suspension de la séance à 18 h 20)

(Reprise à 20 h 23)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Nous reprenons nos travaux.

Débat restreint sur le motif de la convocation en séances
extraordinaires et sur les motions fixant le cadre
temporel et la procédure d'exception

Les motions présentées pas Mme la leader adjointe du gouvernement étant recevables, je vous informe maintenant de la répartition du temps de parole établi pour le débat restreint sur le motif de la convocation en séances extraordinaires et sur les deux motions présentées par la leader adjointe du gouvernement, soit la motion fixant le cadre temporel de la séance et la motion de procédure d'exception.

La répartition du temps de parole se fera comme suit : 56 min 30 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 33 min 26 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 23 min 4 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, sept minutes sont réservées aux députés indépendants. La présidence répartira cette enveloppe de temps parmi ceux qui auront signifié vouloir participer au débat sous réserve d'un maximum, selon le nombre de députés qui se seront manifestés, de deux minutes chacun pour les députés de Groulx et de Vachon et de six minutes pour les deux députés de Québec solidaire. Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Mises à part ces consignes, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. Et enfin je rappelle aux députés indépendants qui souhaitent intervenir au cours du débat qu'ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Alors, je suis prête à entendre le prochain intervenant. Et je cède la parole à M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Nous sommes ici aujourd'hui pour adopter des mesures législatives d'exception. Vous le savez, depuis quatre mois, un conflit de travail oppose le gouvernement à ses employés avocats et notaires. Et, après de nombreuses rencontres de négociation et de médiation avec les avocats et notaires de l'État québécois, le syndicat qui représente les juristes de la fonction publique, LANEQ, nous avons tiré la conclusion que c'est une impasse. J'aurai l'occasion plus tard dans ce débat de vous expliquer comment nous en sommes venus à cette situation malheureuse. Bien entendu, les parties ont négocié encore aujourd'hui, à 16 heures. Ces négociations sont suspendues. Les canaux de communication demeurent ouverts, et je souhaite encore, je souhaite encore, comme tous les membres du gouvernement, de pouvoir en arriver à une entente négociée.

Samedi, j'ai recommandé au gouvernement de soumettre à l'Assemblée nationale et à ses membres un projet de loi visant à mettre fin à ce conflit, à permettre à ses employés avocats et notaires de retourner au travail. C'est pourquoi, Mme la Présidente, l'Assemblée nationale a été convoquée en séances extraordinaires. Ce n'est pas de gaieté de coeur que je dépose aujourd'hui le projet de loi intitulé Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques. L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en a recommandé l'étude à l'Assemblée.

Personne n'aime imposer des contraintes ni s'en faire imposer. C'est pourquoi on appelle cette procédure loi spéciale, parce que c'est un instrument dont le législateur doit se servir avec la plus grande prudence et avec parcimonie. Ce n'est pas nous qui avons fait le choix d'une loi spéciale, c'est la conduite de l'exécutif syndical de l'association des notaires et avocats du Québec. Je rappelle qu'en janvier dernier le président de LANEQ, Me Denis, nous mettait au défi de faire une loi spéciale. Jamais, jamais nous n'avons évoqué ni même invoqué ce recours. Toujours, nous avons dit que nous voulions une entente négociée, et je le répète ici ce soir. Nous avons tout fait pour l'obtenir, mais un gouvernement responsable doit prendre les mesures qui s'imposent pour fournir aux citoyens les services auxquels ils ont droit et pour lesquels ils paient des taxes et des impôts. J'entends vous démontrer pourquoi le gouvernement a recours à ces mesures d'exception.

Mme la Présidente, revoyons, si vous le voulez bien, les événements des derniers jours qui nous ont conduits jusqu'ici. Jeudi dernier, j'ai pris connaissance d'un rapport des négociateurs qui m'indiquait que, lors de la dernière séance de négociation tenue deux jours plus tôt, soit mardi, LANEQ avait déposé une proposition qui non seulement ne se rapprochait pas des offres du gouvernement, mais qui s'en éloignait. La proposition de LANEQ suggérait, entre autres, que le gouvernement abdique à un tiers son droit de gérance sur ses employés avocats et notaires. Cette proposition n'est tout simplement pas acceptable. C'était un retour à la case départ, aux propositions initiales de LANEQ. D'ailleurs, cet après-midi, alors qu'il était en compagnie du chef de la deuxième opposition, Me Denis a affirmé que les demandes de LANEQ sont les mêmes depuis le début et qu'elles n'ont pas changé. Négocier, ce n'est pas s'entêter.

J'ai alors mandaté les négociateurs du gouvernement pour qu'ils déposent aux représentants de LANEQ une offre finale et globale, avec toute la possibilité d'y apporter des ajustements à la marge. Je précise que l'offre permet aux membres de LANEQ d'avoir une rémunération globale comparable à celle des procureurs de la couronne, tel que le réclame publiquement LANEQ depuis le début de ce conflit. L'offre comporte également un geste significatif quant à la proposition de créer un groupe de travail impartial sur le statut des avocats et notaires, une demande prioritaire de LANEQ. Le gouvernement accepte de s'engager à prendre des mesures en suivi du rapport sur leur statut, rapport qui serait rendu public. Il s'agit de la cinquième offre écrite présentée par le gouvernement dans ce dossier depuis le début des négociations, et le tableau que j'ai utilisé à la période de questions, Mme la Présidente, reflète clairement que chacune de ces offres a comporté une augmentation en termes de proposition de rémunération globale.

• (20 h 30) •

J'ai aussi demandé aux négociateurs de se rendre disponible pour présenter et expliquer cette offre aux représentants de LANEQ et de me faire rapport dans les 24 heures, c'est-à-dire à 17 heures le lendemain, vendredi dernier. J'ai indiqué clairement que suite à ce rapport je présenterais au gouvernement mes recommandations sur les suites à donner à ce dossier. Étant donné que la proposition du gouvernement était globale et finale, nous avons donné une période de temps raisonnable aux représentants de LANEQ pour qu'ils nous indiquent simplement si une entente de principe était possible. On n'a pas demandé de refaire la négociation. On a demandé : Sur la base de la proposition finale et globale qui vous est déposée, croyez-vous qu'une entente soit possible? Ça ne prend pas 50 heures pour faire ça.

Vendredi, peu avant l'expiration de l'échéance de 24 heures, l'exécutif syndical de LANEQ a demandé de rencontrer les négociateurs du gouvernement. J'ai immédiatement autorisé cette rencontre pour le lendemain, samedi. Le samedi matin, les représentants de LANEQ ont informé nos négociateurs qu'ils ne seraient pas disponibles pour cette rencontre, qu'ils avaient pourtant eux-mêmes demandée, je le rappelle. 48 heures après le dépôt de notre offre finale et globale, nous n'avions reçu aucun signal de la part des dirigeants de LANEQ indiquant qu'une rencontre était possible. Nous avons pris acte et en avons tiré une conclusion : les représentants de LANEQ n'ont pas agi de façon et n'avaient pas une réelle intention d'en arriver à une entente négociée.

Mme la Présidente, encore ce matin, et avant même d'avoir pu prendre connaissance du projet de loi, avant même d'avoir pris connaissance du projet de loi, les représentants de LANEQ ont indiqué qu'ils contesteraient ce projet de loi si l'Assemblée nationale l'adopte dans sa forme actuelle. La forme n'était pas connue au moment où cette déclaration-là a été faite. Et je rappelle que, plusieurs semaines auparavant, le président de LANEQ disait : Présentez-en une, loi spéciale. Ce n'était pas notre intention.

Leur présumée contestation se base sur l'arrêt Saskatchewan de la Cour suprême, rendu le 30 janvier 2015. Nous en avons pris connaissance. Vous me permettrez d'en citer des extraits fort pertinents à notre débat et de les commenter.

«[L']effet n'est pas proportionné à [l']objectif...» Les causes sont reportées, des citoyens vivent dans l'incertitude et le questionnement. Des sommes dues à l'État ne peuvent pas être réclamées. Ce moyen de pression a eu un effet sur chacun des 8 millions de citoyens du Québec. Ma collègue la Procureur général du Québec et ministre de la Justice expliquera plus en détail l'impact de la grève sur la capacité de l'État à fournir les services auxquels les citoyens ont droit.

Deuxièmement : «...il faut déterminer si, dans un cas donné, la limitation législative du droit de grève entraîne substantiellement le droit à un processus véritable de négociation collective.»

Je ne crois pas que l'on puisse considérer qu'après près deux ans de négociation, une quarantaine de séances, 18 semaines de grève, en ajoutant à tout cela la possibilité de négocier encore pendant 105 jours, il y ait une entrave substantielle du droit de grève.

«Dans le secteur public, la grève est un outil de politique. [...]Les syndicats tentent donc de faire pression sur l'État pour qu'il accède à certaines demandes en échange de la reprise du travail», selon la Cour suprême.

Nous avons constaté l'impasse réelle des négociations lors de la présentation de notre cinquième offre à l'exécutif syndical. Il serait, pour le gouvernement, irresponsable de laisser les citoyens du Québec dans cette situation encore pendant deux semaines, puisque l'Assemblée ne siège pas. C'est pourquoi nous avons pris la difficile décision de déposer ce projet de loi afin de permettre le retour au travail et assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein de l'État. Le lien de confiance pourrait être effrité, et nous avons tout intérêt à s'assurer de rebâtir sur des bases solides le plus rapidement possible, pour le bénéfice de tous les citoyens.

Quatrième point : «Les conflits de travail dans le secteur public revêtent un caractère unique en ce que l'État, en tant qu'employeur, doit tenir compte du fait que les sommes supplémentaires requises pour accéder aux demandes des salariés seront prélevées sur les fonds publics.»

C'est précisément la raison pour laquelle une entente de principe a été conclue avec le front commun : 450 000 employés de l'État avec lesquels nous nous sommes entendus. Et, encore hier, au cours de la nuit, nous avons atteint une entente de principe, la deuxième en deux semaines, avec les agents de la paix, et notamment, hier, ceux qui travaillent au sein de nos services correctionnels.

Mme la Présidente, le Québec est une société démocratique et surtout un État de droit. Une société démocratique repose sur la représentation de la population par des élus redevables et imputables. Un État de droit, c'est une société dans laquelle est assurée l'égalité de tous devant la loi, la démocratie, le respect des valeurs fondamentales ainsi que les libertés individuelles et collectives. C'est précisément parce que nous vivons dans un État de droit que les juristes peuvent exercer leur droit de grève, droit que, je le répète, nous n'avons jamais remis en cause.

Dans un État de droit, cependant, il est aussi important de faire l'équilibre entre les droits des uns et ceux des autres. À tous les paliers de l'État, dans ses fonctions législatives et exécutives, les avocats et notaires jouent un rôle important, nous le reconnaissons. Ils ont la charge d'assurer le respect de la primauté du droit et la conformité des actes de l'État avec la loi. Aucun élu, ici, dans cette Assemblée, ne sous-estime l'importance de leur charge, de leurs fonctions et de leurs tâches, ils font un travail exigeant, ils le font avec professionnalisme et compétence. Mais, Mme la Présidente, comme je l'ai dit plus tôt, les avocats et notaires de l'État sont en grève générale illimitée depuis le 24 octobre 2016, depuis plus de 18 semaines. Leur travail est partie prenante du rôle de l'État : fournir les services à la population et assurer la marche normale des tribunaux et de ses autres institutions. Cette grève a maintenant des incidences sérieuses sur les citoyens du Québec et les activités quotidiennes de l'État. Cette grève qui perdure s'exerce au détriment des droits des citoyens.

Nous le savons, Mme la Présidente, de nombreux citoyens patientent depuis plusieurs mois pour être entendus, sur le fond, dans des causes qui touchent leur vie personnelle, familiale ou professionnelle. Prenons, par exemple, les victimes d'accidents de la route et du travail qui voient leurs recours au Tribunal administratif être reportés. Et pensons aussi aux nombreuses personnes qui attendent d'être entendues dans un système judiciaire qui s'engorge davantage à chaque journée de grève supplémentaire.

Cette grève retarde des dossiers névralgiques dans les ministères, et les organismes gouvernementaux, et les tribunaux administratifs, dont le report a des impacts sur plusieurs services à la population. Cette grève constitue donc une entrave sérieuse au fonctionnement du gouvernement et au processus judiciaire, de même qu'à l'exercice des droits par les citoyens du Québec. Elle porte atteinte aux intérêts des Québécois. Nous avons ici, Mme la Présidente, une situation que l'on peut qualifier d'urgente.

Les collègues des deux oppositions pensent la même chose. Le député de Borduas l'a dit lors de la période de questions du 7 février 2017, et je le cite :

«Des projets de loi et des règlements sont en attente[...]. Il y a des annulations de commissions parlementaires [...] et il y a des remises massives dans les différents dossiers à la cour.»

«Cette grève-là a des conséquences directes pour des milliers de Québécois qui ont un dossier en attente devant un tribunal administratif, [comme] les victimes d'actes criminels, les accidentés de la route, les travailleurs blessés, les travailleurs lésés sont en attente d'indemnisation ou de révision de leur situation.» Fin de la citation.

Sa collègue la députée de Pointe-aux-Trembles, quant à elle, n'est pas en reste. Le 9 décembre 2016 à l'Assemblée nationale, elle interpelait le gouvernement en ces termes : «M. le Président, la grève des juristes de l'État a eu des impacts immenses sur l'État : le blocage de 20 projets de loi, 300 règlements, paralysie dans plusieurs services gouvernementaux, 211 millions de dollars de contrats octroyés sans avis juridique adéquat, 3 500 causes retardées, dont 1 500 causes pénales de l'UPAC de fraude et de contrebande de tabac sont désormais, maintenant, hors délai. Ce sont des millions en jeu.

«C'est de votre responsabilité de régler ce conflit maintenant. Allez-vous agir maintenant?» Fin de la citation.

Elle récidivait le 22 février dernier, je cite : «Le gouvernement a choisi de prendre le risque de faire perdurer une crise paralysante pour tout l'État québécois, de prendre en otages les citoyens, causant des impacts négatifs concrets et graves.

«6 000 causes reportées devant les tribunaux; des victimes en attente d'une indemnisation — imaginez le stress et l'inquiétude de tous ces gens; des municipalités incapables d'emprunter pour des travaux d'infrastructure; [...]un millier de contrats publics sans les conseils juridiques totalisant 870 millions [de dollars]; le menu législatif du Parlement littéralement bloqué; l'incertitude quant à la rédaction du futur budget.»

«La vie des gens est affectée. Par exemple, les gens attendent un règlement sur les déchets dangereux, une loi pour protéger contre les pesticides, celle sur les milieux humides, une autre sur les OGM, et j'en passe. Cette grève affecte la sécurité, la santé et l'environnement de la population.» Fin de la citation.

• (20 h 40) •

Malgré tous ces inconvénients, nous avons toujours maintenu un équilibre entre les droits des uns et des autres, soit le droit constitutionnel des juristes de l'État de faire la grève et le droit des citoyens, comme l'exprimaient ces deux députés, de recevoir des services. Toutefois, force est de constater que le droit des juristes de l'État est maintenant exercé au détriment des droits des citoyens et de l'intérêt général des Québécois. L'équilibre est rompu. Les dernières propositions de LANEQ m'en ont définitivement convaincu, bien que je demeure ouvert à une négociation, bien que nous serons ouverts, après l'adoption de cette loi, à une période de négociation, bien que nous souhaitions encore et toujours un règlement négocié du conflit qui nous oppose.

Après 18 semaines de grève, les avocats et notaires de l'État ont pu se faire entendre et exprimer haut et fort leurs revendications, qui sont demeurées inchangées depuis le début. Le gouvernement, quant à lui, a fait six offres au total, chacune ayant augmenté la question salariale au bénéfice des représentants de LANEQ et en parité de rémunération globale avec les procureurs de la couronne. L'attitude intransigeante des représentants de LANEQ ne nous a pas laissé le choix. Laissez-moi, Mme la Présidente, vous lire la définition de l'intransigeance : «Attitude d'un esprit qui refuse toute concession sur le plan des principes.» Concéder, c'est la base même de toute négociation. Concéder, accepter, s'ouvrir, discuter, négocier, transiger, c'est ça, une négociation.

Je reviens à l'arrêt Saskatchewan. La Cour suprême nous indique : «La grève ne garantit pas en soi qu'un conflit de travail sera réglé d'une certaine manière, ni même du tout, mais elle permet aux travailleurs de négocier davantage sur un pied d'égalité relativement à leurs conditions de travail.»

Mme la Présidente, la grève est un moyen et non une fin. Notre devoir comme gouvernement responsable est d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques nécessaires à sa bonne marche. Malgré le maintien des services essentiels, trop de citoyens en subissent les conséquences directes et indirectes. Mme la Présidente, il est temps d'agir, et nous agissons. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à l'Assemblée nationale de se réunir en séances extraordinaires pour l'étude du projet de loi qui est maintenant entre les mains de tous les membres de cette Assemblée. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le président du Conseil du trésor. Maintenant, je cède la parole à M. le leader parlementaire de l'opposition officielle.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Mme la Présidente, ce soir, cette nuit, demain matin, demain après-midi, nous siégerons, car c'est notre devoir. C'est spécial, c'est une loi spéciale. Le ministre a échoué, le gouvernement a échoué. Il va exercer sa majorité, il va imposer ce qu'il n'a su négocier.

Et aujourd'hui je me souviens, 10 ans après ma première élection, du service public, de ce qui m'anime comme parlementaire et je sais que je ne pourrais faire ce travail sans d'autres personnes qui se sont engagées dans le service public pour le bien commun, qui ont choisi de faire carrière pour le peuple québécois au sein de l'appareil gouvernemental, qui le font avec grande fierté, des Québécois, des Québécoises compétents, sensibles à notre société, qu'on a laissés 18 semaines au froid. Ces juristes de l'État, ils sont 1 100 avocats et notaires répartis dans les ministères et organismes du gouvernement du Québec. Plusieurs d'entre eux sont ici, Mme la Présidente, dans nos tribunes. Ils sont au service de l'intérêt public, ils participent à la représentation du gouvernement du Québec en tant que plaideurs auprès des tribunaux civils, administratifs et pénaux. Ils agissent également comme conseillers juridiques et légistes auprès des ministres et présidents d'organisme, les juristes de l'État, qui fournissent des conseils juridiques apolitiques dictés par le respect de la primauté du droit. Trois types de fonctions spécialisées : fonctions de conseil, de légiste, fonction de plaideur.

Des collaborateurs de tous les instants pour nous, les législateurs, des gens qui sont d'un concours essentiel, et on a pu le réaliser. Moi, comme leader parlementaire, Mme la Présidente, j'ai pu réaliser, comme législateur, comme planificateur de notre action parlementaire, les résultats : le ralentissement de l'action législative, des dossiers bloqués, des dossiers qui manquent de conseils, un gouvernement qui croit qu'il peut se passer si facilement des légistes pour poursuivre son action. J'ai entendu le ministre dire qu'il respectait le droit de grève des juristes. Je le remercie pour sa mansuétude. Merci de reconnaître un droit prévu dans la loi, celui de la grève. Est-ce qu'il aurait pu en être autrement? Est-ce qu'il aurait pu dire : Je ne reconnais pas ce droit? Merci au ministre de nous rappeler ça.

Mme la Présidente, il y a une dizaine de bonnes raisons pour nous, députés, de se réunir en cette Chambre. Il y en a également, malheureusement, de moins bonnes. C'est l'une de celles-ci qui nous réunit ce soir. Pour la troisième fois en 12 ans, les juristes de l'État verront leurs conditions de travail fixées par une loi spéciale. Je ne crois pas avoir entendu ça dans le discours du ministre. Reprenant à son compte le guide du négociateur du premier ministre Jean Charest, à qui le ministre aspirait pouvoir succéder, inspiré par les coups de force imposés aux juristes en 2005 et 2011, le président du Conseil du trésor n'a pas fait preuve de la bonne foi nécessaire. Laissant traîner l'affaire depuis le mois de mars 2015, le gouvernement n'a cessé d'empoisonner les négociations jusqu'à ce qu'elles se rompent, puis jusqu'au déclenchement d'une grève générale illimitée d'une longueur maintenant inédite. Les juristes de l'État étaient dans le froid. Et je vous garantis qu'il en restera un, froid. Il restera des traces durables dans cette profession, et pour longtemps. Et le message qu'on envoie aux futurs juristes qui voudront s'engager dans le service public, il sera considérablement vicié par les 18 dernières semaines et le débat qu'on va vivre ce soir, Mme la Présidente.

Mme la Présidente, ce débat se fait aux dépens de l'État de droit — ces dernières semaines, les parlementaires ont eu à travailler avec des outils incomplets, avec des cahiers à peine noircis pour évaluer des projets de loi pourtant essentiels à la bonne conduite du Québec. C'est notre réalité, et elle mérite d'être dénoncée en cette Chambre — au mépris de la neutralité religieuse de l'État étudiée par le projet de loi n° 62, au mépris de l'environnement étudié par le projet de loi n° 102, au mépris des services aux citoyens, de la CNESST et du Curateur public, au mépris des parties impliquées dans environ 6 000 causes qui se retrouvent aujourd'hui devant les tribunaux administratifs, civils et pénaux — derrière ces chiffres, des réalités humaines, de l'attente, de l'angoisse, un espoir de voir se réaliser un projet, de voir se régler un litige, de pouvoir compter sur l'État, de lutter contre le cynisme, d'être là pour prendre soin des gens — au mépris des cadres gouvernementaux qui se voient surchargés par le travail et qui ne peuvent le dire à leurs ministres, et surtout, Mme la Présidente, au mépris des juristes eux-mêmes, dont certains parlementaires font partie de cette noble profession ici même, en cette Chambre. Au bout de 18 semaines, au bout du fonds de grève, se présentant encore, tout à l'heure, à la table des négociations avec bonne foi et espoir, nos juristes de l'État. Nos juristes de l'État. L'État, c'est nous. L'État, c'est les 125 parlementaires. L'État, c'est l'ensemble des Québécois. L'État, c'est l'ensemble de ces fiers travailleurs et travailleuses qui se sont engagés pour le service public.

Mme la Présidente, nous sommes plus ici ce soir que tous réunis. Dans les tribunes, dehors, il y a celles et ceux qui souhaitent une entente entre les parties. Nous en sommes. Au premier chef, le Barreau de Montréal et de Québec, l'association des avocats et procureurs au fédéral et des autres provinces, l'Association des cadres juridiques de la fonction publique, l'association des avocats de l'aide juridique, la FTQ, le SCFP, le SFPQ, le SPGQ, l'APGQ, d'anciens membres de cette Chambre, un ancien ministre du nom de Benoît Pelletier, respecté de tous, le Pr Patrice Garant. Pas plus tard qu'avant-hier, Mme la Présidente, la bâtonnière demandait de repousser l'adoption de cette loi inique. Aujourd'hui, on découvre que le président de la Commission des communications du Parti libéral du Québec, lui aussi demande qu'on évite cette loi spéciale. Il a choisi volontairement d'envoyer ce message.

• (20 h 50) •

Alors, Mme la Présidente, j'espère qu'au moment où le projet de loi sera mis aux voix les députés gouvernementaux ne soient pas seuls en cette Chambre, qu'ils soient accompagnés près d'eux d'une honte, je le dis, Mme la Présidente. Qu'on se rappelle des humiliations subies par les juristes, qui se sont prononcés par de larges marges pour la poursuite de leur mouvement au fil des dernières semaines. Le gouvernement aura tenté de faire écran sur les réels enjeux en recentrant la négociation sur les seules demandes salariales. Il y a pourtant tellement plus. Il y a le respect, il y a la considération, il y a l'estime qu'on leur porte, il y a la façon de négocier, la façon de livrer les messages d'abord aux parties impliquées avant de le faire par voie de communication en essayant de jouer une stratégie qui sert bien plus aux intérêts communicationnels du gouvernement qu'à une réelle volonté de régler l'entente.

Le gouvernement aura tenté de jouer le temps, mais pourtant nous voici, Mme la Présidente. Après les artifices, les sparages, il ne reste plus que la vérité. L'incapacité du président du Conseil du trésor à accomplir la tâche qui lui avait été confiée par le premier ministre est maintenant manifeste. Il nous avait promis un nouveau ton, il est revenu à ce qu'il était.

Après l'avoir exclu, après avoir juré que ce n'était pas l'objectif, le résultat lève le voile sur la seule volonté réelle du gouvernement, une conclusion écrite d'avance : une loi spéciale. C'est à croire qu'il existe, pour ce gouvernement, Mme la Présidente, deux classes d'employés de l'État : certains privilégiés, d'autres non, certains corps de métier qui ont toutes les entrées possibles dans ce gouvernement, qui ont l'oreille et qui ont surtout les avantages qui viennent avec.

À ce message d'échec envoyé malgré lui, je veux rappeler ceci, Mme la Présidente : ce n'est pas une fatalité. Il existe des gens qui préfèrent le gouvernement des femmes et des hommes à l'administration des choses, des gens qui mettent la bonne foi et l'éthique au coeur de leur action, des gens qui voteront contre cette loi spéciale malgré la majorité libérale, qui feront leur travail en plaidant, en étudiant, en mobilisant, en expliquant qu'on peut, on l'espère encore, changer les choses dans ce Parlement et que, bien qu'un gouvernement soit majoritaire, il se peut qu'à l'occasion il se rende à nos arguments, qu'il puisse nous écouter. Nous maintenons cet espoir.

Nous sommes échaudés. Des gens du Parti québécois, de la Coalition avenir Québec, de Québec solidaire, des gens qui, comme nous, ont entendu les juristes, travaillent avec les juristes, respectent les juristes, ont besoin des juristes et se disent que le geste irréparable qu'on va commettre en adoptant une loi spéciale à leurs dépens laissera des traces durables, Mme la Présidente.

Mme la Présidente, cette vision strictement comptable n'est pas une fatalité. Nier la lente asphyxie de nos services publics et l'humiliation de nos employés qui ont à coeur le service public et l'intérêt de l'État n'est pas une manière de faire. Comme mes collègues, Mme la Présidente, j'entends le message de courage envoyé par les juristes de l'État. J'étais avec eux au froid aujourd'hui, et ce n'était pas la première fois. L'importante contribution qui est la vôtre, les juristes de l'État, nous la reconnaissons. Votre volonté de servir, nous la partageons. Votre volonté de faire avancer le Québec, nous la partageons aussi. Nous prenons la mesure de l'insatisfaction de la population envers ce gouvernement usé. Nous prenons aussi rendez-vous en octobre 2018. Mme la Présidente, nous y serons.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le leader parlementaire de l'opposition officielle. Je vais maintenant céder la parole à M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, vous comprendrez que je prendrai quelques minutes pour vous démontrer notre grande déception de voir le Parti libéral, le gouvernement, utiliser encore une fois la façon la plus ignoble de faire avancer son agenda politique : une loi spéciale, un bâillon.

Mme la Présidente, on peut constater depuis les dernières années une sorte de mépris, un mépris systémique de la part du gouvernement, face à des professionnels, face aux aînés, face aux familles du Québec. On a un gouvernement qui ne s'est jamais entendu avec les étudiants, on s'en souvient tous, avec les éducatrices en CPE, avec les infirmiers, infirmières, avec les pharmaciens — on a un ministre qui est en chicane avec à peu près tout le monde dans le système de santé — avec les aînés — on a eu heureusement un recul la semaine passée de la part du ministre des Finances sur ces fameux crédits d'impôt qu'on enlevait aux aînés les plus vulnérables au Québec — aux familles québécoises — où on est allés chercher plus de 1 300 $ dans leurs poches depuis l'élection du Parti libéral. Ça, c'est du mépris. Ça, c'est oublier que c'est grâce à eux que le retour à l'équilibre budgétaire s'est fait. Les médecins, bien... bien oui, le ministre de la Santé qui est en chicane avec à peu près tous les spécialistes, les médecins de famille. On a même le Parti québécois... J'entendais — je fais un aparté, là — le Parti québécois, le chef, la semaine passée, qui nous disait : Nous, prochaine élection, on va être contre les médecins. Aïe! Ça va être le fun, la prochaine élection! Vraiment, de ce côté, on va avoir deux partis politiques qui ne voudront jamais s'entendre avec eux. Puis les cadres en santé, les cadres en santé qui sortaient la semaine passée en disant : Ça ne fonctionne plus, toutes les réformes que le ministre a mises en place, c'est l'échec.

Et on peut constater, Mme la Présidente, depuis que cette grève a débuté, des voix discordantes dans les derniers jours, des gens qui disent, au Parti libéral : Ça ne fonctionne pas, vous ne pouvez pas imposer une loi spéciale. Nicolas Plourde, Mme la Présidente, le président de la Commission des communications du Parti libéral du Québec, qui dit : «Je déplore la décision du ministre de refuser la médiation et de recourir au bâillon pour régler le conflit de travail qui perdure.» Et là c'est certain que le Parti libéral nous dit : Ah! c'est juste un employé, c'est juste quelqu'un... c'est juste le président des communications du Parti libéral du Québec. Il aura sûrement à parler à quelques bonzes du Parti libéral suite à cette déclaration, mais il reste quand même que c'est inquiétant.

Mme la Présidente, on a Marc Bellemare, que tout le monde connaît, l'ancien ministre du Parti libéral qui a claqué la porte, qui dit : Recourir à une loi spéciale «est une très mauvaise nouvelle. Les juristes de l'État ont fait preuve de courage, ça va laisser des traces — oui, j'en reparlerai un petit peu plus longuement. Leur coeur est brisé, il faut blâmer le gouvernement, la ministre de la Justice [...] qui a été absente...»

On ne peut pas s'empêcher de parler non plus, Mme la Présidente, de Benoît Pelletier, autre ancien ministre du Parti libéral du Québec, éminent professeur, qui dit, dans un papier qu'il a écrit le 16 janvier 2017... Ah! il dit : Il faut mettre fin au clivage entre les procureurs de la couronne et les juristes de l'État. Il dit : «Nous saisissons mal pourquoi le statut des avocats et notaires du gouvernement du Québec serait différent de celui de leurs collègues oeuvrant en matière criminelle ou pénale. Après tout, tous ces juristes se doivent d'être impartiaux dans l'exercice de leurs fonctions. À moins bien entendu que l'État québécois ne se contente d'opinions juridiques de complaisance et de conseils biaisés, ce dont nous doutons fortement.»

Mme la Présidente, savez-vous ce qui m'inquiète? Il y a un papier que j'ai ressorti, qui est écrit par Elisa Cloutier : Des avocats veulent précipiter leur départ à la retraite. Savez-vous quelle sorte de trace ça va laisser avec cette loi spéciale, ceux qui vont entrer au boulot mercredi matin, si on leur impose et s'il n'y a pas terrain d'entente d'ici là? Vous avez Me Jean Denis qui dit : «"Il y a des gens [pendant la grève qui] ont quitté, des jeunes. Personnellement, j'en connais deux. Et moi, je vais quitter un an d'avance, en avril, parce que je ne veux plus rien savoir de ce gouvernement[...]. Je suis écoeuré!", mentionnait Me Jean Denis, président de LANEQ, quelques minutes avant de faire l'annonce en conférence de presse d'une contre-proposition au gouvernement...»

Me Pascal Renaud, 32 ans, légiste au ministère de la Justice, dit : Moi, je songe à quitter le navire plus tôt que prévu. «J'étais censé partir dans deux ans, mais, en rentrant — après l'imposition de la loi spéciale — je fais mes calculs et, si je peux sacrer mon camp, je le fais!»

Mme la Présidente, je vous en cite quelques-uns, mais imaginez tous ceux qui n'ont pas parlé à des journalistes, qui sont assis à la maison avec leurs maris, avec leurs épouses, puis qui se disent : C'est assez! Quand je vous parlais de mépris systémique, là, bien, vous avez la preuve de gens qui risquent de quitter un emploi qu'ils aimaient, mais, avec un gouvernement aussi arrogant, Mme la Présidente, vous comprendrez que, dans ces conditions, ces gens se disent : À quoi bon continuer?

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : ...

M. Tanguay : Mme la Présidente, nous sommes au début d'un débat qui va durer plusieurs heures. Je pourrais prendre énormément de temps sur les termes antiparlementaires utilisés par les oppositions, le dernier en lice, «arrogant», «mépris», «mépriser», «un nouveau mépris systémique», «ignoble...».

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. Alors, je sais que plusieurs de ces termes ont été utilisés. J'ai été assez... tolérante est le mot. Alors, je vais vous inviter à un peu plus de prudence pour poursuivre votre intervention.

• (21 heures) •

M. Bonnardel : Je suis sur un ton tellement doux, malgré des mots extrêmement sévères. Vous savez, j'ai déjà été pas mal plus... hein?

Mme la Présidente, autre papier : Dur retour au travail à prévoir. Encore une fois, on dit : «L'annonce de la loi spéciale est un aveu d'échec signé [par le ministre].» Et je termine, Mme la Présidente, encore une fois avec Me Denis, qui dit — pas le choix de lancer quelques flèches à la ministre de la Justice : «Elle ne m'a jamais adressé la parole. Elle semble être en tutelle. Pourtant, comme procureure en chef, comment a-t-elle pu laisser se dégrader le conflit? C'est la pire ministre de la Justice de l'histoire du Québec.»

Une déclaration triste, Mme la Présidente, mais, en terminant, vous comprendrez que notre formation politique n'appuiera jamais, jamais, jamais ce bâillon. Et je termine en vous disant une chose, Mme la Présidente : Le parti libéral est devenu une sorte de sanctuaire pour les négociations arrogantes avec ceux qui servent l'intérêt public.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je le répète, je vous demande de ne pas utiliser des propos blessants pour quiconque ici, en cette Chambre. Vous avez le droit à vos positions, vos opinions, mais, s'il vous plaît, un peu plus de prudence.

Alors, je suis prête à reconnaître la prochaine intervenante et je cède la parole à Mme la ministre de la Justice.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, je vais faire un petit bout de chemin sur vos dernières paroles. Je pense qu'ici, en cette Chambre, depuis cet après-midi, il y a eu, de part et d'autre, des propos qui n'étaient pas nécessairement à la hauteur de ce qu'on peut s'attendre ici, au salon bleu. Les attaques personnelles, je pense qu'on peut les mettre de côté. Le dossier qui nous amène ici, dans le cadre de cette procédure extraordinaire, ce n'est pas un dossier banal, ce n'est pas un dossier léger, ce n'est pas un dossier qui prête aux attaques personnelles de part et d'autre. C'est un dossier important qui amène le gouvernement à devoir poser un geste extraordinaire, c'est-à-dire le dépôt d'une loi pour ramener au travail ces juristes, ces avocats, ces notaires qui, au quotidien, offrent des services publics à la population et au gouvernement.

Vous savez, Mme la Présidente, nous sommes placés dans une situation où nous devons, en tant que gouvernement, peser et établir la balance des inconvénients dans un conflit où, évidemment, l'État a respecté le droit de grève de ces juristes, de ces avocats, de ces notaires, mais l'État a aussi d'autres obligations. L'État a l'obligation de fournir des services à la population, l'État a l'obligation d'assurer la marche normale des tribunaux, de ses institutions, et, Mme la Présidente, force est de constater que le conflit de travail qui perdure entre les juristes de l'État et le gouvernement a des incidences sérieuses, des incidences importantes, des incidences graves pour le fonctionnement général de l'État et, incidemment, pour le maintien de l'État de droit. Dans l'intérêt public, il nous importe d'agir. Les conséquences du statu quo sont réelles, elles sont importantes, et, comme je le mentionnais, une analyse de la balance des inconvénients milite largement en faveur de l'intervention gouvernementale.

Vous savez, Mme la Présidente, depuis les deux dernières années et demie, presque les derniers trois ans, plusieurs de nos collègues se sont levés en cette Chambre pour dénoncer les délais qui ont cours dans notre système de justice, pour soulever, souligner l'importance de l'accès à la justice pour les citoyens et les citoyennes du Québec. Actuellement, la grève et le conflit portent atteinte de plein fouet à cette question, à l'accès à la justice pour des milliers de contribuables québécois. Il y a actuellement des entraves au processus judiciaire, des entraves à la saine administration de la justice, des entraves au traitement des dossiers en temps utile. Mme la Présidente, à titre d'information, il y a actuellement 783 dossiers au contentieux qui n'ont pas été traités, 85 dossiers Procureur général du Québec qui ont été reportés, 1 881 dossiers au Tribunal administratif du Québec qui n'ont pas été traités. Ce sont des dossiers au Tribunal administratif du Québec, Mme la Présidente. Et ça, on l'a entendu à maintes reprises, que ce soit par les interventions de notre collègue de Borduas, que ce soit par les interventions des collègues de l'opposition, que ce soit même par les interventions publiques de certaines personnalités, le Tribunal administratif du Québec, c'est la porte d'entrée pour bien des citoyens qui ont des litiges qui les opposent à l'État, des litiges concernant la Société d'assurance automobile, l'indemnisation des victimes d'actes criminels, les dossiers de prestations d'aide sociale.

Mme la Présidente, ce sont des dossiers importants, qui affectent les citoyens dans leur quotidien. Ces dossiers-là, ces 1 881 dossiers qui ont été remis, ça représente, Mme la Présidente, 415 journées d'audition. Vous savez, à chaque année, lors de l'étude des crédits, on pointait souvent du doigt les délais de traitement des dossiers devant le Tribunal administratif du Québec, le TAQ. Le TAQ, depuis les deux dernières années, s'était livré à un véritable travail pour renverser la vapeur, et traiter les dossiers à l'intérieur de délais raisonnables, et réduire les listes d'attente, les rôles, permettre le traitement des dossiers. Mme la Présidente, le nombre de dossiers qui avaient été traités au cours des deux dernières années avait vraiment permis au tribunal de reprendre le dessus. La grève actuelle et le report des 1 881 dossiers ramènent le Tribunal administratif à des délais que nous connaissions il y a quelques années, et ça, Mme la Présidente, ça a un impact direct pour les citoyens et les citoyennes.

Il y a également, Mme la Présidente, de nombreux dossiers au Procureur général qui n'ont pas été traités. Nous avons, depuis le début du conflit de travail, plus de 447 dossiers qui n'ont pas été traités au contentieux, 447 nouveaux dossiers qui sont entrés et qui n'ont pas été traités. L'impact de la grève : elle se fait sentir sur les litiges, elle se fait sentir dans le service-conseil, elle se fait sentir au niveau de la législation et elle a un impact sur l'ensemble de l'organisation du travail.

Lorsque je vous mentionne l'impact actuel sur les litiges, Mme la Présidente, annuellement ce sont près de 10 000 dossiers de litige qui sont gérés par les contentieux de Québec et de Montréal. La plupart de ces dossiers, Mme la Présidente, vont requérir plus d'une présence à la cour. Dans le cours normal de leur travail, le volume est déjà un défi pour les équipes de juristes, et, au tout début de la grève, nous avions 581 dates qui étaient inscrites au calendrier pour les contentieux de Québec et de Montréal, et ça, jusqu'au 31 décembre de l'année dernière. Pratiquement tous les dossiers ont dû être reportés. Alors, à la fin janvier, on avait noté 344 demandes de remise qui avaient été accordées à Montréal seulement.

• (21 h 10) •

Ça, ce sont des dossiers qui sont reportés et qui s'ajoutent au volume annuel habituel, ce sont des dossiers qui vont ajouter aux délais de traitement devant les tribunaux, et certains de ces dossiers-là, Mme la Présidente, oui, ont un impact dans la vie des citoyens et des citoyennes, de tierces parties, donc de tierces parties au conflit actuel, mais également certains de ces dossiers ont un impact financier sur les droits du gouvernement, les droits de l'ensemble des citoyens du Québec. Par exemple, à titre d'exemple, le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale a de nombreux dossiers de saisie de salaire, de prise d'hypothèque légale, de saisie d'avoirs liquides qui ont des conséquences sur la récupération des sommes qui sont dues à l'État, mais qui ont des conséquences... il y a des pertes de droits potentielles pour l'État et, donc, pour l'ensemble des contribuables.

Il y a des dossiers de pension alimentaire, Mme la Présidente, et ça, ça nous touche plus particulièrement. Moi, je vous avoue, Mme la Présidente, ça me touche tout particulièrement parce que les dossiers de pension alimentaire, ils ont un impact dans le quotidien des citoyens et des citoyennes, dans le quotidien des enfants et ils feront la différence également entre le versement ou non d'une prestation d'aide sociale et une réalité de vie dans l'extrême pauvreté pour certaines citoyennes, certaines femmes, certains hommes et bien des enfants.

336 dossiers n'ont pas été traités, Mme la Présidente. Le conflit actuel a des impacts qui vont bien au-delà des impacts que nous pouvons vivre ici, en cette Chambre, au niveau de la législation. Certes, la législation ne procède pas selon le rythme habituel. Certes, tous les processus de règlements, de rédaction, de dépôt, d'adoption de règlements sont paralysés. Mais, au-delà de ça, on a des tierces parties, on a des citoyens, des citoyennes qui sont impactés directement au quotidien dans leur réalité en raison d'un conflit de travail qui oppose les juristes de l'État et le gouvernement, et c'est cette réalité dont nous ne pouvons faire abstraction aujourd'hui, Mme la Présidente. Légiférer par voie de loi spéciale, ce n'est pas un choix, ce n'est pas une volonté, ce n'est pas un plaisir, mais c'est une nécessité lorsqu'après quatre mois de grève les impacts sont ceux que je vous décris ce soir, Mme la Présidente.

Alors, dans un contexte comme celui-là, dans un contexte également où les services-conseils au gouvernement ont un impact pour des tierces personnes que sont, par exemple, les municipalités... Parce qu'à la Direction des affaires juridiques du ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire c'est des centaines de dossiers de règlement d'emprunt, de cautionnement, d'engagement de crédits qui concernent les municipalités du Québec qui ne peuvent être traités. Mme la Présidente, ce conflit actuel là n'a pas qu'un impact envers le gouvernement, envers l'action de notre gouvernement et de cette Assemblée, mais il a aussi un impact pour nos partenaires que sont les municipalités, pour les contribuables de ces municipalités qui attendent avec beaucoup d'impatience de pouvoir aller de l'avant et de procéder avec des projets qui viendront améliorer leur qualité de vie.

Mme la Présidente, il y a également des dossiers majeurs pour le gouvernement — ça, je le mentionnais — les dossiers de négociation à l'international, les acquisitions de terrains, les expropriations. Tous ces dossiers commandent, évidemment, l'intervention de nos collègues et juristes de l'État. Et, en matière de législation, je vous le mentionnais, la pression de cette grève a un impact, évidemment, bien réel. Tous ceux et celles qui attendent des modifications importantes à certaines pièces législatives sont sur la glace. Alors, vous savez, Mme la Présidente, lorsque vient le temps de déposer une loi spéciale, on doit, bien sûr, évaluer l'ensemble des impacts. Mais aujourd'hui, en ce 27 février, il y a un constat, c'est que la grève des juristes a un impact important. Un impact plus qu'important, en fait, un impact majeur pour le bon fonctionnement de l'État, pour la bonne administration et la saine administration de la justice.

La proposition qui est sous étude ce soir et qui sera sous étude ce soir est une proposition respectueuse des parties, respectueuse aussi du processus de négociation. Une proposition qui permettra, nous l'espérons, un retour au travail de ces hommes et de ces femmes pour qui nous avons le plus profond respect, pour des hommes et des femmes qui, au quotidien, offrent des services à l'État, au gouvernement, mais qui aussi, par leur action, leur quotidien, ont un impact dans la vie de citoyens et de citoyennes du Québec que nous représentons tous ici, en cette Assemblée.

Alors, Mme la présidente, il est de notre devoir de légiférer. Nous ne le faisons pas de gaieté de coeur, mais nous avons la responsabilité de considérer ceux et celles qui sont impactés de front par cette grève et qui sont les citoyens et les citoyennes du Québec. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la ministre de la Justice. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, qui est aussi la porte-parole de l'opposition officielle pour le Conseil du trésor.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Merci, Mme la Présidente. Je suis un peu abasourdie d'entendre la ministre de la Justice juste avant nous. D'abord, on est ici, il faut se rappeler, on est ici parce que le gouvernement nous impose une loi spéciale, une loi spéciale pour faire rentrer les juristes, les juristes de l'État, les faire rentrer au travail mercredi matin.

J'entends la ministre de la Justice juste avant, mais je pense qu'elle oublie qu'elle a un autre rôle, la ministre de la Justice, c'est elle qui est la Procureur général du Québec. La Procureur général du Québec, c'est un rôle apolitique. Avez-vous entendu la ministre de la Justice dernièrement? Avez-vous entendu la ministre de la Justice les derniers mois? Avez-vous entendu la ministre de la Justice cet automne? On n'a pas entendu la ministre de la Justice, Mme la Présidente, et, aujourd'hui, elle nous parle de tous les impacts de la grève? Aujourd'hui, quand elle aurait dû penser à ça quelques semaines avant, quelques mois avant.

J'entends le président du Conseil du trésor — qui a la responsabilité des négociations, c'est lui qui a la responsabilité des négociations pour le gouvernement — j'entends le ministre nous dire aujourd'hui les mêmes choses, tous les impacts, il me recite... quand je lui ai dit cet automne — il n'était même pas ministre à ce moment-là — que cette grève-là a des graves impacts. Il se réveille, il se réveille aujourd'hui, puis là loi spéciale.

Il nous dit en même temps aussi, Mme la Présidente, que, jeudi passé, il a donné un ultimatum de 24 heures aux juristes de l'État. Puis il dit : On a essayé de négocier un peu quelques semaines avant. Parce qu'il oublie... Il ne faut quand même pas oublier d'octobre à janvier, là, hein, c'est quand même là où c'était son prédécesseur, qui est le ministre des Finances actuellement, c'est lui qui était en charge de ce dossier-là des juristes de l'État, ça a été bien difficile de le faire bouger. Ça a été bien difficile, Il n'y avait pas de négociations pantoute. Demandez aux juristes de l'État. Puis demandez à d'autres que les juristes de l'État, demandez aux députés qui ont reçu les juristes de l'État dans leur comté, dans leur bureau, ils ont entendu comment que ça s'est passé les derniers mois.

Ce n'est pas pour rien que le premier ministre a dit : Bien, maintenant, c'est important, notre collègue revient. Donc, on est contents qu'il est revenu, évidemment, mais là on lui dit : On te donne... Le premier ministre dit : Je te donne le mandat, règle-moi ça, ce conflit-là. Il ne lui a pas dit de régler ça par une loi spéciale. Puis là il nous dit aujourd'hui qu'il n'a pas le choix sur la loi spéciale parce qu'ils sont intransigeants. Est-ce qu'ils se sont assis deux secondes avec les juristes de l'État pour comprendre le fondement de leurs demandes et de leurs revendications?

Le ministre a dit : Je les ai rencontrés trois fois. Mais, à chaque fois, qu'il les a rencontrés... Il retournait sur la table de négociation, oui, je lui concède, mais il ne donnait pas le mandat à ses négociateurs de négocier, on revenait à la case zéro. Puis là il dit : C'est les juristes de l'État qui reviennent à la case zéro, c'est eux autres qui n'avaient rien sur la table. Là, je l'ai poussé, j'ai dit : Est-ce que vous allez faire une offre sur la table aux juristes de l'État? Bravo! Voilà trois semaines, une offre, briefing technique, on va la rendre publique.

On a un briefing technique, j'ai dit : Là, on va avoir les comparatifs, un peu. Parce que la demande des juristes de l'État est d'avoir la parité avec les procureurs de la couronne. Procureurs de la couronne, est-ce que ça nous dit quelque chose, les procureurs de la couronne? C'est des avocats aussi, les procureurs de la couronne. Je vais revenir un peu sur leur statut tout à l'heure si le temps me le permet, je vais revenir sur leur statut. Briefing technique, opération médiatique extraordinaire, j'y ai été. J'ai dit : Je ne laisserai pas passer ça, je vais y aller, l'offre est sur la table. Bien, opération médiatique ratée, en deçà de la fonction publique. Ils demandent la même chose que le DPCP, les procureurs de la couronne. Alors là, on peut bien me dire : J'ai fait une offre, une deuxième offre, une troisième offre, je l'ai dit aujourd'hui, ce sont des offres déguisées, Mme la Présidente. Il a ramassé un petit peu puis ramassé les affaires...

• (21 h 20) •

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Attendez un peu, Mme la députée. Je vais vous demander d'être un peu plus silencieux, s'il vous plaît, pour permettre à Mme la députée de poursuivre, j'ai de la difficulté à entendre, là, ses propos puis je suis à quelques pieds. Alors, vous pouvez poursuivre, Mme la députée.

Mme Léger : Merci, Mme la Présidente. J'étais dans mon envolée, là, quand même.

Alors, il a donné un 24 heures d'un ultimatum, et puis là il y a eu une contre-offre. Parce qu'il a oublié de le dire, il y a eu une contre-offre, et même le Barreau et la Chambre des notaires ont comme demandé au ministre responsable : Peut-être qu'il faudrait ouvrir à avoir une médiation quelque part. En fin de semaine, ça. Là, il y a un ultimatum, il a dit : C'est 24 heures pour le régler. Bien, minute, là, ce n'est pas ça, une négociation de bonne foi, puis nous autres, on a fait ce qu'il faut de bonne foi. Il viole actuellement le processus de bonne foi en ayant une loi spéciale. Ce n'est pas un processus de bonne foi, une loi spéciale. Il dit : C'est assez, là, ça fait quatre mois. Vous n'avez rien foutu pendant quatre mois.

Alors, Mme la Présidente, le ministre a dit que c'était sa priorité, qu'il était pour régler le conflit. Ce qu'il va nous dire aujourd'hui, régler le conflit, c'est par la loi spéciale, qu'il n'a pas été capable, qu'il n'a pas pu trouver une entente négociée. Puis là je l'entendais tout à l'heure de nous parler qu'on peut toujours encore. On a une loi spéciale, on commence ça, là, c'est une loi spéciale qu'on a devant nous. Les canaux sont ouverts... C'est intéressant, quand vous avez, Mme la Présidente, la corde presque au cou, là, pour dire : On est encore capables de négocier. Il n'a jamais écouté les juristes de l'État parce que le principe même de leurs revendications est tout le régime de négociation, particulièrement, et leur statut. C'est ça, le fond.

L'entendez-vous quand je l'ai questionné? Jamais il ne revient sur ça. Là, aujourd'hui, je l'ai essayé un petit peu, là. Si j'avais davantage de temps, je pourrais revenir sur ce qu'il a dit aujourd'hui, mais il n'a jamais parlé du régime de négociation, il va même demander... Dans une des offres possibles, là, il va même leur demander : Signez-moi ça, le salarial, puis après on verra bien ici un petit groupe de travail. Ils demandent de revoir le régime de négociation, il ne répond pas à ça. Tout ce qu'il me dit, c'est : Vous, Mme Léger, puis vous, la députée... Qu'est-ce qu'il fait? C'est lui, le président du Conseil du trésor. C'est la revendication principale des juristes de l'État.

Alors, le ministre a eu le mandat du premier ministre de régler le conflit. Bien, il a échoué parce que ce n'est pas une entente négociée. Il arrive, il nous impose une loi spéciale, puis le troisième élément, qu'on va revivre les prochaines semaines, c'est de briser le climat de confiance de ses juristes, des juristes de l'État, avec qui on travaille. Je l'entendais aujourd'hui : Ils sont extraordinaires, ils ont des fonctions très... On ne peut pas s'en passer, les juristes. Loi spéciale! C'est pour moi illogique, qu'est-ce qu'il nous dit aujourd'hui, le président du Conseil du trésor, Mme la Présidente.

Puis là, bien, ils sont en grève, puis il dit : Ah! je respecte ça, leur droit de grève. Oui, effectivement. Qui ne respecte pas le droit de grève? On respecte le droit de grève, c'est un droit fondamental au Québec d'avoir le droit de grève. Est-ce que vous pensez que ça les amuse, les juristes de l'État, d'aller en grève? Pensez-vous qu'ils ont le goût de faire ça, la grève? Pensez-vous qu'ils sont contents d'être dehors sans salaire, sans fonds de grève? Le gouvernement, on a dit : Ah! c'est ça, leur tactique, c'est de les affaiblir, de les rendre jusqu'au bout pour les affaiblir. Puis plus de fonds de grève, puis on va aller jusqu'au bout. Bien, ils ont été tenaces, ils ont été résistants, ils ont été résilients, les juristes de l'État.

Puis là, bien, la capacité de notre président du Conseil du trésor a été loi spéciale. Il a convaincu son monde pour une loi spéciale. C'est ça, sa façon de régler le conflit, par une loi spéciale. Il n'a pas été capable de trouver une entente négociée, il n'a pas été capable de s'asseoir sur le fondement même des demandes des juristes de l'État et sur une question de principe fondamental. Il ne parle pas de ça, il nous a toujours parlé du salaire. Les juristes de l'État ont toujours dit : Ce n'est pas une question salariale. Puis là qu'il ne nous fasse pas pleurer aujourd'hui sur le salaire des juristes de l'État, c'est juste ça qu'il essaie de nous dire : Ah! ils sont payés assez, tout ça. Ce n'est même pas sur ça, il nous amène ailleurs, le président du Conseil du trésor. Ça fait son affaire parce qu'il ne va pas au coeur de la demande des juristes de l'État.

Et, pendant ce temps-là, bien, on entendait la ministre, tout à l'heure, nous dire, Mme la Présidente, qu'il y a des impacts. Son rôle de Procureur général, est-ce qu'elle a parlé à ses collègues? Est-ce qu'elle a parlé avec les juristes de l'État? Est-ce qu'elle les a rencontrés, les juristes de l'État, dont elle a une grande responsabilité? C'est elle, la procureure. Les juristes de l'État ont besoin de leur indépendance de travail, et c'est la même chose pour la Procureur général. Je ne parle pas à la ministre, je parle à la Procureur général. Il y a un rôle particulier, unique dans ce gouvernement. Et, dans l'ensemble, quand on parle d'un gouvernement, la Procureur général a un rôle particulier, un rôle indépendant elle-même. Alors, elle n'accorde même pas aux juristes de l'État ce qu'elle est elle-même, qu'elle a un rôle indépendant. Alors, on comprend que les juristes de l'État sont fâchés, sont en colère. Pensez-vous qu'ils n'ont pas le goût de le régler?

Alors, Mme la Présidente, c'est qui, ça, ces juristes de l'État, là? Qui sont-ils? On en parle souvent, mais c'est qui? Les juristes de l'État fournissent des conseils juridiques apolitiques dictés par le respect de la primauté du droit. Trois types de fonctions spécialisées : fonction de conseil, ils font des enquêtes, appels d'offres, conformité constitutionnelle; fonction de légistes, élaborent des lois, règlements, programmes et politiques; fonction de plaideurs, tribunaux administratifs, civils et pénaux dans les recours qui impliquent l'État.

Alors, ils ont, les juristes de l'État... J'ai pu accrocher un article, un point de vue le 16 janvier dans La Presse, on expliquait que plus d'un millier d'avocats et notaires de l'État québécois agissent tantôt en droit civil, tantôt en droit constitutionnel ou administratif, tantôt en droit fiscal ou autre. Ce sont même eux qui défendent les procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Je le répète, ce sont même eux qui défendent les procureurs aux poursuites criminelles et pénales lorsque ceux-ci font l'objet de litiges civils où leur responsabilité professionnelle est attaquée ou qui soutiennent la validité des dispositions du Code criminel lorsque celle-ci est débattue devant les tribunaux. Et ils se portent quotidiennement à la défense de la primauté du droit, empêchent l'État de poser des actes illégaux ou inconstitutionnels et préparent les dossiers devant être entendus par les cours de justice et les tribunaux administratifs. Ce sont même eux qui vont plaider ces dossiers devant ces instances. Dans certains cas, les avocats et notaires du gouvernement québécois travaillent en tant que légistes à la rédaction des lois et règlements, préparent des contrats.

• (21 h 30) •

En passant, il y en a eu pour 868 millions de contrats publics depuis les quatre derniers mois. Je comprends que la ministre de la Justice nous en parle, mais 868 millions de contrats octroyés sans conseil juridique pendant quatre mois... Ils préparent les contrats et défendent l'État lorsque sa responsabilité est en jeu. Dans d'autres cas, leur travail en matière de contentieux fiscal permet à l'État de poursuivre les fraudeurs et autres débiteurs et de recouvrer d'importantes sommes d'argent.

Le droit criminel et pénal ne constitue pas une branche du droit plus noble que les autres. De fait, rien ne saurait justifier qu'au sein d'un même employeur, c'est-à-dire l'État, des salariés ayant la même formation en droit et exerçant le même type de fonctions soient payés selon des barèmes différents ou soient soumis à des régimes différents de négociation. Je le redis bien parce que je vois que le président du Conseil du trésor m'écoute très bien : soient soumis à des régimes différents de négociation en matière de relations de travail.

Alors, ce n'est pas tout d'écouter, Mme la Présidente, il aurait fallu agir aussi, et il avait l'occasion d'agir dans ce conflit avec les juristes de l'État. Les juristes de l'État ont dit au gouvernement le 20 décembre 2016 : 97 % contre l'offre du gouvernement, 90 % poursuivent la grève. 26 janvier 2017 : 97 % contre l'offre du gouvernement et 83 % pour la poursuite de la grève. 12 février 2017 : 96 % contre l'offre du gouvernement, ah! 63 % pour la poursuite de la grève illimitée. On pensait que, peut-être, ils rentraient au travail parce que le gouvernement les a assez poussés et affaiblis. Là, il a dit : Ils vont rentrer. Bien non, ils ont résisté, Mme la Présidente. Ils ont résisté malgré tout pour dire au gouvernement qu'il se trompe.

C'est quoi, le statut? C'est quoi, le statut quand on parle du statut — parce que c'est ça, leur principale revendication, leur statut, leur régime de négociation — dans le projet de loi de la loi spéciale qu'ils nous déposent aujourd'hui? Pas grand-chose, si ce n'est que pas pantoute. Pas pantoute. L'article 28 dans tout le processus de médiation : «Le processus de médiation porte sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle condition de travail.» Pas de régime de négociation, ça ne sera même pas discuté.

Ça, c'est toute une gifle parce que, Mme la Présidente, c'est la principale revendication des juristes de l'État. On fait plein d'articles puis on dit au 28 : On n'en discute même pas. Ça ne fait même pas partie du processus de médiation. Je ne sais pas où ils sont, le gouvernement, là. Où sont-ils, les ministres, de l'autre côté, et les députés du gouvernement? On ne sent aucunement une ouverture, et pas du tout, puis là on se retrouve avec une loi, une loi spéciale, Mme la Présidente. Ça fait la troisième fois qu'il y a une loi spéciale pour les juristes de l'État. Peut-être que ça veut dire quelque chose, ça.

Ils sont prêts à ne plus avoir recours à de la grève, et la grève est incompatible avec la fonction qu'ils ont dans un État de droit. Il y a des impacts que ça engendre, ça. C'est ça qu'ils vous demandent. Alors, je ne sais pas, le ministre, s'il est conscient que c'est la troisième fois qu'on s'en va dans une loi spéciale pour les faire revenir au travail. Ils disent : Enlevez-nous-le, le droit de grève, comme les procureurs, comme les juges, parce qu'on veut préserver notre rôle d'indépendance. C'est ça, leur revendication. Et le ministre leur dit aujourd'hui : Bien, écoutez, je vous impose une loi spéciale, et en plus, et en plus, vous rentrez au travail le 1er mars, et on n'en parlera même pas en médiation.

Qu'ils soient conseillers juridiques, légistes ou plaideurs, les juristes de l'État ont tous le même employeur et ont tous le même devoir de loyauté envers ce dernier, qui est lui-même au service de l'intérêt public qu'est l'État québécois. Pourquoi les procureurs de la couronne auraient-ils la responsabilité de servir l'intérêt public et pas les juristes de l'État? J'aimerais bien que le ministre me réponde à ça, pourquoi il fait cette différence. Il aurait pu aujourd'hui avoir une solution gagnante-gagnante. Il aurait pu aujourd'hui sortir lui-même la tête haute sans loi spéciale et faire sortir... et faire rentrer, dans le fond, les juristes de l'État avec la tête haute. Mais je vais lui dire quelque chose : Les juristes de l'État vont être obligés de rentrer avec la loi spéciale, mais ils vont rentrer la tête haute parce qu'ils ont été, pendant des semaines et des mois, la tête haute et qu'ils ont affronté ce gouvernement-là, qui est impitoyable avec ses juristes de l'État.

Nous, Mme la Présidente, nous nous objectons à cette loi spéciale, c'est sûr. Il n'est pas normal de distinguer les avocats de pratique privée et les juristes de l'État, qui sont les mandataires de l'État. De quel droit peut-on faire une distinction entre l'indépendance des juristes de l'État et celle des procureurs? Parce que le ministre nous parle particulièrement de salarial, ils ont la même chose, ce qui n'est pas vrai, là. On n'a pas le même discours à ce niveau-là, puis ça, ça peut être prouvé. Mais il n'en demeure pas moins que c'est la revendication principale des juristes de l'État, et, Mme la Présidente, le ministre décide aujourd'hui de faire une loi spéciale.

 Alors, évidemment, on est tous outrés de ça. C'est une journée noire, comme on dit tout le temps, une nuit noire qu'on va passer parce que c'est une loi spéciale, une loi spéciale avec les juristes de l'État. On s'objecte à l'attitude du gouvernement, de la façon qu'il traite ses juristes. Nous nous objectons de briser ce lien de confiance parce que le lien de confiance est important. Les juristes de l'État travaillent avec les ministres, les sous-ministres, la haute direction. Ils travaillent avec les grands mandataires de l'État tous les jours. Ils vont travailler avec le ministre. Lui, il est particulier. Le Conseil du trésor, c'est particulier. Mais les autres collègues, vous allez avoir des juristes de l'État avec qui vous travaillez. Je ne pense pas que vous allez avoir grand heures supplémentaires. Imaginez tout ce qu'on a à rattraper depuis des mois.

Je ne suis pas sûre qu'ils ont réfléchi à ça, l'impact sur chaque juriste qui va rentrer mercredi matin, le goût immense au travail, on s'entend, le goût immense au travail, de se donner corps et âme. Parce qu'ils ont une éthique extraordinaire, les juristes de l'État, un code de déontologie qu'on connaît tous, ils vont faire leur travail... continuer de faire leur travail extraordinaire, mais le coeur n'y sera sûrement pas, Mme la Présidente. Et ça, c'est à cause du gouvernement libéral que nous avons devant nous, qui n'ont pas voulu vraiment les écouter, parce que c'est ça qu'il faut se dire, ce n'est pas vraiment les écouter, même s'il dit, le président du Conseil du trésor, qu'il les a rencontrés quelques fois. Mais ce que lui a dit et ce qu'il y avait sur la table, ce n'est pas ça. Ce n'est pas ça. Ça ne s'est pas rendu jusque-là. Ça ne s'est pas rendu jusque-là. Et il écoute les... Il dit : Ah! bien, ils m'ont fait des rapports. Bien, peut-être que ça aurait été bien qu'il prenne le temps vraiment, vraiment, de s'asseoir avec les juristes de l'État dans le sens de leur revendication principale qui est celle de leur statut de leur régime de négociation. Alors, ce lien de confiance est brisé et ce lien de confiance, Mme la Présidente, est un lien essentiel pour la gouvernance et les affaires de l'État. C'est primordial, ce lien de confiance qu'il va avoir avec les juristes de l'État.

Alors, ce projet de loi n° 127, projet de loi spéciale n° 127, est une gifle et un affront pour vos propres bras droits, ceux qui travaillent tout près de vous, les juristes de l'État. Merci, Mme la Présidente.

• (21 h 40) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Et, pour la prochaine intervention, je vais céder la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques tout en vous rappelant que vous disposez d'un temps de parole de six minutes.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Merci, Mme la Présidente. Alors, je suis contente de pouvoir intervenir à cette étape-ci pour dire comment ça m'horripile de voir que le gouvernement, encore une fois, utilise une loi spéciale pour mettre au pas les employés de l'État. Ça m'horripile parce que je pense que, dans ma vie, s'il y a une chose que j'ai apprise, c'est : quand il est temps de négocier, il faut, un, le faire de bonne foi et, deux, il faut se mettre en mode ouverture.

Et, je pense que la Cour suprême nous l'a rappelé, une négociation, le droit de grève, le droit d'être représenté syndicalement, c'est un droit parce qu'il y a un rapport de force qui n'est pas là. C'est pour ça qu'on a le droit, dans notre société démocratique, de se regrouper, de se rassembler, de se mettre ensemble en force pour être capables, dans ce cas-ci, d'aller dire à notre employeur : Nous voulons être reconnus comme les autres procureurs de l'État.

Ça n'a pas de bon sens qu'après quatre mois de grève où le ministre, à plusieurs reprises, nous a dit, en cette Chambre, qu'il s'est mis en mode négociation, là, à ma grande surprise, ce que j'entends de la part de la partie gouvernementale, c'est comme si c'était la faute des juristes si on en est rendus là où on est. C'est comme si c'était la faute des juristes si les cas s'additionnaient, dont la ministre a parlé tantôt, si les pensions alimentaires n'étaient pas payées, si les argents dus à l'État n'étaient pas rendus. Quand vous êtes dans une négociation et que, pendant 18 semaines — ça fait une couple de mois, ça — la partie patronale, c'est le silence radio, je n'appelle pas ça négocier de bonne foi.

La grève arrive, on se met en mode écoute, ouverture, mais plus on avance, plus on recule. Ça non plus, à mon sens, ça n'a pas de bon sens. Puis plus on avance, on recule tellement, Mme la Présidente, que, dans le cadre de la négociation, le ministre a mis un ultimatum à la fin de la semaine dernière. Les avocats et notaires de l'État ont dit : Ah! on vous fait une contre-proposition, on aimerait ça avoir une médiation. J'entendais d'ailleurs, plus tôt, le ministre, en Chambre, dire : «Anyway», ça ne donne rien. C'est intéressant comment ça ne donne rien, hein? Ça se retrouve même dans le projet de loi.

Alors, c'est dur à suivre, sinon que de se poser la question : Mais pourquoi ça se passe de même? Et là, puisqu'on ne peut pas prêter d'intention, on peut essayer au moins de réfléchir à pourquoi c'est comme ça. Pourquoi c'est comme ça? Parce que, d'un côté, on dit : Nous, les employés de l'État, et, notamment, les avocats, et les notaires, on les aime, on les trouve bons, on trouve qu'ils font bien leur job, etc., mais, en même temps, non, on ne veut pas leur reconnaître le même statut que des employés qui ont le même statut qu'eux autres. C'est un drôle de message, ça, à envoyer à nos employés, d'avoir deux classes d'avocats. Nous, là, nous, l'État, nous allons avoir deux classes d'avocats, deux classes de juristes. C'est un peu bizarre, cette affaire-là.

L'autre élément de ce qui me sidère là-dedans, c'est toute la question de l'indépendance, hein, le... J'entendais encore ce matin : Les avocats et les notaires sont au service de l'État, à notre service, alors que, dans les faits, on va être clairs, comme tous les avocats et notaires, ils sont au service du droit, de la règle du droit.

Alors, j'espère... Bien, vous comprendrez bien, à travers cette intervention-là, que nous sommes vraiment très tristes de voir comment on est rendus à cette étape-là, on est en défaveur, on est contre l'utilisation de cette mesure d'exception parce que, dans les faits, je pense qu'ils s'en allaient vers une entente et que, si ce n'est pas arrivé, l'espèce de seule conclusion que j'ai dans ma tête à moi, c'est de me dire, bien, que le gouvernement voulait montrer que c'était lui qui avait le gros bout du bat et qu'en bout de ligne il va l'utiliser pour forcer les travailleurs et travailleuses à retourner en emploi. Puis après ça on va continuer à mettre de l'argent public pour dire aux gens : Venez dans la fonction publique parce que c'est le fun, la fonction publique. Alors, c'est clair qu'on est en désaccord avec ça, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Maintenant, pour la prochaine intervention, je vais céder la parole à M. le député de Borduas, qui est aussi le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de justice.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. J'interviens ce soir sur le projet de loi n° 127, un projet de loi bâillon qui fait en sorte que les juristes de l'État, les avocats et les notaires de l'État québécois, vont devoir rentrer au travail, vont devoir rentrer au travail contre leur gré dans les conditions dans lesquelles c'est imposé.

Vous savez, Mme la Présidente, le fait d'adopter une loi spéciale pour forcer les juristes de l'État, premièrement, ce n'est pas un bon message à envoyer. On parle de relations de travail, on parle du gouvernement qui traite ses employés de cette façon-là. On vient leur taper sur la tête, on leur dit : On vous a laissés pendant 18 semaines à l'extérieur, on vous a laissés durant les fêtes, à Noël, on a vous a laissés épuiser votre fonds de grève, on va a laissés emprunter des millions de dollars pour financer votre grève, on vous laissés accumuler une dette qui va chiffrer pour plusieurs milliers de dollars pour chacun des avocats, des avocats, des notaires qui se retrouvent dans les tribunes ce soir, Mme la Présidente. Des gens qui viennent travailler pour s'assurer que les droits de l'État soient respectés, qui viennent travailler pour s'assurer que les droits des citoyens sont respectés.

Parce qu'on a entendu plusieurs choses du côté du gouvernement, plusieurs choses pour dire : Les procureurs de la couronne, ce n'est pas la même chose. Ce soir, on aura l'opportunité de faire la démonstration que, bien qu'en 2005 on a fait en sorte que les procureurs de la couronne, maintenant, relèvent du Directeur des poursuites criminelles et pénales, la fonction qui est exercée par les juristes de l'État, qu'ils soient avocats ou notaires, elle est très importante dans notre système, dans notre État québécois, et que ceux-ci font un travail qui mérite d'être reconnu. Prenons simplement le cas d'un ou d'une procureure, d'un avocat ou d'une avocate qui travaille à la Commission des normes du travail, qui prend le dossier d'un travailleur lésé, de quelqu'un dont les droits ont été violés, que ça soit au niveau de la rémunération, que ça soit au niveau des conditions de travail, au niveau des normes minimales de travail. D'ailleurs, la ministre du Travail nous a annoncé qu'elle voulait faire une réforme au niveau de la Loi sur les normes du travail, mais elle n'a pas d'échéancier, on ne sait pas quand. Ça fait que ça sera probablement la journée des quatre jeudis. Mais ça, on y reviendra.

Donc, l'avocat ou l'avocate qui représente cette personne-là pour un litige de nature salariale, ou même pour un congédiement injustifié, Mme la Présidente, ou même pour une plainte de harcèlement... on en parle beaucoup ici, de harcèlement au cours des dernières années, au cours des derniers mois. Bien, la job des procureurs, des juristes de l'État, dans certains cas, c'est de faire en sorte que les travailleurs québécois, lorsqu'ils travaillent dans leur milieu de travail, ils soient exempts de harcèlement. Ça, c'est un des exemples concrets où les avocats, les avocates à la Commission des normes du travail, qui est maintenant fusionnée avec la Commission de l'équité salariale et la CSST, vont prendre le dossier et vont s'occuper des droits des citoyens.

Mais, Mme la Présidente, aujourd'hui, on est sur le bâillon. Pourquoi on est sur un bâillon? Je vous dirais : Parce que le Parti libéral et ce gouvernement libéral là aiment les proverbes, Mme la Présidente. Jamais deux sans trois, hein? C'était peut-être à prévoir, Mme la Présidente. 2005, 2011, 2017. Une chance que le proverbe arrête à jamais deux sans trois puis qu'en 2018... J'espère qu'il va y avoir un changement pour ne pas que ça se reproduise encore, cette situation-là, la façon dont on traite des employés de l'État, des juristes, des avocats, pour que ça ne se reproduise pas, ce manque de respect, la façon dont on négocie les conventions collectives, la façon dont on fait en sorte que ces employés-là reviennent au travail.

• (21 h 50) •

Jamais deux sans trois, Mme la Présidente. En 2011, il y a eu une grève de deux semaines : procureurs de la couronne, juristes de l'État, avocats et notaires de l'État; loi spéciale. Vous y étiez, Mme la Présidente, je crois, vous avez pu constater. Ça faisait suite à une précédente loi spéciale du même gouvernement libéral. Par la suite, les mois ont suivi, on a modifié la loi, la loi spéciale qui avait été adoptée. L'association des juristes s'était entendue avec le gouvernement par le biais d'une lettre d'entente, Mme la Présidente. Donc, dans le document Entente de principe concernant certains éléments modifiant la convention collective des avocats et notaires 2010-2015 intervenue entre : Le gouvernement du Québec — gouvernement libéral de l'époque — représenté par le Secrétariat du Conseil du trésor et l'Association des juristes de l'État, Québec, le 7 juillet 2011, Mme la Présidente, vous pouvez constater que ce sont les mêmes acteurs qui sont en place il y a six ans, Mme la Présidente. Donc, le gouvernement a adopté sa loi en 2011, et là quelques mois plus tard, en juillet, juillet 2011, arrive à une entente avec les juristes de l'État et leur dit, dans le cadre de l'annexe 5, une lettre d'entente, là, où les deux parties disent : On va travailler en ce sens-là... Le gouvernement a signé de sa main pour dire : Je vais travailler en ce sens-là. Lettre d'entente concernant la réforme du régime de négociation avec l'Association des juristes de l'État :

«Le gouvernement du Québec et l'Association des juristes de l'État conviennent de mettre sur pied, à la date de la signature de l'entente — bon, je vous fais part, entre les procureurs et le gouvernement — [...]afin de discuter de la réforme du régime de négociation.» Il y a deux paragraphes.

«Dans le cadre de son mandat, le comité devra déterminer les éléments sur lesquels porteraient les travaux d'un nouveau comité présidé par un tiers indépendant, désigné par les parties. Les recommandations formulées par le comité pourraient être approuvées, modifiées ou rejetées en tout ou en partie par le gouvernement.»

Mme la Présidente, en 2011, le gouvernement, avec sa propre signature, avait offert de regarder le mode de négociation des juristes de l'État québécois. Qu'est-ce qu'il a fait, le gouvernement? Il n'a rien fait. Il a eu six ans, six années, Mme la Présidente, presque six ans, cinq ans et demi parce qu'on est en février, cinq ans et demi pour établir un nouveau mode de négociation pour la convention collective. Le gouvernement n'a pas négocié sérieusement. Ce n'est pas à partir du moment où la loi spéciale de 2011 a pris fin que le gouvernement a commencé à négocier de mauvaise foi, Mme la Présidente, c'est à partir de 2011.

Qu'on se le tienne pour dit, lorsque vous signez une entente avec ce gouvernement libéral, ça ne vaut rien, Mme la Présidente, parce que le Parti libéral ne tient pas sa promesse sur ses engagements. Il faut que ce soit très clair pour la population. On ne serait pas dans cette situation-là si le président du Conseil du trésor, ses prédécesseurs avaient fait en sorte de négocier sérieusement puis d'arriver à une entente.

Vous savez, Mme la Présidente, les avocats et les notaires de l'État québécois sont des personnes qui sont raisonnables, ils sont habitués à respecter les règles. D'ailleurs, vous aurez noté que, tout au long du conflit de travail, il n'y a pas eu de débordements. Pourquoi il n'y a pas eu de débordements? Parce qu'ils soutiennent la règle de droit, ils soutiennent la primauté du droit. Ils ont exercé avec toute la rigueur possible leur droit de grève. Les actions qu'ils ont entreprises étaient des actions légales, en conformité, et on devrait les féliciter pour ça, Mme la Présidente. Par contre, eux qui remplissent leur partie du contrat, de vouloir se mettre à la table de négociation, Mme la Présidente, le gouvernement ne le fait pas.

J'entendais le président du Conseil du trésor nous dire tout à l'heure : Écoutez, on a eu des séances de médiation qui ont débuté l'été dernier. Est-ce que le médiateur, est-ce que la position gouvernementale avait un véritable mandat de régler? C'est la question à poser au président du Conseil du trésor. Six séances de négociation. Avait-il le mandat de régler? Ça m'étonnerait, Mme la Présidente, ça m'étonnerait parce que, si on entend les deux parties, Mme la Présidente, vous verrez qu'il y a des versions contradictoires. Et, dans ce cas-ci, en raison de ce que je vous ai dit, j'aurais tendance à prendre la parole donnée par les juristes de l'État plutôt que celle du Parti libéral.

Mme la Présidente, je vous le dis, c'est extrêmement malheureux. Six ans plus tard, on se retrouve dans une situation où on est à l'Assemblée nationale, on va passer une nuit blanche pour débattre des conditions de travail des juristes de l'État qui seront imposées par ce gouvernement libéral là, qui fait preuve d'insensibilité.

On a entendu toutes sortes de choses, Mme la Présidente, tout à l'heure, lors de l'intervention du président du Conseil du trésor et de la ministre de la Justice, mais ça vaut quand même la peine d'y revenir. On nous a dit d'un côté : Écoutez, ce n'est pas un choix, le fait de présenter une loi spéciale. Ce n'est pas un choix. Bien, si c'est contre votre volonté, je vous dirais : Votez contre la loi. Retirez le projet de loi, si ça l'est. Mme la Présidente, le choix que le président du Conseil du trésor a, c'est d'aller s'asseoir à la table des négociations et de régler la situation. Dans son bulletin, le président du Conseil du trésor pourrait inscrire la lettre E pour échec présentement, Mme la Présidente. Mme la Présidente, peut-être qu'on devrait avoir la formation continue puis on devrait réinstaurer les bulletins, particulièrement pour les gens qui siègent au Conseil des ministres, ça ferait peut-être du bien d'être évalué, Mme la Présidente.

Donc, on nous dit : Ce n'est pas notre choix. C'est à regret qu'on impose une loi spéciale. Et on fait porter le fardeau de cette loi spéciale là aux juristes qui sont dans les tribunes, aux juristes qui sont à l'extérieur. On leur dit : Écoutez, pour assurer la prestation de services, pour s'assurer que la population puisse avoir accès à la justice, bien, c'est de la faute des juristes parce qu'ils exercent un droit. Et on dit : Écoutez, nous, on agit en tant que médiateurs, comme équilibre, et là on vient rétablir la situation. La vraie raison, Mme la Présidente, c'est que, depuis 2003, ce gouvernement libéral là est en poste, il y a eu trois conflits de travail avec les juristes de l'État. Le système de justice est affecté et atteint, se retrouve dans une situation où il y a de longs délais. Les gens n'ont pas accès rapidement à la justice. Et ça, Mme la Présidente, ce n'est pas parce que les juristes de l'État sont en grève, c'est parce que le gouvernement n'a pas assez investi dans le domaine de la justice, n'a pas procédé aux réformes qu'il devait y avoir dans le système de justice.

Avant Noël, la ministre de la Justice nous a annoncé en catastrophe l'investissement de 175 millions de dollars, avec des salles, d'ailleurs, qui avaient déjà été annoncées, à la onzième heure, à la dernière minute. Mais on constate qu'encore aujourd'hui on n'a pas réglé le problème, Mme la Présidente. On n'a pas réglé le problème. Et la réalité là-dedans, Mme la Présidente, c'est que la grève des juristes n'est pas la cause des retards qu'il y a, du problème d'accessibilité à la justice. Donc, de faire porter ce fardeau-là aux juristes, je trouve que ça n'a pas de bon sens parce que, si le gouvernement libéral était vraiment sensibilisé aux droits de la population, au fait que les citoyens aient accès à la justice, dans un premier temps, il se serait assis avec une plus grande célérité à la table des négociations avec les juristes. Il aurait essayé de trouver véritablement une voie de passage, Mme la Présidente. Il n'aurait pas laissé perdurer la grève pendant 18 mois parce que, quand qu'on a vraiment à coeur le droit des justiciables, de faire en sorte que quelqu'un qui a été victime d'agression sexuelle, ou qui a été battu, ou qui a subi une agression physique ou morale... bien, on s'arrange pour que son dossier soit prioritaire. Actuellement, ce n'est pas le cas dans les dossiers dans les tribunaux administratifs. Il y a de longs délais. Même chose pour un accidenté de la route, même chose pour un bénéficiaire de l'aide sociale qui n'a pas accès. Ce sont toutes des situations qui étaient connues par le président du Conseil du trésor, par la ministre de la Justice, et ils n'ont pas agi.

Donc le recours à une loi spéciale n'est pas la formule appropriée, mais ce qu'on a fait, c'était une stratégie gouvernementale de laisser s'épuiser les ressources dont les juristes de l'État disposaient. On a laissé pourrir le système. C'est ça, la méthode de gestion libérale, Mme la Présidente. Ce n'est pas la responsabilité des juristes de l'État.

Et, vous savez, Mme la Présidente, le président du Conseil du trésor met en doute la parole des juristes. Ça semble être la mode, au niveau du gouvernement libéral, de mettre en doute la parole des interlocuteurs. Prenez récemment le cas des agriculteurs du Québec. Le premier ministre s'est levé de son siège pour dire : Ça n'existe pas, les hausses de taxes agricoles. Ça n'existe pas. Il ne croyait pas l'ensemble des agriculteurs du Québec qui avaient des hausses parfois de plusieurs milliers de dollars au niveau du rôle d'évaluation foncière, qui recevaient leur compte de taxes. Puis il leur disait : Ce que vous nous dites, vous, dans toutes les régions du Québec, ce n'est pas vrai, vous êtes des menteurs. Qu'est-ce qui est arrivé? Finalement, ils se sont bien rendu compte que les agriculteurs avaient raison.

Les juristes nous disent : L'offre que nous avons, ce n'est pas la parité avec les procureurs de la couronne ou les procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Ça fait des mois qu'ils le disent. Le président du Conseil du trésor s'entête, lui, à dire : Je vous offre la même chose. Il nous présente son tableau didactique. Même ses fonctionnaires, sa sous-ministre n'a pas été capable d'expliquer aux journalistes, lors de la présentation de l'offre du gouvernement, comment ça se fait que ça ne coïncidait pas. Les juristes nous disent : On veut la même chose que les procureurs de la couronne. On veut l'équité. Le président du Conseil du trésor nous dit : Je l'ai fait, l'équité. Manifestement, il y a deux versions. On ne croit pas les juristes. Pourquoi est-ce que le gouvernement s'entête à ne toujours pas croire ses interlocuteurs, des gens qui travaillent dans l'intérêt collectif, qui soutiennent la primauté du droit et qui veulent s'assurer d'avoir des conditions de travail qui vont leur permettre de travailler en toute liberté, qui va leur permettre de faire en sorte de défendre les intérêts de tous les Québécois?

• (22 heures) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Borduas. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Mégantic.

M. Ghislain Bolduc

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Il est remarquable, dans ce débat restreint, d'entendre les conversations divergentes, je dirais, parce que, d'un côté, on entend un vocabulaire de négativité extraordinaire et de plus en plus démoralisant, quand moi, j'ai bien entendu, j'ai bien écouté, le président du Conseil du trésor et le ministre de la Justice nous parler d'un débat respectueux, d'un débat qui se fait dû à une raison bien fondamentale : c'est que la population, qui actuellement commence à souffrir des enjeux de cette grève, doit être protégée, et l'équilibre dans lequel nous vivons doit être rétabli.

J'ai travaillé en commission depuis qu'on est revenus. Les juristes étaient en grève. Les gens ont été respectueux, et, comme nous l'avons bien mentionné du côté du gouvernement, ce sont des gens respectueux. Ce sont des gens que l'on respecte, mais, à un moment donné, nous avons une obligation de maintenir des services à notre population, qui, elle, est en train de devenir inquiète et en train de subir des préjudices auxquels il faut survenir.

Donc, c'est un point très, très important d'écouter un débat où la couleur des débats est très, très évidente et il nous faut bien voir que, d'un côté, on a du négativisme, du foncé, des caractéristiques très négatives et obscures et, de l'autre côté, il me semble qu'on a bien mis une image dans laquelle il y a un débat, une grève dans ce cas ici, qui nous force à arriver avec une loi spéciale pour régler le conflit tout en permettant de pouvoir régler dans un futur la négociation des éléments qui sont encore en litige.

On nous a parlé de toutes sortes de vecteurs, mais le président du Conseil du trésor a bien mentionné : Il ne faut surtout pas oublier ce phénomène-là, il y a eu plus de 450 000 employés du gouvernement avec lesquels on a fait une entente. On a parlé aussi que, la semaine dernière, il y a eu une entente avec les agents de la paix, quelque chose qui ne s'est pas produit depuis des décennies. Donc, quand on essaie d'être négatif et de réduire et qu'on oublie l'aspect positif, les actions réalistes, les effets concrets de ce qui s'est produit par le gouvernement, on polarise de façon négative un débat. Et je dois admettre que, de l'autre côté de la Chambre, ils ont certaines dispositions à cet égard. Malheureusement, c'est comme ça.

Donc, il est très important de bien comprendre que cette loi spéciale, elle est ici pour protéger notre public, pour s'assurer que l'inquiétude sera résorbée, tout en maintenant une possibilité de règlement dans un cadre mieux défini par le projet de loi n° 127, qui permettra d'avancer et, nous l'espérons, d'arriver à une entente.

On nous a abondamment parlé de l'équilibre entre les juristes et les procureurs, et l'opposition essaie de nous faire accroire que tout ça se fait dans un contexte d'équité, etc., mais il faut bien se rendre compte que les deux groupes d'employés travaillent dans des environnements différents et dans des conditions différentes, chose qui semble se faire oublier de façon systématique quand on veut polariser le débat dans une direction. Vous savez, il est toujours facile, quand on n'a pas la responsabilité, de faire des critiques et de polariser un débat, mais, quand la responsabilité décisionnelle est en cause, il faut prendre le temps d'analyser l'ensemble des variables et des vecteurs qui vont faire que l'ensemble du bien commun va être pris en considération.

Donc, je crois fermement que la position que nous prenons ici ce soir est la bonne. Et je vais reprendre encore une fois les propos du président du Conseil du trésor, qui a dit que nous avons mis six propositions sur la table et six propositions croissantes, bonifiées à chacune des étapes qui ont été déposées, et, qui plus est, les juristes, l'association des juristes, la semaine dernière, a déposé une proposition de recul. Il faut bien voir les faits, et nous ne parlons pas de perceptions, d'idées, de principes, de couleurs, de teintures des émotions que les gens... on parle ici de faits, de réalité concrète, substantielle, démontrée.

Donc, il est très, très important pour l'ensemble de cette Assemblée de bien réaliser que le débat que nous avons ce soir est le résultat d'un déchirement entre deux entités, le bien commun et l'association des juristes, qui s'est mise dans une position qui actuellement nous force à agir pour éviter qu'il y ait des problématiques de plus en plus sérieuses pour la population du Québec.

Donc, Mme la Présidente, je crois que le dossier, il est au bon endroit. On s'assure qu'à l'intérieur du projet de loi n° 127 il y aura de la place pour discuter, pour négocier, pour amener ce débat-là au bon endroit. Et je crois que c'est une très bonne façon d'approcher la situation. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Mégantic. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Vachon, et vous disposez d'un temps de parole de 1 min 30 s.

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet : Oui. Ce que j'entends, ici, ce soir, de la part du gouvernement libéral, n'est pas très honorable. J'ai entendu, ce soir, deux ministres libéraux, pas les moindres, la ministre de la Justice et le président du Conseil du trésor, avocats de formation en prime, deux ministres qui ont tenté d'invoquer leur propre turpitude pour justifier la loi spéciale et le bâillon, deux ministres libéraux qui ont laissé traîner les négociations, deux ministres libéraux qui ont laissé traîner la grève, et ils se plaignent aujourd'hui des conséquences de la grève pour justifier la loi spéciale et le bâillon. Franchement, Mme la Présidente, je ne sais pas trop où est-ce qu'ils ont gagné leurs diplômes d'avocats.

J'ai aussi entendu ce soir le président du Conseil du trésor, qui a eu le front, le culot de dire ici qu'il respecte le droit de grève des...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée de Vachon, vous disposez de 1 min 30 s, mais j'aimerais que vous puissiez intervenir en utilisant des propos un peu plus respectueux de vos collègues ici, en cette Chambre. Veuillez poursuivre.

• (22 h 10) •

Mme Ouellet : ...qui a dit ici, dans cette Chambre, qu'il respectait le droit de grève des juristes, alors qu'il a lui-même déposé une loi spéciale qu'il veut faire adopter sous bâillon pour forcer leur retour au travail. Il y a un mot pour qualifier ça, mais, ici, il est interdit, ce mot-là...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Vachon. Maintenant, je vais passer à la prochaine intervention et je cède la parole à...

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Bien, le Parti québécois... Il reste 15 secondes à l'opposition officielle, alors, si vous voulez... Vous êtes déjà intervenu, M. le leader parlementaire. Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut intervenir? Ce serait normalement à un membre formant le...

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Un instant! Un instant! Habituellement, c'est...

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, vous avez tout à fait raison, il y a une alternance qui est souhaitée. Y a-t-il un intervenant du côté du gouvernement? Il vous reste un temps de parole de 16 minutes et, pour terminer le débat, il restera 15 secondes à l'opposition officielle. Alors, je vous cède la parole, M. le leader adjoint du gouvernement. Merci.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, point de vue alternance, tout à l'heure, nous avons eu, pour le bénéfice de mes collègues, une intervention du Parti québécois, de la CAQ et de la députée indépendante de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Je comprends que là ils sont très pris au dépourvu, Mme la Présidente : Que dire en 15 secondes sur un tel débat? On se regarde, on se pointe : toi, pas moi, non, toi. Alors, 15 secondes, on pourra le prendre, Mme la Présidente, le cas échéant. Inquiétez-vous pas, on aura l'occasion de justifier ce qui nous réunit ici ce soir, à savoir le projet de loi n° 127.

Et il est important, Mme la Présidente, d'en lire et d'en comprendre l'impact de l'intitulé. Alors, le projet de loi n° 127 s'intitule de la façon suivante : Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques

Alors, Mme la Présidente, important, et ça se dit en plus de 15 secondes, ça, Mme la Présidente, important de voir, à sa face même, l'objectif du projet de loi, d'une part, d'assurer la continuité de la prestation des services au sein du gouvernement, des services juridiques, et, d'autre part, de voir qu'il permettra la poursuite de la négociation. Et, en ce sens-là, il est important, Mme la Présidente, de mentionner évidemment le processus qui nous a amenés à ce dépôt de projet de loi. Et le ministre, le président du Conseil du trésor, a eu l'occasion de mentionner les éléments qui font en sorte qu'après deux ans de négociation, après une quarantaine de séances, et une séance, Mme la Présidente, on n'est pas seuls dans des séances... Alors, après une quarantaine de séances, deux ans de négociations, 18 semaines de grève, grève générale illimitée qui a cours depuis le 24 octobre 2016, soit depuis plus de 18 semaines...

Et, ce matin, que disait le président de l'association en cause, le président de LANEQ? Pas ce matin, cet après-midi, alors qu'il était en compagnie du chef de la deuxième opposition, le président de LANEQ, président qui représente un groupe de négociation qui, depuis deux ans, a des négociations, qui, depuis plus de 18 semaines, 24 octobre 2016, est en grève générale illimitée, qui, après donc plus de 18 semaines de grève, le président, alors qu'il était en compagnie du chef de la deuxième opposition, M. Denis a affirmé que les demandes de LANEQ sont les mêmes depuis le début et qu'elles n'ont pas changé, Mme la Présidente. Encore une fois, le président dit : Les demandes sont les mêmes depuis le début et elles n'ont pas changé.

Il est important, Mme la Présidente, de parler de chiffres. Et les gens qui nous écoutent à la maison, Mme la Présidente, on parle de salaires de plus de 100 000 $ par année. Les juristes de l'État font un travail excessivement important, central, déterminant. Et j'aurai l'occasion, un peu plus tard, de revenir sur les propos tenus par la collègue de Pointe-aux-Trembles et tenus par le collègue de Borduas qui ont été mentionnés par le ministre, qui semblent aujourd'hui nous dire : Bien, écoutez, c'est trop tôt. On ne devrait pas se réunir ce soir, c'est beaucoup trop tôt. On devrait poursuivre les négociations. Puis on nous accuse même, Mme la Présidente, du côté du gouvernement, de ne pas avoir eu de négociation sérieuse, alors que j'aurai l'occasion un peu plus tard également de faire état du dépôt de cinq offres qui ont été faites durant ce contexte et qui fait en sorte qu'aujourd'hui nous nous retrouvons, Mme la Présidente, devant les juristes de l'État qui se font offrir 116 997 $, 116 997 $, Mme la Présidente.

Puis on l'a entendu un peu plus tôt par les collègues des oppositions, on a dit : Le gouvernement n'a pas bougé du tout. Et j'ai pris des notes. La collègue de Pointe-aux-Trembles, je pense que ses paroles ont excédé sa pensée, et je la cite : «Vous n'avez rien foutu pendant quatre mois.» Fin de la citation. Mais, quand la collègue de Pointe-aux-Trembles dit ça, bien, elle met sa crédibilité en jeu. Elle met, comme porte-parole de l'opposition officielle, sa crédibilité en jeu quand elle accuse le gouvernement, puis c'est des accusations sérieuses, importantes, majeures. Évidemment, on se base sur sa rigueur intellectuelle et sur son honnêteté. Quand elle dit : «Vous n'avez rien foutu pendant quatre mois», fin de la citation, bien, allons voir, Mme la Présidente, si ce que dit la porte-parole de l'opposition officielle est véridique, si les faits collent à ce qu'elle a dit, Mme la Présidente.

Rapportons-nous au 16 février 2015. Qu'est-ce qui était offert, à ce moment-là, aux juristes de l'État? C'était 113 551 $. Février 2015, on offre 113 551 $. Quelle est la demande de LANEQ? 119 838 $.

Huit mois plus tard, 24 novembre 2015, ce n'est plus 113 500 $, c'est 114 392 $ qui est offert aux juristes de l'État. Quelle est la position de LANEQ? 119 838 $. C'est le même montant il y a huit mois plus tôt.

On poursuit. 30 novembre 2016, Mme la Présidente, qu'est-ce qui est demandé par LANEQ? 119 838 $. Qu'est-ce qui est offert par le gouvernement? 115 525 $. Alors, de 113 000 $, à 114 000 $, à 115 000 $ sur une période de temps qui va de février 2015 à novembre 2016. Et on voit que la position de LANEQ demeure toujours la même.

24 janvier 2017, qu'offre le gouvernement? Alors qu'il offrait 115 525 $ en novembre 2016, qu'offre-t-il en 24 février 2017? 116 677 $. Quelle est la proposition, la demande de LANEQ? Toujours la même, 119 838 $, la même qu'en février 2015, la même qu'en novembre 2015, la même qu'au 30 novembre 2016, la même qu'au 24 janvier 2017.

Plus récemment, 23 février 2017, le gouvernement fait encore un pas de plus pour essayer de rejoindre LANEQ, le gouvernement passe de 116 677 $ à 116 997 $ par année. 116 997 $, Mme la Présidente. Quelle est la proposition de LANEQ? 119 838 $. Elle n'a pas bougé, LANEQ.

Alors, en ce sens-là, Mme la Présidente, force nous est de constater que la position de LANEQ n'a pas du tout bougé et force nous est de constater qu'au premier titre le chef de la deuxième opposition, cet après-midi même, lorsqu'il se le faisait dire par M. Denis, devait se rendre compte qu'effectivement M. Denis disait la vérité au niveau des chiffres, que les demandes de LANEQ sont les mêmes depuis le début et qu'elles n'ont pas changé. Et ça, Mme la Présidente, ce sont des chiffres qui sont extrêmement clairs.

Alors, la position du gouvernement est passée, durant cette période, à une augmentation de 113 551 $ à 116 997 $. Le gouvernement a bonifié son offre de 3 446 $ durant cette période. Le gouvernement n'a cessé de monter, si bien qu'il a fait plus que la moitié du chemin, Mme la Présidente, si bien qu'il a atteint le même niveau salarial qui est offert aux procureurs. Et ça a toujours été un étalon de mesure, ça, les procureurs, qui gagnent moins, qui gagneraient moins, à 116 642 $ versus 116 997 $.

Alors, lorsque l'on dit — et j'entends les hauts cris de mes collègues des oppositions : Il aurait fallu, pour le gouvernement, de négocier, il aurait fallu... on a même dit, Mme la Présidente, qu'il aurait fallu être de bonne foi. Bien, Mme la Présidente, lorsque l'on négocie avec une partie qui est assise devant nous et lorsque l'on est prêt à faire la moitié du chemin, on s'attend à ce que la partie en face de nous en fasse de même. Lorsque, mieux que ça, on fait plus que la moitié du chemin et que la partie en face de nous ne fait aucun pas pour essayer de rejoindre un côté commun, une entente commune, en ce sens-là, Mme la Présidente, force est de constater que les offres du gouvernement n'ont pas eu d'écho favorable du point de vue de LANEQ.

• (22 h 20) •

Alors, Mme la Présidente, face à cela, et ce sont des faits, nous avons les juristes de l'État, juristes de l'État pour lesquels, évidemment, nous avons beaucoup d'estime; 116 997 $ pour les juristes de l'État, c'est un bon salaire, Mme la présidence. Ils font un travail essentiel, nous les estimons ici, les 125 élus à l'Assemblée nationale, bien évidemment.

Mais aussi il faut mettre le tout en perspective. Lorsque l'on dit : Le gouvernement n'a pas su négocier de bonne foi, bien, je pense qu'on fait très peu de cas du fait que ce gouvernement a eu l'occasion de conclure des ententes avec plus de 450 000 salariés de l'État depuis avril 2014. Alors, en ce sens-là, la preuve est démontrée que nous avons su trouver un terrain d'entente avec plus de 450 000 employés de l'État.

En ce sens-là, 116 997 $, Mme la Présidente... est un travail, oui, bien, bien payé pour un travail essentiel, et les personnes, les gens... parce qu'on a dit, un peu plus tôt... la collègue de Pointe-aux-Trembles a dit : Coudon, est-ce qu'ils se le sont fait dire, dans leurs bureaux de comté, les députés du gouvernement? Oui, on se le fait dire, Mme la Présidente, on se fait dire : Oui, bien, on les a rencontrés, les juristes de l'État, ils sont venus nous rencontrer, ils nous ont fait part de leurs revendications.

Et c'est important, comme gouvernement responsable, d'être capable de faire la part des choses, d'être capable de faire les arbitrages qui s'imposent. En ce sens-là, d'autre part, la capacité de payer des Québécoises et des Québécois, Mme la Présidente, la capacité de payer... et celles et ceux qui nous écoutent, à la maison, combien d'entre vous gagnent 116 997 $? Mme la Présidente, la question est lancée.

Lorsque nous administrons les fonds publics, nous devons nous baser sur des faits. C'est un salaire, donc, pour les employés de l'État, pour que les personnes à la maison, là, puissent bien comprendre, un salaire moyen supérieur à la moyenne, qui est au-delà de 100 000 $ pour 35 heures semaine. Du temps supplémentaire payé, un régime de retraite financé en partie par le gouvernement, des avantages sociaux et une sécurité d'emploi. Oui, les juristes de l'État ont un travail essentiel, oui, ils ont toute notre estime, et, oui, nous avons hâte qu'ils retournent au travail, offrir à l'État québécois des services inestimables, des services qui sont nécessaires au bon fonctionnement. Et je reviendrai aux citations des collègues de Pointe-aux-Trembles. Mais, lorsque le gouvernement a la responsabilité... un gouvernement responsable, de gérer efficacement les fonds publics, qui viennent des taxes des femmes et des hommes qui, au Québec, évidemment, travaillent fort, bien, il est important de faire la part des choses et de faire un nécessaire arbitrage.

En ce sens-là, Mme la Présidente, lorsque l'on regarde... depuis deux ans, négociations, depuis 18 semaines, grève générale illimitée, le président de LANEQ qui dit : Écoutez, nous, on n'a pas bougé, et qu'il l'affirme après-midi même, et qu'on voie le gouvernement... j'ai pris le temps d'y aller... des chiffres, Mme la Présidente, on voit les chiffres de 113 000 $ à 116 000 $, à trois dollars de 117 000 $, qui montent de 3 400 $ et plus du gouvernement, et qu'on voit qu'au niveau de LANEQ la position n'a pas du tout modifié... Face à cela, face à des offres qui sont soutenues, qui sont répétées... On ne peut pas négocier tout seuls, Mme la Présidente.

Face à cela, j'entendais le collègue de Borduas — puis je vais reprendre sa citation du 7 février 2017 — je le cite, collègue de la CAQ, de Borduas, je le cite : «Des projets de loi et des règlements sont en attente[...]. Il y a des annulations de commissions parlementaires, [...]il y a des remises massives dans les différents dossiers à la cour.» «Cette grève-là a des conséquences directes pour des milliers de Québécois qui ont un dossier en attente devant un tribunal administratif, [comme] les victimes d'actes criminels, les accidentés de la route, les travailleurs blessés, les travailleurs lésés sont en attente d'indemnisation ou de révision de leur situation.» Fin de la situation. C'est le collègue de Borduas.

Alors, pour bien comprendre puis pour que les gens à la maison comprennent bien ce qui nous unit ici ce soir : d'un côté, un gouvernement qui doit gérer de façon rigoureuse les finances publiques, qui a réussi à s'entendre avec 450 000 fonctionnaires de l'État, qui aujourd'hui arrive avec une offre bonifiée de plus de 3 400 $ dans les derniers mois, Mme la Présidente, alors qu'une position n'a jamais changé par la partie qui est face, qui est LANEQ, aujourd'hui, une offre de 116 997 $, d'une part, et, d'autre part, comme nous, service qui est estimé, service dont les impacts sur le terrain se font sentir, collègue de Borduas qui dit : Écoutez, il y a un impact négatif, il faut que ça cesse. En ce sens-là, il s'agit, pour un gouvernement responsable, de soupeser le pour et le contre, et c'est ce qui nous amène, le contre, c'est ce qui nous amène aujourd'hui à avoir ce débat sur un projet de loi qui, d'une part, assure la continuité de la prestation des services et, d'autre part, permet la poursuite des négociations. C'est dans le libellé même du projet de loi.

Mme la Présidente, on a entendu un peu plus tôt le collègue de Borduas, on a également entendu la collègue de Pointe-aux-Trembles. Que disait la collègue de Pointe-aux-Trembles? Parce que force est de constater les chiffres qui ont été présentés devant vous. La collègue de Pointe-aux-Trembles, le 9 décembre 2016, disait, à l'Assemblée nationale, alors qu'elle interpellait, dans ce dossier, le gouvernement, elle disait, et je la cite : «...M. le Président. La grève des juristes de l'État a eu des impacts immenses sur l'État : le blocage de 20 projets de loi, 300 règlements, paralysie dans plusieurs services gouvernementaux, 211 millions de contrats octroyés sans avis juridique adéquat, 3 500 causes retardées, dont 1 500 causes pénales de l'UPAC de fraude et de contrebande de tabac sont désormais, maintenant, hors délai. Ce sont des millions en jeu.

«C'est de votre responsabilité de régler ce conflit maintenant. Allez-vous agir maintenant?» Fin de la citation de la collègue de Pointe-aux-Trembles, qui interpellait le gouvernement. Elle demandait au gouvernement d'agir, parce qu'il y avait des impacts tangibles, à ce qu'elle disait. Et là je l'ai citée dans les statistiques qu'elle avait elle-même colligées. Et elle disait, elle concluait : «C'est [...] votre responsabilité de régler ce conflit maintenant. Allez-vous agir maintenant?» En vue de régler ce conflit-là, Mme la Présidente, de façon raisonnable, raisonnée et responsable, le gouvernement a bonifié de plus de 3 400 $ les conditions salariales, a réussi à avancer, à faire plus de la moitié du chemin qui les séparait. Mais force est de constater, encore une fois confirmé cet après-midi par le président de l'ANEQ, que nous étions les seuls à vouloir réellement négocier et conclure une entente.

Elle récidivait, la collègue de Pointe-aux-Trembles, le 22 février dernier. Et je la cite : «Le gouvernement a choisi de prendre le risque de faire perdurer une crise paralysante pour tout l'État québécois, de prendre en otages les citoyens, causant des impacts négatifs concrets et graves.» Et là elle y allait d'abondant avec 6 000 causes reportées devant les tribunaux, et ainsi de suite. Alors, Mme la Présidente, il est important, important de souligner que c'est ce que fait le gouvernement aujourd'hui, de prendre ses responsabilités dans un contexte, et vous l'avez bien noté, il n'a pas été contesté. La procédure empruntée ce soir en vertu de notre règlement de l'Assemblée nationale n'a pas du tout, du tout, été contestée au point de vue de sa recevabilité. Le gouvernement aujourd'hui initie un débat parlementaire. Plus de 4,3 millions de Québécoises et Québécois ont élu ce gouvernement-là en avril 2014 dernier. Et aujourd'hui les parlementaires représentant les 125 circonscriptions auront l'occasion de statuer pour faire retourner évidemment les juristes au travail et faire en sorte qu'il puisse y avoir des lendemains qui seront bénéfiques pour le Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement. Et, pour les dernières 15 secondes, je vais céder la parole à M. le député de Richelieu.

M. Sylvain Rochon

M. Rochon : Vous savez quoi, Mme la Présidente? Le ministre peut faire arrêter la grève avec sa loi, mais on ne construit pas l'avenir comme il s'y prend. On le compromet. Et de plus en plus de Québécois réalisent que le gouvernement compromet leur avenir.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, M. le député de Richelieu. Alors, cela met fin au débat restreint. Et je mets donc aux voix la motion de Mme la leader adjointe du gouvernement fixant le cadre temporel de la séance extraordinaire conformément aux dispositions de l'article 26.1 du règlement de l'Assemblée nationale et qui se lit comme suit :

«Qu'en vue de procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, l'Assemblée se donne le cadre temporel suivant :

«Que l'Assemblée puisse siéger tous les jours à compter de 17 heures jusqu'à ce qu'elle ait terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été convoquée ou qu'elle décide d'ajourner ses travaux.»

Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, c'est très bien. Alors, qu'on appelle les députés pour un vote par appel nominal. Et je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 22 h 29)

(Reprise à 22 h 36)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : ...lecture de la motion fixant le cadre temporel, conformément aux dispositions de l'article 26.1 du règlement de l'Assemblée nationale :

«Qu'en vue de procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, l'Assemblée se donne le cadre temporel suivant :

«Que l'Assemblée puisse siéger tous les jours à compter de 17 heures jusqu'à ce qu'elle ait terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été convoquée ou qu'elle décide d'ajourner ses travaux.»

Et que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Mise aux voix de la motion proposant de déterminer le
cadre temporel des séances extraordinaires

Le Secrétaire adjoint : M. Couillard (Roberval), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Blais (Charlesbourg), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Leitão (Robert-Baldwin), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Coiteux (Nelligan), Mme David (Outremont), M. Proulx (Jean-Talon), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot (Vanier-Les Rivières), Mme Vallée (Gatineau), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La Pinière), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), M. Heurtel (Viau), M. Arcand (Mont-Royal), M. Billette (Huntingdon), M. Morin (Côte-du-Sud), Mme Nichols (Vaudreuil), M. Ouellette (Chomedey), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Ménard (Laporte), M. Tanguay (LaFontaine), Mme Boulet (Laviolette), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), M. Girard (Trois-Rivières), M. Auger (Champlain), Mme Vallières (Richmond), M. Bolduc (Mégantic), M. Simard (Dubuc), M. Matte (Portneuf), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Boucher (Ungava), M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Fortin (Pontiac), M. Giguère (Saint-Maurice), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), M. Plante (Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), Mme Tremblay (Chauveau), M. Busque (Beauce-Sud), Mme Sauvé (Fabre), Mme Melançon (Verdun).

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Maintenant, que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Maltais (Taschereau), Mme Lamarre (Taillon), M. LeBel (Rimouski), M. Bergeron (Verchères), M. Rochon (Richelieu), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Therrien (Sanguinet), M. Gaudreault (Jonquière), M. Pagé (Labelle), M. Cousineau (Bertrand), M. Bourcier (Saint-Jérôme), Mme Jean (Chicoutimi), M. Ouellet (René-Lévesque), M. Kotto (Bourget), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Roy (Bonaventure).

M. Bonnardel (Granby), M. Caire (La Peltrie), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Laframboise (Blainville), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Lemay (Masson), Mme Lavallée (Repentigny), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis (Lévis), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Jolin-Barrette (Borduas).

Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), Mme Ouellet (Vachon), M. Surprenant (Groulx).

• (22 h 40) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Y a-t-il des abstentions? Alors, Mme la secrétaire générale, pour le résultat du vote.

La Secrétaire : Pour : 54

                     Contre :           38

                     Abstentions :     0

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, la motion est adoptée.

Mise aux voix de la motion proposant d'établir la procédure législative
d'exception en vue de procéder à la présentation et aux
autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127

Je mets maintenant aux voix la motion de procédure d'exception présentée par Mme la leader adjointe du gouvernement, qui se lit comme suit :

«Qu'en vue de procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, l'Assemblée établisse la procédure législative d'exception telle que prévue aux articles 182 à 184.2 et 257.1 à 257.10 du règlement;

«Qu'à tout moment de la séance, le président puisse suspendre les travaux à la demande d'un ministre ou d'un leader adjoint du gouvernement.»

Est-ce que cette motion est adoptée? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Tanguay : ...Mme la Présidente, de consentement, nous vous demanderions de vouloir bien enregistrer le même vote que le précédent.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, il y a consentement? Alors, Mme la secrétaire générale, pour le résultat du vote.

La Secrétaire : Pour : 54

                     Contre :           38

                     Abstentions :     0

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, cette motion est adoptée. Et, conformément au deuxième alinéa de l'article 27 du règlement, cela met fin à la période des affaires courantes.

Affaires du jour

Projet de loi n° 127

Présentation

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, après les affaires courantes, nous allons aux affaires du jour. Alors, nous en sommes maintenant aux affaires du jour, et, conformément à la motion...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : ... — s'il vous plaît — que nous venons d'adopter, je cède la parole maintenant à M. le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du trésor pour la présentation de son projet de loi. M. le ministre, à vous la parole.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Merci, M. le Président. Alors, je dépose le projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.

Ce projet de loi a pour objet d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement. Il prévoit également la poursuite de la négociation de la convention collective des salariés ayant pour fonction de fournir cette prestation de services. À défaut d'entente, il pourvoit au contenu de la convention collective.

À cette fin, le projet de loi prévoit notamment que les avocats et notaires nommés suivant la Loi sur la fonction publique et représentés par les avocats et notaires de l'État québécois doivent cesser de participer à la grève en cours et doivent reprendre le travail conformément à leur horaire habituel et aux autres conditions de travail qui leur sont applicables.

Le projet de loi prévoit également un mécanisme de négociation permettant dans un premier temps la poursuite de la négociation avec la possibilité de nommer un conciliateur et dans un second temps, si cela s'avère nécessaire, un processus de médiation.

Le projet de loi procède au renouvellement de la convention collective liant ces avocats et notaires et qui a expiré le 31 mars 2015, selon l'entente à laquelle les parties seront parvenues dans le cadre de la poursuite de la négociation ou, à défaut d'entente, en y apportant certaines modifications afin notamment de majorer l'échelle de traitement.

Le projet de loi contient enfin des dispositions relatives à la continuité des services juridiques qu'il vise, notamment de nature administrative, civile et pénale.

Le Vice-Président (M. Gendron) : La table!

(Consultation)

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi là?

Des voix : ...

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Gendron) : Adopté sur division. Alors, on va maintenant procéder au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.

Je vous rappelle que, conformément au premier paragraphe de l'article 257.1, la durée de ce débat est limitée à cinq heures. Pas obligés de le prendre, mais c'est cinq heures.

La répartition du temps de parole se fera comme suit : 2 h 21 min sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 1 h 23 min 30 s est allouée au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 57 min 40 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 17 min 30 s sont réservées aux députés indépendants. Et la présidence répartira cette enveloppe de temps parmi ceux qui auront signifié vouloir participer au débat, sous réserve d'un maximum, selon le nombre de députés qui s'inscriront, de cinq minutes chacun pour les députés de Groulx et de Vachon et de 10 minutes pour les deux députés de Québec solidaire. Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les formations établies. Mis à part ces consignes, les intervenants ne sont soumis à aucune limite de temps. Enfin, je rappelle aux députés indépendants qui souhaitent intervenir au cours du débat qu'ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

M. le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du trésor, je vous laisse à nouveau la parole pour votre intervention. M. le ministre, à vous la parole.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Merci, M. le Président. Je dois préciser, avant de commencer cette intervention, que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'étude à l'Assemblée.

M. le Président, plus tôt aujourd'hui, j'ai déposé un projet de loi devant cette Assemblée, un projet de loi qui vise à mettre fin au conflit de travail qui oppose le gouvernement à ses employés avocats et notaires. Le projet de loi n° 127 est intitulé Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques. Vous aurez remarqué que l'intitulé comporte deux volets, l'un qui vise à assurer la prestation des services juridiques au gouvernement et l'autre à la poursuite des négociations. Je reviendrai sur chacun de ces volets. Au moment du dépôt, j'ai bien expliqué les motifs et les raisons impérieuses qui ont amené le gouvernement à poser à contrecoeur ce geste d'exception. Ma collègue la ministre de la Justice et Procureur général a également indiqué quels sont les effets de cette grève qui perdure sur la capacité du gouvernement à fournir ses services aux citoyens. Je crois avoir bien indiqué également qu'à tous les paliers du fonctionnement de notre État de droit les avocats et notaires jouent un rôle central, en particulier dans les fonctions législatives et exécutives de l'État. Leur travail est essentiel pour que l'État puisse fournir les services à la population et assurer la marche normale des tribunaux et des autres institutions de l'État.

• (22 h 50) •

Tout cela est convenu d'abord par la rémunération qu'ils reçoivent déjà, rémunération qui est à la hauteur de l'importance des fonctions qu'ils occupent : en moyenne plus de 100 000 $ annuellement pour 35 heures de travail, avec possibilité de faire du temps supplémentaire au-delà de ces 35 heures; puis par le fait qu'ils bénéficient d'un fonds de pension assumé en partie par le gouvernement et de la sécurité d'emploi. M. le Président, je ne peux m'empêcher de constater que ces conditions n'ont pas d'équivalent dans aucun autre domaine où des avocats et des notaires pratiquent, et en particulier dans le secteur privé.

Récemment, M. le Président, le gouvernement a lancé un appel de candidatures pour un poste de juriste de l'État. Cet appel de candidatures a été lancé en janvier, en pleine période de conflit de travail entre le gouvernement et les juristes. Cet appel de candidatures a été en vigueur pendant 40 jours. Dans ce délai de 40 jours, nous avons reçu plus de 1 900 dossiers de candidature. Aucun cabinet privé, M. le Président, ne pourrait recevoir dans un temps comparable un aussi grand nombre de candidatures. Pourquoi? Parce que jamais les conditions de travail au privé ne pourront être comparables à celles des juristes de l'État, et ces conditions, je le répète, sont à la hauteur de l'importance que l'on accorde à leur travail.

Nous convenons qu'ils puissent vouloir les améliorer, soit, nous sommes disposés à le négocier, et c'est pourquoi nous avons proposé de nombreuses avenues pour en arriver à une entente négociée. Le leader adjoint du gouvernement a largement exposé les différentes propositions qui ont été faites par le gouvernement et qui toutes, les unes après les autres, ont convenu de conditions de rémunération globales plus généreuses à chaque fois. Nous avons fait des offres qui cadraient avec les paramètres financiers du gouvernement. Ces offres étaient honnêtes et respectaient la capacité de payer des Québécois puisque les sommes offertes aux juristes de l'État, comme c'est le cas pour tous les autres employés de la fonction publique, sont d'abord et avant tout le résultat des taxes et des impôts des contribuables, qui nous les confient en fiducie. Ces offres étaient aussi équitables pour les 450 000 autres employés de l'État, avec lesquels nous nous sommes entendus. Elles l'étaient aussi pour ceux avec lesquels nous avons convenu, au cours de la nuit dernière, une entente de principe.

Mais, M. le Président, il reste qu'un gouvernement responsable doit prendre les mesures qui s'imposent pour fournir aux citoyens les services auxquels ils ont droit. Les avocats et notaires de l'État sont en grève générale illimitée depuis le 24 octobre 2016, soit depuis plus de quatre mois. La grève, répétons-le, a des incidences sérieuses sur les activités quotidiennes de l'État et entrave la poursuite de ses objectifs. Elle touche directement les citoyens qui ne reçoivent pas les services que les ministères, organismes gouvernementaux et tribunaux administratifs doivent leur donner, d'où la décision du gouvernement d'agir.

M. le Président, le gouvernement est en discussion avec LANEQ depuis près de deux ans; plus de 40 rencontres ont eu lieu. La députée de Pointe-aux-Trembles nous demandait si nous avions discuté avec les juristes de l'État : nous l'avons fait à 40 reprises par le biais des négociateurs du gouvernement. Je l'ai fait, personnellement, à trois reprises, depuis le 16 janvier dernier, et à chaque fois, M. le Président, et je l'indique pour la députée de Pointe-aux-Trembles, nous avons discuté et de rémunération et du statut des juristes, à chaque fois.

Depuis janvier 2015, LANEQ revendique la réforme du régime de négociation qui leur est applicable. Leur proposition, au début, équivalait à demander un statut équivalent à celui des juges, allant au-delà même du statut des procureurs de la couronne, puis on est passé à un arbitrage liant deux positions qui étaient totalement, totalement indéfendables. D'ailleurs, ils les ont abandonnées. Nous avons eu six séances de médiation et, aujourd'hui, ce que les juristes nous demandent, c'est de s'en remettre à un tiers, l'Institut de la statistique du Québec, pour déterminer les conditions relatives à la rémunération.

M. le Président, c'est important pour les gens qui nous écoutent de savoir que les dépenses de rémunération, les dépenses de rémunération représentent 60 % des dépenses de l'État. Peut-on penser qu'un gouvernement responsable et imputable devant la population puisse céder à un tiers non imputable 60 % des dépenses de son budget? M. le Président, cette proposition est impensable. Un gouvernement responsable ne peut se permettre qu'un tiers non élu et donc non imputable envers les citoyens du Québec décide ce qui adviendra des taxes et des impôts que les Québécois paient à l'État. D'ailleurs, j'ai posé la question à la députée de Pointe-aux-Trembles, qui n'y a toujours pas répondu. Si elle était au gouvernement, est-ce qu'elle céderait 60 % des dépenses du gouvernement à un tiers non imputable? Est-ce qu'elle reconnaîtrait le statut aux juristes de l'État qui soit comparable à celui des procureurs de la couronne? Jamais son gouvernement ne s'est engagé à cela et jamais aujourd'hui elle n'a répondu à cette question de façon affirmative.

M. le Président, nous représentons un gouvernement responsable et ce gouvernement responsable n'abdiquera pas son droit de gérance à l'égard des employés, quelle que soit l'importance du travail qu'ils font, importance que nous reconnaissons d'emblée.

M. le Président, le projet de loi n° 127 prévoit d'abord, à la première section, son champ d'application, il vise à assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et la poursuite de la négociation de la convention collective des salariés. À défaut d'entente, évidemment, la loi pourvoit au contenu de la convention collective. Mais, si l'on regarde la procédure qui est suivie, outre la continuité des services qui est assurée, le projet de loi met en place un espace de négociation. Cet espace de négociation, M. le Président, il est prévu aux dispositions des articles 20 et suivants de la loi, que nous aurons l'occasion d'étudier plus tard au cours de nos travaux. Il prévoit notamment que l'association ainsi que l'employeur doivent, dès la date de l'entrée en vigueur de la loi, poursuivre avec diligence et bonne foi, pendant une période maximale de 45 jours, la négociation en vue de convenir d'une entente. Ce délai de 45 jours peut être prolongé une fois d'une période additionnelle de 15 jours. Puis, en cours de négociation, en tout temps au cours de la période de 45 jours ou encore de la période de prolongation, l'association ou l'employeur peut demander la nomination d'un conciliateur au ministre du Travail. Au terme de cette période, ouverture d'un processus de médiation, et le processus de médiation peut être prolongé. Il est d'abord de 30 jours, il peut être prolongé une seule fois d'une période de 15 jours additionnels, non pas à la demande des parties, mais à la demande du médiateur.

La députée de Pointe-aux-Trembles faisait état de l'article 28 de la loi en disant : Oui, mais, vous savez, dans la médiation, on ne pourra pas toucher directement ou indirectement le régime de négociation applicable aux salariés, puisque ça ne constitue pas une condition de travail, et pour cause, ça n'appartient pas au médiateur de le décider. Et, dans la période de négociation, M. le Président, il y a sur la table présentement non seulement l'aspect de rémunération globale, mais aussi toute la question du statut des juristes de l'État, qui, selon la dernière offre du gouvernement, peut être soumise à un comité d'arbitrage impartial, dont la composition a fait l'objet d'une discussion directe entre Me Denis et moi-même. Cette proposition reste sur la table. Cette proposition est là, peut faire l'objet d'une négociation maintenant, comme elle pourra faire l'objet de la négociation lorsque le projet de loi aura été adopté, dans cette période de 45 jours. Mais non, elle ne sera pas prévue dans le cas de la médiation, parce qu'encore une fois ce n'est pas un tiers non imputable à qui le gouvernement remettra l'élaboration d'un régime de négociation distinct.

M. le Président, le projet de loi en question établit clairement l'intention du gouvernement d'obtenir ultimement une entente négociée avec les juristes de l'État. Si la loi s'applique en imposant des conditions, elle ne s'appliquera qu'à l'expiration de tous ces délais, qui représentent au-delà de 100 quelques jours où encore les parties peuvent convenir d'une entente.

• (23 heures) •

Finalement, dans le cadre du projet de loi, l'annexe prévoit quelles sont les modifications qui seraient imposées à la convention collective. Dans les faits, s'il n'y a pas d'entente à l'expiration de tous ces efforts, la convention collective qui a expiré le 31 mars 2015 serait reconduite jusqu'en 2020, mais l'échelle de traitement serait néanmoins rehaussée. Pour quelle raison est-ce que les éléments qui sont contenus dans l'annexe ne reproduisent pas la dernière entente du gouvernement? Parce que, M. le Président, nous savons, et les juristes le savent, que le gouvernement, dans l'imposition d'une loi, doit se conformer à une atteinte minimale au droit d'association et aux droits qui sont contenus dans les conditions de travail prévues à la convention collective qui a expiré. Et, pour cette raison, les conditions qui s'y retrouvent et les modifications ou les bonifications qui s'y retrouvent le sont dans le cadre de l'architecture de la convention collective qui expire le 31 mars 2015. Mais je réitère, M. le Président, que, dans le cadre des négociations, le gouvernement pourra rétablir les propositions, notamment les propositions de rémunération globale qui sont contenues aux offres qui ont été déposées, mais il ne peut le faire dans le contexte précis, selon l'application du droit, de la loi imposant le retour au travail.

Dans ce contexte, M. le Président, le principe du projet de loi reflète directement l'intention du gouvernement, qui est la même depuis le début de ce conflit, c'est-à-dire d'en arriver à une entente négociée avec les avocats et notaires du gouvernement, de l'État, des gens qui, je le répète, ont une fonction importante, des gens qui, je le répète, nous le souhaitons, puissent conclure avec le gouvernement une entente négociée. Mais une entente négociée, je le répète encore une fois, nécessite des concessions de part et d'autre. Je ne veux pas par mes propos envenimer la situation. Je veux garder cet espace de négociation, M. le Président, et dire essentiellement qu'on a senti dans les derniers jours un mouvement. Je souhaite que ce mouvement se continue. Très sincèrement, sur la rémunération globale, le gouvernement estime avoir fait la démonstration de la parité que LANEQ réclamait avec les procureurs au DPCP. Et, sur la question de leur statut, bien que je le dise avec beaucoup d'égards, je ne partage pas leur opinion sur le caractère de l'indépendance qu'ils réclament, mais, comme membre du gouvernement et au nom du gouvernement, je réitère notre volonté d'en débattre devant une instance qui soit impartiale, et qui a été proposée selon un vocabulaire très similaire à celui utilisé par les représentants des juristes de l'État, et qui pourrait disposer de cette question.

Alors, M. le Président, je pense que cela fait le tour de la question, quant au principe, pour celui qui est porteur du projet de loi. Et je réitère que le premier choix du gouvernement est toujours d'en arriver à une entente négociée et non pas à des conditions de travail qui seraient imposées par la loi, et c'est la raison pour laquelle nous présentons un projet de loi qui, au-delà du simple retour au travail et bien au-delà de dicter des conditions d'emploi, donne encore pleine ouverture à une négociation, à une conciliation et à une médiation.

M. le Président, je demande donc que le principe du projet de loi soit adopté par cette Assemblée dans le cadre des procédures auxquelles nous sommes engagés depuis le début du débat. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, M. le président du Conseil du trésor. Est-ce que le principe de ce projet de loi est adopté?

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, je le sais. Le prochain intervenant... C'est parce que personne ne se lève. Je veux dire... Alors, M. le député du Lac-Saint-Jean, pour votre intervention. Allez.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier : Bien, je vous remercie, M. le Président. Alors, je vais essayer de reprendre un peu les arguments du côté gouvernemental, parce que, de toute évidence, le président du Conseil du trésor, M. le Président, semble avoir oublié ces bonnes années où lui-même exerçait le métier d'avocat, M. le Président. Lui-même, sans doute, a eu à travailler avec des instances arbitrales où il y a des procédures particulières pour les policiers. Il y a d'autres procédures particulières, M. le Président, pour les pompiers. Pourquoi, M. le Président, on crée des régimes particuliers? Parce que, dans certains scénarios, M. le Président, le droit de grève ne peut simplement pas être exercé de son plein droit, pleinement. Et on se rappellera que, dans le contexte actuel, il s'agit d'une situation où, pour la troisième reprise, M. le Président, depuis le début des années 2000, le gouvernement procède par une loi spéciale. Alors, tout à l'heure, j'entendais la ministre de la Justice dire : Mais il faut respecter le droit de grève! Mais encore faut-il qu'il existe, ce droit de grève. Assez incroyable que le gouvernement ait procédé de façon précipitée, encore une fois, avec une loi spéciale.

Alors, le ministre nous dit : Oui, mais vous savez, 60 % de la rémunération... 60 % du budget de l'État va à la rémunération. Ah bon! Comme si c'était différent, M. le Président, pour le ministère de la Justice. Comme si ce n'était pas le cas pour l'Éducation. Comme si ce n'était pas le cas pour l'ensemble des ministères. Bon, c'est vrai qu'il y a peut-être une exception pour les médecins, M. le Président, mais ça, je vais laisser ce volet-là, aujourd'hui, de côté.

Ce que j'essaie de vous dire, M. le Président, c'est que des régimes d'exception, ça fait partie de l'organisation de l'État. C'est ce qui est déjà prévu par la loi. Les juges, par exemple, M. le Président, comme vous le savez, c'est donné à un comité indépendant, recommandations qui nous sont déposées ici, à l'Assemblée nationale, et qui ensuite sont débattues et discutées entre nous, entre les membres, pour être adoptées ou rejetées en fonction des recommandations qui nous sont présentées.

Alors, M. le Président, ce que le président du Conseil du trésor a oublié de dire aux membres de l'Assemblée, c'est que la seule place où on crée une exception pour les procureurs civilistes, les procureurs en droit administratif, en droit constitutionnel, bien, c'est ici, au Québec. Parce que ce que le président du Conseil du trésor n'a pas dit, c'est qu'ailleurs, en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Nouvelle-Écosse, en Ontario, bien, c'est fixé par un comité indépendant. Puis là, évidemment, il y a des variantes, ça peut être par une procédure arbitrale qui est liante ou non, etc., mais ce qui est certain, M. le Président, c'est qu'on ne crée pas de distinction entre un poursuivant en matière criminelle ou un poursuivant en matière civile.

Bien, il me semble qu'il devrait y avoir une cloche qui aurait dû sonner du côté gouvernemental. Il aurait dû y avoir quelqu'un qui se questionne à savoir : Ah! Pourquoi ailleurs on n'a pas cru bon de créer une division entre les poursuivants en matière civile, administrative, versus le criminel? Bien, savez-vous pourquoi, M. le Président? Parce qu'il y a aussi des instructions qui sont données par la Cour suprême, et, parmi ces instructions-là, on retrouve, entre autres, l'indépendance du procureur. L'indépendance du procureur, M. le Président, c'est une extension, dans le fond, de la séparation entre l'exécutif, le judiciaire, le législatif, et on considère que, dans l'exercice discrétionnaire d'aller de l'avant avec toute forme de poursuite, bien, il doit exister cette espèce de zone tampon, cette indépendance qui permet justement aux procureurs, à ceux et celles qui représentent l'administration judiciaire de pouvoir exercer pleinement leur droit en toute liberté, M. le Président, sans interférence. Et c'est pour ça que, dans la définition qu'on a donnée à l'expression «procureur», on ne retrouve pas cette distinction que tente de faire le gouvernement entre le criminel, le civil ou l'administratif.

M. le Président, il est reconnu que les procureurs sont des conseillers juridiques, des conseillers de l'État, des gens qui accompagnent pour la saine administration de la justice, et la distinction que souhaite faire le gouvernement en matière juridique, entre le criminel et le droit civil, essentiellement, ça n'existe tout simplement pas, M. le Président, ou du moins ça n'a pas été retenu par la Cour suprême.

Maintenant, pourquoi, M. le Président, on en arrive à une situation où, justement, ces comités indépendants sont nécessaires? Bien, c'est, justement, non seulement pour assurer l'indépendance, mais aussi de ne pas créer une espèce de division inexplicable entre les procureurs. Pourquoi, dans notre société, on voudrait payer davantage ou on créerait des disparités entre le milieu criminel et les autres types de droit dans la fonction publique québécoise? Comment expliquez-vous cette espèce de double standard, M. le Président, sans créer, évidemment, toute forme de tension, sans créer des scénarios qui sont carrément injustifiables?

• (23 h 10) •

Lorsqu'on a à mettre en oeuvre la Loi sur la protection du consommateur, la Régie du bâtiment, il y a des procureurs qui représentent l'État québécois, qui prennent les décisions d'aller de l'avant ou non. Ces procureurs sont accompagnés de l'appareil judiciaire, de l'appareil administratif pour prendre les décisions. Et c'est essentiel pour eux, M. le Président, aussi d'avoir accès à toute forme d'indépendance. Le président du Conseil du trésor semblait nous dire tout à l'heure, M. le Président, qu'il n'y avait pas de distinction à faire... Il fallait faire les distinctions mais entre le privé puis le public, hein? Essentiellement, ce qu'il nous disait, c'est que, dans le domaine privé, tout le monde rêve de venir ici comme avocat dans le secteur civil. C'est la preuve que les conditions de travail sont bonnes. Ce qui est remis en cause, M. le Président, ici, ce ne sont pas les conditions salariales elles-mêmes. Ce n'est pas le signe de piastre qui va être donné en fonction des heures travaillées, mais c'est le principe lui-même, qui est celui d'être reconnu pleinement comme étant un procureur indépendant.

M. le Président, lorsqu'on décide de retirer le droit de grève à un groupe de salariés, bien, ça a des conséquences. Par définition, quand le législateur prend la décision pour des raisons de services publics qui doivent être rendus, pour des situations d'urgence, évidemment le cas des policiers puis des pompiers, c'est à peu près ce qu'il y a de plus parlant, bien, en échange, on leur donne d'autres droits. Le législateur reconnaît qu'effectivement on leur retire une capacité de négocier, que, le droit de grève que les autres salariés syndiqués ont droit, eux n'y ont pas droit. Alors, pour compenser ça, M. le Président, on a créé des mécanismes, des mécanismes d'arbitrage qui sont liants pour les parties. Et c'est comme ça qu'on a trouvé une espèce de compromis qui nous permet justement d'obliger par loi... pas par loi spéciale, d'obliger en fonction des services essentiels qui sont donnés, mais on a retiré en échange le droit de grève. Mais c'est extrêmement sournois, ce qui est en train de se passer pour les juristes de l'État, M. le Président, parce que, dans le fond, on leur retire le droit de grève sans le dire, mais on le fait, mais, en échange, il n'y a absolument aucun mécanisme de compensation, qui devrait normalement succéder au fait qu'on leur a retiré le droit de grève.

L'arrêt Saskatchewan, M. le Président, de la Cour suprême nous explique en long et en large, justement, la capacité ou non de l'État, lorsqu'il intervient justement sur les droits que sont les droits reconnus comme le droit de la grève, d'intervenir dans des scénarios et l'espèce d'encadrement que doit respecter le législateur québécois.

Alors, M. le Président, on a créé un régime d'exception ici, au Québec, de façon artificielle, vraiment artificielle. Et là on se retrouve dans une espèce de scénario où on crée une espèce de situation de deux poids, deux mesures, en fonction des avocats au criminel, essentiellement, qui travaillent probablement, essentiellement, au DPCP, j'imagine, et les autres. Et les autres.

Alors, le ministre, le président du Conseil du trésor nous dit : On ne donnera surtout pas la capacité de dicter les conditions salariales à un groupe indépendant. C'est bien trop d'argent. Ça serait abdiquer à nos responsabilités. Pourtant, M. le Président, c'est ce qui se fait sur une base assez régulière dans des secteurs d'activité bien précis, bien encadrés, bien définis. Et c'est ce qu'on aurait souhaité entendre de la part... de la bouche du ministre.

M. le Président, durant les 18 dernières semaines, on a eu une ministre de la Justice complètement absente du débat. Moi qui est porte-parole à l'éducation de notre formation politique, M. le Président, lorsqu'il y a eu les négociations avec le Conseil du trésor, je me souviens d'avoir vu et entendu le ministre de l'Éducation se positionner dans le débat, je me souviens d'avoir entendu le ministre sectoriel défendre et représenter minimalement son milieu. Mais là ce qu'on assiste, M. le Président, c'est une ministre de l'Éducation qui a carrément abdiqué à ses responsabilités, qui ne défend pas son monde, qui ne défend pas ses procureurs — imaginez le climat au retour — elle qui a la responsabilité de l'ensemble de l'organisation judiciaire au Québec, elle qui aurait été absente pourtant d'un débat qui est fondamental dans l'organisation judiciaire.

C'est assez fascinant, M. le Président, parce que ce n'est pas un conflit habituel au sens de... Ce n'est pas juste une bataille de ça va être quoi : C'est-u 4 % d'augmentation pour le fonds de pension? C'est-u une journée de plus de vacances, etc.? On est vraiment sur une question de principe puis, je vous dirais même, de philosophie.

Moi, je vous dirais, M. le Président : Si on croit vraiment au principe d'indépendance judiciaire, si on reconnaît le principe de la primauté du droit, si on souhaite que nos procureurs puissent s'exprimer et agir en toute liberté dans toutes les circonstances, il n'y a pas lieu de créer cette fausse distinction entre ceux et celles qui décident de faire une poursuite au criminel ou ceux et celles qui décident de faire une intervention auprès de la Régie du logement. Alors, à mon point de vue, M. le Président, on crée une distinction qui n'est pas la bonne. Sans compter qu'on aurait absolument dû s'entendre, parce que l'utilisation pour la troisième fois d'une loi spéciale, troisième fois sous un gouvernement libéral, dois-je le rappeler... bien, se pose sérieusement la question du droit réel de grève des procureurs, M. le Président. Et, de toute évidence, et de toute évidence, l'absence d'encadrement actuel crée d'autres problématiques et soulève, à mon point de vue, d'autres enjeux de nature constitutionnelle qui, fort probablement, se retrouveront devant les tribunaux.

Ce qui est triste, M. le Président, aussi, c'est toute l'espèce de mauvaise publicité ou de, je dirais... j'allais dire dénigrement de la fonction publique, mais je n'irai pas jusque-là, mais je vais certainement aller sur l'absence de reconnaissance réelle du travail fondamental qui est exercé par les juristes de l'État dans l'ensemble des enjeux qui touchent la société québécoise.

M. le Président, je suis porte-parole à l'éducation puis aux affaires autochtones, puis récemment j'avais un dossier avec les Inuits. Ils me disaient qu'ils étaient en négociation pour reconduire le prix du logement sur les territoires inuits et que les négociations étaient terminées, mais ils étaient incapables de mettre en oeuvre la nouvelle entente parce qu'ils étaient en attente du règlement avec les juristes.

J'ai rencontré récemment la Fédération des cégeps, et ils me disaient qu'ils étaient en attente d'un règlement de la part du gouvernement mais qu'ils ne pouvaient pas aller de l'avant parce qu'il y avait, encore une fois, la grève avec les juristes de l'État.

M. le Président, il n'y a pas une journée qui se passe sans qu'on ne subisse les conséquences. Il me semble que ça aurait été nettement plus avantageux d'avoir une approche qui est plus positive, qui reconnaît leur travail remarquable. Mais, au-delà des belles paroles, au-delà de cette reconnaissance, on aurait souhaité qu'il y ait également des gestes qui accompagnent ces paroles, et que ça se traduise, à notre point de vue, par une réelle indépendance reconnue, et qu'on mette fin à cette espèce de double standard entre les procureurs, qu'on est en train de créer au Québec.

Alors, sur ce, M. le Président, je vais arrêter là, mais je veux simplement dire qu'il y a des enjeux, parfois, de principe qui se présentent sur la route et sur la vie des parlementaires, et ce qui doit guider notre choix d'appuyer ou non, ce sont justement ces principes. Et il ne fait aucun doute dans mon esprit, à la lecture des jugements, à la lecture des avis juridiques qui nous ont été remis, que nous devons appuyer et reconnaître cette indépendance, qui m'apparaît nécessaire pour la saine administration, pour la reconnaissance de la primauté du droit, mais, plus généralement, pour l'organisation de l'État, dont le principe fondamental et constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Merci, M. le Président.

• (23 h 20) •

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, M. le député de Lac-Saint-Jean, pour votre intervention. Et, pour la poursuite du débat, toujours sur ce même principe, je cède maintenant la parole à M. le député de Mégantic. À vous la parole.

M. Ghislain Bolduc

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Je m'en remets à l'éloquence du député de Lac-Saint-Jean qui nous a démontré très clairement qu'à tous les jours il y a des problèmes pour nos citoyens du Québec, et c'est pour ça que nous sommes ici ce soir, pour définitivement aider les citoyens du Québec à retrouver leur normalité. Donc, je dois remercier le député de nous aider et de participer, contribuer, finalement, à notre projet, tout en espérant qu'il va voter pour.

Je voudrais refaire un petit résumé des points saillants du projet de loi n° 127 pour débuter cette étude du principe. Parce que ce projet de loi a pour objet d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement. Avec l'éloquence du député de Lac-Saint-Jean, il nous a bien démontré qu'à tous les jours il y a des gens qui souffrent, qui sont affectés et subissent les conséquences d'une grève qui cause préjudice à la population.

Il prévoit également la poursuite de la négociation de la convention collective des salariés ayant pour fonction de fournir cette prestation de services. À cette fin, le projet de loi prévoit notamment que les avocats et notaires nommés suivant la Loi sur la fonction publique et représentés par les avocats et notaires de l'État québécois doivent cesser de participer à la grève en cours et doivent reprendre le travail conformément à leurs horaires habituels et aux conditions de travail qui leur sont applicables.

Le projet de loi prévoit également un mécanisme de négociation permettant, dans un premier temps, la poursuite de la négociation avec la possibilité de nommer un conciliateur, dans un second temps, si cela s'avère nécessaire, donc un processus de médiation.

Le projet de loi procède au renouvellement de la convention collective qui a expiré au 31 mars 2015 en y apportant certaines modifications afin de majorer l'échelle de traitement. Enfin, le projet de loi contient des dispositions administratives, civiles et pénales.

Donc, le projet de loi qui se fait une obligation de rétablir, si on veut, la prestation de services aux citoyens du Québec n'est pas un projet de loi qui a pour objectif primaire d'indiquer aux juristes que nous leur prêtons une mauvaise foi. Actuellement, la négociation est arrêtée. Il y a un problème majeur pour la population, et nous nous devons, comme législateurs, d'imposer une règle de loi qui va permettre à la population de retrouver ses bénéfices normaux et d'éliminer l'inquiétude et les problèmes qu'on retrouve de plus en plus fréquemment à l'intérieur du manque de services actuel.

Le président du Conseil du trésor nous a indiqué très clairement qu'il y a eu plus de 40 négociations dans la dernière année et demie, et qu'il y a eu beaucoup de rencontres régulières, et qu'il y a eu six propositions qui ont été déposées à la table de négociation, tous sur des montants en croissance. Donc, le gouvernement a vraiment travaillé dans un esprit de négociation, un esprit de trouver une solution, O.K., sur le plan salarial, dont les juristes demandaient une équité avec les procureurs, ce que le gouvernement a non seulement fait, mais dépassé dans les dernières semaines. Donc, cet élément-là a été rencontré jusqu'à un point où, en fait, l'association des juristes a fait un pas en arrière.

L'autre point de litige qui est très important, c'est la référence à avoir un médiateur indépendant pour gérer les conditions de travail des juristes comme l'ont les procureurs. La différence fondamentale entre les deux, c'est qu'il y en a un qu'ils sont dans un tribunal ou ministère de la Justice, et l'autre, finalement, travaille à l'intérieur d'un ministère dans un encadrement de services à l'égard de son employeur qui est les ministères et les appareils d'opération et organismes du gouvernement. Donc, il y a une différence fondamentale, et d'associer l'un avec l'autre pour permettre d'y retrouver les mêmes mécaniques constitue, selon moi, un faux pas, une étape qu'il n'y a pas de logique à franchir pour en arriver à dire : Bien, oui, il faudrait faire ça parce que les juristes le demandent. Il n'y a pas de relation ici entre la cause et l'effet, et, comme employeur, le gouvernement se doit d'une responsabilité fondamentale envers la population du Québec, à l'égard de ces services et à l'égard du respect de la gestion des argents qui lui sont assignés en tant que responsable et gestionnaire du gouvernement du Québec. On peut comprendre facilement pourquoi le gouvernement précédent s'est mis dans un pétrin financier assez considérable si l'on considère que, parce qu'il y a quelqu'un qui nous demande ça, sans égard à la population du Québec, on va lui donner ce qu'il demande pour acheter une paix sociale. Ce que l'on fait, quand on fait ça, c'est qu'on achète un désastre économique, ce qui nous a été amplement démontré dans la législature précédente.

Donc, la responsabilité gouvernementale d'établir un équilibre entre la capacité de payer du gouvernement et les positions dans lesquelles les conditions salariales des juristes... que personnellement je respecte beaucoup, comme l'ensemble de la machine gouvernementale, et qui font un très bon travail, et, pour moi, ce n'est pas une question de manque de respect, en aucun temps, parce que ces gens-là nous rendent un très bon service. La question, elle est d'avoir un équilibre entre la capacité de payer et la capacité de fournir un service adéquat à notre population.

D'ailleurs, à ce titre, on a négocié de façon équitable avec plus de 450 000 employés et nous en sommes arrivés à une entente négociée. Donc, les gens qui prétendent que le gouvernement est de mauvaise foi vont avoir de la difficulté à avaler cette pilule-là. Et, de plus, les agents de la paix, avec qui il y a eu des relations difficiles dans le passé, on a eu la semaine dernière une entente négociée, ce qui n'était pas arrivé depuis des décennies.

Donc, M. le Président, je crois que, dans l'étude du principe de ce projet de loi, qui nous démontre bien que le gouvernement se doit d'agir pour le bien de la population du Québec, tout en maintenant, pour les juristes et leur association, une opportunité de négociation... qui est très bien inscrite dans le projet de loi n° 127, qui dit clairement qu'il y aura des périodes d'assignées pour essayer d'en arriver avec une négociation et une entente, et, s'il n'y a pas entente, on prévoit une autre mécanique pour avoir un médiateur et avoir une discussion qui nous permettra de regarder, encore une fois, certains délais pour essayer d'en arriver à une entente négociée.

Donc, moi, je regarde le projet de loi, je crois que c'est un projet de loi que l'on impose pour des raisons très bien définies, en regard de la population du Québec, et nous maintenons une base de respect envers les juristes, qui permet, à l'intérieur du cadre du projet de loi, de négocier de bonne foi et, nous l'espérons, en arriver à une entente bien définie.

• (23 h 30) •

On nous a parlé aussi que le statut des procureurs était une position que nous ne pouvons pas nous permettre, pour une raison qui est très claire, c'est que le gouvernement, comme employeur, doit maintenir sa responsabilité de gestionnaire, parce que plus de 60 % du budget du gouvernement va en salaires et que tout écart significatif qui sera provoqué à l'intérieur de ce budget peut causer des impacts économiques très considérables à la population du Québec. Et, à titre simple d'exemple, si on considère que le budget du Québec tourne autour de 75 milliards, on parle donc d'un coût de salaire annuel de 45 milliards de dollars et que chaque pour cent représente près d'un demi-milliard. Donc, je voudrais que la population qui nous écoute ce soir réalise que chaque petit impact de salaire sur la population des employés du gouvernement a des conséquences très importantes sur la structure de coûts de l'opération du gouvernement et des services qui leur sont donnés. Le projet de loi n° 127 s'inscrit très légitimement à l'intérieur de ce cadre responsable du gouvernement pour en arriver à un contrôle des coûts et à une possibilité de négociation dans le plus grand respect possible pour les employés de l'État.

On a parlé à l'intérieur de beaucoup de débats aujourd'hui sur les contrats et que les partis nous ont mentionné qu'il y avait eu des centaines de millions de dollars d'argent donné en contrats et qu'il y avait eu des centaines de millions de dollars de donnés en contrats de gré à gré pour illustrer encore une fois l'importance de la grève des juristes, qui nous occasionnait certains débats. Il faut bien comprendre, pour la population qui nous écoute, que l'ensemble de ces montants-là n'a pas été donné à contrat dans une position de risque significatif. Il y a déjà à l'intérieur de l'opération du gouvernement une procédure pour certains contrats de gré à gré qui doivent être inscrits à l'intérieur d'une procédure. Et, deuxièmement, pour les contrats qui sont donnés à des entrepreneurs ou des contracteurs, il y a déjà, sur une base bien structurée, des contrats préétablis qui ont été analysés, démontrés, éprouvés antérieurement à l'intérieur d'un cadre déjà démontré, et il est très faux de prétendre qu'il y a eu ces sommes de mises à risque à l'égard des contrats que le gouvernement a octroyés dans le contexte de son opération normale.

Il faut bien se rappeler qu'il y a une machine ici qui est structurée, organisée, et qui est très loin d'être chaotique, et qui nous permet d'opérer. Ça ne veut pas dire qu'on peut faire ça indéfiniment parce qu'il y a quand même un contexte dynamique qui doit faire qu'il faut éventuellement réviser, moderniser, corriger et ajuster, ce qui fait qu'éventuellement nos juristes, notre personnel légal, nos notaires doivent participer à l'élaboration de l'opération du gouvernement.

Donc, le projet de loi n° 127 constitue une mesure législative exceptionnelle, et elle doit conduire à une situation qui va nous amener à remettre en état le service à la population. Et nous allons maintenant pouvoir redonner à la population ces services, mais aussi permettre, comme je l'ai mentionné précédemment, assurer qu'il y aura une ouverture pour les négociations du gouvernement avec l'association des juristes.

Le président du Conseil du trésor nous a mentionné précédemment aussi qu'ils ont fait en janvier, pour une période de 40 jours, des appels de candidatures et il nous a dit qu'il a reçu plus de 1 900 applications pour ces candidatures. L'intérêt de cet élément-là est de dire qu'il y a quand même un intérêt certain pour cette profession, qui a une compensation très excédentaire à 100 000 $ par année pour un travail hebdomadaire de 35 heures. Je crois que c'est un élément que je qualifierais de significatif pour 35 heures par semaine quand on a un revenu qui excède largement 100 000 $, et l'appel de candidatures a démontré très clairement que cette application-là constitue quelque chose d'important.

Il faut bien, donc, comprendre qu'il y a eu deux ans de négociation, qu'il y a eu 40 périodes de négociation, qu'il y a eu six éléments de proposition de salaire de faits au personnel, et que 60 % des dépenses de l'État sont versées en salaires, et que l'ensemble de la population est maintenant en souffrance de services et de besoins pour en arriver à obtenir les services du gouvernement, ce qui crée une tension et un problème certain chez plusieurs d'entre eux qui ont affaire à travailler avec certains tribunaux administratifs puis les organismes et ministères du gouvernement, et c'est pour ça que, ce soir, nous avons une procédure d'exception qui s'appelle la loi n° 127 et qui est là pour assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettre la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective. Et c'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que je vais voter pour ce projet de loi là, pour ce principe-là. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron) : On vous remercie, M. le député de Mégantic, de votre intervention. Et, pour la poursuite du débat, toujours sur ce même projet de loi là, je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas. À vous.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. J'interviens à contrecoeur sur l'adoption du principe parce que je préférerais qu'on ne soit pas ici et que le gouvernement soit plutôt à la table de négociation en train de trouver une solution, hein, une solution à cette impasse qu'il a lui-même créée pour renouveler un contrat de travail qui est échu depuis un certain temps et pour éviter qu'on impose une loi spéciale, qu'on impose les conditions à la fois salariales et aussi du régime de négociation aux juristes de l'État.

Et j'écoutais avec attention mon collègue de Mégantic et, respectueusement, je ne peux pas être en accord avec lui sur quelques points qu'il a soulevés. Il nous a dit tout à l'heure qu'il a écouté les juristes, là, pour 35 heures de travail, 100 000 $, c'est la majorité. Écoutez, je l'invite à regarder l'échelle salariale des juristes de l'État, on ne commence pas à 100 000 $, on arrive à 100 000 $ lorsqu'on est vers la fin de la progression de l'échelle salariale, après de nombreuses années de service, et, à cet effet-là, je questionnerais le député de Mégantic, mais aussi l'ensemble du gouvernement à savoir que est-ce que l'expérience, ça a un prix, est-ce que la valorisation des employés, ça a un prix, M. le Président, et est-ce qu'on ne doit pas, comme État fort, pour s'assurer que les gens qui représentent l'État québécois... bien, ceux-ci soient rémunérés d'une façon où ils vont être à l'abri de toute ingérence, de toute influence et qu'ils aient l'indépendance nécessaire pour exercer leurs fonctions

Et j'inviterais peut-être les collègues de la partie gouvernementale à faire l'exercice suivant. Prenez un dossier de nature juridique. Vous voulez confier un mandat de représentation en matière civile, supposons, l'État québécois souhaite poursuivre un cocontractant en matière civile ou a besoin de prendre des procédures judiciaires. Mandater un procureur, un avocat privé d'un bureau, que ce soit un bureau de Québec, un bureau de Trois-Rivières, un bureau de Montréal, M. le Président, regardez les tarifs horaires qui sont chargés par les avocats de la pratique privée pour représenter les intérêts. Et c'est déjà arrivé, il y a déjà des comparables, M. le Président, parce que ça arrive parfois, lorsque des juristes de l'État ne peuvent pas représenter le gouvernement pour une question de conflit d'intérêts ou en matière de relations de travail, O.K., ça arrive, ça s'est déjà fait. Ça se fait dans des municipalités aussi, le recours... lorsque des municipalités ou le gouvernement ont un contentieux, on a recours à des procureurs externes, donc on embauche un cabinet privé pour un mandat.

• (23 h 40) •

Combien pensez-vous que ça va coûter à l'État québécois, le recours à des procureurs externes? Parce que ça, c'est un choix aussi, M. le Président. On a choisi de se doter d'un contentieux d'avocats, de notaires pour servir l'État québécois, notamment au niveau de la représentation. Ces individus-là sont rémunérés en fonction d'une échelle de traitement salarial qui varie entre 55 000 $ et environ 127 000 $ lorsqu'il y a le niveau de juriste expert. Combien pensez-vous, M. le Président, qu'un mandat juridique donné au privé, ça va coûter aux contribuables québécois, M. le Président? Pour un dossier qui irait jusqu'à la Cour supérieure, avec quelques procédures, ça va coûter facilement, M. le Président, le salaire annuel d'un juriste de l'État. Faites l'exercice, à ce compte-là, au niveau comptable, il n'y a rien qui vaut le rapport qualité-prix que les citoyens québécois et que le gouvernement ont en embauchant des juristes de l'État.

Il y a un autre élément par rapport à ça. Lorsque vous embauchez un procureur à l'externe, il ne connaît pas la machine, il n'est pas familiarisé nécessairement avec tous les leviers de l'État, avec la particularité de l'État québécois. Par contre, quand vous avez des juristes de l'État qui travaillent au service de l'État, ils connaissent leur travail, ils connaissent les particularités, ils connaissent les particularités des ministères, la question de droit, il y a une expertise à l'interne qui est conservée et qui est présente, et ça, M. le Président, c'est la force de l'État québécois d'avoir des professionnels qui sont compétents, d'avoir des professionnels qui sont capables de saisir rapidement un dossier, qui sont capables d'en comprendre les subtilités et qui sont capables de conseiller juridiquement, de donner des avis juridiques, de plaider des dossiers à la cour pour défendre les intérêts de l'État québécois.

Lorsqu'on parle de l'intérêt de l'État québécois, M. le Président, parfois on parle de la position gouvernementale, on parle aussi des intérêts des citoyens québécois. Parce que c'est l'intérêt public qui est en cause lorsque les juristes font la représentation ou donnent des avis juridiques. Donc, il y a une distinction entre un contentieux et le fait de donner des mandats à l'externe, quoiqu'il peut arriver qu'il y a des mandats qui sont donnés à l'externe. Le collègue de Mégantic nous dit : Écoutez, ils sont très bien payés. Je pense que c'est important — puis c'est l'explication que j'ai donnée, M. le Président — d'expliquer clairement l'échelle salariale et aussi le coût au niveau de l'expertise, que nous devons considérer dans le cadre des fonctions.

Je ne sais pas qu'est-ce qui serait préférable. Est-ce qu'on ne doit pas payer les employés, M. le Président? Ce n'est pas une solution qui m'apparaît envisageable. On a dit, du côté du gouvernement, 60 % des dépenses de l'État sont en rémunération. Effectivement, M. le Président, le gouvernement, l'État québécois, le gouvernement du Québec donne des services à la population, il est là pour ça. Le président du Conseil du trésor nous l'a dit, des collègues de la partie gouvernementale nous l'ont dit, on parle de 1 100 juristes de l'État. On ne parle pas de 60 % de l'ensemble des employés, on parle de 1 100, d'un corps professionnel de 1 100 personnes.

On l'a fait avec les procureurs de la couronne il y a quelques années, M. le Président, un comité de rémunération indépendant qui arrive avec des recommandations, étudie les modalités, fait un rapport à l'Assemblée nationale, et ici nous choisissons d'adopter, de rejeter ou de modifier le rapport. C'est ce que les juristes de l'État demandent. Pourquoi refuser? C'est ça, la question fondamentale, M. le Président. Parce que, lorsqu'on regarde de quelle façon ils exercent leur travail, qu'est-ce qui les investit de leur pouvoir pour faire leur travail, M. le Président, bien, c'est sensiblement la même chose que les procureurs de la couronne... ou les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, M. le Président, c'est le nouveau terme qu'il faut utiliser. Parce que le Procureur général, ici, M. le Président, c'est la ministre de la Justice. Ça n'a pas toujours été comme ça, il y a certains premiers ministres qui s'étaient gardé cette prérogative-là, M. le Président. L'ancien député de Trois-Rivières, Maurice Duplessis, ancien premier ministre, lui, s'était gardé ce droit-là, M. le Président, puis il y a une cause célèbre aussi, Roncarelli contre Duplessis, M. le Président, qui est une cause marquante de la Cour suprême. D'ailleurs, lors du 100e anniversaire de la Cour suprême, ça avait été décrété, M. le Président, comme étant la cause ayant le plus marqué l'histoire de la Cour suprême.

Mais, dans le cadre de cette fonction-là de Procureur général, bien entendu, la ministre de la Justice, ce n'est pas elle qui fait l'analyse de tous les dossiers. En sa qualité, c'est elle qui conseille l'ensemble des membres de son gouvernement, hein, les autres ministres, elle a une fonction de jurisconsulte. Mais elle ne fait pas ça tout seule, M. le Président. Du moins, je l'espère. Donc, elle a recours à des avocats, des notaires de l'État québécois.

Du côté criminel, M. le Président, ce sont les procureurs aux poursuites criminelles et pénales qui exercent la prérogative du Procureur général, le fait de déposer et de porter des accusations. En 2005, on a créé le poste du Directeur des poursuites criminelles et pénales pour se garder un bras de distance à savoir : Qui est-ce qui accuse ou non? Qui porte des accusations relativement aux infractions criminelles? C'est bien ainsi, pour autant qu'il y ait une complète indépendance.

Du côté civil, bien là c'est la prérogative du Procureur général qui est exercée en matière civile, M. le Président, donc exercée par les juristes de l'État. Mais, dans le fond, M. le Président, les juristes de l'État puis les procureurs de la couronne, ils font la job de la ministre de la Justice au jour le jour. C'est ça, la réalité. Et c'est ce que les juristes de l'État demandent, ils disent : Considérez-nous comme les procureurs de la couronne au niveau du conseil juridique que l'on fait, au niveau de la rédaction législative que l'on fait, au niveau des dossiers que l'on plaide devant les différents tribunaux.

Vous savez, M. le Président, les juristes de l'État sont un peu partout dans les différentes sociétés d'État, mais aussi à l'intérieur de l'État québécois. Vous avez des avocats de l'Association des avocats et notaires de l'État québécois qui travaillent à la CSST, donc qui vont plaider des dossiers, qui portent des accusations en matière pénale en vertu de la Loi sur la santé et sécurité au travail lorsqu'il y a des situations de danger au travail pour s'assurer que tous les travailleurs québécois, lorsqu'ils vont travailler, leur milieu de travail soit sécuritaire. On peut penser à des usines où il y a des machines, supposons, qui ne sont pas cadenassées. On peut penser au domaine de la construction, où il faut que les couvreurs soient attachés, M. le Président, il faut que les travaux de construction soient effectués de façon sécuritaire. Tout ça, M. le Président, pour s'assurer que la Loi sur la santé et sécurité au travail soit respectée puis qu'il n'y ait aucun travailleur qui perde la vie. Ça, c'est une des fonctions que les juristes de l'État exercent.

Et le président du Conseil du trésor, tout à l'heure, nous disait : Écoutez, le DPCP ou les procureurs du DPCP n'ont pas à valider s'ils doivent retirer ou non un chef d'accusation. Leur client, ce n'est pas le gouvernement. Bien, écoutez, M. le Président, un exemple, à la CSST, lorsque vous avez un procureur de la CSST... ou de la CNESST, en vertu de la Loi sur la santé et sécurité au travail, son client, c'est le directeur régional. Mais c'est de la CSST, ce n'est pas le gouvernement. Voyez-vous? Première incohérence avec le discours du président du Conseil du trésor.

La Commission des normes du travail, M. le Président, il y a des avocats, des avocates, là, qui prennent fait et cause pour les citoyens dont les droits ont été lésés, brimés en vertu de Loi sur les normes du travail. Eux, leurs clients, ça va être, oui, la Commission des normes, mais aussi le citoyen, le citoyen dont les droits sont lésés. Même chose pour les procureurs de la Société d'assurance automobile du Québec, qui, eux, représentent cette entité-là.

Un autre aspect important dans un autre groupe, le groupe majoritaire pour les juristes de l'État, ceux qui travaillent pour le Procureur général, M. le Président. Parce que, dans chacun des ministères, il faut le dire, il y a des avocats, des notaires qui travaillent là qui relèvent de la ministre de la Justice en sa fonction de jurisconsulte, et qui se retrouvent dans les différents ministères, et qui accompagnent les ministres, qui donnent des opinions juridiques, qui plaident certains de leurs dossiers. On a juste à penser au dossier de Mascouche, avec l'aéroport de Mascouche, M. le Président, où, si les juristes de l'État avaient été là, bien, ils se seraient opposés à l'aéroport. Finalement, la ministre de la Justice s'est réveillée, puis ils ont envoyé quelqu'un pour plaider le dossier. Mais la requête n'avait pas été prise par le Procureur général pour l'application d'une loi provinciale, il a fallu que ce soit la municipalité de Mascouche qui, elle-même, engage ses procureurs pour faire appliquer la loi québécoise en matière d'environnement.

(23 h 50)

Les gens au Procureur général, M. le Président, interviennent en matière civile. Prenez le recours contre les cigarettiers, M. le Président, un recours de plusieurs centaines de millions de dollars, M. le Président, par rapport à l'impact sur le réseau de la santé. On poursuit en dommages et intérêts les compagnies de tabac. Qui gère ça, M. le Président? Le Procureur général du Québec. C'est un dossier d'une grande importance.

Et là le président du Conseil du trésor nous dira : Ce n'est pas important, le travail que les juristes font? Je vous dirais qu'il est fondamental, ce travail-là, M. le Président. En matière de pensions alimentaires, vous savez, lorsqu'il y a un dossier en matière familiale, parfois le Procureur général doit intervenir pour s'assurer du respect des dispositions. C'est un travail qui est important. Vous savez, l'hiver dernier, on a eu le plaisir d'avoir des débats ici, à l'Assemblée nationale, à savoir : Quelle est la position du Procureur général sur la définition de «mariage»? Est-ce que le mariage a des conséquences civiles entre deux individus ou ça peut exister, des mariages uniquement religieux? Bien, le Procureur général, cette fois-là, s'était peut-être un peu trompé, mais ils vont aller en appel. D'ailleurs, M. le Président, pour vous montrer à quel point c'est important, les juristes, la Procureur général a demandé un délai supplémentaire pour remettre son mémoire parce qu'elle n'avait pas les gens pour l'aider à écrire le mémoire pour pouvoir le présenter à la Cour d'appel du Québec. Et ça, c'est un enjeu important à trancher, M. le Président, on a besoin de l'expertise des juristes de l'État parce qu'un mariage, M. le Président, on ne doit pas permettre que ça n'ait pas de conséquences civiles. Sinon, on ouvre la porte à des mariages forcés, on contrevient à la règle de droit, on contrevient à l'ordre public. C'est un des exemples.

En matière de contestation constitutionnelle, M. le Président, vous savez, il y a un dossier qui s'en vient, celui de la loi n° 99 en réponse à la loi sur la clarté. Le Procureur général du Québec intervient, ce sont des juristes de l'État qui vont plaider le dossier. Et, peu importe la formation politique ici, je pense que tout le monde s'entend là-dessus, c'est un dossier d'une grande importance, à savoir : Est-ce que le choix du Québec, ça se passe à Ottawa ou ça se passe ici, dans l'Assemblée nationale d'un peuple, M. le Président? Qu'on soit fédéraliste, souverainiste, autonomiste, nationaliste, tous les istes, M. le Président, bien, il y a une chose qui est sûre, ça a toujours fait consensus que c'était ici que c'était décidé puis que la loi québécoise, elle est valide. Mais ça, ce sont les avocats du Procureur général qui vont aller défendre ça, M. le Président. Si ça, ce n'est pas important, si ça, ce n'est pas important d'avoir des gens compétents pour faire ça, qu'ils aient un statut, qu'ils puissent conseiller en toute indépendance le gouvernement, je me demande c'est quoi, M. le Président.

Vous savez, l'ancien collègue de beaucoup de députés et de ministres libéraux, Benoît Pelletier, a rendu une opinion juridique exposant si les juristes avaient raison de demander ce qu'ils demandaient, et vous me permettrez peut-être de lire sa conclusion, qui va nous renseigner. Puis là ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président, c'est un député libéral, ministre libéral pendant cinq ans, 2003-2008, député, 1998-2008, prédécesseur du député de Chapleau, qui nous dit : «Les motifs qui justifient que les procureurs de la couronne du Québec aient droit à ce que certaines de leurs conditions de travail soient déterminées par un comité indépendant sous réserve d'une décision finale de l'Assemblée nationale — et c'est intéressant — valent aussi pour les autres poursuivants de l'État québécois, voire pour tous ces avocats, avocates et notaires qui agissent comme "conseillers juridiques officiels de l'État".» Alors, Benoît Pelletier nous dit ça. Puis Benoît Pelletier, ce n'est pas n'importe qui, professeur à l'Université d'Ottawa, professeur de droit constitutionnel, ancien ministre, ancien député libéral. Si ce ne sont pas des références qui satisfont le président du Conseil du trésor, je me demande quelle sorte de références... sur quoi on devrait se baser pour l'influencer, M. le Président.

J'entends mes collègues dire : On adopte une loi spéciale ce soir pour le bien de la population, parce qu'il faut fournir la prestation de services juridiques. M. le Président, cette préoccupation-là, elle est tardive de la part du gouvernement, ça aurait dû être dans la tête de la ministre de la Justice puis dans la tête du président du Conseil du trésor dès le jour 1 où la grève s'est déclenchée ou même avant ça, en se disant : Écoutez, s'il y a une grève, si je refuse de négocier en tant que gouvernement, je refuse de négocier de bonne foi avec les juristes de l'État, je refuse d'arriver avec des offres acceptables, je refuse d'étudier et de respecter ma parole relativement au mode de négociation, tel que je m'étais engagé en 2011, bien, c'est sûr que je vais mettre en péril les services juridiques pour la population, l'accès à la justice.

Donc, M. le Président, le gouvernement a fait un choix conscient lorsqu'il a laissé les juristes de l'État en grève, et qu'ils ont fait le choix conscient de refuser d'offrir une offre et de travailler à arriver à une proposition, à un consensus, à une entente avec les juristes. Il a choisi lui-même de couper des services à la population. Il a choisi lui-même de dire aux gens qui avaient un dossier devant les tribunaux administratifs : Prenez votre mal en patience. C'est ça, le message du gouvernement libéral, de dire aux gens : On vous coupe des services et on verra plus tard. Ils l'ont fait dans le réseau de la santé, M. le Président. Peut-être, chez vous, ça a sonné. Ça a sonné à mon bureau de circonscription, des gens qui avaient accès à des infirmières qui n'ont plus accès, des gens qui avaient accès à du soutien à domicile qui n'ont plus accès. Bien, c'est la même recette libérale qui s'applique de nouveau, M. le Président, relativement au dossier.

Et, tout à l'heure, la ministre de la Justice nous disait : Écoutez, au Tribunal administratif, il y a eu 1 100 remises. Elle a dit : On avait réussi, là, à récupérer le retard qu'on avait eu. Mais il y avait quand même du retard, M. le Président. Mais vous noterez aussi qu'au Tribunal administratif du Québec, là, bien, ça fait des années qu'ils attendent que les postes de juges administratifs soient comblés. Mais qu'est-ce que le gouvernement du Québec fait? Il ne comble pas les postes. Ils sont en déficit de juges administratifs, mais le gouvernement du Québec n'investit pas en justice.

Alors, voyez-vous, M. le Président, venir plaider le fait que c'est à cause des juristes de l'État qu'il y a du retard quand le gouvernement lui-même néglige la justice depuis des années... Depuis 2003 qu'ils ont accepté que les délais s'allongent, que ce soit en matière criminelle, en matière pénale, que ce soit en matière civile aussi. Allez aux Petites Créances, M. le Président, si vous êtes un citoyen, où, là, il n'y a pas d'avocat, là, les délais pour avoir un jugement, les délais pour se faire entendre, les délais pour l'exécution de jugements... Pour l'exécution de jugements aussi, l'État s'est retiré. Allez en matière civile, M. le Président. Pour un citoyen, les délais pour être entendu, c'est long, c'est lourd. Donc, lorsque la ministre de la Justice nous dit : Nous, on a investi, vous avez investi à la dernière heure, vous avez laissé le système de justice se détériorer.

Et il y a un aspect important, M. le Président, dans notre démocratie, c'est notamment l'État de droit, mais c'est également le fonctionnement du système de justice. Mais c'est aussi le fait de pouvoir obtenir justice, et les juristes de l'État qui travaillent dans nos institutions sont un maillon de ce système de justice là. Donc, si on veut avoir un système de justice qui est fort, qui est intègre au Québec, qui est impartial, c'est important, M. le Président, de s'assurer aussi que les gens qui y travaillent aient les conditions aussi pour rendre cette réalité-là.

Alors, lorsque la ministre de la Justice nous dit : Ce n'est pas un choix, la loi spéciale, malheureusement, M. le Président, c'en est un, choix. C'est un choix conscient de ce gouvernement-là de dire : Plutôt que de négocier, plutôt que de regarder clairement quelles sont les possibilités qui peuvent être faites relativement à la prérogative du Procureur général en matière civile et en matière criminelle... bien, c'est un choix de dire : Non, je ne le fais pas, je continue avec un climat de confrontation, M. le Président.

Parce que c'est ça qui est arrivé. Lorsque vous dites à vos employés : Restez 18 semaines à l'extérieur, restez 18 semaines à faire la grève, et je vais vous rentrer au travail avec une loi spéciale écrite sur le coin de la table un soir du 27 février, bien, M. le Président, vous manquez de respect envers, un, les juristes, vous manquez de respect envers la population du Québec. Véritablement, M. le Président, parce qu'on passe la nuit ici le 28 février, maintenant...

• (minuit) •

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Je vais continuer, M. le Président. Ainsi, ce que je veux vous dire, c'est que ma formation politique, M. le Président, va voter contre cette loi parce que l'obligation de négocier de bonne foi n'a pas été respectée du côté du gouvernement. Ce n'est pas de cette façon-là dont on traite les employés. Ce n'est pas de cette façon-là aussi qu'on construit une société. Il faut arriver à se parler. Il faut arriver à avoir des relations de travail qui vont faire en sorte que les deux parties vont faire leur bout de chemin et vont arriver à un consensus. Il ne s'agit pas de tout donner, M. le Président, il s'agit simplement d'agir raisonnablement, en personnes raisonnables, d'une façon à s'assurer que les citoyens

québécois vont pouvoir avoir des services juridiques mais vont aussi pouvoir en avoir pour leurs services et que ça va faire en sorte que les juristes de l'État pourront exercer leur travail.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, M. le député de Borduas. Et je reconnais maintenant Mme la députée de Vachon pour son intervention, en vous indiquant que vous avec cinq minutes, compte tenu que l'autre député indépendant a signalé à la table qu'il ne prendra pas la parole. Alors, vous avez cinq minutes pour vous exprimer. À vous la parole.

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet : Oui, merci, M. le Président. M. le Président, je suis assez perplexe. Je suis assez perplexe parce qu'on a entendu, ici un petit peu plus tôt dans la soirée, le président du Conseil du trésor libéral nous dire qu'il respectait le droit de grève, M. le Président. Et vous savez qu'ici au salon bleu on se doit de prendre la parole d'un député. Or, M. le Président, je lis le projet de loi, et le même président du Conseil du trésor a écrit le contraire de ce qu'il nous a affirmé ici, au salon bleu. Il a écrit dans le projet de loi spéciale : «...les avocats et notaires — donc, les juristes — doivent cesser de participer à la grève en cours et doivent reprendre le travail conformément à leur horaire habituel et aux autres conditions de travail qui leur sont applicables.» Donc, M. le Président, plus de droit de grève.

D'un côté, il nous dit ici, au salon bleu, qu'il respecte la grève puis, de l'autre côté, il écrit le contraire, M. le Président. Je sais qu'il y a un mot interdit ici, en Chambre, pour qualifier ce comportement incohérent, mais ce qui est choquant, M. le Président, c'est que le mot soit interdit mais que le comportement incohérent, lui, ne soit pas interdit ici, en Chambre.

Je suis perplexe aussi, M. le Président, parce que le ministre président du Conseil du trésor libéral, aujourd'hui, a refusé du revers de la main un processus de médiation qui était proposé par le Barreau, par la Chambre des notaires et appuyé par les juristes de l'État. Refusé comme ça, là, en claquant des doigts. Fini. Je ne veux rien savoir. Or, M. le Président, tout d'un coup, dans le projet de loi spéciale, il nous parle de médiation, alors que le processus de médiation qui était sur la table aujourd'hui aurait pu éviter la loi spéciale. Donc, encore de l'incohérence, M. le Président.

On voit, dans le projet de loi spéciale, que c'est pour renouveler les conventions collectives liant les avocats et notaires qui ont expiré le 31 mars 2015. Ça fait presque deux ans, M. le Président, que la convention collective est expirée. Et pire que ça, M. le Président, parce qu'en 2011 le gouvernement libéral de M. Charest, dans lequel était le président actuel du Conseil du trésor, avait promis, avait promis, de négocier les mécanismes de négociation des conditions de travail. Et donc, là, on est aujourd'hui six ans plus tard, et là le gouvernement libéral s'indigne du fait des conséquences désastreuses de la grève des juristes de l'État, alors que c'est lui-même qui a laissé traîner les négociations depuis tout ce temps-là puis c'est lui-même qui a laissé traîner la grève. Ça, M. le Président, là, on dit qu'on ne peut pas invoquer notre propre turpitude pour justifier des actions. C'est exactement ce que fait le gouvernement libéral à travers la voix, d'ailleurs, de deux ministres avocats de formation. Assez surprenant, M. le Président.

Vous savez, les juristes de l'État, c'est une expertise essentielle. Et ce projet de loi là vient saccager l'expertise des juristes de l'État. Le Parti libéral, après avoir saccagé l'expertise du MTQ, après avoir saccagé l'expertise du ministère de l'Environnement, aujourd'hui, s'attaque à l'expertise des juristes de l'État. C'est dommage. C'est dommage puis ça va coûter cher à l'ensemble des citoyens et des citoyennes parce que les juristes de l'État sont là pour vérifier les contrats. Il me semble, M. le Président, on l'a-tu assez vu, avec la commission Charbonneau, la corruption puis la collusion? On a besoin de monde indépendant qui vont conseiller, qui vont s'assurer que c'est correct. Tous les retards du côté des différentes causes, les projets de loi, les règlements, tout l'impact que ça a sur le gouvernement du Québec...

Donc, c'est clair, M. le Président, que je voterai contre la loi spéciale, qui est une loi qui vient confirmer le saccage de l'expertise des juristes de l'État. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : On vous remercie, Mme la députée de Vachon, de votre intervention. Et, pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant M. le député d'Ungava pour son intervention. M. le député d'Ungava, à vous la parole.

M. Jean Boucher

M. Boucher : Alors, bon mardi, M. le Président. On est aujourd'hui mardi le 28 février. M. le page, tantôt, m'a volé mon punch. J'espérais commencer mon allocution comme ça, mais il est venu changer la date. Donc, bon mardi quand même.

Écoutez, qu'est-ce qu'on fait ici ce soir, M. le Président? Qu'est-ce qu'on est venus faire ici? Je pense que, dans la vie, il faut savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va. On est ici ce soir pour adopter le projet de loi n° 127, la Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.

Écoutez, M. le Président, bon, on a entendu bien des choses, là, depuis le début de ce débat restreint de cinq heures. On a entendu bien des choses auparavant aussi. Je pense qu'il y a des mots qui ont été prononcés, là, par les oppositions et les députés indépendants, qui ne collent pas avec ce qui a été dit de ce côté-ci de la Chambre. J'ai bien écouté, bon, M. le président du Conseil du trésor au tout début, lorsqu'il a fait son allocution. Jamais, bon, monsieur... le Conseil du trésor a, de quelque façon que ce soit, minimisé l'importance, la compétence, le savoir des juristes de l'État. Bien au contraire, les juristes de l'État sont un élément essentiel de la conduite des bonnes affaires du gouvernement. Puis, dans ce sens-là, ce sont des gens dont on ne peut se passer. Ce n'est en aucun cas des gens qui sont superflus ou des gens, là, à l'expertise doutable. Bien au contraire, ils ont une expertise pointue, une expertise qu'on ne saurait retrouver ailleurs, dans aucun autre cabinet, que ce soit au privé... D'ailleurs, là-dessus, bon, le député de Borduas l'a bien souligné, quand même qu'on confierait un dossier au plus grand cabinet d'avocats de Montréal ou de Québec, je veux dire, jamais cet individu-là n'aura la perception fine de ce qui se passe dans les ministères puis de la façon de fonctionner du gouvernement. Donc, là-dessus, je peux vous dire, M. le Président, que les juristes de l'État ont toute mon appréciation, ont toute ma sympathie, et puis de ce côté-là, de notre côté de la Chambre, on peut dire que ce sont des gens qui sont appréciés à leur juste valeur.

Une grève, ce n'est jamais plaisant pour personne, ce n'est jamais plaisant pour celui qui la fait, ce n'est jamais plaisant pour celui qui la subit, que ce soit dans l'entreprise privée ou ailleurs, que ce soit une compagnie privée. Si les employés se mettent en grève, ce n'est pas par pur plaisir, et pour s'amuser, et prendre du bon temps, bien au contraire. Pour l'employeur, bien, ça le restreint dans ses activités. Quand ça ne le paralyse pas complètement, ça le restreint sérieusement dans sa production, dans la livraison des services.

Donc, ce n'est jamais plaisant pour personne puis ce n'est jamais payant pour personne aussi, autant pour le salarié, bon, qui exerce son droit de grève, qui est un droit constitutionnel, comme ça a été souligné à de nombreuses reprises, puis qui perd son salaire. Je veux dire, tout le monde, dans la vie, là, bon, on aime bien nos emplois, on aime bien ce qu'on fait, mais, quand même, la majorité, je veux dire, on est là pour le jeudi aussi. Donc, le salaire est important, et puis je pense que pas personne ne peut dire : Bien, moi, je me prive de mon salaire pendant quatre mois, pendant trois mois, puis il n'y a aucun problème, je vis bien avec ça, puis ça n'a aucune conséquence. Bien au contraire, ça a des conséquences qui sont très difficiles pour les familles qui sont impliquées et puis les gens qui sont directement impliqués dans ça.

• (0 h 10) •

Ça a des conséquences, bon, pour la poursuite des affaires du gouvernement, M. le président du Conseil du trésor l'a souligné, bon, des projets de loi au ralenti, bon, les juristes de l'État qui sont plutôt plaideurs, des plaidoiries puis des procès qui sont arrêtés pour des justiciables qui sont en attente de décisions, qui sont en attente de jugements qui se voient, bon, prolongés dans le temps. Notre collègue, là, de Chicoutimi parlait tout à l'heure... pas de Chicoutimi, plutôt de Jonquière, parlait tout à l'heure... Lac-Saint-Jean, des Inuits, pardon, bon, un dossier que je connais bien. C'est vrai qu'il y a une entente concernant le renouvellement de l'échelle des loyers là-bas pour les habitations à loyer modique. Là-bas, ce n'est pas anecdotique ou anodin comme dossier, c'est primordial, mais, malgré l'entente, tout ça est comme mis sur la glace à cause qu'on attend après les juristes de l'État. Donc, dire que les juristes de l'État ont un travail qui est secondaire et puis dont on peut se passer, c'est très loin de la vérité.

J'ai entendu des choses, par contre, là... Bon, notre collègue de Borduas disait : Écoutez, un salaire de 100 000 $ par année pour 35 heures de travail, ce n'est pas vrai, regardez l'échelle de... pas l'échelle de loyer, pardon, je suis encore sur les loyers, regardez l'échelle salariale. Bien, c'est bien sûr, là, on n'est pas naïfs au point de penser, là, qu'il n'y a qu'un niveau salarial chez les juristes de l'État, tout le monde gagne 100 000 $ par année ou rien. C'est une moyenne. Il y en a, des gens, qui sont en bas, il y en a, des gens, qui sont en haut. C'est le propre de la moyenne.

Donc, on parle d'une moyenne de salaire aux alentours de 100 000 $ par année pour 35 heures de travail par semaine, du temps supplémentaire qui est payé au besoin, un régime de retraite qui est financé en partie par le gouvernement. C'est qui, le gouvernement? C'est vous et moi, M. le Président. C'est tous ceux qui nous écoutent au travail, à la maison ou un peu partout. C'est des avantages sociaux et surtout une sécurité d'emploi. Demain matin, on ne pourrait pas dire : Bien là, les affaires du gouvernement ont ralenti, on élimine 150 juristes de l'État qui ne sont plus nécessaires. On sait que, bon, ces gens-là, ça ne leur arrivera jamais, ce qui n'est pas le cas dans le privé. Vous travaillez dans un grand bureau d'avocats, bon, ça va bien, les dossiers rentrent, tout va bien, puis là, à un moment donné, woups! On frappe un creux de vague, on ralentit. Bien, ce n'est pas vrai qu'on va garder 150, 200 avocats sur le «payroll» si on en a besoin de 70. C'est cruel, mais c'est comme ça. Il y a des gens qui vont devoir quitter, et puis ce n'est pas drôle. Donc, les juristes de l'État sont protégés contre ça par la sécurité d'emploi.

M. le président du Conseil du trésor puis mon collègue de Lac-Mégantic... de Mégantic, pardon, nous parlaient tantôt... où il y avait eu des concours qui avaient été ouverts en janvier pour recruter des candidats à occuper des postes de juristes de l'État. Plus de 1 000 candidatures avaient été reçues pour un certain nombre de postes. Ça démontre quand même un certain attrait, là. À l'extérieur, on voit que les avocats et les notaires ont de l'attrait pour ces postes-là.

Les négociations, comment ça s'est passé, les négociations? On nous taxe de dire : Bien là, écoutez, vous êtes assis sur vos positions, vous ne voulez pas négocier. Depuis le tout début, tout ça, là, c'est comme une grande pièce de théâtre que tout le monde a jouée pour en arriver à l'acte final, qui est ce soir, de la loi spéciale, et puis, bang! C'est comme ça que ça se passe. Bien, il y en a eu, des séances de négociation, plus de 40, des offres qui ont été déposées le 16 février 2016, le 24 novembre 2016, 30 novembre 2016, 24 janvier 2017 et une dernière le 23 février 2017. Alors, prétendre qu'il n'y a pas eu de négociation, qu'on était fermés... mais on a eu toutes sortes d'épithètes, là, dont plusieurs étaient non parlementaires, puis je vais vous en faire grâce parce que je ne suis pas sûr, là, que ça volait assez haut, là, pour valoir la peine de relever ça, mais des choses, là, qui n'ont pas leur place dans le débat présent.

Qu'est-ce qui s'est passé du côté, bon, des juristes, le syndicat de LANEQ? J'ai ici, bon, des citations du président, M. Jean Denis, qui disait, bon : «La grève durera "autant de temps qu'on n'aura pas ce qu'on demande".» «Le gouvernement devra porter l'odieux de l'impact de cette grève sur la population...» Les avocats, les notaires, en parlant du gouvernement : «Ils sont rendus à nous manquer de respect, c'est carrément du mépris.» «...c'est juste du mépris à notre égard.» C'est de l'ignorance et du mépris. «Le gouvernement cherche [...] à nous humilier.» Parlant d'un comité consultatif proposé par le gouvernement pour discuter du statut des juristes, on disait, bon : «C'est un comité bidon...» Ça ne va servir à rien. «Le mépris s'accentue, [ça] continue[...]. Ils ne font que ça — en parlant du gouvernement — ils veulent nous épuiser, ils veulent nous faire rentrer à genoux. On les met au défi : Faites-nous en donc une, loi spéciale, [juste] pour voir...»

Écoutez, M. le Président, ce soir, je pense qu'on est rendus à la croisée des chemins. Puis je peux vous dire que, suite à l'adoption de la loi, il n'y a pas un juriste de l'État qui va rentrer à genoux au travail mercredi matin. Je pense que tout le monde peut rentrer la tête très haute. Et puis ce n'est pas des conditions de travail, là, qui vont... une loi bête et méchante qui décrète les conditions de travail puis qui dit : Bien là, regardez, là c'est terminé. À partir de mercredi matin, c'est ça, ça, ça. Non. On ouvre vers une nouvelle ère de négociation. On ouvre vers une séance de négociation de 45 jours, qui pourra être prolongée une fois d'une période de 15 jours. À la suite, si ça ne fonctionne pas, une médiation de 30 jours, qui pourrait être prolongée d'un autre 15 jours à la demande du médiateur s'il juge que ce n'est pas suffisant puis qu'encore un petit peu de temps pourrait peut-être boucler l'affaire. Donc, on ouvre sur une période de plus ou moins, grosso modo, 105 jours de négociation dans le but d'en venir à une entente. Je pense que ça, je veux dire... Moi, personnellement, si j'étais un juriste de l'État, c'est un genre de loi qui me réjouirait. Je serais très content de revenir au travail, très content de récupérer mon salaire et puis de voir que, bon, il y a de l'espoir, là, pour que les négociations reprennent et puis que tout ça aille dans le bon sens.

Je parlais tout à l'heure, bon, pourquoi qu'il y a deux catégories, là, pourquoi il y a des procureurs de la couronne qui sont sous un régime puis les juristes de l'État qui sont sous un autre régime. Il y a-tu comme deux sortes d'avocats au Québec? Il y a ceux qui sont là puis ceux qui sont une coche en dessous? Pas du tout, M. le Président. Absolument pas. C'est deux types de professions, bien que ça soit exercé tous les deux par des avocats, qui sont différentes, M. le président du Conseil du trésor l'a dit, puis je fais miennes les paroles qu'il a prononcées à ce moment-là. Si on parle du côté des gens, là, du DPCP, du Directeur des poursuites criminelles et pénales, c'est des gens qui ne relèvent pas du ministre de la Justice, ne relèvent pas du gouvernement. Le gouvernement ne pourra jamais dire : Bien là, vous devez déposer des accusations contre M. Untel, contre la compagnie L'Autretelle. Vous devez retirer les accusations pour raisons x, y. Pas du tout, ce sont des gens qui sont totalement indépendants. Est-ce que ça veut dire qu'ils n'ont aucun compte à rendre? Non. Bien, je veux dire, le procureur a un compte à rendre à son procureur-chef, qui, lui, a des comptes à rendre à la direction du DPCP. C'est tout à fait normal. C'est comme ça.

Du côté des juristes de l'État, bien, notre collègue de Borduas, là, a fait une longue liste, tantôt, quand même assez exhaustive de tous les champs dans lesquels ils opèrent. Puis je ne reprendrai pas sa liste. Je pense que c'était assez détaillé. Vous avez des plaideurs, vous avez conseillers, etc. Mais ce sont quand même des gens qu'on peut associer, là, à des gens de contentieux. Dans un contentieux d'entreprise, la majorité des grandes entreprises ont comme leurs avocats maison. Puis là-dessus je ne veux pas suivre la logique de M. le député de Borduas dans laquelle il dit : Bien, confiez donc des dossiers au privé pour le fun. Allez voir. C'est sûr! Confiez à un grand bureau, là. Si vous vous en tirez en bas de 200 $, 250 $, 300 $ de l'heure, là, vous êtes chanceux. C'est le prix. Bon, c'est sûr qu'il n'y a pas un juriste de l'État qui va faire 300 $ de l'heure, ça, c'est bien entendu. Donc, lui semblait dire : Bien, si vous êtes prêts à payer, de ce côté-là, ce prix-là, payez donc sur l'autre bord. La question d'argent, elle est réglée. M. le président du Conseil du trésor disait : Sur quatre ans, à quelques centaines de dollars près, même en avantage du côté des juristes de l'État, ils auront la parité salariale avec les procureurs de la couronne. Reste à savoir : Est-ce que les conditions salariales doivent être réglées par un comité indépendant, oui ou non?

• (0 h 20) •

Bien, là-dessus, encore une fois, je vais faire miennes les paroles, là, du président du Conseil du trésor dans lesquelles il disait : Le budget de la province du Québec, le budget, là, qui est fait à même de toutes nos taxes et nos impôts qu'on paie à chaque jour, à chaque semaine, à partir du simple paquet de gomme, là, que vous pouvez acheter au dépanneur en allant travailler à aller jusqu'à la retenue salariale sur votre chèque de paie et même... bon, c'est la saison des impôts qui s'en vient, les chanceux vont retirer, les moins chanceux devront faire un chèque. Donc, tout cet argent-là, qui est collecté par le gouvernement, 60 % de cet argent-là, 60 % du budget de la province, ça va en dépenses de masse salariale pour les employés de l'État. Je pense que ce n'est pas rien, c'est beaucoup d'argent, c'est de la grosse argent. Puis, à titre de gestionnaire de cet argent-là, à titre de gouvernement responsable, on ne peut pas confier à un tiers non imputable de dire : Bien, dis-nous combien on doit payer nos employés, là, puis, quand la réponse sera là, nous, on suivra. Allez dans n'importe quelle compagnie, allez chez Rio Tinto, bon, peu importe l'entreprise, allez voir, suggérez ça pour le fun. Les employés de votre contentieux, ça serait bien qu'un comité indépendant fixe leurs conditions salariales, puis vous, bien, vous aurez juste à payer après. Je pense qu'il va avoir des problèmes rendu à l'assemblée des actionnaires, M. le Président. Vous savez très bien que ça ne fonctionne pas comme ça.

Donc, la position du gouvernement est une position qui est raisonnable, qui est responsable. Je parlais tantôt, bon, que le projet de loi n° 127 amenait vers un nouveau champ, ouvrait un champ de négociation qui est souhaitable, M. le Président. Moi, en commençant, puis je suis sûr que c'est le cas pour tous les gens qui sont assis de ce côté-ci de la Chambre, personne, personne ne souhaite arriver puis dire : Bien là, ce qu'on veut, nous, dans le fond, là, c'est qu'il n'y ait pas d'entente, puis qu'il n'y ait rien qui marche, puis finalement que ça soit l'annexe de la loi, là, à l'article 39, là, qui s'applique à 0 % pour telle année, 1,5 %, 1,5 %, etc. Et puis, dans le fond, ce qu'on veut, c'est ça. Pas du tout, M. le Président. Ce qu'on veut, c'est une entente négociée, une entente où chacun devra «give and take», comme on dit à Paris, là. Chacun devra en donner et puis en recevoir de l'autre côté, et faire en sorte qu'à la fin on puisse avoir une entente qui soit valable, là, pour les deux parties.

Souvent, bien, je voyais les juristes de l'État à l'extérieur. On nous accuse, bon : Le gouvernement a laissé ses procureurs dans le froid, puis etc. Moi le premier, quand je les voyais à l'extérieur, je veux dire, ce n'était pas réjouissant de les voir, je les aime pas mal mieux avec nous, ici, en commission parlementaire et dans différents travaux parlementaires. Ce sont des gens compétents, des gens brillants, des gens allumés, des gens dont on a besoin, et dont l'État du Québec a besoin, et dont les citoyens du Québec ont besoin.

Donc, à ce point de vue là, je peux vous assurer, M. le Président, que c'est dans cette optique-là que je vais voter en faveur du projet de loi n° 127, pas du tout dans l'intention de rentrer, comme on pouvait entendre sur certaines radios, des conditions de travail dans la gorge des juristes de l'État puis les faire rentrer à genoux au travail, au contraire. Une loi qui va leur permettre de rentrer debout, la tête haute, et fiers, avec un champ de négociation qui s'ouvre devant eux et devant le gouvernement et faire en sorte, là, que, finalement, tout ça puisse se régler dans les meilleurs délais, dans les meilleures conditions. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député d'Ungava, pour cette intervention. Très bien. Alors, je vais céder la parole... Oui? D'accord, je vous reconnaîtrai par la suite. Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Merci, M. le Président. Avec tout ce que je viens d'entendre, j'aime mieux intervenir tout de suite. On est actuellement à une loi spéciale. Je ne sais pas s'ils l'ont oublié, là, c'est une loi spéciale, la 127, que le gouvernement vient d'imposer pour faire rentrer les juristes de l'État d'une façon obligatoire. Avec cette loi-là, ils viennent de faire, là — j'entends différents commentaires — la démonstration de leur position négative face aux juristes de l'État, de la méconnaissance de leur rôle, de la méconnaissance de leurs revendications et la méconnaissance du litige du gouvernement.

Des voix : ...

Mme Léger : J'entends des réactions, là. Qu'ils aillent dans l'antichambre, d'abord, parce que je vais continuer à les dire. Je n'en reviens pas de ce qui s'est dit de l'autre côté aujourd'hui, M. le Président. Ce soir, 0 h 25, les juristes sont encore là, ils sont dans les tribunes, ils sont là, ils ont tout écouté ce que vous avez dit. Ils doivent être complètement offusqués de ce qu'on a entendu à l'instant même et dans les dernières heures.

On connaît mal leur travail. Ils défendent les intérêts de l'État. Ils ont un rôle crucial de la primauté du droit dans l'État québécois, puis on nous parle de salaire, l'autre bord. Il y a des principes... Je pense qu'ils ne savent pas c'est quoi, leurs revendications. On ne dit pas, dans une négociation, que toutes les revendications sont bonnes puis on prend toutes les revendications, on est là dans une question de principe. Je vais revenir un petit peu plus tard sur cette question-là pour vraiment l'expliquer davantage.

J'entendais le député dire : Ils étaient dehors, ils manifestaient, puis je suis allé les voir à l'extérieur, j'aime mieux les voir en dedans. Mais il aurait peut-être dû aller un peu les voir à l'extérieur, il aurait peut-être dû aller leur parler parce qu'ils ont été dehors dans le froid, ils ont passé Noël dehors, en plus de ça, parce que vous avez été quatre mois sans régler le dossier. Puis là vous dites : Ah! on le règle, on fait une loi spéciale. Ce n'est pas une façon de la régler. On peut encore négocier. On va avoir un médiateur, tout ça. On peut encore négocier. Arrêtez de nous dire que vous faites une entente négociée, c'est une loi spéciale que vous nous faites. Alors, je peux bien croire qu'on peut nous faire accroire que peut-être il y a des négociations, on fait une loi spéciale, on leur dit, aux juristes : Vous rentrez mercredi matin. Alors, arrêtez de nous faire accroire des choses, M. le Président.

La stratégie du gouvernement, moi, je redis encore que le ministre a échoué. C'était sa priorité, au ministre, quand il est rentré dans le nouveau Conseil des ministres. Sa priorité était de régler. C'était sa priorité, les juristes de l'État. Échec total, loi spéciale. C'est comme ça que le nouveau président du Conseil du trésor a réglé la situation des juristes de l'État. Puis là il nous dit aujourd'hui... j'entendais le président tout à l'heure dire : Il y a encore de l'espace. Où est-ce qu'il est, l'espace? Il est 0 h 25, là. On s'en va faire la loi, là. On va l'adopter, là. Il y a encore de l'espace. C'est rire de nous, M. le Président. C'est une stratégie d'évitement, de ne pas vraiment prendre de front leur demande du régime des négociations, de s'asseoir avec eux pour trouver une voie. Non, on l'évite, la situation. On a été pendant quatre mois avec le ministre des Finances, qui était responsable, président du Conseil du trésor, il n'en a jamais parlé. Puis là le nouveau ministre, question que j'ai posée, il n'en parlait pas, il a commencé, depuis aujourd'hui, d'en parler.

Il me demande si on est d'accord. Oui. Je ne sais pas s'il m'entend, là, mais, oui, on est d'accord avec le régime de négociation. Il faut. C'est la base du principe de leurs revendications et qui est fondé sur différents aspects. On n'a pas le temps, dans une allocution du principe aujourd'hui, d'aller tout en détail de tout ça. On a une loi spéciale, ça fait que tout est raccourci, puis il faut livrer.

Il y a eu 24 heures d'ultimatum, le ministre a donné 24 heures d'ultimatum, puis après il nous dit : Bien, il faudrait peut-être avoir un moment de médiation, mais il a refusé la médiation. Puis là il met, dans la loi actuelle, la loi spéciale... hop! La médiation est apparue. Il la refuse, il l'a refusée en fin de semaine, hier, là, je ne me souviens plus le temps, il l'a refusée, puis là, bien, il dit : On le met, il va y avoir un processus de médiation. Il y a une contradiction, là, flagrante.

Ils sont en grève. Pourquoi ils sont en grève? Il y a une question de principe pour réformer leur mode de négociation, pour mieux accomplir leur travail. Quand on refait une convention collective, c'est parce qu'on veut améliorer leurs conditions et leur travail. C'est légitime, c'est très correct. Le ministre reconnaît le droit constitutionnel d'être en grève, mais il le leur enlève aujourd'hui avec la loi spéciale. Deuxième contradiction. Ah! je reconnais, ils peuvent aller en grève. Bien oui, je le leur enlève aujourd'hui par une loi spéciale. Rentrez. On va appeler de la bonne foi, ça? Non.

• (0 h 30) •

Puis là j'entends les collègues, de l'autre côté, nous rappeler le salaire des juristes de l'État. Les juristes de l'État, comme d'autres employés, n'ont pas droit à leur salaire? On parle de moyenne, pas de moyenne tout à l'heure. On joue sur les chiffres, on met ça en mille, ça fait plus de 100 000 $. Puis après on reconnaît leur travail, leur fonction, leur rôle. On est contents, on est fiers. Mais on est en train de leur dire, de l'autre bord : Bien là, baisser de salaire, là, tu sais... ne venez pas faire pleurer personne. Puis vous nous dites en même temps : L'enveloppe du Québec, la masse salariale, c'est 60 %. On doit bien gérer ça. Bien, oui, c'est le rôle d'un gouvernement de bien gérer ça. C'est le rôle d'un gouvernement de bien négocier. C'est le rôle d'un gouvernement de s'assurer aussi que les conditions de travail soient bonnes pour ses employés. C'est normal que les employés demandent des bonnes conditions de travail et c'est normal qu'un gouvernement s'occupe de ses employés aussi, également. Alors, ne venez pas nous dire que ce n'est pas correct qu'ils revendiquent. Mais ce n'est même pas sur le salarial qu'ils revendiquent. Puis là j'entends, un après l'autre, des collègues du gouvernement nous parler du salaire. Vous n'avez rien compris. M. le Président, ils n'ont rien compris. Ce n'est même pas sur ça. Puis, en plus, j'entends dire, M. le Président, parce que je mets entre guillemets : On a ouvert un poste, puis il y a des juristes qui ont appliqué... Il y en a, des juristes. J'espère que ce n'est pas les petits amis qu'on va faire profiter dans le domaine privé, là. Je n'espère pas. Vous avez le droit de parole. Ils parleront. Puis ils le diront. Mais là ils disent : On va les remplacer. On peut les remplacer. N'importe qui, n'importe quand, comme ça. Vous êtes en train de dire à vos juristes de l'État que ce n'est pas grave, on va vous remplacer. C'est ça qu'il est en train de dire. C'est ça que des collègues ont dit de l'autre côté. Je n'oserais pas le dire, le mot «intimidation», mais ce n'est pas loin.

Leur statut, leur particularité, M. le Président, c'est quoi, la particularité des juristes de l'État? En raison des particularités de leurs fonctions, les avocats, avocates et notaires de l'État participent au respect de la primauté du droit, de la conformité et de l'orthodoxie des actes de l'État lorsque ce dernier gouverne et légifère. Il s'agit là du principe fondamental du maintien d'un État de droit dans une société libre et démocratique. Les avocats, avocates et notaires ont la lourde et très importante responsabilité, dans l'intérêt supérieur de l'État, d'agir également à titre de gardiens de la légalité de l'action étatique et gouvernementale, de la règle de droit et de l'intérêt public. C'est ça, le rôle des avocats et notaires de l'État, je vous le rappelle.

Maintenant, M. le Président, on a discuté un peu, on a glissé, de leur indépendance, parce que ça fait partie du fond de leurs revendications mais dans le sens du principe important qu'ils ont voulu faire partager au gouvernement — et ça fait des années, d'ailleurs, qu'ils essaient de le faire partager — puis là, bien, ils ont dit : Ça fait, c'est assez, on veut que le gouvernement comprenne ce qu'on est et on est prêts à aller loin pour ça. Alors, quand j'entends les propos qu'on ramène de M. Denis plus particulièrement, bien oui, mais il est choqué, à un moment donné, là. Il essaie de vous faire comprendre quelque chose. Ça ne veut pas dire que vous prenez tout, cash, toute. Ce n'est pas ça. Mais négociez de bonne foi. Puis comprenez à travers tout ça, M. le Président, qu'on essaie de comprendre leur fond, les revendications profondes que les juristes de l'État essaient de faire passer.

Je lisais un M. Leduc, qui a passé son opinion sur ce que c'est, l'indépendance des avocats. Il dit : «Le concept déontologique d'indépendance est au coeur de la pratique professionnelle des avocats. Ils doivent arbitrer des choix éthiques en toute liberté de conscience dans le respect de la règle de droit et sans que leurs choix soient influencés par des considérations partisanes.

«L'avocat est libre de refuser un mandat ou de cesser un mandat qui est contraire à sa vision d'un dossier. Par contre, l'avocat salarié de l'État ou d'une entreprise est assujetti à une obligation d'obéir qui est incompatible avec cette notion d'indépendance, sans compter les ingérences de tout ordre qui dénaturent son rôle. Cela explique la volonté syndicale des juristes de l'État de revendiquer le droit à leur indépendance professionnelle.» Alors, vous pouvez le relire pour c'est quoi, le combat des juristes, actuellement.

L'origine de ce conflit-là... Je rappelle aussi l'article 13, dans le fond, du Code de déontologie des avocats. L'article 13 : «L'avocat préserve son intégrité et sauvegarde son indépendance professionnelle quels que soient le mode d'exercice de sa profession et les circonstances dans lesquelles il l'exerce. Il ne peut subordonner son jugement professionnel à quelque pression que ce soit.» Quand on parle des avocats et notaires de l'État, il faut se rappeler ces notions-là, qui sont importantes, et ça nous indique pourquoi les juristes de l'État font ce combat-là depuis ces derniers mois.

Le conflit de travail qu'ils ont, ça dure depuis 12 ans, avant évidemment, mais particulièrement depuis 12 ans qu'ils ont eu trois grèves, 2005, 2011, 2016, et trois lois spéciales pour fixer leurs conditions de travail. Alors, ce n'est pas pour rien qu'ils disent : On aimerait ça ne pas aller en grève. On aimerait ça ne plus aller en grève. Puis le gouvernement, bien, décide que plutôt c'est par une loi spéciale. Il n'a rien réglé, là. Il n'a rien réglé. Pour quelques années; on va revenir. On va revenir.

Et leur demande de parité avec les procureurs de la couronne, le DPCP, les procureurs de la couronne ont eu, eux autres, une entente de principe, en 2011, actuellement, et on a reconnu leur statut, on dit, quasi judiciaire, qui est un mécanisme adapté de détermination de leurs conditions de travail calqué sur celui des juges en dehors, évidemment, du Code du travail. Alors, quand on parle de cette parité-là, c'est de ça qu'on parle. C'est de ça qu'il est question.

Le Comité de rémunération, tel que les DPCP ont obtenu, il prenait «en considération les facteurs suivants :

«1° les particularités de la fonction de procureur;

«2° la nécessité d'attirer des avocats ayant les aptitudes et les qualités requises pour exercer la fonction de procureur;

«3° les conditions de travail et la rémunération globale par heure travaillée des procureurs au Québec et ailleurs au Canada en tenant compte des différences quant au coût de la vie et quant à la richesse collective;

«4° les responsabilités assumées par les procureurs au Québec et ailleurs au Canada, leur charge de travail, les exigences requises par les employeurs, les structures salariales et les problématiques d'attraction et de rétention;

«5° la conjoncture économique du Québec, la situation générale de l'économie québécoise et l'état des finances publiques du Québec;

«6° les conditions de travail et la rémunération des avocats du secteur privé québécois et d'autres salariés de l'État; et

«7° tout autre facteur que le comité estime pertinent».

C'est ça qu'ils ont, les procureurs de la couronne. Pourquoi que les juristes ne peuvent pas avoir l'équivalence? J'aimerais ça les entendre. J'aimerais ça comprendre, comprendre ce que vous êtes en train d'éviter.

Aussi, je l'ai dit un petit plus tôt puis je le rappelle, qu'ils soient conseillers juridiques, légistes ou plaideurs, les juristes de l'État ont tous le même employeur et ont tous le même devoir de loyauté envers ce dernier, qui est lui-même au service de l'intérêt public qu'est l'État québécois. Pourquoi les procureurs de la couronne auraient-ils la responsabilité de servir l'intérêt public et pas les juristes de l'État?

M. le Président, ils ont de nombreux appuis, plusieurs appuis. Ils ont l'appui évidemment, je l'ai entendu de certains autres collègues... Le 26 septembre 2016, Me Benoît Pelletier, ex-ministre libéral sous Jean Charest, l'ancien premier ministre, et professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, a appuyé la légitimité de la revendication des juristes de l'État en signant un avis juridique concluant notamment : «Les motifs qui justifient que les procureurs de la Couronne du Québec aient droit à ce que certaines de leurs conditions de travail soient déterminées par un comité indépendant — sous réserve d'une décision finale de l'Assemblée nationale — valent aussi pour les autres poursuivants de l'État québécois, voire pour tous [les] avocats, avocates [...] qui agissent comme "conseillers juridiques officiels de l'État".» C'est un de vos amis, ça, je vous le rappelle.

• (0 h 40) •

Le 27 octobre 2016, il y a aussi l'association canadienne des juristes de l'État qui s'est prononcée en faveur des demandes des juristes de l'État. Le Barreau du Québec a enjoint la ministre de la Justice à mettre fin au conflit de travail avec les juristes de l'État. Les Barreau du Québec et de Montréal appuient également les juristes de l'État.

Le 9 décembre 2016 et le 9 janvier 2017, Me Patrice Garant, professeur émérite du droit public à l'Université Laval, donnait raison aux juristes de l'État en citant plusieurs jugements de la Cour suprême du Canada qui soulignent le principe d'indépendance des poursuivants de l'État.

Le 23 janvier 2017, Le Soleil a dévoilé que le Syndicat canadien de la fonction publique avait été approché aussi par les juristes pour obtenir leur soutien. Les avocats de l'aide juridique ont également appuyé les juristes de l'État, également la FTQ, le FPQ, SCFP, SPGQ, APIGQ, etc. Je ne les nommerai pas tous, mais il y en a plusieurs qui appuient les procureurs... les juristes de l'État. Hein, je me mélange même en disant : Les procureurs. C'est assez semblable.

Je dois vous dire aussi que, ce matin, cet après-midi, j'ai interpelé la ministre de la Justice, parce que, pour moi, elle a un rôle fondamental comme Procureur général du Québec, qui a un rôle fondamental d'indépendance. Et c'est elle, c'est elle qui a ce rôle-là qu'aucun autre ministre a. C'est la ministre de la Justice qui a le rôle du Procureur général du Québec. Elle a un rôle d'indépendance, elle. Mais les juristes, eux autres, ils ne peuvent pas l'avoir, qui sont pourtant sous la gouverne actuellement des ministères et organismes dont elle a la responsabilité.

Puis le premier ministre, bien, je l'ai interpelé aujourd'hui. Puis le premier ministre, bien, a-t-il daigné rencontrer les juristes de l'État? Ce matin, je relatais qu'il y a eu des appels au bureau du premier ministre. Il n'y a pas eu de retour d'appel. C'est le premier ministre du Québec, il aurait pu rencontrer les juristes de l'État, il aurait pu écouter les revendications des juristes de l'État. J'ai rarement vu un premier ministre qui ne fait pas ça. J'ai rarement vu un premier ministre qui n'écoute pas tout le monde. Ce n'est pas parce qu'ils sont en négociation que tu ne les rencontres pas. Et, ce matin, il m'a répondu... il ne m'a pas nécessairement précisé qu'il ne les avait pas rencontrés. Il y a eu une demande de rencontre. Il a eu des appels puis il n'a pas retourné des appels. Pas personne au bout de la ligne. Pourtant, c'est le premier ministre du Québec.

Alors, M. le Président, on voit tout l'intérêt du gouvernement qui est devant nous par rapport aux juristes de l'État. Il y a des conséquences importantes, je l'ai mentionné. Puis là j'entends les collègues de l'autre côté dire : Là, le conflit a assez duré, parce que tel, tel, tel, il y a des retards, il y a des délais. Ils viennent de se réveiller, là. On a dit ça cet automne. Et là, bien, ils viennent de réaliser que, oui, effectivement... Puis là oups! Loi spéciale. On vient de réaliser ça, loi spéciale, tout de suite.

Il y a aussi 868 millions sans conseil juridique. Je pense que c'est une préoccupation adjacente au conflit, ça. Il y a près d'un millier de contrats publics qui ont été conclus, avec ou sans appel d'offres, sans l'aide des juristes de l'État pour vérifier leur conformité. Puis la plupart se retrouvent au MTQ, drôle d'adon. Les plus importants contrats gouvernementaux octroyés par appel d'offres depuis le début de la présente grève : 111 millions de dollars, achat de produits pétroliers par le Centre de services partagés au Québec, sans les conseillers juridiques de l'État, là; 71 millions de dollars, contrat pour la reconstruction du pont Gouin sur la rue Saint-Jacques à Saint-Jean-sur-Richelieu, octroyé par le ministre des Transports; 48 millions de dollars, achat de véhicules légers par le Centre de services partagés du Québec, 48 millions; puis, dans les contrats conclus sans appel d'offres, les plus importants, les services professionnels, 40 millions de dollars; des produits technologiques, 24 millions de dollars; des produits applicatifs, 15 millions de dollars, acquis par le Centre de services partagés du Québec, sans les juristes de l'État. Alors, vous comprenez qu'il y a énormément d'inquiétudes par rapport à ça.

Le projet de loi spécial qui est devant nous... Quand on a une loi spéciale, c'est parce que c'est une motion d'exception, c'est un bâillon. C'est imposé, imposé par la majorité du gouvernement, puis, parce qu'il a la majorité du gouvernement, bien, le projet de loi va passer. Mais, tant qu'il n'a pas passé, on va le décrier ici, du côté de l'opposition, et puis en même temps toutes les oppositions vous disent que vous faites erreur. Ce n'est pas juste le Parti québécois, entendez les autres. Toute l'opposition vous dit que vous faites erreur. Mais vous autres, vous regardez ça aller, puis c'est un conflit bien ordinaire, puis envoie, une loi spéciale.

Puis, quand je regarde l'article 28, particulièrement, vous n'avez encore bien moins rien compris, parce que «le processus de médiation porte sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés est réputée [de] ne pas constituer une telle condition de travail.» La revendication principale, ce qui a été au coeur de toute cette résistance des juristes de l'État, c'est leur régime de négociation, leur statut, leur indépendance et le régime de négociation. Et là, dans le projet de loi que le ministre nous dépose, ah! on va faire un processus de médiation, mais ça, on enlève tout ça. On vient de faire plein d'articles d'une loi spéciale sans — sans — donner la possibilité de parler, d'essayer de régler, d'essayer de négocier la revendication principale des juristes de l'État, qui est le régime de négociation. C'est ce que dit l'article 28 devant nous.

Et, quand on va un petit peu plus loin, c'est encore plus insultant, M. le Président. Quand on va un petit peu plus loin, ce qu'il offre — tout à l'heure, il parlait de salaires — c'est en deçà de la dernière offre globale et finale du ministre. Jeudi soir, là, voici l'offre finale et globale. La loi spéciale, aujourd'hui, c'est en deçà de ça. On rit du monde, là. Ce qui était sur la table, ce n'est pas la dernière offre finale et globale. On en reparlera. Tout à l'heure, on va aller en plénière, là, on en reparlera. Ce n'est même pas ça. Rien de la reconnaissance de leur indépendance dans ce projet de loi là. Échec du président du Conseil du trésor, le dépôt de ce projet de loi là.

Le gouvernement est-il en train de faire un Donald Trump de lui-même, M. le Président? Ils vont bâtir un mur entre les juristes et le gouvernement? Inacceptable, irresponsable et surtout irrespectueux de vos bras droits de l'État du Québec.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, pour cette intervention. Je cède la parole maintenant à M. le député de Mercier. Vous disposez de 10 minutes, M. le député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir : Merci, M. le Président. De combien de minutes je dispose? 10 minutes?

Le Vice-Président (M. Ouimet) : 10 minutes.

• (0 h 50) •

M. Khadir : Très bien. M. le Président, il va de soi que Québec solidaire va demeurer cohérent avec la position que nous avons tenue depuis le début du déclenchement de la grève par les juristes et les notaires de l'État et nous allons voter contre l'adoption du principe de ce projet de loi n° 127, qui traduit d'abord le résultat d'une insensibilité profonde que je sens de plus en plus s'installer, plus les années passent, au coeur du gouvernement actuel. N'oublions pas que, de 2003 à aujourd'hui, se sont écoulés 14 ans, à l'exception d'un bref intervalle de 18 mois; le Parti libéral a été au pouvoir, et, comme chaque pouvoir qui se prolonge, chaque pouvoir qui, dans son usure, finit par oublier un certain nombre de réalités, entraîne malheureusement, comme on le voit aujourd'hui, une espèce d'insouciance qui frise parfois l'arrogance, l'irrespect. Je ne choisis pas ces mots-là par légèreté, je sais bien que ça peut heurter plusieurs de mes collègues libéraux, surtout plusieurs de mes collègues qui ont été élus au cours des derniers mois, dernières années.

Mais la réalité est que, au coeur de ce projet de loi, il y a l'affrontement entre la loi et le droit. Le gouvernement, par sa loi spéciale, vient en quelque sorte interdire, par voie législative, un droit fondamental que notre société a reconnu pour ses employés, pour ses travailleurs, le droit de grève. Lorsque le gouvernement vient subitement, sans justification qui puisse relever d'un quelconque danger pour la vie des personnes, d'un quelconque danger pour la sécurité du public, d'un quelconque danger pour la santé du public québécois, donc sans un motif qui puisse reposer sur ce qui relève du caractère urgent d'imposer une loi spéciale, le gouvernement vient, par loi, déposséder un droit fondamental en société démocratique. Ma collègue de Pointe-aux-Trembles y a fait mention : toute société démocratique qui repose sur des droits doit respecter ce droit primordial, qui est dans un rapport de négociation entre deux parties, de conférer un statut égal et des conditions égales de négociation pour qu'il puisse y avoir justice. Pour emprunter des termes de Victor Hugo sur le texte sur lequel je tombais récemment à propos de d'autre chose, le droit et la loi sont deux forces importantes en société. Lorsque les deux se conjuguent, lorsque les deux viennent en accord, de cet accord naît l'ordre, entendu ici comme justice, un ordre qui puisse apporter une justice. Mais, lorsque les deux s'affrontent, lorsque l'un vient, en fait, en pleine confrontation, antagonisme avec l'autre, de là naît, a contrario, l'injustice. Et il y a, dans notre société, une grande injustice quand un gouvernement, régulièrement — et ce gouvernement, ça va faire la troisième fois — recourt à une loi pour priver des gens de leurs droits.

Le droit de grève, ici, est refusé, sans aucune contrepartie réelle pour remplacer ce qui est conféré comme droit par le greffe par un autre mécanisme qui soit efficace, qui soit juste, pour résoudre le conflit qu'il y a actuellement entre les juristes sur leurs conditions de travail, pas juste sur leurs salaires, ou, en fait, essentiellement pas sur le salaire, mais, comme a dit et l'a répété ma collègue, sur leur indépendance et sur le lien qu'il y a entre cette indépendance et une requête, qui se trouve très justifiée et consolidée par leur propre expérience depuis plus de 10 ans maintenant, par la nécessité que leurs conditions de contrat d'emploi soient soumises à un arbitrage, à un mécanisme qui ne les soumette pas à l'obligation de recourir à la grève.

Et le gouvernement parle de responsabilité aujourd'hui. Je le dis pour le bénéfice encore de mes collègues libéraux qui ne sont pas là depuis aussi longtemps que d'autres que le pouvoir a peut-être un peu usé pour avoir l'arrogance aujourd'hui de prétendre — de prétendre — au sens des responsabilités.

S'il y avait le moindre sens des responsabilités de la part de ce gouvernement, ce gouvernement se rappellerait qu'en 2011, lorsqu'il y a eu l'autre loi spéciale, il s'est engagé formellement, mais aussi moralement, à revoir ce mécanisme et à trouver une solution à cette revendication au centre de ce qui est aujourd'hui en jeu, c'est-à-dire d'octroyer un mécanisme, de prévoir un mécanisme de règlement des conflits qui ne passe pas par la grève mais qui passe par la médiation, qui passe par l'arbitrage. Comment prétendre au sens de la responsabilité lorsque ce même gouvernement... Moi, je l'ai vu, nombre d'entre nous l'ont vu, ce qui explique d'ailleurs pourquoi tant d'acteurs dans la société, des journalistes et des commentateurs politiques à d'anciens ministres libéraux au Barreau du Québec et à l'ensemble du corps social dans les mouvements sociaux, dans les syndicats appuient les grévistes, c'est que nous avons bien vu comment le gouvernement, malheureusement, n'a pas négocié de bonne foi.

Pendant des semaines, les juristes étaient dans l'attente que le gouvernement avance dans les négociations, avance dans les propositions. Si le gouvernement avait vraiment le sens des responsabilités quant aux services dont une partie de la population est privée, quant aux contrats à hauteur de presque 900 millions de dollars octroyés sans supervision, sans souci de leur conformité aux attentes pour qu'on puisse éviter la surfacturation, qu'on puisse éviter les recours, les problèmes et les coûts engendrés par l'absence de l'exercice professionnel de vérifier la conformité de ces contrats avec l'intérêt de l'État, s'il y avait vraiment le moindre souci de ce sens de la responsabilité, les négociations auraient avancé beaucoup plus rapidement et le gouvernement aurait certainement eu le moyen, et je le dis pour le bénéfice de nos auditeurs, de trouver les 30 millions de dollars, 30 millions, sur cinq ans, c'est-à-dire 6 millions par année, que le gouvernement aurait eu besoin pour rencontrer, là, immédiatement les demandes justes en questions salariales de la part des notaires et des avocats de l'État.

Quand on compare, juste pour les quatre mois pendant lesquels ils ont été en grève, ce que des contrats représentent pour le gouvernement, les chiffres qui sont en jeu, si on ne le voyait que d'un point de vue strictement comptable en oubliant tout le reste, toute la question de l'indépendance des juristes, ça aurait été parfaitement justifié de la part du gouvernement, qui a dégagé 2 milliards de surplus officiels plus un autre 2 milliards enfouis dans le Fonds des générations. Le gouvernement avait amplement les marges de manoeuvre pour se doter de ce service essentiel, pour s'assurer que, dans un ministère aussi malheureusement mal en point dans l'octroi des contrats publics... il a fallu une commission qui nous a coûté 50 millions de dollars pour nous rappeler à l'ordre, qu'un ministre a perdu son poste pour vouloir se mettre le nez dans les irrégularités au sein de ce ministère... Et là le gouvernement prétend au sens de la responsabilité en refusant aux juristes un processus de négociation accéléré qui puisse répondre à leurs demandes, régler le conflit et les retourner au travail.

Je reviens sur le fond du sujet : le droit de grève a été refusé. Il y a une interdiction effective d'un droit par la loi. Et il s'agit là d'une injustice qui, malheureusement, n'est pas sa première de la part de ce gouvernement et qui traduit un mépris profond pour ce que c'est que vraiment une société de droit et de loi, où la loi ne peut pas, au risque de faire survenir des injustices répétées, comme on l'a trop souvent vu malheureusement brandir par ce gouvernement, la loi ne peut pas venir constamment mettre fin à des droits fondamentaux.

• (1 heure) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci à vous, M. le député de Mercier. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de La Prairie pour son intervention.

M. Richard Merlini

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. En ce mardi matin, nous sommes ici en séances extraordinaires avec un processus d'exception pour adopter le projet de loi n° 127. Il est important de rappeler à tous les gens qui nous écoutent ce matin que le titre du projet de loi dit ceci : c'est la Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques. Donc, l'objet du projet de loi, c'est d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement. Il prévoit également la poursuite de la négociation de la convention collective des salariés ayant pour fonction de fournir cette prestation de services. Le projet de loi prévoit également un mécanisme de négociation permettant dans un premier temps la poursuite de la négociation avec la possibilité de nommer un conciliateur et, dans un second temps, si cela s'avère nécessaire, un processus de médiation.

Nous l'avons dit et nous le répéterons, M. le Président, que le travail de nos juristes de l'État est un travail qui est essentiel au bon fonctionnement de l'appareil gouvernemental, et c'est pourquoi qu'ils sont payés correctement pour la nature du travail qu'ils font. C'est important de rappeler qu'ils ont un salaire moyen supérieur à la moyenne, qui est au-delà de 100 000 $, pour 35 heures-semaine. Ils ont du temps supplémentaire payé, ils ont un régime de retraite financé en partie par le gouvernement, ils ont des avantages sociaux et, très important, M. le Président, une sécurité d'emploi. Ils sont, comme le député de Châteauguay et président du Conseil du trésor l'a bien dit, en relation employeur-employé, avocat et client.

Nous avons, depuis le début des négociations, déposé cinq offres, et le député de Mégantic l'a bien illustré en disant que c'étaient des offres bonifiées. À chaque offre que le gouvernement déposait, l'offre salariale était augmentée : le 16 février 2016, le 24 novembre 2016, le 30 novembre 2016, le 24 janvier 2017, le 23 février 2017. Les deux dernières offres que nous avons déposées permettent aux juristes d'avoir dans leurs poches, au bout de quatre ans, autant d'argent que les procureurs de la couronne. Même que l'offre qui est sur la table depuis vendredi va un peu au-delà de ce que bénéficient les procureurs. La députée de Pointe-aux-Trembles nous dit : Ce n'est pas ça du tout, l'enjeu, alors que l'enjeu est clair depuis le début, c'est le processus de négociation et l'offre salariale. Les juristes de l'État demandaient la parité, et depuis vendredi dernier on va même au-delà de cette parité salariale.

Sur la création d'un comité de rémunération tel qu'il est demandé par l'association des avocats et des notaires du Québec, c'est tout simplement inacceptable, M. le Président, qu'une entité, qu'un tiers non imputable soit en charge de déterminer les conditions de travail des juristes de l'État. C'est le gouvernement qui est imputable, ce sont les élus qui sont imputables et c'est au gouvernement à garder cette responsabilité.

Nous avons toujours été présents à la table de négociation et nous le sommes toujours. Nous devons, comme gouvernement, respecter le cadre financier que le gouvernement s'est fixé avec le front commun des employés de l'État. Il faut le rappeler, M. le Président, que nous avons une entente négociée avec plus de 450 000 employés de l'État. Nous avons même réussi, la nuit dernière, à signer une autre entente, cette fois-ci avec les gardiens de prison. C'est la première fois en 60 ans que les négociations avec cette classe d'employés de l'État ne mènent pas à une grève illégale. Donc, en matière de négociation avec les employés de l'État, nous avons un bilan qui est très impressionnant et nous en sommes très fiers.

Maintenant, il ne faut pas oublier, M. le Président, que tous les jours, comme dans la situation actuelle avec les juristes de l'État, nous représentons également l'intérêt de l'ensemble des citoyens du Québec et, dans leur intérêt, nous avons la responsabilité de respecter leur capacité de payer. Nous souhaitons toujours arriver à une entente négociée, et le projet de loi n° 127 prévoit justement que nous puissions continuer ces négociations-là pour en arriver à une entente. Nous ne contestons en aucun temps le droit de grève. Cependant, depuis le début de cette grève, LANEQ, l'association des avocats et des notaires de l'État, n'a pas bougé d'un iota.

Alors, comme je l'ai dit tout à l'heure, le gouvernement a modifié son offre par écrit à cinq reprises. Les juristes de l'État demandent l'intervention d'un médiateur spécial, ce que le gouvernement a rejeté parce que la médiation a déjà été essayée, dans ce dossier, sans succès, avec six séances de médiation l'été dernier. Il vient un moment où le gouvernement doit prendre ses responsabilités, et c'est ce que nous faisons.

M. le Président, ce matin... pas ce matin mais hier soir, je devrais dire plutôt, à la période de questions... je vais citer une des réponses du député de Châteauguay et président du Conseil du trésor, qui donne un peu l'esprit de notre relation ou de ce que nous avons comme impression de nos juristes de l'État, je le cite : «Est-ce qu'on a du respect pour les juristes de l'État? La réponse, c'est oui. Est-ce que ces gens-là font un travail important? La réponse, c'est oui. Vous êtes allé dans les palais de justice? J'y suis allé pendant 22 ans et je sais très bien que les plaideurs au niveau civil [...] ne peuvent pas régler un dossier sans l'accord de leur client. Dans le cas des juristes de l'État et des plaideurs, le client, c'est le gouvernement, que ça vous plaise ou non[...]. Donc, M. le Président — je continue la citation — ce que l'on estime, c'est que le statut des juristes de l'État est un statut qui les inscrit dans une relation avocat-client. Ça ne fait pas d'eux de moins bons avocats que les procureurs de la couronne, ça fait d'eux des gens qui occupent des fonctions qui sont différentes. Et, malgré notre désaccord sur ce point de vue là, nous sommes d'accord pour soumettre à un comité indépendant la question du statut des procureurs.»

À Saint-Philippe, dans la ville de Saint-Philippe, j'ai eu la chance, avec le député de Jean-Talon et ministre de l'Éducation, d'inaugurer une nouvelle école primaire, l'école de la Traversée. On a eu la chance de rencontrer des juristes qui étaient en grève et on a discuté avec eux des enjeux qui les concernaient. La discussion s'est faite respectueusement. Les juristes ont respecté un périmètre autour de l'école pour que les enfants demeurent en sécurité, et on a pu faire l'inauguration sans problème, sans anicroche. Mais, par contre, en contraste avec cette attitude respectueuse que nous avions, le député de Jean-Talon et moi-même, avec les juristes qui étaient là, il y a l'attitude du syndicat qui est LANEQ. Je vais lire quelques citations du président de LANEQ qui vous donnent un peu l'état d'esprit dans lequel LANEQ faisait ces négociations-là. Ce sont toutes des citations.

«La grève durera "autant de temps qu'on n'aura pas ce qu'on demande".» À vrai dire, M. le Président, une négociation, ça ne se fait pas comme ça. «Le gouvernement devrait porter l'odieux de l'impact de cette grève sur la population...» Pas très enclins à vouloir négocier de cette façon-là. «Ils sont rendus à nous manquer de respect, c'est carrément du mépris.» «C'est de l'ignorance et c'est du mépris[...]. [...]ils sont en train de nous rouler dans la farine.» Encore une fois, quand on négocie, ce n'est pas une attitude à prendre qui va mener à une entente négociée. «Le gouvernement cherche clairement à nous humilier.»

En parlant du comité... Je continue les citations, M. le Président. En parlant du comité consultatif proposé par Québec pour discuter du statut des juristes ultérieurement : «C'est un comité bidon.» Alors, déjà, en partant, on voit l'attitude négative prise par le représentant de LANEQ, qui fait qu'on se retrouve aujourd'hui, en séances extraordinaires, avec une loi qui, je le répète, vise la continuité de la prestation des services juridiques et de permettre la poursuite des négociations et le renouvellement de la convention. C'est en contraste avec qu'est-ce qui est écrit dans le projet de loi, et on va y arriver, éventuellement, à l'étude détaillée tantôt.

La continuité des services, à l'article 3 : «Un salarié doit, à compter du même moment, respecter les devoirs attachés à ses fonctions ainsi qu'accomplir ses activités professionnelles ou administratives, conformément aux conditions de travail contenues dans la convention collective intervenue entre l'association et le gouvernement qui a expiré le 31 mars 2015.» On ne doute nullement du professionnalisme de nos juristes de l'État. On l'a dit, on le répète, c'est un travail essentiel qu'ils font.

Si on va plus loin, à l'article 7 et 8, il y a une responsabilité qui revient à leur association. À l'article 7 : «L'association doit prendre les moyens appropriés pour amener les salariés qu'elle représente à se conformer à l'article 3 et à ne pas contrevenir aux articles 4, 8 et 9.»

«Nul ne peut — à l'article 8 — par omission ou autrement, faire obstacle ou nuire de quelque manière au respect des devoirs attachés aux fonctions d'un salarié, à la fourniture de services juridiques par un salarié, à l'accomplissement par un salarié de sa prestation de travail ou de ses activités professionnelles ou administratives, ni contribuer directement ou indirectement à ralentir ou à retarder l'accomplissement de cette prestation.»

Et la prestation de services, elle est importante non seulement pour le gouvernement, mais pour plusieurs citoyens à travers le Québec. C'est pour ça que nous agissons, c'est pour ça que nous sommes ici ce soir, pour non seulement remettre la machine, l'appareil gouvernemental en marche, mais aussi remettre ces dossiers-là en marche pour les citoyens, pour le bien de nos citoyens à travers le Québec.

Aux articles 20 et 21, on parle de la poursuite de la négociation. À l'article 20 : «L'association ainsi que l'employeur doivent, dès la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, poursuivre avec diligence et [de] bonne foi, pendant une période maximale de 45 jours, la négociation en vue de convenir d'une entente.»

• (1 h 10) •

À l'article 21 : «Le délai de négociation prévu à l'article 20 peut être prolongé par le ministre du Travail, une seule fois et à la demande conjointe de l'association et de l'employeur. La durée d'une telle prolongation est déterminée par le ministre du Travail et ne peut excéder 15 jours.»

Donc, la possibilité de négociation peut aller jusqu'à 105 jours, M. le Président, de plus, après la promulgation de la loi. Alors, on ne met pas fin, on n'impose pas des conditions de travail, on veut poursuivre la négociation et arriver à une entente négociée. Mais ce n'est pas tout parce qu'il y a aussi un processus de médiation dans le projet de loi. Alors, non seulement on peut avoir jusqu'à 60 jours de négociation, on a un processus de médiation si jamais les négociations achoppent.

À l'article 24 : «...l'association et l'employeur s'entendent sur le choix d'un médiateur que le ministre du Travail nomme. À défaut d'entente, le ministre du Travail nomme un médiateur, après avoir consulté l'association et l'employeur, dans les 15 jours de la réception des listes mentionnées à l'article 23.»

À l'article 27 : «Le médiateur doit tenter d'amener l'association et l'employeur à s'entendre à l'intérieur d'un délai de 30 jours suivant sa nomination. Ce délai peut être prolongé par le ministre du Travail, une seule fois et à la demande du médiateur. La durée d'une telle prolongation est déterminée par le ministre du Travail et ne peut excéder 15 jours.»

L'article 28 est très important pour le gouvernement : «Le processus de médiation porte sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle condition de travail.» Et c'est là où nous avons le désaccord avec l'opposition et le deuxième groupe d'opposition à cet effet.

Le renouvellement arrive à l'article 38. Parce que c'est toujours le but du projet de loi n° 127, c'est d'arriver à cette entente-là et à un renouvellement de la convention collective. L'article 38 : «Si une entente est conclue entre l'association et l'employeur sur l'ensemble de la convention collective et est ratifiée par les membres de l'association dans les cinq jours de sa conclusion, la convention collective entre l'association et l'employeur qui a expiré le 31 mars 2015 est renouvelée selon les termes de cette entente.»

Alors, il est très clair pourquoi nous sommes ici, pourquoi la procédure d'exception est nécessaire pour adopter cette loi : pour s'assurer de la prestation des services juridiques de l'État, pour s'assurer que nos citoyens puissent avoir réponse à leurs dossiers... qui ont été soulevés par plusieurs députés dans cette Chambre. C'est pour ça que l'Assemblée nationale a été convoquée en séances extraordinaires par le premier ministre, pour se saisir de ce projet de loi spécial visant le retour au travail et la poursuite des négociations pour arriver à cette entente que toutes les parties veulent avoir, le gouvernement inclus.

Il faut préciser, M. le Président, que cette loi spéciale ne vise pas à imposer des conditions de travail aux juristes, mais à mettre en place les conditions favorisant la conclusion d'une entente négociée. Et ça, c'est tout à fait possible dans la situation actuelle, et c'est ce que nous souhaitons.

J'aimerais terminer en citant des propos du député de Châteauguay et président du Conseil du trésor, des propos que je fais les miens parce que je les trouve très pertinents à la situation dans laquelle nous sommes présentement : «...le Québec est une société démocratique et surtout un État de droit. Une société démocratique repose sur la représentation de la population par des élus redevables et imputables. Un État de droit, c'est une société dans laquelle est assurée l'égalité de tous devant la loi, la démocratie, le respect des valeurs fondamentales ainsi que les libertés individuelles et collectives.» Et je fais un aparté, car les libertés individuelles sont une de nos valeurs fondamentales au Parti libéral du Québec, et c'est pourquoi nous y tenons très fort, à ce principe.

Je continue : «C'est précisément parce que nous vivons dans un État de droit que les juristes peuvent exercer leur droit de grève, droit que — nous répétons — nous n'avons jamais remis en [question].» Il est important, dans un État de droit, de faire l'équilibre entre le droit des uns et des autres.

«À tous les paliers de l'État, dans ses fonctions législatives et exécutives, les avocats et [les] notaires jouent un rôle important. [...]Ils ont la charge d'assurer le respect de la primauté du droit et la conformité des actes de l'État avec la loi. Aucun élu [...] dans cette Assemblée, ne sous-estime l'importance de leur charge, de leurs fonctions et de leurs tâches. Ils font un travail exigeant, ils le font avec professionnalisme et compétence.

«[...]Cette grève retarde des dossiers névralgiques dans les ministères, et organismes gouvernementaux, et les tribunaux administratifs, dont le report a des impacts sur plusieurs services à la population. Cette grève constitue donc une entrave sérieuse au fonctionnement du gouvernement et au processus judiciaire[...]. Elle porte atteinte aux intérêts des Québécois.

«[...]Notre [premier] devoir comme gouvernement responsable est d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques nécessaires à sa bonne marche. Malgré le maintien des services essentiels, trop de citoyens en subissent les conséquences directes et indirectes. [...]il est temps d'agir.»

Nous agissons, M. le Président, et nous voterons en faveur du principe du projet de loi n° 127. Merci.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Merci à vous, M. le député de La Prairie. Je cède maintenant la parole à M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Marc Picard

M. Picard : Merci, M. le Président. Si nous sommes réunis cette nuit ici, c'est avant tout pour les 791 femmes et 393 hommes qui sont avocats et notaires de l'État québécois. Ces gens-là ont choisi, ont choisi de servir, de servir les citoyens du Québec.

Pour le bénéfice des parlementaires, je vais faire une lecture de leurs principales tâches, pour permettre aux gens de bien apprécier qu'est-ce qu'ils font. Les avocats et notaires de l'État participent notamment à la représentation du gouvernement auprès des tribunaux civils, en plus d'agir à titre de conseillers juridiques et légistes auprès des ministres et présidents d'organisme, ce qui requiert d'eux de faire respecter la primauté du droit de manière équitable et indépendante, et ce, sans interférence politique. Les avocats et notaires de l'État ont pour tâche de servir le grand public. Ils jouent un rôle primordial dans l'administration d'un système de justice juste et équitable. Ils ont la responsabilité principale de faire fonctionner le système de justice de manière à ce que le public reconnaisse non seulement que ce système le protège, mais qu'il est juste et équitable dans son fonctionnement.

Leurs multiples devoir et responsabilités publics les distinguent des autres fonctionnaires de l'État. Leur rôle dans le système de justice et au sein de l'État contribue à maintenir des garanties essentielles à la primauté du droit dans une société libre et démocratique.

De plus, ceux et celles qui assument les responsabilités de poursuivant jouent un rôle central dans le système de justice pénale. Ce rôle requiert l'exercice du pouvoir discrétionnaire du poursuivant de manière équitable et indépendante et, encore une fois, sans interférence politique.

M. le Président, si nous sommes ici ce soir, c'est suite à la, je dirais, malheureuse troisième grève des juristes de l'État, qui malheureusement va se conclure comme les deux premières, par des lois spéciales.

Il y a une dizaine de jours, j'ai assisté à l'exercice de relations publiques pour essayer de faire comprendre aux journalistes que 10 % pour quatre ans, c'est la même chose que 9,15 % pour cinq ans. Difficile à comprendre, c'est normal, c'est illogique. Ça va être le seul bout de mon allocution qui va porter sur le salaire, parce que ce n'est vraiment pas une question de salaire, mais c'est pour démontrer qu'actuellement le président du Conseil du trésor joue différentes cordes, des cordes, je dirais, très simples à comprendre pour les citoyens. Le président du Conseil du trésor dit : C'est la même chose, ils ont la même chose que les autres, puis c'est des bons salariés, mais donc il joue un peu la ligne, je dirais, populiste, tout simplement.

• (1 h 20) •

M. le Président, les avocats et notaires, leur principale demande, c'est d'avoir un comité, un comité comme les procureurs, un comité qui va faire des comparaisons en respectant certains critères, et par la suite le rapport est déposé ici, et là l'Assemblée, le gouvernement décide.

Ce matin, le premier ministre répondait au chef de la deuxième opposition, il disait : «L'autre enjeu, qui consisterait à sous-traiter à des tiers la rémunération des employés de l'État...» C'est le contraire de la vérité. Parce que, si on avait le même mécanisme pour les juristes que celui pour les procureurs, le rapport est déposé ici et il y a une décision de prise.

Malheureusement, nous avons un gouvernement majoritaire, donc il décide et il fait qu'est-ce qu'il veut. Mais là on veut, avec cette loi, ne pas permettre d'avoir un exercice de comparaison réelle pour que les juristes et le gouvernement... vont faire valoir leurs points, puis il va y avoir un rapport, puis là, après ça, là, le gouvernement décidera, et puis sa décision... supportera sa décision, tout simplement.

Donc, LANEQ, qu'est-ce qu'elle demande? C'est ça, comité pour évaluer le niveau de complexité, en tout cas, qui sert à toutes les tâches. Le gouvernement, lui, quand on dit qu'il a bonifié... Je regardais, là, c'est certain, il a commencé, il a dit : On va maintenir le régime actuel, on a dépassé, comme tous les autres employés de l'État, autres que les procureurs.

Après ça, il dit : On bonifie un groupe de travail non exécutoire. Ah! un groupe de travail, mais ce n'est pas exécutoire. Dernière bonification : groupe de travail ne le liant pas. Non exécutoire, ne liant pas, là, la progression n'est pas énorme. Mais disons que, si le gouvernement dit que, pour lui, c'est une progression, tant mieux, tant mieux.

Mais tout à l'heure, en feuilletant le projet de loi n° 127, qui, rappelons-le, est très semblable au projet de loi n° 135, là, qui ramenait les juristes de l'État au travail en 2011... Il y a quelques ajouts, là, mais il y a surtout, comme disait tout à l'heure la députée de Pointe-aux-Trembles, l'article 28, on vient dire, là, tout simplement, là : Il n'y en aura pas, de comité, là. Parce que l'article 28, on vient dire... Parce que tantôt j'écoutais le député de La Prairie... oui, La Prairie, qui nous disait : Il y a un processus de médiation, puis on veut vraiment qu'il y ait des résultats. Oui, on veut qu'il y ait des résultats, mais toujours selon les balises du Conseil du trésor. Parce que l'article 28 vient préciser que «le processus de médiation porte sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle condition de travail.» Donc, on vient dire : Il va y avoir une médiation, mais il faut s'entendre selon le carré de sable établi par le gouvernement. Et, encore une fois, on dit à nos juristes : Il n'en est pas question, du fameux comité.

Également, des appuis, il y en a eu d'un peu partout. LANEQ a demandé à l'ancien ministre Benoît Pelletier, que j'ai connu parce que j'ai été là en 2003... J'ai côtoyé M. Pelletier lors de la réforme du mode de scrutin, quelqu'un de gentil, sensé, et, lorsqu'il avançait des idées, il les supportait aussi. Et j'ai pris connaissance de son opinion juridique. Et, si vous me permettez, M. le Président, je vais en déposer une copie pour mes collègues libéraux parce que je ne suis pas certain qu'ils l'ont tous lue, surtout les nouveaux, là. C'est vrai qu'on se fait dire des choses par les plus anciens, on se fait dire des choses par le Conseil des ministres...

Document déposé

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, y a-t-il consentement pour le dépôt de l'avis juridique?

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Consentement. Très bien.

M. Picard : Mais, pour aider mes collègues libéraux, là, lisez les trois premières pages, puis vous allez être corrects, là. Je vais vous en faire un petit résumé. Même les pages 2 et 3, je vais les lire de bout en bout parce que ça donne vraiment le sens de...

Donc, M. le Président, M. Pelletier a eu le mandat par LANEQ de chercher à savoir si on pouvait créer un comité indépendant qui serait chargé de la détermination des conditions de travail ayant une incidence pécuniaire comme pour les procureurs.

D'entrée de jeu, M. Pelletier nous dit : «Soulignons toutefois, dès le départ, que le droit de grève dont jouissent actuellement les avocats, avocates et notaires de l'État québécois nous paraît très relatif, pour ne pas dire très hypothétique. En effet, depuis le début des années 2000, il y [a eu] deux grèves suivies de deux lois spéciales fixant les conditions de travail et interdisant le droit de grève.» Donc, demain, il y aura une nouvelle version disant qu'il y a eu trois grèves, trois projets de loi spéciaux.

Si je continue, M. le Président, M. Pelletier nous dit : «L'adoption de telles lois illustre [...] à quel point l'image de l'État lui-même est influencée par la relation qu'il entretient avec ses juristes. En d'autres termes, l'adoption de ces lois spéciales par l'État québécois démontre à quel point celui-ci est sensible à la perception que la population a de lui et à quel point les grèves de la part de ses juristes ternissent cette perception et fragilisent les assises mêmes de ce qu'il [a] convenu d'appeler "l'État de droit". Car, il faut le dire, les fonctions qu'assument les juristes de l'État québécois touchent au coeur même de l'action gouvernementale. Elles sont du reste fort variées.

«De fait, les avocats, avocates et notaires de l'État québécois sont les jurisconsultes du gouvernement et de différents organismes publics relevant de ce dernier. Ils conseillent et donnent des opinions en matière de droit civil, pénal, public et administratif. Ils rédigent les projets de loi déposés par le premier ministre ou les ministres à l'Assemblée nationale[, ils] s'assurent de la constitutionnalité de ceux-ci. Ils rédigent aussi la réglementation pertinente. De plus, ils assistent les ministres en commission parlementaire et les conseillent sur les impacts dans la société des règles de droit dont l'adoption est envisagée. Ils représentent, en demande et en défense, le gouvernement et plusieurs [de ses] organismes [devant] l'État dans tous [ces] litiges qui les opposent à la société civile, et ce, devant tous les tribunaux judiciaires et administratifs. Ils préparent et, dans certains cas, déposent des poursuites pénales en lien avec les différentes missions de l'État ou des organismes relevant du gouvernement, comme l'Agence du revenu du Québec, l'Autorité des marchés financiers, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail et l'Office de la protection du consommateur. Ils prodiguent également leurs conseils à certaines entités particulières, comme l'Unité permanente anticorruption. Ils représentent la Sûreté du Québec dans des dossiers de perquisitions, de détentions et d'arrestations abusives faisant l'objet de litiges en matière civile. Ils vont même jusqu'à représenter les procureurs de la couronne dans des poursuites civiles intentées contre eux.»

M. le Président, si je poursuis : «Comme on peut le constater à la lumière de ce qui précède, les juristes de l'État québécois orientent les décisions de ce dernier et assurent le respect des lois et des autres règles de droit, et ce, [...]en leur qualité de conseillers, légistes ou plaideurs, ou que ce soit dans des matières relevant du droit pénal, criminel, civil, public ou administratif.»

Or, M. le Président, les procureurs de la couronne profitent d'un statut particulier au sein de l'État québécois : ils sont couverts par la Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective. Pour déterminer les critères, il y a une série de questions, M. le Président, que je vais lire. Et je demanderais aux collègues, lorsque je vais dire «procureur», de mettre le terme «juriste», pour voir si ça fonctionne. Et, s'ils le font, ils vont voir qu'on pourrait appliquer tout simplement le même mécanisme.

• (1 h 30) •

Donc, les questions, c'est : «Quant aux questions dont nous avons dit [...] qu'elles ne pouvaient pas être négociées par l'Association des procureurs de la Couronne, elles relèvent toujours, selon la même loi, d'un comité de [...] rémunération constitué de trois membres. Ces derniers sont désignés d'un commun accord par le gouvernement et l'association concernée. Ce comité doit prendre en considération les facteurs suivants — M. le Président : les particularités de la fonction du procureur; la nécessité d'attirer des avocats ayant les aptitudes et les qualités requises pour exercer [les formations] de procureur; les conditions de travail et la rémunération globale par heure travaillée des procureurs au Québec et ailleurs au Canada, leur charge de travail, les exigences [relatives] par les employeurs, les structures salariales et les problématiques d'attraction et de rétention; les responsabilités assumées par les procureurs au Québec et ailleurs au Canada, leur charge de travail, les exigences requises par les employeurs, les structures salariales et les problématiques d'attraction et de rétention; la conjoncture économique du Québec, la situation générale de l'économie québécoise et l'état des finances publiques du Québec; les conditions de travail et la rémunération des avocats du secteur privé québécois et d'autres salariés de l'État [et] tout autre facteur que le comité estime pertinent.»

Mais, à la fin de tout ça, M. le Président, on dit : «L'Assemblée nationale du Québec peut approuver, modifier ou rejeter en tout ou en partie les recommandations [du] comité.» C'est si simple, M. le Président. Le comité est créé, et après ça le gouvernement décide. Tantôt, j'entendais mes collègues du parti gouvernemental dire : C'est beaucoup d'argent. Si on n'a pas les moyens, bien, le gouvernement décidera, mais au moins tout le monde aura l'heure juste. Les juristes pourront dire : Nous, on considère peut-être qu'on devrait avoir plus, le gouvernement va peut-être dire non, selon les conclusions du comité.

M. le Président, les partis d'opposition sont contre le projet de loi. Aujourd'hui, le Barreau du Québec et la Chambre des notaires réclament la médiation. Le titre : Il faut éviter la loi spéciale! Rien n'est bon dans une loi spéciale, rien n'est bon pour ces femmes et ces hommes qui travaillent pour l'État québécois, au service de tous les Québécois, rien... On prévoit la date de retour. Imaginons, imaginons l'adoption de ce projet de loi, le climat de travail. Comment peut-on demander à ces gens... Même si je ne doute pas qu'ils vont le faire. Parce que, malheureusement, ça va être la troisième fois. Comme je disais tout à l'heure, trois grèves, trois lois spéciales. Mais il y a un coût à tout ça, M. le Président, il y a un coût : perte d'expertise. Tout à l'heure, le président du Conseil du trésor nous indiquait : un poste, 1 000 applications. Oui, sauf qu'on ne peut pas se baser là-dessus pour prendre les décisions. L'État doit être pérenne, donc il doit avoir une continuité, doit conserver le plus possible son expertise.

Donc, M. le Président, vous comprendrez aisément que je vais voter contre ce projet de loi, et je demande surtout à mes collègues libéraux de bien lire l'avis juridique de M. Pelletier et peut-être d'essayer d'influencer le Conseil des ministres pour retarder... On peut retarder, on peut passer la semaine ici, là. On est bien à Québec, M. le Président. Donc, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Je suis prêt à céder la parole à un prochain intervenant et je reconnais M. le député de Portneuf.

M. Michel Matte

M. Matte : Merci, M. le Président. Si nous sommes réunis ici cette nuit, c'est que nous avons décidé de prendre nos responsabilités. Prendre des responsabilités, c'est aussi s'engager quand il faut. C'est choisir, c'est décider dans l'intérêt de toute la population.

Ce n'est pas l'option que nous avions privilégiée pour trouver une issue au conflit dont nous parlons cette nuit. Vous le savez, M. le Président, jusqu'au dernier moment, nous avons été présents à la table de négociation, et notre objectif était d'en arriver à une entente négociée. Le respect et l'estime que nous avons pour les juristes de l'État ne sont aucunement mis en question. Pourtant, après 18 semaines de négociation, force est de constater que ce sont bien des responsabilités qui doivent nous guider pour débloquer cette situation.

M. le Président, si nous ne prenions pas ces responsabilités qui nous incombent, nous manquerions tout simplement de solidité et de lucidité, car, devant la montagne de dossiers qui s'accumulent, des situations de paralysie se multiplient partout au Québec. Dans Portneuf, mon comté, plusieurs dossiers d'envergure sont tributaires de la grève et sont tout simplement bloqués depuis des mois. La municipalité de Donnacona a sonné l'alarme à de nombreuses reprises à mon bureau de circonscription pour que l'on puisse enfin approuver leur règlement d'emprunt. La municipalité de Neuville retient son souffle pour un autre projet d'importance.

M. le Président, les exemples sont nombreux dans Portneuf comme ailleurs, nous ne pouvons pas les ignorer. Il faut que la situation se débloque maintenant. Les beaux jours arrivent. Vous le savez, la saison estivale est courte au Québec, et certains travaux ne peuvent s'effectuer que durant le beau temps, et certains projets sont mis en péril. Cette situation ne peut perdurer plus longtemps. Au stade d'accumulation de retards où nous sommes rendus, ne pas avoir recours à la mesure d'exception de ce soir, c'est tout simplement fuir nos responsabilités, c'est empêcher de construire du solide au bénéfice de l'ensemble des Québécoises et des Québécois.

M. le Président, nous reconnaissons unanimement que le travail des juristes de l'État est essentiel au bon fonctionnement de l'appareil gouvernemental, mais aujourd'hui le conflit a des répercussions et des incidences très sérieuses sur le fonctionnement de l'État, et nous n'avons plus d'autre choix que celui de réagir. Nous ne contestons pas le droit de grève, mais, depuis novembre dernier, cette grève a eu des effets néfastes, des effets qui ralentissent notre fonctionnement. Cette grève pénalise nos municipalités, qui ne demandent qu'à se moderniser, qu'à avancer, qu'à offrir de meilleurs services à nos concitoyens et concitoyennes.

Le ministre Pierre Moreau l'a démontré immédiatement lorsqu'il a pris...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le député de Portneuf, vous connaissez la règle, on doit désigner un député ou un ministre par son titre et non pas par son nom personnel.

M. Matte : Oui, M. le Président. Le président du Conseil du trésor l'a démontré immédiatement lorsqu'il a repris le dossier, il était tout simplement ouvert à de meilleures négociations. Avec les qualités de plaideur qu'on lui connaît, le ministre, le président du Conseil du trésor a, jusqu'ici, toujours démontré avec talent la bonne foi de notre gouvernement pour trouver une solution acceptable et gagnante pour tout le monde dans ce dossier.

Pour nous, la loi spéciale demeure le tout dernier recours, mais nous sommes rendus là. M. le Président, le retour au travail des juristes de l'État n'est plus une option. Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous les forcerons à reprendre les activités normales, mais, en notre qualité d'employeur, notre devoir est de s'assurer que le fonctionnement de l'État soit respecté.

Il est incompréhensible que l'offre déposée par le ministre, le président du Conseil du trésor, M. Moreau...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : ...

M. Matte : ... — je m'excuse, le président du Conseil du trésor — alors qu'on met exactement les mêmes sommes dans les poches des juristes de l'État que dans celles des procureurs, ne soit pas acceptée. Les représentants de LANEQ sont tout simplement inflexibles, ce qui a rendu la situation dans l'impasse que nous connaissons.

M. le Président, nos efforts et la bonne foi dont nous avons fait preuve depuis 18 semaines n'ont pas été saisis par les représentants des juristes de l'État, et nous le déplorons, mais aujourd'hui nous n'avons plus qu'une seule alternative possible pour débloquer la situation. C'est à regret que nous constatons qu'une entente négociée paraît de moins en moins possible. Le dépôt de cette loi spéciale pour permettre le retour au travail des juristes de l'État est incontournable.

Savez-vous, M. le Président, que, malgré tous nos efforts et la bonne foi dont nous avons fait preuve depuis 18 semaines, la loi spéciale déposée ce soir, ou cette nuit, là, permet le retour au travail mais permet également de poursuivre les négociations? L'article 20 du projet de loi n° 127 permet une période de 45 jours pour négocier en vue de convenir d'une entente négociée. Donc, voici, le projet de loi n° 127 démontre la bonne volonté, la bonne foi que notre gouvernement a démontrées depuis 18 semaines pour en arriver à une entente négociée, tel qu'on l'indique dans l'article 20 du projet de loi n° 127. Je vous remercie, M. le Président.

• (1 h 40) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Portneuf, pour cette intervention. Je cède la parole maintenant à M. le député de Jonquière.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Évidemment, ce n'est pas de gaieté de coeur que nous sommes ici à 1 h 40, ce mardi matin, mais notre travail, notre responsabilité de parlementaires nous oblige à être ici pour, au fond, oui, discuter d'un projet de loi spéciale mais surtout faire le constat qu'encore une fois on a devant nous un gouvernement qui n'a pas rempli ses responsabilités, un gouvernement, comme on est habitués de le voir, qui est encore victime et qui fait en sorte que les Québécois et les Québécoises sont victimes d'un laisser-aller.

Il y a eu trois grèves, dans les dernières années, pour les juristes : 2005, 2011 et la grève actuelle. Pas une, M. le Président, pas une grève, pas deux, trois, trois grèves qui se sont conclues par trois lois spéciales. Alors, il faut le faire. On a devant nous un gouvernement qui n'apprend pas, un gouvernement qui est là depuis 2003, sauf un intermède, et dans lequel il y a eu trois grèves qui se sont conclues par des lois spéciales, mais qui n'apprend pas. Donc, la situation avec la grève actuelle était prévisible, mais, encore une fois, le gouvernement a laissé pourrir la situation.

La revendication des juristes de l'État était bien connue, et ce, depuis longtemps. C'est d'obtenir la reconnaissance d'un statut quasi judiciaire, avec un mécanisme adapté pour déterminer les conditions de travail, calqué, au fond, sur celui des juges ou sur celui des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, ce qu'on appelle les PPCP. Au fond, la reconnaissance de ce système, la reconnaissance de ce statut quasi judiciaire est une bataille professionnelle mais qui nous ramène au fondement de notre système de justice et au fondement du rôle d'avocat et de notaire, c'est celui d'être indépendant, leur indépendance professionnelle.

Mais, comme le gouvernement nous a habitués, et le président du Conseil du trésor est certainement l'expert là-dedans, bien, ils font de la diversion en ramenant constamment le débat sur soi-disant un enjeu salarial, alors que l'enjeu de fond n'est pas là. Mais constamment le gouvernement nous ramène ça à une question de salaire. C'est drôle parce que, quand c'est venu le temps d'accorder 600 millions aux médecins, là, ce n'était pas important, là, sur les finances publiques, cette question des salaires. Mais là, soudainement, dans la grève des juristes de l'État, là, soudainement, la question salariale et l'impact supposé sur les finances publiques sont un enjeu important. Mais ce n'est que de la poudre aux yeux pour l'opinion, pour essayer d'influencer l'opinion publique.

Il faut se rappeler, M. le Président, que les juristes de l'État ont trois types de fonctions absolument au coeur de la primauté du droit et évidemment de l'ordre professionnel des avocats et des notaires : fonction de conseil, entre autres, dans la rédaction, dans la conclusion des contrats, des avis juridiques pour le gouvernement; fonction de légistes, et on est tous habitués ici d'en voir plusieurs auprès de nous, dans les commissions parlementaires, en fait auprès des représentants du gouvernement, pour la rédaction d'amendements, pour la rédaction des projets de loi; et évidemment un rôle de plaideurs, entre autres devant les tribunaux administratifs.

Vous conviendrez avec moi, M. le Président, que ces fonctions sont aussi importantes que celles exercées par les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, comme ça se fait ailleurs au Canada, d'ailleurs, dans toutes les provinces canadiennes. À la période des questions, en après-midi, vers 17 heures, le ministre a dit : C'est faux, que ce n'est pas comme ça partout ailleurs au Canada. Encore une fois, ce n'est qu'un jeu. Encore une fois, ce n'est que de la diversion. Les autres provinces à travers le Canada reconnaissent ce statut comparable entre les plaideurs devant le... poursuites criminelles et pénales et des juristes de l'État. Mais là, quand ça vient le temps de discuter des grilles salariales, ça peut donner des résultats différents, mais il reste que le statut est le même. Mais, encore une fois, le ministre veut faire de la diversion. Alors, quand on parle de mauvaise foi du côté du gouvernement, c'en est une preuve.

Vous savez, le refus du gouvernement de régler ce problème... Et, je répète, depuis au moins 2011... Il y a eu la grève de 2005, il y a eu la grève de 2011. Dans la grève de 2011, je m'en souviens très bien, nous étions ici, encore une fois une loi spéciale. Le gouvernement avait pris des engagements, à l'époque, de régler la situation, d'étudier ce statut quasi judiciaire. Bien, ils ne l'ont pas fait. Alors, c'est quoi, la conséquence? C'est qu'on se retrouve aujourd'hui avec une grève des juristes de l'État qui a des conséquences sur le fonctionnement de notre État : menu législatif très mince; impact sur les services aux citoyens devant la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, devant le Curateur public; blocages dans la rédaction des projets de loi, dans les règlements également; retards devant les tribunaux administratifs, civils, devant les tribunaux pénaux; retards devant Revenu Québec; retards devant l'adoption des règlements municipaux, 300 règlements municipaux, des contrats gouvernementaux... c'est particulièrement inquiétant, et il faudra voir ce que le Vérificateur général en pense, mais des contrats gouvernementaux de l'ordre de 870 millions qui ont été octroyés sans conseils juridiques.

Mais ce n'est pas la conséquence... c'est la conséquence directe de la grève, mais, si on en est là, c'est parce que le gouvernement a refusé, a abdiqué sa responsabilité de régler la situation, qu'il connaît, parce qu'on en est rendus à la troisième reprise depuis 2005. Ce n'est que la responsabilité du gouvernement. Puis, quand j'entends les collègues du gouvernement, les députés du gouvernement nous dire : Ah! c'est parce qu'il y a justement ces blocages dans le système qu'il faut une loi spéciale, je n'en reviens pas, ils invoquent leur propre turpitude. C'est parce qu'ils ont manqué à leur responsabilité comme gouvernement qu'on se retrouve dans cette situation-là, M. le Président, et c'est une des raisons pour laquelle on ne peut pas continuer comme ça éternellement. Ça va être quoi la prochaine fois? On va se retrouver, l'année prochaine ou dans quelque temps, avec un autre conflit parce que le gouvernement va avoir encore manqué à sa responsabilité? C'est le jour de la marmotte avec ce gouvernement.

Je pourrais vous parler du projet de loi n° 102 sur la qualité de l'environnement et du Fonds vert, qui a été, certainement, une belle illustration des conséquences de ce manque de responsabilité du gouvernement et également une belle illustration de la mauvaise foi, également, du gouvernement dans ses négociations avec les juristes de l'État. Un projet de loi de 288 articles, M. le Président, le projet de loi n° 102, on siège depuis novembre 2016. Depuis le début de l'année 2017, depuis janvier, depuis qu'on a été convoqués en commission parlementaire... Puis je vois les juristes dans les tribunes, je sais que plusieurs, plusieurs, plusieurs d'entre eux ont été assidus aux débats en commission parlementaire sur le projet de loi n° 102 pour montrer leur disponibilité, mais aussi, pour eux, c'était un moyen de pression important d'être présents. Donc, depuis janvier, on a siégé, M. le Président, du début janvier jusqu'au 20 février, 40 h 38 min, jusqu'au 20 février. Et, sur ces 40 h 38 min, on a été suspendus 13 h 23 min, le tiers, le tiers.

• (1 h 50) •

Tous, ici, nous sommes tous des parlementaires, nous sommes habitués de siéger en commission parlementaire en étude article par article, essayez de me trouver un projet de loi qui a été suspendu le tiers du temps. Le projet de loi n° 102, ça a été suspendu le tiers du temps. Pourquoi? Parce que le gouvernement profitait de ces moments de suspension pour faire travailler les juristes de l'État, en services essentiels sous le principe du privilège parlementaire, sur des amendements. On l'a répété à plusieurs reprises en commission parlementaire, puis je vois des collègues ici qui ont siégé sur cette Commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 102, alors c'était une façon de faire du gouvernement pour, sans le dire, suspendre et, pendant cette période de suspension, faire travailler les juristes de l'État en services essentiels sur la rédaction d'amendements. Bien, on a refusé de jouer dans ce mauvais théâtre, parce que ça revenait, M. le Président, savez-vous à quoi? Ça revenait à être des scabs. Puis ça, on a refusé de jouer là-dedans, on l'a dit à plusieurs reprises, de sorte qu'on a été obligés d'ajourner la commission parlementaire. Parce qu'il y a une différence entre l'ajournement et la suspension, comme vous le savez.

Alors, quand on dit que le gouvernement a négocié de mauvaise foi, quand on dit que le gouvernement cherchait par toutes sortes de manières à empêcher les actions de bonne foi du gouvernement... d'exercer leur droit de grève légitime, leurs moyens de pression légitimes, bien, le projet de loi n° 102, c'est un bel exemple où le gouvernement a abusé de suspensions, de périodes de suspension pour faire travailler les juristes de l'État sur des amendements ou sur du travail qui, au fond, nous assimilait, si on consentait à ça, à être des scabs. Alors, on a refusé ça.

Alors, le projet de loi n° 102 est certainement la plus belle illustration, un, de l'absence de responsabilité, du sens des responsabilités de ce gouvernement depuis 2011, ne pas avoir réglé la situation, qui fait en sorte qu'on se retrouve dans un autre conflit de travail. Et, deux, le projet de loi n° 102 a été une belle illustration de cette mauvaise foi du gouvernement dans les négociations, parce qu'il affectait le moyen de pression fondamental des juristes de l'État à travers une commission parlementaire.

Le ministre, président du Conseil du trésor nous a dit à plusieurs reprises qu'il ne croit pas, et c'est assez fort quand même dans sa façon de l'exprimer... le ministre ne croit pas au statut indépendant des juristes de l'État, il l'a dit encore à la période de questions tout à l'heure. Alors que c'est reconnu partout à travers le Canada, lui, il dit : Je ne crois pas à ça, au statut indépendant des juristes de l'État. Pourtant, quand on regarde les fonctions de travail, ils font un travail, les juristes, comparable aux PPCP. C'est comme si, au fond, en faisant cet aveu, le ministre ne croyait pas à leur professionnalisme, et tout ce qu'il veut, c'est avoir du personnel qui va faire du travail partisan, où il va pouvoir leur donner des commandes. Mais les juristes de l'État, c'est des professionnels, ce sont des professionnels du droit. Ce sont des gens qui sont tenus à l'État de droit, qui sont tenus à faire respecter cet État de droit. Ce sont des professionnels, ils ne sont pas là pour être utilisés à des fins partisanes, ne serait-ce que pour protéger ce principe fondamental. C'est pourquoi nous devons reconnaître ce statut, tel qu'ils le demandent depuis plusieurs années.

Le résultat de tout ça, il est bien malheureux, M. le Président, c'est qu'on est encore devant une loi spéciale, encore une fois. C'est devenu une habitude avec ce gouvernement, usé à la corde, qui trouve comme seule manière de régler un problème de nous convoquer la nuit pour adopter une loi soit sous le bâillon ou une loi spéciale, ce qui revient au même.

Mais, sur le plan politique, c'est clairement, clairement... même si le ministre, président du Conseil du trésor essaie de faire croire à tout le monde le contraire, là, je veux dire, on ne se mettra pas la tête dans le sable, c'est clairement la démonstration d'un échec cuisant, fort du président du Conseil du trésor, qui était vu, quand il est arrivé dans ce dossier-là, comme le sauveur, hein? La meilleure invention depuis le pain tranché, là, c'était le président du Conseil du trésor, lors de sa nomination, qui allait sauver et régler rapidement le conflit. Bien oui, il l'a tellement réglé rapidement qu'on se retrouve en loi spéciale encore une fois. Si c'était ça, je veux dire, il fallait le dire dès le début, là, si on savait qu'on s'en allait vers ça, là. On va nommer ce ministre le président du Conseil du trésor, qui va nous conduire à une belle loi spéciale quelques semaines plus tard.

Alors, ce n'est pas une solution négociée ou une solution politique, c'est une solution imposée. C'est cette façon de faire de ce gouvernement, puis c'est la marque de commerce de ce ministre, président du Conseil du trésor, c'est ça également.

C'est également un affront aux employés de la fonction publique, qui se retrouvent, les juristes de l'État, dans une grève record. Il faut le faire. Le gouvernement est habitué d'accumuler les records, mais les records négatifs. Là, il vient d'en accumuler un autre. Un record dans la plus longue grève, au Canada, dans la fonction publique. Wow! Quelle fierté!

Je vais terminer quand même avec une belle illustration de ce que je vous disais tout à l'heure de notre travail au projet de loi n° 102, où le gouvernement, par souci, évidemment, de travail d'équipe, nous a déposé des cahiers qu'on appelle des articles commentés. Alors, voilà, c'est ce qu'on a eu, un cahier vert, parce que c'était quand même le ministère de l'Environnement, mais, regardez, c'est des feuilles — et je le dis en riant, mais ce n'est pas drôle — des feuilles 8½ X 14 blanches, sans notes explicatives, sans texte de référence. On en a eu cinq, six, des cahiers comme ça. Belle conséquence de l'absence de responsabilité crasse de ce gouvernement. Alors, évidemment, on sera contre le principe du projet de loi n° 127. Merci.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci à vous, M. le député de Jonquière. Mme la ministre de la Justice, je vous cède la parole.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, maintenant, voici ce moment de l'adoption de principe. J'écoutais notre collègue, qui vient tout juste de nous exhiber son cahier vert, et il nous parle de mauvaises intentions et nous targue, targue ce gouvernement d'avoir négocié de mauvaise foi, d'être de mauvaise foi dans les démarches aujourd'hui. M. le Président, s'il y a une chose que ce gouvernement a faite au cours des deux dernières années, c'est de négocier de bonne foi, négocier sérieusement, avec cette volonté d'en arriver à une entente négociée.

Je veux revenir... Notre collègue dit : Nous, finalement, on accepterait tout ce qui est sur la table. Parce que, vous savez, M. le Président, négocier, négocier, ça implique une réciprocité. Négocier, ce n'est pas nécessairement abdiquer. Négocier, ça ne s'exécute pas à sens unique. Et ce que l'on entend de l'opposition ce soir, c'est : S'ils avaient formé le gouvernement, ils auraient accordé les demandes de LANEQ.

Moi, M. le Président, je ne veux pas prêter une intention à mon collègue, pas du tout, mais je veux simplement porter deux petits faits à votre attention ce soir. En 2013, le comité Clair avait déposé son rapport sur la rémunération de la magistrature, la rémunération des juges. On a fait le même exercice il y a quelques semaines ici. La réponse gouvernementale à l'époque — on parle de la magistrature, on parle d'un comité qui n'est pas liant — la réponse du gouvernement du Parti québécois, dont faisait partie notre collègue, à l'époque c'était une réponse qui refusait et rejetait de nombreuses recommandations du comité indépendant. Le gouvernement, dont notre collègue faisait partie, à l'époque avait bien saisi que certaines des recommandations allaient à l'encontre de la capacité de payer des Québécois. Ils ont rejeté du revers de la main un certain nombre de recommandations qu'ils ont soumises à cette Assemblée. D'ailleurs, on les a votées, on s'était prononcés sur cette question-là le 28 février 2014. Et, six mois plus tôt, nous étions, un 1er juillet, rassemblés dans ce salon bleu pour une loi spéciale déposée par la première ministre de l'époque, forçant le retour au travail d'employés de la construction pour des motifs, encore là, particuliers.

• (2 heures) •

Alors, lorsque j'entends nos collègues de l'opposition, ce soir, déchirer leurs chemises, lorsque je les vois déchirer leurs chemises, lorsque je les entends s'insurger contre la procédure qui est en place ce soir, permettez-moi d'avoir un petit doute et de me remémorer certains échanges qui ont eu cours ici même, en cette Chambre.

Vous savez, M. le Président, dans ce dossier, on a beaucoup fait état, au cours des dernières minutes, au cours de la dernière heure, de la particularité de la fonction de procureur. Il y a actuellement nos procureurs à la poursuite criminelle et pénale qui sont nommés en vertu d'une loi, en vertu de la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Nos juristes de l'État, que nous respectons, sont, eux, nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique.

Il y a des particularités au rôle de procureur aux poursuites criminelles et pénales. Cette particularité-là, on la retrouve d'ailleurs dans le rapport du comité, qui a été déposé — le rapport Bouchard — en 2015. Les procureurs aux poursuites criminelles et pénales ont, en raison de leurs fonctions particulières, un empêchement d'exercer certains droits civiques. Ce n'est pas rien. N'oublions pas. Puis je pense que nous devons conserver quand même en tête que les procureurs aux poursuites criminelles et pénales n'ont pas le droit d'être membre d'un parti politique, n'ont pas le droit de contribuer à la caisse électorale d'un parti politique, peu importe le parti, que ce soit au niveau scolaire, municipal, provincial, fédéral. Le procureur aux poursuites criminelles et pénales ne peut se livrer à aucune activité politique.

Et on le sait. Lorsqu'un procureur... et certains font le choix de participer plus activement à la vie politique, ces derniers vont se voir attribuer un autre classement justement en fonction de la Loi sur la fonction publique. Pourquoi? Bien, parce que les procureurs aux poursuites criminelles et pénales exercent des fonctions de nature quasi judiciaire, ils ont un pouvoir discrétionnaire dont l'étendue est très importante et a des conséquences très vastes. Ils ont un statut d'officier public. Donc, le caractère de la fonction commande ce caractère apolitique. Alors, en raison de ce statut bien particulier, ils ont un processus qui leur est propre pour déterminer de leurs conditions de travail. Même chose pour la magistrature, M. le Président.

Nos collègues souhaiteraient que ce comité, cette forme d'évaluation des conditions de travail soient mis en place pour les procureurs... pour les juristes de l'État. Nous ne partageons pas cet avis. Toutefois, toutefois mon collègue le président du Conseil du trésor a toutefois convenu qu'il était possible de discuter de cet aspect-là de la négociation de façon distincte, puisque, pour ce qui est des conditions de travail, M. le Président, les négociations qui ont cours depuis deux ans ont mené à des offres qui, en bout de piste, amènent à un écart positif de 355 $ en faveur des juristes de l'État, si on compare aux procureurs aux poursuites criminelles et pénales.

Maintenant, cette offre salariale, cette offre globale, elle est sur la table. L'élément distinct, c'est le statut des juristes. Est-ce que le tout justifie une grève qui actuellement se poursuit depuis 18 semaines? 18 semaines, M. le Président, de grève, deux ans de négociation, six offres transmises et déposées par la partie gouvernementale, chaque fois à la hausse en faveur des juristes de l'État, six séances de médiation, l'été dernier, qui, malheureusement, n'ont pas donné de lueur d'espoir.

Nous avons énormément de respect pour nos juristes, mais la demande... J'écoutais notre collègue de la deuxième opposition nous parler du comité liant, comité liant que la magistrature et les procureurs aux poursuites criminelles et pénales n'ont pas malgré la nature des fonctions toutes particulières dont je faisais état plus tôt.

Donc, M. le Président, nous sommes devant une impasse, une impasse de la situation qui n'est pas sans conséquence pour la population, qui n'est pas sans conséquence pour l'intérêt public dans son ensemble. Alors, avant de déposer une loi, évidemment dans un contexte où le droit de grève est un droit reconnu, qui a d'ailleurs été réitéré, et les atteintes à ce droit de grève là ont été limitées, de façon substantielle, par un récent jugement de la Cour suprême... Et, dans l'affaire Saskatchewan Federation of Labour, on définit, évidemment... on dit ce qui suit, la cour dit ce qui suit : «Le pouvoir unilatéral de l'employeur public de décider que des services essentiels seront assurés durant un arrêt de travail et de déterminer la manière dont ils le seront, à l'exclusion de tout mécanisme de contrôle approprié, [...]justifie la conclusion selon laquelle la [loi en l'espèce] porte atteinte plus qu'il n'est nécessaire aux droits constitutionnels en cause.»

Alors, nous, on fait l'inverse de ce qui a été prévu dans cette disposition attaquée de la Saskatchewan. Le gouvernement propose un équilibre entre le droit de grève et le droit, pour la collectivité, de recevoir des services. Le projet de loi n° 127, déposé par le président du Conseil du trésor, permet d'atteindre l'équilibre qui est complexe entre les intérêts respectifs des employeurs, des salariés et du public, parce qu'évidemment l'objectif est d'en arriver à une solution gagnant-gagnant pour l'ensemble des parties.

Le projet de loi propose spécifiquement la poursuite des négociations entre les juristes et le gouvernement, malgré le retour au travail. Le projet de loi prévoit des conditions de travail qui sont les conditions de la dernière offre, c'est-à-dire des conditions qui amènent une parité avec les conditions que les procureurs aux poursuites criminelles et pénales ont, et ce, sans pour autant venir modifier le statut des juristes.

C'est un projet de loi, M. le Président, qui est équilibré, équilibré parce que, je le mentionnais un peu plus tôt lors de ma prise de parole ce soir, les conséquences de la grève, elles sont majeures. Elles sont majeures pour les citoyens, pour les tierces parties qui non seulement contribuent à la rémunération de l'ensemble du secteur public, mais qui aussi a droit à des services juridiques, a droit de pouvoir avoir accès à ces services à l'intérieur d'un délai raisonnable.

• (2 h 10) •

J'ai parlé de report de 1 881 dossiers devant le Tribunal administratif du Québec. Les collègues le reconnaissent, et nous reconnaissons l'impact de cette grève. Mais l'impact de cette grève, il est important, et la balance des inconvénients milite en faveur d'un retour au travail des juristes, mais tout en maintenant une négociation avec l'employeur.

Alors, lorsque je parle du TAQ, l'impact du report, c'est 415 jours que nous devrons trouver afin de refixer ces dossiers qui s'ajouteront au volume habituel du Tribunal administratif du Québec. Les effets, ce sont les 336 dossiers qui n'ont pas encore été traités dans le contentieux de Québec et de Montréal, des dossiers qui, bientôt, vont nécessiter des interventions urgentes, rapides, pour assurer la préservation des droits des parties, préservation des droits de l'État, mais aussi préservation des droits des citoyens et des citoyennes qui sont en cause, parce que, de ces dossiers, M. le Président, il y a des questions de pensions alimentaires, des questions d'indemnités versées en vertu des différentes lois.

Alors, M. le Président, l'impact de la grève a et milite en faveur d'une intervention, une intervention qui est raisonnable, une intervention qui est balancée, qui respecte les droits fondamentaux des parties, qui respecte les droits fondamentaux de la collectivité et qui assure, Mme la Présidente, la saine administration de la justice. La loi spéciale, c'est une loi d'intérêt public, Mme la Présidente, et l'intérêt public milite en faveur de l'adoption de cette loi spéciale, l'intérêt public milite en faveur d'un retour de nos juristes de l'État en fonction au gouvernement, dans les ministères, et milite en faveur d'une entente négociée, Mme la Présidente, et nous croyons que le projet de loi n° 127 répond à ce juste besoin d'équilibre entre les droits de l'ensemble de la société. Je vous remercie.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la ministre de la Justice. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire : Merci, Mme la Présidente. Jusqu'à date, Mme la Présidente, il s'est dit beaucoup de choses, notamment de la part des collègues du gouvernement, et ce que je trouve curieux, c'est qu'on a abordé la question de la saine gestion. Pas que je ne suis pas d'accord avec ça, au contraire, je suis tout à fait d'accord avec ça, mais j'ai entendu des collègues dire : Ce que les juristes demandent, c'est 30 millions sur cinq ans. Ça fait 6 millions par année. C'est beaucoup d'argent, c'est vrai. Indéniablement, ce n'est pas des peanuts.

Quand on pense, par contre, que celui qui dépose le projet de loi, le président du Conseil du trésor, par son incapacité chronique à gérer comme du monde, laisse 100 millions sur la table dans un seul dossier... Je vous donne un exemple, je l'ai donné en Chambre, et probablement que le député de Nelligan sait de quoi je parle, du moins je l'espère, puis le ministre des Finances devrait le savoir lui aussi, mais je ne suis pas sûr. Les centres de traitement de l'information, c'est là où on met les serveurs du gouvernement puis où on va, évidemment, entreposer toutes les données nécessaires à la gestion du gouvernement, il y en a 450 au Québec, bientôt 451, malgré un plan pour les regrouper, hein? Ils ont mis en place un plan pour les regrouper, puis là on passe de 450 à 451. Ce n'est pas exactement ma notion à moi du regroupement, mais bon. Ça, Mme la Présidente, ça coûte... c'est un gaspillage net par année de 100 millions de dollars. Je n'ai pas entendu mon collègue de Mégantic en parler, par exemple. Donc, 6 millions par année pendant cinq ans pour payer à leur juste valeur les juristes de l'État, qui font un travail essentiel, ça, c'est beaucoup d'argent, mais 100 millions qu'on pellette, hein, dans le caniveau à chaque année, ça, bon, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse?

Alors, je suis pour la saine gestion, mais, la saine gestion à géométrie variable, vous admettrez, Mme la Présidente, que ça manque de crédibilité. Donc, avant de faire des leçons de saine gestion puis avant de demander aux oppositions de bien réfléchir avant de dépenser l'argent de l'État, bien peut-être, peut-être que le gouvernement devrait prendre un gros, gros, gros miroir puis se regarder.

Puis là je vous parle des centres de traitement de l'information, mais je pourrais vous parler d'autres systèmes informatiques qui ont fait l'objet de beaucoup, beaucoup, beaucoup d'articles, assez rarement pour les bonnes raisons, plutôt parce que c'était du gaspillage éhonté. Ce projet SAGIR qu'on appelle affectueusement «ça chire», pour lequel on avait acheté sept modules, on est en train d'essayer d'implanter le troisième, ça devait coûter 80 millions, on dépasse le milliard. Ça aussi, c'est beaucoup d'argent, beaucoup d'argent qui ne sert à rien, là, rien. Avec les juristes de l'État, on a des services, on a des gens compétents qui nous donnent des services. Avec le gaspillage libéral, on n'a rien, juste un gros, gros trou dans le budget. Bon. Donc, la saine gestion, évitez le sujet, je pense, petit conseil d'ami.

Autre chose qu'on a abordée aussi, quand on dit : Bon, bien, écoutez, là, il faut faire attention, là, quand on négocie, on ne peut pas tout donner à tout le monde ce qu'ils demandent, c'est vrai, entièrement d'accord, mais, dans une négociation, normalement, on donne puis on prend, c'est ce qui est supposé se passer. Mais au final ce qui est important, c'est d'être capable de mettre en place des conditions de travail qui vont faire en sorte que les employés vont être heureux puis que nos employés qui ont de l'expertise, ils vont rester. Pourquoi? La commission Charbonneau, Mme la Présidente, ça vous dit-u quelque chose, ça sonne un petit quelque chose? La commission Charbonneau, c'est le résultat de quoi? C'est le résultat d'un gouvernement, libéral majoritairement, qui a été incapable de garder son expertise en ingénierie, hein? Il y avait un beau système d'alarme; on l'a tout démonté morceau par morceau, on a pris les fenêtres, on les a enlevées, on a enlevé les portes, puis là on s'est étonné que les voleurs rentrent dans la maison. Bien oui, les voleurs, ils sont rentrés dans la maison.

Alors, sur un autre registre, si on n'est pas capable de garder notre expertise juridique, il va y avoir des conséquences. Donc, il y a des conséquences à dire oui aux juristes, mais il y a des conséquences à dire non, comprenez-vous? Oui? O.K. Et ces conséquences-là, on les a vécues, elles coûtent cher. Augmenter les salaires, ça coûte cher, mais perdre son expertise, ça coûte encore plus cher. Ça, c'est la grande leçon de la commission Charbonneau. Puis là, bien, il n'y a pas eu de commission d'enquête en informatique parce que le gouvernement libéral l'a refusé systématiquement, parce que j'imagine qu'avec Charbonneau ils avaient eu leur dose de scandales, mais, d'après moi, on aurait appris aussi un bon lot de mauvaises nouvelles, conséquence de la perte de l'expertise. Donc, ne reproduisons pas les mêmes erreurs, arrangeons-nous pour garder notre expertise. Ça, Mme la Présidente, c'est la conséquence à ne pas être capable de regarder ce qui se passe sur le marché puis d'être capable d'accoter les salaires, les conditions de travail.

Dans le projet de loi n° 127 qui nous préoccupe, il y a des failles. Je ne sais pas qui l'a écrit, ce n'est peut-être pas des juristes, mais il y a des failles. D'abord, vous allez devoir nous expliquer pourquoi les avocats de Revenu Québec ne sont pas touchés par le projet de loi. Il y a sûrement une raison, puis j'aimerais ça qu'on nous la donne, parce que moi, je ne l'ai pas encore trouvée, mais la notion de «salarié» s'adresse aux avocats de la fonction publique et donc pas ceux qui sont créés en vertu de la loi sur Revenu Québec. Donc, le ministre responsable de Revenu Québec, lui, ses avocats, je ne sais pas ce qu'ils vont faire avec, mais, bon, il y a un trou, un trou.

• (2 h 20) •

Autre petit problème, l'article 28 du même projet de loi exclut nommément la possibilité, pour un médiateur, de travailler sur le comité indépendant. Le problème, Mme la Présidente, c'est que le comité indépendant, c'est le coeur du problème, parce qu'au point de vue salarial, bon, je n'étais pas à la table des négociations, mais j'ai cru comprendre qu'on avait quelque chose qui ressemble à une entente. Ça ne fait pas l'affaire de tout le monde, on s'obstine. Les juristes disent : On n'a pas ce que les procureurs ont, mais on n'est pas si loin. La ministre de la Justice nous dit : Non seulement ils l'ont, mais ils ont plus. Bon. On s'obstine. Mais on n'est pas si loin d'une entente.

Ce que les juristes de l'État veulent, c'est un comité indépendant. Or, lui dit : Ça ne se fera jamais. Bon. Ça pose un problème, Mme la Présidente, ça pose un grave problème, parce que, s'il n'y a pas de comité, je vois difficilement comment il pourrait y avoir une entente. Comprenez-moi bien.

Ce que je comprends, c'est qu'au départ les juristes de l'État demandaient l'arbitrage. Le président du Conseil du trésor dit : Non, ça, c'est trop. Les juristes de l'État disent : O.K., un comité indépendant, mais avec des recommandations exécutoires, donc ce que le comité recommande, c'est ce qui est appliqué. Le gouvernement dit : Non, parce que les juristes ne peuvent pas être traités comme les procureurs.

Bon. Moi, que je sache, là, il y a une délégation du Procureur général du Québec et ministre de la Justice, de ses pouvoirs en matière de droit criminel et de ses pouvoirs en matière civile, qui sont assumés d'une part par les procureurs, d'autre part par les juristes du gouvernement. C'est comme ça que je comprends la chose. Donc, la base du mandat part de la même source. C'est la même formation, c'est la même obligation juridique, c'est le même code d'éthique, c'est le même ordre professionnel, c'est la même obligation d'aller plaider devant les tribunaux. À date, ça se ressemble pas mal, à date.

Là, le président du Conseil du trésor dit : Ah! mais non, attention, attention, attention, ce n'est pas pareil. Ce n'est pas pareil pantoute, parce que, dans le cas des juristes, nous sommes le client. Ah! les juristes, quand ils vont négocier, ententes hors cour, tribunal, ils ne peuvent pas, en bon français, «closer le deal». C'est le gouvernement qui fait ça. Hé! toute qu'une différence, ça! Toute qu'une différence. Parce qu'un procureur, lui, quand il négocie une peine, il n'a pas à référer à personne. Ce n'est pas comme ça que j'avais compris que ça marchait, mais, selon le président du Conseil du trésor, ça a l'air que ça marche comme ça. Mais comprenez-vous qu'on est dans les virgules, là, Mme la Présidente? Comprenez-vous qu'il faut chercher des raisons pour dire que ce n'est pas pareil? Comprenez-vous qu'il faut trouver une raison d'expliquer la pirouette. Bon, c'est quoi, la pirouette?

Moi, j'ai un document qui est intéressant. Je ne le déposerai pas parce que c'est un document qui est déjà public. En fait, j'aurais aimé ça que vous me demandiez de le déposer, parce que ça m'aurait permis de rire un bon coup...

Des voix : ...

M. Caire : Envoye donc! Vas-y. Député de Vanier qui est volontaire, Mme la Présidente. Entente de principe concernant certains éléments modifiant la convention collective des avocats et des notaires 2010‑2015. Il y a un certain nombre de choses intéressantes dans ce document-là, entre autres le fait que le gouvernement libéral actuel a signé cette entente-là, hein? Ça, c'est la première chose qui est intéressante. 7 juillet 2011

L'autre chose intéressante, c'est les annexes. L'annexe 7, entre... l'annexe 5, pardon. Page 7, mais annexe 5. Qu'est-ce qu'elle dit, l'annexe 5? Et là je vois que mes collègues sont pendus à mes lèvres, disent : Voyons, c'est quoi, ça, l'annexe 5? Bien, je vais vous le dire : Lettre d'entente concernant la réforme du régime de négociation avec l'Association des juristes de l'État. Beau titre. Qu'est-ce que ça dit? «Le gouvernement du Québec et l'Association des juristes de l'État conviennent de mettre sur pied, à la date de la signature — 7 juillet 2010, ça, c'est la date de la signature — de l'entente modifiée à la convention collective 2010‑2015 des avocats et notaires, un comité patronal-syndical composé d'un maximum de deux représentants de chacune des deux parties, dont le secrétaire associé au sous-secrétariat du Conseil du trésor, [...]vice-président de l'association des juristes», blablabla. Le mandat : «[Le] comité adopte les règles de fonctionnement appropriées pour l'exécution de ce mandat. À cette fin, chaque partie peut notamment s'adjoindre, au besoin, les personnes qu'elle juge nécessaires. Le comité doit déposer ses recommandations aux parties dans les 12 mois suivant sa mise sur pied.» Alors, on va faire un petit calcul vite, vite, vite.

7 juillet 2010 plus 12 mois, 7 juillet 2011...

Des voix : ...

M. Caire : Bien oui, il sait compter. Moi, je sais compter. Vous autres, visiblement pas, mais moi, je sais compter. Alors là, ça nous fait un an de plus...

Des voix : ...

M. Caire : Bien, Mme la Présidente, si ma collègue exerçait son droit de silence, ça serait bien.

Donc, un an plus tard, un an plus tard, il dépose des recommandations, donc ça nous met en 2011. Eh oui, je sais compter. Mais il dépose quoi, donc? «Dans le cadre de son mandat, le comité devra déterminer les éléments sur lesquels porteraient les travaux d'un nouveau comité présidé par un tiers indépendant désigné par les parties. Les recommandations formulées par le comité pourraient être approuvées, modifiées ou rejetées en tout ou en partie par le gouvernement.» Ils se sont entendus pour mettre en place un comité dès la signature, 7 juillet 2010, qui devait mettre en chantier ce fameux comité indépendant avec des recommandations un an plus tard. Un an plus tard, ça nous met en 2011. Et, oui, on va continuer l'exercice mathématique, nous sommes en 2017, ce n'est pas fait.

Pourquoi sommes-nous là ce soir? Parce que ce gouvernement a, encore une fois, renié sa parole. Mais, pire que ça, là il a renié sa signature. Il a renié sa signature parce que, s'il avait fait ça, Mme la Présidente, il y aurait un comité indépendant. Et, contrairement à ce que le président du Conseil du trésor essaie de nous expliquer aujourd'hui, le gouvernement libéral, dans le temps, il pensait que c'était une bonne idée, le comité indépendant. Il était prêt à travailler sur le comité indépendant, il était prêt à le mettre sur pied, ils ont même signé une lettre à cet effet. Puis là aujourd'hui ce n'est plus pareil, ce n'est plus pareil.

Mais, si on avait fait ça, si on avait respecté sa signature, il y aurait un comité indépendant, et ce soir nos tribunes seraient vides. Savez-vous pourquoi, Mme la Présidente? Parce qu'on ne serait pas là, parce qu'il y aurait une entente négociée sur des bases non arbitraires. Parce que le comité, il fait quoi? Le comité, il établit des comparatifs; le comité, il regarde l'historique salarial; le comité, il tient compte de la capacité de payer des contribuables puis il fait des recommandations. Et ce n'est pas un tiers qui décide parce que, comme le dit la lettre d'entente, le gouvernement peut ne pas tenir compte des recommandations, peut les modifier ou peut les adopter, mais on n'est pas dans l'arbitraire, et aujourd'hui on ne serait pas en train de se poser les questions : Mais là ils ont-u plus, ils ont-u moins, ils ont-u la même affaire, parce qu'on aurait des gens sérieux, crédibles et indépendants qui donneraient l'heure juste à travers un document fouillé. Mais, au lieu de ça, parce que ce gouvernement a renié sa signature, nos juristes sont dans la rue au lieu d'être au travail, puis nous, ce soir, on discute d'un projet de loi plein de trous qui va avoir pour seul effet de retourner de force nos juristes au travail. Aïe! Ils vont être de bonne humeur mercredi matin, eux autres, ça va leur tenter. Ils ne se posséderont plus, Mme la Présidente, de rentrer au travail, là, avec un projet de loi de même.

Puis là j'entends, là j'entends : Oui, mais ça ne force pas le retour au travail parce que ça laisse la place à une négociation. Bien oui, un couteau sur la gorge, le fusil sur la tempe, on négocie. Si on ne s'entend pas dans 100 jours, on reconduit la convention collective jusqu'en 2020. Wow! Ça, c'est un contexte de négociation idéal.

Alors, Mme la Présidente, vous comprendrez, pour toutes ces raisons, que non seulement je vais voter contre ce projet de loi, mais je vais me battre, avec toute l'énergie dont je dispose, pour essayer de faire entendre raison à ce gouvernement.

• (2 h 30) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de La Peltrie. Maintenant, je suis prête à reconnaître le prochain intervenant. Il s'agit de M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Robert Poëti

M. Poëti : Merci, Mme la Présidente. On a entendu plusieurs choses depuis plusieurs heures, certaines surprenantes. Subitement, on s'est aperçu que, dans cette Assemblée, tous les partis politiques, sans égard à leur formation, connaissent vraiment très bien les juristes de l'État. Tout d'un coup, c'est devenu, pour l'ensemble des députés ici, dans cette salle, un point important de bataille. On a vu la députée, évidemment, de Québec solidaire s'exprimer partout sur les tribunes, bras dessus, bras dessous avec Me Denis, aujourd'hui, «hot room», si vous me permettez l'expression, le trottoir, le coin de la rue, l'entrée, les corridors, s'exprimer à haute voix. Pour qui? Pour les juristes de l'État. Pas parce qu'elle se sent en péril avec la carte électorale, pas parce qu'elle a besoin d'un peu de visibilité, d'aucune façon. Vraiment, elle s'est battue pour les juristes de l'État, qu'elle connaît très bien depuis à peu près deux semaines. Et ça, c'est à quoi on a droit ici aujourd'hui.

Qu'est-ce qu'on a eu droit également ce matin? Une envolée lyrique. Le député de Sanguinet, vraiment, à l'ouverture de cette session particulière, un envol avec des rebondissements sans arrêt. En fait, incapable de s'exprimer calmement, incapable de discuter calmement, incapable de nous donner un seul exemple précisément qui concerne les juristes de l'État, mais on a eu droit à une pièce de théâtre assez sérieuse.

D'un autre côté, on entend aussi les gens de la CAQ qui... Là, je viens de voir le collègue trouver une façon extraordinaire — ça, je vais lui donner — de faire un détour sans fin pour revenir à son dossier à lui, l'informatique. Tout ça pour qui? Pour les juristes de l'État. Un grand détour extraordinaire pour nous dire qu'il y a 4 000 serveurs au gouvernement, et là on cherche où sont les juristes de l'État. C'est vrai, ils doivent utiliser à l'occasion des ordinateurs. C'est une blague, Mme la Présidente.

C'est grave, ce qu'on vit ici aujourd'hui. C'est grave, ce qu'on vit ici aujourd'hui, et moi, depuis le début des discussions, j'ai toujours eu la conviction qu'il y avait une possibilité d'entente. Pourquoi? Parce que je connais personnellement les juristes de l'État. Parce que, quand on a un privilège d'être dans un ministère, on travaille avec eux directement; je sais qui ils sont, je connais leurs compétences. Est-ce que c'est le cas de la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques? Permettez-moi d'en douter.

Et là on fait des parallèles parce qu'aussi, tout d'un coup, tout le monde est devenu spécialiste dans le domaine des procureurs de la couronne, hein? Sur une base régulière, nous, on est au palais de justice? La réponse, c'est non. Mais je connais aussi très bien les procureurs de la couronne par un travail, évidemment, que j'ai eu pendant 28 ans, où on a côtoyé des procureurs de la couronne. Tous les policiers côtoient les procureurs de la couronne, et, savez-vous quoi, Mme la Présidente, on côtoie les juges aussi parce que les juges sont aussi là en finalité. Mais ça, ça intéresse tout le monde depuis deux semaines, on est tous spécialistes là-dedans, on est capables de comparer le travail de un, le travail de l'autre. Tous ces gens-là qui, pendant des semaines, ont voulu se faire entendre, tout d'un coup, ils ont des alliés, des alliés extraordinaires qui appuient sans aucune difficulté les demandes.

Est-ce qu'on peut prendre juste un pas de recul, Mme la Présidente, et regarder les choses telles qu'elles sont? Il n'y a pas quelque chose de bien compliqué dans la vérité, il y en a une seule, les juristes de l'État, effectivement, il y a un passé de discussion où il y a eu des lois spéciales. Et, quand j'entendais les collègues de la première opposition nous dire : Le Parti libéral... Et là on entend la partisanerie tellement forte qu'on n'entend plus le problème des juristes de l'État, on entend la partisanerie faire dire des choses qui me sidèrent. Quand j'entends : Ce gouvernement-là a fait une première, bon, il semble que, sur le volet salarial, on ne serait pas trop loin, et c'est terrible, ce que ce gouvernement-là fait.

Ils ont oublié, ils ont oublié que ce gouvernement-là a non seulement coupé le droit de grève à 450 000 fonctionnaires, mais ils ont coupé 20 % de leur salaire, 20 % du salaire des employés de l'État. Ça, si ce n'est pas un record, je me demande qu'est-ce que c'est. C'est ça qui s'est passé, et nous, aujourd'hui, dans des discussions, dans des tentatives, dans des négociations difficiles, certes, on va blâmer notre gouvernement de donner la parité salariale, même un peu plus, parce que c'est sur cinq ans. On verra ce que les procureurs de la couronne auront. Et ça, ça ne marche pas.

On a pris le tableau, on l'a expliqué, puis on a regardé les offres, les demandes et où on se retrouve aujourd'hui. Et là on dit : Bien non, le salaire, ce n'est plus important. On n'a pas parlé de salaire vraiment. Ah non? Première demande. Et la valeur intrinsèque du salaire dans un emploi, c'est normal. Quand un employeur rencontre un employé puis que l'employé dit : Bien, le salaire, ce n'est pas grave, M. le patron, moi, engagez-moi, puis on en reparlera après... Ce n'est pas ça qui se passe, la réalité de la valeur intrinsèque du salaire va avec l'emploi.

On a entendu, il n'y a pas longtemps, le président du Conseil du trésor, hier, s'est réglé par négociation — pas facile parce que les négociations, c'est ça — le contrat, évidemment, des gens qui travaillent à l'intérieur des centres de détention, les agents correctionnels. Depuis 60 ans, il semblerait qu'on ne s'était pas entendu d'une façon négociée. Bien, c'est arrivé. 60 ans, un autre record, Mme la Présidente, mais pas de l'opposition. Et est-ce que c'est important, les gens qui travaillent à l'intérieur des centres de détention? Je ne le ferais pas, moi, Mme la Présidente. Ces gens-là font du temps à l'intérieur, mais l'autre côté des barreaux. Est-ce que c'est important, ce travail-là? Est-ce qu'il doit être reconnu? Bien sûr. Et demandez aujourd'hui à un agent correctionnel si ses conditions de travail peuvent se comparer à celles d'un juriste de l'État. Bien, je les entends déjà me dire : Bien, voyons, là, M. le député, vous comparez quoi, là? Bien, je compare un employeur de l'État qui a réussi à négocier dans des conditions difficiles un travail qui n'est pas facile, que pas n'importe qui va faire. Et, aujourd'hui, on va nous dire qu'on était de mauvaise foi pour négocier avec les juristes?

Avant d'être adjoint parlementaire du président du Conseil du trésor, j'ai suivi ce dossier-là. Et, à chaque fois que j'avais l'occasion de discuter, de parler avec les juristes de l'État, je leur disais : J'espère que ça va se régler le plus rapidement possible, j'espère qu'on va réussir à s'entendre pour vous, les pères, les mères de famille, les gens, de jeunes avocates, de jeunes avocats, de jeunes notaires qui ont décidé de venir au gouvernement du Québec pour faire une carrière avec, certes, des bonnes conditions, qu'ils veulent améliorer, et c'est tout à fait louable, 1 100 personnes au service de l'État, Mme la Présidente. Les gens qui travaillent en milieu de détention sont aussi au service de l'État, les procureurs de la couronne sont aussi au service de l'État.

Et, quand on a eu le député de la CAQ, de Borduas, qui, pourtant, a une formation d'avocat, venir blâmer le président du Conseil du trésor, je pense qu'il a frappé un mur, je pense qu'il a eu une leçon de droit qui lui a fait la différence entre notre droit ici, au Québec, et à travers le Canada, la différence du quasi-judiciaire lorsqu'on parle des procureurs de la couronne. Un procureur de la couronne et un juge ne reçoivent pas de directions, d'orientations, de décisions de leur patron, jamais. Quand le juge décide, c'est en fonction de ce qu'il a entendu, des règles de droit, des jurisprudences, c'est sa décision. Quand les procureurs de la couronne reçoivent un dossier, ils l'étudient, ils l'évaluent et, en âme et conscience, doivent être convaincus qu'ils vont gagner ce dossier-là. Et, quand ils ont fait l'exercice, ils décident d'aller de l'avant ou, dans certains cas, de retirer les accusations. C'est leur propre décision, et personne — et ça, c'est notre droit au Québec — personne ne peut les influencer ou leur ordonner d'agir différemment.

Qu'est-ce qui se passe avec un juriste de l'État? Le client, c'est le gouvernement. Et ce n'est pas mal en soi parce que c'est la fonction. Et le juriste de l'État vient, évidemment, porter des recommandations, faire un travail important, mais en finale, que ça leur plaise ou pas, c'est le patron qui décide qu'est-ce qu'on va faire parce que c'est une information, une expertise essentielle à la prise de décision politique. Là est la différence. Ils veulent un statut que les juges n'ont pas, ils veulent un statut que les procureurs n'ont pas. Mais le salaire, ce n'est pas grave. Le salaire, ce n'est pas important. Pourtant, le salaire est là, on l'a très bien démontré.

• (2 h 40) •

Comment se fait-il qu'à la lumière des informations que nous avons on se retrouve ici aujourd'hui avec ces gens-là qui, depuis 18 semaines, se retrouvent dehors sans emploi, sans argent? Permettez-moi de penser, Mme la Présidente, que, par habitude de consultation, les juristes, lorsqu'ils ne sont pas au travail, consultent quelqu'un d'autre pour les guider. Et la décision de celui qui les guide, c'est Me Denis, celui qui a mené ces négociations-là. Et, quand on parle d'échec, j'ai un peu peur sur la projection de ce que j'ai entendu de Me Denis. J'ai été sidéré à chaque fois d'entendre des phrases de cette nature et, derrière lui, 1 100 personnes qui dépendent d'un commentaire, d'une décision, d'une orientation parce que c'est de nature chez eux, professionnellement, de le faire.

Je vais le citer, Mme la Présidente : «La grève "durera autant [...] qu'on n'aura pas ce qu'on demande."» Je vais revenir tantôt sur la définition globale d'une négociation. Ça, c'est le 11 novembre 2016 : «Le gouvernement devra porter l'odieux de l'impact de cette grève sur la population.» On est toujours au mois de novembre, je vous rappelle quelle date on est aujourd'hui.

On était partis sur une drôle de tangente, mais ça peut arriver, hein? Quand on a entendu le député de Sanguinet ce matin, c'est sûr qu'on était partis sur une drôle de tangente, c'était un dérapage complet. Mais on se dit : Avec un peu de recul, il va se replacer. Non, ça n'a pas été le cas.

23 février, Me Denis : Nos demandes sont les mêmes depuis le début. La population est derrière nous, même les radios-poubelles. Lui, il représente 1 100 juristes, des gens professionnels, sérieux, qui ont du vocabulaire, qui ont une profession, qui ont une fierté, et je les connais.

On continue, 7 novembre : «Ils sont rendus à nous manquer de respect, c'est carrément du mépris.» Là, on est arrivés vers le mépris puis le respect.

On continue : «C'est de l'ignorance et c'est du mépris[...]. Ils sont en train de nous rouler dans la farine.»

Ce sont des gens de mots, les juristes de l'État. Celui qui les représente dans la négociation fait preuve de peu de mots : C'est juste du mépris à notre égard. Le gouvernement ment quand il prétend rechercher l'équité. Est-ce qu'il parle de l'équité salariale? Les demandes, évidemment, de LANEQ, 119 000 $; le gouvernement, 116 997 $. Les procureurs, 116 642 $. C'est vrai que ce n'est pas équitable, ils ont un peu plus. Ça, c'est la réalité, Mme la Présidente. Et il y a 1 100 personnes qui étaient dehors aujourd'hui, qui n'ont pas encore de salaire, des impacts sur leurs familles. Et celui qui les guide, c'est ce qu'il dit : «Le mépris s'accentue, le mépris continue, a-t-il dit. Ils ne font que ça, [parce qu'ils] veulent nous épuiser, ils veulent nous faire rentrer à genoux.»

Et là écoutez bien, qu'est-ce qu'on fait ici? Une loi spéciale. Ça n'a pas de bon sens, Mme la Présidente. Qui aurait voulu ça? Me Denis. «On les met au défi : faites-nous donc une loi spéciale pour voir.» Ça, ça a été le mot de bienvenue au président du Conseil du trésor lorsqu'il a pris le dossier par les différentes nominations. On les met au défi. Ils nous demandent : «Faites-nous donc une loi spéciale pour voir.» Je ne sais pas ce que les 1 100 juristes ont pensé de ce défi.

On continue : «M. Leitão parle de négocier dans le cadre habituel. Moi, j'ai dit à M. Leitão — et là on parle de beaucoup de mots — on s'en fout, du cadre habituel.»

On continue : «Ça va nous amener encore plus loin pour nuire au gouvernement lors de la prochaine session parlementaire.» Oh! là, ça, c'est de la bonne foi!

 Qu'ils nous fassent ça, ils vont voir, mais qu'on rentre, qu'est-ce qui va arriver. Savez-vous quoi? Je ne le crois pas, moi, des 1 100 juristes de l'État parce que ce n'est pas ce type de personnes là. Mais celui qui les guide et les conseille, c'est ça qu'il dit, lui : Faites-nous rentrer, vous allez voir ce qui va se passer. Ça, c'est de la bonne foi, Mme la Présidente? Je vais vous dire, si on veut débattre ça devant les tribunaux... M. Denis, il parle de prendre sa retraite plus rapidement, là. Il a dit ça, là, il a dit ça aujourd'hui. Il les aide vraiment, là, il leur donne tout un coup de main : Je vais prendre ma retraite un an plus vite, moi, hein? Dans le fond, là, c'est un gouvernement de merde, je le cite. Les 1 100 juristes sont fiers d'avoir quelqu'un qui les a guidés là? «Le président du syndicat avait recommandé à ses membres de rejeter massivement "l'offre de merde" du ministre Moreau.» Des gens de peu de mots.

Là, M. le président du Conseil du trésor a dit : Écoutez, on explique les chiffres, on les donne, on les démontre, on fait des tableaux, on invite les médias, on dit à la population du Québec : Voici ce qu'on offre, là. Savez-vous ce que M. Denis a répondu? «Qu'il [la] fasse, [son offre,] on va la démolir, son offre.» Et là, bien, à l'occasion, parce que publiquement il n'y avait pas toujours la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour aller devant une caméra, il est allé sur Twitter : «Puis les maudits procureurs de la couronne, je les emmerde.» Sérieux, là, sérieusement, Mme la Présidente, c'est inquiétant.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, c'est quelque peu inquiétant, M. le député. Il faut que vous soyez un peu plus prudent avec vos propos, même en citant des articles.

M. Poëti : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, ce sont des propos qui sont inacceptables ici, en notre enceinte, alors je vous demande un peu plus de prudence. Merci.

M. Poëti : Je vais être très prudent. En fait, je vais arrêter de citer Me Denis. Et, si je citais les 1 100 procureurs et les juristes de l'État que j'ai rencontrés, dont ceux avec qui j'ai travaillé, je n'ai jamais entendu l'ombre d'un mot de cette nature, Mme la Présidente. Alors, si on cherche le problème, je pense qu'on l'identifie assez facilement, on est guidé vers une contre-négociation, on est guidé en dehors du cadre naturel qu'on veut avoir. En clair, Mme la Présidente, un salaire moyen au-delà de 100 000 $ pour 35 heures-semaine, du temps supplémentaire payé, un régime de retraite financé en partie par le gouvernement, des avantages sociaux, une sécurité d'emploi, ça, ça a une valeur, Mme la Présidente, ici, au Québec. Et on reconnaît la compétence des juristes, on reconnaît leur capacité à travailler.

Depuis le début des négociations, j'ai entendu, par tout le monde des oppositions, qu'on était de mauvaise foi et qu'on n'a pas bougé. Le 16 février 2016, le 24 novembre 2016, le 30 novembre 2016, le 24 janvier, le 23 février 2017... a eu des nouvelles offres. Et c'est pour ça qu'à chaque fois que je les rencontrais je disais... et j'étais fortement convaincu qu'on arriverait à s'entendre. Mais il y a une chose qu'ils ont oubliée et il y a une chose que les gens à la table auraient dû leur dire : C'est clair, le président du Conseil du trésor, le gouvernement actuel n'acceptera pas de donner à un tiers la décision, l'imputabilité, la responsabilité de choisir les conditions de travail. C'est notre responsabilité pour les citoyens du Québec qui paient des impôts.

On s'est entendu avec 450 000 fonctionnaires, on s'est entendu avec des groupes particuliers comme eux. Les agents correctionnels, depuis 60 ans, une entente négociée. Nous n'étions pas capables de nous entendre ensemble, je ne le crois pas encore. Et il aurait fallu, dans une négociation, un pas de part et d'autre, et non rester sur une prémisse de base. Une fois que le salaire a été entendu, bien là, tout d'un coup, le statut était plus important que la réalité.

Alors, Mme la Présidente, on est tristes de voir une négociation se terminer comme celle-là. Mais le président du Conseil du trésor a eu la générosité, à l'intérieur du projet de loi, encore une fois, de donner une chance à la négociation. Mais, pour le citoyen qui a eu un accident d'automobile, pour la personne qui a un problème majeur parce que c'est une victime d'acte criminel, pour les citoyens qui ont besoin des services publics, bien, ces gens-là, aujourd'hui, sont brimés. Après 18 semaines, il est temps que le gouvernement dise : C'est assez, et demande aux procureurs, aux juristes de l'État de travailler avec nous, et être capables de s'entendre à l'intérieur d'une négociation réfléchie, de travailler à l'intérieur d'un cadre pour permettre une entente entre les deux, et que les citoyens du Québec cessent d'être lésés par des phrases, par des mots qui ne leur ressemblent pas. Merci, Mme la Présidente.

• (2 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Richelieu.

M. Sylvain Rochon

M. Rochon : Merci, Mme la Présidente. J'aurais bien pu, à une dizaine de reprises, me lever invoquant l'article 35. Ce discours à l'emporte-pièce, Mme la Présidente, du député de Marguerite-Bourgeoys...

Des voix : ...

M. Rochon : Ah! c'était un discours à l'emporte-pièce. Il est bien mal placé pour critiquer ce qu'il a entendu de notre côté plus tôt aujourd'hui. Ce discours à l'emporte-pièce, il est instructif, Mme la Présidente. Il aura servi à quelque chose, à nous aider à comprendre pourquoi nous en sommes là aujourd'hui. Nous en sommes là en raison de cette attitude, en raison de cette attitude, Mme la Présidente, de ce discours vieux comme la terre, de cette stratégie vieille comme la terre consistant à semer la division, hein, chez la partie syndicale.

Il y a Gilbert Lavoie qui écrivait dès janvier : «Personne ne croyait que le gouvernement laisserait "sécher" ces serviteurs de l'État sur le trottoir aussi longtemps. [...]le gouvernement a opté pour la ligne dure.» C'est Gilbert Lavoie qui a écrit ça. On l'a entendu, la ligne dure, il y a un instant, d'ailleurs. «L'explication officielle est que l'on créerait un précédent coûteux en cédant aux demandes des juristes qui veulent le même traitement que les procureurs de la couronne. On m'a expliqué que, contrairement aux procureurs, les avocats du gouvernement ne plaident pas devant les tribunaux. C'est faux — écrit Lavoie. On m'a aussi déclaré que les procureurs doivent être indépendants du pouvoir dans leur travail, comme les juges. Serait-ce — demande Lavoie — que le gouvernement croit que ses avocats et ses notaires sont les valets des politiciens?» C'est une bonne question, Mme la Présidente.

«Ça finira par se régler — conclut Gilbert Lavoie — mais imaginez un peu l'atmosphère de travail quand [les] 1 100 employés reprendront le travail avec une importante dette de grève qu'il leur faudra rembourser pendant des années.»

Mme la Présidente, c'est donc hier et aujourd'hui que le gouvernement a choisi de faire sa loi. Parce que ce gouvernement est un gouvernement qui fait sa loi. Hier et aujourd'hui...

Une voix : ...

M. Rochon : Oui, sa loi, faire la loi, faire sa loi. Hier et aujourd'hui, après quatre mois de travaux parlementaires au ralenti qui n'avaient pas l'air de bien déranger l'équipe ministérielle, je me vois encore demander au leader adjoint, à la rubrique des renseignements sur les travaux, s'il ne fallait pas regretter les cahiers incomplets, sans notes explicatives, remis aux députés pour l'étude article par article des rares projets de loi au feuilleton. Je me réentends lui faire remarquer que des commissions parlementaires — mon collègue de Jonquière a fait allusion à ça, tantôt — étaient convoquées pour, finalement, ajourner leurs travaux avant l'heure. Ça ne paraissait pas beaucoup l'impressionner, Mme la Présidente. Ça ne l'impressionnait pas, il tournait ça en dérision. Et voilà qu'en pleine semaine de travail en circonscription, deux semaines statutaires, là, prévues au calendrier parlementaire, voilà que maintenant, plutôt que de choisir de négocier à temps plein, de profiter de ces semaines-là, le gouvernement nous sollicite de quitter nos circonscriptions pour son coup de force. Parce qu'une loi spéciale, c'est un coup de force.

Mme la Présidente, notre devoir comme députés est notamment, c'est vrai, un travail de législateur, celui d'étudier, d'analyser, de voter les projets de loi. Ce rôle, les citoyennes et les citoyens du Québec nous ont élus dans chacune des 125 circonscriptions que nous représentons pour que nous l'exercions avec sérieux, ils ont investi en nous leur confiance. Eh bien, nous devons nous en montrer dignes. Adopter à la vapeur, en participant dans la nuit, un projet de loi spécial, ce n'est pas à la hauteur de ce qu'on attend de nous, Mme la Présidente.

Cette procédure d'exception, Mme la Présidente, suspend des règles qui n'ont pas été établies innocemment, qui n'ont pas été établies juste pour noircir du papier. Elles ont été établies pour éviter aux Québécoises et aux Québécois savez-vous quoi? Un gouvernement qui impose sa loi. Ce gouvernement impose sa loi, il impose ses conditions. Il dicte, il contraint, il détermine, il commande. Alors, il court-circuite le processus de négociation, d'une part, et, d'autre part, par le recours à des procédures d'exception, le travail rigoureux pour lequel nos concitoyennes et nos concitoyens nous ont élus. Cette façon de gouverner, Mme la Présidente, n'est pas celle d'un gouvernement qui cherche des consensus, n'est pas celle d'un gouvernement à la recherche du vivre-ensemble. Ce gouvernement, il veut faire la loi, la faire seul, sans nous. C'est ça, son modèle. C'est sa philosophie, c'est sa manière, faire sans, faire seul.

Il y a mon collègue de Borduas qui, tantôt, n'a pas eu tort de parler du réseau de la santé. Là aussi, le gouvernement fait la loi, impose sa loi, ce qui s'est traduit par l'abolition, dans nos circonscriptions, des centres de santé et de services sociaux. Devant l'hôpital, chez moi, à Sorel-Tracy, n'a toujours pas été retiré de son socle le panneau annonçant le Centre de santé et de services sociaux Pierre-De Saurel. C'est écrit ça : CSSS Pierre-De Saurel, direction générale. Eh bien, c'est désormais, ce panneau-là, un monument élevé au passé, ça n'existe plus. Ça n'existe plus parce que le gouvernement fait la loi chez moi. Terminées, les instances locales, c'est le ministre qui décide.

Qui sont les juristes de l'État, Mme la Présidente? 1 100 avocats, notaires répartis dans les ministères et organismes du gouvernement du Québec. Au service de l'intérêt public, ils participent à la représentation du gouvernement en tant que plaideurs auprès des tribunaux civils, administratifs, pénaux. Ils agissent comme conseillers juridiques et légistes auprès des ministres et présidents d'organisme, les juristes de l'État qui fournissent des conseils juridiques apolitiques, dictés par le respect de la primauté du droit, alors fonctions de conseil, enquête, appels d'offres, conformité constitutionnelle.

• (3 heures) •

La ministre de la Justice a dressé un portrait à faire peur, un peu plus tôt, des impacts de ce conflit de travail en ne se rendant pas compte d'une chose essentielle, et j'ai trouvé ça surréaliste, absolument surréaliste. Elle ne se rend pas compte que ce gâchis, c'est celui de son gouvernement, son gouvernement, Mme la Présidente. Est-ce qu'elle sait qu'elle est au gouvernement? Est-ce qu'ils savent qu'ils sont au gouvernement? Je me le demande parfois.

Un millier de contrats, pour une valeur de 868 millions de dollars, octroyés sans conseil juridique depuis quatre mois. C'est leur faute, là. La plupart de ces contrats se trouvent au ministère des Transports du Québec, tu sais, au moment où j'ai juste devant moi, là, le député de Marguerite-Bourgeoys. Alors, c'est une préoccupation à apporter auprès du Vérificateur général du Québec. Il faut examiner la conformité de ces contrats-là, certainement. Les plus importants contrats gouvernementaux octroyés par appel d'offres depuis le début de la grève : 111 millions de dollars, achat de produits pétroliers par le Centre de services partagés du Québec; 71 millions de dollars, contrat pour la reconstruction du pont Gouin sur la rue Saint-Jacques à Saint-Jean-sur-Richelieu, octroyé par le ministère des Transports; 48 millions, achat de véhicules légers par le Centre de services partagés du Québec. Et, dans le cas des contrats conclus sans appel d'offres, les plus importants concernent des services professionnels, 40 millions de dollars; des produits technologiques, 24 millions; des produits applicatifs, 15 millions, acquis par le Centre de services partagés du Québec.

Nos juristes, ils occupent des fonctions de légistes, hein, élaboration de lois, de règlements, de programmes, de politiques. Notre menu législatif a été très mince pour une deuxième session parlementaire consécutive. C'est leur faute, Mme la Présidente. C'est la faute de ce gouvernement qui n'a pas négocié, qui n'a pas négocié de bonne foi, il n'y avait qu'à entendre tantôt le ton du député de Marguerite-Bourgeoys pour nous en convaincre, Mme la Présidente. Alors, impact sur les services aux citoyens, commission des normes et de la santé et sécurité au travail et Curateur public, blocage dans la rédaction d'au moins 20 projets de loi, plus de 220 projets de règlement.

Je vois le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles qui aura bien besoin des juristes, lui dont le projet de loi n° 106, maintenant adopté en pleine nuit sous bâillon, là, comme maintenant d'ailleurs, est parsemé, n'est-ce pas, de reports à des règlements dont on n'a jamais encore vu la couleur et qui vont déterminer sa portée. Un autre incroyable déficit démocratique. Retard dans environ 6 000 causes devant les tribunaux administratifs, civils et pénaux. Retard sur plus de 400 dossiers de cotisation judiciarisés à Revenu Québec, pouvant représenter plus d'une dizaine de millions de dollars en intérêts. 300 règlements d'emprunt dans les municipalités, 870 millions en contrats gouvernementaux octroyés sans conseil juridique approprié, 500 000 heures de travail au moins et conseils juridiques non rendus au gouvernement.

Mme la Présidente, la mauvaise foi de ce gouvernement doit cesser. Elle doit cesser. Nous réclamons depuis le début du conflit que les négociations soient menées de bonne foi afin qu'une solution négociée soit trouvée dans les plus brefs délais. On s'attendait à ce que le président du Conseil du trésor abandonne le ton de la confrontation et fasse tout ce qui est en son pouvoir pour dénouer l'impasse. Ce n'est pas ce qui s'est produit. Le ministre, Mme la Présidente, il peut faire arrêter la grève, c'est vrai, mais on ne construit pas l'avenir en s'y prenant comme il s'y prend. On compromet l'avenir. Et vous savez quoi? Les Québécoises et les Québécois se rendent compte, réalisent que ce gouvernement compromet leur avenir. Le gouvernement avait sans doute fait le pari que les Québécois n'y verraient que la poursuite d'intérêts corporatistes, syndicaux, personnels. Bien non, ça ne s'est pas produit. Ils ont de l'estime pour ce groupe-là et puis ils réalisent que c'est pas mal plus compliqué pour les juristes de l'État de négocier que pour les médecins, pas mal plus compliqué. Le président du Conseil du trésor ne devait pas être très à l'aise de voir son collègue de la Santé négocier avec les médecins, n'a pas dû trouver ça bien, bien responsable. Le leader adjoint, là, qui tout à l'heure nous citait le salaire moyen d'un juriste, j'aimerais ça qu'il nous cite le salaire moyen d'un radiologiste, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le député de Richelieu. Maintenant, je vais céder la parole à M. le député de Sainte-Rose.

M. Jean Habel

M. Habel : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, ce n'est pas dans la joie que le gouvernement prévoit l'adoption de mesures législatives d'exception, mais, depuis quatre mois, le conflit de travail perdure entre le gouvernement et ses employés avocats et notaires. Après quatre mois, il n'était plus l'heure à la médiation mais bien à la négociation. En l'absence de volonté des avocats et notaires de l'État québécois, le syndicat qui représente les juristes de la fonction publique a effectué un silence radio suite à la proposition finale de mon collègue, et l'absence de la table de négociation, jumelée à un défi lancé de mettre une loi spéciale, galvanisé par Me Denis, il apparaissait évidemment improbable d'en arriver à une entente dans ces termes. Je ne répéterai pas les propos de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, qui a cité plusieurs propos non parlementaires de la part de Me Denis, qui a certes terni, Mme la Présidente, le processus des négociations entre LANEQ et le gouvernement.

Mme la Présidente, j'ai beaucoup de respect pour les juristes de l'État. Cependant, étant donné leur travail essentiel au bon fonctionnement de l'appareil public, nous n'avions d'autre choix que de prévoir l'adoption d'une mesure législative concrète et d'exception. C'est ainsi que mon collègue ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du trésor a présenté le projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation des services juridiques.

Mme la Présidente, nous avons toujours agi de bonne foi dans la négociation avec nos employés. Lorsqu'on regarde les 450 000 employés de l'État qui se sont entendus avec le gouvernement, nous pouvons réaliser que nous avons toujours eu la main tendue avec les employés de l'État. Vous pouvez le voir encore cette nuit, nous avons eu une entente de principe avec les agents de la paix, notamment, hier, ceux aussi qui travaillent dans les services correctionnels.

Cependant, lors de la médiation, nous avons proposé des offres qui à chaque fois étaient de plus en plus intéressantes aux juristes de l'État, et force est de constater, Mme la Présidente, que les avocats et notaires de l'État, qui sont en grève générale illimitée depuis le 24 octobre 2016, depuis plus de quatre mois, ne voulaient pas, eux, mettre de l'eau dans leur vin, alors qu'on a fait une proposition qui dépassait le salaire des procureurs. Cependant, avec le projet de loi n° 127, Mme la Présidente, nous demeurons toujours ouverts à la négociation, avec aussi une mention de conciliateur.

Mme la Présidente, cette mesure spéciale vient du fait que leur travail est indispensable, et il est important pour nous, après plus de 18 semaines, de ne pas mettre au détriment ce conflit pour les citoyens du Québec. De nombreux citoyens attendent à être entendus dans des causes qui touchent leur vie personnelle et professionnelle. Pensons aux nombreuses personnes qui attendent d'être entendues dans un système judiciaire qui s'engorge étant donné les journées de grève supplémentaires, qui retarde des dossiers névralgiques dans les ministères, les organismes gouvernementaux et les tribunaux administratifs. Cette grève est en soi un blocage sérieux au fonctionnement du gouvernement et au processus judiciaire, de même qu'à l'exercice des droits pour les citoyens du Québec. Elle porte atteinte à la prestation de services pour les Québécois, et nous devions en venir à une résolution.

• (3 h 10) •

Le député de Borduas, Mme la Présidente, a affirmé que des projets de loi et des règlements sont en attente, il y a des annulations de commission parlementaire, il y a des remises massives dans les différents dossiers de la cour, et je pourrais continuer encore et encore, Mme la Présidente. Mais essentiellement ses propos étaient : Réglons la situation. Il apparaissait donc évident qu'il voulait que les juristes de l'État reviennent au travail le plus rapidement possible. Et la citation aussi de la députée... les propos de la députée de Pointe-aux-Trembles allaient dans le même sens, Mme la Présidente, nous devions en venir à une résolution de ce conflit.

Le projet de loi n° 127 permet donc un retour au travail, mais aussi la poursuite de la négociation, Mme la Présidente. C'est un projet de loi qui est équilibré, un projet de loi qui vient régler la situation, mais aussi perdurer la négociation, Mme la Présidente. Il fallait le faire pour les citoyens du Québec. Ce sont des mesures de négociation constante qui seront offertes dans le projet de loi n° 127. Parce que, si on regarde hier, il apparaissait évident qu'on était dans une impasse, Mme la Présidente, nous avions une volonté de négocier. Mais, lorsqu'on regarde les chiffres... Et, Mme la Présidente, je ne suis pas avocat, mais je suis comptable et, lorsqu'on regarde les chiffres, Mme la Présidente, ils sont clairs. À chaque fois que le gouvernement a rencontré les gens de LANEQ, il y avait une augmentation des offres gouvernementales. Du 16 février 2015 jusqu'au 23 février 2017, il y a eu des augmentations constantes des offres gouvernementales, allant même, suite à ce que le président du Conseil du trésor est entré en poste, à une augmentation par rapport à celle des procureurs au niveau salarial.

Mme la Présidente, ce sont des mesures concrètes, de bonne foi que nous avons présentées et, le député de Marguerite-Bourgeoys, Mme la Présidente, l'a évoqué, il y a eu, de la part de Me Denis, un ternissement des négociations. Cependant, nous nous sommes levés à chaque fois — et le président du Conseil s'est levé — afin de toujours bonifier les propos, parce que nous trouvons que les juristes font un travail essentiel pour l'avenir du Québec, mais nous devons toujours le faire avec des balises claires. Et quoi de plus clair, Mme la Présidente, que des chiffres, des chiffres qui sont, ici, assez clairs jusqu'au 23 février. Nous allons leur demander de poursuivre la négociation avec le projet de loi n° 127, Mme la Présidente, c'est clair, net et précis. Mais, quand on se fait mettre au défi de faire une loi spéciale, ce n'est pas dans la perspective d'améliorer le climat de négociation, Mme la Présidente.

Par ailleurs, LANEQ demande aussi que le même régime de négociation soit celui applicable des procureurs du DPCP et que la mise en application immédiate de celui-ci soit afin de recouvrir la période en cours. Cela ne représente pas la vision de notre gouvernement, Mme la Présidente. Nous ne pouvons, Mme la Présidente, sous-traiter 60 % des dépenses publiques de l'État. Nous ne pouvons le faire, Mme la Présidente, parce que, si nous le faisons, nous confions à un tiers qui est non imputable la gestion de 60 % des dépenses de l'État. À titre de comptable, je ne le suggère pas, Mme la Présidente, parce que, si on confie ça, on rend non imputables les élus de cette Assemblée nationale.

Et soulignons quand même que le gouvernement a proposé la mise sur pied d'un comité consultatif devant faire rapport, dans un délai donné, sur le statut des juristes de l'État et que LANEQ a refusée. Alors, Mme la Présidente, le projet de loi n° 127, c'est un projet de loi qui est équilibré, c'est un projet de loi qui propose, oui, le retour, dès le 1er mars, de la présence des juristes de l'État, mais c'est un projet de loi qui, lorsque vous allez le consulter, Mme la Présidente, à l'article 20, l'article 21 et tous les articles subséquents, propose une négociation qui doit être de bonne foi, des mesures claires qui nous amènent, si le besoin est, vers un conciliateur ou la médiation.

Alors, Mme la Présidente, c'est sûr et certain que nous allons devoir voter pour ce projet de loi. Mais, Mme la Présidente, il faut être deux pour danser, il faut que Me Denis soit capable de réaliser que ce sont des offres qui sont essentielles, qui sont intéressantes pour les juristes de l'État, mais il doit aussi réaliser que nous devons, chacun des deux côtés, être de bonne foi. Nous l'avons fait maintes et maintes fois en augmentant nos offres du 16 février 2015 au 23 février 2017. Alors, nous allons procéder dans un processus de bonne foi. Nous invitons aussi les gens, comme Me Denis, à procéder de cette façon. Alors, je vais voter pour le projet de loi spéciale. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Sainte-Rose. Et maintenant je vais céder la parole à M. le député de René-Lévesque, tout en vous rappelant que vous disposez d'un temps de parole de 11 min 53 s.

M. Martin Ouellet

M. Ouellet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, à mon tour de prendre la parole et de clore ce débat, du côté de ma formation politique. Il est présentement 3 h 15, alors je manque peut-être un petit peu de voix, mais j'ai encore toute la vivacité d'esprit pour positionner, encore une fois, ce projet de loi. Puis je pense que ça serait important de le remettre en contexte.

Ce projet de loi là, Mme la Présidente, assure la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permet la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.

En d'autres termes, Mme la Présidente, c'est une loi qui met fin aux moyens de pression pour forcer le retour au travail en définissant un cadre très strict, fixe dans le temps, avec des pénalités syndicales, et ce, sans une offre salariale à la hausse, le tout en niant l'existence fondamentale d'une situation d'exception dans le statut des salariés et en ne permettant pas d'en discuter pour mieux le circonscrire.

En gros, on casse les moyens de pression, on retourne à l'ouvrage. Bref, on a assez perdu de temps, Mme la Présidente, on vous donne — aux gens de LANEQ — 60 jours pour négocier, 45 jours de médiation, donc 105 jours, total, pour arriver à une fin, une fin qui devrait convenir exclusivement des salaires, rien sur le statut. Et, si on ne s'entend pas, Mme la Présidente, bien, on reproduit la convention collective telle qu'existante pour les cinq prochaines années.

Alors, Mme la Présidente, pour nos citoyens, pour nos travailleurs, pour nos juristes, pour l'état des relations de travail, il est important de recentrer le débat où il doit être : c'est un débat de droit et non un débat de chiffre. Et, on a vu, la partie gouvernementale a essayé de gagner l'opinion publique. Ils ont essayé de démontrer la justesse de l'imposition de la loi et essayé de faire passer ce projet de loi là comme étant la solution, comme étant la raison, Mme la Présidente. Oui, ce projet de loi, c'est la solution libérale pour punir les travailleurs, c'est la raison libérale de renier un principe fondamental, Mme la Présidente, de libre négociation.

Et j'ai assisté à l'ensemble des représentations de tous mes collègues, mais quelques-unes m'ont fait un peu tiquer les oreilles, je vous dirais, Mme la Présidente. Tout d'abord, le député de Mégantic est arrivé avec un constat alarmiste : les juristes de l'État gagnent 100 000 $ par année pour 35 000 heures par semaine...

Des voix : ...

• (3 h 20) •

M. Ouellet : ...35 heures par semaine, pardon. Et il a déposé ça dans le débat, juste comme ça, en nous faisant peut-être croire que c'était une norme. Mme la Présidente, ce n'est pas une norme, c'est un état maximal d'une situation. Alors que les juristes ont obtenu, à travers toutes leurs négociations... je pense qu'ils ont obtenu un salaire plus que convenable pour un travail essentiel et exigeant. Et ils ne l'ont pas volé, Mme la Présidente, ils l'ont négocié, ils l'ont obtenu, ils se sont entendus, ils l'ont convenu, bref, entre les parties. Et ça, c'est le fruit de plusieurs négociations. Alors, Mme la Présidente, le débat n'est pas là.

Deuxième chose qui m'a fait titiller un peu : la masse salariale. Là, on nous a fait miroiter... on nous a fait comprendre que 60 % de la masse salariale des juristes était le coût. Et là on a grossi la loupe, on a dit : Chaque pourcentage compte dans la gestion des finances publiques, c'est important. Alors, en grossissant la loupe, Mme la Présidente, on a transformé ces pourcentages en millions, et ces millions-là ont été inclus dans des milliards.

Je pense qu'il faut faire attention, Mme la Présidente. Les demandes des juristes ne sont pas affriolantes, ils ont demandé un rattrapage. Mais, lorsqu'on grossit cette loupe-là, ça a l'air immense, dans l'enveloppe globale du gouvernement. Mais j'aimerais savoir, moi, si cette attention particulière qu'on porte à ce pourcentage donné ou enlevé aux juristes de l'État est aussi importante et préoccupante que ce pourcentage supplémentaire qu'on a donné aux médecins. Est-ce que, dans un État de droit, ce pourcentage est moins important pour les juristes qu'il ne l'a été pour les médecins spécialistes? Est-ce que le droit des médecins et des spécialistes d'avoir une plus grande rémunération est plus grand que le droit des juristes d'avoir une pleine compensation? Mme la Présidente, je pense que le débat ne se situe pas là non plus.

Les collègues gouvernementaux aussi, pendant la nuit, ont essayé de nous dépeindre l'obstination de LANEQ de ne pas vouloir régler selon les offres du gouvernement à coup de citations du président de LANEQ, et même certains de nos collègues nous ont lu les découpures de presse, découpures de presse que nous avons tous lues dans nos documents. On a tenté de diaboliser LANEQ, on a tenté de pointer son président pour en faire un coupable, de trouver le méchant. On a essayé de démontrer son intransigeance comme étant un signe de fermeture, qu'il a mis au défi le gouvernement d'une loi spéciale. Si on est rendus là, Mme la Présidente, aujourd'hui, ça serait de sa faute à lui et à ses membres.

Non, Mme la Présidente, ce n'est pas ça qui fait qu'aujourd'hui on est rendus là. Nous, on a une autre version. Ma députée la collègue de Pointe-aux-Trembles a rencontré les membres de LANEQ plus souvent, je suis convaincu, que l'ensemble des collègues et des ministres de la partie gouvernementale. Et les membres, en solidarité, ont décidé de mener un combat juste. Après des promesses brisées des dernières négociations, grève, loi spéciale, ils ont voulu dialoguer, Mme la Présidente, ils ont voulu faire comprendre, ils ont voulu expliquer, ils ont voulu démontrer le bien-fondé de leur représentation, pourquoi ils se battaient pour ça, pourquoi ils faisaient la grève à chaque jour dans le froid. Ils ont essayé d'avoir cet espace de discussion qui, malheureusement, Mme la Présidente, achoppe, puisqu'on est rendus à une loi spéciale.

Ce qui est encore plus aberrant, puis c'est ce que j'ai cru comprendre aussi, c'est qu'il existait une différence entre ce que le ministre disait dans les médias, dans sa capacité de négocier ou dans sa volonté de négocier, et ce qui était transmis aussi à la table des négociations auprès des négociateurs. Alors, on avait deux discours entre ce qu'il voulait être comme étant l'idéal à atteindre, mais ce qui était concrètement offert aux membres de LANEQ. Alors, de dépeindre le syndicat, et son président, et les membres comme étant le grand diable dans les détails dans cette négociation... Je pense, Mme la Présidente, que c'est hasardeux de ne prendre qu'un seul revers de la médaille et ne pas regarder l'autre côté.

Mme la Présidente, si on est rendus là, c'est-à-dire de voter une loi pour forcer le retour au travail et de déterminer un cadre temporel de négociation, je pense qu'il y a eu un trou de mémoire du côté de la partie gouvernementale, là. On dirait que leur hippocampe, là, il n'a pas fonctionné au bon moment, là. On oublie que la convention collective était échue depuis 2015, on oublie ces 18 semaines de grève qui servaient aux membres de LANEQ de se faire entendre et de se faire voir. L'échec n'appartient pas aux juristes, Mme la présidente, il appartient au gouvernement d'avoir usé de stratégies de négociation pour affaiblir la position syndicale, de profiter d'un momentum à l'avantage du gouvernement pour justifier son intervention. Et là, là, on a entendu l'avantage, là.

Présentement, les tribunaux sont embourbés, Mme la Présidente. On a fait des représentations ici, en Chambre, avant même la grève des juristes. Les tribunaux étaient déjà embourbés, on manquait de procureurs, on manquait de monde. Il n'y a pas juste nous autres qui l'ont dit, les spécialistes sont intervenus, puis la ministre a décidé d'agir et mettre du monde supplémentaire. Ça fait que l'embourbement qu'on vit aujourd'hui n'est pas tributaire exclusivement de la situation des juristes, mais il est tributaire d'un ensemble de facteurs, et ça, je pense qu'il faut en tenir compte.

L'autre partie qui nous force à agir rapidement, c'est l'urgence du menu législatif, Mme la Présidente. Je ne sais pas si cette urgence est pour l'avenir, mais elle n'est assurément pas pour le passé, puisque le menu législatif est très mince — et mon collègue de Jonquière, d'ailleurs, vous l'a bien démontré lors de son étude article par article dans son projet de loi n° 102 — ses cahiers sont vides, sont blancs. Alors, le président du Conseil du trésor fait des farces avec les cahiers à colorier du collègue de la deuxième opposition, mais ce qu'il nous remet en commission, ce sont des cahiers blancs, des cahiers à dessiner, Mme la Présidente.

Une guerre de chiffres encore, le gouvernement ne veut pas confier à un tiers l'établissement des conditions de travail, ça serait un impair, selon eux, ça serait incompatible avec la capacité financière. Là, Mme la Présidente, là, là j'achoppe. Là, là, la dichotomie frappe le gouvernement. En décembre dernier, avec le ministre des Affaires municipales, le député de Nelligan, on est venu jouer dans le Code du travail pour créer un nouveau régime d'exception pour les salariés des municipalités autres que les policiers et pompiers. Bien, oui, c'était pertinent, en décembre dernier, de dire aux maires : Écoutez, si vous arrivez à une impasse, Mme la Présidente, là, je vais vous donner un médiateur spécial qui va me recommander la finalité de votre négociation, Mme la Présidente. Alors, des maires et des mairesses à la recherche d'autonomie et de pouvoir qu'on a rencontrés dans le projet de loi n° 122 ont dit oui à ce mécanisme, Mme la Présidente. Ils ont dit oui comme étant le mécanisme pour conclure une négociation qui était dans l'impasse, Mme la Présidente.

C'est ça que les juristes veulent, Mme la Présidente. Ils veulent un tiers indépendant non lié qui permet une fin à la négociation lorsque toutes les avenues ont été utilisées. Mais à trois reprises, Mme la Présidente, pas une fois, pas deux fois, pas trois fois, à trois reprises, on leur a dit non, Mme la Présidente. Alors, on les comprend d'être aujourd'hui avec nous dans les gradins, et d'entendre ce qui se passe, et d'être déçus de la suite. Je les comprends et je les entends très bien, Mme la Présidente.

Je vous dirais, Mme la Présidente, qu'après avoir passé toute la nuit, le matin va nous amener à l'adoption du projet de loi. Mais, à l'heure actuelle, pour nous, Mme la Présidente, l'espace de négociation à la marge n'existe plus. Les pages encore blanches de la négociation ont été remplacées, Mme la Présidente, par la noirceur de l'encre de cette loi spéciale, Mme la Présidente. Les juristes vont en garder un souvenir indélébile. Et, pour nous, pour notre formation politique, nous marquerons ce moment en signifiant notre opposition à cette loi, parce que, pour nous, la solidarité et le combat que les membres, que LANEQ ont mené, c'était un droit juste et fondamental. Et présentement, avec ce projet de loi, Mme la Présidente, il est bafoué. Je vous remercie.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le député de René-Lévesque. Et, pour la poursuite de ce débat, je vais céder la parole à M. le député de Pontiac.

M. André Fortin

M. Fortin (Pontiac) : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, Mme la Présidente, ou bon matin. Je ne suis plus trop certain.

Mme la Présidente, j'ai entendu plusieurs des allocutions de certains de nos collègues, celle du député de Richelieu le toujours divertissant député de Richelieu, qui s'est terminée de façon abrupte. Il nous a demandé de parler des salaires moyens. Je vais lui en donner un, salaire moyen, Mme la Présidente. Dans la MRC Pontiac, le revenu disponible par habitant, c'est 21 740 $. 21 740 $ pour payer l'hypothèque, 21 740 $ pour nourrir les enfants, pour les paiements de l'auto, 21 740 $ pour tout le reste, Mme la Présidente. Puis moi, c'est eux que je représente, ce n'est pas quelqu'un d'autre. Ici, c'est eux que je représente, ces gens-là.

Alors, quand on parle à tous ces gens-là, les gens qui paient des taxes, qui paient des impôts, ce n'est pas toujours évident quand on fait 21 740 $. Même s'ils pensent que c'est trop, ils paient leurs impôts. Même s'ils pensent que c'est trop, ils le font de façon honnête, ils le font comme des bons citoyens. Et, pour ces gens-là, Mme la Présidente, pour ces gens que je représente ici, on se doit d'être transparent avec eux puis de leur dire ce qu'on fait avec l'argent qu'ils envoient à Québec.

Alors, voilà, soyons transparents dans ce qu'on a offert à leurs concitoyens, les juristes et les notaires. Les procureurs de la couronne, des gens importants dans notre société, Mme la Présidente, gagnent en moyenne 116 642 $. Et les juristes et les notaires du gouvernement, des gens tout aussi importants pour le fonctionnement de notre société, ces gens-là nous disent qu'ils veulent la parité, la parité salariale avec les procureurs de la couronne. Bien, la parité salariale, ça veut dire 116 642 $. Et, au début, Mme la Présidente, c'est vrai, on leur offrait moins. Bien, c'est bien évident, c'est une négociation.

Et, Mme la Présidente, vous allez me dire que ça fait peut-être moins longtemps que certains de mes collègues ici que j'ai suivi mes cours de relations industrielles à l'université, mais je suis encore assez jeune pour me souvenir de ce qu'on nous disait. Mais je suis pas mal sûr qu'on nous disait qu'on ne commence pas une négociation en offrant tout ce que l'autre partie veut. Peut-être qu'on va finir proche, mais on ne commence pas la négociation... C'est comme, Mme la Présidente, quand on achète une maison, hein? Si les vendeurs demandent 300 000 $, bien, allez-vous offrir 325 000 $ en partant, Mme la Présidente? Probablement pas.

• (3 h 30) •

Alors, on a effectivement commencé, il y a deux ans, en février 2015, parce que ça fait plus de deux ans que ça dure, avec une offre plus basse. Mais, depuis ce temps-là, Mme la Présidente, la parité salariale dans les offres du gouvernement a été atteinte. Elle a été atteinte le 24 janvier 2017, quand le gouvernement a offert la parité avec les procureurs de la Couronne. Ça, c'était une offre qui dépassait les 116 000 $. Mais, puisque ce n'était pas encore assez, Mme la Présidente, le gouvernement a bonifié son offre davantage hier, ou peut-être avant-hier maintenant, là, en offrant 116 997 $.

Et, Mme la Présidente, quand j'écoute les interventions des collègues depuis tantôt, il y a une chose qui revient parce que, pendant toute la nuit, les oppositions, incluant la CAQ, surprenamment, ont incité pour dire que la foi des négociateurs du gouvernement était questionnable. Mais, Mme la Présidente, quand on fait six offres différentes, on ne peut pas être de mauvaise foi. Je reviens à mon exemple de maison, Mme la Présidente. Si la maison est offerte à 300 000 $, puis moi, je commence la négociation à 250 000 $, puis le propriétaire me dit : Non, moi, je suis à 300 000 $, je me réessaie, je vais me réessayer à 260 000 $. Le propriétaire, il dit : Non, la contre-offre est encore 300 000 $. Je me dis : Oui, O.K., il est peut-être un peu particulier, mais je l'aime, la maison, on l'aime, la maison, on veut l'avoir, je veux que ça marche. Alors, je reviens avec 265 000 $. Le propriétaire me dit qu'il reste à 300 000 $... puis qu'on fait le même manège six fois, Mme la Présidente, c'est dur de dire que c'est moi qui est de mauvaise foi. Quand six offres consécutives proposent un meilleur traitement salarial que la précédente offre, Mme la Présidente, c'est dur de dire qu'on est de mauvaise foi. Quand on a un ministre qui rencontre le président du syndicat trois fois à leur demande, c'est dur de dire qu'on est de mauvaise foi. Quand on réussit à conclure des ententes négociées avec 450 000 employés de l'État, c'est dur de dire qu'on est des négociateurs de mauvaise foi. Quand, comme ça a été le cas hier avec les gardiens de prison, on signe des ententes avec des groupes qui, en 60 ans, n'ont jamais signé d'entente négociée avec le gouvernement, c'est dur de dire qu'on est de mauvaise foi.

Pourtant, Mme la Présidente, ce n'est pas comme si les conditions de la convention collective actuelle sont si mauvaises. Mme la Présidente, être un avocat ou un notaire de l'État, c'est un excellent emploi. Souvent, pour certaines professions, c'est vrai, le gouvernement a de la misère à matcher, disons, les offres du privé ou encore du gouvernement fédéral — vous le savez, chez nous, Mme la Présidente, c'est toujours un enjeu, le gouvernement fédéral — mais, dans la profession avocate... c'est un emploi qui est recherché, c'est un bon salaire, c'est des heures raisonnables, c'est 35 heures par semaine, de base, pour plus de 100 000 $ par année. Parce que, s'ils étaient au travail, s'ils avaient été au travail ce matin ou hier matin, c'est plus de 100 000 $ par année qu'ils auraient gagné, avec une possibilité de temps supplémentaire, et, avec du temps supplémentaire, les salaires peuvent monter vite, Mme la Présidente. Ils ont un bon régime de retraite, ils ont des avantages sociaux, ils ont une sécurité d'emploi.

Et ce que le président du Conseil du trésor propose aujourd'hui, ce n'est pas de leur enlever quoi que ce soit, Mme la Présidente, ce n'est même pas de leur imposer quoi que ce soit, Mme la Présidente, mais, à partir d'aujourd'hui, après deux ans de négociations, après une quarantaine de séances de négociation, après 18 semaines de grève, ce qu'on tente, par la loi présentée hier, c'est d'ajouter une période de négociation de 45 jours suivie d'une période de médiation de 30 jours pour favoriser une entente négociée. On est loin de la torture, Mme la Présidente.

Mais ce qui est intéressant — et j'écoute l'opposition se déchirer la chemise, là, depuis le début de la soirée — c'est que, même plus tôt hier, ils ne parlaient pas de statut, Mme la Présidente. Ce soir, ils nous disent, finalement, là, que le statut, c'est le problème. Mais plus tôt aujourd'hui, plus tôt hier, ils parlaient de la parité salariale. Hier, j'ai entendu une entrevue entre Sébastien Bovet et la critique du président du Conseil du trésor du Parti québécois, la députée de Pointe-aux-Trembles, et, juste pour être fidèle à ses propos, Mme la Présidente, je vais lire la transcription de l'entrevue de la députée de Pointe-aux-Trembles sur ce qui semble être le fond de la contestation des offres du gouvernement. Alors, voilà, M. Bovet : «Je me permets d'insister sur l'indépendance des juristes de l'État — c'est M. Bovet qui parle — parce que, si vous ne me répondez pas ici, ça peut donner l'impression que vous êtes du même côté que le gouvernement pour refuser un statut particulier aux juristes de l'État. Votre position sur le statut des juristes de l'État, c'est quoi?» Et la députée de Pointe-aux-Trembles de répondre : «M. Bovet, ce qui est clair, ce que je vous dis, c'est que, pour moi, c'est important qu'actuellement on n'est plus à ce niveau-là, on est vraiment au niveau des amendements. On a clairement dit qu'on veut la parité et l'égalité avec ce que le gouvernement a donné aux procureurs de la Couronne. Alors, pour moi...» Et M. Bovet de l'interrompre, évidemment : «En termes salariaux ou en termes de statut?» La députée répond : «C'est salarial, le statut, ça a toujours été clair.» Et là je m'arrête, Mme la Présidente, je pourrais continuer. Mais la députée de Pointe-aux-Trembles, elle-même, dit que l'égalité doit être salariale, Mme la Présidente.

Alors, Mme la Présidente, les juristes et les avocats du gouvernement, évidemment, ont le droit d'être en grève. Les juristes et les avocats, peu importent leurs conditions de leur travail, peu importent les offres du gouvernement, ont le droit d'être en grève depuis octobre 2016.

Mais Mme la Présidente, pour les citoyens, pour les contribuables de Pontiac, à qui je faisais référence un petit peu tôt, eux qui paient leurs impôts... Puis, en contrepartie, là, ils ont le droit de s'attendre à un bon fonctionnement de l'État, ils ont droit de s'attendre à des délais raisonnables devant les tribunaux. Les 1 881 reports dont parlait la ministre de la Justice, tantôt, c'est 1 881 Québécois qui attendent le retour au travail des avocats et des juristes du gouvernement.

C'est notre devoir, Mme la Présidente, comme législateurs, c'est notre devoir, comme élus, c'est notre devoir, comme représentants, de s'assurer d'un bon fonctionnement du gouvernement, de s'assurer que les citoyens partout au Québec puissent avoir accès aux services gouvernementaux dont ils ont besoin, auxquels ils ont droit.

La grève des juristes, Mme la Présidente, a eu un impact négatif sur le fonctionnement, le bon fonctionnement du gouvernement. Alors, pour le bon fonctionnement de l'État, la grève a assez duré. Le moment est venu de retourner au travail. Les Québécois s'attendent à ce que tous ceux qui font le choix du service public soient au service du public. Et, de toute évidence, Mme la Présidente, la seule façon d'y arriver, en ce moment, sera cette loi. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, M. le député de Pontiac. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Trois-Rivières.

M. Jean-Denis Girard

M. Girard : Merci, Mme la Présidente. Il nous reste combien de temps?

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : ...tout en vous précisant que vous disposez d'un temps de parole de 7 min 47 s.

M. Girard : On va faire ça vite, Mme la Présidente. Donc, c'est un plaisir d'intervenir, ce soir, cette nuit, ce matin, bref. Tout a été dit, mais souvent on doit répéter. On doit répéter pour que les gens comprennent bien la situation. Ce n'est pas agréable pour personne d'être ici, ce soir, en cette Chambre, cette nuit, puis jusqu'à demain matin, mais nous avons dit que nous voulions une entente négociée. Nous y avons travaillé, nous avons tout fait pour obtenir cette entente négociée, mais on se retrouve quand même ici, ce soir.

Un gouvernement responsable doit prendre des mesures qui s'imposent. C'est ce que l'on fait. Pourquoi, Mme la Présidente? Pour fournir aux citoyens les services auxquels ils ont droit, pour lesquels nos citoyens paient des taxes, paient des impôts. C'est avec ces taxes et ces impôts que l'on offre des services et que l'on rémunère les juristes de l'État. Les juristes font partie des employés du secteur public qui rendent des services aux citoyens et, pour nous, ils ont vraiment un travail qui est important au sein de l'appareil gouvernemental.

On a mentionné, à plusieurs reprises, et c'est ce que le collègue de René-Lévesque disait tout à l'heure, que l'échec appartient au gouvernement. Au risque de me répéter, de répéter mes prédécesseurs, six offres ont été faites, des offres toujours supérieures, une après l'autre, qui ont été faites aux juristes de l'État, des offres pour être équitable avec ce qu'il se fait au niveau des procureurs. Inutile de revenir sur le fameux tableau pour démontrer que l'offre salariale est même légèrement supérieure à ce qui est offert au niveau des procureurs.

• (3 h 40) •

Mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a parlé un peu de mauvaise foi concernant LANEQ. Vous savez, avant même d'avoir pris connaissance du projet de loi, les représentants de LANEQ indiquaient clairement qu'ils contesteraient ce projet de loi. Mme la Présidente, nous avons constaté que l'impasse était réelle. Après cinq offres consécutives, l'exécutif salarial de LANEQ ne voulait pas faire aucune concession. Ils n'ont pas bougé d'un iota depuis le début des négociations. Pour reprendre ce que mon collègue disait tout à l'heure : Il faut être deux pour danser. Donc, quand on négocie, ça se fait entre deux parties, Mme la Présidente. Nous avons été de bonne foi. Nous avons fait des offres améliorées, une fois après l'autre. Jamais LANEQ n'a voulu négocier. LANEQ est demeurée sur ses positions.

Il serait irresponsable de laisser les citoyens du Québec dans cette situation encore pendant plusieurs semaines. C'est pourquoi nous sommes ici, cette nuit, pour pouvoir mettre fin à cette situation. C'est une décision qui est difficile, qui a été difficile pour notre gouvernement, de déposer ce projet de loi, mais c'est vraiment pour permettre un retour au travail et pour permettre la continuité des services du gouvernement. Oui, il y a des projets de loi qui sont en cours, oui, nous avons besoin de nos juristes. Nous avons besoin de travailler avec eux. On ne sous-estime aucunement l'importance des juristes, l'importance de leurs charges, de leurs fonctions, de leurs tâches, qu'ils font pour l'État. Ils font un travail qui est exigeant. Ils le font avec professionnalisme. Ce sont des gens extrêmement compétents pour l'État, mais ils doivent fournir des services, des services à la population. Ils doivent assurer la marche normale des tribunaux et de nos institutions. Donc, cette grève a des incidences sérieuses, à l'heure actuelle, sur les citoyens du Québec et sur les activités quotidiennes de l'État.

Oui, les juristes ont des droits, ont le droit de faire la grève, mais les citoyens ont également des droits. Les citoyens ont le droit d'avoir des services. Donc, le droit des juristes de l'État est maintenant exercé au détriment du droit des citoyens. Après 18 semaines de grève, les avocats, les notaires de l'État ont su se faire entendre. Ils ont exprimé leurs revendications mais ils sont demeurés sur leurs positions depuis le début. Le gouvernement, quant à lui, a fait plusieurs offres, chacune toujours plus généreuse.

Inutile de revenir sur le salaire, les collègues en ont parlé : le salaire moyen des juristes de l'État, la possibilité de faire du temps supplémentaire, un bon régime de retraite — ce n'est pas tous les Québécois, Mme la Présidente, qui ont accès à un régime de retraite de cette qualité — les avantages sociaux, une sécurité d'emploi. Ce sont des avantages qui sont vraiment intéressants pour les juristes de l'État. Le président du Conseil du trésor le disait au début de la journée ou de la soirée : Il y a eu un appel de candidatures qui a été fait. 1 900 candidatures ont été reçues. Je ne sais pas s'il y a beaucoup d'entreprises, de PME, au Québec, lorsqu'ils ouvrent un poste dans leurs entreprises, qui ont autant de candidatures et des candidatures de qualité. Donc, je pense qu'être juriste de l'État, c'est un emploi qui est drôlement intéressant et qui attire des gens qui veulent travailler avec nous.

Donc, Mme la Présidente, suite aux négociations, à travers plus de 40 séances de négociation, nous sommes toujours au même endroit. Nous avons tenté la médiation, sans succès. Il y a eu six séances de médiation l'été dernier. La loi spéciale n'était vraiment pas notre premier choix, mais vient un moment où un gouvernement doit prendre ses responsabilités, Mme la Présidente.

Vous savez, on nous a accusés d'être de mauvais négociateurs. On l'a mentionné — au risque de répéter — 450 000 employés de l'État ont négocié et sont satisfaits du contrat de travail qu'on leur a offert. On l'a mentionné également, pas plus tard que la nuit dernière, il y a eu une signature d'une entente avec les gardiens de prison. 60 ans qu'il n'y avait pas eu de négociation avec cette classe d'employés.

Donc, Mme la Présidente, c'est important aujourd'hui, cette loi spéciale ne vise pas à imposer des conditions de travail aux juristes mais à mettre en place des conditions qui vont favoriser la conclusion d'une entente négociée. Cela est tout à fait possible dans la situation actuelle et c'est ce que nous souhaitons, et c'est pourquoi je vais voter en faveur du projet de loi aujourd'hui. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le député de Trois-Rivières. Et cela met fin au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.

Je mets donc aux voix la motion de M. le ministre responsable de l'Administration...

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Un instant. Oui?

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, alors, c'est très bien. Je n'avais pas terminé de lire mon texte, alors je vais quand même poursuivre.

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui. Alors, je mets donc aux voix la motion de M. le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du trésor proposant l'adoption du principe du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques. Cette motion est-elle adoptée?

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Et c'est ici que nous faisons appel aux députés pour un vote par appel nominal. Alors, que l'on appelle les députés.

Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 3 h 46)

(Reprise à 3 h 56)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je mets donc aux voix la motion de M. le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du trésor proposant l'adoption du principe du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.

Mise aux voix

Et que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe : M. Couillard (Roberval), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Blais (Charlesbourg), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Leitão (Robert-Baldwin), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Coiteux (Nelligan), Mme David (Outremont), M. Proulx (Jean-Talon), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot (Vanier-Les Rivières), Mme Vallée (Gatineau), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La Pinière), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), M. Heurtel (Viau), M. Arcand (Mont-Royal), M. Billette (Huntingdon), M. Morin (Côte-du-Sud), Mme Nichols (Vaudreuil), M. Ouellette (Chomedey), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Ménard (Laporte), M. Tanguay (LaFontaine), Mme Boulet (Laviolette), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), M. Girard (Trois-Rivières), M. Auger (Champlain), Mme Vallières (Richmond), M. Bolduc (Mégantic), M. Simard (Dubuc), M. Matte (Portneuf), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Boucher (Ungava), M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Fortin (Pontiac), M. Giguère (Saint-Maurice), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), M. Plante (Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), Mme Tremblay (Chauveau), M. Busque (Beauce-Sud), Mme Sauvé (Fabre), Mme Melançon (Verdun).

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Maintenant, que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe : M. Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Maltais (Taschereau), Mme Lamarre (Taillon), M. LeBel (Rimouski), M. Bergeron (Verchères), M. Rochon (Richelieu), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Gaudreault (Jonquière), M. Pagé (Labelle), M. Cousineau (Bertrand), M. Bourcier (Saint-Jérôme), Mme Jean (Chicoutimi), M. Ouellet (René-Lévesque), M. Kotto (Bourget), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Roy (Bonaventure).

M. Bonnardel (Granby), M. Caire (La Peltrie), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Laframboise (Blainville), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Lemay (Masson), Mme Lavallée (Repentigny), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis (Lévis), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Jolin-Barrette (Borduas).

M. Khadir (Mercier).

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, y a-t-il des abstentions? Alors, Mme la secrétaire générale, pour le résultat du vote.

• (4 heures) •

La Secrétaire : Pour : 54

                     Contre :           35

                     Abstentions :     0

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, cette motion est adoptée.

Alors, en conséquence, le principe du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, est adopté.

Alors, conformément à la procédure législative d'exception prévue aux articles 257.1 et suivants, je suspends les travaux durant quelques instants afin de permettre à l'Assemblée de se constituer en commission plénière pour l'étude détaillée du projet de loi. Je suspends les travaux.

(Suspension de la séance à 4 h 1)

(Reprise à 4 h 8)

Commission plénière

Mme Gaudreault (présidente de la commission plénière) : Nous sommes réunis en commission plénière pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.

Je vous rappelle que l'étude détaillée en commission plénière est d'une durée de cinq heures, tel que prévu au deuxième paragraphe de l'article 257.1 du règlement. Dans le cadre de ce débat, 17 min 30 s sont réservées aux députés indépendants. La présidence répartira cette enveloppe de temps parmi ceux qui auront signifié vouloir participer au débat, sous réserve d'un maximum, selon le nombre de députés qui se seront manifestés, de cinq minutes chacun pour les députés de Groulx et de Vachon et de 10 minutes pour les deux députés de Québec solidaire. Enfin, je rappelle aux députés indépendants qui souhaitent intervenir au cours du débat qu'ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Remarques préliminaires

Je vais maintenant céder la parole à M. le président du Conseil du trésor pour ses remarques préliminaires.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Merci, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, je veux saluer les porte-parole de l'opposition qui sont avec nous aujourd'hui de même que les collègues qui se joignent, pour chacune de leurs formations respectives, à eux pour les besoins de la plénière.

• (4 h 10) •

Vous me permettrez de présenter les gens du Conseil du trésor qui m'accompagnent : d'abord, Me Édith Lapointe, Mme Renée De Bellefeuille, Me René Dufresne, Me François Perron, Mireille Godard-Dubois, Caroline Pelland et, à ma droite immédiatement, Me Louis Bernier. Et j'aimerais les remercier de se joindre à nous pour les fins de ce travail. Je remercie également les membres de mon cabinet politique qui sont ici aujourd'hui.

Alors, nous sommes réunis pour commencer l'étude en commission plénière du projet de loi, le projet de loi n° 127, qui, essentiellement, traduit l'intention du gouvernement depuis le début de ce conflit, c'est-à-dire une intention d'en arriver à une entente négociée.

Et je vous rappellerai, Mme la Présidente, comme on a eu l'occasion de le faire au cours des interventions antérieures, soit au tout début du débat ou lorsque nous étions à l'adoption du principe du projet de loi, que ce projet de loi aménage un espace de négociation additionnel à celui qui existe déjà, et qui existe toujours, et qui continue d'exister jusqu'à l'adoption du projet de loi. Et le projet de loi transforme la situation antérieure dans la mesure où, bien sûr, il demande aux juristes de l'État de reprendre le travail. Mais, en même temps, il ouvre une période de négociation qui s'étend sur une période supérieure à 100 jours : première période de négociation de 45 jours, qui peut faire l'objet d'une extension de 15 jours à la demande conjointe des parties puis au cours de laquelle il peut y avoir conciliation, et par la suite une période de médiation, d'une période originaire de 30 jours, qui peut faire l'objet d'une demande de prolongation à la demande du médiateur.

Et, si, à l'expiration de ce délai-là, il y avait des ententes en tout ou en partie sur certains points, ces ententes-là seront reconduites. Mais, s'il n'y avait pas d'entente, globalement, le projet de loi, à la toute fin de cette période, impose les conditions de travail, c'est-à-dire reconduit la convention collective qui est échue et prévoit, notamment à son annexe, les majorations apportées à l'échelle de traitement ainsi que d'autres dispositions.

J'ai suivi nos débats. J'entends aussi certains questionnements : Pourquoi l'annexe ne reproduit-elle pas la dernière offre faite par le gouvernement? Parce que la loi nous impose, et en fait la jurisprudence nous impose, dans ce type de législation là, de porter une atteinte minimale au droit des salariés. Et, dans ce contexte-là, toute disposition qui ne fait pas l'objet d'une négociation doit être limitée dans la mesure du possible. Et donc le projet de loi, s'il reconduit la convention collective, tente de le faire suivant ce que j'appellerais l'architecture actuelle de la convention collective.

Alors, certains éléments de bonification qui ont fait partie des offres du gouvernement ne peuvent pas être reproduits en annexe, puisqu'elles faisaient l'objet de négociations et de concessions de part et d'autre. Et, dans le contexte où la loi imposerait les conditions de travail, nous ne prenons pas pour acquis que les concessions faites par l'association syndicale seraient acceptées par le représentant. Et donc la loi s'écarte de cet espace de négociation qui existait et qui existera toujours, Mme la Présidente, après l'adoption de la loi dans le contexte d'une négociation.

Deuxième élément sur lequel je veux attirer l'attention des collègues de cette plénière, et je pense que la députée de Pointe-aux-Trembles y a fait référence lorsqu'elle traite... je crois que c'est de l'article 28 du projet de loi, où elle dit : Lorsqu'on est en période de médiation, la deuxième phrase de l'article 28 prévoit que la modification du régime de négociation ne constitue pas une condition de travail et elle est au texte du projet de loi. Pourquoi cette situation? Parce qu'encore une fois le médiateur est un tiers par rapport à l'État et que la négociation ou le régime de négociation applicable ne constitue pas une condition de travail.

Par contre, dans la première partie de l'espace aménagé pour la négociation, le gouvernement réitère que les propositions qui sont sur la table et qui touchent les deux aspects du litige continueront d'y être, c'est-à-dire, d'une part, la question de la rémunération globale et, d'autre part, la question du statut des juristes de l'État.

J'ai eu l'occasion de le dire, mes collègues qui sont intervenus l'ont réitéré à de nombreuses reprises également, et avec beaucoup d'égards pour l'opinion exprimée par l'association, nous ne sommes pas d'avis que les fonctions occupées par les juristes de l'État leur confèrent l'indépendance qui est reconnue par les décisions de la Cour suprême pour les procureurs aux poursuites criminelles et pénales.

Mais, malgré cette opinion contraire, et nous sommes des parlementaires, on sait très bien qu'on peut avoir des opinions contraires et continuer à se parler, le gouvernement offre à l'association la possibilité de discuter de cette question-là au sein d'un comité qui, suivant la dernière proposition gouvernementale, serait formé d'un représentant de LANEQ, d'un représentant du gouvernement, et présidé par un tiers qui serait un juge de compétence fédérale.

Pourquoi un juge de compétence fédérale? Parce qu'on ne souhaitait pas, de part et d'autre d'ailleurs, qu'il y ait une apparence de partialité. Parce qu'un juge nommé par l'instance provinciale, par le gouvernement du Québec pourrait peut-être donner l'apparence d'une partialité favorable au gouvernement, selon les époques de sa nomination, ce qui, très sincèrement, n'a pas de fondement en droit. Mais non seulement veut-on que, comme on l'exprime souvent dans les tribunaux, justice soit rendue, mais qu'il y ait également apparence de justice, et c'est la raison pour laquelle... Et d'ailleurs c'était la proposition du président de LANEQ, que l'on ait un juge de nomination fédérale. Et je me souviens très bien, dans une discussion directe que j'ai eue avec lui, que ça pouvait être un juge de la Cour supérieure, de la Cour d'appel ou même un juge à la retraite de la Cour suprême, ce avec quoi nous sommes parfaitement d'accord.

Dans le cadre des négociations, il y a également la question du mandat qui serait donné à ce comité-là. Et là aussi je pense que je peux me faire le porte-parole des négociateurs du gouvernement pour dire que les parties s'entendent largement sur le mandat à donner au comité. Là où il y a encore une zone de négociation, c'est sur les suites à donner au rapport du comité. Et, encore là, Mme la Présidente, je veux dire que, dans l'esprit de négociation qui nous anime, nous sommes encore disponibles, en tout temps, à la table de négociation, pour continuer ces discussions-là, nous le sommes maintenant, avant l'adoption du projet de loi, et nous le serons dans la période subséquente à son adoption, s'il était adopté par l'Assemblée, pour toute la période de 45 jours de négociation et la période subséquente, et que, même lorsque nous serons en médiation, bien que le médiateur ne puisse le considérer dans le rapport qu'il a fait, il y aura toujours une possibilité pour les parties de s'entendre. Ce que j'exprime, Mme la Présidente, c'est donc l'ouverture du gouvernement à trouver un moyen et une voie de passage pour avoir, avec les juristes de l'État, une entente négociée.

Le contexte qui entoure une négociation qui s'étend sur une aussi longue période et avec un conflit de travail aussi long amène toujours sa part de commentaires parfois très virils, mais... Là, je ne fais pas une référence aux hommes ou aux femmes, mais des commentaires qui peuvent être durs, parfois. Je le comprends parfaitement.

• (4 h 20) •

Lorsque je suis arrivé en poste, le conflit existait déjà depuis 13 semaines et, dès que j'ai reçu le mandat du premier ministre, mandat que mes prédécesseurs avaient aussi, j'ai vérifié sur un élément. Et ça, je tiens à le mentionner parce que je l'ai fait avec beaucoup de sincérité : je savais qu'on avait des juristes qui étaient sans rémunération ou dans des conditions difficiles depuis un bon moment, que dans bien des cas il s'agit de jeunes professionnels, des gens talentueux dans tous les cas, et qui étaient privés d'une rémunération. Ayant l'espace nécessaire pour nous rendre à la demande de rémunération paritaire, dans le contexte d'une rémunération globale avec les procureurs, et ayant une connaissance du conflit, qui était lié beaucoup à ce qui a été rapporté dans les journaux... Je savais que la revendication de LANEQ publique, qui est encore celle-là, à ma connaissance, est un élément de parité dans la rémunération avec les procureurs de la Couronne. Et je suis d'accord avec la députée de Pointe-aux-Trembles à l'effet qu'au-delà de ça il y avait un élément très important dans la revendication qui existe toujours, qui est la question de leur statut, sur lequel j'ai fait les remarques préliminaires d'il y a quelques minutes. Donc, sur la question de la rémunération, il m'apparaissait possible, vu la marge de manoeuvre que nous avions, de nous rendre, et à l'intérieur du cadre financier du gouvernement, rapidement à une entente sur cet aspect-là, pour permettre à ces gens-là de récupérer une source de revenus qui était compatible à la demande de leur association, quitte à ce que nous puissions discuter de la question du statut subséquemment et sans arrière-pensée, sans calcul ou sans stratégie de négociation postérieure qui aurait eu pour effet de les piéger d'une façon quelconque.

Et ça, j'en ai discuté à au moins trois reprises avec les représentants de LANEQ lorsque je les ai rencontrés à leur demande. D'ailleurs, j'ai toujours accepté de les rencontrer à leur demande. Puis un élément dans la chronologie des faits... J'entendais Me Denis dire : Vous savez, lorsqu'il est arrivé en poste, il nous a dit : Donnez-nous un peu de temps, puis après ça il n'avait pas de temps parce qu'il faisait du financement. Je vous le dis tout de suite, là : Je n'ai jamais fait de financement encore cette année dans ma circonscription, et j'ai rencontré Me Denis bien avant d'aller dans quelque circonscription que ce soit pour faire du financement. Et j'ai rencontré d'ailleurs partout où je suis allé, depuis le début de mes fonctions à la présidence du Conseil du trésor, les juristes de l'État là où ils se trouvaient lorsque je les ai rencontrés, et j'ai exprimé exactement la même ouverture auprès d'eux.

Et je sais que, pour instance, les juristes de l'État disaient : Bien, vous savez, lors de la dernière négociation, en qui ce qui a trait à nos conditions, à notre statut, il y a eu une lettre d'entente, la lettre d'entente n° 5, et je sais très bien les mots qui ont été utilisés et par Me Denis et par moi lors de nos rencontres sur la validité ou la valeur de cette lettre d'entente. La lettre d'entente, ce qu'elle dit, essentiellement, c'est que les parties conviennent de mettre sur pied un comité patronal-syndical, avec une certaine composition qui apparaît au premier alinéa, qui adopte des règles de fonctionnement, et, après le dépôt des recommandations, les parties ont six mois pour convenir des suites à donner.

Mme la Présidente, ce n'est pas moi qui étais au Conseil du trésor au moment où ces choses-là se sont passées, et loin de moi l'idée de dire que c'est la faute à un ou c'est la faute à l'autre. J'ai donc vérifié ce qui s'était produit. Il y a eu quatre rencontres. LANEQ a fait une proposition d'obtenir un comité à l'instar des procureurs, ce qui est toujours la demande de LANEQ aujourd'hui. Le gouvernement a proposé un comité qui ferait des recommandations aux parties; cette proposition a été rejetée par LANEQ. Suite au rejet de cette proposition, et on est en 2013, 2013, LANEQ a demandé une rencontre avec le président du Conseil du trésor, et cette rencontre-là a été refusée. Ce n'est pas une question de parti politique, ce n'est pas une question qui relève strictement de la partisanerie, c'est une question qui relève de la gestion de l'État. Et à l'époque, déjà, la position du gouvernement, qui est celle que nous défendons encore aujourd'hui, malgré le changement de représentation politique au sein de l'État, du gouvernement, c'est une position qui est cohérente avec l'opinion, qui n'est pas partagée par les juristes de l'État, mais l'opinion gouvernementale à l'effet que la relation qui existe entre eux et nous — et votre gouvernement, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, avait exactement la même position — est de dire : Il existe une relation avocat-client qui est différente de l'indépendance reconnue par les tribunaux en ce qui a trait aux procureurs de la couronne. Voici pour le résumé des faits.

Aujourd'hui, nous nous retrouvons dans une situation où, bien malgré nous, nous proposons cette loi de retour au travail. Mais cette loi de retour au travail, elle est dans la continuité de l'objectif posé par le gouvernement dès le début du conflit, qui est d'obtenir, dans la mesure du possible, une entente négociée.

Alors, je pense que ces remarques préliminaires établissent un peu le cadre et la pensée qui animent le gouvernement dans ce dossier-là. Et, M. le Président, nous serons en mesure d'entreprendre les travaux de la plénière et l'analyse du projet de loi qui supporte les commentaires que je viens de faire. Merci.

Le Président (M. Gendron) : Alors, merci, M. le ministre, de votre intervention. Je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle en ces matières. Mme la députée de... du bon comté, oui.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Oui, M. le Président, merci. Le ministre a dit beaucoup de choses. On va avoir l'occasion de revenir, parce qu'on va aller dans les articles un après l'autre. D'abord, je veux, moi aussi, saluer le ministre lui-même et l'équipe qui est autour de lui. D'ailleurs, quelques-uns que je reconnais. J'ai été vice-présidente du Conseil du trésor, alors, quand le ministre me parle de l'époque où nous y étions, j'aurais bien des choses à lui dire de cette époque-là. Et je remercie les collègues de Jonquière, de Saint-Jérôme, de Saint-Jean, d'Hochelaga-Maisonneuve, Taillon, Bonaventure qui sont ici avec moi, qui m'accompagnent... et Taschereau, oui, députée de Taschereau, qui est arrivée. Et je salue aussi les juristes qui sont aussi à l'écoute de nos travaux, soit directement par notre télé, mais ceux qui sont ici, vaillants, à 4 h 25 du matin, parce qu'ils sont ici à cause d'une loi spéciale que le gouvernement nous impose.

Et le gouvernement nous dit entre autres que le projet de loi qui est devant nous laisse de l'espace additionnel pour négocier. Je ne sais pas pourquoi qu'il ne l'a pas fait avant encore, pourquoi qu'il n'a pas donné le temps pour négocier, qu'il fait un projet de loi, qu'il impose un projet de loi pour la rentrée au travail, met toutes les conditions qu'il met dedans, qu'on pourra y revenir un après l'autre tout à l'heure. Il dit qu'il essaie de trouver une voie de passage pour arriver à une entente négociée. Il me semble qu'il y aurait dû y avoir une entente négociée avant d'arriver ici pour faire une loi spéciale.

Il a dit aussi qu'il voulait, par le projet de loi qui est là, trouver un espace pour discuter de leur statut. J'ai bien hâte de voir où il voit l'espace pour discuter de leur statut d'une façon plus précise.

C'est sûr que j'ai évoqué l'article 28. On en reparlera tout à l'heure, de l'article 28, on va y arriver. Alors, pour le moment, je préfère aller article par article pour vraiment aller au fond du projet de loi qu'on a devant nous, qui demeure quand même un projet de loi coup de poing pour faire rentrer les juristes de l'État au travail.

Le Président (M. Gendron) : Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas pour ses remarques préliminaires s'il en a.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Bien, écoutez, on va entamer l'étude détaillée du projet de loi n° 127. Je l'ai dit lors de l'adoption de principe, je trouve ça malheureux qu'on soit rendus là à adopter une loi spéciale pour la rentrée des juristes au travail.

M. le Président, tous les arguments qui ont été soulevés par mes collègues de la partie gouvernementale lors de l'adoption de principe tout à l'heure faisaient état du fait que le gouvernement faisait ça pour offrir des services, l'accessibilité à la justice à la population. Bien, M. le Président, lorsqu'on plaide ça, c'est un peu comme si on plaidait sa propre turpitude, hein? Écoutez, pendant 18 semaines, le gouvernement a laissé aller le conflit. Le gouvernement n'a pas agi préalablement pour arriver à une entente négociée. Et ce qu'on réalise, dans le projet de loi n° 127, c'est qu'il y a déjà des règles qui s'appliquent : les règles du Code du travail. Lorsqu'une convention collective va arriver à échéance, il y a déjà des dispositions dans le code qui prévoient un conciliateur, un médiateur. Et là on constate que ça a été l'échec des négociations, l'échec de trouver une voie de passage de la part du président du Conseil du trésor actuellement et de son prédécesseur, qui est également ministre des Finances. Durant des mois, il avait la possibilité de régler, d'arriver à une entente avec les juristes de l'État, une entente négociée.

• (4 h 30) •

Lorsqu'on traite de relations de travail, le fait d'arriver avec l'arme ultime, hein... Parce que c'est ça, M. le Président. Et c'est l'arme ultime parce que le gouvernement, dans le fond, vient décréter les conditions de travail de ses employés. Il vient les décréter, vient dire aux juristes de l'État : Bien, écoutez, malgré le fait qu'on a eu une loi spéciale en 2005, malgré le fait qu'on a eu une loi spéciale en 2011, bien, on va en faire une troisième en 2017. On va vous dicter les conditions de travail et surtout ce qu'on avait dit en 2011, le fait d'avoir un comité par l'annexe 5 de la convention, sur lequel on s'était engagés à réfléchir sur le mode de négociation des juristes, bien, on n'a pas progressé là-dedans. Pendant six ans, on n'a pas progressé. On se retrouve... Écoutez, ça a même été compliqué pour changer le nom de l'association. Quand vous vous objectez au changement de nom de l'association, je pense que ça indique que les pourparlers partent du mauvais bord un peu. Donc, il faut avoir de la flexibilité des deux côtés.

Je comprends le président du Conseil du trésor qui nous dit : Écoutez, nous, notre position est la suivante, et final bâton. Et il nous dit : On est prêts à négocier, même maintenant. Pourtant, il n'a pas d'appétit pour négocier véritablement parce qu'on peut bien dire : Je veux négocier, je veux négocier, je veux négocier, mais, si je reste sur ma position, bien, ce n'est pas de la véritable négociation. Ça prend deux parties pour négocier. Là, on vient dire aux juristes... Là, on a le gouvernement qui impose, qui décrète les conditions. Ça, ça ne constitue pas de la véritable négociation. Il y a des précédents. Il y a des exemples dans les autres provinces canadiennes. Et toute la question du statut doit être étudiée. Malheureusement, le gouvernement décide d'y aller encore avec le bâton plutôt que d'avoir une approche collaborative.

Les finances publiques de l'État doivent être prises en considération dans le dossier des procureurs de la couronne et surtout la capacité de payer des contribuables. Dans le dossier de la couronne, le comité qui a été mis en place prend en considération cette capacité de payer là des contribuables, fait l'analyse. Mais par contre, avec ce groupe de professionnels là, le gouvernement a réussi à s'entendre en 2011. Les juristes avaient bon espoir, en 2011 aussi, que leur statut serait étudié. Malheureusement, il n'y a pas eu de suite à ça. Là, on se retrouve avec 18 semaines de grève, on se retrouve dans une situation, ce soir, où on doit adopter une loi spéciale, une loi qui vient imposer une convention collective qui vient dire : Écoutez, bien, on s'oblige, nous, le gouvernement, à négocier de nouveau avec un conciliateur, avec un médiateur, avec la procédure, dans le fond, du Code du travail, grosso modo. C'est un peu drôle qu'on vienne s'imposer ça lorsqu'on avait la possibilité de trouver une entente préalablement.

Et j'ai entendu mes collègues aussi tout à l'heure dire : Écoutez, les gens qui sont des juristes de l'État gagnent très bien leur vie, puis on a cité les salaires. C'est un peu normal que, quand vous travaillez, vous gagniez un salaire.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Je suis content de l'entendre. La qualité des professionnels qu'on a aussi, ça se paie. Puis je donnais l'exemple aussi, puis peut-être que le président du Conseil du trésor ne m'a pas entendu tout à l'heure aussi, pour l'État, dans l'éventualité où il décidait de sous-traiter à des cabinets privés le travail que les juristes font, combien ça coûterait à l'État québécois. Je pense qu'il le sait très bien. Avec un dossier de nature juridique, un dossier au palais de justice, contesté, un dossier qui va jusqu'à la Cour supérieure avec des interrogatoires, ça serait l'équivalent du salaire annuel d'un juriste de l'État. Le président du Conseil du trésor doit réaliser ça aussi.

Et on constate que le président du Conseil du trésor va avoir fait des économies aussi sur le dos des juristes parce que, durant 18 semaines, ils n'ont pas été payés, M. le Président. Ils se sont même endettés pour faire valoir leurs droits. Donc, ce rattrapage-là, il va être perdu. On se retrouve dans une situation où les juristes vont devoir rentrer au travail. On avait une possibilité que les juristes puissent rentrer la tête haute, que le président du Conseil du trésor aussi le fasse, d'arriver à une solution négociée. Malheureusement, ce n'est pas ce qui va arriver. Et c'est pour ça qu'on s'oppose à la loi, M. le Président. On s'oppose à la loi parce que, au-delà de dire certaines choses, au lieu de plaider, le gouvernement aurait dû s'asseoir à la table de négociation sérieusement et faire son bout de chemin, ce qu'il n'a pas fait. Et, ce soir, on est rendus là.

Le Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, M. le député de Borduas. Et on va appeler l'article 1. M. le ministre.

Une voix : ...

Le Président (M. Gendron) : Oui. Allez, on va vous entendre.

M. Jolin-Barrette : Oui. «Qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la commission plénière tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, des consultations particulières et qu'à cette fin elle entende dès que possible Les avocats et notaires de l'État québécois.»

Le Président (M. Gendron) : Oui, M. le ministre de l'Éducation, on va vous donner la parole.

M. Proulx : Je vais agir à titre de leader dans le cadre de cette séance. Je vais vous demander de statuer sur la recevabilité. Je considère, M. le Président, qu'en vertu de l'article 182 de notre règlement, troisième alinéa, ce n'est pas recevable.

Le Président (M. Gendron) : C'est ce que j'ai l'intention de faire. Alors, à moins que d'autres qui sollicitent la plaidoirie, rapidement, parce qu'on a une petite habitude de ces situations-là, alors, on va écouter vos arguments, si vous en avez, rapidement. Oui, M. le député de Borduas, vous voulez ajouter?

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez, M. le Président, selon nos recherches, en termes de motion préliminaire pour une procédure d'exception, ça ne s'est jamais fait, donc ça constituerait du droit nouveau. Donc, vous avez à vous pencher sur la recevabilité de l'amendement. Moi, ce que je vous soumets, c'est qu'il y a une extrême pertinence à entendre les juristes de l'État ce soir en commission parce que ça les touche directement. Donc, la commission plénière ici bénéficierait du témoignage des juristes de l'État, qui pourraient venir exposer véritablement puisqu'il ne va pas y avoir de véritable négociation avec le Conseil du trésor, M. le Président.

Donc, je vous soumets que la proposition, la motion, est recevable.

Le Président (M. Gendron) : Il y a des appréciations qui peuvent être plus courtes que d'autres. Alors, on va suspendre rapidement. On va essayer d'apprécier ça rapidement. Oui, M. le ministre, vous avez de quoi à ajouter?

M. Proulx : Oui, bien, je voudrais...

Le Président (M. Gendron) : Pour aider, toujours, la présidence à prendre la meilleure des décisions?

M. Proulx : Voilà, M. le Président. Je voulais peut-être vous lire le troisième alinéa de l'article 182, je pense que vous le connaissez, à moins que vous souhaitiez que je le fasse.

Le Président (M. Gendron) : ...

M. Proulx : Pardon?

Le Président (M. Gendron) : Vous pouvez rester assis en plénière.

M. Proulx : Oui, mais je ne savais pas si vous m'aviez vu.

Le Président (M. Gendron) : Bien, moi, je suis sûr que oui, je suis sûr que oui.

M. Proulx : N'étant pas grand, j'ai préféré me lever. Alors, voilà, à l'article 182, troisième alinéa :

«Dès l'adoption de la motion, les dispositions du règlement incompatibles avec la procédure prévue dans la motion sont implicitement suspendues pour les fins de l'étude de l'affaire faisant l'objet de la motion, sous réserve des dispositions de la présente section.»

M. le Président, c'est assez simple, les règles sont suspendues implicitement, la demande n'est pas recevable.

Le Président (M. Gendron) : Bien, justement, on va suspendre quelques instants pour aller apprécier rapidement dans les meilleurs délais.

Une voix : ...

Le Président (M. Gendron) : Oui.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, juste là-dessus, ce n'est pas incompatible d'entendre des gens lorsqu'on statue sur leurs conditions de travail, et on pourrait les entendre dans le forum approprié.

Le Président (M. Gendron) : ...aller apprécier. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 4 h 38)

(Reprise à 4 h 44)

Le Président (M. Gendron) : Alors, on va reprendre nos travaux. M. le député de Borduas a présenté une motion préliminaire qui se lit comme suit :

«Qu'en vertu de l'article 224 de nos règles de procédure la commission plénière tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, des consultations particulière et qu'à cette fin elle entende, dès que possible, Les avocats et notaires de l'État québécois — communément appelé LANEQ.»

Le ministre de l'Éducation a soulevé l'irrecevabilité de cette motion en faisant valoir que cela n'est pas compatible avec la procédure d'exception et serait donc contraire à ce que prévoit l'article 257.10 du règlement. Après avoir pris connaissance de la motion et des règles applicables, voici ma décision.

Selon la coutume, le processus régulier d'étude détaillée des projets de loi publics subit toujours trois étapes distinctes. Il débute par des remarques préliminaires, puis se poursuit par des motions préliminaires, et se termine par l'étude article par article. De plus, la jurisprudence parlementaire a déjà établi qu'une motion préliminaire proposant de tenir une consultation particulière est recevable en commission plénière puisque la procédure pour l'étude détaillée d'un projet de loi en plénière est analogue à celle applicable en commission parlementaire.

Il faut cependant souligner que tout cela est valable lorsque la durée du mandat de la commission n'est pas limitée dans le temps. Cependant, l'étude du projet de loi n° 127 se fait en ce moment, et je crois que ça a été mentionné par plusieurs, dans un contexte particulier qui diffère de la situation applicable généralement en commission. En effet, la manière dont nos délais peuvent se dérouler est actuellement déterminée dans le cadre de la procédure législative d'exception en vertu de la motion qui a été adoptée plus tôt par cette même Assemblée nationale.

Dans ce contexte, ce sont les articles 257.1 et 257.10 qui déterminent la durée de chaque étape de l'étude d'un projet de loi, et l'article 257.10 prévoit expressément que les règles générales relatives aux projets de loi s'appliquent à la procédure législative d'exception, et je cite : «...dans la mesure où elles sont compatibles avec la motion de procédure d'exception.» Ainsi, quand l'Assemblée adopte une procédure d'exception, elle fixe par le fait même la durée des étapes du processus législatif et toutes les règles incompatibles avec celle-ci, qui cesse de s'appliquer, bien sûr.

Le fait que la durée de l'étude détaillée soit limitée à cinq heures rend presque impossible... rend impossible, dans ma décision, je dis, moi, que ça rend impossible la présentation de motions préliminaires visant à entendre des intervenants. En effet, les délais qu'impliquerait une telle convocation feraient en sorte qu'une partie du temps de la commission plénière ne serait pas utilisée pour débattre du projet de loi.

Or, l'étape de l'étude détaillée en commission est la seule où les députés peuvent discuter en profondeur des détails du projet de loi, et il importe de maximiser l'utilisation du temps prévu pour l'étape tel que prévu. Ainsi, si une motion de consultation est tout à fait applicable alors qu'il n'y a pas de limite de temps fixée d'avance pour l'étude détaillée, cette manière de procéder n'est pas compatible avec la procédure d'exception. Et, pour toutes ces raisons, la motion présentée par le député de Borduas doit être déclarée irrecevable.

Étude détaillée

Alors, voilà la décision de la présidence. Et à ce moment-ci nous allons poursuivre à l'article 1. Et, à l'article 1... Là, est-ce que vous voulez que je le lise? Alors, c'est le ministre, normalement, qui le présente. Alors, M. le ministre, présentez-les avec les notes. À vous, M. le ministre.

M. Moreau : Merci, M. le Président. Alors, article 1. Objet et champ d'application, section I : «La présente loi a pour objet d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement. Elle prévoit également la poursuite de la négociation de la convention collective des salariés ayant pour fonction de fournir cette prestation de services. À défaut d'entente, elle pourvoit au contenu de la convention collective.»

M. le Président, cet article énonce l'objet de la loi, qui est d'abord d'assurer le maintien des services juridiques et ensuite de permettre la poursuite de la négociation de la convention collective. Il stipule également qu'à défaut d'en arriver à une entente la loi pourvoit au contenu de la convention collective.

Le Président (M. Gendron) : Questions, commentaires, points de vue? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, à vous, si c'est requis.

Mme Léger : Non.

Le Président (M. Gendron) : Non. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président, je vais avoir un amendement.

Le Président (M. Gendron) : Alors, on vous écoute pour votre amendement.

M. Jolin-Barrette : Donc, modifier l'article 1 du projet de loi, là, en ajoutant les mots «avec diligence et bonne foi» après le mot «négociation».

Le Président (M. Gendron) : Vous allez la déposer, on va en prendre connaissance très rapidement. Bien, la présidence n'a pas de problème sur la recevabilité, on la trouve recevable.

Une voix : ...

Le Président (M. Gendron) : Excusez. Bien, ce n'est pas moi qui dispose des copies. Alors, nous, on la trouve recevable. Vous pouvez poursuivre, si c'est requis. M. le ministre, avez-vous des objections?

M. Moreau : À ce que?

Le Président (M. Gendron) : À ce que la présidence reçoive l'amendement proposé.

M. Moreau : Non, je n'ai pas d'objection sur sa réception, mais j'ai des commentaires sur l'intérêt qu'elle peut avoir.

Le Président (M. Gendron) : Est-ce que ça vous tente de les faire tout de suite?

M. Moreau : Ah! bien oui, on peut faire ça tout de suite sans attendre les photocopies, mais peut-être que la députée de Pointe-aux-Trembles...

Le Président (M. Gendron) : C'est ça, tout à fait.

Une voix : ...

Le Président (M. Gendron) : Non, non, on va attendre que vous ayez copie sous vos yeux. Alors, les travaux sont suspendus quelques petites, peut-être, minutes, mais des secondes autant que possible.

(Suspension de la séance à 4 h 50)

(Reprise à 4 h 52)

Le Président (M. Gendron) : Alors, merci. Nous allons poursuivre puisque chacun des membres intéressés a pris connaissance de la légère modification en termes de mots. Sur le contenu, j'ai peu à dire parce que je préside. M. le ministre, à vous.

M. Moreau : Oui. Merci, M. le Président. Alors, vous avez déclaré recevable l'amendement. Cependant, le gouvernement estime que cet amendement est inutile et redondant. Le législateur n'ayant pas l'habitude de s'exprimer pour ne rien dire, cette disposition est prévue déjà à l'article 20 du projet de loi que nous étudions. Je vous en fais la lecture simplement pour faire cette démonstration-là. Peut-être que le député de Borduas ne s'est pas rendu à la lecture de l'article 20. On y lit :

«L'association ainsi que l'employeur doivent, dès la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, poursuivre avec diligence et bonne foi, pendant une période maximale de 45 jours, la négociation en vue de convenir d'une entente.»

Alors, non seulement le texte de la loi y pourvoit, mais il y pourvoit avec beaucoup plus de précision que l'amendement nous le suggérerait. Alors, pour cette raison, M. le Président, nous allons voter contre l'amendement.

Le Président (M. Gendron) : Autre expression? Je cède la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bien, je peux rassurer tout de suite le président du Conseil du trésor, j'ai lu son projet de loi puis je me suis rendu jusqu'à la fin. Puis on est capables de lire d'un recto à l'autre.

Bien, écoutez, M. le Président, le président du Conseil du trésor nous dit : Le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Par contre, il y a un endroit où on peut l'inscrire de façon significative, c'est dans l'objet et le champ d'application de la loi. C'est un message fort à envoyer pour dire : On est véritablement de bonne foi et on veut négocier rapidement, négocier avec diligence et bonne foi.

Je comprends que c'est indiqué à l'article 20, mais l'indiquer à l'article 1, il y a un choix rédactionnel puis un choix légistique qui s'imposent dans ce sens-là. Et, si véritablement le gouvernement est de bonne foi, il veut vraiment régler la situation rapidement et arriver avec une solution négociée éventuellement, bien, je ne verrais pas pourquoi le président du Conseil du trésor s'oppose à mon amendement, M. le Président, d'autant plus que, dans le conflit, la question de la bonne foi a été soulevée de part et d'autre. Et je pense que ce serait pertinent de l'inscrire directement dans le projet de loi. Bien qu'elle se présume, la bonne foi, parfois par les gestes, par les actions des parties, on ne peut pas toujours la constater. Donc, si les parties y sont liées avec l'article 1 du projet de loi, je pense que ce serait pertinent de l'indiquer.

Le Président (M. Gendron) : Autres commentaires, s'il y a des gens qui le souhaitent? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Oui, M. le Président. Évidemment, si le ministre a été capable de le placer à l'article 20, «avec diligence et bonne foi», il n'y aurait pas d'inquiétude à le placer à l'article 1. Et effectivement, comme dit le collègue, la section I, c'est elle qui place l'application, dans le fond, tout le champ d'application de ce projet de loi là. Alors, si le ministre, il veut vraiment faire des bons trucs, c'est vraiment «de bonne foi». Ça ne l'empêche pas de... «Elle prévoit également la poursuite de la négociation [avec diligence et bonne foi].» Il n'y a vraiment pas de problème. Alors, je pense que c'est un bon endroit pour le placer.

Le Président (M. Gendron) : Autres commentaires? Alors, s'il n'y a pas d'autre commentaire, est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Le Président (M. Gendron) : Alors, adopté d'un bord mais rejeté de l'autre. Donc, l'amendement est rejeté.

Nous en sommes maintenant à l'article 2.

M. Moreau : ...l'article 1 est adopté?

Le Président (M. Gendron) : Toujours à l'article 1, c'est ça, parce que l'amendement a été rejeté, mais nous sommes toujours à l'article 1. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires à faire à l'article 1?

Une voix : ...

Le Président (M. Gendron) : C'est ce que je croyais. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires par les collègues? Je ne vois pas de demande d'intervention. Alors, est-ce que l'article 1 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Gendron) : Adopté sur division.

M. le ministre, à l'article 2.

M. Moreau : Merci, M. le Président. L'article 2 :

«Dans la présente loi, on entend par :

«"association" : Les avocats et notaires de l'État québécois, association ayant succédé à l'Association des juristes de l'État par décision de la Commission des relations du travail du 23 novembre 2015, accréditée selon les articles 66 et 67 de la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1), et toute association qui lui succède;

«"organisme public" : un ministère ou un organisme à l'égard duquel l'association est accréditée en vertu des articles 66 et 67 de la Loi sur la fonction publique;

«"salarié" : un avocat ou un notaire nommé suivant la Loi sur la fonction publique qui, le (indiquer ici la date de l'entrée en vigueur de la présente loi), est représenté par l'association ou qui le devient par la suite.»

Cet article précise la signification des termes «association», «organisme public» et «salarié» au sens de la présente loi.

Le Président (M. Gendron) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, avez-vous des commentaires? Je vous entends.

Mme Léger : Oui, M. le Président. On a pu voir, lorsqu'on a pris connaissance du projet de loi, qu'il y a eu quelques copier-coller de celle de 2011. On voit des éléments semblables, des articles semblables. Le questionnement que nous avons, que je veux demander au ministre, c'est particulièrement... Comme ça s'est fait en 2011, il y avait un ministère du Revenu. Maintenant, c'est une Agence du revenu, et on ne voit pas qu'ils sont inclus. Alors, est-ce que le ministre peut m'expliquer pourquoi que l'Agence du revenu n'est pas à l'article 2? Est-ce qu'il y avait une autre...

Le Président (M. Gendron) : M. le ministre.

M. Moreau : Oui, M. le Président. Alors, l'Agence du revenu du Québec a été créée en avril 2011. Elle n'est pas assimilée à un organisme public au sens de la présente loi puisque son personnel n'est pas nommé selon la Loi sur la fonction publique. Et effectivement l'Agence du revenu du Québec n'est pas visée par le projet de loi. La raison en est bien simple, c'est que l'état des négociations entre les avocats et les... en fait, le personnel syndiqué de l'Agence du revenu du Québec n'est pas au même stade que l'état d'avancement des négociations entre le gouvernement du Québec et... les organismes publics, devrais-je dire, et Les avocats et notaires de l'État québécois.

Le Président (M. Gendron) : Ça vous va ou ça ne va pas?

Mme Léger : ...terminé.

Le Président (M. Gendron) : Ça vous va?

Mme Léger : Non, ce n'est pas terminé

Le Président (M. Gendron) : Veuillez poursuivre.

Mme Léger : Et qu'arrive-t-il aussi à... parce que, si je regarde le projet de loi auparavant, en 2011, il était aussi mention de l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale n'est pas... que le ministre a parlé... Je lui ai demandé pour l'Agence du revenu, je pensais qu'il était pour me parler aussi de l'Assemblée nationale. Alors, je repose la question : Pourquoi l'Assemblée nationale n'est pas là?

Le Président (M. Gendron) : M. le ministre, à vous.

M. Moreau : Alors, on m'indique qu'il n'y a aucun juriste nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique à l'Assemblée nationale. Et c'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale n'est pas visée par le texte du projet de loi.

Le Président (M. Gendron) : Mme la députée.

• (5 heures) •

Mme Léger : Pourtant, en 2011, il était là. Alors, pourquoi cette fois-ci il ne l'est pas, là? Là, si je comprends la réponse du ministre, qu'il me dit aujourd'hui, là, bien, en 2011, c'était inclus. Et même, pour ceux de l'Agence du revenu, M. le Président... donc, l'Agence du revenu ne seront pas amenés à rentrer au travail. C'est ce que je comprends.

M. Moreau : ...ce que vous devez comprendre, c'est que l'Assemblée nationale n'est pas visée par le projet de loi. Pourquoi est-ce que ça l'était en 2011? Je demande une vérification ici, là, et je vais vous donner la réponse dès que je l'ai obtenue. Mais, pour l'instant, vous avez raison de dire que le projet de loi qui est à l'étude ne vise pas l'Assemblée nationale.

Mme Léger : Et, ma deuxième question, par rapport à ceux de l'Agence du revenu, il m'a expliqué qu'ils n'étaient pas inclus, mais donc ces gens-là ne rentreront pas nécessairement... par ce projet de loi là, là, ne rentreront pas au travail.

M. Moreau : Il ne sont pas visés, M. le Président, pour une raison très simple, c'est que l'état d'avancement des négociations... parce que l'agence est un organisme qui dirige elle-même les négociations, et l'état d'avancement des négociations entre l'Agence du revenu et les juristes qui sont à son service n'a pas l'état d'avancement qui est le même que celui à l'égard des organismes publics représentés dans la négociation par l'association, et la partie patronale étant représentée par le Conseil du trésor. Et on estime que la situation juridique est donc différente, et donc c'est la raison pour laquelle le projet de loi ne vise pas les juristes au service de l'Agence du revenu du Québec.

Le Président (M. Gendron) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Oui. Combien il y a de juristes à l'Agence du revenu? Est-ce que le ministre le sait?

M. Moreau : 176.

Le Président (M. Gendron) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui, quelques questions, M. le Président, dans un souci de compréhension. Donc, je comprends que le Conseil du trésor ne négociait pas avec les juristes qui sont représentés... bien, enfin, ils sont dans l'unité d'accréditation des juristes de l'État, mais par contre le Conseil du trésor ne négociait pas leurs conditions salariales et le renouvellement de leur convention collective. C'était plutôt la direction de l'Agence du revenu qui négociait avec eux.

M. Moreau : Oui, tout à fait. Ce sont les négociateurs de l'Agence du revenu du Québec qui négocient avec les juristes, les 176 juristes de l'agence.

M. Jolin-Barrette : Dans la précédente loi spéciale, qui tenait compte... Bien, je pense que le ministre siégeait quand même dans cette Assemblée. Dans la précédente loi spéciale qui tenait lieu de convention collective, on a imposé les mêmes conditions entre les différents juristes qui travaillent pour l'État québécois, incluant l'Agence de revenu. On fait une distinction maintenant. Je veux savoir : Dans le fond, l'association des juristes et des notaires représente, dans le fond, l'ensemble des juristes de l'État. Pourquoi est-ce que l'on fait une distinction, du point de vue syndical, avec un point de vue patronal?

Le Président (M. Gendron) : M. le ministre.

M. Moreau : Alors, si je comprends bien, votre question, c'est : Pourquoi en 2011 la situation était différente de ce qu'elle est aujourd'hui? Alors, l'Agence du revenu du Québec a été créée en avril 2011, et la loi à laquelle vous référez, c'était le projet de loi n° 135, qui est devenu le chapitre II des lois de 2011, date du... a été sanctionnée le 22 février 2011, donc avant la création de l'agence, et c'est ceci qui explique cela, sans aucun doute.

M. Jolin-Barrette : Mais l'association représentative conserve son mandat de négociation auprès des juristes qui travaillent pour l'Agence du revenu du Québec.

M. Moreau : Oui.

M. Jolin-Barrette : Donc, la résultante, ça fait en sorte qu'on peut avoir une convention collective différente pour ces juristes-là versus ceux qui travaillent pour le Procureur général, ceux qui travaillent pour les différentes entités qui sont sous la supervision du Conseil du trésor.

M. Moreau : S'il y avait conclusion d'une entente négociée entre l'agence et ses juristes, la réponse à votre question, c'est oui, parce qu'on est dans le contexte d'une négociation. Et ce serait vrai si on ne se rendait pas au bout de l'exercice du projet de loi n° 127, c'est-à-dire si on ne se rendait pas à la disposition qui prévoit la reconduction de la convention collective de 2015, avec les modifications de l'annexe de la loi... du projet de loi n° 127.

M. Jolin-Barrette : Donc, on se retrouve...

M. Moreau : Mais on pourrait arriver aussi avec... Parce que ce que j'essaie de vous expliquer, c'est qu'on pourrait aussi arriver à la même convention collective si les parties s'entendent sur une entente négociée.

M. Jolin-Barrette : Mais on se retrouve quand même dans une situation où les conditions salariales, les conditions de traitement des avocats et des notaires qui travaillent pour l'Agence du revenu du Québec pourraient ne pas être les mêmes que celles des autres juristes de l'État qui travaillent pour les autres entités de l'État, donc celles qui relèvent de la juridiction du Conseil du trésor.

M. Moreau : Absolument.

M. Jolin-Barrette : Donc, en créant l'Agence du revenu du Québec, ce qu'on a fait, c'est qu'on a en quelque sorte sorti les employés de la juridiction du Conseil du trésor, en créant l'agence, faisant en sorte que la catégorie d'emploi, dans le fond, amène à ne pas avoir nécessairement les mêmes conditions.

M. Moreau : Alors, en créant l'Agence du revenu du Québec, les juristes ne sont plus assujettis à la Loi sur la fonction publique. Et, bien qu'ils soient représentés par une même association, au sens de la définition qu'on donne au mot «association» dans cette loi, il pourrait arriver, parce que leur négociation est faite entre eux et l'agence, qu'on arrive à des conventions collectives différentes. Mais on pourrait aussi, dans un contexte de négociation, arriver aux mêmes conventions collectives. Là où la différence pourrait être notable, c'est si, encore une fois, on laisse l'ensemble du processus du projet de loi n° 127 s'appliquer, on pourrait arriver avec une entente négociée dans le cas de l'agence et une entente... pas une entente, mais une convention collective reconduite dans le cadre des juristes visés par le projet de loi n° 127. Ce n'est pas ce que nous souhaitons, bien entendu.

M. Jolin-Barrette : Dans le cadre d'une entente entre les juristes travaillant pour l'Agence du revenu et l'Agence du revenu, est-ce que cette entente-là doit être approuvée par le ministre des Finances, qui est responsable de l'Agence du revenu?

(Consultation)

M. Moreau : Alors, comme toutes les autres conventions, elle doit faire l'objet d'une approbation par le président du Conseil du trésor et non pas par le ministre des Finances.

M. Jolin-Barrette : Donc, ultimement, M. le Président, c'est le président du Conseil du trésor qui approuve ou qui désapprouve. Donc, le président du Conseil du trésor n'est pas à la table des négociations. Ce n'est pas son ministère qui mène les négociations.

M. Moreau : Comme il n'est pas à la table de négociation avec les juristes de l'État non plus. Ce n'est pas moi qui négocie. Le président du Conseil du trésor n'est pas là pour négocier. Il y a des négociateurs qui le font. Le président du Conseil du trésor — et je ne parle pas de moi à la troisième personne, là, je parle du titulaire du poste — peut recevoir les représentants des associations, c'est ce que j'ai fait, mais je ne suis pas à la table de négociation pour négocier.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, M. le Président, c'est le choix du titulaire du poste d'être présent ou non, d'assister ou non aux négociations, dépendamment du degré d'implication...

M. Moreau : ...vous serez président du Conseil du trésor, vous pourrez aller négocier. Il n'y a pas de difficulté.

M. Jolin-Barrette : Dépendamment du degré d'implication. Cela étant dit, je comprends que, dans l'éventualité où l'Agence du revenu concluait un accord de principe pour une convention collective avec ses juristes, ça relèverait quand même du veto du Conseil du trésor pour l'approbation de cette entente-là. Donc, la latitude que l'Agence du revenu a pour négocier sa convention collective, elle est extrêmement limitée, parce qu'elle est soumise au Conseil du trésor. C'est ce que je comprends.

M. Moreau : Je ne vois pas, là, comment la réalité ne nous rattraperait pas. S'il y avait une entente de principe entre l'Agence du revenu, les négociateurs de l'Agence du revenu et les juristes de l'agence, je verrais... il faudrait que le président du Conseil du trésor soit capable de développer une justification, je pense, pour s'opposer à une entente de principe intervenue entre les négociateurs de l'Agence du revenu, qui ne sont quand même pas étrangers à la réalité gouvernementale, et les salariés.

Le Président (M. Gendron) : M. le député de Jonquière.

M. Moreau : Mais, si vous appelez ça un veto, vous pouvez toujours appeler ça un veto. On appelle ça une approbation.

Une voix : ...

• (5 h 10) •

Le Président (M. Gendron) : Un instant, M. le député de Borduas, j'ai une demande du député de Jonquière. Je veux bien vous laisser un bon bout de temps pour débattre, mais... bien, un peu d'alternance. C'est normal, par exemple, cependant, de vous laisser autant que possible finir votre argumentaire. Mais là il me semble que vous avez eu quatre ou cinq questions. Et le député de Jonquière a demandé la parole il y a quatre ou cinq questions. Je lui laisse la parole. M. le député de Jonquière, à vous.

M. Gaudreault : Oui. Donc, j'ai compris que le projet de loi n° 127 ne couvre pas l'Agence du revenu, et le ministre nous a dit : Parce que l'état des discussions ou l'état des négociations n'est pas le même.

M. Moreau : L'état d'avancement...

M. Gaudreault : L'état d'avancement des discussions ou des négociations n'est pas le même. Je voudrais savoir en quoi c'est différent.

M. Moreau : Je pense qu'au niveau des propositions qui ont été faites, là... Je ne sais pas si les propositions ont été déposées dans le cas de l'Agence du revenu. Il n'y a pas eu de dépôt officiel encore, de proposition par l'Agence du revenu, c'est ce qu'on m'indique.

M. Gaudreault : Alors, quand le ministre dit que l'état d'avancement n'est pas le même, c'est que c'est moins avancé, d'une certaine manière, que ce où vous en étiez avant de déposer la loi spéciale.

M. Moreau : Avec les juristes de l'État, tout à fait.

M. Gaudreault : O.K. Mais est-ce que ça ne vient pas donner à l'Agence du revenu un signal de toute façon de ne pas négocier ou de ne pas discuter, considérant que la loi spéciale va être adoptée cette nuit en fixant des conditions d'une certaine manière... bien, pas d'une certaine manière, d'une manière certaine va fixer des conditions, et ça vient éteindre tout intérêt pour l'Agence du revenu de négocier?

M. Moreau : Non. D'ailleurs, la loi, lorsqu'elle sera adoptée, ne fixera pas immédiatement les conditions, parce qu'en définitive ces conditions-là seront dans une période où il est possible d'arriver à une négociation... à une entente négociée au-delà de la période de négociation et à la fin de la période de médiation. Donc, non, il n'y a pas de message envoyé de façon particulière par ce projet de loi là à l'Agence du revenu. Et d'ailleurs c'est tellement vrai qu'ils ne sont pas dans le champ d'application de l'agence. Il aurait été possible de les mettre dans le champ d'application, avec des modalités différentes, si le gouvernement avait voulu donner une indication, mais le choix qui a été fait, c'est de dire : Non, on va respecter la procédure de négociation, et l'agence conduira ses négociations en présentant ses offres, et on procédera à la négociation par les mécanismes habituels.

Le Président (M. Gendron) : Autre question, autre commentaire à l'article 2? Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, à vous.

Mme Léger : Bien, je fatigue avec l'explication que le ministre donne, là, sur... avec l'Agence du revenu. Je ne comprends pas la distinction vraiment. L'association elle-même, de LANEQ, elle, elle représente les avocats et notaires de l'État québécois, dont ceux de l'Agence du revenu, elle négocie en fonction de tous ces membres-là. Et là le ministre nous dit qu'il y a une distinction, que, pour le Trésor, il fait vraiment une distinction... les juristes de l'Agence du revenu, ils ont un autre processus.

M. Moreau : Il y a une table de négociation qui tient compte du fait que l'Agence du revenu est une entité externe aux organismes publics du gouvernement du Québec, et c'est donc l'agence qui a le premier contrôle sur l'évolution des négociations avec ses juristes. Et, comme il n'y a pas eu de proposition de déposée par l'agence, il n'y avait pas lieu de viser ces juristes-là par le projet de loi n° 127... et de laisser continuer la négociation, à tout le moins pour que l'agence dépose une proposition et que cette proposition-là soit discutée dans le cadre d'une négociation.

Mme Léger : Donc, c'est quand même l'association LANEQ qui les représente à l'Agence du revenu.

M. Moreau : Oui, tout à fait. Mais, comme je vous dis, là, l'Agence du revenu, elle, lorsqu'elle est créée, en 2011, là, elle n'est pas assimilée à un organisme public au sens de la présente loi. Et je vous lis ceci : «Les avocats et notaires représentés par LANEQ mais qui ne sont pas nommés suivant la fonction publique ne sont pas visés par la loi, car ils font partie d'unités de négociation distinctes et ne sont pas en grève. Il s'agit des juristes de l'Autorité des marchés financiers, d'Investissement Québec et de la Régie de l'énergie.» Alors, il y en a d'autres. Et là l'agence... évidemment, ceux de l'agence, je pense qu'ils sont en grève, là.

Le Président (M. Gendron) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le président du Conseil du trésor nous a dit : L'Agence du revenu n'a pas fait de proposition.

M. Moreau : Je voudrais juste faire une correction — je m'excuse, M. le Président — tantôt, j'ai indiqué 176 comme membres par certificat d'accréditation. Ce que l'on m'indique, ce serait plutôt 186 à l'Agence du revenu du Québec, 894 pour la fonction publique, 54 à l'Autorité des marchés financiers, 11 à Investissement Québec et huit à la Régie de l'énergie en date du 29 février 2016, en termes de ETC.

Le Président (M. Gendron) : O.K. Ça, c'était de l'information additionnelle. Maintenant, reposez votre question, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Certainement, je vais reposer ma question. Donc, M. le ministre nous disait : Il n'y a pas eu de proposition de la part de l'Agence de revenu pour les juristes. Il n'y a pas eu de proposition de négociation. Est-ce que c'est ça que j'ai entendu?

M. Moreau : Oui, vous avez raison, vous avez entendu ça.

M. Jolin-Barrette : Donc, depuis que la convention collective... en fait, depuis que la loi de 2011 est échue, il n'y a pas eu de pourparler.

M. Moreau : Ah! non, non, je n'ai pas dit qu'il n'y a pas eu de pourparler.

M. Jolin-Barrette : Mais il n'y a pas eu de proposition.

M. Moreau : J'ai dit qu'il n'y a pas eu de proposition. Mais je présume que les gens se sont parlé. Ce que je comprends, c'est que les gens se sont parlé, mais il n'y a pas eu de proposition de... C'est pour ça que la négociation n'est pas au même point d'avancement que celle qui existe entre le Conseil du trésor et les juristes de l'État. Et c'est la raison pour laquelle l'agence n'est pas visée par les dispositions du projet de loi n° 127.

M. Jolin-Barrette : Donc, les offres qui ont été soumises par le Conseil du trésor, l'Agence de revenu n'a pas soumis d'offre aux juristes de l'Agence du revenu.

M. Moreau : C'est ce que l'on m'indique.

M. Jolin-Barrette : O.K. Le fait d'avoir deux négociateurs, vous ne pensez pas que ça peut faire en sorte qu'il y ait une disparité de traitement entre les juristes de l'État, entre les différents juristes, ceux qui travaillent pour l'Agence de revenu, ceux qui travaillent pour... qui relèvent du Conseil du trésor?

M. Moreau : Il peut y arriver, dans le cadre des négociations, qu'on arrive à des situations qui sont différentes. Mais, encore une fois, là, tous ces gens-là vivent dans la réalité, hein, et j'ai l'impression que c'est du monde qui se parle. Et je pense qu'on éviterait, autant que faire se peut, une disparité. Évidemment, vous l'avez mentionné... Je l'ai mentionné tantôt en réponse à une de vos questions : Ici, on est dans un processus qui peut conduire à l'imposition des dispositions de la convention collective. Si, dans le cadre de l'agence, il y a une négociation qui arrive à une entente négociée, bien, il se peut qu'il y ait une distinction entre l'une et l'autre des situations.

Le Président (M. Gendron) : ...

M. Jolin-Barrette : Oui. Parce que, généralement, M. le Président, historiquement, il y a toujours des clauses remorques entre, supposons, les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, les avocats de l'aide juridique et les juristes de l'État. Donc là, on...

M. Moreau : Je ne sais pas où est-ce que vous puisez cette information-là, là, mais clause remorque... Il faudrait que vous m'indiquiez où vous voyez une clause remorque.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, généralement, les conventions collectives se ressemblent beaucoup, puis ce qui est donné à l'aide juridique, généralement, ressemble énormément à ce qui est donné aux couronnes.

M. Moreau : Il y a une différence entre des conventions collectives qui se ressemblent et l'existence d'une clause remorque, je veux juste vous souligner ça.

M. Jolin-Barrette : Je comprends, mais ultimement on se retrouve dans une situation où les avocats et les notaires qui travaillent pour l'Agence du revenu pourraient ne pas être liés par les mêmes conditions salariales, les conditions d'indépendance également.

M. Moreau : Pour la cinq ou sixième fois, la réponse à la question, c'est oui.

M. Jolin-Barrette : Parfait.

Le Président (M. Gendron) : M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Qu'en est-il des juristes pour les autres organismes hors fonction publique?

M. Moreau : Bien, en fait, ceux qui sont visés sont ceux qui sont indiqués ici, à l'article 1. Pour les juristes de l'Autorité des marchés financiers, d'Investissement Québec et de la Régie de l'Énergie, ils ne sont pas visés par le projet de loi et...

M. Gaudreault : Au même titre que les juristes de l'Agence du revenu.

M. Moreau : Oui. D'ailleurs, pour les mêmes raisons, parce que les négociations sont conduites par les autres organismes, comme c'est le cas pour l'Agence du revenu.

M. Gaudreault : Et c'est quoi, l'état d'avancement des négociations pour les autres, régie, investissement et AMF?

(Consultation)

M. Moreau : Je n'ai pas l'information sur l'état d'avancement de ces négociations-là, puisqu'elles ne sont pas conduites par les représentants du Conseil du trésor.

M. Gaudreault : Mais vous en avez sur l'Agence du revenu.

• (5 h 20) •

M. Moreau : Bien, on en a sur l'Agence du revenu parce que la question s'est posée à savoir si... D'ailleurs, les autres ici, là, ils ne sont pas en grève, là, l'Autorité des marchés financiers, Investissement Québec et la Régie de l'énergie ne sont pas en grève. On en a sur l'Agence du revenu du Québec parce qu'ils sont aussi en grève.

Le Président (M. Gendron) : Est-ce que ça va?

M. Gaudreault : Non. Mais c'est correct.

Le Président (M. Gendron) : Non. Non, non, mais c'est ce que ça voulait dire : Est-ce que vous avez terminé? Oui?

M. Jolin-Barrette : Oui, mais, M. le Président, vous savez, ce modèle-là, ça me fait penser à la création de classes de juristes. Dans le cadre de la négociation qui est menée, on verra comment ça va en résulter, mais, moi, à la lumière de ces informations-là, c'est comme si on voulait créer des différentes classes de juristes. Alors, peut-être que le temps nous le dira, mais je vais suivre ça très certainement de très près, parce qu'il m'apparaît qu'il peut y avoir un glissement vers des différentes classes de juristes qui servent l'État québécois et où le gouvernement fait un choix de créer une agence, au lieu que ça soit un ministère, l'Agence du revenu, là on fait ce choix-là, mais la résultante, ça pourrait être cela, d'avoir différentes classes de juristes.

M. Moreau : Ce n'est pas un diktat gouvernemental de créer une agence — d'ailleurs, vous pourrez demander au député de Jonquière, il souhaitait le faire avec le ministère des Transports alors qu'il était au gouvernement — c'est une décision qui relève d'une loi adoptée par l'Assemblée nationale du Québec. Et ici ce n'est pas des classes de juristes, c'est des unités de négociation qui sont différentes. Alors, il ne faut pas... tu sais, je veux bien vous suivre, là, il ne faut pas mêler les genres non plus, là.

Ce n'est pas aujourd'hui, là, qu'on a inventé des unités de négociation distinctes pour des groupes distincts, avec des employeurs distincts. Et les sociétés d'État sont des employeurs distincts, et c'est la raison pour laquelle ils ont une existence qui leur est propre. Alors, ce n'est pas qu'on aime moins, ou on aime plus, ou on crée des classes ou de la discrimination, c'est que, dans l'organisation du travail, il y a des unités de négociation. Alors, vous êtes dans une ou vous êtes dans l'autre puis vous ne pouvez pas être dans le milieu, entre les deux. Et, selon l'unité de négociation à laquelle vous appartenez, bien, vous négociez avec l'employeur qui fait face à l'unité de négociation. Ce n'est pas une grande révélation, là.

Le Président (M. Gendron) : Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Donc, avec tout ce que le ministre nous dit et avec les questions des collègues, il y a différentes unités de négociation pour les juristes de l'État, de ce que je comprends, c'est que la loi qui est devant nous concerne particulièrement ou uniquement les 894.

M. Moreau : Je m'excuse, Mme la députée, j'essaie d'avoir les informations pour répondre le plus adéquatement à vos questions, ce qui m'a empêché d'écouter celle-là, et je vous présente mes excuses.

Mme Léger : Ce que je veux dire, c'est que, comme vous nous avez clarifié les unités, dans le fond, de négociation, là, on voit que... l'AMF, Investissement Québec, la Régie de l'énergie, et vous avez dit qu'il y avait 894... vous nous les avez bien indiqués tout à l'heure, il y a 894. Donc, ce qu'on touche présentement, là, la loi concerne ces 894 là.

M. Moreau : Oui.

(Consultation)

Mme Léger : Donc, évidemment, il y a quand même... Tout à l'heure, je vous voyais répondre au collègue, vous voulez bien faire la différence que c'est des unités de négociation puis que ce n'est pas nécessairement des traitements, nécessairement... oui, des traitements différents, mais ce n'est pas nécessairement ça que vous vouliez dire. Ça reste quand même qu'il y a un impact. On peut s'entendre puis voir qu'il y a quand même un impact que c'est différentes négociations qui se font, et il n'y en a qu'une, de ces unités-là, dans l'ensemble des juristes de l'État, il n'y en a qu'une que le négociateur est le Conseil du trésor.

M. Moreau : Bien, si vous parlez de l'Agence du revenu, l'Autorité des marchés financiers, Investissement Québec et la Régie de l'énergie, elles conduisent, elles, leurs négociations avec les unités d'accréditation, qui sont différentes. Et ceux qui sont visés par le projet de loi n° 127, ce sont les 894 membres de la fonction publique, et c'est avec eux que l'état des négociations... parce que, dans certains cas, je répète... Tantôt, là, j'indiquais que, sauf pour l'Agence du revenu, l'Autorité des marchés financiers, Investissement Québec et la Régie de l'énergie ne sont pas en grève, c'est la réponse que je donnais à savoir pourquoi est-ce qu'on savait que l'Agence du revenu du Québec n'était pas visée puis qu'on connaissait l'état d'avancement des négociations. Et, pour la fonction publique, bien, l'état d'avancement des négociations a été largement débattu, là, entre nous, et c'est eux qui sont visés par le projet de loi n° 127.

Mme Léger : Les autres unités, l'AMF, Investissement Québec, Régie de l'énergie, ils ne sont pas en grève, comme vous avez dit tout à l'heure, sauf ceux de l'Agence du revenu et de la fonction publique. Ceux-là, est-ce que leurs conventions se terminent? Où en sont rendues les négociations à eux? Ma première question.

La deuxième, M. le ministre, c'est : Particulièrement, ça fait des impacts de n'avoir un projet de loi... une loi spéciale que pour ceux de la fonction publique que vous touchez présentement. Il va y avoir un impact sur les autres, évidemment, du traitement que vous venez de faire avec la loi spéciale. Les autres sont entamées ou ils vont s'entamer. Il va y avoir une réaction, là. Est-ce que vous êtes conscient de ça?

M. Moreau : J'arrive sur la deuxième question, je reviendrai sur la première, je pense qu'on est en train de faire la vérification. Sur votre deuxième question : Est-ce que ça a des impacts?, dans la mesure où, un, ils ne sont pas visés par la loi n° 127, deux, dans la mesure où la loi n° 127 établit encore un espace de négociation, ce que l'on souhaite, c'est dire : On va arriver à une entente négociée. Alors, par exemple, dans le cas des juristes visés par la loi n° 127, je reviens aux deux questions, aux deux questions qui sont en débat à la table de négociation, c'est-à-dire la rémunération et le statut. À ma connaissance, sur la rémunération, tant et aussi longtemps qu'il y a une discussion et qu'on est à l'intérieur du cadre financier, le gouvernement est en mode négociation, il n'a pas l'intention de l'imposer si on est dans un contexte de négociation qui se continue, et qui progresse, et qui n'arrive pas à une situation d'impasse. Donc, il n'y a pas de message envoyé par cette loi-là aux autres unités d'accréditation, dans la mesure où ils ont libre choix de négocier.

Et, pour l'unité d'accréditation liée à la fonction publique, aux 894 salariés qui sont visés par le projet de loi n° 127, encore une fois, je le répète, notre intention est de ménager cet espace de négociation pour en arriver à une entente négociée. Et il me semble que l'aménagement que propose... l'architecture que propose la loi permet un contexte où on peut arriver à une entente négociée. Est-ce que c'est idéal? Je vous l'ai dit plusieurs fois, la réponse, c'est non, ce n'est pas le premier choix du gouvernement. Le premier choix du gouvernement, c'est de pouvoir s'asseoir, négocier et s'entendre.

Le Président (M. Gendron) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, tout à l'heure, le président du Conseil du trésor nous a dit : S'il y a une convention collective qui est signée entre les juristes de l'État qui travaillent pour l'Agence de revenu et l'Agence du revenu, cela doit être approuvé par le Conseil du trésor.

M. Moreau : Oui, le Conseil du trésor doit donner son approbation...

M. Jolin-Barrette : J'imagine que c'est la même...

M. Moreau : ...aux ententes de principe intervenues entre les parties, comme c'était... Par exemple, la nuit dernière, il y a eu une entente de principe avec les agents du service correctionnel. Cette entente de principe là est soumise, évidemment, aux représentants... aux syndiqués et par la suite est entérinée par le Conseil du trésor, puisque ça implique une dépense pour l'État, c'est-à-dire la mise en oeuvre de la convention collective, et c'est la raison pour laquelle c'est soumis à l'approbation du Conseil du trésor.

M. Jolin-Barrette : Il y a quand même une différence, les agents correctionnels relèvent du ministère de la Sécurité publique, à moins que je me trompe.

M. Moreau : Comme le ministère de la Sécurité publique, aussi, va négocier ou a commencé à négocier avec les représentants de la Sûreté du Québec. Puis, à la fin de la journée, tout ça revient au Conseil du trésor pour approbation parce que la mise en oeuvre de la convention collective suppose une dépense des deniers de l'État, et le Conseil du trésor est l'organisme de régulation et de contrôle des dépenses.

M. Jolin-Barrette : Je comprends, mais il y a quand même une distinction avec le cas d'exemple qu'on donnait par rapport aux juristes de l'Agence du revenu, parce qu'eux, ils sont en dehors du périmètre directement des ministères.

M. Moreau : Oui.

M. Jolin-Barrette : Ils relèvent d'une agence. Donc, c'est la même chose pour Investissement Québec, pour la Régie de l'énergie, pour l'agence de... pour l'AMF : s'il y a une entente... une convention collective, elle est sujette à l'approbation du Conseil du trésor. Là, on suit.

• (5 h 30) •

M. Moreau : Oui, mais évidemment je vous répète que, lorsqu'il y a une entente de principe dégagée à la table de négociation, il y a peu d'obstacles pour obtenir l'approbation du Conseil du trésor, à moins qu'il nous arrive quelque chose, là, de... C'est possible, mais c'est peu probable.

M. Jolin-Barrette : Bon, alors, M. le Président, ma question au ministre : Est-ce que les paramètres de négociation qui sont offerts, que ce soit à l'AMF, à Investissement Québec, à la Régie de l'énergie, à l'Agence du revenu du Québec, pour les juristes de l'État qui sont couverts par les différentes unités d'accréditation et ceux qui sont représentés par l'association des juristes... est-ce que les paramètres de négociation peuvent être plus élevés que ceux que le Conseil du trésor présente?

M. Moreau : Non, le Conseil du trésor autorise les mandats de négociation. Alors, le Conseil du trésor autorise les mandats de négociation, ces mandats-là sont exécutés. Lorsqu'il y a une entente de principe, ça revient au Conseil du trésor pour autoriser la mise en oeuvre de la convention collective.

M. Jolin-Barrette : Donc, pour ma compréhension, le président du Conseil du trésor donne un mandat aux dirigeants de l'Agence de revenu et dit : Vous devez régler entre tel paramètre puis tel paramètre. Voici les offres que j'ai faites aux juristes, voici le mandat que j'ai donné à mes négociateurs à la table des négociations avec les juristes de l'État qui travaillent pour l'État, supposons PG, CSST, CMT, et là vous devez vous gouverner... les offres que vous allez faire aux procureurs qui travaillent à l'Agence du revenu vont être les mêmes. Est-ce que c'est ça?

M. Moreau : Ce n'est pas de cette façon-là que ça fonctionne. Je vous donne l'exemple, l'agence, par exemple, va présenter une proposition de mandat au Conseil du trésor, qui va ou non l'autoriser, exactement comme le ministre, par exemple, de la Sécurité publique va présenter ou le ministre de la Santé va présenter au Conseil du trésor des paramètres d'un mandat de négociation. Le Conseil du trésor autorise les paramètres, ou les discute, ou en demande des modifications. La négociation s'enclenche, et, s'il y a une entente de principe, là il peut y avoir des modifications au mandat parce que c'est une négociation et que les choses peuvent évoluer. Et à la fin, lorsque l'entente de principe est conclue, lorsqu'une entente de principe est conclue, elle revient au Conseil du trésor pour être autorisée et donner suite à la mise en oeuvre de la convention collective.

Le Président (M. Gendron) : M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Donc, je veux juste savoir si la convention collective des juristes de l'Agence de revenu était échue également depuis le 31 mars 2015.

M. Moreau : Ah! Je ne le sais pas. L'Agence du revenu, c'est...

Une voix : Oui.

M. Moreau : On me dit que oui.

M. Gaudreault : Donc, c'est exactement la même date que les juristes de l'État sous la Loi de la fonction publique.

M. Moreau : C'est ce qu'on me dit, oui.

M. Gaudreault : O.K. Est-ce que le mandat de négociation avec les juristes de l'État à l'Agence du revenu couvre également le salarial et le statut?

M. Moreau : Est-ce que le mandat à la...

Une voix : ...

M. Moreau : Il couvre le salarial, me dit-on, sauf le normatif.

M. Gaudreault : Mais la question du statut?

M. Moreau : Je ne sais pas. Est-ce que...

M. Gaudreault : Ce serait important de le savoir.

M. Moreau : On n'a pas eu de demande de l'Agence du revenu sur une question liée au statut.

M. Gaudreault : Mais, considérant l'indépendance de l'Agence du revenu et si je comprends la logique que vous nous expliquez depuis tout à l'heure...

Une voix : ...

M. Gaudreault : Oui, bien, c'est ça. Donc, est-ce que ça serait possible que l'Agence du revenu négocie un statut séparé?

M. Moreau : Non, parce que la question liée au statut, lorsqu'on la ramène aux termes les plus techniques, là, c'est un mode de négociation qui serait différent, et le mode de négociation n'est pas déterminé par l'Agence du revenu. Les conditions de travail sont déterminées dans le contexte de la négociation menée par l'agence, mais le mode de négociation, qui dit, bon, bien, est-ce qu'il y aurait un comité, par exemple, comme les procureurs de la couronne, ce n'est pas dans le mandat de l'Agence du revenu de le déterminer, c'est au gouvernement. Alors, toute cette question-là, du statut...

D'ailleurs, c'est un peu la raison pour laquelle on suggère, dans le cadre de la négociation actuelle, de dire : Il y aura un comité qui va déterminer la question du statut. J'ai expliqué qu'on... très respectueusement, on n'était pas d'accord avec la position des juristes de l'État, mais qu'on est prêts à en débattre et même de voir si, à l'intérieur même des juristes, le statut peut être différent. Est-ce qu'il y a une distinction entre, par exemple, le plaideur, entre le légiste, entre le notaire? C'est une possibilité.

Le Président (M. Gendron) : Ça va?

M. Moreau : Et, pour donner un complément d'information, je pense, au député de Borduas, là, et probablement au député de Jonquière également, là, c'est l'article 37 de la Loi sur l'administration publique qui oblige les organismes publics à venir en requête. Chaque dossier est analysé dans son contexte et ses particularités, et le mandat est subséquemment autorisé par le Conseil du trésor.

M. Gaudreault : Donc, si je comprends bien, les juristes membres de LANEQ au service de l'Agence du revenu, eux, ils ont encore du temps pour négocier sans la menace de la loi spéciale, mais non pas les autres juristes membres de LANEQ qui sont des juristes de l'État sous la Loi sur la fonction publique. Donc, il y a plus de marge de manoeuvre de négociation, au fond, du côté de l'agence... ou c'est peut-être des meilleurs négociateurs que le ministre, là, ça, c'est possible, du côté de l'Agence du revenu, ce qui ne m'étonnerait pas, mais eux, ils ont encore de la place de négociation, ce qu'il n'y a plus du côté des juristes de l'État sous la Loi sur la fonction publique parce que le ministre a décidé de mettre une loi spéciale.

M. Moreau : Je ne sais pas si je peux vous convaincre que votre interprétation est erronée, mais, en tout cas, je vais essayer de le faire. Ce n'est pas une question de qualité de négociateur, contrairement à ce que vous dites, là, c'est des unités d'accréditation qui sont différentes et c'est des unités d'accréditation qui ne sont pas au même niveau d'avancement dans leurs négociations avec le représentant de l'employeur. Alors, je ne présume pas qu'il y a plus ou moins de marge de manoeuvre, il y a la même marge de manoeuvre dans le contexte d'une négociation et la possibilité d'arriver à une entente négociée.

Le Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 2 est terminé?

M. Moreau : J'espère que je vous ai convaincu.

Une voix : ...

M. Moreau : Ah! O.K. Le contraire m'aurait étonné.

Le Président (M. Gendron) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Je veux qu'on revienne sur la question des mandats. Lorsqu'un organisme vient voir le président du Conseil du trésor et dit : Moi, j'ai des juristes qui sont en grève à l'Agence du revenu, voici, je vous présente un mandat de négociation, au président du Conseil du trésor, voici ce que je souhaite négocier, les paramètres qui sont fixés... Est-ce que les paramètres autorisés pour la négociation avec les avocats qui sont à l'Agence du revenu sont les mêmes que les paramètres qui ont été offerts aux juristes de l'État?

M. Moreau : ...par l'Agence du revenu pour établir les paramètres. Alors, il est prématuré de répondre à votre question.

M. Jolin-Barrette : Donc, les avocats et les notaires de l'Agence du revenu sont en grève depuis 18 semaines, l'employeur n'a pas de mandat de négociation, n'a pas demandé une négociation au Conseil du trésor, et il n'y a pas eu de négociation du tout entre ces juristes-là et l'Agence du revenu. Et ces gens-là, mercredi matin, donc le 1er mars, ils sont toujours en grève, à moins qu'ils décident de mettre fin à leur grève, et ils n'auront pas d'offre qui sera soumise par l'Agence du revenu.

M. Moreau : Bien, vous allez vite un peu, là. Votre présomption est très, très longue, là, il y a des grands bouts qui ne sont pas exacts, mais continuez.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, ma présomption, M. le Président, M. le Président de la commission...

Le Président (M. Gendron) : Oui, j'ai compris.

M. Moreau : On est deux présidents, mais il s'adresse à vous.

M. Jolin-Barrette : C'est ça, mais prenons pour acquis que, lorsque je dis juste «président» dans le cadre de cette commission, c'est le président de la commission plénière.

Mais, pour le 1er mars, dans le fond pour mercredi matin, ça veut dire qu'il n'y a pas de mandat qui aura été octroyé à l'Agence du revenu, qui aura été autorisé, il n'y aura pas eu de négociation, et les avocats qui travaillent à Revenu Québec vont toujours être en grève, à moins qu'ils mettent fin à leur grève, et ils ne sont pas visés par la loi spéciale.

M. Moreau : Bien, qu'ils ne soient pas visés par la loi spéciale, là, je pense que ce n'est plus une surprise, ça fait plusieurs fois que je réponds à cette question-là. Qu'il n'y ait pas de négociation, c'est faux...

M. Jolin-Barrette : Alors, pourquoi ne pas l'inclure?

M. Moreau : Je vais terminer si vous me permettez. Pour dire qu'il n'y a pas de négociation, c'est faux. J'ai dit simplement qu'il n'y avait pas d'offre qui avait été présentée, qu'une demande de mandat n'avait pas été présentée au Conseil du trésor par l'Agence du revenu, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de discussion entre l'unité d'accréditation des juristes de l'État à l'Agence du revenu et l'agence elle-même.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, s'il n'y a pas de mandat qui été demandé, vous pouvez bien vous asseoir autour d'une table, s'ils ne sont pas autorisés à régler la situation et à trouver, à négocier une entente, c'est un peu difficile.

• (5 h 40) •

M. Moreau : ...parce que vous avez manqué peut-être la réponse que j'ai donnée à votre question tantôt, le normatif ne fait pas partie du mandat qui est donné par le Conseil du trésor. Alors, on peut s'entendre, régler le normatif et, après, demander un mandat. Et on peut même discuter avant d'obtenir le mandat de façon exploratoire parce que c'est comme ça aussi que ça fonctionne, une négociation de convention collective, pour savoir s'il y a des ententes possibles sur l'aspect de rémunération. Alors, je présume qu'à l'heure actuelle les discussions qui existent peuvent toucher sur le normatif, elles peuvent avoir lieu depuis fort longtemps et continuer sans qu'un mandat n'ait été demandé, puis on n'est pas dans une situation qui est exceptionnelle ou en dehors du champ de la négociation par l'Agence du revenu du Québec.

M. Jolin-Barrette : Mais ça veut quand même dire que, s'il n'y a pas eu de mandat de demandé, les négociations vont devoir se poursuivre encore un certain temps.

M. Moreau : Je vous ai dit tantôt...

M. Jolin-Barrette : À court terme, on ne prévoit pas...

M. Moreau : Regardez, moi, je peux répondre à votre question jusqu'à 7 heures, ce soir, là, ça ne me dérange pas. La négociation, oui, elle peut se poursuivre. Savez-vous pourquoi? Comme dans ce cas-là, la négociation peut se poursuivre, mais je vous répète que, même si la négociation se poursuit, l'unité d'accréditation qui relève de l'Agence du revenu du Québec n'est pas visée par la loi n° 127. Est-ce qu'ils peuvent négocier? La réponse est oui. Est-ce qu'ils discutent? La réponse est oui. Est-ce qu'il y a un mandat? La réponse est non.          

Là, je ne sais pas ce que je peux vous dire de plus que ça parce que ça fait plusieurs fois que vous tournez autour de la même question. Alors, je présume que, si vous avez d'autres questions dans le même genre, référez-vous aux notes que vous pourrez avoir parce que la réponse que je vais vous donner est toujours la même. On peut continuer comme ça. Si vous ne voulez pas l'étudier, le projet de loi, c'est votre choix. Moi, je suis prêt pour aller dans d'autres articles. Mais, si vous voulez avoir le contexte général du fonctionnement du Conseil du trésor, le Conseil du trésor, c'est un conseil qui touche les dépenses du gouvernement. Il est présidé par le président du Conseil du trésor, il y a des ministres du gouvernement qui siègent au Conseil du trésor, et on reçoit les mandats selon qu'ils nous sont acheminés ou pas, et on prend cette décision-là.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je pense que ma question était...

Le Président (M. Gendron) : M. le ministre, un instant, j'allais faire une mise au point très raisonnable. C'est clair que l'intervenant peut poser les questions qu'il veut, comme vous, vous pouvez donner les réponses que vous voulez, même si, effectivement, elles ont été dites et répétées de part et d'autre à plusieurs reprises. Il s'agit de ne s'en tenir qu'à ça. Alors, est-ce que c'est terminé, l'article 2? Merci. À l'article... Oui. Est-ce que l'article 2 est adopté?

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Gendron) : Adopté sur division. M. le ministre, à l'article 3.

M. Moreau : Alors, on m'indique, M. le Président, qu'il y aura un amendement à l'article 2. On peut passer à l'article 3 ou on peut attendre que les amendements soient prêts.

Le Président (M. Gendron) : Oui, un instant, là. Il n'y a pas une erreur? Parce que l'article 2, vous-même, vous avez proposé de l'adopter.

M. Moreau : Non, mais on m'indique à l'instant, là, qu'il y aurait des amendements à l'article 2, notamment aux termes des définitions. Alors, si vous avez...

Le Président (M. Gendron) : Mais là on a un problème, ça s'appelle... On vient de l'adopter, puis proposé par vous.

M. Moreau : Pardon?

Le Président (M. Gendron) : On vient de l'adopter et proposé par vous, l'article 2.

M. Moreau : On pourra vous faire un amendement à une autre disposition qui viendra à 2.1, ce n'est pas plus difficile que ça. ...l'adoption de l'article 2, on fera...

Le Président (M. Gendron) : Faites donc 2.1 tout de suite. Êtes-vous en mesure de faire 2.1 tout de suite?

M. Moreau : Non, je ne suis pas en mesure de le faire parce que le texte n'est pas là et...

Le Président (M. Gendron) : Non, ça va, c'est clair. Non, on s'entend. On s'entend, M. le ministre, que, quand ça sera prêt, on fera un 2.1. Et ça, il n'y a pas de problème.

M. Moreau : Parfait.

Le Président (M. Gendron) : O.K. Bien, un instant. Par contre, est-ce qu'on peut s'entendre tout de suite qu'il y aura consentement parce que, quand je suis sur le 3...

Une voix : ...

Le Président (M. Gendron) : Non, non, mais ça ne me dérange pas, mais je veux juste poser la question, là. Si on fait l'article...

Une voix : ...

Le Président (M. Gendron) : Un instant, pardon, je voulais juste finir ma phrase. C'est que, si nous entamons l'article 3, ça va être difficile de faire un 2.1, à moins qu'il y ait consentement tout de suite de le faire après quand les parties seront prêtes à le faire. Donc, je le sollicite, est-ce que vous donnez tout de suite votre consentement pour faire 2.1, ce qui nous permettrait de commencer l'article 3? C'est juste ça que je veux savoir. Est-ce qu'il y a consentement de faire ça?

Mme Léger : Mais là, si je comprends bien, c'est qu'on s'en va à l'article 3, mais on va revenir à 2.1 pour leur donner le temps d'avoir...

Le Président (M. Gendron) : Si vous donnez votre consentement.

Mme Léger : La raison, c'est pour qu'on ait le temps d'avoir les choses dans les mains?

Le Président (M. Gendron) : Exact.

Mme Léger : Pas de problème pour moi.

Le Président (M. Gendron) : Alors, il n'y a pas de problème, il y a consentement. Est-ce que vous voulez plaider pareil?

M. Proulx : ...M. le Président, que c'est en vertu de 257.6, à l'amendement au rapport, on pourrait le faire une heure après la présentation du rapport de la commission plénière, mais...

Le Président (M. Gendron) : Oui, oui. Vous avez raison là-dessus.

M. Proulx : Mais je comprends qu'il y a peut-être une autre option qui est envisagée.

Le Président (M. Gendron) : Ça va. Alors, M. le ministre, allez à l'article 3.

M. Moreau : Merci, M. le Président. Article 3, section II, Continuité des services :

«Un salarié doit, à compter de 8 h 30 le mercredi 1er mars 2017, cesser de participer à la grève en cours et reprendre le travail, conformément à son horaire habituel et aux autres conditions de travail qui lui sont applicables.

«Un salarié doit, à compter du même moment, respecter les devoirs attachés à ses fonctions ainsi qu'accomplir ses activités professionnelles ou administratives, conformément aux conditions de travail contenues dans la convention collective intervenue entre l'association et le gouvernement qui a expiré le 31 mars 2015.»

M. le Président, cet article oblige la ou le salarié à retourner au travail le mercredi 1er mars 2017 comme à l'habitude. Il doit donc cesser de participer à la grève, respecter les devoirs attachés à ses fonctions et accomplir ses activités professionnelles ou administratives suivant les conditions de travail qui lui sont applicables.

Le Président (M. Gendron) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, à l'article 3.

Mme Léger : Oui, M. le Président. C'est une série d'articles qui suivent, qui enlèvent vraiment le droit de grève. C'est ça qu'on voit dans les articles subséquents du 3, le 3 et les autres. Évidemment, je vais avoir besoin d'une discussion avec le ministre parce que, lorsqu'on dit qu'on enlève un droit de grève, on doit donner aussi un processus équivalent pour régler les différends. Alors, le ministre n'est pas sans savoir qu'il y a de la jurisprudence à ce niveau-là, et je veux savoir pourquoi le ministre enlève ce droit de grève là tout en n'ayant pas un autre mécanisme, un autre processus, dans le fond, qui est équivalent.

Il va s'attendre à ça, que je lui cite l'arrêt Saskatchewan. Les juges de cet arrêt-là ont cité le juge Dickson dans le renvoi relatif à l'Alberta, à la page 380, entre autres, qui dit : Manifestement, si le droit de grève devait être refusé et s'il n'était remplacé par aucun moyen efficace et juste de résoudre les conflits de travail, les employés se verraient refuser tout apport susceptible d'assurer des conditions de travail équitables et décentes et le droit des relations de travail s'en trouverait faussé entièrement à l'avantage de l'employeur. C'est pour cette raison que l'interdiction législative de la grève doit s'accompagner d'un mécanisme de règlement des différends par un tiers.»

Alors, comment le ministre explique ce qu'il nous apporte, toute la partie de la médiation qui est non exécutoire, la manière que le ministre l'a mise dans son projet de loi, qui est pour lui un mécanisme suffisant qui va compenser le retrait du droit de grève? Alors, le ministre a dû réfléchir à ça quand il a fait sa loi. Ce n'est quand même pas rien, M. le Président, on enlève le droit de grève, hein? C'est ce qu'on fait avec une loi spéciale qu'on a devant nous. Et, en même temps, l'arrêt Saskatchewan, c'est une jurisprudence que le ministre doit connaître. Donc, j'ai besoin d'explications, les gens ont besoin d'explications, on veut comprendre l'intention du ministre et comment il va suppléer à ça.

Le Président (M. Gendron) : Alors, M. le ministre.

M. Moreau : M. le Président, oui, on connaît l'arrêt Saskatchewan de la Cour suprême. Il y a eu d'autres arrêts aussi qui ont été rendus par la Cour suprême, notamment dans B.C. Health Services en 2008 où, finalement, sans la citer au texte, la Cour suprême vient dire que le droit de négocier, ce n'est pas nécessairement le droit d'avoir raison et qu'une négociation, ce n'est pas éternel.

Alors, la cour dit ceci : «...les parties ne sont pas tenues à des efforts illimités pour parvenir à une entente. Les parties engagées dans la négociation peuvent en arriver à un point où la poursuite des discussions serait vaine. Dans ce cas, la décision de rompre les négociations ou d'adopter l'attitude "à prendre ou à laisser" ne serait probablement pas considérée comme allant à l'encontre des négociations de bonne foi.

«L'obligation de négocier de bonne foi n'impose pas la conclusion d'une convention collective ni l'acceptation de clauses contractuelles particulières. Elle n'empêche pas non plus la négociation serrée. Les parties restent libres d'adopter une "ligne dure dans l'espoir de pouvoir forcer l'autre partie à accepter les conditions qui lui sont offertes".» Et là on réfère à une autre décision de la Cour suprême du Canada rendue en 1983 dans Syndicat canadien de la Fonction publique contre Conseil des relations du travail de la Nouvelle-Écosse.

• (5 h 50) •

Alors, il y a beaucoup plus de nuances que ce que vous exprimez, Mme la députée, avec beaucoup d'égard, je le dis, dans toute la question de la considération, par la Cour suprême du Canada, des paramètres de négociation d'une convention collective. Négocier, là, ce n'est pas s'asseoir à une table, se croiser les bras puis dire : Moi, si je n'ai pas exactement ce que je veux, c'est bien de valeur, mais ça ne marchera pas. Ce n'est pas ce que la Cour suprême dit. Négocier, ce n'est pas non plus l'épuisement des parties pour avoir absolument raison. Puis négocier, ce n'est pas le droit d'avoir raison en totalité sur ce que l'on demande. Et la négociation, dans le contexte du droit au Canada, qui s'applique aussi au Québec, ce n'est pas un droit qui est illimité.

Et j'ai expliqué plus tôt, dans les notes que j'ai livrées lorsqu'on a fait les remarques sur l'adoption du principe de la loi, que, dans le contexte actuel, un gouvernement, lorsqu'il négocie avec ses employés, doit, à un certain moment, établir un équilibre, un équilibre entre les droits de l'association syndicale et les droits qui, ailleurs dans la société, peuvent être touchés. J'ai repris les propos que vous aviez tenus en cette Chambre à la période des questions sur les inconvénients posés par la grève. Le député de Borduas en a fait également grandement état. Mais on ne peut pas à la fois dire : il y a un grave problème, puis réglez-le. Puis réglez-le par la négociation parce que, si vous ne le réglez pas par la négociation, on va continuer à... Ce n'est pas éternel, ces choses-là. C'est les paramètres que nous donne la Cour suprême.

Puis vous ne pouvez pas à la fois vous envelopper en disant : Il y a un problème social, puis c'est de la faute du gouvernement, puis le gouvernement doit absolument le régler en négociant parce que, autant dans la prétention que vous avez que dans les discours du député de Borduas, vous laissez l'impression qu'à la table de négociation il y a juste une partie, c'est le gouvernement puis que, si la négociation n'aboutit pas, c'est la faute du gouvernement. On dirait que vous avez évacué totalement de la pensée l'idée qu'il puisse y avoir à une table de négociation deux parties qui s'y trouvent. Et c'est exactement les nuances qu'apporte la Cour suprême dans l'arrêt B.C. Health Services de 2008, où elle dit, écoutez : La négociation, ce n'est pas éternel. M. le Président, je suis convaincu que vous avez négocié plusieurs fois dans votre vie dans des situations de relations de travail, et ça, ce n'est pas la garantie, la négociation, d'obtenir exactement ce que l'on demande, et c'est balisé dans le temps.

Alors, à votre question : Est-ce que le ministre a réfléchi aux dispositions et aux préceptes de la Cour suprême dans l'arrêt Saskatchewan, la réponse est oui. Et c'est la raison pour laquelle, dans le projet de loi, lorsqu'on le verra dans les articles suivants, on aménage un mécanisme qui compense le retrait du droit de grève et l'obligation d'entrer au travail. Et ce mécanisme-là, c'est un mécanisme balisé dans le temps qui s'appelle une négociation, négociation avec ou sans conciliation et négociation avec ou sans conciliation suivie d'une médiation pour une période additionnelle de 105 jours. C'est ce qu'on appelle un mécanisme de balise.

Le Président (M. Gendron) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, poursuivez.

Mme Léger : M. le Président, le ministre s'est éloigné, puis il est revenu, puis il s'est éloigné, puis il est revenu, là. Je comprends qu'il n'est pas content, puis qu'il fait une loi spéciale, puis qu'il dit que, là, ça suffit, puis qu'on fait une loi spéciale, mais qu'on a quand même à l'intérieur de la loi spéciale un temps pour négocier. Mais, dans son arrêt, l'arrêt, tout à l'heure, qu'il... Moi, je lui ai parlé de l'arrêt Saskatchewan, il est revenu sur l'arrêt Health Services. La personne à côté de lui — je ne sais pas si c'est le sous-ministre, il n'a pas été présenté — à côté du ministre, il lui a remis un petit papier, là. Mais je pense qu'il faut le lire au complet aussi, l'arrêt. L'arrêt dit aussi que d'imposer des conditions de travail, c'est aussi inconstitutionnel. Alors, je pense qu'il faudrait le lire au complet.

Et là le ministre nous dit : Bien, on continue et on négocie. Puis négocier, c'est quand même un mécanisme. Alors là, le ministre est en train de nous dire que... Devant lui, il lui apporte l'arrêt Saskatchewan, qui dit qu'il y a une obligation dans cet arrêt-là, la jurisprudence, de trouver un mécanisme, d'avoir un mécanisme adjacent, et là il nous dit que, dans le projet de loi, négocier, c'en est un, mécanisme. Est-ce que c'est ça que je comprends du ministre, que le fait qu'il insère dans son projet de loi la partie qu'il va avoir une négociation correspond pour lui à un mécanisme dont la jurisprudence fait état dans l'arrêt Saskatchewan?

M. Moreau : Absolument. Non seulement ça, mais, dans B.C. Health Services, qui avait été trouvé illégal par la cour, c'est le fait d'avoir annulé des dispositions d'une convention collective existante. Et c'est exactement ce que je vous ai expliqué dans les remarques préliminaires à la présente séance, où je vous dis : Ici, la raison pour laquelle l'annexe de la loi ne reproduit pas exactement les dernières propositions gouvernementales, c'est parce qu'on respecte l'architecture de la convention collective qui a pris fin en 2015. Vous suivez le raisonnement que je vous fais, là, ce n'est pas parce que le gouvernement veut être moins généreux, c'est parce que, justement, dans les préceptes enseignés par la Cour suprême, dans B.C. Health Services, là où la cour intervient pour invalider les dispositions, c'est précisément parce qu'on avait contrevenu à des dispositions de la convention collective existante.

D'ailleurs, vous me parlez de Saskatchewan, dans l'arrêt Saskatchewan, je vais vous lire un passage de la décision de la Cour suprême qui dit ceci : Lorsque le législateur limite le droit de grève «d'une manière qui entrave substantiellement un processus véritable de négociation collective, il doit le remplacer par l'un ou l'autre des mécanismes véritables de règlement des différends couramment employés dans les relations de travail. La loi qui prévoit un tel mécanisme de rechange voit sa justification accrue au regard de l'article 1° de la charte. À mon avis, l'absence d'un tel mécanisme — là, la cour parle à la province de la Saskatchewan — représente ce qui, en fin de compte, rend les restrictions apportées inadmissibles sur le plan constitutionnel.»

Alors, la raison pour laquelle la Cour suprême rend cette décision-là dans Saskatchewan, c'est que non seulement on a limité le droit de grève, mais qu'on ne l'a pas remplacé par un mécanisme véritable de règlement des différends couramment employé dans les relations de travail. Qu'est-ce que la cour veut dire par «mécanisme couramment employé dans les relations de travail»? La négociation, la conciliation et la médiation. Qu'est-ce que la loi n° 127 prévoit? Elle prévoit la négociation, la conciliation et la médiation. Est-ce qu'on écoute ce que la Cour suprême nous dit? La réponse, c'est oui.

Et ce que la Cour suprême dit, c'est que, lorsque ces mécanismes-là se trouvent dans une loi en remplacement d'un droit de grève ou en limitation d'un droit de grève, ils justifient de façon accrue la disposition législative en regard de l'article 1° de la charte. Alors, ici, on dit : «Il n'y a pas d'entrave substantielle...» Qu'est-ce que c'est...

Une voix : ...

M. Moreau : Et, dans le cas qui nous occupe, encore là, en faisant référence à B.C. Health Services, comme le droit à le négociation n'est pas un droit illimité ou éternel, il n'y a pas, à notre avis, d'entrave substantielle aux droits des salariés. Et c'est la raison pour laquelle, après deux ans de négociation et 18 semaines de grève, le gouvernement estime qu'il est dans son droit, suivant les dispositions reconnues par la Cour suprême du Canada, d'intervenir, et d'intervenir d'une façon particulière parce que la limite du droit de grève est compensée par un mécanisme qui est reconnu, une négociation et médiation qui est un mécanisme reconnu selon l'enseignement de la Cour suprême dans les relations de travail.

Le Président (M. Gendron) : M. le député de Jonquière. Ah! excusez.

Mme Léger : ...excusez-moi, je veux juste finir.

Le Président (M. Gendron) : Non, allez, allez, Mme la députée.

Mme Léger : Le ministre évacue complètement l'arbitrage, il n'en parle pas, il n'en parle pas, puis pourtant... Je vais lui réciter un bout de l'arrêt : «Lorsque l'obligation d'assurer les services jugés essentiels à la sécurité publique enlève tout son mordant à l'action syndicale de telle sorte que les mesures de grève autorisées privent le syndicat de tout rapport de force important, ce dernier devrait pouvoir recourir à son gré à l'arbitrage. [...]Il est généralement reconnu qu'employeurs et employés doivent être sur un pied d'égalité en situation de grève ou d'arbitrage obligatoire lorsque le droit de grève est retiré.»

Je comprends, le ministre me parle de la partie de négociation, mais moi, je veux y revenir, sur l'arbitrage, il ne m'en a pas parlé. C'est voulu, c'est...

• (6 heures) •

M. Moreau : D'abord, le droit de grève n'a pas été retiré. Il a été exercé pendant 18 semaines, il est retiré maintenant. Et je vous relis une autre fois le passage de la Cour suprême parce que vous dites que je n'ai pas parlé de l'arbitrage. Non, ce n'est pas le choix que le législateur a fait, il n'y a pas de cachette là-dedans. Mais la Cour suprême ne vous dit pas : Écoutez, si vous enlevez le droit de grève, vous devez absolument aller à l'arbitrage. Ce n'est pas ça qu'elle dit. La Cour suprême dit : «Lorsque le législateur limite le droit de grève d'une manière qui entrave substantiellement un processus véritable de négociation collective, il doit le remplacer par l'un ou l'autre des mécanismes véritables de règlement des différends couramment employés en relations de travail.» Négociation, conciliation, médiation.

Alors, c'est le choix que le législateur prend ici, mais on n'est pas...

Le Président (M. Gendron) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, vous avez terminé ou si...

Mme Léger : Alors, je comprends, de ce qu'a dit le ministre, que, pour lui, il fait le choix... Ça va, c'est son choix. Je ne remets pas en question... Je ne remets pas en question le choix que le ministre fait. Je vous dis que ce n'est pas nécessairement la bonne voie, mais, peu importe, ce n'est pas... Ça, c'est votre choix. Mais là vous dites que le mécanisme, dans le fond, pour vous — le mécanisme pour faire suite à l'arrêt Saskatchewan particulièrement — c'est négocier. Et, pour vous, négocier, c'est le mécanisme qui est, pour vous, correct et qui est très constitutionnel.

M. Moreau : C'est un mécanisme véritable, le règlement des différends, couramment employé en relations de travail, selon l'expression utilisée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Saskatchewan, que vous m'avez cité tantôt. Oui?

Le Président (M. Gendron) : M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Le ministre nous dit que la négociation et la médiation sont des moyens véritables, selon le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Saskatchewan. Où, dans le jugement, il est dit que la négociation et la médiation sont des moyens véritables?

M. Moreau : La Cour suprême n'a pas établi... n'a pas nommé le moyen, n'a pas nommé un seul...

M. Gaudreault : ...

M. Moreau : ...n'a pas nommé un seul moyen.

M. Gaudreault : L'arbitrage est nommé.

M. Moreau : Non...

M. Gaudreault : Juste avant... La phrase que le ministre omet de nous dire, juste avant sa citation du même jugement, c'est : «La Public Service Essential Services Act ne prévoit pas non plus d'autre moyen véritable (tel l'arbitrage) de mettre fin à l'impasse des négociations.»

M. Moreau : ...

M. Gaudreault : Donc, le seul moyen véritable nommé par le jugement est l'arbitrage. Et le ministre ne parle pas d'arbitrage dans son projet de loi.

M. Moreau : Bon, ce que la Cour suprême a dit, vous avez bien cité, «tel l'arbitrage». Ça, c'est un exemple. Alors, la Cour suprême, dans sa décision, elle exprime un des mécanismes, mais ce n'est pas le seul. Et nulle part dans le jugement elle indique que l'arbitrage est le seul et exclusif mécanisme. Alors, celui que nous avons...

M. Gaudreault : ...jugement...

Le Président (M. Gendron) : Un à la fois.

M. Gaudreault : ...

M. Moreau : Est-ce que je peux terminer?

Le Président (M. Gendron) : Oui, c'est pour ça... c'est pour ça que j'intervenais, pour dire que ça ne donne rien de renchérir. Alors, veuillez terminer, il pourra reprendre par la suite. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Moreau : Voilà. Alors, lorsqu'on lit une décision de la Cour suprême, il faut le prendre pour ce qu'il est. Et la Cour suprême n'a pas dit, dans cette décision de la Saskatchewan : Seul l'arbitrage est un mécanisme qui est un mécanisme véritable de règlement des différends. D'ailleurs, dans le passage que j'ai cité, la Cour suprême exprime clairement qu'il y a plus d'un mécanisme, parce qu'elle dit : «...il doit le remplacer par l'un ou l'autre des mécanismes...» Alors, bien sûr, oui, on a établi... on a évoqué l'arbitrage, mais, si l'arbitrage était le seul mécanisme, la Cour suprême n'aurait pas dit subséquemment «l'un ou l'autre des mécanismes». Alors, le texte reconnaît donc l'existence de plusieurs mécanismes. Et ici, dans le projet de loi n° 127, le législateur fait un choix sur d'autres mécanismes que celui de l'arbitrage.

Le Président (M. Gendron) : M. le député, avez-vous terminé ou vous poursuivez?

M. Gaudreault : Non, bien, je vais continuer. Mais, je veux dire, la lecture du jugement de la Cour suprême, on ne peut pas prendre non plus juste ce qui fait notre affaire. Le ministre nous a dit, tout à l'heure, que nulle part dans le jugement de la Cour suprême il était mentionné que la négociation et la médiation étaient nommées. Ce qui est vrai, ce n'est pas nommé dans le jugement. Mais le juge a quand même pris la peine de donner comme exemple... le seul exemple qu'il a donné comme autre moyen véritable de mettre fin à l'impasse de négociation, le seul exemple que le juge prend la peine de nommer, c'est l'arbitrage. Ça veut toujours bien dire que l'arbitrage est important.

À partir du moment où le ministre nous dit : On va mettre aussi la négociation puis la médiation, là c'est son interprétation à lui, puis il en ajoute.

Moi, ce que je dis, c'est que le juge, dans ce jugement, a pris la peine de nommer un seul moyen. Ça n'exclut pas les autres, mais, au moins, il a pris la peine d'en nommer un qui s'appelle l'arbitrage. Et, dans le projet de loi n° 127, l'arbitrage n'est pas nommé comme moyen. C'est quand même étonnant. Le ministre nous dit : On passe le test constitutionnel, puis il a l'air à vouloir être assez sûr là-dessus, mais pourtant, le seul moyen qui est nommé par le juge, le ministre ne le reprend pas dans le projet de loi n° 127. Il faut le faire. Et les règles d'interprétation en cette matière, c'est qu'il faut quand même aussi avoir une vision d'ensemble du texte du jugement.

Et l'esprit, quand même, qui se dégage de ce jugement... je vais lire une autre citation du jugement : «Le droit de grève favorise aussi l'égalité dans le processus de négociation. La cour reconnaît depuis longtemps les inégalités marquées qui façonnent les relations entre employeurs et salariés, ainsi que la vulnérabilité des salariés dans ce contexte.» Un peu plus loin : «L'ininterruption des services publics essentiels constitue à l'évidence un objectif urgent et réel, mais la question décisive en l'espèce est celle de savoir si les moyens retenus par l'État portent atteinte le moins possible ou non aux droits constitutionnels en cause, c'est-à-dire s'ils sont ou non soigneusement adaptés de façon que l'atteinte aux droits n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire.»

Donc, l'esprit, c'est quand même de ne pas créer un déséquilibre dans la négociation. En ne mettant pas l'arbitrage, le ministre s'expose à ce déséquilibre. L'esprit du jugement, c'est de maintenir, dans un contexte de services essentiels et de loi spéciale, un équilibre quand même. Ça, c'est constitutionnel. Vu que le juge, le seul moyen qu'il nomme comme moyen véritable est l'arbitrage, l'arbitrage est au moins, est nécessairement équilibré. Alors, je trouve le ministre en des terrains fort vaseux quand il nous dit que ça passe le test de la constitutionnalité.

Le Président (M. Gendron) : Alors, M. le ministre, avez-vous une réplique ou des commentaires additionnels suite à la question posée par le député de Jonquière.

M. Moreau : Oui. Bien, le député de Jonquière nous invite à lire le jugement de la Cour suprême en entier. Il saura sans aucun doute aussi que les faits dans l'arrêt Saskatchewan sont pas mal différents de la situation dans laquelle nous sommes présentement.

Dans le dossier de Saskatchewan, on était en présence d'un régime de services essentiels déterminé par le gouvernement, donc très différent de ce qui existe ici, au Québec, et dans une situation où il n'y avait pas de droit de grève. Et c'est dans ce contexte-là où on dit : Bien, écoutez, on est dans une situation qui est vraiment différente d'ici et dans le contexte... je comprends, là, le député de Jonquière veut faire beaucoup de... souligner à grands traits le fait que le juge a mentionné l'arbitrage, mais il ne peut pas effacer les passages du jugement où la Cour suprême indique qu'il existe clairement d'autres mécanismes, qu'il n'en existe pas qu'un seul. Et vous avez beau ne pas vouloir le lire, j'ai compris votre opinion, M. le député de Jonquière, avec beaucoup d'égards, je ne la partage pas et je vous servirai un peu le réflexe ou la réaction que vous avez eue tantôt : je vous ai entendu, mais vous ne m'avez pas convaincu.

Le Président (M. Gendron) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Bien, simplement mentionner, M. le Président, qu'il y a une discussion depuis tout à l'heure relativement au mode de règlement des différends qu'on inscrit dans la loi. Dans le Code du travail, il y a les mêmes dispositions, notamment au niveau de la conciliation, au niveau de la médiation, puis on constate que ça a échoué.

Donc, je ne sais pas si l'optimisme du président du Conseil du trésor va se traduire éventuellement à la table des négociations, mais, cela étant dit, peut-être que l'arbitrage aurait été une voie appropriée, comme le soulignait le député de Jonquière, parce que déjà ce qui est proposé par le ministre dans sa loi, bien, c'est déjà prévu dans le Code du travail puis la convention collective était régie nécessairement par cela aussi.

Donc, c'est un simple commentaire, M. le Président. Peut-être qu'on aurait dû proposer un autre mode de négociation. Je comprends que le ministre nous dit : Oui, la Cour suprême reconnaît de genre de mode de règlement des différends, j'en suis aussi, mais peut-être qu'il aurait été approprié d'en choisir un autre de façon à vraiment dénouer l'impasse, parce que la résultante aujourd'hui, avec le projet de loi, avec la conciliation, la médiation, le résultat risque d'arriver à la même réalité qu'on vit ce soir aussi, où il n'y aura pas d'entente. J'espère que non, mais on dirait que le scénario est écrit à l'avance puis on dirait que le Conseil du trésor décide d'écrire ce scénario-là pour avoir un échec annoncé dans ce cas-là.

• (6 h 10) •

M. Moreau : Bien, vous êtes d'un optimisme débordant, je vous en remercie. Et merci de partager votre état d'esprit avec l'ensemble de l'Assemblée et les juristes qui sont ici et qui nous écoutent. C'est curieux, moi, je ne suis pas dans cet état d'esprit là et je refuse d'y être.

Et d'ailleurs vous avez indiqué... vous avez fait référence au Code du travail. Nous avons utilisé tous les mécanismes du Code du travail, c'est vrai. On a négocié, on a eu des séances de médiation qui n'ont pas permis d'en arriver à un accord, c'est vrai, mais on continue dans cet espace de négociation. Et ce que les dispositions de la loi nous permettent de faire, c'est de continuer la négociation, de recourir encore à la conciliation, de recourir à la médiation.

Mais, vous savez, il y a un élément additionnel qui n'est pas dans le Code du travail qui vous a peut-être échappé, qui est contenu à l'article 29 du projet de loi, c'est qu'«en tout temps pendant le processus de médiation, le médiateur peut formuler des propositions de nature exploratoire et confidentielle s'il les croit justes et utiles et s'il estime que de telles propositions sont de nature à favoriser le règlement du différend sur une ou plusieurs des conditions de travail», ce que nous avons fait, nous nous sommes conformés à nos obligations comme employeur. On est allés au-delà de tout ce qui était possible, notamment parce que, je le répète, là, le mode de négociation, ce n'est pas une condition de travail, on est allés au-delà des conditions de travail en suggérant un mécanisme qui permettait d'établir si, oui ou non, il devait y avoir un mode de négociation qui soit différent, on est allés au-delà des obligations normales d'une négociation d'une convention. On établit un mécanisme ici qui donne au médiateur éventuellement des pouvoirs qu'on ne retrouve pas dans les dispositions générales de la loi. Pourquoi? Parce qu'on est logiques avec la proposition que nous avons faite depuis le début de ce conflit, c'est-à-dire que l'intention du gouvernement est de mettre tout en oeuvre pour essayer d'en arriver à une solution négociée.

Mais je sais que, dans votre raisonnement, M. le député... M. le Président, je sais que, dans le raisonnement du député de Borduas, il exclut la possibilité qu'une discussion se fasse entre deux parties, et, pour lui, son dialogue puis sa pensée se résument à dire : Bien, peu importe ce qui arrive, là, c'est tout le temps la faute d'une partie, comme s'il y avait une seule partie à cette table-là.

Une voix : ...

M. Moreau : Je n'ai pas terminé, M. le député de...

M. Jolin-Barrette : ...le ministre me prête des intentions.

Le Président (M. Gendron) : Oui, mais... Oui, faites attention quand même, parce que, là...

M. Jolin-Barrette : Il sait ce qu'il dit, c'est totalement...

Le Président (M. Gendron) : Un instant, un instant! Je suis ici pour entendre... Bon, il y avait une fragilité, là, parce qu'il y avait un jugement assez clair porté, en termes d'intentions, au député de Borduas. Alors, faites attention. Ça va.

M. Moreau : ...compréhension, M. le Président, du raisonnement du député de Borduas. Et je ne l'ai pas entendu une seule fois, M. le Président, dire...

Une voix : ...

M. Moreau : Il peut parler en même temps que moi, ça ne me perturbe d'aucune façon, je vais continuer la pensée jusqu'à la fin.

Le Président (M. Gendron) : ...la parole, c'est à vous et...

M. Moreau : Merci.

Le Président (M. Gendron) : Rapidement. Après ça, s'il veut parler, je vais lui donner la parole avec plaisir, mais là c'est à vous.

M. Moreau : Oui, oui, oui, c'est ça. La politesse suggère que l'on écoute la personne qui parle. Et, en ce qui me concerne, ma compréhension de ce qu'il exprime est de résumer toute situation issue de la table de négociation comme étant la seule responsabilité d'une des deux parties. C'est son choix, c'est un choix qui s'inscrit dans une ligne de partisanerie qui n'a rien à voir avec ce qui se passe à une table de négociation. C'est son choix, il l'a fait, il veut se peinturer comme ça puis il dit : Bon, bien, écoutez, nous, on est l'opposition; évidemment, tout ce que le gouvernement peut faire est négatif, donc, s'il y a un problème à la table de négociation, c'est de la faute du gouvernement. Ça, c'est d'exclure 50 % de ce qui se passe dans la réalité des choses et c'est d'exclure ce qui se passe à une table de négociation.

Vous pouvez continuer comme ça jusqu'à demain matin. Je comprends très bien où vous êtes, les gens qui nous écoutent comprennent dans quelle dynamique votre diatribe s'inscrit. En ce qui me concerne, M. le Président, ce qui compte, au-delà de ça, au-delà, je dirais, de la répartie qui se résume à l'aspect politique de nos débats... Je laisse ça à mon collègue. Moi, ce qui m'importe, c'est de trouver une solution à un conflit qui a duré déjà très longtemps et une solution qui soit une solution négociée.

Malheureusement, ce n'est pas possible, évidemment. On l'a dit tantôt, la négociation n'est pas un droit éternel ou indéfini, et le gouvernement doit établir des équilibres, prendre ses responsabilités et établir des équilibres entre les droits et les obligations non seulement de ceux avec qui il négocie et avec qui il négocie de bonne foi, mais à l'égard de l'ensemble de la société, et c'est ce qu'on fait.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci, M. le ministre. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, pour revenir à la question originale, au niveau du mode de négociation, le président du Conseil du trésor, il nous disait : Écoutez, ce n'est pas au niveau des conditions salariales, et il me réfère à l'article 29 de son projet de loi. Par contre, il sait très bien que le mode de négociation va avoir un impact sur les conditions salariales éventuelles, et ça, le médiateur ne peut pas le proposer dans le cadre de son projet de loi. Ultimement, il le sait très bien. Alors, lorsque le président du Conseil du trésor nous dit cette chose-là, ça ne se tient pas.

Le Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : M. le Président, je ne vois pas comment on peut faire un lien entre le mode de négociation et le résultat des négociations sur les conditions monétaires ou salariales. Il n'y a rien qui nous permet d'établir un lien direct entre un mode déterminé de négociation ou d'établissement des conditions salariales et la résultante que seraient les conditions monétaires d'une convention collective. J'entends ce que le député de Borduas dit, mais, très sincèrement, ça prendrait beaucoup plus d'explications pour qu'on puisse en faire un lien direct.

Le Président (M. Ouimet) : On va aller du côté de l'opposition officielle. Je reviendrai à vous... Oh! Rapidement, oui.

M. Jolin-Barrette : Le fait d'avoir un comité indépendant à l'image de celui que les procureurs aux poursuites criminelles et pénales ont, vous pensez que ça n'a pas d'effet sur les conditions de travail. Si le ministre est sérieux là-dedans, qu'il le dise, mais moi, je ne partage pas du tout son avis.

M. Moreau : J'ai dit et répété, M. le Président, que le mécanisme de négociation des procureurs de la couronne est le reflet de l'indépendance qu'ils ont dans l'exercice de leurs fonctions, indépendance que le gouvernement ne reconnaît pas aux juristes de l'État et sans que ce soit un jugement de valeur sur la qualité des uns ou des autres, je l'ai dit à de nombreuses reprises. Et, si on retenait une seule chose, là, je veux que ce soit très clair dans l'esprit de tout le monde que je ne fais pas une distinction sur la qualité, la compétence ou l'importance du travail des uns et des autres; je fais une distinction dans l'exercice de la fonction. Et, à l'heure actuelle, si le raisonnement du député de Borduas était fondé, M. le Président, expliquez-moi pourquoi le gouvernement aurait proposé des conditions de rémunération globale qui sont maintenant supérieures à celles des procureurs de la couronne, expliquez-moi ça.

Alors, on a eu le loisir d'exposer, plus tôt aujourd'hui, qu'à chaque fois que le gouvernement a déposé, dans le cas de la présente négociation, une proposition officielle, la proposition était, en ce qui a trait à la rémunération globale, en constante croissance. Et les deux dernières propositions qui ont été faites, donc la première qui a été faite alors que je suis devenu président du Conseil du trésor est devenue, en parité, supérieure à la rémunération des procureurs de la couronne et la dernière proposition est également supérieure.

J'ai été assermenté à ce poste le 16 janvier 2017. Le 24 janvier, le gouvernement déposait une proposition qui suggérait une rémunération globale moyenne annuelle de 116 677 $ pour les juristes de l'État, alors que la rémunération moyenne des procureurs était de 116 642 $. Et l'offre finale et globale qui a été présentée suggérait une rémunération de 116 997 $, alors que celle des procureurs est toujours inchangée, et ce, pour la période de quatre années qui couvre l'entente avec les procureurs de la couronne. Or, les juristes de l'État sont dans un contexte de négociation pour une période additionnelle d'une année, et, pour cette période-là, le gouvernement a offert un rehaussement, pour la cinquième année, de 2,1 %.

Alors, oui, il y a des modes de négociation qui sont différents, mais voyez-vous que votre relation sur la rémunération globale ne tient pas la route dans le contexte factuel qui nous occupe aujourd'hui? Alors, moi, je veux bien que l'on dise des choses semblables, mais encore faudrait-il que la proposition ait une prise dans la réalité, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, malheureusement, M. le Président.

• (6 h 20) •

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci, M. le président du Conseil du trésor. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Oui. Ça tombe... Quand je vois le ministre brandir son petit tableau... J'en ai un qui va peut-être lui faire plaisir, j'en ai un, petit tableau des augmentations salariales moyennes, j'ai un petit tableau aussi. Moi aussi, j'en ai un, petit tableau. Les juristes de l'État, de 2015 à 2020, ils ont une augmentation de 1,5 %, mais la ligne rouge, c'est celle des médecins; eux autres, ils ont 3,43 %. Juste qu'on ne l'oublie pas, la rémunération des médecins, au gouvernement qu'on a devant nous. Ça fait que, tableau pour tableau, j'en avais un à côté.

Alors, je continue. Je veux revenir sur la discussion du mode de règlement de différends, là, je veux juste comprendre le ministre dans sa réflexion. Il propose quand même... Ce qu'on a devant nous, dans le projet de loi qu'on a devant nous, le ministre propose une médiation mais non exécutoire, donc le dernier mot revient malgré tout au gouvernement. Où est le rapport de force, là? Le ministre parle tout le temps d'équilibre, mais là le rapport de force, dans la médiation non exécutoire... Quel est l'incitatif? Il n'y a aucun incitatif pour conclure une entente.

Alors, quand le ministre me parle d'un certain équilibre, je ne le vois pas, là. Alors, il dit que nous, dans le projet de loi, le ministre il dit, on fait le choix. Le choix, c'est celui... le mécanisme, dans le fond, j'enlève le droit de grève, mais le mécanisme adjacent est celui d'une médiation, mais elle est non exécutoire, ce qui veut dire que la balle est dans le camp du gouvernement, à ce moment-là, qui est l'employeur. Donc, la relation employeur-salarié, là, ça revient quand même au gouvernement, dans la façon que le ministre l'a indiqué dans son projet de loi, donc il y a un problème de rapport de force. Alors, quel est l'incitatif, que je vais dire au ministre, pour conclure une entente?

Le Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor. L'incitatif.

M. Moreau : M. le Président, le droit de grève, lui, est une manifestation publique d'une désapprobation sur l'orientation qui est donnée à une négociation ou pour presser l'exercice de négociation. Encore une fois, dans le contexte du droit au Canada, ce droit-là n'est pas illimité, on l'a vu tantôt dans le présent débat, lorsqu'on discutait sur deux décisions de la Cour suprême, B.C. Health Services et la décision de la Cour suprême en Saskatchewan. Et donc ce n'est pas un droit qui est illimité. Puis, à la fin de ça, lorsque l'employeur et le gouvernement... il doit faire l'équilibre, et c'est d'ailleurs l'état du droit, il doit faire l'équilibre entre les droits des uns et les droits des autres.

Dans le contexte de la loi actuelle, ce que le gouvernement propose, c'est de prolonger, donc, la période de négociation, de donner recours aux mécanismes de conciliation et de médiation et de rendre public le rapport du médiateur, et le rapport du médiateur rendu public établira les points de convergence et de divergence des parties dans le cadre de la négociation qui sera entamée suite à l'adoption du projet de loi n° 127. Et un gouvernement est jugé sur la base de la transparence et du caractère public des décisions qu'il prend en accord ou non avec les débats. Or, les débats ne se feront pas derrière des portes closes comme normalement les débats de négociation d'une convention collective. Et, dans le cas qui nous occupe, le rapport du médiateur, étant rendu public, crée aussi un mécanisme à l'égard duquel le gouvernement est très sensible, parce qu'à la fin de la journée on verra quels seront les efforts faits par les uns et par les autres. Et, comme le gouvernement est gestionnaire des deniers publics qui lui sont remis, il aura à répondre, parce qu'il imputable devant la population du Québec des gestes qu'il a posés. Voilà le rapport de force qui existe entre les parties.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Moi, ça m'inquiète, la réponse du ministre, malgré tout, parce que ce n'est pas le ministre qui doit assurer l'équilibre. Ce n'est pas le ministre qui doit être juge et partie; c'est le mécanisme en lui-même qui doit être équitable. Et, dans l'arrêt, particulièrement, Saskatchewan, il est vraiment dit clairement, ça doit être... on permet de résoudre équitablement, efficacement et promptement les différends.

Donc, le ministre ne peut pas être lui-même juge et partie, puis lui-même, comme personne, assurer cet équilibre-là. C'est le mécanisme qui doit être équilibré. Alors, la réponse du ministre m'inquiète.

Le Président (M. Ouimet) : Réaction, M. le ministre?

M. Moreau : Bien, le raisonnement de Mme la députée serait exact s'il n'y avait pas une tierce partie. Or, lorsqu'on est dans le contexte de la médiation, le médiateur est un tiers. Ce n'est pas le ministre qui établit le rapport, ce n'est pas un membre du gouvernement qui établit le rapport de médiation; c'est le médiateur qui a entendu les parties, qui a des pouvoirs exceptionnels d'ailleurs, comme on le voit en vertu des dispositions dont j'ai fait lecture tantôt, et qui lui permettent d'explorer même de façon confidentielle des propositions s'il estime que ces éléments-là sont aptes à rapprocher les parties.

Et le texte du projet de loi prévoit que le médiateur a l'obligation de satisfaire à des conditions très spécifiques qui en assurent l'impartialité. Le médiateur doit jouir d'une expérience reconnue en relations de travail — ce n'est pas n'importe qui. Et le médiateur ne doit pas être ou avoir été employé, dirigeant, représentant ou membre de l'association ou du gouvernement au cours des sept années précédant sa nomination. Les dispositions de l'article 25 assurent l'impartialité du médiateur.

Et l'article 29 de la loi dit : «En tout temps, pendant le processus de médiation, le médiateur peut formuler des propositions de nature exploratoire et confidentielle — ce que j'expliquais tantôt — s'il les croit justes et utiles et s'il estime que de telles propositions sont de nature à favoriser le règlement du différend sur une ou plusieurs des conditions de travail.»

Le médiateur est tenu de prendre en considération les facteurs prévus à l'article 31, aux paragraphes 1° à 4° de l'article 31. Alors, la mécanique qui est là est une mécanique qui assure l'impartialité de la médiation et qui débouche sur un rapport rendu public sur les éléments d'accord et de désaccord entre les parties. Semble-t-il que là il y a un mécanisme assez efficace et qui est un des mécanismes auxquels réfère la Cour suprême dans l'arrêt Saskatchewan dont on a parlé plus tôt.

Le Président (M. Ouimet) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Bien, on aurait un bon différend sur ça, M. le Président, parce que le choix du ministre est quand même, dans son projet de loi, d'avoir une médiation non exécutoire. Donc, il se donne une porte de sortie. En cas d'impasse, c'est le gouvernement qui fait ce choix-là. Alors, c'est là le noeud du problème. On pourrait en discuter longtemps, M. le Président, mais on a un différend à ce niveau-là.

Le Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Je saisis la balle au bond, là. Une médiation exécutoire, ça n'existe pas en relations de travail. Je regrette, ça n'existe pas. Alors, on se réfère aux mécanismes qui sont usuels, habituels et connus dans ce domaine-là. C'est ce à quoi nous convie la Cour suprême du Canada.

Maintenant, l'autre élément, et je reviens sur ce débat encore plus fondamental. Si je me rends à la proposition de la députée de Pointe-aux-Trembles, je lui dis avec beaucoup d'égard — j'ai beaucoup de respect pour elle — ça équivaut à sous-traiter le droit de gérance de l'employeur. C'est ça. C'est ça qu'elle nous dit.

Et je reviens encore à la lettre d'entente n° 5 qui parlait du comité qui devait être mis sur pied, qui s'est réuni à quatre reprises. C'est son gouvernement, M. le Président, qui était là au moment où le Conseil du trésor, à l'époque, a refusé de rencontrer les représentants de LANEQ pour y donner suite. C'est son gouvernement qui était là aussi au moment où elle aurait pu reconnaître le statut particulier. Ils ne l'ont pas fait pour une raison très simple, parce qu'à l'extérieur du concept de partisanerie dans lequel nos débats s'inscrivent, puis je ne le dis pas de façon péjorative ou négative, mais à l'extérieur de ce concept-là il y a une réalité qui est celle de la responsabilité de l'État. Et ce concept de la responsabilité de l'État impose que le gouvernement ne peut pas sous-traiter à des tiers non imputables la gestion des revenus provenant des taxes et des impôts que leur confient les contribuables. C'est le choix que le gouvernement actuel fait, c'est le choix que son parti, alors qu'il était au gouvernement, a fait, et c'est un choix qui est responsable, avec lequel nous sommes capables de vivre, M. le Président.

• (6 h 30) •

Le Président (M. Ouimet) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Je veux dire, je ne peux pas avoir une discussion longue avec le ministre, vu qu'il nous parle de 2013. Là, là, ce que je peux... On est rendus en 2013, M. le député de... On est rendus en 2013.

En tout cas, ce qui était certain, M. le Président, c'est que, je lui redis, le Parti québécois veut la parité des juristes et des procureurs. Alors, la parité, c'est salarial et ça résume la négociation. Alors, je lui redis encore aujourd'hui. Parce que c'est toujours de trouver d'autres façons, je le dis clairement... Alors, M. le Président, on pourrait avoir une discussion longuement sur toute la constitutionnalité, sur la médiation, sur le choix d'un ministre, sur l'arrêt Saskatchewan, mais on va avancer un petit peu.

Le Président (M. Ouimet) : Alors, si je comprends bien, nous serions prêts à mettre aux voix l'article 3?

M. Moreau : Oui.

Le Président (M. Ouimet) : Alors, est-ce que l'article 3 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 4, maintenant. Pourriez-vous nous en faire la présentation, M. le ministre?

M. Moreau : Oui, M. le Président. L'article 4. «Il est interdit à un salarié de participer à toute action concertée qui implique l'arrêt, le ralentissement, la diminution ou l'altération des devoirs attachés à ses fonctions ainsi que de ses activités professionnelles ou administratives ou qui a pour effet d'empêcher ou de diminuer la prestation des services juridiques ou de retarder le cours de procédures pénales, civiles ou administratives.»

M. le Président, cette disposition vise à empêcher un salarié d'exercer toute forme d'action concertée qui a pour effet d'altérer ou de modifier les devoirs rattachés à ses fonctions, ses activités professionnelles ou administratives, ou qui a pour effet d'empêcher ou de diminuer la prestation des services juridiques ou de retarder le cours de procédures pénales, civiles ou administratives. Voilà.

Le Président (M. Ouimet) : Merci. Alors, questions, commentaires? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, sur l'article... Oh! M. le député de Saint-Jérôme, sur l'article 4.

M. Bourcier : Oui. Écoutez, M. le Président, il aurait été bien intéressant, à un moment ou l'autre — en tout cas, c'est mon préambule — d'entendre la ministre, au cours de notre longue discussion, la ministre du Travail s'exprimer à propos du projet de loi n° 127. Nous aurions sûrement bénéficié de son éclairage en matière de relations de travail.

Mais je vais m'attarder au mécanisme de l'article 4, justement, où on dit qu'il y aurait possiblement des arrêts, des ralentissements, des diminutions, altérations des devoirs rattachés à des fonctions, de diminution de prestation de services juridiques, des retards de procédures civiles ou administratives.

Alors, ma question pour le président du Conseil du trésor serait : Alors, où va se retrouver la ligne entre un retard normal des procédures et l'autre où on accuserait... possiblement sans présomption d'innocence, on ne le sait pas, là, mais où on accuserait le salarié d'avoir causé ces retards? Alors, qui va tracer cette ligne-là? Et qui va juger de ces possibles situations? Est-ce qu'il y aurait un «Big Brother», en quelque part, de caché pour observer les juristes de l'État?

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Merci, M. le député de Saint-Jérôme. M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Oui, M. le Président. Alors, la réponse à la question du député de Saint-Jérôme se trouve dans le texte même de l'article 4. On parle ici d'une action concertée. On ne parle pas des retards liés à la procédure parce qu'une décision d'un tribunal administratif ou une procédure est déposée dans un délai qui est un délai normal lié à la procédure, on parle ici d'une action concertée. Et qui va décider? Bien, écoutez, c'est un concept nouveau peut-être, mais ça s'appelle le droit de gérance de l'employeur. Alors, le droit de gérance de l'employeur, c'est lui qui s'assure, avec les supérieurs hiérarchiques de l'employé, si, oui ou non, il y a une action concertée qui vise à contourner l'objectif qui est prévu par la loi.

Le Président (M. Ouimet) : M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Moi, je considère que, quand même, si on en arrive à une seule personne, l'employeur, pour juger peut-être de l'inefficacité d'un employé ou de son ralentissement... Je juge quand même que ce jugement-là est un petit peu tronqué, un petit peu biaisé.

Le Président (M. Ouimet) : M. le ministre.

M. Moreau : Oui, bien, écoutez, c'est le principe du droit de gérance des relations de travail au Québec, et ailleurs au Canada, et probablement ailleurs dans le monde. L'employeur et l'employé sont dans une relation contractuelle. L'un paie pour les services que l'autre doit rendre, l'autre rend les services en contrepartie de la rétribution qu'il reçoit. Et, dans cette relation-là... ce n'est pas un concept nouveau et unique au Québec, mais il y a un droit de gérance. C'est-à-dire que l'employeur doit s'assurer que l'employé fournit sa prestation de services, et l'employé doit s'assurer que l'employeur lui donne les conditions pour établir sa prestation de services et qu'il est rétribué en conséquence. Ça s'appelle les relations de travail.

Le Président (M. Ouimet) : D'autres questions, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles? Pas à ce moment-ci. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Et, si, M. le Président, l'employeur considère qu'il y a contravention à l'article 4 et que le salarié est de l'avis contraire, qu'arrive-t-il? Est-ce qu'il y a un mécanisme de grief?

M. Moreau : Pourtant, le député de Borduas m'a dit tantôt qu'il avait lu le projet de loi dans son entier. Je le taquine, je sais qu'il l'a fait.

La réponse à votre question se trouve à l'article 13 du projet de loi : «Toute mésentente portant sur l'application de l'article 12...» Et l'article 12 étant celui qui traite des suspensions des droits de l'employé, alors : «Toute mésentente portant sur l'application de l'article 12 est soumise à l'application de la procédure de règlement des griefs — une procédure standard.

«Le salarié a droit au remboursement du montant retenu uniquement s'il démontre qu'il s'est conformé à l'article 3 ou à l'article 4 — c'est dans le contexte de l'article 4 que nous étudions cela — selon le cas, ou qu'il en a été empêché bien qu'il ait pris tous les moyens raisonnables pour s'y conformer et que le fait de ne pas s'être conformé à l'article 3 ou à l'article 4 ne faisait partie d'aucune action concertée — c'est la réponse que je donnais au député de Saint-Jérôme.

«Quiconque est saisi en arbitrage de la décision prise par un organisme public suivant le présent article ne peut que la confirmer ou l'infirmer en se fondant uniquement sur le deuxième alinéa.»

Alors, c'est la mécanique qui est prévue.

Le Président (M. Ouimet) : Oui, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, au niveau de cette mécanique-là, le salarié pourrait se faire imputer dès le départ un 20 % sur son salaire s'il participe... enfin, s'il continuait de faire la grève ou s'il contrevient à l'article 4. Par la suite, l'employé pourrait faire un grief. Le grief est traité. Supposons que l'employé gagne son grief, la somme lui est remboursée, la somme qui a été retenue. Mais, pendant tout ce temps-là, il a perdu cette somme-là. Cette somme-là a été prélevée de son salaire. Donc, ça, c'est le premier élément. Dans le fond, on tape sur la tête du salarié tout de suite, même s'il y a grief là-dessus.

Le deuxième élément qu'on peut voir là-dedans aussi est à l'effet que l'application des sanctions pénales... Celles-ci sont-elles suspendues jusqu'à l'étude du grief ou elles sont données tout de suite?

Le Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

• (6 h 40) •

M. Moreau : Alors, quand — je reprends l'expression du député de Borduas, là — on tape sur la tête de l'employé, on tape sur la tête de l'employé dans le contexte où il y a une contravention disposition de l'article 4 ou des dispositions de la loi qui prévoient de ne pas avoir d'action concertée pour détourner l'objectif de la loi. Puis on est conscients qu'ici on traite avec les juristes de l'État puis on pense bien qu'ils vont se conformer aux dispositions de la loi.

D'ailleurs, je pense avoir entendu Me Denis, hier, indiquer qu'il n'avait pas l'intention de contrevenir à la loi mais qu'il entendait exercer leur recours à l'encontre de la légalité de cette loi-là, ce qui est leur droit le plus absolu. Et le mécanisme auquel réfère le député est mis en place lorsqu'il y a une action concertée puis il y a une contravention à la loi. Et, lorsqu'il y a une contravention à la loi, oui, les sanctions pénales prévues au projet de loi s'appliquent. On espère ne pas avoir à se rendre là, puis, très sincèrement, je ne pense pas qu'on va se rendre là, parce que je sais avec qui on transige. Mais les dispositions d'une loi de retour au travail qui sont là... Sauf les mécanismes de négociation, de conciliation, de médiation, qui sont des mécanismes nouveaux dans le contexte d'une loi semblable, les autres mécanismes sont des mécanismes assez courants que l'on retrouve dans ce type de législation là. Alors, il n'y a pas derrière ça une intention particulière du gouvernement autre que celle de créer un contexte où tout le monde sait que la loi doit être respectée.

Le Président (M. Ouimet) : Merci, M. le président du Conseil du trésor. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : La mécanique applicable dans l'éventualité où il y a un litige relativement, supposons, au ralentissement des activités, l'employeur qui exerce son droit de gérance, comme le président du Conseil du trésor l'a dit, évalue que, lui, de son opinion, il y a ralentissement. Le syndiqué dit : Non, il n'y a pas de ralentissement. Il se retrouve pénalisé jusqu'au moment où le grief va être entendu, et même les sanctions pénales pourraient s'appliquer. Donc, si d'aventure l'employeur considérait qu'il contrevient à l'article 4, avant même d'être jugé ou d'avoir pu exposer les faits par le biais d'un grief, il se retrouve à être déjà pénalisé. Pour moi, il m'apparaît une certaine incohérence là-dedans, parce qu'on a décidé... bien, en fait, le gouvernement décide de régler la question par un grief, ultimement, où les deux parties vont être entendues, puis il y a un arbitre qui va déterminer, dans le fond, le grief. Là, on se ramasse dans un cas où on sanctionne tout de suite le salarié, on pourrait lui imposer une amende également, mais on lui dit : Bien, écoutez, on va voir plus tard, peut-être que tu as raison, finalement, puis peut-être que tu n'as pas contrevenu à la loi. Donc, on impose tout de suite l'amende, on impose tout de suite la pénalité financière, et par la suite on dit : Bien, on verra.

Le Président (M. Ouimet) : M. le ministre.

M. Moreau : M. le Président, dans notre système de droit, la bonne foi des parties se présume de part et d'autre. C'est vrai pour un employeur comme pour un employé. Et, si le gouvernement abusait ou agissait de mauvaise foi, on n'a pas besoin de l'écrire dans cette loi-là, l'employé aurait un recours et, probablement, pourrait obtenir une condamnation et des dommages exemplaires si l'employeur, dans ce cas-ci le gouvernement, agissait de façon malicieuse.

On n'est pas dans un contexte où on doit présumer que les gens, autant les employeurs que les employés, agissent de façon malicieuse ou de mauvaise foi. On est dans un contexte où clairement on établit ici qu'on a franchi une étape. Et je répète que la loi, ce n'est pas le premier choix du gouvernement. Mais, lorsque le gouvernement établit ce choix-là dans l'arbitrage qu'il doit faire comme gouvernement responsable pour l'équilibre entre les droits des uns et des autres, dans le respect de la capacité de payer des citoyens et du droit des syndiqués de continuer cette négociation-là, il établit des règles qui sont claires. Et qu'est-ce que c'est, ces règles claires? C'est de dire : Écoutez, le retour au travail ne se négocie pas ici, on doit fournir les services parce que le jugement fait par le gouvernement dans l'exercice de cet équilibre-là milite en faveur de la continuation des services gouvernementaux à tous les égards, dans les tribunaux administratifs comme dans l'administration des autres institutions de l'État. Et on veut qu'il soit très clairement établi dans ce projet de loi là, comme dans tous les projets de loi de retour au travail qui ont été faits sous tous les gouvernements, qu'il y a des sanctions qui sont sévères et qui s'appliqueraient s'il y avait contravention aux dispositions qui prévoient la reprise des services. Or, il est très clair dans notre esprit que la reprise des services, c'est un élément qui n'est pas un obstacle à poursuivre les négociations pour en arriver à une entente négociée entre les parties pour les conditions de travail.

Il est clair que je ne suis pas... puis je ne vous plaiderai jamais que les dispositions de cette loi-là ne sont pas sévères pour assurer la reprise du travail. C'est clair, c'est là, puis on ne s'en cache pas, mais je répète encore une fois que ce n'était pas notre premier choix.

Le Président (M. Ouimet) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : ...que ce n'était pas le premier choix du gouvernement. Pour notre part, on pense qu'on aurait dû avoir une autre solution qu'une loi spéciale. Ceci étant dit, on en discute depuis un certain temps.

Pour soutenir l'application de la loi, j'en suis. À partir du moment où il y a une loi qui est votée au Parlement, il faut la respecter. Puis je n'ai pas de doute, moi non plus, que l'ensemble des intervenants au dossier vont la respecter. Mais, dans le cadre du conflit, vous savez, il y a eu certains litiges aussi, notamment pour les avocats qui représentent la Commission des normes du travail, la commission... bien, en fait, la commission des normes, de la santé, de l'équité salariale, la CNESST, et certains juristes qui travaillaient pour eux, qui devaient, par le biais des services essentiels, offrir une prestation de travail, se voyaient ne pas se voir rembourser les normes minimales du travail, donc le trois heures. Donc, lorsqu'une telle situation se produit, on peut se questionner aussi.

Et donc, dans l'application de la loi, on a déjà une procédure d'arbitrage de grief avec la loi. Alors, pourquoi imposer la sanction tout de suite, si jamais il y a un litige par rapport au grief... par rapport à la situation? Parce que, si on prend le cas des procureurs de la Commission des normes, qui eux sont rentrés travailler en services essentiels et qui n'ont pas été rémunérés à hauteur de trois heures minimalement comme c'était prévu, on voit qu'il y a une sorte de débalancement.

Le Président (M. Ouimet) : Oui, M. le président...

M. Moreau : Alors, j'en viens directement au cas que soulève le député de Borduas et je lui rappelle que cette situation-là n'a pas été tranchée, au fond, par les tribunaux et que l'instance est toujours pendante. Alors, je l'invite à la prudence concernant l'application notamment des règles qui nous gouvernent dans le règlement de nos débats et je n'émettrai pas de commentaire sur cette situation-là puisqu'un jugement final n'a pas été rendu. Ce n'est pas que je n'ai pas de commentaire à faire, j'ai des opinions là-dessus, mais, à ce stade-ci, je pense qu'il n'est pas approprié que je les fasse connaître parce que je m'exprime au nom du gouvernement. Ça, c'est sur un élément.

Sur l'autre élément, il ne faut pas se surprendre que, dans une loi de retour au travail, il y ait des dispositions qui ont un caractère dissuasif, et c'est exactement ce dont on parle. Alors, vous avez raison dans l'interprétation que vous faites des dispositions de la loi, et essentiellement ce que vous êtes en train de décrire là, c'est le caractère dissuasif de la loi quant à toute action qui pourrait être intentée par une partie, par une personne, par l'association pour contourner l'objectif premier, qui est la reprise normale des services.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. D'autres questions, commentaires? Du côté de l'opposition officielle, non plus?

Alors, je vais mettre aux voix l'article 4. Est-ce que l'article 4 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 5, maintenant... Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Avant d'arriver à l'article 5, tout à l'heure on s'était dit qu'il y avait un 2.1 du ministre et qu'on faisait le 3, mais là on est rendus au 5, et puis il n'a pas déposé... on n'a pas reçu encore les amendements du 2.1. Alors, est-ce que ça va être déposé par le ministre?

Le Président (M. Ouimet) : Oui. Alors, M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : On m'indique qu'on devrait avoir le texte dans quelques minutes, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet) : Donc, je vous propose de poursuivre avec l'article 5, puis, dès qu'il sera prêt, vous me le signalez. Très bien.

Alors, M. le président du Conseil du trésor, pour la présentation de l'article 5.

M. Moreau : Oui, merci. L'article 5 : «Tout organisme public, ses dirigeants et ses représentants doivent, à compter de 8 h 30 le mercredi 1er mars 2017, prendre les moyens appropriés pour assurer la fourniture par les salariés des services juridiques.»

M. le Président, cet article oblige un organisme public à prendre les moyens pour que les salariés puissent fournir les services juridiques à compter de mercredi le 1er mars, à 8 h 30.

Le Président (M. Ouimet) : Questions, commentaires, du côté de la deuxième opposition? Ah! M. le député de Jonquière. Désolé.

• (6 h 50) •

M. Gaudreault : Oui. Donc, pour revenir à ce qu'on disait à l'article... je ne me souviens plus, là, l'article 1 ou 2... 2, oui, «tout organisme public» ne couvre pas évidemment l'Agence du revenu. Donc, qu'arrive-t-il, là, du grand argument qui a été invoqué à maintes et maintes reprises par les députés du gouvernement quant à la nécessité de régler les situations des contribuables face à Revenu Québec, les milliers de dossiers qui sont en attente?

J'ai un article ici, là, de La Presse Affaires, 26 janvier. C'était le 26 janvier, ça, donc ça fait plus d'un mois : «Ce n'est peut-être que la pointe de l'iceberg, car Revenu Québec a dû reporter 2 878 dossiers en matière pénale depuis le début de la grève.» Alors là, ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'à partir de cet après-midi, quand le gouvernement va avoir fait adopter sa loi spéciale, il y a un certain nombre de juristes qui vont retourner de force au travail, mais les juristes au service de l'Agence du revenu du Québec seront toujours dans la rue, à la grève. Donc, la préoccupation des collègues du gouvernement pour faire avancer les dossiers... Les quelque 3 000 dossiers en matière pénale, entre autres à Revenu Québec, qui sont en retard, ça sera toujours en retard.

Le Président (M. Ouimet) : Oui, M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : M. le Président, alors, je réitère encore une fois que l'Agence du revenu n'est pas visée par le projet de loi pour une raison simple : c'est qu'il y a des discussions entre les parties, et que l'état d'avancement des négociations ne nous semble pas être suffisant pour assujettir l'agence aux dispositions de l'article... 127, et que donc on est dans un contexte de négociation, tout ça dans le respect des dispositions et des enseignements qui nous sont faits par la Cour suprême dans les deux arrêts dont on a discuté tantôt, B.C. Health Services et Saskatchewan. Alors, il n'aurait pas été convenant ou conforme à ces dispositions-là d'inclure l'unité de négociation de l'Agence du revenu, puisque les discussions continuent et qu'elles n'ont pas un stade d'avancement comparable à celui pour les juristes de l'État qui sont visés par le projet de loi n° 127.

Le Président (M. Ouimet) : M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Bien, c'est parce que c'est quand même important, là, on parle de milliers de dossiers en attente à Revenu Québec. D'autant plus que plus le temps court, plus les contribuables qui contestent une décision risquent de voir des intérêts, là, continuer de courir sur les sommes qui sont dues. Donc, ça a des impacts majeurs pour les contribuables. Et je ne sais pas si tous les députés du gouvernement étaient au courant, parce que c'est quand même des arguments qui ont été plaidés à plusieurs reprises, entre autres lors de l'étape de l'adoption du principe : il fallait régler la situation des dossiers à Revenu Québec.

Je voudrais savoir aussi si, considérant le fait que l'Agence du revenu n'est pas couverte par le projet de loi n° 127, ça a des impacts également en lien avec l'UPAC, les enquêtes de l'UPAC.

Le Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Il n'y a aucun lien à faire avec les enquêtes de l'UPAC, d'une part. D'autre part, j'écoute le préambule ou le commentaire fait par le député de Jonquière sur les impacts sur les dossiers de Revenu Québec. On ne peut pas dans un même discours dire : Écoutez, vous devez respecter le droit de grève des employés puis la négociation, puis en même temps nous reprocher de ne pas... de le faire puis de ne pas inclure ces gens-là à l'intérieur des dispositions de la loi n° 127, là. À un moment donné, il faut choisir le côté de la clôture où on s'installe, là.

Là, le député de Jonquière nous dit : Bien, ça, ce projet de loi là, vous ne devriez pas passer ça parce que c'est une atteinte au droit de grève. Puis là il nous dit : Bien, comment ça se fait que, dans ce projet de loi là, vous ne visez pas l'Agence du revenu?, quand on dit : Écoutez, ces gens-là sont en processus de négociation, mais leur négociation n'est pas assez avancée pour que l'on considère que, comme dans le cas qui nous occupe ici, des négociations qui ont duré depuis plus de... depuis deux ans, qui ont été soumises à un mécanisme de conciliation qui... de médiation, pardon, qui ont fait l'objet de six propositions différentes... Là, on n'est pas dans le même contexte.

Et un projet de loi, ça ne s'applique pas sur le plus large dénominateur. Ce projet de loi là s'applique à une situation qui est spécifique, qui est celle que l'on décrit depuis tantôt. Alors, moi, je veux bien entendre les opinions du député là-dessus, mais on ne peut pas avoir une opinion pour un puis une opinion différente pour l'autre, là, et c'est ce que je comprends qui se produit à l'heure actuelle, là.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Non, non — c'est parce que, le ministre, on sait qu'il est habile, là, dans l'art des pirouettes, là — ce n'est pas ça du tout qu'on dit, là, M. le Président, là.

Le Président (M. Ouimet) : Ça allait bien, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Hein?

Le Président (M. Ouimet) : Ça allait bien.

M. Gaudreault : Non, mais c'est un compliment que je donne, là. Alors, il est habile dans l'art des pirouettes, c'est un compliment. C'est parce que ce n'est pas ça du tout qu'on dit, là, d'avoir deux... Nous, on est contre la loi spéciale puis on veut donner plus de marge de manoeuvre à la négociation, on l'a dit d'emblée et à plusieurs, plusieurs reprises. Mais là ce qu'on apprend, c'est que la loi spéciale ne réglera même pas la question des requêtes ou des recours devant l'Agence du revenu, et pour les contribuables qui, en plus, en cours de route, vont voir augmenter leurs frais d'intérêts, donc c'est quand même assez fascinant, alors que c'est un argument qui a été présenté à plusieurs reprises par le gouvernement, que c'était une situation d'urgence. Beaucoup de contribuables sont en attente de voir leurs dossiers progresser avec l'Agence du revenu du Québec, et là ce ne sera pas le cas. Alors, c'est quand même important d'être conscient de ça ce matin, M. le Président.

Et je reviens sur ma question sur l'UPAC, parce que le ministre, je pense, a mal compris ou n'a pas répondu, là. À partir du moment où il y a une enquête de l'UPAC qui conduit à des poursuites, qui est le poursuivant?

Le Président (M. Ouimet) : Alors, M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Je retourne au député de Jonquière son compliment. Il est très habile dans les pirouettes lui-même, parce que, là, il nous dit : Comment ça se fait que ces gens-là ne sont pas inclus dans le projet de loi n° 127? Pourquoi vous ne les faites pas rentrer au travail tout de suite?

Êtes-vous favorables à la loi? Bien, alors, votez favorablement à cette loi-là puis proposez un amendement pour qu'on ajoute les gens de l'Agence du revenu, mais arrêtez de faire des pirouettes ou des «backflips», je ne sais pas comment vous exprimez ça, là, dans l'expression de vos compliments, mais vous ne pouvez pas avoir un discours qui porte des deux côtés en même temps, là, il faut que vous vous décidiez. Ou bien vous êtes pour l'exercice de la négociation ou l'exercice du droit de grève ou vous êtes contre. Vous ne pouvez pas être pour et contre à la fois, parce que ça, ça fait une drôle de coloration. Et c'est un peu ce que le premier ministre exprimait l'autre jour comme la position Frost. Quand on est sur la clôture, ça pique en tabarouette!

Alors là, ou bien vous êtes favorable à ça ou vous n'êtes pas favorable. Vous avez le droit, il n'y a aucune difficulté, mais vous ne pouvez pas tenir un discours A pour un groupe de travailleurs... Parce que le discours du gouvernement, il est logique et compatible à la situation. On arrive à une loi de retour au travail le jour où on estime que les effets de la négociation et de l'exercice du droit de grève sont terminés, et on le fait dans le contexte d'une atteinte minimale aux droits des salariés. La proposition que fait le député de Jonquière, à l'heure actuelle, ne respecte pas ces dispositions-là. Et pourtant, tantôt, là, il nous faisait la lecture et l'interprétation qu'il faisait des décisions de la Cour suprême. Je l'invite à relire les décisions dont il nous parlait tantôt et de voir si c'est compatible avec la suggestion qu'il semble vouloir nous faire de faire rentrer tout de suite les gens de l'Agence du revenu, alors qu'ils sont en processus de négociation. C'est peut-être une pirouette, mais c'est une pirouette qui est très malhabile, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet) : Il avait une dernière question, je pense, sur la question de l'UPAC.

M. Gaudreault : Oui. C'est parce que le ministre me met des mots dans la bouche, là, je n'ai jamais dit cela. Et le double discours, il est tenu du côté du gouvernement, hein, parce que, d'un côté, ils prétendent vouloir régler les questions soi-disant urgentes qui traînent, là, du côté des poursuites, du côté des retards de l'Agence du revenu, alors qu'on apprend aujourd'hui que ce ne sera pas le cas avec la loi spéciale qu'on a devant nous.

Mais je n'ai pas entendu le ministre répondre à ma question concernant l'UPAC.

Le Président (M. Ouimet) : Sur l'UPAC.

M. Moreau : Lorsqu'il y a des poursuites intentées suite à une enquête de l'UPAC, c'est les procureurs aux poursuites criminelles et pénales qui sont chargés de la situation. Et les procureurs de la couronne ne sont pas, d'aucune façon, visés par ça, puisqu'ils sont dans le contexte d'un contrat d'une durée de quatre ans, qui a fait l'objet de la recommandation d'un comité de négociation. Et ils ont un salaire qui est inférieur à la proposition gouvernementale dans le cas des juristes de l'État. Ils sont au travail, ils respectent leur contrat de travail, et c'est eux qui prennent les poursuites criminelles qui doivent être prises lorsque l'UPAC estime qu'il y a... que les éléments d'enquête révélés par l'UPAC suggèrent aux procureurs de la couronne qu'il y a matière à poursuite criminelle.

M. Gaudreault : ...matière fiscale?

M. Moreau : Même si on est en matière fiscale, si c'est une infraction criminelle, c'est le DPCP qui prend les poursuites. Si vous parlez d'un recours qui est de recouvrement, qui n'est pas un recours criminel, à ce moment-là ce sont les juristes de l'État et ceux qui sont dans l'unité de négociation de l'Agence du revenu.

Le Président (M. Ouimet) : Ça va, du côté de l'opposition officielle, pour l'instant? Monsieur... Non?

Alors, on va mettre aux voix l'article 5. Est-ce que l'article 5 du projet de loi est adopté?

Des voix : Adopté.

• (7 heures) •

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. Sommes-nous prêts pour l'amendement introduisant 2.1? M. le président...

M. Moreau : Ce qu'on m'indique, c'est que l'amendement en question serait fait au terme de la plénière parce que le document n'est toujours pas prêt.

Le Président (M. Ouimet) : Oui. Alors, juste un instant, là. J'ai des réactions de Mme la députée de Pointe-aux-Trembles là-dessus. Mme la députée.

Mme Léger : C'est parce que je veux juste rappeler... Merci, M. le Président. Juste rappeler que moi, j'étais consentante parce que le ministre... On avait déjà adopté le 2, j'étais consentante pour que le ministre puisse déposer quand même son article, de faire le 2.1, mais en autant que c'est là, là. Sinon, il est trop tard. Il y a une ouverture, mais, en même temps, il faut juste que lui aussi collabore.

Le Président (M. Ouimet) : Bien, là-dessus, juste entendre les arguments de M. le député de Borduas, puis je vais revenir à vous, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Effectivement, M. le Président, on avait une entente à l'effet que ça serait déposé ici.

Le Président (M. Ouimet) : Je n'ai pas compris.

M. Jolin-Barrette : J'ai dit : Effectivement, M. le Président, on avait consenti à ce que ça soit déposé ici. Même si les règles parlementaires prévoient qu'ils peuvent le faire après, je pense qu'on s'était entendus pour qu'on puisse le présenter en commission plénière.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. Alors, M. le président du Conseil du trésor... ou M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Tanguay : M. le Président, en vertu, vous le savez, de la procédure qui nous guide, 257.1 et suivants, il y a opportunité, évidemment, de déposer les amendements dans une fenêtre qui est celle après la plénière. Donc, cette opportunité-là n'a pas été mise de côté par le ministre.

Le fait de pouvoir revenir à un article n'oblige pas le ministre à revenir audit article. Le consentement ne peut pas empêcher le ministre de faire ce que le code, par ailleurs, lui permet de faire. Et, à ce stade-là, il y aura une fenêtre d'opportunité pour déposer l'amendement, le communiquer, l'analyser. Vous le savez, il y a des délais d'une heure et... deux fois, qui vont s'appliquer à ce moment-là. Alors, voilà.

Le Président (M. Ouimet) : Bien, écoutez, la présidence... Je n'ai pas les pouvoirs pour contraindre le ministre de déposer un amendement. Je comprends qu'il y a eu des discussions. Comme le disait le leader adjoint du gouvernement, il a toute la latitude, au niveau des articles qui ont été cités, pour, à une autre étape, présenter des amendements, s'il juge opportun de les présenter à cette étape-là. M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Oui. Il n'y a pas de grand mystère là-dedans, là. Il y a des vérifications juridiques qui ont cours présentement pour voir s'il y a lieu de déposer un amendement à l'article 2 ou, si ce n'est pas l'article 2 parce que l'article 2 a été adopté, un article subséquent au terme des définitions pour s'assurer que toutes les situations sont couvertes pour les unités d'accréditation qui seraient visées dans le cas du projet de loi n° 127.

Alors, de toute façon, les oppositions... Puis j'attirerai leur attention sur la nature de l'amendement en question. Ça m'apparaît être un élément qui est extrêmement technique, et l'idée n'est pas de prendre personne par surprise ou de revenir sur des consentements. On va le faire selon ce que la procédure prévoit.

Le Président (M. Ouimet) : Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : M. le Président, ce qu'on avait convenu tout à l'heure, c'est que le ministre, après qu'on ait adopté l'article 2, a dit qu'il y avait un amendement, et, pour réussir à ce que l'amendement soit passé, on a dit que c'était 2.1, à 2.1. Il a soulevé, le ministre, à 2.1... Moi, j'étais consentante, il n'y avait pas de problème à ce niveau-là. En même temps, il peut les déposer en plénière aussi, c'est son droit. Moi, ce n'est pas à ce niveau-là, sauf que c'est sûr que, quand ça va en plénière, bien, on ne peut pas en débattre. Alors, ça dépend de l'ouverture du ministre.

Et, s'il n'est pas prêt, pourquoi qu'il n'est pas prêt? Il y a des juristes qui peuvent l'aider, là, qui sont en haut, là. Mais, s'il n'est pas prêt, je peux comprendre aussi, là. Mais l'objectif, c'était qu'on en débatte ici. Alors, il peut faire en plénière, s'il veut le faire en plénière, mais on s'était entendus qu'on lui laissait un peu de temps, on allait à l'article 3 et 4 pour qu'il revienne.

Alors, c'est son choix, M. le Président, mais je veux juste que ce soit clair.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, écoutez, quant à moi, ça clôt le débat là-dessus. Passons à l'article 6. L'article 6, M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Très bien, M. le Président. Alors, article 6 : «Il est interdit à l'association de déclarer ou de poursuivre une grève ou de participer à toute action concertée si cette grève ou cette action concertée implique une contravention par des salariés à une disposition de l'article 3 ou de l'article 4.

«De même, le lock-out est interdit s'il implique une telle contravention.»

Cette disposition vise à empêcher, M. le Président, l'association de déclarer ou de poursuivre une grève ou de participer à toute action concertée qui ont pour effet d'altérer ou de modifier les devoirs rattachés aux fonctions des salariés, leurs activités professionnelles ou administratives ou qui ont pour effet d'empêcher la prestation de services juridiques ou de retarder le cours de procédures pénales, civiles ou administratives. Cet article interdit aussi le lock-out.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, questions, commentaires? Ça va pour cet article, du côté de la deuxième opposition?

Je vais mettre aux voix l'article 6. Est-ce que l'article 6 est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 7. M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Merci, M. le Président. «L'association doit prendre les moyens appropriés pour amener les salariés qu'elle représente à se conformer à l'article 3 et à ne pas contrevenir aux articles 4, 8 et 9.»

Cette disposition oblige l'association de salariés à prendre des mesures pour amener les salariés à respecter les devoirs attachés à leurs fonctions, à accomplir leurs activités professionnelles ou administratives et à fournir leur prestation habituelle de travail.

Le Président (M. Ouimet) : Questions, commentaires?

S'il n'y en a pas, je vais mettre aux voix l'article 7. Est-ce que l'article 7 est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 8 maintenant. M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Oui, M. le Président. Article 8 : «Nul ne peut, par omission ou autrement, faire obstacle ou nuire de quelque manière au respect des devoirs attachés aux fonctions d'un salarié, à la fourniture de services juridiques par un salarié, à l'accomplissement par un salarié de sa prestation de travail ou de ses activités professionnelles ou administratives, ni contribuer directement ou indirectement à ralentir ou à retarder l'accomplissement de cette prestation.»

Cette disposition, M. le Président, vise à assurer que la prestation de services juridiques ne sera pas gênée. Cette disposition vise les salariés mais également toute autre personne qui ferait obstacle ou qui nuirait à cette prestation.

Le Président (M. Ouimet) : Merci. Questions, commentaires?

Sinon, je mets aux voix l'article 8. Est-ce que l'article 8 est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. Très bien. L'article 9 maintenant.

M. Moreau : Article 9 : «Nul ne peut entraver l'accès d'une personne à un lieu où elle a le droit ou le devoir de se trouver et dans lequel un salarié doit exercer ses fonctions.»

Cette disposition vise à assurer l'accès pour tout citoyen, y compris un salarié, à un lieu où les services juridiques sont ou doivent être rendus par un salarié.

Le Président (M. Ouimet) : Questions, commentaires à l'article 9?

Je mets aux voix l'article 9. Est-ce que l'article 9 est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 10 maintenant. M. le ministre.

M. Moreau : Article 10 : «Section III. Mesures administratives et civiles.

«1. Cotisation syndicale.»

Article 10 : «Dès qu'un organisme public constate que ses salariés ne se conforment pas à l'article 3 ou à l'article 4 en nombre suffisant pour assurer que soient dispensés ses services, il doit cesser de retenir toute cotisation syndicale ou tout montant en tenant lieu sur le traitement de chacun des salariés que représente l'association.»

«Cette cessation vaut pour une période égale à 12 semaines par jour ou partie de jour pendant lequel l'organisme public constate que ses salariés ne se conforment pas à l'article 3 ou à l'article 4 en nombre suffisant pour assurer que soient dispensés ses services.»

Alors, M. le Président, cette disposition prévoit une sanction à l'égard de l'association advenant que des salariés maintiennent la grève, ne respectent pas les devoirs attachés à leurs fonctions, n'accomplissent pas leurs tâches professionnelles ou administratives ou participent à une action concertée afin de diminuer ou altérer ces devoirs et tâches. Il en est de même si l'action concertée empêche ou diminue la prestation des services juridiques ou retarde le cours de procédures pénales, civiles ou administratives.

La sanction consiste à suspendre pour 12 semaines le prélèvement par l'organisme public de la cotisation syndicale ou de tout montant qui en tient lieu.

Le Président (M. Ouimet) : Questions, commentaires sur l'article 10? M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Alors, M. le Président, on est encore au même point où l'employeur pourrait être juge et partie de certaines baisses de régime ou de travail, mais moi, je m'attarde plutôt à la période de 12 semaines qui, évidemment, là, ferait partie de la punition. Alors, sur quoi on s'est basé pour ce total de 12 semaines? Est-ce qu'on a fait des comparatifs? Y a-t-il eu jurisprudence dans cette matière? Il me semble que c'est très punitif, 12 semaines.

Le Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

• (7 h 10) •

M. Moreau : Alors, M. le Président, encore là, on est dans la notion des mesures dissuasives. Et on m'indique que les dispositions de l'article 10 sont des dispositions que l'on retrouve dans ce type de législation, qui prévoient le retour au travail et se retrouvent généralement comme mesures dissuasives pour éviter qu'une action concertée ou que l'association puisse inciter à déroger aux dispositions prévoyant le retour au travail ou la prestation de services.

Le Président (M. Ouimet) : Merci. Questions ou commentaires additionnels? Ça va? Je mets aux voix l'article 10. Est-ce que l'article 10 est adopté?

Mme Léger : Sur division.

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 11 maintenant.

M. Moreau : L'article 11 : «Malgré toute stipulation de la convention collective applicable, un salarié n'est pas tenu de payer une cotisation, une contribution ou toute autre somme d'argent en tenant lieu, à l'association ou à un tiers à l'acquit de celle-ci, pour la période de suspension de retenues résultant de l'application de l'article 10.»

Alors, cet article, M. le Président, est lié à l'article précédent. Il prévoit qu'en cas de suspension du prélèvement de la cotisation syndicale l'obligation de payer cette cotisation cesse de lier le salarié.

Le Président (M. Ouimet) : Questions ou commentaires? M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Concrètement, à partir du moment où le salarié n'a plus besoin de payer sa cotisation, il ne perd pas la protection du syndicat? Parce que lui, pour être représenté par le syndicat, nécessairement, son obligation envers son association syndicale, c'est de payer sa cotisation, payer les droits afférents. Si on lui dit dans la loi : Vous n'avez plus besoin de payer votre cotisation, est-ce que lui, par rapport au syndicat, ne contrevient pas à sa partie du contrat d'association? Peut-être que le ministre peut nous renseigner là-dessus.

Le Président (M. Ouimet) : Oui.

M. Moreau : ...une question contractuelle. L'obligation qu'a le syndicat de représenter de bonne foi ses salariés est une obligation qui lui échoit en vertu du Code du travail. Cette disposition du Code du travail continue de s'appliquer. Ici, il s'agit d'une mesure dissuasive et qui allège le salarié de l'obligation de fournir une cotisation qui, de toute façon, n'est pas retenue par l'organisme auquel est attaché l'organisme public auquel est attaché le salarié.

Alors, l'idée n'est pas de pénaliser le salarié, l'idée est d'avoir... C'est une mesure dissuasive qui s'applique à la réception de la cotisation syndicale par l'association, mais le Code du travail n'est pas modifié par le projet de loi n° 127, et l'obligation de représentation, qui est une obligation légale et non pas contractuelle prévue au Code du travail, continue de s'appliquer. Alors, il n'y a pas de perte de protection pour le salarié à l'égard de l'obligation de son syndicat de le représenter de bonne foi dans toute instance liée à sa prestation de services.

M. Jolin-Barrette : ...à l'article 10, on vient modifier un peu la formule Rand. On dit : En guise de pénalité pour le syndicat, en guise de pénalité, vous n'allez plus... bien, le Conseil du trésor ne va plus prélever la cotisation syndicale sur le salaire du juriste pour la remettre au syndicat. Ça, c'est une chose en guise de punition.

À l'article 11, on dit aux syndiqués : Vous avez le droit de ne plus payer votre cotisation au syndicat. Qu'est-ce qui justifie le fait de ne plus verser sa cotisation? Je comprends quand le Conseil du trésor dit : Écoutez, nous, à cause des agissements du syndicat, à cause d'un agissement contraire à l'article 3, 4 ou 6, on ne prélève pas. Ça, je comprends. Mais pourquoi vous dites aux salariés : Vous n'avez pas l'obligation de verser votre cotisation?

M. Moreau : Bien, parce que, d'une part, un, on ne prélève pas la cotisation. D'autre part, la protection prévue au Code du travail, qui doit être fournie par le syndicat, est maintenue. Maintenant, si le salarié, malgré ce congé-là, décide de faire une donation à son syndicat, il peut toujours le faire, mais on le relève de l'obligation de le faire, qui est un corollaire du fait que la cotisation est suspendue par l'employeur envers le syndicat.

Alors, pour quelle raison est-ce que j'obligerais le salarié à payer sa cotisation si moi, je ne la paie pas comme employeur au syndicat, alors que l'important, c'est d'assurer que la protection prévue par les dispositions du Code du travail, du syndicat envers le travailleur, soit maintenue?

M. Jolin-Barrette : Donc, je comprends qu'il n'y a pas d'obligation légale pour un salarié de payer sa cotisation syndicale à son syndicat, à moins que ça soit prévu par convention collective.

M. Moreau : Non, non. La disposition réfère à une disposition générale du Code du travail. Ici, ce que l'on dit, c'est : On suspend, on relève de son obligation le salarié étant donné que la cotisation n'est pas payée pour la période de 12 semaines prévue à l'article 10. Alors, pour quelle raison... Qu'est-ce que je ferais avec la cotisation que je prélève du salarié? L'employeur s'enrichirait parce qu'il ne la reverse pas à l'association syndicale.

M. Jolin-Barrette : Il y a deux choses distinctes. Dans un premier temps, à cause des agissements du syndicat, le Conseil du trésor dit : Écoutez, comme sanction punitive, moi, je ne prélèverai plus les cotisations syndicales des employés vers le syndicat. Ça, c'est le premier élément. O.K.

Bon, si l'employé... Mais, en fait, la question, c'est : Pourquoi relever l'employé du fait de dire : Vous devez quand même cotiser à votre syndicat, à part pour affaiblir le syndicat? Parce que l'employeur dit : Écoutez, moi, je vais rendre ça plus difficile pour le syndicat parce qu'il ne pourra plus se financer directement. Ça facilite, dans le fond, le financement du syndicat lorsque l'employeur prélève la cotisation et la verse, mais pour l'employé comme tel.

Le Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : La cotisation prélevée chez le salarié, dans un contexte normal, n'est pas faite pour enrichir l'employeur mais pour assumer le paiement de la cotisation syndicale.

L'article que nous venons d'adopter, sur division, j'en conviens, mais il est assez clair, l'article 10 : pendant une période de 12 semaines, il n'y aura pas de paiement de cotisation au syndicat, de la cotisation syndicale. Alors, je ne vois pas pourquoi je continuerais de prélever chez le salarié une cotisation qui n'est pas versée au syndicat.

L'idée, ce n'est pas d'affaiblir le syndicat. L'idée, c'est de dissuader le syndicat, à l'article 10, de poser des gestes qui iraient à l'encontre de la reprise des activités. Mais maintenant ce que vous me dites, là, vous dites : Très bien, si je suis votre raisonnement, j'ai un petit peu de difficultés, là, vous dites : Ne versez pas au syndicat la cotisation, mais continuez de la prélever chez le salarié. Ça n'a pas beaucoup de bon sens, là.

M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas ça que j'ai dit. Je l'ai dit par deux fois, vous, en tant qu'employeur, vous, le Conseil du trésor, là, vous, en tant qu'employeur, généralement, vous prélevez une cotisation sur le salaire de l'employé, et ensuite elle est redistribuée au syndicat. Vous dites : S'il y a contravention aux articles 3, 4 et 6, nous ne le ferons plus. On ne facilitera pas la job du syndicat d'obtenir ces ressources-là, ces ressources auxquelles ils ont droit, la cotisation syndicale, et, par le fait même, on va dire à l'employé : Tu n'as plus besoin de la verser. Mais il n'y a pas d'intérêt à relever le syndiqué de son obligation de verser sa cotisation au syndicat.

Le Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : J'ai beaucoup de difficultés à suivre votre raisonnement. Vous voulez que je fasse quoi avec la cotisation? Que je continue à prélever, alors que je ne la verse pas au syndicat? Vous voulez que je fasse quoi avec? Que je la donne à un organisme de charité? Que je vous la remette, à la Coalition avenir Québec? Qu'est-ce que vous voulez que je fasse avec?

Pourquoi est-ce que je pénaliserais le syndiqué et que je ne le relèverais pas de son obligation de payer une cotisation que, de toute façon, l'employeur ne verse pas au syndicat? Honnêtement, j'ai un petit peu de misère, là. Je ne sais pas. Vous voulez que je fasse quoi avec? Faites-moi une suggestion.

M. Jolin-Barrette : Non, je pense qu'on ne se comprend pas, M. le Président. Ce que j'ai dit au ministre, c'est qu'à son article 10 on dit : Le Conseil du trésor ne prélèvera plus la cotisation syndicale. Supposons que c'était 10 $. Pendant 12 semaines, il ne prendra plus le 10 $. À son article 11...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Exactement. Pourquoi? Parce que le Conseil du trésor ne sera pas inclus là-dedans. C'est une relation entre le syndicat et son syndiqué. Ça ne touche pas le Conseil du trésor. À partir du moment où le Conseil du trésor dit : Moi, je ne prélève plus, en guise de représailles, en guise de pénalité, parce que vous avez contrevenu aux articles 3, 4 et 6 de la loi, moi, je n'exerce plus la formule Rand, je ne prélève pas les paiements sur le slip de paie du syndiqué. Ensuite, à 11, vous dites : Bien, écoutez...

• (7 h 20) •

M. Moreau : L'obligation du syndiqué n'existe plus à l'égard du paiement d'une formule que je ne paie pas au syndicat, c'est un corollaire.

M. Jolin-Barrette : D'accord, mais, par le fait même, vous dites aux syndiqués : Vous n'avez pas besoin de cotiser à votre syndicat.

M. Moreau : Ça ne peut pas être plus clair que ça, là, M. le Président. Je le relève de son obligation de cotiser, effectivement. C'est ce que dit l'article 11, mais c'est un corollaire du fait que je ne prélève plus et que je ne verse plus au syndicat la cotisation syndicale. Alors, si j'oblige encore le salarié, si j'assujettis le salarié à faire une contribution à un syndicat, alors que je ne prélève... je ne verse pas la cotisation syndicale, il y a quelqu'un en quelque part qui va détenir de l'argent qui n'est pas remis aux fins pour lesquelles normalement l'obligation de payer est prévue au Code du travail. Alors, c'est le corollaire, l'article 11, aux dispositions dissuasives prévues à l'article 10 à l'égard de l'association syndicale, à l'égard du syndicat.

M. Jolin-Barrette : Mais pas si le syndiqué envoie sa cotisation directement au syndicat, sans passer par le Conseil du trésor.

M. Moreau : Bien, s'ils veulent faire une donation à leur syndicat, ils sont libres de le faire, là. La donation, c'est une libéralité qui est prévue au Code civil, ils peuvent continuer de faire ça, mais ils ne sont pas obligés de le faire. C'est ce qu'on dit à l'article 11.

Le Président (M. Ouimet) : Ça va? Bon, alors, voilà qui est éclairci. D'autres interventions à l'article 11?

Sinon, je vais mettre aux voix l'article 11. Est-ce que l'article 11 est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 12 maintenant. M. le ministre.

M. Moreau : «2. Rémunération des salariés.» Article 12 :

«Il est interdit à un organisme public de rémunérer un salarié qui contrevient à l'article 3 ou à l'article 4 pour la période pendant laquelle la contravention a lieu.

«De plus, si la contravention résulte d'une absence ou d'un arrêt de travail, le traitement à être versé au salarié en application de la convention collective pour le travail effectué après cette absence ou cet arrêt est réduit d'un montant égal au traitement qu'il aurait reçu pour chaque période d'absence ou d'arrêt.

«Un organisme public doit faire les retenues découlant de l'application du deuxième alinéa jusqu'à concurrence de 20 % du traitement par période de paie. Il verse par la suite ces sommes à un organisme de bienfaisance enregistré au sens de la Loi sur les impôts (chapitre I-3) et désigné par décret du gouvernement.»

Cet article prévoit donc que le salarié n'est pas rémunéré pour le jour où il maintient la grève, ne respecte pas les devoirs rattachés à ses fonctions, n'accomplit pas ses tâches professionnelles ou administratives ou participe à une action concertée afin de diminuer ou altérer ses devoirs et tâches. Il en est de même si l'action concertée empêche ou diminue la prestation des services juridiques ou retarde le cours de procédures pénales, civiles ou administratives.

De plus, il est prévu, au deuxième alinéa, qu'un montant égal à cette rémunération sera déduit du traitement du salarié ultérieurement. Les modalités de retenue de ces sommes sont déterminées au troisième alinéa. Un organisme public peut retenir jusqu'à 20 % du traitement par période de paie. Les sommes ainsi recueillies sont versées à un organisme de bienfaisance.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. Alors, questions, commentaires du côté de l'opposition officielle? Il n'y en a pas. Du côté de la deuxième opposition non plus?

Je mets aux voix l'article 12. Est-ce que l'article 12 est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 13. M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Oui. «Toute mésentente portant sur l'application de l'article 12 est soumise à l'application de la procédure de règlement des griefs.

«Le salarié a droit au remboursement du montant retenu uniquement s'il démontre qu'il s'est conformé à l'article 3 ou à l'article 4, selon le cas, ou qu'il en a été empêché bien qu'il ait pris tous les moyens raisonnables pour s'y conformer et que le fait de ne pas s'être conformé à l'article 3 ou à l'article 4 ne faisait partie d'aucune action concertée.

«Quiconque est saisi en arbitrage de la décision prise par un organisme public suivant le présent article ne peut que la confirmer ou l'infirmer en se fondant uniquement sur le deuxième alinéa.»

Alors, cette disposition prévoit un mécanisme de règlement des conflits advenant un litige lié à l'absence de rémunération ou à la réduction du traitement en application de l'article 12. Le litige doit être soumis à un arbitre comme l'est un grief. Un salarié pourra faire une défense de moyens raisonnables et démontrer qu'il n'a pas participé à une action concertée.

Le dernier alinéa précise la compétence du décideur, soit celle fixée par le deuxième alinéa de l'article 13.

Le Président (M. Ouimet) : Merci. Questions, commentaires sur l'article 13? Est-ce que l'article 13 est adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Léger : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 14.

M. Moreau : «3. Salariés libérés pour activités syndicales.» Article 14 :

«Il est interdit à un organisme public de rémunérer un salarié qui est l'objet d'une libération pour exercer des activités syndicales pour un jour ou une partie de jour pendant lequel l'association contrevient à l'article 6.

«De plus, le traitement à être versé au salarié en application de la convention collective pour le travail effectué après la contravention de l'association est réduit d'un montant égal à celui qui lui aurait été versé en l'absence de contravention.

«Un organisme public doit, s'il constate une contravention visée au premier alinéa par l'association, faire les retenues découlant de l'application du deuxième alinéa jusqu'à concurrence de 20 % du traitement par période de paie. Il verse par la suite ces sommes à un organisme de bienfaisance enregistré au sens de la Loi sur les impôts et désigné par décret du gouvernement.»

Alors, cette disposition prévoit une mesure semblable à celle prévue à l'article 12 pour un salarié en libération pour exercer des activités syndicales alors que l'association ne se conforme pas à la loi. Donc, il ne reçoit aucune rémunération pour le jour où la contravention a lieu. De plus, une somme équivalente à cette rémunération est déduite du traitement que le salarié devra recevoir après cette contravention, et les retenues sur la paie se font jusqu'à concurrence de 20 %.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Questions ou commentaires? Pas à ce moment-ci. Est-ce que l'article 14 est adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Léger : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 15, maintenant.

M. Moreau : Article 15 : «Toute mésentente portant sur l'application de l'article 14 est soumise à l'application de la procédure de règlement des griefs.

«Le salarié a droit au remboursement du montant retenu uniquement s'il démontre qu'il n'a pas participé aux activités de l'association qui sont reliées à la contravention.

«Quiconque est saisi en arbitrage de la décision prise par un organisme public suivant le présent article ne peut que la confirmer ou l'infirmer en se fondant uniquement sur le deuxième alinéa.»

Alors, cet article prévoit un mécanisme de règlement des conflits advenant un litige lié à l'absence de rémunération ou à la réduction du traitement en application de l'article 14. Il est le même que celui prévu à l'article 13. Le litige doit être soumis à un arbitre comme l'est un grief. Un salarié pourra faire une défense de moyens raisonnables et démontrer qu'il n'a pas participé aux activités de l'association qui sont reliées à la contravention.

Le dernier alinéa précise la compétence du décideur, qui se limite à confirmer ou infirmer la décision de l'organisme public.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien, merci. Questions ou commentaires sur l'article 15? Sinon, je vais mettre aux voix l'article 15. Est-ce que l'article 15 est adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Léger : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 16 maintenant.

M. Moreau : «Dès qu'un organisme public constate que l'association a accompli un acte visé à l'article 6, il doit, après en avoir avisé l'association, cesser de payer, pour la période déterminée en vertu du troisième alinéa, à tout salarié qui est l'objet d'une libération au cours de cette période pour exercer des activités syndicales au bénéfice de l'association, tout traitement pour le temps durant lequel le salarié est libéré.

«Le premier alinéa s'applique également lorsqu'un organisme public constate que les salariés ne se conforment pas à l'article 3 ou à l'article 4 en nombre suffisant pour assurer que soient dispensés ses services.

«La cessation de paiement prescrite par le présent article est d'une durée de 12 semaines par jour ou partie de jour pendant lequel l'organisme public fait le constat prévu au premier ou au deuxième alinéa.»

Cette disposition prévoit une mesure à l'endroit d'une association qui contrevient à la loi. Pour une période de 12 semaines, un organisme public doit cesser de payer à un salarié libéré pour exercer des activités syndicales pour le bénéfice de cette association tout traitement durant lequel il est libéré.

Le Président (M. Ouimet) : Questions, commentaires à l'article 16? Je mets aux voix l'article 16. Est-ce que l'article 16 est adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Léger : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. Article 17 maintenant. M. le ministre.

• (7 h 30) •

M. Moreau : «4. Réorganisation du travail.»

«Si, dans un organisme public, les salariés ne se conforment pas à l'article 3 ou à l'article 4 en nombre suffisant pour assurer la prestation des services, le gouvernement peut, par décret, à compter de la date, pour la période et aux conditions qu'il fixe, uniquement aux fins d'assurer la prestation des services de l'organisme public, remplacer, modifier ou supprimer toute stipulation de la convention collective liant cet organisme public et l'association, afin de pourvoir au mode selon lequel l'organisme public comble un poste, procède à l'embauche de nouveaux employés et à toute matière se rapportant à l'organisation du travail.»

Cet article permet au gouvernement d'apporter par décret des ajustements temporaires aux conventions collectives dans le cas où les salariés ne respectaient pas les devoirs attachés à leurs fonctions ou n'accomplissaient pas les tâches professionnelles et administratives en nombre suffisant pour assurer, dans un organisme public, la prestation des services.

Le Président (M. Ouimet) : Merci, M. le ministre. Questions, commentaires à l'article 17? M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Bien, concrètement, l'article veut dire que le gouvernement va pouvoir embaucher par décret ou donner un mandat à quelqu'un, à un individu — dans le fond, vu qu'on vise les juristes, à un avocat ou à un notaire — pour effectuer le travail. Dans le fond, le gouvernement se donne cette latitude-là, avec cet article-là, pour agir par décret pour faire une embauche. C'est bien ça?

M. Moreau : Qui serait essentiellement temporaire et pour éviter que... si un nombre important de salariés étaient en contravention de la reprise du travail, pour que le gouvernement puisse s'assurer d'avoir un nombre suffisant de personnes pour assurer la prestation des services visés.

Alors, le décret prévoirait... oui, pourrait prévoir éventuellement l'embauche de personnes pour une durée déterminée et permettre au gouvernement d'assurer les services qui, par ailleurs, ne seraient pas rendus, en contravention avec les dispositions de la loi qui indiquent la reprise des services à compter de mercredi.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que, par cet article, on vise l'embauche d'un contrat à durée déterminée, supposons, on donne un mandat à quelqu'un en tant que salarié, ou on vise plutôt le fait de donner un mandat à l'externe? Exemple, supposons que le Procureur général aurait un dossier à la cour, au civil, à la Cour supérieure, supposons. Est-ce que cet article vient confier la possibilité de mandater un bureau d'avocats pour dire : Bien, vous allez agir en tant que procureurs externes pour la conduite de mon dossier? Est-ce que c'est ça qui est visé ou c'est plutôt le fait d'embaucher un avocat à durée déterminée à l'intérieur du contentieux?

M. Moreau : Bien, en fait, les deux situations sont possibles, là, parce que... Le texte me semble assez clair : «...pour la période et aux conditions qu'il fixe, uniquement aux fins d'assurer la prestation des services de l'organisme public, remplacer, modifier [...] supprimer toute stipulation de la convention collective liant cet organisme public et l'association, afin de pourvoir au mode selon lequel l'organisme public comble un poste, procède à l'embauche de nouveaux employés [ou] à toute matière se rapportant à l'organisation du travail.»

Alors, il pourrait le faire en impartition, en disant : Bien, voici, pour les fins données, les juristes ne se présentent pas, on n'est pas en mesure de fournir le travail. Alors, il pourrait procéder à une embauche temporaire, donc à l'interne, ou encore confier le mandat à un avocat externe, à une firme d'avocats, ou à un avocat externe, ou à une firme de notaires externe, si, par exemple, la prestation de services qui n'est pas fournie est celle d'un notaire juriste de l'État qui refuserait de constater une convention entre les parties qui devrait normalement résulter en un acte notarié.

M. Jolin-Barrette : Mais vous ne pensez pas que, dans l'éventualité où vous confiez un mandat à l'externe, plutôt que d'utiliser le terme «pour la période [...] qu'il fixe», on devrait plutôt la rattacher à la période du temps pour laquelle le juriste n'offre pas ses services? Parce que, dans le fond, il n'y a pas vraiment de limite, là. Ça va être l'organisme qui va décider pendant combien de temps il confie son mandat à l'externe, même si les avocats et notaires de l'État québécois, eux, reviennent au travail, sont disponibles, ne contreviennent plus à la loi et qu'ils sont disponibles pour travailler, et là votre mandat va être à l'externe quand même, entraînant des coûts supplémentaires pour les contribuables québécois.

M. Moreau : Oui, mais avec des compensations financières pour l'employeur, ce que la loi prévoit, d'une part. D'autre part, ce que vous indiquez là pourrait amener une situation un peu étrange, où la prestation de services n'est pas fournie, le mandat est donné à l'extérieur, on est en cours d'exécution du mandat puis là on mettrait fin au mandat externe parce que le salarié décide de revenir au travail, alors... Et on recommence depuis le début, si, par exemple, c'est une négociation ou c'est un élément qui est un service de prestation continue pour l'exercice d'un mandat déterminé. Alors, c'est la raison pour laquelle la disposition est large, pour faire en sorte que, de façon la plus commode possible, dans le cas d'une contravention à la loi, le service puisse être fourni adéquatement par le gouvernement au moyen d'une ressource externe ou par une embauche temporaire.

M. Jolin-Barrette : Je comprends, mais ça m'apparaît que c'est plus ou moins balisé et qu'un mandat qui serait donné pourrait s'étirer dans le temps à l'externe.

M. Moreau : Encore une fois, M. le député de Borduas, je vous souligne que les gens à qui s'adresse cette loi-là ne me semblent pas vouloir, selon les dires de leur président d'association syndicale, contrevenir à la loi. Mais, lorsqu'on légifère, moi, je ne veux pas me retrouver ici la semaine prochaine pour venir faire un amendement à cette loi-là parce qu'il y aurait des dispositions qui ne seraient pas suivies et qui ne seraient pas suffisamment larges pour permettre l'organisation adéquate du travail. Et je suis convaincu que, vous non plus, vous ne souhaitez pas être ici la semaine prochaine, à 7 h 35, après une nuit bien remplie, pour se retrouver dans des conditions où le mécanisme prévu n'est pas fonctionnel.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. Toujours M. le député de Borduas, dernier commentaire?

M. Jolin-Barrette : On n'est pas obligés de faire un bâillon la nuit, on peut le faire de jour aussi.

M. Moreau : Bon, bien, ça...

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je mets aux voix l'article 17. Est-ce que l'article 17 est adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Léger : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 18, M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : «Sous-section 5. Responsabilité civile.»

Article 18 : «L'association est responsable du préjudice causé à l'occasion d'une contravention à l'article 3 ou à l'article 4 par des salariés qu'elle représente à moins qu'il ne soit établi que le préjudice n'est pas dû à la contravention ou que celle-ci ne fait pas partie d'une action concertée.»

Cette disposition vise à faciliter les recours civils qui pourraient être intentés contre une association de salariés.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Questions, commentaires sur l'article 18? Je vais mettre aux voix l'article 18. Est-ce que l'article 18 est adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Léger : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 19.

M. Moreau : L'article 19 : «Toute personne qui subit un préjudice en raison d'un acte posé en contravention de l'article 3 ou de l'article 4 peut s'adresser au tribunal compétent pour obtenir réparation.

«Malgré l'article 575 du Code de procédure civile (chapitre C-25.01), lorsqu'une personne qui a subi un tel préjudice exerce l'action collective prévue au livre VI de ce code par une requête présentée conformément au deuxième alinéa de l'article 574 de ce code, le tribunal autorise l'exercice de l'action collective s'il est d'avis que la personne à laquelle il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres du groupe décrit dans la requête.»

Cet article vise à faciliter, M. le Président, l'exercice d'une action collective, que l'on connaît aussi sous l'expression «recours collectif», intentée par une personne au nom d'un groupe de personnes ayant subi un préjudice en raison d'un acte posé en contravention avec les articles 3 ou 4 du présent projet de loi.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. Alors, questions, commentaires à l'article 19? Sinon, je le mets aux voix. Est-ce que l'article 19 est adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Léger : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 20, maintenant.

M. Moreau : Article 20 : «Section IV. «Mécanisme de négociation et de renouvellement de la convention collective des salariés.

«Sous-section 1. Poursuite de la négociation.

«L'association ainsi que l'employeur doivent, dès la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, poursuivre avec diligence et bonne foi, pendant une période maximale de 45 jours, la négociation en vue de convenir d'une entente.»

Cet article prévoit la poursuite de la négociation pour une période de 45 jours après l'entrée en vigueur de la loi.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je crois comprendre qu'il y aurait un amendement de présenté par l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Oui, M. le Président. Alors, j'ai un amendement. Je voudrais modifier l'article par le remplacement de «45» par «90».

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, l'amendement m'apparaît recevable. Voulez-vous l'expliquer un tout petit peu ou ça va de soi?

• (7 h 40) •

Mme Léger : Je peux l'expliquer quand même.

Le Président (M. Ouimet) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Alors, l'article 20 met une période maximale de 45 jours, alors, pour la négociation et en vue de convenir d'une entente, comme le dit l'article 20. Alors, nous... J'aimerais que ce soit à 90 jours plutôt que 45 jours.

Le Président (M. Ouimet) : On est en train de faire les photocopies, M. le député Borduas. Voilà, vous l'avez, l'amendement. M. le ministre, vous l'avez également, l'amendement?

M. Moreau : Oui, je l'ai.

Le Président (M. Ouimet) : Oui? Très bien. Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, oui.

Mme Léger : Oui, bien, M. le Président, la question que je voudrais poser au ministre : Pourquoi il a choisi le 45 jours? Quelle est son intention du 45 jours, si je prends pour acquis que le ministre nous a longuement expliqué, explicité que, pour lui, le projet de loi qui est là, devant lui, devant nous, c'est une loi spéciale, mais il dit qu'il croit toujours à une négociation, il croit toujours qu'il y ait une entente négociée et il met des dispositions, à l'intérieur de ce projet de loi là spécial, de l'espace de négociation, ce qui me surprend quand même tout le temps, parce que, je me dis, on aurait dû faire une entente négociée avant d'arriver à une loi spéciale, mais le ministre a différentes façons de nous exprimer qu'il y a encore de l'espoir pour lui de négocier. Alors, s'il a vraiment l'espoir de négocier, s'il croit vraiment à la négociation, je veux savoir pourquoi qu'il s'arrête à 45, puisque, s'il veut vraiment donner l'espace de négociation, le 90 nous apparaît souhaitable pour laisser vraiment l'espace nécessaire à une entente négociée.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : M. le Président, le délai de 45 jours est un choix qui est exprimé par le gouvernement, 45 jours de négociation additionnels à deux années de négociation, alors que, là, je pense que notamment avec, je dirais, les rapprochements, je l'exprime comme ça, les rapprochements qui ont eu lieu au cours des dernières heures... Il me semble que le dossier, l'écart entre les parties ou la façon de cerner les éléments qui restent à négocier ne justifient pas d'un délai de 90 jours de négociation. 45 jours, on a amplement le temps de voir, surtout avec le recours à la conciliation, s'il y a une possibilité d'entente.

Et d'ailleurs la raison pour laquelle l'article 21 prévoit la possibilité d'une prolongation de ce délai-là, c'est à la demande conjointe des parties. Pourquoi? Parce que, là, les parties constatent que le délai de 45 jours achève mais qu'on est sur le point de s'entendre, puis on pense encore conjointement, parce qu'il y a deux parties à une table de négociation, on pense encore conjointement qu'il y a une possibilité qu'avec quelques jours de plus l'entente négociée soit à portée de main. Alors, c'est dans ce contexte-là.

C'est vrai qu'on aurait pu choisir un autre délai, mais le délai de 45 jours nous apparaît amplement raisonnable, compte tenu de l'équilibre que nous avons à arbitrer dans ce contexte-là.

Le Président (M. Ouimet) : Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Bien, un, premièrement, le ministre ne m'explique pas pourquoi il a choisi vraiment 45. Pourquoi pas 44? Pourquoi pas 50? Là, regardez, je n'ai pas pourquoi il a choisi le 45.

Et, deuxièmement, le ministre fait rentrer le monde au travail, là. Là, il a amplement le temps... S'ils rentrent au travail, là, les gens vont faire leur travail, c'est la loi spéciale, ils ont dit : Vous rentrez au travail, alors pourquoi il ne se donne pas le temps qu'il faudra pour négocier cette entente-là? S'il a eu de la difficulté avant puis qu'il n'a pas réussi à avoir une entente négociée avant, alors maintenant, après, pourquoi il se donne un temps si restreint pour s'assurer vraiment qu'on puisse avoir une entente vraiment négociée et donner le temps nécessaire pour la faire, cette négociation-là? S'il dit qu'il n'a pas eu le temps de le faire avant... Je ne le suis pas, là.

Le Président (M. Ouimet) : Oui, M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Alors, c'est 45... parce que ce n'est pas 44, puis ce n'est pas 46, puis ce n'est pas 38. C'est 45 parce qu'on estime que c'est un espace de temps qui est raisonnable, compte tenu du fait qu'il y a beaucoup de négociation derrière ça. Et l'espace-temps total prévu par la mécanique du projet de loi est de 105 jours, donc au-delà de 90 jours. Et donc, même pendant la période de médiation, il n'y a rien qui empêche les parties de négocier puis de réussir à convenir d'une entente. Alors, on a là un élément qui m'apparaît suffisant.

Et je suis convaincu que la députée de Pointe-aux-Trembles saura, et de même que le député de Borduas, que, lorsqu'il y a un échéancier qui est fixé, qui est connu d'avance par les parties... et, en matière de négociation, il y a une question de... la mauvaise expression, pour le français, il y a une question de timing. L'expression anglaise est celle-là, là. Je cherche comment... Il y a un momentum qui peut être créé par l'espace-temps prévu pour la négociation. Et souvent, on le voit notamment dans le cas des procès où les parties sont en opposition, les procédures, la date de procès est fixée, et, dans les jours qui suivent et souvent dans les heures qui suivent l'audition, on arrive à un règlement. Alors, le momentum que crée cette disposition législative là comporte un espace de 105 jours avant l'imposition de mesures par la loi et donc 105 jours au cours desquels, à tout moment, les parties peuvent convenir d'une entente négociée.

Alors, j'estime que le temps prévu est suffisant, qu'il ne bouscule personne, dans la mesure où, en 45 jours, là, on peut convenir de bien des choses. Et on peut convenir de bien des choses dans un délai beaucoup plus court que 45 jours. Et je répète, M. le Président, que le processus complet prévu par la loi donne une possibilité d'une durée totale de 105 jours.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Merci, M. le président du Conseil du trésor. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, puis je reviendrai à vous, M. le député.

Mme Léger : Je m'interroge si le ministre se donne vraiment tous les moyens, parce que son objectif est d'arriver à l'entente négociée. C'est pour ça qu'il nous dépose aujourd'hui la loi spéciale, pour que les gens rentrent au travail, mais qu'on puisse avoir le temps de négocier. Est-ce qu'il a vraiment cette réelle intention là? Il ne bloquerait pas sur le 45 jours nécessairement.

Si je fais la comparaison avec d'autres projets de loi... Je pense au projet de loi n° 110, qui a été adopté le 2 novembre 2016, la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal. À l'article 6, c'était : «Le médiateur a 60 jours suivant sa nomination pour amener les parties à s'entendre. [Et] le ministre responsable de l'application du Code du travail peut, une seule fois et à la demande conjointe des parties ou du médiateur, prolonger la période de médiation d'au plus 60 jours.

«Les parties sont tenues d'assister à toute réunion où le médiateur les convoque.»

Sur un autre projet de loi dernièrement qui a été... celui-là, le 2 novembre 2016. Un autre, le projet de loi n° 3, adopté le 4 décembre 2014, un exemple, la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal, à l'article 28 : «Les négociations doivent commencer et se poursuivre avec diligence et bonne foi — nous rappeler, là, le collègue — dans le but de conclure une entente dans les 12 mois suivant le début de celles-ci.»

L'article 29 : «À la demande conjointe des parties, le ministre peut prolonger la période de négociation pour une période de trois mois. [Et] cette période de prolongation ne peut être renouvelée qu'une seule fois», donc un autre six mois, 12 mois, 18 mois pour ce projet de loi là.

Alors, la question légitime que je pose, c'est que le ministre a décidé que c'était 45 jours en sachant pertinemment que c'est une loi spéciale pour faire entrer les gens au travail et que son intention réelle est, qu'il nous dit tout le temps — si elle est vraiment réelle — de vouloir négocier. Alors, il se dit : Je mets 45 jours. À mon avis... Ma proposition, ce que je dépose comme amendement, c'est de mettre 90 jours pour laisser vraiment le temps de faire une négociation de trois mois, qui peut être réelle, si je suis les intentions du ministre. Parce qu'au départ j'aurais aimé mieux que ce soit négocié avant une loi spéciale.

• (7 h 50) •

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Réaction, M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Oui. Ce que la députée de Pointe-aux-Trembles indique comme délai dans les deux autres dispositions législatives dont elle a parlé... J'irai dans l'ordre.

D'abord, sur la question des relations de travail dans le milieu municipal, il faut que vous considériez que la disposition législative s'applique à une négociation qui s'amorce. Ici, on n'est pas dans le contexte d'une négociation qui s'amorce, on est dans le contexte d'une négociation qui est amorcée depuis fort longtemps. Alors, dans le contexte où on part à partir d'une ardoise neuve, que les délais soient plus longs, c'est tout à fait normal.

Dans le cas du projet de loi qui vise la pérennité des régimes de retraite dans le secteur municipal, c'est un projet de loi que je connais assez bien, et, dans ce cas-là, les éléments de négociation sont des éléments fort complexes, qui touchent le domaine actuariel, notamment sur les éléments de partage entre les parties au fonds de pension, l'assumation du déficit passé, la négociation des éléments pour établir l'équilibre et la pérennité des régimes de retraite, ce qui demande aussi des études actuarielles qui n'étaient pas disponibles au moment même où le projet de loi a été adopté. Et donc c'est ce qui a expliqué que le délai de 18 mois en question ait été accordé dans ce cas-là. Alors, il y a une logique derrière des délais qui sont aussi longs.

Il y a aussi une logique derrière les délais qui sont prévus dans le projet de loi n° 127, l'idée de créer un momentum, même si on doit constater l'existence d'une impasse actuelle dans le contexte des négociations. Et je rappelle donc qu'un des mécanismes qui nous permet de dénouer une impasse souvent est lié au momentum d'une négociation. Vous le savez, je pense que le député de Borduas doit le reconnaître également, le fait de voir arriver une échéance qui est suffisamment longue pour permettre aux parties d'exprimer clairement leurs positions, dans un contexte où, depuis deux ans, ces positions-là se précisent dans le cadre d'une négociation et dans le contexte des derniers jours, d'ailleurs, où il y a eu un mouvement, là, dans les deux derniers jours, qui permet encore de cerner davantage les éléments qui restent en débat, on estime que le délai prévu à la loi est suffisamment long.

Et vous parlez de 90 jours comme si, après 45 jours, la négociation cessait, ce qui n'est pas le cas. La négociation formelle, dans le contexte de la loi, prévoit 45 jours au départ, possibilité d'extension conjointe de 15 jours si les deux parties voient qu'on a besoin de quelques jours additionnels, et rien n'empêche les parties de convenir d'une entente négociée, même lorsqu'on est dans la période prévue pour la médiation.

Donc, en réalité, la période totale de 105 jours est possible avant l'imposition des conditions prévues par le projet de loi. L'effet, je dirais, législatif d'imposition des conditions de travail ne prend effet qu'après 105 jours. C'est ainsi que la loi est bâtie.

Le Président (M. Ouimet) : Merci. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : M. le Président, je peux comprendre qu'il y a un échéancier ou, peut-être citer M. le ministre, qu'il y a un momentum qui était déjà connu par le gouvernement, soit 126 jours, puisqu'il y a eu 18 semaines de négociation. Moi, j'ai tendance à faire confiance aux gens, à la négociation, mais 126 jours, ça n'avait rien donné. Alors, je fais confiance, mais c'est dans cette optique de confiance que nous, on propose un délai de 90 jours. On se donne un peu plus de temps, mais, en prenant le nombre de 90 jours, on fait aussi confiance aux gens en place qui sont capables de négocier correctement, plutôt que 45, qui nous apparaît une période de temps beaucoup trop courte, mais, en même temps, beaucoup plus courte que 126 jours. Mais, encore une fois, on essaie de faire confiance aux gens, mais avec un petit peu plus de temps.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. Réaction, M. le président du Conseil du trésor?

M. Moreau : Très rapidement, et je n'en tiens pas rigueur au député de Saint-Jérôme, là, je sais qu'on a un bon moment de travail déjà dans le corps tout le monde, il n'y a pas eu que 18 semaines de négociation. Les négociations ont commencé le 29 janvier 2015. Il y a eu 18 semaines de conflit de travail où les juristes de l'État étaient en grève générale illimitée, mais la négociation, elle a débuté le 29 janvier 2015.

Alors, il y a eu des discussions qui ont eu lieu, il y a eu une évolution dans la position des parties qui fait que maintenant on pense que les enjeux sont suffisamment cernés, de sorte qu'à l'intérieur d'une période de 105 jours il est possible d'arriver à une entente négociée. Encore une fois, je l'exprime pour la énième fois, c'est l'objectif premier poursuivi par le gouvernement.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. D'autres questions, commentaires, du côté de l'opposition officielle? Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Bien, je veux juste rappeler au ministre... Quand il dit qu'il y a eu des négociations depuis janvier 2015, juste rappeler qu'à partir de juillet 2016 ça a arrêté. Il y a eu un an, là, peut-être, là, mais pas beaucoup de négociations, puis à partir de juillet 2016 il n'y a vraiment rien eu. C'est pour ça que les gens se sont retrouvés en grève le 24 octobre, après... Ils n'ont jamais été rappelés à la table. Et là, après octobre, depuis que les juristes sont dehors, le 24 octobre 2016, il n'y a pas eu grand-chose non plus, après le 24 octobre 2016, jusqu'au retour du ministre, quand il dit, le ministre, qu'il y a eu des négociations avec lui.

Alors, je veux bien prendre... Le temps que le ministre nous dit, qu'il y a eu beaucoup de temps, là, je veux juste rappeler que ce n'est pas parce qu'il part de janvier 2015 qu'il y a eu des négociations depuis janvier 2015, comme s'il y en avait eu pendant deux ans de temps, puis que, là, il est temps de rentrer au bercail, puis : Je vous donne 45 jours. Je veux juste faire des nuances, là, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Le ministre souhaite faire des nuances, lui aussi.

M. Moreau : M. le Président, vu qu'on est dans la nuance, il y a eu une pause, effectivement, dans les négociations en juillet 2016, après la médiation, et cette pause-là, juillet, ça ressemble pas mal à l'été, je pense que c'était une pause qui était convenue de part et d'autre, et, dans une négociation, il faut aussi reconnaître ces éléments-là. Et par la suite l'avis de grève a été signifié quelque part en octobre.

Alors, écoutez, quand l'association syndicale a souhaité que les négociateurs du gouvernement soient présents à une table pour négocier, en tout temps, en tout temps, et ce, sans exception, les négociateurs du Conseil du trésor ont été présents.

Le Président (M. Ouimet) : Bien.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouimet) : D'accord. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : C'est comme si, parce que l'association dit : On aimerait négocier, le Conseil du trésor est là. Un, ce n'est pas exact. Et, deuxièmement, ce n'est pas parce qu'ils arrivent à une table qu'il y a une offre sur la table puis qu'il y a la commande du ministre de vraiment vouloir négocier.

Ça fait que je veux juste qu'on apporte des nuances dans la négociation. De toute façon, ça ne nous apporte rien vraiment, là, on est dans une loi spéciale, là.

M. Moreau : ...si la nuance n'apportait rien, je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez en faire. Je veux en faire une additionnelle. Si vous connaissez une seule date, si vous connaissez une seule date à laquelle les négociateurs du Conseil du trésor ne se sont pas présentés alors qu'ils ont été demandés, je vous prierais de me l'indiquer.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. Alors, je pense, les nuances ont été faites de part et d'autre. M. le député de Borduas, y avait-il autre chose à ajouter, de votre point de vue?

M. Jolin-Barrette : Bien, simplement pour signifier que je suis en accord avec l'amendement de ma collègue de Pointe-aux-Trembles. Et d'ailleurs, sur l'expectative de temps, ça ne veut pas dire, parce que le gouvernement s'engage à quelque chose, qu'il va le faire nécessairement. Pensons, nécessairement, à la lettre d'entente en 2011. Je pense que, même si le gouvernement fixe des balises, bien, ça ne veut pas dire que ça va se réaliser puis ça ne veut pas dire qu'il va réussir à trouver et à faire des rencontres de travail qui vont porter fruit. Parce qu'en 2011 on a eu l'exemple concret, dans une entente signée avec le gouvernement, que le statut allait être véritablement étudié. Nous, les informations dont on dispose, c'est qu'il n'a pas été étudié, le statut, donc... à moins que le président du Conseil du trésor me dise le contraire.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Ça va? Oui.

M. Moreau : ...si on veut que je reprenne sur la lettre d'entente n° 5, je vais me faire un plaisir de le faire, mais je ne pense pas que ça va faire avancer le débat puis je ne pense pas que c'est à l'avantage de qui que ce soit de continuer la discussion sur cet élément-là, parce qu'en ce qui me concerne les suites à donner à la lettre d'entente n° 5 ont aussi été arrêtées par le gouvernement qui nous a précédés.

• (8 heures) •

Le Président (M. Ouimet) : Bien. Alors, moi, je vous suggère... Revenons sur l'amendement. On est sur le 90 jours, et je vais mettre cet amendement-là aux voix. Est-ce que l'amendement présenté par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

Le Président (M. Ouimet) : Alors, l'amendement est rejeté. Revenons à l'article 20 tel que proposé par le ministre. Est-ce que l'article 20 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 21 maintenant, M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Merci, M. le Président. L'article 21 : «Le délai de négociation prévu à l'article 20 peut être prolongé par le ministre du Travail, une seule fois et à la demande conjointe de l'association et de l'employeur. La durée d'une telle prolongation est déterminée par le ministre du Travail et ne peut excéder 15 jours.»

Cet article donne donc la possibilité à la ministre du Travail de prolonger la période de négociation prévue à l'article 20 pour une période additionnelle de 15 jours, s'il y a demande conjointe de l'employeur et de l'association.

Le Président (M. Ouimet) : Merci, M. le président du Conseil du trésor. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, je crois que vous avez un nouvel amendement à nous présenter.

Mme Léger : Oui, M. le Président. On est dans le nombre de jours. Alors, j'aimerais, à l'article 21, modifier l'article par le remplacement de «15» par «30».

Le Président (M. Ouimet) : Alors, réaction, M. le ministre.

M. Moreau : Je ne veux pas devancer le raisonnement de la députée de Pointe-aux-Trembles, là, mais je pense qu'on peut voir les choses. Nous, on a durée globale de 105 jours, on estime que c'est suffisant. Et, pour la même raison pour laquelle nous avons voté de façon défavorable à l'amendement de l'article 20, nous allons utiliser la même logique et épargner probablement quelques discours et quelques déclarations pour arriver exactement au même vote sur l'amendement qui est proposé à l'article 21.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : ...de l'expliquer, mais je vais quand même l'expliquer. Évidemment, c'est de 15 jours à 30 jours, ce n'est pas nécessairement si compliqué à l'expliquer, ça, c'était évident, on s'entend. Mais ma question revient : Pourquoi le 15 jours? Parce que, déjà, on dit, 15 jours, c'est quand même assez court, hein, il faut s'entendre. Alors, le ministre a décidé que c'était 15 jours, j'aurais préféré que ce soit 30 jours pour donner un délai que je considère plus raisonnable. Alors, pourquoi le choix de 15 jours, un deux semaines seulement pour cet article-là?

Le Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Pour les mêmes raisons que c'était 45 jours à l'article précédent, c'est un choix qui est fait.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. D'autres commentaires sur l'amendement? Ça va?

Mme Léger : Non, non, merci.

Le Président (M. Ouimet) : M. le député de Borduas, vous avez l'amendement entre les mains?

M. Jolin-Barrette : Oui.

Le Président (M. Ouimet) : Avez-vous des questions, des commentaires?

M. Jolin-Barrette : Non, ça va, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je vais mettre aux voix l'amendement présenté par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

Le Président (M. Ouimet) : L'amendement est donc rejeté. Est-ce que l'article 21...

Mme Léger : ...

Le Président (M. Ouimet) : Ah! Sur l'article 20?

Mme Léger : 21, excusez-moi.

Le Président (M. Ouimet) : 21. Oui, allez-y. Désolé. L'article 21, allez-y.

Mme Léger : Pourquoi que le délai de négociation prévu à l'article 20 peut être prolongé par le ministre du Travail. Pourquoi avoir fait le choix de la ministre du Travail?

M. Moreau : Bien, parce que, normalement, l'économie générale des relations de travail donne à la ministre du Travail une juridiction dans ces domaines-là. Le ministre, comme institution, le ministre du Travail est une partie qui est neutre dans les conflits de travail et qui ne prend pas position pour une partie ou pour l'autre.

Et je vous rappelle ici que l'économie de l'article 21 prévoit une demande conjointe. Alors, c'est véritablement les deux parties en négociation qui disent : Écoutez — bien, j'imagine que le contexte est le suivant — on est au bord d'une entente, puis le délai de 45 jours va expirer, permettez-nous de l'extensionner. C'est dans ce contexte-là, où on est là dans un contexte de négociation pour la partie prévue comme telle par la loi n° 127. Mais je réitère qu'en tout temps les parties, avant l'entrée en vigueur des dispositions qui imposent l'entrée en vigueur de l'annexe du projet de loi n° 127, les parties peuvent convenir d'une entente négociée.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Question : Pour revenir à la ministre du Travail, est-ce que le ministre ne croit pas qu'elle peut être juge et partie, la ministre du Travail? Parce que c'est quand même l'employeur, malgré tout, là.

M. Moreau : Bien, écoutez, ici, là, elle intervient après qu'une demande conjointe lui ait été faite, alors elle n'est pas... il n'y a pas vraiment une question de parti pris. Puis d'ailleurs, même s'il y avait un parti pris, dans ce cas-là, comme il s'agit d'une demande conjointe, je ne verrais pas comment on pourrait arriver à une situation où le gouvernement et LANEQ s'entendent pour dire : On a besoin de 12 jours additionnels, puis que la ministre dise : Non, non, non, je vous en donne trois, là. Tu sais, c'est... Le contexte est véritablement une démarche commune.

Le Président (M. Ouimet) : Bien. D'autres questions, commentaires? M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard : Bonjour.

Le Président (M. Ouimet) : Vous êtes la relève, maintenant.

M. Picard : Eh oui!

Le Président (M. Ouimet) : Et avez-vous des questions, commentaires sur l'article 21?

M. Picard : Non, ça va, M. le Président, merci.

Le Président (M. Ouimet) : Ça va? Des forces fraîches.

Je vais mettre aux voix l'article 21. Est-ce que l'article 21 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 22, maintenant. M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Vous me permettrez, avant d'en faire la lecture, de souhaiter la bienvenue à notre collègue des Chutes-de-la-Chaudière.

L'article 22 : «En tout temps au cours de cette période de 45 jours ou de sa prolongation accordée en application de l'article 21, l'association ou l'employeur peut demander la nomination d'un conciliateur au ministre du Travail.»

Donc, cet article prévoit la possibilité, pour l'une ou l'autre des parties à la négociation, de demander à la ministre du Travail de nommer un conciliateur pour aider les parties dans leur négociation.

Le Président (M. Ouimet) : Questions, commentaires sur l'article 22? Oui, Mme la députée.

Mme Léger : Bien, M. le Président, oui. Oui, M. le Président, c'est sûr que j'ai un amendement de jours, je vais être cohérente avec la suite de ce que j'ai fait avant. Alors, j'aimerais, à l'article 22, modifier l'article par le remplacement de «45 jours», dans le fond, par «90».

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Est-ce que quelqu'un va nous rédiger...

Mme Léger : Non, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet) : Non?

Mme Léger : Je ne veux pas déposer nécessairement l'amendement, parce que, le ministre, je sais déjà qu'il va me dire non. Alors, je veux quand même être cohérente.

Le Président (M. Ouimet) : O.K. Là, vous présumez des intentions du ministre, là.

Mme Léger : Ah! peut-être, c'est vrai. Bien, écoutez... Mais je veux être cohérente. Je ne veux pas perdre de temps pour perdre le temps, là, ce n'est pas dans ce but-là, je veux être constructive. Je crois que ce serait important.

À moins que le ministre me dise... me donne le signal qu'il serait ouvert pour le 90. Je le dépose.

Le Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor, sur l'amendement non existant.

M. Moreau : Bien, étant donné que l'amendement qui proposait 90 jours a été défait, il serait incohérent d'introduire un délai de 90 jours à l'article 22, puisque la référence de l'article 22 est en référence au délai donné à un article précédent qui prévoit 45 jours.

Alors, je comprends très bien la... je comprends que la députée de Pointe-aux-Trembles souhaite être cohérente dans l'extension des délais et que c'est la raison pour laquelle elle fait le commentaire, mais qu'elle a, de façon constructive, indiqué qu'il ne lui semblait pas utile de déposer un amendement, et je la remercie.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. D'autres questions, commentaires? M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Oui. Je répète mon commentaire de tantôt, M. le Président, qu'il aurait été bien intéressant, à un moment ou l'autre de cette discussion nocturne et matinale, d'entendre la ministre du Travail s'exprimer à propos du projet de loi n° 127. On aurait sûrement bénéficié de son éclairage, c'est le cas de le dire, là, en matière des relations de travail.

Mais ma question par rapport à l'article 22 est en lien avec la phrase : «...l'employeur peut demander la nomination d'un conciliateur au ministre du Travail.» Alors, pourquoi ici et pas à la négociation antérieure avec les juristes de l'État? C'est quand même spécial de constater qu'à cet article l'employeur ou les salariés peuvent demander un conciliateur.

Le Président (M. Ouimet) : M. le président du Conseil du trésor.

• (8 h 10) •

M. Moreau : ...deuxième partie de l'intervention, il n'y a pas eu de demande de nomination d'un conciliateur, il y a eu seulement une médiation. Et je pense qu'il y a eu, on disait, six séances de médiation.

Maintenant, sur la première partie de son intervention, il souhaite entendre la ministre du Travail. Je vais vous dire, très sincèrement, compte tenu que l'on souhaite que l'institution qu'est le ministre du Travail ait une position de désignation et de réception des demandes des parties, il est beaucoup plus... il est de beaucoup préférable qu'elle exerce une réserve dans le contexte de l'adoption de la loi, puisqu'elle sera une instance neutre, comme elle l'est dans le contexte des relations de travail dans l'économie générale du Code du travail, qu'elle demeure une instance neutre et qu'elle ne participe pas aux débats. Et, loin de lui en faire grief, j'estime que c'est une réserve qui est tout à fait appropriée, compte tenu que l'on souhaite avoir un processus qui soit le plus neutre, puis le plus équilibré, puis le plus équitable possible.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. D'autres questions, commentaires sur l'article 22? Sinon, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, puisque c'était une suggestion que vous avez formulée, je ne vais mettre aux voix que l'article 22. Est-ce que l'article 22 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 23, M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Oui, M. le Président. Alors, 23 : «Au terme de cette période de 45 jours ou de sa prolongation accordée en vertu de l'article 21, l'association et l'employeur, avec l'assistance du conciliateur, le cas échéant, dressent par écrit une liste des éléments ayant fait l'objet d'une entente.

«Si une mésentente subsiste quant à certains éléments, l'association et l'employeur préparent chacun une liste de ceux-ci et de leurs dernières propositions à l'égard de chacun d'eux. Ces listes doivent être transmises à l'autre partie dans les cinq jours.»

Alors donc, cet article explique ce qui arrive au terme de la période de négociation. Les parties dressent une liste des éléments sur lesquels il y a une entente. Pour les éléments sur lesquels il n'y a pas d'entente, les parties en dressent la liste et y joignent leurs dernières propositions à l'égard de chacune d'elles. Les parties s'échangent cette liste dans les cinq jours de la fin de la période de négociation.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Questions, commentaires? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Alors, M. le Président, pour toujours être cohérente, j'allais préciser... déposer un amendement de «45 jours» à «90 jours». Alors, je ne déposerai pas mon amendement, mais je veux quand même le dire, que je reste cohérente avec mes autres interventions précédentes.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. C'est noté. Je mets aux voix l'article 23. Est-ce que l'article 23 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Ouimet) : Adopté sur division. L'article 24 maintenant, M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Merci, M. le Président. Sous-section 2, Processus de médiation, article 24 : «Dans les cinq jours suivant la réception des listes mentionnées à l'article 23, l'association et l'employeur s'entendent sur le choix d'un médiateur que le ministre du Travail nomme. À défaut d'entente, le ministre du Travail nomme un médiateur, après avoir consulté l'association et l'employeur, dans les 15 jours de la réception des listes mentionnées à l'article 23.»

Cet article prévoit la nomination d'un médiateur par le ministre du Travail. Si les parties s'entendent sur le choix du médiateur, celui-ci est nommé par la ministre. Si les parties ne s'entendent pas, la ministre du Travail consulte les parties et nomme par la suite.

Le Président (M. Ouimet) : Alors, merci, M. le président du Conseil du trésor. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, vous avez un nouvel amendement à nous proposer.

Mme Léger : Oui, c'est un nouvel amendement, M. le Président. À l'article 24 : Modifier l'article par le remplacement, après les mots «À défaut d'entente», des mots «le ministre du Travail» par les mots «le juge en chef de la Cour supérieure».

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, pourriez-vous peut-être nous exposer votre amendement?

Mme Léger : Oui. Bien, je pense que c'est évident. Au fil des derniers jours, nous avons entendu le Barreau du Québec, et le Barreau, entre autres, a fait la proposition au ministre que ce soit le juge en chef de la Cour supérieure.

Alors, j'ai entendu que le ministre, il avait une ouverture à ce que ce soit le juge en chef de la Cour supérieure. Il a dit qu'il était ouvert à la question, à la situation. Alors, je propose qu'on puisse vraiment changer... remplacer vraiment «le ministre du Travail» par «le juge en chef», pour être aussi... pour que le ministre puisse vraiment accéder à la demande du Barreau du Québec, entre autres.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci. M. le président du Conseil du trésor, sur l'amendement.

M. Moreau : Oui, M. le Président. L'amendement... Je comprends l'objectif poursuivi par la députée de Pointe-aux-Trembles. Je lui indiquerai seulement que la formulation actuelle de l'article 24... — oui, c'est ça, de l'article 24 — permet très bien d'arriver au même résultat, puisque la ministre du Travail consulte les parties et nomme par la suite. Non seulement la formulation actuelle permettrait que ce soit l'un des deux juges... Et j'ai compris que le juge en chef, des propos de la bâtonnière et des conversations que j'ai eues avec elle, avait suggéré deux candidatures. Alors, la formulation actuelle n'écarte pas ces candidatures-là, mais la formulation actuelle ajoute la possibilité de recourir à des médiateurs. Et on m'a expliqué clairement que, dans la liste ou le groupe reconnus comme médiateurs, suggérés généralement dans les conflits de relations de travail par le ministère du Travail, ce sont des gens très expérimentés et qui sont, comment dire... qui jouissent de beaucoup de crédibilité.

Alors, je ne veux pas limiter strictement à deux possibilités, aux possibilités émises par le juge en chef, pour lequel j'ai le plus grand respect, mais les dispositions qui touchent la qualification des médiateurs sont assez larges à l'article 25 pour inclure les recommandations qu'a faites le juge en chef de la Cour supérieure à l'égard de la réponse à la suggestion du Barreau du Québec. Le médiateur doit jouir d'une expérience reconnue en relations du travail. Il y a des juges de la Cour supérieure... Et je crois comprendre que les suggestions faites par le juge en chef rencontrent le premier critère ainsi que le deuxième, vraisemblablement, à l'effet que la personne désignée comme médiateur ne doit pas avoir été employé, dirigeant, représentant ou liée à l'une ou l'autre des parties qui demandent la médiation pour une période de sept années précédant... sept ans précédant sa nomination.

Alors, je dirais à la députée que le gouvernement est bien au fait de la demande présentée par... de la suggestion faite par le Barreau, de l'ouverture manifestée en réponse à cette demande par le juge en chef de la Cour supérieure. Cela dit, la formulation de l'article 24, actuellement, permet de donner suite à ces recommandations et en même temps ne ferme pas la porte à la possibilité de recourir au personnel ou aux personnes expérimentées qui agissent déjà comme médiateurs suivant la liste dans laquelle puise la ministre du Travail lorsqu'une demande de médiation est acceptée.

Alors, pour cette raison, l'amendement, bien que louable, ne me semble pas nécessaire. Et, pour cette raison, nous ne voterons pas en faveur de l'amendement proposé.

Le Président (M. Ouimet) : Très bien. D'autres questions ou commentaires? Ça va? Sur l'amendement, M. le député des Chutes... Ah! Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Mais la recommandation du Barreau du Québec, c'est que c'est... la personne qui nomme, que ce soit le juge en chef. Parce que, là, on parle de nommer la personne. Alors, c'était ça, la recommandation. De ce que je comprends, c'est que le ministre ne suivra pas la recommandation du Barreau du Québec, et de la Chambre des notaires, d'ailleurs.

• (8 h 20) •

M. Moreau : La réponse que je vous donne, c'est qu'on peut arriver à suivre cette recommandation-là de façon intégrale dans le contexte de la rédaction actuelle et que la rédaction actuelle tient compte d'une mécanique qui, d'une part, à l'article suivant, indiquera les conditions auxquelles doit satisfaire le médiateur qui sera choisi mais élargit aussi la possibilité. Parce que la médiation, là, elle pourrait survenir après 60 jours de négociation. Il se peut très bien que les parties, à ce moment-là, choisissent peut-être un médiateur qui aurait une qualification toute spécifique et qui rencontre les dispositions des paragraphes 1° et 2° de l'article 25, tout en n'étant pas un juge en exercice de la Cour supérieure.

Alors, je ne veux... Ce que je vous dis, là, je ne vous dis pas... je n'annonce pas qu'on ne suivra pas cette recommandation-là, je vous dis : Laissons la possibilité beaucoup plus large que celle-là. Je suis convaincu que l'opinion publique, de même que les partis représentés à la Chambre, est alertée aux suggestions que fait le Barreau, la Chambre des notaires, à la contribution qu'a faite le juge en chef de la Cour supérieure, et on est très conscients de ça, mais on ne souhaite pas strictement créer un entonnoir qui exclurait le régime général de désignation d'un médiateur. Parce que, je le répète, ce n'est pas un élément avec lequel j'étais très familier, mais on m'a expliqué clairement que la désignation, ou les médiateurs généralement désignés, dans le cas des relations de travail, par le ministère du Travail était un mécanisme qui avait une grande crédibilité.

Alors, il n'y a pas de stratégie derrière ça. Il y a simplement l'ouverture la plus large possible pour assurer que la médiation soit la plus efficace possible. Et je réitère que je suis bien conscient des recommandations faites par le Barreau, pour lequel j'ai le plus grand respect, par la Chambre des notaires et le concours du juge en chef de la Cour supérieure du Québec, qui est une personne que j'estime beaucoup.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, M. le président du Conseil du trésor. Est-ce que madame... Non? Alors, je vais céder la parole à M. le député de Chutes-de-la-Chaudière. Avez-vous d'autres commentaires?

M. Picard : Bien, j'entends les propos du ministre, là, mais ça ne me rassure pas, là, même si je comprends que ça peut être couvert, parce qu'il faut bien comprendre que le ministre du Travail fait partie du gouvernement. L'employeur, c'est le gouvernement. On tourne, là.

Je ne sais pas si... Je comprends que cet amendement-là va être battu, mais je vais peut-être en proposer un autre, là, qui va venir laisser le choix au ministre, le ministre du Travail ou le juge en chef. En tout cas, on va poursuivre là-dessus, là, parce que je comprends du propos du ministre que ça n'ira pas loin, cet amendement-là.

La Présidente (Mme Gaudreault) : ...à l'article 24. Alors, je vais mettre aux voix l'amendement proposé par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Il est rejeté. Maintenant, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière, vous voulez présenter votre amendement?

M. Picard : Oui, comme annoncé précédemment, seulement un amendement, là, dans la phrase «à défaut d'entente, le ministre du Travail», et on ajoute «ou le juge en chef nomme un médiateur», pour couvrir... On couvre le spectre en entier, là. Je ne pense pas que ça va causer d'émoi du côté du président du Conseil du trésor. Donc, c'est très simple. Je vais vous le rédiger, là.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, on aurait besoin de votre amendement par écrit.

M. Moreau : ...le dispenser, là, j'ai bien compris, à moins que ma collègue de Pointe-aux-Trembles souhaite avoir le texte sous les yeux, là. Je ne veux pas... Non? Bien, écoutez, je vais dispenser le député des Chutes-de-la-Chaudière de rédiger son amendement, puisque nous ne serions pas favorables à un amendement semblable, étant donné que, là, qui va choisir entre... Qui nomme? Est-ce que c'est le juge de la Cour supérieure ou la ministre du Travail? Puis je ne vous tiens pas rigueur, là. Je ne sais pas si vous étiez avec nous au moment où, plus tôt, on a eu des discussions sur le rôle de la ministre du Travail dans le contexte général des lois du travail ou même dans le contexte de la loi actuelle, qui est un rôle de neutralité. Elle n'est pas impliquée dans... D'ailleurs, le député de Saint-Jérôme, tantôt, disait : Bon, on aurait aimé entendre la ministre du Travail, puis moi, je dis : Non, il y a une réserve, là, parce que... D'ailleurs, il y a des collègues de l'opposition officielle qui ont déjà rempli la fonction de ministre du Travail, et on sait que le rôle du ministre du Travail n'est pas d'être partie prenante à un conflit. Alors, on veut préserver cette situation-là dans le contexte de la loi actuelle comme dans le contexte général d'économie des relations de travail.

L'amendement que vous proposez, puis, encore là, je le dis avec beaucoup d'égards, amènerait, là, un choix qui serait fait par qui? Et, si le choix était fait, par exemple, de demander à la ministre du Travail de désigner, on pourrait voir que ce choix-là constitue un biais que nous ne souhaitons pas voir imposé sur l'institution qui est le ministre du Travail, là, indépendamment de la personne qui occupe la fonction.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, très bien. Alors, on peut considérer que l'amendement n'a pas été déposé? O.K. Alors, nous avons besoin d'un texte, M. le député.

M. Picard : ...vous rédiger ça, mais on peut...

La Présidente (Mme Gaudreault) : Entre-temps, s'il y a d'autres commentaires avant de passer au vote, à la mise aux voix sur l'amendement de M. le député de Chutes-de-la-Chaudière?

Une voix : ...

La Présidente (Mme Gaudreault) : Oui. On va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 8 h 25)

(Reprise à 8 h 31)

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, nous allons reprendre nos travaux, et je vais mettre aux voix l'amendement à l'article 24 proposé par M. le député de Chutes-de-la-Chaudière. Alors, est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : ...

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, l'amendement est rejeté. Y a-t-il d'autres amendements à l'article 24? Alors, s'il n'y a pas d'autre amendement, est-ce que l'article 24 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix :  Sur division.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté sur division. Alors, l'article 25. M. le président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Oui, Mme la Présidente. Article 25 : «Le médiateur nommé par le ministre du Travail doit satisfaire aux conditions suivantes — on a un peu devancé tantôt, là :

«1° le médiateur doit jouir d'une expérience reconnue en relations du travail;

«2° le médiateur ne doit pas être ou avoir été employé, dirigeant, représentant ou membre de l'association ou du gouvernement au cours des sept années précédant sa nomination.»

Alors, cet article prévoit les conditions auxquelles le médiateur doit répondre pour être nommé, donc posséder une expérience reconnue et ne pas avoir de liens, là, au cours des sept dernières années avec le gouvernement ou LANEQ.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Y a-t-il d'autres commentaires sur l'article 25? Alors, puisqu'il n'y a pas de commentaire, est-ce que l'article 25 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix :  Sur division.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté sur division. Article 26.

M. Moreau : L'article 26 : «La rémunération et les dépenses du médiateur sont, à défaut d'entente entre l'association et l'employeur, fixées par le ministre du Travail. Elles sont assumées à parts égales par l'association et l'employeur.»

Alors, l'article s'explique de lui-même.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. Y a-t-il des commentaires? Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Oui, des questionnements par rapport à, dans le fond, les coûts qui sont assumés, dans le fond, par les parties. Est-ce qu'il y a d'autres lois qui ont les mêmes façons de faire, mêmes dispositions par rapport à ça? Parce qu'en général c'est l'employeur. Pourquoi que c'est entre les deux parties?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Moreau : Oui, Mme la Présidente. Alors, on m'indique qu'effectivement, là... Je n'ai pas en tête cette information-là, mais on m'indique qu'effectivement il y a d'autres lois qui prévoient le... En fait, votre question, c'était de savoir : Dans d'autres lois, est-ce que c'est assumé par une partie plutôt que réparti entre les deux?

D'abord, oui, il y a d'autres lois où c'est réparti. Et ici, si je reprends le texte de l'article 26, là, on dit : Autant rémunération que dépenses peuvent faire l'objet d'une entente — dans le fond, c'est comme ça que l'article est rédigé — entre l'association et l'employeur. S'il n'y a pas d'entente, c'est fixé par le ministre en termes de rémunération et de dépenses, et l'article prévoit la répartition. Et donc votre question touche sur la dernière phrase : Est-ce qu'il y a d'autres lois qui contiennent une répartition semblable à parts égales? On m'indique que la réponse à cette question est oui.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Alors, j'ai deux sous-questions, Mme la Présidente. Même si on me dit que oui, j'aimerais bien savoir où, si on peut m'en donner quelques-uns. Et l'autre question : Est-ce que normalement, généralement... Parce que c'est peut-être exceptionnel, mais généralement c'est l'employeur. Alors, je veux juste qu'il m'éclaircisse sur ça.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci. Est-ce que M. le ministre a des réponses aux questions de Mme la députée?

M. Moreau : On est en train de colliger la chose, là.

(Consultation)

M. Moreau : Ce qu'on m'explique, ce qu'on m'explique, Mme la Présidente, à titre d'illustration, là, je ne sais pas si on est toujours dans la recherche de lois, mais, par exemple, en convention collective, l'arbitre de griefs est payé à parts égales par les parties pour sauvegarder son impartialité. Alors, dans le cas qui nous occupe ici, le médiateur, les critères de nomination du médiateur que l'on vient de voir à l'article 25 assurent son impartialité. Le partage de la rémunération et de ses dépenses entre les parties assure aussi... ou sont une illustration de son indépendance. On ne voudrait pas, par exemple, si le gouvernement assume 100 % de la rémunération du médiateur, que cette situation-là influence sur le caractère ou la perception d'impartialité du médiateur.

Et là on est en train de faire un exercice pour me présenter un projet de loi que j'ai rapidement vu, là, O.K., attendez un petit peu, de la loi... Ah! bien, c'est une loi que Mme la députée de Pointe-aux-Trembles nous citait tantôt, là, le projet de loi n° 110, qui est le chapitre 24 des lois de 2016, qui concerne le régime de négociation des conventions collectives et des règlements des différends dans le secteur municipal. Le conseil de règlement des différends prévoit une formule de partage des coûts. Alors, l'article 34 dit : «Les frais du conseil, y compris les honoraires de ses membres, sont assumés à parts égales par les parties.

«Ces frais sont déterminés par règlement du gouvernement. Le ministre peut mettre en place un programme d'aide financière destiné aux parties.»

Alors, il y a une question liée un peu à l'impartialité et à l'apparence d'impartialité.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Vitement, là, sans nous en donner d'autres, mais est-ce qu'il y en a d'autres, projets de loi, ou si c'est assez... c'est plus unique? Juste ça.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Moreau : On me dit que c'est les deux références que l'on peut vous donner puisque cette situation-là est un peu exceptionnelle et que c'est un principe lié, encore une fois, à la... c'est un souci de rédaction pour équivaloir au souci d'impartialité que l'on souhaite conférer au médiateur.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, cela vous convient, Mme la députée? Y a-t-il d'autres commentaires sur l'article 26? Questions?

Alors, je vais mettre aux voix l'article 26. L'article est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté sur division. Article 27.

M. Moreau : Oui. «Le médiateur doit tenter d'amener l'association et l'employeur à s'entendre à l'intérieur d'un délai de 30 jours suivant sa nomination. Ce délai peut être prolongé par le ministre du Travail, une seule fois et à la demande du médiateur. La durée d'une telle prolongation est déterminée par le ministre du Travail et ne peut excéder 15 jours.»

Alors, le texte parle pas mal par lui-même. L'article prévoit le rôle du médiateur, qui doit tenter d'amener les parties à s'entendre dans un délai de 30 jours, et le fait que la ministre du Travail peut prolonger de 15 jours le délai de médiation si le médiateur, et non pas les parties, lui en fait la demande.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. Y a-t-il des questions, commentaires? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles? Non?

Alors, est-ce que l'article 27 est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté sur division. Article 28.

M. Moreau : Article 28 : «Le processus de médiation porte sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle condition de travail.»

Cet article prévoit que le processus de médiation ne peut porter sur une modification au régime de négociation applicable aux membres de LANEQ en vertu du Code du travail et de la Loi sur la fonction publique.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. Je crois que vous avez un amendement à apporter à l'article 28, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

• (8 h 40) •

Mme Léger : Oui, mais j'aimerais en parler un petit peu d'abord avant si vous permettez. C'est un article, à mon avis, important, le 28, dans le sens que j'ai peut-être le goût de le supprimer complètement, tellement qu'il peut être important. Je peux paraître incohérente, là, mais c'est très difficile de comprendre, dans l'article 28, que le ministre instaure un processus de médiation qui porte sur les conditions de travail des salariés et qui écarte complètement le régime de négociation quand c'est la principale revendication des juristes de l'État. Et comment on ne peut pas penser que le processus n'est pas biaisé, que le processus est correct quand cette principale revendication là n'est pas là?

Puis j'ai interpelé le ministre, effectivement, aujourd'hui ou hier — on ne sait plus quelle heure puis quel jour on est, là — par rapport à cet article-là, et très, très, très clairement : «Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle condition de travail.» Alors, j'ai besoin d'explications du ministre.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Moreau : Alors, je lui répondrai en boutade : Il est 8 h 40, et nous sommes le 28 février. Mais effectivement, dans ce genre de procédure là, on peut perdre le fil de l'espace temps dans lequel on se situe.

Or, la réponse à la question de Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, je l'ai donnée plus tôt aujourd'hui. La question de discuter du régime de négociation, on estime que ça peut être abordé entre le gouvernement et l'association. D'ailleurs, les offres... et notamment la dernière offre présentée par le gouvernement fait état des deux éléments : ce que Mme la députée estime être la revendication principale de LANEQ et la question de la rémunération globale.

Je rappelle que le projet de loi n° 127 permet, autant à LANEQ et au gouvernement, de s'entendre en tout temps au cours de la période de 105 jours qui touche la négociation et la médiation. Mais, dans le processus de médiation, il n'y a pas que deux parties qui se parlent; il y a une tierce partie qui arrive, qui est le médiateur. Et on ne souhaite pas sous-traiter au médiateur la question liée au régime de négociation. Et on fait une distinction entre le régime de négociation, qui relève de la prétention de LANEQ sur leur caractère d'indépendance de leur statut, et les conditions de travail.

Les conditions de travail, c'est une chose qui est déterminée à l'intérieur d'un régime de négociation, et le régime de négociation actuel est celui que l'on connaît en relations de travail entre l'employeur et l'employé. Alors, on dit : La médiation, elle peut faire évoluer les parties sur les conditions de travail, mais non pas sur la mécanique de négociation de ces conditions-là. Cette mécanique-là peut faire l'objet de discussion entre les parties directement, mais le gouvernement ne souhaite pas que le médiateur intervienne dans l'établissement de cette modalité de négociation.

Je répète cependant que la modalité de négociation est ouverte à la discussion dans l'état actuel des négociations et que c'est sur la base, d'ailleurs, de la dernière offre déposée par le gouvernement que le processus de négociation prévu au projet de loi n° 127 s'amorcerait, donc avec les deux éléments : ce que vous estimez être la revendication principale de LANEQ et les conditions de rémunération globale.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Mme la Présidente, le ministre est en train de nous dire que l'espace qu'il voit — pas dans l'article 28, pour la réforme du régime de négociation — c'est par le médiateur, par la négociation possible avec le médiateur. C'est là qu'il le voit. Pourtant, il sait très bien qu'à toutes les négociations qu'il y a eu précédemment — certaines, pas depuis 2015, certaines — ça a toujours été écarté. La réforme du régime de négociation a toujours été écartée. Pourquoi croit-il que maintenant, en le plaçant quelque part, le médiateur a ce mandat-là, peut-être? Ça, il n'a pas le mandat, mais ça peut être possible que ce soit dans cet espace-là, que ça fait que ça va arriver par miracle, là, là, puis que...

Alors, il dit qu'il y a un espace avec le médiateur pour qu'on puisse voir, échanger, discuter sur le comité de rémunération ou le régime de négociation particulièrement, et il ne le met pas dans le 28, pas du tout. Alors, dans le 28, il dit : Le processus de médiation porte juste sur les conditions de travail des salariés. Pourquoi que ça ne peut pas non plus être sur le régime de négociation?

Alors, il m'explique que ça... on s'entend sur les conditions de travail. Le ministre peut décider qu'on peut s'entendre aussi sur un régime de négociation. Donc, c'est le choix du ministre de ne pas aborder le régime de négociation. C'est ce que je comprends. Et il relaie au médiateur pour négociation, quand on sait préalablement que le ministre ne veut rien savoir du régime de négociation, à moins qu'il me dise autre chose, là. Il va avoir l'opportunité de me répondre.

Alors, il a intentionnellement instauré l'article 28 en tassant le régime de négociation. Puis il nous dit : Probablement, le médiateur, on est ouverts. Mais il ne l'a jamais réglé à date, puis il n'a jamais voulu en parler, puis il n'a jamais voulu le faire. Alors, j'écoute.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

Mme Léger : Il a l'air très attentif, là...

M. Moreau : Oui, oui, mais...

Mme Léger : ...est prêt à sauter, je pense... sur l'autre bord de la Chambre, si... je le vois faire, mais...

M. Moreau : ...non, je me penche vers vous dans un signe de concentration pour écouter ce que vous me dites, Mme la députée. Ne m'en tenez pas rigueur.

Non, ce que je vous dis, c'est ceci, là : Dans le contexte de la négociation, qui peut avoir lieu et arriver à une entente négociée en tout temps à l'intérieur du délai de 105 jours, il y a une procédure de médiation qui est possible, mais la négociation existe toujours entre les deux parties. Ce que l'article 28 fait, c'est qu'il dit : Il ne sera pas de la juridiction du médiateur de déterminer autre chose que les conditions de travail.

Par contre, sur la table, au moment où on se parle, j'ai exprimé quelle était mon opinion sur le fait que le statut des juristes de l'État ne justifierait pas un mode de négociation différent. Mais, en même temps, dans la proposition faite par le gouvernement et dans le cadre des négociations — les négociateurs de LANEQ vous le confirmeront — le gouvernement propose un mécanisme pour déterminer si, oui ou non, il doit y avoir un régime de négociation différent, compte tenu du statut. Ça, c'est dans le mandat du groupe de travail sur lequel siégerait... et là je comprends que, sur cet aspect-là des choses, il n'y a pas véritablement de mésentente... sur lequel siégerait un représentant de LANEQ, un représentant du gouvernement ainsi qu'un juge de juridiction fédérale. Bon, il y a encore du débat sur le mandat, ce que je comprends, et sur les suites à donner à ce mandat-là, mais ça, c'est dans le processus de négociation.

Ce n'est pas vrai que je dis : Bon, le ministre ne veut pas en jaser. Le ministre, il veut en jaser, mais il veut en jaser parce que c'est l'exercice de son droit de gérance, directement avec l'association syndicale et non pas confier au médiateur le choix de faire des propositions sur l'aménagement du droit de gérance de l'État. Et la raison pour laquelle c'est exclu de l'article 28, c'est qu'à l'article 29 on donne au médiateur un pouvoir qui excède le pouvoir général confié à un médiateur, en vertu des lois du travail, en lui permettant de formuler des propositions de nature exploratoire et confidentielle. Alors, on ne souhaite pas que le médiateur, un tiers, fasse de l'exploration dans l'exercice du droit de gérance de l'employeur; ici, le gouvernement. Et c'est la raison pour laquelle on dit : L'aide qu'il peut apporter est une aide qui vise à convenir des conditions de travail et non pas d'un mécanisme de négociation.

Et c'est donc à l'issue des conclusions du groupe de travail, dont la composition me semble convenue avec LANEQ, que l'on déterminera si, oui ou non, il doit y avoir un mécanisme de négociation des conditions de travail différent applicable aux salariés représentés par LANEQ.

Je n'essaie pas de vous confondre, là, j'essaie d'être le plus clair possible. Cela dit, je vous dis tout de suite que, même si ce groupe de travail là était constitué, que sa constitution et que son mandat étaient convenus, le gouvernement ferait des représentations auprès du groupe de travail qui n'iraient pas dans le même sens que ceux faits par LANEQ parce que nous estimons que les fonctions... Et je répète pour la énième fois que la distinction de fonction ne fait pas une distinction dans la compétence, dans le professionnalisme ou dans la qualité des juristes par rapport aux procureurs de la Couronne, mais nous estimons que les fonctions inhérentes, les fonctions exercées par les juristes de l'État ne leur confèrent pas un caractère quasi judiciaire comme celles... et l'indépendance qui est reconnue par la Cour suprême pour les procureurs de la Couronne.

On peut très bien être en désaccord sur ces éléments-là et convenir d'en débattre dans un forum impartial. C'est le sens de la proposition, de l'offre déposée par le gouvernement dans le contexte de la négociation. Et je réitère que la structure du projet de loi n° 127 permet de maintenir cet espace de négociation pendant une période de 105 jours, mais en balisant les périodes au cours desquelles il pourra aussi y avoir de la médiation en vertu de l'article 27.

• (8 h 50) •

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée.

Mme Léger : Je comprends, Mme la Présidente — il faut quand même se le dire clairement — qu'on est dans un processus de renouvellement d'une convention, là, qui est échue depuis 2015. Et là le ministre me parle de la médiation, particulièrement les conditions de travail avec la médiation. Ce n'est pas nécessairement la partie de négociation que... le ministre dit qu'il est toujours ouvert. Par contre, son idée est faite, malgré tout, sur le régime de la négociation.

Quel est le mécanisme, dans ce renouvellement de convention collective que nous avons présentement pour les juristes de l'État, qu'ils veulent renouveler, où leur principale revendication est ce régime de négociation là, leur statut, avoir le rôle... Quel est le mécanisme que les juristes de l'État ont pour convaincre le ministre... Même si, le ministre, sa tête est faite. Le ministre, c'est sa tête, mais il représente quand même un gouvernement, hein? Il peut rester un statu quo du rôle des juristes de l'État depuis les dernières années. Il peut leur mettre sur le nez 2013, il peut continuer à dire ça, là, c'est son problème de le dire. Mais il n'en reste pas moins que c'est des années, on est rendus à la troisième loi spéciale. Je ne peux pas croire que le ministre n'a pas conscience de cet enjeu et de cette revendication-là des juristes de l'État. Il m'a dit : Ça fait partie des revendications. Les revendications, bien, hein, vous savez, il faut en prendre puis en laisser. Puis il y a deux parties, puis... Bon. Mais on n'est pas sur ça, là, Mme la Présidente, là.

Est-ce que le ministre pellette en avant, pellette en avant encore, pellette en avant cette revendication-là principale des juristes de l'État? Que le ministre ne croit pas à leur statut particulier, que le ministre ne croit pas que c'est... Qu'il y ait une parité avec les procureurs de la Couronne, c'est peut-être son opinion, ou ça l'est, parce qu'il l'a quand même déjà dit, mais ça n'en demeure pas moins que c'est lui qui est le président du Conseil du trésor, qui est en train de renouveler une convention collective présentement, et c'est la principale revendication quand même des juristes de l'État.

Et là j'essaie de voir, dans la loi spéciale qui est devant nous... Le ministre m'a dit : Au 28. Ce n'est pas là. 28, c'est : «Le processus de médiation porte sur les conditions de travail des salariés», puis ça n'appartient pas au médiateur. Mais les négociations continuent quand même. Alors, on peut toujours parler de négociation, mais il refuse. Et lui-même, comme ministre, le refuse. Alors, où est la porte possible d'ouverture du ministre à revoir... et à ce que les juristes puissent exprimer et convaincre le ministre... Parce que le ministre a peut-être son idée de faite, mais peut-être que les juristes peuvent le convaincre davantage. Et, s'ils ne convainquent pas le ministre, il y a d'autre monde dans le gouvernement qui peuvent être convaincus puis qui peuvent influencer le ministre.

Alors, je veux savoir quel est le mécanisme que le ministre suggère, propose pour que les revendications des juristes de l'État puissent se retrouver quelque part dans la négociation.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci. M. le ministre, vous avez une réponse pour Mme la députée de Pointe-aux-Trembles?

M. Moreau : Oui. Je ne sais pas si la réponse va satisfaire Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, mais je vais prendre un peu de recul.

Le mode de négociation des conditions de travail est fixé par le Code du travail. Si on veut changer le mode de négociation prévu au Code du travail, qui est dans notre corpus législatif depuis 1964, ça n'a jamais été changé... Et le mode de négociation prévoit un mécanisme correct de règlement et de négociation des conditions de travail; ce n'est pas contesté. La validité du Code du travail n'est pas remise en question.

Pour changer cette modalité-là, vous conviendrez avec moi, Mme la députée, Mme la Présidente, qu'on doit modifier le Code du travail. La modification du Code du travail, ça implique une modification législative. La législation est adoptée dans notre système par l'Assemblée nationale dans le contexte que nous connaissons tous, puisque nous sommes tous des législateurs. Vous conviendrez avec moi que je ne sous-traiterai pas le pouvoir législatif de l'Assemblée nationale et modifier un mode de négociation des conditions de travail prévu par une loi du Québec en donnant juridiction à un médiateur de faire une suggestion sur le mécanisme de négociation, ce n'est pas ça.

Et c'est ce qui nous fait dire que, dans la proposition que nous faisons à LANEQ, dans les offres déposées par le gouvernement, nous allons au-delà de notre obligation de négocier les conditions de travail, puisque nous proposons l'examen de leur statut par un mécanisme indépendant, qui, lui, ne modifiera pas la loi, mais va statuer si, oui ou non, leur statut impose la composition d'un nouveau mécanisme de négociation des conditions de travail. Et, indépendamment de l'opinion que j'exprime clairement à l'effet que j'estime que la réponse à cette question est non, le gouvernement est prêt à se soumettre à cet organisme impartial.

Quand deux parties arrivent devant la cour, il y a un demandeur puis il y a un défendeur. Il y en a un qui plaide blanc puis l'autre qui plaide noir, ça ne fait pas ni de l'un ni de l'autre des mauvaises personnes, mais ça fait qu'à un moment donné la disposition ou leur prétention va être tranchée par un arbitre impartial dans le cas d'une action au civil par un juge d'une des cours qui a juridiction au Québec.

C'est exactement ce qu'on dit, on dit : Regardez, moi, je pense que votre statut ne le justifie pas. Ça ne fait pas de vous du moins bon monde, ça ne fait pas de moi un plus mauvais garçon, mais on est prêts... Puis ce n'est pas une condition de travail, c'est un mécanisme de négociation des conditions qui est prévu dans une loi du Québec qui existe depuis 1964 et dont la validité n'est pas remise en question.

Alors, avant de changer la loi, on va se poser la question s'il y a lieu de le faire puis si on est prêts à en débattre devant un organisme impartial, dont la composition, je le rappelle, et je comprends que la négociation n'est pas complétée, mais... n'est pas contestée, là, ni par le gouvernement ni par les représentants de LANEQ. Je comprends que, sur la composition de ce mécanisme d'arbitrage, il y a presque une entente, bien qu'elle ne soit pas complète.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, vous avez d'autres questions, commentaires?

Mme Léger : Le ministre m'a dit beaucoup de choses, Mme la Présidente. C'est évident qu'on pourrait avoir des discussions encore longtemps, mais je vois que le ministre est clairement sur sa vision de la chose. Alors, on peut passer à un autre article, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard : Évidemment, Mme la Présidente, je suis déçu que le ministre ne veuille pas accepter l'amendement parce que c'est le coeur du litige, là. Ce point-là...

• (9 heures) •

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député, il n'y a pas eu dépôt d'amendement.

M. Picard : Ah!

La Présidente (Mme Gaudreault) : Il n'y a pas eu dépôt, elle a changé d'idée, peut-être, Mme la députée, mais il n'y a pas eu dépôt d'amendement.

M. Picard : Est-ce que Mme la députée va le déposer? Parce que là on discute sur un possible...

La Présidente (Mme Gaudreault) : Elle vient de mentionner qu'elle souhaitait que nous passions à un prochain article.

M. Picard : O.K. Bien, moi, je vais le déposer, l'amendement.

La Présidente (Mme Gaudreault) : D'accord. Vous allez déposer un amendement?

M. Picard : Oui.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, il nous le faudra par écrit, encore une fois. Alors, je vais devoir suspendre... ou vous l'avez déjà par écrit?

M. Picard : Non, non, non, on l'a déjà.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Très bien. Nous allons faire quelques copies pour... Oui?

Une voix : ...

M. Picard : Non, mais ça... Bien, c'est ça...

La Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, mais est-ce que c'est le même amendement?

Mme Léger : Je ne sais pas, mais moi, j'avais un amendement.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mais vous venez de me mentionner que vous vouliez que nous passions à un autre article. Alors, je n'ai pas du tout fait mention de l'amendement depuis le début des échanges.

Mme Léger : Bien oui, je l'ai déposé. J'ai déposé l'amendement.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Là, en ce moment, la parole est au député de Chutes-de-la-Chaudière et... Est-ce que vous voulez redonner la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles?

Une voix : ...

La Présidente (Mme Gaudreault) : Il n'a pas été déposé.

M. Picard : Oui, je vais lui redonner la parole pour qu'elle dépose rapidement son amendement, parce qu'il ne reste pas beaucoup de minutes, là.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Très bien. Oui, alors, il y a eu discussion sur l'article 28, mais jamais dépôt de l'amendement. Alors, vous souhaitez déposer l'amendement, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles?

Mme Léger : Oui.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, vous allez en faire la lecture?

Mme Léger : Modifier l'article 28 du projet de loi par le remplacement des mots «. Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle condition de travail.» par les mots suivants : «, y compris le régime de négociation qui leur est applicable, ainsi que les modalités de leur retour au travail.»

La Présidente (Mme Gaudreault) : Très bien. Est-ce qu'il y a des commentaires, questions suite au dépôt de cet amendement? M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard : Mme la Présidente, comme je disais tout à l'heure, c'est le coeur du litige, c'est le coeur du projet de loi, cet amendement-là. Pourquoi nous sommes réunis ici aujourd'hui? C'est parce que LANEQ veut avoir... aimerait avoir un comité pour discuter, et le ministre, il ne veut pas. Mais cette nuit j'ai écouté, j'ai écouté beaucoup de députés libéraux qui nous ont dit qu'ils avaient une très grande ouverture pour trouver une solution, puis il y avait même une gradation, là, il y avait beaucoup, beaucoup d'ouverture, sauf qu'en ne modifiant pas cet article-là on limite beaucoup, on va dire, le carré de sable, pour le médiateur, pour trouver des solutions, parce que c'est le litige, c'est le point qui achoppe le plus. Donc, moi, j'ose espérer que le ministre va démontrer de l'ouverture, tout simplement.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, M. le ministre.

M. Moreau : Mme la Présidente, le gouvernement n'entend pas donner au médiateur un pouvoir de modifier le régime général des lois au Québec, particulièrement dans le domaine du travail.

Permettez-moi de vous faire la lecture de la proposition de mandat. On sait que, sur la composition, là, du groupe de travail, je pense qu'on s'entend, là : un représentant de chaque côté, LANEQ, le gouvernement, un juge de nomination fédérale. Voici la proposition qui a été déposée hier par les médiateurs du gouvernement auprès de LANEQ concernant le mandat de ce comité-là. Alors, le mandat que nous suggérons est celui «d'analyser les fonctions et [les] responsabilités [des] avocats et notaires» de la fonction publique représentés par Les avocats et notaires de l'État québécois, LANEQ. Le mandat comporte aussi celui «de statuer, après l'analyse des éléments, s'il existe un caractère distinctif des avocats et notaires [...] à l'égard des autres employés de la fonction publique et des procureurs, justifiant d'apporter des modifications au régime actuel de négociation». Alors, indépendamment de ce que je vous ai dit sur ce que moi, je pensais et ce que le gouvernement plaiderait devant ce comité-là, il est clair que la proposition gouvernementale permet de débattre du caractère distinctif ou non des avocats et notaires à l'égard des autres employés de la fonction publique et des procureurs et est-ce que, oui ou non, cela justifie d'apporter des modifications au régime actuel de négociation.

Ça, là, ça se passe entre l'employeur — le gouvernement — et ses employés. Et ce n'est pas au médiateur de déterminer une modification législative, ce n'est pas dans sa juridiction. Ça, c'est la juridiction des législateurs ici, à l'Assemblée nationale. Alors, pour cette raison-là, très clairement, on va voter contre l'amendement que vous proposez.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Y a-t-il d'autres... Oui, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard : Mme la Présidente, seulement pour que les gens qui nous écoutent comprennent bien, là, que, lorsqu'on a créé le comité pour les procureurs, il y a eu un projet de loi qu'on est venus insérer dans le Code du travail, là. Ça existait... Parce que tantôt ça avait l'air très complexe, en tout cas, mais, ma validation, c'est tout simplement ça.

Mais votre fameux comité, là, que vous venez d'élaborer, est-ce qu'il va avoir plus de valeur que l'annexe V de l'autre convention, qui malheureusement n'a pas été respectée?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Moreau : Merci de poser la question. J'ai moi-même indiqué à Me Denis, le président de LANEQ, que la raison pour laquelle on se retrouvait dans cette situation-là, c'est que la lettre d'entente n° 5, dont j'ai amplement discuté tantôt, ne permettait pas de résoudre la situation.

Le comité, lui, c'est un comité qui va statuer si, oui ou non, il y a une distinction. Et là on est à négocier, là, les suites à donner au mandat du comité, si on s'entend sur le mandat du comité, et, plutôt que de rédiger une lettre d'entente dans le contexte rapide d'une convention collective, on dit : Regardez, sur la question de la rémunération, l'offre qui vous est faite est paritaire avec les procureurs de la couronne, et, sur la question du statut, on pourra en débattre sans égard aux conditions de rémunération globale qui vous sont proposées par le gouvernement.

Il me semble que c'est une approche qui est raisonnable, et qui est respectueuse des droits et obligations de chacun, et surtout qui est respectueuse du rôle de l'Assemblée nationale pour modifier une loi qui établit le cadre général de négociation qui s'applique aussi, en vertu du Code du travail, aux juristes de l'État.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Est-ce que vous avez d'autres commentaires, M. le ministre?

M. Moreau : Non, ça complète.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Non? Alors, nous sommes prêts à mettre aux voix l'amendement à l'article 28, déposé par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Adopté.

M. Moreau : Rejeté.

La Présidente (Mme Gaudreault) : L'amendement est rejeté.

Maintenant, nous revenons à l'article 28. Y a-t-il d'autres commentaires, questions à l'article 28? Est-ce que l'article 28 est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté sur division. Article 29. Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : ...savoir l'intention du ministre pour le 2.1, l'article 2.1. Est-ce qu'il va le déposer là ou plus tard?

La Présidente (Mme Gaudreault) : Je n'étais pas là... Alors, M. le ministre...

M. Moreau : Si un amendement doit avoir lieu, là, il sera déposé après la plénière.

La Présidente (Mme Gaudreault) : D'accord. Est-ce que ça vous convient, oui?

Mme Léger : Est-ce que ça me convient? Non, parce qu'on ne peut pas en débattre.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Non, mais... Nous en sommes à l'article 29.

M. Moreau : Ce que la députée de Pointe-aux-Trembles dit, qu'on ne peut pas en débattre, mais c'est la même chose pour le gouvernement. Et la possibilité de déposer des amendements après la plénière existe aussi pour l'opposition officielle et pour la deuxième opposition. On a tous les mêmes règles, ce sont celles fixées par l'Assemblée.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Vous pourrez discuter... Il y aura une heure de débat un peu plus tard pour la prise en considération.

Nous arrivons au terme, presque, de cette commission plénière. Alors, nous allons revenir à l'article 29 avec M. le ministre.

Mme Léger : ...alors, c'est l'article 2, là, O.K.? Ça fait que, là, on a fini le cinq heures, ça fait qu'il a eu cinq heures pour le déposer. Alors, le déposer ici, ça veut dire de le débattre. Alors, on peut bien aller en plénière...

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, nous allons permettre à M. le ministre de faire la lecture de l'article 29.

M. Moreau : Oui. Merci, Mme la Présidente.

Alors : «29. En tout temps pendant le processus de médiation, le médiateur peut formuler des propositions de nature exploratoire et confidentielle s'il les croit justes et utiles et s'il estime que de telles propositions sont de nature à favoriser le règlement du différend sur une ou plusieurs des conditions de travail.»

Alors, cet article prévoit que, pendant le processus de médiation, le médiateur puisse formuler des propositions s'il estime que les propositions peuvent favoriser une entente entre les parties, et ce, de façon exploratoire et confidentielle, ce qui va au-delà des dispositions prévues par le Code du travail.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, M. le ministre, le temps imparti à la commission plénière est maintenant écoulé. Alors, je remercie ceux et celles qui ont participé.

Et, pour permettre à l'Assemblée de poursuivre sa séance, je suspends les travaux quelques instants et je prie toutes les personnes qui doivent se retirer de bien vouloir le faire immédiatement.

(Suspension de la séance à 9 h 10)

(Reprise à 9 h 15)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député.

M. Auger (président de la commission plénière) : Mme la Présidente, j'ai l'honneur de vous faire part que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, et qu'elle n'en a pas complété l'étude.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le député. Et je rappelle aux membres de cette Assemblée que, conformément à l'article 257.6 du règlement, tout député dispose d'au plus une heure pour transmettre au bureau du secrétaire général copie des amendements qu'il entend proposer à ce rapport. Cet article prévoit également que le débat débute au plus tôt une heure après l'écoulement de ce délai.

Je suspends donc les travaux de cette Assemblée pour une période d'au moins deux heures, et les cloches sonneront pour vous aviser de la reprise de la séance. Les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 9 h 16)

(Reprise à 11 h 26)

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait
l'étude détaillée et des amendements transmis

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, ainsi que des amendements transmis par M. le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du trésor, par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles et M. le député de Borduas.

Je déclare ces amendements recevables, à l'exception de celui présenté par l'opposition officielle à l'article 28, car le régime de négociation exclut de la compétence du médiateur, alors que l'amendement prévoit expressément que le régime de négociation serait plutôt inclus. Notre jurisprudence parlementaire a établi qu'une motion d'amendement ne peut nier, contredire ou dénaturer la motion principale. Par conséquent, cette motion d'amendement doit être déclarée irrecevable.

De plus, en application de l'article 252 de notre règlement, les amendements aux articles 20 et 21 du projet de loi présentés par le deuxième groupe d'opposition ne seront pas mis aux voix car ils sont parfaitement identiques à des amendements présentés par l'opposition officielle. Donc, on ne peut pas faire deux fois la même chose.

Je vous rappelle que, conformément au troisième paragraphe de l'article 257.1, la durée du débat sur la prise en considération du rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, et sur les amendements proposés est d'une heure. La répartition du temps de parole pour ce débat restreint est établie comme suit : 28 minutes sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement; 16 min 43 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle; 11 min 30 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition; puis 3 min 30 s sont réservées aux députés indépendants, dépendamment que vous allez aviser que, ainsi de suite, là, vous savez tout ça. La présidence répartira cette enveloppe de temps parmi ceux qui auront signifié leur intention d'utiliser leur droit de parole. Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les concernés. Mis à part ces consignes, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.

Je rappelle aux députés indépendants qui souhaitent intervenir au cours du débat qu'ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Je suis prêt à entendre les premières interventions et je vais reconnaître la personne qui va se lever. Alors, on me dit que c'est M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Alors, à vous, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, pour votre intervention. À vous la parole.

M. Robert Poëti

M. Poëti : Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, une question : Pourquoi sommes-nous ici? Pourquoi, tous ensemble, on est assis ici aujourd'hui? Pour traiter d'un dossier majeur. Parce que l'ensemble des députés du Québec travaillent pour les citoyens du Québec. Parce que c'est notre mandat. Parce qu'on les représente. Parce qu'on est là pour eux.

• (11 h 30) •

Depuis une semaine, cinq jours, quatre jours, les oppositions nous démontrent travailler cette fois-ci spécifiquement pour les juristes de l'État. En fait, allégrement, la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, je l'ai dit un peu plus tôt, a fait le tour des médias bras dessus, bras dessous avec Me Denis, à LCN, sur le trottoir, dans l'escalier, au «hot room», un peu partout, comme si cette démarche-là était pour les juristes de l'État. Il faut comprendre le bout de la partisanerie, parce que, quand on est là pour défendre les citoyens, il faut penser aussi à ceux qui ont un accident d'automobile, qui tentent d'obtenir de l'argent, qui ont besoin des compensations. Il faut aussi qu'on pense à ceux qui sont devant d'autres difficultés avec la Société de l'assurance automobile du Québec. Il faut qu'on pense à ceux, les victimes d'actes criminels, qui n'ont pas de service. Ces citoyens-là, aujourd'hui, pour les oppositions, ne semblent plus compter.

Et pourtant les gens de LANEQ ont pensé que les oppositions travaillaient que pour eux. C'était l'objectif. C'est un débat grave. On a eu droit à des envolées lyriques. Le député de Sanguinet nous a fait une ouverture resplendissante. Mais ce qu'il y a d'étonnant, M. le Président, c'est qu'à la première période de questions trois questions de la première opposition et ensuite on s'est questionnés, mais c'était vraiment important, sur les cuisines du Casino de Montréal. Ça, ça a été dans la liste des questions importantes soulignées ici. C'est quoi, le dossier, exactement, M. le Président? C'est la problématique reliée aux négociations avec les juristes de l'État ou c'est le nouveau chef des cuisines du Casino de Montréal? Parce que c'est ça qu'on a eu.

Alors, moi, je pense que, si ça avait été tellement le dossier important pour l'opposition, on aurait passé pas mal plus de temps là-dessus puis on aurait posé des questions spécifiques à ce dossier-là. Mais non, on a décidé... parce que, vous savez, chassez le naturel et il revient au galop, on a eu droit, avec le député de la CAQ, évidemment, vraiment à une course en rond qui ressemblait aux 500 milles d'Indianapolis, parce que je me disais : Comment on peut arriver à son dossier, là, celui qu'il maintient ici, là, en débat, en fait, le problème informatique du Québec? Là, tu cherches, là, comment on peut faire le lien avec les juristes de l'État, autre qu'ils doivent utiliser des ordinateurs aussi. Bien, il a réussi, M. le Président. Il a réussi à nous expliquer que ce problème-là, son problème à lui, était relié aux juristes de l'État. Plutôt surprenant.

Et là on avait aussi, du côté de la CAQ, hein, un avocat, quelqu'un qui connaît ça, les lois, qui se lève souvent pour interpeler la ministre de la Justice. Évidemment, il a eu une leçon de droit parce que le président du Conseil du trésor a fait aussi un peu de droit pendant plusieurs années, plus de 20 ans. Il lui a expliqué qu'est-ce que voulait dire «casier judiciaire».

Alors, quand les juristes de l'État pensent que, quand l'opposition se lève vraiment pour eux, là, puis ça, là, ils sont convaincus, là, tout le monde, que ce que nous, on a fait est mauvais, bien, la façon dont ils gèrent les questions est loin de démontrer cela.

Sur l'autre volet, de penser qu'aujourd'hui... Parce qu'il y une partie de la partisanerie, puis vous le savez, vous me connaissez, ce n'est pas quelque chose qu'on aime vraiment beaucoup, mais il y en a qui ne vivent que pour ça. Alors, c'est certain qu'il y a des gens de l'autre côté qui se disent : Un salaire moyen supérieur à 100 000 $ pour 35 heures semaine, du temps supplémentaire payé, un régime de retraite financé en partie par le gouvernement, des avantages sociaux, une sécurité d'emploi... je le sais, qu'il y en a, des gens, de l'autre côté, qui pensent que ce sont d'excellentes conditions. Mais on ne peut pas dire ça parce qu'on est de l'autre côté, et jamais on ne va dire : Bien non, on ne peut pas, parce que, dans le fond, il y a une limite, parce que les gens qui sont blessés, les gens qui sont victimes d'actes criminels n'ont pas le droit, eux, à cet égard-là, d'appuis de l'ensemble des députés de la Chambre. Pourtant, ça devrait être ça. Ces gens-là qui sont en attente de règlements ne sont pas traités, et ça fait 18 semaines, M. le Président. Est-ce que le gouvernement a une responsabilité de rétablir un équilibre pour l'ensemble des citoyens du Québec? Mais contrairement à ce que ce parti-là, de notre première opposition, a déjà fait, c'est-à-dire couper 20 % des salaires...

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Oui, amical. Le règlement est très clair, c'est l'opposition officielle puis la deuxième opposition. Il n'y a pas de première opposition.

M. Poëti : Ah! l'opposition officielle. Alors, c'est bien. Donc, l'opposition officielle...

Une voix : ...

M. Poëti : Alors, non, c'est correct. Non, il n'y a pas de problème pour l'élan, on l'a eu pour la nuit. Alors, l'opposition officielle, la première opposition officielle, l'opposition officielle, dans son histoire, a dit clairement : Lorsqu'on ne s'entend pas avec des fonctionnaires, 450 000, bien, on les coupe de 20 % puis on les oblige à rentrer au travail. Ça, c'est ce que vous avez fait. Alors, le gouvernement, ici, ce n'est pas ça qu'il fait. Le gouvernement, dans un projet de loi, encore une fois, de bonne foi, dit : Il faut penser aux gens. Il faut penser aux victimes, il faut penser aux citoyens qui ont besoin de ces services-là et on va les faire rentrer pour travailler et traiter ces dossiers-là. Mais on ne va pas vous imposer l'ensemble des conditions. On veut encore les négocier. On veut encore s'asseoir avec vous et aller de l'avant. J'ai toujours cru qu'on arriverait à une entente, parce qu'on a toujours modulé nos offres. On les a toujours améliorées. Maintenant, sur l'autre côté, il faut regarder les réponses qu'on avait. Et ça, c'est une réalité. Et mes collègues de l'autre côté le savent aussi. On a entendu à plusieurs reprises. Et là on se dit : Comment se fait-il qu'on est devant une loi spéciale?

Me Denis, le 9 février 2017 : «On les met au défi : faites-nous donc une loi spéciale pour voir...» Ce n'est pas moi qui dis ça, M. le Président, c'est celui qui guide les juristes de l'État dans ce conflit. C'est de la bonne foi, ça. Un peu plus tôt, la même personne... «M. Leitão parle de négocier dans le cadre habituel. Moi, j'ai dit à M. Leitão : On s'en fout, du cadre habituel.»

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, mais, même dans une citation...

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît! Puis ça allait bien, là, je demande la collaboration de tous pour finir ça, mais, attention, on a convenu qu'il n'y a pas de «M. Leitão» en Chambre. Il y a un ministre des Finances ou député de. Alors, on s'en tient, même dans une situation, à l'appellation autorisée. Monsieur, veuillez poursuivre.

M. Poëti : Mais je veux quand même souligner qu'à ce moment-là, dans la citation, je ne pourrai pas citer ce que M. Denis a dit. C'est ce que vous me dites, là? Alors, c'est ça.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Dans une citation, si vous nommez un parlementaire, il faut le nominer par son appellation contrôlée.

M. Poëti : Sans aucun problème. 21 décembre : «Ça va nous amener encore plus loin pour nuire au gouvernement lors de la prochaine session parlementaire.» Me Jean Denis. Nous sommes accusés de mauvaise foi. Nous sommes pointés du doigt avec des propos de cette nature-là. Et là, bien, il y en a d'autres, citations, mais évidemment, la vice-présidente m'a dit que je ne pouvais pas utiliser des termes antiparlementaires, donc ils appartiennent à M. Denis, je vais lui laisser. Mais on a tous entendu, plus qu'une fois, des termes qui s'éloignaient d'une négociation, qui appelaient à une confrontation. Et ça, c'est un peu surprenant dans un contexte comme celui-là.

Une négociation de bonne foi, ça implique aussi, M. le Président, des concessions. Il n'y a pas d'autre façon de faire. Mais, lorsqu'on négocie et qu'on dit : Nous, on ne changera pas d'un iota, ce qu'on a demandé, on va l'avoir, point à la ligne, je ne vois pas la définition de la négociation.

Et l'intérêt des citoyens du Québec, l'intérêt des citoyens qui ont besoin du service des juristes de l'État, subitement, pour mes collègues... En tout cas, depuis quelques jours, semble être moins là. Pourquoi, M. le Président? Je n'ai pas cette réponse-là autre que la partisanerie. Et je pense que, dans un cas comme celui-là, on devrait prendre un pas de recul face à cette partisanerie et se rappeler qu'on travaille pour tous les citoyens du Québec.

Le président du Conseil du trésor n'a jamais sur la place publique dénigré le travail des juristes de l'État, au contraire. Il a reconnu leur travail. Je les connais personnellement, ils sont aussi des professionnels. Mais comment se fait-il qu'on peut s'entendre avec 450 000 fonctionnaires, qu'on peut s'entendre avec les agents correctionnels dans les centres de détention... Et ce n'est pas une négociation qui a été facile. Et historiquement ça fait 60 ans qu'on ne s'est pas entendus sur une façon négociée, mais on l'a fait. Alors, pourquoi on n'aurait pas voulu le faire avec les juristes de l'État? Alors, voilà. Alors, voilà. Ça veut dire que, d'une certaine façon, il y a sur un des deux côtés qu'on n'a pas négocié.

• (11 h 40) •

Et, lorsqu'on parle d'un statut particulier, le président du Conseil du trésor a toujours été clair. Sur le plan salarial, nous leur avons offert ce qu'ils demandaient et un peu plus. À partir de ce moment-là, on n'entend plus parler du volet salarial. Ça devient même accessoire. Excusez-moi, c'est une valeur intrinsèque d'une négociation de salaire. Ce n'est pas vrai qu'on va faire une négociation sur une forme, sur un statut et ne pas tenir compte du volet salarial. Je m'excuse, je n'y crois pas.

Alors, nous avons répondu à la demande des juristes de l'État. Mais là on veut un statut. On veut, en fait, que le gouvernement ne soit plus responsable, évidemment, du 60 % que coûte l'ensemble des fonctionnaires sur le plan salarial. On veut donner à un tiers la responsabilité gouvernementale de décider pour nous ce qui serait acceptable. La réponse du président du Conseil du trésor, dès le premier jour, a toujours été claire à ce niveau-là, jamais il n'a laissé sous-entendre ou a démontré une ouverture à cet effet-là.

Sur ce statut des juges, les juristes de l'État veulent le même statut que les juges, et le député, évidemment, de la CAQ, bien, bien informé sur le volet quasi judiciaire, dans sa leçon, au cours de la nuit, a compris qu'un procureur de la Couronne ou un juge ne demande pas à son patron qu'est-ce qu'il doit faire dans un dossier; il le fait. Il prend la décision. Et, devant cette leçon de droit, je suis convaincu aujourd'hui que mon collègue est bien d'accord avec le président du Conseil du trésor. Mais les juristes de l'État, le client, c'est le gouvernement. Les juristes de l'État, le client, c'est les citoyens du Québec...

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Un instant. Oui?

M. Jolin-Barrette : Le député de Marguerite-Bourgeoys porte des intentions fausses et trompeuses à mon endroit et induit la Chambre en erreur. Lorsque vous avez un procureur de la CSST...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, mais...

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, là, je ne peux pas, parce que, si on commence ça... Moi, je trouve que ça allait relativement bien, même si ce n'est pas facile.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, non, mais écoutez, le temps, on l'a dit tantôt, il n'y a pas de temps limité. Faites attention, effectivement, aux accusations, mais je trouve que, pour le moment, je ne peux pas permettre que d'autres qui n'ont pas la parole portent un jugement qualitatif sur ce qui est dit. Si c'est réglementaire et que ça doit être reçu comme tel... Ce n'est pas pour rien que c'est un débat. Les gens jugeront des propos des uns et des autres.

Alors, veuillez poursuivre, en faisant attention, par exemple, aux jugements.

M. Poëti : Merci, M. le Président. En fait, je vois que vous appliquez le règlement, que vous le comprenez et vous demandez à tout le monde ici de le comprendre, même à un procureur, même à un avocat de formation. Merci, M. le Président.

Alors, ce qui est important, ce qui est important sur le quasi-judiciaire, c'est que le procureur de la couronne ne se fera pas dire par son patron qu'il doit accuser ou pas, qu'il doit aller de l'avant ou pas. Un juge ne recevra pas un coup de téléphone de qui que ce soit pour l'inciter à aller dans un sens ou dans l'autre. Ça, c'est la nette différence. Que certains procureurs n'aiment pas le fait que les juristes de l'État se rapportent à leur patron lors de décisions, qu'ils jouent un rôle-conseil important, qu'ils ont une implication réelle à l'intérieur de leur travail, on le reconnaît. Mais ils ne décident pas de la finalité, parce qu'ils travaillent pour le client, le client étant nous, le gouvernement. Alors, cette leçon de droit là est de base.

Maintenant, si le statut... et c'est ça qui fait que les juristes de l'État passent 18 semaines dehors en se disant : Nous, on veut être reconnus dans ce sens-là... jamais, et je le répète, et je peux sortir plusieurs déclarations de beaucoup de gens, autant de l'opposition que du président de LANEQ, jamais le président du Conseil du trésor n'a ouvert la porte vers ça ou n'a guidé la négociation vers ça. Et je pense que c'était clair à ce moment-là. Il n'y a pas eu de faux espoirs, il n'y a pas eu de faux-semblants, ça a été ça. Mais, sur le salarial, on est allés, et, sur ce volet-là, bien, malgré tout, M. le Président... Parce qu'aussi, en droit — pour le simplifier, parce que, quand on fait du droit, bien, on commence doucement — il y a une règle qui est claire : on doit agir, souvent, les juges, comme de bons pères de famille, donner une chance, regarder de quelle façon on peut bien agir. Alors, c'est comme ça que le président du Conseil du trésor agit, M. le Président : dans le projet de loi, il demande encore de s'asseoir avec les juristes de l'État.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Un instant. Un instant, s'il vous plaît, là. Moi, il faut que je n'entende qu'une seule voix.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, non, mais un instant, un instant, là. S'il y a une question de règlement, vous la soulevez, mais là j'entendais quatre, cinq voix autres que celui qui a la parole. Alors, c'est là-dessus que je me suis levé, là.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Bien, quoi? Alors, je vous entends.

M. Cloutier : C'est une question de règlement, M. le Président, je veux donner mon appui au député de Borduas. Le député de Borduas avait tout à fait raison de se plaindre tout à l'heure de la compréhension du point de vue gouvernemental, en ce qui a trait...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Je ne peux pas... S'il vous plaît, là, c'est important, les opinons des uns et des autres sont souvent différentes, et surtout quand on a dit : Ce n'est pas la bonne compréhension qu'il a, l'interlocuteur qui plaide. C'est votre droit.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît! C'est votre droit de penser ça, mais c'est une opinion, ce n'est pas un problème qui ne peut pas être soulevé ici, c'est ça, le débat. Non, mais il y a une personne qui a le droit de parole, et ce n'était pas une question de règlement, c'est sûr, une question d'opinion, et on ne peut pas trancher les opinions. Allez.

M. Poëti : Merci, M. le Président, d'avoir éclairci aussi encore à un avocat de formation les règlements de l'Assemblée nationale. Et c'est ironique un peu, parce qu'on a deux avocats de formation, on traite un dossier ici des juristes de l'État, et il y a deux personnes ici qui ne semblent pas comprendre le quasi-judiciaire quand les citoyens qui nous écoutent, depuis hier, l'ont compris, quand les juristes de l'État le savent aussi très bien, ce pour quoi ils veulent un statut particulier. Alors, à partir de là, M. le Président, je pense qu'on vient de faire la démonstration très bien ici, avec deux collègues que j'apprécie, mais qui, sur le fond du droit, passent juste à côté.

Alors, M. le Président, j'appelle aujourd'hui...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Écoutez, un peu de décorum, je répète : J'en appelle à la collaboration de tout le monde.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Bien, justement, si nos débats sont télédiffusés, il appartiendra à ceux qui le voient puis qui écoutent de porter un jugement, mais ce n'est pas une question de règlement de dire : Ce qu'il dit ne fait pas mon affaire.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît! Veuillez poursuivre, mais dans le respect des uns, des autres, autrement que ça, on n'est pas sortis.

M. Poëti : Merci, encore une fois, d'appliquer le règlement pour tous et chacun. Alors, à partir de là, M. le Président, on voit où ça dérange, on voit ce qui est difficile à accepter quand on n'est pas exactement du même avis.

Mais ce que je veux dire aujourd'hui aux juristes de l'État, c'est que le président du Conseil du trésor a ouvert, encore une fois, la table, a ouvert, encore une fois, la porte à la négociation et leur permettre de travailler, d'obtenir leur salaire, de travailler pour l'État et, en même temps, être capables d'améliorer leur condition, en sachant très bien qu'à travers ce débat-ci... Est-ce qu'on peut ressortir plus fort, plus collaboratif et être capables de travailler ensemble, comme on l'a toujours fait?

Alors, je pense que ce débat-là a été fait, et il y a eu des points qui ont été soulevés clairement, et c'est clair aujourd'hui, on le voit très bien. Mais on ne peut pas oublier le reste des citoyens du Québec, on ne peut pas oublier les victimes d'actes criminels, on ne peut pas oublier les gens qui attendent des règlements à travers les ministères. Je pense que, 18 semaines, oublier ces gens-là n'était pas acceptable pour le gouvernement, et c'est pour ça qu'on a pris cette décision-là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Je suis prêt à entendre le prochain intervenant, s'il se manifeste... ou la prochaine intervenante, là. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean? Non? O.K. Alors, M. le député de Saint-Jérôme...

Des voix : ...

• (11 h 50) •

Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît, j'aimerais l'entendre. M. le député de Saint-Jérôme, à vous.

M. Marc Bourcier

M. Bourcier : M. le Président, d'entrée de jeu, je salue les juristes de l'État, qui sont encore assis en haut, car il y a un côté humain à considérer dans toute cette histoire. Ces personnes, ces citoyens, ces collaborateurs de l'État se battent, depuis des semaines, pour des principes, des conditions afin de bien protéger les citoyens et des conditions qu'ils n'ont manifestement pas obtenues dans le projet de loi n° 127 imposé par le gouvernement. Les conditions salariales, probablement que, oui, ils vont peut-être les obtenir, selon le président du Conseil du trésor. Mais qu'a-t-on fait du régime de négociation, évincé de ce projet de loi?

De plus, M. le Président, comme je le mentionnais ce matin... et cette nuit, plutôt, oui, il aurait été bien intéressant d'entendre le ministre du Travail à un moment ou l'autre de ce long débat; son éclairage en matière de relations de travail aurait été fort utile. Mais il semble que c'est impossible.

Nous avons questionné différents articles du projet de loi, dont le quatrième où on parlait de possibilité que les salariés, lors de leur retour au travail, soient impliqués dans certains arrêts, des ralentissements, des retards de procédure pénale, civile ou administrative. Où va se trouver la ligne entre un retard normal des procédures et l'autre où on pourrait accuser les salariés de l'avoir causé? Qui va juger et statuer de ces possibles situations?

Dans un autre article, on propose une poursuite de la négociation avec les juristes de l'État de seulement 45 jours avec un boni de 15 journées supplémentaires au bon jugement d'un conciliateur, d'un médiateur. Nous aurions voulu plus, mais cela nous a été encore refusé. Et justement, M. le Président, voici donc l'arrivée d'un médiateur, un conciliateur, un genre d'arbitre dans ce projet de loi, alors qu'on n'en voulait pas lors de la négociation antérieure, et c'était pourtant une demande légitime des juristes de l'État.

Pour finir, le médiateur-conciliateur aura tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de son mandat, et, à cette fin, il peut, s'il le juge nécessaire, mettre fin au processus de médiation. C'est spécial comme médiateur. En fait, pour nos juristes, c'est tout comme il y a six ans : ils sont entrés au travail avec des engagements salariaux du gouvernement mais sans vrai régime de négociation applicable aux salariés. M. le Président, c'est le jour de la marmotte. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie pour votre intervention, M. le député de Prévost. Je cède maintenant la parole à M. le député de La Peltrie pour son intervention. M. le député de La Peltrie, à vous la parole.

M. Éric Caire

M. Caire : Merci, M. le Président. Visiblement, il y a encore un petit peu de pédagogie à faire. J'écoutais tout à l'heure attentivement le député de Marguerite-Bourgeoys parler des détours qu'on faisait sur un dossier. Il n'a toujours pas expliqué pourquoi 100 millions de dollars gaspillés année après année, ça, ce n'est pas grave. Ça, c'est un dossier. Il a même banalisé la situation. On gaspille, on gaspille, juste pour ce dossier-là, 100 millions de dollars de votre argent. Puis ça, c'est juste un dossier, puis on fait des détours. Mais, quand on parle de vos conditions de travail, là vous êtes gâtés. Là, vous êtes gâtés. On a dit quoi? 6 millions par année? 6 millions pendant cinq ans? Ça fait encore 94 millions de dollars gaspillés! Mais ça, le député de Marguerite-Bourgeoys, dans son acte de contrition, ne semble pas vouloir en tenir compte.

Il y a un autre élément, M. le Président. Parce que là on fait des leçons de pédagogie aux uns et aux autres sur un poste quasi judiciaire, les juristes de l'État. c'est drôle, mais le gouvernement libéral de 2011, Michelle Courchesne, présidente du Conseil du trésor, signe une entente avec les juristes en disant : À la signature, on va mettre en place un comité qui aura 12 mois pour nous faire des recommandations pour être capable d'aller de l'avant avec le comité indépendant comme les procureurs l'ont.

Ça fait qu'en 2011 ça fonctionnait, c'était légitime. Il n'y avait pas la notion de quasi... Les procureurs, ils n'étaient pas quasi judiciaires en 2011? Ils n'avaient pas la même fonction? Les juristes de l'État n'avaient pas la même fonction, n'avaient pas exactement la même définition... Qu'est-ce qui a changé chez les procureurs et les juristes de l'État depuis 2011 qui fait qu'aujourd'hui il y a une lumière rouge qui s'est allumée au Conseil du trésor pour dire : Ah non, ce n'est plus pareil pantoute?

M. le Président, le gouvernement libéral omet de nous expliquer pourquoi il renie sa signature. Parce qu'on l'a, l'entente, là. Puis je peux la déposer. Parce qu'hier je faisais des jokes, j'ai dit : Ils ne me demanderont pas de la déposer. Je veux dire, c'est une entente du Conseil du trésor avec les juristes de l'État, ils doivent l'avoir lue. Mais visiblement non, M. le Président. Visiblement, je vais devoir la déposer au minimum pour le bénéfice du député de Marguerite-Bourgeoys, qui ne l'a pas lue.

Puis le député de Marguerite-Bourgeoys, qui fait des leçons de fonctionnement de l'appareil judiciaire, devrait se poser cette question : Est-ce que la parole donnée... non, mieux que ça : Est-ce que sa signature au bas d'une entente, ça veut dire quelque chose? Alors, la réponse, je n'aurai pas de réponse, parce qu'on est habitués de poser des questions, ne pas avoir de réponse, mais je vais donc y répondre moi-même. Du point de vue du gouvernement libéral, la réponse à cette question-là, c'est non. Et quelle a été l'explication vaseuse du président du Conseil du trésor? J'ai eu envie de mettre ça sur le coup du fait qu'il était tard, puis on était fatigués, puis, dans ce temps-là, le hamster, il roule moins vite un peu. Il a dit : Une entente signée à la va-vite. Donc, Michelle Courchesne, la collègue de l'actuel président du Conseil du trésor, parce qu'ils étaient ensemble au Conseil des ministres, là, tu sais, l'actuel président du Conseil du trésor était membre de ce gouvernement-là, il était au Conseil des ministres quand ça s'est fait, alors lui juge que sa collègue a bâclé le travail. C'est ça qu'il nous dit. C'est ça qu'il nous dit, et, du moment où le travail a été bâclé, bien là on ne va quand même pas respecter la signature d'un document bâclé. Là, il faut corriger cette erreur historique, M. le Président.

Donc, dans le fond, le président du Conseil du trésor, le député de Marguerite-Bourgeoys, qui est son adjoint parlementaire, sont dans une sainte mission nulle part pédagogique, parce que, visiblement, mes collègues ne comprennent pas le fonctionnement de l'État, de son point de vue et du haut de sa vaste expérience, et, deuxièmement, signer un document, ça ne veut rien dire. Ça ne veut rien dire. Et je vous invite, M. le Président, à relire l'annexe V : «Dans le cadre de son mandat...» J'espère que ses écoutilles sont grandes ouvertes, là : «Dans le cadre de son mandat, le comité devra déterminer les éléments sur lesquels porteraient les travaux d'un nouveau comité présidé par un tiers indépendant, désigné par les parties. Les recommandations formulées par le comité pourraient être approuvées, modifiées ou rejetées...»

Alors, ça, ça nous amène à la deuxième notion : on ne va pas céder notre pouvoir de gérance à un tiers. Ce n'est pas ça que ça dit, c'est des recommandations, exactement comme dans le cas des procureurs, même chose, même chose. On l'a vu, ça fonctionnait avec les procureurs, là. Ils sont au travail. Ils ont fait l'objet d'un rapport, d'une recommandation par un comité indépendant. Ces recommandations-là ont été acceptées parce que le travail avait été fait sérieusement, professionnellement, et, aujourd'hui, nos procureurs sont au travail.

La dernière fois, M. le Président, que le gouvernement a négocié de gré à gré avec ses juristes, ça s'est fini pas mal avec le même scénario, une loi spéciale. Visiblement, ça, ça ne fonctionne pas. Ça ne fonctionne pas. Tu sais, c'est un peu comme le ministre de l'Environnement qui envoie des avis de conformité à satiété, là, puis que l'entreprise qui s'en fout, il ne comprend pas que ça ne marche pas. Bien, quand tu es rendu à ta troisième loi spéciale, il faudrait peut-être, à un moment donné, que ça allume quelque chose quelque part. Ça ne fonctionne pas. Les procureurs, ça fonctionne. On en est arrivés à la conclusion que la prochaine fois, qui est maintenant, on devait trouver une nouvelle formule. On l'avait. On s'est entendus. On s'est entendus. On a signé et on a renié sa signature.

Alors, M. le Président, quand on fait des leçons de bonne foi aux juristes de l'État sur leur volonté ou non de négocier à visière levée et que la prémisse de base de la négociation, c'est le fait qu'on a pris une entente signée, on l'a foutue aux poubelles sans explication sinon que c'était un document bâclé — bravo, Michelle Courchesne! — bien, ça prend du front pas à peu près, pas à peu près. Parce que, si ce gouvernement-là avait respecté sa parole, si ce gouvernement-là avait respecté sa signature, on ne serait pas ici aujourd'hui, on serait dans nos circonscriptions puis les juristes de l'État seraient au travail en train de travailler pour le bénéfice de tous les citoyens. C'est ça qui se passerait, M. le Président.

• (12 heures) •

M. le Président, je me mets à la place des juristes de l'État... Puis je reviens sur l'adjoint parlementaire du président du Conseil du trésor, qui dit : Le député de La Peltrie, il a juste un dossier. S'il y en a un qui devrait être au courant qu'il n'y en a pas juste un, c'est bien lui, parce qu'il y en a un, dossier, au MTQ aussi, puis ça lui a fait perdre sa job en même temps que ça nous a fait perdre plusieurs centaines de millions, hein? Alors, il me semble que ça, ça en fait deux. On est rendus à deux, ça va bien. Puis, en grattant, d'après moi, on va en trouver trois.

M. le Président, je l'ai dit, je le répète, l'erreur qui a été faite dans d'autres secteurs, c'est de perdre notre expertise. Si on ne veut pas perdre notre expertise, il faut que des gens avisés, éclairés, nous aident à avoir des conditions de travail qui vont faire en sorte que, oui, les jeunes avocats vont s'engager dans la fonction publique, progresser dans la fonction publique, mais les avocats expérimentés aussi. Et, s'il y en a un qui devrait être au courant des conséquences de perdre son expertise, c'est l'ancien ministre des Transports — salutations à Dominique Savoie — parce que, M. le Président, c'est des centaines de millions de dollars que ça nous a coûté parce qu'on n'avait pas les ingénieurs avec le niveau de compétence suffisant. Pourquoi? Parce qu'ils s'en allaient. On va faire la même chose avec nos juristes? On va les former puis on va attendre que les grands cabinets viennent nous les chercher puis nous les refilent à deux fois le prix?

Dans ce que le président du Conseil du trésor a qualifié de cahier à colorier, on faisait une analyse du coût de la sous-traitance. Mon collègue de Borduas, qui, soit dit en passant, connaît très bien l'appareil judiciaire et connaît très bien aussi le fonctionnement de la facturation, a indiqué clairement que, quand on fait affaire avec un cabinet privé, ça chiffre, ça chiffre. Et on a établi qu'en diminuant de 30 % notre dépendance à la sous-traitance c'est 50 millions, 50 millions, qu'on sauve. On a dit quoi pour les juristes de l'État, M. le Président? 30 sur cinq ans, six par année, on économise 50 millions par année. On est encore... 44 millions qui s'additionnent aux 100 millions, là. Ça fait qu'on commence à en trouver, de l'argent, là, de l'argent qu'on perd parce que... Le député de Marguerite-Bourgeoys, il rit de ça, il trouve ça comique, il a du fun. Il est beaucoup plus préoccupé d'essayer de moucher ses collègues plutôt que de comprendre c'est quoi, le raisonnement.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Ce n'est pas nécessaire. Oui, c'est ça. Il n'y a pas de drame, là, en soi, là, mais faites attention aux propos. Faites attention aux propos parce que, là, c'est clair que c'est un jugement.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Oui, c'est clair que c'est un jugement que j'aimerais mieux qu'il ne se porte pas parce que ça n'aide pas au décorum. Ça, c'est clair.

M. Caire : M. le Président, je dirai donc un synonyme : faire la leçon. Ça va, ça? C'est bon? Ça vous calme? Oui? La tisane est là? Parfait.

Donc, M. le Président, c'est beaucoup plus important pour lui de faire des leçons de savoir à ses collègues que de se poser ce genre de question là. Est-ce que son gouvernement a échoué à bien gérer? Oui. Est-ce que son gouvernement a échoué à traiter correctement ses juristes? Oui. Est-ce que son gouvernement a échoué parce qu'il a renié sa parole, M. le Président? Oui.

Aujourd'hui, ce n'est pas vous qui en payez le prix, c'est les citoyens du Québec, c'est les juristes de l'État. Ceux qui sont laissés pour compte, c'est les Québécois à cause de votre incurie puis votre incapacité chronique à respecter la parole donnée, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Je vous remercie pour votre intervention. Et, pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant M. le député de Mégantic.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît! S'il vous plaît! Les travaux ne sont pas suspendus. Alors, M. le député de Mégantic, en vous rappelant, si c'est vous qui prenez tout le temps, il vous reste 13 min 45 s. À vous.

M. Ghislain Bolduc

M. Bolduc : Merci, M. le Président. J'ai bien écouté les énoncés mathématiques du député de La Peltrie...

Le Vice-Président (M. Gendron) : O.K. Tout de suite, je dois me corriger, là. On me dit qu'il vous reste 9 minutes.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. J'écoutais les élaborations du député de La Peltrie puis je pense que j'en suis venu à une conclusion : je vais lui acheter une calculatrice, il va en avoir de besoin.

Il est très important de se rappeler aujourd'hui que nous sommes ici pour une raison très, très simple. Nous sommes ici pour redonner à nos citoyens le service auquel ils ont droit. Il est très fondamental que ce projet de loi n° 127 n'est pas un manque de respect envers les juristes du gouvernement mais est plutôt un acte pour qu'on puisse redonner à notre population ces services. Et la preuve en est dans le projet de loi lui-même, qui fait qu'il va pouvoir y avoir une continuité de négociation et dans l'espoir d'en arriver avec une entente négociée.

Je trouve vraiment fascinant d'entendre des propos comme on l'entend ce matin dans la Chambre. Je pense que tout le monde en a eu... peu de sommeil et beaucoup de tension, mais j'aimerais beaucoup que les gens, des fois, restent respectueux et regardent l'image telle qu'elle est. Je crois que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a donné un point de vue très intéressant, et, à la place d'écouter, et d'entendre, et de réfléchir, on réagit un peu comme un tambour, puis, quand on frappe dessus, ça fait boum! C'est à peu près ça que ça fait.

Donc, je pense que c'est très important. Rappelez-vous, l'objectif de la loi n° 127, c'est de rendre service à nos citoyens. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci de votre intervention. Et, pour la poursuite du débat, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles pour son intervention. Mme la députée, à vous.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Oui, merci, M. le Président. Nous sommes à l'étape de la prise en considération, qui est une étape avant de faire des mises aux voix mais avant d'arriver à l'adoption finale, l'adoption finale dans quelque temps. Je pense que ça fait 17 heures de temps, sans arrêt, qu'on est à la loi spéciale. Et j'entends les collègues du gouvernement, M. le Président, et ils nous disent : On ne manque pas de respect envers les juristes, on comprend leur travail, on connaît leur rôle. Avec tout ce que j'entends, on ne connaît pas leur rôle, on ne connaît pas leur travail.

On dit toujours qu'une loi spéciale, c'est un dernier recours, la loi spéciale. Ce n'était pas nécessaire de faire une loi spéciale si on avait pris le temps d'écouter les juristes de l'État. Et, de l'autre côté, on nous dit : Ah! on les a écoutés, ça fait 18 semaines, 19 semaines. Bien, on oublie que, pendant bien des semaines, on ne les a pas écoutés pantoute. Ça a même pris un changement de ministre. C'est le nouveau président du Conseil du trésor qui a le mandat de régler le conflit. Est-ce qu'il a réglé le conflit? Il a échoué. Il a échoué. C'est une loi spéciale. Il ose nous dire aujourd'hui, lorsqu'on écoute... lorsqu'on a travaillé les articles, il nous dit : Mais, dans la loi spéciale, j'ai mis du temps pour négocier encore, on peut toujours négocier, mais j'ai mis du temps pour faire une médiation. Puis on peut toujours quand même négocier. J'ai toujours espoir qu'on négocie.

J'ai voulu faire un amendement pour ne pas que ce soit nécessairement juste 45 jours, que ce soit un peu plus long, parce qu'il n'a pas réussi avant, pourquoi qu'il réussirait en 45 jours? Alors, j'ai dit : Pouvez-vous ouvrir les délais, là, pour vous donner le temps, le temps qu'ils puissent vraiment travailler puis avoir vraiment une entente négociée, si, de bonne foi, vous voulez vraiment négocier? Alors, il y a eu plein d'amendements qu'on a apportés, l'opposition, les autres collègues des autres partis d'opposition, tous ensemble. C'est drôle, là, c'est toute l'opposition ensemble. Mais le gouvernement, lui, il est sûr, il fait une loi spéciale.

On a discuté certaines choses pendant la prise en considération, on a effleuré, des fois évité. Le ministre a évité quelques sujets, entre autres, particulièrement la constitutionnalité de l'exercice qu'il fait de cette loi-là. Pourquoi qu'il reconnaît que les juristes ont un droit constitutionnel de faire la grève, mais il leur retire, maintenant, le droit de grève? Je comprends qu'on peut mettre en cause la constitutionnalité de cette loi-là. On l'a effleuré, on en a parlé un peu. Le ministre est sûr de son coup, c'est constitutionnel.

• (12 h 10) •

Le ministre dit aussi qu'il a instauré un mécanisme de règlement des différends. On en a discuté, que le mécanisme de règlement des différends par un tiers, c'était contestable. Je lui faisais référence, évidemment, par l'arrêt Saskatchewan. Dans l'arrêt Saskatchewan, on dit : «C'est pour cette raison que l'interdiction législative de la grève doit s'accompagner d'un mécanisme de règlement des différends par un tiers.» Le mécanisme, pour le gouvernement, c'est de la négociation qu'il met dans son projet de loi. Ça fait qu'il nous fait accroire qu'il va négocier. Ça lui permet, pour lui, de respecter l'arrêt Saskatchewan. C'est ce qu'il a essayé de me démontrer aujourd'hui, lorsqu'on a travaillé, en prise en considération, le projet de loi.

En même temps, on a effleuré quand même la médiation. Bien, je veux rappeler juste auparavant l'indépendance, malgré tout... Je veux juste vous parler de l'indépendance du statut des juristes de l'État. Nous croyons que la Procureur général du Québec et les juristes de l'État la représentant doivent jouir de l'indépendance professionnelle et que leur statut diffère des autres fonctionnaires, vu leur rôle particulier. Je l'ai glissé au ministre. Il ne veut pas s'avancer sur ça. Ça a été discuté dans la prise en considération, différents éléments que je vous apporte aujourd'hui.

L'indépendance des juristes de l'État... J'ai un article ici de François Leduc, je vous en ai parlé un petit peu hier, je veux revenir... de ce concept : «Le concept déontologique d'indépendance est au coeur de la pratique professionnelle des avocats. Ils doivent arbitrer des choix éthiques en toute liberté de conscience dans le respect de la règle de droit et sans que leurs choix soient influencés par des considérations partisanes.

«L'avocat est libre de refuser un mandat ou de cesser un mandat qui est contraire à sa vision d'un dossier. Par contre, l'avocat salarié de l'État ou d'une entreprise est assujetti à une obligation d'obéir qui est incompatible avec cette notion d'indépendance, sans compter les ingérences de tout ordre qui dénaturent son rôle. Cela explique la volonté syndicale des juristes de l'État de revendiquer le droit à l'indépendance professionnelle.»

C'est ça que je voudrais redire au député de Marguerite-Bourgeoys, qui nous a conté toutes sortes d'affaires. Je n'ose même pas tout répéter parce que c'est trop choquant. Je n'aimerais tellement pas être dans la peau des juristes qui nous écoutent aujourd'hui. On en a, là, qui sont là, en haut, avec nous, aujourd'hui. Ils sont là depuis le début. Ils sont là depuis des heures et des heures. Toute la nuit, qu'ils ont passée à tour de rôle. Ils sont là pour écouter ce qui se dit ici et suivre les débats. Ils doivent être découragés, M. le Président, d'entendre ce qu'on entend, découragés de méconnaître leur rôle et de l'absence de ce gouvernement-là de vouloir, un, les reconnaître et aller plus loin. Là, il fait juste pelleter en avant, là, il fait juste pelleter en avant. Il n'a pas réglé la situation des juristes de l'État et de leurs revendications principales.

Il y a des questions que je vous pose, que j'ai posées au ministre, puis je les redis ici. Comment peut-il expliquer que le processus de médiation a été proposé dans ce projet de loi, alors que le ministre prétend qu'il n'est plus à l'heure de la médiation? Quelle contradiction! Pourquoi impose-t-il ce mécanisme, alors que, selon lui, ce n'est plus de mise? Comment le ministre explique-t-il que la médiation non exécutoire — le terme entre guillemets — est un mécanisme suffisant pour compenser le retrait du droit de grève? Est-il au courant de cette jurisprudence-là et de cette question? Comment un ministre qui dit être de bonne foi exclut-il, à l'article 28 du projet de loi, le mode de négociation du processus de médiation prévu dans la loi, alors qu'il s'agit d'un point fondamental dans les revendications des juristes de l'État? Comment les juristes pourraient-ils travailler dans le climat de confiance nécessaire? Comment compte-t-il travailler dans le climat de confiance nécessaire après un projet de loi comme celui-là, qui est une loi spéciale?

Le ministre peut-il nous assurer aussi que l'action concertée dont il est question à l'article 4 du projet de loi ne reviendra pas à priver les juristes de leur capacité de refuser des mandats en raison d'une violation de leur code de déontologie, par exemple, en raison d'une surcharge de travail et d'accumulation des dossiers après une grève de quatre mois? Parce qu'il faut se le dire, il faut se le dire, M. le Président, après une grève de quatre mois, on s'attend qu'il y ait un amas de travail qui les attend demain matin. On l'a dit voilà deux jours, mais c'est déjà demain matin, mercredi le 1er mars, où, dans le projet de loi, c'est la rentrée au bercail des juristes de l'État. Il y aura beaucoup de questions comme celles-là, M. le Président.

Il y a le régime de négociation que j'ai essayé de parler avec le ministre. Le ministre me brode beaucoup de choses autour du régime de négociation. J'ai dit : Pourquoi que, dans le projet de loi que nous avons, il n'est pas là? Pourtant, c'est la revendication principale des juristes de l'État, et, dans le projet de loi, il n'y a rien, il n'y a rien qui concerne le régime de négociation. Savez-vous comment il s'en sort, le ministre? Il me dit : Ah! malgré ça, je suis toujours ouvert. Il y a la négociation parallèle possible. On peut toujours régler ça dans la négociation parallèle.

Alors, il nous impose un projet de loi, une loi spéciale, où la première revendication des juristes n'est même pas là, même pas là pour en discuter, même pas là pour écouter, même pas là pour en échanger, même pas la pour que ce soit envisagé, qu'on ait des façons de vouloir régler la situation mais, en tout cas, au moins d'envisager. Il n'y a même pas ça. Quand on lit l'article 28, le processus de médiation porte... c'est ça, le projet de loi, là. À part de lui mettre une annexe à la fin, là. Puis l'annexe à la fin, là, c'est les modifications aux conditions de travail prévues à la convention collective entre le gouvernement et l'association, expirée le 31 mars 2015, parce qu'il ne faut pas oublier que c'est expiré depuis 2015.

Mais ce qu'il propose là... même, il parlait de salarial parce qu'il dit : Ah! non... J'entendais le député de Marguerite-Bourgeoys : Mais c'est important, il n'y a pas une convention collective, il n'y a pas un contrat de travail qui se fait sans nécessairement avoir le salaire. Bien oui, on est tous d'accord avec ça, mais ce n'est pas ça, l'enjeu principal. Ça prend quoi pour leur faire réaliser au gouvernement? Ce n'est pas l'enjeu principal des juristes de l'État. Puis aujourd'hui, après 18 semaines, 19 semaines de grève, ils nous imposent une loi spéciale puis ils ne savent pas encore, M. le Président, que ce n'est pas l'enjeu principal, pourquoi les juristes de l'État sont dehors.

On entend des députés nous dire : Le salarial est important, voici le salaire. On a entendu ça hier, toute la journée. Là, j'entends encore aujourd'hui le député de Marguerite-Bourgeoys dire que c'est important. Il n'y a pas personne qui peut nous faire accroire que le salarial n'est pas important. On est tous d'accord que le salarial est important. On est là à revoir des conditions de travail. Ça fait partie des conditions de travail, mais ce n'est pas ça, la revendication principale. Leur indépendance, la médiation, évidemment, mais, important, leur statut, on n'en parle pas dans ça, M. le Président. Il n'y a rien qui indique ça.

L'article 28 : «Le processus de médiation porte sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle condition de travail.» Donc, le régime de négociation, pour le ministre, ce n'est pas une condition de travail, donc on met ça de côté, on n'en discute pas. Ce n'est pas le médiateur qui a à faire ça. C'est qui? C'est le ministre. Mais le ministre ne veut pas entendre raison.

Et il y a d'autres collègues au Conseil du trésor, d'ailleurs. Il y a la ministre de la Réadaptation, le ministre des Relations internationales, le ministre de l'Éducation, le ministre des Transports. C'est tous des ministres, ça, qui sont sur le Conseil des ministres, M. le Président. Alors, vous avez accepté qu'il y ait une loi spéciale et, comme le président du Conseil du trésor, vous ne reconnaissez pas l'indépendance des juristes de l'État et les revendications nobles des juristes de l'État.

On va s'en reparler à l'adoption finale, M. le Président, mais, à la prise en considération, aucun de nos amendements n'a été adopté, aucune ouverture du ministre face à nos amendements de tout l'ensemble de l'opposition officielle, mais le ministre est ouvert.

• (12 h 20) •

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, pour votre intervention. Je cède maintenant la parole à M. le député de Mercier en vous indiquant que vous avez deux minutes. À vous.

M. Amir Khadir

M. Khadir : Merci, M. le Président. Deux minutes, ça peut être quand même généreux si on tient compte de la nécessité de rappeler que, d'abord, Québec solidaire soutient parfaitement les demandes légitimes des juristes et des notaires de l'État québécois, dont la principale demande, ce n'est pas des augmentations salariales de revenus. La principale demande, c'est des conditions de négociation, des conditions de règlement de leurs différends avec l'État québécois qui puissent... Excusez-moi, là, je viens de monter les escaliers. Je suis essoufflé, pas à cause de vous, M. le Président, à cause des escaliers et de mon âge.

Donc, les juristes et les notaires demandent que ces conditions de négociation par arbitrage puissent leur assurer l'indépendance nécessaire pour qu'ensuite quand des contrats sont donnés au ministère du Transport... J'en parle parce que l'ex-ministre qui a perdu son emploi justement pour mettre fin aux irrégularités dans le dossier du ministère du Transport le sait très bien, les trois quarts des contrats qui sont donnés par le gouvernement, c'est au ministère des Transports, avec toutes les irrégularités qu'on connaît.

Ce que demandent les juristes et les notaires, c'est de l'indépendance pour dire au ministre, pour dire au sous-ministre : Non, je ne signerai pas. Ce n'est pas dans l'intérêt public. Aujourd'hui dans le régime qui les met toujours, par cycles répétés, devant le gouvernement, dans des grèves, dans des affrontements, ils sont dans une situation d'être intimidés, d'être rudoyés politiquement dans ces négociations et n'ont pas l'indépendance, la distance nécessaire pour pouvoir agir, comme c'est prévu, dans l'intérêt du bien public, et donc dire non aux responsables politiques malveillants, qui fait en sorte qu'on a eu tout ce scandale dans l'industrie de la construction, dans l'octroi des contrats publics et au ministère du Transport.

Le Vice-Président (M. Gendron) : M. le député de Mercier, je vous remercie de votre intervention. Et il reste 6 min 45 s à M. le député de LaFontaine. Alors, M. le député de LaFontaine, je vous reconnais pour votre intervention.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, je passerai sous silence... parce que, vous l'avez noté, les mots ont un sens, et les gens à la maison sont capables de juger de l'intervention de chacun des collègues ici. Et l'intervention du collègue de Mercier, M. le Président, parle pour elle-même en ce qui a trait au poids des arguments qui se résumaient à l'accusation des collègues et à l'imputation de motifs indignes et non justifiés en l'instance. Alors, je pense, M. le Président, que c'est important de le noter.

La collègue de Pointe-aux-Trembles a dit : Il n'y a pas juste le salarial. Il n'y a pas juste le salarial, mais on va toujours bien en parler un peu, du salarial, M. le Président. Non, il n'y a pas juste le salarial, il y avait deux éléments : le régime de négociation et les conditions de rémunération.

Pour ce qui est du régime de négociation, essentiellement, la demande de LANEQ était la mise sur place d'un comité de rémunération qui statuerait sur le volet salarial. Très clairement, dans un geste de gouvernement responsable, la demande a été jugée inacceptable, car le gouvernement ne peut sous-traiter à un tiers non imputable la responsabilité de fixer les conditions salariales des employés de l'État. Soulignons par ailleurs, dans un souci de main tendue, que le gouvernement a proposé la mise sur pied d'un comité consultatif devant faire rapport dans un délai donné sur le statut des juristes de l'État, proposition qui a été rejetée par LANEQ.

Alors, non, il n'y a pas juste le salarial, il y avait le régime de négociation. On vient d'en traiter. Alors, je ne pense pas que la collègue de Pointe-aux-Trembles voulait également que le gouvernement sous-traite son pouvoir décisionnel de bien gérer les fonds publics et de s'assurer, évidemment, dans le respect de tous les travailleurs, notamment des juristes de l'État, que l'État fonctionne bien et qu'en ce sens-là il y ait une négociation qui ait lieu, qui soit en place. Donc, ça, c'est le premier volet, régime de négociation.

Le deuxième volet, le salarial, vous me permettrez de noter trois contradictions parce qu'il s'est dit beaucoup de choses depuis l'introduction de ce sujet, M. le Président.

Alors, on nous dit, du côté des oppositions, que le projet de loi est précipité, qu'il est trop tôt, qu'on devrait attendre, Je viens d'entendre la collègue de Pointe-aux-Trembles qui a dit : Ce n'était pas nécessaire de faire un projet de loi. Or, la collègue de Pointe-aux-Trembles, puis ça participe de la première contradiction, le 22 février, affirmait, et je la cite : «Le gouvernement a choisi de prendre le risque de faire perdurer une crise paralysante pour tout l'État québécois, de prendre en otages les citoyens, causant des impacts négatifs concrets et graves.» C'était le 22 février. Même plus tôt que ça, M. le Président, le 9 décembre 2016, elle disait, pointant le gouvernement : «C'est [...] votre responsabilité de régler ce conflit maintenant. Allez-vous agir maintenant?» Fin de la citation.

Alors, quand on dit, il y a à peine 15 minutes : Ce n'était pas nécessaire de faire un projet de loi, on peut voir que c'est en contradiction avec des déclarations, pour ma collègue de Pointe-aux-Trembles, du 9 décembre 2016 puis du 22 février 2017. Première contradiction, M. le Président.

Deuxième contradiction, parce qu'évidemment Parti québécois, Coalition avenir Québec, Québec solidaire sont du même côté de la clôture sur cet enjeu, hier, vers 21 h 45, j'entendais ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques, et qui évidemment aujourd'hui... La citation, je vais vous la dire dans quelques secondes, M. le Président, mais je pense que je résume bien leur position lorsqu'ils disent : Bien, écoutez, il n'y a jamais eu de véritables négociations. Je pense que je résume bien. Quand on dit : Il n'y a jamais eu de véritables négociations, c'est épouvantable ce que fait le gouvernement. Et les trois partis, Québec solidaire, Parti québécois, Coalition avenir Québec, sont à l'unisson là-dessus, pas eu de négociations véritables. Or, hier, à 21 h 45 ou à peu près, selon les transcriptions, notre collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques, qui est également porte-parole de cette coalition des oppositions, disait, et je la cite : «...je pense qu'ils s'en allaient vers une entente...» Fin de la citation, deuxième contradiction, M. le Président.

Poursuivons maintenant au niveau de la troisième contradiction, mais c'est important lorsque l'on a à juger. Les gens à la maison, les citoyens et citoyennes ont à juger du bien-fondé des positions de chacun ici qui s'exprime en cette Chambre. Troisième contradiction, la collègue de Pointe-aux-Trembles a dit un peu plus tôt, il y a à peine 15, 20 minutes, et je la cite : On ne les a pas écoutés pantoute. Fin de la citation. On ne les pas écoutés pantoute, c'est la collègue du Parti québécois de Pointe-aux-Trembles. M. le Président, on ne les a pas écoutés pantoute, ça fait deux ans qu'il y a des négociations, il y a eu 40 séances après plus de 18 semaines de grève, et on ne les a pas écoutés pantoute. Voyons — parce qu'elle ne veut pas qu'on parle du salarial, mais on va toujours bien en parler un petit peu, M. le Président — ce que ça veut dire ça, il y a 15 minutes, la collègue du Parti québécois, Pointe-aux-Trembles : On ne les a pas écoutés pantoute.

Alors, les gens à la maison peuvent juger. Un salaire annuel de 119 838 $, c'est ce qui est demandé. Offert en février 2015, 113 500 $; en novembre 2015, 114 400 $; en novembre 2016, 115 525 $. Alors, on monte, on monte. En janvier, le 24 janvier 2017, 116 677 $ et, le 23 février 2017, 116 997 $. Donc, on ne les a pas écoutés vraiment, citation de ma collègue. Je vais la citer au texte : On ne les a pas écoutés pantoute.

Alors, on est passés de février 2015 à 113 500 $ à février 2017 à 116 997 $, M. le Président. C'est plus de 3 400 $ de bonification des offres qui ont été faites, alors que le 119 838 $ qui était demandé a toujours été, M. le Président, le même montant qui a été demandé. Alors, ça, ça ne colle pas à la réalité lorsqu'on dit qu'on ne les a pas écoutés pantoute. Puis le salarial, je sais qu'on ne veut pas en parler du côté des oppositions, mais c'est important de le mentionner.

Alors, les juristes de l'État ont tout notre respect, M. le Président. Le gouvernement doit faire les arbitrages parce que c'est un gouvernement responsable, le gouvernement libéral, et le projet de loi n° 127 est un geste du gouvernement responsable qu'ensemble en Assemblée nationale, démocratiquement élus, nous aurons l'occasion, M. le Président, d'adopter. Voilà.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, cette dernière intervention met fin à la prise en considération du rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.

Conformément à l'article 257.7 du règlement, je vais donner lecture de chacun des amendements proposés avant la mise aux voix, et chacun des votes se fera à main levée.

Mise aux voix de l'amendement du ministre

Je vais maintenant mettre aux voix la motion d'amendement présentée par M. le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du trésor introduisant l'article 2.1, et elle se lit comme suit... l'article 2.1 se lit comme suit :

«2.1. L'Assemblée nationale et toute personne nommée ou désignée par cette dernière pour exercer une fonction en relevant, dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique et à l'égard de laquelle l'association est accréditée pour représenter des salariés, sont considérés être des organismes publics pour l'application de la présente loi.»

Cette motion d'amendement est-elle adoptée?

• (12 h 30) •

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, adopté à la majorité des voix, donc sur division. Donc, le nouvel article 2.1 est adopté.

Mise aux voix des amendements de la
députée de Pointe-aux-Trembles

Je mets maintenant aux voix la motion d'amendement présentée par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles à l'article 20 du projet de loi, et qui se lit comme suit : «Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.»

Alors, cette motion d'amendement... Excusez, ça modifie l'article par le remplacement de «45» par «90». J'avais oublié d'ajouter cet élément important. Est-ce que cette motion d'amendement est adoptée?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, adopté...

Des voix : Rejeté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. Oui. J'ai entendu «adopté sur division», mais c'est rejeté, compte tenu du nombre.

Alors, nous allons poursuivre. Je mets maintenant aux voix l'article 21. Alors : Modifier l'article par le remplacement de «15» par «30». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, j'ai entendu «rejeté», l'amendement est rejeté. À l'article 22, c'est : Modifier l'article par le remplacement de «45» par «90». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. Article 23 : Modifier l'article par le remplacement de «45» par «90». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. L'article 24 : Modifier l'article par le remplacement, après les mots «À défaut d'entente», des mots «le ministre du Travail» par les mots «le juge en chef de la Cour supérieure». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, j'ai entendu «rejeté». Modifier l'article par le remplacement des mots «par le ministre du Travail» par les mots «nommé en vertu de l'article 24». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. J'en suis maintenant à l'article 25... 27, pardon, l'article 27 : Modifier l'article par le remplacement de «30» par «60» et par le remplacement de «15» par «30». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. Article 31, il nécessite votre attention, il est un peu plus long : Modifier l'article 31 du projet de loi par le remplacement, au niveau de l'alinéa, du mot «prend» par les mots «peut prendre»; par l'ajout, à la fin, des paragraphes suivants :

«5° les particularités de la fonction des salariés;

«6° la nécessité d'attirer des avocats et des notaires ayant les aptitudes et les qualités requises pour exercer la fonction de juriste de l'État;

«7° les conditions de travail et la rémunération globale par heure travaillée des avocats et des notaires au Québec et des avocats ailleurs au Canada, en tenant compte des différences quant au coût de la vie et quant à la richesse collective;

«8° les responsabilités assumées par les avocats et les notaires au Québec et des avocats ailleurs au Canada, leur charge de travail, les exigences requises par les employeurs, les structures salariales et les problématiques d'attraction et de rétention;

«9° la conjoncture économique du Québec, la situation générale de l'économie québécoise et l'état des finances publiques du Québec;

«10° les conditions de travail et la rémunération des avocats et des notaires du secteur privé québécois et d'autres salariés de l'État; et

«11° tout autre facteur que le médiateur estime pertinent.»

Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. Alors, nous en sommes maintenant à l'article 37 : Supprimer, dans le premier alinéa de l'article 37 du projet de loi, les mots «relative à une condition de travail des salariés». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. Article 44 : Remplacer, dans l'article 44 du projet de loi, «aux articles 38 et 39» par «à la présente [ici]». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, l'amendement est rejeté.

Mise aux voix des amendements du député de Borduas

Je mets maintenant aux voix la motion d'amendement présentée par M. le député de Borduas à l'article 1 du projet de loi, et qui se lit comme suit, article 1 : Modifier l'article 1 du présent projet de loi en ajoutant les mots «avec diligence et bonne foi» après le mot «négociation». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, l'amendement est rejeté. À l'article 4 : Modifier l'article 4 du projet de loi en ajoutant un deuxième alinéa se lisant comme suit :

«Le présent article n'a pas pour effet de limiter l'application de la Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles à l'égard des organismes publics.» Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. Alors, je suis maintenant à l'article 17 du projet de loi : Modifier l'article 17 du projet de loi en remplaçant les mots «par décret» par «avec le consentement du...» Excusez, il y a probablement une faute, là. «Des deux tiers de l'Assemblée nationale». Bon, on a écrit «du», mais moi, je vais lire «des deux tiers de l'Assemblée nationale». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, rejeté. J'en suis maintenant rendu à l'article 24 : Modifier l'article par l'insertion, après les mots «[au] ministre du Travail», des mots «ou le juge en chef de la Cour supérieure». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, l'amendement est rejeté. J'en suis maintenant à l'article 28 : Modifier l'article 28 du projet de loi en retirant la phrase : «Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés est réputée ne pas constituer une telle condition de travail.» Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. J'en suis maintenant à l'article 36 : Modifier l'article 36 du projet de loi en modifiant les mots «au plus tard 10 jours après» par le mot «dès». Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Rejeté.

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Rejeté. Conformément à l'article 257.7 du règlement, je vais maintenant mettre aux voix les articles ainsi amendés.

Une voix : Non. Il n'y en a pas.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, il n'y en a pas. Parce qu'ils ont été rejetés.

Les articles dont la commission n'a pas disposé et les autres éléments du projet de loi, ils seront mis aux voix un à un, sans que la présentation en donne lecture, et chacun des votes se fera à main levée.

Mise aux voix des articles non adoptés par la commission

Donc, je mets maintenant ces articles-là aux voix. Est-ce que l'article 29 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Adopté. Est-ce que l'article 30 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Adopté. Est-ce que l'article 31 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Adopté. Est-ce que l'article 32 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 33 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 34 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 35 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 36 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 37 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 38 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 39 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 40 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 41 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 42 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 43 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 44 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 45 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 46 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 47 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'article 48 est adopté?

Des voix : Adopté.

Mise aux voix de l'annexe

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que l'annexe de cette loi est adoptée?

Des voix : Adopté.

Mise aux voix des intitulés

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que les intitulés des sections et sous-sections sont adoptés?

Des voix : Adopté.

Mise aux voix du titre

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

Des voix : Adopté.

Mise aux voix de la motion de renumérotation

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que la motion de renumératation... — vous avez tous compris, là! — renumérotation, alors, est adoptée?

Des voix : Adopté.

Mise aux voix de la motion d'ajustement des références

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que la motion d'ajustement des références est adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Je vais maintenant mettre aux voix le rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services. Est-ce que ce rapport est adopté?

Une voix : M. le Président...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Oui.

Une voix : Nous demandons un vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, le vote par appel nominal étant demandé, que l'on appelle les députés.

• (12 h 40  12 h 44) •

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, ce que nous faisons, c'est que nous votons sur le rapport de ce projet de loi, le rapport de la commission.

Mise aux voix du rapport amendé

Alors, est-ce que ce rapport est-il adopté? Alors, quels sont ceux qui sont favorables?

La Secrétaire adjointe : M. Couillard (Roberval), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Blais (Charlesbourg), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Leitão (Robert-Baldwin), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Coiteux (Nelligan), Mme David (Outremont), M. Proulx (Jean-Talon), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot (Vanier-Les Rivières), Mme Vallée (Gatineau), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La Pinière), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), M. Heurtel (Viau), M. Billette (Huntingdon), M. Morin (Côte-du-Sud), Mme Nichols (Vaudreuil), M. Ouellette (Chomedey), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Ménard (Laporte), M. Tanguay (LaFontaine), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), M. Girard (Trois-Rivières), M. Auger (Champlain), Mme Vallières (Richmond), M. Bolduc (Mégantic), M. Simard (Dubuc), M. Matte (Portneuf), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Boucher (Ungava), M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Fortin (Pontiac), M. Giguère (Saint-Maurice), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), M. Plante (Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), Mme Tremblay (Chauveau), M. Busque (Beauce-Sud), Mme Sauvé (Fabre), Mme Melançon (Verdun).

Le Vice-Président (M. Gendron) : Oui. Y a-t-il des gens qui sont en désaccord avec ce rapport?

La Secrétaire adjointe : M. Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Maltais (Taschereau), Mme Lamarre (Taillon), M. Bergeron (Verchères), M. Leclair (Beauharnois), M. Rochon (Richelieu), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Gaudreault (Jonquière), M. Pagé (Labelle), M. Cousineau (Bertrand), M. Bourcier (Saint-Jérôme), Mme Jean (Chicoutimi), M. Ouellet (René-Lévesque), M. Kotto (Bourget), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Roy (Bonaventure).

M. Legault (L'Assomption), M. Bonnardel (Granby), M. Caire (La Peltrie), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Laframboise (Blainville), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Lemay (Masson), Mme Lavallée (Repentigny), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis (Lévis), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Jolin-Barrette (Borduas).

M. Khadir (Mercier), Mme Ouellet (Vachon), M. Surprenant (Groulx).

Le Vice-Président (M. Gendron) : Mme la secrétaire générale, pour le résultat du vote.

La Secrétaire : Pour : 52

                     Contre :           38

                     Abstentions :     0

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, le rapport est donc adopté.

Adoption

Nous en sommes maintenant rendus — s'il vous plaît! — à l'étape de l'adoption du projet de loi, et c'est M. le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du trésor qui va proposer l'adoption du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.

Je vous rappelle que, conformément au paragraphe 4° de l'article 267.1, la durée du débat sur l'adoption du projet de loi est d'une heure. La répartition du temps de parole pour ce débat restreint a été établie comme suit : 28 min 15 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 16 min 45 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 11 min 30 s sont allouées au deuxième groupe de l'opposition, et il y a 3 min 30 s qui sont réservées aux députés indépendants, en indiquant si vous voulez intervenir ou pas, puis on va gérer ça à la fin.

Je suis prêt à entendre les interventions dès maintenant et je reconnais maintenant M. le président du Conseil du trésor pour son intervention sur la dernière étape du projet de loi. À vous la parole, M. le président du Conseil du trésor.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Merci, M. le Président. Alors, nous voici donc à la fin d'un long mais nécessaire processus, celui qui nous conduira à l'adoption du projet de loi n° 127. Dans quelques instants, nous allons demander à cette Assemblée d'adopter le projet de loi qui vise à mettre fin au conflit de travail qui oppose le gouvernement à ses employés avocats et notaires.

Si le projet de loi est adopté, il deviendra la Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques. Vous aurez remarqué que l'intitulé comporte deux volets : l'un qui vise à assurer la prestation des services juridiques du gouvernement; l'autre, la poursuite des négociations.

• (12 h 50) •

Au moment du dépôt du projet de loi, j'ai bien expliqué, M. le Président, les motifs et les raisons impérieuses qui ont amené le gouvernement à poser ces gestes d'exception. La ministre de la Justice et Procureur général a expliqué en détail les effets de la grève sur la capacité de l'État à rendre ces services aux citoyens.

Durant les débats, j'ai toujours indiqué qu'à tous les paliers du fonctionnement de notre État de droit les avocats et notaires jouent un rôle important dans les fonctions législatives, exécutives et judiciaires de l'État. Au moment d'adopter le projet de loi, il est important, je crois, de le redire encore. Leur travail est essentiel pour que l'État puisse fournir les services à la population et assurer la marche normale des tribunaux et de ses autres institutions, nous le reconnaissons d'emblée. Et leurs conditions de travail reflètent l'importance que nous attribuons aux fonctions qu'ils exercent.

M. le Président, et de façon très factuelle, ces conditions de travail n'ont pas d'équivalent dans aucun autre domaine où des avocats et des notaires pratiquent, et en particulier dans le secteur privé. Et bien sûr il est légitime pour quiconque, incluant les juristes de l'État, de vouloir améliorer ses conditions de travail. Nous le reconnaissons, et c'est pourquoi nous avons proposé de nombreuses avenues pour en arriver à une entente globale négociée. Au moment même où nous nous apprêtons à adopter le projet de loi, nous sommes toujours ouverts à la négociation.

C'est également pourquoi tout au long du processus de négociation nous avons, de bonne foi, fait des offres qui respectent le cadre financier du gouvernement et la capacité de payer des Québécois, comme nous l'avons toujours dit. Dans le cas des juristes de l'État, des offres ont été déposées le 16 février 2015, le 24 novembre 2015, le 30 novembre 2016, le 24 janvier 2017 et le 23 février 2017 par les négociateurs du gouvernement. Et, dans chaque cas, l'évolution des offres déposées montre une croissance du salaire moyen pour les juristes de l'État, au point où, au moment des offres du 24 janvier 2017 et de celles du 23 février 2017, la rémunération et le salaire moyen, sur quatre ans, net des juristes de l'État excédaient celui des procureurs. Ces offres doivent aussi être équitables pour les 450 000 autres employés de l'État avec lesquels nous nous sommes déjà entendus à l'intérieur de ce cadre financier.

M. le Président, avant même l'échéance de la convention collective, soit depuis plus de deux ans, le gouvernement est en discussion avec les représentants de LANEQ. Nous sommes bien au fait des demandes de LANEQ, et, bien que nous ne partagions pas leur point de vue sur le caractère d'indépendance lié à leurs fonctions, il n'en demeure pas moins que, dans ses offres, le gouvernement est prêt à en débattre devant un comité impartial, dont le mandat demeure à négocier mais dont la composition semble de plus en plus faire consensus.

Tout au long des discussions, et je le dis sans intention d'accuser qui que ce soit, mais ils sont le reflet des faits, les négociateurs du gouvernement ont fait face à des représentants syndicaux qui, pour le moins que l'on puisse dire, n'ont pas fait écho à l'idée que négocier, ce n'est pas avoir raison sur tout. Les offres bonifiées faites par le gouvernement ont systématiquement été rejetées, et LANEQ est resté campé sur ses positions, menant les négociations à l'impasse que l'on connaît. Le discours de l'exécutif syndical des juristes a été très simple : Ce qu'on demande n'est pas négociable, ce que le gouvernement nous offre est inacceptable.

À ce propos, je me permettrai de citer le représentant syndical de LANEQ, propos repris dans La Presse du 11 novembre 2016, où Denis Lessard cite le président de LANEQ — j'ouvre la citation : «La grève durera autant de temps qu'on n'aura pas ce qu'on demande.» Fin de la citation. Est-il utile d'en rajouter?

Une chose demeure, M. le Président, un gouvernement responsable doit prendre les mesures qui s'imposent pour fournir aux citoyens les services auxquels ils ont droit. Comme l'exprime la Cour suprême dans l'affaire Saskatchewan : «La grève ne garantit pas en soi qu'un conflit de travail sera réglé d'une certaine manière», et de plus ajoutons que la négociation n'est pas une procédure sans fin.

La raison de notre présence ici, c'est la raison pour laquelle nous demandons à cette Assemblée d'adopter le projet de loi que nous avons étudié depuis hier. M. le Président, les avocats et notaires de l'État sont en grève générale illimitée depuis le 24 octobre 2016, soit depuis plus de quatre mois, et en négociation depuis plus de deux ans. La grève a des incidences sérieuses sur les activités quotidiennes de l'État, entrave la poursuite de ses objectifs et atteint le fonctionnement des tribunaux administratifs et des autres institutions de l'État. Le droit des uns ne doit pas être un obstacle à l'exercice du droit des autres. Et, dans ce fragile équilibre, dans une société libre et démocratique, l'arbitrage doit s'exercer par le gouvernement et l'exercice du processus législatif. C'est ce que nous faisons ici.

Je l'indiquais au début de mes remarques, la loi comporte deux objectifs principaux. L'un d'entre eux est la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement. C'est ce dont je viens de traiter. Mais elle a aussi pour objet de permettre la poursuite des négociations et de créer les conditions propices au renouvellement de la convention collective dans un contexte de négociation et la perspective d'en arriver à une entente négociée. Sans reprendre dans le détail les dispositions du projet de loi, rappelons, au moment de son adoption, qu'il aménage un espace de négociation qui dure sur une période de 105 jours, qui est circonscrite dans une première portion de 45 jours qui peut être extensionnée une fois, à la demande conjointe des parties, d'une durée additionnelle de 15 jours, qu'il s'ensuit une période de médiation d'une durée originale de 30 jours et qui peut être extensionnée à la demande du médiateur.

L'ensemble de cette procédure, et la procédure de médiation, n'est pas un obstacle à l'obtention d'une entente négociée. Et, en tout temps durant cette période de 105 jours et à compter d'aujourd'hui, de demain, comme c'était le cas hier, le gouvernement est disponible pour négocier une entente avec les juristes de l'État. La loi ne fixera les conditions de travail des avocats et notaires de l'État québécois que si et seulement si, dans cette période de 105 jours, les parties n'ont pas réussi à convenir d'une entente négociée. Le projet de loi s'inscrit dans la logique du gouvernement de d'abord avoir comme objectifs d'obtenir une entente négociée et subsidiairement d'assurer le maintien des services à la population en imposant, à regret et dans l'absence d'une entente négociée, des conditions de travail qui reproduiront l'architecture de la convention collective échue en 2015, mais en majorant les avantages et les bénéfices liés à la rémunération.

• (13 heures) •

Je répète, M. le Président, nous avons toujours été ouverts à la discussion et aux compromis, comme il se doit dans une négociation. Le gouvernement est constant dans son approche face aux négociations et dans son attitude de bonne foi, d'ouverture et de transparence. C'est d'ailleurs cette approche et c'est cette attitude qui ont permis à l'État et à 450 000 de ses employés de signer une entente avec le gouvernement. C'est aussi cette approche et cette attitude qui nous ont permis depuis les deux dernières semaines de conclure une entente de principe avec les agents des services correctionnels et les contrôleurs routiers. Le gouvernement est toujours en négociation avec certains autres groupes d'employés de l'État et il y fait preuve de la même approche et de la même attitude.

Si nous avons pu nous entendre avec la très grande majorité des employés de l'État, je ne vois rien qui puisse constituer un obstacle insurmontable pour dénouer l'impasse avec les juristes de l'État. Dès que j'ai eu ce dossier en main, j'en ai immédiatement pris connaissance et donné des orientations et des directives très claires aux négociateurs du gouvernement : en arriver à une entente négociée gagnante-gagnante pour tous. À plusieurs reprises, à la demande des dirigeants de LANEQ, j'ai rencontré ces derniers pour tenter de faire avancer les choses.

Permettez-moi, d'ailleurs, d'apporter une précision très importante. Le président de LANEQ a affirmé que les négociateurs du gouvernement ne traduisaient pas les orientations qui leur étaient données. Je tiens à le redire ici : Il n'y a jamais eu de dissonance ou d'incompréhension entre les négociateurs du gouvernement et moi. Tout comme j'ai vanté le professionnalisme des juristes de l'État, je tiens à réaffirmer ici la confiance que j'ai envers les négociateurs du gouvernement, qui, en toutes circonstances, ont démontré eux aussi leur compétence et leur professionnalisme. Les orientations du gouvernement ont été correctement traduites dans les offres déposées. Nos échanges ont été parfaitement limpides, et ce qui est sur la table de négociation aujourd'hui représente en tous points, en tous points, les offres et les orientations du gouvernement.

Mon travail, M. le Président, et celui du gouvernement, c'est de nous assurer que l'argent des impôts et des taxes des contribuables qui nous est confié judicieusement soit géré de façon équitable et dans le respect de la capacité de ceux qui nous les confient. Nous avons déployé des efforts considérables pour remettre en ordre les finances publiques du Québec, et le gouvernement ne confiera jamais à des tiers non imputables la responsabilité de leur gestion. Les dépenses de rémunération représentent 60 % des dépenses de l'État et un gouvernement responsable et imputable doit assumer l'ensemble de ses responsabilités. M. le Président, c'est ce que nous ferons.

Aujourd'hui, nous demandons à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi n° 127 afin de mettre fin à une situation insoutenable et d'intervenir pour restaurer pleinement le fonctionnement normal et efficace de l'État, des tribunaux et de ses autres institutions. Nous souhaitons que tous les citoyens puissent recevoir les services auxquels ils sont en droit de s'attendre dans un État moderne, lequel est guidé par la règle de droit. Si le projet de loi que nous avons déposé est adopté, il permettra le retour au travail des avocats et notaires de l'État et la prestation de services juridiques au sein du gouvernement, pour citer l'intitulé, mais il n'imposera pas leurs conditions de travail, à moins qu'il n'y ait pas d'entente négociée. Parce que, dans une perspective d'ouverture, le gouvernement a prévu des mesures législatives permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques. Le gouvernement maintient ainsi un espace de négociation, assorti d'un mécanisme impartial de médiation.

Cette loi, M. le Président, si elle est adoptée, offre encore une fenêtre de négociation avec le gouvernement. Au nom du gouvernement, je formule le souhait que LANEQ saisisse cette fenêtre d'opportunité et concentre ses énergies et ses ressources afin de parvenir à une entente négociée des conditions de travail de ses membres plutôt qu'à une contestation judiciaire de la loi.

Pour conclure, M. le Président, l'adoption de cette loi n'était pas le premier de nos choix, comme je l'ai répété à maintes reprises, mais l'intérêt public le commande. Je sais que les juristes de l'État sont des professionnels et qu'ils ont à coeur le respect de leurs obligations déontologiques. Je sais également qu'ils agiront avec honneur, dignité, intégrité, respect, modération et courtoisie.

En terminant, je veux bien sûr remercier tous mes collègues de l'aile parlementaire gouvernementale de même que tous les membres de cette Assemblée pour leur participation active à nos travaux. Et je vous suggère enfin, M. le Président, que nous adoptions le projet de loi n° 127.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, on vous remercie, M. le ministre et président du Conseil du trésor, de votre intervention. Et, pour la poursuite du débat toujours sur cette dernière étape, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles pour son intervention. Mme la députée, à vous.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Merci, M. le Président. On est à l'adoption finale d'un projet de loi, projet de loi spécial qui va faire entrer au travail les juristes de l'État, les avocats et notaires de l'État. Ce n'est pas une belle journée, M. le Président, parce que le ministre a échoué à sa tâche. Le ministre a échoué à son premier test, celui de régler le conflit. Pas eu d'entente négociée, il impose une loi spéciale puis il brise le climat de confiance des juristes de l'État. Ce projet-là est arrivé parce que le ministre a donné un ultimatum aux juristes de 24 heures, fin de semaine dernière, sinon, il brandit la loi spéciale qui force ce retour au travail.

On a longtemps dénoncé l'impact de cette grève, les causes retardées devant les tribunaux, 6 000 causes retardées devant les tribunaux : celles de l'Agence du revenu du Québec, entre autres — mais, ce matin, cet après-midi, on a eu une conversation avec le député de Jonquière, avec le ministre concernant les juristes de l'Agence du revenu, qui ne sont pas concernés dans le projet qui est là devant nous — des victimes en attente d'indemnisation; des municipalités qui sont incapables d'emprunter pour des travaux d'infrastructure; un millier de contrats publics, 870 millions; un menu législatif au parlement littéralement bloqué.

On a fait rentrer les 125 députés ici, au parlement, puis le menu législatif est complètement mince. Je pense à mon collègue député de Jonquière, avec le projet de loi n° 102, hein, particulièrement, où il s'est retrouvé avec même pas de notes descriptives dans son cahier, puis ces notes-là servent, évidemment, à comprendre article par article, mais les juristes étaient dehors, évidemment, les juristes n'ont pas pu aider. Et ce gouvernement, en fait, plusieurs fois, s'est retrouvé en situation d'attendre puis d'arrêter. Alors, le député de Jonquière a dit, à un moment donné : Ça fait, ça fait. On est ici pour faire quoi, là? Faire un article, puis après, on attend, puis après, un petit peu plus tard, un autre article, puis on attend?

L'incertitude, évidemment, aussi quant à la rédaction du budget : il y a des pans là-dedans qui sont fiscaux, qu'on a besoin des juristes de l'État; des causes hors délais qui laissent les fraudeurs sans payer leur dû; des projets de loi qui ne voient pas le jour. Je pense... les chiens dangereux, contre les pesticides, sur les milieux humides, sur les OGM et combien d'autres. Et là le gouvernement se réveille depuis la fin de semaine et nous sort tous ces arguments pour donner raison à la loi spéciale, après quatre mois. On me relate ce que je disais, même ici, en Chambre, cet automne, ce que je disais, que ça n'a pas de bon sens, que ça va s'accumuler, ça va s'accumuler. Puis là on nous sort ça depuis deux jours par les collègues du gouvernement. Ah! là, tout a été retardé, il était temps, il fallait absolument faire la loi spéciale, parce que, parce que. Il était où, pendant qu'on parlait pendant quatre mois? Il était où, pendant que les juristes étaient dehors?

Le monde que vous avez laissé de côté depuis des mois, le monde qui ont vécu et qui vivent des situations difficiles devant les tribunaux en attente de régler, le monde qui attend un dénouement qui affecte leur quotidien, leur vie de tous les jours, vous les avez laissés tomber pendant quatre mois. Puis aujourd'hui vous donnez une gifle aux juristes de l'État en imposant à gros sabots leur rentrée pour éviter de régler le conflit et soudainement vous venez de réaliser tous ses impacts. Vous avez été des mois à les ignorer dehors. Des ministres avaient peine à les saluer dehors.

Je remercie mes collègues du Parti québécois qui ont été à leur rencontre, les juristes de l'État, qui ont échangé sur les préoccupations; qui ont été dehors, qu'ils ont rencontré dans leurs bureaux de circonscription. Et nous leur disons, encore aujourd'hui, que nous sommes favorables à leur demande de parité avec les procureurs et leur indépendance, parce que leur cause est juste, leurs revendications, louables.

• (13 h 10) •

Je reste sur mon appétit, évidemment, sur les arguments du président du Conseil du trésor, quant à sa compréhension du fondement de leurs demandes, de leur reconnaissance. Son arrivée en janvier aurait pu faire la différence; il y avait eu de l'espoir. On a eu tous de l'espoir. Oh! nouveau ministre, c'est sa priorité. Tout le monde, même les juristes de l'État pire, on se retrouve à une loi spéciale.

Je ne veux pas oublier qu'une des préoccupations aussi était la ministre de la Justice, parce qu'on l'a cherchée, la ministre de la Justice. La ministre de la Justice nous parle aujourd'hui... on l'entendait, depuis hier, nous dire l'urgence de tous les impacts. Mais elle était où depuis quatre mois? Les juristes l'ont réclamée. Les juristes avaient besoin de leur Procureur général du Québec.

Le premier ministre, quant à lui, on a lancé des appels au premier ministre. Les juristes ont appelé le premier ministre, pas de retour d'appel du premier ministre, dossier qui ne l'intéressait pas. Puis aujourd'hui il laisse son président du Conseil du trésor faire la loi spéciale.

Il y a des conséquences demain, au-delà des juristes en eux-mêmes, de leur entrée, mais aussi 868 millions sans conseils juridiques pendant quatre mois, une préoccupation importante, près d'un millier de contrats publics qui ont été conclus avec et sans appel d'offres, sans l'aide des juristes de l'État pour vérifier leur conformité. Il y en a énormément, de ces contrats. 111 millions d'achats de produits pétroliers pour le Centre de services partagés; 71 millions de dollars, contrat pour la construction du pont Gouin, sur la rue Saint-Jacques à Saint-Jean-Richelieu, octroyé par le ministère des Transports; 48 millions de dollars, achat de véhicules légers par le Centre de services partagés du Québec. Dans le cas des contrats conclus sans appel d'offres : des services professionnels pour 40 millions de dollars, des produits technologiques pour 24 millions de dollars, des produits applicatifs pour 15 millions de dollars, acquis par le Centre de services partagés du Québec, entre autres.

M. le Président, ils sont ici, avec nous, les juristes de l'État aujourd'hui. Je veux leur dire que vous avez été courageux, empreints d'une volonté de faire reconnaître votre rôle et votre statut, de ce désir de faire comprendre au gouvernement l'indépendance de votre fonction et votre rôle de gardien de l'État de droit. Et vous exercez ce rôle à tous les jours avec loyauté, en vous appuyant sur une éthique et un code de déontologie qui est tout à votre honneur.

Je vous implore de rentrer la tête haute, au nom de notre chef député de Rosemont, qui est avec vous, et de toute l'aile parlementaire du Parti québécois, tous mes collègues, qui vous disent par moi aujourd'hui leur admiration de votre résilience et de vous être battus pour vos convictions et pour des principes chers dans un État de droit.

Le gouvernement a voulu vous faire ramper. Le gouvernement impose son irresponsabilité à votre égard. Je sais que le lien de confiance est ébranlé, brisé, même, mais nous connaissons votre sens de l'État. Je nous souhaite de se revoir un jour avec un gouvernement du Parti québécois, qui vous saluera et travaillera avec vous avec respect, dans les coulisses du pouvoir. Parce qu'ils se pensent au pouvoir depuis longtemps, je vous le dis en passant, là.

Comme porte-parole, j'ai usé de tous les moyens possibles pour porter votre voix. J'ai écouté souvent M. Denis — je le salue, avec toute son équipe — même si j'entends un gouvernement en face ne sortir que quelques petites phrases que M. Denis auraient dites. C'est ça, la collaboration, c'est ça, le partenariat, c'est ça, le respect? On peut avoir quelques petits écarts de temps en temps. Le ministre, M. le Président, en a eu pas mal, d'écarts. C'est lui, à un moment donné, qui a dit : Ils sont intransigeants, ils sont butés. J'ai entendu ça. Je lui redis aujourd'hui, je lui rends la pareille. Comme porte-parole, M. le Président, en ayant usé toutes les possibilités et les outils que je pouvais avoir et essayé de faire entendre raison à ce gouvernement, en collaboration avec tous mes collègues...

Malheureusement, M. le Président, les juristes, vous n'êtes pas des médecins, vous n'avez pas le traitement des médecins que ce gouvernement donne. Mais vous êtes debout, les juristes de l'État du Québec. Rentrez la tête haute. Merci.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Je suis prêt à céder la parole au prochain intervenant et je reconnais M. le député de Borduas.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on en est à l'adoption finale du projet de loi n° 127, qui va forcer les juristes de l'État québécois à rentrer au travail, à rentrer au travail contre leur gré, avec des conditions imposées. Ils sont dans nos tribunes aujourd'hui. Ils auraient bien aimé rentrer au travail avec une solution négociée. Je souligne d'ailleurs la présence de Me Denis, le président de l'association, de tous les juristes qui sont présents dans nos tribunes, qui, depuis quatre mois, les quatre derniers mois, ont voulu exprimer ce pour quoi ils travaillent. Ils ont voulu dire au gouvernement : Écoutez, quand on vous conseille, quand on vous rend des avis juridiques, quand on plaide pour l'État québécois, on souhaite être reconnus, on souhaite que notre statut est reconnu, on souhaite que la lettre d'entente de 2011 soit appliquée, que notre statut soit évalué, qu'on jouisse de l'indépendance qui devrait nous être reconnue. En fait, on devrait exercer la prérogative du Procureur général en matière civile de la même façon que le Procureur général la délègue au Directeur des poursuites criminelles et à ses procureurs.

M. le Président, toute la nuit, en fait, depuis 24 heures, j'ai entendu mes collègues de la partie gouvernementale nous dire : Ce que les juristes ont dit, ce que l'exécutif syndical a dit par rapport à la négociation, par rapport aux offres, ce n'était pas vrai. En quelque sorte, on a accusé les juristes et les avocats de l'État québécois, les avocats et les notaires de l'État québécois, de mentir, en quelque sorte, publiquement, de dire... Écoutez, j'ai entendu le ministre, j'ai entendu des députés de la partie gouvernementale nous dire : Ce que LANEQ dit, ce n'est pas vrai. Nous, on a véritablement voulu négocier; eux, non. Lorsque vous posez la question à LANEQ, ce n'est pas ce qu'ils nous disent. Ils nous disent : Nous, on a voulu négocier, on a voulu exprimer notre positionnement, et c'est le gouvernement qui n'est pas sur la même longueur d'onde que nous. Donc, vous voyez, M. le Président, on a deux versions contradictoires. Mais très clairement, dans cette Chambre, on a entendu, de la part de la partie gouvernementale, que les juristes ne disaient pas la vérité.

Moi, je vous dis, M. le Président : Les juristes qui sont présents dans nos tribunes, qui vont rentrer, demain matin, travailler, ce sont eux qui vont conseiller le gouvernement, ce sont eux qui vont être assis à leurs côtés, lors des projets de loi, ce sont eux qui vont aller plaider les dossiers à la cour, notamment en matière de constitutionnalité, ce sont eux qui vont intervenir dans les dossiers de pensions alimentaires, ce sont eux qui vont poursuivre les employeurs en matière de CSST lorsque les employeurs mettent en péril la santé et la sécurité des travailleurs québécois, ce sont eux qui vont représenter les salariés par le biais de la Commission des normes du travail, M. le Président. Alors, je pose ma question au gouvernement et je leur demande : Lorsque vous utilisez des stratagèmes comme vous avez fait aujourd'hui pour décrédibiliser les juristes, quel va être le climat de travail à la rentrée demain? Parce que vous savez que leur travail est essentiel.

• (13 h 20) •

On fait ça de plus en plus du côté gouvernemental, M. le Président. C'est le discours du gouvernement. On a fait la même chose avec les agriculteurs il y a quelques semaines, il y a quelques mois; on ne les croyait pas. On a fait la même chose avec les juristes; on ne les croyait pas. Pourtant, ces gens-là, ce sont des gens qui travaillent pour l'État, qui soutiennent l'État de droit, qui soutiennent la primauté du droit. Et le gouvernement nous dit : Je ne les crois pas. Parce que c'est ça, le message gouvernemental. Bien, moi, M. le Président, je vais vous dire une chose : Je les crois, les juristes de l'État dans leurs prétentions et je n'ai pas l'impression qu'ils m'ont menti. J'ai bien l'impression qu'ils m'ont dit la vérité puis qu'ils m'ont renseigné adéquatement en commission parlementaire, à l'adoption de principe, et encore à l'adoption finale. Je ne peux pas en dire la même chose de la part de la partie gouvernementale. Alors, M. le Président, vous voyez dans quelle façon les juristes vont rentrer au travail demain.

J'ai entendu beaucoup de choses ici, M. le Président, sur le rôle, le travail des juristes relativement aux procureurs de la Couronne. Il ne faut jamais oublier que le travail qu'ils font est un travail important. Et, vous savez, l'ancien collègue du président du Conseil du trésor, Benoît Pelletier, qui était député de Chapleau, ancien ministre, a rendu une opinion juridique qui a été rendue publique au début du conflit, M. le Président. Ce n'est pas moi qui l'ai écrit, c'est un ministre libéral professeur de droit à l'Université d'Ottawa. Et il parle du droit de grève ou l'absence de droit de grève, et il explique c'est quoi, la conséquence de ces lois spéciales. En fait, c'est la véritable suppression du droit de grève, M. le Président. Et on va dire que M. Pelletier avait une sorte de boule de cristal parce que c'est comme s'il avait prévu une autre loi spéciale.

À la page 2, il nous dit : «L'adoption de telles lois — en parlant de lois spéciales référant à 2011 et à 2005 — illustre bien à quel point l'image de l'État lui-même est influencée par la relation qu'il entretient avec ses juristes. En d'autres termes, l'adoption de ces lois spéciales par l'État québécois démontre à quel point celui-ci est sensible à la perception que la population a de lui et à quel point des grèves de la part de ses juristes ternissent cette perception et fragilisent les assises mêmes de ce qu'il est convenu d'appeler "l'État de droit". Car, il faut le dire, les fonctions qu'assument les juristes de l'État québécois touchent au coeur même de l'action gouvernementale. Elles sont du reste fort variées.»

Et Benoît Pelletier poursuit et il dit : «De fait, les avocats [...] et notaires de l'État québécois sont les jurisconsultes du gouvernement et de différents organismes publics relevant de ce dernier. Ils conseillent et donnent des opinions en matière de droit civil, pénal, public et administratif. Ils rédigent les projets de loi déposés par le premier ministre ou les ministres à l'Assemblée nationale et s'assurent de la constitutionnalité de ceux-ci. Ils rédigent aussi la réglementation pertinente. De plus, ils assistent les ministres en commission parlementaire et les conseillent sur les impacts dans la société des règles de droit dont l'adoption est envisagée. Ils représentent, en demande et en défense, le gouvernement et plusieurs des organismes relevant de l'État dans tous les litiges qui les opposent à la société civile, et ce, devant tous les tribunaux judiciaires et administratifs. Ils préparent et, dans certains cas, déposent des poursuites pénales — M. le Président, pour information du député de Marguerite-Bourgeoys — en lien avec les différentes missions de l'État [et] des organismes relevant du gouvernement, comme l'Agence du revenu du Québec, l'Autorité des marchés financiers, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail et l'Office de la protection du consommateur. Ils prodiguent également leurs conseils à certaines entités particulières comme l'Unité permanente anticorruption. Ils représentent la Sûreté du Québec dans des dossiers de perquisitions, de détentions et d'arrestations abusives faisant l'objet de litiges en matière civile.» Et là, M. le Président, c'est intéressant : «Ils vont même jusqu'à représenter les procureurs de la Couronne dans des poursuites civiles intentées contre eux.» Alors, on a un exemple concret, ici, M. le Président, de l'importance du travail des juristes de l'État et de l'importance de leur statut particulier et de l'indépendance.

Souvent, M. le Président, on parle en cette Chambre de corruption, de l'indépendance, de la nécessaire indépendance du Commissaire à la lutte contre la corruption. Bien, les gens qui le conseillent, ce sont les gens qui sont dans les tribunes, ce sont des notaires et des avocats de l'État québécois qui, eux, donnent des conseils juridiques à l'UPAC. Et le ministre nous dit : Ils n'ont pas besoin d'avoir la même indépendance que les procureurs de la Couronne.

M. le Président, Me Pelletier le dit très bien dans son opinion. Vous me permettrez de citer sa conclusion également. «Les motifs qui justifient que les procureurs de la Couronne du Québec aient droit à ce que certaines de leurs conditions de travail soient déterminées par un comité indépendant — sous réserve d'une décision finale de l'Assemblée nationale — valent aussi pour les autres poursuivants de l'État québécois, voire pour tous ses avocats, avocates et notaires qui agissent comme "conseillers juridiques officiels de l'État".» M. le Président, le président du Conseil du trésor peut ne pas être d'accord avec moi, mais, par contre, venant d'un professeur d'université, venant d'un ancien ministre libéral, c'est difficilement défendable.

Un autre élément important, M. le Président, ou... Quoi qu'il en soit, nous ne croyons pas que l'argument voulant qu'il appartienne à l'État de décider discrétionnairement de l'utilisation des fonds publics puisse être opposé davantage aux avocats, avocates et notaires de l'État québécois qu'il ne l'est aux procureurs de la Couronne en ce moment.

En d'autres termes, cet argument ne devrait pas pouvoir faire obstacle à l'instauration d'un arbitrage. En effet, ces derniers doivent démontrer la même indépendance que les procureurs de la Couronne dans l'exercice de leurs fonctions. Ils doivent servir l'intérêt collectif de la même façon que ces derniers, c'est-à-dire tout aussi dignement qu'eux.

M. le Président, je n'aurais pas pu choisir de meilleurs termes pour exprimer où les juristes de l'État devraient loger en termes de conditions de travail, en termes d'indépendance.

Le président du Conseil du trésor nous a dit à de multiples reprises : On ne souhaite pas soustraire le fait de négocier 60 % des dépenses de l'État, 60 %, qui représente la masse salariale de l'État dans le cadre des dépenses. Il n'est pas question de soustraire à la juridiction de l'État les conditions salariales des avocats et des notaires de l'État québécois, M. le Président. Le meilleur exemple, c'est celui du comité indépendant des procureurs de la Couronne.

Il y a un comité, M. le Président. Il y a un comité qui rend rapport. Et ce rapport est déposé ici, à l'Assemblée nationale, et on décide, tous ensemble : Est-ce que, oui ou non, il est adopté tel quel, il est modifié ou il est rejeté. On aurait pu faire la même chose, M. le Président, avec la situation des juristes de l'État. Ça aurait été la voie à privilégier, mais le gouvernement a décidé de s'entêter et de faire porter le fardeau aux juristes de l'État le fait de la loi spéciale.

Mais il y a une chose qui est sûre, M. le Président, c'est que les juristes qui sont là, ce sont eux qui vont accompagner les Québécois dans le système de justice, parce qu'ils ont à coeur l'intérêt de la justice, ils ont à coeur la primauté de la règle de droit et ils vont continuer à faire leur travail de façon appropriée, j'en suis convaincu. Mais il y a une responsabilité à prendre, du côté du gouvernement, la troisième fois, M. le Président, la troisième fois en 12 ans. Malheureusement, nous allons voter contre.

4vpo

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci à vous, M. le député de Borduas, pour cette intervention. Pour rappel, il reste 11 min 50 s à la partie ministérielle; 5 min 30 s à l'opposition officielle; il ne reste plus de temps pour la deuxième opposition; il reste 45 secondes à la députée de Vachon; 45 secondes au député de Groulx; et deux minutes à M. le député de Mercier.

Alors, M. le député de Groulx, je vous cède la parole pour 45 secondes.

M. Claude Surprenant

M. Surprenant : Merci, M. le Président. Alors, le gouvernement libéral a essayé de faire bifurquer cette grève sur des questions monétaires, mais ce n'était pas le but de la négociation, M. le Président.

Depuis le début des années 2000, les 1 100 avocats, avocates et notaires de l'État ont fait deux grèves suivies de deux lois spéciales fixant les conditions de travail et interdisant le droit de grève. Ils sont dessaisis de leur droit de faire la grève; ils souhaitent donc que certaines de leurs conditions de travail soient déterminées par un comité indépendant. Devant l'incapacité de s'entendre de ce gouvernement sur à peu près tout, sa léthargie, ses décisions mal éclairées, je rappelle les propos du président du Conseil du trésor hier : «Concéder, c'est la base même de toute négociation.» Or, dans ses discussions à venir, on lui propose donc de faire une concession et de se rallier à l'amendement proposé du collègue du Borduas, qui souhaitait...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je dois vous interrompre, M. le député de Groulx, là. Votre temps de parole est épuisé. Je vous remercie. Mme la députée de Vachon, pour 45 secondes.

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet : Merci, M. le Président. J'aimerais, dans un premier temps, saluer les juristes qui nous ont écoutés pendant toute la nuit et saluer leur expertise. Parce qu'il y a une expertise importante pour l'État dans tous les domaines de l'État québécois. Et c'est ça, la force de l'État québécois. Donc, merci pour votre expertise. Mais vous avez fait face à un mur d'intransigeance. Vous avez fait face à un mur de mépris de la part du gouvernement libéral. Et ce qu'on a vu dans ce dossier-là...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la députée de Vachon, les choses allaient bien. Soyez prudente au niveau de votre choix de termes. On achève une longue, longue nuit, alors je vous invite à la prudence.

Mme Ouellet : Le résultat : saccage d'expertise, contradictions, porte ouverte à la corruption et à la collusion. D'ailleurs, ça, ils connaissent...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la députée de Vachon, le temps imparti est terminé. Le temps imparti est terminé.

M. Tanguay : ...ce n'est pas parce que la collègue a terminé de parler qu'elle peut s'en sauver de ce qu'elle vient de faire. C'est antiparlementaire. Je vous demande de sanctionner, M. le Président, et de statuer sur l'appel au règlement à l'effet qu'elle ne peut pas, de façon dérogatoire, accuser, prêter des intentions comme elle l'a fait. Je m'attends, M. le Président, à ce que vous sanctionniez son comportement condamnable.

• (13 h 30) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Je vous demanderais de retirer vos propos, Mme la députée de Vachon.

Mme Ouellet : J'aimerais savoir lesquels, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Je vous demande gentiment de retirer vos propos, puis ça va aller bien.

Mme Ouellet : ...je le retire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la députée de Vachon, vous avez employé le terme «corruption», vous avez fait allusion à «corruption». Je vous demande de retirer ces propos.

Mme Ouellet : Je vais le retirer, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Merci. M. le député de Mercier. Vous disposez de deux minutes.

M. Amir Khadir

M. Khadir : M. le Président, puisque le propos glisse sur ce terrain-là, je voudrais dire que je suis persuadé que la plupart des ministres et des députés libéraux qui sont assis en Chambre, qui travaillent pour le gouvernement n'ont aucun intérêt à ce que les contrats publics, à ce que la gestion de l'activité gouvernementale soient entachés de corruption, on s'entend tous là-dessus. Cependant, ce que disent les juristes de l'État québécois... Avec ce qu'on sait de l'état de la situation au Québec depuis une dizaine d'années, on ne peut quand même pas nier le fait qu'on a eu une vaste enquête dans la commission Charbonneau, on a eu de multiples démonstrations publiques qu'il y a des problèmes, par exemple, au ministère des Transports et des millions, des centaines de millions de contrats sont donnés, et ce que nous disons et ce que disent les juristes, qui est en débat depuis plusieurs semaines, c'est que les juristes de l'État tiennent à une plus grande indépendance pour pouvoir assurer à l'avenir que l'État québécois est le plus exempt possible, le plus imperméable possible à toute possibilité qu'il puisse y avoir des malversations, qu'il puisse y avoir des non-conformités, qu'il puisse y avoir des irrégularités dans l'octroi des contrats publics.

Et, pour ce faire, ils ont besoin d'une indépendance qu'ils n'ont pas aujourd'hui en raison, notamment, du régime de négociation qui les emmène à devoir faire grève, un employeur qui est aussi titulaire des fonctions de l'État et qui peut donc intervenir, comme il intervient actuellement. Quand une loi vient enlever des droits aux juristes de l'État, c'est vous dire à quel point il est possible, malheureusement, que parfois la loi vienne donner naissance à des injustices dans un processus qui doit donner le plus d'indépendance possible à ceux et celles qui sont mandatés pour assurer la conformité, et la transparence, et l'intégrité de la fonction de l'État. Et donc, dans cette optique, moi, je ne comprends pas encore pourquoi le ministre actuel, le titulaire du poste, refuse d'accepter une proposition raisonnable qui est d'accorder la possibilité...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je vous remercie, M. le député de Mercier, le temps est écoulé. Il me reste deux droits de parole. M. le député de Lac-Saint-Jean, à vous la parole. Vous disposez de...

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier : Je vous remercie, M. le Président. Alors, M. le Président, est-ce que la loi spéciale va régler quoi que ce soit sur la question de fond, sur l'indépendance des procureurs? La réponse, c'est non, M. le Président. Tout ce que le gouvernement fait, M. le Président, c'est prendre le problème actuel, pelleter ça dans la cour des tribunaux. Va s'ensuivre une longue contestation judiciaire, et vous savez quoi, M. le Président? Je vous fais une petite prédiction, les procureurs vont gagner devant les tribunaux. Savez-vous pourquoi ils vont gagner, M. le Président? Parce que les indications que nous donne déjà la Cour suprême sur l'importance de l'indépendance des procureurs, l'indépendance des juristes de l'État... elle est entière. Elle est entière pourquoi, M. le Président? Pour assurer, justement, que la fonction judiciaire soit à l'abri de toute forme d'intervention politique, de toute forme de pression, de toute forme d'intervention qui arriveraient de l'extérieur.

Le président du Conseil du trésor essaie de nous faire accroire que ce n'est pas pareil dans le civil, qu'il y a des fonctions quasi judiciaires, puis, en criminel, bien, c'est plus important qu'ils soient complètement indépendants. Mais pourtant, M. le Président, pensez-vous que les procureurs en matière civile, sur la protection du consommateur, en matière de droit des travailleurs, dans le domaine de la santé... Ils prennent des décisions, ils vont de l'avant et ils poursuivent. Mais ils sont accompagnés d'une équipe, ils sont accompagnés de juristes pour les aider dans cette prise de décision. L'indépendance, elle doit être complète, pas juste en matière de criminel.

Et vous savez quoi, M. le Président? Comme par hasard, le seul endroit en Amérique du Nord où on va créer cette distinction salariale, c'est au Québec. Il y en a qui vont dire : Oui, mais c'est parce qu'ici, au Québec, c'est le droit civil. C'est le droit civil, c'est différent. Ah bon! Alors, comment expliquez-vous qu'en Nouvelle-Écosse, par exemple, qui ont aussi des civilistes, on n'a pas tenu compte de cette distinction. On ne peut pas faire cette distinction, M. le Président, parce qu'on est incapable de la faire sur le fond. La définition que la Cour suprême a donnée à «Procureur général», c'est une définition large et générale qui inclut tous les services qui sont donnés à l'État.

Bon, maintenant, la réponse du gouvernement, ça va avoir été de dire : Bon, bien, prenons le problème, faisons semblant de négocier avec une loi spéciale au-dessus de la tête, puis pelletons le problème dans la cour des tribunaux, puis on verra le résultat, puis, un jour, un autre gouvernement devra négocier ou devra se plier à la décision de la Cour suprême. Savez-vous quoi, M. le Président? C'est exactement ce qui s'est passé avec les juges, c'est exactement ça qui est arrivé, une décision de la Cour suprême, puis, finalement, ça a pris un comité indépendant.

Une autre affaire, M. le Président, le ministre nous dit : Oui, mais il faut respecter le droit de grève. Même la ministre de la Justice a poussé l'odieux à dire aux membres de l'Assemblée qu'il fallait respecter le droit de grève. Or, trois lois spéciales, trois lois spéciales depuis 2005 pour les juristes de l'État. Y a-t-il quelqu'un dans la salle qui prétend que le droit de grève, il est réel pour les juristes de l'État? Y a-tu quelqu'un qui, sérieusement, peut lever la main, dire que le droit de grève, pour les juristes de l'État, existe au Québec? Bon. Alors, si nous concluons tous que ce droit de grève, il est purement théorique, alors il faut compenser, M. le Président, ça prend un autre mécanisme. Pourquoi on a retiré le droit de grève aux policiers? Pourquoi on l'a fait pour les pompiers? Bien, on l'a fait pour des raisons assez évidentes, qu'ils donnent des services essentiels.

Mais, en parallèle, qu'est-ce qu'on a fait? Bien, on a créé des procédures arbitrales qui sont liantes pour les autres, qui sont liantes, justement, parce qu'on a retiré un droit fondamental, un droit important dans le rapport d'équilibre des forces, chose que vient de retirer le gouvernement. C'est assez incroyable, le gouvernement libéral, à trois reprises, M. le Président, impose à ses juristes de l'État... Là, les juristes de l'État, M. le Président, en passant, là, c'est quand même pas mal au coeur de l'appareil administratif, là, tu es pas mal dans l'a b c de ce qui est fondamental pour offrir les services à la population. Ce n'est pas des débats purement théoriques, là. Lorsque les juristes doivent faire un pas en arrière, ne peuvent pas exercer leur métier pleinement à cause d'une grève comme, par exemple, on vit présentement, bien, qu'est-ce que ça fait? Ça a des impacts immenses.

M. le Président, il me reste seulement qu'une minute pour conclure, mais je ne veux surtout pas passer sous silence le travail extraordinaire de la députée de Pointe-aux-Trembles. La députée, je vais vous le dire, M. le Président, elle a été au front au caucus des députés, elle a été à la rencontre des citoyens, à la rencontre, surtout, des juristes. Et, s'il y en a une qui a plaidé pour la cause et qui est extrêmement consciente que le problème actuel n'est que remis à plus tard, c'est certainement la députée de Pointe-aux-Trembles, M. le Président. C'est une question de principe. On est fiers de se lever debout pour défendre la primauté du droit et l'indépendance en matière de justice, plaidées par notre collègue, notre porte-parole officielle. L'ensemble des députés du Parti québécois, on est extrêmement fiers d'avoir des principes, de les tenir, et, lorsqu'on sera au gouvernement, on fera les ajustements nécessaires, M. le Président.

• (13 h 40) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Lac-Saint-Jean, pour cette intervention. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, au total, il reste 11 min 50 s. À vous.

M. Robert Poëti

M. Poëti : Merci, M. le Président. M. le Président, personne n'aime imposer des contraintes ni s'en faire imposer. C'est pourquoi on appelle cette procédure «loi spéciale», parce que c'est un instrument dont le législateur doit se servir avec la plus grande prudence et avec parcimonie. Ce n'est pas nous qui avons fait le choix d'une loi spéciale, c'est l'exécutif syndical de LANEQ. Jamais nous n'avions évoqué ni même pensé à ce recours. Au contraire, le président du Conseil du trésor s'est exprimé à maintes reprises depuis le début de ce conflit, depuis qu'il a pris le poste. Toujours nous avons dit que nous voulions une entente négociée, mais un gouvernement responsable doit prendre les mesures qui s'imposent pour fournir aux citoyens les services auxquels ils ont droit et pour lesquels ils paient des taxes et des impôts.

Nous entendons vous démontrer pourquoi le gouvernement a recours à ces mesures d'exception. Il faut déterminer si, dans un cas donné, la limitation législative du droit de grève entrave substantiellement le droit à un processus véritable de négociation collective. Je ne crois pas que l'on puisse considérer qu'après deux ans de négociations, une quarantaine de séances, 18 semaines de grève, en ajoutant à tout cela la possibilité de négocier encore pendant 105 jours, il y ait entrave substantielle du droit de grève.

Nous avons constaté l'impasse réelle des négociations lors de la présentation de notre cinquième offre syndicale à LANEQ. Il serait irresponsable de laisser les citoyens dans cette situation encore pendant deux semaines, puisque l'Assemblée ne siège pas. C'est pourquoi nous avons pris la difficile décision de déposer ce projet de loi, afin de permettre le retour au travail et assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement. Le lien de confiance pourrait être effrité, qu'on dit, et nous avons tout intérêt à s'assurer de rétablir sur des bases solides, le plus rapidement possible, pour le bénéfice de tous, et de tous les citoyens...

Dans un État de droit, il est important de faire l'équilibre entre le droit des uns et le droit des autres. À tous les paliers de l'État, dans ses fonctions législatives et exécutives, les avocats et notaires jouent un rôle important, ils ont la charge d'assurer le respect de la primauté du droit et la conformité des actes de l'État avec la loi. Aucun élu ici, dans cette Assemblée, ne sous-estime l'importance de leur charge, de leurs fonctions et de leurs tâches. Ils font un travail exigeant, ils le font avec professionnalisme et compétence.

Cette grève qui perdure s'exerce au détriment des droits des citoyens. Nous le savons, M. le Président, de nombreux citoyens patientent depuis plusieurs mois pour être entendus sur le fond dans des causes qui touchent leur vie personnelle, familiale ou professionnelle. De ceci, nous en avons entendu peu parler au cours des derniers jours. Prenons, par exemple, les victimes d'accidents de la route ou du travail qui voient leur recours au Tribunal administratif être reporté. Et pensons aussi aux nombreuses personnes qui attendent d'être entendues dans un système judiciaire qui s'engorge davantage à chaque journée de grève supplémentaire. Cette grève retarde des dossiers névralgiques dans les ministères et organismes gouvernementaux et les tribunaux administratifs dont le report a des impacts sur plusieurs services à la population. Cette grève constitue donc une entrave sérieuse au fonctionnement du gouvernement et au processus judiciaire. Elle porte atteinte aux intérêts des Québécois. Nous avions ici, M. le Président, une situation que l'on pouvait qualifier d'urgente. La grève est un moyen, et non une fin. Notre devoir, comme gouvernement responsable, est d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques nécessaires à sa bonne marche. Il était temps d'agir, nous l'avons fait.

Le projet de loi n° 127 est intitulé Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation des services juridiques. Vous aurez remarqué que l'intitulé comporte deux volets, l'un qui vise à assurer la prestation des services juridiques au gouvernement et l'autre — et non le moindre — à la poursuite des négociations. Je reviendrai sur chacun de ces volets.

Au moment du dépôt, il a été bien expliqué les motifs et les raisons impérieuses qui ont amené le gouvernement à poser à contrecoeur ce geste d'exception. Nous croyons avoir bien indiqué qu'à tous les paliers du fonctionnement de notre État de droit les avocats et notaires jouent un rôle central, en particulier dans les fonctions législatives et exécutives de l'État. Leur charge est lourde, s'assurer du respect de la primauté du droit et de la conformité des actes de l'État avec la loi. Leur travail est essentiel pour que l'État puisse fournir les services à la population et assurer la marche normale des tribunaux et ses autres institutions.

Tout cela est reconnu, M. le Président, d'abord par la rémunération généreuse qu'ils reçoivent déjà, c'est-à-dire plus de 100 000 $, en moyenne, annuellement pour 35 heures de travail, avec possibilité de faire du temps supplémentaire rémunéré, puis par le fait qu'ils bénéficient d'un fonds de pension assumé en partie par le gouvernement et, surtout, de la sécurité d'emploi. M. le Président, je ne peux m'empêcher de constater que ces conditions n'ont pas d'équivalent dans aucun autre domaine où des avocats ou des notaires pratiquent parce que les conditions de travail au privé ne sont pas comparables à celles des juristes de l'État.

C'est pourquoi nous avons proposé de nombreuses avenues pour en arriver à une entente négociée. Nous avons fait des offres qui cadraient avec les paramètres financiers du gouvernement. Ces offres étaient honnêtes et respectaient la capacité de payer des Québécois. Elles étaient aussi équitables pour les 450 000 autres employés de l'État, avec lesquels nous nous sommes entendus. Il reste qu'un gouvernement responsable doit prendre les mesures qui s'imposent pour fournir aux citoyens les services auxquels ils ont droit.

M. le Président, les avocats et notaires de l'État sont en grève générale illimitée depuis le 24 octobre 2016, soit depuis plus de quatre mois. La grève a des incidences sérieuses sur les activités quotidiennes de l'État et entrave la poursuite de ses objectifs. Elle touche directement les citoyens, qui ne reçoivent pas les services que les ministères et organismes gouvernementaux et tribunaux administratifs doivent leur donner, d'où la décision du gouvernement d'agir.

Les offres bonifiées faites par le gouvernement ont systématiquement été rejetées par LANEQ, qui est restée campée sur ses positions, menant ainsi les négociations dans une impasse. Le gouvernement, lui, constant dans son approche des négociations et son attitude : bonne foi, ouverture et transparence. Le discours de l'exécutif syndical des juristes a été très simple : Ce qu'on demande n'est pas négociable. Ce que le gouvernement nous offre est inacceptable. Ce que l'on demande n'est pas négociable. Nous parlions ici, M. le Président, d'une négociation pour régler un conflit, la même approche, la même attitude qui a permis à 450 000 autres salariés de l'État de signer une entente historique avec le gouvernement, notre approche, notre façon de faire pour régler les conflits. Une entente où nous avons pris l'engagement d'offrir ces mêmes paramètres à tous les employés de l'État, incluant les juristes de l'État.

M. le Président, je peux vous assurer que nous n'avons ménagé aucun effort afin d'en arriver à un règlement négocié. Parce que le gouvernement a toujours reconnu la contribution essentielle de ses avocats et notaires à la bonne administration de la justice et des affaires de l'État, nous avons toujours convenu que les juristes puissent vouloir améliorer ces conditions déjà généreuses et nous avons proposé de nombreuses avenues pour y arriver. Mais nous avons été aussi très clairs dans nos propos et constants dans nos offres, une entente négociée devrait entrer dans les paramètres financiers, voire le cadre financier du gouvernement. En d'autres mots, toute entente négociée devait respecter la capacité de payer des Québécois et être équitable pour les 450 000 autres employés de l'État, avec lesquels nous nous sommes, encore une fois, entendus. C'est exactement ce que nous avons fait avec les agents des services correctionnels, et nous avons conclu une entente de principe pas plus tard qu'hier. Depuis 60 ans, une telle entente n'avait pas été possible. C'est quand même le même gouvernement qui a traité avec la même façon, la même rigueur, la même ouverture ces négociations-là. Une entente qui respecte le cadre financier du front commun.

M. le Président, vous me direz que, si nous avons pu nous entendre avec la très grande majorité des employés de l'État, pourquoi pas avec les juristes de l'État? Nous étions prêts à tenir compte de leur réalité, et c'est ça, là, une vraie négociation. Une véritable négociation, c'est de dire : Voici toutes les possibilités, et maintenant voici le cadre financier que nous devons respecter. M. le Président, jamais nous n'avons remis en cause leur droit de négocier leurs conditions de travail, non plus que leur droit de grève.

En terminant, M. le Président, il n'est jamais agréable pour un gouvernement d'en arriver à une telle avenue afin de clore une négociation. Mais ici nous n'allons pas clore une négociation. Si ce projet de loi est adopté, nous allons la continuer, et ce sera gagnant-gagnant pour les deux, car ils pourront retrouver leur emploi, retrouver leur salaire et encore avoir la possibilité de négocier avec le gouvernement. Merci, M. le Président.

• (13 h 50) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, ceci met fin au débat. Je mets maintenant aux voix la motion de M. le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du trésor proposant l'adoption du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.

Alors, cette motion est-elle adoptée?

M. Tanguay : ...appel nominal, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, qu'on appelle les députés.

• (13 h 51 — 13 h 56) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, je vous rappelle que le vote porte sur l'adoption du projet de loi n° 127, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques.

Mise aux voix

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe : M. Couillard (Roberval), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Blais (Charlesbourg), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Leitão (Robert-Baldwin), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Coiteux (Nelligan), Mme David (Outremont), M. Proulx (Jean-Talon), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot (Vanier-Les Rivières), Mme Vallée (Gatineau), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La Pinière), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), M. Heurtel (Viau), M. Billette (Huntingdon), M. Morin (Côte-du-Sud), Mme Nichols (Vaudreuil), M. Ouellette (Chomedey), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Ménard (Laporte), M. Tanguay (LaFontaine), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), M. Girard (Trois-Rivières), M. Auger (Champlain), Mme Vallières (Richmond), M. Bolduc (Mégantic), M. Simard (Dubuc), M. Matte (Portneuf), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Boucher (Ungava), M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Fortin (Pontiac), M. Giguère (Saint-Maurice), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), M. Plante (Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), Mme Tremblay (Chauveau), M. Busque (Beauce-Sud), Mme Sauvé (Fabre), Mme Melançon (Verdun).

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

• (14 heures) •

La Secrétaire adjointe : M. Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Maltais (Taschereau), Mme Lamarre (Taillon), M. Bergeron (Verchères), M. Leclair (Beauharnois), M. Rochon (Richelieu), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Gaudreault (Jonquière), M. Pagé (Labelle), M. Cousineau (Bertrand), M. Bourcier (Saint-Jérôme), Mme Jean (Chicoutimi), M. Ouellet (René-Lévesque), M. Kotto (Bourget), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Roy (Bonaventure).

M. Legault (L'Assomption), M. Bonnardel (Granby), M. Caire (La Peltrie), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Laframboise (Blainville), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Lemay (Masson), Mme Lavallée (Repentigny), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis (Lévis), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Jolin-Barrette (Borduas).

M. Khadir (Mercier), Mme Ouellet (Vachon), M. Surprenant (Groulx).

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Y a-t-il des abstentions? Sinon, pour le résultat du vote, Mme la secrétaire générale.

La Secrétaire : Pour : 52

                     Contre :           38

                     Abstentions :     0

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, la motion est adoptée, et, en conséquence, le projet de loi est adopté.

Ajournement

L'Assemblée ayant terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été convoquée, j'ajourne les travaux au mardi 14 mars 2017, à 13 h 40.

(Fin de la séance à 14 h 1)