(Neuf heures quarante-six minutes)
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, veuillez vous asseoir. On vous souhaite un bon mercredi.
Affaires courantes
Déclarations de députés
Nous allons
procéder à la rubrique Déclarations
de députés, et je suis prêt à entendre la première déclaration. Il
s'agit de M. le député d'Ungava, qui fait sa déclaration du jour. M. le député,
à vous la parole.
Souligner l'inspiration
qu'une jeune Crie de
Whapmagoostui, Mme Jocelyne Dufresne,
a tirée de sa visite à l'Assemblée nationale
M. Jean Boucher
M.
Boucher : Merci, M. le Président. Bienvenue, chers membres de
l'Assemblée. En novembre dernier, la jeune Jocelyne Dufresne de Whapmagoostui, une petite communauté crie près de
Kuujjuarapik au Nunavik, prenait part à un échange culturel à Montréal. Elle a mérité ce voyage grâce à son
implication au sein du programme Pivallianiq, un programme qui prône
l'assainissement des milieux de vie au Nunavik et dans les maisons.
Jocelyne, along with seven other young
Inuits and three guides, got invited by me to meet us here. It was important to me to show them that they have someone here working for their
interest, et aussi de leur faire savoir que, dans quelques années, ça pourrait être l'un d'eux qui pourrait
s'asseoir dans le siège, ici, du député d'Ungava. Ils ont assisté à la période
des questions, ont visité le parlement avec un grand étonnement et beaucoup
d'intérêt.
Recently, a member of my team was
traveling to Whapmagoostui to meet the young girl. Lors de sa visite, on a constaté qu'elle portait fièrement sa «pin» de
l'Assemblée nationale. On lui a demandé : Est-ce que tu la portes souvent?
Elle a répondu spontanément : Oui, tous
les jours, avec une grande fierté, expliquant que sa visite l'avait marquée et
elle...
Le Vice-Président (M.
Gendron) : I have a big problem. C'est
«one» minute. Merci de votre déclaration, en s'excusant, mais, sérieusement, il
faut essayer d'arriver dans une minute, parce que, si on fait
1 min 10 s, 1 min 12 s,
1 min 15 s, ça manque d'équité par rapport aux autres.
Alors, M. le
député de Bonaventure, pour la déclaration d'aujourd'hui, en sachant qu'on a une minute pour la faire.
Féliciter Le
Regroupement des pêcheurs professionnels
du sud de la Gaspésie inc. pour l'obtention de la
certification MSC pour la pêche au homard
M. Sylvain Roy
M. Roy : Merci,
M. le Président. Je tiens, aujourd'hui, à féliciter Le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie pour l'obtention de la
certification MSC, reconnaissance internationale qui certifie que la pêche au homard gaspésien est durable et bien gérée. Avec
cette certification, la pêcherie de homard gaspésienne fait preuve d'un grand leadership afin de se positionner
avantageusement dans le marché. En plus de protéger la ressource, cette
distinction fait rayonner la Gaspésie
partout à travers le monde. En 2013, les pêcheurs ont capturé 1 370 tonnes de homard, ce qui représente environ le tiers du homard au Québec.
Le homard gaspésien est vendu sous différentes formes, mais le principal
produit est le homard vivant vendu surtout au Québec, mais aussi sur les
marchés canadiens et américains.
M. le
Président, je vous invite, ainsi que l'ensemble des citoyens du Québec, à
surveiller l'écolabel bleu MSC sur le
homard cette année. J'en profite aussi pour vous informer qu'il est bien
meilleur lorsqu'on le mange sur place, en Gaspésie.
Des voix : ...
M. Roy :
Félicitations à M. Onil Cloutier, directeur général du Regroupement des
pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie...
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Félicitations, mais...
Des voix : ...
• (9 h 50) •
Le Vice-Président (M. Gendron) : ...j'avais
le même problème, mais en français. Alors, c'est une minute, la déclaration. Et
merci pour votre déclaration. Mme la députée de Richmond, pour votre
déclaration.
Rendre hommage au Dr Gilles
Morin
à l'occasion de son départ à la retraite
Mme Karine Vallières
Mme
Vallières : Merci beaucoup, M. le Président. Vous savez tout
comme moi que la passion de son travail, c'est se plonger coeur et âme, c'est donner le meilleur de soi. Aujourd'hui,
je vous invite, collègues de l'Assemblée nationale, à souligner avec moi le dévouement d'un homme qui a
consacré près de 50 ans au service d'autrui en tant que médecin. Je
tiens à souligner toutes ces années de service du Dr Gilles Morin auprès de la
population de la région des Sources. Dr
Morin prendra sa retraite de la médecine cet été et, au nom de ses patients
actuels et anciens, je tiens à le remercier. Merci, Gilles, de votre disponibilité, de votre écoute, de votre
empathie. Merci de votre expertise et votre appui également à la région, entre autres dans le dossier du
chrysotile. Permettez-moi de vous souhaiter une agréable retraite dans cette
communauté que vous avez tant soignée, que vous aimez tant, mais surtout qui
vous apprécie tout autant.
Le Vice-Président (M. Gendron) : Merci pour votre déclaration, Mme la députée, et
je cède maintenant la parole à M. le député de Beauce-Nord pour sa
déclaration d'aujourd'hui. M. le député, à vous la parole.
Souligner le 100e anniversaire des
Cercles de fermières du Québec
M. André Spénard
M.
Spénard : Merci, M. le Président... expérimenté. Les Cercles
des fermières du Québec fêtent, en cette année 2015, leur 100e anniversaire et sont plus présents que
jamais, notamment dans le comté de Beauce-Nord. Leur riche histoire s'est
construite au fil d'une constante évolution qui n'a jamais renié le passé, dans
un heureux mélange d'ouverture d'esprit et
de valeurs sûres. Étant la plus grande association de femmes de la province,
elle compte aujourd'hui quelque 34 000
membres. Elles sont actives, impliquées dans leurs communautés et modernes.
Cependant, elles demeurent les gardiennes du patrimoine, les porteuses
de tradition, qu'elles transmettent généreusement par leurs livres de recettes,
leurs volumes d'artisanat, leurs programmes
d'artisanat jeunesse, leurs cours de base et de perfectionnement, et j'en
passe.
Dans
mon comté, nous retrouvons pas moins de 16 Cercles des fermières, et je peux
vous assurer que ces femmes sont très
actives. C'est toujours un plaisir pour moi de les visiter lors de leurs
différentes activités. Je salue le magnifique travail des fermières
réalisé dans nos communautés depuis 100 ans et leur souhaite un autre 100 ans.
Merci.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Alors, merci, M. le député de Beauce-Nord, de votre
déclaration. Je cède maintenant la parole à M. le député de Vimont pour sa
déclaration d'aujourd'hui. M. le député, à vous la parole.
Souligner le Mois de la jonquille
M. Jean Rousselle
M.
Rousselle : Merci, M. le Président. À l'aube du mois d'avril,
Mois de la jonquille, la Société canadienne du cancer vendra, du 26 au 29 mars prochains, une petite fleur pour une
grande cause : la jonquille, symbole de la vie et de l'espoir. Je suis fier, M. le Président, de
m'associer à la Société canadienne du cancer pour une troisième année
consécutive. C'est en effet
l'organisme québécois qui investit le plus dans la lutte contre le cancer et
qui a la possibilité de sauver encore plus de vies.
Je ne peux passer sous le silence le magnifique
travail de Mme Patricia Labelle, agente de développement pour le Québec, ainsi
que celui d'Annick Ouellette, coordonnatrice de Laval. Je veux les remercier
pour tous leurs efforts qu'ils réalisent
au sein de la société et remercier les bénévoles dévoués, qui dégagent une
énergie et une vitalité contagieuses.
N'oubliez pas
d'acheter les jonquilles du 26 au 29 mars. Ça fait une grosse différence pour
la vie. Merci.
Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci pour votre déclaration. Je cède
maintenant la parole à M. le député de Rosemont pour sa déclaration
d'aujourd'hui. M. le député, à vous la parole.
Souligner la Semaine des travailleuses sociales
et des travailleurs sociaux du Québec
M. Jean-François Lisée
M.
Lisée : Merci, M. le Président. Je suis heureux de souligner
aujourd'hui la semaine des travailleurs sociaux, qui se déroule du 22 au 28 mars. C'est l'occasion de reconnaître le
travail remarquable des 12 000 travailleurs sociaux du Québec. Agissant à titre de thérapeutes, de
consultants ou de personnes-ressources, ils aident les personnes à améliorer
leurs conditions de vie et accompagnent les communautés qui veulent se
mobiliser pour des défis collectifs. Les travailleurs
sociaux sont bien sûr présents dans le réseau de la santé et des services
sociaux, mais également dans le réseau de l'éducation, le milieu
carcéral et plusieurs autres. Ils interviennent auprès de toutes les
clientèles, des enfants aux personnes âgées, en passant par les ados et les parents.
Je saisis l'occasion pour souligner la
campagne Faire un pas, encourageant les gens à raconter leur histoire et aller
chercher de l'aide lorsque nécessaire,
campagne lancée par l'Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux
et familiaux du Québec. Je remercie les travailleuses et travailleurs
sociaux du Québec, qui réalisent un travail essentiel méritant d'être souligné, applaudi et valorisé. Profitons de cette
semaine pour saluer leur contribution et leur engagement.
Le Vice-Président (M. Gendron) : Merci, M. le député de Rosemont. Je cède
maintenant la parole à M. le député de Sherbrooke pour sa déclaration
d'aujourd'hui. M. le député, à vous.
Rendre hommage à Mme Thérèse Lecomte pour son
apport dans le développement culturel de l'Estrie
et offrir des condoléances à ses proches
M. Luc Fortin
M.
Fortin (Sherbrooke) : Merci beaucoup, M. le Président. Permettez-moi aujourd'hui de rendre hommage
à une Sherbrookoise d'exception, Mme Thérèse Lecomte, décédée le
3 mars dernier à l'âge de 98 ans.
Passionnée de
culture, Mme Lecomte s'engage dès 1940 pour la diffusion des arts à Sherbrooke.
Au fil des années, de très nombreux jeunes
Sherbrookois ont fréquenté son atelier pour y apprendre la peinture, la
sculpture et le dessin. Mme Lecomte
participe en 1960 à la création de l'Association pour l'avancement des arts et,
plus tard, en 1964, à la fondation
d'une galerie d'art mieux connue aujourd'hui sous le nom de Centre culturel de l'Université de
Sherbrooke. Sans
Mme Lecomte, l'espace culturel de Sherbrooke ne serait pas aussi dynamique et accessible qu'il
ne l'est aujourd'hui, c'est pourquoi je tiens à saluer son
dévouement pour la culture de notre région.
En
terminant, M. le Président, j'aimerais également profiter de ce
moment pour offrir toutes mes condoléances à ses proches. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Gendron) : Merci pour votre déclaration. Je cède maintenant
la parole à M. le député de Chutes-de-la-Chaudière
pour sa déclaration. Allez, M. le député.
Souligner le succès des Jeux provinciaux d'hiver
d'Olympiques spéciaux Québec tenus à Lévis
M. Marc Picard
M.
Picard : Merci, M. le Président. La ville de Lévis a accueilli, du 6 au
8 mars derniers, les Jeux provinciaux d'hiver des Olympiques spéciaux
Québec. Plus de 500 athlètes vivant avec une déficience intellectuelle et
provenant de plusieurs régions du Québec ont participé à différentes
disciplines qui mettent en évidence leur savoir-faire, leur courage et leur détermination. Cet événement sportif
a pour objectif de mettre en valeur le sport et l'activité physique dans
une optique d'inclusion et de valorisation des personnes avec une déficience intellectuelle. Aussi, ces jeux
représentent, pour plusieurs athlètes, un tremplin vers d'autres compétitions
d'envergure nationale et internationale.
Un
tel événement est rendu possible grâce au travail exceptionnel des
organisateurs, à la générosité des partenaires et au dévouement des
bénévoles. À cet égard, je tiens à remercier la ville de Lévis ainsi que
M. Jacques Tanguay, président de la
corporation responsable de l'organisation des jeux, d'avoir mis tout en oeuvre pour que ces
jeux soient une expérience sportive mémorable pour tous les
participants. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M.
Gendron) : On vous remercie pour votre déclaration. Je cède maintenant
la parole à M. le député de Marquette pour sa déclaration d'aujourd'hui. M. le
député, allez pour votre déclaration.
Souligner le 100e anniversaire des Chevaliers de
Colomb du conseil de Lachine no : 1776
M. François Ouimet
M.
Ouimet
(Marquette) : Alors, merci, M. le Président. Samedi dernier, plus de 300 personnes
étaient rassemblées pour célébrer le
100e anniversaire de fondation du conseil Lachine 1776 de l'ordre des Chevaliers
de Colomb. J'y étais. J'étais fier, comme député, d'entendre les témoignages
d'appréciation pour l'oeuvre colossale accomplie depuis sa fondation en 1915.
Cet
organisme, dont la mission est axée sur la charité et la fraternité, compte aujourd'hui plus de 600 membres. Le
conseil poursuit toujours les mêmes objectifs : d'apporter secours en
cas de désastre, de diriger et de promouvoir des oeuvres éducatives, charitables et sociales. Il y a
plus de 90 000 membres au
Québec, et beaucoup d'entre eux sont prêts à mettre la main à la pâte
pour aider leur prochain.
Au nom de tous les
citoyens et citoyennes de Lachine, je souhaite remercier tous ceux et celles
qui, année après année, depuis 100 ans,
poursuivent leur engagement dans la mission des Chevaliers de Colomb. Longue
vie au conseil Lachine 1776!
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, merci, M. le député de Marquette. Je cède maintenant la parole à M. le
député de Vanier-Les Rivières pour sa déclaration d'aujourd'hui. M. le député,
à vous la parole.
Rendre
Hommage à Mme Josée Bédard, lauréate
du prix Engagement social Fernand-Dufour
M. Patrick Huot
M.
Huot : Merci, M. le Président. Je prends la parole, aujourd'hui, pour rendre hommage à Mme Josée Bédard, lauréate du prix Engagement social Fernand-Dufour 2015, le prix de la circonscription de Vanier-Les Rivières. Mme Bédard est une preuve vivante de la grandeur d'âme de certaines personnes dans
notre société. Ayant elle-même vécu à travers des difficultés physiques
dans son enfance, étant elle-même une proche aidante pour deux membres de sa
famille immédiate, elle réussit à trouver, à travers ses épreuves personnelles,
beaucoup de temps pour aider les autres.
Elle fait du
bénévolat depuis 1990 auprès de différents organismes, bénévole à La Résidence
des Nobles auprès des personnes âgées, à l'IRDPQ auprès des personnes
accidentées, à La Butineuse de Vanier auprès des enfants, à la Fraternité Ste-Marie, aux Petits Frères et au
Centre de parrainage civique de Québec. C'est d'ailleurs un jury indépendant de personnalités de Vanier-Les Rivières qui lui a
accordé cette distinction. J'ai ainsi remis à Mme Bédard le prix Engagement
social Fernand-Dufour 2015 le 25 février dernier, lors d'une soirée qui a
rassemblé, dans ma circonscription, à
l'école Notre-Dame-du-Canada de Vanier, plus de 300 personnes liées à quelque
70 organismes. Félicitations, donc, à Mme Bédard! Vous représentez,
en tous points, l'amour et le don de soi. Merci.
Le Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, on vous remercie, M. le député, pour votre déclaration.
Et cette dernière déclaration met fin à la
rubrique Déclarations de députés. Et les travaux sont suspendus pour quelques
instants.
(Suspension de la séance à 9 h 59)
(Reprise à 10 h 16)
Le Président : Mesdames
messieurs, nous allons nous recueillir quelques instants.
Présence de l'ambassadeur des États-Unis du Mexique,
M. Francisco Suárez Dávila, et du consul général à
Montréal, M. Francisco Eduardo Del Río López
Merci, veuillez vous asseoir, ou presque, car
j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes de l'ambassadeur des
États-Unis du Mexique, M. Francisco Suárez Dávila. M. Suárez Dávila
est ici à l'occasion de sa visite
officielle. M. l'ambassadeur est accompagné du consul général de Montréal,
M. Francisco Eduardo Del Río López. Messieurs, vous aurez constaté
que votre drapeau flotte sur les mâts de l'Assemblée nationale.
Nous
poursuivons les affaires courantes. Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations
ministérielles ni présentation de projets de loi.
Dépôt de documents
À la rubrique Dépôt de documents, Mme la
ministre des Relations internationales et de la Francophonie.
Entente en matière de sécurité sociale entre les
gouvernements
du Québec et de la Roumanie, et note explicative
Mme
St-Pierre : Merci,
M. le Président. En vertu de l'article 22.2 de la Loi sur le ministère des
Relations internationales, je dépose, à
titre de document, l'engagement international important suivant ainsi qu'une
note explicative sur le contenu et
les effets de l'engagement : L'Entente en matière de sécurité sociale
entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de la Roumanie,
signée à Québec le 19 novembre 2013.
Le Président : Alors, je vous
avise qu'en vertu de l'article 22.3 de la Loi du ministère des Relations
internationales la motion est présentée, mais ne pourra être débattue avant 10
jours.
Dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.
Une voix : ...
Le
Président : Vous avez
une motion, je pense, hein? Vous avez une motion. Vous avez une motion. Vous
avez raison.
Une voix : ...
Le Président : Tout à fait.
Alors, Mme la ministre, je vais écouter votre motion.
Motion proposant d'approuver
l'entente
Mme
St-Pierre : M. le
Président, en vertu de l'article
22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales, je fais
motion pour que l'Assemblée nationale étudie, dans le délai prescrit par
la loi et en vue de son approbation, l'engagement international important que
je viens de déposer, à savoir l'Entente en matière de sécurité sociale
entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de la Roumanie, signée à
Québec, le 19 novembre 2013.
Le Président : Adoptée?
Une voix : ...
Le Président : Alors, M. le
leader du gouvernement, au dépôt de documents.
Réponses à des pétitions et à des
questions inscrites au feuilleton
M.
Fournier : Il me fait plaisir de déposer les réponses du
gouvernement aux pétitions présentées par le député de Marie-Victorin le 11 février 2015, par la
députée de Joliette le 19 février 2015, de même que les réponses du
gouvernement aux questions inscrites
au feuilleton, le 24 février 2015, par le député de Chauveau et adressées à la
ministre de la Sécurité publique; le 17 mars 2015, par la députée de
Taschereau et adressée au premier ministre.
Lettre de l'ambassadeur d'Arabie Saoudite à Ottawa et
déclaration officielle du ministère saoudien des Affaires
étrangères au sujet de M. Raif Badawi
Le Président :
Ces documents sont déposés. Pour ma part, je dépose une lettre que m'a adressée
l'ambassadeur d'Arabie Saoudite à
Ottawa, accompagnée de la déclaration officielle du ministère saoudien des
Affaires étrangères au sujet de l'affaire Raif Badawi.
Dépôt de rapports de commissions
À la rubrique
Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la Commission des
transports et de l'environnement et député d'Orford.
Consultations particulières sur le projet de loi
n° 32
M.
Reid :
Merci, M. le Président. Je dépose le rapport de la Commission des transports et
de l'environnement qui, les 23 et 24
mars 2015, a tenu des auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi concernant des mesures de compensation pour la
réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique afin d'en
prolonger l'application.
• (10 h 20) •
Le Président : Alors, le
rapport est déposé.
Il n'y a pas de dépôt de pétitions ni de réponses orales aux pétitions
Interventions portant
sur une violation de droit ou de privilège
Réponse de la ministre déléguée à la Réadaptation, à la
Protection de la jeunesse et à la Santé publique au
sujet de l'entente Canada-Québec sur l'itinérance
À la rubrique
Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait
personnel, j'ai reçu ici... Je vous
avise que j'ai reçu dans les délais prescrits une demande d'intervention
portant sur une violation de droit ou de privilège de M. le député de
Rosemont.
Dans son avis, le député allègue que la ministre
déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique aurait commis un outrage au
Parlement, et il soutient que la ministre aurait induit sciemment la Chambre
en erreur relativement à une réponse qu'elle
a donnée lors de la période de questions et de réponses orales du 18 mars
dernier concernant l'entente Canada-Québec sur l'itinérance.
Le député de
Rosemont indique dans son avis que l'entente Canada-Québec sur l'itinérance
prévoit des pourcentages de sommes
qui doivent être dépensées pour des projets s'inscrivant dans le Logement
d'abord. Lorsque la ministre a
répondu à la question qui lui a été posée sur ce sujet le 18 mars dernier, elle
a répondu qu'il n'y avait aucun pourcentage dans l'entente. Selon lui,
cela constituerait un outrage au Parlement.
Le député de
Rosemont réfère également dans son avis à la jurisprudence élaborée à la Chambre des communes concernant le fait
d'avoir fait des déclarations contradictoires devant l'Assemblée, ce qui
pourrait également donner ouverture à une question de violation de droit ou de
privilège fondée à première vue.
Décision
de la présidence sur la recevabilité
Je suis prêt à rendre
ma décision à ce sujet immédiatement. Comme vous le savez, en matière d'outrage
au Parlement, dans un cas où on soutient
qu'un député a induit sciemment la Chambre en erreur — et je l'ai déjà indiqué dans une décision rendue en septembre 2011, et je
cite... bien, je me cite — «il faut démontrer le caractère intentionnel de l'acte pour que la présidence puisse conclure
qu'un député a sciemment induit la Chambre en erreur. La jurisprudence parlementaire a toujours rappelé le principe
fondamental prévu au paragraphe 6° de l'article 35 de notre règlement selon
lequel on doit toujours accepter la parole
d'un député. Cette présomption en faveur d'un député ne peut être renversée
que si celui-ci, lors d'une intervention,
induit l'Assemblée en erreur et, par la suite, reconnaît l'avoir délibérément
trompée, commettant ainsi un outrage au Parlement.» Fin de la citation.
À
ce sujet, le député de Rosemont allègue que la ministre aurait induit sciemment
la Chambre en erreur, car la réponse
qu'elle a donnée ne concorderait pas avec le contenu de l'entente Canada-Québec
sur l'itinérance rendue publique le
19 mars. Elle aurait, selon lui, donné deux versions contradictoires des mêmes
faits. Or, dans le cas qui m'est soumis ce matin, rien ne permet de conclure que la ministre a reconnu avoir délibérément
induit la Chambre en erreur par une déclaration à l'Assemblée. De plus, même en
s'inspirant de l'interprétation donnée par la présidence de la Chambre
des communes, rien ne permettrait de conclure que la ministre a donné deux
versions contradictoires des mêmes faits.
Il
faut bien comprendre que, lorsque la présidence analyse la recevabilité d'une
question d'outrage au Parlement, les
faits qui lui sont soumis doivent être probants à leur face même. Lorsqu'il est
question de versions contradictoires, il faut que le même député qui s'exprime sur un sujet en soit arrivé à
donner deux versions qui se contredisent, alors qu'ici il s'agit plutôt d'une interprétation différente
d'une situation qui est donnée par deux députés. Je déclare donc la demande
irrecevable. M. le député de Rosemont.
M.
Lisée : M. le Président, j'accepte votre décision. Bien sûr,
elle est finale, et je comprends de la jurisprudence que vous citez que, pour que la demande d'outrage
soit recevable, il aurait fallu que la ministre admette avoir erré dans sa
déclaration précédente et que donc, si
devant cette Assemblée on admet une erreur, on se rend vulnérable à une
procédure en outrage, ce qui est un
peu bizarre. Je ne remets pas le règlement en question, mais je me dis que, si
un député, un ministre, a l'attitude
respectueuse de dire : J'ai erré, je corrige le tir, ça devrait terminer
la discussion. Mais ce n'est pas le cas. Je comprends cette
jurisprudence. Et ce que vous nous dites, c'est que, si elle a dit blanc en
Chambre et si un document qu'elle dépose dit noir, ce n'est pas suffisant pour
dire qu'elle s'est contredite.
Alors,
M. le Président, ce que j'offre aujourd'hui à la ministre, c'est, si elle
accepte, de son siège, de corriger le tir et de donner une nouvelle
lumière à sa déclaration, l'opposition officielle ne déposera pas de nouvelle
procédure en outrage et va accepter la parole de la ministre.
Des voix :
...
Le Président :
S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.
M. Fournier :
Vous aurez remarqué que j'ai laissé notre collègue revenir sur la décision. Il
a dit qu'il ne la remettait pas en question,
mais il en a discuté, et je ne lui enlève pas le droit de discuter et de
contextualiser les décisions prises
par la présidence. J'anticipe que l'opposition assurera toujours le même
traitement lorsque ce sera la réaction de la partie gouvernementale.
J'ai noté la semaine dernière que ce fut un traitement différent.
Ceci
étant, M. le Président, je constate de ce qu'a dit notre collègue qu'il reprend
ou reformule votre décision, veut
conserver une interprétation qui ne colle pas à l'interprétation et même aux
mots prononcés par la collègue. Il a eu l'occasion hier de le soulever à la période de questions, il peut le
resoulever. Ce n'est pas en nous annonçant que, si on n'est pas satisfait, du côté de l'opposition, on
va considérer ça comme un outrage que nous allons donc nous conformer à une conduite qu'il souhaite. Nous allons
continuer, M. le Président, d'écouter les questions, nous allons espérer qu'ils
écoutent les réponses et nous allons nous comporter de manière à ce que les
Québécois aient le gouvernement le plus transparent et le plus attardé à ce que
le Québec progresse bien pour les Québécois.
Le
Président : Je vous remercie, tout le monde, là, mais... Je vous remercie, tout le monde, sauf que la décision que je
viens de rendre est une décision qui est basée sur l'état
actuel de notre jurisprudence. Et, ceci étant dit, elle est claire, vous
pourrez toujours la relire. Vous allez avoir du temps en masse pour la lire
dans les journées qui viennent.
Questions et réponses orales
Mais,
en ce qui me concerne, nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales. Et je
cède la parole à M. le chef de l'opposition officielle.
Accès aux services
d'interruption volontaire de grossesse
M. Stéphane Bédard
M.
Bédard :
M. le Président, nous connaissions la propension du ministre de la Santé à
s'ingérer en tout en santé. Il s'est
mis au centre du système en tassant le patient, évidemment. Il intervient même,
vous le savez, au niveau des chefs de département de certains
établissements.
Dans
ce cas-ci, il a fait tout un faux pas, M. le Président : il a décidé de
s'ingérer dans les avortements en imposant des quotas dans un projet de
règlement, ce que lui a appelé un document de travail, M. le Président, et qui
émane du ministère, un simple document de
travail, évidemment, du ministère. Et quelle réaction il a eue ce matin, suite
à cette... à la dénonciation des
différents groupes? Il a dit tout d'abord que l'article était faux, du Devoir,
c'est ce que j'ai entendu, ce
n'était pas vrai; que la dame, Mme Anne-Marie Messier, était simplement
une directrice de centre qui ne faisait que défendre sa clinique, pas
les patients, pas les femmes du Québec. Lui défend les patients, mais pas cette
dame.
La proposition du ministère, elle est grave. Elle attaque le droit des femmes
à disposer d'elles-mêmes, un droit qui a
été acquis de longue lutte. Ce qu'on s'attend du premier ministre aujourd'hui, c'est qu'il fasse ce qu'il n'a pas fait dans une première étape, c'est consulter ces gens-là.
Pas deux, trois personnes que le ministre connaît, là, des gens qui ont passé leur
vie justement à s'occuper et à travailler avec les femmes au niveau du
planning.
Ce que je demande au premier ministre, c'est de
faire un bon pas, de dire qu'il va retirer toute mention de quota ou de maximum pour les médecins, qu'il va
revoir le travail du ministre de la
Santé pour s'assurer que le droit des
femmes ne soit pas attaqué, M. le Président.
Le Président : M. le
ministre.
M. Philippe Couillard
M.
Couillard : M. le Président, je remercie mon collègue pour sa question puis je voudrais affirmer très clairement qu'il est hors de question de reculer sur ce grand consensus québécois
qui vise à donner aux femmes un accès non
seulement gratuit, mais le plus libre possible, bien sûr, à
l'interruption de grossesse. Il n'est pas question de changer ça. On n'a absolument
aucune modification, de notre côté en tout cas, dans cette question très, très
importante.
Cependant,
je trouve qu'il pousse l'interprétation un peu trop loin.
Notre collègue aura l'occasion de préciser les éléments du règlement et ceux qui ont été
discutés pour leur véritable sens. Il
s'agit non pas de limiter, mais, au
contraire, d'augmenter l'accès aux
services, ce qui inclut les services d'interruption de grossesse. Alors, le gouvernement n'a aucune intention, directement ou indirectement, de restreindre l'accès libre et gratuit des
femmes à l'interruption de grossesse.
Le Président : Première
complémentaire, M. le chef de l'opposition.
M. Stéphane Bédard
M.
Bédard :
Moi, je crois le premier ministre. Le problème c'est que tout le monde ne le
croit pas, ne croit pas son ministre.
J'ai une lettre signée par des dizaines de femmes et d'hommes qui travaillent
soit dans les cliniques ou dans le
planning, dans l'avortement, et ils constatent que le projet de règlement va
avoir un impact direct sur l'accès des femmes à l'avortement.
Donc, ce que
je demande seulement au premier ministre, c'est de refaire le travail, qu'il
prenne l'engagement de revoir le règlement à la lumière des
recommandations des femmes et des hommes qui travaillent dans le domaine...
Le Président : M. le premier
ministre.
M. Philippe Couillard
M. Couillard : M. le Président, bien
sûr, ce règlement fera l'objet de dépôt, de consultations, les gens auront l'occasion de faire des remarques. Mais je veux
quand même répéter ce que je viens de dire, et je pense qu'il faut que ça soit bien compris, qu'il n'est absolument pas
question de limiter de quelque façon que ce soit, directement ou indirectement,
l'accès des femmes du Québec à
l'interruption de grossesse. Il a eu raison de dire que c'est le résultat de
longues batailles, c'est un acquis de notre société sur lequel nous
n'entendons absolument pas revenir.
Maintenant,
encore une fois, je pense qu'il prend quelques raccourcis en ce qui a trait au règlement
lui-même et sa véritable implication
sur l'accès aux services. Je rappelle que ce règlement se trouve dans le
contexte plus large d'une loi qui vise précisément à augmenter l'accès
aux services médicaux des Québécois et des Québécoises.
• (10 h 30) •
Le Président : En terminant.
Deuxième complémentaire, M. le chef de l'opposition.
M. Stéphane Bédard
M.
Bédard : Le premier
ministre ne peut pas dire cela, le projet de règlement n'a pas cet effet-là.
C'est des dizaines de femmes qui sont dans
le domaine, qui ont des cliniques, qui disent qu'il va arriver exactement
le contraire. Alors, le constat,
c'est que le projet de règlement, le document de travail va à l'encontre du
droit des femmes. Donc, à partir de
là, on fait un constat, il y a le ministre
de la Santé qui dit une chose et il y a toutes ces femmes et hommes qui
travaillent dans le milieu qui disent le contraire.
Ce qu'on
demande, tout simplement, c'est qu'on retire les quotas, qu'il dise
spécifiquement qu'il va retirer toute référence à des quotas sur les
avortements au Québec, M. le Président.
Le Président : M. le premier
ministre.
M. Philippe Couillard
M.
Couillard : M. le Président,
est-ce qu'il faut vraiment que je répète pour une troisième fois que le
gouvernement n'a aucune intention,
directement ou indirectement, de limiter l'accès aux services d'interruption de
grossesse? Je pense avoir été très clair.
Maintenant,
il s'agit, comme il dit, d'un projet de règlement. Il y aura dépôt éventuel
après l'adoption éventuelle de cette
loi, M. le Président — je suis prudent — on pourra, bien sûr, avoir des échanges
là-dessus. Mais ce qu'on veut faire,
M. le Président, c'est faire en sorte que les médecins qui ont déjà des
pratiques — les
médecins omnipraticiens — des pratiques
spécialisées dans des domaines comme l'interruption de grossesse ou les soins
de fin de vie continuent de le faire
de façon non obstruée et non interrompue, bien sûr, et qu'il est, bien sûr,
normal que les médecins en pratique également voient des patients, et les suivent, et donnent accès à leurs services.
Il n'est pas question, M. le Président, encore une fois, de limiter
l'accès à l'interruption de grossesse.
Le Président : Troisième
complémentaire, M. le chef de l'opposition.
M. Stéphane Bédard
M.
Bédard :
Je pense que les gens ont compris que, parfois, le gouvernement est spécialiste
dans l'art de dire une chose et faire
son contraire. Dans ce cas-ci, le premier ministre semble plus préoccupé par
l'idée de sauver la face de son
ministre que de s'occuper du droit des femmes à un accès libre à l'avortement.
Ce qu'on souhaite... Et je ne suis pas
seul, il y a des dizaines de femmes et d'hommes au Québec qui demandent la même
chose et qui n'ont pas été consultés, pas dans une réflexion du
ministre, dans un document émanant du ministère de la Santé...
Je demande l'engagement du premier ministre
d'enlever toute référence à des quotas dans le projet...
Le Président : M. le premier
ministre.
M. Philippe Couillard
M.
Couillard : M. le Président,
on demeure déterminés à faire en sorte que les Québécois et Québécoises aient
un meilleur accès aux soins médicaux, notamment aux soins de médecins de
famille. Il y a des données qui montrent clairement qu'on a de la capacité de
services médicaux qui est non utilisée.
Mais je vais répéter une quatrième ou une
cinquième fois, M. le Président, que le gouvernement n'a aucune intention,
directement ou indirectement, de limiter l'accès aux services d'interruption de
grossesse.
Le Président : Principale,
Mme la députée de Taillon.
Impact des décisions du gouvernement
sur les conditions de vie des femmes
Mme Diane Lamarre
Mme
Lamarre : M. le Président, le ministre a reculé, il a reconnu que
c'était déraisonnable de rendre illégale la fécondation in vitro chez les femmes de plus de 42 ans. Il s'est
rendu à nos arguments et à ceux des experts, mais il a aussi choisi d'imposer trois ans de relations
sexuelles préalables au lieu d'un an ou deux ans, comme d'autres experts le
disent. Et aujourd'hui, dans l'interruption
volontaire de grossesse, il doit faire des acrobaties pour clarifier le
contraire de ce que ses règlements
annoncent. En plus de retirer la FIV
du panier de services couvert par la RAMQ, le ministre limite l'accès au crédit d'impôt qu'il met en
place pour soutenir les couples infertiles. Il exige que les couples n'aient
aucun enfant pour pouvoir simplement
avoir accès à un crédit d'impôt. Par
exemple, si un des membres du couple
a eu un enfant d'une union précédente, son nouveau couple est
exclusivement et automatiquement exclu.
Le ministre
va-t-il reculer sur cette mesure et donner accès à un soutien financier aux
couples infertiles qui souhaitent avoir un deuxième enfant?
Le Président : M. le ministre
de la Santé.
M. Gaétan Barrette
M.
Barrette : M. le Président, je vois qu'il y a une parenté entre le Parti québécois et ceux qui écrivent des articles en première page du Devoir, pour ce qui est de l'imprécision des informations. Je n'ai, évidemment, jamais annoncé que je reculais sur quoi que ce soit et j'ai dit ici, en Chambre, M. le Président, qu'il y avait des commissions
parlementaires qui servaient à
entendre les experts nous faire des recommandations, et que les recommandations seraient
entendues, et que, s'il devait y
avoir des amendements, ces amendements-là seraient proposés, débattus et éventuellement adoptés. Alors, il est faux, M. le Président, de dire que j'ai
reculé sur quoi que ce soit. J'écoute, je réfléchis et j'agis après.
Ceci dit, M. le Président, la députée de Taillon revient encore aujourd'hui sur les délais
d'attente avant d'avoir accès à la
procédure lorsqu'il y a une démonstration qu'il n'y a pas de problèmes
médicaux. Encore hier, la députée de Taillon
n'a pas entendu le centre de procréation médicalement assistée qui a la plus
grande histoire au Québec, presque 30 ans, McGill, qui est venu nous
expliquer que c'était nécessaire d'avoir cette balise-là, M. le Président, et,
encore aujourd'hui, dans son intervention, elle en fait fi.
Est-ce que c'est la caractéristique
du Parti québécois de nier les évidences? Probablement que c'est oui.
Le Président :
Première complémentaire, Mme la députée de Taillon.
Mme Diane Lamarre
Mme
Lamarre : M. le Président, le Québec a besoin d'enfants, et aujourd'hui les couples sont prêts à avoir des enfants beaucoup plus tard dans leur vie. Et ça aussi, les experts
nous le démontrent avec des tableaux très éloquents, ils sont moins fertiles après ces années-là. Il y a quand même
2,7 % des enfants qui naissent
au Québec et qui proviennent de la fécondation in vitro.
2,7 %, c'est significatif. On voulait des balises, mais pas de
l'obstruction.
Le
ministre peut-il s'engager aujourd'hui à reculer sur cette barrière et
permettre aux couples qui souhaitent un deuxième enfant d'y avoir accès?
Le Président :
M. le ministre de la Santé.
M. Gaétan Barrette
M. Barrette :
M. le Président, je vais répéter ce que je viens de dire, alors... Et, je l'ai
déjà dit dans une autre période de
questions, ici, c'est le salon bleu, où on a des débats, mais la commission
parlementaire doit faire son travail, et
ce travail-là ne peut pas se faire simultanément ici et en commission... Ce
n'est pas une question de reddition de comptes, M. le Président, c'est une
question de procédure. Je le sais que les procédures, c'est un terme qui est
difficile à comprendre pour certaines
organisations politiques, M. le Président, mais il n'en reste pas moins que...
D'ailleurs, il y a quelques instants,
M. le Président, un député faisait référence à de l'outrage au tribunal, et ça,
c'était une question de respect de procédure. Je vois que c'est à
géométrie variable au PQ, M. le Président.
Le Président :
Complémentaire, Mme la députée de Maisonneuve... Hochelaga.
Mme Carole Poirier
Mme
Poirier : Y a-t-il une ministre responsable de la Condition
féminine au Conseil des ministres? Moins de places en CPE, augmentation
des tarifs, sous-financement des groupes communautaires pour les femmes
victimes de violence, immigrantes,
itinérantes, coupes dans les programmes favorisant l'égalité, dans les mesures
contre l'exploitation sexuelle, dans
le système de santé, retrait des sages-femmes des CISSS, restriction de la
procréation assistée et maintenant restrictions dans l'IVG et le
planning.
Quelle est la
prochaine attaque envers les femmes que vous allez laisser passer, Mme la
ministre?
Le Président :
M. le leader du gouvernement, je...
M. Fournier : Je vais laisser... Il y aura une réponse, évidemment,
mais juste une... Est-ce que c'est une question principale? Je ne vous ai pas entendu le dire, mais ce n'est
certainement pas une complémentaire, il n'y a pas de lien avec la
première question.
Le
Président : Je me suis informé sur la question que vous venez
de me poser et je me suis fait dire que c'était une question complémentaire. Et je pense que le fil qui retient ce
débat-là est sur... Enfin, entre vous et moi, là, on élargit beaucoup le
sujet, mais je vais l'accepter et je vais demander à quelqu'un d'y répondre.
Oui, M. le leader.
M. Fournier :
En tout respect pour la décision que vous venez de prendre, vous acceptez
qu'elle soit élargie, mais que... Est-ce que
ce sera une ligne de conduite pour l'avenir, que les additionnelles pourront
toujours être beaucoup plus longues? Je cherche juste à avoir des
précisions sur...
Le
Président : Oui, je comprends. Je vais essayer de ne pas étirer
la sauce moi-même et permettre à quelqu'un de pouvoir y répondre. Ceci étant dit, évidemment, la volonté générale,
là, nos questions complémentaires doivent être complémentaires à la
question initiale.
Maintenant, est-ce
que quelqu'un veut y répondre? Mme la ministre responsable de la Condition
féminine.
Mme Stéphanie Vallée
Mme
Vallée : M. le Président, je tiens à rassurer ma collègue, il y
a une ministre responsable de la Condition féminine dans ce gouvernement, et, justement, c'est un
gouvernement responsable, qui veille à la bonne santé des finances publiques
afin de pouvoir continuer de soutenir les mesures...
Des voix : ...
Le Président :
S'il vous plaît! S'il vous plaît! La question a été bien posée. J'ai même avisé
qu'elle était un peu élargie. Au moins, ayez la décence de bien écouter la
réponse. Madame.
Mme Vallée :
Un gouvernement responsable, M. le Président, c'est ce que nous sommes, et
équilibrer les finances publiques est
nécessaire pour pouvoir maintenir le filet social qui est cher aux Québécois et
aux Québécoises. Et, M. le Président, je prends mes responsabilités à
coeur, et la collègue n'a pas de leçons à me faire.
• (10 h 40) •
Le Président : Principale, M.
le chef du deuxième groupe d'opposition.
Écart de richesse entre le Québec et ses voisins
M. François Legault
M. Legault :
M. le Président, depuis le départ de Robert Bourassa du Parti libéral, on n'a
pas connu de chef au Parti libéral qui se passionne pour le
développement économique. Se passionner pour le développement économique, M. le Président, ce n'est pas seulement un slogan
pendant une campagne électorale. Se passionner pour le développement économique, c'est de faire une obsession, d'être
capable de se dire à chaque mois : Combien j'ai eu d'investissements
privés? Combien j'ai eu d'emplois de
qualité? Se passionner pour l'économie du Québec, M. le Président, c'est de
refuser que le Québec continue de recevoir 9,5 milliards de
péréquation parce que le Québec est plus pauvre que les autres provinces, qu'il est de plus en plus dépendant de
cette péréquation. M. le Président, hier, le premier ministre a été incapable
trois fois de répondre à ma question :
Quel est son objectif d'ici 2018 pour réduire l'écart de richesse de 15 %
entre le Québec et l'Ontario? Pas de
plan, même pas d'objectif. Aujourd'hui, je vais essayer. Peut-être que le
premier ministre n'est pas bon avec les écarts, peut-être qu'il est
meilleur avec les classements.
Donc, aujourd'hui, je vais lui dire, quand on
regarde les 10 provinces canadiennes, les 50 États américains, le Québec est
57e sur 60 États pour son PIB par habitant. Que vise-t-il pour 2018?
Le Président : M. le premier
ministre.
M. Philippe Couillard
M.
Couillard : M. le Président,
je suis toujours à la recherche de la première idée de notre collègue en ce qui
a trait au développement économique
et à la création d'emplois. Tout ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, c'est
des prises de position qui visent à
fermer les régions du Québec. Nous, on n'est pas dans cette direction-là, on
intervient sur tout le territoire du Québec.
Je vais lui redire ce que je lui ai dit hier.
Oui, bien sûr, on va faire en sorte que ces écarts se réduisent, mais en y
allant de façon méthodique, de façon
rationnelle. Puis je pense que les citoyens et les citoyennes comprennent très
bien que cette question-là a plusieurs aspects. Il faut parler de démographie,
il faut parler de formation, il faut parler de productivité, il faut parler de fiscalité, il faut parler de fardeaux
réglementaire et fiscal, d'où l'importance de débattre du rapport de la commission Godbout. Alors, oui, M.
le Président, on est dans cette direction-là et on va y arriver. D'ailleurs,
il y a des signes encourageants, quand même
50 000 emplois... près de 52 000 emplois au net créés depuis notre
arrivée au gouvernement. Je sais bien
que ce n'est pas important pour le collègue, mais ça me semble être un bon
signe, de même que les chiffres de
croissance économique qui sont révisés à la hausse par beaucoup d'institutions
financières, de même que les
livraisons manufacturières qui augmentent au Québec, alors qu'elles diminuent
ailleurs, de même que la longue liste
d'annonces de création d'emplois qu'on a faite en région, M. le Président.
Alors, je lui suggère de bien écouter, de bien lire, de bien regarder.
Et je lui demande, encore une fois, de nous présenter une idée.
Le Président : Première
complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
M. François Legault
M. Legault :
M. le Président, on a un premier ministre qui se satisfait de peu. Il est
content de dire qu'on n'a créé aucun
emploi à temps plein depuis qu'il est là, il est content de nous dire que le
Québec marche, alors que nos voisins courent.
Je répète ma
question. Actuellement, le Québec est 57e sur 60 États pour son PIB par
habitant. Que vise-t-il pour 2018? Est-ce qu'il vise à ce qu'on reste
57e? Sinon, quel rang vise-t-il?
Le Président : M. le premier
ministre.
M. Philippe Couillard
M.
Couillard : M. le Président,
je répète qu'on va faire en sorte que cet écart se réduise à chaque année. Et
d'ailleurs je lui ai remis un
graphique l'autre jour qu'il a oublié, perdu, égaré, pas lu, qui montre qu'en
fait par rapport à l'Ontario la croissance
du PIB par habitant est plus élevée depuis quelques années au Québec qu'en
Ontario. Il le sait très bien, mais il oublie de le rappeler à la
population.
D'autre part, lorsqu'il parle des
emplois à temps partiel qui ont été créés, on veut, bien sûr, qu'il y ait des
emplois à temps plein qui s'ajoutent,
il dit aux personnes qui nous écoutent : Si vous avez de l'emploi... à
temps plein souvent par votre propre
choix, bien, vous n'êtes pas bons. Votre emploi, il n'est pas de qualité. Vous
ne valez même pas la peine d'être
comptés. Nous, on dit, M. le Président : Un emploi qui existe, c'est un
bon emploi. On va continuer à créer de l'emploi. On veut qu'il y ait plus
d'emplois à temps plein, puis on veut qu'il y en ait en région, notamment en
Gaspésie. Puis il n'aime pas les Gaspésiens, on le sait, M. le
Président.
Le Président :
Deuxième complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
M. François Legault
M.
Legault : M. le Président, la Banque Royale vient de sortir une étude pour dire que cette année,
en 2015, la croissance économique
va être de 3,3 % en Ontario,
seulement 2 % au Québec. C'est l'avenir des jeunes, M. le Président.
Est-ce que nos jeunes vont avoir des défis au Québec? Est-ce qu'ils vont
pouvoir faire leur vie professionnelle ici, au Québec?
Je
repose ma question. On est 57e sur 60. C'est quoi, son objectif pour 2018?
Quand va-t-il avoir de l'ambition?
Le Président :
M. le premier ministre.
M. Philippe Couillard
M. Couillard : M. le Président, quand notre seule ambition exprimée en cette Chambre,
c'est de fermer les régions, on ne devrait pas donner de leçons sur
l'ambition, M. le Président.
Le Président :
M. le leader du deuxième groupe d'opposition.
M.
Bonnardel : M. le Président, question de règlement. Le
premier ministre prête des intentions. Si c'est ça, faire de la
politique autrement, d'être mesquin comme il le fait depuis quelques semaines...
Des voix :
...
Le Président :
M. le leader du...
Des voix :
...
Le
Président : S'il vous plaît! M. le leader du deuxième
groupe d'opposition, je vais vous
demander de retirer les propos que vous avez... À tout le moins...
Une voix :
...
Le Président :
Oui, oui, oui, absolument.
Une voix :
...
Le Président :
Bien, parfait. M. le premier ministre.
Une voix :
...
Le Président :
Pardon? Merci. M. le premier ministre.
M. Couillard : Alors, M. le Président, nous, on va continuer à faire en sorte que les
finances soient équilibrées à long terme, que la croissance économique
se rétablisse. On a plusieurs gestes concrets qui sont en cours et qui seront bientôt annoncés dans le budget. Je l'invite à
écouter le budget. Si je me souviens bien, lui-même disait, il n'y a pas
si longtemps, que c'est des finances publiques équilibrées que ça prend
pour relancer l'économie du Québec. Bien sûr, maintenant que ça arrive, ce n'est plus important.
Mais on va le répéter qu'on est très fiers, M. le Président, d'amener le
Québec aux portes de finances publiques équilibrées...
Le Président :
En terminant.
M.
Couillard : ...d'une prospérité partout, dans toutes les régions du Québec.
Le Président :
Principale, M. le député de Lévis.
Accès à l'avortement
M. François Paradis
M. Paradis (Lévis) : M. le Président,
jeudi dernier, le ministre de la Santé a finalement déposé la grille de pondération du travail des médecins, qui est au
coeur du projet de loi n° 20. Après analyse par plusieurs,
cette grille va engendrer une
bureaucratie monstre et des coûts majeurs pour l'État. Elle est aussi
difficilement applicable, ingérable et inéquitable.
Par exemple, si un médecin veut pratiquer plus
de 504 avortements par année, il pourra le faire, mais il sera pénalisé, son choix sera limité. C'est écrit juste
ici. Le ministre impose donc un quota qui aura des effets directs.
Or, le ministre de la Santé se défend ce matin en disant que son intention
n'est pas de limiter les avortements, que ce n'est pas son objectif. C'est vrai, mais ce qu'il ne considère pas, par contre,
c'est que les effets d'un tel quota vont se traduire par une limitation
de l'accès à l'avortement pour les femmes.
Est-ce que
le ministre de la Santé est conscient que les effets d'imposer des quotas
d'avortements aux médecins vont se
traduire par une limitation de l'accès? Prend-il au sérieux les inquiétudes de
groupes de femmes manifestées ce matin?
Le Président : M. le ministre
de la Santé.
M. Gaétan Barrette
M.
Barrette : M. le Président, je rappelle au député de Lévis que cet article-là, c'est écrit sans consultation de qui que ce soit au ministère, mais ça va me
faire plaisir de donner quelques éclaircissements au député et aux trois oppositions de notre
gouvernement.
Le projet de loi n° 20, M. le Président,
c'est un projet de loi qui augmente la capacité de services à la population — je répète, augmente — et, dans cette augmentation-là, M. le
Président, il y a une configuration qui inclut un volume d'IVG et de soins de planification des naissances.
L'augmentation par rapport à aujourd'hui, M. le Président, exige un accès qui soit plus grand par définition,
augmentation. En plus, M. le Président, quand on prend la peine de lire
le règlement et qu'on se rend à l'article
6 — je ne
sais pas si c'est possible — on constate, M. le Président, que le projet
de loi a prévu dans son règlement que la
direction régionale de médecine générale puisse reconnaître et laisser
continuer les gens qui en font leur spécialité, ce qui signifie que la
majorité des activités qui se font actuellement en clinique de planning
familial vont continuer telles quelles parce que, dans notre gouvernement, nous
ne reculerons jamais sur le droit des femmes à avoir accès...
Le Président : En terminant.
M. Barrette : ...aux avortements, M.
le Président.
Le Président : Première
complémentaire, M. le député de Lévis.
M. François Paradis
M. Paradis
(Lévis) : M. le Président, si la volonté du ministre de la Santé, en haussant le ton, est de vraiment garantir l'accès aux avortements — pas
le droit, l'accès aux avortements — il doit simplement retirer la
limite de 504 avortements imposée
injustement aux médecins, ceux qui veulent pratiquer à temps plein peuvent
pouvoir le faire librement et sans contrainte, sinon le résultat va être
une limitation de l'accès à l'avortement.
Le ministre
s'engage-t-il maintenant à retirer ce quota d'avortements du projet de loi n° 20? Ce n'est pas compliqué, ça peut se
faire.
Le Président : M. le ministre
de la Santé.
M. Gaétan Barrette
M.
Barrette : M. le Président, les anglophones et les Chinois, lorsqu'ils parlent du
français, ils disent : C'est une langue
complexe, et, manifestement, c'est le cas. Alors, M. le Président, le projet de règlement, il est très clair. La loi, M. le Président, augmente l'activité, l'accès, le volume, ça le fait. Et, dans cette
augmentation-là, M. le Président, il y a une proportion qui est prévue pour ces
activités de planification familiale. En plus, M. le Président, la majorité de
ces activités-là se font dans des cliniques
de planning familial, où actuellement, encore
une fois, la majorité se fait, et
pour lesquels on a prévu dans le règlement actuel, si on s'en donne la
peine, de le lire...
Le Président : En terminant.
M. Barrette : ...qu'il y aura une
exemption, à toutes fins utiles, de l'application de la loi. Ce n'est pas...
• (10 h 50) •
Le
Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Lévis.
M. François Paradis
M. Paradis (Lévis) : M. le Président, le ministre de la Santé parle d'exemption. Ce matin, il en a
parlé, mais il parle au conditionnel.
On lui demande d'être concret et de parler au présent. Ce n'est pas compliqué,
c'est aussi ça, la langue française.
Le
ministre semble être le seul à comprendre ses
orientations. Les quotas d'avortements ne sont pas la première décision du ministre de la Santé qui va
affecter les femmes et les jeunes couples, il va aussi interdire la fécondation in vitro pour les femmes
de 42 ans et plus et mettre fin au programme public de procréation
assistée.
Les
intentions du ministre ne sont pas limitées à l'avortement, il nous le
dit, mais les conséquences pourraient être réelles si le ministre refuse
de retirer cette limitation. Va-t-il la retirer?
Le Président :
M. le ministre de la Santé.
M. Gaétan Barrette
M.
Barrette : M. le Président, je suis content de donner raison, pour une fois, au député de Lévis,
ce n'est pas la seule chose dans le projet de loi n° 20 qui va toucher les jeunes femmes et les jeunes
couples. Il a raison, c'est tout le projet
de loi n° 20. Le projet
de loi n° 20, c'est pour donner
accès, justement, à ceux qui attendent, ceux que j'ai déjà dit
qu'ils attendent à moins 20° l'hiver pour avoir un rendez-vous chez le médecin de
famille et qui n'ont pas... C'est les femmes... Ceux qui ont été évoqués, M. le Président, par le Conseil du statut de
la femme, les ai-dan-tes naturelles de tous âges, c'est elles, c'est pour elles que le projet de loi a été
mis en place, M. le Président. Nous défendons l'intérêt des femmes du Québec,
définitivement, et en toutes circonstances.
Le Président :
M. le député de Chambly, en principale.
Respect du droit à l'éducation
pour les
étudiants des collèges et des universités
M. Jean-François Roberge
M.
Roberge : M. le Président, hier, j'ai demandé au ministre de
l'Enseignement supérieur de s'assurer à ce que le droit à l'éducation soit respecté au Québec parce qu'en ce moment,
sur nos campus, ce droit, il est brimé. Malgré les beaux discours théoriques, le ministre a été
incapable, hier, de s'engager à émettre une consigne écrite et claire. Ce matin,
bien, on voit le résultat :
l'Université Laval, plutôt que de prendre ses responsabilités, lance des
invitations cordiales, elle invite
les étudiants qui manifestent à respecter le choix de ceux qui veulent assister
à leurs cours. Elle invite aussi bien cordialement les enseignants à
déterminer s'ils peuvent, oui ou non, donner leurs cours.
Mais où est le
leadership? Le ministre prendra-t-il ses responsabilités et donnera-t-il par
écrit la consigne aux directions de sanctionner les étudiants perturbateurs et
de s'assurer, de s'assurer que les cours soient donnés dans de bonnes
conditions?
Le Président :
M. le ministre de l'Éducation.
M. François Blais
M. Blais :
Alors, merci pour la question. Tout d'abord, ce n'est pas le ministre qui
sanctionne les étudiants perturbateurs. Je
n'ai pas d'étudiants, là, sous ma responsabilité directe. Bien sûr, ce sont les
établissements d'enseignement, on va en convenir là-dessus.
J'ai
lu l'article, comme vous, ce matin. Effectivement, si ce qui est rapporté est
vrai, je suis assez perplexe parce que,
je le répète, hein, les établissements ont la capacité, ils ont les moyens. Il
faut qu'ils aient la volonté, hein, mais... Et c'est ça qui était mis en cause dans l'article ce matin, il faut qu'ils
aient la volonté d'agir. Ils n'ont aucune raison pour ne pas le faire, le faire de façon lucide, en prenant
les bons moyens. Le ministre n'a pas à ajouter quelque moyen dans les
mains des établissements. Je le dis encore aujourd'hui, ils peuvent et ils
doivent le faire.
Le Président :
Première complémentaire, M. le député de Chambly.
M. Jean-François Roberge
M. Roberge : M. le Président, on est devant la perplexité et
la mollesse. Et le ministre a été ferme une seule fois, c'est quand il a menacé les étudiants d'annuler
leur session. Là, il a été ferme. Mais, en faisant ça, il a fait le contraire
de son devoir de ministre de l'Enseignement
supérieur, qui est de garantir le droit à l'éducation. Il devient, à ce moment-là,
l'ennemi des étudiants qui veulent étudier. Or, il doit les défendre.
Le ministre
peut-il se rétracter et dire qu'il n'est pas question d'annuler la session
pour les étudiants qui veulent étudier?
Le
Président : M. le ministre de l'Éducation.
M. François Blais
M. Blais :
Je m'excuse, M. le Président, je n'ai pas entendu la dernière phrase. Il n'est
pas question de... Voulez-vous m'aider? Il n'est pas question de...
Une voix :
...
Le Président :
...deuxième complémentaire. M. le ministre.
M.
Blais : Je m'excuse, hein,
c'est l'âge, M. le Président. C'est certainement l'âge. Donc, je n'ai pas dit qu'il n'est pas question d'annuler ou... ce que j'ai dit précisément,
c'est que, compte tenu des ressources limitées que nous avons à notre disposition, compte
tenu des efforts que tout le monde fait ici, en Chambre, notamment, bien
sûr, mes collègues ministres, des efforts importants,
il n'est pas question — voilà la bonne citation — il n'est pas question que je prenne de
l'argent au niveau de l'enseignement
primaire ou au niveau de l'enseignement secondaire pour prendre cet argent et
aller la déposer du côté de reprise éventuelle, et j'ai voulu...
Le Président :
M. le député de Chambly, en deuxième complémentaire.
M. Jean-François Roberge
M.
Roberge : Merci, M. le Président. Pourtant, là, il y a une évidence,
mais je vais quand même la rappeler au ministre
et à son gouvernement. Dans un système d'éducation qui fonctionne normalement,
là, les dirigeants dirigent, les professeurs enseignent et les étudiants
qui veulent étudier, bien, ils ont accès aux cours et ils peuvent étudier.
Le
ministre prendra-t-il ses responsabilités et donnera-t-il par écrit,
clairement, une consigne aux directions de sanctionner les étudiants
perturbateurs et de prendre les moyens pour que les cours soient donnés?
Le Président :
M. le ministre de l'Éducation.
M. François Blais
M.
Blais : Alors, très bien, j'ai compris la fin de la question, M. le
Président, cette fois-ci. Donc, encore une fois, hein, les établissements sont responsables, hein, des règlements de vie
à l'intérieur, hein, des lieux, là, qui sont occupés en ce moment par les étudiants. Pour l'essentiel,
il faut rappeler qu'à peu près, aujourd'hui, 95 % des étudiants, là, ont accès librement, sans aucune difficulté, à leurs
cours. Pour les quatre ou cinq, hein, qui sont en difficulté, je le répète, les
établissements peuvent agir, ils peuvent utiliser
le règlement de vie, ils peuvent sanctionner à la pièce complètement les
étudiants pour les actions qui sont posées, ils n'ont aucunement besoin...
Le Président :
En terminant.
M. Blais :
...d'une directive pour cela. C'est l'évidence.
Le Président :
Principale, M. le député de Matapédia-Matane.
Libération par erreur du
détenu Francis Boucher
M. Pascal Bérubé
M.
Bérubé :
M. le Président, dans l'affaire Francis Boucher, lundi soir, la ministre émet
un communiqué disant — et
je cite — qu'aucun
détail ne sera divulgué, étant donné les enquêtes en cours. Or, son ministère
fait exactement le contraire. Une porte-parole dit d'abord
aux médias qu'il s'agissait d'une erreur administrative. Un autre responsable du même ministère disait
plutôt que c'était un stratagème. Hier, la ministre ajoute qu'on envisageait
maintenant de contrôler les entrées et les sorties des prisons. On va lui
enlever 50 % de la tâche, on va se concentrer sur les sorties.
Est-ce
que la ministre de la Sécurité publique peut seulement nous expliquer pourquoi,
si elle a mis des mesures en place
suite aux évasions d'Orsainville pour renforcer la sécurité dans les prisons,
Francis Boucher, un criminel avec un lourd dossier, est présentement en
cavale et peut-être même nous écoute, M. le Président?
Le Président :
Je ne sais pas ce qu'il écoute, mais on va entendre Mme la ministre de la
Sécurité publique.
Mme Lise Thériault
Mme
Thériault : Vous savez, M. le Président, je pense que le sujet
dont il est question est un sujet qui est extrêmement sérieux. Et je comprends que le député fait un peu d'humour
avec ça, par contre, M. le Président, je pense qu'il faut être clair, là, ce que j'ai dit hier,
c'est qu'on ne pouvait pas faire avec des «peut-être», mais que ça nous prenait
des réponses à nos questions, et c'est la
raison pour laquelle il y a des enquêtes qui sont en cours : une, de la
Sûreté du Québec, et une autre,
administrative. Mais, puisque le député me parle des sorties, je vais juste lui
répéter que, dans nos centres de
détention, O.K., je pense qu'une personne libérée par erreur, c'est une
personne de trop. C'est la position que n'importe quel ministre de la
Sécurité publique doit avoir, M. le Président. Je l'ai dit hier, je le répète
aujourd'hui.
Ceci étant dit, M. le
Président, je n'ai pas attendu que M. Boucher soit en cavale — je
vais le dire comme ça, M. le Président — pour poser des actions concrètes concernant
les libérations par erreur qui se produisent et qui se sont produites également sous un gouvernement du Parti
québécois, M. le Président, là. Ce n'est pas nouveau, ça a toujours
existé. Une, c'est une de trop.
Le Président :
En terminant.
Mme
Thériault : M. le Président, j'aurai l'occasion de revenir puis
je compléterai la réponse à la question du député.
Le Président :
On va souhaiter que notre auditeur conserve l'attention de l'audition...
M.
Bérubé :
M. le Président...
Le Président :
M. le député de Matapédia-Matane, c'est à vous, en complémentaire.
M. Pascal Bérubé
M.
Bérubé :
M. le Président, vous remarquez que la ministre refuse systématiquement
d'utiliser le terme «évasion» pour parler de
la fugue de Francis Boucher. Alors, résumons. Le prisonnier n'est plus en
prison. La police est à ses trousses. Son avocat lui dit de se rendre. La
ministre dit d'appeler le 9-1-1 si on le voit. C'est une évasion, M. le
Président. Et ce n'est pas n'importe
quel prisonnier, condamné à 10 ans pour gangstérisme, intimidation sur les
policiers, et combien d'autres. Alors, est-ce qu'elle va enfin nous dire
que c'est une évasion puis que c'est problématique...
• (11 heures) •
Le Président :
Mme la ministre de la Sécurité publique.
Mme Lise Thériault
Mme
Thériault : M. le Président, je pense que, peu importe
l'hypothèse qui sera retenue, ce qui est important, c'est que les
policiers, présentement, sont à la recherche de M. Boucher. Et, oui, je ne me
gênerai pas de dire aux Québécois de faire le 9-1-1 et d'appeler la police. Je
ne me gênerai pas de le faire parce que je crois sincèrement que, M. Boucher, sa place est dans nos centres de
détention. Et, à chaque fois que la sécurité du public sera compromise, je
pourrai dire, M. le Président, de faire le
9-1-1 et d'informer les policiers, parce
que je pense qu'on doit compter
sur la collaboration du public à partir du moment où il y a
des gens qui sont en liberté et qui ne devraient pas l'être, M. le Président. C'est ça, le rôle de la ministre de la Sécurité publique, et je vais continuer à le faire, n'en déplaise
au député de Matane...
Le Président :
En terminant.
Mme Thériault :
...M. le Président.
Le Président :
Complémentaire? Principale? Principale, Mme la députée de Joliette.
Avenir de la Cinémathèque québécoise
Mme
Véronique Hivon
Mme
Hivon : Ce matin,
en conférence de presse, les gens de la Cinémathèque québécoise
lancent un cri d'alarme à la ministre de la Culture afin d'éviter que la
cinémathèque ne disparaisse dans une fusion forcée appréhendée avec Bibliothèque
et Archives nationales du Québec. Ça fait suite à un autre cri du coeur lancé
au début du mois par des producteurs et réalisateurs bien en vue comme Rock
Demers, Denys Arcand, Claude Fournier, Marie-José Raymond, Micheline Lanctôt,
Gabriel Pelletier, face à la crainte d'assister à ce mariage forcé.
La
Cinémathèque québécoise est la seule au Canada, une des plus importantes
dans le monde, M. le Président. Sa
mission est essentielle pour préserver, diffuser, promouvoir notre patrimoine
audiovisuel et cinématographique. Ce qu'on
souhaite, ce n'est pas une fusion, c'est un meilleur soutien de notre institution québécoise du cinéma. La ministre de la Culture doit dès maintenant mettre un terme à
l'incertitude et être claire dans ses intentions pour rassurer tout le milieu.
Est-ce qu'elle va,
oui ou non, abandonner ce projet inacceptable de fusion forcée?
Le Président :
Mme la ministre de la Culture.
Mme Hélène David
Mme
David (Outremont) : Je suis vraiment
contente d'avoir l'occasion de mettre les points sur les i et d'être très claire, M. le Président. C'est assez
incroyable d'avoir des propos comme ça quand on sait que cette demande et cette
réflexion que la cinémathèque fait... parce qu'elle est en difficultés financières et elle l'était sous le Parti québécois, elle l'était très sérieusement sous le Parti québécois.
Et donc la
cinémathèque est en difficultés financières. Le gouvernement finance à hauteur
de 80 %. C'est un financement important.
Nous supportons la cinémathèque à tel point, M. le Président, que le président
du conseil d'administration... Et, si ma collègue avait fait ses devoirs
comme il faut, peut-être qu'elle aurait parlé au conseil d'administration et à son président. Une des
solutions qui ont été proposées au C.A. consiste, en effet, à intégrer la cinémathèque à la BANQ. C'est une hypothèse qui
est explorée au même titre que d'autres solutions actuellement sous étude. Il est important de préciser qu'en aucun
moment il n'y a eu de pression exercée par le gouvernement ou le ministère
de la Culture et des Communications pour
forcer un mariage ou pour consommer une union non désirée. Au contraire,
les hauts fonctionnaires nous accompagnent de façon respectueuse et proactive...
Le Président :
En terminant.
Mme
David (Outremont) : ...dans l'ensemble des démarches entreprises. Si ça, c'est un mariage forcé, si ça,
c'est de mettre à mal et de mettre à mort une...
Le Président :
Première complémentaire, Mme la députée de Joliette.
Mme
Véronique Hivon
Mme
Hivon : M. le Président, j'ai le sentiment de rejouer dans le film des conservatoires. On nous
disait comment c'était formidable, le conseil d'administration était d'accord.
Mais il a fallu... Parce que ni...
Des voix :
...
Le Président :
S'il vous plaît!
Des voix :
...
Le
Président : S'il vous plaît! Il n'y a rien qu'une personne,
ici, qui a le droit de parole, c'est Mme la députée de Joliette.
Des voix :
...
Le
Président : S'il vous plaît! La ministre va répondre à la
question qui va lui être posée. Mais je voudrais l'entendre, la
question, avant de...
Mme
Hivon : On nous
disait comment c'était formidable, que ça provenait de l'institution elle-même. C'est drôle, après que le milieu se soit mobilisé,
recul total.
Aujourd'hui, je veux juste informer que... la ministre, après qu'il y ait eu
une sortie excessivement importante des
producteurs et réalisateurs du Québec, c'est tous les employés, c'est la cinémathèque
elle-même qui se mobilise, avec des appuis de partout dans le milieu. Est-ce
que la ministre peut nous dire qu'elle va abandonner le projet de fusion?
Le Président :
Mme la ministre de la Culture.
Mme
Hélène David
Mme David
(Outremont) : Alors, la lettre date du 6 mars 2015, elle a
été envoyée aux journaux, qui n'ont pas nécessairement
pris la décision de la publier. Ça va me faire un immense plaisir de déposer
cette lettre, M. le Président.
Et
ce que je peux dire, c'est que la... La députée a fait référence aux
conservatoires. Ça aussi, revenons-y, à cette question-là. Est-ce que l'apanage de la défense de la culture
et de la protection de la promotion de la culture est l'apanage d'un parti souverainiste, d'un parti qui
dit : Ah! la culture, c'est très important? Depuis 40 ans, M. le
Président, c'est le gouvernement libéral qui a le plus aidé la culture
pour le développement du Québec.
Document
déposé
Le
Président : Consentement pour le dépôt de la lettre de Mme la
ministre? Consentement. Deuxième complémentaire, Mme la députée de
Joliette.
Mme Véronique Hivon
Mme
Hivon : J'espère profondément, M. le Président, que ce n'est
pas l'apanage du Parti québécois. J'aimerais justement sentir que tous
les partis sont préoccupés, et au premier chef le gouvernement. Et comment la
ministre pourrait nous montrer ça? Après
avoir tergiversé sur les conservatoires, après avoir abandonné la politique sur
le livre, comment elle pouvait nous
démontrer ça? C'est qu'elle écoute le milieu et que, non, elle dit non à la
fusion forcée de la cinémathèque.
Le Président :
Mme la ministre de la Culture.
Mme
Hélène David
Mme David
(Outremont) : Alors, écoutez, je peux l'aider à lire la lettre, si
elle veut, elle va l'avoir en main propre : «...en aucun moment — et ça
date du 6 mars — il
n'y a eu de pression exercée par le gouvernement.» Pas de pression, mais des
réunions, par exemple!
Oui,
on est au travail puis, oui, on est au travail pour sauver un fleuron qui est
important, la mission de la cinémathèque,
et nous allons-y travailler, nous y travaillons très sérieusement, la gouvernance,
le contenu et le contenant. Je sais que la réponse ne l'intéresse pas,
mais je lui parle quand même.
Alors
donc, la culture, pour le gouvernement libéral, est une priorité. Je pense que
nous en avons fait maintes fois la preuve depuis que nous sommes au
pouvoir.
Le Président :
Principale, M. le député de Johnson.
Mesures pour inciter les entreprises à rester au Québec
M.
André Lamontagne
M.
Lamontagne : M. le Président, pendant que nos régions se sentent
abandonnées et que les pertes d'emploi se multiplient, on apprenait
récemment que l'entreprise Résolu au Saguenay a investi 105 millions dans
une usine au Tennessee. Pourtant, il y a
quelques semaines à peine, Résolu annonçait la fermeture progressive de l'une
de ses machines à papier. Résultat : 85 travailleurs seront
mis à la porte sous peu.
Plutôt
que de miser sur le Québec, Résolu semble préférer plier bagage vers les
États-Unis. M. le Président, on sait
que les entreprises de chez nous peuvent être l'objet d'offensives très
agressives de la part d'autres États pour les attirer sur leurs territoires. Puis, dans ce contexte
aussi, on comprend que le ministre a confirmé sa politique de laisser-faire.
Mais, pendant ce temps-là, nos
entreprises ferment, puis les travailleurs perdent leurs emplois. M. le
Président, l'exemple de Résolu est
symptomatique de l'absence de stratégie de ce gouvernement pour concurrencer
efficacement d'autres États qui veulent nous ravir nos entreprises.
Concrètement,
quelles mesures le ministre de l'Économie va-t-il mettre en place pour éviter
qu'une telle situation ne se reproduise dans le futur?
Le Président :
M. le ministre des Forêts.
M.
Laurent Lessard
M.
Lessard : M. le Président, on travaille très fort avec les
entreprises de transformation, que ce soient les papetières, principalement au Québec. Je tiens à rappeler
qu'actuellement, du côté de Tembec, hein, la bioraffinerie, il y a un plan d'investissement de plus de
200 millions de dollars qui leur permet aujourd'hui d'avoir des revenus,
de donner des bons emplois au Témiscamingue. Je tiens à rappeler que...
du côté de Kruger, la première entreprise de filaments cellulosiques au monde, qui est actuellement en démonstration puis en
production, qui donne de bons emplois dans la région de Trois-Rivières. Du côté de Domtar, au Québec, la première
entreprise de stature mondiale à faire de la nanocellulose cristalline, qui permet donc d'accéder à de nouveaux
marchés qui étaient non encore exploités encore au Québec. L'ensemble Cascades, qu'on va inaugurer
prochainement à Cabano, mon collègue, une entreprise d'hémicellulose, donc la fibre de bois au service, donc, des
produits de transformation, que ça soit dans le carton, dans le papier tissu,
donc dans la demande mondiale, dans
la fabrication de couches, partout. Quatre entreprises sur cinq bénéficient
déjà de ces investissements majeurs pour toutes les régions du Québec.
On
a invité Résolu à faire une demande officielle pour convertir les machines à
papier pour rester dans un marché qui est en progression et pour que,
tranquillement pas vite, pour le papier journal...
Le Président :
En terminant.
M.
Lessard : ...qui est en diminution sur la planète, puisse continuer
de donner des bons emplois au Lac-Saint-Jean...
Le Président :
Première complémentaire, M. le député de Johnson.
M.
André Lamontagne
M.
Lamontagne : M. le Président,
je remercie le ministre pour sa réponse, mais ma question porte sur
l'absence de plan de ce gouvernement
pour contrer les offensives qui viennent de d'autres juridictions pour prendre
des entreprises chez nous. Alors, le ministre
le sait très bien, la réalité, c'est que la compétition, elle est vive et elle
sera toujours de plus en plus vive.
Sachant cela,
qu'est-ce que ce gouvernement-là a fait depuis son élection pour faire en sorte
que des Electrolux puis des Résolu, ça ne se produise plus?
Le Président : M. le ministre
des Forêts.
M. Laurent Lessard
M.
Lessard :
La stratégie de diversification des entreprises du Québec : Tembec,
bioraffinage; Kruger, filaments
cellulosiques, première mondiale; Domtar, première mondiale, nanocellulose
cristalline; Cascades... Quatre des cinq entreprises du Québec, quatre des cinq
bénéficient de l'aide gouvernementale dans une stratégie de diversification
économique sans comparable, que ce soit dans
d'autres provinces... Première mondiale deux fois sur trois au Québec. Alors, on va continuer d'aider l'industrie à se
diversifier, à transformer, à investir au Québec pour que ce soit à partir du
Québec qu'on puisse faire nos stratégies pour envahir les marchés mondiaux...
• (11 h 10) •
Le Président : En terminant.
M.
Lessard : ...et non
pas de subir la concurrence.
Le Président : Deuxième
complémentaire, M. le député de Johnson.
M. André Lamontagne
M.
Lamontagne : Parlant de Cascades, ça a été bien triste, là, il n'y a
pas si longtemps, quand Cascades a décidé d'aller investir pour ouvrir
une usine aux États-Unis plutôt que d'en d'ouvrir une autre ici, au Québec.
Mais ma
question, elle revient toujours à la même chose, O.K.? C'est que ça prend un
plan pour faire face aux offensives
qui viennent de l'extérieur. Il n'y a pas longtemps, à la La Presse
canadienne, le ministre de l'Économie a parlé de son plan, qui est le laisser-faire. Alors,
nous, ce qu'on demande, c'est : Quelles sont les mesures concrètes que le
ministre entend prendre pour rassurer les Québécois que leurs
entreprises puis leurs emplois ne disparaîtront pas à chaque offensive...
Le Président : M. le ministre
des Forêts.
M. Laurent Lessard
M.
Lessard :
Si tous ces investissements se sont faits, M. le Président, c'est parce que le
Parti libéral du Québec a eu une
approche de développement sur la chimie verte. On est encore avec des mesures
d'investissement, au Québec, dans un
plan de Raymond Bachand, qui était ministre des Finances à ce moment-là. Et la
prochaine entreprise qu'on va aller inaugurer
à Cabano, prochainement, qui ont concrétisé ces investissements-là pour donner
de l'emploi, faire un positionnement stratégique,
pour être très compétitifs à partir du Québec, pour le Québec, mais pour donner
des services aussi à l'étranger, dans nos produits d'exportation...
Le Président : Alors, ça met
fin à la période de questions et de réponses orales.
Motions sans préavis
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, nous en sommes à la rubrique des motions sans préavis, et je
reconnais un membre du groupe formant l'opposition officielle. Mme la...
Des voix : ...
Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il
vous plaît, là! Non, mais ça peut se faire dans le silence, une sortie nécessaire.
Alors, je laisse la parole à Mme la
députée d'Hochelaga-Maisonneuve parce
que j'aimerais ça entendre sa
motion. Mme la députée.
Mme
Poirier : Alors, merci, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de
cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec le député de Lévis
et la députée de Gouin, la motion suivante :
«Que l'Assemblée
nationale réitère le droit de toute
femme de disposer de son corps et de services d'avortement gratuits et
accessibles;
«Qu'elle exige du gouvernement le
retrait de toute mesure liée au projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi
favorisant l'accès aux services de
médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses
dispositions législatives en matière de procréation assistée, limitant
de quelque façon que ce soit ces droits.»
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Est-ce que cette motion est adoptée?
Une voix :
...
Le Vice-Président (M. Gendron) : Il n'y a pas consentement. Non, il n'y a pas de
consentement, puis on ne peut pas débattre du non-consentement. Un
membre du deuxième groupe d'opposition...
Une voix :
...
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Oui? Oui, Mme la leader?
Des voix :
...
Le Vice-Président (M. Gendron) : Bien, un instant. Non, non, mais un instant! Oui,
je la vois debout, mais, pour qu'elle soit debout, il faut que ce soit
autre chose que le consentement.
Une voix :
...
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Ah! parfait. Alors, je veux vous entendre.
Mme
Maltais :
Alors, je comprends qu'il n'y a pas consentement, mais, si on...
Des voix :
...
Le Vice-Président
(M. Gendron) : S'il vous plaît! Non, non, mais j'ai compris. Alors,
comme ce n'est pas là-dessus, j'aimerais... Sur quoi?
Mme
Maltais : ...sur les droits des femmes, la motion à
l'avortement. Alors, pendant qu'on fait des quolibets, de l'autre côté,
et qu'on rigole...
Des voix :
...
Le Vice-Président (M. Gendron) : Attendez un peu, attendez un peu, attendez un peu.
Moi, je veux juste...
Des voix :
...
Le Vice-Président (M. Gendron) : Un instant! Je veux juste vous entendre, puisque
vous avez dit — s'il
vous plaît! — que ça ne portait pas là-dessus. Attends un
peu! Si ça ne porte pas là-dessus, ne parlez pas de ce qui vient de se
passer. Et là je vais vous entendre.
Mme
Maltais :
On veut savoir quelle est la partie qu'il rejette, pour que nous puissions...
Des voix :
...
Mme
Maltais :
...pour que nous puissions...
Des voix :
...
Mme
Maltais : ...comme il est d'usage, s'il peut y avoir des
discussions qui nous amènent à une motion unanime, on aimerait y
travailler.
Des voix :
...
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Un instant!
Des voix :
...
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Alors, vous voyez ce que ça...
Des
voix : ...
Le Vice-Président (M. Gendron) : Les deux côtés. Alors, vous voyez ce que ça fait,
là, quand on ne veut pas s'entendre.
Je veux juste expliquer qu'on ne peut pas faire indirectement ce qui a été
décidé. Alors, vous aurez... La vie ne s'arrête pas aujourd'hui, là,
donc il pourra y avoir d'autres discussions.
Des voix :
...
Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, mais un instant! Il pourra y avoir d'autres
discussions entre les leaders, puis
il n'y a rien qui empêche... À ce que je sache, il y a une journée de Chambre
demain, donc vous aurez les discussions qui vous regardent, puis, si,
effectivement, cette motion peut revenir là, elle reviendra.
Alors, je reconnais
maintenant un membre du deuxième groupe de l'opposition.
M.
Bonnardel : M. le Président, je demande le consentement pour
déposer la motion suivante conjointement avec le député de Rousseau et
le député de Mercier :
«Que
l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec d'amorcer des
discussions avec le gouvernement fédéral
afin de rapatrier au Québec l'ensemble des opérations entourant la production
des rapports d'impôt et de mettre en place un rapport d'impôt unique.»
Des voix :
...
Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît! Y a-t-il consentement de
débattre de cette motion? Il n'y a pas consentement.
Nous en sommes
maintenant...
Des voix :
...
Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, non, mais moi... Vous n'entendez pas, je
viens de vous dire qu'il n'y a pas consentement.
Une voix :
...
Le Vice-Président (M. Gendron) : Bien, je n'ai pas inventé ça, moi, là, il n'y a
pas consentement. Un membre du groupe formant le gouvernement. Mme la
ministre de la Justice, à vous.
Souligner le 140e anniversaire du
Y des femmes de Montréal et
du YMCA de Québec
Mme Vallée :
M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de
présenter la motion suivante conjointement
avec la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, la députée de Montarville et la
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques :
«Que
l'Assemblée nationale souligne le 140e anniversaire du Y des femmes [de]
Montréal et de la YWCA [de] Québec;
«Qu'elle souligne
l'importance de la mission de ces organismes qui contribuent à contrer la
violence et la discrimination envers les femmes et les filles;
«Qu'elle
réitère que, malgré les avancées importantes, les inégalités entre les femmes
et les hommes persistent et que l'apport des organismes comme [le] YWCA
contribue à l'atteinte des objectifs en matière d'égalité;
«Qu'enfin,
l'Assemblée nationale félicite et remercie toutes les femmes et les hommes qui
oeuvrent et qui ont oeuvré au sein de ces organismes et reconnaisse le
travail essentiel qu'ils ont accompli.»
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?
M.
Sklavounos :
...
Mise
aux voix
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Alors, est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, la motion est adoptée.
Je reconnais Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques
pour la présentation de sa motion sans préavis. Mme la députée, à vous.
Remercier les groupes
participant aux consultations sur
le Plan d'action gouvernemental 2008-2013 en matière
d'agression sexuelle et demander au gouvernement
de poursuivre son engagement à enrayer ce fléau
Mme Massé :
Merci, M. le Président. Je demande le consentement de la Chambre pour débattre
de la motion suivante conjointement avec la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et
la députée de Montarville.
«Que
l'Assemblée nationale remercie chaleureusement tous les groupes participant aux
consultations particulières sur le Plan d'action gouvernemental
2008-2013 en matière d'agression sexuelle;
«Qu'elle affirme [en]
vue d'atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes, cet enjeu est une
priorité;
«Que
l'Assemblée nationale reconnaisse que les consultations se poursuivront dans le
cadre du forum itinérant comme le proposait la motion votée à
l'unanimité le 25 novembre 2014;
«Que
l'Assemblée nationale reconnaisse l'urgence d'agir et demande au gouvernement
de poursuivre son engagement visant à enrayer ce fléau dont trop de
femmes, d'enfants et d'hommes sont victimes.»
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?
M.
Sklavounos :
Oui, M. le Président, il y a consentement. Nous proposons des interventions
d'une durée de deux minutes par intervenant,
dans l'ordre suivant : commencer par la députée de Gouin, la députée
d'Hochelaga... la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques — désolé, M. le Président — la députée d'Hochelaga-Maisonneuve par la
suite, la députée de Montarville et finalement notre ministre de la
Justice et ministre responsable de la Condition féminine.
• (11 h 20) •
Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, M. le leader adjoint. On s'est entendus,
des interventions de deux minutes, et on va le faire dans l'ordre
indiqué. Je cède à nouveau la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques
pour son intervention de deux minutes. À vous.
Mme
Manon Massé
Mme Massé :
Merci, M. le Président. Alors, je suis très heureuse qu'on reconnaisse
collectivement qu'il y a quelque chose qui
se passe actuellement dans la société québécoise, à laquelle, encore une fois,
l'Assemblée nationale dit :
C'est assez, il faut mettre fin à ça. Nous tenions, par cette motion, aussi à remercier
les groupes qui étaient présents en commission
parlementaire, qui ont contribué à nous aider à comprendre cette réalité et à
mieux saisir comment on pourrait agir pour mettre fin à ce fléau.
Alors,
je pense que les groupes sont venus... les groupes qui travaillaient tant en
prévention, au niveau de l'intervention
sont venus nous dire l'importance de faire en sorte de tout mettre en oeuvre
pour changer les mentalités. C'est là
qu'on en est rendus, M. le Président. C'est-à-dire que, si on veut que toutes
les formes de violence faite aux femmes cessent, il faut de façon claire, de façon continue dire qu'au Québec
c'est inacceptable. L'égalité entre les femmes et les hommes n'est pas une vue de l'esprit, n'est pas un objectif
sur papier, c'est quelque chose que nous voulons toutes et tous atteindre.
Nous voulons que ça s'arrête et, pour ça, on est prêts à mettre tous et toutes
l'épaule à la roue.
Les
groupes sont venus, de façon assez claire, nous dire toutes sortes de choses
mais essentiellement, à mon
sens, deux éléments. Ça prend
la volonté politique. Et je peux vous dire, M. le Président, qu'à la commission on le sent, tout le monde là, tout
le monde qui est autour de la table
travaille ensemble pour faire
en sorte de trouver les différents
éléments qui vont faire en sorte que ça s'arrête. Et bien sûr il faut, en plus de la volonté politique,
que les fonds nécessaires viennent s'y joindre. Alors, poursuivons
le travail, et je sais que nous allons réussir à atteindre nos objectifs.
Merci.
Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Et, toujours sur cette même motion, je cède la parole à Mme la
députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour son intervention. À vous, madame.
Mme
Carole Poirier
Mme
Poirier : Merci, M. le Président. Eh
bien, effectivement, les consultations auprès des groupes... auprès de quelques groupes ont été
faites dans les quatre dernières séances. Ça nous a permis, effectivement, d'entendre l'importance,
l'importance du problème qu'est la violence sexuelle faite aux femmes, mais
aussi faite aux enfants et aux hommes, l'importance de changer nos mentalités, je
reprends l'expression de ma collègue, parce qu'encore durant nos travaux, pendant nos travaux, une jeune femme qui est à la
direction d'une association étudiante a été menacée de viol parce qu'elle
prend la parole. C'est inacceptable qu'on
utilise le viol pour menacer. Parce que c'est une menace qui ne peut s'adresser
qu'aux femmes, M. le Président. Et il faut
dénoncer fortement, fortement que l'utilisation de cette violence qui s'adresse
aux femmes exclusivement, elle est une menace à l'intégrité de la personne.
Alors,
M. le Président, ce changement de mentalité, je souhaite qu'il commence ici, en
nos murs, dans un premier temps,
qu'il s'étende et que l'on devienne tous et chacun... chacun des membres de
cette Assemblée devienne un porte-étendard de l'égalité hommes-femmes et surtout de toute cette menace qu'il y a
sur ce qu'on appelle la culture au viol et la culture à la pornographie.
Alors, M. le
Président, nous avons étudié le bilan de la ministre en matière d'agression
sexuelle. Nous aurons des forums qui
vont se poursuivre. Nous aurons un débat dès ce midi pour conclure sur ce qu'on
a entendu dans un premier temps. Mais je rappellerai, M. le Président, qu'encore aujourd'hui,
encore cette semaine, dans mon journal local, on annonce les superhéros et les
superprincesses comme camp de jour dans Hochelaga-Maisonneuve, c'est
inacceptable, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Merci, Mme la députée, de votre intervention. Je cède maintenant la parole à Mme la
députée de Montarville pour son intervention. C'est à vous.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Alors, c'est avec
grand plaisir, tout comme mes collègues, et surtout grand intérêt que j'ai assisté aux auditions des groupes
dans le cadre des consultations particulières sur le Plan d'action
gouvernemental 2008-2013 en matière d'agression sexuelle.
Soulignons
que les personnes qui ont été agressées sexuellement se dirigent souvent vers
les services d'aide offerts par des
organismes, des centres communautaires et des maisons d'hébergement. Nous les
avons entendues. Les témoignages que
nous avons reçus dans le cadre de ces consultations ont été fort intéressants
mais surtout percutants. Les groupes entendus
nous ont décrit des réalités qui parfois nous dépassent mais qui pourtant
reflètent la souffrance des personnes qui les vivent.
Par ailleurs, j'aimerais souligner la grande
qualité des mémoires soumis par les organismes qui ont travaillé d'arrache-pied
pour effectuer ce bilan. Ces auditions et mémoires sont essentiels pour la
suite des choses et doivent absolument être considérés dans l'élaboration du
nouveau plan gouvernemental. J'aimerais particulièrement... J'ai particulièrement apprécié, pardon, le fait que ces
consultations aient été non partisanes, faut-il le souligner. Peu importe
notre allégeance politique, la question des
agressions sexuelles est un phénomène de société extrêmement préoccupant
qui nous interpelle tous, puisque ces gestes
inacceptables bouleversent la vie de trop de Québécoises et de Québécois,
enfants, femmes et hommes.
Aussi, je
ne peux terminer sans évoquer le double fardeau subi par les femmes
handicapées, les femmes immigrantes, les
femmes autochtones. Ces dernières sont confrontées à des réalités différentes
qu'il nous faut absolument inclure et considérer
lorsque l'on aborde la problématique des agressions sexuelles. Par ailleurs,
les hommes agressés sexuellement ne
sont pas à laisser pour compte. Il est de notre devoir d'examiner la situation
à laquelle ils font face, une problématique trop souvent passée sous
silence.
Alors, tous
ensemble, nous allons réexaminer ces documents, et nous devons travailler pour
trouver une solution inclusive. Il faut que ça arrête. Merci, M. le
Président.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, on vous remercie, Mme la députée de Montarville, pour votre intervention.
Je cède la parole maintenant à Mme la ministre de la Justice pour son
intervention.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Il est important de se rappeler un peu le contexte dans
lequel nous avons abordé cette commission
parlementaire. Rappelons-nous, en novembre dernier, le mouvement qui secouait
le Québec, le mouvement des
agressions non dénoncées, qui avait fait boule de neige sur les médias sociaux,
un mouvement par lequel des femmes,
des femmes connues, des femmes
publiques, indiquaient haut et fort qu'un jour, dans leur vie, elles avaient
été victimes d'agression sexuelle. Il
n'était pas question, dans ce mouvement-là, de pointer du doigt, mais tout simplement de sensibiliser la population
du Québec à ce fléau que demeurent les agressions sexuelles.
Nous avons choisi ici, à cette Assemblée, de
prendre le dossier et de profiter de l'échéance du plan d'action gouvernemental en matière d'agression
sexuelle pour fouiller, pour approfondir la question afin de voir de quelle
façon nous pourrions, ultimement, éventuellement, aborder cet enjeu-là. Parce
que, malgré tout ce qui a été fait, malgré toutes les avancées... Et, on doit le dire, le plan
d'action comportait 100 mesures. 100 mesures. Le plan d'action
rassemblait plus de
10 ministères. Il y a eu énormément d'énergie, beaucoup d'investissements
financiers qui ont été dirigés vers la lutte aux agressions sexuelles. Malgré tous ces efforts, les statistiques
demeurent quand même troublantes. Certains diront : Il y a plus de
dénonciations, les gens dénoncent davantage, les statistiques augmentent. C'est
vrai, mais chaque agression demeure une agression de trop.
Alors, nous
avons, lors des derniers jours, eu la chance d'entendre de nombreux groupes qui
oeuvrent, de près ou d'un petit peu
plus loin, auprès des victimes, auprès des femmes, auprès des hommes et auprès
des agresseurs. Ces groupes-là ont
soumis un certain nombre d'observations dont nous prendrons note. Maintenant,
le débat demeure, et nous avons les forums, et nous entendons participer
activement à la suite des choses. Merci.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, on vous remercie, Mme la ministre de la Justice. Et il y a également
une autre motion sans préavis.
Des voix : ...
Mise aux voix
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Est-ce que... Oui, excusez! Est-ce que cette motion est adoptée, celle qu'on
vient de débattre, là?
Des
voix : Adopté.
Le Vice-Président (M. Gendron) : Adopté. Bon, on m'avait indiqué qu'il y a une
autre motion sans préavis qui a été présentée par le groupe parlementaire
formant le gouvernement. Est-ce que c'est exact? Alors, comme c'est... Qui
doit la présenter?
Une voix :
...
Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, comme il s'agit d'une deuxième motion, il
faudrait avoir le consentement. Y a-t-il consentement pour la
présentation de cette motion sans préavis?
Une voix :
...
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Oui?
M.
Sklavounos : ...le leader adjoint. Il s'agit d'une motion
touchant les travaux de la Commission des institutions sur le document intitulé Orientations
gouvernementales pour un gouvernement plus transparent, dans le respect du
droit...
• (11 h 30) •
Le Vice-Président (M. Gendron) : Exact, mais il n'y a pas de problème, il y a
consentement. Allez, présentez
votre motion.
Procéder à une consultation générale sur le document intitulé
Orientations
gouvernementales pour un
gouvernement plus
transparent, dans le respect du droit à la vie privée et
la protection des
renseignements personnels
M.
Sklavounos :
Merci. Alors, je fais motion, M. le Président, pour :
«Que la Commission
des institutions procède à une consultation générale et tienne des auditions
publiques à compter du mardi
1er septembre 2015 sur le document intitulé Orientations gouvernementales pour un gouvernement
plus transparent, dans le respect du droit à
la vie privée et la protection des renseignements personnels, déposé à l'Assemblée nationale
le 17 mars 2015 par le ministre [...] de l'Accès à l'information et de la Réforme
des institutions démocratiques;
«Que les mémoires et les demandes d'interventions
soient reçues au Secrétariat des commissions au plus tard le vendredi 14 août
2015; et
«Que le ministre
responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions
démocratiques soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Alors, merci. Nous avons terminé les motions sans
préavis.
Avis touchant les travaux des commissions
Nous
en sommes à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions. Je cède à
nouveau la parole à M. le leader adjoint du gouvernement pour la
présentation de ses avis des commissions. M. le leader.
M.
Sklavounos :
Merci, M. le Président. Alors, j'avise cette Assemblée que la Commission de la
santé et des services sociaux poursuivra les
consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 20, Loi édictant
la Loi favorisant l'accès aux
services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant
diverses dispositions législatives en matière
de procréation assistée, dès maintenant pour une durée de deux heures et
complétera lesdites auditions de 15 heures à 18 heures, à la
salle du Conseil législatif;
La
Commission de l'économie et du travail, quant à elle, poursuivra l'étude
détaillée à l'égard du projet de loi n° 34, Loi modifiant la
Loi sur les régimes complémentaires de retraite relativement au financement et
à la restructuration de certains régimes de retraite interentreprises,
aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle
Louis-Joseph-Papineau. Merci.
Motions sans préavis
Procéder à une consultation générale sur le document
intitulé
Orientations
gouvernementales pour un
gouvernement plus
transparent, dans le respect du droit à la vie privée et
la protection des
renseignements personnels
(suite)
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Gendron) : Merci.
Excusez, là. Je veux avoir votre attention. J'aurais dû demander, quand il a présenté la motion précédente sans
préavis sur la commission, demander si la motion était adoptée. Alors, moi,
j'ai compris qu'elle était adoptée, mais j'ai oublié de le faire.
Avis
touchant les travaux des commissions
Alors, pour
ma part, je vous avise que la Commission de l'administration publique se
réunira aujourd'hui en séance de
travail, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle des
Premiers-Ministres de l'édifice Pamphile-Le May, afin de préparer l'audition du Centre de services partagés du Québec
afin d'examiner le chapitre 3 du rapport du Vérificateur général, printemps 2014, intitulé Acquisitions
de biens et de services; en séance publique, de 15 heures à
18 heures, à la salle
Louis-Hippolyte-La Fontaine, afin d'entendre le Centre de services partagés; et
en séance de travail, de 18 heures à 18 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, afin de
statuer sur les observations, les conclusions et les recommandations à
la suite de cette audition.
Je vous avise également que la Commission des
relations avec les citoyens se réunira en séance de travail aujourd'hui, de 12 h 15 à
13 heures, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de la
séance est de déterminer les observations,
les conclusions ou recommandations de la commission suite aux consultations
particulières et les auditions publiques sur le Plan d'action
gouvernemental 2008‑2013 en matière d'agression sexuelle.
Y a-t-il des renseignements sur les travaux? Je
n'en vois pas, de demande.
Affaires du jour
Alors, nous en sommes à la période des affaires
courantes. Les affaires courantes étant terminées, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. Et je cède
à nouveau la parole à M. le leader adjoint du gouvernement pour les
affaires du jour. À vous.
M.
Sklavounos : Oui.
M. le Président, auriez-vous l'amabilité d'appeler l'article 10 de notre
feuilleton?
Projet de loi
n° 19
Adoption
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Oui, on va appeler l'article 10 du feuilleton d'aujourd'hui. C'est M. le
ministre de l'Économie, de
l'Innovation et des Exportations qui propose l'adoption du projet de
loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur les coopératives et d'autres dispositions législatives, et je suis prêt
à entendre les interventions s'il y en a. M. le ministre? Alors, M. le
ministre, je vous reconnais pour votre intervention, à vous la parole.
M. Jacques Daoust
M.
Daoust : Merci, M. le Président. Fondamentalement, comme son titre
l'indique, le projet de loi vise à modifier la Loi sur les coopératives,
laquelle régit les coopératives non financières du Québec, dans le but de
résoudre certains problèmes d'application et d'interprétation et de répondre à
des attentes du mouvement coopératif.
Le projet de
loi permet d'introduire de nouvelles dispositions applicables à toutes les
coopératives d'habitation dont un
immeuble a été construit, acquis, restauré ou rénové dans le cadre de
programmes gouvernementaux québécois ou
canadiens d'aide à l'habitation. Afin de préserver le patrimoine coopératif de
ces entreprises, la vente de ces immeubles ou leur changement d'affectation seraient désormais assujettis à une
demande d'autorisation déposée auprès du ministre chargé de l'application de la loi. Cette formalité
additionnelle devrait contrer l'augmentation des tentatives de démutualisation
de ces entreprises au profit d'intérêts
privés et assurer la vocation durable de leurs actifs. Il est d'intérêt public
de protéger le patrimoine collectif des coopératives d'habitation afin de
préserver ces unités de logements sociaux ou communautaires pour
d'autres générations.
Le projet de loi détermine de plus les personnes
habilitées à imposer certaines mesures administratives ou disciplinaires aux
membres et aux membres auxiliaires d'une coopérative qui compte des membres
travailleurs. Cette classification des
règles simplifiera la gestion des ressources humaines de ces entreprises et
réduira ainsi les coûts y afférents, permettra
à ces coopératives d'exercer leur pouvoir de gestion dans les délais requis
pour préserver l'efficience de leurs
entreprises.
Afin de
simplifier les exigences administratives
et les formulaires requis lors du dépôt des statuts et des requêtes de coopératives auprès du ministre, le projet de
loi habilite le ministre responsable de la loi à déterminer les modalités
de transmission et de signature des
documents technologiques. Le tout assure la mise à niveau des services offerts
aux coopératives avec ceux déjà
proposés par le registraire des entreprises du Québec. La
disponibilité de services transactionnels sécurisés permettra l'accélération du traitement des actes légaux
relatifs aux coopératives et la réduction des coûts qui y sont associés. Il s'agit de simplifications et d'allégements
réglementaires en conformité avec les objectifs poursuivis par le
gouvernement du Québec en ces matières.
D'autre part,
le projet de loi propose de faciliter
l'adhésion d'une coopérative à une fédération, car il s'agit
d'un facteur qui contribue à
l'excellent taux de survie des entreprises coopératives. Dans le cadre du projet de loi, le concept de
l'impartageabilité de la réserve est réaffirmé par l'introduction d'une
précision, à savoir que toute somme dévolue à une coopérative doit être
affectée à sa réserve et que cette réserve ne peut être entamée de quelque
manière.
Enfin, le
projet de loi introduit diverses autres clarifications et certaines modifications de
concordance rédactionnelle.
J'invite donc
tous les membres de cette Assemblée à voter en faveur de l'adoption du projet
de loi n° 19 pour que nous puissions démontrer que le gouvernement
du Québec est dédié au développement des entreprises coopératives, à l'amélioration du cadre
légal les régissant et à la protection du patrimoine fort important pour notre
société, soit le parc immobilier des
coopératives d'habitation. Ce projet de loi rassembleur mérite l'assentiment de
notre Assemblée législative. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, M. le ministre, de votre
intervention sur l'adoption du projet de
loi. C'est l'étape finale. Je cède la parole à Mme la députée
d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole de l'opposition officielle en
cette matière. À vous la parole, Mme la députée.
Mme Carole Poirier
Mme
Poirier : Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir
d'intervenir à la fin de cet épisode législatif en lien avec le projet
de loi n° 19, le projet de loi sur les coopératives et d'autres
dispositions législatives.
Le projet de
loi n° 19 et les consultations qui ont permis d'accueillir la
Confédération québécoise des coops d'habitation,
la Coop fédérée, la Société d'habitation du Québec, la Fédération des
coopératives d'habitation intermunicipale du Montréal métropolitain,
communément appelée la FECHIMM, le Chantier de l'économie sociale et le Conseil
québécois de la coopération et de la
mutualité... M. le Président, on doit se le dire, ce projet de loi fait
l'unanimité, et il faut le souligner,
il faut le souligner en cette Chambre. Bien des fois, ce que l'on voit dans les
médias, c'est beaucoup plus ce qui se
passe à la période de questions, mais, ce qui se passe actuellement,
probablement qu'aucun média ne va le transmettre parce qu'on n'est pas en train de se crêper le chignon. Bien au
contraire, dans cette commission, nous avons travaillé de façon collégiale à faire en sorte de préserver
notre patrimoine immobilier collectif, qui est important, qui est un acquis
social pour tous les Québécois et qui fait en sorte de donner des conditions
d'habitation, je dirais, avantageuses à une clientèle qui en a bien besoin.
Vous
le savez, M. le Président, le parc de coops, au Québec, de coopératives
d'habitation, est né dans les années 70 et s'est développé au fil des
ans à partir de budgets tant fédéraux que québécois et a permis à,
principalement, des familles d'avoir
accès à un logement de qualité, d'avoir accès à un logement aussi avec les
moyens qu'ils ont pour consacrer une part
de leurs revenus à leur loyer. Et c'est fondamentalement ce que réclament bien
des groupes aujourd'hui au Québec,
c'est
de pouvoir avoir accès à un logement en fonction de ses revenus, et la norme
sociale nous dit que ça devrait être 30 %, mais bien de nos
familles, au Québec, paient largement au-dessus de 30 % la part consacrée
à leur loyer.
• (11 h 40) •
Alors,
nos coops d'habitation, il faut les préserver, il faut s'assurer que la loi qui
les régit ne permette pas que la coop
soit dilapidée ou soit transférée vers d'autres actifs ou d'autres
propriétaires, et c'est ce que le projet
de loi a permis de faire. Je vous rappellerai aussi que le projet de loi nous a permis de venir faire en sorte, par un amendement
qui a été fait de façon collégiale...
vient faire en sorte de fermer la porte à toute possibilité qu'une coopérative
puisse se voir achetée ou tout simplement reprise par une finance, par
un tiers qui ne serait pas communautaire ou collectif. Et ça, je dois remercier
le ministre de sa compréhension et de sa collaboration. Et je pense qu'il est
dans notre intention à tous de protéger et
je pense que c'est le mot qu'on doit retenir dans ce projet de loi, c'est qu'on est venus «protéger»,
on est venus fermer la porte à toute
tentative de reprise de notre parc locatif collectif dans les coops
d'habitation par des tiers ou même par
les coopérants eux-mêmes qui, à la fin d'une convention, pouvaient avoir l'idée
de devenir eux-mêmes propriétaires de
leur propre coop. Alors, on est venus fermer cette porte et, fort heureusement,
on l'a fait, je pense, de façon fort efficace.
Aussi,
M. le Président, je ne peux pas passer sous silence... et je le répète à chaque
fois, il y a une menace actuellement,
une autre menace sur le parc de logements coopératifs, c'est la fin des
conventions avec le gouvernement fédéral. Je réitère au ministre
l'importance de cette négociation avec le fédéral, de venir protéger ce qu'on
appelle le soutien à la personne. Dans notre
parc de logements coopératifs, il y a des personnes qui reçoivent de l'aide à
la personne, qui fait en sorte de
venir abaisser leurs coûts de logement en bas du coût médian, ce qui leur permet, finalement...
parce que ce sont des personnes à très, très, très faibles revenus, et ça leur permet de rester, de demeurer dans une coop
mais dans un cadre d'une mixité, parce que c'est ce qu'on veut au Québec,
qu'il y ait une mixité dans le logement.
Alors, à l'intérieur d'un ensemble immobilier, il y a
des gens plus démunis, il y a des gens de classe moyenne, et ça permet justement
cette complémentarité dans le mouvement coop. Et, si le mouvement que l'on
voit, qui est déjà démarré, malheureusement, et... si on voit ce mouvement-là se poursuivre, bien il n'y aura
plus de gens démunis dans nos coops parce qu'ils n'auront tout simplement plus les moyens d'y demeurer avec le retrait du
fédéral à partir de la fin des conventions.
Alors, je réitère ce message au ministre, à son gouvernement :
Il faut trouver une solution pour
maintenir la mixité dans nos coops.
C'est fondamental, c'est important. Ça touche 20 000 personnes au Québec. C'est 20 000 personnes qui ont droit actuellement à cette aide au
logement, mais, malheureusement, ces gens-là la perdent de mois en mois parce
que les conventions s'éteignent. Et on en a
jusqu'en 2025 comme ça, mais actuellement, 2015‑2020, ce sont les années les plus importantes en nombre de personnes. Et,
si rien n'est fait, bien ce sont des gens démunis qui vont perdre le soutien
à la personne qu'ils ont présentement grâce
à l'hypothèque qu'ils ont avec la SCHL mais qu'ils vont perdre parce que la
fin de la convention arrive à échéance.
Alors, je renouvelle le message, il faut absolument une intervention du
gouvernement du Québec versus le
gouvernement fédéral pour mettre fin, mettre fin à cette offensive du fédéral,
qui vient fragiliser les personnes
démunies en logement. Je pense que tous ici, on est d'accord que tous ont droit
à un logement, mais il faut qu'ils soient au moins capables de se le
payer.
Alors, M. le
Président, ce projet de loi n° 19 vient fermer la porte à la
dilapidation de notre parc collectif au niveau
des coops d'habitation et d'autres modalités, mais nous avons donné notre
collaboration durant tout le projet de loi et nous allons continuer à le
faire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron) : Je vous remercie, Mme la députée, de votre
intervention sur ce projet de loi à l'étape
finale. Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Arthabaska pour son
intervention sur le même projet de loi. À vous la parole.
Mme Sylvie Roy
Mme
Roy (Arthabaska) : Ça me fait également plaisir, M. le
Président, de prendre la parole aujourd'hui et de réitérer notre consentement, le consentement de la
Coalition avenir Québec, au projet de loi n° 19, intitulé Loi
modifiant la Loi sur les coopératives et d'autres dispositions
législatives. Avant toute chose, je tiens à saluer mes collègues du
gouvernement, le ministre de l'Économie et de l'Innovation, la députée
d'Hochelaga, sans oublier les membres de la commission et le personnel de la
commission.
C'est avec
grand intérêt que j'y ai participé et que j'ai suivi ce projet de loi. Les
changements que nous avons apportés à la loi
étaient demandés par les acteurs du milieu. Les coopératives d'habitation
existent depuis très longtemps, et en effet il était urgent de répondre
à leurs inquiétudes et d'introduire des mesures de protection du patrimoine des
coopératives d'habitation. Il faut
préserver ce caractère coopératif et éviter que ces biens, qui étaient un peu
l'acquis de notre société,
deviennent seulement des objets de spéculation, rappelons-le, dans le
cadre d'un programme... Parce
que c'est dans le cadre d'un programme
gouvernemental d'aide à l'habitation. C'est pour ça que la
coalition appuie ce projet. Comme
nous l'avons appris lors des commissions, il existe au Québec environ 1 300 coopérations d'habitation. Elles
sont propriétaires de
2 500 immeubles qui offrent plus de 3 000 logements
abordables dans lesquels vivent 60 000 personnes. Cela
représente un actif de 1,5 milliard.
Donc, ce projet de loi là a aujourd'hui plusieurs
aspects : il apporte une modification en ce qui a trait aux exigences
requises pour le dépôt de requêtes ou de
statuts de coopératives, il apporte également des modifications techniques et
des modifications de concordance, mais surtout, les deux éléments
centraux, on précise que les sommes dévolues à une coopérative doivent être affectées à sa réserve et qu'elles ne peuvent
être entamées de quelque façon que ce soit. On introduit également une
deuxième mesure de protection du patrimoine des coopératives d'habitation dont
un immeuble a été construit, acquis, rénové
ou restauré dans le cadre d'un programme d'aide à l'habitation, en obligeant la
coopérative à préserver l'affectation
sociale ou communautaire de l'immeuble, en assujettissant l'aliénation d'un tel
immeuble ou la modification de son
affectation à l'autorisation préalable du ministre et également dans le cas de
liquidation de la coopérative. Nous
avons tenté de bonifier le projet de loi et d'éviter que ces coopératives
deviennent... et de préserver ce
patrimoine coopératif. Ces gestes ont été demandés parce que les coops
d'habitations ont, pour la plupart, reçu d'importantes sommes des
programmes gouvernementaux.
• (11 h 50) •
Jusqu'à
récemment, ce patrimoine était protégé par des conventions liant les
coopératives aux bailleurs de fonds gouvernementaux.
Ces coopératives ont commencé à arriver à terme, et la plupart des ententes
viendront à échéance au cours des prochaines années. En effet, on estime
que, d'ici 2024, ce sont 700 conventions qui arrivent à terme. Or, en
l'absence d'un cadre juridique défini qui se substituera aux modalités des
ententes arrivant à échéance, le patrimoine immobilier
coopératif deviendrait vulnérable à des pressions externes et à la spéculation.
Les exemples du passé nous démontrent
que, dans certains cas, des individus ou corporations peuvent chercher à
s'approprier une partie de ce patrimoine en les acquérant à des conditions plus que favorables, ainsi que leurs
bâtiments. On peut associer cela à un potentiel de détournement d'actif
en faveur de membres ou de tiers.
L'urgence
d'agir était là. Et nous voulions éviter une certaine dilapidation de ces
patrimoines. Le projet de loi vient
freiner les pratiques encadrant ces dérives potentielles pour protéger ce parc
de logements, constitué avec d'importants fonds publics.
Je tiens à remercier
le ministre de l'Économie pour son ouverture et sa volonté de faire de ce
projet de loi un dialogue constructif entre les partis politiques. Je salue
également les interventions et les commentaires constructifs apportés par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Ensemble, nous avons été en mesure de réaliser des amendements précieux,
et ce sont les coopératives d'habitation qui sortent grandes gagnantes de notre
collaboration constructive.
Je souhaite donc, en
terminant, réitérer l'appui de la Coalition avenir Québec à ce projet de loi
important. Merci, M. le Président.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, Mme la députée
d'Arthabaska. Je ne vois pas d'autre intervenant
ou intervenante. Est-ce à dire que le projet de loi n° 19, Loi modifiant
la Loi sur les coopératives et d'autres dispositions législatives, est
adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Vice-Président (M. Gendron) : Adopté. Je retourne voir M. le leader adjoint du
gouvernement pour la poursuite de nos travaux.
M.
Sklavounos :
Oui, M. le Président. Je vous demande d'appeler l'article 5 de notre
feuilleton.
Projet de loi n° 37
Adoption du principe
Reprise du débat sur la motion de report
Le Vice-Président (M. Gendron) : À l'article 5 du feuilleton d'aujourd'hui,
c'est : l'Assemblée reprendrait le débat, ajourné le 24 mars 2015, sur la motion de report présentée par
Mme la députée de Mirabel dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi n° 37, Loi
confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime
sur le territoire de la Municipalité de
Port-Daniel—Gascons au
seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de
l'environnement.
Lors
de l'ajournement de nos travaux, la parole était à M. le député de Borduas. Il
lui reste 15 minutes environ pour compléter son intervention. Et je lui
cède la parole pour qu'il complète son intervention. Allez, M. le député de
Borduas.
M. Simon Jolin-Barrette (suite)
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Eh bien, vous l'avez
mentionné, mon intervention fait suite à mon intervention d'hier soir sur la motion de report présentée par la
députée de Mirabel. Et je vous entretenais, M. le Président, hier soir, de la raison pour laquelle nous avons
déposé cette motion de report, la raison fondamentale, qui vise notamment
à reporter l'adoption de principe de sorte
que nous puissions permettre au gouvernement, au leader du gouvernement de
convoquer les groupes que nous avons soumis
et les groupes que le parti gouvernemental pourrait vouloir entendre, ainsi
que la première opposition, ainsi que le troisième groupe d'opposition.
Donc, la motion de
report vise véritablement à s'assurer de pouvoir consulter l'ensemble de ces
intervenants, l'ensemble de ces individus,
qui pourraient apporter un éclairage sur la nécessité d'adopter ce projet de
loi n° 37, notamment qui vise à
empêcher les tribunaux de statuer sur l'État du droit et surtout d'empêcher
qu'une évaluation environnementale indépendante
soit appliquée au projet de cimenterie de Port-Daniel. Parce que, vous le
savez, M. le Président, le projet de loi
n° 37, c'est la Loi confirmant l'assujettissement des projets de
cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article
22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.
Le titre en soi
résume assez bien l'ensemble du projet de loi, et j'en ai fait part hier soir
sur le contenu du projet de loi. Mais ce qu'il faut vous rappeler, M. le Président, c'est que ce projet est le projet industriel le plus polluant
de l'histoire du Québec.
Les efforts qui ont été faits pour lutter contre les gaz à effet de serre seront mis de côté. L'économie
de la Gaspésie ne bénéficiera pas, à juste
titre, de toutes les retombées économiques
qu'un investissement de 450 millions investi d'une autre façon aurait pu amener en Gaspésie. Et, à cet
effet-là, M. le Président, mon collègue de Johnson tout à l'heure a posé une question au ministre de
l'Économie, de l'Innovation et de l'Exportation, et c'est finalement le
ministre des Forêts, Faune et Parcs
qui a répondu à la question, en lien avec le développement économique régional,
notamment sur l'entreprise Résolu, au niveau des emplois au Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Et on considère que c'est important de développer
des emplois de qualité mais qu'il y ait une retombée régionale notamment au
niveau des petites et moyennes entreprises.
C'est important que le modèle d'affaires soit revu au niveau de
l'investissement. Dans ce cas-ci, ce que le gouvernement a fait, c'est qu'il a laissé tomber le Saguenay—Lac-Saint-Jean et l'usine de Résolu, l'usine de
papier. Et je pense que c'est
important de s'y attarder parce que, lorsqu'on a un intérêt pour les régions,
c'est important, dans toutes les
régions, de développer l'économie, de développer un modèle économique qui sera
durable et que le gouvernement soit à l'écoute.
Et
d'ailleurs, M. le Président, je tiens à vous citer, en lien avec la motion de
report, un article de journal qui a été écrit par Mme Sonia Lévesque le
jeudi 19 mars 2015 et qui cite la présidente-directrice générale
du Groupe maritime Verreault, Denise
Verreault. Et, en citation, M. le Président, Mme Verreault dit : «Personne
ne voudra investir ici s'il croit qu'on
est voués à la pauvreté.» Et l'article se dit ainsi, donc — le lieu de rédaction, M. le Président, c'est
Mont-Joli : «Selon la présidente du Groupe maritime Verreault, de
Les Méchins, et je cite, "l'essor de nos régions ne va pas se régler
par décret d'Ottawa ou de Québec. La
prospérité de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, c'est quelque chose que l'on
va devoir se donner nous-mêmes."»
Concrètement,
M. le Président, ce que Mme Verreault nous dit, c'est que ce n'est pas en
investissant uniquement 450 millions
par un prêt, par du capital-actions du gouvernement, de la façon dont c'est
fait actuellement par le gouvernement, en
utilisant un modèle de développement économique tel que proposé par le
gouvernement, qu'on va réussir à développer les régions. Il faut favoriser l'entrepreneuriat local, M. le Président.
Il faut favoriser les petites et moyennes entreprises d'une façon qui va diversifier l'économie, tout en
prenant en considération les principes de développement durable dans l'implantation
de projets qui vont être porteurs pour l'ensemble des régions, l'ensemble des Québécois
et particulièrement pour les
Gaspésiens.
Je
pourrais poursuivre, M. le Président, en lien avec cet article : «Et cette
prospérité passe par les entrepreneurs, a poursuivi Denise Verreault, qui était la conférencière invitée de la Société
d'aide au développement de la collectivité de La Mitis, mercredi, à la faveur de son souper et échange cartes
d'affaires, qui a réuni quelque 150 personnes au Centre Le Colombien de
Mont-Joli.» Et Mme Verreault
dit : «"Nous avons tous le devoir de dépister les entrepreneurs parmi
nous, chez les jeunes particulièrement. Au Québec, on fait plus d'efforts pour dépister et encadrer
les bons joueurs de hockey que les
futurs Armand Bombardier. Je n'ai rien contre les joueurs de hockey, mais ce ne
sont pas eux qui vont assurer la
prospérité de nos régions", soulignait la conférencière pour qui les
occasions d'affaires ne manquent pas en Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent.»
Concrètement,
M. le Président, il
faut revoir le modèle d'affaires. Le
projet de cimenterie, au niveau économique,
est un mauvais projet. Investir 450 millions d'argent public dans un seul
projet avec, et le ministre l'a dit, avec une famille
qui détient les moyens d'investir... Concrètement, la politique
du gouvernement devrait être plutôt de viser une diversification
de l'économie, d'autant plus que, si jamais il y a
des difficultés dans l'industrie du ciment à quelconque moment, éventuellement,
bien, ça va faire en sorte qu'on va se retrouver, avec les 200 emplois qui sont
créés par le gouvernement, en difficultés économiques. Et le taux de
chômage, M. le Président, ne diminuera pas en Gaspésie mais va plutôt demeurer stable si jamais il y avait
des difficultés qui étaient rencontrées. L'importance de diversifier l'économie,
l'importance de favoriser les petites et
moyennes entreprises, l'importance de créer des emplois de qualité, d'assurer
une diversification, ça devrait être
ce à quoi le gouvernement doit s'atteler, doit développer, doit concentrer
ses énergies. Parce que vous
savez, M. le Président, que, si ce n'est pas fait, encore une fois il va s'agir d'un seul projet pour la Gaspésie, et par la suite on va se fermer les yeux, on va
passer à autre chose, on va se diriger vers Montréal ou Québec,
et puis on va négliger encore une fois les régions, on va négliger la Gaspésie, et ce n'est pas ce qui doit
être fait. Il ne s'agit pas d'un unique projet qui doit être mis en
branle, mais on doit concentrer l'économie, on doit concentrer nos efforts sur
une diversification de l'économie
notamment, et puis tout
à l'heure j'y faisais référence avec
l'intervention du député de Johnson
sur la papetière Résolu.
Donc, M. le
Président, vous savez qu'on a discuté de plusieurs éléments en lien avec le
projet de loi. Notamment, le ministre
hier a fait référence aux propos des groupes environnementaux qui se sont
désistés, qui ont décidé de participer à...
bien, en fait, dans le cas d'un groupe environnemental, le Centre québécois du
droit de l'environnement, qui a décidé de
participer à un comité de... je pourrais dire, de mitigation avec la cimenterie
McInnis et qui s'est désisté de sa procédure judiciaire en cours,
considérant que la cimenterie était déjà en marche, était déjà en phase de
construction et que le gouvernement n'avait
pas attendu et n'avait pas soumis cette cimenterie à une évaluation
environnementale du BAPE.
Dans le fond,
ce qu'on a fait, M. le Président, du côté du gouvernement, c'est qu'on n'a pas
pris en considération l'aspect
environnemental du projet et on a dit : Parfait, construisez, puis on
verra plus tard. Et donc vous savez que les justiciables qui ont porté l'affaire en cause, l'affaire devant la cour,
ce sont eux qui ont eu le fardeau de défendre l'intérêt public sur le plan environnemental, et, M. le
Président, je pourrais dire, ils ont fait ce qu'ils ont pu avec les moyens
qu'ils avaient.
Et je
tiens à vous référer, M. le Président, à un blogue qui a été écrit par Me
Michel Bélanger, l'avocat du Centre québécois du droit de l'environnement.
Avant de faire cela, M. le Président, je tiens à vous rappeler que, pour
Environnement Vert-Plus, le deuxième groupe environnemental qui était partie au
processus judiciaire, partie à la poursuite...
eh bien, ce groupe s'est désisté mais n'a pas décidé de participer au
processus, considérant que les garanties qui étaient offertes par la
cimenterie en lien avec ce comité n'étaient pas suffisantes et n'atteignaient
pas les objectifs qui avaient été demandés
par ces groupes environnementaux. Mais revenons au blogue de Me Michel
Bélanger, avocat, et qui était
l'avocat principal au dossier pour le Centre québécois du droit de
l'environnement. Donc, ses propos vont en ce sens : «La cimenterie McInnis à Port-Daniel a fait l'objet d'une
attention soutenue en février. Notre participation au processus judiciaire étant chose du passé, nous
souhaitons revenir sur l'intervention des organismes Environnement Vert-Plus
et Centre québécois du droit de l'environnement
dans ce dossier qui n'avait rien d'ordinaire. J'y étais aux premières loges
en tant que procureur des groupes
environnementaux. [...]Le gouvernement du Québec a déposé, le 19 février
dernier, une loi visant à confirmer sa décision de ne pas assujettir ce
projet à une audience du BAPE, rendant ainsi caduque la poursuite judiciaire
entamée en août 2014.»
M. le Président, ça, c'est le noeud du problème
avec le projet de loi du gouvernement. Le projet de loi du gouvernement en fait
le place dans une position de juge et partie.
• (12 heures) •
On a le
gouvernement, par le biais de ses procureurs, qui... Je vous l'ai mentionné
hier, M. le Président, le ministre
de l'Environnement, du Développement durable
et de la Lutte aux changements climatiques est un défendeur dans cette
instance en sa qualité de ministre de l'Environnement et est représenté par les
avocats, les procureurs de la Procureur général
du Québec, soit. Mais donc il est partie défenderesse à ce processus
judiciaire. Et, le 19 février, M. le Président, c'est véritablement une
intervention de l'exécutif qui vient déposer, à l'intérieur de cette Chambre,
une loi qui vise à complètement soustraire le débat juridique qui avait cours ou
qui aurait lieu dans... en fait, durant les semaines du 3 et du 10 mars,
un débat de deux semaines qui devait être entendu par la Cour supérieure du
district de Québec.
Donc, M. le Président, cette intervention-là de l'exécutif, en déposant une loi, a fait
dérailler... en fait, vous savez qu'il
y a une... les procureurs de la
Procureur général du Québec ont déposé une demande remise sine die, le 19
février dernier, parce qu'il y avait une intervention directe du gouvernement dans cette question
de droit qui devait être soumise. Parce
que la question est de savoir, M. le Président : Est-ce
qu'il était nécessaire
que la cimenterie de Port-Daniel soit soumise
à une évaluation environnementale? C'était la prétention des demandeurs dans ce
dossier. Et surtout on ne comprend pas
pourquoi le gouvernement refuse d'assujettir cette entreprise,
ce projet, à une évaluation environnementale. Ça sera toujours, M. le Président, deux poids, deux mesures, si, à tout moment où il y a
une contestation judiciaire qui est présentée, une requête en révision judiciaire pour valider est-ce que
le ministre de l'Environnement a émis le certificat
d'autorisation prévu en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, est-ce qu'il a été émis en fonction des règles
applicables, est-ce qu'il a été émis en fonction de la loi applicable, selon
les critères...
Donc, est-ce que
toutes les demandes de révision judiciaire auxquelles fait face le ministre de l'Environnement, il va y avoir une loi particulière qui va être adoptée
par cette Assemblée et qui va être présentée? Est-ce que
toutes les entreprises... Parce
que vous savez que, présentement, il y a 5 000 certificats
d'autorisation qui sont émis par année par le ministère de l'Environnement. Le ministre de l'Environnement a
d'ailleurs annoncé, en février dernier, qu'il visait une refonte de la Loi sur la qualité de
l'environnement avec la présentation d'un livre vert, dont nous avons très hâte
de consulter et
de travailler en collaboration avec le ministre à ce sujet-là, parce que c'est
une loi qui existe depuis désormais, je crois, 37 ans, et qui n'a pas
fait l'objet de révision fondamentale. Vous savez qu'on a ajouté certaines
parties à la loi, mais, cependant, il va y avoir un exercice important à faire.
Et ça revient
à l'exercice de la Loi sur la qualité de l'environnement et à l'exercice dont
on est saisis aujourd'hui. Est-ce
que, dans tous les cas où il y a contestation, le gouvernement va intervenir,
dans le cadre de l'ensemble des projets économiques, pour les gens qui voudraient développer un projet et qui
serait assujetti au chapitre IV.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement, soit de tenir une
évaluation indépendante par le Bureau d'audiences publiques en l'environnement?
Donc, je
reviens, M. le Président, à ce que Me Bélanger disait, dans ses propos, sur son
blogue : «Quelques jours auparavant,
Environnement Vert-Plus et le Centre québécois de l'environnement s'étaient désistés de la poursuite, ignorant
que le gouvernement allait présenter une telle loi.»
La question
à se poser, c'est : Est-ce
qu'ils se seraient désistés de ce processus
judiciaire s'ils avaient su que le
gouvernement allait déposer une telle loi?
«En se retirant, le Centre québécois du droit de
l'environnement a négocié avec Ciment McInnis la mise en place d'un processus
de médiation qui permettra de jeter les bases d'un nouveau comité de suivi
environnemental. Environnement Vert-Plus
s'est retiré de la poursuite sans s'engager à participer à ce processus. En
rétrospective, on constate que les
groupes environnementaux que je représentais auront été les seuls à faire un
gain environnemental, la loi spéciale emportant toutes autres
perspectives de gains au plan juridique.»
Concrètement,
M. le Président, on vient couper l'herbe sous le pied du tribunal, on vient
écrire le jugement à sa place. On ne
laisse pas la latitude au pouvoir judiciaire d'interpréter les règles
applicables, ce qui est son fardeau, ce qui est sa responsabilité
d'interpréter les règles qui font l'objet d'une contestation.
Donc, vous savez, M. le Président, qu'il s'agit
d'un dossier extrêmement important, et je crois que vous me donnerez l'occasion
d'en reparler. Merci.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, je vous remercie, M. le député de Borduas, pour votre intervention.
Et votre
intervention met fin au débat restreint de deux heures sur la motion de report
présentée par Mme la députée de Mirabel dans le cadre de l'adoption du
principe du projet de loi n° 37.
Donc, je mets
maintenant aux voix la motion de report présentée par Mme la députée de Mirabel
dans le cadre de l'adoption du
principe du projet de loi n° 37, Loi confirmant l'assujettissement des
projets de cimenterie et de terminal maritime
sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article
22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.
«Que la
motion en discussion soit modifiée en retranchant [les mots]
"maintenant" et en ajoutant, à la fin, les mots :
"dans deux semaines".»
Est-ce que cette motion est adoptée? M. le
leader du deuxième groupe.
M.
Bonnardel : M. le
Président, je demande le vote nominal pour la motion de report, s'il vous
plaît.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, le vote nominal est demandé. M. le leader adjoint du gouvernement?
Alors, quand le vote nominal est demandé, que l'on appelle les députés.
Alors, les travaux sont suspendus quelques
minutes.
(Suspension de la séance à
12 h 6)
(Reprise à 12 h 18)
Le Vice-Président (M. Gendron) : À vos
places, s'il vous plaît.
Mise aux voix
Alors, ce que nous mettons aux voix, c'est la motion de
report de la collègue de Mirabel.
Alors, pas besoin de la relire.
Si vous dites que oui, je vais la relire. C'est la motion de report sur le projet de loi n° 37 que nous
mettons aux voix.
Alors, est-ce que cette motion est adoptée? On
va faire l'appel du vote. Allez.
La Secrétaire adjointe : M.
Bonnardel (Granby), M. Deltell (Chauveau), M. Caire (La Peltrie), M. Martel
(Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Roberge
(Chambly), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs),
Mme D'Amours (Mirabel), M. Laframboise (Blainville), Mme Lavallée (Repentigny), M. Lamontagne (Johnson), M. Jolin-Barrette
(Borduas), M. Surprenant (Groulx), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M.
Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis (Lévis), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière),
Mme Roy (Arthabaska), M. Lemay (Masson).
M. Khadir (Mercier), Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques).
Des voix : ...
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
S'il vous plaît! Que les députés contre cette motion veuillent
bien se lever.
La
Secrétaire adjointe : M. Couillard (Roberval), M. Fournier
(Saint-Laurent), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel),
M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Dutil (Beauce-Sud),
M. Leitão (Robert-Baldwin), M.
Coiteux (Nelligan), M. Moreau (Châteauguay), Mme David (Outremont), M. Poëti
(Marguerite-Bourgeoys), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot (Vanier-Les Rivières), M.
Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vien (Bellechasse), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La
Pinière), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), M. Heurtel (Viau), M. Arcand (Mont-Royal), Mme Charbonneau
(Mille-Îles), M. Daoust (Verdun), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vallée (Gatineau), M. Billette (Huntingdon),
M. Blais (Charlesbourg), Mme St-Pierre (Acadie), M. Reid (Orford), Mme Vallières (Richmond), M. Morin (Côte-du-Sud),
M. Bernier (Montmorency), M. Ouellette (Chomedey), Mme Charlebois
(Soulanges), Mme Ménard (Laporte), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), M. Girard
(Trois-Rivières), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Chevarie
(Îles-de-la-Madeleine), M. Simard (Dubuc), M. Tanguay (LaFontaine), M. Bolduc (Mégantic), Mme de Santis
(Bourassa-Sauvé), M. Iracà (Papineau), M. Ouimet (Fabre), M. Fortin (Sherbrooke), M. Fortin (Pontiac), M. Bourgeois (Abitibi-Est),
M. Boucher (Ungava), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee),
M. Auger (Champlain), M. Rousselle (Vimont), M. Giguère (Saint-Maurice), M.
Habel (Sainte-Rose), M. Hardy
(Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), Mme
Nichols (Vaudreuil), M. Plante (Maskinongé),
M. Polo (Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. St-Denis (Argenteuil).
M.
Bédard (Chicoutimi), Mme Maltais (Taschereau), M. Marceau (Rousseau), Mme Hivon
(Joliette), M. Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Poirier
(Hochelaga-Maisonneuve), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Lamarre
(Taillon), M. LeBel (Rimouski), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kotto (Bourget), M.
Gaudreault (Jonquière), M. Therrien (Sanguinet), M. Bergeron (Verchères), M.
Dufour (René-Lévesque), M. Drainville (Marie-Victorin), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Lisée (Rosemont), M. Traversy
(Terrebonne), M. Cousineau (Bertrand), M. Rochon (Richelieu), M. Leclair (Beauharnois), M. Villeneuve
(Berthier), M. Péladeau (Saint-Jérôme), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Pagé (Labelle), Mme Richard (Duplessis),
M. Roy (Bonaventure).
• (12 h 20) •
Des
voix : ...
Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît! Y a-t-il des abstentions? Il n'y
en a pas. Alors, Mme la secrétaire générale.
La
Secrétaire : Pour : 23
Contre :
90
Abstentions :
0
Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, la motion est rejetée... Alors, s'il vous
plaît, nous, on veut poursuivre, là.
On sort dans le silence.
Poursuite du débat sur l'adoption du principe
Alors, puisque la
motion a été rejetée, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe
du projet de loi n° 37, Loi confirmant l'assujettissement des projets
de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de
l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Et je suis prêt à reconnaître les interventions,
s'il y en a d'autres. Et je reconnais M. le député pour son intervention. À
vous la parole.
M. André Lamontagne
M.
Lamontagne : Député de Johnson, M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Gendron) : Oui. Oui, M. le député de Johnson.
M.
Lamontagne : Alors, merci. Je suis vraiment heureux d'intervenir sur
le projet de loi n° 37 que mon collègue de Borduas a si
vaillamment et si bien piloté depuis le début de notre travail.
Pour
se le rappeler, le projet de loi n° 37, c'est une loi qui confirme
l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur
le territoire de la municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime
d'autorisation de l'article 22 de la
Loi sur la qualité de l'environnement. Alors, grosso modo, si on veut résumer
ça, ce que ça dit, c'est qu'il y a
des gens qui disent que ce projet-là aurait dû être soumis à une certaine
démarche au point de vue environnemental, puis ce projet de loi là vient
vouloir confirmer que, dans le fond, ce projet-là n'a pas à être soumis à cette
démarche environnementale là.
Alors,
d'intervenir, aujourd'hui, ça va me permettre de dresser un peu le portrait de
c'est quoi, le projet, mais aussi dans quel cadre ça a été autorisé,
parce que, au-delà de nous rappeler que le Parti libéral et le Parti québécois
ont pu dénigrer la Coalition avenir Québec parce qu'on s'est opposés à ce
projet-là, il est important de rappeler qu'on s'est opposés à ce projet-là parce qu'il y avait des raisons très légitimes de
le faire. Puis ces raisons-là puisent leur raison d'être dans un certain
nombre de points.
Un premier
point, c'est qu'en termes d'engagement financier, c'est-à-dire de combien
d'argent ce projet-là va mobiliser,
là, des argents du Québec — même ce n'est même pas les argents du Québec, c'est de l'argent
qu'on emprunte pour prêter à ce projet-là — c'est un désastre en
termes de... Les millions par emploi, là, c'est du jamais-vu.
Après ça aussi, on s'aperçoit que...
Selon les études qu'on a, c'est qu'ultimement, bien, ça va devenir le projet
le plus polluant, au niveau industriel, de l'histoire du Québec, au Québec.
Après
ça aussi, c'est un désastre au niveau du message qu'on envoie aux autres
joueurs de l'industrie, à qui on dit : Ça fait 25 ans,
50 ans, 75 ans que vous êtes chez nous, que vous investissez, que
vous faites travailler des gens, puis, si
vous êtes encore ici aujourd'hui, c'est parce que vous avez du succès, vous
faites des profits, donc vous payez des impôts. Là, on va prendre ces
impôts-là ou le levier que ces impôts-là nous donnent pour faire des emprunts
puis on va aller emprunter de l'argent où on
va subventionner ou aider un projet qui va venir les concurrencer directement
mais d'une façon vraiment pas banale, M. le Président.
Puis
c'est un désastre aussi en termes de controverses que ça a créé, parce qu'il
faut se souvenir qu'on est en face d'une solution, là, où, d'un côté, le
gouvernement nous dit : Non, non, ce projet-là n'est pas assujetti à une
analyse environnementale parce que c'est un
vieux projet qui date... Là, je n'ai pas la date, mais, mettons, de... Ça a été
autorisé en quelle année? 1995, telle date. Alors, il n'a pas à être assujetti
à une étude environnementale formelle du BAPE. Par contre, c'est considéré comme un nouveau projet en
fonction des incitatifs que le gouvernement donne pour des grands projets, des nouveaux grands projets au Québec, un
incitatif au point de vue des concessions au point de vue des crédits à
l'emploi, au point de vue... un crédit en termes des émissions dans le cadre du
marché du carbone, d'avoir un tarif ultracompétitif
au niveau de l'électricité, d'avoir un crédit d'impôt à payer pour les
10 prochaines années. Alors, ça, c'est un nouveau projet. Mais, quand c'est le temps de regarder le volet
environnemental de ce projet-là, bien là ce n'est plus un nouveau projet, c'est un vieux projet. Alors,
essayez donc de réconcilier ça, M. le Président. Chez nous, on n'y est pas
arrivés encore. Allez comprendre, hein?
Alors,
d'abord, si on regarde l'historique, là, au départ, ce projet-là, en 1995, ça
devait être un projet d'une capacité, là
de... créer un investissement pour créer une cimenterie à Port-Daniel—Gascons qui prévoyait une capacité annuelle
d'un million de tonnes métriques de ciment. Et puis, en 2013, le projet qui a commencé à être
évalué puis regardé, on ne parle plus
de 1 million de tonnes métriques de ciment, M. le Président, mais on parle de 2,2 millions
de tonnes métriques de ciment, 2,2 millions de tonnes
métriques avec une capacité additionnelle, si requise, de 15 %, ce qui pourrait nous monter
au-delà de 2,5 millions de tonnes métriques qui seraient produites par
année.
Alors,
quand on regarde tout ça, qu'initialement, s'il y a un avis qui avait été donné
sur ce projet-là, M. le Président, c'était sur la base que c'était un
projet qui allait faire 1 million de tonnes puis qui allait avoir des
émissions puis des conséquences
environnementales autour du million de tonnes qu'il allait émettre, mais, si on
regarde maintenant le projet auquel on fait face, on ne parle plus de
1 million de tonnes, on parle de deux fois, peut-être de deux fois et
demie, originalement, à ce qui avait prévu.
Ça fait qu'on s'entend que nous, on a de la misère à concilier un gouvernement
qui va avoir toutes sortes de lignes
pour nous parler de son approche globale, générale, intégrée, et tout ça, puis
de ses études environnementales stratégiques, et tout ça, puis il s'en
fait l'apôtre de la bonne garde d'investissements durables et environnementalement sains au Québec puis de
regarder que ce projet-là, à la première... le gouvernement, à la première
occasion, a sauté à pieds joints dans ce projet-là. Ça fait que nous, on a
beaucoup de misère à accepter ça.
Puis, si on regarde
d'un point de vue financier, bon, on comprend qu'au départ, quand le nouveau
ministre de l'Économie a été confirmé dans
ses fonctions, tout de suite, il a émis un bémol, une réserve par rapport à ce
projet-là en disant qu'il n'était pas
sûr que c'était une bonne affaire pour le Québec. Puis là on ne sait pas
qu'est-ce qui s'est passé, mais, en
dedans de 36 heures, subitement, ça avait été ficelé de la bonne façon, les
changements qui avaient été apportés avaient été faits, et tout ça,
finalement, c'était un bon projet pour le Québec, hein?
Mais il reste qu'au
départ qu'est-ce qu'on a comme projet, là? On a un projet, à l'origine, on dit
que c'est un investissement d'à peu près
450 millions de dollars. Sur 450 millions de dollars, il y a
100 millions qui vient d'Investissement
Québec, il y a 100 millions qui vient de la Caisse de dépôt et placement
du Québec et il y a un prêt de 250 millions
de dollars. Alors, sur les 450 millions qui sont là, là, il y a
100 millions, oui, qui vient de la Caisse de dépôt, qui fait partie du bas de laine des Québécois,
puis c'est un investissement comme tel, mais l'autre 350 millions, là, à
la lumière des affaires financières
du Québec d'aujourd'hui, là, nous, on l'emprunte, cet argent-là. On prend
350 millions puis on dit :
On l'investit dans ce projet-là. Ça fait qu'on parle de 450 millions, mais
là-dessus il y a un 350 millions qu'on emprunte, puis, sur le bout qu'on emprunte, il y a un bout qu'on
investit, puis, l'autre, on le prête à quelqu'un d'autre.
• (12 h 30) •
Puis
ultimement, ce qu'on entend, les plus optimistes, une fois que c'est bâti, on
nous parle d'à peu près 200 emplois. Puis,
s'il y en a qui grattent puis qui creusent un petit peu, ils disent :
Bien, une fois que l'usine va vraiment avoir pris son envol, là, puis que tout va être efficace puis va bien fonctionner, bien,
c'est peut-être plus proche de 150 que de 200.
Puis
l'autre chose aussi qu'on peut regarder à travers ça, c'est que, des emplois
qui vont rester puis qui vont être des
emplois permanents dans l'usine, là, il
y en a une partie importante qui ne
pourront pas venir de la Gaspésie parce
que
les compétences pour ces emplois-là, présentement, ne sont pas disponibles. Alors, c'est probablement des gens qui vont partir de Montréal, qui vont partir de
Sherbrooke, de Québec ou d'autres endroits au Québec, qui ont les
compétences x pour aller opérer telle machine, là, qui vont avoir à
se déplacer puis à s'en aller en Gaspésie pour pouvoir y travailler.
Ça
fait que, si on regarde l'impact pour les Gaspésiens d'un investissement de cet
ordre-là, on s'aperçoit que c'est vraiment
beaucoup, beaucoup, beaucoup de millions pour pas beaucoup, beaucoup, beaucoup
d'emplois, M. le Président, hein?
Mais on s'entend, chaque emploi... J'ai déjà entendu le député de Bonaventure
en entrevue, avec le député de Rousseau, ils expliquaient que les gens de la Gaspésie avaient faim puis que ça,
ça allait aider. Ça, je comprends ça, puis, je veux dire, on est très, très sensibles à ça. S'il y en
a que sont sensibles à ça, ça commence avec nous parce que les premières
personnes dont on veut s'occuper, c'est les gens de la classe moyenne qui sont
égorgés, puis qu'on veut certainement contribuer à ce qu'ils soient moins
égorgés.
Ça fait que,
quand on entend que c'est difficile dans certaines régions au niveau de
l'emploi, on est certainement sensibles
à ça. On pose des questions sur l'emploi à peu près quatre fois par semaine au
premier ministre de la province. Ça fait qu'ils ne viennent pas nous dire qu'on
n'est pas concernés par ça. On est très concernés par ça. Où on est concernés,
M. le Président, c'est qu'on prenne
450 millions de dollars pour investir dans un projet qui va donner un
nombre limité d'emplois puis, comme
bonus, qui va être le roi de la pollution au Québec. Ça va être un désastre
environnemental. Ça, M. le Président,
pour nous, ça pose un problème, hein? Le coût par emploi créé est
stratosphérique, on parle d'à peu près 2 millions
de dollars par emploi. Puis ça, ça exclut toutes les subventions pour les
rabais électriques qu'ils vont avoir. Ça,
c'est des dizaines et des dizaines de millions. Ça exclut, pendant, je pense,
c'est trois ans ou cinq ans, le crédit pour la bourse du carbone. Encore là, c'est des millions de dollars. Ça exclut
les crédits au niveau de la masse salariale. Encore là, ça va être des centaines de milliers de dollars.
Puis ça exclut le fait que, sur 10 ans — on espère que ces gens-là vont avoir un projet qui est profitable — bien, si le projet est profitable puis qu'il
y aurait de l'impôt à payer, ils n'en paieront pas pendant 10 ans.
Ça fait que,
là, on ne parle plus de 450 millions, M. le Président. Je ne mettrai pas
de chiffres parce que je ne peux pas
les donner, mais on parle de centaines de millions de dollars de plus que
450 millions. Puis on ramène toujours ça à notre fameux entre 150
puis 200 emplois.
Nous autres,
quand on s'assoit puis qu'on jase, on dit : Écoute, on aurait pris une
fraction de ça, puis ça, ça aurait été, comme carburant en arrière de
ça, une vision puis ça aurait été un plan. Imaginez ce qui aurait pu être fait
pour la Gaspésie, quelle sorte de projets
mobilisateurs qu'on aurait pu faire pour la Gaspésie en mettant à contribution toute la communauté entrepreneuriale de la Gaspésie. En plus
d'avoir des emplois, ça aurait eu un effet de mobilisation pour toute la
péninsule. Là, on se ramasse, c'est dans un petit coin, il va y avoir
150 emplois puis on a mobilisé toutes ces ressources-là. Mais ça, ça fait
leur affaire parce qu'en bout de ligne : On aime les régions, voici
comment qu'on leur manifeste qu'on aime les
régions, finalement on a fait notre job. Bien, ça, M. le Président, là, nous,
on n'est pas certains que c'est la
bonne chose à faire, puis c'est pour ça qu'aujourd'hui on se lève puis qu'on
remet en question le fait qu'on donne un passe-droit environnemental à
ce projet-là, hein?
Alors,
qu'est-ce qu'on voit avec le projet de loi n° 37, là, c'est que, oui,
c'est le Parti libéral, le gouvernement qui fait la proposition de ça, mais en même temps on a le silence du
gouvernement précédent, qui, lui, a fait la promotion de ce projet-là, hein? Ça fait qu'on a une espèce
de cohérence entre les deux, mais qui est manifestement une absence de cohérence parce qu'encore là, si on écoute
l'opposition officielle, le Parti québécois, combien il se drape, je veux dire,
dans leur discours environnemental,
et puis, à la première occasion où ça aurait pris deux choses, du courage puis
de la vision, puis après ça de
l'action, ils ont failli aux trois endroits, M. le Président. Puis la recette
facile, là, quand, après avoir eu un mandat
catastrophique pendant 18 mois, où on s'est ramassés où on devait
finalement équilibrer nos finances, puis on avait des milliards de
déficit qui étaient pelletés, des budgets présentés sans crédits, une caravane
électorale qui est partie à
l'automne 2013 puis qui a culminé au printemps 2014 par des annonces pour
à peu près 2 milliards... Puis la cerise sur le sundae, ça a été cette espèce de conférence là en Gaspésie pour
annoncer que, là, il allait y avoir la cimenterie à Port-Daniel.
Écoutez, ça, ça a été... hein?
Ça fait que, quand on regarde tout ça, là, on
s'aperçoit que l'ancien gouvernement, l'opposition officielle, là, zéro cohérence par rapport à ce projet-là, hein?
Ce qu'ils ont cherché à faire, là, c'est faire la promotion de leur agenda
puis d'aller chercher des votes. Puis les
dernières personnes qu'ils avaient, là, à l'esprit à vouloir aider, là, c'est
bien les citoyens puis les gens de la Gaspésie. Ça fait qu'on n'a pas de
leçons à recevoir de ces gens-là, hein?
Parlons
maintenant du gouvernement qui est en place, le gouvernement libéral. Encore ce
matin, le premier ministre, là, trois fois ou quatre fois, a parlé
comment il aimait les régions puis comment, nous, ça n'avait pas de bon sens,
la Coalition avenir Québec, comment qu'on
n'aimait pas les régions. Bien, parlons-en, comment ils aimaient les régions.
Si on avait eu un gouvernement, vraiment,
qui aimait les régions, quand ils seraient arrivés au pouvoir, ils auraient eu
une vision puis ils auraient eu un plan par rapport aux régions. Ils ont fait deux choses. D'un côté, ils
ont dit : On vous aime tellement
qu'on vous confirme le projet de la cimenterie Port-Daniel—Gascons. Ça fait que, là, les gens ont applaudi.
Mais, en même temps, on vous aime
tellement, là, que voici comment on va tout détruire puis démolir ce qui a été
fait, depuis 15, 20 ans, en matière de développement régional puis de
concertation régionale au Québec.
Alors, dans
leur profession d'amour aux régions, qu'est-ce
qu'ils ont fait, M. le Président? Je vais vous en donner quelques
lignes, O.K.? On a aboli la conférence régionale des élus. On
a coupé 50 % dans le Fonds du
développement régional. On a fait une
réduction de 300 millions des transferts versés aux municipalités, avec
l'impact qu'on connaît pour la
ruralité puis les régions, hein? On a vu les baisses des crédits d'impôt visant
les entreprises, des compressions des budgets dans les centres locaux de développement. On a vu une problématique au
niveau du partage de la taxe d'hébergement dont les revenus sont habituellement versés aux associations
touristiques régionales; que, maintenant, le gouvernement veut revoir ça puis prendre ça, centraliser ça. On
a vu l'abolition du programme d'entretien de la route verte, hein? On a vu
la suppression des 11 directions régionales
du ministère de l'Éducation, du Loisir et des Sports. On a parlé, là, de
l'espèce de projet «cacaphonique»
qu'ils ont mis en place au niveau des commissions scolaires. On a parlé des
fusions d'agences de santé puis l'impact
que ça a en région. On a parlé des fusions des directions régionales du
ministère de la Culture et des Communications.
Recul dans la lutte à la pauvreté dans les régions; les personnes âgées en
perte d'autonomie vont voir leurs
tarifs pour les repas puis les transports adaptés augmenter. Et je continue, je
continue, je continue, M. le Président.
Ça, dans les
faits, c'est comme ça qu'ils ont montré aux gens des régions comment ils les
aimaient, hein? Ça fait que moi, je
vais vous dire bien honnêtement, M. le Président, si on parle de cohérence,
encore là il y a une absence totale de cohérence
de la part de ce gouvernement-là. D'autoriser le projet de Port-Daniel, encore
là, là, c'est la même chose que nos
amis du gouvernement précédent, c'est une absence totale de courage. C'est
certain qu'une fois élus, là, d'arriver puis de dire aux gens de la Gaspésie : Écoutez, ce n'est pas un bon
projet, ça ne fait aucun sens d'aller investir 500 millions,
600 millions là-dedans, des deniers publics, en plus que ce sera un projet
ultrapolluant... Ça ne fait pas de sens pour 150,
200 jobs. Je ne sais pas si ça en aurait fait pour 2 000 jobs, mais c'est
certain que, pour 150, 200 emplois, ça ne faisait pas de sens. Mais ils ne pouvaient pas leur dire
ça parce qu'ils n'avaient rien d'autre à leur proposer. Ils n'avaient pas
réfléchi, ils ont fait une campagne
électorale puis, à un moment donné, ils se sont aperçus qu'ils allaient être
élus puis ils n'avaient rien préparé.
La seule chose qu'ils ont réalisée aussi, c'est que les finances publiques
n'étaient pas en bon état. Il faut qu'on coupe, il faut qu'on s'organise
pour balancer tout ça. Bien, je veux dire, ils se sont mis à passer la hache là-dedans, puis regardez ce que ça a donné. La
semaine passée, les gens de la coalition Touche pas à mes régions! étaient
ici, la présentation qu'ils ont pu faire de l'impact de toutes ces décisions-là
du gouvernement...
On ne veut
pas dire qu'il ne faut pas qu'il y ait de rationalisation, qu'il ne faut pas
améliorer les façons de faire, mais
aujourd'hui, on voit, ils font des annonces. Le gouvernement fait des annonces
puis il explique qu'ils s'en vont faire des grandes tournées, des grands sommets régionaux pour écouter leurs
partenaires, pour définir des politiques à venir. Bien, s'ils avaient eu le moindrement de vision
puis ils avaient eu un petit plan, avant de tout démolir, ils les auraient
faites leurs consultations. Après ça, tu invites les gens à changer, tu
dis : Maintenant, on est là, ça pointe vers là, je vous accompagne, puis on s'en va là. Là, ce n'est pas
ça, c'est que, là, ils ont mis la hache là-dedans, ils ont à peu près tout
défait, puis là ils disent : «By the
way», on s'en vient, on aimerait ça savoir comment vous pensez que ça devrait
fonctionner. M. le Président, ça ne fait pas de sens, O.K.? Pardon, ma
femme me dirait : Ça n'a pas de sens. O.K.?
• (12 h 40) •
Alors, leur
discours environnemental, que ce soit le Parti québécois ou le Parti libéral,
ça ne rime à rien dans ce dossier-là,
et puis on s'aperçoit que c'est vraiment un manque de vision, puis c'est
vraiment un manque de courage, puis avoir
à peu près zéro plan, O.K.? On ne nie pas l'importance d'avoir des projets
structurants, M. le Président. Quand on parle de projets structurants, c'est quand on arrive en région, puis, à
un moment donné, là, bang! il y a un gros investissement qui, oui, vient donner de l'emploi, mais, en même
temps, vient créer toute une horde de petites entreprises qui va faire
vivre des centaines de personnes pendant des années. Mais ça, on n'improvise
pas ça, M. le Président.
Puis là ce
qu'on a été témoin, là, c'est que l'opposition officielle, là, dans une quête
d'aller chercher sa majorité, s'est
dit : Écoute, je vais essayer d'acheter la Gaspésie. Puis après ça on a le
Parti libéral qui prend le pouvoir, ils arrivent là, ils n'ont pas de plan, ils n'ont aucune idée de ce
qu'ils vont faire, mais la dernière chose à faire, c'est de mettre le monde
de mauvaise humeur en Gaspésie, ça fait qu'on
va laisser ça aller comme ça. Ce n'est pas de même que ça marche, M. le
Président.
Puis, à la
Coalition avenir Québec, ce qu'il faut faire avec les régions, ce qu'on pense,
ce qu'on dit qu'il faut faire avec
les régions, première des choses, là, il faut s'asseoir avec eux puis il faut
les écouter, parce qu'il y a deux choses : les gouvernements
passent, les politiques passent, et tout ça, mais, à tous les jours sur le
terrain, il y a des gens qui sont mobilisés
pour faire progresser leurs communautés, puis, la plupart du temps, le
gouvernement se met dans leurs jambes pour les empêcher de progresser.
Ça fait
que, la première des choses, il faut s'asseoir avec eux, là, puis leur
demander : Quelle sorte d'accompagnement, qu'est-ce qui vous serait utile pour vous permettre de libérer le
potentiel de vos communautés, pour vous permettre de libérer le potentiel de vos entrepreneurs?
Qu'est-ce qui vous serait utile? C'est la première chose qui pourrait être
faite, M. le Président, c'est de
s'asseoir avec eux, oui, pour aider à les mobiliser. Ça fait que, nous, ce
qu'on aurait fait, là, quand je parle
aux gens de la Gaspésie, puis quand je fais des entrevues, puis je leur parle
aux médias là-bas, c'est-ce que je leur dis. Tu sais, au mois de novembre, l'an
passé, il y a 50 entrepreneurs de la Gaspésie qui se sont réunis pour voir
comment ils pouvaient dynamiser toute
la péninsule au complet par les affaires. Bien, nous, on se serait assis avec
eux, on aurait dit : Écoute, on
a un projet à faire, il s'appelle Gaspésie 2015, on va mettre 50, 75,
100 millions là-dedans. On a 500 000 emplois à créer. On se donne cinq ans pour faire ça, 10 ans
pour faire ça. Qu'est-ce qu'on fait? Le feu aurait pris sur la péninsule
gaspésienne, M. le Président, mais ce n'est
pas ça qui est arrivé. Alors, dans un contexte comme ça, on regarde ce qui a
été fait, ce qu'ils sont en train de
faire puis ce qu'ils ne font pas, qu'ils devraient faire, c'est certain qu'on
ne peut pas appuyer le projet de loi n° 37, M. le Président. Merci.
Le
Vice-Président (M. Gendron) :
Alors, merci, M. le député de Johnson, de votre intervention. Et j'attends le prochain intervenant. Et je reconnais maintenant M. le député de Masson pour son intervention sur le principe du projet
de loi. À vous la parole, M. le député.
M. Mathieu Lemay
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Je suis très heureux, aujourd'hui, de prendre la parole sur le projet de loi n° 37. On
le sait, le projet de loi n° 37, c'est la Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de
terminal maritime sur le territoire
de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article
22 de la Loi sur la qualité de l'environnement. M. le Président, un projet
de loi fort simple qui ne comporte que trois articles et... C'est quoi, le but, là, l'objectif de ce projet de loi, M. le Président? C'est d'éviter un BAPE. C'est simple, là, il
faut se le dire. Mais nous, là, à la Coalition avenir Québec, on est contre ce projet de loi parce que ce n'est pas un bon projet de loi. Et je vais vous expliquer pourquoi.
Ce
n'est pas un bon projet de loi pour la Gaspésie. La Gaspésie, tout le monde
aime la Gaspésie. C'est un projet de loi... Là, on dit qu'en Gaspésie le projet de
cimenterie à Port-Daniel,
c'est le seul projet économique qui peut voir le jour, là, incessamment, là. C'est ça qu'on envoie comme message, puis
c'est pour ça que c'est très important, là, qu'on fasse un projet
de loi, là, pour dire que... pas
besoin de faire un BAPE, parce que, sinon, on va perdre ce projet. Non, ce
n'est pas bon pour la Gaspésie. Ce n'est pas
bon non plus pour l'ensemble des Québécois. Pourquoi ce n'est pas bon pour l'ensemble des Québécois? Parce que c'est
tous les Québécois qui vont donner, au total, 450 millions pour
créer 200 emplois. Ça, ça aussi, ça
n'a pas d'allure. Ce n'est pas bon pour l'économie. On ne donne pas 2 millions par emploi, là. Ça, c'est le pire projet de
l'histoire du Québec, là. Écoutez, avec 450 millions, pensez au nombre
d'emplois qui pourraient être créés si on investissait ça dans plusieurs
projets. On pourrait créer bien plus que 200 emplois. Ce n'est pas bon non plus
pour l'environnement. Pourquoi? Parce qu'on
le sait, les études le disent, M. le Président, c'est le projet le plus
polluant de l'histoire du Québec moderne. On ne veut pas d'une
cimenterie en Gaspésie, qui va être le projet le plus polluant de l'histoire du
Québec moderne. Donc, pour toutes ces raisons-là, on va voter contre le projet
de loi n° 37.
M. le
Président, mon collègue
député de Borduas, il l'a si bien dit dans son allocution,
le ministre, lui, ce qu'il veut par le projet de loi n° 37, c'est réaffirmer l'état
du droit, mais, si la loi, elle existe déjà, pourquoi créer une loi pour dire que c'est la loi qui existe qui est en
vigueur? Non, ça ne fait pas de sens. Ça ne sert à rien. C'est déjà une
loi. Ça fait que, moi, ce que je pense,
c'est que le projet de loi n° 37, hein, quand qu'on veut réaffirmer une loi
existante, bien, c'est parce qu'il y a quelqu'un qui a peur, là, que, le projet, il soit soumis à
un BAPE, là. Ça fait qu'ils veulent s'en assurer. On va faire une loi spéciale, il n'y aura pas de BAPE. On passe une loi
puis : Allez-y, cimenterie McInnis, à Port-Daniel, faites votre
projet.
Je trouve ça
spécial aussi, là, que le leader du gouvernement, il a décidé, lui, qu'il n'y
aurait pas de consultations particulières.
On regarde, là, qu'est-ce qui s'est passé, là, récemment, là, à date, là, c'est
la première fois, là, de tous les projets de loi qui ont été déposés
dans la 41e législature, que... aucunes consultations particulières. Pourquoi
est-ce qu'il y a un empressement pour faire
du projet de loi n° 37, là, qu'il soit adopté le plus rapidement possible
pour que le projet de cimenterie
McInnis voie le jour en Gaspésie? C'est incompréhensible. Si le projet de
cimenterie, il est si bon pour
l'environnement, parce qu'il y a des études internes faites par l'entreprise
que c'est un projet d'environnement, là, extraordinaire, là, ça va être la cimenterie qui va polluer le moins
parmi toutes les cimenteries parce qu'on va mettre des... Mais non, ce n'est pas ça pantoute, là. Moi, je ne
comprends pas pourquoi qu'on aurait besoin du projet de loi n° 37. Bien,
c'est simple, la seule raison que j'ai, là,
c'est parce que, le gouvernement, il veut éviter d'assujettir le projet de loi
au BAPE, hein? Un plus un égale deux. Ça ne prend pas un bac en génie
mécanique pour comprendre ça, là.
Si on regarde le volet économique, là, versus le
volet environnemental, le président de Ciment McInnis, là, Christian Gagnon, lui-même, il a mentionné à
plusieurs reprises que son projet, là, ça représente une référence
environnementale. Bien, si le projet,
là, ça fait une telle référence environnementale, là, bien pourquoi, d'abord,
que le ministre refuse d'y voir un
projet environnemental? Pourquoi que c'est le ministre de l'Économie, de
l'Innovation et des Exportations qui présente le projet? Parce qu'on veut nous dire que c'est un projet économique,
là. Bien là, si, là, c'est juste un projet économique puis que le président de la cimenterie McInnis, M.
Gagnon, dit que c'est une référence environnementale, pourquoi qu'on refuserait un BAPE? C'est la même chose quand il y
a un policier qui vient rencontrer quelqu'un dans une enquête puis il dit : Écoutez, là, on a des forts doutes
que vous avez commis un crime grave, là, puis on voudrait vous soumettre à un
polygraphe, puis là la personne, elle
dit : Non, pas de polygraphe. Bien là, pourquoi, d'abord, que tu
refuserais un test de polygraphe si tu n'as rien à te reprocher? C'est la
même chose. Pourquoi qu'on refuse un BAPE si on n'a rien à se reprocher? Bon.
Ça me choque,
M. le Président. Moi, là, j'aime la Gaspésie, O.K.? Le
député de Gaspésie, là, il... Je le comprends, qu'il aime sa région, là. La Gaspésie, là, c'est
une belle région. Tout le monde aime la Gaspésie. Tous les Québécois
aiment la Gaspésie. Je ne connais pas
personne qui m'a déjà dit : Ah! la Gaspésie, écoute, là, ça ne
sert à rien, là. Non. C'est une région
touristique, là, il y a de l'économie touristique en Gaspésie. Écoute, ma belle-famille
vit en Gaspésie. Je vais en Gaspésie à tous les ans. Je participe à l'économie
de la Gaspésie moi-même.
On fait juste
penser, là, au parc national de la Gaspésie avec le mont Albert, là, c'est extraordinaire comme endroit. Le rocher
Percé, là, puis le parc Forillon, là, le parc national de Forillon, y a-tu...
Vous êtes déjà tous allés là-bas, là, c'est beau
comme endroit, là. On peut apprendre tout plein de choses, là. Écoute, moi, là,
je fais de la pêche au saumon en Gaspésie, je veux dire... Est-ce que vous saviez qu'il y avait une réserve
faunique à Port-Daniel? On va en parler rien qu'un peu de qu'est-ce
qu'il arrive avec la réserve faunique, hein? On l'a dit, là, la Gaspésie, c'est
tout plein de splendeurs naturelles. Sa
renommée est internationale. Il y
a des gens, là, qui viennent de l'international. Pour venir où? En Gaspésie. Bien là, à Port-Daniel, il se
trouve qu'il y a un petit joyau, hein? C'est la réserve faunique de
Port-Daniel.
• (12 h 50) •
Bon, vous
allez me dire : Ah! c'est très peu connu. Bien, c'est quand même
57 kilomètres carrés. Il y a 25 lacs à
truite. Il y a une rivière à saumon à faire rêver. Écoute, j'ai
le goût d'aller pêcher là. Je ne suis pas allé encore, je pense que je vais y aller cet été. La diversité de sa
faune y est étonnante, hein? Si on va dans cette région-là, on va rencontrer
une série de baies, là, qui dessinent le
paysage puis qui tracent la route, puis ça vaut son pesant d'or. Mais, écoute,
on accède à cette réserve-là sans
trop s'éloigner de la mer puis de la municipalité de Port-Daniel, un véritable petit coin de
paradis pour les vacances, la pêche et la chasse.
Écoutez,
là, si les richesses naturelles de l'endroit contribuent à l'économie
de l'endroit, pourquoi est-ce
qu'on voudrait faire en sorte qu'à proximité de la réserve faunique de Port-Daniel... Là, quand on
parle de proximité, on parle seulement de huit kilomètres du site qu'il y aurait la
cimenterie, O.K.? Moi, je... On a des sérieuses questions
à se poser, M. le Président. Est-ce
que les émanations gazeuses de
l'usine de cimenterie McInnis à Port-Daniel pourraient avoir un impact
sur les habitats puis la richesse de l'endroit? C'est une question qu'on doit
se poser, M. le Président, là.
Vous savez, je suis porte-parole de la région de
Lanaudière, puis, dans Lanaudière, il se trouve une ville qui s'appelle
Joliette. Dans la ville de Joliette, il y a une cimenterie, hein, c'est la
cimenterie Holcim. Bien, qu'est-ce qu'il y a
à la cimenterie Holcim, là, c'est des emplois. Il y a justement ça,
200 emplois, à la cimenterie de Holcim à Joliette. Mais pas plus
tard, là, que le 26 mars, là, Caroline Morneau, du journal L'Action, qui a
été repris par Les Affaires, elle
nous le mentionnait, là — tout le monde sait ça déjà, là — que,
Holcim, il y a un projet d'investissement, O.K., dans leur usine
de Joliette qui est suspendu en raison de l'instabilité économique que pourrait
occasionner l'ouverture de la nouvelle usine à Port-Daniel en Gaspésie. Pourquoi
est-ce qu'ils investiraient 250 millions? Ce n'est pas bien, bien compliqué. Les
cimenteries au Québec, là, présentement, elles roulent à 60 % de leur capacité. Le marché du ciment en Amérique du Nord
est en difficulté, puis on prévoit que ça va aller juste en 2021 avant qu'il y
ait une pleine reprise économique dans le
marché du ciment. Mais là eux autres, ils se disent : Si on ne fait rien
dans nos installations, on va passer
à côté puis on ne sera plus compétitifs sur le marché actuel, on va être
obligés de fermer nos portes. Ça fait qu'on va investir 250 millions pour moderniser nos équipements puis on va
faire en sorte qu'on va avoir un beau projet puis on va pouvoir consolider nos opérations. Mais
non, c'est mis sur la glace. Pourquoi? Parce qu'il y a un nouveau projet
d'une nouvelle cimenterie qui viendrait faire en sorte que...
Combien de
pourcentages de ventes qu'ils vont perdre à Joliette? À Joliette, ils ont
estimé que l'ouverture de la cimenterie
à Port-Daniel, ce serait 40 % d'impact. Est-ce que ça, ça touche
l'économie locale de la région de Lanaudière? Oui, M. le Président, c'est certain. M. Godin, là, qui est le D.G.,
là, de Holcim à Joliette, il le dit lui-même, là, que c'est sûr qu'il va y avoir des impacts directs sur les
emplois à son usine quand il va y avoir l'ouverture de la cimenterie McInnis à
Port-Daniel. Bien, ça, c'est choquant, là. Je ne sais pas si vous le savez, là,
mais on perd des emplois dans des usines existantes pour en créer dans le projet le plus polluant de l'histoire
du Québec moderne en Gaspésie. Selon moi, là, c'est
un transfert d'emplois d'une région à une autre.
Écoutez,
quand on parle, là, que le ciment ne va pas bien, là, ce n'est pas juste au Québec,
c'est tout en Amérique du Nord.
Puis, quand on dit qu'on veut investir 1,1 milliard de dollars pour faire
la cimenterie McInnis à Port-Daniel, bien ça, là, ce n'est pas juste nous autres, au Québec,
qui craint ça, là, les Américains, l'industrie nord-américaine au complet, ils trouvent tous ça, que c'est inacceptable qu'on
doive composer avec une si grande offre, O.K., de ciment sur le marché,
d'autant plus, là, que le Québec
offre un soutien financier à une usine quand son produit va être exporté aux États-Unis.
C'est clair, là, c'est ça qu'ils disent. Ah!
non, non, ça ne touche pas l'économie locale, là, c'est pour de l'exportation. Bien là,
là, quand on dit qu'on va exporter aux États-Unis, là, bien ça soulève des doutes,
là, quant au respect des règles de l'Organisation
mondiale du commerce. Ça, là, c'est
l'OMC, ce n'est pas rien, là. Puis là il
y a des membres du congrès des États, des États de New York, de l'Ohio, du Maryland, du Michigan, ils ont tous demandé au gouvernement fédéral américain d'évaluer
si le soutien financier accordé à McInnis par notre propre gouvernement, là... si ça violait les règles de l'OMC. Bien, moi, je suis
inquiet, là, face à ça, là.
Quand on
accorde un prêt avec des conditions plus avantageuses que celles offertes sur
le marché, alors, hein, forcément, on
fait plus qu'être un investisseur, là. Ça, c'est... Je ne comprends pas que le ministre
de l'Économie, là, il dise qu'on est
juste des investisseurs. Non, non. En
plus d'être un investisseur, là, comme il dirait, là, on va reprendre ses
propos, là, bien on va changer les règles du
jeu. Bien oui! Pourquoi qu'on va changer les règles du jeu? Parce que nous, là,
le gouvernement du Québec, là, on va dire : On va légiférer, là, dans un
projet de loi qu'on est nous-mêmes actionnaires. Vous me voyez venir,
là, hein, M. le Président. Moi, là, je dis que ça, c'est un conflit d'intérêts,
O.K.? On détourne l'intérêt public à des fins politiques et électoralistes.
Moi, je ne peux pas vivre avec ça.
Là, vous
allez me dire que le promoteur a fait ses devoirs, il a fait ses études, hein,
il a dit... Tu sais, nous, là, si le ministre
de l'Environnement, il juge, là, que ça n'a pas à être soumis à un BAPE, là,
c'est simple. Bien oui, le promoteur a fait
une étude qui dit que son projet, là, il est acceptable, pas besoin de BAPE,
bien oui. Écoute, le promoteur a tellement fait ses devoirs, là, il a fait des devoirs théoriques, M. le Président.
Je peux vous le dire, là. Moi, je suis habitué, là, de voir ce genre d'étude là, là. C'est ça que je faisais
avant, là, avant d'être député, là, je conduisais de telles études, O.K.? Je ne
dis pas... Dans ma vie professionnelle,
j'étais appelé à commenter puis même participer à l'élaboration de telles
études. Bien là, lui, le promoteur,
il dresse une liste de toutes les actions puis les mesures d'atténuation, hein,
qu'il prévoit faire pour faire
diminuer le risque à tous les niveaux, puis là il a tout pensé, là. Il a pensé,
là, au plan de la santé, au plan de l'environnement,
du bruit, des tremblements. Il a même pensé à la pollution visuelle, hein?
C'est quelque chose, ça, là, là. Puis
là il détaille ça en trois phases, à part de ça, là, pendant la construction,
pendant la vie utile de l'usine puis après que l'usine soit fermée, qu'est-ce qu'on va faire, bon, il a tout pensé.
Mais c'est théorique, là, M. le Président. C'est même hypothétique, là, tu
sais. Lui, là, le promoteur, il n'est même pas encore sûr de l'utilisation
qu'il va faire de certains de ces procédés, bien là... puis en plus pour
combien de temps qu'il va les utiliser, là.
Bien là, par exemple, là, vous le savez tous, là, ce qui est prévu originalement au projet
dans la première année, du moins, là,
c'est ce que le ministre de
l'Environnement nous dit, c'est qu'il
vont utiliser le coke de pétrole. Ça, le coke de pétrole, là, ça vient d'où? Ça vient, là, des sables bitumineux, là,
qui s'en viennent, là, O.K., dans le pipeline, là, puis là, justement,
là, on dirait que... je ne sais pas si c'est une coïncidence, là, mais là il va
y avoir comme des résidus, là, puis il
faut s'en débarrasser. Ça fait que,
là, qu'est-ce qu'on va faire? On va prendre les résidus puis on va
l'envoyer dans la cimenterie, puis là
on va les brûler parce que ça prend de l'énergie pour faire du ciment, c'est
des hautes températures, tu sais,
c'est des milliers de degrés Celsius, là, ce n'est pas rien, là, tu sais. Ça
fait qu'on va prendre le coke du pétrole, ça adonne bien, ce n'est pas cher, là, il y en a de disponible proche,
là, puis on va brûler ça, puis l'usine va être profitable de même.
Mais là, après ça, ils nous disent : Bien,
on prévoit aussi regarder pour faire des énergies de biomasse, là, des énergies alternatives. Bien là, l'énergie de
biomasse, on s'entend-u que c'est moins accessible, c'est moins énergétique,
ça fait que c'est moins rentable, tu sais?
Ça va nous en prendre plus pour atteindre le même degré que si on prenait le
coke du pétrole. Selon vous, là,
pensez-vous vraiment qu'ils vont faire de la biomasse, là, quand ça va
leur représenter des coûts supplémentaires?
Non. McInnis, là, ils sont là pour faire de l'argent, puis le gouvernement du Québec, quand ils investissent, là, pour être un
partenaire, là...
Le Vice-Président (M. Gendron) : ...
M. Lemay : Monsieur... Vous dites
qu'il reste une minute? Ah! O.K., pas de problème.
Le Vice-Président (M. Gendron) : ...mais il reste une minute avant qu'il soit...
voyons, 1 heure, et, en conséquence, vous pourrez poursuivre après. Alors, je fais juste vous dire que vous
avez une minute, puis vous poursuivrez après. Alors, finissez la minute,
là, que l'heure nous demande. C'est ça que je vous indique.
M.
Lemay : Merci. Donc, écoutez,
là, ce qu'on croit, nous autres, à la Coalition
avenir Québec, là, ce n'est pas
compliqué, c'est que, sans une étude du
BAPE, on se prive d'opinions externes, on se fie juste à une étude faite par le
promoteur. Ça, là, ce n'est pas acceptable.
Il me semble que, quand tu vas en appel d'offres de contrats, n'importe quoi,
déjà
là, tu vas aller chercher plusieurs contrats. Bien, pourquoi d'abord se fier juste
à une étude du promoteur puis qu'on ne serait pas capables de le
soumettre à un BAPE?
Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, M. le député de Masson,
il vous restera trois minutes à votre intervention.
Et,
compte tenu de l'heure, afin de permettre, cet après-midi, le débat sur une
affaire inscrite par les députés de l'opposition, le présent débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 37 est ajourné. Donc, les débats sont ajournés.
(Suspension de la séance à
13 heures)
(Reprise à 15 h 2)
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Alors, bon après-midi, chers collègues. Veuillez
vous asseoir.
Affaires inscrites par les
députés de l'opposition
Motion proposant que l'Assemblée exprime ses
inquiétudes quant au projet
de loi fédéral C-51 sur la sécurité nationale et exige du gouvernement
qu'il transmette ses observations et demandes d'amendement
au Comité permanent de la sécurité publique et
nationale de la Chambre des communes
Nous
en sommes aux affaires inscrites par
les députés de l'opposition, et, à l'article 29
du feuilleton, aux affaires
inscrites par les députés de l'opposition, M. le député de Verchères présente
la motion suivante :
«Que l'Assemblée nationale exprime ses
plus vives inquiétudes quant au projet de loi fédéral C-51, notamment à l'égard de plusieurs dispositions qui renferment
une portée vague et excessive, qui pourraient engendrer des dérapages du
Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et qui pourraient porter
atteinte aux droits et libertés des Québécoises et des Québécois;
«Que l'Assemblée nationale partage les
inquiétudes de plusieurs intervenants dans la sphère publique, dont des professeurs d'université, d'anciens juges, des
avocats et d'anciens premiers ministres à l'égard du changement d'orientation
majeur apporté au SCRS;
«Que l'Assemblée nationale reconnaisse
la démarche entreprise par trois ministres du gouvernement du Québec
dans leur lettre du 17 mars 2015;
«Que
l'Assemblée nationale dénonce la démarche unilatérale du gouvernement fédéral;
«Que l'Assemblée nationale exige du
gouvernement du Québec qu'il transmette ses observations et demandes d'amendements au Comité permanent de la sécurité
publique et nationale de la Chambre des communes du Canada d'ici la fin
de l'étude parlementaire du projet de loi;
«Que
l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec qu'il dépose ses
observations et demandes d'amendements à l'Assemblée nationale avant de les
transmettre au comité permanent.»
Je
vous informe que la répartition du temps de parole pour le débat restreint sur
cette motion s'effectuera comme suit :
10 minutes sont réservées à l'auteur de la motion pour sa réplique,
environ 52 minutes sont allouées aux membres parlementaires formant le gouvernement, environ 30 minutes sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle,
environ deux minutes sont allouées... 22 minutes sont allouées au deuxième
groupe d'opposition, six minutes
sont réservées aux députés indépendants.
Dans ce cadre, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un
des groupes parlementaires sera
redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies
précédemment. Enfin, les interventions ne seront soumises à aucune
limite de temps.
Donc,
je cède maintenant la parole à M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Verchères, auteur de la
motion. M. le député.
M. Stéphane Bergeron
M.
Bergeron :
Merci, M. le Président. Il arrive fréquemment en cette Chambre que nous ayons
des débats enflammés qui font intervenir des
valeurs profondes de part et d'autre, qui peuvent être diamétralement opposées,
qui peuvent nous amener à nous camper
dans des positions contraires et faire en sorte que le président soit appelé à
intervenir à plusieurs reprises pour
calmer les esprits. Sur cette question, M. le Président, mon
sentiment, et peut-être suis-je dans l'erreur, mon sentiment est
que nous sommes, toutes et tous, d'accord.
Bon, bien sûr,
je sais que le gouvernement a tenté d'amener une motion, que le deuxième
groupe d'opposition avait des propositions d'amendement, que l'opposition officielle avait des propositions d'amendement, que nous n'avons pas réussi à nous entendre sur un libellé, puisqu'il y a, malgré tout,
de légères nuances, de part et d'autre, qui font que, d'un point
de vue partisan, nous n'avons pas
encore réussi à trouver ce libellé sur lequel nous pourrions, toutes et tous,
nous entendre. Mais, sur le fond, M. le Président, j'ai la prétention de dire
que nous sommes, tous et toutes, d'accord.
C'est une question fondamentale puisqu'elle fait
intervenir les droits, les libertés de nos concitoyennes et concitoyens. C'est de cela, fondamentalement, dont
il est question aujourd'hui, M. le
Président. Et, en tant que représentants élus de nos concitoyennes et
concitoyens, nous sommes les gardiens, les gardiennes de ces droits et libertés
de nos concitoyennes et concitoyens.
Donc, je suis convaincu que, sur le fond, nous
sommes d'accord.
Nous avons
commis une proposition de libellé, M.
le Président. Peut-être ne parviendrons-nous pas, aujourd'hui encore, à nous entendre sur cette proposition de
libellé, mais je crois qu'il était important que nous prenions du temps,
en cette Assemblée, pour échanger, et ce, de
la façon la plus sereine, la plus responsable et la plus digne possible, sur le
fond de la question, de telle sorte, éventuellement,
de pouvoir chercher et éventuellement trouver des pistes sur lesquelles nous
pourrions nous entendre toutes et tous. Car il m'apparaît important, voire
vital, M. le Président, que l'Assemblée nationale puisse, sur cette question fondamentale, s'exprimer d'une
seule voix. Et il est dommage que nous n'y soyons pas encore parvenus, puis je ne veux pas en
rejeter la faute sur qui que ce soit, puisqu'évidemment, sur des points de
détail, nous n'avons pas réussi à
trouver ce terrain d'entente, mais je suis convaincu que nous avons le devoir, je dis bien le devoir, M. le
Président, d'y parvenir.
Alors, je
disais que nous avons commis une proposition de libellé, proposition de libellé qui peut-être
ne réussira pas, encore une fois, à recueillir l'assentiment de la
majorité, voire de la totalité des membres de cette Chambre, mais j'interpelle la ministre, je lui ouvre la porte
à ce que ce débat que nous entreprenons à l'instant même nous donne l'opportunité de trouver ces terrains d'entente
qui nous permettraient éventuellement d'en arriver à un libellé commun, de telle sorte que notre Assemblée puisse puissamment — n'en déplaise à un ministre fédéral — puisse
puissamment faire entendre sa voix sur cette question fondamentale, M.
le Président.
Alors, je ne
veux pas reprendre ce que vous avez fait de façon totalement
éloquente, M. le Président, c'est-à-dire
le libellé de la motion, mais reprenons à tout le moins l'esprit de chacun des paragraphes.
Premier paragraphe,
M. le Président, vise simplement à ce que cette Assemblée exprime
ses vives inquiétudes à l'égard du projet de loi C-51, qui pourrait
porter atteintes aux droits et libertés des Québécoises et Québécois.
Deuxième paragraphe, M. le Président, que nous
partagions les inquiétudes — et je vais y revenir dans quelques instants — les inquiétudes qui ont été exprimées par
des gens fort honorables, des sommités, des gens desquels on n'est pas en droit de nous attendre... ou du moins de
mettre en doute la sincérité, puisque ça transcende les lignes partisanes,
M. le Président. Quand je disais, M. le
Président, que je crois que nous sommes
toutes et tous d'accord, bien, bien que nous n'ayons pas encore réussi à nous entendre avec le gouvernement, le gouvernement s'est exprimé, M. le Président, à travers une lettre signée par trois membres du
cabinet du gouvernement du Québec, et, sur l'essentiel, nous sommes d'accord
avec les prises de position de nos trois collègues ministériels. Donc, M. le Président, il y a tout lieu de penser que nous sommes d'accord sur le
fond. Maintenant, il reste à trouver le libellé qui nous permettrait effectivement
de traduire cet accord sur le fond.
• (15 h 10) •
Le paragraphe
suivant, M. le Président, où on dénonce la démarche unilatérale du gouvernement fédéral, ce n'est pas normal que, sur une question comme
celle-là, le gouvernement du Québec n'ait pas du tout été consulté par le gouvernement fédéral. Est-ce que «dénonce», c'est trop fort dans l'esprit de gens
qui croient à l'appartenance du Québec
à la fédération canadienne? Soit. On peut
discuter de la teneur des mots, mais l'idée derrière ce paragraphe,
c'est celle-ci.
Paragraphe
suivant, M. le Président, nous souhaitons que les ministres
qui ont signé la lettre fassent valoir leur point de vue devant le comité
pertinent, à la Chambre des communes, qui étudie présentement ce projet de loi. Et là vous allez nous dire que, de la part d'un parti
souverainiste, c'est quand même quelque chose que nous demandions à des membres de notre gouvernement de daigner
comparaître devant un comité de la Chambre des communes pour faire valoir
le point
de vue du Québec,
mais pas simplement le faire valoir en termes de «bien, notre position, c'est
ça», mais de faire des propositions d'amendement qui traduiraient les préoccupations des Québécoises et Québécois et que nous puissions...
Et c'est
l'esprit du dernier paragraphe, et je présume qu'il y aura des objections du
côté gouvernemental, mais l'esprit
du dernier paragraphe, M. le
Président, c'est de dire que nous souhaitons
pouvoir nous entendre, comme Assemblée, sur ce que nous voudrions voir comme modifications, ce que nous
voudrions voir être apporté comme modifications au projet de loi C-51 qui est à l'étude présentement à la Chambre des communes et qui, comme je le
disais, aura des incidences potentiellement
dramatiques, mais à tout le moins importantes, sur les droits et libertés des Québécoises et
Québécois.
M. le Président, il faut comprendre le contexte d'où émane cette initiative fédérale,
c'est dans la foulée des attentats de
Saint-Jean-sur-Richelieu, du Parlement fédéral. Et il y a souvent une
tentation, lorsque surviennent des événements
comme celui-là, de resserrer les règles. Mais jusqu'où, M. le Président, devons-nous resserrer les règles sans nous-mêmes, ce faisant, mettre en péril les valeurs, les droits et
libertés de nos concitoyennes et concitoyens qu'on dit vouloir protéger
par cette législation qu'on propose? Et là je dirais que les analyses sont à
l'effet que ce projet de loi risque effectivement de faire davantage de tort... peut-être pas davantage, M. le Président, mais peut-être donner raison
aux terroristes qui veulent justement s'en
prendre à nos valeurs, s'en prendre à nos droits et libertés, leur donner
raison en les limitant à travers un projet de législation comme
celui-là.
Évidemment,
là encore, M. le Président, il y a des désaccords entre nous. Nous aurions
souhaité que le gouvernement du
Québec ne s'en remette pas au gouvernement fédéral pour tenter d'éviter la
radicalisation sur le territoire du Québec. Jusqu'à présent, on entend le gouvernement du Québec se prononcer sur le
projet de loi C-51, se prononcer sur l'opportunité ou non d'étendre et de prolonger la mission
miliaire du Canada contre le groupe armé État islamique, mais, quant à savoir
qu'est-ce qui pourrait
être fait au Québec, dans nos institutions d'enseignement, M. le Président,
entre autres... Parce qu'on sait qu'il y a de nos jeunes qui se sont
radicalisés, qui ont été embrigadés, qui sont partis combattre en Irak ou en
Syrie, on ne le sait pas trop. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire? Mais, à
défaut d'avoir de la part du gouvernement
une politique, des orientations sur la question de la radicalisation ici
même, sur le territoire du Québec, encore faut-il s'entendre, et je crois qu'on
est capables de s'entendre sur ce qui se passe à Ottawa présentement.
Alors, M. le
Président, il faut faire en sorte d'éviter... Et là je vais revenir sur les
éventuelles dérives ou les potentielles
dérives qui peuvent émaner ou découler de ce projet de loi. Et là j'aimerais
peut-être rapidement énoncer les personnalités,
les experts qui ont manifesté leurs inquiétudes, jusqu'à présent, leurs
réserves. Je pense à quatre anciens premiers
ministres du Canada, tant libéraux que conservateurs; d'anciens juges de la
Cour suprême, dont Louise Arbour, Claire
L'Heureux-Dubé; d'anciens ministres de la Justice, dont Marc Lalonde, Irwin
Cotler; d'anciens membres du comité de surveillance du SCRS, dont les
anciens premiers ministres provinciaux Bob Rae, Roy Romanow; des groupes, des organismes voués à la protection de
l'Environnement, Équiterre,
Greenpeace, le Centre québécois du droit de l'environnement; des leaders autochtones du Manitoba, de la
Colombie-Britannique; de nombreux juristes, experts du monde universitaire, le
Barreau du Québec. M. le Président, alors, il y a de nombreuses personnalités, jusqu'à présent, qui se sont
prononcées contre ce projet de loi ou
du moins qui ont exprimé des réserves sérieuses par rapport aux potentiels
dérapages qui pourraient découler de ce projet de loi.
Alors,
M. le Président, nous le savons pertinemment, puisque nous avons connu ici, au
Québec, ce type de dérapage
lorsqu'on utilise les forces de l'ordre à des fins politiques, qu'on pense à la
Loi des mesures de guerre, aux actions
illicites posées par la GRC, notamment le vol de listes des membres du Parti
québécois, l'incendie criminel d'une grange,
la loi du cadenas de Duplessis pour casser les syndicats. Nous avons ces
souvenirs en tête, M. le Président, et
il faut éviter que ce qu'on a tenté de corriger avec la création du Service
canadien du renseignement de sécurité puisse de nouveau se produire.
Il
y a des inquiétudes qui sont manifestées à l'effet qu'éventuellement, M. le
Président, ce projet de loi pourrait permettre
au SCRS, qui n'avait qu'une fonction de surveillance, de pouvoir éventuellement
poser des gestes. L'échange d'information
entre la GRC et le SCRS, cette fluidité alors qu'on a voulu faire un mur de
Chine, si je peux me permettre l'expression,
une muraille entre le SCRS, mission de surveillance, et la GRC, intervention,
là, tout d'un coup, on permettrait au
SCRS, dis-je, de faire des interventions, de communiquer de l'information à la
GRC, et vice versa. Ça peut être extrêmement préoccupant, comme on l'a
vu de la part de ces personnalités qui se sont prononcées jusqu'à présent.
Alors,
M. le Président, il y a une première préoccupation, de notre côté, où on dit,
bien sûr, que ce projet de loi permettrait à l'agence de déjouer les
complots terroristes, mais on ajoute : Toute autre menace qui pourrait
porter atteinte à la sécurité ou à
l'intégrité territoriale du Canada. Alors, c'est une définition extrêmement
large qui pourrait laisser entendre,
M. le Président, qu'on pourrait s'en prendre à des opposants politiques :
Idle No More, des groupes autochtones, des
groupes environnementaux, M. le Président, le mouvement souverainiste au Québec
et ailleurs au Canada, M. le Président. Est-ce qu'on veut effectivement se donner les moyens, à Ottawa, pour
utiliser à nouveau les forces de l'ordre à des fins politiques? La question se pose. Et, quand la
question est posée par un homme comme Jean Chrétien, M. le Président, il
y a lieu de s'interroger, il y a lieu de se
poser des questions, là. Ça transcende véritablement les lignes partisanes.
C'est vraiment une préoccupation transpartisane qui est exprimée
actuellement.
L'autre
préoccupation, M. le Président, c'est les pouvoirs d'intervention qui sont
accordés au SCRS, et ce, sans contrepartie, en termes de surveillance.
Comment est-ce que... Puis là on parle de gens qui se sont exprimés, M. le Président, d'anciens membres du comité de
surveillance du SCRS qui disent : Bien, si on doit accroître les pouvoirs du SCRS, il faut également accroître les
mécanismes de surveillance pour s'assurer effectivement qu'il n'y ait
pas de dérapage, pour s'assurer qu'il
y ait respect des droits et libertés des citoyennes et des citoyens, M. le Président. Or, il n'y a pas de nouveau
mécanisme de surveillance, il n'y a pas ce «checks and balances», si vous me
permettez le terme, M. le Président, dans le projet de loi C-51, et c'est ce
qui est également extrêmement préoccupant, M. le Président.
Alors,
faire état de nos inquiétudes, de nos préoccupations, c'est une chose, mais il faut, de façon plus
précise, exprimer, formuler très
clairement quelles seraient les modifications que nous souhaiterions voir apporter à ce projet de loi. Et c'est un des éléments qu'on
retrouve dans la motion d'aujourd'hui, M. le
Président : celui de présenter
des amendements au comité parlementaire et que nous
puissions travailler en collaboration à cet effet, M. le Président.
Alors,
encore une fois, M. le Président, j'interpelle la ministre de la Justice,
j'interpelle le ministre des Affaires intergouvernementales, la ministre
de la Sécurité publique, je leur
offre notre collaboration pour que nous puissions travailler ensemble, au-delà de nos divergences politiques,
et elles sont réelles, je ne cherche pas à les minimiser, mais il faut être
conscient du fait que, sur le fond, il y a
lieu, comme Assemblée nationale, de défendre, c'est notre responsabilité comme élus de la population, les droits et libertés de ces gens
que nous représentons, M. le Président.
• (15 h 20) •
Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le
député de Verchères,
pour cette intervention. Je cède la parole maintenant à Mme la ministre
de la Justice. À vous la parole.
Mme Stéphanie Vallée
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Vous savez, M. le Président, comme le
disait le premier ministre, dans un dossier
comme le dossier du projet de loi C-51, le gouvernement doit jouer son rôle, tout son rôle. Il faut
soutenir les actions de sécurité en préservant la règle de droit. C'est
la prémisse qui nous anime, M. le Président.
Le 17 mars
dernier, ma collègue de la Sécurité publique, mon collègue des Affaires
intergouvernementales canadiennes et moi avons, tous les trois, signé une
missive à nos homologues fédéraux. La missive, elle est très claire quant aux préoccupations
qui nous animaient et qui nous animent toujours.
Dans
un premier temps, M. le Président, il est important de mentionner que nous vivons actuellement dans une société où les impératifs de sécurité doivent évidemment
être pondérés au regard des protections constitutionnelles dont bénéficient
tous les citoyens, tous les citoyens du Québec. Et évidemment nous sommes
préoccupés par la nécessité, à
l'égard des Québécoises, des Québécois respectueux des lois, de protéger adéquatement
les renseignements personnels qui les
concernent, et nous sommes, en conséquence, inquiets quant à la portée de
certaines dispositions que comporte le projet de loi C-51 et du partage
de ces informations-là que permet, dans sa forme actuelle, le projet de loi.
Évidemment,
il est de notre responsabilité, à titre de parlementaires, à titre d'élus, à
titre de membres du gouvernement, d'agir
avec sagesse lorsqu'on choisit de restreindre la portée des droits et libertés
fondamentaux, qui furent acquis de haute lutte. Ça, M. le Président, c'est un élément qui est fondamental. Alors,
peu importe qu'il s'agisse du gouvernement fédéral, du gouvernement de cette Assemblée nationale,
lorsqu'il est question de légiférer, lorsqu'il est question d'apporter des
mesures visant à contrer une problématique,
quelle que soit la problématique, il faut s'assurer que les mesures
législatives proposées ne limiteront pas ou limiteront d'une façon très
particulière, très limitée, ces droits et libertés là.
Évidemment,
dans le débat qui nous occupe actuellement, nous sommes dans le débat de la
lutte au terrorisme, et ce débat-là
interpelle chacun et chacune d'entre nous d'autant, comme le faisait mention
notre collègue de Verchères, les événements que nous avons vécus au cours
de la dernière année ici même, au Québec. Des événements dont nous n'aurions jamais pu envisager la portée, la teneur
il y a à peine un an, les événements qui ont été vécus par nos collègues
à la Chambre des communes d'Ottawa, par des
amis, des membres de la famille de certains membres de cette Assemblée.
Évidemment,
ce contexte-là est important parce que ce contexte-là anime les parlementaires
et anime les citoyens d'une volonté
de vouloir contrer ces attaques terroristes, d'éviter que d'autres attaquent
puissent survenir sur le territoire. Et évidemment ça amène parfois à
penser... ou à mettre de l'avant un certain nombre de règles.
Mais maintenant, lorsque vient le temps de poser des gestes législatifs qui vont, dans un objectif de protéger
la communauté, protéger les droits,
protéger les citoyens, indirectement porter atteinte aux droits de ces mêmes
citoyens là, il faut travailler avec
prudence. Et nous avons, à titre de gouvernement, la responsabilité aussi de
travailler en collaboration. Parce que
nous sommes dans une fédération, il est important de travailler en
collaboration avec les autres provinces, avec les autres territoires,
qui ont certainement des opinions, qui ont certainement des préoccupations à
partager.
Alors,
évidemment, et on ne le cache pas, il aurait été souhaitable que le travail de
collaboration, de consultation quant à l'élaboration des mesures
contenues au projet de loi C-51 fasse l'objet de consultations préalables.
Pourquoi? Bien, il existe déjà des mécanismes
qui permettent cette consultation-là. Il existe notamment un groupe de travail
fédéral-provincial-territorial sur la lutte
au terrorisme. Ce groupe relève d'un comité de coordination des hauts fonctionnaires de la justice pénale. Ce comité-là
aurait pu être mis à contribution dans le cadre du projet qui nous occupe.
Et nous avons, dans la correspondance que
nous avons signée, mes collègues et moi, le 17 mars dernier, souligné cet
état de fait à nos homologues
fédéraux, puisque ce comité-là est, à notre avis, le comité qui aurait dû être
saisi des enjeux, saisi du projet de
loi et qui aurait pu formuler bon nombre de recommandations, ayant en tête
l'esprit et le travail qui se fait.
Je veux informer cette Assemblée, M. le
Président, et je tiens à informer mon collègue de Verchères que j'ai demandé à mon équipe que toutes les démarches
soient faites et soient entreprises pour que le comité puisse rapidement
être convoqué et pour que le Québec soit
autour de la table pour discuter du sujet qui est préoccupant. Alors, nous
sommes à... il y a actuellement des échanges qui ont lieu entre les
responsables de ce comité.
Donc, suite à
la lettre, je sens qu'il y a quand même une ouverture de ce côté-là pour mettre
à profit l'expertise, l'expertise
fine développée par les hauts fonctionnaires
responsables de la justice pénale au Canada, qui seraient disposés à mettre à profit
leur expertise.
Le projet de loi C-51 prévoit aussi des pouvoirs exceptionnels, et il est impératif que
ces pouvoirs exceptionnels là puissent
être utilisés pour les fins visées par le projet de loi, et non pour des
fins autres. Et, je comprends, le collègue de Verchères a illustré certaines préoccupations qui ont été
abordées par différents groupes, et il faut s'assurer que les pouvoirs exceptionnels accordés à une loi exceptionnelle ne
soient pas redirigés à d'autres fins que les fins prévues et... que les
fins prévues, et il faut aussi permettre un certain nombre de recours pour
protéger cette situation-là.
Vous savez, M. le Président, la lutte au terrorisme, c'est une lutte de tous les instants et c'est
une lutte qui doit évoluer en
fonction des nouvelles menaces. Je comprends qu'il y a une série de menaces, notamment
sur la toile, dans le Web, avec les
nouvelles technologies, et ça nous appelle... Évidemment, ça amène les
gouvernements à se questionner et à
tenter de trouver, de colmater les failles ou les brèches qui existent et qui
permettent malheureusement à des esprits malveillants, mal intentionnés, de porter atteinte aux droits et
libertés des citoyens, de porter atteinte à la sécurité des droits et des citoyens. Et ça, il faut colmater ces
brèches-là, mais il faut le faire en respectant les droits protégés par nos
chartes.
Nous sommes
favorables, M. le Président, à ces mesures qui vont permettre d'améliorer la
sécurité du public. Ça, c'est certain
et c'est sans contredit. Alors, notre objectif, dans l'approche que nous avons apportée, est de
tendre la main pour collaborer avec le gouvernement fédéral. L'objectif,
de ce côté-ci de la Chambre, est d'utiliser les outils mis à notre disposition,
le comité des hauts fonctionnaires de la justice pénale. Ma collègue de la Sécurité
publique pourra, dans quelques instants,
aussi vous indiquer les mesures qu'elle a relancées afin aussi de mettre à profit
la collaboration et les différentes instances permettant la
collaboration.
• (15 h 30) •
Notre objectif
n'est pas d'utiliser le projet de loi C-51 pour attiser les braises d'une chicane entre
le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial; ça,
c'est clair, M. le Président. Ce n'est pas la façon dont nous souhaitons
aborder cette question-là, parce que la question derrière le
projet de loi C-51, elle est trop importante. La sécurité des citoyens, c'est un enjeu avec lequel on ne peut pas lésiner.
Mais je dois vous avouer, M. le Président, que... j'écoutais le député de Verchères, je l'écoutais parler avec son coeur
sur ses préoccupations quant au respect des droits des citoyens et de cette...
et j'entendais... ses propos faisaient écho
aux miens, d'une certaine façon, puisqu'on est... nous sommes, nous semblons
être habités par cette
même volonté de respect des droits. Mais, honnêtement, c'est un petit peu
surréaliste d'entendre les propos
d'une formation politique qui a porté atteinte, dans le passé, il y a à peu
près un mois, d'une façon inimaginable, aux droits protégés par la charte, ces mêmes collègues parlementaires
qui, l'an dernier, à pareille date, défendaient toujours un projet de charte des valeurs québécoises qui
attaquait, comme jamais, jamais, jamais n'avaient été attaqués les Québécois
et les Québécoises.
Rappelons-nous, M. le Président, les propos de
la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui concluait, à
propos des orientations gouvernementales en matière d'encadrement des demandes
d'accommodement présentées pas l'opposition.
La commission disait ceci : «Les orientations gouvernementales ne
s'inscrivent pas dans l'esprit et la
lettre de la Charte des droits et libertés de la personne. Elles sont plutôt en
rupture avec ce texte quasi constitutionnel adopté à l'unanimité par
l'Assemblée nationale au milieu des années 1970.
«[...]une loi
qui interdirait le port de signes religieux par les employés des organismes
publics serait manifestement en violation des dispositions de la charte
québécoise.
«[...]la mise en oeuvre des orientations
proposées pourrait mener à de plus grandes incertitudes au détriment, notamment, des droits des personnes concernées et
de l'objectif d'assurer une plus grande sécurité juridique au sein des
organisations.»
C'était ça,
la réalité, il y a un an, M. le Président. Et là, aujourd'hui, je comprends, je
comprends que l'on soit préoccupés
par le projet de loi C-51, nous le sommes; nous le sommes, mais
gardons-nous une petite gêne lorsque vient le temps de déchirer notre chemise, sur la place publique, pour le respect
des droits et libertés. C'est un
virage à 180 degrés par rapport aux positions qui étaient défendues il y a à
peine un an, mais on n'est pas dupes, évidemment, M. le
Président. Je l'ai mentionné, ce que l'on cherche, du côté de l'opposition officielle, évidemment, c'est un motif qui permettra de créer un clivage entre le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois, c'est une chicane Québec-Ottawa. Ce n'est
pas du tout l'angle que nous apportons.
Certes,
certes, il y a des désaccords, certes, il y a
des préoccupations, mais nous entendons aborder ces préoccupations d'une manière tout à fait sérieuse, dans un esprit de collaboration, afin, nous l'espérons, de voir un projet de loi qui sera respectueux et afin
de garantir une réelle protection des droits et libertés des citoyens, et afin,
évidemment, de garantir la sécurité de ceux et celles
qui sont sur notre territoire.
Alors, M. le Président, lorsque l'on tient vraiment au meilleur intérêt de la population,
on fait un travail constructif et on
travaille en collaboration avec nos homologues, avec les partenaires de
cette fédération, et nous le faisons en abordant les dossiers de façon constructive. Et c'est
l'approche que nous avons mise de l'avant dans la correspondance déposée
la semaine dernière, c'est l'approche que
nous entendons maintenir. Nous y travaillons au quotidien et avec intérêt, M. le Président. Alors, je vous remercie.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la
ministre de la Justice, pour cette
intervention. Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Arthabaska.
Mme Sylvie Roy
Mme Roy (Arthabaska) : Merci,
M. le Président. Je vais trahir mon âge en vous parlant de ça. Lorsque j'ai commencé à pratiquer le droit, le premier bureau
dans lequel je suis rentrée, il n'y
avait même pas de fax. Donc, le fax est arrivé pas longtemps après, là, je vous rassure. La pratique n'était pas
la même. Les crimes que l'on voyait, au palais de justice, sont restés à peu près les mêmes; mais
les crimes de terrorisme, on n'en voyait pas, à cette époque-là. On n'avait
pas le Net, on n'avait pas les «mails», on
n'avait pas non plus la télé en continu. Puis, si je vous parle de la télé en
continu, c'est parce que,
premièrement, on s'est ouverts sur le monde; deuxièmement, on voit des drames
partout, comme Charlie, comme ce qui est arrivé en Tunisie, ce
qui est arrivé ici, au Québec ou à Ottawa. Ça exacerbe, ça exacerbe certaines
personnes, et puis ça rend la situation extrêmement différente.
La charte, on l'avait, on l'a toujours,
mais la beauté de la charte, c'est de laisser aux juges apprécier chacune des
situations pour évaluer dans le contexte que nous sommes maintenant
par rapport à un contexte qui était peut-être
différent et qui donne une certaine
latitude. Mais, depuis plusieurs semaines, de nombreuses voix, incluant celles
d'anciens premiers ministres,
d'anciens juges de la Cour suprême, d'experts, ont mis en garde contre les abus
auxquels pourrait potentiellement mener
le projet de loi, bien que certaines dispositions du projet de loi présenté le 30 janvier 2015 par le ministre
fédéral de la Sécurité publique méritent d'être précisées, d'autres
bonifiées afin de s'assurer que les mesures de surveillance adéquates soient mises en place pour éviter des
décisions arbitraires, notamment en ce qui a trait à l'échange d'information
et aux communications interministérielles.
La Coalition
avenir Québec est favorable, comme le gouvernement libéral dans sa lettre du
17 mars, à ce que soient édictées
de nouvelles mesures qui permettent d'améliorer la sécurité du public,
notamment en dotant nos corps policiers d'outils visant à contrer et prévenir l'extrémisme violent. En effet,
les attentats de Saint-Jean-sur-le-Richelieu ou Ottawa nous forcent à
reconnaître le sérieux des menaces que pose le radicalisme religieux pour la
sécurité et le bien-être des Québécois, par
le fait même, la nécessité de renforcer nos moyens de détection et de
répression face à cette menace. Les mots «détection» et «répression»
sont souvent utilisés à propos du projet de loi C-51, mais je suis
fondamentalement convaincue qu'il y a des
outils de prévention qui doivent être mis, des outils, aussi, d'éducation pour
que nous vivions dans un environnement plus sécuritaire.
En février
dernier, nous apprenions que le grand responsable des enquêtes criminelles et
de la sécurité intérieure de la
Sûreté du Québec redoutait encore d'autres actes extrémistes dans la province,
et je le cite : «Il est probable qu'il arrive d'autres événements... Est-ce que ce seront des événements à
saveur extrémiste islamique ou contre une minorité ethnique, je ne le sais pas, mais il va
certainement arriver autre chose.» Je ne veux pas être alarmiste, mais je me dis que, si on entend des choses comme ça, on a le devoir d'écouter et de prendre
des dispositions de prévention et de répression pour renforcer notre système.
C'est d'ailleurs ce que visent les propositions que nous avons
mises de l'avant pour contrer l'intégrisme religieux au Québec, une
source démontrée de comportements violents et d'attentats terroristes.
Les libertés
précieuses, les libertés individuelles
dont nous jouissons et chérissons ne sauraient exister sans notre
sécurité collective. Comme, cependant, l'ensemble des membres de cette
Assemblée, nous sommes d'avis qu'il est primordial
de maintenir un juste équilibre entre la nécessité d'assurer la sécurité de la
population et de protéger les libertés. Or, nous sommes également d'avis que cet équilibre ne doit pas seulement
prévaloir dans les rapports entre la sécurité et les droits et libertés, mais aussi dans le discours tenu par les
politiciens qui s'insère dans ce débat sensible. Force est toutefois de constater que ces discours sont
souvent parsemés d'exagérations qui amplifient les craintes et les
préoccupations de toutes parts et qui antagonisent souvent une société
qui se voudrait harmonieuse et respectueuse. D'un côté, on utilise la peur et des références aux pires
atrocités connues dans l'histoire de l'humanité pour justifier un tel projet de loi et, de l'autre, on présente, en cette enceinte parlementaire... on se dit défenseurs des droits et libertés des Québécois
quand l'objectif et la crainte réelle des membres du Parti québécois est de voir le projet souverainiste menacé par ce projet de loi.
• (15 h 40) •
Le projet de loi n'est évidemment pas parfait,
loin de moi cette idée. Il est crucial que les parlementaires qui siègent à Ottawa
ne réduisent pas nos libertés personnelles de façon injustifiée en tentant de
nous protéger contre des menaces non identifiées ou pas assez identifiées. Mais
reste-t-il qu'aujourd'hui la menace est, justement, difficile à identifier, car elle provient de l'intérieur de
chez nous, des paroles et des mains des Canadiens ordinaires à première vue,
mais combien violents et radicalisés. C'est
pourquoi une amélioration des échanges au sein de l'administration publique fédérale, l'information susceptible de nuire à la sécurité nationale et un accroissement de la
surveillance de certaines données nous apparaissent justifiés dans le
contexte actuel.
Trois
principes soulèvent des préoccupations : la définition de sécurité nationale plus
englobante, les pouvoirs accrus du
Service canadien de renseignement de sécurité, les échanges d'information privée entre les ministères et organismes
fédéraux. Selon le projet de loi, la nouvelle définition de menace à la sécurité
du Canada inclurait toute activité qui porte atteinte à
la souveraineté, à la sécurité ou à l'intégrité territoriale du Canada, notamment
entraîner un changement de gouvernement et entraver le fonctionnement d'infrastructures
essentielles. Il y a certaines définitions qui devraient peut-être
être un petit peu plus précises lorsqu'on lit ça. Les activités
pouvant porter atteinte à la sécurité du Canada en entraînant un
changement de gouvernement au Canada ou influer indûment sur un tel gouvernement par l'emploi de la force et des moyens illégaux sont donc
proscrits par la loi.
L'article 2 du projet de loi spécifie
toutefois qu'il est entendu... sont exclues les activités illicites de défense d'une cause, de protestation, de manifestation
d'un désaccord ou d'une expression artistique... sont exclues les activités
licites. Je m'excuse, je n'arrivais pas à
comprendre, là. Donc, tous les Canadiens qui le souhaitent pourront continuer
de manifester, en toute légalité, leur désaccord à l'endroit des politiques
environnementales, économiques ou autres du gouvernement sans être reconnus
comme posant une menace à la sécurité nationale.
Bien, si ces
personnes s'adonneraient à des activités illicites qui pourraient porter atteinte à la
sécurité nationale, je pense qu'on
convient tous ici, toutes et tous, qu'on doit intervenir. Nous comprenons que, premièrement, les Québécois ont fait clairement comprendre, lors de la dernière élection
générale, qu'ils ne veulent pas du projet
de loi souverainiste, et deuxièmement
qu'il s'agit d'un mécanisme. Par contre, c'est un mécanisme référendaire
légitime, et je crois qu'il n'y aura pas de souci à ce sujet.
Le mandat plus large de la société canadienne de
renseignement accorde définitivement plus de pouvoirs à ce service. Celui-ci se
voit accorder le mandat de perturber les menaces à la sécurité du pays, au
Canada et à l'étranger. Actuellement, son mandat se limite à la collecte de
renseignements qu'elle doit communiquer à d'autres organismes comme la GRC. Le
Service canadien du renseignement de sécurité pourrait maintenant passer
lui-même à l'action en empêchant des déplacements potentiels, entre autres en
interceptant des déplacements d'armes ou en bloquant des communications incitant au terrorisme. Ainsi, pour
réduire les menaces envers la sécurité du Canada et contrer une menace terroriste qui pourrait se concrétiser, cette
société pourra dorénavant adopter des mesures qui contreviennent aux chartes
des droits et libertés, mais il devra
obligatoirement obtenir un mandat du juge fédéral. En effet, à la suite d'une
audience à huis clos — c'est bien sûr — dans laquelle seules les forces de l'ordre
sont représentées, un juge de la Cour fédérale pourrait alors autoriser toute mesure juste et adaptée aux
circonstances pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada.
Le projet de loi ne décrit pas toutes les
mesures qui pourraient être utilisées, mais impose des limites comme celles de ne pas causer des lésions corporelles ou
la mort d'un individu. Ainsi, il s'agirait de mesures justes et adaptées
que le juge aurait estimées raisonnables et
justifiables de mettre en oeuvre dans le cadre de notre société démocratique.
Il s'agit d'une mesure de supervision
judiciaire unique au monde qui nous rassure quant à la capacité d'intervention
dont bénéficiera le service de renseignement canadien.
À titre de
comparaison, le groupe d'actions opérationnelles de la Direction centrale du
renseignement intérieur en France a également des pouvoirs
d'intervention, mais une autorisation judiciaire n'est pas requise. Pour
rassurer davantage mes collègues, je crois
qu'il convient de lire la disposition prévue aux articles 12.1 et 12.2 du
projet de loi :
«S'il existe des motifs raisonnables [...]
qu'une activité donnée constitue une menace envers la sécurité du Canada, le
Service peut prendre des mesures, même à l'extérieur du Canada, pour réduire la
menace.
«Les mesures doivent être justes et adaptées aux
circonstances, compte tenu de la nature de la menace et des mesures, ainsi que
des solutions de rechange acceptables pour réduire la menace.»
Le mandat. «La prise par le Service [des]
mesures pour réduire une menace envers la sécurité du Canada est subordonnée à
l'obtention d'un mandat au titre de l'article 21.1 s'il s'agit de mesures
qui porteront atteinte à un droit ou à une liberté garantis
par la Charte canadienne des droits et libertés [et] qui seront contraires à
d'autres règles du droit canadien.»
Interdictions.
«Dans le cadre des mesures qu'il prend pour réduire une menace envers la
sécurité du Canada, le Service ne peut :
«a) causer,
volontairement ou par négligence criminelle, des lésions corporelles à un
individu ou la mort de celui-ci;
«b) tenter volontairement de quelque
manière d'entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice;
«c) porter atteinte à l'intégrité sexuelle d'un
individu.»
Le Parlement d'Ottawa a déjà conféré au Service
canadien du renseignement le pouvoir extraordinaire de s'ingérer dans la vie privée de particuliers. Le Comité de surveillance
des activités de renseignement de sécurité, dont le premier ministre a déjà été membre, veille à ce que le pouvoir
soit exercé judicieusement et dans le respect de la loi afin de protéger les droits et libertés du Canada.
À cette fin, il examine les opérations passées du service et il enquête sur
les plaintes. Il a le pouvoir absolu
d'examiner toute information qui a trait aux activités du service de
renseignement, si délicate soit-elle,
quel qu'en soit le niveau de classification. Son rapport annuel au Parlement
résume les résultats de ces travaux, qui sont expurgés afin de protéger
la sécurité nationale et la vie privée des intéressés.
Donc,
l'intervention du service de renseignement sera précédée de l'obtention d'un
mandat auprès d'un juge fédéral et
sera suivie par une surveillance de la part du comité pour s'assurer qu'il n'y
ait pas de dérapage et qu'il respecte l'esprit de la loi qui vise
explicitement à réduire les menaces terroristes latentes et avérées sur le territoire
canadien.
La Cour suprême continue de jouer un rôle essentiel et pourra donc être appelée à
statuer sur la constitutionnalité de
cette loi. Il s'agit de contrôle judiciaire supplémentaire qui vient
limiter les risques de décisions arbitraires ou brimant injustement les
droits et libertés des Canadiens.
Il est également
à noter que le gouvernement fédéral n'a pas jugé nécessaire de faire appel à la
clause «nonobstant» — dérogatoire — pour
appliquer les dispositions qui permettraient de porter une atteinte à un droit
ou à une liberté garantis par la
Charte canadienne des droits et libertés afin de réduire les risques de menaces
à la sécurité. Des avis juridiques appuient nécessairement cette
décision.
Le
plus important : la sécurité de tous se verra accrue. La meilleure communication — le
troisième point : le projet C-51 vise également une meilleure
communication entre 17 agences et ministères fédéraux pour permettre de
communiquer entre elles et de manière proactive certaines informations
susceptibles de nuire à la sécurité nationale. Cependant, je l'ai dit d'entrée de jeu, une surveillance doit être
assurée afin que le droit à la vie privée ne soit pas brimé par un
profilage arbitraire auquel pourraient s'adonner des fonctionnaires chargés de
partager ces informations.
L'article 5 du projet de loi prévoit qu'«une
institution fédérale peut, de sa propre initiative ou sur demande, communiquer de l'information au responsable
d'une institution fédérale destinataire [...] à l'égard d'activités
portant atteinte de la sécurité du Canada, notamment
en ce qui touche la détection, l'identification, l'analyse, la prévention ou la
perturbation de ces activités
ou une enquête sur celles-ci». L'information partagée doit donc obligatoirement concerner des activités
qui pourraient porter atteinte à la sécurité
nationale, par exemple pour interrompre des transactions bancaires ou
pour contrer des projets de voyage.
À ces mesures s'ajoutent d'autres dispositions
bien encadrées et, pour la plupart, judiciarisées, c'est-à-dire encadrées par la
décision d'un juge.
Criminalisation
de la préconisation ou de la fomentation d'actes de terrorisme. Un
emprisonnement maximal de cinq ans
est prévu pour ces nouvelles infractions, qui vise l'incitation d'actes
terroristes comme l'incitation à mener des attaques contre le Canada.
La saisie de
propagande terroriste. Actuellement, la loi permet la saisie de documents
haineux ou de pornographie juvénile. Cette mesure créerait deux nouveaux
mandats pour empêcher des individus ou des groupes d'encourager la perpétration d'actes terroristes. Ainsi, un juge
convaincu par une dénonciation sous serment qu'il y a des motifs raisonnables
de croire qu'une publication dont les
exemplaires sont gardés aux fins de vente ou de distribution dans un local du
ressort du tribunal... que ces
documents ou ces publications constituent de la propagande terroriste, il peut
décerner... il pourrait, plutôt, décerner un mandat autorisant la saisie
de ces exemplaires.
Ce projet de
loi permet aussi de faciliter l'arrestation et la prévention. Le projet de loi
fait par ailleurs passer la détention
préventive de trois à sept jours, ce qui donne une plus grande latitude aux
forces de l'ordre pour amasser des éléments de preuve.
La protection
des passagers. Le projet vise à élargir l'interdiction d'embarquer dans un
avion aux personnes qui posent une
menace terroriste et qui se déplacent pour participer à des activités
terroristes. Pour l'instant, la «no-fly list», comme on l'appelle en
latin, vise surtout les voyageurs qui posent une menace à la sécurité aérienne
et ne vise pas les personnes qui posent une
menace terroriste ou qui se déplacent pour aller participer à des activités
terroristes. Et je peux vous dire, M.
le Président, qu'on a entendu beaucoup parler, ces derniers temps, de jeunes
femmes et de jeunes hommes qui
partaient pour s'engager, pour aller s'entraîner dans les camps qui vont les inciter au terrorisme, puis je pense que
c'est approprié.
• (15 h 50) •
En conclusion, maintenant, si nous jugeons que
certaines précisions pourraient être apportées, nous rappelons que des audiences ont commencé, que l'étude du projet
de loi n'est pas terminée, que les parlementaires de chacun des partis représentés
pourront faire valoir leurs propositions d'amendement. Autrement
dit, le débat n'est pas fermé, la
mouture actuelle n'est pas la version finale. Laissons les parlementaires
et la démarche démocratique faire son chemin.
Le projet de loi C-51 n'est pas le PATRIOT Act des États-Unis, et c'est tant
mieux. Il contient par ailleurs des dispositions moins draconiennes que celles contenues dans la
loi antiterroriste adoptée en France
en novembre dernier, qui ne prévoit
aucun mécanisme d'appel concernant la décision du gouvernement d'interdire à des citoyens français de quitter le territoire
national lorsqu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'ils prévoient se
rendre à l'étranger dans le but de
participer à des activités terroristes, à des crimes de guerre ou à des crimes
contre l'humanité. En effet, le projet de loi C‑51 prévoit un processus de recours administratif pour les
personnes inscrites qui ont fait l'objet d'un refus de transport au titre d'une directive du ministre de la Sécurité
publique et de la Protection civile ainsi qu'un processus d'appel pour
les personnes touchées par cette décision et pour toute mesure prise au titre
de celle-ci.
Nous
comprenons les préoccupations soulevées de part et d'autre dans la société
civile et ici même, à l'Assemblée nationale,
mais il est, premièrement, essentiel de faire la part des choses, et de bien
lire ce projet de loi, et de bien comprendre les mesures de surveillance
qui y sont prévues.
Deuxièmement,
il faut comprendre qu'au total 48 témoins seront entendus par les députés
à Ottawa et que des aménagements y seront forcément apportés afin de
dissiper ces ambiguïtés et ces inquiétudes, je l'espère.
Cela dit,
nous dénonçons, au même titre que le Parti québécois et le gouvernement
libéral, la démarche unilatérale du
gouvernement fédéral. Comme les ministres de la Justice, de la Sécurité publique
et des Affaires gouvernementales l'ont déjà dit dans leur lettre
acheminée au gouvernement fédéral, la question du terrorisme touche l'ensemble
de la population canadienne, et il est
important qu'il y ait un dialogue ouvert entre les provinces et le gouvernement
central lorsqu'il s'agit d'un enjeu
et des solutions à apporter et, j'ajouterais, M. le Président, lorsqu'il s'agit
d'un enjeu aussi sensible.
Nous sommes
aussi d'avis qu'il aurait été souhaitable, dans un esprit de fédéralisme
corporatif, que le projet de loi C‑51
fasse l'objet de consultations préalables auprès des provinces et que des
discussions soient entamées au sein du groupe
de travail fédéral-provincial-territorial sur la lutte contre le terrorisme.
Pour cette raison, nous sommes également favorables à ce que le gouvernement du Québec transmette ses
observations, ses demandes d'amendement à cette Assemblée pour ensuite les transmettre au Comité permanent
de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes du
Canada.
Enfin, d'ici
la fin de l'étude parlementaire du projet de loi, nous voterons cependant
contre cette motion, puisque, bien que
nous partagions certaines inquiétudes quant à la nécessité de préciser
davantage les dispositions les plus controversées
du projet, d'assurer une surveillance adéquate et un juste équilibre entre la
protection des droits et libertés consacrée
dans nos chartes et de nécessité d'assurer notre sécurité physique, nous ne
partageons pas l'interprétation qu'en fait
le Parti québécois ni chacune de ses préoccupations qu'il soulève, qui d'ailleurs ne sont pas suffisamment explicites
dans le libellé de la motion. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la
députée d'Arthabaska, pour cette intervention. Mme la députée de Joliette, je vous
cède la parole.
Mme Véronique Hivon
Mme
Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président. Je suis heureuse à mon tour de prendre la parole sur cette importante
motion portant sur le projet de loi fédéral C-51. Je pense qu'il y a des
moments où il faut travailler de la manière
la plus collégiale possible. Ça nous arrive. Les gens le sous-estiment, ne le
savent pas beaucoup parce
que ce n'est pas souvent ce qu'on voit dans les médias, mais ça nous arrive,
comme parlementaires, d'être capables de s'élever au-dessus de la partisanerie, notamment
lorsqu'il y a des enjeux qui concernent tous les Québécois et où on veut faire
part d'un point de vue québécois au gouvernement fédéral.
Le passé regorge d'exemples très probants où on a
réussi à s'élever au-dessus de la partisanerie pour le bien commun de l'ensemble des Québécois,
aussi du respect, je vous dirais, M.
le Président, de notre institution, de l'Assemblée nationale
qui, lorsqu'il y a des projets de
loi, comme C-51, d'une telle importance, doit pouvoir faire entendre sa voix.
C'est essentiel. Donc, dans ce contexte-ci,
évidemment ce qu'on souhaite aujourd'hui, c'est être capable de voter sur cette
motion d'une manière unanime pour envoyer un
message fort au gouvernement fédéral, et, avec respect pour ma collègue
de la deuxième opposition, je pense avoir
entendu ses propos qu'il y a tout à fait la place dans le libellé de la motion
pour qu'elle puisse se joindre, ainsi que son groupe, à appuyer, donc,
cette motion.
Mais je
voudrais dire une chose. Je pense que, quand on aborde des enjeux aussi
importants et que, justement, on espère s'élever et pouvoir envoyer un
signal clair comme Assemblée nationale, il ne faut pas non plus essayer de chercher, je dirais, des problèmes ou des
frictions là où il n'y en a pas. Alors, c'est certain que j'ai été surprise
quand même d'entendre la ministre de
la Justice parler que, de ce côté-ci de la Chambre, on voulait attiser des
chicanes, on voulait attiser des
conflits, quand je pense que mon collègue de Verchères a parlé de la manière la
plus respectueuse possible, que la motion,
elle est très respectueuse aussi, mais que, bien sûr, elle fait part d'un
certain nombre d'enjeux par rapport au projet de loi, qu'elle fait part du fait que, bien sûr, nous dénonçons
l'unilatéralisme, comme ma collègue de la deuxième opposition aussi le dénonce, dans la démarche du gouvernement
fédéral. Donc, je pense que c'est important aussi d'être capable de se
respecter et de s'élever au-dessus de la mêlée.
Je veux aussi rappeler que les propres collègues
de la ministre de la Justice et de la ministre de la Sécurité publique, je pense à l'actuel leader du gouvernement, ont fait des démarches dans le passé auprès de gouvernement fédéral. Je pense au projet de loi C-10 sur la justice criminelle, je pense aussi au projet de loi qui concernait la justice pénale pour les adolescents. Il y a eu
de ces démarches non partisanes qui ont mené à, donc, des comparutions devant
un comité parlementaire fédéral et où on a été capables de, oui, travailler
ensemble et pas de dire qu'on est en train d'attiser des chicanes ou de se renvoyer des épithètes d'un côté
comme de l'autre de la Chambre, mais plutôt de se dire qu'on était face à un moment important et que, donc, il nous
fallait travailler pour parler d'une seule voix et faire ces démarches auprès
du gouvernement fédéral. Dans le dossier du
registre des armes à feu, c'est un autre bel exemple où il y avait eu une
sortie conjointe de tous les partis
lorsque mon collègue, encore une fois, le député de Verchères avait déposé,
donc, la démarche québécoise en lien avec la préservation du registre des armes à feu.
Alors, je pense qu'il faut faire attention quand on aborde des enjeux
aussi importants.
Ceci dit, M. le Président, le problème avec
C-51, c'est le problème qui est souvent le nôtre quand on voit des législations qui pourraient poursuivre de bons
objectifs, mais qui mettent de l'avant des moyens totalement disproportionnés.
L'autre problème, c'est qu'aussi on voit
parfois une certaine instrumentalisation de réalités, de problèmes, non pas
fictifs, très, très réels, et je vais
y revenir, comme ceux que l'on vit présentement en lien avec le terrorisme, et
que ces situations-là amènent le gouvernement fédéral à vouloir en faire
énormément et, en quelque sorte, à complètement, je vous dirais, dénaturer le besoin qui s'exprime en lien avec ces
situations-là, pour aller beaucoup trop loin. Et c'est ce à quoi on fait
face, malheureusement, avec le projet de loi C-51.
• (16 heures) •
Donc, dans ce
temps-là, ce n'est pas simple. Il faut faire les nuances qui s'imposent. Ce
n'est pas d'être contre la lutte au
terrorisme, contre des mesures vigoureuses de lutte au terrorisme que de dire
que le projet de loi C-51 ne tient pas
la route, qu'il doit être amendé minimalement de manière significative, à
défaut de quoi il devra être abandonné, si on veut qu'il puisse produire des résultats convenables, les résultats
recherchés, sans avoir des effets complètement inverses, qui vont aller à l'encontre des objectifs qu'on
devrait poursuivre de protéger les droits et libertés des citoyens. Parce que
c'est de ça dont il s'agit quand on parle de
lutte au terrorisme. C'est qu'on veut
que les droits soient protégés. Or, si on n'est pas dans la bonne mesure et que le résultat... et qu'on va complètement même à l'encontre d'un tel principe, parce que les mesures sont complètement
disproportionnées, bien, on ne sera pas plus avancés. Et malheureusement c'est dans une situation comme celle-là qu'on se retrouve en ce
moment.
Donc, je dis
que ce n'est pas simple parce que, bien
entendu, je pense que tous les Québécois, toute la société a été fortement ébranlée par ce qui s'est passé à
Saint-Jean-sur-Richelieu, par les attentats, bien sûr par ce qui s'est passé,
par la suite, au Parlement fédéral.
On est très préoccupés de voir des jeunes Québécois qui sont en train de s'en
aller en Syrie pour combattre avec l'État islamique. Donc, c'est autant
de préoccupations, comme le soulignait ma collègue de la deuxième opposition,
qu'on ne vivait pas avec une telle intensité il y a encore quelques années, et,
oui, c'est très, très préoccupant. Et c'est
pourquoi il faut travailler fort, il faut mettre de l'avant les bonnes mesures
de lutte au terrorisme. Mais,
justement, il faut mettre de l'avant les bonnes mesures, il ne faut pas mettre
de l'avant des mesures disproportionnées.
Donc, je
pense que, oui, il faut tous être engagés. D'ailleurs, au Parti québécois, nous
avons fait des propositions pour
lutter plus efficacement contre le terrorisme. Je pense que la société
québécoise est en pleine réflexion sur ça aussi. Mais, quand on fait face à un tel projet de loi, bien, je pense que
notre responsabilité, c'est de dire que des nuances s'imposent et qu'il
faut faire le débat comme il se doit pour ne pas verser dans les mesures
extrêmes.
Donc, ce qu'on souhaite aujourd'hui par cette
motion que mon collègue a relue et a expliquée à chacun des paragraphes, l'esprit de chacun des paragraphes,
c'est bien sûr de demander au gouvernement du Québec de continuer sur la voie qu'il a amorcée par cet envoi d'une
lettre au gouvernement fédéral par les trois ministres concernés signataires,
mais d'aller plus loin et de permettre à
l'Assemblée nationale, donc, d'avoir une position dans laquelle elle pourra
parler d'une seule voix et faire valoir des amendements qui nous
apparaissent très importants.
Et, bien sûr,
je veux dire que ce n'est pas un combat souverainistes-fédéralistes. Nous
avons, oui, de part et d'autre de
cette Chambre, une position fondamentale, politique très, très différente, qui
colore beaucoup de choses dans la vie politique québécoise. Nous sommes,
oui, profondément souverainistes. Je pense que, jusqu'à preuve du contraire, les
collègues d'en face sont profondément
fédéralistes. On est toujours ouverts au dialogue et à accueillir toute
personne qui pourrait avoir des doutes
et qui pourrait se rendre à l'idée que, oui, la souveraineté est une voie
intéressante pour l'épanouissement du peuple québécois, mais ce n'est
pas aujourd'hui que je vais entrer dans ce débat.
Mais l'idée, c'est juste de se dire que, malgré
cette divergence fondamentale qui enrichit beaucoup notre débat démocratique, nous sommes capables de nous
entendre. Et ce n'est pas, en ce moment, un combat souverainistes contre
fédéralistes. Et la preuve en est qu'il y a une tonne d'organisations... et je
pense qu'on aurait du mal à les qualifier d'indépendantistes,
comme on aurait du mal, peut-être, à qualifier certains anciens premiers
ministres comme Jean Chrétien, Joe
Clark, Paul Martin, John Turner d'indépendantistes, à moins qu'il y ait quelque
chose qui m'ait échappé récemment.
Donc, je
pense que le mouvement de contestation du projet de loi C-51 est très large, et
il devrait nous alerter quant aux
dangers de dérapage de ce projet de loi. Donc, plusieurs, vous le savez, mon
collègue en a fait part tout à l'heure, mais plusieurs groupes l'ont
mentionné : des anciens premiers ministres, des anciens juges de la Cour
suprême, un nombre important de groupes de
la société civile qui se sentent particulièrement à risque — on pense aux communautés autochtones,
on pense aux groupes environnementaux — beaucoup de juristes, beaucoup d'experts.
Et, oui, c'est vrai, comme indépendantistes, nous sommes aussi inquiets, porteurs de certaines inquiétudes, parce que
nous avons vu dans le passé qu'avec des pouvoirs élargis il y avait eu des gestes posés qui étaient inacceptables et très
intrusifs à l'endroit des indépendantistes québécois.
Donc, énormément de gens qui se sont manifestés
depuis la présentation de ce projet de loi là et beaucoup d'inquiétude au
Québec aussi, notamment à la lumière des dérapages qu'on a pu vivre dans le
passé. Donc, oui, nous sommes convaincus que
non seulement il faut parler d'une seule voix, mais qu'il faut dire haut et
fort qu'il y a des choses, des
éléments absolument inacceptables dans ce projet de loi C-51 et donc qu'il faut
des amendements. Minimalement, il y a
des amendements qui sont incontournables. Donc, la nouvelle définition
d'activité portant atteinte à la sécurité du Canada, vraiment, c'est une définition qui est excessivement large et
arbitraire. Et, comme à chaque fois qu'on est dans ces matières de droits et libertés, il faut faire
attention à l'arbitraire. Donc, en soi, c'est un motif important de demande
d'amendement.
Même chose
pour les nouveaux pouvoirs d'intervention qui sont confiés au SCRS. Bien sûr
qu'ils doivent s'accompagner de
mesures de contrôle archiefficaces, parce que c'est un pouvoir sans précédent
qui est confié au SCRS, qui n'aurait plus qu'un pouvoir de surveillance,
mais un pouvoir beaucoup plus large de collecte d'information, d'intervention directe et
aussi, bien entendu, de grandes préoccupations par rapport à toute la question
de l'échange des renseignements, la
protection de la vie privée. Et c'est autant de motifs qui nous amènent, je
crois... qui devraient tous nous
amener à conclure que nous devons parler d'une voix unie, d'une voix forte, dans un premier temps, pour dénoncer,
bien sûr, qu'une loi d'une telle envergure ait pu être déposée d'une manière
aussi précipitée, sans aucune consultation préalable ni des groupes concernés mais ni du Parlement québécois,
alors que les impacts sont majeurs, et bien sûr aussi pour être dans l'action, pour présenter des amendements,
parce que je rappellerais à ma collègue de la Justice qu'un
comité de travail, c'est formidable,
mais là il est pas mal minuit moins cinq pour parler de comité de travail quand
les auditions ont lieu à la Chambre de communes et que le travail
législatif est amorcé.
Donc,
je pense qu'il faut passer à la prochaine étape et je nous
invite tous à le faire haut et fort, d'une voix unie en adoptant aujourd'hui cette motion qui
permettra au Québec de s'inscrire dans ce débat qui est fondamental pour notre avenir à tous, qui est fondamental pour la
préservation de nos droits et libertés et pour lutter efficacement mais
correctement contre le terrorisme. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la
députée de Joliette, pour cette intervention. Je cède la parole
maintenant à Mme la députée de Gouin.
Mme Françoise David
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. Alors, je veux donc expliquer
brièvement qu'à Québec solidaire nous
allons appuyer la motion de l'opposition officielle et nous allons le faire
sans réserve, mais je veux expliquer pourquoi, par exemple.
D'abord, le projet de
loi C‑51 est beaucoup trop large, vise ou peut viser, de la façon dont il est
écrit, des mouvements, des personnes qui
n'ont absolument rien à voir avec le terrorisme. Et, sous le couvert de la
lutte au terrorisme, ce projet de loi
peut couvrir, par exemple, ou peut sanctionner des militantes et militants qui
appartiennent à des mouvements de
protestation sociale, et on peut penser aux groupes écologistes, autochtones,
anticapitalistes, on peut penser à des comités de citoyennes et citoyens
travaillant contre des changements climatiques, etc. On peut penser à toute une
panoplie de personnes et de groupes. Et donc
vraiment le projet de loi, qui est vague et trop vaste, peut s'appliquer à ces
groupes et à ces personnes.
Il
y a des articles du projet de loi, par exemple, qui vont définir certaines
activités comme l'entrave au fonctionnement d'infrastructures
essentielles. Oui, mais on parle de quoi? Est-ce qu'on parle de pipelines, par
exemple? Alors, si des personnes vont
empêcher un bulldozer de venir construire un trou pour mettre un pipeline
dedans, est-ce qu'on va qualifier ces
personnes comme étant problématiques au plan de la sécurité du Canada? Ce qui
me paraîtrait absolument abusif, mais
n'empêche que ça pourrait être ça. Ou
est-ce que, si des personnes se mobilisent contre une
mesure, une politique inscrite par le gouvernement canadien,
on va dire : Ah! ce sont des personnes qui travaillent contre la sécurité
du Canada? Est-ce
qu'une manifestation interdite en vertu d'une réglementation municipale comme
P-6, par exemple, est-ce qu'un sit-in,
est-ce que de la désobéissance civile pacifique, pacifique, peuvent être
considérés, à cause de ce projet de loi — ou une
grève — comme
s'inscrivant dans la foulée de gestes terroristes qui sont contraires aux
besoins de sécurité au Canada? Beaucoup de personnes et d'organismes
l'ont dit bien avant moi à la Chambre des communes, c'est un projet de loi
beaucoup trop vaste, qui donne beaucoup trop de pouvoir à la police.
• (16 h 10) •
On parle aussi
d'atteintes très nombreuses à la vie privée. Mise en place d'un vaste système
de collecte et d'échange d'information au sein de l'appareil gouvernemental. On
fait table rase des règles actuelles en matière de protection des
renseignements personnels. Il y a absence de mécanisme de surveillance adéquat
de ces activités de renseignement et pas de
recours non plus pour les personnes qui vont en faire l'objet. Toutes des
raisons qui font que c'est dangereux, ce projet de loi là, et que ça
peut vraiment porter atteinte à la liberté d'expression.
Un
autre problème : l'atteinte aux droits fondamentaux. Le projet de loi
élargit démesurément les circonstances qui
permettent la détention préventive. Il affaiblit le degré de preuve nécessaire,
allonge la durée possible de la détention, qui passe de 72 heures à sept jours, durcit les conditions de
libération, et le tout sans inculpation pour activité criminelle. Mais
dans quelle sorte de société est-ce qu'on va vivre avec ce projet de loi là?
Et
donc toutes ces dispositions peuvent miner la liberté d'expression en ayant un
effet d'autocensure évident sur les individus.
Pouvoirs
démesurés octroyés au SCRS. Le SCRS, jusqu'à présent, avait des activités de
renseignement. Dorénavant, il pourra prendre des mesures pour réduire,
entre guillemets, une menace à la sécurité du Canada, et la définition est
tellement large que ça peut inclure toutes sortes d'activités menées par des
mouvements sociaux. Il peut, sous réserve d'obtenir
un mandat judiciaire, agir illégalement et même prendre des mesures qui vont
porter atteinte aux droits protégés par la Charte canadienne des droits
et libertés. Ça va extrêmement loin. La procédure d'octroi de mandat se déroule
à huis clos et donc ne permet pas la protection des droits protégés par la
charte.
Ce
qu'on craint réellement, c'est, dans le fond, la création d'une véritable police politique et l'accroissement
des pratiques de profilage politique. Plusieurs ont souligné aussi que
les mesures de surveillance de cette police politique étaient à peu près inexistantes et que ça pouvait apporter des
dérives importantes comme ce qui a été vécu et qui se vit encore, dans une certaine mesure, aux États-Unis, où on a pu voir la CIA, depuis 10 ans, 15 ans, s'adonner à des
pratiques répressives et même à
la torture sans que personne ne surveille vraiment ce type d'activités.
Je suis certaine que ce n'est pas
dans ce genre de société que quiconque au Québec veut vivre. Et, pour
toutes ces raisons, M. le Président, et parce
que
le gouvernement fédéral
s'adonne à une consultation bidon dont, visiblement, il ne tiendra pas compte,
je pense que nous devons appuyer unanimement la motion de l'opposition
officielle. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M.
Ouimet) : Merci à vous, Mme la députée de Gouin, pour cette
intervention. Mme la vice-première ministre et ministre responsable de la
Sécurité publique, je vous cède la parole.
Mme Lise Thériault
Mme
Thériault : Merci, M. le Président. Évidemment, M. le
Président, vous comprendrez qu'à titre de signataire de la lettre qui a été envoyée au gouvernement
fédéral je ne pouvais faire autrement que de prendre la parole aujourd'hui sur
la motion qui a été déposée par notre collègue le député de Verchères.
M. le
Président, quelques petites remarques avant d'aller sur le fond de la question.
J'ai entendu, évidemment, tout ce qui
s'est dit ici, en Chambre. Vous savez, je suis très respectueuse des différents
points de vue, des différentes opinions
qui sont exprimées par les députés. Évidemment, c'est la nature même de la
démocratie, c'est le rôle que doit jouer notre Parlement où les opinions
de tous et chacun... on a du temps pour faire valoir nos points de vue.
M. le
Président, vous savez, je n'ai pu m'empêcher de sourire lorsque j'ai entendu
mon estimé collègue le député de Verchères lors de son éloquente
allocution. Je pense que c'est important de le dire, c'est un tribun qui a
beaucoup d'expérience, et je le dis avec un
sourire, mais ce n'est vraiment pas méchant, M. le Président, j'avais comme l'impression
qu'il était le parlementaire qui, dans une autre vie, a su prendre la parole
très éloquemment dans un autre Parlement. Et
ça le fait sourire, vous voyez qu'il n'y a pas de malice dans mes propos. Mais
je n'ai pu m'empêcher de me dire : Bien, c'est évident que le plaidoyer que notre collègue a fait, il aurait pu
le faire au Parlement fédéral s'il siégeait, évidemment, encore dans ce
Parlement-là et que l'occasion pour lui s'est présentée, à titre de député du
Parlement de l'Assemblée nationale, de pouvoir débattre d'une question qui, on
le voit, lui tient vraiment à coeur, il l'a fait de manière très, très éloquente. Mais ça me fait toujours sourire de
voir que, maintenant, on est dans un autre Parlement et qu'il y a des débats
qui vont interpeller les députés de toutes
formations politiques et de tous les Parlements, qu'on siège au Parlement
canadien, au Parlement de l'Assemblée
nationale ou dans les autres Parlements des différents provinces ou territoires
du Canada, M. le Président.
M. le Président,
j'ai écouté aussi avec beaucoup d'attention la députée de Joliette, qui a
repris les propos de ma collègue la
ministre de la Justice, où, sans vouloir lui prêter d'intentions, elle a
interprété à sa manière, avec l'oeil et la condition où elle a entendu, les propos de ma collègue. Mais je pense
qu'il faut aussi ne pas se leurrer, M. le Président, il y a une réalité, c'est que le parti qui est
devant nous, c'est un parti qui est fondamentalement pour la séparation du
Québec. Et je ne dis pas que la motion
vise à créer une énorme chicane avec le gouvernement fédéral, M. le Président,
mais on sait tous que plus il y aura
de divergence, plus il y aura de points de vue qui seront complètement
différents entre cette formation
politique et le gouvernement fédéral, plus ça amènera de l'eau au moulin pour
faciliter leur option ou, à tout le moins,
en faire la promotion, M. le Président. Et je crois sincèrement que c'est
exactement ce que la ministre de la Justice a voulu dire par ses propos
lorsqu'elle a pris la parole en parlant de l'option souverainiste de nos
collègues du Parti québécois.
Alors, M. le Président, j'ai aussi bien entendu
la collègue... la députée d'Arthabaska et je dois dire qu'elle a, à juste titre, fait une description et une analyse
du projet de loi C-51 qui était, à mon avis, fort poussée. On a vu qu'elle
a fait vraiment une recherche qui est très exhaustive par rapport aux
différents points qui sont touchés par le projet de loi C-51, ce qui me permet de dire, M. le Président, que c'est vraiment
tout à l'honneur de la députée d'avoir fait cette recherche-là, parce
qu'évidemment, lorsqu'on parle des questions de sécurité, lorsqu'on parle des
questions de droits fondamentaux dans notre
société, il existe plusieurs droits. Mais vous ne serez pas surpris non plus,
M. le Président, de m'entendre dire, comme ministre de la Sécurité publique,
que mon rôle premier, comme ministre, c'est de protéger les Québécois,
mais aussi de protéger la sécurité de nos gens, de nos peuples.
M. le
Président, il est évident que plus de
sécurité, ça veut aussi dire protéger nos droits. Puis je m'explique quand
je dis ça, M. le Président. Vous savez,
le projet de loi C-51, il est vrai que nous puissions avoir des
questionnements, et je pense, à juste
titre, que la lettre qui est cosignée par la ministre de la Justice, par
moi, par le ministre qui est responsable, également,
des Affaires intergouvernementales canadiennes justifie l'objet de notre
démarche, où nous voulons vraiment
signifier au gouvernement fédéral qu'il y a
des questionnements par rapport au projet
de loi C-51, et je pense qu'il est
légitime de le faire.
M. le Président, ma collègue la ministre
de la Justice a dit, à juste titre,
et là je vais citer le bout de la lettre qu'elle a citée, que «[les questions] du terrorisme [touchent] l'ensemble de la population
canadienne et nous croyons qu'il est important
de collaborer avec votre gouvernement, mais également avec les autres provinces et territoires. À cet
égard, il aurait été souhaitable que
le projet de loi C-51 fasse l'objet de consultations préalables
auprès des provinces et des territoires. D'ailleurs, il existe déjà un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la lutte contre
le terrorisme, lequel relève du
Comité de coordination des hauts fonctionnaires responsables de la justice
pénale. Il est malheureux que le gouvernement fédéral ait choisi de procéder unilatéralement et ainsi de se priver de
l'expertise de ses partenaires fédératifs. Un fédéralisme coopératif aurait exigé que le groupe de travail
soit mis à contribution.» Et c'est inclus dans la lettre. Donc, M. le Président,
si nous l'avons écrit, c'est que nous le pensions vraiment.
Ce qu'il faut
dire, c'est — ma
collègue l'a dit, et je pense que c'est important de le redire parce que nous
avons fait mention, dans la lettre,
de ce comité-là — qu'il y
a présentement des discussions avec nos homologues pour que le comité puisse se réunir, M. le Président. Les
discussions vont bon train, et je dois dire que c'est à l'initiative de notre
lettre où, présentement, il y a des discussions entre le gouvernement
fédéral, le gouvernement du Québec.
• (16 h 20) •
Mais il faut
considérer également, puisque nous vivons dans une fédération canadienne, qu'il
y a aussi d'autres partenaires, M. le Président, qui se sentent
interpellés par le projet de loi C-51, et j'entends, évidemment, les autres
provinces canadiennes et les territoires, M. le Président. Je pense qu'il est
important de comprendre que la sécurité publique, mais les droits, également, de nos
concitoyens canadiens, et non pas seulement québécois, sont au coeur du projet
de loi C-51. Et tous les ministres
responsables de la Justice sont interpellés, mais également les ministres
responsables de la Sécurité publique, M. le Président.
M. le
Président, vous savez, je pense qu'il
est important aussi de rappeler ce que notre premier ministre nous a dit et je pense que
c'est important de reciter que, le 23 octobre dernier, suite
aux événements qui sont survenus à Ottawa,
notre premier ministre s'était
exprimé sur le rôle que le Québec devait jouer face à la menace terroriste. Et ce
qu'il disait, c'est que «le gouvernement doit jouer son rôle. Tout son rôle. Soutenir les actions de sécurité en
préservant la règle de droit.» M. le Président, je pense que c'est important de le rappeler parce que c'est exactement
ce que notre gouvernement fait
présentement, non seulement les discussions qui ont lieu pour que le comité
puisse se réunir, à l'initiative de ma collègue
la ministre de la Justice... fait partie des réponses qu'on doit avoir
concernant les inquiétudes qui ont été manifestées face au projet de loi
C-51.
Mais je dois dire également, M. le Président,
que, comme ministre de la Sécurité publique, je pense qu'il est important
que les gens qui nous entendent comprennent aussi que j'ai eu le loisir de
parler avec le ministre de la Sécurité publique et, M. le Président, je peux vous dire que j'ai une collaboration exceptionnelle du ministre de la Sécurité publique fédéral, M. Blaney, et que nous nous parlons régulièrement, M. le Président, et j'oserais dire au moins une fois par mois.
Mais ce que
je tiens à mentionner aux gens, au-delà du fait que nous nous parlions et que
nous travaillons bien ensemble, le
2 mars dernier, j'ai eu l'occasion de rencontrer le ministre fédéral ainsi que
différents ministres des autres provinces canadiennes — le ministre
de l'Ontario, le ministre du Nouveau-Brunswick et la ministre de la Nouvelle-Écosse — qui
sont aussi responsables de la Sécurité publique, M. le Président. Il y avait un
forum de trois jours à Ottawa où on parlait des questions de police, de
sécurité, du rôle que les forces policières doivent jouer dans les communautés,
les budgets qui y sont reliés, évidemment.
Il y avait des conférenciers partout au Canada qui étaient là. Et, M. le Président, je dois dire que, lors de cette rencontre, j'ai eu l'opportunité de
m'entretenir avec trois autres ministres qui partagent les dossiers de la Sécurité publique ainsi qu'avec le
ministre fédéral et que nous avons demandé à ce qu'il puisse y avoir une
rencontre des ministres de la Sécurité
publique des provinces et des territoires avec le ministre fédéral, et,
M. le Président, le ministre
Blaney a acquiescé à cette demande. Pourquoi? Parce que les questions de
terrorisme, parce que les questions de
sécurité publique ne peuvent pas regarder que le gouvernement fédéral, mais
doivent obligatoirement regarder également les autres provinces
canadiennes, M. le Président, et les autres gouvernements.
Je pense qu'il est important de rappeler que
toutes les questions de terrorisme... Depuis que l'État
islamique a fait poser la menace sur
le Canada que nous n'étions plus à l'abri des actes de
terrorisme, c'est comme si d'un coup nous avons... on est tombés dans un mode de vigilance, de
surveillance, on a élevé d'un cran, M.
le Président... parce que
la menace d'un acte de terrorisme
devenait beaucoup plus réelle. Jusqu'à maintenant, on avait toujours
vu ça de l'autre côté de l'océan, dans
les pays très lointains. Nous avions l'impression d'assister à des scènes
désolantes et des spectacles franchement macabres, M. le Président, où on voit que les droits des humains sont
totalement bafoués, où la démocratie n'existe pas, où il y a des actes barbares, où il y a
des attentats terroristes qui se posent, M. le Président. Il est
évident que, lorsqu'on regardait ça, de ce côté-ci, on disait : Bien
non, pas chez nous. Mais, à partir du
moment où l'État islamique a fait peser cette menace-là sur le Canada... Et malheureusement nous nous sommes
rendu compte assez rapidement, M. le Président, avec l'attentat qu'il y a eu face aux militaires à
Saint-Jean-sur-Richelieu, avec l'attentat qu'il y a eu au Parlement d'Ottawa,
que nous n'étions plus à l'abri, M. le Président.
Vous savez,
M. le Président, j'ai toujours dit que, comme ministre de la Sécurité publique,
toute mesure qui servira à mieux
protéger les citoyens québécois et canadiens sont les bienvenues, M. le
Président. On ne pourra pas dire... Si C‑51 avait été adopté avant, est-ce que ça aurait pu mettre à l'abri les deux
attentats que nous avons vécus, soit celui d'Ottawa et de Saint-Jean?
Peut-être, M. le Président, peut-être. On ne peut pas changer le passé, mais on
peut essayer d'influencer l'avenir, M.
le Président. Et je crois que, lorsque les parlementaires et lorsque les
ministres déposent des lois dans leurs Parlements,
que ce soit le Parlement fédéral ou le Parlement québécois, nous déposons des
lois pour accomplir mieux nos
missions, M. le Président. Et je crois que, le gouvernement fédéral, en
déposant le projet de loi C‑51, le but qui est visé, c'est de protéger
la population.
J'ai toujours
dit également, M. le Président, que non seulement il fallait protéger nos
concitoyens, mais il fallait trouver
aussi le juste équilibre entre les droits et libertés, et la protection des
gens passe aussi par la protection des droits — Mme la Présidente, puisqu'il y a eu un petit
changement. Vous savez, Mme la Présidente, je crois qu'à partir du moment où on s'attaque à notre démocratie...
Nous avons le droit de vivre dans une société démocratique. Oui, nous avons le droit de garder nos renseignements
confidentiels, notre vie privée, je pense qu'il ne s'agit pas d'opposer les
droits d'un par rapport aux autres,
mais il faut quand même trouver un juste équilibre, Mme la Présidente. Et c'est
la préoccupation, c'est l'objet de la lettre que nous avons fait
parvenir au gouvernement fédéral.
Mme la
Présidente, je pense qu'il est important aussi de mentionner que, la rencontre
qui aura lieu, des ministres de la
Sécurité publique, lorsque la date sera connue, on vous reviendra, mais
évidemment il faut concilier, comme je l'ai dit, les agendas de plusieurs ministres, et ce n'est pas toujours évident.
Mais le ministre Blaney a confirmé qu'il y aurait une rencontre, et, sans surprise aucune, je pense que
tous conviennent que le projet de loi C‑51 sera à l'ordre du jour. Et je
conviens que, si on peut faire de la
représentation avant l'adoption du projet de loi, c'est bien, mais que je crois
qu'il peut y avoir aussi de l'amélioration continue face au projet de
loi.
Vous savez,
Mme la Présidente, moi, je n'ai pas pour prétention de vouloir me substituer au
ministre fédéral, je n'ai pas pour prétention de vouloir faire le
travail des parlementaires canadiens qui siègent à Ottawa. Je pense que les
parlementaires doivent faire leur travail. Je pense qu'il est légitime que,
dans le Parlement canadien, les différentes étapes soient franchies, qu'on
puisse, là-bas, étudier le projet de loi. Je pense qu'il est légitime également
que chaque Parlement et chaque ministre
puissent faire valoir leurs points de vue, puisque la question de sécurité et
les questions de terrorisme
sont des questions qui sont des préoccupations pour tous les gouvernements, et
c'est vrai également pour le gouvernement du Québec.
Ce qui
m'amène à vous dire, Mme la Présidente, qu'évidemment, pour répondre à certains
questionnements de l'autre côté, de mes collègues — j'ai
entendu dire qu'on espérait qu'on n'abdiquait pas nos responsabilités face à la
radicalisation au gouvernement fédéral — je pense que c'est important de dire que,
non, on n'abdique pas nos responsabilités, Mme la Présidente, au
contraire... autant que je peux vous dire que nous travaillons en étroite
collaboration avec le gouvernement fédéral
parce que les questions méritent qu'on le fasse et qu'on s'élève au-dessus de
la partisanerie, j'en conviens.
• (16 h 30) •
Je conviens
également que tous les gens peuvent avoir leur lorgnette et voir ça avec leur
passé, avec leur expérience, avec
certains événements qui sont survenus, mais moi, je fais le pari et le choix de
regarder ça avec les éléments d'aujourd'hui, dans le contexte d'aujourd'hui, avec la réalité d'aujourd'hui, et je
suis convaincue, Mme la Présidente, qu'on doit mieux protéger nos
concitoyens, c'est vrai, au Québec. Et, à ce que je sache, le Québec fait
encore partie du Canada. Et les préoccupations
sont légitimes pour les Québécois comme elles le sont pour les Ontariens, comme
elles le sont pour les gens qui sont
en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse, Mme la
Présidente, ou encore dans les
Territoires du Nord-Ouest. Donc, vous comprendrez que la position de notre gouvernement,
c'est de travailler en collaboration
avec les ministres respectifs du gouvernement fédéral pour faire en sorte que
nous puissions atteindre notre
objectif. Et je vais convenir qu'il est important d'encadrer, qu'il est
important de trouver le juste équilibre entre la sécurité et le respect
des droits, mais que notre démocratie,
c'est aussi un droit fondamental, et que, lorsqu'on parle de terrorisme,
lorsqu'on parle d'attentats devant les parlements ou dans les parlements, ou à
côté des parlements...
L'attentat à
Tunis, la semaine passée, Mme la Présidente, on a tous compris que c'était
l'État islamique, ça a été revendiqué d'ailleurs après. Le Musée Bardo,
ce n'était pas choisi comme ça au hasard, c'est à côté du parlement. Le moment aussi, ce n'était pas n'importe quand,
c'était au moment où il y avait l'étude d'un projet de loi pour contrer le
terrorisme, Mme la Présidente. Donc, il est
évident qu'il y a une corrélation à faire, et nous devons, nous, dans nos
parlements respectifs, pour protéger
la démocratie... Et Dieu sait qu'il y en a eu, des luttes pour que nous
puissions être démocrates, on s'est
battues, les femmes, pour... pas vous et moi, mais nos mères, nos grand-mères
se sont battues pour avoir le droit de vote. On a gagné chèrement notre
démocratie.
C'est le cas
quand il y a des guerres également, Mme la Présidente. Quand nos soldats
canadiens sont partis pour les
grandes guerres, c'est parce qu'ils voulaient préserver la démocratie des pays,
ils voulaient préserver les droits des citoyens. Je pense qu'on a la
responsabilité, Mme la Présidente, de mieux protéger aussi notre démocratie.
C'est une
valeur fondamentale et c'est un droit fondamental que nous devons protéger
également, Mme la Présidente, et je
suis convaincue que le projet de loi C-51 vise aussi cet objectif-là. Vous
comprendrez, Mme la Présidente, que
je crois à la démocratie, je crois aussi à la sécurité et je crois au respect
des droits, mais il faut trouver le juste équilibre, et je pense qu'il
faut aussi faire confiance aux gens qui prennent les décisions. Merci, Mme la
Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup de votre
intervention, Mme la vice-première ministre
et ministre responsable de la Sécurité publique. Et, pour la prochaine intervention,
je vais maintenant céder la parole à M. le député de Fabre.
M. Gilles Ouimet
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, Mme la Présidente. Est-ce qu'il est possible
de savoir de combien de temps je dispose pour mon intervention?
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, c'est mon erreur, j'aurais
vous le confirmer. Vous disposez de tant de minutes... de
15 minutes, pardon.
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, Mme la Présidente. C'est avec grand plaisir
que je participe à mon tour à ce débat, débat très intéressant. Je vais faire du pouce un peu sur les propos de
la ministre de la Sécurité publique, qui d'entrée de jeu soulignait les
qualités d'orateur du député de Verchères, qui a présenté la motion, et je
pense qu'effectivement le député de Verchères
est parmi, sinon le meilleur, parmi les meilleurs orateurs de cette Chambre et
c'est toujours un plaisir de l'écouter, très intéressant,
très vivant.
Et je partage une bonne partie des propos du
député de Verchères, mais, et c'est, je pense, tout le débat de cet après-midi, c'est que, si on s'entend sur les objectifs
et que nous sommes tous unanimes sur l'objectif poursuivi, c'est au chapitre des moyens qu'il y
a une divergence de vues. Et, malheureusement, Mme la Présidente, comme la ministre de la Justice l'a expliqué, comme la ministre de la Sécurité publique aussi l'a réitéré, du côté gouvernemental, les députés, on ne partage
pas le fond de la motion quant aux moyens proposés. Et c'est ce que je vais
tenter de vous démontrer au cours des prochaines minutes.
Si on résume
la motion, ce que nous avons, Mme la
Présidente, ce sont deux visions, deux
approches qui s'affrontent. Il y a
celle proposée par le gouvernement, prônée par le gouvernement, qui est celle de
la collaboration, de la coopération
dans le but d'atteindre un objectif. De l'autre, celui proposé par la motion, celui
de la confrontation, celui de
l'affrontement. Mme la Présidente, vous ne serez pas étonnée d'entendre de ma
bouche que je préconise l'approche de
la collaboration, de la coopération. C'est mon mode de vie. Avant
que j'arrive à l'Assemblée nationale et depuis que je suis à l'Assemblée
nationale, je tente de préconiser
cette approche, et c'est malheureusement... et c'est presque à regret que j'en suis venu à la
conclusion que malheureusement la motion ne correspondait pas à cette approche
que nous préconisons, que nous favorisons, qui est celle de la collaboration.
Et,
encore une fois, j'ai eu le bénéfice d'écouter la ministre de la Justice, la ministre
de la Sécurité publique, qui ont
éloquemment expliqué pourquoi, pourquoi nous favorisons cette approche, comment
cette approche se manifeste concrètement
dans le contexte du débat que nous avons, débat qui a cours présentement dans la société canadienne au niveau de C-51.
Parce que
je pense qu'on entend beaucoup parler de ce projet de loi qui soulève les passions, et à juste titre parce que ça fait intervenir deux grands enjeux de notre société — et
je m'arrêterai sur ces enjeux-là — c'est-à-dire d'un côté la sécurité des citoyens,
et, de l'autre, la protection des droits et libertés. C'est sans doute le défi
le plus grand pour une société démocratique que celui de trouver cet équilibre,
ce juste équilibre entre la sécurité des concitoyens, de nos concitoyens, du public, que ce soit au Québec,
dans les autres provinces ou même dans le monde... Donc, d'un côté,
assurer cette sécurité, cette
protection et, de l'autre, assurer le respect des droits et libertés des gens.
Il ne faut pas sacrifier ni un ni l'autre lorsqu'on tente de trouver cet
équilibre.
Vous
me permettrez... d'ailleurs, la motion y fait référence, on parlait de la
sortie médiatisée de ce groupe
d'anciens premiers ministres, anciens
juges de la Cour suprême, des juristes de renom qui avaient signé cette lettre
qui demandait des changements au
projet de loi C-51. Le député de Verchères... d'ailleurs, la motion y fait
référence. Dans cette lettre, les
premiers ministres, les anciens premiers ministres disaient que — et vous me permettrez de le citer — «nous convenons tous et toutes que la protection du public est une
des plus importantes fonctions du gouvernement». Et il ne faut jamais perdre de vue, Mme la Présidente, cet objectif
essentiel que nous devons poursuivre, c'est-à-dire d'assurer la protection
de nos concitoyens.
Et
vous me permettrez, dans cette recherche de l'équilibre, de citer les propos...
le jugement de la Cour suprême, en
2004, qui se prononçait sur la constitutionnalité de certaines dispositions qui
avaient été adoptées en 2001, suite aux attentats terroristes, donc la réaction du Parlement, en 2001, qui a été
de proposer des modifications, d'adopter des mesures antiterroristes. Et
la Cour suprême, en 2004, s'était prononcée sur la constitutionnalité de ces
dispositions. Je n'ai pas l'intention
d'entrer dans le débat qui n'est, de toute façon, pas pertinent pour les fins
du débat en ce moment, mais, en 2004,
la Cour suprême disait ceci : «Le défi que les démocraties sont appelées à
relever dans la lutte contre le terrorisme n'est pas de savoir si elles doivent réagir, mais plutôt comment elles
doivent le faire. Cela s'explique par l'importance que les Canadiens et
les Canadiennes attachent à la vie et à la liberté de l'être humain, ainsi qu'à
la protection de la société grâce au respect
de la primauté du droit. En effet, l'existence même d'une démocratie repose sur
la primauté du droit.» Je
poursuis : «Quoiqu'il modifie nécessairement le contexte dans lequel doit
s'appliquer le principe de la primauté du
droit, le terrorisme ne commande pas
la renonciation à ce principe. Mais en
même temps, s'il est vrai que la
réaction au terrorisme doit respecter la primauté du droit, il reste que
la Constitution n'est pas un pacte de suicide[...].
• (16 h 40) •
«[Enfin,]
par conséquent, le défi qu'un État démocratique doit relever en réagissant au
terrorisme consiste à prendre des mesures qui soient à la fois efficaces
et conformes aux valeurs fondamentales de la primauté du droit. Dans une démocratie, tout n'est pas permis pour contrer le
terrorisme. Ce qui peut sembler être un désavantage, au premier abord, n'en
est pas un en réalité. La réaction au terrorisme, qui respecte la primauté du
droit, protège et renforce les libertés précieuses
qui sont essentielles à une démocratie.» Je pense, Mme la Présidente, que, sur
ce point, il y a effectivement une unanimité au sein de cette Assemblée,
et nous parlons tous d'une même voix.
Ceci
dit, vous me permettrez... Et je pense qu'il est important de revenir au texte
de la motion pour expliquer en quoi
le texte de la motion qui est proposée n'est pas convenable et, en ce qui nous
concerne, requiert que nous nous opposions à cette motion.
En
fait, les trois premiers paragraphes reviennent à cet énoncé de principe auquel
nous adhérons tous, c'est-à-dire la reconnaissance, la protection des
droits, la nécessité de lutter efficacement contre le terrorisme. Ces
aspects-là de la motion ne posent pas de
problème. Là où il y a un problème, ce sont les trois derniers paragraphes
parce que, dans le fond, l'objet de
la motion n'est pas d'affirmer notre attachement au respect des droits et
libertés, n'est pas simplement d'énoncer nos préoccupations à l'égard du
projet de loi C-51; ce sont les trois premiers paragraphes qui le font.
Et d'ailleurs la
motion, telle que... la motion revient à la lettre du 17 mars qui a été
cosignée par le leader du gouvernement et
ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, la ministre de la
Justice et la ministre de la Sécurité
publique. Et je pense que cette lettre, qui mérite d'être lue... Et j'espère
que les gens qui nous écoutent auront pris
la peine de lire cette lettre parce qu'elle me semble complète, elle me semble
énoncer ces préoccupations, faire écho à ces préoccupations qui sont
chères à tous et qui animent le député de Verchères dans la présentation de sa
motion.
Mais
le problème, Mme la Présidente, ce sont les trois derniers paragraphes, parce
que — et j'en
suis au quatrième paragraphe — ce que la motion demande de faire, c'est
«que l'Assemblée nationale dénonce la
démarche unilatérale du gouvernement
fédéral». Lorsque
j'ai lu cet énoncé et que j'écoutais les propos, je vous avoue, Mme la présidente, qu'à première vue je ne
comprends pas que l'Assemblée nationale dénonce un processus législatif qui est tout à fait régulier, qui est l'exercice de la juridiction, l'exercice
de la compétence du gouvernement fédéral dans une matière que nous lui reconnaissons. Et on a un processus législatif au
même titre que nous en avons un ici. C'est ce qui se passe présentement à
Ottawa. Il y a des consultations. Et je ne ferai pas comme certains... et je
pense que c'est peut-être la députée de Gouin qui mentionnait que c'était un processus de
consultation bidon; je pense que c'est malheureusement manquer un peu de
respect à l'égard du Parlement fédéral. Et, évidemment, je vais me
dissocier de ces propos, que je dénonce du même souffle.
Alors,
lorsque la motion, lorsque le député de Verchères nous propose que nous
dénoncions la démarche unilatérale du
gouvernement fédéral, je pense, Mme la Présidente, que ce serait inapproprié,
ce serait manquer de respect à l'égard de
l'institution qu'est le Parlement fédéral, de sa compétence en matière... Parce
qu'il exerce sa compétence en matière de sécurité. Et donc je pense que
cet aspect-là de la motion pose un grave problème.
Mais... et c'est l'autre aspect du
problème de la motion, c'est que, dans le fond, contrairement à ce que nous dit
la députée de Joliette, l'objet de la motion
n'est pas de parler d'une seule voix, n'est pas d'affirmer l'attachement que
nous avons à la poursuite d'un juste
objectif entre la sécurité du public d'une part et d'autre part le respect de
la protection des droits et libertés,
mais c'est que, dans le fond, la motion vise à contraindre le gouvernement du
Québec dans une démarche qui n'est
pas conforme à la philosophie de ce gouvernement, qui est l'approche de la
collaboration, comme je le mentionnais dès le départ.
Évidemment,
et mes collègues l'ont fait, je vais résister à la tentation de conclure que,
puisque la raison d'être de
l'opposition officielle est l'indépendance du Québec et donc de briser le lien
qui unit le Québec au Canada... Je n'irai pas de ce côté-là. D'autres
l'ont fait, et je pense qu'ils ont un argument très intéressant de ce côté-là.
Mais,
tout de même, il est clair que l'objet de la motion n'est pas que l'Assemblée
nationale parle d'une voix. Ce qu'on demande, c'est qu'on exige du gouvernement d'entreprendre une démarche qui n'est pas celle qui a été préconisée
par le gouvernement... et, encore une fois, la ministre de la Justice et la ministre
de la Sécurité publique l'ont fait de façon éloquente,
ont démontré quelle était cette approche, une approche qui est celle que, nous
croyons, apportera de meilleurs résultats, c'est-à-dire de faire entendre notre voix au sein des comités
qui sont des... de hauts fonctionnaires, des comités ministériels, ce qu'on appelle dans le jargon les FPT, c'est-à-dire les comités fédéral-provincial-territoriaux, qui ont pour objectif
de discuter de ces sujets, pour faire entendre la voix.
Alors,
oui, il y a le processus législatif au niveau du Parlement
fédéral, processus que nous devons respecter, ce que ne fait malheureusement pas le quatrième paragraphe de la motion. Mais,
Mme la Présidente, il y a aussi que ce que la motion vise à faire, c'est de contraindre ou
d'entraîner le gouvernement dans une démarche qui n'est pas celle que nous
devrions entreprendre, puisque selon nous l'approche telle que
l'illustrent la lettre du 17 mars et les démarches entreprises par le gouvernement, c'est-à-dire une approche de
collaboration et de coopération, vont
donner de meilleurs résultats, j'en suis persuadé.
Et,
pour cette raison, Mme la Présidente, je pense que nous devons refuser d'adopter cette
motion, parce que ce n'est pas parler d'une même voix, ce
n'est pas les moyens qui sont les meilleurs moyens pour défendre le respect des
droits et libertés, qui... Oui, pour nous et
pour ma part, mon engagement politique est fortement teinté par cet objectif
du respect des droits et libertés.
C'est ce que j'ai fait toute ma vie et ce que je vais continuer à faire, et ce
n'est pas parce que je vais
voter contre cette motion qu'on pourra douter de mon...
Une voix :
...
M.
Ouimet
(Fabre) : ...de mon engagement — je vous remercie — à la
poursuite de cet objectif. Et donc, Mme la
Présidente, j'encourage tous les
membres de cette Assemblée à voter contre la motion du député de
Verchères. Merci, Mme la
Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, M. le
député de Fabre.
Et maintenant je cède la
parole au prochain intervenant, M. le
député de Matane-Matapédia, et vous disposez d'environ une minute pour votre intervention.
M. Pascal Bérubé
M.
Bérubé : Mme la Présidente, ma vis-à-vis, ministre
de la Sécurité publique, a fait
référence à un comité de travail avec
ses homologues des autres provinces et territoires. J'aimerais qu'elle puisse déposer
les documents qui ont été produits par les fonctionnaires du gouvernement
du Québec à cet effet. C'est une demande formelle que je fais à travers vous.
Et
je veux indiquer et rappeler que, de ce coté-ci de la Chambre,
nous ne sommes pas du côté de la capitulation, et que les droits des Québécois doivent être
respectés, et que cet abus odieux du projet
de loi n° 51 mènera à des dérapages qu'on a déjà connus et qui seront maintenant cautionnés, notamment par
le gouvernement du Québec. Et je pense à ces centaines de personnes emprisonnées lors de la crise d'Octobre, les
actions illicites de la GRC, notamment le vol des listes des membres du Parti québécois en pleine nuit, un
parti démocratique, ça a été exposé lors de la commission Keable, la loi du cadenas de Duplessis et combien d'autres.
Alors, sur la ligne Québec du respect de notre dignité se trouve encore
aujourd'hui le Parti québécois, Mme la Présidente.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, M. le député
de Matane-Matapédia. Et, c'est ça,
concernant votre demande, est-ce qu'il y a quelqu'un, du côté du gouvernement,
qui voudrait répondre à la demande de M. le député?
Mme
Vallée : Mme la Présidente, je ne sais pas à quel document le
collègue fait référence. J'ai pris parole avec des notes d'allocutions, des notes personnelles, des notes préparées par
moi-même, pour moi-même. Donc, je suis désolée, là.
M.
Bérubé :
...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, M. le leader adjoint du
gouvernement, vous voulez répondre?
• (16 h 50) •
M.
Sklavounos :
Oui, Mme la Présidente. Les renseignements que j'ai, c'est que c'étaient des
notes personnelles que la ministre de la Sécurité publique a utilisées.
La Vice-Présidente (Mme
Gaudreault) : Alors, merci. Il aurait fallu intervenir au moment de
l'intervention de Mme la ministre.
De toute façon, pour
conclure ce débat restreint, je vais maintenant céder la parole à celui qui a
présenté cette motion, M. le député de Verchères, et je vous rappelle que vous
disposez d'un temps de parole de 10 minutes.
M. Stéphane Bergeron (réplique)
M.
Bergeron : Merci, Mme la Présidente. Je ne vous cacherai pas
que je suis un peu déçu de la tournure du débat. Ceci dit, j'attendais
avec impatience le discours du député de Fabre, mais je me serais attendu, à la
lumière de son intervention, à ce qu'à tout le moins il présente une
proposition d'amendement. Si les trois premiers paragraphes lui conviennent puis que ce sont simplement les trois
derniers qui ne lui conviennent pas, pourquoi n'a-t-il pas présenté de proposition d'amendement? Alors, permettez-moi de
m'interroger, Mme la Présidente, sur les raisons qui ont amené tant le gouvernement que le deuxième groupe
d'opposition à ne pas présenter la moindre proposition d'amendement pour
tenter de trouver un terrain d'entente.
Je me réjouis, Mme la
Présidente, cependant, que nous ayons pu, à travers ce deux heures de débat,
discuter, échanger sur l'opportunité de nous prononcer éventuellement d'une seule voix sur cette question extrêmement importante et délicate qu'est l'adoption éventuelle du projet de loi C-51 et de la menace que celui-ci pourrait faire peser sur les droits
et libertés des Québécoises et Québécois.
La
ministre nous parlait, et j'ai accueilli avec beaucoup
d'attention et d'intérêt... nous disait qu'il y avait un comité de coordination de hauts fonctionnaires en justice
pénale et qu'elle souhaitait la convocation de ce comité, qu'elle avait même formellement demandé la convocation de ce
comité. Je suis heureux d'entendre cela, mais permettez-moi, Mme la Présidente, de vous signaler que les
travaux du comité parlementaire se terminent le 31 mars. Donc, les possibilités
d'intervenir pour faire entendre notre voix,
pour faire modifier ce projet de loi là sont limitées, et le temps nous est compté.
Alors, je n'ai pas entendu, à part la ministre de la Sécurité publique qui disait que c'est un autre Parlement puis
qu'il faut les laisser travailler... mais ça n'a jamais empêché des ministres
québécois d'aller comparaître devant des comités parlementaires, Mme la
Présidente. Même l'ex-première ministre, Mme Marois, avait comparu devant un
comité parlementaire pour la déconfessionnalisation
des écoles au Québec. L'actuel ministre des Affaires
intergouvernementales, lorsqu'il
était ministre de la Justice, a comparu devant un comité pour dénoncer, je dis
bien «dénoncer», le projet de loi C-10. Est-ce qu'il cherchait la chicane?
Est-ce qu'il cherchait à attiser les braises de la chicane, Mme la Présidente?
Non. Il défendait tout simplement les intérêts des Québécoises et Québécois. On
n'en attend pas moins de la part de l'actuel gouvernement
libéral. Comment se fait-il qu'ils ne le font pas, Mme la Présidente? Alors, ce
n'est pas, je dirais, attenter aux
pouvoirs du gouvernement fédéral ou s'immiscer dans les affaires du
gouvernement fédéral que de comparaître à un comité pour faire valoir les points de vue du gouvernement du Québec. Ça
s'est fait par le passé. Or, je n'ai pas entendu la ministre nous dire pourquoi on y allait ou on n'y allait pas. Elle a
parlé de son comité de coordination, mais le problème, c'est que le
temps nous manque.
Elle
a dit que, mon discours, elle l'avait accueilli de façon un peu surréaliste
parce que c'est notre parti, disait-elle, qui a commis un affront, une attaque sans précédent aux droits des
Québécoises et Québécois avec la charte des valeurs québécoises. Mme la Présidente, tout comme pour le
projet de loi 51, la charte des valeurs québécoises faisait l'objet d'une
étude en commission parlementaire. Et le
produit final aurait-il été le même? Je n'en sais rien. Mais une chose est certaine, c'est qu'il nous faut intervenir
pour que le produit final de C-51 ne soit pas celui que nous avons sous les
yeux.
Je
suis obligé de dire, Mme la
Présidente, que la ministre de la Justice semble avoir une vision un peu manichéenne
de ce qui se passe ici, dans cette Assemblée. Il y aurait, d'un côté, ceux — nous
autres évidemment — qui
cherchent toujours la chicane avec le gouvernement fédéral, et ceux,
de l'autre côté, qui, eux, cherchent toujours la collaboration
avec le gouvernement fédéral. Mais, Mme la Présidente, le fait de chercher la collaboration ne veut pas dire qu'il ne faille pas faire preuve d'échine, à certains moments
donnés, pour défendre les intérêts des Québécoises et Québécois. Je veux bien qu'on collabore. Moi, ce que
je trouve surréaliste, Mme la Présidente, c'est que la ministre semble davantage
disposée à collaborer avec le gouvernement fédéral et avec les autres provinces qu'avec les formations politiques
présentes en cette Chambre, Mme la Présidente! Or, c'est son premier ministre qui disait qu'il serait le gouvernement de la collaboration. Je veux
bien, mais collaborer avec le reste du Canada peut-être, mais peut-être qu'avec les partis représentés à l'Assemblée nationale ce ne serait
pas trop mal non plus, Mme la Présidente.
Alors,
on s'attend de la part de ce gouvernement à ce qu'il ne collabore pas simplement qu'avec
les autres gouvernements du Canada, mais avec les partis dans cette
Chambre. Et on a une occasion de collaborer non pas pour mettre la chicane avec le
gouvernement fédéral, mais simplement pour faire valoir nos préoccupations.
L'objectif actuellement n'est pas de
chercher la chicane, comme le disait la ministre de la Justice, mais simplement
de faire valoir les droits et
libertés des Québécoises et des Québécois. Est-ce que c'est trop demander à la
ministre de la Justice que de faire
valoir haut et fort les droits des Québécoises et des Québécois ou si même ça,
ça va être interprété comme une volonté de chicane?
Mme
la Présidente, ce qui est pernicieux dans cette attitude de la part du
gouvernement, c'est que, si d'emblée le
gouvernement du Québec dit au gouvernement fédéral que, sur toute question, il
va se coucher et que jamais il ne va se lever pour défendre les intérêts des Québécoises, des Québécois sous
prétexte qu'il ne veut pas la chicane, sous prétexte qu'il recherche la collaboration, bien chaque fois
le gouvernement fédéral va s'immiscer dans nos champs de compétence,
chaque fois, le gouvernement fédéral n'hésitera pas à poser des gestes sans
consulter le gouvernement du Québec. Mme la
Présidente, il faut que le gouvernement du Québec fasse valoir ses droits,
fasse valoir les droits des Québécoises et Québécois, sans quoi le gouvernement fédéral va passer outre, sans
quoi le gouvernement fédéral va s'en foutre littéralement de ce qu'on
peut penser ici, en cette Assemblée.
Alors,
je comprends que Maxime Bernier a dit, la semaine dernière, qu'il en avait
soupé des motions unanimes de
l'Assemblée nationale, mais ce n'est pas une raison, encore une fois, pour se
coucher. Je pense que nous avons une obligation,
et nous sommes d'accord sur le fond. Au-delà des divergences d'opinions,
au-delà des divergences d'opinions, nous sommes d'accord sur le fond, Mme
la Présidente.
On est
capables de trouver un terrain d'entente quant au libellé, j'en suis convaincu.
On n'y est pas parvenus encore aujourd'hui, pas grave : 100 fois sur le métier remets
ton ouvrage. Alors, je suis un gars persistant. Je pense qu'il nous faut parler d'une seule voix. Ça va
soutenir le point de vue de la ministre
de la Justice, le point de vue de la ministre de la
Sécurité publique, le point
de vue du ministre
des Affaires intergouvernementales que d'avoir derrière eux la totalité des
membres de cette Assemblée nationale pour faire valoir les droits des Québécoises et Québécois,
pour faire valoir les droits de cette
Assemblée nationale, de ce gouvernement face au gouvernement fédéral. Ce n'est pas chercher la chicane, ça, Mme la Présidente,
c'est simplement se tenir debout pour le Québec. Est-ce trop demander à ce gouvernement,
de se tenir debout pour le Québec, Mme la Présidente?
Mme la Présidente, quand on assume d'emblée que
tout ce que recherchent les membres, les députés du Parti québécois, c'est la chicane, c'est faire
abstraction du fait, comme le soulignait, à juste titre, la députée de
Joliette, que nous avons obtenu
l'unanimité pour le projet de loi sur les armes à feu. Est-ce que c'était pour
rechercher la chicane à l'égard du
gouvernement fédéral qui veut l'abolir? Mais non! C'est parce que nous pensons
qu'il est dans l'intérêt des Québécoises et Québécois que nous
maintenions un registre des armes à feu. Quand la députée de Joliette, qui a
parlé également, a obtenu l'unanimité pour
le projet de loi sur les soins de fin de vie, est-ce que c'est parce qu'on
cherchait la chicane avec quiconque?
Mais non! C'est parce qu'on pensait qu'il était dans l'intérêt des Québécoises
et Québécois d'aller de l'avant de ce côté-là, Mme la Présidente.
Je trouve
réducteur cette vision qu'on a voulu nous présenter, comme quoi les députés du
Parti québécois, là, ils seraient
animés par cette volonté insidieuse — même s'ils ne le disent pas, là — de chercher la chicane à tout prix avec
le gouvernement fédéral sur toutes les
questions. Mme la Présidente, tant que le Québec fera partie de la fédération canadienne,
il faudra que les droits des Québécoises et
Québécois y soient respectés, que les Québécoises et Québécois en aient pour
leur argent. C'est la moindre des choses,
Mme la Présidente, c'est notre travail. La ministre de la Justice semble
assumer que, pour nous, la politique du pire, c'est ce qu'on souhaite.
Mais moi, je suis de ceux qui pensent que la politique du pire, Mme la Présidente, c'est la pire des
politiques! Je pense qu'il y a eu des gouvernements libéraux, par le
passé — je pense à Robert Bourassa, notamment — qui parlaient de l'intérêt supérieur du
Québec, où on avait un chef de
l'opposition, en la personne de Jacques Parizeau, qui tendait la main à son
premier ministre. Pourquoi n'est-ce plus possible que les Québécoises
et Québécois se tiennent debout, dans l'intérêt de notre peuple, à l'égard du
gouvernement fédéral? Mais peut-être qu'il y a, de l'autre côté, des
gens qui ne parviennent pas à se tenir debout.
• (17 heures) •
Alors, je
tends de nouveau la main à la ministre et lui dit que, si elle cherche
véritablement à trouver un terrain d'entente, elle trouvera, de notre
côté, des interlocuteurs qui sont prêts à travailler dans ce sens-là.
Mise aux voix
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, M. le
député de Verchères.
Et, puisque le débat est terminé, je vais maintenant
mettre aux voix la motion de M. le député de Verchères, qui se lit comme
suit :
«Que l'Assemblée nationale exprime ses plus vives
inquiétudes quant au projet de loi fédéral C-51, notamment à l'égard de plusieurs dispositions qui renferment
une portée vague et excessive, qui pourraient engendrer des dérapages du Service canadien du renseignement de sécurité
et qui pourraient porter atteinte aux droits et libertés des Québécoises
et des Québécois;
«Que l'Assemblée nationale partage les inquiétudes de
plusieurs intervenants dans la sphère publique, dont des professeurs d'université, d'anciens juges, des
avocats et d'anciens premiers ministres à l'égard du changement d'orientation
majeur apporté au Service canadien du renseignement de sécurité;
«Que l'Assemblée nationale reconnaisse la démarche
entreprise par trois ministres du gouvernement du Québec dans leur
lettre du 17 mars [dernier];
«Que l'Assemblée
nationale dénonce la démarche unilatérale du gouvernement fédéral;
«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec
qu'il transmette ses observations et demandes d'amendements au Comité permanent de la sécurité publique et nationale
de la Chambre des communes du Canada d'ici la fin de l'étude
parlementaire du projet de loi;
«[Enfin] que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du
Québec qu'il dépose ses observations et demandes d'amendements à
l'Assemblée nationale avant de les transmettre au comité permanent.»
Est-ce que cette
motion est adoptée?
Une voix :
...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Très bien. Alors, que l'on appelle
les députés.
• (17 h 2 — 17
h 20) •
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous invite à prendre place puisque nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de
la motion de M. le député de Verchères, qui se lit comme suit :
«Que l'Assemblée nationale exprime ses plus vives
inquiétudes quant au projet de loi fédéral C-51, notamment à l'égard de plusieurs dispositions qui renferment
une portée vague et excessive, qui pourraient engendrer des dérapages du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et
qui pourraient porter atteinte aux droits et libertés des Québécoises et des
Québécois;
«Que l'Assemblée nationale partage les inquiétudes de
plusieurs intervenants dans la sphère publique, dont des professeurs d'université, d'anciens juges, des
avocats et d'anciens premiers ministres à l'égard du changement d'orientation
majeur apporté au Service canadien du renseignement de sécurité;
«Que l'Assemblée nationale reconnaisse la démarche
entreprise par trois ministres du gouvernement du Québec dans leur
lettre du 17 mars 2015;
«Que l'Assemblée
nationale dénonce la démarche unilatérale du gouvernement fédéral;
«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec
qu'il transmette ses observations et demandes d'amendements au Comité permanent de la sécurité publique et nationale
de la Chambre des communes du Canada d'ici la fin de l'étude
parlementaire du projet de loi;
«[En
terminant,] que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec qu'il
dépose ses observations et demandes d'amendements à l'Assemblée
nationale avant de les transmettre au comité permanent.»
Et j'invite les députés en faveur de cette
motion à se lever.
La Secrétaire
adjointe : M. Bédard (Chicoutimi), Mme Maltais (Taschereau), M.
Marceau (Rousseau), Mme Hivon (Joliette), M.
Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Léger
(Pointe-aux-Trembles), Mme Lamarre (Taillon),
M. LeBel (Rimouski), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kotto (Bourget), M. Gaudreault (Jonquière), M. Therrien
(Sanguinet), M. Bergeron (Verchères), M. Dufour (René-Lévesque), M. Drainville
(Marie-Victorin), M. Lisée (Rosemont), M.
Traversy (Terrebonne), M. Cousineau (Bertrand), M. Rochon (Richelieu), M. Leclair (Beauharnois), M. Villeneuve
(Berthier), Mme Ouellet (Vachon), M. Péladeau (Saint-Jérôme), M. Turcotte
(Saint-Jean), M. Pagé (Labelle), Mme Richard (Duplessis), M. Roy (Bonaventure).
M. Khadir (Mercier),
Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques).
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, que les députés contre cette
motion veuillent bien se lever.
La Secrétaire
adjointe : M. Couillard (Roberval), M. Fournier (Saint-Laurent), Mme
Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Hamad (Louis-Hébert), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Leitão (Robert-Baldwin),
M. Coiteux (Nelligan), M. Moreau
(Châteauguay), Mme David (Outremont), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), M.
D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata),
M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vien (Bellechasse), M. Lessard
(Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La Pinière), M. Blanchette
(Rouyn-Noranda—Témiscamingue),
M. Heurtel (Viau), M. Arcand (Mont-Royal),
Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Daoust (Verdun), Mme Weil
(Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vallée
(Gatineau), M. Billette (Huntingdon), M. Blais (Charlesbourg), Mme St-Pierre
(Acadie), M. Reid (Orford), Mme
Vallières (Richmond), M. Morin (Côte-du-Sud), M. Bernier (Montmorency), M.
Ouellette (Chomedey), Mme Charlebois
(Soulanges), Mme Ménard (Laporte), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme Rotiroti
(Jeanne-Mance—Viger), M.
Carrière (Chapleau), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), M. Matte (Portneuf), M.
Simard (Dubuc), M. Tanguay (LaFontaine),
M. Bolduc (Mégantic), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), M. Iracà (Papineau),
M. Ouimet (Fabre), M. Fortin (Sherbrooke),
M. Fortin (Pontiac), M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Boucher (Ungava), M.
Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Auger (Champlain), M. Rousselle (Vimont), M.
Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), Mme
Nichols (Vaudreuil), M. Plante (Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides),
Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré),
M. St-Denis (Argenteuil).
M. Legault (L'Assomption), M. Bonnardel (Granby), M. Deltell
(Chauveau), M. Caire (La Peltrie), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme
Samson (Iberville), M. Roberge (Chambly), M. Charette (Deux-Montagnes),
Mme D'Amours (Mirabel), M. Laframboise (Blainville), Mme Lavallée (Repentigny),
M. Jolin-Barrette (Borduas), M. Surprenant (Groulx), Mme Soucy
(Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis (Lévis), M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière), Mme Roy (Arthabaska), M. Lemay (Masson).
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, y a-t-il des abstentions?
Alors, pour le
résultat du vote, Mme la Secrétaire générale.
La
Secrétaire : Pour : 30
Contre : 80
Abstentions :
0
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Alors, cette motion est rejetée.
Je vais suspendre les travaux quelques instants
pour permettre aux gens de pouvoir quitter l'enceinte.
(Suspension de la séance à 17 h 25)
(Reprise à 17 h 26)
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, nous allons reprendre nos
travaux, et, pour en connaître la suite, je vais céder la parole à M. le
leader adjoint du gouvernement.
M.
Sklavounos :
Merci, Mme la Présidente. Auriez-vous l'amabilité d'appeler l'article 5 de notre
feuilleton, s'il vous plaît?
Projet de loi
n° 37
Reprise du débat sur
l'adoption du principe
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, à l'article 5 du
feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné plus tôt aujourd'hui
sur l'adoption du principe du projet de loi n° 37, Loi confirmant
l'assujettissement des projets de cimenterie
et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de
l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.
Et je vais céder la parole à M. le député de
Masson, qui n'avait pas terminé son intervention, en vous rappelant qu'il vous
reste trois minutes.
M. Mathieu Lemay
(suite)
M.
Lemay : Merci, Mme la Présidente. Donc, j'étais rendu à parler des coûts d'opportunité. Donc, on s'en rappelle,
investir de cette manière 450 millions dans un seul projet pour ne créer
que 200 emplois, ça comporte un certain coût d'opportunité. C'est ce qu'on
va regarder.
D'abord,
l'investissement du gouvernement dans ce projet privé entre en concurrence avec
les autres cimenteries du Québec,
alors que, celles-ci, on le sait, là, il y a des études qui disent qu'ils
fonctionnent entre 60 % à 65 % de leur capacité. Mais eux, là, ces usines-là, là, ils se retrouvent dans
l'obligation de réviser leur planification d'investissement. C'est exactement ce qui est arrivé avec Holcim à
Joliette, Mme la Présidente. Donc, l'investissement du gouvernement du
Québec dans le projet a déjà coûté 250 millions d'investissement privé de
chez nous, Mme la Présidente.
Mme la Présidente, tout comme la construction de
la cimenterie McInnis en Gaspésie, ce projet de loi, il est inacceptable. C'est une insulte envers le système
judiciaire du Québec, envers l'institution dans laquelle nous débattons
aujourd'hui, envers la fonction gouvernementale et envers l'ensemble des
Québécois, et ce, pour trois raisons.
Premièrement...
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.
M.
Sklavounos : Merci,
Mme la Présidente. Je suis assez flexible avec ceux qui prennent la parole,
mais, de qualifier l'action gouvernementale
comme étant une insulte envers le processus judiciaire ou le peuple, je pense
qu'on nous prête des intentions. C'est blessant, pour le moins, et
j'invite le collègue à retirer ses propos.
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Alors, M. le député de Masson.
M. Lemay : Pas de problème. Je
retire mes propos.
La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) :
Très bien.
• (17 h 30) •
M.
Lemay : Alors, c'est ça. Donc, pour des raisons législatives et
réglementaires en raison desquelles le nouveau projet aurait dû être assujetti au processus du BAPE dès les nouvelles
démarches entreprises par McInnis en 2008, en 2012 et en 2013. Deuxièmement, pour des raisons de nature
économique, notamment parce que le projet n'est pas rentable, parce que des fonds publics auraient pu être utilisés
plus judicieusement puis que le marché québécois, il est déjà saturé. Puis,
troisièmement, pour des raisons environnementales évidentes.
Mme la
Présidente, permettez-moi de parler du marché du carbone, en conclusion. Ça va
être ça, ma conclusion, là. Le projet
de cimenterie, il a un impact incontestable sur le marché du carbone. En effet,
il y a des experts du ministère qui
ont conclu que le projet de cimenterie à Port-Daniel, il va obliger les autres
entreprises qui émettent des gaz à effet de serre à fournir un effort supplémentaire afin de compenser l'ajout de
cette cimenterie sur le marché. La part des droits des émissions des gaz à effet de serre qui sera
accaparée par Ciment McInnis créera une pression à la hausse sur le prix
de celui-ci. Donc, la conclusion évidente, on priorise un nouveau joueur...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, M. le
député de Masson, pour votre
intervention. Et maintenant je cède la parole à Mme la députée d'Iberville.
Mme Claire Samson
Mme
Samson : Merci, Mme la Présidente. Mme la
Présidente, j'avais surnommé le projet de loi n° 28 une «all dressed pas de croûte», je
m'amuse dorénavant à le baptiser, le projet de loi... celui-ci, je l'ai baptisé
«abracadabra». La loi actuelle sur la
qualité de l'environnement ne sert pas bien les intérêts du Parti libéral. Pas de problème, un peu de poudre de perlimpinpin, un projet de
trois articles, on change la loi à notre goût, et c'est réglé. On pourra ainsi
faire apparaître l'illusion qu'on est le
parti des régions, que nous, on aime la Gaspésie et qu'on crée des emplois. Ça
coûtera un demi-milliard de dollars, la Gaspésie deviendra la région la plus
polluante du Québec, ça va affaiblir les cimenteries actuelles et créer du
chômage ailleurs, mais ce n'est pas grave. Ça, Mme la Présidente, c'est de l'amour pour la Gaspésie et les régions? Eh bien, si c'est comme ça que le gouvernement libéral aime et témoigne de son affection, j'espère qu'il ne m'aimera jamais. Parce que, dans les
faits, ce que le gouvernement dit aux Gaspésiens, c'est : Tassez-vous,
vous ne méritez pas de BAPE, vous ne
méritez pas de tout savoir sur ce projet, d'être entendus, et vous vivrez avec
l'étiquette du pollueur le plus performant du Québec.
C'est
bon, ça, Mme la Présidente, pour la Gaspésie et les Gaspésiens? Pourquoi ne
pas demander aux Gaspésiens, aux citoyens
et aux entrepreneurs, ce qu'ils pourraient faire avec 400 millions de dollars dans leur région, quelque chose qui
fonctionnerait pour des décennies, qui serait porteur et créateur d'emplois, au
lieu de massacrer leur sol, leur eau, la faune, la flore, le paysage et leur santé? Ils ne le font pas pour une
seule et unique raison, parce qu'ils savent que le projet ne passerait pas le
BAPE.
La
cimenterie de Port-Daniel est une erreur environnementale, économique et sociale commise par le Parti québécois. Plusieurs des députés le savent très
bien et émettent maintenant des réserves à l'endroit du projet. Je pense
aux députés de Vachon, de Bonaventure, de
Gaspé et de Jonquière, pour n'en nommer que quelques-uns. Le ministre actuel de l'Environnement a lui-même avoué son malaise
avec le projet. Le premier ministre lui-même, pendant la campagne électorale, s'est exprimé ainsi, et je le
cite : «...on veut juste s'assurer que ça ne cannibalise pas les activités
des autres cimenteries québécoises.» Or, avec un marché fonctionnant à
60 % de capacité, il est probable qu'il y aura un impact certain
sur les cimenteries déjà en place au Québec.
Et
maintenant le ministre de l'Économie nous dit que ce n'est pas un projet environnemental,
mais uniquement et seulement un
projet économique. Donc, au diable l'environnement, on sort le cash des
Québécois et on avance. Les libéraux,
Mme la Présidente, essaient ici de nous faire la passe de l'écureuil,
c'est-à-dire de maquiller et de packager un rat pour nous faire croire
que le gentil écureuil est...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui. Un instant, Mme la députée
d'Iberville. Vous voulez intervenir, M. le leader adjoint?
M.
Sklavounos :
Oui. Le terme utilisé — et
je vais le préciser parce qu'il y a d'autres choses qui ont été dites — «maquillage», est non parlementaire, Mme la
Présidente. Je suis convaincu que vous l'avez dans le lexique. De toute façon, pour le moins, même si vous ne le
trouvez pas dans le lexique, ça impute des motifs indignes au gouvernement,
et je vais vous demander de demander à notre collègue de retirer ce mot.
La Vice-Présidente
(Mme Gaudreault) : Oui. Mme la députée, puisqu'il fait partie de ce
lexique de mots antiparlementaires...
Mme Samson :
...je retire le mot «maquillage».
La Vice-Présidente
(Mme Gaudreault) : Oui.
Mme
Samson : Alors, il nous fait
donc la passe de l'écureuil et de nous packager un rat pour nous faire croire
que le gentil écureuil est autre chose
qu'une vermine. La cimenterie de Port-Daniel est nocive, alors on l'enveloppe à
grands frais dans quelques emplois et dans un plan d'affaires on ne peut
plus fragile. Le promoteur du groupe Beaudoin l'a reconnu lui-même auprès des médias en disant : C'est le gouvernement qui prend les risques financiers importants, et, si on
soumettait le projet à un BAPE, le projet tomberait.
Les
Québécois, Mme la
Présidente, se sont dotés d'une loi, justement,
pour nous assurer des plus hauts standards de qualité et d'exigences en
matière d'environnement, et le BAPE
est l'outil dont nous disposons pour nous éclairer dans nos décisions. Alors, Mme la Présidente, pourquoi bafouer la loi qui doit, justement,
encadrer les activités et sauvegarder les richesses de notre société? Alors que le ministre de l'Environnement ne cesse de nous rappeler que son
gouvernement observe les lois et
règlements de haut standard, alors, à qui le gouvernement cherche-t-il à plaire
avec ce projet de loi? Aux
lobbyistes? Aux avocats? Aux promoteurs? Alors, on repassera, Mme la
Présidente, avec les voeux pieux du ministre et sa crédibilité.
Mme
la Présidente, Ambrose Bierce a écrit dans Le Dictionnaire du diable :
Un homme de loi est une «personne habile dans le détournement de la loi».
On en est certainement témoins aujourd'hui. Montesquieu, de son côté...
La Vice-Présidente
(Mme Gaudreault) : Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.
M.
Sklavounos : Mme la Présidente, avec respect pour la collègue, parce que je l'estime beaucoup — et
je crois qu'elle le sait — je
ne me suis pas levé à d'autres moments aussi et je ne veux pas me lever à
toutes les cinq minutes. Là, on parle
de détournement de la loi, je demande à la collègue de retirer ses
propos. Et, parce que ça fait partie d'une suite depuis quelques
secondes, je vais vous demander de lui demander d'être prudente.
La Vice-Présidente
(Mme Gaudreault) : Oui. Alors, oui, j'ai hésité à quelques reprises
avant de me lever. Mme la députée d'Iberville, je vais vous demander de choisir
un peu mieux vos termes.
Mme Samson :
...je ne peux pas changer les mots de M. Bierce, mais je vais retirer la citation.
La Vice-Présidente (Mme
Gaudreault) : Oui, mais vous savez qu'on ne peut pas faire
indirectement ce qu'il n'est pas
possible de faire directement. Alors, ici, c'est prêter des intentions, et je
vous demande d'être un peu plus prudente et de faire preuve d'un peu
plus d'ouverture par rapport aux propos de M. le leader adjoint du
gouvernement.
Mme
Samson : Alors, je vais m'en prendre à Montesquieu, Mme la Présidente,
qui disait qu'une chose n'est pas juste
parce qu'elle est loi, mais elle doit être loi parce qu'elle est juste. Et je
crois que la Loi sur la qualité de l'environnement est une bonne loi et
qu'elle est juste.
Mais,
Mme la Présidente, il est intéressant, lorsqu'on étudie des projets de loi, de
retourner un peu dans le passé et de
regarder les expériences qu'on a vécues au Québec, et, naturellement,
l'expérience de Port-Daniel n'est pas sans nous rappeler celle de la
Gaspésia. Il existe un lien à tracer direct. D'abord, un, on peut rappeler que
le projet de la Gaspésia a été annoncé en
décembre 2001 par le gouvernement péquiste, et il constitue à ce jour le plus
grand scandale du Québec impliquant
des fonds publics. Le projet visait l'investissement de 153 millions de
fonds publics et la création de 264
emplois dans un projet de papeterie. Le rapport de la commission d'enquête sur
la Gaspésia met en lumière trois axes problématiques :
le montage financier du projet, la gestion du travail sur le chantier et la
gestion par le gouvernement des mégaprojets.
Sur
les deux premiers axes, le projet de Ciment McInnis se distingue de la Gaspésia
et comporte moins de risques. Sur la
gestion des mégaprojets, le gouvernement a visiblement très peu appris de la
Gaspésia. Le rapport dresse une liste de
caractéristiques que le gouvernement doit s'assurer de respecter dans sa
gestion des mégaprojets dans l'avenir afin d'éviter un autre désastre semblable à celui de la Gaspésia. Il doit
éviter l'empressement dans de tels projets. Il doit respecter la concurrence dans le secteur concerné. Il doit
assurer la transparence de l'information économique et financière. Il doit
respecter l'environnement, éviter une
idéologie trop interventionniste, éviter les décisions à caractère
électoraliste et ne pas se placer en
conflit d'intérêts dans cette gestion, confier à un organisme indépendant l'évaluation du projet avant l'investissement.
Le gouvernement n'a
rien appris du fiasco de la Gaspésia, Mme la Présidente. À la lecture du
chapitre sur la gestion des mégaprojets dans
le rapport d'enquête sur la Gaspésia, on croirait lire le mode d'emploi du
gouvernement libéral dans sa gestion
du projet de la cimenterie McInnis. Aurons-nous droit à un Gaspésia deux? Cela va coûter combien de milliards aux contribuables avant que le
gouvernement comprenne que des projets aussi importants ne doivent pas être
précipités? Ce que nous garantit la
Gaspésia, c'est qu'on va probablement avoir besoin d'une autre commission d'enquête pour faire entendre raison au gouvernement. Il
existe un lien direct à tracer entre le rapport de la commission d'enquête
sur la société de Papiers Gaspésia et le projet de la cimenterie McInnis de Port-Daniel—Gascons. En effet, alors que le montage
financier et la gestion du travail sur le chantier affichent des différences
suffisantes pour éviter l'échec de la Gaspésia,
on ne peut pas affirmer que le gouvernement a vraiment appris du rapport en ce
qui a trait avec sa gestion des grands projets d'investissement.
• (17 h 40) •
Alors,
je vous rappelle quelques conclusions du rapport de la Gaspésia. Il dit :
Le rôle de l'État doit être mieux défini
dans ses investissements dans les mégaprojets. D'ailleurs, le sous-titre
reflète bien l'ensemble du texte, et je cite : «Précipitation
est mère du regret». En effet, dans ce dossier, les partis politiques se
sont montrés très pressés d'agir depuis
l'annonce préélectorale du projet par Mme Marois peu avant l'élection générale
de 2014. Par la suite, les libéraux, après
avoir jonglé avec l'idée d'annuler ou de repenser le projet ont décidé de le
faire progresser. Le projet de loi n° 37 s'inscrit dans cet
empressement, puisque soumettre le projet à un BAPE aurait pour effet immédiat
de retarder la réalisation de celui-ci. Il
s'agit donc d'un signe probant de l'empressement du gouvernement d'aller de
l'avant avec ce projet, ce qui va
visiblement et clairement à l'encontre de l'esprit dans lequel le rapport de la
commission d'enquête sur la société Gaspésia a été produit.
Pour
bien illustrer la précipitation du projet, rappelons que, selon les prévisions
actuelles, les travaux de construction de
l'usine prendront entre 18 et 20 mois. Également, le ministre Heurtel s'est
montré confus à plusieurs reprises, notamment autour de la signature du certificat autorisant le projet. Ceci est un
indice probant de toute la hâte manifestée par le gouvernement dans ce
projet. Le rapport contient l'observation suivante, qui est très
révélatrice : L'État a une responsabilité dans la définition et la
garantie d'application des règles de jeu pour assurer : premièrement, le
respect de la concurrence; deuxièmement, la transparence de l'information économique et financière, et, troisièmement, le
respect de l'environnement, Mme la Présidente. Alors que le rapport prêtait au gouvernement une responsabilité au niveau du respect de la concurrence, l'action du ministre dans ce dossier va directement à l'encontre. En effet, subventionner à ce point un nouveau joueur dans un marché qui, selon les sources, fonctionne
à entre 60 % et 65 % de sa
capacité en raison du manque de demande pour son produit représente un geste clairement anticoncurrentiel. Non
seulement le gouvernement se trouve-t-il à financer directement un
projet privé dans un marché saturé, mais, en plus, il le fait au détriment
d'autres joueurs québécois. Combien de pertes d'emploi résulteront du lancement
de l'usine de Port-Daniel?
L'État
est également, selon le rapport, garant de la transparence de l'information
économique et financière. Or, même si
une partie du projet est connue et transparente, l'impact environnemental n'a
pu être vu qu'à travers la loupe de Genivar, le consultant engagé par la
compagnie pour sa rédaction. Or, le mandat de Genivar pourrait avoir été
biaisé.
Aujourd'hui,
avec la bourse du carbone et l'impact de cette bourse sur les coûts d'opération
des entreprises, l'impact environnemental constitue un élément
intrinsèque des données économiques et financières qui doivent être rendues
publiques. Il s'agit donc d'un argument de plus en faveur d'un BAPE.
Enfin,
en matière de respect de l'environnement, le gouvernement utilise le projet de
loi pour se défiler face à ses propres
lois environnementales. Il néglige également l'impact de la bourse du carbone
sur le projet en accordant un congé de cinq ans à Ciment McInnis à
compter de la mise en production de l'usine. Ce faisant, pour chaque mesure censée
contrôler l'impact environnemental du projet, le gouvernement intervient pour
en limiter la portée et l'impact. La responsabilité
du gouvernement par rapport au respect de l'environnement n'est donc pas une
priorité pour le ministère.
En
somme, l'action du gouvernement, du ministre de l'Environnement et du ministre
de l'Économie par rapport au projet
de la cimenterie de Port-Daniel va directement à l'encontre de trois des
grandes responsabilités identifiées dans le rapport sur la Gaspésia. Tout ceci nous fait craindre que le projet
de Port-Daniel ne soit pas fait dans le meilleur intérêt des Québécois
et des Québécoises, un peu à l'instar du projet de la Gaspésia.
Aussi, le
gouvernement confond ici l'intérêt général, l'intérêt électoral et l'intérêt financier.
En effet, en se portant actionnaire du projet, le gouvernement se place
en conflit d'intérêts. Comment le gouvernement peut-il, après cela, justifier
l'exemption d'un BAPE? Il est en conflit d'intérêts. Donc, permettre à un
projet d'être exempt d'un BAPE...
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée, j'aimerais vous inviter une fois de plus à la
prudence. Vous ne devez pas prêter
des intentions au gouvernement. Alors, vous l'avez fait à deux reprises,
j'aimerais vous inviter, là, à poursuivre, mais en faisant preuve de
prudence et de bien choisir vos propos.
Mme
Samson : Très bien, madame.
Mais il y a dans ce projet bien plus qu'un enjeu de transparence, d'autant
plus que le projet est spécifiquement
défendu par certains partis politiques ayant des intérêts électoraux dans la région.
Enfin, le gouvernement nous apparaît
aveuglé par l'effort budgétaire requis afin de revenir au déficit zéro. Ce
faisant, il confond l'intérêt financier du gouvernement avec les
intérêts supérieurs des Québécois et des Québécoises.
Il était
devenu évident dans le dossier de Papiers Gaspésia que l'État, dans sa
précipitation, a agi sans se soucier de la rationalité économique. Une
idéologie interventionniste et des motifs électoralistes, sans doute, ont
inspiré son intervention. Autant les
péquistes que les libéraux utilisent l'exemple de leur soutien à la cimenterie
McInnis pour illustrer leur amour
pour la Gaspésie. Les péquistes avaient utilisé leur appui au projet afin de
faire élire leurs candidats dans les circonscriptions
gaspésiennes. De la même façon, les libéraux critiquent souvent la CAQ comme
n'aimant pas la Gaspésie sur la base de notre opposition au projet.
L'électoralisme
des vieux partis par rapport à ce projet est criant. L'annonce du projet par le
gouvernement péquiste constituait
d'ailleurs, pour tous les observateurs, le lancement de leur campagne
électorale. Une observation appuyée par la suite par l'utilisation répétée du projet comme argument exprimant un
souci pour le développement des régions dans les discours et les débats. En mars, les libéraux de M. Couillard se sont
réapproprié le projet pour s'en servir de la même façon, Mme la
Présidente.
Au niveau de
l'interventionnisme, l'octroi de financement de l'ordre de 450 millions de
dollars via les organismes gouvernementaux
et l'intervention législative que représente le projet de loi n° 37 en
faveur de la cimenterie de Port-Daniel ne
requièrent pas plus de démonstration, Mme la Présidente. Naturellement, vous
aurez compris que nous n'avons pas l'intention de supporter ce projet de
loi. Je vous remercie.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, Mme la
députée d'Iberville. Et pour la prochaine intervention... Ah! je crois
que Mme la députée de Repentigny va prendre la parole.
Mme Lise Lavallée
Mme
Lavallée : Merci, Mme la Présidente. Nous sommes ici pour intervenir
sur le projet de loi n° 37,
présenté par le ministre de l'Économie, de l'Innovation et des
Exportations. Ce projet de loi s'est inscrit dans une démarche ayant pour objectif de court-circuiter le processus
judiciaire qui avait cours. On y spécifie que le projet de la cimenterie suivra
son cours, nonobstant toute décision
d'un tribunal rendue après la date de la présentation du projet de loi, et ce, sans avoir à subir un BAPE.
Mme la Présidente, je m'interroge sur le refus que nous avons essuyé concernant notre
demande d'obtenir des consultations
particulières sur le projet de loi n° 37. Interpellé la semaine dernière sur les raisons
de ce refus, le leader du gouvernement a mentionné qu'il ne voyait pas
la pertinence de passer par cette étape. Il soutenait que le projet de loi n° 37
ne faisait que confirmer l'état du droit existant. Or, pourquoi faire adopter une
telle loi, si ce n'est la crainte d'avoir un jugement qui va à l'encontre de ce fameux droit actuel? On dit
souvent que le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Pourquoi
le leader du gouvernement nous refuse-t-il ces consultations particulières?
J'aimerais maintenant revenir sur l'historique
de ce projet mal ficelé. Alors que le Parti québécois était au pouvoir et formait un gouvernement minoritaire, celui-ci cherchait à créer un climat favorable à la tenue
d'élections hâtives. Après toute la controverse engendrée par le débat
sur la charte s'en est suivi une série d'annonces ayant pour but de faire monter les sondages favorables au gouvernement et, par la suite, déclencher une élection. Je vous rappelle que ce
gouvernement, à l'époque, avait fait adopter la loi pour des élections à date fixe.
Malgré l'esprit de cette loi, le gouvernement Marois se préparait à
déclencher des élections hâtives. Gros malaise.
• (17 h 50) •
Quelques
semaines avant le déclenchement d'élections, en mars 2014, la première ministre d'alors fait son annonce en
grande pompe. Le gouvernement accordera le financement au projet de cimenterie
McInnis avec l'argent de tous les contribuables du Québec, à hauteur de
450 millions de dollars. Lors de la conférence de presse organisée pour
faire l'annonce du projet, la première ministre du Québec et chef du Parti québécois prononcera
alors les mots suivants, et je la cite :
«Le comté de Bonaventure a fait un très bon choix aux dernières élections,
et vous avez aujourd'hui les résultats de ce
choix.» Comment pouvait-on entendre en 2014 de tels propos? Elle venait de
dire : Vous avez voté pour nous, voici la récompense. Beau message de démocratie pour les autres régions qui
espéraient obtenir des faveurs du gouvernement.
Les Gaspésiens méritaient mieux, Mme la
Présidente, beaucoup mieux. Cette région, qui a vu disparaître plusieurs
de ses principales industries depuis les 30 dernières années, mérite qu'on lui
vienne en aide. Nous aurions pu leur offrir mieux, Mme la Présidente, des projets porteurs, créateurs d'emplois
durables, de l'innovation. Combien d'emplois pourrait-on créer ailleurs au Québec avec un investissement de
450 millions de dollars? Au lieu de cela, nous leur offrons le projet le plus polluant du Québec. Voilà ce que
l'on risque de retenir en parlant de la Gaspésie. Je suis certaine que les
Gaspésiens auraient souhaité que nous ayons
pour eux un projet plus rassembleur, plus respectueux de leur environnement,
plus performant en termes de création d'emplois.
Le
Parti québécois s'est toujours targué d'être le plus grand défenseur de
l'environnement. Paradoxalement, il encourage
l'installation du projet le plus polluant au Québec. Pire, ce parti supporte
maintenant la soustraction du projet à l'évaluation du BAPE. Rappelons
que c'est leur propre parti qui avait fait voter la loi sur l'environnement. Le
Parti québécois est-il toujours le parti de
René Lévesque? Eh bien, non. René Lévesque aimait sa Gaspésie natale, aimait
son Québec, aimait les gens qui y
habitent et il n'aurait pas souhaité que son parti procède à ce genre de
raccourci à des fins électorales. René Lévesque était un homme de
principes.
La
députée de Vachon, le député de Jonquière, le député de Gaspé, le député de
Bonaventure, qu'ont-ils fait? Tous se
sont tus. Et pourquoi? Pour éventuellement gagner des comtés. Où était leur
vision alors d'un Québec vert et bleu? Ils ont été muets lors de la présentation du projet de cimenterie. Ils ont
été incapables d'intervenir auprès de Mme Marois pour arrêter ce montage
alambiqué. Par leur silence, ils ont entériné le projet le plus polluant au
Québec imposé aux Gaspésiens sans les
assurer d'une évaluation préalable du BAPE. La population en a assez des
politiciens qui biaisent leur
jugement et leurs convictions profondes à des fins électorales. Avoir des
préoccupations environnementales, ça veut dire les avoir en tout temps,
pas juste à temps partiel.
Dans
un article paru dans le journal Le Devoir du 25 février dernier, le
journaliste Marco Bélair-Cirino mentionnait que l'ex-ministre des Ressources naturelles, députée de Vachon et
actuellement candidate à la chefferie du Parti québécois, inscrivait sa dissidence au projet. «Le
gouvernement Marois a eu tort — disait-elle — de donner le feu vert au projet de cimenterie à Port-Daniel sans que celui-ci ait
préalablement fait l'objet de l'examen du BAPE.» Le journaliste la cite :
«Dans ce cas-là, il aurait été judicieux de
faire un Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.» Et elle
ajoute : «On le documente et
après on prend une décision en toute connaissance de cause.» Pourquoi, alors,
ne pas l'avoir dit à l'époque?
Pourquoi ne pas avoir voté contre le dépôt du projet de loi n° 37?
Pourquoi ne pas dénoncer ce projet de loi qui soustrait la cimenterie à
une évaluation du BAPE? En pleine course à la chefferie du Parti québécois, où
est le leadership de la députée de Vachon?
Toujours en vertu du
même article paru dans le journal Le Devoir, l'actuel député de Gaspé
demande au Parti libéral de faire la démonstration claire, nette et
précise de l'absolue nécessité d'adopter le projet de loi n° 37. Le
député ajoute que l'évaluation du BAPE aurait permis d'amener les élus et la population
à un niveau de connaissance intéressant sur le projet. N'aurait-il pas aimé que ses concitoyens
et concitoyennes aient ce niveau de connaissance en ce qui concerne l'impact sur l'environnement et leur santé?
Pourquoi n'ajoute-t-il pas sa voix aux nôtres pour
dénoncer cette improvisation dans le but de protéger les citoyens qui
l'ont élu?
Dans
un texte paru dans le journal La Presse du 25 septembre 2014, le journaliste Denis
Lessard met en évidence la division au sein du PQ au sujet du projet de
la cimenterie. Le journaliste relate qu'une source importante, dans les discussions du côté du gouvernement Marois, disait — et
je cite : «C'était un projet absurde, du pur clientélisme.» Cette personne ajoutait que Mme Zakaïb,
alors ministre responsable du Développement économique et
l'actuel député de Rousseau, alors ministre des Finances, étaient en désaccord, mais que personne n'osait
affronter le cabinet de Pauline Marois. Le ministre Zakaïb voulait s'assurer que les emplois promis
dans le projet de Port-Daniel ne seraient pas créés simplement en les déplaçant d'une région à l'autre. Elle
avait demandé une étude sur cette question qu'elle n'a jamais eue. Sa demande
aurait été bloquée à l'Exécutif.
Selon
les paroles du président du Groupe Beaudier, qui détient 67 % de la
cimenterie McInnis, le projet comportait de gros éléments de risque. Selon Le Journal de Montréal, le
président de la cimenterie McInnis avait déjà admis aux médias que le conglomérat Beaudier ne serait pas
intéressé au projet s'il devait passer l'étape d'un BAPE. Où étaient alors tous
ces députés péquistes grands défenseurs de
l'environnement pour dénoncer la situation? Ils auraient dû être choqués par de
tels propos. Le Parti québécois s'est
positionné contre plusieurs projets dans le passé sur la base qu'ils étaient
trop polluants. On n'a qu'à penser au
projet du Suroît, au port méthanier de Rabaska. Bizarre que, tout à coup, ils
approuvent le projet le plus polluant au Québec, non?
Lors
de la dernière campagne électorale, les travailleurs de Ciment Québec et de
d'autres cimenteries ont manifesté leur
grogne. Les représentants des métallos ont alors demandé au gouvernement de
divulguer l'étude de marché qui prouve que le projet de plus de
1 milliard de dollars à Port-Daniel ne nuira pas aux emplois existants.
Dans
un article paru dans le Courrier de Portneuf, la journaliste Denise
Paquin relate que le président du syndicat de Ciment Québec, Marc Tessier, avait reçu la réponse suivante du président du Conseil du trésor de l'époque, actuel chef intérimaire du PQ et député de
Chicoutimi, et je cite : Je fais le parti que ça
marchera. Voilà comment ce gouvernement faisait sa gestion, en pariant
avec l'argent des contribuables. Le président du syndicat d'alors dénonçait
l'arrivée de nouveaux joueurs alors que les
cimenteries du Québec fonctionnaient à 60 % de leur capacité.
Celui-ci ajoutait, et je le cite :
«Si les commandes étaient au rendez-vous, nous pourrions produire demain matin
les 2 millions de tonnes
supplémentaires qu'on prévoit produire à Port-Daniel.»
Le Parti québécois
aurait dû retenir la leçon après sa mésaventure dans le projet de la Gaspésia.
Suite à ce scandale, le rapport d'enquête
sur la Gaspésia comportait une liste de précautions que le gouvernement devait
prendre à l'avenir dans la gestion de
mégaprojets afin d'éviter d'autres dérapages. En voici la liste : éviter
l'empressement dans de tels projets,
respecter la concurrence dans le secteur concerné, assurer la transparence de
l'information économique et financière, respecter l'environnement,
éviter une idéologie trop interventionniste, éviter les décisions à caractère électoraliste, ne pas se placer en conflit
d'intérêts dans cette gestion, confier à un organisme indépendant l'évaluation
du projet avant investissement.
Malgré
toutes ces précautions assez claires, Mme
la Présidente, les deux gouvernements
qui se sont succédé ont agi dans la
précipitation, ne respectent pas la concurrence et entrent en compétition avec
les quatre autres cimenteries du Québec, ne respectent pas les règles de l'environnent et
manquent de transparence en refusant un BAPE, interviennent à hauteur de 1 million de dollars par emploi créé,
en ont fait un enjeu électoraliste en mentionnant que la population
de Bonaventure avait voté du bon bord en annonçant le projet,
puis en instrumentalisant le projet pour professer leur amour pour la
Gaspésie. Je vous rappelle que le rapport d'enquête sur la Gaspésia a été
publié en 2005.
La
Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée, compte tenu de l'heure, je dois vous interrompre.
Maintenant, je dois vous demander si vous souhaitez poursuivre votre intervention
lors de la reprise du débat. Alors, ce sera fait, c'est noté.
Ajournement
Et
maintenant, compte tenu de l'heure, je vais ajourner les travaux au jeudi 26
mars, à 9 h 45. Bonne
soirée à tous.
(Fin de la séance à 18 heures)