(Quinze heures onze minutes)
Le Président : Nous allons
nous recueillir quelques instants.
Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
Nous allons
accueillir dans quelques instants le lieutenant-gouverneur, et je
vous prie de bien vouloir demeurer à vos places jusqu'à temps que le lieutenant-gouverneur
arrive.
Mesdames et messieurs, vous êtes priés de vous
lever pour accueillir le lieutenant-gouverneur.
M.
Provençal (Jean-François) : Mmes et MM. les députés, Son
Honneur le lieutenant-gouverneur du Québec.
Allocution d'ouverture
Le
Lieutenant-gouverneur
Le Lieutenant-gouverneur :
Veuillez vous asseoir.
M. le
Président de l'Assemblée nationale, M. le premier ministre, M. le chef de l'opposition
officielle, M. le chef du deuxième
groupe d'opposition, Mme la députée de Gouin, Mmes et MM. les ministres, Mmes
et MM. les députés, distingués invités, mesdames et messieurs, notre
histoire parlementaire continue de s'écrire, et l'ouverture de cette
41e législature de notre Assemblée en constituera une nouvelle tête de
chapitre.
Je tiens à
féliciter tous les membres de l'Assemblée nationale, qui ont su obtenir la
confiance de leurs concitoyens et
concitoyennes. Je ne doute pas que vous aurez la grandeur, l'écoute et le sens
du devoir pour les représenter avec justice et dignité. Représenter ses concitoyens est une fonction noble, vous en
mesurez tous et toutes l'importance. Et choisir ses représentants est un privilège immense, vous le savez aussi, un
privilège qui, encore aujourd'hui, n'est offert qu'à une fraction de la population de la planète. À cet
instant même où une nouvelle législature est ouverte chez nous, il m'importe
d'avoir une pensée pour les peuples qui n'ont
pas cette capacité de choisir leurs gouvernants et pour lesquels ce que nous
sommes en train de faire ici est une
impossibilité absolue chez eux. Réalisons cette chance que nous avons de vivre
en démocratie.
Le
7 avril dernier, dans un moment culminant de cette expression démocratique,
les Québécoises et Québécois ont
décidé de confier la responsabilité gouvernementale au parti qui assumait, dans
la législature précédente, le rôle de l'opposition
officielle. La répartition des sièges a donné lieu à la formation d'un gouvernement
majoritaire, stable mais qui aura
devant lui une forte opposition. Chaque parti présente de nouvelles et de
nouveaux députés. Je leur souhaite de tout
coeur la bienvenue. Je comprends que ces moments sont, pour elles et pour eux,
chargés d'émotion. Par bonheur, ils
pourront compter sur l'appui de leurs collègues plus expérimentés pour se
familiariser aux rouages de ce nouveau forum qu'est l'Assemblée
nationale.
On aura noté
l'absence d'un de ceux-là, le député de Saint-Jérôme, qui a été victime d'un malencontreux
accident et qui est actuellement
hospitalisé. Au nom de tous, si vous me permettez, je lui souhaite un prompt
rétablissement et une entrée parlementaire dans les meilleurs délais.
Face aux nombreux défis auxquels le Québec est
confronté et alors qu'une nouvelle législature commence, je voudrais avant tout vous transmettre un message de
confiance. M. le premier ministre, je vous souhaite du succès dans la conduite de votre gouvernement. Les objectifs que
vous vous êtes fixés sont ambitieux mais réalistes. Le gouvernement fait face à un problème sérieux en ce qui a trait
aux finances publiques, on doit s'attendre à une rigueur budgétaire pour
corriger la situation. Une réévaluation des
programmes gouvernementaux est devenue nécessaire. Le déficit budgétaire
anticipé doit rapidement être résorbé.
Les actions
que le gouvernement doit prendre ne devraient toutefois pas réduire, dans la
mesure du possible, les services à la population. Les secteurs de la
santé et de l'éducation en particulier seront sollicités dans cette opération,
puisqu'ils commandent à eux seuls une partie très importante du budget de l'État.
Des domaines tels la gouvernance municipale,
les régimes de retraite, la question de l'orientation à privilégier pour les
personnes en fin de vie, entre autres, nécessitent des actions qui
trouveront vite une issue.
D'autres
éléments du programme du gouvernement seront soumis à la considération de l'Assemblée.
Parmi ceux-là, notons des
propositions de mesures touchant notamment la transparence des actions
gouvernementales et l'intégrité dans les
institutions publiques. Notons également les mesures visant à relancer l'économie,
soutenir les régions et les PME.
Ainsi, au
moment même où le gouvernement s'attardera à atteindre le déficit zéro, il
proposera des moyens qu'il jugera les
plus efficaces pour susciter plus de croissance économique et plus d'emploi.
Oui, nous pouvons : c'est l'appel que le gouvernement fait à tous
pour renouer avec la prospérité à laquelle nous aspirons comme Québécois.
M. le chef de
l'opposition officielle, M. le chef du deuxième groupe d'opposition, Mmes et
MM. les députés de l'opposition en
particulier, vous assumez, vous aussi, un rôle de première importance. En
effet, notre parlementarisme repose
sur des débats contradictoires. La vision du gouvernement doit nécessairement
heurter le point de vue contraire pour
que de ce choc émerge la lumière dans la conduite du Québec. Ces débats
vigoureux et respectueux, nous l'espérons, s'ils animent ce salon bleu, devront se transformer en une véritable
collaboration à l'occasion des travaux en commission, notamment.
Est-il bon de rappeler que le Québec est une
grande démocratie? Notre Parlement est l'un des plus anciens au monde, et nous en sommes très fiers. En
même temps, la société québécoise est dynamique et engagée dans tous les grands courants qui définissent l'avenir. Dans de
nombreux domaines, nous nous situons à l'avant-garde mondiale. Le Québec a
tous les atouts pour poursuivre son développement, et vous avez pour rôle de guider ce développement afin que sa mise en
oeuvre contribue à l'amélioration de la vie de l'ensemble des Québécois.
Il
me reste à vous souhaiter à tous et à toutes le meilleur des succès au cours de
ce mandat que vous avez reçu de la population.
Vous avez été élus pour mettre en
oeuvre des objectifs et des convictions qui vous honorent, quoique ces objectifs et ces convictions puissent parfois
être divergents. Je formule enfin le voeu que les citoyennes et les citoyens
du Québec soient les premiers bénéficiaires
du travail parlementaire que vous entamez aujourd'hui. Merci de votre attention
et bon travail.
• (15 h 20) •
Le
Président : Mmes et MM. les députés, vous êtes priés de vous
asseoir. Je vais demander maintenant à M. le premier ministre…
Hein, on va ramener
le sergent d'armes, je n'ai pas la masse.
Des voix :
…
Affaires du jour
Affaires prioritaires
Discours d'ouverture
Voilà.
Alors, j'invite maintenant M. le premier ministre à prononcer le discours d'ouverture
de la première session de la 41e législature. M. le premier ministre.
M. Philippe Couillard
M.
Couillard : Merci, chers collègues. M. le Président, M. le chef de l'opposition
officielle, M. le chef du deuxième groupe d'opposition,
mesdames, monsieur représentants de Québec solidaire, chers collègues
parlementaires, distingués invités, parmi lesquels M. le premier
ministre Johnson, chères Québécoises, chers Québécois.
Le
7 avril dernier, les Québécoises et les Québécois nous ont accordé leur
confiance pour les quatre prochaines années.
Aujourd'hui, j'ai l'honneur de m'adresser à cette Assemblée à titre de premier
ministre afin de tracer les grandes lignes des actions que notre
gouvernement entend mener pour que le Québec puisse se développer et prospérer.
En le faisant, j'ai pleinement conscience du
fait que, de ce fauteuil, se sont aussi levés avant moi 29 hommes et une femme
qui ont, chacun à leur manière, contribué au progrès du Québec.
Mme
Pauline Marois est la première femme à avoir occupé la fonction de première
ministre du Québec. Elle aura tracé
la voie pour que d'autres Québécoises occupent à nouveau ce fauteuil. Je tiens
à le souligner et à l'en remercier au nom des Québécoises et des
Québécois.
Vous
savez, le parcours d'une vie, tout comme l'action politique, comporte des
moments charnières. Souvent, c'est
une rencontre qui, en apparence toute simple, prend une grande importance, car
elle se situe dans un contexte et dans un
état d'esprit particuliers. Pour moi, ce moment s'est produit un soir de mars
dernier, lors d'un rassemblement au cours de la campagne électorale que
nous venons de vivre.
Le 18 mars dernier, j'ai
fait la connaissance d'une jeune femme des Îles-de-la-Madeleine employée du
centre communautaire de Grosse-Île. Ce
soir-là, elle s'est adressée aux Madelinots et à notre équipe, et ses mots sont
restés gravés en moi.
Écoutons-la : Je voudrais, disait-elle, que tous les pêcheurs de ma
famille puissent payer leurs factures parce qu'ils reçoivent un prix équitable pour le homard; que
mon frère, qui est un constructeur de bateaux, ait des bateaux à construire
de septembre à avril; que mon autre frère,
qui est un électricien, ne soit pas mis à pied en raison du manque de travail;
que mes amis reviennent à la maison parce que l'économie s'est suffisamment
diversifiée pour avoir besoin de leurs compétences;
et que je puisse enfin acheter ma maison parce que je n'aurai plus à m'inquiéter
de ne pas avoir un emploi l'année prochaine.
À
travers elle, c'étaient les Québécois et en particulier notre jeunesse qui
parlaient. Mme Nancy Clark est avec nous
cet après-midi dans la tribune. J'invite cette Assemblée à saluer sa présence.
C'est pour ce message, pour cette raison que nous sommes toutes et tous
présents dans cette Assemblée aujourd'hui. Des mots simples, des inquiétudes
bien concrètes auxquelles nous devons apporter des réponses.
• (15 h 30) •
Bien
sûr, on vient en politique pour de grandes idées aussi, pour des visions sur l'avenir
du Québec, mais avant tout,
rappelons-nous, pour les gens de chez nous. Ce soir-là, Mme Clark a exprimé en
quelques mots la signification de la responsabilité
qui nous a été confiée par la population. Cette responsabilité, c'est celle de
soutenir les familles afin qu'elles réalisent leurs projets, qu'elles
puissent vivre là où elles le veulent, entourées de ceux qu'elles aiment. Ça
semble peu peut-être, mais, au contraire, c'est
beaucoup. À travers cette voix, c'est le Québec qui nous parle. Prenons le
temps de bien écouter celles et ceux
qui nous ont élus ici pour les représenter et montrons-leur surtout que nous
avons bien entendu.
Je
vous ai entendu, hier, M. le Président, avec plaisir, citer Montaigne. Ce
compagnon de vie, pour moi encore très
utile après cinq siècles qui nous séparent de son époque, a écrit — et voilà des mots qui s'appliquent à une
Assemblée parlementaire : «La parole est moitié à celuy qui
parle, moitié à celuy qui […] escoute.»
Diriger un
gouvernement, c'est un peu comme bâtir un édifice. Il faut des fondations
solides, des colonnes robustes et un toit qui protège des intempéries. Mais il
faut d'abord un terrain fertile. Nous avons tant d'avantages à exploiter, tant d'occasions à saisir. Savons-nous assez, M.
le Président, que, sur les 15 000 universités de la planète, Montréal en
compte deux, de langues différentes, qui sont dans le top 100 mondial? Vous ne
verrez pareille chose nulle part ailleurs en Amérique, nulle part ailleurs en
Europe. Seules Montréal et Hong Kong ont deux universités, de langues
différentes dans l'élite mondiale.
Nous avons
des leaders de calibre international dans de grandes industries, allant de l'aluminium
à l'aérospatiale, en passant par les
hautes technologies. Nous avons des ressources, de l'énergie renouvelable en
abondance. Nos créateurs sont abonnés
aux oscars et à Cannes et associés aux plus grands événements du monde. Notre
main-d'oeuvre est compétente, parfois
bilingue, voire polyglotte. Et nous sommes, sur le plan géographique et
culturel, un trait d'union entre l'Europe et l'Amérique.
Le Québec a
tous les atouts pour être de ces grands mouvements qui marquent l'histoire.
Notre travail, c'est d'en libérer
tout le potentiel et de combiner ces avantages dans un véritable élan vers la
prospérité. Si vous le voulez, dessinons cet édifice en pensée, nommons
ses éléments puis attardons-nous à chacun d'entre eux.
Notre
fondation est constituée de trois blocs : un ton et un comportement marqués
par le respect et l'écoute; la transparence
dans nos actions et notre utilisation des fonds publics; et l'intégrité de nos
administrations publiques. Sur cette
fondation s'appuient deux colonnes robustes : des finances publiques
saines et équilibrées et aussi une économie en croissance, créatrice d'emplois de qualité partout au Québec. Puis
une toiture qui rassemble les valeurs communes de notre société : une société plus juste et
équitable, l'ouverture sur le monde et l'inclusion, la défense et la promotion
du Québec au Canada et dans le monde. Mais procédons dans l'ordre,
mettons d'abord en place les fondations.
M. le Président, on l'a dit à plusieurs
reprises, on l'a dit hier, nous formulons tous l'espoir que nos débats se déroulent dans une ambiance de respect réciproque
et d'écoute. Vous savez, lorsque les citoyens assistent à un échange d'invectives plutôt qu'à un véritable débat, elles
et ils cessent de nous écouter. Comme on dit chez nous, ils changent de poste. Bien sûr, il y a et il y aura entre nous
des différences marquées sur certains enjeux ou sur les orientations à donner
au Québec. C'est sain, c'est nécessaire et
ça permet aux citoyens d'exercer un jugement éclairé sur notre travail. Mais
souvenons-nous que, lorsqu'on tente de rabaisser l'autre, c'est souvent
soi-même que l'on ternit.
Nous traversons une période marquée par le
cynisme et l'ébranlement de la confiance envers nos institutions publiques. Plusieurs actions ont été posées au
cours des dernières années pour y remédier, plusieurs lois, d'ailleurs, ont
été adoptées à l'unanimité dans cette
Chambre. Les gouvernements qui se sont succédé ont agi en continuité, il nous
faut donc poursuivre le travail dans le même esprit.
La commission
Charbonneau en cours actuellement le montre bien, le mode de financement
politique, dont nous étions fiers à
juste titre en 1977, comportait des failles. Au cours des dernières années,
nous avons étendu les pouvoirs du Directeur général des élections,
interdit et pénalisé la pratique des prête-noms et, plus récemment, redonné au financement politique sa vocation première en
limitant les contributions à 100 $ et en le rendant largement public. C'était
bien, c'était nécessaire. Il faudra bien sûr
rester vigilants. Le mode d'attribution des contrats publics est aussi sous
examen, on le voit, plusieurs
améliorations pourraient devoir s'ajouter à ce qui a déjà été accompli. M. le
Président, la commission présidée par la juge France Charbonneau
accomplit un travail essentiel. Prenons ensemble l'engagement que ses recommandations seront débattues, étudiées et mises
en place, dans cette Assemblée, de façon non partisane et,
souhaitons-le, unanime.
Le meilleur
remède à l'obscurité, c'est la lumière et la transparence. Le moment d'un autre
changement de culture est venu. Je
désire que notre gouvernement soit le premier gouvernement véritablement ouvert
et transparent de l'histoire du
Québec. Les citoyens ont le droit de savoir, c'est leur maison, c'est leur
argent. Nous avons donné un mandat spécifique au ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des
institutions démocratiques : réviser les lois et règlements qui touchent l'accès à l'information,
la divulgation des informations relatives aux contrats, aux dépenses et aux engagements de l'État et de ses représentants.
Nous voulons que les Québécois
sachent ce qu'il en coûte, qu'il s'agisse
de construction, de services professionnels,
d'investissement, de dépenses de déplacement, d'activités de formation ou de ressourcement. Les renseignements sur ces éléments de même que les coûts et les
échéanciers des projets devront être divulgués
de façon proactive, et nous ferons en sorte qu'à l'approche
de la prochaine élection, dont nous connaissons la date, les Québécois et les formations
politiques aient devant eux un
portrait indépendant et complet de la situation des finances publiques. Il faut que la
transparence soit la plus entière possible et qu'elle ne trouve comme limite
que la protection de la vie privée. L'argent
que nous engageons, c'est celui que nos concitoyennes et concitoyens ont
durement gagné. Respectons leurs efforts, soyons dignes de leur
confiance et donnons-leur l'information qui leur permettra de juger de l'administration
des fonds publics.
Sur cette
fondation, plaçons maintenant les colonnes de l'édifice : des finances publiques saines et une économie en
croissance. L'une ne va pas sans l'autre. M. le Président, nous devons
nous libérer de la menace qui enchaîne notre liberté de faire des choix. Si rien n'est fait, le déficit budgétaire
du Québec dépassera les 5 milliards de dollars en
2014‑2015 et serait de plus de 7 milliards
de dollars en 2015‑2016.
Cela ne se produira pas. Notre gouvernement demeure fermement engagé sur la voie de l'équilibre
budgétaire en 2015‑2016.
Et plusieurs
l'ont dit, notre défi budgétaire est maintenant structurel. Mais que voulons-nous donc dire au
juste par ces mots, «déficit
structurel»? Quelque chose que toutes les familles comprennent très bien.
D'abord, trois chiffres, 20, 23, 27, qu'on a répétés souvent. Le Québec représente 23 % de la population du Canada mais 20 %
de son économie, et nous engageons
27 % des dépenses des provinces. Bref, depuis des années, nous dépensons
plus que nos revenus nous le permettent.
Il faut donc gérer les dépenses avec la plus grande rigueur et augmenter la
colonne des revenus non pas en
imposant davantage, mais en créant plus de prospérité, tout en ramenant nos
dépenses au niveau de nos moyens réels.
Nous avons,
M. le Président, tendu au maximum les élastiques de l'endettement et de la
fiscalité, mettant ainsi en péril
notre compétitivité par rapport à nos voisins. Notre État est très présent dans
l'économie; il faut lui redonner son rôle de partenaire, de navigateur plutôt que d'exécutant.
Lorsqu'il investit dans un projet, il faut que les risques soient
répartis équitablement entre nos partenaires et le contribuable.
Au cours des
dernières années, nous avons débattu de mesures ponctuelles sous un gouvernement et un autre, mais les vraies
réformes ont été repoussées parce que
ce Parlement était divisé. Ce qui aurait été souhaitable il y a 15 ans, ce
qui aurait été nécessaire il y a 10 ans
devient aujourd'hui une urgence. Je crois que la grande majorité des députés de
cette Chambre reconnaissent cette
urgence, et c'est notre devoir d'y répondre. C'est là, dans ce déséquilibre structurel, que se trouve la plus
grande menace à notre liberté de choix. Il faut s'affranchir de cette menace.
Le budget à venir sera un premier pas, il
orientera le gouvernement vers ses priorités. Il visera un objectif
incontournable : le Québec atteindra l'équilibre budgétaire en 2015‑2016,
et nous mettrons en place les changements nécessaires
à la correction de nos problèmes structurels. Je l'ai dit et je le
répète : L'heure n'est plus aux changements cosmétiques, il faut agir de
façon ferme et décisive. Nous le
ferons. L'équilibre budgétaire, une fois acquis, permettra au gouvernement de dégager les marges de manoeuvre. Ces sommes seront affectées à parts égales au
remboursement de la dette et à la
réduction du fardeau fiscal des Québécois en commençant par la taxe santé. C'est
la destination que nous atteindrons ensemble.
Comme je l'ai
évoqué, nous effectuons présentement des compressions pour contenir le déficit.
Il faut se sortir de ces contorsions
annuelles de plus en plus pénibles. Elles déçoivent les citoyens, elles
démobilisent les employés de l'État,
elles déstabilisent les organismes publics. Pour y arriver, nous avons d'abord
imposé, dès notre arrivée, le principe du
cran d'arrêt sur les dépenses dans l'ensemble du gouvernement. La logique est
simple : aucun nouveau programme ne
sera autorisé sans la réalisation d'une économie équivalente ailleurs dans l'appareil
de l'État. Cette meilleure mesure est
d'ailleurs en place. Au moment où nous nous parlons, elle engage tous les
organismes de l'État. C'est un coup de frein. Apprenons aussi ensemble que la démonstration d'un besoin ne signifie
pas l'engagement automatique de l'État, que, si un nouveau programme
doit être créé, il n'a pas à être le plus généreux ou le plus coûteux pour que
notre sens de la démocratie et de la
solidarité soit démontré. Mais il faudra plus, il faudra mieux, il faut une
approche plus constructive, qui va changer la culture de l'État.
Deux importantes commissions seront mises en
place dans un proche avenir. La première recommandera les changements à apporter à notre fiscalité de façon
à ce qu'elle demeure équitable, mais encourage davantage le travail, l'effort, l'investissement et la création d'emplois.
Ses travaux porteront autant sur le régime fiscal des particuliers que sur celui des entreprises. Ses recommandations
seront publiques, ouvertes à un espace de débat puis mises en place de
façon progressive dès le budget 2015‑2016.
Plus qu'un
simple instrument de prélèvement, notre fiscalité doit être un outil de
développement en cohérence avec nos
objectifs de croissance économique. Le régime de soutien aux entreprises sera
revu en profondeur. Les sommes importantes qui y sont consacrées ne
donnent clairement pas le niveau de résultat souhaité. Partout au Québec, les
entrepreneurs m'ont dit souhaiter la révision de ce régime fiscal, de ce
soutien, la simplification de leur fiscalité et également de leurs relations
avec l'État. Pour les particuliers, nous voulons que la fiscalité fasse en
sorte qu'il soit avantageux de travailler, d'avoir
une promotion ou une augmentation de salaire. Notre objectif, c'est clair, est
la réduction du fardeau fiscal,
particulièrement celui des familles de la classe moyenne. Je me souviens très
bien de cet entrepreneur de
Repentigny qui me racontait sa surprise lorsqu'une de ses employées avait
refusé une augmentation de salaire, car, disait-elle, ça n'en valait pas
la peine. D'autres ailleurs me l'ont répété, et, si on faisait le calcul, on s'apercevrait
malheureusement que c'est vrai. Une révision en profondeur est nécessaire. Par
cette réforme, nous étudierons les pratiques
en vigueur ailleurs dans le monde pour nous comparer et nourrir notre
réflexion. Nous rechercherons le meilleur équilibre entre l'impôt sur le revenu, la taxation et la tarification.
Nous voulons une fiscalité concurrentielle qui stimule, qui mobilise,
qui bâtit.
• (15 h 40) •
La deuxième commission sera permanente. Il s'agit
de mettre en place un mécanisme et surtout une culture d'évaluation permanente
des programmes et des façons de faire dans nos services publics. Nous savons
tous que les programmes gouvernementaux et
les organismes publics sont créés avec les meilleures intentions. Nous savons
aussi que, sitôt créé, un programme devient un acquis, et que, sitôt
formé, un organisme tend à grandir. Nous savons aussi que plusieurs de ces programmes nous sont précieux, car ils participent à notre
recherche d'une plus grande équité et expriment notre solidarité. Il faut donc, là encore, trouver l'équilibre nécessaire à leur pérennité. Certains programmes
seront jugés pertinents, mais
insuffisamment pourvus en ressources; d'autres, au contraire, devront être revus en
profondeur. Là encore, ces recommandations seront présentées
publiquement, mais on sait, M. le Président, que, dans ce genre d'action, les consensus
sont difficiles. Le gouvernement
écoutera les divers points de vue, mais agira de façon nette et décisive. Dans
tous les cas, les services destinés aux
personnes les plus vulnérables de notre société et la sécurité de la population
seront l'objet d'une attention particulière.
Le dialogue,
M. le Président, sera animé et les décisions,
parfois difficiles, souvent difficiles. Les décisions seront prises. Des
voix s'élèveront au nom de la protection des acquis, et je le comprends très
bien, mais je vais, à mon tour, proposer de
réfléchir un instant sur la notion d'acquis, à ceci près, toutefois, que je
vais me permettre de scinder le mot pour
en faire une question : À qui? À qui ou à
quelle génération allons-nous envoyer la facture si nous n'agissons pas?
À qui allons-nous pouvoir demander de
négocier à des taux normaux nos emprunts si nos finances publiques sont hors
de contrôle? À qui allons-nous confier la
conduite de nos affaires si nous n'avons pas le sens des responsabilités d'y
voir nous-mêmes?
Les
prochaines années seront également marquées par le renouvellement des ententes
collectives qui lient l'État et la fonction
publique. Nous aborderons ce renouvellement avec ouverture et
respect. Parce que nous les considérons comme de véritables partenaires, nous proposerons aux organisations
syndicales de nouvelles façons de faire, nous
proposerons également de partager les difficultés et les
bénéfices, comme le font de véritables
partenaires. Il faut continuer de faire en sorte que notre jeunesse soit
attirée par le service public et que nous en préservions l'expertise.
M. le Président, pour équilibrer le budget, il
faut également augmenter les revenus de l'État, donc soutenir la croissance de notre économie. Notre gouvernement
est mobilisé par la relance de l'économie et de l'emploi. Notre objectif
demeure la création, au Québec, de 250 000
emplois au cours des cinq prochaines années. Le Conseil des ministres incarne
cette intention. La moitié des ministres de
notre gouvernement ont pour mission de bâtir une économie plus forte qui va
créer des emplois dans toutes les régions.
Nous avons
recréé le ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations pour
avoir une vision d'ensemble de tous les gestes à poser, pour relever nos
défis en matière de productivité et d'innovation,
pour tirer avantage de l'ouverture des
marchés, pour faire une utilisation stratégique de cet acquis extraordinaire
que sont nos surplus d'énergie. Ce
sera un levier, un avantage concurrentiel pour attirer les investissements
industriels et renforcer notre base manufacturière.
Nous poursuivrons également les efforts des deux derniers gouvernements dans le
but d'électrifier les transports, aussi pour développer une stratégie de
développement de la filière de l'aluminium afin de tirer avantage de la demande croissante et du caractère renouvelable de
l'énergie qui, chez nous, est mise à contribution pour sa production.
Dans le
contexte de notre démographie, où déjà le nombre de personnes en âge de
travailler décroît, notre productivité,
pour augmenter, doit s'appuyer sur une participation maximale au marché du travail.
Ça signifie une formation technique modernisée, inspirée
de ce qui se fait de mieux, et la valorisation des métiers d'avenir
auxquels cette formation donne accès, l'inclusion et la rétention de tous et de toutes
au marché du travail, notamment les travailleurs expérimentés, les femmes dans les métiers non traditionnels, les
autochtones et les personnes vivant avec un handicap,
aussi le caractère incontournable d'une
immigration soutenue, bien formée,
prête à l'emploi, dont les compétences sont davantage reconnues.
M. le Président, nous n'avons pas attendu pour agir, vous le savez. Déjà, nous avons
annoncé un programme de rénovation
domiciliaire pour créer de l'emploi dans toutes les régions et améliorer la qualité de vie de nos familles. Nous allons
aussi accélérer les investissements dans les infrastructures, parce que
les besoins sont criants, oui, mais aussi parce qu'une économie moderne
doit s'appuyer sur des infrastructures de qualité. Nous allons continuer de
soutenir nos secteurs d'excellence en
partenariat avec les entreprises et accompagner le secteur manufacturier, qui
innove, exporte et participe aux
grandes chaînes de valeur mondiale. Nous allons appuyer les PME, qui sont au
coeur de notre économie. Il y a, au sein du gouvernement, un ministre
délégué aux Petites et Moyennes Entreprises parce qu'elles représentent
50 % des emplois, mais, plus encore,
près de 80 % des nouveaux emplois. Nous allons faciliter la création d'entreprises,
l'investissement, l'exportation et le transfert à la génération
suivante.
L'entrepreneuriat,
ça commence par un rêve. Nous serons les partenaires de nos jeunes
entrepreneurs, aussi de l'entrepreneuriat
féminin, pour qu'ils puissent faire et qu'elles puissent faire de leurs idées
des entreprises. Notre avenir est
dans les mains des jeunes qui osent, cette génération qui a grandi avec une
tablette dans la main et des amis au bout du monde. Ils sont ce Québec mondialisé, ils sont ceux et celles dont
nous avons besoin pour faire rayonner le Québec aux quatre coins de la planète. Le même ministre des PME est aussi
responsable de l'Allègement réglementaire. Nous allons réduire la paperasserie inutile et le fardeau réglementaire
auxquels nos entrepreneurs sont soumis : un dossier et un interlocuteur unique pour chaque entreprise et
mieux encore. J'invite les entrepreneurs à nous faire part de leurs idées
à partir de leur vécu quotidien.
M. le
Président, l'économie du Québec doit croître partout. Nous donnerons à la
métropole et à la capitale nationale les
moyens de jouer pleinement leur rôle tout en revoyant en profondeur la relation
entre Québec et les municipalités, dans l'esprit de la pleine reconnaissance de ce palier local de gouvernance.
Pour relancer notre économie, il faut aussi faciliter la prise de décision, faire en sorte que les
projets débloquent, mieux partager les responsabilités à l'intérieur du Québec.
Nous voulons que l'organisation même du
Québec soit dynamisée. C'est le sens du mandat confié au ministre des Affaires
municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire. Nous désirons
refonder le partenariat entre Québec et les municipalités,
bannir le terme «créature» et envisager l'avenir sur la base de deux ordres de
gouvernement qui ont leurs responsabilités
propres et qui travaillent ensemble au service du même contribuable. Nous
allons reconnaître nos principaux moteurs
économiques et culturels. Nous soumettrons donc à cette Assemblée un projet de
loi sur la ville de Montréal et un
autre sur notre capitale nationale. Nous voulons leur attribuer des pouvoirs
accrus et des moyens financiers afin qu'elles puissent rivaliser à armes
égales avec les autres grandes villes d'Amérique du Nord.
Notre
gouvernement sera aux côtés de notre métropole dans ses efforts de restauration
d'un sain climat d'affaires. À cette
fin, nous déposerons, dans les meilleurs délais, un projet de loi visant à
créer le poste d'inspecteur général de la ville de Montréal et, bien sûr, nous participerons activement à la
planification des fêtes du 375e anniversaire de Montréal.
M. le
Président, il y a de nombreux et importants projets de transport collectif dans la
grande région de Montréal. Il importe
de donner un angle régional à leur mise en ordre de priorité, à leur cohérence
et à leur planification. Dans cet esprit, j'ai demandé au ministre des
Transports, responsable de la région de Montréal, de coordonner une réflexion stratégique en collaboration avec le ministre des
Affaires municipales, responsable de la Montérégie et la ministre de la Famille, responsable de la région de Laval. Leur
mandat est de réviser les rôles et responsabilités respectifs de l'Agence
métropolitaine de transport et de la Communauté métropolitaine de Montréal en
ce qui a trait à la planification et à l'exécution
de ces projets d'une importance cruciale pour la région de Montréal et, bien
sûr, pour le Québec tout entier.
Nous
entendons également saisir l'occasion du renouvellement du partenariat fiscal
et financier pour conclure un nouveau
contrat avec l'ensemble des municipalités du Québec. Cette relation renouvelée
inclura le partage des redevances pétrolières,
gazières et minières avec les communautés locales afin que celles-ci captent et
gèrent elles-mêmes une part de la
richesse extraite de leurs territoires au bénéfice de la formation, de la
création d'emplois et de la promotion touristique. Nous aiderons les
villes à faire face à leurs obligations. Nous proposerons un projet de loi qui
cherchera à régler le problème de solvabilité des régimes de retraite
municipaux qui totalisent des déficits de 5 milliards de dollars. Nous voulons donner toute la
chance à la négociation, tout en prévoyant un mécanisme pour trancher lorsque
ce sera nécessaire. Dans cet enjeu
avec les syndicats et les municipalités, il y a un troisième partenaire, le
contribuable, qui est le premier pénalisé
par l'instabilité des régimes de retraite municipaux. Nous penserons à ces
contribuables, M. le Président, dans la solution de ce problème.
• (15 h 50) •
Dans nos
régions, l'économie repose sur nos PME mais aussi sur des secteurs
traditionnels, comme l'agriculture, la
forêt et le tourisme, qu'il faut continuer à moderniser; l'agriculture, en
soutenant l'innovation, le transfert et la relève. La signature prochaine de l'accord de libre-échange
Canada-Union européenne sera largement positive pour nos agriculteurs, mais nous sommes conscients des
enjeux spécifiques qui touchent nos producteurs laitiers et nos fromagers.
Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation verra à assurer que leurs intérêts soient reconnus et
défendus.
La forêt est
redevenue un secteur d'avenir. Nous avons voulu, dès le début de notre
gouvernement, lui donner un signal d'appui
réel et concret. Nous avions pris l'engagement de nommer un ministre de la
Forêt, de la Faune et des Parcs; cet
engagement a été tenu. D'ailleurs, une des premières décisions de notre
gouvernement a été d'augmenter les budgets consacrés aux travaux
sylvicoles, et, bien sûr, ces efforts se poursuivront.
Et aussi le tourisme, un secteur économique
important pour le Québec au moment où la concurrence est vive. M. le Président, nos régions, nos milieux ruraux
seront également synonymes de modernité. Nos paysages sont magnifiques, et nous convions les Québécoises, les Québécois,
celles et ceux qui viendront d'ailleurs à les contempler. Mais, au-delà de la carte postale, il y a des communautés, des
familles qui y vivent, des jeunes qui veulent y revenir, des régions qui,
elles aussi, revendiquent leur part d'espoir.
Nous y répondrons, M. le Président. Ça doit se faire, bien sûr, en exploitant nos
ressources naturelles de façon durable.
Le gouvernement entend aborder la filière des
hydrocarbures de façon intégrée et cohérente, en lien avec les trois piliers du développement durable : le
développement économique, l'équité sociale, les impacts sur l'environnement.
C'est pourquoi, comme nous nous y étions
engagés, nous allons amorcer une véritable et rigoureuse évaluation environnementale stratégique de l'ensemble de la
filière des hydrocarbures. Dans ce
dossier, nous devons savoir où nous voulons
aller, avec qui et à quelles conditions. Le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles procédera bientôt à une annonce en ce
sens en collaboration avec le ministre
de l'Environnement, du Développement durable et de la Lutte contre
les changements climatiques.
D'ailleurs,
notre gouvernement entend conserver au Québec son rôle reconnu de leader dans
le domaine de la lutte contre les changements climatiques. Le marché
naissant du carbone arrive à un tournant majeur; il est important de poursuivre nos efforts et de rallier les
partenaires qui, depuis sa naissance, se sont éloignés de cette initiative
québécoise. Nous mettrons en oeuvre
le plan d'action sur les changements climatiques avec comme objectif de réduire
de 20 % les émissions québécoises de gaz à effet de serre par
rapport à leur niveau de 1990 d'ici 2020.
Le
développement durable encourage l'excellence et les sources d'innovation. Il ne
faut pas le voir comme un frein au développement, mais comme le
catalyseur d'une meilleure croissance. Pour ce faire, nous allons notamment maintenir le projet d'électrification des
transports qui avait été lancé en 2011 par le précédent gouvernement libéral et
poursuivi par le gouvernement du Parti
québécois, intensifier les efforts d'efficacité énergétique, favoriser l'utilisation
du gaz naturel en lieu et place du diesel et du mazout et poursuivre la mise en
place du marché du carbone.
Pour
fortifier la remise en marche des moteurs de notre économie, deux grands
projets seront lancés : la stratégie maritime et la relance du Plan Nord. Nous avons d'ailleurs nommé, au
sein du gouvernement, un ministre responsable de l'Implantation de la
stratégie maritime, le député de Rivière-du-Loup et ministre délégué aux
Transports. Pourquoi? Parce que nous voulons
que le Québec soit la grande plaque tournante du commerce transatlantique. L'occasion
est belle, le Canada et l'Union européenne finalisent un traité de
libre-échange tandis qu'au sud l'élargissement des écluses du canal de Panama va accroître le trafic des très
grands navires marchands. Toutes nos régions côtières vont en bénéficier,
nos chantiers navals vont augmenter leurs activités. Oui, M. le Président, nous
allons nous remettre à construire et à réparer
des bateaux au Québec. Et, en
Montérégie, là où le fleuve rejoint la voie maritime, nous aménagerons un
centre de transbordement international.
Mais la stratégie
maritime, c'est aussi la pêche durable, l'aquaculture, les biotechnologies
marines, le tourisme de croisière et
la formation d'une main-d'oeuvre
prête à occuper les emplois d'avenir de tout ce domaine. Le Québec est né
de son rapport à la mer; c'est aussi une part de notre avenir.
Nous avons nommé un ministre responsable du Plan
Nord parce que nous allons relancer ce grand projet de développement durable. Le député de Mont-Royal, ministre de l'Énergie et
des Ressources naturelles, a reçu ce mandat. Nous vous soumettrons un
projet de loi pour créer la Société du Plan Nord. Elle aura pour mission de
coordonner le développement, de veiller aux
retombées locales et au respect de nos partenaires, les Premières Nations et
les Inuits. Ce grand projet, c'est aussi pour eux, pour nous, pour notre
alliance historique de nation à nation. Ce nouveau Plan Nord s'appuiera sur un
bureau de commercialisation. Sa fonction sera de rendre disponibles aux
entreprises de toutes les régions les
besoins en fournitures et équipements pour que le développement du Nord profite
à tout le Québec. Et nous porterons, M. le Président, une attention
particulière aux éléments dont l'opinion publique a été saisie, notamment la
situation des autochtones, le développement social du Nord et l'impact sur les
femmes.
Nous avons
nommé un ministre délégué aux Mines, le député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, également responsable de sa région, parce que nous dirons
bienvenue à l'industrie minière, à qui nous assurerons des règles stables
et prévisibles, mais de qui nous exigerons, bien sûr, les meilleures pratiques.
M. le
Président, par notre action économique, nous viserons à créer un contexte
propice à l'investissement et à la croissance
en tirant sur les bons leviers, en réalisant les bons investissements
stratégiques, en nous donnant les bonnes orientations politiques. Mais souvenons-nous que ce sont les entreprises
qui créent la richesse et les emplois, ce sont
les entreprises
qui vont concrétiser la relance. Les entreprises souhaitent la stabilité, elles
nous l'ont dit et redit. Notre gouvernement représente cette stabilité. Je leur dis aujourd'hui : Ayez confiance, lancez vos projets,
investissez dans le talent des Québécoises et des Québécois, et votre
croissance fera celle du Québec.
Nous
continuerons par ailleurs à développer les relations internationales du Québec
en répétant, comme d'autres avant
nous, que ce qui est de compétence québécoise ici l'est aussi partout. Les
liens économiques seront développés, sans
perdre de vue l'importance de notre
participation à la francophonie internationale, de même que la relation
profonde, spéciale qui nous lie à la République française.
Vous
voyez les morceaux qui s'emboîtent, l'édifice qui se construit, M. le Président : développer l'économie de toutes nos forces pour générer des revenus pour l'État
et des emplois pour les Québécoises et les Québécois; équilibrer les finances publiques; réformer la fiscalité pour
encore mieux développer, mieux bâtir, mieux aider, avec l'objectif de réduire
notre fardeau fiscal; revoir nos programmes dans une démarche permanente pour
que chaque dollar soit bien dépensé, pour
que chaque initiative de l'État soit pertinente et efficace. C'est par la combinaison de ces actions que nous
allons protéger nos services publics. M. le
Président, un discours sur le soutien des services publics qui ne s'appuie pas
sur les finances publiques équilibrées, une
dette publique contrôlée, une économie en croissance n'a que l'apparence du
progrès social. En fait, la négation de ces
ingrédients essentiels à la véritable justice sociale constitue une des plus
grandes menaces qui pèsent sur ces services.
Écoutons les paroles
de Jean Lesage en 1962. Je le cite :
«Croyez-moi, tous nos désirs légitimes risquent de devenir des déceptions inévitables si nous ne prenons pas des mesures
maintenant pour les atteindre. Chez nous, comme partout ailleurs au monde, le père de famille veut, pour ses enfants,
un niveau d'éducation qui leur permette de réussir dans la vie, l'ouvrier désire un
emploi stable, le cultivateur souhaite que les produits de son labeur se vendent, le petit industriel pense à assurer l'avenir de son
entreprise, le travailleur de quelque catégorie qu'il soit compte sur un revenu
suffisant; en somme, tous
les citoyens veulent un niveau de vie acceptable et convenable. Ce sont là des
désirs normaux. Une société moderne doit
s'employer à les satisfaire. C'est là son devoir
et c'est ce qu'on
est en droit d'attendre d'elle. Mais, quand
cette société [...] n'a pas les moyens de satisfaire à ces désirs, un
gouvernement vraiment responsable doit, en conscience, prendre les mesures qui s'imposent pour les lui procurer.
Il n'y a pas à en sortir. Rien ne sert de tergiverser ni de s'illusionner; quand on n'a pas la clé, on ne peut pas entrer dans la maison!» Fin de la
citation. Nous, qui sommes tournés vers l'avenir, retenons aussi des
leçons du passé.
M.
le Président, nous voici arrivés à la toiture de notre maison. Elle rassemble
les principes, les valeurs qui nous sont chers. Elle est faite d'équité, d'ouverture
et de l'affirmation du Québec. Le Québec est la société nord-américaine où les inégalités sont les moins criantes en
raison de nos efforts de redistribution de la prospérité collective. Mais, nous
l'avons vu, cette prospérité, il faut la créer, l'accroître et en assurer la pérennité.
• (16 heures) •
J'aime
bien aborder la question de l'équité sous l'angle de l'égalité des chances et,
vous me le permettrez, des déterminants
de la santé. J'espère que vous me pardonnerez ce biais professionnel, M. le
Président, mais, comme on le verra,
je donne à la santé un sens plus large, bien au-delà des quatre murs d'un bloc
opératoire. Abordons-la donc sur ses fondations :
l'état de santé d'une population et ses déterminants.
Le
système de santé lui-même ne compte que pour 30 % de ces déterminants. Le
reste est constitué des éléments suivants :
l'âge, le sexe, le patrimoine biologique des individus, le niveau
socioéconomique, l'emploi et les conditions de travail, l'éducation, les habitudes de vie, l'environnement physique,
la petite enfance, le tissu et le soutien social, ce qui inclut l'expression culturelle. On le voit,
plusieurs des ces éléments sont influencés par les choix d'un gouvernement.
Un État qui se préoccupe de la santé doit
donc conserver un horizon qui inclut bien sûr le système de soins mais aussi
le dépasse largement. Dans un tel
gouvernement, les ministres de l'Éducation, de l'Emploi, du Travail, de l'Environnement,
de l'Économie, de la Culture participent
toutes et tous à l'amélioration de l'état de santé, dans son sens le plus
large, des Québécoises et des Québécois. Nous serons ce gouvernement.
La
santé, c'est bien sûr un service public essentiel dans notre réseau de soins,
mais l'éducation, c'est notre avenir, notre projet de société. L'instruction
publique a signifié l'accession du Québec à la modernité. L'éducation demeure aujourd'hui le premier élément de succès des
sociétés à l'ère de la mondialisation. Comme en santé, nous rechercherons
des économies dans la bureaucratie pour
réinvestir dans les services à notre jeunesse. Nous allons abolir les directions
régionales du ministère de l'Éducation et réduire la taille de l'administration
centrale. Elles avaient pour raison d'être l'installation du réseau. Personne,
je crois, ne peut contester que ce réseau est en place.
Nous
allons encourager et reconnaître l'autonomie des écoles et des enseignants.
Nous allons encourager les écoles à se donner des projets particuliers
et des vocations spécifiques qui stimulent nos enfants et renforcent leur
sentiment d'appartenance à l'école. Nous allons continuer à favoriser la
persévérance scolaire en nous appuyant sur les succès encourageants des
dernières années et les exemples de réussite observés dans plusieurs de nos
régions. Nous allons poursuivre le
développement de l'aide aux devoirs, qui s'avère un des moyens les plus
efficaces de lutte contre le décrochage scolaire, et nous l'étendrons au
niveau secondaire.
Nous
allons insister sur l'apprentissage des langues : le français, bien sûr,
qui nous définit comme peuple, l'anglais et les autres langues qui sont des fenêtres sur le monde. Nous allons
moderniser la formation technique en nous inspirant du modèle allemand,
qui inclut une plus forte proportion de la formation en entreprise. Nous allons
accompagner nos établissements collégiaux
dans leur projet de rendre la formation plus flexible, mieux adaptée aux
besoins. Nous allons soutenir nos
universités et la recherche, encourager nos universités à développer leurs
revenus autonomes, de la philanthropie à
la commercialisation de leurs brevets. Avec elles et nos partenaires, nous
reverrons la tarification des étudiants étrangers tout en poursuivant l'indexation
en place pour les étudiants québécois.
Notre système
d'éducation se maintient parmi les meilleurs au monde. Les derniers tests
comparatifs l'ont montré. Des connaissances
de base de nos enfants à la compétence de notre main-d'oeuvre, à la qualité de
nos professionnels, à la solidité de nos scientifiques jusqu'à l'envergure de notre recherche,
le Québec sait faire fleurir ses talents. Je veux dire merci à tous ces enseignants, professeurs,
formateurs, mentors qui cultivent notre succès. Merci aussi à ces parents qui
donnent à leurs enfants le goût d'apprendre
constamment, de lire, d'écrire et de bien parler notre langue. J'ai eu cette
chance, je souhaite que le plus grand nombre possible de nos enfants l'aient
aussi. Au sud de nos frontières, on a utilisé l'expression
«no child left behind». Dans notre univers francophone, Saint-Exupéry l'a dit d'une
autre façon dans son roman Terre
des hommes. Un enfant qui ne peut aller au bout de ses rêves, de son talent
en raison des circonstances, de la famille, du milieu que le hasard lui
a donnés, c'est Mozart assassiné, écrivait-il.
M. le Président, il
est très facile d'avoir des centaines de priorités, et alors on n'en a aucune.
Ce que je viens d'exprimer est, pour moi, la priorité, car il s'agit de notre
avenir, de ce que nous laisserons à celles et ceux qui nous suivront. Mais, répétons-le, la façon d'accéder à
ce rêve, de réaliser nos ambitions passe par un travail difficile, exigeant,
souvent ingrat.
L'équilibre
de nos finances publiques et un environnement économique qui permet la
prospérité durable. C'est aussi à ce
prix que nous pourrons aussi protéger notre système de soins de santé et de
services sociaux. Beaucoup reste à faire,
certes, mais notre système de santé a progressé au cours des dernières années.
Dans tous les domaines de soins et de services,
des progrès ont été accomplis, et je tiens à rendre hommage aux infirmières,
médecins, professionnels et employés de
soutien pour leur excellence et leur dévouement. Mais l'autre partie de la
réalité, c'est l'augmentation de la demande de soins et de services
provoquée par les changements démographiques et les maladies chroniques, une
demande qui continue de surpasser l'augmentation
de l'offre de soins. Nous devons faire encore mieux. Nous investissons, dans
notre système de santé et de services
sociaux, plus de 44 % des
ressources de l'État. Là aussi, nous allons contrôler la croissance des
dépenses. Là aussi, nous allons revoir des façons de faire.
Tous ces efforts
seront dirigés vers une augmentation des services en nombre, oui, mais aussi en
qualité et en pertinence. Nous mettrons en
oeuvre un plan qui visera, sur quatre ans, une réduction d'au moins 10 %
de la bureaucratie dans chaque
établissement, chaque agence régionale, au sein du ministère de la Santé et des
Services sociaux et dans les organismes qui en relèvent.
Nous
allons aussi réformer le mode de financement des établissements. Cette réforme
visera à récompenser les établissements les plus performants sur la base de la
qualité de suivi des patients et du volume de soins et de services. Il
faut maintenant que l'argent public suive le patient et encourage l'efficience
de même que les meilleures pratiques. D'ailleurs,
ce mode de financement a permis des progrès notables notamment en ce qui a
trait aux chirurgies. Nous allons l'étendre
aux autres domaines de soins et de services en tenant compte bien sûr des
difficultés différentes d'un domaine de la médecine à l'autre.
Réduire
la bureaucratie pour réinvestir dans les soins, financer pour encourager la
performance, c'est un grand virage que nous amorçons au bénéfice des
Québécois.
Les
Québécoises et les Québécois auront accès à 50 cliniques ouvertes sept
jours sur sept pour que les familles aient
d'autres options que les salles d'urgence. Les examens diagnostiques comme les
«scans», les échographies et les tests
de résonance magnétique seront pris en charge par la Régie de l'assurance maladie
même lorsqu'offerts en clinique privée. En collaboration avec les
médecins de famille, nous ajusterons la rémunération afin d'améliorer l'accès
aux médecins généralistes. Je crois et nous
savons tous que nous pouvons faire ensemble beaucoup mieux. Nous allons
accélérer la formation des superinfirmières afin que le Québec en compte
2 000. Nous allons compléter le développement des groupes de médecine familiale tout en veillant bien sûr au respect
intégral des ententes conclues. Nos services de protection de la
jeunesse seront soutenus, de même que les personnes vivant avec un handicap, de
même que leurs proches.
Nous
sommes fiers de notre système de santé et de services sociaux, mais nous
pouvons le rendre encore meilleur.
M.
le Président, au cours des derniers jours, le Regroupement provincial des
comités des usagers, ceux-là mêmes qui se situent au coeur de nos
préoccupations, ont publié des suggestions visant à mieux contrôler les coûts
de notre système de soins sans affecter les
services et, au contraire, en les améliorant. Je veux les remercier de cette
contribution. Cet objectif, c'est aussi le nôtre, et toutes les idées
sont bienvenues.
Nous
verrons à garder nos aînés actifs et
en santé. Nous voulons toutes et tous vieillir chez nous, dans nos municipalités,
qui tiennent compte des réalités qui changent. Le Québec
est déjà cité en exemple pour son programme des municipalités amies des aînés, mis sur pied d'ailleurs
par la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. Nous conserverons ce rôle de
leadership. Nous aiderons les aînés à rester dans leurs
maisons malgré le poids croissant des taxes, alors que leurs revenus
sont fixes. Lorsqu'ils auront besoin de soutien et de soins, le domicile
restera le premier choix, et nous continuerons à soutenir les proches aidants.
M. le Président, au fil des ans, le Québec a fait de l'aide à la famille un des pivots de son
développement économique
et social. Nous persisterons dans cette voie qui nous rassemble et serons à l'écoute
des besoins des familles, de la
petite enfance à l'âge le plus avancé. Nous poursuivrons le développement des services de garde en mettant les familles de classe moyenne ou à bas revenus à l'abri d'un
choc tarifaire. Nous développerons l'approche de la pédiatrie sociale afin de renforcer le soutien de la communauté aux
familles défavorisées, où grandissent tant de petits Mozarts, et nous combattrons, de l'école au centre d'hébergement, ces atteintes à la dignité des personnes que constitue l'intimidation,
dont la cyberintimidation.
La
lutte contre l'intimidation fait partie des responsabilités explicites de
la ministre de la Famille, et, conformément
à notre engagement, nous annoncerons,
dans les 100 jours à compter de ce jour, la tenue d'un forum national sur l'intimidation
dont j'assurerai la présidence en compagnie
de la députée de Mille-Îles et ministre
de la Famille. D'autres ministres
seront également associés à cette lutte. Ce fléau qui mine les personnes
ou les familles doit cesser.
• (16 h 10) •
M. le Président, oui, l'économie du Québec doit se développer partout mais aussi pour tous.
Prenons un instant pour mesurer les progrès accomplis avec les Premières
Nations et les Inuits depuis la Convention de la Baie James, la «Paix des Braves», l'entente avec la nation
crie sur la santé, les projets élaborés avec les Inuits, jusqu'à la mise en
place récente d'une gouvernance régionale
commune dans le Nord-du-Québec. Notre gouvernement poursuivra sur cette lancée en conservant une relation respectueuse de
nation à nation avec les peuples autochtones. Oui, continuons à discuter
des enjeux territoriaux et de nos
obligations respectives, mais travaillons aussi ensemble au développement des
régions et à la création d'emplois.
M. le
Président, notre gouvernement redonnera vie au programme des minicentrales.
Lorsque bien montés, ce qui inclut la consultation de la population et l'étude
des impacts environnementaux, ce sont de beaux projets dont les retombées profitent avant tout aux communautés
locales. La présence d'un partenaire autochtone, comme à Val-Jalbert,
dans ma région, ou à la Onzième Chute de la rivière Mistassini, ou en
Haute-Mauricie, ou ailleurs, sera un facteur facilitant de l'approbation
gouvernementale.
Nous l'avons
vu plus tôt, M. le Président, le recours à l'immigration pour le Québec n'est
pas une option mais plutôt une nécessité incontournable. Notre
population en âge de travailler décroît. Bientôt, la majorité des nouveaux ménages proviendra de l'immigration. Nous
disposons de deux leviers importants : la tenue régulière d'un débat
public sur les seuils d'immigration
de même que le contrôle de l'accueil par l'émission des certificats de
sélection. Il faut continuer à les utiliser, par exemple, en harmonisant
le mieux possible cette démarche avec les besoins du marché du travail.
Il faut
également agir de façon déterminée dans le domaine de la reconnaissance des
compétences. Alors que nous formions
l'opposition officielle, notre consoeur la députée de Jeanne-Mance—Viger a déposé un projet de loi sur cette question. Avec sa consoeur la députée de
Notre-Dame-de-Grâce et ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion,
elle poursuivra ce travail important.
Mes
rencontres des deux dernières années m'ont indiqué que cette question,
avec son corollaire malheureux, le chômage
élevé observé dans certaines de nos communautés, est de nature prioritaire. C'est aussi une source de déception pour plusieurs de nos nouveaux arrivants et d'incompréhension
pour l'ensemble de la population, qui demande que toutes les compétences soient mises à contribution. Notre
gouvernement croit résolument que la diversité n'est pas une menace mais une richesse. M. le Président, le Québec
grandit chaque fois qu'il accueille les rêves et les espoirs d'une personne
venue d'ailleurs. Nous allons continuer de grandir ensemble en affirmant des
valeurs communes.
L'accueil et
l'intégration des personnes immigrantes doivent se poursuivre bien sûr avec
deux ordres de réflexion. D'abord, c'est
que nous sommes toutes et tous venus d'ailleurs. Seuls la date et le pays d'origine
changent. Ainsi, mon ancêtre
Guillaume est arrivé de Bretagne en 1613, a exploité la première ferme de
Nouvelle-France et fondé, à quelques pas
d'ici, une longue lignée de 12 générations. Cela ne donne pas à ma citoyenneté
un caractère supérieur à celle du député de Robert-Baldwin, du député de Bourget ou du député de Mercier. Bien
sûr que non. Ce qui compte, c'est l'adhésion et l'attachement aux valeurs que nous partageons : le français
comme langue commune de notre espace public dans le respect des droits et de la contribution
historique de nos compatriotes anglophones; également, le partage d'autres
principes, ceux-là partagés avec les
autres démocraties du monde, notamment l'égalité entre les femmes et les hommes
et la neutralité religieuse des institutions de l'État.
D'autre part,
la question de la coexistence des communautés est devenue, chez nous comme
ailleurs, un sujet de préoccupation.
Rappelons-nous que le devoir premier d'une démocratie n'est pas d'assurer la dominance
de la majorité qui est acquise par le
nombre, mais de protéger les minorités contre ses excès de pouvoir ou la
discrimination. Gardons en mémoire
les paroles de Rosa Luxemburg, en 1918 : «La liberté, c'est toujours la
liberté de celui qui pense autrement.» J'ajouterai
à cette phrase «de celui ou celle qui agit ou qui vit autrement». Un an
plus tard, d'ailleurs, elle mourait pour ses idées, Mme Luxemburg. Il ne
faut pas banaliser les libertés individuelles ni en faire bon marché dans l'arbitrage
constant entre celles-ci et les droits
collectifs. Nous légiférerons donc, comme nous l'avons indiqué au cours des
derniers mois, sur cette question en tout respect de nos chartes des
droits et libertés.
Notre
gouvernement soumettra à cette Assemblée un projet de loi affirmant la
neutralité religieuse des institutions de
l'État, la nécessité que les services publics soient donnés et reçus à visage
découvert, balisant les accommodements raisonnables
et prévoyant des mécanismes de lutte contre l'intégrisme religieux. Voilà ce qu'il
convient de faire. Le respect de nos
droits fondamentaux, de notre patrimoine et bien sûr l'égalité entre les femmes
et les hommes seront les principes à la
base de ce nouveau projet de loi. La ministre de la Justice et responsable de
la Condition féminine, en particulier, et l'ensemble du gouvernement y
veilleront.
M. le Président, l'État québécois, on vient de
le rappeler, c'est un État de droit, et la justice en est un principe fondateur. Nous poursuivrons les travaux entamés
pour faciliter l'accès à la justice. De manière spécifique, la réforme
du Code de procédure civile suivra son cours en mettant l'accent sur les modes
alternatifs de résolution des conflits.
Notre
gouvernement fera aussi écho aux consensus sociaux. La question des soins de
fin de vie, d'ailleurs, en est un
exemple. Non pas par l'existence d'une… d'une unanimité, pardon, qui est
impossible, selon moi, sur une question aussi délicate, mais en
reconnaissance de la qualité du travail parlementaire qui nous a amenés à
quelques heures de l'adoption d'un important
projet de loi avant que les élections ne soient déclenchées. Nous présenterons,
en collaboration avec les partis d'opposition,
une motion visant à réintroduire, dans l'état d'avancement qui prévalait à la
dissolution de la 40e législature, le projet de loi concernant les
soins de fin de vie. Ce projet de loi a été un exemple de collaboration parlementaire. Nous le reprendrons là où nous l'avons
laissé, en souhaitant en faire un travail commun avec les membres des partis d'opposition, notamment la députée de
Joliette. Comme je l'ai indiqué, notre formation politique tiendra sur
cette question un vote personnel compte tenu de son caractère exceptionnel.
J'ai aussi
demandé au leader du gouvernement, qui a accepté, de faire preuve d'ouverture à
l'égard des projets de loi déposés
par les députés de toutes les formations politiques. Nous voudrons faire en
sorte qu'ils soient étudiés à leur mérite
au sein de cette Assemblée lorsqu'ils porteront sur une matière dans laquelle
un terrain d'entente est possible. Par exemple,
nous voudrons que le projet de loi n° 399 visant à enrayer la maltraitance
des personnes vulnérables, déposé par la députée de
Saint-Henri—Sainte-Anne,
soit à nouveau étudié. Nous voudrons également étudier un projet de loi proposé par la députée de Gouin et porte-parole de
Québec solidaire sur une question relative aux logements des aînés.
Personne
n'a le monopole des bonnes idées. Apprenons ensemble à les mettre en commun,
et, croyez-moi, pour la population qui nous observe, nous en sortirons
tous et toutes grandis.
Comme
premier ministre du Québec, j'assume aussi fièrement le rôle de premier
porte-parole de la seule société à majorité
francophone d'Amérique. La protection et la promotion de la langue française
sont proclamées dans le titre de la ministre de la Culture et des
Communications. Ce sera pour notre gouvernement un devoir quotidien. La langue française sera toujours sous pression au Québec.
Nous serons vigilants quant à sa situation comme langue commune de l'espace
public, comme signe visible de la vitalité de notre peuple et comme langue de
travail.
• (16 h 20) •
Le
français, c'est notre manière d'être présents au monde. Ce n'est pas une
contrainte, c'est un atout extraordinaire, notamment dans la perspective du libre-échange avec l'Europe. Nous
sommes tous et toutes fiers de notre langue. Nous saurons la célébrer notamment dans le cadre des fêtes
du 375e anniversaire de Montréal, la deuxième ville francophone du
monde.
L'occasion
d'affirmer notre fierté de parler français se présentera d'ailleurs très bientôt, lors de notre fête nationale, comme chaque année bien sûr, mais aussi le
31 juillet prochain. Ce sera alors le 40e anniversaire de la
proclamation du français comme langue
officielle du Québec par Robert Bourassa, un moment clé de notre affirmation,
suivi, bien sûr, trois ans plus tard,
d'un autre moment très fort : l'adoption de la Charte de la langue
française par le gouvernement de René Lévesque.
Nous
sommes tous fiers d'être Québécois, sans exception. Nous sommes fiers des
artistes qui sont nos porte-voix et
qui répandent notre créativité. Nous saurons les appuyer, promouvoir leurs talents
et les associer à nos ambitions. Sous notre
gouvernement, des représentants des arts et de la culture feront partie des
missions d'Équipe Québec à l'étranger. Notre culture, c'est nous, c'est
ce qui nous définit, et on en fera la promotion partout.
Cette
manière de nous concevoir comme Québécois dans tout ce que nous faisons, c'est
aussi pour nous notre manière d'être
Canadiens et de nous engager dans les discussions qui concernent ce pays. Nous
exercerons un leadership au sein du
Canada. Nous ferons entendre la voix du Québec. Nous ferons bien sûr respecter
nos champs de compétence et
défendrons le poids du Québec dans les institutions fédérales. Nous mènerons
des discussions constructives sur les défis communs et visant notre
prospérité commune.
La fierté d'être
Québécois et notre drapeau appartiennent à tous et à toutes.
Des voix :
…
M. Couillard : Cette fierté, pour nous — pour nous — en tout respect pour les opinions
contraires, coexiste sans conflit
avec notre citoyenneté canadienne, qui est enviée aux quatre coins de ce monde
et qui nous fait participer à un vaste horizon de partage économique,
social et culturel.
Nous
avons participé à la construction de ce pays, qui célébrera bientôt son
150e anniversaire. Nous réclamons toute notre histoire, tout notre
héritage, tout notre avenir communs.
Avant de terminer,
permettez-moi, M. le Président, de saluer tout particulièrement ma région, le
Saguenay—Lac-Saint-Jean, et la circonscription de Roberval.
Moi qui suis devenu un bleuet par alliance, je veux dire à mes concitoyennes
et concitoyens toute ma reconnaissance pour
leur accueil, leur gentillesse, leur amitié et leur confiance. Le titre qui me
permet aujourd'hui de me lever dans cette
Chambre en tant que premier ministre du Québec, c'est celui de député de
Roberval. J'en suis très fier.
Des voix :
…
M. Couillard : Et je remplirai ce mandat, M. le Président, avec énergie et dévouement,
comme tous nos collègues de cette Chambre le feront pour les citoyens de
leurs circonscriptions.
M.
le Président, notre gouvernement doit réussir. Par les aléas de l'histoire et
la volonté du peuple, nous entrons en
fonction en ce moment où sonne l'heure des choix. Nous ne reculerons pas devant
l'ampleur de la tâche, nous n'en avons
pas le droit face aux Québécois et aux générations qui suivent. Nous allons
avancer en toute transparence, dans un dialogue constant avec les
Québécois, la main tendue à l'opposition et le regard tourné vers l'avenir.
Nous allons développer notre économie pour
créer des emplois dans toutes les régions. Nous allons réformer notre
fiscalité, nous allons assainir notre situation financière. Et, par la
combinaison de ces efforts, nous allons protéger nos services publics et
affirmer nos valeurs. Nous allons regagner notre liberté de choix pour vivre
mieux et à notre manière.
Le
9 mai dernier, j'étais aux Îles-de-la-Madeleine, encore une fois, pour assister à la mise à l'eau
des casiers à homards. La communauté
était rassemblée sur les quais avant même les premières lueurs de l'aube. Dans
les accolades, l'espoir, on le
voyait, triomphait de l'inquiétude. La veille, dans une cérémonie en hommage
aux pêcheurs, les Madelinots disaient
en choeur : Entre vents et marées, tenons le cap. M. le Président, j'ai appris avec tristesse que l'église Sacré-Coeur-de-Grande-Entrée dans laquelle s'est tenue cette
cérémonie a été rasée par les flammes il
y a quelques jours mais,
heureusement, n'a fait aucune victime.
Malgré
ce coup du sort dans une communauté si souvent éprouvée, nous garderons le cap
ensemble parce que nous
connaissons notre direction, mais surtout notre destination : un Québec
prospère, juste et libre de ses choix.
Ce
siècle, si nous savons en saisir les promesses, sera celui des Québécois
et des Québécoises. Nous avons tout en main pour relever des défis de notre temps. Je sais que nous
réussirons. Je sais que nous saurons, comme celles et ceux qui nous ont
précédés, être de notre temps tout en préparant l'avenir de celles et ceux qui
nous suivront.
Ayons
confiance. Moi, j'ai confiance en le Québec, en notre belle jeunesse qui demain, si nous
avons bien navigué, prendra le gouvernail de nos mains.
Motion proposant que l'Assemblée approuve
la politique générale du gouvernement
M. le Président, conformément à l'article 45
du règlement de l'Assemblée nationale, j'invite l'Assemblée à adopter la motion
suivante :
«Que l'Assemblée nationale approuve la politique
générale du gouvernement.»
(Applaudissements)
Le Président : Merci, M. le
premier ministre. Votre motion est présentée, mais…
Une voix : …
Le
Président : Pas tout de suite, pas tout de suite, M. le
député, vous êtes un peu trop pressé.
Mmes, MM. les députés,
je vous invite à demeurer à vos places durant quelques instants, le temps de
nous permettre de vous accueillir, évidemment, à la salle du Conseil
législatif.
Ajournement
Je lève donc cette séance, et, conformément aux
dispositions du règlement, les travaux de l'Assemblée sont ajournés à jeudi le
22 mai, à 9 h 45.
(Fin de la séance à 16 h 28)