(Treize heures quarante-cinq minutes)
Le
Vice-Président (M. Cousineau) :
Alors, bonne semaine à tous et à toutes.
Affaires courantes
Déclarations de députés
Nous
en sommes à la rubrique Déclarations de
députés, et je cède la parole, pour débuter, à
M. le député
de Rouyn-Noranda—Témiscamingue. M. le député.
Souligner la Semaine nationale
de visibilité
de l'action communautaire autonome
M. Gilles Chapadeau
M.
Chapadeau : Merci, M. le Président. J'ai le
privilège de présenter cette déclaration afin de souligner la journée et la
Semaine nationale de la visibilité de l'action communautaire autonome, qui se
déroule sous le thème L'action communautaire autonome, c'est ici et partout!.
Quotidiennement, des femmes et des hommes
engagés au sein des organismes communautaires font la différence et améliorent la qualité de vie de nos
concitoyennes et concitoyens. Il est primordial de reconnaître l'importance du travail des 4 000 regroupements et organismes d'action
communautaire autonomes présents partout au Québec. Le milieu communautaire est partie de l'identité et des
valeurs de notre société, particulièrement sur le plan de la solidarité. Avec l'appui
du gouvernement, il vient en aide à des milliers de personnes au Québec.
Dans le cadre de la journée et de la Semaine
nationale de la visibilité de l'action communautaire autonome, j'invite la population et mes collègues parlementaires à
maintenir leur soutien aux organismes communautaires. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Merci. Merci, M. le député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue. Je cède maintenant la parole à la députée de Richmond. Mme la
députée.
Souligner le 80e anniversaire de
la
Pâtisserie Duquette inc.
Mme Karine Vallières
Mme
Vallières :
Merci, M. le Président. Écoutez, aujourd'hui, c'est particulièrement la
gourmande en moi qui tient à souligner un
anniversaire important à Sherbrooke, le 80e anniversaire de la Pâtisserie
Duquette.
En rencontrant M. Richard Duquette,
récemment, ce qui m'a le plus impressionnée de leur succès, nonobstant les 80 ans
d'existence de l'entreprise, c'est vraiment le fait que de génération en
génération la relève prend les rênes de la destinée et dirige l'entreprise avec brio. Les minibeignes au sirop d'érable
sont sans aucun doute le produit qui distingue vraiment le plus l'entreprise. On les retrouve à la grandeur de la
province et jusqu'en Ontario. Gâteaux d'anniversaire, prêt-à-manger,
pâtés, bûches de Noël sont aussi des éléments qui distinguent le succès de l'entreprise
familiale.
Aujourd'hui
dirigée par Richard et François Duquette, la pâtisserie compte plus de
30 employés, que je tiens aujourd'hui à féliciter pour leur dévouement et
leur passion à remplir tous les bedons. Bravo!
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de
Richmond. Je cède maintenant la parole au député de Berthier. M. le député.
Souligner
la tenue d'activités au profit de la Bibliothèque
Réjean-Ducharme et en hommage à cet auteur
M. André Villeneuve
M. Villeneuve : Merci, M.
le Président. Dernièrement, les gens de mon coin de pays ont consacré trois
jours à l'un de nos plus grands auteurs, un
pilier de notre culture, M. Réjean Ducharme. Les activités comprenaient des conférences, une exposition et un souper-spectacle
au profit de la Bibliothèque Réjean-Ducharme, la nouvelleappellation donnée à la bibliothèque de l'endroit.
M. Ducharme est né à Saint-Félix-de-Valois et
a vécu une partie de sa vie à Saint-Ignace-de-Loyola, deux villages situés dans le comté de Berthier, que je
représente. C'est donc sur les îles de Berthier qu'il a grandi et qu'il a
appris à lire et à écrire. Je ne déclinerai
pas l'ensemble de son oeuvre, qui parle par elle-même, mais simplement quelques
éléments de celle-ci. Par exemple, il est l'auteur de romans, dont le
fameux L'avalée des avalés,des pièces de théâtre et quelques chansons du répertoire de Robert Charlebois.
Voilà, vous en conviendrez, qui est tout à
fait remarquable.
Par la même occasion, je
tiens à saluer et féliciter ceux qui ont pris l'initiative d'organiser un tel événement et en particulier M. Réal Chevrette. Grâce à leur engagement, notre culture non seulement demeure bien
vivante, mais reste gravée à jamais dans notre mémoire collective. Lanaudière, je me souviens!
Le Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, M. le député de Berthier. Je cède maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé. Mme la députée.
Souligner le 10e anniversaire de
la
soirée-bénéfice Dégustation de grands vins,
au profit de la Maison Saint-Laurent
Mme Rita de Santis
Mme de Santis : Merci, M. le Président. Jeudi dernier, j'ai assisté à la 10e édition de la
soirée-bénéfice Dégustation de grands vins, animée par l'éminent sommelier
Jacques Orhon et présidée par notre ami si dévoué, Jean-Marc Poirier,
qui a permis de recueillir environ 10 000 $
pour la maison de transition Saint-Laurent.
Première maison de transition au Québec, elle
a ouvert ses portes en 1967 et, depuis une trentaine d'années, elle est située à
Montréal-Nord, dans mon beau comté de Bourassa-Sauvé. Cette résidence
communautaire oeuvre à réintégrer au
sein de la société des personnes qui ont eu des démêlés avec la justice. L'année
dernière, elle a accueilli 150 détenus résidents et a aussi offert des
services de supervision à 250 personnes qui sont sous le coup d'une sentence.
Je salue donc chaleureusement le travail de
France Filiatrault, présidente du conseil d'administration, et de toute l'équipe de la maison, dont son directeur, François
Bérard. Merci, M. le Président.
•
(13 h 50) •
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Merci… Merci, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. Je cède maintenant la parole au député de Nicolet-Bécancour. M. le
député.
Féliciter la MRC de
Nicolet-Yamaska,
lauréate des Grands Prix de la ruralité
M. Donald Martel
M.
Martel : Merci,
M. le Président. Je veux saluer la reconnaissance accordée à la MRC de Nicolet-Yamaska dans le cadre de
la remise des Grands Prix de la ruralité. La MRC vient en effet de se voir
attribuer le prix Mobilisation, qui
souligne une démarche exceptionnelle dans la mobilisation d'un milieu rural et
met en évidence la participation des organismes locaux dans la
réalisation de projets soutenus par le Pacte rural.
Je veux rendre hommage au travail et à la
détermination des élus, des employés et des bénévoles de la MRC de Nicolet-Yamaska, qui ont à coeur de contribuer à mettre
en valeur le potentiel immense de ce territoire. Je suis personnellement touché par cette marque de
reconnaissance, car la MRC a été mon employeur pendant 18 ans. Si la foi
peut déplacer les montagnes, je suis convaincu que notre région a un bel avenir
devant elle, car elle est assurément composée d'hommes et de femmes qui croient
avec ferveur à son immense potentiel. Encore une fois, bravo à tous et à
toutes. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Nicolet-Bécancour. Je cède maintenant la parole à la députée de Sainte-Rose. Mme la députée.
Rendre hommage à M. René Allard,
directeur musical du Choeur Chante-clair
Mme Suzanne Proulx
Mme Proulx : Merci, M. le
Président. J'aimerais, aujourd'hui, rendre un hommage particulier à un homme engagé et un homme de
coeur dans tous les sens du mot. Conjoint de Mariette et père de Monique, René
Allard est un enseignant à la retraite, chef de choeur de la chorale
Chante-clair depuis maintenant 18 ans. M. Allard est un pédagogue doué qui sait transmettre à ses quelque 50 choristes son
enthousiasme et toute cette passion de la musique qui l'animent.
Auteur-compositeur, baryton au coffre puissant, c'est aussi un homme habité par
la générosité, qui donne de son temps sans compter.
Sous sa direction, le Choeur Chante-clair, de Laval, en plus de ses grands
concerts, se produit régulièrement dans les CHSLD et dans les résidences pour personnes âgées, permettant ainsi à
tous les amoureux de la belle et bonne chanson de vivre des moments
heureux et de se laisser bercer et transporter
par la mélodie.
M. Allard, je veux saluer votre
engagement et vous dire merci de votre si précieuse contribution au mieux-être de la communauté lavalloise. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Merci, Mme la députée de Sainte-Rose. Je cède maintenant la parole à la députée de Laporte. Mme la députée.
Souligner le 50e anniversaire de la Librairie Le Fureteur
Mme Nicole Ménard
Mme
Ménard : Merci, M. le Président. Alors, je veux aujourd'hui
saluer M. Yves Guillet, propriétaire de
la Librairie Le Fureteur, située au cœur du village de Saint-Lambert, qui
célèbre cette année ses 50 ans d'existence. Ce lieu exceptionnel de diffusion littéraire propose une sélection hors du
commun, et les libraires, attentifs aux besoins des clients, offrent un service de grande qualité et
partagent avec tous ceux qui entrent dans cette librairie l'amour de la
lecture et du livre. La passion qui anime
tous ceux qui font vivre cet espace littéraire est contagieuse. C'est pourquoi
Le Fureteur s'est taillé une place de
choix dans le coeur des Lambertois. On ne peut que souhaiter que le succès
de cette librairie se poursuive au
moins pour un autre demi-siècle. J'adresse mes plus sincères félicitations à
M. Guillet et à toute l'équipe du Fureteur pour leur 50e
anniversaire. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, Mme la députée de
Laporte. Je cède maintenant la parole à la
députée de Mirabel. Mme la députée.
Féliciter Profitapom inc.,
fournisseur officiel de la NASA
Mme Denise Beaudoin
Mme
Beaudoin : Merci, M. le Président. La firme Profitapom de
Saint-Janvier de Mirabel a vogué sous des
cieux peu banals. Elle produit des pommes séchées qui ont fait partie du menu
de l'astronaute canadien Chris Hadfield lors de
son dernier voyage à bord de la station spatiale internationale en orbite à
plus de 400 kilomètres au-dessus de nos têtes. Cette firme de chez nous se spécialise dans la
production de collations santé à base de pommes. On peut parler d'un
beau succès d'entreprise pour Profitapom,
qui a réussi l'exploit peu commun de répondre aux critères parmi les plus
rigoureux pour devenir un fournisseur
officiel de la NASA. Outre la réputation assurée de son produit, l'entreprise
de chez nous bénéficie d'une exposition publique de renommée
internationale.
Je suis très fière de
l'appartenance de Profitapom à notre collectivité. J'adresse toutes mes
félicitations à MM. François Coutellier et Miguel Ouimet, copropriétaires et
résidents de Mirabel. Merci M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, Mme la députée de
Mirabel. Je cède maintenant la parole au
député de Jacques-Cartier. M. le député.
Souligner le 300e anniversaire de la
paroisse Saint-Joachim de Pointe-Claire
M. Geoffrey Kelley
M.
Kelley : Merci, M. le Président. Dimanche, le 13 octobre
dernier, les membres de la paroisse de Saint-Joachim
de Pointe-Claire ont fêté le 300e
anniversaire de la fondation de la paroisse. Sous un soleil brillant, le curé
Alain Roy a présenté les descendants des familles fondatrices, les
Legault, Pilon, Brunet et Daoust, et les familles des nouveaux arrivants, qui forment la paroisse moderne. Le
curé a fait appel à trois valeurs qui ont guidé les membres de la
paroisse depuis 300 ans, soit l'importance de défricher, c'est-à-dire de
travailler ensemble pour enlever les obstacles et bien préparer le terrain, l'importance de semer, c'est-à-dire planter les
graines qui vont permettre à la communauté de se nourrir et de grandir,
et l'importance de s'aimer, c'est-à-dire tisser des liens d'amitié et de
respect entre les membres de la communauté. Quel beau message pour notre
société contemporaine : défricher, semer et s'aimer. Aux membres de la
paroisse, félicitations pour les événements organisés pour célébrer le 300e
anniversaire et bon succès pour les prochains 300 ans.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, M. le député de
Jacques-Cartier. Et je cède maintenant la
parole au député de Jonquière. M. le ministre.
Souligner la Journée maritime québécoise
M. Sylvain Gaudreault
M. Gaudreault :
Oui, M. le Président. C'est aujourd'hui la Journée maritime québécoise, sous le
thème Merci, mon fleuve!. Cette année, nous rendons hommage à cet immense
cours d'eau, qui génère des retombées colossales pour le Québec, soit le fleuve Saint-Laurent. Véritable autoroute bleue,
notre fleuve fait la fierté de l'ensemble desQuébécois et des Québécoises. Le réseau portuaire du Saint-Laurent occupe un
rôle de premier plan dans le commerce international en donnant
un accès privilégié aux marchés outre-mer.
Le transport maritime
et les activités qui en découlent génèrent des dizaines de milliers d'emplois
directs et indirects partout au Québec. Les perspectives pour la relève sont excellentes, l'industrie maritime offre des conditions de travail qui sont très avantageuses. Notre
gouvernement travaille étroitement avec l'industrie maritime dans un esprit
de développement durable via le Forum de concertation sur le transport maritime
en collaboration avec la SODES.
D'ailleurs,
je voudrais saluer leur présence ici aujourd'hui, et je leur souhaite une très belle
journée à l'Assemblée nationale du Québec.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Oui, merci. Merci, M. le député de Jonquière.
J'aimerais avoir un consentement de la
Chambre pour permettre à la députée de La Pinière de présenter sa motion,
s'il vous plaît, en vertu des articles 54.3 et 54.1. Est-ce qu'il y a
consentement? Consentement. Merci. Alors, Mme la députée de La Pinière.
Féliciter M. Philippe Bédard, gagnant des Championnats
canadiens Birmingham de tennis en fauteuil roulant
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme
Houda-Pepin : Alors, le comté de La Pinière a été l'hôte
des championnats canadiens du tennis en
fauteuil roulant, qui se sont tenus à
Brossard du 17 au 20 octobre dernier. À cette occasion, des
athlètes talentueux de tennis en fauteuil
roulant s'y sont donné rendez-vous, dont neuf Québécois, qui se sont
mesurés aux meilleurs joueurs des provinces de l'Ontario, de la
Colombie-Britannique, de l'Alberta et de la Saskatchewan.
Parmi les joueurs
québécois, Philippe Bédard, paralympien des jeux de Londres en 2012, s'y est
illustré en remportant son premier titre canadien de simple masculin. La
victoire remportée par Philippe Bédard à ce tournoi national fait de lui le
numéro un canadien de tennis en fauteuil roulant. Un succès inspirant pour tous
les passionnés de ce sport.
Félicitations à
Philippe Bédard et aux autres athlètes québécois en fauteuil roulant, dont
plusieurs sont en préparation pour les Jeux paralympiques de Rio, prévus en
2016. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, Mme la députée de
La Pinière. Alors, cela met fin aux
déclarations de députés.
Je suspends pour
quelques instants.
(Suspension de la séance à
13 h 58)
(Reprise à 14
h 11)
Le Président : Bon début de
semaine, chers collègues. Nous allons nous recueillir quelques instants.
Merci. Veuillez vous asseoir.
Présence de l'ambassadrice de
la république du
Zimbabwe, Mme Florence Zano Chideya
J'ai le plaisir de souligner la présence dans
nos tribunes de l'ambassadrice de la république du Zimbabwe, Son Excellence
Mme Florence Zano Chideya, à l'occasion de sa visite officielle.
Présence de l'ambassadeur de
la république du Pérou,
M. José Antonio Raymundo Bellina Acevedo,
accompagné de la consule générale à Montréal,
Mme Doris Elba Sotomayor Yalan
J'ai aussi le plaisir de souligner la présence
de l'ambassadeur de la république du Pérou, Son Excellence M. José Antonio Raymundo Bellina Acevedo. M.
l'ambassadeur est ici à l'occasion de sa visite officielle et il est aussi
accompagné de la consule générale de la république du Pérou à Montréal,
Mme Doris Elba Sotomayor Yalan.
Présence du consul général de la république
d'Irak à Montréal, M. Jassim Nima Msawil
Le consul général de la république d'Irak à Montréal,
M. Jassim Nima Msawil, est également parmi nous à l'occasion, lui aussi, de sa
prise de poste à Montréal.
Présence d'une délégation de
fonctionnaires
du Sénat de la république d'Haïti
Finalement, j'ai le plaisir de souligner la
présence d'une délégation de fonctionnaires du Sénat de la république
d'Haïti, qui sont parmi nous à l'occasion d'une visite d'étude sur le
fonctionnement d'un Parlement. Bien entendu, je compte sur vous pour que nous
ayons l'air d'un beau Parlement, hein?
Alors,
nous poursuivons les affaires courantes.
Aujourd'hui, il n'y a
pas de déclarations ministérielles.
Présentation
de projets de loi
À la république… À la
république! À la rubrique Présentation de projets de loi, M. le leader de
l'opposition officielle… ou Mme la leader de l'opposition officielle, si je
comprends bien.
Mme Thériault :
Merci, M. le Président. Je vous demanderais d'appeler l'article e de notre
feuilleton, s'il vous plaît.
Projet
de loi n° 490
Le Président :
Alors, à l'article e du feuilleton, M. le député de Marguerite-Bourgeoys
présente le projet de loi n° 490, Loi
modifiant le Code de procédure pénale afin de normaliser pour les mineurs les
amendes imposées en vertu du Code de la sécurité routière. M. le député
de Marquette… de Marguerite-Bourgeoys, excusez.
M.
Robert Poëti
M.
Poëti : Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que je
dépose aujourd'hui à l'Assemblée nationale ce projet de loi qui a pour objet de normaliser pour les
mineurs les amendes imposées en vertu du Code de la sécurité routière.
Les personnes d'âge mineur qui
contreviendront au Code de la sécurité routière pourront ainsi recevoir des
contraventions de plus de 100 $. Merci, M. le Président.
Mise
aux voix
Le Président :
Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.
Dépôt
de documents
À la rubrique Dépôt
de documents, M. le ministre des Finances et de l'Économie.
Rapport
annuel de l'Autorité des marchés financiers
M. Marceau :
Oui. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de gestion
2012‑2013 de l'Autorité des marchés financiers.
Le Président :
Ce document est déposé. Mme la ministre de l'Éducation.
Rapports
annuels de l'Institut national des
mines et du Conseil supérieur de l'Éducation
Mme
Malavoy : M. le Président, j'ai l'honneur de déposer les
rapports annuels de gestion 2012‑2013 de l'Institut national des mines
et du Conseil supérieur de l'éducation.
Le Président :
Ce document est déposé. M. le ministre des Institutions démocratiques.
Rapport
annuel de la Commission d'accès à l'information
M. Drainville :
Alors, merci, M. le Président. Alors, j'ai l'honneur de déposer le rapport
annuel de gestion 2012‑2013 de la Commission d'accès à l'information du
Québec.
Le Président :
Ces documents sont déposés. M. le leader adjoint du gouvernement.
Réponse
à des pétitions
M. St-Arnaud :
Oui. M. le Président, permettez-moi de déposer la réponse du ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes, à la Francophonie canadienne et
à la Gouvernance souverainiste aux deux pétitions déposées les 21 et
23 mai 2013 par le député de Deux-Montagnes.
Préavis
d'une motion des députés de l'opposition
Le Président : Ce document
est déposé. Pour ma part, j'ai reçu préavis d'une motion qui sera inscrite dans
le feuilleton de demain aux affaires inscrites par les députés de l'opposition,
conformément à l'article 97.1 de notre règlement, et je dépose copie du texte
de ce préavis.
Dépôt
de rapports de commissions
À la rubrique Dépôt de rapports de commissions,
M. le président de la Commission des finances publiques et député de Rimouski.
Étude détaillée du projet de
loi n° 38
M.
Pelletier
(Rimouski) : M. le Président, je dépose le rapport de la
Commission des finances publiques qui a siégé les 29 mai, 10 et
16 septembre ainsi que les 1er, 8 et 10 octobre 2013 afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi
n° 38, Loi concernant la gouvernance des infrastructures publiques,
constituant la Société québécoise des infrastructures et modifiant
diverses dispositions législatives. La commission a adopté le texte du projet
de loi avec des amendements.
Le Président : Alors, ce
rapport est déposé. M. le président de la Commission de la santé et des
services sociaux et député de D'Arcy-McGee.
Consultations particulières
sur le projet de loi n° 52
M.
Bergman :
Merci, M. le Président. M. le Président, je dépose le rapport de la Commission
de la santé et des services sociaux qui, les 17, 18, 19, 24, 25 et
26 septembre, 1er, 2, 3, 4, 8, 9 et 10 octobre 2013, a tenu des
auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet
de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Le Président : Ce rapport est
déposé.
Dépôt de pétitions
À la rubrique Dépôt de pétitions, M. le député
de Mégantic.
Légiférer sur
l'inspection obligatoire de tout véhicule
routier de huit ans et plus au moment de sa revente
M.
Bolduc
(Mégantic) : M. le Président, je dépose l'extrait d'une
pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 449
pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.
«Les faits invoqués sont les suivants :
«Considérant l'importance de réduire de façon
majeure les émissions de contaminants et les gaz à effet de serre au Québec;
«Considérant
que le parc automobile québécois — incluant les camions légers — qui compte près de 5 millions de
véhicules, est responsable de 62 % de toutes les émissions de l'ensemble
des contaminants;
«Considérant
que l'âge moyen des véhicules et camions légers au Québec était de 8,3 ans en
2011 et que ceux-ci représentent près de 40 % du parc en
circulation pour cette période;
«Considérant
que le programme Air pur de l'Ontario a réduit les émissions de certains des
polluants qui causent le smog, d'environ 35 %;
«Considérant
qu'entre 1992 et 2010 le programme AirCare de la Colombie-Britannique a
contribué à réduire de 33 % les émissions nocives dans cette
province;
«Considérant que 19 organismes d'affaires et
environnementaux, membres de la Table de concertation sur l'environnement et
les véhicules routiers, ont recommandé à maintes reprises au gouvernement du
Québec de mettre en place un tel programme;
«Considérant
que le précédent gouvernement avait inclus un programme d'inspection dans son
plan d'action sur les changements
climatiques 2020 et même présenté un projet de loi répondant aux attentes de la
table de concertation, lequel est mort au feuilleton de l'Assemblée
nationale en raison des élections générales de 2012;
«Et l'intervention réclamée se résume
ainsi :
«Nous,
signataires, demandons au gouvernement du Québec de déposer à l'Assemblée
nationale un projet de loi visant l'inspection environnementale et
sécuritaire obligatoire de tout véhicule routier de huit ans et plus au moment
de sa revente.»
Je certifie que cet extrait est conforme au
règlement et à l'original de la pétition.
Le
Président : Alors, l'extrait de cette pétition est déposé.
J'inviterais maintenant Mme la députée de Richmond.
Abandonner le projet de
charte des valeurs québécoises
Mme
Vallières : Merci,
M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée
nationale, signée par 9 645 pétitionnaires. Désignation : citoyens et
citoyennes du Québec.
«Les faits invoqués sont les suivants :
«Considérant que le projet de Charte
des valeurs, tel que présenté, en lui-même par sa forme, crée des
injustices et réfute les droits protégés par
les chartes canadienne et québécoise à tout individu d'afficher ses croyances
religieuses;
«Considérant
qu'une telle situation amènera tout le Québec dans un chaos juridique
interminable et extrêmement coûteux pour ses citoyens et citoyennes déjà
trop fortement taxés;
«Considérant
qu'une telle charte amènera inévitablement des inégalités et des injustices, en
permettant, de façon subjective à l'un et en refusant à l'autre, selon
la catégorie de gens, le port de signes religieux;
«Considérant
que l'acceptation de l'expression et de la démonstration spirituelle, du
sentiment religieux ou de son absence totale ou partielle, de ses
croyances ou non-croyances fait partie intégrante et sans aucune restriction
des droits individuels et collectifs protégés par nos chartes canadienne et
québécoise;
«Considérant que nous
croyons sincèrement :
«Qu'une telle charte,
en tenant l'un dans l'ignorance de l'autre, divisera et créera des tensions
insoutenables;
«Que
de ne pas permettre de connaître ses différences, pourtant si évidentes, amènera nos générations futures
à toutes sortes d'intolérances, d'injustices et de frustrations sociales;
«Et l'intervention
réclamée se résume ainsi :
«C'est
pourquoi nous, soussignés, demandons au gouvernement du Québec d'abandonner son projet de charte des
valeurs québécoises et d'ainsi démontrer au reste du Canada et au monde entier
notre différence en tant que peuple d'accueil, tolérant et respectueux des
diversités qui font sa richesse autant culturelle, sociale et économique.»
Je certifie que cet
extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.
• (14 h 20) •
Le Président :
L'extrait de cette pétition est déposé.
Il
n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une
question de droit ou de privilège.
Questions
et réponses orales
Nous
en sommes donc rendus à la période de questions et de réponses orales. Et je
cède la parole à M. le chef de l'opposition officielle.
Commentaires de la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse sur le
projet de charte des valeurs québécoises
M.
Jean-Marc Fournier
M. Fournier :
Merci, M. le Président. Le silence de la première ministre suite à l'avis de la
commission des droits et libertés de la personne est franchement inquiétant.
Déjà qu'on peut se demander en quoi le retrait du droit de travail aux femmes portant le voile, aux hommes
portant le turban ou la kippa et aux femmes et aux hommes portant la
croix va aider une meilleure atteinte de l'égalité hommes-femmes ou encore
comment une politique d'exclusion peut améliorer la représentativité de nos
institutions.
Il
reste que l'avis de la commission est fort, argumenté et limpide. Le code
vestimentaire discriminatoire de la première ministre est une attaque,
dit-elle, sans précédent contre les droits reconnus dans la charte québécoise.
La
première ministre peut-elle nous dire quelle valeur elle donne aux droits
fondamentaux, quelle valeur elle donne aux droits des citoyens de la
minorité, quelle valeur elle donne à notre charte des droits et libertés,
véritable contrat social fondamental? En fait, est-ce que la première ministre
va respecter les droits et libertés de la charte et l'avis de la commission?
Le Président :
Mme la première ministre.
Mme
Pauline Marois
Mme
Marois : Alors, M. le Président, vous aurez remarqué que
c'est la première fois que le chef parlementaire de l'opposition
officielle pose une question, depuis deux mois, sur la charte des valeurs
québécoises. Je l'en remercie, M. le Président.
Une voix :
…
Mme
Marois :
Il y a quelqu'un qui l'applaudit, d'ailleurs, une personne qui l'applaudit. Il
serait intéressant, d'ailleurs, que la
députée de La Pinière soit avec nous, ce matin, pour qu'on entende aussi
son propos à ce sujet, M. le Président.
Nous allons respecter
les droits et libertés de la personne, cela va de soi. Je vous ferai remarquer
cependant une chose, le projet de charte n'est pas déposé devant cette Chambre,
et la commission...
Des voix :
...
Mme
Marois :
...et la commission nous donne un avis. Je crois qu'il y aurait un minimum de
prudence, en tout respect pour la Commission des droits… Je suis très
respectueuse à l'égard de cette commission. Cependant, en tout respect, lorsque le projet de charte sera
déposé, d'ici peu de temps, nous pourrons entendre, évidemment, les avis
de la commission, qui sont des avis importants,
comme d'autres avis peuvent l'être aussi, M. le Président. On se
souviendra, d'ailleurs, que le Conseil du
statut de la femme, en 2011, a déposé un avis très détaillé sur le type de
mesures que nous comptons proposer dans la charte des valeurs québécoises.
Et, à cet égard-là, je crois qu'à ce moment-ci on devrait avoir un peu de
prudence, M. le Président.
Le Président :
Première complémentaire, M. le chef de l'opposition.
M.
Jean-Marc Fournier
M. Fournier :
La première ministre esquisse la question des relations hommes-femmes. Je lui
cite dans le Manifeste pour un Québec inclusif, où il y a
26 000 signatures, ceci : En ce qui a trait de l'argument de
l'égalité homme/femme, la charte des valeurs québécoises aurait pour effet de
reporter un fardeau excessif sur les femmes. Travailler à assurer l'égalité des
chances, l'égalité d'accès à l'éducation, l'égalité des conditions
socioéconomiques d'existence sont ce qu'une société juste devrait plutôt
promouvoir au nom de l'égalité des sexes.
Et c'est aussi l'avis
de la commission des droits. Pourquoi ce n'est pas l'avis de la première
ministre?
Le Président :
Mme la première ministre.
Mme
Pauline Marois
Mme
Marois : Alors, vous savez, le gouvernement précédent, le
gouvernement du Parti libéral — dont, je
fais remarquer, le chef n'est pas présent parmi nous aujourd'hui,
malheureusement — le
gouvernement du Parti libéral a demandé à une commission, la commission Bouchard-Taylor,
de procéder à des audiences, d'entendre le point de vue des citoyens, a déposé un projet recommandant au gouvernement
d'adopter une charte de la laïcité… enfin, un
livre blanc sur la laïcité, demandant au
gouvernement d'établir des balises, et le gouvernement libéral, qui nous a précédés,
n'a rien fait. Zéro. Il a fait quelques tentatives,
M. le Président, il a fait quelques tentatives modestes et n'est jamais allé au bout du processus.
Le Président :
En terminant.
Mme
Marois : Je me souviens que le premier ministre de l'époque
faisait des grandes publicités dans le journal…
Le Président :
Deuxième complémentaire, M. le chef de l'opposition.
M.
Jean-Marc Fournier
M.
Fournier : J'aurais pensé qu'elle m'aurait répondu sur la
question de la neutralité de l'État, M. le Président. Voici ce qu'écrit la commission sur la neutralité de l'État :Les données d'enquête et du service-conseil enaccommodement raisonnable recueillies par la commission ne rapportent aucune situation
dans laquelle le port des signes religieux par un employé de l'État aurait
menacé le principe de neutralité religieuse.
Devant
ce constat, quel est l'argument pour déchirer le contrat social fondamental que représente notre Charte des droits et libertés?
Le Président :
Mme la première ministre.
Mme
Pauline Marois
Mme
Marois :
Alors, M. le Président, moi, je me souviens d'un certain gouvernement du Parti
libéral qui nous a fait siéger pendant
la nuit, ici, pour faire adopter une loi, une loi indigne, la loi n° 78,
M. le Président, envers et contre l'avis de la commission des droits et libertés de la personne, et, à ce moment-là, ça
n'avait pas tellement d'importance, hein? C'était une loi qui brimait les droits des
étudiants, entre autres, des institutions à
pouvoir manifester, M. le Président. Ça, c'était leur attitude à ce
moment-là. Je trouve ça un peu étonnant
qu'aujourd'hui ils aient un point de vue un peu
différent.
Par ailleurs, si je
me réfère à d'autres avis qui ont été présentés, qui ont été très bien développés, dont
entre autres celui du Conseil du statut de la femme, il ne va pas dans le même
sens que celui…
Le Président :
En terminant.
Mme
Marois :
…de la Commission des droits de la personne, M.
le Président.
Le Président :
Troisième complémentaire. M. le chef de l'opposition.
M.
Jean-Marc Fournier
M. Fournier : M. le
Président, vous aurez noté que j'ai choisi un ton des plus respectueux. J'ai
choisi de parler du projet du gouvernement actuel, j'ai choisi de demander à la
première ministre comment elle pouvait faire reposer sur notre Charte des droits et libertés, celle de nos
concitoyens, le projet qu'elle met de l'avant et qu'elle promeut.
Jusqu'ici, elle n'a offert aucune réponse.
Je lui repose la question : Est-ce qu'elle
va protéger les droits et libertés de nos concitoyens, qu'ils soient de la
minorité ou de la majorité?
Le Président : Mme la
première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois : Nous
avons toujours fait ça et nous continuerons de le faire, M. le Président.
Cependant, les Québécois attendent de nous que l'on balise ce qu'on appelle les
fameux accommodements raisonnables, ce dont ont absolument été incapables ceux
et celles qui sont en face de nous aujourd'hui, le gouvernement du Parti
libéral, M. le Président. Et maintenant on
nous accuserait de vouloir proposer des solutions au bien-vivre ensemble. Parce
que c'est de ça dont il s'agit, M. le Président. Et, oui, nous allons
respecter les droits et libertés des personnes, mais cependant nous allons nous
respecter nous-mêmes en matière d'égalité, de reconnaissance de la neutralité
de l'État. Cela est fondamental, M. le Président.
Le Président : Principale, M.
le chef de l'opposition.
Respect des droits et
libertés de la personne
dans le projet de charte des valeurs québécoises
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier : En principale,
M. le Président, je note que la première ministre dit qu'elle veut baliser les accommodements; nous sommes d'accord. Elle dit
qu'il faut protéger la neutralité de l'État; nous sommes d'accord.
J'ajoute que nous sommes d'accord, comme
nous l'étions, sur les services à visage découvert. Je demande à la première
ministre, sur ces questions, sur lesquelles nous nous entendons, pourquoi ne
pas convenir là-dessus.
Mais, pour
l'élément du code vestimentaire discriminatoire, qualifié par la commission
comme étant une attaque sans précédent
à l'égard des droits et libertés de nos concitoyens, pourquoi ne pas convenir
ici que cet avis est primordial, qu'il doit être écouté et qu'il sera
suivi?
D'où ma
question que j'ai posée à la première ministre : Accepte-t-elle de dire
aux Québécois aujourd'hui qu'elle va respecter les droits et les
libertés de nos concitoyens et l'avis de la commission? Demain, il y aura une
motion où elle pourra voter là-dessus. Va-t-elle voter pour les droits et
libertés ou les attaquer?
Le Président : Mme la
première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois :
Alors, M. le Président, il y a les droits individuels, mais il y a aussi les
droits collectifs. Je crois que c'est important de s'en rappeler dans
cette Chambre, M. le Président.
Si je lis
l'avis du Conseil du statut de la femme, il dit ceci, il dit : «…lorsque
l'État accepte les signes religieux, il les avalise. La répétition et la
prolifération des signes religieux au sein de l'État contribuent à renforcer le
message religieux qui, en lui-même, peut être sexiste et porteur de
discrimination envers les femmes.» C'était un autre avis.
Alors, M. le Président, je vais demander un peu
de patience au chef parlementaire de l'opposition officielle, puisque le projet de loi sera déposé bientôt et
qu'à ce moment-là nous aurons l'occasion de débattre de leur
proposition, de débattre de notre projet, de celui, oui, qui respectera les
droits et libertés des personnes, M. le Président, mais qui va baliser leur
encadrement, cela va de soi, M. le Président.
• (14 h 30) •
Le Président : Première
complémentaire, M. le chef de l'opposition.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier : Je veux
simplement dire à la première ministre, M. le Président, qu'on ne touche pas
aux droits fondamentaux par des fuites médiatiques, on ne déchire pas un
contrat social fondamental en s'appuyant sur des perceptions et des
impressions. Et, plutôt que l'approche de l'insulte, puis-je suggérer
l'approche du dialogue? Plutôt que le
préjugé et l'exclusion, puis-je proposer la compréhension et l'inclusion? Le
Québec s'en porterait mieux, M. le Président.
Le Président : Mme la
première ministre.
Mme
Pauline Marois
Mme
Marois :
Je n'ai absolument pas l'impression, ni cela ne se vérifie dans les faits, que
mon gouvernement ou que les membres
de mon équipe aient insulté qui que ce soit, M. le Président. Nous défendons
une vision et qui est légitime, croyons-nous, parce que nous croyons que
les Québécois attendent de nous que l'on encadre les règles du jeu pour vivre ensemble sur ce territoire dans le respect
d'un certain nombre de principes fondamentaux, le premier, c'est
l'égalité entre les hommes et les femmes, le
second, c'est la neutralité de l'État, M. le Président, il me semble que cela
va de soi, et que nous nous donnions donc des règles claires en toutes
ces matières.
Le Président : En terminant.
Mme
Marois : C'est
essentiellement ce que veut faire la charte, sans insulter personne, M. le
Président.
Le Président : Deuxième
complémentaire, M. le chef de l'opposition.
M. Jean-Marc Fournier
M.
Fournier : La première ministre sait très bien qu'il y
a eu un ajout en 2008 sur l'égalité
hommes-femmes dans la charte, bien
que déjà protégée, et que cela a déjà été fait. Elle sait très bien que l'avis de
la commission, qui est l'experte en la matière, témoigne, je l'ai dit
tantôt, qu'il n'y a aucune situation dans laquelle le port des signes religieux
par un employé de l'État aurait menacé le
principe de neutralité religieuse. Elle soulève la neutralité, l'égalité
hommes-femmes, son remède ne tient pas la route. Ce qui reste, c'est une
attaque aux droits et libertés. Je lui soumets de réfléchir aux conséquences
d'une atteinte aux droits et libertés.
Le Président : Mme la
première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois :
J'invite le chef parlementaire de l'opposition officielle à réfléchir aux
conséquences du fait qu'il n'y ait pas de balises et que c'est son
gouvernement, entre autres, qui jamais n'a voulu assumer ses responsabilités à
cet égard. Il a été d'une timidité absolument déconcertante, M. le Président.
Nos principes
sont clairs, et je suis persuadée que nous les partageons de part et d'autre de
cette Assemblée. Les mesures que nous
souhaitons mettre en œuvre se basent sur cinq propositions. Oui, nous voulons
modifier la Charte des droits et
libertés pour y inclure la neutralité religieuse de l'État, le caractère laïque
des institutions publiques et renforcer le principe de l'égalité
hommes-femmes. Cela m'apparaît aller de soi, et le personnel de l'État
doit avoir un devoir de réserve à cet égard.
Le Président : Principale?
Principale, M. le député de Jean-Talon.
Impact des décisions du
gouvernement
sur les services de santé
M. Yves Bolduc
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Le Québec est plongé
dans un contexte économique difficile à cause de la mauvaise gestion de l'économie par le Parti québécois.
Depuis l'élection du Parti québécois, des investisseurs ont quitté le Québec et des emplois se sont perdus.
Les revenus sont à la baisse. Pour compenser, le Parti québécois coupe dans les services offerts à la population, surtout
en santé. Depuis un an, la liste des coupures est longue : coupures
dans les chirurgies, coupures dans les
médicaments, coupures dans les budgets des hôpitaux et, maintenant, coupures
des infirmières dans les CHSLD. Cette situation est inquiétante,
puisqu'elle ressemble vraiment au saccage que nous avons vécu à la fin des
années 90.
Le
17 novembre 2008, la première ministre a dit que, si c'était à refaire,
elle le referait. M. le Président, est-elle en train de tenir sa
promesse?
Le Président : M. le ministre
de la Santé.
M. Réjean Hébert
M.
Hébert :
M. le Président, dans la gestion des fonds publics, on n'a pas de leçons à
recevoir de l'équipe libérale qui
nous a précédés, M. le Président. On est arrivés en poste, M. le Président,
avec une dérive de 1,6 milliard, notamment, en santé,
450 millions, M. le Président. Le député de Jean-Talon, M. le Président,
n'a pas de leçons à donner à personne dans cette Chambre, M. le Président.
On
a redressé la situation pour arriver en équilibre budgétaire pour l'année
dernière et on fera de même pour l'année en cours. Et je vous
rappellerai, M. le Président, que le budget de la santé a augmenté de
4,8 %, M. le Président. Ce gouvernement-ci a priorisé la santé, et il n'y a pas de coupes et de
compressions budgétaires dans le domaine de la santé, M. le Président. Dans deux CHSLD, M. le Président,
on a procédé, au cours des dernières semaines, à un réaménagement du travail pour prioriser des préposés et des
auxiliaires et laisser aux infirmières une compétence propre, M. le
Président. On a une pénurie d'infirmières,
il faut les utiliser à bon escient. Il faut faire en sorte que le travail qui
peut être fait par d'autres personnels et d'autres professionnels soit
fait par ces professionnels et ces personnels pour être capables de mieux
valoriser le travail des infirmières, dont on a absolument besoin dans notre
réseau de la santé et des services sociaux, M. le Président.
Le Président :
Première complémentaire, M. le député de Jean-Talon.
M. Yves Bolduc
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : M. le Président, je rappelle au
ministre que le mot «réaménagement», pour le Parti québécois, veut dire
coupures.
L'Ordre
des infirmières a dit, la semaine dernière, qu'ils étaient inquiets. Ils sont
inquiets des répercussions des coupures sur les soins qui seront donnés
aux personnes aînées. Les établissements du réseau de la santé sont pris à la
gorge, ils sont obligés de faire des choix qui ont des conséquences directes sur les patients.
Est-ce
que le ministre peut arrêter de couper et penser aux patients du Québec?
Le Président :
M. le ministre de la Santé.
M. Réjean Hébert
M.
Hébert : M. le Président, moi, je ne comprends pas qu'un
investissement supplémentaire de 1,5 milliard
soit perçu par l'opposition comme étant une
coupure. Pour moi, c'est un investissement extrêmement important pour
assurer la qualité des services et, surtout,
l'accès des services à la population québécoise, M.
le Président. Alors, nous avons fait un investissement massif
dans le réseau de la santé, M. le Président, 4,8 %. Dans la situation
budgétaire que nous ont laissée les
libéraux, M. le Président, je pense que c'est une priorité extrêmement
importante qui est donnée à la santé et aux services sociaux. Il n'y a pas de compressions dans le réseau. On
demande au réseau de prioriser les services cliniques aux patients et de
faire un effort pour diminuer les coûts administratifs, et ils sont en train de
le faire, M. le Président.
Le Président :
Deuxième complémentaire, M. le député de Jean-Talon.
M. Yves Bolduc
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : M. le Président, il serait
grand temps que le ministre et son gouvernement s'ouvrent les yeux et arrêtent de prétendre que leurs coupures
n'ont pas d'impact. Parce qu'en plus de faire subir
aux Québécois des coupures le
ministre va vouloir rajouter deux nouvelles taxes de
son cru : la taxe pharmacie et la taxe autonomie. Quand on
est ministre de la Santé, le premier devoir du ministre
est de soigner, pas de taxer.
Quand
ce ministre prendra-t-il le parti des patients?
Le Président :
M. le ministre de la Santé.
M. Réjean Hébert
M.
Hébert : M. le Président, la taxe santé, là, la taxe santé,
c'est le gouvernement du Parti libéral qui a implanté ça, M. le Président, une taxe absolument inéquitable,
M. le Président, où tout le monde était taxé. Même
les gens qui ne gagnent pas beaucoup de revenus étaient taxés au même
tarif que les gens qui gagnent plus de 150 000 $ par année, M. le Président. Alors, ce n'est pas l'équipe d'en face
qui va venir nous apprendre, M. le Président, comment gérer les finances
publiques. Et, en plus, le chef du Parti libéral, M.
le Président, le fantôme du parlement,
qu'on ne voit jamais, lui, il veut taxer encore plus les citoyens québécois, M.
le Président, en augmentant la taxe de vente. Les taxeurs, c'est de l'autre
côté, M. le Président.
Le Président :
Principale, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
Projet de charte des valeurs
québécoises
M. François Legault
M. Legault :
M. le Président, après la commission Bouchard-Taylor, l'ancien gouvernement
libéral, qui a pourtant été
majoritaire de 2008 à 2012, a fait le choix de ne rien faire pour encadrer les
accommodements religieux et les ports de signes religieux. M. le Président, l'actuel gouvernement a le mérite de
s'y intéresser. Nous sommes, à la coalition,
d'accord avec une charte de la laïcité. Cependant, le projet de charte de
valeurs du PQ va beaucoup trop loin. Pas moins de trois
premiers ministres péquistes ont demandé au gouvernement de mettre de l'eau
dans leur vin, de reculer sur l'interdiction des signes religieux à tous les
employés.
M. le
Président, on a tous une responsabilité dans ce débat identitaire, qui est
délicat, où les risques de dérapage sont
vraiment sérieux, réels. Depuis quelques semaines, on est en train de
stigmatiser un groupe de notre société, on est en train de faire le
procès de la religion musulmane, disons les
choses comme elles sont.
M. le Président, j'en appelle au bon sens de la
première ministre. Est-ce qu'elle serait d'accord pour convoquer les quatre
chefs de partis pour être capable de trouver un compromis, pour être capable
d'adopter rapidement une charte? Et je lui tends la main, M. le
Président, c'est important d'agir.
• (14 h 40) •
Le Président : Mme la
première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois : Alors, M.
le Président, je rappellerai au chef du deuxième groupe d'opposition, qui connaît très bien les règles de l'Assemblée nationale, qui, d'ailleurs, apprécie cette institution d'une façon assez
remarquable, M. le Président,
je rappellerai donc au chef du deuxième groupe d'opposition que nous avons des
règles claires à cet égard. D'abord, un, on va avoir un projet de loi, il va être déposé par le ministre responsable d'ici quelques semaines. Une
fois que le projet de loi sera déposé, évidemment il y aura convocation des parlementaires, il y
aura commission parlementaire et il y aura étude, débat, discussion,
cela va de soi, M. le Président. Alors, avant que cette loi ne soit déposée, je
ne crois pas qu'il soit pertinent que les chefs de partis se réunissent.
Faisons les
choses dans l'ordre, M. le Président, déposons le projet de loi, ce que nous
allons faire. Nous pensons qu'il
était important de procéder à des consultations sur la base des
principes que j'ai énoncés tout à
l'heure, ce qui a été fait. D'ailleurs, le ministre responsable a rendu publics les résultats de
cette consultation, M. le
Président. Maintenant, nous
allons déposer le projet de loi, et là nous en débattrons. Et, s'il est nécessaire
de réunir les chefs de partis, je n'aurai aucune objection à le faire. Je crois
que ce n'est pas dans l'ordre des choses à ce moment-ci, M. le Président.
Le Président : Première
complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
M. François Legault
M. Legault : M. le
Président, je ne sais pas sur quelle
planète vit la première ministre, mais le débat est lancé. Il y a des risques réels, au cours des
prochains jours, qu'il y ait des dérapages dangereux. Elle a une responsabilité
comme première ministre.
Je lui
demande, je lui offre, là : Est-ce
qu'on ne peut pas réunir les quatre
chefs de partis, faire avancer ce dossier-là puis éviter un dérapage
dramatique?
Le Président : Mme la
première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois : Alors, M.
le Président, je crois que les
risques de dérapage, ils ont été beaucoup plus lourds et présents lorsqu'il y a eu des
débats dans notre société il y a quelques années à peine et que le gouvernement
libéral, qui est en face de nous
maintenant, qui forme l'opposition, n'a pas pris les choses au sérieux et n'a
pas posé les gestes qu'il devait poser. Il nous a même offert la
possibilité d'une commission. En fait, il a adopté le fait qu'une commission
tienne des audiences, fasse un rapport, puis
il n'a rien retenu des recommandations faites par cette commission. Il faut le
faire, M. le Président.
Je crois honnêtement que le chef du deuxième
groupe d'opposition exagère un peu et je crois que, s'il garde un bon ton…
Le Président : En terminant.
Mme
Marois : …il n'y
aura pas de dérapage, M. le Président.
Le Président : Deuxième
complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
M. François Legault
M. Legault : J'en appelle au
bon sens de la première ministre. Il y a actuellement des risques de dérapage qui sont sérieux, nous devons nous
entendre sur une proposition qui est équilibrée avant que cet enjeu devienne hors de
contrôle. Les parlementaires l'ont déjà fait dans un autre dossier, mourir dans
la dignité. C'est possible de
s'entendre.
Est-ce que la
première ministre accepte, dès cette semaine, de réunir les chefs de partis
pour qu'on puisse mettre ce dossier derrière nous, le régler une fois
pour toutes?
Le Président :
Mme la première ministre.
Mme
Pauline Marois
Mme
Marois : M. le Président, je fais confiance aux Québécois et
aux Québécoises et à leur intelligence, M. le Président. Vous savez, en matière de dérapage, on a connu un
gouvernement qui en a fait vivre un au Québec qui a été dramatique, pour
nos jeunes en particulier, pour nos familles. Et c'est l'an dernier, et c'est
le gouvernement du Parti libéral avec son odieuse
loi n° 78, avec l'incapacité qu'il a eue d'établir un dialogue, M. le
Président. Ce n'est pas de ça dont il
s'agit. Au contraire, nous souhaitons que le dialogue soit le plus large
possible et nous respectons ceux et celles qui ont des points de vue différents.
Attendez que le projet de loi soit déposé, M. le Président.
Le Président :
Principale, M. le député de Lévis.
Commission parlementaire sur
le Fonds
de solidarité des travailleurs du Québec
M. Christian Dubé
M.
Dubé : Alors, M. le Président, il y a deux semaines, nous avons
demandé au gouvernement de convoquer les dirigeants du Fonds de solidarité FTQ en commission parlementaire, et le
fonds nous a appuyés. Or, revirement de situation tout à l'heure. J'ai proposé en séance de travail
le mandat suivant, que la Commission des finances publiques tienne des consultations particulières et auditions publiques
sur la gestion et la gouvernance du Fonds de solidarité, c'est très
simple, mais les députés du Parti québécois, à la Commission des finances
publiques, ont voté contre. Et, tout à l'heure, il y a quelques minutes, le PQ
a émis un communiqué pour dire qu'il était pour.
En
fait, on ne sait plus, M. le Président, sur quel pied danser. Le ministre des
Finances, ou le président du Conseil du trésor, ou un autre ministre
pourrait-il nous dire qu'est-ce qui se passe, s'il vous plaît?
Le Président :
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand St-Arnaud
M.
St-Arnaud : Alors, M. le Président, sur cette question, la
première ministre, lors de notre dernière séance, a ouvert la porte à la tenue d'une commission
parlementaire, et, à ce que je comprends, il y a eu une rencontre ce matin
pour élaborer le mandat de cette commission-là.
Il semble que les discussions n'ont pas abouti ce matin, mais nous
sommes toujours dans l'optique de ce qu'a
dit la première ministre à la dernière séance, nous sommes ouverts à cette
commission parlementaire. Cependant, nous devons définir de manière très claire
le mandat de cette commission, et assurément, M. le Président, dans les
prochaines heures il y aura de nouvelles discussions au sein de la commission
parlementaire pour trouver un consensus sur le mandat de cette commission.
Le Président :
Première complémentaire, M. le député de Lévis.
M. Christian Dubé
M.
Dubé : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, ce n'est pas la
première fois que je vois les représentants du PQ à la Commission des finances publiques se faire contredire par un
ministre par la suite. Si le ministre est maintenant d'accord — disons,
la Justice — qu'il
nous dise maintenant quand va être la rencontre avec le Fonds de
solidarité : Avant ou après les élections?
Le Président :
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand St-Arnaud
M.
St-Arnaud : M. le Président, je ne sais pas où le député prend
ses informations, là, mais il n'est pas question d'information, on
gouverne et puis on gouverne, M. le Président.
Des voix :
...
M. St-Arnaud :
Il n'est pas... Alors, M. le Président...
Des voix :
…
Le Président :
S'il vous plaît!
M. St-Arnaud :
Alors, M. le Président, si j'étais un député de la CAQ, je n'aurais pas
tellement hâte à des élections, M. le Président.
Des voix : ...
Le Président :
Votre temps passe. M. le leader adjoint du gouvernement.
M.
St-Arnaud : Ceci étant dit, M. le Président, il n'y a pas
d'élection à l'agenda. Nous travaillons donc... nous travaillons donc
à...
Des voix : …
Le Président : …est-ce qu'on
peut entendre la fin de la réponse, s'il vous plaît? M. le leader adjoint.
M. St-Arnaud : Alors, M. le
Président, la première ministre a ouvert la porte à la tenue de cette
commission parlementaire. Nous sommes à discuter avec les partis d'opposition
des modalités de cette commission et, surtout, de ce mandat de cette
commission.
Le Président : En terminant.
M. St-Arnaud : Nous
continuerons les discussions à cet effet, M. le Président.
Le Président : Deuxième
complémentaire, M. le député de Lévis.
M. Christian Dubé
M. Dubé : Je vais me garder
une petite gêne.
On propose,
M. le Président — puis
c'est une réunion très importante — on propose quelque chose de très
simple qui devrait se régler très rapidement. Tous les intervenants sont
d'accord, sauf le PQ.
Je reviens avec ma question très claire :
Quand allons-nous avoir une commission, M. le Président?
Le Président : M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Bertrand St-Arnaud
M.
St-Arnaud : M. le Président, le gouvernement est tout à fait en
faveur d'une commission parlementaire sur la gouvernance et la gestion
du Fonds de solidarité de la FTQ. C'est clair? Une fois qu'on a dit ça, M. le
Président, il faut s'entendre avec les
différents partis sur le mandat de cette commission de façon à le baliser et à
éviter certains excès. Il me semble que c'est très raisonnable de dire
ça. Les discussions vont se poursuivre. La première ministre l'a dit il y a deux semaines, nous sommes ouverts à la tenue
de cette commission, mais il faut baliser le mandat de cette commission.
C'est ce que nous ferons dans les prochaines heures, dans les prochains jours,
M. le Président.
Le Président : Principale, M.
le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
Projet de loi n° 43 sur les mines
M. Jean D'Amour
M.
D'Amour :
Alors, M. le Président, la ministre des Ressources naturelles est à l'origine
de nombreux moratoires. Il y a eu
d'abord celui sur les gaz de schiste, par la suite un moratoire sur les forêts
de proximité. Elle a éliminé le Plan Nord, et, par la suite, au cours de
l'année qui s'est terminée, c'est 8 300 emplois qui ont été perdus,
des emplois qui ont été perdus, qui étaient occupés par des Québécois, des gens
de chez nous.
Le 10 octobre dernier en cette Chambre, nous lui
avons demandé de déposer ses amendements concernant le projet de loi n° 43 sur les mines en fonction de quatre conditions
fondamentales : d'abord, sur la question des droits de veto qui
permettent à la ministre d'agir de façon arbitraire, et ça freine le
développement; sur la question de la transformation, qu'elle traite de façon
téméraire et improvisée; sur la question des consultations pour les groupes
autochtones; et sur les orientations gouvernementales sur les zones compatibles
ou incompatibles.
Est-ce
qu'elle va déposer aujourd'hui, oui ou non, ses amendements ou si elle va,
encore une fois, imposer un moratoire sur son propre projet de loi, M.
le Président?
Le Président : Mme la
ministre des Ressources naturelles.
Mme Martine Ouellet
Mme
Ouellet : Oui.
Merci, M. le Président. Il faudrait bien que le Parti libéral arrête de faire
du blocage systématique à l'adoption de
principe. L'adoption de principe, M. le Président, c'est juste pour donner leur
accord pour qu'on étudie le projet de loi article…
Des voix : …
Le
Président : S'il vous plaît! La question a été posée de
l'ordre, j'aimerais entendre la réponse avec le même silence.
Mme
Ouellet : Oui. Merci, M. le Président. Je vais donc répéter, étant donné que, de l'autre côté, c'était très bruyant. Il faudrait que les libéraux arrêtent de
faire du blocage systématique à l'adoption de principe
parce que l'adoption de principe, c'est juste de donner un accord
pour qu'on puisse étudier article par article le
projet de loi.
Et d'ailleurs, pour le député de Rivière-du-Loup,
je suis un peu surprise qu'il n'ait pas lu le communiqué — parce
que j'ai fait un
communiqué le 11 octobre 2013, il a déjà eu plusieurs jours et
toute la semaine de relâche parlementaire pour en prendre connaissance — où j'ai répondu sur l'ensemble des points.
Pour ce qui est de la transformation, j'avais déjà annoncé, dès le début
de la commission parlementaire, que ce n'était pas ce
qui se disait dans le milieu. L'étude de faisabilité, c'était une étude d'opportunité de marché et
économique, et je rejoins en cela exactement ce qu'a proposé l'association minière du Québec, M. le Président.
L'association minière du Québec, c'est exactement ce qu'elle a demandé…
Le Président : En terminant.
Mme
Ouellet : …pour la transformation.
• (14 h 50) •
Le Président : Première complémentaire, M. le député de
Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M. Jean D'Amour
M.
D'Amour : M. le
Président, c'est la championne du blocage qui s'exprime aujourd'hui en cette
Chambre. C'est son entêtement…
Des voix : …
M.
D'Amour : C'est son entêtement qui a fait perdre 8 300 emplois au Québec, c'est son
idéologie. Si elle ne dépose pas
d'amendements, comment voulez-vous qu'on ait confiance? On n'a pas confiance,
M. le Président. Il n'y a personne qui a confiance, mis à part la
première ministre, qui, elle, la garde en
poste. Même le vice-premier ministre n'a plus
confiance.
On lui demande
de déposer ses amendements aujourd'hui pour le projet de loi n° 43 sur
les…
Le Président : Mme la
ministre des Ressources naturelles.
Mme Martine Ouellet
Mme
Ouellet :
Merci, M. le Président. Moi, à la place du Parti libéral, je serais assez gênée de parler de pertes d'emploi parce
que le Parti libéral, sous son règne,
c'est 175 000 emplois en neuf ans qu'il a fait perdre dans le
secteur manufacturier, 8 000 emplois dans le secteur de la transformation
des métaux. Les gagnants, les champions des pertes d'emploi au Québec, c'est le
Parti libéral.
Est-ce que je comprends de l'intervention du député de Rivière-du-Loup—Témiscouata qu'ils vont continuer à s'opposer et à utiliser toutes les
procédures parlementaires pour retarder juste l'adoption de principe? On n'est même
pas à l'adoption du projet de loi, il ne nous permet même pas d'aller en commission
parlementaire pour étudier les articles et faire des amendements, M. le
Président.
Le Président : Deuxième
complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M. Jean D'Amour
M.
D'Amour :
M. le Président, c'est ce genre de commentaires,
de propos, en cette Chambre, qui font en sorte qu'il n'y a plus personne
qui a confiance en cette ministre et au gouvernement sur la question des mines.
Depuis qu'elle est ici, au Parlement, M. le
Président, elle pratique la politique de la terre brûlée.
C'est pourtant simple, il y a un projet de loi sur
les mines, le projet de loi n° 43, qui est le quatrième. On a dit
qu'on était prêts à collaborer. Ce qu'on
demande, c'est le dépôt de quatre amendements sur quatre conditions
fondamentales. La question, elle est simple, et on lui donne aujourd'hui une
autre chance, une dernière chance de pouvoir s'exprimer et de nous dire oui.
Le Président : Mme la
ministre des Ressources naturelles.
Mme Martine Ouellet
Mme
Ouellet :
Merci, M. le Président. Le problème, j'ai dit, du Parti libéral, c'est qu'ils
disent qu'ils sont prêts à collaborer,
mais ce qu'ils font, c'est exactement le contraire,
M. le Président. Quoi croire, leurs paroles ou leurs actions? Est-ce qu'ils vont continuer à bloquer
systématiquement l'adoption de principe, M. le
projet de loi… M. le Président? Est-ce qu'ils vont nous permettre d'aller en étude
article par article pour faire les amendements que j'ai déjà annoncés
sur la transformation, sur les pouvoirs de la ministre, sur les comités de
maximisation et de suivi environnemental, M. le Président? Est-ce qu'ils vont nous permettre d'aller faire ces
amendements-là pour qu'enfin, au Québec, nous ayons…
Le Président : En terminant.
Mme
Ouellet : …une loi sur les mines responsable? C'est attendu
par l'ensemble des intervenants, M. le Président.
Le Président : Principale, M.
le député de Nicolet-Bécancour.
Accord économique et commercial global
entre le Canada et l'Union européenne
M. Donald Martel
M.
Martel :
Merci, M. le Président. M. le Président, nous savons que le gouvernement
fédéral a consenti, dans les
négociations commerciales Canada-Union européenne, à un accès accru à notre
marché pour les fromages européens. C'est
17 700 tonnes de plus qui seront importées, soit le double de ce qui est
sur notre marché actuellement. Soyons clairs, cet accord de libre-échange est une bonne nouvelle pour l'économie du
Québec, mais il est évident que certains secteurs seront durement touchés. C'est le cas de nos
producteurs et transformateurs laitiers,
en particulier les petits fromagers québécois qui ont développé un
marché de niche au cours des 20 dernières années. À court terme, il faut
trouver des moyens pour accompagner nos producteurs, pour les aider à s'adapter
à la nouvelle dynamique.
Qu'entend
faire le gouvernement pour s'assurer que nos producteurs fromagers ne
soient pas laissés à eux-mêmes?
Le Président : M. le ministre
des Finances.
M. Nicolas Marceau
M. Marceau : Merci,
M. le Président. Écoutez,
effectivement, on a une entente de principe qui a été conclue
pour cet accord de libre-échange avec l'Europe. C'est une excellente nouvelle pour le Québec.
On parle ici d'un accès pour nos entreprises à un marché de 500 millions de
consommateurs, à des marchés publics de 3 000 milliards de dollars. On parle de gains de 16 000 emplois sur cinq ans. On
parle d'une hausse du PIB de 2,2 milliards de dollars, des abolitions de
tarifs dans 98 % des cas, des gains
pour le secteur de l'aluminium, véhicules récréatifs, produits chimiques, bois
scié, pièces automobiles. Plusieurs secteurs, donc, sont gagnants, M. le
Président, et je pense qu'il faut se réjouir de cet accord.
Ayant dit
cela, effectivement, il y a une décision qui a été prise par le gouvernement
fédéral de consentir à une augmentation
du contingent de fromages hors tarifs, une augmentation de
17 000 tonnes. Cette décision n'est pas la nôtre. Cependant, dès lors que nous en avons entendu
parler, nous avons exigé du gouvernement fédéral qu'un mécanisme de
compensation soit prévu pour compenser nos producteurs laitiers et nos
producteurs de fromage. Ce mécanisme de compensation
sera établi, dessiné, construit dans la prochaine année, et il n'est pas
question, pour notre gouvernement...
Le Président : En terminant.
M. Marceau :
...d'entériner et de déposer l'accord de libre-échange tant que nous n'aurons
pas cette garantie…
Le Président : Première
complémentaire, M. le député de Nicolet-Bécancour.
M. Donald Martel
M.
Martel : M. le
Président, on se réjouit, de notre côté aussi, de cette entente-là. Nous savons
que le gouvernement fédéral a fait mention
de mesures compensatoires pour les producteurs sans spécifier de quoi il
s'agirait.
Est-ce que le
gouvernement du Québec entend, de son côté, faire sa part? A-t-il un plan pour
accompagner nos producteurs dans ce grand changement économique qui va
les affecter?
Le Président : M. le
ministre de l'Agriculture.
M. François Gendron
M.
Gendron :
Oui, ça a été dit, M. le Président, ce n'est pas le choix du Québec, cette
décision-là, c'est le choix du fédéral. Première affaire.
Deuxièmement,
il n'est pas question de laisser tomber les producteurs fromagers au Québec,
qui ont marqué le pas depuis
plusieurs années. On est dans un secteur où, effectivement, on a montré de quoi
on est capables pour compétitionner à l'étranger. Il n'est pas question
de voir cette industrie reculer. On va les accompagner, on ne les abandonnera
pas.
Déjà, j'ai eu des
rencontres avec l'industrie du lait, et on a pris des engagements qui n'étaient
rien d'autre que... les engagements qu'on a exigés, M. le Président. Parce
qu'il y a eu des discussions avec mon collègue, il y a eu des discussions avec d'autres collègues, et la
première ministre a eu des échanges avec M. Harper. C'est une
décision du gouvernement fédéral...
Le Président :
En terminant.
M.
Gendron :
...mais il n'est pas question de ne pas accompagner les producteurs fromagers
du Québec.
Le Président :
Deuxième complémentaire, M. le député de Nicolet-Bécancour.
M. Donald Martel
M.
Martel : M. le Président, il est clair que le gouvernement
du Québec a la responsabilité de faire pression sur le gouvernement
fédéral. Il faut aussi s'assurer que nos producteurs ne soient pas laissés à
eux-mêmes.
Je
répète ma question : Le ministre a-t-il prévu, lui, des actions concrètes
pour accompagner nos producteurs?
Le Président :
M. le ministre de l'Agriculture.
M. François Gendron
M.
Gendron :
Alors, nous, on ne se contente pas seulement de faire des pressions, on se
contente d'avoir des éléments probants qui
confirment puis qui vont confirmer dans la suite des choses les exigences qu'on
a eues, autant mon collègue des Finances, la première ministre, que
celui qui vous parle. On a exigé, effectivement, de M. Harper des éléments précis d'engagement, des éléments précis
d'engagement. On a une lettre formelle qui l'engage à trouver des
compensations, puis à étaler dans le temps, et s'assurer qu'on va prendre le
temps qu'il faut pour que les dommages soient les moins lourds possible. Merci.
Le Président :
Principale, M. le député de Beauce-Sud.
Propos concernant la campagne
électorale
du Parti québécois en 2007
M. Robert Dutil
M.
Dutil : Merci, M. le Président. Alors, il y a quelque temps, M.
le Président, j'ai eu l'occasion de soulever en cette Chambre l'histoire des relations tordues entre André Boisclair et
la FTQ et j'ai interrogé la première ministre sur les révélations
scandaleuses du livre Syndicalistes ou voyous? à propos des élections
clés en main offertes par la FTQ au Parti québécois. Le leader du gouvernement
a nié.
Je
vais donc vous citer un autre extrait de Jocelyn Dupuis : «Je me souviens
de l'énergie que nous avons consacrée à soutenir le Parti québécois lors
de l'élection de 2007. Dans le comté de La Prairie où se présentait
François Rebello [...] aucun effort ne fut
épargné.» De plus, mercredi le 20 octobre, à TVA Nouvelles, M.
Goyette, de la FTQ, et coauteur du livre, a contredit le leader du gouvernement
en confirmant ce comportement inacceptable.
Je
redemande donc à la première ministre si cette façon de faire est généralisée dans son
parti. A-t-elle fait des vérifications auprès de ses députés pour savoir
qui a bénéficié d'une élection clés en main de…
• (15 heures) •
Le Président :
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand St-Arnaud
M.
St-Arnaud : M. le Président, il n'y a aucune élection clés en main au Parti québécois. Je répète : Il n'y a aucune élection clés en main au Parti
québécois. Et je trouve, M. le Président, que, venant du Parti libéral qui a
réclamé de ses ministres pendant des années
100 000 $, de chacun de ses ministres, pour la caisse électorale du
Parti libéral, qui a eu un chef qui nous a caché qu'il recevait un
salaire secret pendant 12 ans… je trouve honteux que le Parti libéral ose
se lever sur des questions d'intégrité. C'est honteux, M. le Président.
Le Président :
Première complémentaire, M. le député de Beauce-Sud.
M. Robert Dutil
M.
Dutil : Alors, vous avez constaté, M. le Président, que le
gouvernement refuse de répondre à la question. Ce n'est pas en criant ni
en élevant le ton qu'on va effacer la page 279 du livre Voyous ou
syndicalistes?, ce n'est pas en faisant ça.
Alors, peut-être que
l'actuel député de Terrebonne, qui, lui, était au bureau de direction de la
FTQ, peut nous dire si lui, il est au courant des élections clés en main qui se
font au Parti québécois avec la complicité de la FTQ.
Le Président : M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Bertrand St-Arnaud
M. St-Arnaud : M. le
Président, non seulement j'ai répondu, mais j'ai répondu deux fois plutôt
qu'une : Il n'y a jamais eu d'élection, il n'y a pas d'élection clés en
main au Parti québécois.
Cela dit, M.
le Président, il y a un cas documenté, c'est le cas d'Anjou à l'élection
générale de novembre 1998, où il
y a eu… où la preuve a été faite. Et tellement la preuve a été faite, M. le
Président… Ça impliquait le Parti libéral et le candidat libéral Jean-Sébastien Lamoureux. La preuve en a tellement été
faite, M. le Président, que le député en question, le candidat qui avait
été… a dû démissionner, M. le Président. Il y a un seul cas, il est dans votre
cour. C'est honteux de parler de questions
d'intégrité après tout ce que vous avez fait pendant neuf ans comme gouvernement,
M. le Président.
Le Président : Deuxième
complémentaire, M. le député de Beauce-Sud.
M. Robert Dutil
M. Dutil :
M. le Président, n'ayant pas de réponse à ma question, parce que c'est très
clair à la page 279 que c'est clés en main, c'est très clair, je
pense qu'on peut le dire, je vais déposer trois documents qui montrent le
député de Terrebonne en compagnie de l'ancienne ministre et deux, sur le site
Internet de la FTQ, qui montrent M. Traversy qui est félicité et qui… où il est
félicité de l'ouverture de son bureau deux mois plus tard.
Alors, M. le
Président, je réitère ma question : Est-ce qu'on peut avoir enfin la
lumière, toute la lumière, si ce n'est pas par une enquête du DGE, que
semble refuser…
Documents déposés
Le
Président : Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt des
documents? Consentement? Consentement au dépôt des documents. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand St-Arnaud
M.
St-Arnaud : M. le Président, je vais le répéter pour une
quatrième fois, puisque le député ne semble pas avoir écouté ma réponse : Il n'y a aucune élection
clés en main au Parti québécois. Le Parti libéral, lui, par contre, M. le
Président, sous la gouverne de Jean Charest, réclamait de chacun de ses
ministres un montant de 100 000 $, et ça les obligeait à faire certaines choses, comme vous le savez, M. le
Président. Plus que ça, le député de Rivière-du-Loup nous a permis d'apprendre à un certain moment, M. le Président,
après 15 ans, que, depuis 15 ans, Jean Charest recevait un salaire
secret en plus de son salaire de premier
ministre, payé à même la caisse électorale du Parti libéral. Et le seul cas
documenté, M. le Président, où il y a eu un problème semblable à celui
qu'a dit le député de Beauce-Sud…
Le Président : En terminant.
M. St-Arnaud : …c'est le cas
d'Anjou, en 1998, qui impliquait le Parti libéral, M. le Président.
Le Président : Principale, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys.
Projet de loi
n° 490 visant à normaliser pour
les mineurs les amendes imposées en vertu
du Code de la sécurité routière
M. Robert Poëti
M. Poëti :
M. le Président, dans la nuit du 4 août dernier, un jeune conducteur de
17 ans conduisant un véhicule sport
modifié à coups de centaines de dollars filait à tombeau ouvert sur
l'autoroute. Il a été intercepté par les policiers à
253 kilomètres-heure.
Les jeunes
conducteurs entre 16 et 17 ans sont toujours surreprésentés dans les
accidents mortels et avec blessés au Québec. Un détail cloche, M. le
Président : le jeune conducteur de 17 ans n'a eu que 100 $
d'amende à payer parce qu'il était mineur et
qu'un article du Code de procédure pénale le protège. Aucune forme de dissuasion, M. le Président; au contraire, un encouragement à la vitesse folle.
M. le Président, je demande donc au ministre de
la Justice : Va-t-il appeler le projet de loi que j'ai déposé aujourd'hui,
projet de loi d'un article pour régler ce problème dès maintenant?
Le Président : M. le ministre
de la Justice.
M. Bertrand St-Arnaud
M.
St-Arnaud : M. le Président, je trouve toujours un peu amusant
quand un député du Parti libéral se lève et nous dit : Il faut
absolument, là, régler tout de suite un problème, alors qu'ils ont été au
gouvernement pendant neuf ans
et qu'ils n'ont pas réglé ce problème. Alors, vous me permettrez, je pense que
le Parti libéral devrait se garder une
petite gêne. D'autant plus que mon collègue ministre de la Sécurité publique me
dit que, lorsque nous étions dans l'opposition,
nous avions effectivement proposé un amendement pour augmenter cette amende
minimale et que c'est le gouvernement libéral qui avait refusé. Alors,
je vais vous dire, la gêne devrait être double, M. le Président.
Alors, M. le
Président, quand je suis arrivé en fonction, quand je suis arrivé en fonction
comme ministre de la Justice, il y
avait sur mon bureau toute une série de dossiers non réglés, dont celui-là. Et
je suis, M. le Président, en train de les
régler un par un. Je viens de régler le dossier de l'aide juridique, M. le
Président, nous allons augmenter, effectivement…
Des voix : …
M.
St-Arnaud : Nous allons, monsieur… À l'aide juridique, M. le
Président, nous allons augmenter les seuils d'admissibilité de 15 % le 1er janvier prochain et d'un autre
15 % dans 18 mois. C'est une demande, depuis 30 ans, les organismes communautaires, en matière juridique.
Je suis en train de régler les dossiers, on les règle un par un, et,
celui-là, on va le régler également, M. le Président.
Le Président : Alors, cela
met fin à la période de questions et de réponses orales.
Des voix : …
Motions sans préavis
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! Alors, nous en
sommes à la rubrique Motions sans préavis. En fonction de nos règles et
de l'ordre de présentation des motions sans préavis, je reconnais maintenant un
membre du groupe formant le gouvernement. M. le ministre du Développement
durable.
M.
Blanchet : Merci,
M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée
afin de présenter la motion suivante :
«Que
l'Assemblée nationale déplore le manque de collaboration et les entraves
imposées par l'administration du Port de Québec et par certaines
entreprises à l'encontre des inspecteurs du ministère du Développement durable,
de l'Environnement, de la Faune et des
Parcs, prétextant une juridiction du gouvernement fédéral. Que l'Assemblée
nationale demande au gouvernement du Canada et à l'autorité du Port de Québec
de donner immédiatement et sans condition l'accès
aux inspecteurs du MDDEFP sur le site du port, afin de protéger la santé et la
sécurité des citoyens de Québec et de Limoilou.»
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, M. le ministre.
Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette question… de cette
motion?
Des voix : …
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Oui? Alors, il n'y a pas de consentement.
Nous passons
à la deuxième motion. Je reconnais un membre du groupe formant l'opposition
officielle. Mme la députée de l'Acadie.
Des voix : …
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
S'il vous plaît! S'il vous plaît! Mme la députée de l'Acadie.
Souligner le départ à
la retraite de
M. Raymond Legault de l'Union des artistes
Mme
St-Pierre :
Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de
présenter la motion suivante conjointement avec le ministre de la
Culture et des Communications, la députée de Montarville, le député de
Blainville et la députée de Gouin :
«Que l'Assemblée nationale souligne le départ à
la retraite de M. Raymond Legault de l'Union des artistes;
«Qu'elle
reconnaisse la contribution exceptionnelle de M. Legault au rayonnement de la
culture québécoise par ses 32 ans d'engagement au sein de cet organisme;
«Qu'elle
félicite Mme Sophie Prégent pour sa nomination à titre de nouvelle présidente
de l'Union des artistes.»
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Merci, Mme la députée de l'Acadie. Est-ce qu'il y a consentement…
Des voix : …
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : S'il vous plaît! Est-ce qu'il y a consentement
pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.
M.
Traversy : Merci, M. le Président. Il y a consentement pour
débattre de cette motion pour un temps de parole
d'approximativement une minute par intervenant, en commençant bien sûr par la
députée d'Acadie, suivie par la députée de Montarville, de la députée de
Gouin et en terminant bien sûr par le ministre responsable de la Culture et des
Communications.
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Parfait. Donc, je comprends qu'il y a
consentement pour qu'il y ait quatre intervenants et pour que la durée des
interventions soit d'une durée maximale de deux minutes?
Une voix :
…
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Une minute. Alors, Mme la députée de l'Acadie.
Mme Christine St-Pierre
Mme
St-Pierre :
Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris
hier que Raymond Legault quittait ses fonctions de président de l'Union des
artistes pour cause de maladie.
M.
Legault oeuvre dans le milieu artistique depuis plus de 30 ans. Il a connu
une magnifique carrière au théâtre, au
cinéma, à la télévision. Ses rôles dans les plus grandes séries télévisées ont
été marquants, pensons à Terre humaine, Le Temps d'une
paix, Cormoran, Le Retour, entre autres.
En
2007, Raymond Legault devenait président
de l'Union des artistes, qui regroupe 12 000 membres, organisme dans lequel il s'impliquait
déjà depuis de nombreuses années. C'est toujours avec passion qu'il a défendu
les intérêts de tous ses membres.
Nous
avons eu de nombreuses occasions de travailler, lui et moi, et je dois dire que
j'en garde un excellent souvenir, souvenir
d'un homme dévoué, souvenir d'un homme respectueux. Raymond Legault a, entre
autres, joué un rôle important en
appuyant des changements que j'ai pilotés pour modifier la loi sur le statut de
l'artiste afin d'y inclure les artistes en arts visuels, une avancée majeure pour ces créateurs. Sans cet appui
important, cette loi n'aurait pas pu voir le jour. Cette loi a ramené la
paix syndicale dans les tournages cinématographiques à Montréal.
Nous souhaitons aussi
bonne chance à Mme Sophie Prégent, et nous souhaitons surtout que Raymond
Legault retrouve rapidement la santé. Merci, M. le Président.
• (15 h 10) •
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, Mme la députée de
l'Acadie. Je cède maintenant la parole à la députée de Montarville. Mme
la députée.
Mme Nathalie Roy
Mme
Roy
(Montarville) : Oui, merci, M. le Président. Raymond
Legault est entré en poste à la présidence de l'Union des artistes en janvier 2007. Avant d'aborder comment il a
laissé sa marque, rappelons brièvement que sa carrière de comédien est tout aussi éloquente :
pionnier de la fameuse Ligue nationale d'improvisation, accompagné de sa
soeur Sylvie, il a fait partie de distributions remarquables dans le téléroman Terre
humaine et dans des séries télévisées comme Cormoran, À nous deux!
et Le retour, entre autres. Il s'est fait connaître aussi du grand
public dans le film Bach et Bottine, souvenez-vous.
Raymond
Legault compte une grande expérience dans le domaine de la gestion et de
l'administration du secteur culturel.
Au conseil d'administration du Fonds d'investissement de la culture et des
communications depuis longtemps, il a été
membre du comité consultatif d'investissement. Les conditions de travail des
artistes au Québec ont progressé sous le leadership de Raymond Legault,
et nous l'en remercions. L'Union des artistes est le principal syndicat
d'artistes de la scène, de la télévision et
du cinéma au Québec. On pourra dire qu'à titre de président la promotion et la
défense de la langue française dans le milieu artistique,
particulièrement à Montréal et à Québec, a été au centre de la mission que
s'est donnée Raymond Legault.
Je
termine donc en soulignant l'immense contribution de Raymond Legault au
développement et au rayonnement du statut de l'artiste. J'en profite
pour féliciter Mme Sophie Prégent, qui relèvera avec brio, j'en suis
certaine, le défi de présider la destinée de l'Union des artistes. M. le Président,
au nom de ma formation politique, je souhaite à M. Raymond Legault beaucoup de santé pour la poursuite de ses
activités. Il mérite tout notre respect pour sa carrière et son bon
travail pendant les 32 années de son engagement avec l'UDA. Merci.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de
Montarville. Je cède maintenant la parole à la députée de Gouin. Mme la
députée.
Mme Françoise David
Mme
David : Merci, M. le Président. Nous apprenons donc aujourd'hui
le départ de M. Raymond Legault à titre de président de l'Union des
artistes après presque sept ans de loyaux services rendus à la communauté
artistique du Québec. Je joins ma voix à
celles de mes collègues pour le remercier de sa contribution et lui souhaiter
de profiter avec les siens du temps à venir.
Il aura été un de ceux et de celles
qui auront assumé le plus longtemps la présidence de l'UDA, après, bien
sûr, le regretté Serge Turgeon et notre ex-collègue ici, à l'Assemblée
nationale, Pierre Curzi. Presque sept ans à défendre les intérêts et les droits des artistes n'est pas
une mince tâche, mais plus de 30 ans à s'impliquer au sein de l'UDA,
c'est remarquable. C'est tout à son honneur de l'avoir fait avec conviction et
passion. Soulignons qu'il a connu aussi, au fil de ces années, une carrière
impressionnante tant au théâtre qu'au petit écran.
Il
sera remplacé par une femme, la quatrième à assumer de telles fonctions, Mme
Sophie Prégent. Comme mes collègues, je l'en félicite et lui souhaite
tout autant de succès qu'à son prédécesseur. Merci, Raymond Legault, et
bienvenue, Sophie Prégent.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, Mme la députée de
Gouin. Je cède maintenant la parole au ministre de la Culture et des
Communications. M. le ministre.
M. Maka Kotto
M.
Kotto : M. le Président, je joins ma voix à celles de mes
collègues pour saluer la contribution de M. Raymond Legault à la
présidence de l'Union des artistes, une fonction qu'il a occupée au cours des
sept dernières années avec rigueur et
passion. Cette contribution à la tête de l'UDA a été l'aboutissement naturel de
son engagement au sein de cet organisme dans lequel il œuvre depuis une
bonne trentaine d'années, en fait depuis l'envol de sa formidable carrière de comédien, cet exceptionnel apport à l'image du
personnage qui s'est battu constamment pour obtenir de meilleures conditions de travail pour ses 12 000 collègues membres de l'UDA, et ce, en
usant de toutes les tribunes possibles pour faire valoir la mission de l'UDA et promouvoir le statut
de l'artiste. À cet égard, il a été en phase avec les objectifs
historiques de cette organisation professionnelle dédiée à la défense des
intérêts sociaux, économiques et moraux de ses membres. À titre de président de l'UDA, Raymond Legault a ainsi fortement, à
l'instar de ses prédécesseurs depuis plus de 75 ans, contribué à
faire de la culture québécoise le socle de notre identité et permis d'en
dessiner le sens.
Au
nom de tous mes collègues, je tiens à le remercier très sincèrement et à lui
souhaiter une bonne continuation et une bonne santé. Nous tenons
également à féliciter la nouvelle présidente, Mme Sophie Prégent, et lui
assurer de l'entière collaboration du
gouvernement du Québec et du ministère de la Culture et des Communications dans
la poursuite des objectifs de l'Union des artistes. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Merci, M. le ministre de la Culture et des
Communications.
Mise aux voix
Est-ce que cette
motion est adoptée?
Des voix :
Adopté.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Adopté. Nous allons maintenant
passer à une autre motion, par la députée de Gouin. Mme la députée.
Rendre hommage à Mme Maria Barile, militante
des droits des femmes et des personnes handicapées,
et offrir des condoléances à sa famille et à ses proches
Mme
David : Merci, M. le Président. Je demande le consentement de
la Chambre pour débattre de la motionsuivante
conjointement avec la ministre déléguée aux Services sociaux et à la Protection
de la jeunesse, la députée de Hull, la députée d'Arthabaska et le député
de Blainville :
«Que l'Assemblée
nationale rende hommage à […] Maria Barile, décédée le 24 juillet dernier;
«Qu'elle offre ses
plus sincères condoléances à sa famille ainsi qu'à ses proches;
«Qu'elle souligne le travail et l'implication de
cette féministe et militante infatigable en quête d'une société réellement
inclusive, qui permet à toutes les personnes handicapées, particulièrement les
femmes, d'y tenir un rôle égalitaire;
«Que cette Chambre
honore une vie remplie de combats contre les inégalités, pour l'inclusion et la
dignité universelle.»
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, Mme la députée de
Gouin. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M.
le leader adjoint du gouvernement.
M. Traversy :
M. le Président, il y a consentement pour débattre de cette motion, toujours
pour un temps de parole d'approximativement une minute par intervenant, en
débutant bien sûr par la députée de Gouin, suivie par la députée de Hull, la
députée d'Arthabaska, et évidemment, en terminant, bien sûr, par la ministre
responsable des Services sociaux et de la Protection de la jeunesse, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
D'accord. Alors, Mme la députée de Gouin.
Mme
Françoise David
Mme David :
Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais souligner la présence de proches
de Maria Barile ici, dans les banquettes, et de personnes qui ont
très longtemps travaillé avec elle. Maria Barile aurait célébré aujourd'hui son 60e anniversaire. Elle est
décédée le 24 juillet 2013 à l'âge de 59 ans, trop jeune et trop
tôt. Elle était une féministe et une militante infatigable, en quête
d'une société réellement inclusive qui permet à toutes les personnes handicapées, et particulièrement
les femmes, d'y tenir un rôle égalitaire. Elle fut l'une des fondatrices du Réseau d'action des femmes handicapées,
d'Action des femmes handicapées de Montréal et du Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec.
Maria
s'est battue pour l'abolition totale des barrières architecturales et des
politiques limitatives ainsi que pour le respect des droits de celles et
ceux subissant de l'exclusion. Au cours de sa vie, Maria Barile s'est battue
pour des stations de métro accessibles aux
personnes en fauteuil roulant, pour des services d'interprète en langue signée,
pour des centres d'hébergement pour
femmes violentées accessibles. Toutes ses actions ont été marquées par sa
perspicacité, son intégrité et son
altruisme profond. Son départ laisse un vide énorme sur l'échiquier des droits
des personnes handicapées et des
mouvements de justice sociale au Québec et au Canada. Il est de notre
responsabilité de poursuivre ses combats. Merci, M. le Président.
• (15 h 20) •
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, Mme la députée de
Gouin. Je cède maintenant la parole à la députée de Hull. Mme la
députée.
Mme Maryse Gaudreault
Mme
Gaudreault :
Merci, M. le Président. Alors, c'est avec une grande tristesse que nous avons
appris, le 24 juillet dernier, le décès
de Maria Barile, pionnière des droits des personnes et des femmes handicapées
au Québec et au Canada. Maria Barile
a passé sa vie à se battre pour donner plus de services et d'accès aux
personnes handicapées. Cette militante
de la première heure a tout mis en œuvre pour sensibiliser la population, tant
au Québec qu'au Canada, à la cause des personnes handicapées. Elle a
cofondé l'Action des femmes handicapées de Montréal, le Réseau d'action des
femmes handicapées du Canada et Éco-Accès, un groupe de consultation travaillant
à rendre les espaces écologiques, économiques et accessibles à tous. Elle a
publié des textes sur les handicaps, le féminisme et la technologie. Elle a
donné des ateliers et des conférences sur les questions touchant le
handicapisme.
Féministe
courageuse qui ne reculait devant rien, Maria Barile n'a jamais ménagé ses
efforts pour assurer le respect, la sécurité et l'égalité des personnes
en situation de handicap. Par l'entremise de ses actions et de son engagement, Maria Barile a prôné l'autonomie des femmes
handicapées. Elle a prôné que cela passait par le savoir, l'éducation et
l'accès à l'information. Avant son décès,
elle planchait sur un projet en lien avec les maisons d'hébergement et de
transition pour femmes violentées, un projet qui devait être le coup
d'envoi pour l'accessibilité universelle de ces maisons afin que toutes les
femmes puissent y avoir accès.
M. le Président,
Maria Barile nous laisse un héritage précieux, et nous souhaitons aujourd'hui présenter nos condoléances à ses frères, qui sont ici, dans nos tribunes, et à tous
ceux et celles qui ont eu le privilège de la connaître. À nous de poursuivre
son œuvre, car le chemin qu'elle a pavé portera à jamais son empreinte
indélébile. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de Hull.
Je cède maintenant la parole à la députée d'Arthabaska. Mme la députée.
Mme Sylvie Roy
Mme
Roy (Arthabaska) : Il me fait plaisir, au nom de la Coalition
avenir Québec, de prendre la parole sur cette motion. Je veux débuter par offrir mes condoléances à la famille, à ses
amis et à tous ceux qui l'ont côtoyée, qui ont eu cette chance. Je fais
miens les propos que mes deux collègues ont dits. Je ne répéterai pas les faits
d'armes de votre sœur, mais, à la lecture de
tout ce qu'elle a fait, ce que je constate, c'est qu'elle a fait ce qui est à
peu près le plus difficile dans notre société, c'est vaincre la force
d'inertie d'une société.
Faire les
changements, ça prend du courage, et, au début, on est souvent… on peut être
ridiculisé, par la suite écouté, ensuite…
non, même pas écouté, entendu, ensuite écouté, ensuite aidé. Mais ça, c'est un
parcours de combattant. Et je dis
souvent à mes enfants : Qu'est-ce que vous pensez qui est le plus
fort — maintenant,
ils savent la réponse, parce que je
leur ai posé souvent la question — l'eau ou le rocher? Et je dis : Le
rocher n'est pas plus fort que l'eau parce que, par la persistance, l'eau finit par percer le rocher. C'est
l'exemple de votre sœur, je la félicite, c'est un modèle pour nous.
Merci.
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Merci, Mme la députée d'Arthabaska. Je cède
maintenant la parole à la ministre déléguée aux Affaires municipales…
Une voix :
…
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : …à la Santé et Services sociaux et la
Protection de la jeunesse.
Mme Véronique Hivon
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. Alors, je tiens, bien sûr, à mon tour, à saluer les
membres de la famille et les proches
de Mme Barile qui nous honorent aujourd'hui de leur présence à l'Assemblée
nationale. Mais surtout j'aimerais
souligner, à mon tour, tout l'engagement, le courage et la détermination de
Maria Barile, qui nous a quittés
malheureusement dernièrement.
Militante de la première heure, défenderesse des
droits des personnes et des femmes handicapées, fondatrice de divers mouvements dont l'Action des femmes
handicapées de Montréal, le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada,
Éco-Accès, le RAPLIQ, Maria Barile a plus que jamais fait avancer la cause des
personnes handicapées. Et ce qui est assez
intéressant, c'est de voir que chaque personne qui parle et qui a parlé avant
moi a mis de l'avant différents faits
d'armes, comme quoi elle a fait énormément de choses, autant pour les personnes
handicapées que les femmes, bien sûr, plus spécifiquement les femmes
handicapées.
Elle a
vraiment su sensibiliser les gens à l'importance de lutter contre toute forme
de discrimination mais en mettant toujours l'accent sur l'importance de
l'inclusion des femmes et des personnes handicapées. Par des gestes d'éclat qui
ont su trouver toute leur place dans
l'espace public, elle a dénoncé avec force des situations d'exclusion. Par ses
paroles, elle a défendu des droits et fait
tomber des barrières. Par son parcours, elle a inspiré et continuera d'inspirer
des centaines de personnes
handicapées. En sa mémoire, je souhaite qu'il y ait toujours plus de Maria
Barile pour défricher, pour oser et pour faire une différence concrète
dans la vie des gens.
À titre de
ministre responsable des personnes handicapées, je porterai son message
d'inclusion, de solidarité et de respect envers les personnes
handicapées, et je peux lui dire, à travers les gens qui sont ici, ses proches
et sa famille, qu'elle représente pour moi une réelle inspiration au quotidien.
Merci, Maria Barile.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la ministre déléguée
à la Santé et Services sociaux, Protection de la Jeunesse.
Mise aux voix
Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix : Adopté.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Adopté. Alors, je vous
inviterais à vous lever pour garder une minute de silence à la mémoire
de Mme Maria Barile.
• (15 h 25 — 15 h 26) •
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Merci. Veuillez vous asseoir. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Traversy : Oui, M. le
Président. Je crois que c'est ce qui conclut notre rubrique des motions. Je
passerais donc aux avis touchant les commissions, si vous me le permettez?
Avis touchant les travaux des commissions
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
…
M. Traversy : Alors, je
comprends que vous me le permettez. J'avise donc cette Assemblée, M. le
Président, que la Commission de
l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles
entamera l'étude détaillée à l'égard
du projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur l'acquisition de terres
agricoles par des non-résidents, aujourd'hui, après les affaires courantes
jusqu'à 18 heures ainsi que de 19 h 30 à 21 h 30, à la
salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;
La Commission des finances publiques entamera
l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 39, Loi sur les régimes volontaires d'épargne-retraite, aujourd'hui,
après les affaires courantes jusqu'à 18 heures ainsi que de
19 h 30 à 21 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et
La Commission des institutions — avec
notre collègue de Chambly — poursuivra
l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 28, Loi instituant le
nouveau Code de procédure civile, aujourd'hui, après les affaires courantes
jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif.
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Vous aviez effectivement mon approbation.
D'accord. Alors, il n'y a pas d'avis de la
présidence.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée
Nous en
sommes à la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Je vous
informe que demain, lors des affaires inscrites par les députés de
l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de LaFontaine.
Cette motion se lit comme suit :
«Que
l'Assemblée nationale réitère sa pleine confiance envers l'organisme
indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse;
«Qu'elle exige que le gouvernement
péquiste s'engage formellement à respecter, dans son projet de loi sur
une charte des valeurs québécoises, les
droits et libertés de toutes les Québécoises et [de tous les] Québécois tels
que garantis par la charte québécoise des droits et libertés adoptée à
l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975.»
Par ailleurs, j'ai été informé que l'interpellation prévue ce vendredi entre M. le député de Lévis et M.
le président du Conseil du trésor serait devancée au jeudi
24 octobre, de 13 heures à 15 heures.
Est-ce qu'il y a
consentement pour déroger à l'article 298 du règlement relativement à
l'horaire habituel des interpellations et, le cas échéant, à l'article 20 du règlement afin que l'interpellation puisse se dérouler dans
la salle de l'Assemblée nationale et que les travaux de l'Assemblée soient suspendus pour une période équivalente à l'accomplissement
de ce mandat? Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix :
Consentement.
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Consentement.
Affaires du jour
La
période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant
passer aux affaires du jour. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M.
Traversy : Merci, M. le Président. Nous en sommes rendus à l'adoption de principe d'un projet
de loi très attendu, le projet de loi n° 52. J'aimerais que vous
appeliez l'article 11 de notre feuilleton.
Projet de loi n° 52
Adoption du principe
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Merci, M. le leader adjoint du gouvernement.
Alors, Mme la ministre déléguée aux Services sociaux et à la Protection de la
jeunesse propose l'adoption du principe du projet de loi n° 52, Loi
concernant les soins de fin de vie.
Y a-t-il consentement
pour déroger à l'article 236 du règlement prévoyant que le débat sur
l'adoption du principe est inscrit aux affaires du jour de la séance suivant
soit sa présentation soit le rapport de la commission? Est-ce qu'il y a
consentement?
Des voix :
Consentement.
• (15 h 30) •
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Consentement. Y a-t-il des
interventions? Oui, Mme la ministre déléguée à la Santé et Services
sociaux et à la Protection de la jeunesse, la parole est à vous. Vous avez
60 minutes.
Mme Véronique Hivon
Mme
Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Je dois vous dire
que je suis très heureuse aujourd'hui de prendre la parole au stade de l'adoption de principe du
projet de loi portant sur les soins de fin de vie. Je suis heureuse parce
que c'est un projet de loi d'une très grande
importance, d'une très grande, aussi, sensibilité, d'une très grande humanité,
qui porte sur une période de notre vie qui
est la fin de vie et, évidemment, qui touche absolument tout le monde parce
que, oui, je vous l'apprends, M. le Président, vous allez avoir une fin de vie,
je vais en avoir une, tous nos proches, nos amis, évidemment, vont passer à cette étape ultime, vont passer à cette étape
ultime de la vie qu'est la fin de vie. Et le projet de loi vise à donner toute sa place à cette étape de la
vie qu'est la fin de vie en reconnaissant aux personnes tout le soin,
tout l'accompagnement qu'elles ont besoin
pour répondre à leur situation spécifique en fin de vie. C'est un projet de loi
qui s'appuie sur des valeurs fondamentales, des valeurs de solidarité, de
compassion, de respect de la personne et aussi de protection, bien sûr, des personnes vulnérables, qui sont très
importantes dans notre société. Ce qu'on propose dans ce projet de loi, c'est vraiment une vision intégrée
de l'accompagnement des personnes en fin de vie, des soins qui doivent pouvoir être offerts aux personnes en fin de vie,
afin de répondre, comme je le disais, à toutes les situations qui
peuvent se présenter dans cette ultime étape de la vie.
Avant
d'aller au coeur du projet de loi, j'aimerais bien sûr prendre quelques minutes
pour revenir sur l'importantedémarche
démocratique et citoyenne qui a mené à la présentation de ce projet de loi en
juin dernier. Si on se reporte un peu
dans le temps, on va se rappeler que nous avons voté unanimement, en décembre
2009, une motion, une motion qui avait
été déposée par l'opposition, donc via ma personne, mais qui, fait rare, a été
adoptée à l'unanimité des parlementaires pour mettre en place cette
importante commission sur la fin de vie appelée Commission spéciale sur la
question de mourir dans la dignité. Et je
vois ma collègue de Hull, que je ne connaissais pas du tout à l'époque, et qui
était présente lors du dépôt et du
débat sur cette motion, et qui était intervenue, et qui, pour la première fois,
était venue me parler, et qui, par un
heureux hasard, parce qu'il y a beaucoup d'heureux hasards dans le cheminement
de ce dossier-là, est devenue ma collègue
et ma complice dans les travaux qui ont suivi pendant près de trois ans,
ensuite, pour la commission, parce que nous avons été présidente et
vice-présidente de cette commission.
Pourquoi, à
l'époque, avions-nous déposé cette motion? Pourquoi l'Assemblée avait voté
unanimement la mise sur pied de cette
commission spéciale? Bien, tout d'abord parce qu'à l'automne 2009 il faut se
rappeler qu'il y a eu un très important rapport du
Collège des médecins qui a été déposé, après des années de travail d'un comité
du Collège des médecins sur les soins de fin
de vie, dans lequel le Collège des médecins interpellait l'Assemblée nationale,
interpellait ses représentants élus, ses élus québécois, pour chercher avec
eux, avec le Collège des médecins, des réponses pour permettre que l'on puisse donner des réponses aux personnes qui, à ce
jour, peuvent être sans réponse à la fin de leur vie, peuvent être sans réponse quant aux souffrances et
aux douleurs qu'ils vivent, qu'ils traversent dans cette étape ultime de
leur vie. Et le Collège des médecins nous
interpellait en nous disant : Plusieurs de nos membres, plusieurs des
médecins que nous représentons se retrouvent
face à des situations où ils souhaitent accompagner, bien sûr, jusqu'à la fin
leurs patients, mais où ils se
retrouvent dans des voies sans issue à l'occasion parce qu'ils sont face à des
patients souffrants qui, malgré les meilleurs
soins que l'on peut leur prodiguer, n'arrivent pas à voir leurs souffrances et
leurs douleurs apaisées. Donc, ils en appelaient
à la responsabilité des élus québécois de regarder cette question-là qui en
était pour eux, et qui en est aussi une pour nous, de compassion,
d'accompagnement et de soins que l'on doit prodiguer à quelqu'un en fin de vie.
Par ailleurs,
à l'automne 2009, il y avait certains groupes, dans la foulée de ce rapport,
dans la foulée aussi des prises de
position des fédérations de médecins, les médecins spécialistes comme les
médecins omnipraticiens, qui disaient qu'effectivement
dans leurs membres, notamment via des sondages qu'ils ont effectués, il y avait
une certaine détresse face à des situations excessivement complexes en
fin de vie. Il y a eu aussi des groupes, je pense à la FADOQ, je pense à l'AFEAS, qui ont rapidement demandé aux élus
québécois de faire ce débat. Il y a aussi eu des citoyens, des
personnes, des personnes qui sont malades, des
personnes qui ont accompagné des proches qui ont été très malades, qui ont
vécu des moments difficiles en fin de vie,
qui, via les médias, de manière, je dirais, médiatique ou par des échanges, ont
interpellé à leur tour les élus pour que ces débats-là aient lieu.
Et, quand
j'ai présenté cette motion, M. le Président, je l'ai fait parce que je suis
convaincue que, quand il y a un débat
d'une telle importance, quand des questions aussi fondamentales sont soulevées
par la société, c'est la responsabilité des élus, dans une démocratie, de faire face à la musique et de dire que
ce débat, on va le tenir en permettant aux conditions les plus favorables à la tenue d'un débat sain et
responsable d'être mises en place. Ces conditions favorables, c'est dedire : On va organiser un forum, un forum qui va aller vers la population pour
pouvoir engager un dialogue, un dialogueprofond, un dialogue
respectueux puis un dialogue qui va aller aussi en profondeur de toutes ces
questions-là relatives à la fin de vie.
Parce que
pourquoi la fin de vie est devenue si complexe, M. le Président, pourquoi ces
questions-là se posent avec beaucoup plus d'acuité maintenant que dans
le passé? Bien, d'abord et avant tout, c'est parce que, bien sûr, la médecine a
connu des avancées extraordinaires, ce qui fait en sorte que les gens vivent
beaucoup plus longtemps, mais évidemment,
dans certaines circonstances, le prolongement de la vie n'est pas toujours
synonyme de qualité de vie. Et évidemment, dans plusieurs de ces
circonstances, cette espèce de force incroyable de la médecine, en 2013, fait
en sorte qu'on est face à des gens qui n'ont
plus de force, sont en toute fin de vie, mais qui sont toujours vivants parce
que la médecine a eu de ces avancées
extraordinaires qui, je crois, il faut saluer. Mais il faut aussi être
conscient qu'à certains égards ces avancées ont eu un effet, je dirais,
pervers, à la fin de vie pour certaines personnes.
Donc, ce sont
d'autres éléments qui étaient dans le débat, et, forte de cette conviction que nous
devions prendre nos responsabilités, que ce n'était surtout pas aux
tribunaux de faire ce travail, que ce n'était surtout pas aux tribunaux de déterminer de l'issue d'enjeux, de débats aussi
fondamentaux qui touchent autant les gens dans leur sensibilité, dans
leur humanité, leurs valeurs, leurs convictions profondes, j'étais convaincue
que c'était un débat qui devait se faire dans notre
enceinte, à l'Assemblée nationale, avec les élus de toutes les formations
politiques. Et je dois vous dire que j'ai été ravie quand j'ai senti cette même volonté de l'ensemble des
parlementaires, lorsque la motion a été adoptée à l'unanimité.
Alors, par la
suite, il y a bien sûr eu cette fameuse commission, Mourir dans la dignité, qui
a été une commission itinérante, qui
s'est déplacée dans huit villes du Québec après avoir entendu 32 experts, qui
est allée à la rencontre des citoyens,
parce que, oui, on voulait entendre des experts, oui, on voulait entendre les
groupes qui représentent la société civile, mais notre volonté, et elle
a été ferme dès le début, c'était d'aller entendre les citoyens, ceux qui
vivaient des situations difficiles de
maladie, ceux qui avaient accompagné des proches, ceux qui avaient des choses à
nous dire quant aux orientations qui
devraient être prises concernant toutes ces questions complexes de soins de fin
de vie. Et je dois vous dire que le
pari a été réussi, parce que l'engouement a été énorme. On a eu des centaines
de personnes qui sont venues, qui ont
déposé des mémoires. Et, fait assez inusité, les trois quarts des gens ou
groupes que nous avons entendus étaient justement des citoyens, des individus et non pas des associations. Et,
pour nous, c'était déjà un signe que la consultation était nécessaire, qu'elle suscitait beaucoup
d'intérêt, mais surtout qu'elle, vraiment, arrivait à ses fins, d'entendre ce
que les gens, ce que la population avait à nous dire.
• (15 h 40) •
Donc, oui, un
engouement sans précédent, des centaines de mémoires, des centaines de
personnes entendues, des milliers de
personnes qui ont répondu, près de 6 000 personnes qui ont répondu au
questionnaire en ligne, à la consultation en ligne et, je vous dirais, un dialogue d'une richesse incroyable. Et
c'était vraiment, pour tous les parlementaires qui ont été participer, une expérience marquante, parce que
non seulement les gens venaient parler d'expériences très intimes,
souvent, avec toute la force de leurs
convictions, de ce qu'elles avaient vécu de positif ou de moins positif, mais
aussi de voir toute l'écoute qui se dégageait entre les gens qui
pouvaient avoir des positions diamétralement opposées, mais que cette écoute-là était empreinte de respect. Et, ça
aussi, je vous dirais que c'était un autre élément qui nous a fait dire que
notre pari était aussi réussi à cet égard-là,
parce que la confiance qui nous habitait d'être capables de tenir ce débat-là
dans le respect, elle ne nous a jamais quittés, parce qu'effectivement,
ville après ville, journée après journée — il y en a eu de très nombreuses — ce respect était toujours présent. Et,
encore plus, les personnes qui venaient assister à nos débats, à nos consultations, souvent en fin de journée, on
laissait une période de micro ouvert et donc spontanément plusieurs
citoyens… plus de 100 sont venus parler pour
dire un peu leurs avis à la lumière de ce qu'ils avaient entendu pendant la
journée. Donc, formidable exercice démocratique, mais formidable, aussi,
exercice de délibération des membres de cette Assemblée.
Et je veux, d'entrée de jeu, témoigner
de tous mes remerciements et de toute ma gratitude à tous ces membres de
la commission qui, j'en suis convaincue,
seraient tout aussi heureux que moi de parrainer ou de marrainer ce projet de
loi. Donc, bien sûr, je faisais référence à
ma collègue la députée de Hull, qui a été la deuxième présidente de cette
commission et avec qui nous avons travaillé
très, très étroitement, mais aussi, précédemment, à notre collègue de
Jacques-Cartier, qui a été le président, avec qui j'ai travaillé aussi
très étroitement, dès le départ, pour que la bonne impulsion soit donnée à ces
travaux-là.
Et je veux remercier
les autres collègues : la députée de Mille-Îles, la députée aussi… j'ai
un… la députée de Mille-Îles, le député
précédent des Îles-de-la-Madeleine, qui était avec nous dans cette
commission-là, la députée aussi de Marguerite-d'Youville,
qui était là précédemment, l'ex-député de Deux-Montagnes. Et évidemment, comme
on le sait, c'est une commission qui a réuni des représentants… il y
avait le député de Mercier aussi et ma collègue la députée de Champlain, et
tout le monde a mis l'épaule à la roue, des représentants des quatre formations
politiques, pendant ces 51 séances de
travail. Et, bien sûr, pendant ces nombreux mois — parce que les séances de travail ont duré
plus d'une année après les consultations — il y a eu toutes
sortes de débats, des débats plus houleux que d'autres d'ailleurs dans cette enceinte, mais toujours on a été capables de
s'élever au-dessus de la partisanerie et de rentrer, en quelque sorte,
dans cette bulle qui est… quand on arrivait
à nos délibérations parce qu'on était animés par l'intérêt commun, par le bien-être
des personnes, et c'est ce qui nous a guidés tout au long de ces travaux.
Donc,
je dirais, forts de cet esprit-là, on a réussi à arriver à déposer un rapport
unanime avec 24 recommandations unanimes
qui s'appuyaient sur l'ensemble de ce qu'on avait entendu, qui s'appuyaient sur
l'ensemble des expertises qu'on avait
reçues, qui s'appuyaient aussi sur une mission qu'on a menée, en France, en
Belgique et aux Pays-Bas, pour aller voir
ce qui se faisait ailleurs dans les pays qui ont vraiment regardé de près et
ont légiféré sur toute la question de la fin de vie. Et, pour moi, ça aussi, c'est un autre pari de réussi d'avoir pu en
venir, dans des contextes pas toujours faciles, parce qu'on sait c'est quoi, la politique au quotidien
et la partisanerie au quotidien, qui est nécessaire parfois, mais au-dessus
de laquelle il faut aussi savoir s'élever…
Donc, je pense que c'est avec beaucoup de fierté que l'ensemble des membres
de la commission a déposé son rapport le 22 mars 2012.
Alors, quand j'ai
travaillé… Parce qu'entre-temps je suis devenue ministre responsable du
suivi de ce dossier et, quand j'ai
travaillé à l'élaboration du projet de loi pour lequel nous débattons
aujourd'hui du principe, je dois vous dire que j'ai été guidée en tout
temps par ces travaux-là. J'étais très soucieuse d'être fidèle à l'esprit de ce
qui nous avait animés et de ce qui nous
avait conduits à mettre de l'avant ces 24 recommandations là. Et je suis
très heureuse de voir que, depuis le dépôt de
ce projet de loi là, les travaux se continuent — je
vais y venir aussi bientôt — mais
dans un très bel esprit, encore, de collaboration, avec d'autres collègues des partis d'opposition qui ont pris la
relève, des collègues aussi du côté ministériel qui ont pris la
relève au sein de la commission parlementaire, et que cet esprit de
non-partisanerie, cet esprit de collaboration est toujours très présent. Pour moi, c'est d'une très grande richesse,
et je pense que c'est aussi de nature à redonner
confiance aux citoyens, qui voient qu'on est capables aussi de faire notre travail de la manière la plus, je dirais,
productive, sensible et respectueuse possible, bien sûr, quand l'intérêt
des citoyens le commande.
Donc,
j'ai vraiment été animée par ces travaux. J'ai été animée bien sûr
par le rapport et par ses conclusions, et le projet de loi, donc, que j'ai
déposé, le projet de loi n° 52 concernant les soins de fin de vie que j'ai
déposé en juin dernier, c'est un projet de loi qui est vraiment en droite ligne avec les recommandations de la commission. Et je vous dirais que, considérant autant l'intérêt que l'espoir qui
avaient été suscités par nos travaux de la commission, considérant
l'intérêt que la population porte à ces questions-là quand ils se projettent notamment
dans leur fin de vie, considérant bien sûr l'ampleur
exceptionnelle de la consultation qui a été menée, considérant toute l'avancée,
toutes les avancées qu'on avait pu franchir
comme groupe de parlementaires
ensemble, nous avions vraiment la responsabilité, comme gouvernement, de
donner suite à ce rapport, de donner suite à ces recommandations.
Et,
lorsque ce projet de loi a été élaboré, il a été élaboré dans le même esprit,
c'est-à-dire d'en arriver avec une loi, comme je le disais d'entrée de jeu, qui laisse toute la place à la
personne, qui met la personne au centre de notre réflexion, au centre de
notre réflexion pour cette étape ultime de la vie qu'est la fin de vie et de donner
toute la place à la fin de vie dans une loi.
Pourquoi, d'ailleurs,
avoir fait le choix d'une loi spécifique plutôt que d'avoir modifié différentes
lois? C'est justement pour qu'il y ait cette
reconnaissance très forte que cette étape-là de la fin de vie, que cet
accompagnement-là, que ces droits des personnes en fin de vie sont
fondamentaux et qu'on les reconnaît noir sur blanc dans une loi qui est
précisément là pour les personnes qui sont en fin de vie.
On
s'appuie d'abord, dans ce projet de loi, sur des valeurs que je mentionnais,
les valeurs de respect, d'autonomie de la personne, de solidarité, de
compassion, de protection des personnes vulnérables, aussi, bien sûr, à cet
espoir des Québécois et des Québécoises que l'on réponde à leurs attentes,
leurs attentes de pouvoir trouver des réponses à leur situation et à leurs
besoins spécifiques en fin de vie. Parce que, oui, les Québécois et les
Québécoises, ils souhaitent pouvoir être
rassurés, rassurés qu'en fin de vie on va tout faire pour les accompagner
adéquatement, qu'on va tout faire pour répondre à leurs souffrances et à
leurs douleurs si, malheureusement, ces douleurs et ces souffrances devaient
être présentes. Et je pense qu'en soi le
projet de loi a une vertu intrinsèque, mais il a aussi cette vertu de rassurer
les gens, de rassurer qu'importe
leurs maladies, qu'importent leurs circonstances, qu'importent leurs besoins,
qu'importe la complexité de ce qu'ils vivent, on va les accompagner, on
ne les laissera pas tomber dans leurs demandes, dans leurs requêtes d'être
soulagés.
• (15 h 50) •
Donc,
le projet de loi vise cet accompagnement et il vise aussi à permettre aux
personnes de voir leurs volontés respectées en fin de vie, les volontés
qu'elles ont pu établir de manière anticipée, que, lorsque, par exemple, elles deviendraient inaptes ou dans un état d'inconscience ou
qu'elles ne seraient plus en mesure de faire valoir par elles-mêmes leurs volontés, on pourra référer aux
volontés qu'elles auraient exprimées à l'avance et on pourra leur donner
tout leur poids. Ça aussi, c'est très important.
Donc, de quoi il en ressort plus spécifiquement
dans ce projet de loi? Bien, d'abord, c'est un projet de loi qui consacre des principes et des droits. Premièrement, il a un premier volet qui porte sur les droits des personnes, l'organisation
et l'encadrement relatif aux soins de fin de vie,
donc qui comprennent les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir,
qui est une option exceptionnelle pour des
cas exceptionnels de souffrances exceptionnelles, très, très
balisée et encadrée. Et je vais y
revenir un petit peu plus tard. Et, deuxièmement, il y a
tout ce volet, donc, dans le projet
de loi, en lien avec le respect de l'autonomie et des volontés de la
personne, qui est la mise en place du régime des directives médicales
anticipées afin de reconnaître précisément la primauté des volontés exprimées
clairement et librement par une personne.
Donc, je vais
quand même me permettre de vous lire les principes qui
doivent guider toute l'interprétation de ce projet de loi et qui nous
ont guidés dans son élaboration. Premièrement — et c'est à l'article 2 du projet
de loi :
«1° le
respect de la personne en fin de vie et la reconnaissance de ses droits et libertés
doivent inspirer chacun des gestes posés à son endroit;
«2° la
personne en fin de vie doit, en tout temps, être traitée avec
compréhension, compassion, courtoisie et équité, dans le respect de sa
dignité, de son autonomie, de ses besoins et de sa sécurité; [et]
«3° les
membres de l'équipe de soins responsable d'une personne en fin de vie
doivent établir et maintenir avec elle une communication ouverte et
honnête.»
Et ça, c'est
très important pour s'assurer que la personne et ses proches savent en tout
temps à quoi s'en tenir, qu'ils connaissent l'état de leur situation,
leurs pronostics, leurs options, leurs droits, c'est fondamental. Parce qu'on
s'est rendu compte, dans le courant des
travaux de la commission spéciale, qu'il y avait encore beaucoup
de tabous, qu'il y avait encore beaucoup de difficultés à aborder ces
différents enjeux-là, très sensibles, en fin de vie. Et c'est pourquoi c'est si
important que ce principe de la communication ouverte, transparente et continue
soit au coeur du projet de loi.
Donc, le projet de loi vient prévoir noir sur blanc
les droits des personnes en fin de vie en matière de soins. Il consacre tout
d'abord le droit de refuser ou d'interrompre un soin, même s'il est nécessaire,
même s'il devrait être nécessaire pour
qu'une personne puisse être maintenue en vie. Ce qui veut dire, par exemple, le
droit d'être débranché d'un respirateur, le droit d'arrêter, de cesser
des traitements, comme de cesser une dialyse, par exemple. C'est un droit qui existe déjà dans notre jurisprudence, mais qui,
maintenant, est établi dans notre législation à travers ce projet de loi.
Mais surtout le projet de loi prévoit le
droit, pour toute personne dont l'état le requiert, de recevoir des soins de
fin de vie et il prévoit que ces
soins peuvent être offerts autant en centre hospitalier, en CHSLD, donc dans un
établissement, en maison de soins palliatifs qu'à domicile. Ça aussi,
c'est une avancée importante.
Et, pour la
première fois, dans la loi, on reconnaît formellement l'importance, on consacre
l'importance des soins palliatifs, de
l'accès aux soins palliatifs. On en fait un droit formellement reconnu dans le
projet de loi. Donc, les personnes en
fin de vie ont un droit d'avoir accès aux soins de fin de vie, dont les soins
palliatifs. Et on va très loin dans le projet de loi en faisant en sorte
que tous les établissements devront se doter d'une politique et d'un programme
clinique de soins de fin de vie pour
s'assurer que les personnes vont recevoir, en fin de vie, tous les soins
qu'elles sont en droit de recevoir. Donc, ça, c'est très important.
Pourquoi
c'est si important de consacrer les soins palliatifs? Parce que les soins
palliatifs, M. le Président, c'est la réponse par excellence aux
situations de souffrance des gens en fin de vie. La très grande majorité des
gens reçoivent des soins palliatifs et
voient leurs souffrances et les difficultés qu'ils vivent en fin de vie
atténuées, apaisées par les soins palliatifs
qui, au-delà de soins, sont aussi une approche, sont aussi, je vous dirais, une
avancée en termes d'interdisciplinaritéet de prise en compte de la personne dans toute la complexité de sa
situation globale. Donc, les soins palliatifs, ça tient compte autant des besoins physiques que psychologiques, émotifs, spirituels d'une personne
ainsi que de ses proches, de sa famille.
Donc, cette approche-là, elle est très, très fondamentale, et on vient
consacrer son importance dans le projet
de loi en reconnaissant comme tels l'existence et ce droit, donc, aux soins
palliatifs.
Et ce n'est
pas désincarné. Et, je tiens à le dire et à le redire : Notre engagement, dans le projet de loi, pour les soins palliatifs, il se traduit
aussi très concrètement dans le travail que l'on fait présentement au gouvernement,
que je mène présentement pour améliorer les
soins palliatifs, pour les bonifier. Et d'ailleurs, à cet égard, on a
annoncé au mois de mai dernier un 15 millions d'investissements, de nouveaux investissements en soins
palliatifs, dont un 11 millions
pour les soins palliatifs à domicile et un 4 millions pour développer des nouveaux lits et consolider les lits existants. Et
aujourd'hui j'ai eu le privilège d'annoncer les premiers effets très, très
concrets de ce 15 millions en disant que pour cette année 47 nouveaux lits dédiés, donc d'ici le mois
de mars, vont être ajoutés et par
ailleurs qu'on va être en mesure de
bonifier, avec ce qu'on a annoncé au mois de mai, de 13 % le soutien qu'on
offre aux maisons de soins palliatifs. Donc, on va rehausser de 13 % le financement qui est accordé présentement aux
maisons de soins palliatifs. C'est un engagement formel. Ma collègue de Gatineau m'a entendue souvent, à
maintes reprises, le dire pendant les consultations, qui se sont
terminées il y a une dizaine de jours. Mais,
pour nous, ces deux chantiers, le projet de loi et le chantier des soins
palliatifs, sont liés et ils sont
menés de pair. Et je suis heureuse de pouvoir aussi donner des résultats
concrets, en toute transparence, de ce qu'on réussit à faire avec cet
investissement supplémentaire.
Aussi, peut-être un petit mot très précis sur un
soin qui est très mal connu dans les soins palliatifs, celui de la sédation palliative continue ou terminale. Donc,
il y a un débat à savoir quel est le meilleur terme, et ce type de
débats et de réflexions qui ont été portés à
notre connaissance bien sûr fait l'objet de réflexions en ce moment pour qu'on
arrive avec le meilleur terme final dans le
projet de loi. Et on vient l'encadrer plus qu'actuellement dans le projet de
loi parce que la sédation palliative continue, c'est le fait de plonger
quelqu'un dans un état d'inconscience, donc de plonger un peu quelqu'un dans un état de sommeil très, très
profond, comme on le fait, par exemple, avec des grands brûlés ou comme
on le fait quand on
plonge quelqu'un sous anesthésie parce que ses douleurs sont très fortes, très
grandes. Et à ce jour la sédation palliative continue n'était pas
encadrée formellement, et plusieurs personnes, plusieurs experts, pendant les
travaux de la commission, nous ont dit que
ce serait important d'aller beaucoup plus loin dans l'encadrement, surtout pour
qu'il y ait un protocole uniforme qui soit
convenu. Donc, en ce moment, le Collège des médecins et l'Ordre des
pharmaciens travaillent sur ce type de
protocole pour que ce soit uniforme et que cette sédation continue, ce soin
palliatif, la sédation, soit bien connu et appliqué uniformément. Donc,
c'est un soin que l'on vient baliser davantage dans le projet de loi.
• (16 heures) •
Donc, les
soins palliatifs sont vraiment au coeur du projet de loi, au coeur de notre
travail aussi, en ce moment, au quotidien, au ministère de la Santé et
des Services sociaux. Mais il faut aussi être conscient que même les meilleurs soins palliatifs, offerts dans les meilleures
circonstances et, je dirais, aussi aux personnes qui ont des maladies qui s'y
prêtent plus que d'autres, donc les
meilleurs soins palliatifs n'arrivent malheureusement pas à soulager toutes les
souffrances et toutes les douleurs
des personnes en fin de vie. Et, pour une minorité de personnes en fin de vie,
comme le disait le Collège des
médecins en 2009, on n'arrive pas à trouver de réponse satisfaisante, on
n'arrive pas à leur offrir ce qu'ils attendent de leurs soignants, de
leurs équipes pour soulager, pour endiguer leurs souffrances. Et la Maison
Michel Sarrazin, qui est un peu, je vous
dirais… évidemment qui est le leader au Québec, un peu la Cadillac des soins
palliatifs au Québec, nous a dit que
même chez eux, en offrant les meilleurs soins palliatifs, il y a toujours une
proportion de 5 % à 6 % des gens qu'ils reçoivent, des personnes qui sont donc reçues à Michel <27Sarrazin, qui n'arrivent pas à trouver des
réponses satisfaisantes à leurs souffrances qu'on appelle alors des
souffrances réfractaires.
Alors, comme société qui veut apporter des
réponses, des réponses de compassion et de solidarité à tous les membres qui
composent son tissu social, à tous les membres qui la composent, il nous
apparaissait très important, à l'issue des
travaux de la commission et, évidemment, dans l'élaboration du projet de loi,
de prévoir que, dans le continuum de
soins, il devait y avoir un soin supplémentaire, une option supplémentaire tout
à fait exceptionnelle pour répondre à des situations de souffrance exceptionnelle auxquelles on n'arrive pas à
répondre avec même les meilleurs soins palliatifs pour répondre à ces
personnes-là. Et, cette option, c'est l'aide médicale à mourir.
L'aide
médicale à mourir, ce n'est pas quelque chose de désincarné par rapport à
l'ensemble des soins que l'on prodigue
à une personne en fin de vie. C'est vraiment le soin ultime sur le continuum de
soins, et cette idée de continuum de soins appropriés en fin de vie,
c'est aussi une idée qui a été mise de l'avant par le Collège des médecins dans
cette recherche de solution pour les personnes pour qui il n'y avait pas de
solution. Et je pense que c'est vraiment la bonne approche, c'est ce qui nous permet d'aborder toute la question de la fin
de vie de la manière, je pense, la plus cohérente possible : en disant qu'on veut accompagner
le mieux possible une personne pour répondre à ses besoins, à sa
situation propre, avec les meilleurs soins
possible, et que, quand les soins plus habituels ne répondent pas, il faut se
donner cette possibilité-là supplémentaire qu'est l'aide médicale à
mourir.
Pourquoi avoir choisi le mot «aide médicale à
mourir»? Donc, c'est un terme... Je vois que ma collègue de Gatineau, qui est une spécialiste des demandes
pour que les termes soient précis, et je partage sa volonté à cet égard-là...
Pourquoi avoir choisi l'expression «aide
médicale à mourir»? Pendant les travaux de la commission, c'est une
expression qui s'est imposée peu à peu, parce que l'aide médicale à mourir, par
le mot «aide», ça fait référence à toute notre volonté d'accompagner, d'accompagner la personne. Ça fait aussi
référence au fait que, dans tous les cas, dans toutes les situations, la
demande va devoir provenir de la personne elle-même pour elle-même. Jamais une
tierce personne, une tierce partie, un mari, une conjointe, un père, un enfant,
une fille, un fils ne va pouvoir demander l'aide médicale à mourir pour la personne qui est concernée. Donc,
c'est une demande d'aide qui provient de la personne. Et l'autre réalité
qui est fondamentale dans l'expression, c'est le mot «médicale». C'est ce qui
fait référence au fait qu'en tout temps la personne va devoir être accompagnée
d'un médecin, la personne ne sera pas laissée à elle-même.
Par exemple,
pourquoi ne pas parler de suicide assisté? Bien, le suicide assisté, c'est
complètement différent de la notion d'aide médicale à mourir. Le suicide
assisté, c'est un peu vu comme le prolongement du suicide, comme une personne qui veut mettre fin à sa vie, mais qui ne
peut pas le faire et qui est assistée pour le faire. Et, dans les États
où la pratique de suicide assisté existe, ce sont dans... c'est essentiellement
dans des États américains : l'État du Vermont, l'État de Washington, l'État de l'Oregon. C'est un geste qui est
beaucoup plus isolé, qui est très isolé, parce qu'en fait la personne,
ce qu'elle reçoit comme accompagnement, c'est la fourniture d'une prescription
qui lui dit : Au moment opportun,
compte tenu que tu réponds à certains critères, tu pourras te prévaloir de ta
prescription pour décider que c'en est assez
et donc que tu mets fin à ta situation... la situation qui, pour toi, est
intenable. Pour nous, c'était fondamental de ne pas être dans une
logique comme celle-là, d'où l'idée de l'accompagnement en tout temps, du
continuum de soins et de la présence du médecin et, je vais y venir un peu
plus tard aussi, de l'équipe interdisciplinaire aussi, qui est en lien avec le
médecin.
Et la différence entre l'aide médicale à mourir
et l'euthanasie, qui est un autre terme qu'on entend beaucoup, c'est quoi? Bien, c'est essentiellement les deux
éléments dont je vous faisais part au départ. C'est le fait que,
contrairement à l'euthanasie, l'aide médicale à mourir, en tout temps, doit
provenir d'une demande de la personne et, en tout temps, doit se faire dans un contexte médical, avec un
accompagnement médical, ce qui ne va pas de soi avec la notiond'euthanasie.
Donc, c'est le terme qui a émergé, c'est le terme qui est retenu dans le projet de loi. Et c'est plus qu'unterme,
c'est une réalité qui s'inscrit parfaitement dans cette notion plus générale d'un continuum de
soins appropriés de fin de vie. Évidemment, ce n'est pas un soin qui est banal
et c'est pourquoi il est encadré de
manière excessivement stricte, il est balisé de manière très, très
serrée dans le projet de loi.
Alors, pour qu'une personne puisse avoir accès à
l'aide médicale à mourir, la personne doit être en fin de vie. Ça, c'est très important. Certains nous ont
soulevé la question lors des consultations : Qu'est-ce qui fait en sorte
qu'une personne, par exemple, qui est lourdement handicapée, qui est
quadraplégique à la suite d'un accident… Qu'est-ce qui fait en sorte qu'elle pourrait ou qu'elle ne
pourrait pas se prévaloir d'une telle aide? Ou qu'est-ce qui fait en sorte
qu'une personne qui subit une dépression majeure pourrait ou ne pourrait pas se
prémunir d'une telle aide? Eh bien, c'est simple,
la personne doit être en fin de vie. Donc, ça exclut, bien sûr, les situations
de handicap, ça exclut, bien sûr, les situations qui peuvent être très
difficiles, comme celle d'une dépression, comme celle d'une maladie mais qui
est passagère, parce que la personne doit
être en fin de vie. Et tout le projet de loi porte sur la fin de vie, sur les
personnes en fin de vie. Donc, bien sûr, c'est un soin, l'aide médicale à
mourir, qui est réservé aux personnes en fin de vie.
Mais la
personne doit être en fin de vie, mais elle doit aussi répondre à plusieurs
critères qui sont très, très stricts, prévus
à l'article 26. Donc, elle doit être majeure, apte à consentir aux soins
et elle doit aussi être atteinte d'une maladie grave et incurable. Donc, encore une fois, on voit que ça ne peut pas
être une condition ou un état, mais ça doit bien être une maladie qui
soit en cause. Sa situation médicale doit se caractériser par un déclin avancé
et irréversible de ses capacités, et elle
doit éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes,
insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions
qu'elle juge tolérables. Donc, elle doit formuler — c'est prévu
aussi — de
manière libre et éclairée la demande pour elle-même, par elle-même, au moyen,
donc, d'un formulaire, être dûment accompagnée, formulaire qui doit être signé
en présence d'un professionnel de la santé ou des services sociaux.
Et il y a tout un processus, par la suite, qui
est prévu, d'accompagnement. Donc, avant que le médecin puisse accéder à la
demande d'une personne, il y a un processus très clairement établi à l'article
28 du projet de loi. Donc, évidemment le médecin
doit être convaincu que la personne satisfait aux critères de
l'article 26. Il doit aussi s'assurer, bien sûr, du caractère libre et éclairé de sa demande, en vérifiant
notamment — et on
l'écrit noir sur blanc —qu'elle ne résulte pas de pressions extérieures, en s'assurant
aussi du caractère éclairé de la demande, en l'informant de son pronostic, des possibilités thérapeutiques qui
pourraient être encore envisageables, en s'assurant de la persistance de
ses souffrances et de sa volonté réitérée d'obtenir
l'aide médicale à mourir. La personne ne peut pas se lever un beau jour
et dire : Je souffre et je veux que
maintenant ces souffrances arrêtent. C'est une demande qui doit être
persistante, donc qui doit être
répétée par la personne. Et le médecin devra aussi s'entretenir, donc, avec
l'équipe de soins qui est en contact régulier avec la personne en fin de
vie, de cette demande-là, et les proches, si la personne le demande.
• (16 h 10) •
Donc, je
pense que vous êtes en mesure de constater, M. le Président, que c'est un
encadrement qui est très strict. C'est
d'ailleurs l'encadrement le plus strict, quand on compare toutes les
législations qui existent sur les soins de fin de vie. Il est très
strict de par l'ensemble des conditions du processus très précis qui est mis de
l'avant, mais il est très strict aussi parce qu'il conjugue un peu deux
approches : l'approche américaine, en quelque sorte, du… C'est vraiment de
répondre aux personnes qui sont en fin de vie, mais le critère de la souffrance
n'est pas présent nécessairement. En Europe,
en Belgique, aux Pays-Bas, le critère déterminant, c'est la présence de
souffrances constantes et inapaisables, mais, de manière exceptionnelle, la personne ne doit pas nécessairement être
en fin de vie. C'est ce qui fait que, des fois, on entend parler de cas qui proviennent de la Belgique, par
exemple le
cas d'une personne qui a subi une opération de changement de sexe, et qui s'est retrouvée dans un état de très, très
grande détresse psychologique à la suite de cette opération-là, et qui
aurait eu recours à une demande d'assistance médicale en fin… dans ces
circonstances-là. Ce n'est pas quelque chose — et je tiens à le dire — qui serait possible ici, au Québec, compte
tenu de l'encadrement très serré et du fait que la personne doit être en fin de vie et avoir des
souffrances, donc l'addition des deux conditions dans notre projet de loi,
en plus de tous les autres critères prévus au projet de loi. Même chose pour
une personne qui aurait une dépression très sévère.
Cette personne-là n'est pas en fin de vie, donc l'ouverture à l'aide médicale à
mourir ne serait pas possible pour cette personne-là. Donc, un encadrement très strict.
Et l'autre
volet du projet de loi, qui est aussi très important et qu'on a tendance à
moins voir mis de l'avant, c'est toute
la question des directives médicales anticipées. Et tout ce régime que l'on met
en place dans le projet de loi, c'est dans
le but de permettre à une personne qui souhaiterait faire connaître à l'avance
ses volontés de soins, donc les soins qu'elle
souhaiterait recevoir comme les soins qu'elle ne souhaiterait pas recevoir… On peut penser, par exemple, à une personne
qui ne voudrait pas être réanimée; on peut
penser à une personne qui ne souhaiterait pas, dans certaines circonstances, à
être donc branchée à un respirateur, un ventilateur;
on peut penser à quelqu'un qui, dans certaines circonstances, dirait : Moi, je ne veux pas
d'acharnement thérapeutique, je ne veux pas, par exemple, être traité
avec des antibiotiques si je suis en
fin de vie. Donc, c'est une manière de reconnaître l'importance des volontés
que la personne peut exprimer de manière anticipée et de dire, dans la
mesure où ces demandes-là vont être faites dans le formalisme qui est prévu dans le projet de loi, donc soit par
acte notarié ou via le formulaire qui va être prévu à cette fin... Ces
directives-là vont avoir une valeur contraignante.
Donc, c'est de dire que l'équipe soignante va
devoir les respecter, ce qui, à ce jour,
n'était pas le cas. Elles avaient une valeur
indicative de volonté, mais l'équipe n'était pas tenue de les respecter.
Et en plus on met sur pied un mécanisme, un registre où les directives vont
être versées et qui va faire en sorte, bien sûr, de faciliter de beaucoup la vie des
personnes qui reçoivent… donc des gens qui
sont dans un état d'inconscience ou un état d'inaptitude, pour qu'elles sachent, via la consultation de ce
registre, ce que la personne souhaite et ne souhaite pas recevoir comme soins en fin de vie.
Donc, c'est
un volet très important pour consacrer le principe de l'autonomie décisionnelle
de la personne, son autodétermination,
qui a été consacré avec la réforme du Code civil, je pense que c'est très
important de le dire, réforme du Code
civil qui est entrée en vigueur en 1994 et qui est vraiment venue consacrer la
primauté du respect de la personne et de son autonomie versus, par
exemple, le paternalisme médical qui avait cours
encore dans les années 70-80, en disant qu'une personne, dans la mesure où c'est sa
demande, faite en toute lucidité, de manière contemporaine ou
anticipée... Lorsque c'est sa demande, on doit respecter sa demande, son
autonomie, son intégrité, sa volonté de soins ou son refus de soins. Et je vous dirais que, dans cette optique-là, on
franchit un pas de plus en reconnaissant l'importance, donc, des
directives médicales anticipées.
Je voudrais dire quelques mots, bien
sûr, sur les consultations, parce que, oui, il y a eu de très vastes
consultations dans le cadre des travaux de
la commission spéciale, mais on a eu la chance d'avoir aussi quatre semaines de
consultations très riches, de débats et d'échanges
très riches à la suite, donc, du dépôt du projet de loi, et bien sûr sur des
enjeux encore plus ciblés, sur des libellés,
sur un projet de loi très concret qui, donc, était soumis à la discussion, et ça a été
une expérience, je pense, autant pour mes
collègues de l'opposition, que du parti ministériel, que pour moi, encore une
fois, très riche.
Et, encore une fois, il y a régné un très bel esprit de collaboration,
de collégialité. Tous les membres de la commission,
tous mes collègues qui étaient présents étaient vraiment animés par ce souci,
je l'ai bien senti, d'aller au fond des
choses, d'avoir des réponses à leurs questions, de pouvoir aussi améliorer le
projet de loi. Et, je veux le dire, j'ai, bien sûr, ce même souci qu'on en arrive avec le meilleur projet de loi
possible quand on va arriver à l'étape de l'étude détaillée, donc, en commission, l'étude article par article.
Et j'ai bien entendu les commentaires
qui m'ont été faits par les collègues, par
les groupes qui sont venus des éléments qui pourraient être bonifiés comme de
préciser davantage les termes, comme de
préciser davantage le rôle de la Commission sur les soins de fin de vie qui est mise sur pied
dans le projet de loi. C'est une
commission qui va s'assurer d'un bon suivi de la loi, qui va
devoir faire rapport, donc, annuellement sur ses activités et aux cinq ans sur l'évolution des soins de fin
de vie et qui va aussi faire le suivi de l'aide médicale à mourir, donc,
pour s'assurer que cette loi-là est bien implantée, bien appliquée, qu'elle
donne les résultats et l'essor que l'on souhaitait et aussi qu'elle va faire la surveillance voulue quant à l'aide médicale à mourir. Donc, c'est une commission importante aussi,
et on pourra revenir plus en détail sur son mandat lors des auditions… lors de
l'étude article par article, tout comme on pourra revenir en détail
aussi sur la question des directives médicales anticipées, qui a aussi reçu un
certain nombre de commentaires.
Mais,
au-delà des aspects plus techniques, je dois vous dire que ces consultations-là
ont vraiment montré à quel point il y avait une forte
adhésion, à quel point il y avait un consensus très, très fort autour de ce projet
de loi. Est-ce que «consensus» veut dire
«unanimité»? Non. Il n'y a pas unanimité, évidemment. Il n'y a pas
unanimité parmi les groupes que nous
avons entendus, comme il n'y a pas de parfaite unanimité dans la population. Mais je pense que, comme élus,
on sent sans doute tous à quel point ce projet de loi, la question des soins de
fin de vie, de l'aide médicale à mourir, fait consensus dans la population,
parce qu'on est en échange, bien sûr, constant, avec les gens qu'on a le
privilège de représenter, qui nous transmettent leurs histoires aussi, leurs
histoires personnelles, l'histoire de leurs proches.
Et,
vous savez, je dis souvent que ce ne sont pas les sondages qui nous ont guidés
dans ce projet de loi là, parce que, si
c'étaient les sondages, on n'aurait pas fait quatre ans de travaux — ça va faire bientôt quatre ans qu'on
travaille sur ce dossier-là — on aurait dit : Il y a
une très forte majorité de Québécois et de Québécoises qui sont en faveur,
donc, d'une aide médicale à mourir. Parce
que, depuis 20 ans, c'est constant, c'est toujours autour de 75 % à
80 %. Pendant le débat de la
commission spéciale, ça a même monté à plus de 80 %. Donc, il y a ce très
fort consensus, mais l'idée, ce n'était pas de se baser sur des sondages et de dire : On fait l'économie
d'un débat. L'idée, c'était de faire ce débat, d'aller avoir avec les
gens toute la complexité des enjeux, d'aller voir la solidité aussi de ces
impressions-là. Et je dois vous dire qu'autant
on le vit, je pense, au quotidien de par les commentaires qu'on reçoit de notre
population... Moi, je dois vous dire qu'à chaque fois que je fais mon
épicerie j'ai au minimum deux personnes qui viennent me parler de ces enjeux de fin de vie en me disant combien elles espèrent
que ce projet de loi va devenir loi. Mais, ce consensus-là, on l'a très bien senti aussi pendant les travaux, parce que le
Collège des médecins, en partant, les deux fédérations de médecins, le Barreau du Québec, la Chambre des notaires, la
Protectrice du citoyen, les représentants des comités d'usagers,
l'Office des personnes handicapées du
Québec, l'Ordre des infirmières, l'Ordre des travailleurs sociaux, en fait tous
les ordres professionnels, les grands
organismes aussi, je dirais, représentatifs et représentant les personnes les
plus vulnérables sont très majoritairement venus se prononcer pour le
projet de loi.
Et
d'ailleurs je pense que c'est important de rappeler certains éléments qui ont
été mis de l'avant. Le Collège des médecins
nous a dit : «Ce projet de loi constitue à nos yeux un jalon très
important dans la réflexion sur les soins de fin de vie, il devrait être
adopté. [Permettez-nous d'entrée de jeu] de souligner le travail exceptionnel
effectué sur ce sujet complexe et sensible par tous les parlementaires…»
La Fédération des
médecins spécialistes a dit qu'il s'agissait d'une «pièce législative bien
rédigée, équilibrée, réfléchie, au ton posé et respectueux, [...]qui répond aux
demandes exprimées par la grande majorité de la population du Québec et des
médecins».
Le
Barreau a dit que la société québécoise et l'Assemblée nationale avaient toutes
les raisons d'être fières d'avoir fait
ce débat. Et, de leur avis, le projet de loi n° 52 constitue «une avancée
importante pour la dignité et l'autodétermination des personnes en fin
de vie».
• (16 h 20) •
Le Protecteur du
citoyen. Je pense que c'est très, très important de parler du Protecteur du
citoyen, parce qu'évidemment la question de
la protection des personnes vulnérables, elle est au cœur de ce projet de loi
là, et le Protecteurdu citoyen… la
Protectrice du citoyen — parce que c'est la personne qui est venue, pas seulement
l'institution — nous a dit être consciente «du caractère
très sensible de ce débat, qui fait appel autant à des arguments rationnels
qu'à des valeurs personnelles et des croyances intimes». Mais elle nous a dit
être «d'avis que l'équilibre entre le respect des droits individuels, au
premier chef le respect de l'autonomie de la personne, et celui de la
protection des personnes vulnérables se reflète dans toutes les dispositions du
projet de loi n° 52».
Alors,
écoutez, je pourrais continuer. Comme je vous ai dit, les pharmaciens, les
infirmières, la Confédération des organismes
de personnes handicapées du Québec aussi, qui a manifesté son appui, comme
plusieurs regroupements de personnes âgées. La FADOQ est venue, d'autres
regroupements de personnes, donc, de défense des droits en santé mentale, le Mouvement des personnes d'abord du
Québec. Donc, un très, très grand consensus s'est dégagé et, plus qu'un consensus, je vous dirais, une volonté ferme de
voir que ce projet de loi là allait continuer sa route et allait être
adopté pour le bien des personnes, pour qu'on puisse répondre à toute la
complexité des situations de fin de vie.
Bien sûr, est-ce que
consensus veut dire unanimité? Non. Il y a des réserves et il faut entendre ces
réserves. Il y a eu notamment des
représentants des personnes handicapées, pas majoritairement, mais des
représentants qu'il fallait très bien entendre, qui sont venus nous
exprimer leurs craintes. Certains regroupements, aussi, de personnes âgées, d'aînés, tout comme des médecins de soins
palliatifs. Et je dois vous dire que j'entends tout à fait leurs réserves,
j'entends leurs craintes, comme on les a
entendues pendant les deux ans de travaux de la commission spéciale. Et je dois
vous dire que ces craintes-là se situent à deux niveaux
essentiellement : la crainte des dérives, la crainte, donc, qu'il y ait
une pente glissante et qu'il y ait des personnes, donc, qui puissent recevoir
une aide médicale à mourir sans l'avoir demandée expressément, et l'autre
crainte, qui est celle de voir, je dirais, un développement moindre ou moins
important des soins palliatifs.
Et je pense
qu'on peut tout à fait comprendre ces préoccupations qui nous sont transmises.
Il faut les recevoir tout à fait correctement. Mais il faut aussi savoir
y répondre, et je pense que, pour la question du développement des soins
palliatifs, notre engagement, il ne fait pas de doute. Encore aujourd'hui, on
montre concrètement ce qu'on est en train de
faire pour améliorer l'accès aux soins palliatifs, comme on l'a fait avec les
investissements qu'on a mis de l'avant.
Et, pour ce
qui est de la question des risques de dérive, le cadre du projet de loi, il a
été reconnu comme tel par la Protectrice
du citoyen, et les comités d'usagers, et le protecteur, donc, du malade. Ce
n'est quand même pas rien. Il est excessivement
ferme, excessivement serré, et je dois vous dire que, si j'avais le moindre
doute quant à des risques de dérive, je n'aurais pas déposé ce projet de
loi là. Et ce projet de loi là, il repose sur un cadre excessivement balisé,
comme je l'ai dit, le plus balisé, le plus
restrictif de toutes les législations en fin de vie qui existent à ce jour. Il
repose aussi sur le fait que
l'accompagnement que les personnes reçoivent en fin de vie, sur l'idée d'un
continuum, va faire en sorte qu'évidemment c'est un très, très petit
nombre de personnes qui vont demander l'aide médicale à mourir. Dans les
juridictions où cette possibilité-là existe, c'est entre 0,2 % et 2 %
à 2,5 % de l'ensemble des décès. C'est un très petit nombre. Mais c'est important de pouvoir répondre à
ce petit nombre. Et la plus forte des balises, comme je le dis souvent,
c'est la volonté féroce de vivre. Du jour au lendemain, les gens ne
souhaiteront pas : Ah bon! Tiens, soudainement, je veux l'aide médicale à mourir. Les gens, ils veulent vivre, ils
veulent vivre au maximum. Mais, quand elles sont dans des situations
désespérées, des situations excessivement difficiles, les personnes souhaitent
aussi pouvoir avoir des réponses à leur situation.
Et ce projet
de loi là, il se veut un projet de loi juste, un projet de loi équilibré, un
projet de loi qui est basé sur des valeurs fondamentales puis un projet
de loi aussi qui est prudent. Parce que je ne pense pas que c'est la peur qui
doit nous guider, je pense que c'est la
prudence. La peur, ça ne fait pas avancer, mais la prudence, ça fait avancer et
ça fait avancer correctement. Et je pense qu'en ce moment on est en
train de vivre un moment très important parce que c'est un moment de courage. C'est un moment de courage des parlementaires de
dire : On ne sera pas en retard sur ce que la population nous
demande. Et moi, je pense qu'on est déjà en retard. Est-ce qu'il faut répondre
à quelque chose juste parce que la
population nous le demande? Non. Mais, quand on a un appui aussi ferme, aussi
fort de la population, quand on a un
appui aussi ferme et aussi fort des ordres professionnels concernés, des ordres professionnels
médicaux, des ordres professionnels juridiques, des ordres professionnels
sociaux et de ces institutions-phares que sont, par exemple, la Protectrice du citoyen, et les représentants des comités d'usagers, et l'Office
des personnes handicapées, et la FADOQ, je pense que ça commence à faire
un énorme consensus.
Et je dois vous dire que la question que je
posais aux gens qui s'opposent au projet de loi… Et ils s'opposent pourquoi au
projet de loi? Pour une toute petite partie, qui est la question de l'aide
médicale à mourir. Et, quand je demandais à
ces gens-là, notamment des représentants du milieu de soins palliatifs, qui
nous disent… eux-mêmes nous disent
qu'il y a des gens, un pourcentage de gens qu'on n'arrive pas à soulager même
avec les meilleurs soins palliatifs. Ma question, c'était
toujours : Mais qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce qu'on fait comme société
qui met de l'avant la solidarité et la
compassion? Qu'est-ce qu'on répond à ces personnes-là à qui on n'arrive pas à
offrir de réponse en fin de vie?
Qu'est-ce qu'on leur dit? Est-ce qu'on leur dit qu'il y a un plus grand bien
qui vaut la peine d'être là et de continuer à souffrir pour un plus grand bien? Il n'y a personne qui a été capable de
m'établir un plus grand bien. Il n'y a personne qui a été capable de
répondre à cette question-là que j'ai posée systématiquement.
Pourquoi? Parce que je pense, comme le Collège
des médecins nous y a conviés, comme la population nous y convie très fortement, qu'il faut trouver des réponses à ces
personnes-là qui souffrent en fin de vie, qui souffrent, selon eux, de manière intolérable, qui souffrent de
manière constante, qui souffrent sans raison, parce que leur fin de vie,
elle est proche, parce qu'ils sont en fin de
vie, parce que, non, ils ne l'ont pas, la chance de pouvoir voir leur situation
s'améliorer, parce que leur situation, elle est irréversible, parce que leur
situation, elle est sans issue.
Alors, je
pense que c'est très important d'avoir ce courage-là et d'avoir le courage de
jouer pleinement notre rôle d'élu,
notre rôle de dialogue, notre rôle d'écoute, d'avoir le courage de dire tous
ensemble, comme parlementaires qui avons été capables, depuis le jour 1,
de s'élever au-dessus de la partisanerie pour le bien supérieur de la
population : On va avoir ce courage-là,
qui va rencontrer le courage des ordres professionnels, du milieu juridique, du
milieu social, des grands regroupements de notre société pour
dire : On va avancer ensemble. On va avancer en mettant de l'avant une loi extraordinaire, une loi progressiste, une loi
qui va offrir les meilleurs soins aux personnes, qui va assurer les
personnes que, si le pire arrive, elles vont
avoir les meilleurs soins possibles et que, si le pire du pire arrive, et que,
malgré les meilleurs soins palliatifs, on n'arrive pas à les soulager,
il y aura, pour ces personnes-là, une option exceptionnelle, strictement
balisée, qui va pouvoir leur apporter des réponses.
Et, au-delà
des réponses qu'elles vont pouvoir apporter, on va pouvoir aussi montrer qu'on
a une solidarité pour les personnes qui vivent dans l'angoisse de vivre
des jours, à la fin de leur vie, très difficiles et qui vont dire qu'elles vont se sentir beaucoup plus sécurisées et surtout
qu'on va protéger adéquatement les personnes vulnérables qui, en ce
moment, du fait qu'il n'y a aucune législation, ne sont pas protégées
adéquatement.
Alors, M. le Président, je
tiens à remercier ma collègue de Gatineau, je tiens à remercier mes
collègues... de Jean-Talon, ma collègue de
Saint-Henri—Sainte-Anne,
ma collègue aussi de la deuxième opposition qui était présente avec nous, mes collègues aussi du parti ministériel,
députée de Sainte-Rose, député d'Argenteuil, députée de Masson, quiont vécu ces quatre semaines de consultation très,
très riches. Je pense que personne qui vit les débats entourant ce projet de
loilà de manière aussi étroite,
aussi intense n'en sort parfaitement indemne, parce que ça remet en question
beaucoup de choses.
Mais,
aujourd'hui, je nous invite à maintenir cette collaboration, à maintenir ce
dialogue, à poursuivre dans la voie
qui est celle extraordinaire qu'on a su mettre de l'avant comme parlementaires
depuis le jour 1 de ces travaux-là,
au nom de la solidarité, de la compassion, au nom du meilleur accompagnement
possible et au nom du courage politique de faire une chose juste, de
faire une chose bonne pour la société et surtout pour sa population. Merci, M.
le Président.
• (16 h 30) •
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Merci. Merci. Merci, Mme la ministre déléguée à la Santé et Services sociaux et
à la Protection de la jeunesse.
Avant de céder la parole à la députée de Gatineau, je vous informe que deux débats de fin de séance
se tiendront aujourd'hui. Le
premier débat, sur une question adressée par
M. le député de Jean-Talon au ministre de la Santé et des Services sociaux,
concerne l'abolition de postes d'infirmières dans le réseau de la santé et des
services sociaux découlant des
coupures péquistes. Le deuxième débat, sur une question adressée par le député
de Beauce-Sud à la première ministre, concerne la campagne électorale péquiste clés en main de 2007 par la
FTQ-Construction.
Alors, Mme la députée de Gatineau, je vous cède
la parole.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, il me fait extrêmement plaisir de prendre la
parole et de m'adresser à cette Chambre dans le cadre du débat sur
l'adoption de principe du projet de loi concernant les soins de fin de vie.
D'entrée de
jeu, je ne peux pas prétendre avoir l'expertise de notre collègue la ministre,
de ma collègue de Hull, de notre
collègue de Jacques-Cartier, qui ont eu ce
privilège d'assister et de participer à l'ensemble du processus qui a
mené au dépôt du projet de loi. J'ai participé à quelques rencontres, quelques
consultations en tout début de mandat, mais vous comprendrez, M. le Président,
que les obligations parlementaires nous amènent parfois à travailler sur
d'autres dossiers.
J'ai, par contre, le privilège d'être maintenant
porte-parole en matière de services sociaux et donc d'être la vis-à-vis, à tous les égards, de notre collègue la
ministre et je me suis familiarisée, depuis le mois de juin dernier,
avec le projet de loi notamment, mais je
suis aussi retournée aux sources, c'est-à-dire au document qui nous avait
guidés au tout début, lors de la préparation du document de consultation
sur la question de mourir dans la dignité.
Évidemment,
c'est un projet de loi qui est une pièce d'intérêt législative pour la société
québécoise. C'est un débat de
société. Aujourd'hui, M. le Président, on est dans une question qui transcende
les idéologies politiques. On est dans une question de fin de vie, de
libertés individuelles, de liberté de choix,
et aussi toutes les valeurs, le respect, commele disait notre collègue, les valeurs de
compassion, l'autonomie de la personne, toutes ces valeurs-là entrent en ligne
de compte. Alors, il est clair, et j'ai
rassuré notre collègue la ministre lors du début des consultations, mais il est clair que nous abordons la
question du projet de loi concernant les soins de fin de vie d'une façon tout à
fait non partisane.
Aborder une
question comme celle-là de façon non partisane, ça ne veut pas dire, par contre,
ne pas tenir compte des différents
points de vue qui sont véhiculés à l'intérieur de la société. Et nous sommes
très, très, très sensibles aux points de
vue, aux observations qui ont fait suite au dépôt du projet de loi n° 14.
Et, dans ce contexte-là, M. le Président, nous avons annoncé… notre chef
a annoncé, suite au dépôt du projet de loi, que chaque parlementaire de notre
formation politique se positionnerait, à
chaque étape du projet de loi, de façon libre, dans un contexte de liberté de
conscience, puisque ce projet de loi aborde les soins de fin de vie de
différentes façons, mais aborde également les soins de fin de vie dans
l'optique ultimement où une personne pourra demander à un médecin de mettre fin
à ses jours, et ça, ça vient nous chercher, chacun d'entre nous,
de façon très, très, très personnelle. Et donc, dans le respect de cette
conscience-là, quid'ailleurs… la
liberté de conscience est aussi présente dans le projet de loi, et donc, dans
toute cette optique-là, c'est cette philosophie-là qui va nous guider,
de notre côté de la Chambre, pour poursuivre les démarches dans le projet de
loi.
Nous avons,
depuis un mois, M. le Président, eu l'opportunité d'entendre 55 groupes qui se
sont exprimés sur le projet de loi et qui ont fait l'analyse de façon
très, très, très rigoureuse des dispositions législatives que l'on retrouve à
l'intérieur du projet de loi. Et, s'il y a une chose que je peux dire, c'est qu'il
n'y a pas d'unanimité. Il y a un large consensus,
la ministre l'a très bien exprimé, mais il n'y a pas d'unanimité sur certains
concepts. Et un concept qui, je crois, est probablement l'élément clé de
ce projet de loi là, c'est l'introduction d'un nouvel acte médical qui se nomme
l'aide médicale à mourir. C'est ce concept-là, je crois, qui vient... qui
interpelle vraiment chacun et chacune d'entre nous
et qui a suscité des échanges si riches et aussi des opinions diversifiées. À
l'intérieur du projet de loi — et j'yreviendrai plus tard — on a des principes qui font l'unanimité, il
y a un consensus sur certains principes, mais je pense que notre
responsabilité est de porter une attention particulière aux éléments qui ont
soulevé des inquiétudes au sein de certains groupes et chez certains individus.
J'ai eu la
chance également, outre cette consultation bien particulière que nous avons eue
au cours des dernières semaines, j'ai
eu l'opportunité aussi de sonder les citoyens de ma circonscription parce que
les citoyens de ma circonscription, exception faite de quelques-uns qui
ont témoigné en commission parlementaire et qui avaient déposé un mémoire, n'avaient pas eu la chance
nécessairement de s'exprimer, pour toutes sortes de raisons. Et donc je leur
ai tendu la main, en début septembre, afin
de voir un petit peu où ils se situaient dans ce contexte-là de l'introduction
d'une loi sur les soins de fin de vie, puis peut-être plus spécifiquement sur
la question de l'aide médicale à mourir. Parce que, dans un contexte où, à titre de
parlementaire, à titre de membre d'une équipe, j'aurai à voter, il ne
m'appartient pas d'imposer mon vote sur une question aux citoyens que je
représente, je dois aussi prendre le temps non seulement d'écouter les gens qui viennent ici, en Chambre,
s'exprimer, qui viennent au salon rouge s'exprimer, mais entendre les
citoyens que je représente qui ont quelque chose à dire.
Et, M. le
Président, je dois… Et je vais prendre le temps de remercier ces gens qui se
sont présentés au cours de la première
semaine de septembre, lors d'une première consultation, le 3 septembre, à
Maniwaki et lors d'une deuxième consultation,
le 5 septembre, à Cantley, des citoyens préparés, des citoyens qui, pour
certains, avaient préparé des mémoires et
qui sont venus s'exprimer sur cette question-là, des opinions très, très, très
diversifiées, des opinions très claires mais aussi des témoignages extrêmement touchants. Et je suis
entrée dans cette consultation-là en ayant une idée, évidemment, en
ayant pris connaissance du projet de loi, en ayant relu les documents, le
rapport de la commission spéciale et nos documents de consultation, mais c'est
l'aspect humain de tout ça qui m'a touchée profondément.
Lorsqu'un
citoyen se lève dans une salle pleine à craquer et qu'il parle de cette
question-là, il le fait avec son cœur, il le fait souvent en portant
avec lui une expérience de vie, une expérience très personnelle. Certains
citoyens se sont exprimés en leur qualité de
médecins, certains citoyens se sont exprimés en leur qualité de parents de
grands malades, certains citoyens,
amis se sont exprimés en tant que malades. Et honnêtement c'est très touchant.
Et c'est là qu'à titre de législateurs on réalise l'importance du
travail parlementaire qu'on aura à faire dans les semaines et dans les mois qui
vont suivre.
• (16 h 40) •
Parce que
comment trancher sur une question aussi importante que l'aide médicale à mourir
dans un contexte où nous avons d'un
côté des citoyens atteints de maladies incurables qui vivent avec une réalité
vraiment hors du commun, qui vivent
des souffrances hors du commun, comment refuser à ces gens-là le pouvoir de choisir le moment où ils en
auront assez? C'est un petit peu... Quand je suis ressortie de ces consultations, cette
question-là m'est venue. En même
temps, tout en respectant les libertés
individuelles, comment s'assurer, à titre de législateurs, qu'il n'y aura pas
de dérive, que tous les filets de sécurité seront mis en place pour
assurer la protection des personnes les plus vulnérables? Et je comprends, des déclarations
que la ministre a faites au cours des derniers mois, qu'elle a un réel souci
d'assurer, d'attacher ces filets de sécurité là.
Mais cette
question-là m'est venue d'un chef autochtone qui a participé à mes consultations et qui m'a dit : Vous savez,
chez nous, dans nos traditions, la liberté individuelle est très importante.
Par contre, on a aussi le souci de protéger les plus
vulnérables de notre société. Alors, je vous invite à assurer cette protection-là
et ce respect des libertés individuelles. C'est un gros mandat pour les membres
de cette Assemblée, mais c'est un mandat qu'on devra relever.
Donc, ces consultations ont été riches. J'ai aussi eu, lors de ces consultations, et je ne peux pas passer à côté, des médecins qui ont oeuvré en médecine générale, le médecin de famille qui…
et je le salue en passant, Dr
O'Reilly, médecin de famille de la
communauté de Maniwaki, qui a vu grandir toute une communauté, qui a mis au
monde de nombreux enfants et qui s'est exprimé pour me faire part de ses
craintes quant à l'introduction de cet acte médical là qu'est l'aide médicale à mourir. Je pense aussi à certaines
communautés religieuses qui avaient leurs préoccupations quant à
l'introduction de cet acte médical là que sera l'aide médicale à mourir.
Mais ces consultations-là m'ont aussi appris une chose, c'est que le concept d'aide médicale
à mourir n'était pas compris chez les individus, chez nos citoyens, chez
notre voisin, chez notre mère, chez notre belle-mère de la même façon qu'il est compris peut-être
pour les experts qui sont venus témoigner en commission parlementaire.
«Aide médicale à mourir» est un terme
qui est utilisé depuis de nombreuses années dans le domaine, dans le jargon,
mais, pour certains citoyens,l'aide
médicale à mourir peut s'avérer être un accompagnement tout au long de la vie,
ce qui n'est pas... Ce n'est pas ça.
Par contre,
pour certains, ça l'est. Pour certaines personnes, l'aide médicale à mourir, c'est aussi le droit que nous avons, qui est déjà prévu, de refuser un
traitement, de refuser l'acharnement thérapeutique. Pour certaines personnes,
l'aide médicale à mourir sera l'équivalent d'un suicide assisté, c'est-à-dire le médecin qui prescrira une dose létale de
médicament à un citoyen qui, par la suite,
aura le choix de le prendre ou de ne pas le prendre. Et, pour d'autres, l'aide médicale à mourir est une euthanasie médicalement assistée, c'est-à-dire qu'un médecin injectera une dose létale de médication. Donc, ces
consultations-là m'ont sensibilisée à l'importance d'utiliser les bons mots,
les bons termes et, lorsque nous utilisons de
nouveaux termes, les définir. Et ça, pour moi, c'est extrêmement important. Et, je sais, notre collègue ministre
a fait un clin d'oeil un petit peu plus tôt lors de sa présentation, mais ce n'est pas un caprice, c'est vraiment...
ça découle de ces consultations.
Et, il y a
quelques semaines, j'ai eu la chance aussi d'être invitée par notre collègue
leader parlementaire et député de Châteauguay à participer à
des consultations qu'il avait lui-même lancées dans sa circonscription. Et il y
a aussi, à l'intérieur de la communauté de Châteauguay et de la communauté de Mercier, une multiplicité de points de vue. Il y a aussi, à l'intérieur de cette communauté-là, des
questions quant aux termes prévus au projet de loi, quant aux
définitions de ces termes-là, donc. Et je suis persuadée que ces questions-là
ont été soulevées. Je sais que ma collègue de Sainte-Marie—Sainte-Anne
a aussi tenu des consultations, notre collègue de l'Acadie également. On a
notre collègue de Rivière-du-Loup qui avait mis un sondage en ligne, comme notre
whip en chef et également notre collègue de Richmond. Donc, il
y a plusieurs autres collègues qui
sont allés sonder les citoyens afin de revenir ici et de faire un travail
parlementaire rigoureux. Et c'est extrêmement important de faire ce travail-là,
même s'il s'accompagne de plusieurs heures.
Alors, je vous
disais, M. le Président, que, depuis le dépôt du projet de loi, je suis
retournée à nos documents de consultation et
dans le souci de bien comprendre le projet
de loi, de bien savoir ce qui était
derrière, ce qui a animé la ministre, parce que je savais… je sais très
bien que, dans son souci de précision, elle ferait tout en son pouvoir pour respecter le plus précisément possible, le plus
exactement possible les recommandations de la commission spéciale sur le
droit de mourir dans la dignité et le consensus qui a émané de cette
consultation-là. Alors, évidemment, je pense qu'il
s'agissait des meilleurs documents de travail pour
s'imbiber de ce dossier-là, parce
qu'évidemment le rapport de la commission
spéciale, déposé en mars, émergeait de la consultation publique qui sondait les
Québécois sur des questions bien
précises. Et je pense qu'il est opportun, peut-être, pour l'ensemble des
parlementaires, pour les citoyens qui nous écoutent, de revenir sur le
document, le tout premier document qui a émané de l'Assemblée nationale et qui
s'est dirigé vers les citoyens.
À
ce moment-là, suite à l'historique que nous a dressé la ministre, les
parlementaires… Et, à ce moment, c'était notre collègue de Jacques-Cartier qui présidait la commission. Et ce
document-là, le document de consultation, avait été préparé, un document de 35 pages qui
comprend, dans un premier temps, un certain nombre de définitions, et c'est
sous la rubrique Ce que signifient les
mots. Parce qu'il était bien important… Puis à ce moment-là je faisais
partie de l'équipe. Donc, il était
bien important que les citoyens se positionnent sur des questions précises.
L'objectif, ce n'était pas d'amener les
gens à exprimer leur opinion sur des concepts qui étaient vagues ou non
définis. Il y avait vraiment un souci de s'assurer d'une bonne
compréhension du processus de consultation et des termes utilisés par la
population. Et il y avait, à l'intérieur de
ce document-là, donc, les définitions d'«acharnement thérapeutique»,
d'«aptitude à consentir aux soins», d'«arrêt
de traitement», d'«euthanasie», de «refus de traitement», de «sédation
palliative», de «sédation terminale», de «soins palliatifs», de «suicide assisté» et de «testament de vie». Ça,
c'étaient, au tout début, donc en mai 2010, c'étaient les premiers
termes qui avaient été définis et présentés aux citoyens.
Par la suite, à
l'intérieur du document, on posait des questions très précises aux citoyens,
qui étaient mises en contexte avec des exemples, des cas d'espèce. Et donc la
première question qui était présentée aux citoyens, c'était : L'euthanasie,
qu'en pensez-vous? Alors, il y avait par la suite différentes questions,
c'était décliné dans différentes questions, c'est-à-dire : Est-ce qu'il y
a des situations qui justifient le recours à la pratique de l'euthanasie? Est-ce
que vous avez des expériences à partager sur le sujet? Est-ce que l'euthanasie
pourrait être, dans certaines situations, considérée
comme faisant partie des soins appropriés de fin de vie? Êtes-vous pour ou
contre la légalisation de l'euthanasie? Pourquoi?
• (16 h 50) •
Dans
les États qui ont légalisé l'euthanasie, les demandes d'aide à mourir doivent
répondre à un certain nombre de critères.
Donc, si l'euthanasie devait être légalisée, quels critères il serait essentiel
de retenir? Et là on énumérait… au niveau
de l'âge de la personne, l'aptitude de la personne, l'état de santé. On
suggérait aussi que d'autres critères puissent être apportés par les
citoyens. Qui pourrait pratiquer cet acte-là? Quelle procédure devrait être suivie?,
c'est-à-dire la supervision, la demande,
l'avis des médecins. Est-ce qu'il y a des risques de dérive? Est-ce que l'introduction de ce soin-là pourrait introduire un
déséquilibre dans... pourrait ébranler la relation de confiance entre un
médecin et son patient? Est-ce que l'interdiction de l'euthanasie a pour effet
d'encourager l'acharnement thérapeutique? Est-ce que, si
l'euthanasie… Des questions, je vous
dirais, très, très, très pointues et très sensibles : Est-ce que,
si l'euthanasie était légalisée, il y
aurait moins de suicides chez lez personnes âgées? Est-ce qu'il y a une différence significative entre la
sédation terminale et l'euthanasie? Si oui, laquelle? Alors, ça, c'était
pour l'euthanasie.
Par la suite, les questions posées aux citoyens portaient sur le suicide assisté : Qu'en pensez-vous? Alors, est-ce qu'il y a des situations où il est justifié de recourir à la pratique du
suicide assisté? Avez-vous des expériences à partager? Êtes-vous en faveur, en défaveur de la
légalisation du suicide assisté et pourquoi? Selon certains, légaliser le suicide
assisté plutôt que l'euthanasie pourrait
envoyer un signal contradictoire eu égard aux efforts faits dans le domaine de
la prévention du suicide. Dans les
États qui ont légalisé le suicide assisté, les demandes d'aide à mourir doivent
répondre à un certain nombre de
critères. Si le suicide assisté était légalisé, quels critères il serait essentiel de retenir, en termes de certains points, c'est-à-dire : Qui pourrait demander le
suicide assisté? L'âge de la personne, l'état de santé. Qui pourrait aider une
personne à se suicider et où? Qui? Où? Et quelle procédure devrait être
suivie?, c'est-à-dire au niveau de la demande, l'avis des médecins et de la supervision.
Ça,
c'étaient les deux grands éléments qui étaient
abordés, d'une façon très courageuse, je dois le dire, parce que ce n'est pas facile.Ce sont des notions qui sont parfois taboues, au
même titre que l'avortement était un sujet tabou il y a un certain nombre d'années. Donc, de parler de ces
choses-là avec des termes aussi clairs demande une bonne dose de courage. Et là-dessus je crois que les
membres qui ont participé à cet exercice-là ont fait preuve d'un courage clair
d'aborder des sujets aussi délicats avec la population et d'une façon aussi
rigoureuse et respectueuse.
Il y avait
une troisième question qui concernait l'aide à mourir. Donc, cette aide à
mourir là dont on vient de parler, euthanasie
ou suicide assisté, qu'est-ce que vous en pensez
dans un contexte où il y a des interdictions de pratiquer l'euthanasie et le suicide? Alors, on revient sur
la jurisprudence, sur les sentences rendues par les tribunaux canadiens en
matière d'aide à mourir. Est-ce que ça
contribue… est-ce que ça se traduit par un
changement de mentalités? Est-ce que les tendances jurisprudentielles des derniers 20 ans ont fait
évoluer la perception et le positionnement de la population sur ces questions
extrêmement sensibles de l'euthanasie et du suicide assisté?
On
demande : Si on devait légaliser soit
l'euthanasie ou le suicide assisté, laquelle de ces
pratiques devrait l'être? Si
l'aide à mourir était permise, est-ce que les craintes possibles reliées à
votre fin de vie seraient dispensées? Donc, si vous avez cette option-là de
pouvoir, à un certain moment donné, choisir de mettre fin à une souffrance que
vous considérez intolérable, est-ce que ça
vous permettra d'aborder la fin de vie d'une façon un petit peu plus paisible?
C'est un peu ce qui était derrière cette consultation-là.
Une personne qui est
en fin de vie peut-elle prendre une décision libre et éclairée? Selon certains,
si l'aide à mourir était légalisée, seule une très faible minorité de malades
en fin de vie en aurait recours. Qu'est-ce que vous en pensez? Pourquoi on devrait légiférer pour cette très faible minorité?
Et, pour certains, est-ce que l'amélioration… Et
ça, c'était une dernière question, mais une question, toute dernière question
qui prend finalement beaucoup de place actuellement, parce qu'on terminait la consultation : Selon
certains, améliorer l'offre de soins palliatifs permettrait d'éviter que
des personnes demandent l'aide médicale à mourir. Quelle est votre opinion à ce
sujet?
Donc,
ça, c'était le document de consultation. Ce sont ces questions-là bien précises
qui ont donné lieu à une réponse sans précédent de la société québécoise. Et là-dessus,
on doit dire, il y a un intérêt manifeste parce que je regarde les statistiques
et je regarde les chiffres : 273 mémoires, 6 558 réponses
au questionnaire qui était en ligne, 16 000
commentaires et le témoignage ad lib de 114 personnes lors des
consultations. Ce n'est pas pour rien, c'est parce que ces questions
précises là interpellent chacun et chacune des citoyens du Québec, c'est une
manifestation claire.
Quand on pense à la
réponse que nous recevons pour d'autres consultations, d'autres mandats
d'initiative fort importants qui sont lancés
par les commissions parlementaires ici, dans cette enceinte, je pense que la
forte participation démontre à quel point il est important de parler de
ces questions-là, de le faire aussi dans un contexte tel que celui de l'Assemblée nationale. Je vous dirais, M. le
Président, il n'y a pas meilleur forum pour ce type de questions là et
pour ce type de débat là, et on en a eu la
réponse. Et donc c'est ce contexte-là que nos collègues signataires du rapport
avaient devant eux et c'est ce contexte-là aussi qui les a animés.
Mais
là je ne vous parlerai pas de ce rapport-là. Je suis persuadée que mes
collègues membres de la commission, que
ce soit notre collègue… ma collègue de Hull, ma collègue de Mille-Îles, auront
beaucoup à vous dire sur l'esprit qui a animé le travail de la commission et sur les échanges qu'ils ont pu
avoir. Mais il y a quelque chose aussi, c'est que, dans le rapport de
nos collègues, on a repris les définitions qui étaient dans le document afin de
permettre aux lecteurs, afin de permettre à ceux et celles qui liront le
rapport de se guider de termes bien clairs.
Le
rapport comporte donc 24 recommandations qui portent sur les soins
palliatifs, sur la nécessité d'encadrer la sédation palliative, sur la question des directives médicales
anticipées, la planification des soins de fin de vie, sur le concept
d'aide médicale à mourir. Et notamment, bon, il y a des recommandations qui
donnent aussi un échéancier, donc qui mettent en place une certaine pression,
mais la ministre a réussi à répondre à cette recommandation-là malgré un délai
relativement restreint, des élections et un changement de gouvernement. Donc,
c'est quand même un travail colossal qui a été fait.
Et je tiens, dans le contexte des notions et de la
définition, moi, je tiens à revenir au travail puis aux recommandations de nos collègues, parce qu'à la page 78 du
mémoire ce que nos collègues demandent, l'introduction de l'aide
médicale à mourir, ils demandent qu'on
puisse encadrer ça parce que, selon eux, il y avait ce besoin-là, il y a ce
besoin-là de répondre à la souffrance
ultime par un soin ou un acte médical qui se nomme l'aide médicale à mourir.
Et, lorsqu'on regarde… Et je vais
reprendre une petite partie de la page 78 du rapport, parce que, comme je
vous disais, la notion d'aide médicale à mourir est, pour moi, une notion fondamentale du projet de loi et la
notion qui peut-être vient nous chercher beaucoup plus personnellement.
• (17 heures) •
Et les membres de la
commission nous écrivaient ceci : «Après analyse de l'évolution des
valeurs sociales, de la médecine et du droit
et à la lumière de l'examen exhaustif des enjeux et arguments présentés par
plusieurs centaines de témoins et plusieurs milliers de commentaires,
nous croyons qu'une option supplémentaire est nécessaire dans le continuum des
soins de fin de vie, [à savoir] : l'euthanasie sous la forme d'une
aide médicale à mourir. Certaines souffrances ne peuvent être soulagées de
manière satisfaisante et les citoyens qui veulent faire cesser ces souffrances
intolérables et vides de sens pour eux font face à un refus qui ne correspond
pas aux valeurs de compassion et de solidarité de la société québécoise. L'aide
médicale à mourir devient alors une option pour cette minorité de patients qui
vivent une situation exceptionnelle, pourvu que cet axe soit strictement
circonscrit et balisé et qu'il résulte d'une demande libre et éclairée de la
personne elle-même.
«Bien
que le terme "euthanasie "
soit celui utilisé en Belgique et aux Pays-Bas, les auditions publiques ont
fait ressortir que ce terme est très chargé
et qu'il ne fait pas consensus. Mais surtout, il n'évoque pas en lui-même
l'idée de soutien qui est au cœur de notre proposition. [Donc,] tout au
long des travaux de la commission, l'expression "aide médicale à mourir"
s'est imposée graduellement d'elle-même. Le mot "aide" renvoie à la
valeur incontournable de l'accompagnement.
Quant au terme "médicale
", il précise la nature de
l'accompagnement, qui suppose l'intervention du médecin et du personnel
soignant. L'expression "aide médicale à mourir " est donc celle que
nous avons retenue.»
Donc,
ce qu'on comprend, c'est que nos collègues souhaitaient que l'aide médicale à
mourir, sous la forme de l'euthanasie,
puisse être disponible par le biais d'un acte médical. Il n'y a pas cette
définition-là, d'aide médicale à mourir, à l'intérieur du projet de loi,
comme je le disais, mais il y a évidemment, tant dans le document de
consultation que dans le rapport, aux pages
17 du document de consultation puis à la page… aux pages 17 du rapport et à la
page 10 du document de consultation, une définition d'euthanasie, qui
est l'«acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'une personne
à sa demande pour mettre fin à [sa vie]».
Les
consultations nous ont permis d'échanger avec de nombreux groupes sur cette
question-là, la question du choix des mots, de la définition des mots.
Et le comité de juristes experts nous a proposé une définition d'aide médicale
à mourir qui pourrait, à mon avis, permettre d'éclairer le citoyen ou la
citoyenne qui fait face devant ce choix. Et la définition d'aide médicale à mourir qui est présentée — c'est une suggestion — est la suivante : «Fait pour un
professionnel de la santé de fournir un
service médical, qu'il s'agisse de soins ou de toute autre intervention, dans
le but d'aider son patient à mourir dans des conditions strictes, à la
demande de ce dernier […] soit en l'aidant directement à mourir.»
C'est un long
préambule que j'ai fait, M. le Président, mais il est essentiel à la suite des
choses... parce qu'on a entendu les groupes en consultation, certains d'entre
nous avons entendu les citoyens sur le terrain nous interpeller. Et il existe
une certaine distinction entre les consultations qui ont été menées et les
consultations des derniers mois, c'est-à-dire que, le dernier mois, nous
l'avons passé à consulter des groupes sur un projet de loi précis, alors que
les consultations qui avaient eu lieu et qui
ont été extrêmement importantes consultaient des groupes et des individus sur
un certain nombre de questions, questions très sensibles qui se concentraient
sur des points très sensibles.
Mais on est
maintenant devant un projet de loi qui introduit d'importantes notions de
droits nouveaux, M. le Président. Et là je pense qu'il était essentiel de
permettre, à ce moment-là, à tous les groupes, dans ce contexte-là, qui avaient un intérêt à se
faire entendre de pouvoir se faire entendre. Je sais qu'il y a un effort
magistral qui a été consenti par le gouvernement
puis par l'équipe de la commission pour permettre l'audition de groupes qui
n'avaient pas été initialement énumérés à la motion et leur permettre de
s'insérer dans l'horaire prédéfini de la consultation, et je tiens à souligner
cet effort-là.
Mais
aujourd'hui, dans le contexte de cet important dossier qui est l'introduction
de l'aide médicale à mourir, de cet
important dossier qui est une discussion de société sur la fin de vie, il nous
reste encore sept groupes qui n'ont
pas malheureusement… qui n'ont pu être entendus. Je sais qu'il y a des efforts,
il y a eu des conflits d'horaire, et tout ça. Sept
groupes, M. le Président, c'est l'équivalent d'une journée et demie
d'auditions, deux jours d'auditions tout au plus. Et actuellement je sais que les membres de la Commission de la santé et des services sociaux sont retenus par une autre consultation importante sur le principe de l'assurance autonomie, mais je sais aussi qu'il n'y a pas d'urgence et
qu'on n'appellera pas... Si le principe
devait être adopté, on n'appellerait pas ce projet de loi là avant la fin des consultations sur l'assurance autonomie. Et
donc je me demandais s'il n'était pas possible d'insérer ces sept groupes-là à
l'horaire de la commission, qui est déjà
chargé, je le concède, mais je pense qu'il n'est pas trop tard pour permettre
l'audition de ces sept groupes-là,
qui étaient en attente d'une convocation, afin de permettre à tous les
Québécois et les Québécoises et aux regroupements de Québécois et
Québécoises évidemment de se faire entendre sur cette importante question. Je
sais que certains groupes ont manifesté une déception de ne pas avoir été
entendus, de ne pas avoir échangé. Et c'est une contrainte de temps, mais je
tiens à souligner que je suis disponible, je suis persuadée que mes collègues
aussi sont disponibles, pour permettre la tenue de cette journée et demie ou
deux jours additionnels d'auditions pour vraiment boucler la boucle et éviter
que des groupes se considèrent comme oubliés ou n'étant pas partie aux
échanges.
Parlant
des groupes, je pense qu'il est important de remercier encore une fois tous
ceux et celles qui ont pris le temps,
suite à l'avis du leader... lancé par le leader du gouvernement, de tenir ces
consultations particulières élargies, de remercier les gens qui ont pris le temps de nous déposer des mémoires
d'une qualité exceptionnelle, des gens qui ont pris le temps, dans leurs horaires chargés, de venir en
commission parlementaire, d'échanger avec nous sur ce sujet-là. Parce
que, bien qu'il y ait eu une très vaste
consultation, comme je le disais précédemment, on est devant un projet de loi
particulier, et chaque groupe nous a emmené une série de commentaires et même
de suggestions d'amendements qui pourront faire l'objet de discussions et
d'échanges.
Parce
que je pense que c'est la préoccupation de tout le monde, et c'était la
préoccupation de tout le monde autour de
la table — je sais
à quel point la ministre est consciencieuse dans ce qu'elle fait dans ce
travail-là — l'objectif,
c'est ultimement de soumettre au vote des parlementaires le meilleur projet de
loi possible. Et, quand on met plusieurs têtes
autour d'une table, on trouve généralement des solutions novatrices. Et donc je
remercie les groupes qui ont partagé leur
analyse du projet de loi, qui nous ont soumis des recommandations et des
suggestions que nous aussi… que nous analyserons également de notre
côté. Parce que notre rôle, c'est de travailler en collaboration, d'être une
opposition responsable et rigoureuse
également dans l'analyse du projet de loi afin de vraiment pouvoir continuer le
travail qui a été fait dans la même veine de ce qui a été fait par le
passé.
• (17 h 10) •
Des consultations. Je
vais vous dire, M. le Président, s'il y a un consensus qui émane des
consultations des dernières semaines, du
dernier mois, c'est bien l'importance d'accorder un accès aux soins palliatifs
sur l'ensemble du territoire du Québec. Je pense que les soins
palliatifs commencent à être reconnus de plus en plus. Ils sont un outil
extraordinaire. Je n'avais jamais mis les pieds dans une maison de soins
palliatifs avant la semaine dernière et j'ai été agréablement étonnée et surprise par ce que j'ai pu constater, par
l'extrême paix qui se dégage de ces lieux-là. Et je tiens à remercier Mme Suzanne Fitzback qui m'a fait
un tour guidé, qui m'a permis de faire un tour guidé de La Maison
Mathieu Froment-Savoie, qui est située dans la circonscription de ma collègue
de Hull, mais qui reçoit tous les citoyens de l'Outaouais.
Un endroit extraordinaire. Et je sais, pour avoir échangé avec les gens de
soins palliatifs, que cette philosophie d'accompagnement non seulement
médical, mais spirituel et personnel est présente dans toutes les maisons de
soins palliatifs. Donc, évidemment,
il y a… Et c'est vraiment généralisé. Il faut vraiment
faire du déploiement et de l'accès aux soins
palliatifs une priorité, d'autant plus que le projet de loi, par son article 5,
légifère, édicte le droit, pour toute personne dont l'état le requiert, de recevoir des soins de fin de vie
«dans une installation maintenue par
un établissement, dans les locaux d'une maison de soins palliatifs ou à
domicile», le tout, évidemment, étant sous réserve «des dispositions législatives
et réglementaires relatives à l'organisation et au fonctionnement des
établissements, des orientations, des politiques et des approches des maisons
de soins palliatifs ainsi que des ressources humaines [...] et financières dont
ils disposent».
Le
rapport de nos collègues de la commission du droit de mourir dans la dignité
relève qu'il existait, au moment du dépôt
du rapport, encore des lacunes importantes dans l'offre des soins palliatifs,
des services de soins palliatifs dans au moins 10 régions du Québec. Ça, on retrouve ça à la page… ces
données-là, aux pages 24 et 25 du rapport de la commission spéciale. Et donc il est important, dans le
contexte actuel, que les dispositions de l'article 5 ne deviennent pas…
c'est-à-dire que tout est disponible sous réserve de… et que ça ne devienne pas
une justification à la non-dispensation des soins palliatifs. Et ça, c'est un
commentaire que la Protectrice du citoyen nous a fait et qui émane de son
rapport. Alors, le déploiement des soins
palliatifs doit vraiment être la priorité de tout gouvernement, peu importe la
couleur, peu importe l'orientation
politique. Tout gouvernement qui songe à introduire la notion d'aide médicale à
mourir se doit, à mon avis, d'assurer…
Et, même si l'aide médicale à mourir est strictement encadrée, il faut
absolument que le déploiement des soins palliatifs soit une priorité. Et il y a une remarque que nous avons
entendue lors des consultations, et elle est très frappante, que l'option de l'aide médicale à mourir ne doit
d'aucune façon devenir un non-choix, comme certains groupes l'ont dit,
faute d'accès aux soins palliatifs.
La ministre nous a mentionné tout à l'heure
qu'il y avait eu un investissement de 15 millions de dollars au cours des derniers mois, dont 11 millions, je
crois, qui se déploiera dans les soins à domicile, et il y avait un
4 millions pour
le développement. Je comprends que l'annonce d'aujourd'hui résulte, est une
suite de cette annonce d'injection de fonds.
Et donc on a ajouté 47 lits à l'offre en soins palliatifs au Québec, on a
bonifié l'aide qui est accordée aux maisons de soins palliatifs et aux
établissements qui ont ces lits-là. Alors, c'est un bon début. Mais évidemment
les groupes nous ont… et tous les groupes
nous ont mentionné qu'il était essentiel de mettre ce déploiement de soins
palliatifs à la vitesse accélérée parce qu'on aura ce droit-là qui sera
possiblement, éventuellement présent dans une législation. Et donc, à partir du moment où on offre, où on donne
un droit aux citoyens du Québec, on doit être en mesure d'offrir le
service, et un citoyen ne doit pas être pénalisé, qu'il habite aux Îles-de-la-Madeleine
ou dans le Nord-du-Québec, en Abitibi, dans les communautés rurales de
l'Outaouais, et que ce… Montréal ou Québec, peu importe. Peu importe la présence sur le territoire, il est important
d'avoir accès à des soins palliatifs, d'avoir accès à des équipes médicales
qui se rendront à domicile, à un réseau qui permettra à celui ou celle qui
souhaite de passer la fin de ses jours à domicile de pouvoir le faire.
Il y a un questionnement aussi. On se dit :
Bien, est-ce nécessaire de… est-ce pressant de légiférer sur l'aide médicale à
mourir avant d'avoir reçu un état des lieux sur la situation des soins
palliatifs, tel qu'il est recommandé par la
première recommandation de la commission spéciale? C'est une question qui se
pose. Je sais que les travaux sont déjà
amorcés. La ministre
nous a assurés qu'un chantier était en œuvre actuellement afin de dresser
cet état de situation là. Mais est-il nécessaire de légiférer avant de savoir exactement
quel est l'état des lieux au Québec? Je crois qu'il
pourrait être important, et cet état des lieux là serait assurément un outil
indispensable pour les parlementaires autour de la table de la Commission de la
santé et des services sociaux.
Les consultations nous ont aussi démontré qu'il
y avait de délicates distinctions qui étaient faites par certains groupes qui oeuvrent en soins palliatifs entre la notion de soins de
fin de vie et la notion de soins palliatifs. Le Collège des médecins, à la page 4
de son mémoire, mentionne ce qui suit : «Malgré l'extrême importance
qu'ont pris les soins palliatifs dans cette
période difficile qu'est la fin de vie, il n'est pas clair pour nous qu'il
faille associer de trop près"soins
de fin de vie"
et "soins palliatifs". Les soins palliatifs ne se réduisent pas aux
soins de fin de vie, pas plus que les soins de fin de vie ne se limitent
aux soins palliatifs.» Et je passe quelques extraits. On dit aussi : «...il nous semblerait préférable d'exclure ici toute allusion aux soins palliatifs
et de désigner simplement par "soins de
fin de vie" tous les soins
effectivement offerts dans cette période où la vie tire à sa fin.» Donc, c'est
une préoccupation qui est partagée par les organismes
qui oeuvrent en soins palliatifs et qui ont exprimé un malaise à associer à
soins palliatifs tout acte qui aurait comme objectif de hâter la mort.
Et ça, c'est une recommandation que nous pouvons lire au rapport présenté,
entre autres, par La Maison Michel Sarrazin.
La notion de
fin de vie a suscité des questionnements. Elle débute quand? Certains
diront : La fin de vie débute au moment de notre naissance. Mais
concrètement, dans le contexte du projet de loi, dans le contexte où l'aide
médicale à mourir serait admissible vraiment
en fin de vie, il est important de définir cette notion de fin de vie pour
définir qui est admissible, qui est éligible ou non aux différents services énumérés à l'article 5 du projet de loi.
Là où il n'y a pas de consensus, c'est à l'introduction, par l'article 26, de l'aide médicale à mourir, comme je le disais, parce que — et là je cite des
mémoires — pour
certains, provoquer la mort, ce n'est pas un soin aux yeux de certains
intervenants. Les arguments sont multiples. Il y a des arguments éthiques, des
arguments juridiques, des arguments religieux. Et on a pu constater que, même
si le Collège des médecins, le Barreau se sont positionnés en faveur de
l'introduction de cette notion, il reste que leurs membres ne sont pas unanimes
sur la question.
À titre
d'exemple, à titre de membre du Barreau, je n'ai pas été consultée par mon
ordre professionnel sur cette question, et donc l'organisme, en tant que
tel, le conseil d'administration, le bâtonnier et son équipe ont pris une position,
mais les membres ont une multiplicité de points de vue sur la question. Même
chose au sein du Collège des médecins,
puisqu'on a un certain nombre de regroupements de médecins qui nous ont fait
part de leur inconfort à l'introduction de
cette notion d'acte médical… d'aide médicale à
mourir. Donc, cette multiplicité de points de vue, elle se retrouve chez
les professionnels de la santé, chez les professionnels qui oeuvrent auprès des
citoyens, et, comme je le disais, au sein de la population, et certainement au
sein de cette Assemblée.
• (17 h 20) •
Il importe
que l'aide médicale à mourir soit définie. La finalité de l'aide médicale à
mourir doit être claire. Parce que
moi, bien honnêtement, M. le Président, je considère qu'il serait utopique, dans l'état actuel des choses, de prétendre qu'un consentement libre et éclairé puisse être donné en l'absence de cette
définition-là et en l'absence d'indications à l'effet que l'acte médical, l'aide médicale à mourir a
pour ultime finalité la mort de l'individu, la mort du patient. C'est
lourd, ce sont des termes qui… Ce n'est pas facile de parler de ça, ce n'est
pas facile d'échanger sur cette question-là,
parce qu'il faut le faire avec beaucoup… il
faut bien doser les propos que l'on tient, mais je suis persuadée qu'un projet
de loi qui définit clairement ces termes-là ne prêtera pas à des
interprétations différentes, ne prêtera pas non plus à des discours un petit peu discordants comme on a pu
entendre. En appelant… Je reprends encore une expression que nous avons
entendue lors des auditions : En appelant un chat un chat, on met de côté
toute une forme de désinformation et on rassure
surtout la population sur le service qui sera mis à leur disposition. Donc,
dans toute la question de la demande qui pourra être formulée par un citoyen, bien, si l'aide médicale à mourir
est définie, il sera plus facile de déterminer la nature libre et éclairée du consentement du citoyen,
parce que l'aide médicale à mourir ne sera pas sujette à une définition
aléatoire offerte par un médecin et qui pourrait être distincte d'un médecin à
l'autre. Et il y a d'autres termes également qui mériteraient qu'on puisse les définir. Qu'il s'agisse des directives
médicales anticipées, de la sédation palliative continue, des soins palliatifs, ce sont tous des termes
importants dans le contexte de ce projet de loi là. C'est important de
pouvoir clairement savoir là où on s'en va.
Je pourrais évidemment, M. le Président,
reprendre bien des recommandations, bien des suggestions qui nous ont été
faites. Je pense notamment à la composition de la Commission sur les soins de
fin de vie qui sera mise en place. Certains intervenants nous ont suggéré que cette commission-là,
compte tenu de son importance, compte tenu du sujet et des dossiers délicats qu'elle devra traiter…
que cette commission relève de l'Assemblée nationale plutôt que du ou de
la ministre responsable. Ça fait partie, je pense, d'échanges que nous aurons
avec la ministre.
Il y a
également, au-delà de la question des définitions, la possibilité d'élargir la
liberté de conscience, c'est-à-dire la liberté de choix, pour un
professionnel, de ne pas participer à cette question… à l'administration de
l'aide médicale à mourir. On a l'Ordre des
pharmaciens et des pharmaciennes qui nous a sensibilisés à une préoccupation
qu'ils avaient. Il y a également un besoin important de former les
professionnels qui seront appelés à travailler dans le domaine des soins de fin
de vie, les former adéquatement, assurer également que… Advenant la mise en
place et l'adoption par cette Assemblée de
l'aide médicale à mourir, du concept d'aide médicale à mourir, bien il faudra
s'assurer que l'aide médicale à
mourir sera disponible sur le territoire également. On parlait de soins
palliatifs un petit peu plus tôt, mais il n'est pas évident que, dans les petites communautés, on
trouvera une équipe qui sera disposée à administrer l'aide médicale à
mourir, et donc il faudra s'assurer d'avoir
en place une solution, un plan B pour permettre aux patients qui résident,
par exemple, en région d'avoir accès aux mêmes soins qu'un patient qui
réside dans un centre urbain.
Il faudra
penser aussi à une demande qui est formulée par les maisons de soins palliatifs
de ne pas se faire imposer l'obligation d'offrir l'aide médicale à
mourir si leur organisme n'est pas à l'aise avec le concept, parce que les
soins palliatifs, les maisons de soins
palliatifs, ont une philosophie qui n'est pas en accord nécessairement… qui
n'est pas la même que la philosophie derrière l'administration de l'aide
médicale à mourir. D'ailleurs, la ministre, tout à l'heure, nous questionnait à savoir qu'est-ce qu'on fait, quelle
réponse notre société a lorsque quelqu'un souffre et qu'il n'y a pas de réponse pour ses souffrances, pour répondre aux
souffrances. Et personnellement j'ai été très, très, très interpellée
par un petit paragraphe que l'on retrouve à la page 15 du mémoire de
La Maison Michel Sarrazin : «Nous réitérons que ce meilleur possible — c'est-à-dire
les meilleurs soins possible — se
trouve dans l'acceptation de nos limites et de notre impuissance de soignant en certaines
circonstances. Il faut alors accueillir sans jugement la personne qui souffre
et qui souhaite qu'on abrège sa vie, continuer de l'accompagner avec
compassion, sans l'abandonner, elle et ses proches, demeurer solidaires sur le
plan humain. Surtout, il faut respecter l'espace-temps de la fin de vie, qui,
potentiellement, réserve des surprises et débouche sur l'inattendu.»
Je dois vous
avouer, M. le Président, que ce paragraphe-là m'a beaucoup touchée, parce qu'autant je vous disais que je suis arrivée dans les
consultations publiques après avoir tenu des consultations dans ma
circonscription et avoir été touchée par
l'importance de la liberté, de respecter la liberté individuelle, la liberté de
choix de l'individu, autant je suis touchée par l'acceptation, le
concept d'acceptation des limites de la société à répondre ou à apaiser les
souffrances de quelqu'un. Et je vous avoue
qu'on est… le travail se poursuit, et, comme bien d'autres collègues ici, dans
cette Assemblée, je me questionne
constamment et je relis bien souvent les mémoires, les passages des mémoires,
parce que je sais qu'il y a un travail important et très, très important
qui nous attend, qui nous attendra possiblement si le principe de ce projet de loi devait être adopté, et c'est le
travail de rédaction, d'analyse article… pas de rédaction, pardon, mais
d'analyse article par article du projet de loi.
Je pense que…
En tout cas, pour ma part, M. le Président, sur la question du principe, parce
que le projet de loi comporte des éléments importants, je pense qu'il
est essentiel d'encadrer les directives médicales anticipées, il est essentiel d'encadrer la sédation palliative
terminale puisque c'est une pratique qui existe, qui n'est pas encadrée, et
c'est soulevé et c'est très bien expliqué
dans le rapport de la commission spéciale. C'est essentiel, je pense, de
reconnaître la place qu'occupent les soins palliatifs dans le contexte
où on a une société qui est vieillissante et où on a de plus en plus besoin de ces soins-là. Il y a des éléments
excessivement importants dans le projet de loi et il y a un effort colossal
qui a été mis dans ce travail-là.
Bien que, sur
la question d'aide médicale à mourir, comme je vous ai dit, je suis encore
partagée, je considère important de permettre de continuer ce débat-là
au sein de notre Assemblée. Je considère qu'il est essentiel, qu'il est
responsable de faire cheminer ce débat au sein de notre société, au sein de
notre Assemblée. Et c'est pour ça, M. le Président, que je suis en faveur du
principe, bien qu'il reste du travail à faire, il y a de l'amélioration à
apporter, et j'aurai certainement des amendements à suggérer pour la suite des
choses. Mais, comme je vous dis, ce débat doit se faire à l'intérieur de cette
Assemblée et ce débat doit demeurer respectueux, empreint de respect envers
l'opinion contraire et envers ceux et celles
qui ont émis des réserves, qui ont émis aussi une grande… qui ont accueilli le
projet sans même suggérer d'amendements en disant que le projet de loi
était exactement… était parfait comme il était, et on respecte toutes ces opinions. Mais je pense que ce travail-là doit se
faire. Donc, évidemment, je sais que tous ne partagent pas ce point de vue, mais, pour moi, quant au
principe du projet de loi, je suis en faveur de l'adoption de ce principe-là
à titre de porte-parole, à titre aussi de
députée de Gatineau qui a entendu et qui a écouté les citoyens qui étaient
partagés sur la question. Donc, il
m'appartient, c'est ma responsabilité, de poursuivre la réflexion et de
poursuivre la démarche législative dans le cadre du projet de loi sur
les soins de fin de vie.
Alors, je
tiens à vous remercier, M. le Président, et mentionner à la ministre qu'elle
aura toute ma collaboration pour la suite des choses.
• (17 h 30) •
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, je vous remercie, Mme la
députée de Gatineau, pour cette intervention. Je suis prêt à céder la
parole à un prochain intervenant. Mme la députée de Masson, donc, je vous cède
la parole.
Mme Diane Gadoury-Hamelin
Mme
Gadoury-Hamelin :
Merci, M. le Président. Alors, un sujet comme celui de la question de fin de
vie nous ramène aux raisons fondamentales pour lesquelles nous occupons les
fonctions de parlementaires, c'est-à-dire pour répondre à des questions profondément
humaines qui touchent les gens dans leurs valeurs les plus profondes,
celles qui guident leur vie personnelle comme celles qu'ils estiment devoir
guider la vie de la société québécoise dans son ensemble. Je pense que ce sont des questions qui interpellent les gens
dans leurs appréhensions, dans leurs douleurs, dans leurs souffrances actuelles et anticipées. Bien
au-delà des aspects juridiques ou médicaux, il s'agit d'un enjeu qui
touche tout simplement la condition humaine.
Les
découvertes dans le domaine de la médecine et de la pharmacologie ont amélioré
grandement l'espérance de vie de la population. Bravo, c'est tout à
notre honneur. Nous vivons maintenant plus vieux et demeurons actifs plus longtemps. Malgré ces avancées considérables, il
arrive aussi que certaines personnes font face à des souffrancesréfractaires à l'étape de la fin de la vie. Cette
situation en a conduit plusieurs à se questionner sur la possibilité de
donner le choix et le droit, de façon
exceptionnelle et strictement balisée, à ceux qui éprouvent des souffrances qui
ne peuvent être soulagées ou qui font face à une maladie incurable et
dégénérative de prendre une décision de façon libre et éclairée sur leur fin de
vie.
Le
débat sur la question de fin de vie refait périodiquement surface depuis une
trentaine d'années dans l'actualité québécoise. Nous n'avons qu'à penser
aux déclarations publiques de personnes aux prises avec une maladie grave et
incurable réclamant le droit d'être aidées à mourir ou au cas de citoyens ayant
aidé un proche à mourir. Pensons à Nancy B., Sue Rodriguez, G. Leblond et, tout
récemment, le Dr Low. Je crois que la population québécoise est prête à tenir
ce débat.
Le Québec est une
société ouverte, solidaire et empreinte de compassion, une société capable de
réfléchir et d'agir pour le bien-être de
tous. Un long processus démocratique, rigoureux et respectueux s'est entamé. À
l'automne 2009, on a marqué un tournant
important dans le débat sur la fin de vie au Québec. Le Collège des médecins du
Québec a publié un document de réflexion d'envergure sur le sujet, qui conclut
qu'il existe des circonstances exceptionnelles où l'aide médicale à mourir
pourrait être une étape ultime dans le continuum des soins appropriés de fin de
vie.
Le Collège des
médecins estimait qu'il fallait permettre aux médecins d'apporter des réponses
aux personnes dont les souffrances demeurent sans réponse en fin de vie,
réponses qu'ils ne peuvent apporter à l'heure actuelle. De plus, des sondages des fédérations des médecins
omnipraticiens et des médecins spécialistes ont montré un appui
important à une ouverture à l'aide médicale à mourir dans des circonstances
naturellement exceptionnelles. Il y a un appui également… On a remarqué un appui constant de la population depuis 20
ans, tel qu'en témoignent certains sondages.
Ainsi,
à l'initiative de la députée de Joliette, les parlementaires de l'Assemblée
nationale ont adopté unanimement, le 4 décembre 2009, une
motion créant une commission spéciale afin d'étudier la question de mourir dans
la dignité. Vous me permettrez de souligner tout le travail accompli par les
parlementaires qui ont participé aux travaux de cette commission. Discuter d'un dossier aussi délicat nécessitait de laisser
de côté les allégeances politiques. C'est ce qui a été fait, et cela a
contribué pour beaucoup à la qualité du rapport émis. J'aimerais aussi
souligner la contribution très importante de
ma collègue la députée de Joliette qui a été l'instigatrice de cette commission
et qui continue de piloter ce
dossier avec respect et humanisme.
Cette
commission spéciale, dont la ministre
fut la vice-présidente, a procédé à des consultations d'experts ainsi
qu'à une consultation générale d'une grande ampleur, s'échelonnant sur plus
d'une année. Je vais vous donner quelques exemples
de l'importance de ce sujet : 32 experts entendus pendant six jours; 273
mémoires ont été déposés; 239 personnes et organismes entendus; 29 jours
d'auditions publiques; huit villes visitées, Gatineau, Montréal, Québec, Rimouski, Saguenay, Sherbrooke,
Saint-Jérôme, Trois-Rivières; 114 personnes entendues pendant des
périodes de micro ouvert; 6 558
réponses au questionnaire en ligne; plus de 16 000 commentaires reçus par
courriel, par la poste, par l'intermédiaire du questionnaire en ligne;
21 rencontres pendant la mission en France, aux Pays-Bas et en Belgique; 51
séances de travail des membres de la commission. Je pense que la preuve est
faite que cette commission a pris les choses au sérieux.
Cet
exercice démocratique, d'une grande sensibilité, sans aucune partisanerie, a
permis à la Commission spéciale sur
la question de mourir dans la dignité de déposer son rapport le 22 mars 2012,
après 51 séances de travail échelonnées sur plus d'une année. Ce rapport a donné comme résultat : 24
recommandations unanimes, c'est important de le souligner, de l'ensemble
des députés sur la commission représentant l'ensemble des formations présentes
à l'Assemblée nationale; 12 recommandations
sur la bonification des soins de fin de vie, la sédation palliative, les
directives médicales anticipées et l'information
au patient; 12 recommandations sur l'aide médicale à mourir; une approche
intégrée pour la fin de la vie.
Considérant
l'intérêt et l'espoir suscités par les travaux de la commission spéciale, nous
avions la responsabilité, comme
gouvernement, d'y donner suite. Le projet de loi n° 52 s'inscrit en droite
ligne avec les recommandations de ce rapport.
En ce sens, le projet de loi concernant les soins de fin de vie est issu d'une
réflexion approfondie sur le sujet et basé
sur des recommandations multipartites. Le projet de loi n° 52 vise à
répondre aux besoins des personnes en fin de vie, à prévenir et à apaiser leurs souffrances. Il s'appuie également
sur des valeurs de respect, de solidarité et de compassion. Il propose
une vision globale et intégrée des soins de fin de vie, lesquels s'inscrivent
dans un continuum de soins, de façon à ce que toute personne qui les requiert
ait accès à des soins adaptés à sa situation personnelle lors de l'étape ultime
de sa vie. Ainsi, il reconnaît formellement les soins de fin de vie, qui
comprennent les soins palliatifs et l'aide médicale
à mourir, une option exceptionnelle et strictement balisée pour des cas de
souffrance réfractaire. Il reconnaît également la primauté des volontés
exprimées clairement et librement, notamment par la mise en place du régime de
directives médicales anticipées.
Des
principes forts et phares guident ce projet de loi. Le respect de la personne
en fin de vie et la reconnaissance de
ses droits et libertés doivent inspirer chacun des gestes posés à son endroit.
La personne en fin de vie doit en tout temps être traitée avec
compréhension, compassion, courtoisie et équité, dans le respect de sa dignité,
de son autonomie, de ses besoins et de sa sécurité. Les membres de l'équipe de
soins responsables d'une personne en fin de soins de vie doivent établir et
maintenir avec elle une communication ouverte et honnête.
Ce
projet de loi fait consensus auprès de mes collègues du parti ministériel. Il répond à des besoins exprimés
par plusieurs personnes en fin de vie. Les gens souhaitent en majorité terminer leurs
jours à domicile, auprès des leurs, tout en ayant accès à des soins de
confort, ou, si possible, en maison de soins palliatifs ou dans des milieux
hospitaliers, dans des lieux appropriés. Je
crois que c'est important aussi de donner diverses alternatives à nos citoyens
du Québec dans cette situation. Nous avons d'ailleurs
écouté les différents intervenants qui nous ont entretenus lors de la commission
sur les besoins en soins palliatifs.
• (17 h 40) •
Au chapitre des soins palliatifs, notre gouvernement
est proactif. Nous en avons un bel exemple aujourd'hui parce que la ministre
déléguée aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse vient tout
juste d'annoncer un rehaussement de 13 % du financement public des lits en maison
de soins palliatifs. Ce financement annuel, qui était de
60 000 $ par lit depuis le 1er avril 2011, s'élèvera désormais à
68 000 $. Il s'agit de la hausse la plus significative annoncée
depuis que le ministère de la Santé et des Services sociaux finance les maisons
de soins palliatifs.
La ministre a
aussi annoncé l'ajout de 47 nouveaux lits, dont 24 sont prévus en maison
de soins palliatifs, 16 en centre
d'hébergement et de soins de longue durée et sept en centre hospitalier. Ce
nouvel ajout portera à 791 le nombre de lits dédiés en soins palliatifs
au Québec. Avec cet ajout, nous atteignons à 98 % l'objectif ciblé dans la
politique gouvernementale en soins palliatifs, d'un lit dédié en soins
palliatifs par tranche de 10 000 Québécois. Cette avancée importante
combinée à l'offre bonifiée de soins palliatifs à domicile, pour lesquels nous
investissons cette année une somme additionnelle de 11 millions, consacre
la détermination du gouvernement à offrir à toutes les personnes en fin de fin
de vie qui ont besoin d'un accès aux soins palliatifs…
Le projet de
loi n° 52 offre une reconnaissance formelle des soins palliatifs et
prévoit qu'ils doivent être offerts aux personnes dont l'état le
requiert, et ce, dans les établissements de santé, les maisons de soins
palliatifs ou à domicile. Nous venons donc
de consacrer ce droit aux soins palliatifs. C'est une avancée majeure pour
notre société et soulignée par plusieurs intervenants lors des
consultations. Chaque établissement devra dorénavant se doter d'une politique
et d'un programme clinique de soins de fin
de vie. Ils devront aussi ajouter une section spécifique dans leur code
d'éthique portant spécifiquement sur les droits des personnes en fin de
vie, en plus de mettre en place des mesures pour favoriser
l'interdisciplinarité.
Les soins
palliatifs sont la réponse par excellence aux souffrances de la majorité des
personnes en fin de vie. Axés sur le
bien-être global de la personne et de ses proches et fondés sur une approche
interdisciplinaire, ils sont centraux pour assurer un accompagnement de
qualité et adapté aux besoins de chaque personne à cette étape de vie. C'est la
raison pour laquelle leur bonification est une priorité gouvernementale.
D'ailleurs, je vous rappelle que, le 5 mai dernier, la première ministre
du Québec, Mme Pauline Marois, annonçait un investissement supplémentaire
de 15 millions en soins palliatifs,
dont plus des deux tiers sont destinés spécifiquement aux soins palliatifs à
domicile, ce qui constitue une première.
Les investissements touchent tous les fronts, c'est-à-dire à la fois les lits
dédiés en soins palliatifs, notamment en
maison de soins palliatifs et en établissement, les services offerts à domicile
par le réseau public et les services offerts par le milieu communautaire. C'est donc un vaste chantier afin de doter
chacune des régions du Québec d'une offre de services adéquate en soins
palliatifs qui tient compte de la réalité et de leurs besoins. Et le travail se
poursuit. C'est un travail auquel la ministre
consacre beaucoup d'attention parce que celui-ci touche les Québécois
dans des moments de grande vulnérabilité.
L'aide médicale
à mourir. Malheureusement, même avec les meilleurs soins palliatifs, des
personnes en fin de vie continuent de souffrir et font face à des
souffrances réfractaires. Ainsi, aussi, le projet
de loi n° 52 prévoit offrir une offre
exceptionnelle… une option, pardon, exceptionnelle pour répondre à des
souffrances, soit l'aide médicale à mourir. Nous sommes conscients de la
sensibilité du sujet, et c'est dans un souci de prudence qu'un encadrement
clair, strict et rigoureux est mis en place pour répondre à ces situations de
souffrances exceptionnelles.
En ce sens, l'article 26, qui est prévu au projet de loi,
est explicite sur les critères devant être rencontrés pour qu'une personne en fin de vie puisse obtenir l'aide
médicale à mourir. En effet, la personne doit être majeure, apte à
consentir aux soins, présenter une maladie
grave et incurable, présenter une situation médicale qui se caractérise par un
déclin avancé et irréversible de ses capacités, éprouver des souffrances
physiques ou psychiques constantes qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle
juge tolérables.
De plus, le
processus décisionnel par lequel le médecin doit passer
est explicite à l'article 28. Il doit notamment s'assurer du caractère libre et éclairé de la
demande, l'informer de sa situation et s'assurer de la persistance de ses
souffrances et de sa volonté réitérée d'obtenir l'aide médicale à mourir. La
notion d'aide médicale à mourir stipule que
la demande doit provenir en tout temps de la personne elle-même, pour
elle-même, et qu'il doit toujours y avoir un accompagnement médical. Le
projet de loi n° 52 prévoit donc avec rigueur et précaution le contexte
dans lequel une personne en fin de vie pourrait recevoir cette aide
exceptionnelle.
Le projet de loi prévoit aussi le régime des
directives médicales anticipées. Donc, le respect des volontés de soins est aussi au cœur de ce projet de loi via le
régime des directives médicales anticipées. Le
projet de loi concernant les soins de vie prévoit la possibilité pour
une personne de faire connaître à l'avance ses volontés en matière de soins
dans l'éventualité où elle deviendrait inapte. Lorsque les directives médicales
anticipées sont conformes aux modalités prévues,
elles sont faites sous forme notariée ou à partir du formulaire prévu à cette
fin et signé par deux témoins. Le projet de loi leur confère un caractère contraignant, ce qui fait en sorte
qu'elles ont la même valeur que des volontés exprimées par une personne apte à consentir aux soins. Le projet
de loi prévoit en outre la mise sur pied d'un registre pour consigner
les directives médicales anticipées afin d'en faciliter l'accessibilité. Le
projet de loi consacre donc le principe de l'autodétermination décisionnelle en
reconnaissant pleinement la primauté des volontés de la personne via le régime
des directives médicales anticipées.
Donc,
compte tenu de l'importance de ce projet de loi, je suis fière d'avoir joint
ces consultations à titre de membre de cette commission, en compagnie de
mes collègues du parti ministériel et de mes collègues de l'opposition. Le 17 septembre dernier, nous avons entrepris quatre
semaines de consultations lors desquelles nous avons eu l'occasion d'entendre 55 groupes et experts
de tous horizons et échanger avec les
membres de la commission. Je les félicite, ces gens, et je les remercie
de leur engagement. Un très large consensus se dégage des consultations. Je
crois qu'il s'agit d'un moment marquant de
l'évolution de la société québécoise et je peux vous confirmer que l'ensemble
des parlementaires qui ont participé à cette commission l'ont fait avec
sérieux et rigueur. Je pourrais vous dire que ces consultations m'ont habitée
après la fin des consultations. C'est un sujet qui nous porte à réflexion.
Alors, pour
terminer, parce que je vois que le temps passe, le temps qui m'est alloué, je
tiens peut-être, en terminant, juste à faire part sur une base plus
personnelle que j'ai…
• (17 h 50) •
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Je dois vous interrompre, Mme la députée de Masson, malheureusement votre temps est écoulé. Mais je vous remercie sincèrement pour votre intervention. Et je cède la parole à M. le député de Jean-Talon
pour une durée de 20 minutes. Alors, M. le député de Jean-Talon.
M. Yves Bolduc
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais rétablir certains faits. La plus
grande augmentation qu'il y a eu dans le financement des lits de soins
palliatifs en maison de soins palliatifs, c'est lorsqu'on a tout
simplement décidé de les financer, parce qu'il y avait des établissements qui avaient très peu de financement,
c'était du financement populaire. Et, comme de fait, nous avons décidé
d'octroyer 60 000 $ par lit dans les maisons de soins palliatifs.
Donc, ça n'a pas été une augmentation de 13 %, mais bien une augmentation,
pour certains établissements, de quelques milliers de dollars à un montant de
60 000 $.
Et également,
au niveau du développement des soins.. de lits palliatifs, d'ailleurs la
ministre l'avait reconnu, on était rendus à des taux de plus de
80 %, on avait presque atteint le 80 %, 85 % du nombre de lits
de soins palliatifs au Québec. Donc, il nous
reste à compléter. Et la norme de un pour 10 000 est une norme qu'il faut
respecter par territoire de CSSS. Donc, je crois que c'est intéressant
au moins de savoir qu'il y avait du travail qui avait été fait auparavant et
qu'il y a du travail qui continue à se faire.
Et, de même,
au niveau du financement des lits de soins palliatifs et des soins à domicile,
il y a eu du financement qui a
été fait au cours des dernières années, qui démontre qu'aujourd'hui on est quand
même assez avancés à ce niveau. Mais il en reste encore à faire, puis je pense
que tout gouvernement doit continuer d'investir à ce niveau.
M. le Président, d'ailleurs, je suis très content d'être ici aujourd'hui pour discuter d'un sujet qui, pour moi, est extrêmement important,
c'est-à-dire les soins en fin de vie. Comme vous le savez, M. le Président,
c'est un débat de société. Les gens, auparavant, parlaient d'acharnement thérapeutique, on parlait de suicide médical
assisté, c'est un dossier qui
revenait régulièrement. Et, comme de fait, il y a
eu un facteur déclencheur qui était un sondage parmi les médecins qui
demandait tout simplement aux médecins : Êtes-vous d'accord avec... de
mettre l'euthanasie en fin de vie?
À ce
moment-là, tous ont reconnu que le
terme «euthanasie» n'était pas le bon terme parce que ce qu'on
faisait comme soins palliatifs, c'est-à-dire d'offrir des soins en fin de vie,
permettre à des gens de mourir sereinement sans nécessairement abréger la vie,
pour plusieurs, dans leur tête, ça consistait en de l'euthanasie. Donc, la
première difficulté, c'est d'abord la définition des termes. D'ailleurs, dans
le projet de loi, je crois que tous reconnaissent qu'on a besoin de
meilleures définitions, et je vous dirais même que, pour certains concepts, il
faut définir en quoi ça consiste, dont, entre autres, la question de l'aide
médicale à mourir.
Après ce sondage,
M. le Président, il y a eu la commission Mourir dans la dignité. C'est une
commission qui a été mise en place,
c'est une commission qui a été importante, qui a été d'ailleurs présidée par
notre collègue de Jacques-Cartier, avec également la députée de
Joliette, et également présidée par la suite, lorsque le collègue de
Jacques-Cartier est devenu ministre, par la députée de Hull. Il y a eu un
rapport qui a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, et ce rapport recommandait une loi pour encadrer
justement les soins en fin de vie, dont, entre autres, à ce moment-là,
peut-être penser à offrir ce qu'on appelle maintenant l'aide médicale à mourir.
Il y a eu la
création, après ça, d'un comité avec Me Jean-Pierre Ménard pour faire des
recommandations, comment on pouvait agencer les recommandations de
Mourir dans la dignité pour en faire un projet de loi. Et, suite à ce rapport,
il y a eu un projet de loi de déposé.
M. le
Président, nous avons entendu pendant 55 heures des gens qui sont venus
nous raconter en quoi consistaient pour eux les soins de fin de vie,
mais également prendre position, je vous dirais, de façon parfois très costaude
par rapport au projet de loi. Et nous avons deux grands courants de pensée, le
premier courant de pensée qui est tout simplement
pour le projet de loi, et nous avons un courant de pensée qui est contre le
projet de loi. Mais la majorité des groupes ont dit qu'il y avait des
améliorations à apporter au niveau de la rédaction du projet de loi, ne
serait-ce qu'au niveau des définitions et également dans certains concepts.
Donc, ils nous ont demandé de voir qu'est-ce qui pouvait être fait pour
améliorer ce projet de loi.
On a eu des points de vue différents. Puis en
gros, M. le Président, je vais le résumer, il y a des gens qui, tout
simplement, disent que ce n'est pas correct d'abréger la vie, qu'il faut
continuer d'offrir des soins palliatifs, et, à un moment donné, la personne va décéder. Il y a d'autres personnes, sur le
principe d'autonomie et d'autodétermination, qui disent que, oui, il
faut offrir aux gens la possibilité d'abréger la vie dans certaines conditions.
Mourir dans la dignité n'avait pas défini les conditions, le projet de loi le
fait, et c'est, encore là, des éléments qu'on va devoir discuter ensemble.
M.
le Président, je m'en voudrais de ne pas discuter de l'importance des soins
palliatifs au Québec, parce qu'il y a un point qui est unanime, tous le
reconnaissent, c'est qu'avant de penser à de l'aide médicale à mourir il faut
d'abord développer des soins palliatifs et des soins palliatifs de qualité et également
généralisés à toute la population, offerts
par des professionnels compétents. La ministre a reconnu à plusieurs
reprises que déjà il se fait des soins palliatifs au Québec,
puis un certain niveau de soins palliatifs que je vous dirais de très haute
qualité, sauf qu'il faut le généraliser et le rendre accessible très rapidement
dans tous les endroits.
M. le Président, un autre élément qui était
important, c'est de reconnaître le travail qui était fait au niveau des maisons de soins palliatifs. Les maisons de soins
palliatifs offrent des services extrêmement de qualité puis également avec beaucoup de
compassion. Et c'est d'ailleurs un des endroits où est-ce que des gens
préfèrent aller mourir. En gros, il y a trois endroits où on peut mourir, le premier,
celui qu'on favorise, mais que c'est une faible partie de la population qui le fait, c'est mourir à domicile. Pourquoi on n'atteint pas un taux, exemple, de 50 %? C'est tout simplement parce qu'on
manque encore d'organisation et on manque de services à domicile. Et ça, c'est
un des buts du projet de loi, c'est de réussir à l'offrir.
Deuxième
endroit, M. le Président, c'est dans les maisons de soins palliatifs. Lorsque
vous ne pouvez pas mourir à domicile, que les conditions ne sont pas
remplies, à ce moment-là on peut offrir aux gens d'aller mourir dans un endroit où est-ce qu'il y a des services
nécessaires pour réussir à accompagner la personne jusqu'à la fin de leur vie,
sans souffrance, avec du personnel
compétent, un endroit où est-ce qu'également la famille peut demeurer puis où
les gens peuvent rester avec leurs
êtres chers. Donc, M. le Président, le deuxième endroit, c'est vraiment les
maisons de soins palliatifs.
Le troisième
endroit, bien, c'est soit en CHSLD ou à l'hôpital, c'est-à-dire un
établissement de santé. En CHSLD, c'est leur milieu de vie naturel vers
la fin de la vie. En hôpital, il y a des gens qui décident de rester à
l'hôpital plutôt que d'aller dans les maisons de soins palliatifs ou de
retourner à domicile.
M. le
Président, personnellement, philosophiquement, puis je l'ai écrit à quelques
reprises, moi, je favorise que la personne ait le choix. Mais on sait
que, lorsqu'on a des maisons de soins palliatifs, généralement les gens
préfèrent décéder dans une maison de soins palliatifs que de décéder au niveau
de l'hôpital.
Quelques concepts rapidement, M. le Président, parce que je n'ai plus beaucoup de temps. Il y avait
des éléments, dans le projet de loi, qu'il fallait regarder et il
y a des éléments qu'il va falloir
qu'on essaie d'améliorer. Entre
autres, la directive médicale
anticipée, lorsqu'on la mettait contraignante, c'est-à-dire qu'à partir du
moment que la personne l'a rédigée, on
devrait y répondre, Me Ménard est venu dire qu'il faut y faire attention parce qu'on peut être appelé àrépondre à
des situations extrêmement difficiles qui n'étaient pas prévues. Donc, je
m'attends que la ministre, là-dessus,
va nous apporter des suggestions pour qu'il y ait un jugement, que, même que lorsque
la personne est décédée et qu'elle avait décidé… ou avait fait savoir ses
intentions avant de mourir, qu'il va falloir être capable de juger si c'est
réalisable ou pas.
Également, M. le Président, toute la question du
Directeur des services professionnels, qui, lui, est obligé de ramasser la
balle lorsque personne ne veut s'occuper de la situation de quelqu'un qui veut
avoir de l'aide médicale à mourir, on va insister s'il y des choses qui
devraient être changées.
Également, M. le
Président, un élément qui est
important, c'est la question des membres de la commission. En effet, au
niveau de la commission, il y a quelques personnes qui sont prévues, mais il y
a au moins trois professionnels qu'on veut
rajouter ou des représentants de ces professionnels, d'abord, les pharmaciens, également les infirmières et
les travailleurs sociaux. Je pense que ces gens-là travaillent directement au niveau de cette clientèle et je trouve
inconcevable qu'on n'ait personne pour les représenter.
M. le Président, il ne me reste pas beaucoup de
temps, puis j'aimerais peut-être vous parler de c'est quoi, la philosophie
qu'il y a en arrière du projet de loi. Pour moi, la première chose, c'est
d'offrir le choix. On offre le choix aux
gens de décider, oui ou non, la façon dont ils vont recevoir leurs soins
palliatifs, l'endroit également où ils vont pouvoir le recevoir, et
également le projet de loi permet de dire à quelqu'un ou d'offrir à quelqu'un
qui arrive en fin de vie et qui a des souffrances intolérables, qui sait qu'il
va mourir à court terme, la possibilité d'avoir une vie abrégée. Je vois, M. le
Président, qu'on n'aura pas le temps de continuer plus longtemps.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
À ce moment-ci, M. le député, il va vous rester une dizaine de minutes à votre
intervention. Avez-vous terminé votre intervention ou souhaitez-vous poursuivre
ultérieurement?
Une voix : …
• (18 heures) •
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Ça va aller? Très bien. Alors, je vais donc suspendre le débat sur le projet de
loi n° 52.
Débats de fin de séance
Et, tel
qu'annoncé précédemment nous allons maintenant procéder aux deux débats de fin
de séance. Le premier débat, qui se
fera entre M. le député de Jean-Talon et M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux, concerne l'abolition des postes d'infirmières dans le
réseau de la santé et des services sociaux découlant des coupures péquistes.
Je vous rappelle
que, conformément à l'article 310 du règlement, le député qui a soulevé le débat
et le ministre qui lui répond ont chacun un temps de parole de cinq
minutes, et le député a ensuite un droit de réplique de deux minutes.
Alors, M. le député de Jean-Talon, je vous cède
donc la parole pour une durée de cinq minutes.
Impact
des décisions du gouvernement
sur les services de santé
M. Yves Bolduc
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. L'objet du débat, ce
soir, c'est la question que j'ai posée aujourd'hui,
et cette question est partie d'un article dans le journal, la semaine dernière,
qui faisait mention qu'il y avait des coupures dans les CHSLD. En effet,
actuellement, il y a ce qu'on appelle du réaménagement, un terme poli pour coupures. Et ça, j'y crois, je pense qu'il y a
possibilité de faire du réaménagement. Mais ce que l'on voit
actuellement derrière ce terme, c'est
vraiment une coupure nette au niveau des professionnels. Entre autres, on
baisse les ratios du nombre d'infirmières pour le nombre de patients. Et
on sait pourquoi, M. le Président, on en arrive à cette situation. C'est tout simplement, actuellement, il y a des déficits
qui s'annoncent énormes dans nos établissements de santé. Dans le but de
revenir à l'équilibre budgétaire, il y a eu une consigne de donnée de faire des
coupures, ou d'en arriver, à la fin, à rééquilibrer de différentes façons.
Vous savez, M. le
Président, que, lorsqu'un établissement est rendu au mois d'octobre, il n'a pas
beaucoup de choix. S'il décide de faire un plan de compressions, il faut qu'il
le fasse rapidement parce qu'il ne lui reste que cinq mois pour revenir à l'équilibre. Ce que l'on constate actuellement,
c'est qu'il y a des établissements qui s'en vont vers des déficits, des
établissements, exemple, régionaux, de 14, 15 et 16 millions de dollars et
nous avons des établissements, des petits établissements qui s'en vont vers des
déficits de 700 000 $ à 800 000 $. Ça, je pense que le
ministre est au courant qu'à cette période de l'année, lorsqu'on veut récupérer
un déficit, c'est dommage, mais il faut quasiment couper le double du montant
nécessaire pour réussir à arriver, au niveau budgétaire, dans notre année.
Mais notre
inquiétude, M. le Président, ce n'est pas sur ces coupures, comme l'effet que
ça a sur les patients. Si vous avez moins
d'infirmières, moins de préposés, ça implique qu'il y a des gens qui vont
recevoir moins de soins. Également,
il y avait probablement du développement qui devait se faire dans certains
établissements de santé qui va être retardé
à l'année prochaine. Et également ce qu'on peut voir, c'est qu'il y a
possiblement des services qui ne pourront être donnés. Je trouve ça triste, M. le Président, parce qu'on sait que
le gouvernement, actuellement, est sous pression financière très importante, ils s'en vont vers un déficit estimé autour
de 2 milliards de dollars, tout simplement parce qu'il y a eu une
mauvaise gestion, parce qu'il n'y a pas assez d'entrées de fonds.
Ce
n'est pas que le réseau n'a pas besoin de ce montant d'argent ou de ces
montants d'argent, c'est tout simplement parce que, compte tenu qu'il n'y a pas assez de revenus, on va être
obligés de couper dans les services. On parle ici de la santé, mais ça peut être également dans
l'éducation. Puis on a vu tout le dossier des commissions scolaires, cette
saga où le Parti québécois a demandé à faire des coupures, était d'accord pour
qu'il y ait une augmentation de taxes, puis, actuellement, ils sont en train de
punir ceux qu'ils avaient autorisés à faire cette augmentation de taxes. Donc,
M. le Président, c'est une grande inquiétude que nous avons.
Également,
M. le Président, je voudrais souligner, puis je ne veux pas en faire un enjeu
politique, également toute la question de la disponibilité des
médicaments contre le cancer. On sait que les médicaments pour le cancer sont actuellement un coût important au niveau du réseau
de la santé, surtout au niveau de l'augmentation des coûts. Par contre, on doit offrir aux patients les meilleurs
services, et surtout les meilleurs soins, et souvent les meilleurs produits. Et
là j'ai de l'inquiétude, M. le
Président, parce que, lorsque j'étais ministre, j'avais eu des recommandations
de l'Institut national d'excellence
en santé et en services sociaux et j'étais allé à l'encontre de ces
recommandations parce que, tout simplement, les médecins spécialistes nous disaient que leurs patients avaient
besoin de ces médicaments et que c'est souvent une des dernières
alternatives qu'on pouvait leur offrir, même pour une durée de vie qui était
brève. Mais, comme je l'ai dit souvent, vous
savez, les deux derniers mois de votre vie n'ont pas la même valeur que deux
mois à l'âge de 20 ans parce qu'il ne nous en reste pas beaucoup à
vivre, et puis vous voulez en profiter pleinement.
Également, l'autre
argument, c'est que, si on n'offre pas ces médicaments-là, bien, il n'y aura
pas autant de recherche qui va se faire, et
puis, également, on ne développe pas ces nouvelles technologies. Et, vous
savez, le combat contre le cancer ne
s'est pas fait «du jour au lendemain, on guérit». On est allés gagner un mois à
chaque fois qu'il y avait des nouvelles technologies, des nouveaux
médicaments qui arrivaient sur le marché, ce qui fait qu'à la fin, dans le
cancer du sein, on a 90 % des gens qui survivent; le cancer de la
prostate, c'est 97 % des gens qui survivent.
Donc,
M. le Président, aujourd'hui, je veux traduire mon inquiétude. Compte tenu des
difficultés financières du gouvernement, compte tenu de la difficulté à
maintenir le réseau à flot, ce que l'on voit, c'est qu'actuellement il y a des
consignes de coupures dans le réseau de la santé et je pense que le ministre de
la Santé, son premier rôle, c'est de préserver
les soins. D'ailleurs, aujourd'hui, c'est ce que je lui ai dit. Puis ce que je
lui demande, c'est de préserver les soins et de débattre avec le Conseil
du trésor afin de pouvoir continuer à offrir tous ces soins de qualité. Et
c'est certain qu'il y a un problème financier, mais c'est un problème
financier qui a été créé par son gouvernement, et les gens n'ont pas à payer pour cette
difficulté. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le
député de Jean-Talon. M. le ministre de la Santé et
des Services sociaux, vous disposez de cinq minutes.
M. Réjean Hébert
M.
Hébert : M. le Président, alors il importe, dans le réseau
de la santé, qu'on puisse respecter les ciblesbudgétaires. Ces cibles-là sont connues, M. le Président, depuis le
début de l'année. Les établissements sont en bonne voie de respecter ces
cibles budgétaires là.
Il faut dire que, lorsque nous sommes
arrivés au pouvoir l'an dernier à cette même date, il y avait des
dépassements très importants des cibles budgétaires par un laisser-aller du
gouvernement libéral qui nous a précédés. Juste en santé, il y avait 450 millions de dépassement, et, comme le député
de Jean-Talon le remarquait si bien, à cette étape-ci de l'année,
récupérer 450 millions, c'est difficile, et nous l'avons fait, M. le
Président. Les établissements connaissent leurs
budgets depuis plus d'un an, M. le Président, ils connaissent les cibles
budgétaires, ils ont eu toute l'année pour être en mesure de pouvoir se
préparer à respecter ces cibles budgétaires, et ils les respecteront. Il n'y a
pas de coupures en santé. Il n'y a pas de coupures additionnelles. Il y a même
une augmentation de 4,8 % qui est consacrée au milieu de la santé, et je
pense que c'est une augmentation qui est extrêmement importante dans le
contexte budgétaire que l'on connaît, M. le Président.
Bien
sûr, il y a de l'optimisation à faire dans le réseau, donc il faut diminuer les
coûts administratifs pour prioriser les
services cliniques, et les établissements sont en train de faire cette
optimisation. Lorsque le député de Jean-Talon parle des infirmières en CHSLD, M. le Président, ce
n'est pas une question de coupures, ce n'est pas une question de
coupures de postes, c'est une question de transformation. Il faut être capable
d'utiliser les infirmières à leur pleine compétence, M. le Président. C'est pour ça que nous n'avons pas hésité à mettre de
l'avant les ordonnances collectives pour que les infirmières puissent
être en mesure de prescrire et de suivre des patients avec des maladies
chroniques.
Mais, par la même
occasion, M. le Président, il y a un certain nombre de gestes que des
infirmières font qui pourraient très bien
être faits par des infirmières auxiliaires et des préposés, notamment en CHSLD.
Il faut donc être en mesure de faire
cette transformation, M. le Président, et de pouvoir réserver les actes des
infirmières pour vraiment leurs compétences exclusives, et c'est ce qui
a été fait dans les deux établissements qui ont fait l'objet d'un certain
battage médiatique, M. le Président. Ils
n'ont fait qu'avoir le même genre de norme que les autres établissements sur
l'île de Montréal et à travers le Québec. C'est une transformation du
réseau qui n'a rien à voir, M. le Président, avec des coupures budgétaires.
Quant aux
recommandations de médicaments sur le cancer, M. le Président, depuis le mois
de janvier 2013, l'INESSS a révisé
11 dossiers de nouveaux médicaments, a fait une recommandation positive
dans quatre médicaments, a poursuivi ses travaux pour deux autres et a
recommandé de façon négative l'inscription de ces médicaments-là, parce que la valeur thérapeutique n'avait pas été
démontrée ou encore que la valeur ajoutée de ce médicament par rapport à
l'arsenal thérapeutique qui était actuellement disponible n'était pas
démontrée, M. le Président.
Il va de soit que
nous sommes très soucieux de la qualité des services et des traitements aux
patients atteints de cancer. En novembre
dernier, j'ai même autorisé quatre médicaments contre le cancer qui n'avaient
pas fait l'objet d'une recommandation positive par l'INESSS simplement
basée sur les coûts. Je les ai autorisés quand même parce que je voulais donner accès à ces médicaments aux
patients atteints du cancer, M. le Président. Alors, il n'est pas question
pour nous de pouvoir faire d'économies pour
diminuer la qualité des traitements auxquels ont droit les patients qui
souffrent de cancer. On veut donner le
maximum de qualité, le maximum d'accès aux soins, mais, pour faire ça, M. le
Président, il faut que l'ensemble des
établissements du réseau puisse respecter ses cibles budgétaires, M. le
Président, parce que, si tout le monde
dépasse ses cibles, on ne sera pas capables de pouvoir équilibrer le budget, et
ça, ça aura des conséquences sur la qualité des services pour l'an
prochain et les années subséquentes.
Il est important
qu'on puisse avoir une gestion rigoureuse des fonds publics, de faire en sorte
que les coûts administratifs soient réduits
au minimum pour maximiser les coûts et les budgets qui sont dédiés aux services
cliniques des patients. Et, dans tous les plans, dans tous les plans
d'optimisation, M. le Président, ils doivent faire l'objet d'une autorisation par l'agence, et la consigne est très
claire, il ne faut pas que les services cliniques soient atteints. Au
contraire, il faut que les services cliniques s'améliorent et que l'accès des
patients à ces services soit encore plus grand, M. le Président. Je vous
remercie.
• (18 h 10) •
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le
ministre de la Santé et des Services sociaux. Droit de réplique de deux
minutes, M. le député de Jean-Talon.
M. Yves Bolduc (réplique)
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, M. le Président. Ce que nous entendons
actuellement dans le réseau, ce n'est pas ce que le ministre dit. Ce n'est pas
au niveau des coupures bureaucratiques ou administratives qu'on récupère de l'argent,
c'est vraiment directement dans les soins aux patients. La transformation du
réseau de la santé au niveau des CHSLD, lorsqu'on passe d'un ratio, exemple, d'une infirmière pour
100 patients à une infirmière pour 150 patients, je pense qu'il
y a quand même un côté
raisonnable, et tout le monde va vous dire que ça n'a pas de sens. M. le Président, je pense que le ministre va devoir réviser qu'est-ce qui se passe dans le réseau de la santé, parce qu'actuellement
ce qu'on entend sur le terrain par les
gens qui travaillent dans le réseau de la santé, c'est qu'il y a des coupures.
Les syndicats ont dénoncé les
coupures. Il y a également l'Ordre des infirmières, qui est un ordre
extrêmement respectable, puis, pour que l'Ordre des infirmières s'inquiète de la situation dans les CHSLD, je
pense que le ministre doit se poser des questions.
Par rapport aux
médicaments contre le cancer, actuellement, il y a des médicaments que des
patients paient eux autres mêmes de leurs poches, et le ministre est au courant
de certaines situations, qui, malheureusement, ne peuvent pas être acceptés par
l'INESSS malgré le fait que les spécialistes les recommandent, et nous avons
essayé de corriger cette situation-là. Lors des dernières années que nous
étions au pouvoir, nous avions réussi à imposer à l'INESSS une certaine conduite où, comme de fait, il fallait qu'ils
tiennent plus compte de l'opinion des spécialistes, et nous tenons absolument
à ce que ces patients aient une écoute. Et il y a des cas particuliers qui ne
répondent pas à la règle générale mais auxquels le ministre doit être capable
de répondre.
Vous
savez, M. le Président, on s'en va avec un plus grand confort au niveau
du nombre de professionnels. Les médecins,
les infirmières, on a corrigé la situation des mises à la retraite au cours des 10 dernières
années en augmentant les cohortes. Il serait
dommage actuellement, par manque de budget, de ne pouvoir utiliser ce personnel
compétent. On parle des infirmières et des
différents médecins qui vont arriver sur le marché du travail au cours de
la prochaine année. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Jean-Talon,
pour cette réplique.
Nous
allons maintenant procéder au second débat, sur une question
adressée par M. le député de Beauce-Sud
à la première ministre, qui sera remplacée par le leader adjoint et ministre de la Justice,
concernant la campagne électorale péquiste clés en main de 2007 par la
FTQ-Construction.
Alors, M. le député
de Beauce-Sud, je vous cède la parole pour cinq minutes.
Propos concernant la campagne
électorale
du Parti québécois en 2007
M. Robert Dutil
M. Dutil :
Merci, M. le Président. Je vais prendre le temps qu'il faut pour citer
exactement ce qui écrit dans le texte du
livre Syndicalistes ou voyous? de M. Jocelyn Dupuis et M. Goyette. À la
page 279, donc, on retrouve le texte suivant : «Jocelyn rencontra
André Boisclair à l'Hôtel InterContinental à Montréal. Au cours de cette
rencontre, il fit le point sur les questions d'importance pour l'industrie de
la construction et il offrit son aide au parti pour l'élection à venir : installation de pancartes, service
de gardiennage pour les électeurs devant s'absenter du foyer, mise à la
disposition du parti de lignes téléphoniques, de téléphonistes ou de services
juridiques, etc. Boisclair accepta. Je me souviens de l'énergie que nous avons consacrée à soutenir le Parti québécois lors de
l'élection de 2007. Dans le comté de La Prairie, où se présentait
François Rebello, aucun effort ne fut épargné.»
Voici,
M. le Président, les raisons pour lesquelles nous insistons sur cette
question-là. J'ai posé cette question une première fois et j'ai été répondu non par la première ministre, mais par
le leader du gouvernement, qui, à travers l'esbroufe de l'ensemble de sa
réponse, a fini par nier ces allégations. Quelques jours plus tard, interviewé
à TVA Nouvelles, le 20 octobre, M. Goyette a reconfirmé que ce qu'il
avait écrit était tout à fait exact. Donc, nous nous retrouvons ici devant deux opinions tout à fait contradictoires,
deux versions tout à fait contradictoires, et, malheureusement, le DGEQ
a refusé de tenir une enquête sur cette question-là, disant qu'il y avait eu
prescription. Nous serions intéressés à savoir ce qu'en pense le Parti québécois. Est-ce qu'il accepterait qu'une
enquête soit faite, de façon à ce qu'on ait de façon très objective ce qui s'est passé dans cette
question-là? Je pense que ce serait un point important pour faire toute la
lumière.
Nous estimons, au vu
et à la lecture de ce que je viens de vous citer, qu'il s'agit de contributions
électorales illégales. Alors, nous, il n'y a
personne qui vient nous démentir là-dessus, puisqu'on refuse de faire une
enquête, et on ne nous empêchera pas
de penser qu'il s'agit de contributions financières illégales tant et aussi
longtemps qu'un organisme objectif — et on pense que c'est le DGEQ
dans ce cas-là qui devrait le faire — ne viendra pas faire la
lumière sur l'ensemble et viendra dire, oui
ou non, ce sont ou ce ne sont pas des contributions électorales illégales,
premièrement.
Deuxième point, et je
pense que c'est important, nous avons évoqué le terme «élection clés en main».
Nous estimons que quelqu'un qui offre des
services d'installation de pancartes, de services de gardiennage pour permettre
aux électeurs d'aller voter tout en gardant
leurs enfants, de mise à la disposition de lignes téléphoniques, de mise à la
disposition de téléphonistes, de gens qui
vont faire des appels téléphoniques
et de mise à la disposition de services juridiques, et qu'on ajoute à
cette liste déjà impressionnante un et cetera, ça commence drôlement à
ressembler à quelque chose qui est clés en main.
Nous
voudrions, si ça ne correspond pas à la définition que donne le ministre,
nous voudrions savoir qu'est-ce qu'il entendrait,
lui, par une élection clés en main, sinon ces choses-là. Tous les gens qui ont
une certaine expérience politique, tous
les gens qui connaissent la façon d'organiser la politique et qui lisent cette
liste-là se disent : Mais c'est un soutien vraiment fantastique. Ça
correspond aux choses qu'on a plus de difficultés à obtenir, qui sont les plus
précieuses au cours d'une campagne électorale. Donc, nous estimons que, quand on obtient des services de ce genre-là
d'une organisation, on a obtenu un service très important et ça
ressemble d'une façon très claire à ce que nous pourrions appeler une élection clés en main. Donc, le ministre
pourra peut-être nous répondre sur la définition que lui aurait
d'une élection clés en main.
Donc, je répète mes
questions. Nous pensons qu'il devrait y avoir un organisme indépendant qui
vient faire la lumière sur l'ensemble de ces choses-là, qu'il y ait eu
prescription ou non, qu'il y ait eu prescription ou non. La commission Charbonneau, là, elle fait des choses sur des éléments où il y a
eu prescription puis ceux qui ont commis des erreurs, que ce soit
prescrit ou non, au moins auront l'opprobre d'avoir commis des erreurs, de
façon à éviter qu'elles ne se reproduisent.
C'est ce que nous pensons qu'il doit se passer dans tous les partis politiques, y compris le PQ. Quand il y
a des erreurs qui sont commises,
qu'il y ait de la lumière, que la lumière soit faite et, s'il y a prescription,
il yaura prescription, peu importe. À tout le moins, il y aura eu l'opprobre si le comportement a été tel et on évitera
dans le futur que de pareils comportements se reproduisent. Tel est
notre objectif.
Donc,
ma question : Quelle est la définition de services clés en main, premièrement? Deuxièmement, est-ce que le Parti québécois accepterait de demander au Directeur général des élections qu'une enquête soit faite, qu'il y ait
prescription ou non, de façon à faire la lumière sur ces cas dévoilés par le
livre Syndicalistes ou voyous?
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Alors, merci, M. le député de Beauce-Sud. M. le ministre
de la Justice et leader adjoint du gouvernement, vous disposez de cinq minutes.
M. Bertrand St-Arnaud
M.
St-Arnaud : Oui, merci, M. le Président. Écoutez, M. le
Président, j'ai un peu de difficultés
à comprendre la nécessité de ce débat de fin de séance. Il me semble que
j'ai bien répondu lors de la période de questions. En fait, j'ai même répondu quatre fois plutôt qu'une, à savoir
qu'il n'y a aucune élection clés en main au Parti québécois. Qu'est-ce
que vous voulez que je vous dise de plus, M. le Président? Et honnêtement, et
le député de Beauce-Sud le sait, moi, j'ai beaucoup de respect pour le député de Beauce-Sud,
on a fait des projets de loi ensemble dans l'harmonie totale, mais je pense qu'il ne faut pas être gêné, M. le Président, quand on est un député du Parti
libéral, pour se lever et poser des questions qui questionnent
l'intégrité dans certaines façons de faire du parti… en soulevant des doutes
sur des façons de faire que pourrait avoir — et, comme je le dis, je le
nie totalement — le
Parti québécois. Parce que, quand on est un député
libéral, on doit se rappeler un peu de ce qui s'est passé dans les dernières
années, et j'ai eu l'occasion de donner quelques exemples, M. le Président, cet après-midi. Il faut se rappeler
que le Parti libéral, durant la dernière législature et même avant,
remplissait sa caisse électorale à coups de commandes qui étaient données à
chaque ministre d'aller chercher
100 000 $. 100 000 $, là, il y avait une commande pour tous
les ministres qui étaient assis ici, M. le Président, à l'époque, d'aller chercher 100 000 $
pour garnir la caisse électorale, et ce qu'on a appris par la suite, c'est que
cette caisse électorale payait un
salaire au premier ministre, un salaire secret pendant 15 ans au premier
ministre de l'époque, M. Charest. Et je pourrais continuer les exemples
de ce genre-là, M. le Président. Écoutez, on en a soulevé, durant la dernière
législature, des dizaines de cas problématiques liés à la caisse électorale du
Parti libéral.
• (18 h 20) •
Alors, honnêtement,
je trouve qu'il ne faut pas être gêné, quand on est un député libéral, pour
poser ce genre de question, pour aborder
cette question-là quand on se rappelle, M. le Président, tous les cas liés à la
caisse électorale du Parti libéral du Québec qui ont été soulevés en
cette Chambre durant la dernière législature. Et je vous en donnerais seulement un autre exemple, que je connais bien,
le mode de nomination des juges, M. le Président. Vous vous rappelez sûrement,
à l'époque, de tout ce scandale qui a amené éventuellement la commission
Bastarache, parce qu'on avait découvert que plusieurs personnes, pour ne pas
dire pas mal de personnes, se mêlaient de la nomination des juges. Il y avait même une personne, M. le Président, au
cabinet du premier ministre, vous vous en rappelez, elle s'appelait
Chantal Landry, qui recevait les noms des
personnes, des avocats aptes à être nommés juges et qui mettait des post-it,
hein, les fameux post-it, là : libéral, post-it libéral sur un
dossier, post-it militant péquiste sur un autre, M. le Président. C'était ça,
la façon de nommer les juges sous l'ancien gouvernement.
Or,
je suis tellement fier, M. le Président, comme ministre de la Justice, de vous
dire que nous pratiquons, de ce côté-ci,
une façon de nommer les juges qui est à des années-lumière de celle qui était suivie par le gouvernement libéral. Dorénavant,
M. le Président, le comité de sélection, qui est maintenant
de cinq membres tous nommés par... les deux personnesdu public par l'Office des professions, les deux personnes du Barreau par le Barreau,
et le juge en chef adjoint responsable de
la cour, ces cinq personnes étudient les candidatures dans une grande
confidentialité et remettent au ministre trois noms, les trois meilleurs, M. le Président, avec un
rapport circonstancié sur chacun d'entre eux, et je nomme... je
recommande au Conseil des ministres la meilleure personne, en mon âme et
conscience. Je ne consulte ni mon chef de cabinet, ni ma sous-ministre, la sous-ministre en titre du
ministère de la Justice, et encore moins la première ministre, M. le
Président, sur le choix que je fais seul, en
conscience, pour faire une recommandation au Conseil des ministres, et c'est la
procédure que nous avons suivie pour les 39 juges que j'ai recommandés depuis
un an à la Cour du Québec. Je suis très fier de ça parce que c'est à des années-lumière de la façon partisane avec laquelle
on nommait les juges sous l'ancien gouvernement.
Alors, M. le
Président, je pense, bien honnêtement, qu'on n'a pas de leçons à recevoir du
Parti libéral sur ces questions et je
déplore ces tentatives de vouloir amener je ne sais trop quoi, parce que, je le
dis, je le répète, M. le Président, pour la sixième fois aujourd'hui, il
n'y a aucune élection clés en main au Parti québécois.
Et
le Parti québécois, M. le Président, c'est le parti de René Lévesque, c'est le
parti qui, pendant des années, de 1968
à 1976, s'est financé à coup de 5 $, de 10 $, de 12 $, alors que
le Parti libéral, lui, se finançait à coup de dizaines de milliers de
dollars provenant d'entreprises; c'est le parti qui a réformé la Loi sur le
financement des partis politiques en 1977;
et c'est le parti, depuis un an que nous sommes au gouvernement, qui a adopté
la loi n° 1 sur l'intégrité en matière de contrats publics, qui a modifié la Loi électorale pour limiter les
dons à 100 $, pour qu'on n'ait plus, comme on le voyait avant, des 3 000 $ puis des
2 500 $ qui allaient directement dans la caisse du Parti libéral; et
qui a aussi fait adopter une autre loi pour permettre de relever
provisoirement un élu municipal de ses fonctions. En un an, M. le Président,
nous avons livré la marchandise sur ces questions, et je trouve ça un peu
gênant de la part du Parti libéral d'oser aborder ce genre de dossier.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Alors, merci, M. le ministre, pour cette
intervention. Droit de réplique, deux minutes, M. le député de Beauce-Sud.
M. Robert Dutil (réplique)
M.
Dutil : Alors, M. le Président, vous aurez compris que le
ministre refuse totalement de répondre à la question. Ce que l'on veut savoir, c'est est-ce que ces
événements se sont produits, premièrement. Le leader du gouvernement a
nié. M. Goyette est revenu à la charge et a confirmé que c'était vrai. Nous
autres, on demande qu'il y ait une enquête du
DGEQ pour aller voir qui dit vrai, qui dit faux. Je pense que c'est élémentaire
et je pense que, si le PQ est si pur et si blanc, il ne devrait pas craindre d'avoir une enquête du DGE. Là, on se
retranche derrière la prescription. Le DGEQ a dit : Prescription,
le Parti québécois, bien content : On s'en lave les mains et on oublie la
question, et puis, quand on se fait poser la question, bien, on répond tout à
côté et tout autre chose que cette question-là.
Alors, c'est décevant. J'ai été
habitué à autre chose de la part du député quand il était dans l'opposition. Je
pense qu'effectivement on avait travaillé de
bonne collaboration, mais, aujourd'hui, je dois admettre que ce refus de
vouloir faire la lumière sur ces choses-là,
ce refus de définir c'est quoi, une élection clés en main, ce refus d'admettre
que ça, ça s'est passé ou non est tout à fait inadéquat et ne correspond
pas aux affirmations de transparence qu'on nous lance à tout bout de champ sur
ceci ou sur cela.
Je
reviens sur les autres aspects, sur les lois qui ont été adoptées. Il y a eu
plusieurs lois sur le financement des partis politiques qui ont été adoptées. La première, en 1977, d'ailleurs, en
passant, j'étais favorable. Je n'étais pas en politique et je ne m'en occupais pas, et je n'étais pas encore
identifié comme étant partisan d'un parti ou de l'autre, et j'ai trouvé
que c'était une excellente loi, et la plupart des gens qui sont assis ici
aujourd'hui considèrent que ça a été une excellente loi. Je pense que c'est un débat qui remonte au déluge et qu'on n'a pas
besoin de refaire. Mais les autres lois qui ont été adoptées, plusieurs
l'ont été durant le mandat du Parti libéral à l'unanimité, et la loi qui a été
présentée, la loi n° 2, a été adoptée
également, je le rappelle, à l'unanimité, et nous avons collaboré à son
adoption. Ça n'a pas été simple, je vais vous dire, ça n'a pas été simple parce qu'elle était mal faite. On a
travaillé très fort pour l'amener au niveau où elle est. Mais
effectivement, en général, il y a consensus sur ces lois-là. J'aimerais qu'il y
ait un consensus pour qu'il y ait une enquête du DGEQ sur ces événements-là.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Beauce-Sud.
Cela met un terme à la rubrique des débats de fin de séance.
Et je suspends les
travaux de l'Assemblée jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à
18 h 25)
(Reprise à 19 h 31)
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Alors, bonsoir à tous et à toutes. Veuillez
vous asseoir. Nous allons poursuivre les travaux concernant l'article 11. Je
suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Oui, M. le député d'Argenteuil,
la parole est à vous.
Projet de loi n° 52
Poursuite du débat sur l'adoption de principe
M.
Roland Richer
M. Richer :
Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole ce soir en
rapport avec le projet de loi n° 52, Loi
concernant les soins de fin de vie.
J'ai la chance, M. le Président, le privilège, devrais-je dire, de
participer à la commission parlementaire en santé et services sociaux à côté de
la députée de Joliette et ministre responsable du projet de loi n° 52. En
effet, M. le Président, je me souviens bien que c'est à l'initiative de la
députée de Joliette que les parlementaires de l'Assemblée nationale ont adopté
unanimement, unanimement, M. le Président, une motion créant une commission
spéciale afin d'étudier la question de mourir dans la dignité.
M. le Président, j'ai
72 ans. J'ai la chance d'être en santé et j'entrevois un avenir actif et
serein. Mon objectif demeure d'être actif jusqu'à 100 ans, quoique, depuis
quelques années, je me dis : Pourquoi se mettre des limites? Cependant, même si je vis bien cette époque de ma
vie, je n'en vois pas la fin avec le même oeil, avec le même regard que lorsque j'avais 20, 30 ou 40 ans. Si je
compare ma vie à un match de football qui se joue en quatre quarts,
j'entrerai bientôt dans le quatrième quart,
en souhaitant une prolongation au match. C'est pourquoi, M. le Président, le
projet de loi n° 52 revêt une
grande importance pour moi, et l'adoption de principe que nous vivons
actuellement est un grand moment.
M. le Président, ma mère est décédée le 10 décembre 2009 à l'âge de 97 ans. Elle
s'est endormie tout doucement, fatiguée sans doute, avec la seule
déception de ne pas pouvoir fêter ses 100 ans. Mais il en fut tout autrement
pour mon père. Mon père avait un cancer qui
s'est généralisé. Mon père avait peur de mourir. Ça m'a d'ailleurs
donné l'occasion d'avoir une
excellente conversation à ce sujet avec mon père. Il avait surtout peur de
souffrir avant de mourir. Il était très conscient de son état. Un
dimanche soir, quelques heures à peine après ma visite à mon père, je reçois un
téléphone me disant que son état se
détériorait et qu'il, probablement, ne passerait pas la nuit et qu'il serait
préférable que j'avertisse ma mère et ma famille. Mon père est décédé le
jeudi matin. Lundi, mardi, mercredi de souffrances inutiles. Mon père était
souffrant; c'était visible par ses positions, par sa tension. C'était évident
que les médicaments ne faisaient plus effet.
Mon père n'est pas décédé dans la dignité. Il ne vivait surtout pas dans la
dignité à ce moment-là. Et, pendant plusieurs années, j'ai revécu
ces moments passés à ses côtés et je me disais toujours : Je ne veux pas
mourir comme lui.
Heureusement, 26 ans
plus tard, à l'automne 2009, cet automne qui a marqué un tournant dans les
débats sur la fin de vie au Québec...
En effet, le Collège des médecins du Québec a
publié un document de réflexion d'envergure sur le sujet, qui conclut
qu'il existe des circonstances exceptionnelles où l'aide médicale à mourir
pourrait être une étape ultime dans le
continuum des soins appropriés de fin de vie. Le Collège des médecins estimait
alors qu'il fallait permettre aux
médecins d'apporter des réponses aux personnes dont la souffrance demeure sans
réponse en fin de vie. Nous étions à ce moment-là à l'automne 2009. Et,
le 4 décembre 2009, à l'initiative de la députée de Joliette, les
parlementaires de l'Assemblée nationale ont adopté unanimement une motion
créant la commission spéciale afin d'étudier la question de mourir dans la
dignité.
Dans le projet de loi n° 52, il y a
plusieurs termes qui m'ont accroché et sur lesquels je reviendrai :
continuum de soins appropriés de fin de vie, autonomie, dignité, respect de la
personne, reconnaissance de ses droits et libertés, et non pas des théories,
des croyances, des dogmes qui auraient préséance sur l'autonomie et les droits
d'une personne. J'y reviendrai, M. le Président.
Mais
d'abord je voudrais souligner un élément important, très important à mon point de vue, dans ce beau projet de loi :
je veux parler ici de consensus et
d'unanimité, de non-partisanerie des parlementaires en rapport avec le projet de loi n° 52. D'abord, je le
rappelle, unanimité des parlementaires au moment de l'adoption, le
4 décembre 2009, de la motion créant une commission spéciale pour étudier
la question de mourir dans la dignité. Unanimité ensuite sur le travail gigantesque, de longue haleine, d'une
ampleur sans précédent peut-être, sans aucune partisanerie surtout, et
j'insiste, sans aucune partisanerie, travail qui a permis à cette Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de déposer son rapport le
22 mars 2012. Un beau moment, M. le Président, un grand moment dans
l'histoire de la vie des parlementaires québécois.
J'insiste
sur ce point pour deux raisons. D'abord, sur le fait que les Québécoises et les
Québécois qui suivent les travaux parlementaires par le truchement de la
télévision s'arrêtent surtout sur la période de questions et de réponses. Difficile donc, à mon avis, pour le commun des
mortels, de penser qu'il puisse y avoir des travaux menés en collaboration
et des décisions prises dans l'unanimité.
Pourtant, dans son rapport du 22 mars,
la Commission spéciale sur la question mourir dans la dignité présente
24 recommandations unanimes de l'ensemble des députés membres de la
commission. Voilà le résultat d'un travail de collaboration non partisan.
Ensuite,
M. le Président, le projet de loi
n° 52 s'inscrit en droite ligne
avec les recommandations de ce rapport préparé
sans aucune partisanerie, faut-il le rappeler, et voté unanimement. Dans cette
logique, dans la continuité, il est normal
de croire que le projet de loi
n° 52, pour lequel nous
procédons à l'adoption de principe ce soir, passera rapidement l'étape de l'étude article par article pour être
adopté dès cet automne pour le plus grand bien des Québécoises
et des Québécois.
M. le Président, je
reviens brièvement sur ce que je disais au début de mon intervention au sujet
de ma vision sur la dernière étape de ma
vie. M. le Président, je suis rassuré, tout simplement rassuré, et
j'ai la conviction que ce projet de loi, une fois adopté, créera le même
sentiment sur la majorité des citoyennes et des citoyens du Québec.
Je
suis rassuré également pour ma famille, mes enfants, mes petits-enfants,
mon épouse qui n'auront pas à vivre ce que j'ai vécu à la fin de vie de
mon père. Je peux et je pourrai vaquer à mes occupations, réaliser mes projets
sans m'inquiéter outre mesure de comment
j'aurai à vivre la fin de ma vie. Cette loi courageuse et noble, respectueuse
de mes droits, de mon autonomie, viendra encadrer clairement dans un
continuum de soins approprié à ma fin de vie...
J'ai dit plus tôt que
je reviendrais sur certains termes que je trouve plutôt importants.
Continuum : ensemble d'éléments entre lesquels le passage est continu. Le projet
de loi n° 52 reconnaît formellement les droits de fin de vie qui comprennent les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir, une option exceptionnelle, strictement balisée
pour des cas de souffrance exceptionnelle.
• (19 h 40) •
Le projet de loi
n° 52, en plus d'offrir une reconnaissance formelle des soins palliatifs,
prévoit qu'ils doivent être offerts à une
personne dont l'état le requiert, ce, dans les établissements de santé, les
maisons de soins palliatifs et les domiciles.
La loi vient donc consacrer ce droit aux soins palliatifs. D'ailleurs,
j'aimerais le rappeler, ma collègue l'a fait cet après-midi, mais il est important
de le redire probablement, le 5 mai dernier, la première ministre du Québec, Mme Pauline Marois, annonçait un investissement
supplémentaire de 15 millions en soins palliatifs dont plus des deux tiers
sont destinés spécifiquement aux soins palliatifs à domicile, ce qui constitue,
M. le Président, une première.
Toujours
dans un continuum, il arrive un moment où, comme le disait le document de
réflexion du Collège des médecins en
2009... arrive un moment où il faut apporter des réponses aux personnes dont la
souffrance demeure sans réponse en fin de vie.
Malheureusement, même avec les meilleurs soins palliatifs, les personnes en fin de vie continuent de souffrir. Ainsi, le projet de loi n° 52
prévoit aussi une option exceptionnelle, je dis bien exceptionnelle, pour
répondre à des souffrances exceptionnelles,
soit l'aide médicale à mourir. Dans un grand souci de prudence, cette option
exceptionnelle sera encadrée de façon
claire, stricte, rigoureuse. J'invite donc en ce sens à lire l'article 26 du
projet de loi qui vient... qui est explicite
sur les critères devant être rencontrés pour qu'une personne en fin de vie
puisse obtenir l'aide médicale à mourir.
Voilà, M. le
Président, ce que je souhaitais partager seulement sur le terme «continuum».
Mais, avant de poursuivre, je veux apporter
une précision importante sur la notion d'aide médicale à mourir qui se
distingue de celle de l'euthanasie
par le fait que la demande doit parvenir en tout temps de la personne
elle-même, pour elle-même, et qu'il doit toujours y avoir un encadrement médical. Non, M. le Président, l'aide
médicale à mourir n'a aucun, mais aucun rapport avec l'euthanasie.
Dans
ma profession de pédagogue, j'ai souvent entendu dire, au sujet d'un enfant, et
je l'ai sûrement souvent dit moi-même,
qu'un enfant faisait preuve d'autonomie. S'il était important autant pour les
éducateurs qui m'entouraient que pour moi de reconnaître ce trait, cette
caractéristique du développement, je suis d'autant plus heureux de voir que le projet de loi n° 52 reconnaît ce droit de se
gouverner en fin de vie, droit à l'autonomie, au respect de la personne.
Dignité, mourir dans la dignité, n'est-ce
pas le plus grand geste de respect, de noblesse même que de permettre, par un
encadrement rigoureux, aux professionnels de la santé d'assister, d'accompagner
une personne en fin de vie?
M.
le Président, après ce document de réflexion du Collège des médecins en 2009,
après cet exercice démocratique d'une grande ampleur, sans partisanerie,
qui a mené au dépôt du rapport sur la commission spéciale le 22 mars,
après la rédaction de 24 recommandations unanimes
de l'ensemble des députés siégeant sur cette commission, nous avions la
responsabilité, comme gouvernement, de donner suite à ces recommandations.
C'est la réalisation de ma collègue députée de Joliette et ministre responsable
de la loi n° 52... ce en quoi consiste le projet de loi n° 52.
M. le
Président, en terminant, je salue toutes les personnes qui ont participé,
membres de l'Assemblée nationale, spécialistes, citoyennes, citoyens,
qui ont participé, dis-je, à la commission spéciale afin d'étudier la question
de mourir dans la
dignité. Je salue le courage politique des parlementaires qui ont réussi ce
travail sans partisanerie, arrivant même
aux recommandations finales dans l'unanimité. Je veux également remercier ma
collègue la députée de Joliette et ministre responsable de ce projet de
loi pour son travail extraordinaire et le privilège que j'ai de siéger à ses
côtés; également mes collègues, également
les membres de l'opposition avec qui j'ai le privilège de travailler sur la
commission parlementaire en santé et services sociaux. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député
d'Argenteuil. Je n'ai pas voulu vous interrompre, mais il faut faire
attention de nommer les députés par leur fonction et non pas par leur nom de
famille, mais il faut faire attention la prochaine fois. M. le député de
Jacques-Cartier, la parole est à vous.
M. Geoffrey Kelley
M. Kelley : Merci beaucoup, M. le
Président. À mon tour, c'est un grand
privilège pour moi de participer dans le débat sur l'adoption de principe du projet de loi n° 52,
Loi concernant les soins de fin de
vie, Bill 52, An Act respecting end-of-life care. Et, comme
vous le savez, M. le Président, j'ai eu le privilège extraordinaire de présider la
commission spéciale qui s'est penchée sur ces questions entre 2009 et 2011.
Alors, je veux souligner l'aspect bipartisan de toute cette activité. C'était
le gouvernement du premier ministre Jean Charest qui a accepté qu'on peut
mettre en place cette commission, qui était
vraiment une expérience unique dans mes 19 ans comme parlementaire à
l'Assemblée nationale.
Nous avons visité huit villes à travers le
Québec. Nous avons entendu plus de 300 témoins, groupes, mais surtout les individus. Je pense, les deux tiers
des personnes qui sont venues avec un mémoire étaient les citoyens et
les citoyennes plutôt que les organismes. Les organismes ont participé
également. À la fin de chaque séance, il y avait un moment de micro ouvert où les personnes dans la salle… qui sont
venues exprimer aussi. Alors, c'était vraiment une expérience, comme
j'ai dit, unique dans ma carrière comme parlementaire.
Et, un petit
peu comme on a vu dans la dernière intervention du député d'Argenteuil, on est
très rapidement dans les cordes très
sensibles des familles, des individus, des personnes… même les députés, parce
qu'inévitablement quand on commence de parler de la fin de vie, on est
dans la fin de vie de nos parents, de nos proches, et tout le reste. Alors, ce sont vraiment dans les questions qui nous
touchent. Malheureusement, mais inévitablement, comme les êtres humains,
qu'on va être confrontés dans la fin de la
vie et on va prendre les décisions qui s'imposent pour s'assurer que la mort
est la plus pacifique, la plus sereine possible dans les circonstances.
Et dans ces…
traverser le Québec, le premier constat, et, je pense, c'est très, très
important, c'est : oui, le soutien des améliorations aux soins palliatifs. Et je pense, ça, c'est quelque
chose, c'était unanime, ça ne cause pas de controverse, M. le Président. Et
j'ai entendu le député d'Argenteuil, et, oui, c'est une question d'ajout
d'argent, mais c'est beaucoup plus profond que ça. Parce que je pense
qu'on a eu des médecins qui ont témoigné, et ça m'a touché quand les médecins eux-mêmes ont dit souvent : On fait les
traitements, on donne les interventions aux personnes qui sont assez âgées et
qui ont une maladie très avancée où, peut-être, la meilleure solution, c'est de
les envoyer vers les soins palliatifs pour les préparer comme il faut pour la fin de la vie — parce que, malheureusement, on va tous
passer par là — plutôt
que demander de nouveau une autre
intervention, peut-être une chirurgie, les choses qui n'ont pas vraiment grande
chance de réussite, mais dans le réflexe qu'il faut faire quelque chose,
qui est très humain, M. le Président.
Alors, je pense qu'on a tout intérêt pas
uniquement d'avoir plus de lits de soins palliatifs disponibles, mais également je pense qu'il y a des manques très
importants au niveau de… le comportement de certains de nos médecins,
qui nous amène également à la formation de nos médecins. Et je pense, dans la
formation, oui, les salles d'urgence, oui, les interventions, oui, la
pharmacologie, et tout le reste, mais il y a également l'importance... Dans la
gamme, le continuum que le député d'Argenteuil a évoqué il y a quelques
instants, il y aura de la place pour les soins palliatifs.
Moi, quand
mes deux parents ont décédé il y a cinq ans, il y a neuf ans, on a été très
chanceuse comme famille parce qu'ils
ont décédé dans le centre des soins palliatifs, dans l'Ouest-de-l'Île de
Montréal, qui a été fondé par notre ancien collègue Russell Williams et Mme Teresa Dellar. C'est le plus grand
centre des soins palliatifs au Canada maintenant, avec 23 lits. Il y a 200 bénévoles. C'est vraiment
un engagement communautaire pour s'assurer que les personnes
vulnérables, les personnes qui sont en très grande détresse ont accès aux
services extraordinaires. Alors, je veux… Encore une fois, j'ai fait ça à maintes reprises, mais le centre des soins
palliatifs de l'Ouest-de-l'Île de Montréal est une référence à
l'intérieur de notre réseau au Québec, et je pense que c'est la voie à suivre — et,
oui, c'est une question d'argent, je concède,
mais c'est beaucoup plus profond que ça — qu'il faut préparer nos médecins, il faut
préparer nos familles, que c'est un passage obligatoire dans la vie. Il
faut peut-être mieux préparer nos soins palliatifs.
• (19 h 50) •
Alors, il y
avait un grand consensus, dans les huit villes et les 300 témoins, qu'il
faut faire mieux au niveau des soins
palliatifs. Mais il y a des éléments qui sont contestés, il faut l'avouer. Le
nombre de témoins, il y avait des pour, et les contre, et des personnes pour, je pense, qui avaient présenté les
arguments autour de la nécessité d'alléger des souffrances. Il y a trop
de personnes, à la fin de la vie, qui sont souffrantes dans notre société,
alors il faut venir en aide. Certains cancers qui résistent les traitements pharmacologiques,
mais également les maladies dégénératives... Et on a eu des témoignages des personnes très, très
touchants que la fin de vie qu'ils prévoient est pénible. Il n'y a
pas d'autres mots pour ça. Les personnes avec la maladie de Lou Gehrig, par
exemple, ça, c'est une fin de vie pénible. Et est-ce qu'il y a des choses qu'on
peut faire pour alléger la fin de vie de ces personnes?
Il y a
d'autres personnes qui ont plaidé pour la liberté de la personne : C'est
mon destin à moi, c'est ma vie à moi et c'est moi qui peux contrôler la
fin de mes jours. Alors, ça, c'est un autre argument que nous avons entendu. Et
les personnes qui ont fait le parallèle avec le débat, il y a 15 ans, sur le
refus de traitement, qu'à un certain moment un malade peut dire : Assez, c'est assez! Je ne
veux pas d'autres traitements. Alors, les mêmes arguments autour : Est-ce
que ça peut être de l'abus? Est-ce que ça peut être de la pression de médecins
ou de la famille à une personne vulnérable de cesser
des traitements? Est-ce que ça risque d'avoir des abus? Mais on n'a pas vu de
preuves d'abus depuis 15 ans de cette expérience. Je sais que c'est un dossier qui a fait les manchettes
récemment devant la Cour suprême, mais dans un dossier qui touche une
famille à Toronto, mais ça, c'est les grands arguments qui ont été soulevés
pour avoir une plus grande ouverture dans un accès très, très limité et dans
les circonstances très précises, comme on trouve dans l'article 26 du projet de
loi, pour avoir un accès.
Par contre,
il y avait des nombreux groupes et individus qui ont témoigné contre. Ils ont
présenté les arguments souvent autour du risque de dérapage, qu'il
risque d'y avoir des abus, que les personnes... soit la pression de la famille, soit la pression des médecins pour
quelqu'un de mettre fin d'une façon précoce à leurs jours. Il y a les
personnes qui disent que la vie est sacrée,
et on ne peut pas toucher à ça parce que ce n'est vraiment pas aux êtres
humains de décider de la fin de nos
jours, mais ça va dans des mystères de la vie, si vous voulez, M. le Président.
Il y a également, et surprenant, mais une grande résistance du monde des
soins palliatifs aussi. Beaucoup de médecins, beaucoup de maisons de soins
palliatifs ont la confiance qu'avec les médicaments, avec les soins, on peut
régler les problèmes de fin de vie sans procéder à une aide médicale de mourir.
Alors, ça,
c'est les arguments qui ont été présentés devant la commission. Nous avons… Et
c'était ma collègue de Hull qui m'a
suivi, et, à l'époque, la vice-présidente de la commission était la députée de
Joliette, et certains collègues qui ont
travaillé, quoi, une cinquantaine de rencontres de travail pour finaliser le
rapport final... C'était vraiment un travail de moine, la précision. Alors, je veux souligner le travail fait par
l'ensemble parlementaires des quatre formations politiques représentées à l'Assemblée nationale pour s'assurer
qu'on ait un rapport qui reflète bien les débats et tous les
questionnements que nous avons entendus devant la commission spéciale entre
2010‑2011.
Et maintenant
on a un projet de loi qui était...Une des recommandations de la commission de
déposer avant le mois de juin un projet de loi est faite. Et maintenant
on a un débat ici. Et notre formation politique n'a pas pris un engagement électoral à ce sujet. Alors, nous avons
convenu avec notre nouveau chef, Philippe Couillard, qu'on va faire un vote de conscience sur cette question. Et je pense
que c'est sain parce qu'il faut avoir le débat. On ne peut pas prétendre
que la société québécoise est unanime autour de cette question. Il y a des
craintes, il y a des préoccupations. Et même les personnes qui sont pour le
projet de loi sont venues en commission parlementaire demander les amendements,
les précisions, peut-être un changement dans
la façon que les articles sont formulés dans le projet de loi. Alors, il n'y en
a pas, d'unanimité. Alors, sur une question
comme ça, qui n'est pas partisane, il n'y a pas une mort Parti québécois,
une mort libérale, une mort Coalition avenir
Québec. C'est la mort. Et on est tous des êtres humains, on est tous confrontés
par ça. Alors, on a tout intérêt d'avoir un débat et d'avoir la
diversité des opinions représentées dans la société reflétée dans l'Assemblée
nationale.
Alors, je
pense que la position prise par notre formation politique va nous permettre
d'aller de l'avant, et faire un véritable débat sur ces questions, et
s'assurer que le produit final, c'est le reflet, le meilleur produit possible
pour ces questions qui sont tellement
sensibles. J'annonce que, moi, comme député, j'ai entendu beaucoup de
commentaires de mes voisins, mes
électeurs pendant l'été et le printemps passé. Certains partagent les craintes
qui ont été exprimées quant au dérapage
potentiel et les problèmes qui peuvent survenir. Mais il y a d'autres personnes
qui reconnaissent qu'il y a un problème. Et, dans ces certains cas, surtout, de très grande souffrance,
il faut faire mieux comme société, il faut les aider. Alors, c'est mon intention, M. le Président, de voter pour le principe de ce projet de loi, parce que
je pense que ça reflète bien le
travail que la commission a fait, je pense que ça reflète bien une tendance
dans les témoignages que nous avons entendus
devant la commission parlementaire, mais je veux souligner que c'est controversé, il y a beaucoup
d'opinions. Alors, la partie soins palliatifs fait l'unanimité. On ne peut pas
dire que l'autre élément fait l'unanimité. Mais, dans la balance, moi, je
pense, il faut voter pour le principe, il faut continuer le débat en commission
parlementaire.
Et, quand
j'ai fait ça, j'ai pensé à une personne avant tout, qui est un ancien sous-ministre du Québec, qui s'appelle Ghislain Leblond, qui est quelqu'un
qui malheureusement souffre d'une de ces maladies dégénératives, qui a fait un témoignage très, très courageux devant la
commission. C'est vraiment lui qui a été un des premiers témoins quand
nous avons commencé la réflexion, et ça,
c'est un homme de beaucoup d'expérience, très lucide, très bien
encadré. Il m'a même invité chez lui
pour prendre un petit verre de scotch ensemble sur son balcon. Mais il est maintenant...
Sa mobilité est très, très réduite. Je pense qu'à 80 % ses muscles
ne fonctionnent plus, et il voit graduellement une fin de vie très, très, très pénible. Alors, il m'a demandé : Par
quel principe m'empêcher d'avoir le droit de mettre fin à mes jours? Avec
ses proches, il est très bien encadré, M. Leblond. Et j'ai, tout le long du
processus, essayé de répondre à la question de quelqu'un de très intelligent, très lucide comme M. Leblond, qui
dit : Moi, je ne veux pas imposer mon choix sur d'autres personnes. Mais, pour moi, à un certain moment
donné, dans la progression de ma
maladie, ça va devenir insoutenable, et il faut faire un autre choix, une autre décision.
Alors, j'ai toujours trouvé... sous l'angle de trouver une réponse
pourquoi je peux dire à M. Leblond :
Non, on ne peut pas faire ça, et je n'ai pas trouvé ça, M. le Président. Alors, moi, je pense, ce n'est pas le choix pour tout le
monde et ce n'est pas à moi d'imposer
mon choix sur une autre personne ou une autre famille. Et, dans son cas à lui, il a fait ça avec éloquence, à
répétition, il a suivi tous les travaux de la commission spéciale. Il a
écouté, je suis certain, les 55 heures de
débats en commission parlementaire quand il
y avait les auditions publiques sur
le projet de loi n° 52. Alors, c'est quelqu'un très fidèle qui
croit fermement et, je pense, nous interpelle comme parlementaires, parce que
son destin, le lot qu'il avait, est difficile. Comme j'ai dit, malgré le fait
qu'il est magnifiquement encadré, et tout
le reste, sa fin de vie va être difficile, et, si on peut répondre positivement
à sa demande aux parlementaires, je pense, c'est quelque chose que nous
devrons faire.
Cependant,
comme j'ai dit, on va voter... Moi, je vais voter pour ce principe, mais beaucoup
de témoins ont arrivé avec des modifications très, très importantes, et tout le long du processus depuis
2009. Et, oui, je sais, c'est long, et on est dans une société qu'on veut avoir des actions rapides, ils vont
régler ça d'ici vendredi, mais, dans ce dossier, le temps est toujours
aidant, et le temps était toujours pour laisser le monde réfléchir. C'est une
très grande décision et c'est une décision qui déchire beaucoup des sociétés.
Il y a maintenant
quatre États aux États-Unis qui ont permis le suicide assisté, qui est légèrement
différent, mais le principe, ce n'est pas si loin. Mais même un État
voisin très catholique comme Massachussetts avait un référendum par initiative
populaire sur cette question, et c'était non, 51-49. Alors, c'est très divisé.
Mais les États de Vermont, Montana, Oregon
et Washington permettent maintenant un suicide assisté. Alors, je pense, il y a
d'autres États, d'autres sociétés qui ont fait le même débat qui sont arrivées à
une conclusion qu'il faut une plus grande ouverture, mais d'une façon très, très
limitée, et je pense, dans nos discussions, à l'exclusion des personnes
mineures, l'exclusion des personnes inaptes, l'exclusion des personnes
qui souffrent de démence. Je pense que ça, c'est les cas... C'est trop
controversé. On ne peut pas parler d'un
consentement éclairé, et tout le reste. Alors, je pense qu'il y a
une certaine sagesse dans le projet
de loi d'exclure ces personnes. On est dans
les personnes majeures, les personnes qui sont capables de décider leur destin.
Les quelques cas, ce n'est pas nombreux, mais je pense qu'il faut limiter à ça.
• (20 heures)
•
In
concluding, Mr. Speaker, in the 19 years that I've been
a member of this National Assembly, this is one of the most extraordinary debates that I've had a privilege of participating in, because it
gets us where we live. It is the grand
moments… The most difficult moment in our life, in our families is when we lose
a loved one, a parent… In my case,
both my parents died of cancer in the West Island Palliative Care Center, and
it was really… You know, these are big
moments in the life of any family to lose your parents, who were always your
biggest fans and your best friends and the people that supported you in
everything that you did. But we have to go there. And to prepare the end of
life is something that we all should do, and we're all in denial, to a certain
extent. It's something that'll happen to other people, but it'll never happen
to me. But it doesn't work that way.
So I think we have every interest to,
yes, strengthen palliative care, and, as I say, not just more money for beds, that's the easy part, but
in the training of doctors and preparing people that… Going into palliative
care isn't throwing in the towel, it
isn't quitting. It's just saying : In the precious time that's left to me,
what can I do to make those moments the most valuable for me and for the
people who are going to survive me, the people in my family who'll carry forth
the memories of these last days? We were
very lucky in our family because I have precious memories of the moments
spent with my mother and with my father and
the last days of their life, where they were taken care of by a professional
staff, by an association that has more than 200 volunteers who make tea,
who do everything. Just before my mother died, we
celebrated her 50th wedding anniversary, and volunteers came in, and they
made up her hair, and they put makeup on her face and all these little touches
that you don't have to do, but it makes those days more special than ever.
So those are the things we have to do,
but when it comes to the very controversial issue of allowing people to decide that… people who are
terminally ill, people who are suffering, I think of people who have Lou
Gehrig's disease and other terminal
illnesses. These are people who have an end of life that's terrible. It's
dreadful, and palliative care and medication and all those advances in our society can't always address those
problems. And as I said in French, but I'll repeat it in English, the one person I thought of throughout
the 300 witnesses that we heard, the eight cities we visited acrossQuébec, was M. Ghislain Leblond, who lives not far from the National Assembly,
here, in Québec, a former deputy minister, a man of great charm and
intelligence who is suffering from one of these degenerative diseases and who
asked us at the very start : By what principle can you stop me from
asking, when things become intolerable, when the suffering is too great, «put an end to my days?» And through
listening to all of the debates and to all the conversations, I never
found an argument how I can impose my choice on M. Leblond.
His choice might not be my choice, and
many people who have written to me in my riding or other people who oppose this measure have defended that, and I respect those
opinions, but I ask them how can they justify imposing their choice on Mr. Leblond,
who is someone who has thought about this a great deal, someone who, as I say,
is surrounded by a magnificent family, a magnificent care and support system,
but who knows, at some point in the progress of his disease, his life will
become intolerable, and something has to be done.
Alors, je pense que les questions de Ghislain Leblond nous interpellent
tous. J'aime beaucoup personnaliser ça, parce que tout le long c'est les questions humaines comme ça. Ce n'est
pas les grandes abstractions, souvent nos débats sont un petit peu théoriques. Ici, on est dans la vraie vie. Ici, on est dans les choses
qui vont toucher l'ensemble de nos familles, de nos proches, et je pense qu'on a tout intérêt de faire le débat, de
faire la discussion, de voir comment est-ce qu'on peut, comme société,
mieux préparer la fin de vie. Parce qu'on a vu des personnes qui ont témoigné
devant la commission toujours dans un deuil
15 ans plus tard. Et, si on est dans un deuil 15 ans plus tard, c'est un
impact profond sur la qualité de vie,
la santé mentale, si vous voulez, des personnes, des survivants. Alors, je
pense que c'est la preuve qu'il faut faire mieux comme société, parce qu'on ne va pas… On va tous passer par là, sauf
moi, ce n'est pas dans mes plans, mais, pour vous autres, je pense que
c'est très important. Mais, blague à part, je pense qu'on a tout intérêt de
parler de la fin de vie et je pense que le projet de loi et les débats en
commission parlementaire vont nous… aller bonifier et enrichir le projet de loi
n° 52. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Est-ce
qu'il y… par le principe d'alternance, Mme la députée de Sainte-Rose. À vous la
parole, madame.
Mme Suzanne Proulx
Mme Proulx :
Merci, M. le Président. C'est avec une grande fierté que je me lève à mon tour
pour intervenir dans ce débat sur l'adoption
de principe du projet de loi n° 52 concernant les soins de fin de vie.
Un certain sentiment du devoir accompli m'habite, puisque le chemin qui nous a menés jusqu'à
cette étape du processus législatif a été long. Il a été l'occasion de mener une réflexion collective
massive, qui s'est avérée un exercice démocratique d'une étonnante sagesse.
Il y a presque quatre ans, cette Assemblée adoptait
unanimement une motion dans l'optique de créer une commission spéciale mandatée
pour étudier la question de mourir dans la dignité. Cette commission itinérante
a entendu plus de 200 personnes et
organismes. Elle a tenu des auditions dans huit villes du Québec.
Elle a reçu pas moins de 273 mémoires et inspiré la rédaction de
plus de 16 000 commentaires de la part des citoyens du Québec. Elle
s'est déroulée sans partisanerie, dans le plus grand respect des opinions de
tous.
C'est sans
doute cet état d'esprit qui a fait en sorte que le rapport de la commission
spéciale, qui a été déposé en mars 2012,
contenait 24 recommandations unanimes provenant de l'ensemble des députés
présents sur la commission. Ces recommandations
réaffirmaient non seulement l'importance accordée aux soins palliatifs, mais
aussi des recommandations sur l'aide médicale à mourir.
Le
17 septembre dernier, nous amorcions quatre semaines de consultations sur
le projet de loi n° 52. Cesconsultations
ont permis à la Commission de la santé et des services sociaux de poursuivre le
dialogue avec de nombreux professionnels
et avec le milieu associatif. Il s'est dégagé, chez une majorité des quelque 55
intervenants reçus, une impressionfavorable
au projet de loi n° 52, notamment en raison du strict encadrement de
l'aide médicale à mourir qu'il propose.
Après avoir parcouru tout ce chemin depuis 2009,
nous arrivons enfin aujourd'hui à un point crucial de notre voyage au cours
duquel nous avons pris le temps d'explorer toutes les facettes d'un sujet
certes sensible mais d'une extrême importance aux yeux des citoyens du
Québec : la fin de la vie.
Nous avons pris le temps d'écouter, d'échanger
et de partager nos points de vue avec un grand nombre de personnes concernées, directement ou indirectement,
par le projet de loi n° 52. Nous avons pris le temps qu'il fallait
pour démystifier les craintes, les ambiguïtés et les idées reçues à ce sujet.
Le Québec est mûr pour traiter de cette question qui nous préoccupe et qui refait périodiquement surface dans l'actualité
depuis près de 30 ans. L'aide médicale à mourir est une question
intrinsèquement liée à l'évolution des valeurs sociales, et c'est pourquoi elle
est récemment apparue, de manière toujours plus importante, dans notre débat
collectif. D'ailleurs, le rapport de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité en fait état. À
la page 48 du rapport, on peut lire que «les sociétés et leurs valeurs
évoluent constamment». Les idées émergent,
elles sont discutées, et parfois vivement débattues, parce qu'elles remettent
en question nos façons traditionnelles de faire les choses. Et, au bout
du compte, les idées qui sont susceptibles d'améliorer le mieux-être de la
collectivité finissent éventuellement par se matérialiser.
Ainsi, plusieurs
pratiques aujourd'hui acceptées par la vaste majorité des citoyens du Québec
n'allaient pas de soi il n'y a pas si
longtemps. Pensons à la planification des naissances qui date des années 1960,
à la légalisation del'avortement en
1988, au refus et à l'arrêt de traitement qui ont été consacrés avec la réforme
du Code civil de 1994, ainsi qu'au mariage entre personnes de même sexe
qui est reconnu depuis 2005. Ce ne sont là que quelques exemples des questions
sur lesquelles notre société s'est penchée au cours des dernières décennies,
souvent avec des craintes et des appréhensions. Pourtant, le bien-fondé des
décisions que nous avons prises sur ces enjeux nous apparaît aujourd'hui
largement évident.
L'évolution morale de note société, qui est de
plus en plus axée sur le respect des libertés de chacun et la reconnaissance de l'autonomie des personnes, nous
amène désormais à revoir le rapport que nous entretenons avec la fin de la vie ainsi qu'avec la mort. Le projet de loi
n° 52 s'inscrit donc dans cette mouvance de progrès social.
L'autonomie, la dignité et l'intégrité de la personne sont devenues des assises
fondamentales de la société québécoise. Dans cette perspective, il apparaît légitime et souhaitable qu'une personne puisse
mener sa vie dans le respect de ses propres aspirations et la poursuite de son bonheur. La fin de la vie
d'une personne, puisqu'elle représente un moment fort de l'existence, ne
saurait échapper à cette logique. Le respect
de la vie signifie, en quelque sorte, la reconnaissance de son caractère
précieux, la possibilité pour chacun de
s'accomplir, et de trouver un sens à son existence, puis d'être en mesure
d'exercer ses propres choix, y compris dans ses derniers moments.
• (20 h 10) •
Tout autant
que nous sommes préoccupés par le droit des personnes de vivre leur vie
librement, nous sommes également préoccupés par le fait que certains de
nos concitoyens doivent composer avec d'inapaisables souffrances physiques et psychologiques en fin de vie. Il nous
apparaît donc inacceptable de chercher à prolonger la vie à tout prix,
puisque l'acharnement thérapeutique peut devenir insupportable pour la personne
en fin de vie. Il faut donc savoir réconcilier
la fin de vie qui s'accompagne parfois d'atroces souffrances, qui prennent de
multiples formes, avec la dignité et l'autonomie de la personne, tout
cela, bien entendu, dans un environnement qui soit strictement encadré. C'est
ce que propose le projet de loi n° 52, en consacrant à la fois le droit
aux soins palliatifs et en établissant le cadre rigoureux à l'intérieur duquel
une personne souffrante en fin de vie pourrait demander une aide médicale à
mourir.
Pendant les
auditions de la commission, nous avons constaté un fort consensus, y compris
parmi les opposants à une ouverture
de l'aide médicale à mourir, quant à la pertinence d'offrir à chacun la
possibilité de refuser ou de cesser tout traitement médical, même si
cela pouvait entraîner la mort. Dans ce cas-ci, c'est évidemment le droit de la
personne à choisir pour elle-même qui est invoqué.
Or, je crois que le recours à l'aide médicale à mourir dans des
circonstances exceptionnelles que vient préciser le projet de loi n° 52
relève de ce même droit.
Dans le cadre
de mes fonctions, j'ai souvent l'opportunité de rencontrer des personnes de
tous les âges qui s'intéressent à cette problématique. Que ce soit dans
les rencontres culturelles, dans les soupers de l'âge d'or, dans les soirées de reconnaissance sportive, dans les
résidences pour personnes âgées autonomes telles que Thérèse-Casgrain ou des Forges, je suis souvent interpellée sur cet
enjeu dans ma circonscription. Je constate toute l'importance que les
citoyens accordent à cette question, et, en ce sens, il est essentiel que nous
posions des gestes concrets pour répondre aux attentes des Québécoises et des
Québécois.
Ceux-ci
se sont massivement prononcés en faveur de l'aide médicale à mourir à maintes
reprises. Et les réflexions qui alimentent leur position sur la question
sont entièrement légitimes. Dans la plupart des cas, les interrogations se
situent au niveau du droit des individus à décider de la manière dont ils vont
mourir. Si la douleur peut être traitée grâce à la médecine, la souffrance,
elle, ne peut pas toujours l'être. La souffrance inclut non seulement la
dimension physique, mais aussi des dimensions psychiques, émotionnelles et
existentielles. Lorsqu'une personne est affligée de souffrances à la fin de sa vie, la médecine et l'accompagnement ne
suffisent pas toujours. C'est cette crainte d'être forcés à souffrir
passivement dans l'attente d'une délivrance incertaine qui est récurrente dans
le discours de nombreux citoyens. Et, pour
plusieurs d'entre eux, cette crainte se fonde dans la réalité, car ils ont déjà
vu des êtres chers s'éteindre dans des conditions extrêmement difficiles
qui ont laissé des marques et qu'ils redoutent pour eux-mêmes.
Ce que les
gens craignent, c'est en quelque sorte qu'on les laisse mourir dans la
souffrance en ne tenant pas compte de leur désir de mettre un terme à
une vie qui, à leurs yeux, n'en est plus une. Vivre, c'est en quelque sorte
pouvoir faire des choix qui tiennent compte
de la spécificité de l'individu. Si une personne ne peut plus profiter des
moments qui lui restent parce qu'elle
est accablée de souffrances inapaisables et qu'elle est maintenue dans cette
condition contre son gré, comment pouvons-nous alors prétendre que nous
lui offrons des soins adaptés à sa situation? Est-il humainement et moralement
acceptable de lui imposer une fin de vie qui la maintienne dans un état
contraire à ce qu'elle souhaite pour elle-même?
Grâce aux
progrès de la médecine, les soins palliatifs joueront un rôle de plus en plus
important dans le monde médical de
demain. Le projet de loi n° 52 reconnaît et réaffirme leur importance
absolue. Mais, même les meilleurs soins palliatifs se heurtent à des
limites qu'il importe aujourd'hui d'étudier. Le projet de loi n° 52 tient
donc à offrir des solutions aux souffrances
des personnes en fin de vie lorsqu'on a tout essayé ce qui était médicalement
possible et qu'il n'est plus possible
de les apaiser. C'est pourquoi il importe d'ouvrir la porte à l'aide médicale à
mourir. Cette avenue, strictement encadrée
et conjuguée à la consécration des soins palliatifs, permettra aux individus
d'avoir le choix. Elle leur permettra d'être rassurés quant aux soins
qu'ils obtiendront lorsqu'ils seront en fin de vie. Le statu quo serait une
erreur. La population québécoise est favorable à ce que nous légiférions sur la question,
et nous avons le devoir de donner suite à la volonté qui se dégage des travaux menés durant la commission
spéciale ainsi que durant les consultations qui viennent tout juste de prendre fin.
Des craintes relatives à l'aide médicale à
mourir ont évidemment été exprimées par plusieurs personnes. La commission
les a bien entendues, et le projet de
loi n° 52 en tient compte.
L'article 26 du projet de loi est très explicite quant aux balises qui doivent être respectées pour qu'un patient puisse
obtenir de l'aide médicale à mourir : le patient doit en effet être majeur, il doit pouvoir consentir aux soins,
il doit présenter une maladie grave et incurable, ses capacités doivent
être en état de déclin avancé et
irréversible, puis le patient doit éprouver des souffrances insupportables qui
ne peuvent être apaisées dans des
conditions jugées tolérables. Le projet
de loi est donc strict et il encadre
la pratique de la meilleure manière qui soit.
Le processus
décisionnel par lequel doit passer le médecin du patient est également
très restrictif. L'article 28 du projet
de loi est très clair sur le fait que
le médecin doit s'assurer que son patient réponde aux critères de l'article 26,
qu'il a manifesté sa demande de manière libre et éclairée et qu'il a réitéré sa
volonté d'obtenir de l'aide médicale à mourir. En ce sens, nous pouvons affirmer avec certitude que le projet de loi n° 52 prévoit de manière rigoureuse et avec une
grande précaution le contexte dans lequel il
sera permis au Québec d'obtenir de l'aide médicale à mourir. Les
craintes de dérive ont été entendues et étudiées minutieusement, et le projet
de loi dont nous souhaitons faire adopter le principe est le fruit d'un travail
extrêmement consciencieux, qui reflète parfaitement toute la sensibilité du
sujet dont il est question.
Le sujet des
soins en fin de vie est particulièrement important pour moi, M. le Président,
parce qu'à Laval, là où se trouve ma circonscription de Sainte-Rose,
nous connaissons une croissance notable de notre population aînée. En effet, selon le portrait des services et des
besoins des aînés sur le territoire lavallois, de 1996 à 2007, le nombre de
personnes de 65 ans et plus à Laval a augmenté de presque 17 000,
pour une variation positive de 45 %. De plus, les projections montrent
qu'en 2026 les 65 ans et plus devraient être près de 95 000, pour une
proportion équivalant à 23 % de la population
de Laval. Cette croissance de la population aînée signifie que de plus en plus
de gens seront confrontés à la problématique
sur laquelle se penche le projet de loi n° 52. Repousser ce débat à plus
tard ne serait pas un cadeau à faire à la population québécoise, qui, avec les changements démographiques,
connaîtra inévitablement un vieillissement de plus en plus prononcé. Il
faut s'y pencher dès maintenant. C'est la possibilité de vivre sa fin de vie
dignement qui est en jeu.
Nous avons effectué toute la préparation
nécessaire, nous avons devant nous un projet de loi rigoureusement formulé et
nous percevons un intérêt populaire manifeste envers toute la question des
soins de fin de vie. Nous en sommes maintenant à l'étape de l'adoption de
principe du projet de loi n° 52. Même si l'unanimité apparaît plus
difficile à atteindre sur un sujet aussi sensible, un très large consensus se
dégage des consultations que nous avons menées et auquel nous devons donner
suite.
Le monde
médical s'est largement prononcé en faveur du projet de loi n° 52. Le
Collège des médecins du Québec, par exemple, a souligné que le projet de
loi n° 52 représentait un jalon très important dans la réflexion sur les
soins de fin de vie. Le collège n'a d'ailleurs pas hésité à affirmer que le
projet de loi devrait être adopté. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec a, quant à elle, été heureuse de
constater que le projet de loi a d'abord pour objet d'assurer, dans le
respect de la dignité et de l'autonomie des personnes, un accès à un ensemble
de soins de qualité adaptés aux besoins de
ces dernières. La Fédération des médecins spécialistes du Québec, pour sa part,
a soutenu que le projet de loi est
une pièce législative bien rédigée, équilibrée et réfléchie, au ton posé et
respectueux, et qui répond aux demandes
exprimées par la grande majorité de la population du Québec et des médecins
spécialistes. De l'avis même de la fédération,
les principaux écueils qui auraient
pu survenir ont été écartés avec doigté, ce qui fait espérer à la
fédération que le projet de loi sera adopté dans les meilleurs délais.
• (20 h 20) •
L'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec a joint sa voix à celle des autres pour souligner
la détermination dont la ministre
a fait preuve dans ce dossier pour offrir à tous les Québécois
des soins de fin de vie appropriés à leurs conditions dans le plus grand respect de leur dignité. La division québécoise
de la Société canadienne du cancer et le réseau FADOQ ont, eux aussi,
accueilli favorablement le projet de loi n° 52, tout comme l'Association
québécoise de gérontologie, aux yeux de laquelle le projet apparaît remarquable
quant à la profondeur de la réflexion sociétale qu'il propose. Selon
l'association, le Québec est une société avancée sur le plan du respect des
valeurs de chacun, et ce respect se reflète dans le projet de loi n° 52.
Ce ne sont là que quelques exemples parmi des
dizaines d'avis éminents qui démontrent à quel point le projet de loi n°
52 est une pièce de législation qui répond à des besoins criants et actuels.
Et, ces besoins, ce ne sont pas que les experts et les organisations professionnelles qui les ressentent. Le
milieu associatif et la population les ressentent également.
Nous sommes
entièrement convaincus que la population québécoise attend de ses élus qu'ils agissent pour
leur offrir des soins de vie adaptés aux conditions de chacun et respectueux de
leur autonomie. Il nous appartient donc de continuer à nous engager dans cette
voie pour le mieux-être de notre collectivité, et l'adoption de principe du projet
de loi n° 52 est une étape cruciale sur ce chemin. Que ce soit pour la
reconnaissance des soins palliatifs ou de l'aide médicale à mourir, nous avons
un engagement envers la protection des personnes vulnérables par l'encadrement
de certaines pratiques. Il nous appartient
de poser des balises claires et fondatrices pour la suite des choses. C'est ce
que nous proposons par l'entremise du projet de loi n° 52. Bien que
ce projet de loi ait pour but de mettre de l'avant une vision globale et intégrée des soins de fin de vie,
afin que tous puissent avoir accès à un accompagnement respectueux et
digne lors de cette étape ultime, nous avons
comme responsabilité d'établir un encadrement strict pour éviter les
abus et les dérives. Et nous le ferons, M. le Président, en tenant
compte de toutes les recommandations qui nous ont été faites lors des
consultations.
Pour nous
assurer que la population comprenne bien les dispositions de cette loi, nous
pourrons compter sur les nombreux
intervenants des services de santé et services sociaux, ainsi que des
organismes communautaires de défense des
droits et de soutien des personnes en perte d'autonomie, malades ou connaissant
des problèmes de santé mentale. Pour ma part, à Laval, je sais d'ores et déjà que je pourrai compter sur un
réseau fort bien établi et reconnu pour son efficacité.
Toutes les
personnes que j'ai rencontrées jusqu'ici m'ont réitéré qu'elles veulent faire
leur propre choix. Parce que ce n'est
pas vrai que l'on réussit à soulager tout le monde en fin de vie. Que
reste-t-il de la dignité humaine quand tout ce qu'il nous reste justement ne sont que douleurs et souffrances? Tout ce
que ces personnes souhaitent véritablement, au fond, c'est d'être
traitées avec compassion, respect et humanité lorsqu'elles parviendront à ce
moment inéluctable de la fin de leur vie. Mourir confiant, apaisé et serein
devrait être un droit fondamental pour chaque individu.
La commission
parlementaire mourir dans la dignité, la consultation publique qui vient à
peine de se terminer et l'important débat social qui a animé l'espace
public au cours des dernières années étaient nécessaires pour guider nos
propositions concernant les soins de fin de vie. Nous avons accompli notre
travail avec diligence, dans l'écoute et dans
le respect, et je pense que, collectivement, nous pouvons être fiers du ton
adopté lors des échanges que nous avons eus jusqu'ici, car les soins de fin de vie sont une préoccupation sérieuse
pour une partie très importante de notre population.
Jusqu'à maintenant, nous avons su travailler
main dans la main, sans partisanerie, et j'espère que nous saurons poursuivre
sur ce chemin fécond et productif afin d'offrir à tous les citoyens du Québec
un projet de loi qui correspond aux aspirations de notre société.
Les citoyens
nous ont demandé d'agir sur la question des soins de fin de vie et plus
précisément sur celle de l'aide médicale à mourir. Ils ont réitéré leur
appui à ce projet à de multiples reprises. Nous avons entendu un maximum
d'intervenants provenant d'une foule de milieux pertinents. Nous avons soupesé
chacune de leurs opinions, de leurs craintes et de leurs appréhensions.
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
En conclusion.
Mme Proulx : J'invite donc
l'ensemble de la députation à voter en faveur du principe de ce projet de loi,
qui m'apparaît comme la meilleure réponse aux préoccupations des citoyens du
Québec en matière de soins de fin de vie. Merci.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de Sainte-Rose. Alors, je cède maintenant la parole au
député d'Orford. M. le député.
M. Pierre Reid
M.
Reid : Merci,
M. le Président. J'ai été membre de
la commission spéciale mourir dans la dignité du début à
la fin et je voudrais commencer à mon tour
en donnant quelques statistiques. Nous avons entendu 32 experts, 273 mémoires
ont été étudiés. Nous avons entendu 239 personnes et organismes. Nous
avons entendu également 114 personnes dans de courtes interventions pendant les périodes de micro ouvert. Nous avons
été tenus au courant, et avec des analyses régulières, par les analystes de l'Assemblée nationale, de 6 558 réponses
au questionnaire en ligne, plus de 16 000 commentaires reçus
par courriel, par la poste, par télécopieur. Et, au cours d'une mission en
Europe, 21 rencontres ont eu lieu avec des officiels. Et, après les
auditions, 51 séances de travail des membres de la commission ont eu lieu.
Les échanges… Et je cite un petit paragraphe
ici, au début du rapport : «Les échanges pendant les auditions publiques
ont porté sur des enjeux importants. Outre l'euthanasie et, dans une moindre
mesure, le suicide assisté, des questions complexes ont été abordées, tels le
refus et l'arrêt de traitement, les soins palliatifs, la sédation palliative et
les directives
médicales anticipées. Les Québécois ont démontré leur maturité par le sérieux
et le respect dont ils ont fait preuve pendant les auditions. Nous avons
été fortement impressionnés par la générosité et la sérénité des échanges. Ces
derniers ont d'ailleurs été d'une richesse inouïe, les citoyens s'étant prêtés
de bonne grâce à [un] jeu amical consistant
souvent à confronter les différents points de vue avec la position inverse»,
c'est-à-dire, donc, que nous avons joué à l'avocat du diable. Donc, en prenant la position contraire de ce qui
nous était dit, on demandait aux personnes de réagir.
Cette
expérience a été une expérience extraordinaire pour moi et pour d'autres, j'en
suis sûr, et, pour moi, elle a été extraordinaire
à deux titres. D'abord, c'était une expérience extraordinaire de travail avec
des collègues parlementaires, avec lesquels on croise le fer parfois
dans d'autres parties, donc on croise le fer au salon bleu ou ailleurs dans des
commissions, et nous avons appris à nous
apprécier. Nous avons appris à travailler ensemble, nous avons appris à
nous reconnaître comme des parlementaires véritables et très sérieux.
Mais l'autre
élément humain qui a été une expérience extraordinaire, c'est ce fait de
recevoir des témoignages de la part
de personnes aussi nombreuses, des témoignages qui ont été parfois tellement
intenses que, je ne vous cacherai pas, M.
le Président, nous en avions l'eau dans les yeux. Hommes, femmes, tous les
membres de la commission, nous étions extrêmement touchés. Et je vais
juste vous témoigner un cas. En sortant de la commission à Chicoutimi, après le
témoignage d'une personne, d'une femme de
34 ans qui a expliqué l'agonie, qui a duré deux ans, de sa mère, moi,
j'ai pris mon auto et j'ai commencé à arrêter de penser… à commencer à arrêter
de penser à ça rendu à Drummondville, c'est-à-dire,
donc, trois heures plus tard. J'avais traversé le parc des Laurentides. Donc,
c'était extrêmement intense et extrêmement prenant. Donc, c'est une expérience
qui, en soi, est fantastique.
Un des
éléments que ça nous apporte, c'est le fait que… Comme tout le monde, on a
commencé alors qu'on avait un malaise
et une peur de parler de la mort, surtout quand on parle à des personnes qui
vont mourir dans une échéance prévisible. Et le fait de pouvoir parler,
de pouvoir entendre des témoignages aussi intenses nous a exorcisés, jusqu'à un
certain point, dans cette peur et cette crainte, ce malaise de parler de la
mort avec des personnes.
Et, comme témoignage, j'ai un ami qui avait une
rechute d'une tumeur au cerveau et qui était maintenant inopérable, donc il savait qu'il allait mourir, et il perdait
tranquillement ses capacités cognitives. Et je l'ai invité à manger un
midi et, au bout de 15 minutes, à parler de tout et rien, j'ai dit :
Comment ça va? Comment va ta maladie? Et il était un peu surpris. Et nous avons eu une conversation extraordinaire, très
profonde, très humaine, et il m'a envoyé un courriel, le soir, en
disant : Pierre, c'est la première fois, parce qu'à part mon épouse je ne
parle jamais avec personne de ces problèmes-là
que je vis, et cette maladie-là, elle n'est pas drôle, mais les effets
secondaires du fait que tout le monde est mal à l'aise quand ils te parlent, c'est encore pire, parce que je ne peux
plus parler vraiment à mes amis, dans le fond, des choses, et ça a été
extraordinaire de pouvoir le faire avec toi. Bien, ça, c'est la commission qui
m'a permis d'avoir cet échange-là extraordinaire avec un de mes amis, et j'en
suis très reconnaissant.
Pendant deux ans et demi, nous avons écouté
activement, nous avons échangé entre nous, échangé avec des Québécois et des Québécoises et même avec des
étrangers. Nous avons évolué sur plusieurs plans, chaque personne de la commission, et, après la fin des auditions,
pendant 51 réunions, qui généralement étaient deux heures et plus — des fois, à des moments où il y a peu de parlementaires qui sont arrivés au
parlement, nous nous trouvions des moments pour faire ces réunions-là — nous avons dégagé des recommandations
unanimes sur les soins palliatifs, d'une part, qui est très important,
mais aussi sur l'aide médicale à mourir dans un certain nombre de cas. Et on a
exclu des cas, comme vous le savez, M. le Président, on en a parlé plusieurs
fois aujourd'hui.
• (20 h 30) •
Je voudrais
m'attarder sur l'aide médicale à mourir et je vais lire et commenter les
pages 78 à 82 du rapport de la commission spéciale. Ces pages
résument bien les réflexions et les considérations qui nous ont amenés à
proposer l'accès à l'aide médicale à mourir. Je ne pourrais mieux présenter le
fond de ma pensée avec concision et je voudrais dire aussi que ces quelques pages ont fait l'objet d'au moins une
dizaine de versions avant que tous les membres de la commission ne
soient satisfaits et que ça représente exactement ce que nous voulions dire.
Alors, notre
proposition, début de la page 78, L'aide médicale à mourir. Je sais que
la députée de Gatineau a lu une partie de ce que je vais vous lire, mais
je pense qu'il n'y a pas de mal à répéter :
«Après analyse de l'évolution des valeurs
sociales, de la médecine et du droit et à lumière de l'examen exhaustif des enjeux et arguments présentés par
plusieurs centaines de témoins et plusieurs milliers de commentaires,
nous croyons qu'une option supplémentaire
est nécessaire dans le continuum de soins de vie : l'euthanasie sous la
forme d'une aide médicale à mourir. Certaines souffrances ne peuvent
être soulagées de manière satisfaisante, et les citoyens qui veulent faire cesser ces souffrances intolérables
et vides de sens pour eux font face à un refus qui ne correspond pas aux
valeurs de compassion et de solidarité de la
société québécoise. L'aide médicale à mourir devient alors une option
pour cette minorité de patients qui vivent une situation exceptionnelle, pourvu
que cet acte soit strictement circonscrit et balisé et qu'il résulte d'une
demande libre et éclairée de la personne elle-même.»
M. le
Président, si je vais poursuivre et commenter cet élément-là qui date déjà d'un
certain temps, c'est parce que l'étude
du projet de loi n° 52 est basée sur exactement les mêmes faits parce que
la ministre a pris soin — la ministre, qui était membre de la commission, comme
moi — a
pris soin, effectivement, de transcrire dans le projet de loi n° 52 essentiellement ce qu'il y avait dans le rapport,
et, donc, ce que je vais vous lire est tout à fait pertinent pour le projet
de loi.
«Bien que le terme "euthanasie" soit
celui utilisé en Belgique et aux Pays-Bas, les auditions publiques ont fait ressortir que ce terme est très chargé — ici, au Québec — et qu'il ne fait pas consensus. Mais,
surtout, il n'évoque pas en lui-même
l'idée de soutien qui est au cœur de notre proposition, Tout au long des
travaux de la commission, l'expression "aide
médicale à mourir" s'est imposée graduellement d'elle-même. Le mot
"aide" renvoie à la valeur incontournable de
l'accompagnement.» Pour nous, c'est inséparable de cette solution. «Quant au
terme "médicale", il précise la nature de l'accompagnement, qui suppose l'intervention du médecin et du
personnel soignant.» Donc, pour nous, cet appel à l'euthanasie
ne peut pas se faire autrement que dans un contexte médical, où il ne peut pas
arriver d'éléments dont on entend parler
dans les endroits où il y a du suicide assisté, où ça se fait n'importe où,
n'importe comment. «L'expression "aide médicale à mourir" est
donc celle que nous avons retenue.»
Alors,
maintenant, quelle est la compatibilité avec l'évolution des valeurs sociales,
de la médecine et du droit? «L'option
de l'aide médicale à mourir est compatible avec l'évolution des valeurs
sociales, de la médecine et du droit. Les valeurs sociales, en raison de la diversité des idées, se sont
distanciées des croyances idéologiques ou religieuses pour rassembler la société — québécoise — autour des notions de liberté individuelle,
de respect de l'autonomie, d'inviolabilité et d'intégrité de la personne. Toutes ces notions sont compatibles avec
l'aide médicale à mourir. Depuis près de 20 ans, ces valeurs se sont notamment manifestées par la reconnaissance du droit
de refuser ou de cesser des traitements, décision qui provoque le plus
souvent la fin de la vie. De plus, les sondages d'opinion au Québec indiquent
depuis longtemps un appui de principe fortement majoritaire à une aide médicale
à mourir, ce qui est corroboré par les réponses que nous avons eues à la
consultation en ligne — lors
de la commission.
«L'évolution
de la médecine — de son
côté — a été
marquée par d'importants développements scientifiques qui ont fourni un imposant arsenal de lutte contre la
maladie et contre la mort. Désormais, la médecine moderne peut retarder
de plusieurs jours, plusieurs semaines,
voire plusieurs années, une mort autrement inévitable. Toutefois, cela se fait
parfois au prix de souffrances chroniques
inapaisables qui résultent en une agonie, selon certains, inutilement
prolongée — selon certains
qui la vivent. La profession médicale s'est demandé s'il ne fallait pas
repenser les approches de soins à la veille de la mort, notamment pour déterminer le moment où il est préférable de
délaisser les soins curatifs — et, parfois, ce qu'on appelle un
acharnement médical — pouvant
éventuellement nuire au patient — et de délaisser ça — au
profit de soins palliatifs, y compris la
sédation palliative visant l'apaisement de la souffrance. Ces soins sont
maintenant largement reconnus et
valorisés — même si,
comme le disait le député de Jacques-Cartier, ce ne sont pas tous les médecins
et toutes les infirmières qui ont ce
réflexe-là encore aujourd'hui. Ces approches, axées davantage sur le
soulagement de la personne que sur le maintien de la vie à tout prix,
sont compatibles avec l'option de l'aide médicale à mourir.
«Sur le plan
du droit, on constate qu'aucune poursuite criminelle contre un médecin à la
suite d'un geste de nature euthanasique n'a mené à une condamnation par
un jury au Canada. Au Québec, le Barreau ne recense même aucun cas de poursuite, ce qui fait dire à plusieurs que
les règles criminelles sont pratiquement inapplicables dans ces cas. Pour sa part, le Code civil du Québec a consacré, en 1994, les principes d'autonomie,
d'inviolabilité et d'intégrité de la personne, en particulier la
nécessité du consentement libre et éclairé pour entreprendre tout traitement
médical ainsi que le droit de refuser ou
d'arrêter les soins, même si cette décision mène à la mort à court terme. Dans
cette optique, l'aide médicale
à mourir que nous proposons apparaît davantage comme une évolution du droit québécois
qu'une révolution du droit québécois.»
Maintenant,
il y a beaucoup d'enjeux qui ont été soulevés. Alors, nous les
avons pris en considération. «L'option de l'aide médicale à mourir prend
en considération les enjeux soulevés par les experts et les témoins à la consultation
générale de même que par des milliers de citoyens qui ont participé à la consultation
en ligne. Elle fournit une solution aux
enjeux de la souffrance et de la compassion pour plusieurs situations
de fin de vie. De plus, elle apporte une réponse aux
enjeux qui font craindre les dérives ou les abus. En fait, elle correspond à un
besoin exprimé avec émotion et — avec — maturité,
et elle représente une avenue sécuritaire, tant que les précautions nécessaires
sont prises avec détermination.»
En fait, si on revient à aujourd'hui, comme on
le sait maintenant, l'étude du projet de loi n° 52 a montré qu'il reste du
travail législatif à faire dans l'étude article par article pour s'assurer que
toutes ces précautions dont nous parlons dans le rapport seront bel et bien
prises avec tout l'entourage législatif qui les protège.
«Malgré leur
importance indéniable, les soins palliatifs ne constituent pas — pour
eux — nécessairement une réponse appropriée pour toutes les personnes en fin de
vie, en particulier pour celles aux prises avec des souffrances inapaisables. L'option de l'aide médicale à mourir offre alors une possibilité aux personnes qui
voudraient s'en prévaloir, même si
elles forment une minorité — donc,
elle offre cette alternative. Dans cette optique, il serait peu conforme à
nos valeurs sociales de refuser une telle aide à ces personnes, pour la seule
raison — si
tel était le cas — que
les soins palliatifs ne sont pas accessibles uniformément — encore — sur
l'ensemble du territoire. En outre, à la lumière de l'expérience étrangère, nous sommes convaincus que l'aide médicale à
mourir ne compromettrait en rien le développement futur des soins palliatifs.» En fait, dans les
États où nous avons été ou que nous avons étudiés où il y a une aide
médicale à mourir sous une forme ou sous une
autre, les soins palliatifs sont, en général, l'endroit où ils sont les mieux
développés.
«Sur les enjeux pratiques en fin de vie, la
différence paraît souvent très mince entre la sédation palliative continue, le refus ou l'arrêt de traitement et l'aide médicale à mourir. Dans les trois cas, la conséquence est la même,
soit la mort de la personne. Dans les trois
cas, la personne malade en fin de vie est en mesure de prendre, de manière libre
et éclairée, une décision visant à mettre fin à des souffrances qu'elle juge
intolérables et inutiles. En ce sens, malgré la réticence d'une culture médicale millénaire consacrée au maintien de la
vie à tout prix, l'option de l'aide
médicale à mourir devrait faire partie, comme la sédation palliative
continue et le refus ou l'arrêt de traitement, des choix possibles en fin de
vie.» Et choix signifie, évidemment, liberté de choisir.
«Cette
évolution ne signifie pas pour autant que l'on diminue le respect qui est dû à
la vie humaine, en particulier envers le droit et la volonté de vivre.
Elle invite cependant à accorder une grande importance à la volonté exprimée
librement et de manière éclairée de mettre fin, pour soi, à une agonie jugée
intolérable. Cela ne se produira que très rarement,
la volonté de vivre étant ancrée très fermement chez l'être humain. Sur un
enjeu apparenté, l'option de l'aide médicale à mourir ne porte pas
atteinte à la dignité intrinsèque qui consacre le statut d'être humain, quel
que soit le niveau de déchéance lié à la maladie. De plus, elle respecte de la
même façon la dignité subjective en reconnaissant la légitimité de la personne
de voir dans sa déchéance une atteinte à sa propre dignité. Comme elle peut le
faire tout au long de
sa vie, une personne doit pouvoir juger elle-même en fin de vie de ce qui est
conforme ou non à ses propres aspirations
et valeurs. Enfin, la sérénité de plusieurs personnes face à la fin anticipée
de leur vie, particulièrement pour certaines — de ces personnes — souffrant de maladies dégénératives — cette sérénité — sera accrue significativement si elles savent que l'option de l'aide médicale à
mourir existe, un peu comme une "sortie de secours", pour reprendre
l'expression d'une participante, si leur situation devenait — ou
lorsque leur situation deviendra — intolérable.
• (20 h 40) •
«Plusieurs enjeux ont été soulevés quant aux
dérives et aux effets négatifs qui pourraient survenir dans un contexte d'ouverture à l'euthanasie. Ces craintes,
pourtant légitimes, n'ont pas résisté au test de la réalité vérifiée
dans les pays européens où se pratique
l'euthanasie. Ainsi, la mission de la commission en Europe a permis de vérifier
sur place l'évolution de la pratique.
Il y est généralement admis, même parmi les opposants — en
Europe — que
l'euthanasie n'a conduit à aucune des dérives appréhendées au sujet des
personnes vulnérables, qu'elle n'a pas nui au développement des soins palliatifs, bien au contraire, et
qu'elle a eu un effet neutre ou parfois favorable sur le deuil des proches et
sur la confiance du patient envers son médecin.
«L'enjeu du bien commun, souvent présenté comme
un contrepoids aux droits individuels, a occupé une place importante pendant les auditions publiques et nos discussions. Les
craintes exprimées concernent, entre
autres, un éventuel glissement du
«droit de demander à mourir» vers un
«devoir de mourir» pour soulager les proches ou libérer des lits, ou
encore la possibilité d'un impact négatif sur la lutte au suicide. Encore une
fois, la réalité ne confirme pas ces craintes dans les États où l'euthanasie
est pratiquée depuis un certain temps. Ainsi, plutôt que de s'opposer au bien commun, l'aide médicale à mourir paraît en faire
partie intégrante, en constituant une option de plus pour les personnes
en fin de vie, sans nuire pour autant aux personnes les plus vulnérables de la
société.
«Il ne faut
pas en conclure que l'option de l'aide médicale à mourir ne comporte aucun
risque, mais plutôt que la société québécoise est capable de prendre les
moyens d'éviter ces risques, comme les Belges et les Néerlandais l'ont fait. D'ailleurs, tous les médecins entendus ont
confirmé qu'au Québec aucune dérive n'avait été associée au fait que, depuis 20 ans, des personnes ou leurs proches
peuvent demander un arrêt de traitement, comme le retrait d'un
respirateur artificiel — et,
donc, décider de la fin de leur vie.
«Dans le cas particulier de la lutte au suicide,
nous avons été très sensibles aux interventions voulant que l'utilisation même
du mot "suicide" dans une ouverture d'une aide médicale à mourir
puisse avoir des conséquences sur la lutte
au suicide — des
conséquences négatives sur la lutte au suicide. Mais, au-delà du terme, le
suicide assisté, considéré comme un
acte individuel dans le temps et dans l'espace, ne correspond pas aux valeurs
d'accompagnement et de sécurité
médicale — qui
sont — indissociables
de l'option de l'aide médicale à mourir telle que nous la
proposons — que
nous l'avons proposée. En outre, le suicide
assisté ne peut certainement pas être considéré comme un soin et
s'éloigne ainsi [de l'un] des principes fondamentaux qui a guidé notre
réflexion et nos recommandations, à savoir que toute ouverture devrait se
situer dans [un] contexte de continuum de soins — et, donc, dans un
contexte médical.
Maintenant, il est important — et je
vais terminer avec ça — dans
cette lecture, de circonscrire et d'encadrer l'option de l'aide médicale à
mourir, et on voit le lien ici avec le projet de loi. «Comment circonscrire et
encadrer adéquatement l'option de l'aide
médicale à mourir pour qu'elle corresponde à l'évolution des valeurs sociales,
des valeurs de la médecine et du droit, et pour qu'elle corresponde
adéquatement et de façon sécuritaire aux enjeux soulevés par la population. Trois grands principes ont
graduellement émergé de nos discussions et ont guidé nos
recommandations, soit : situer l'aide
médicale à mourir à l'intérieur d'un continuum de soins — je viens d'en parler; associer l'aide
médicale à mourir au soulagement de
la souffrance — et c'est
essentiellement à ça que c'est associé; assurer le respect de
l'autonomie de la personne — comme
notre Code civil l'exige.
«Ces
principes nous ont été utiles dans l'analyse des modèles adoptés par [des]
États ayant légiféré en matière d'euthanasie,
en particulier les Pays-Bas et la Belgique. En effet, nous avons la chance de
pouvoir profiter de l'expérience de
ces pays et de nous en inspirer tout en les adaptant à la réalité québécoise.
Ces principes ont été de plus indispensables pour circonscrire l'option
québécoise de l'aide médicale à mourir, c'est-à-dire pour préciser les cas où
une demande [pourrait] être considérée et
ceux où elle ne [pourrait] pas l'être. Les recommandations qui suivent — dans le rapport — découlent
de ces trois principes et obéissent aussi à une volonté de précautions. Des
critères clairs et des balises strictes sont les corollaires indispensables
d'une ouverture de l'aide médicale à mourir.»
Et c'est
là-dessus qu'il reste, M. le Président, un certain travail à faire avec le
projet de loi n° 52, et c'est là-dessus pour lequel il est
nécessaire… Enfin, moi, je crois qu'il faut passer à l'étape suivante,
c'est-à-dire celle de l'étude article par
article. La recommandation 23 du rapport que nous avions faite demandait de
déposer un projet de loi au plus tard en juin 2013, ça a été fait. Notre
intention était de soumettre nos recommandations à une démarche législative,
avec tout ce que cela comporte de
précautions, d'analyses et de débats parlementaires. Et il n'est pas interdit de
penser que le débat parlementaire
reflétera aussi le fait qu'il y a 25 %... de l'ordre de 25 % de
Québécois qui ne sont pas nécessairement d'accord avec les
recommandations que nous avons faites dans le rapport.
Un projet de
loi a été déposé, et les auditions ont préparé le terrain à un travail de la
commission qui pourra bonifier le projet de loi. En particulier, on
parle de préciser des termes comme l'aide médicale à mourir, qui était claire
pour nous. Mais nous avons passé deux ans et
demi à en parler, donc, pour les membres de la commission, c'était clair. Il
faut que ça soit clair maintenant pour toute personne qui aura à traiter ou à
utiliser cette loi. Et même chose pour la notion de fin de vie. M. le
Président, je voterai donc pour le principe du projet de loi et pour la
poursuite de son étude. Et je vous remercie.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député d'Orford. Je cède maintenant la parole à la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme la députée.
Mme
Jeannine Richard
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) :
Merci, M. le Président. À mon tour d'avoir l'occasion de parler pour l'adoption
du principe du projet de loi n° 52 sur les soins en fin de vie. J'ai été nommée à
la Commission de la santé et
des services sociaux dernièrement, en août, et j'ai eu le bonheur de
constater ce que plusieurs de mes collègues disaient, c'est une commission
où il existe beaucoup de respect et qui fait du travail sans
partisanerie. J'ai eu l'occasion de le constater. Ce qu'on sent au
niveau de la Commission sur la santé et les services sociaux, surtout avec ce projet de loi sur les soins en
fin de vie, c'est beaucoup de respect envers l'usager. On sent que c'est la
personne qui est vraiment au cœur de nos discussions, et nous
travaillons dans l'intérêt des usagers.
Ça fait
suite, évidemment, à une commission tout à
fait spéciale qui a eu lieu depuis le
mois de décembre 2009, à laquelle plusieurs collègues ont participé. Même l'ancien député des
Îles-de-la-Madeleine a participé à cette commission Mourir dans la dignité. Alors, je prends la
succession en étant nommée maintenant sur la même commission et sur le projet
de loi qui discute du même enjeu. Cette commission spéciale Mourir
dans la dignité faisait suite à un rapport important du Collège des
médecins qui nous faisait part des problèmes qu'il rencontrait souvent avec des
personnes en fin de vie et pour lesquelles il n'y avait pas de solution pour soulager leurs souffrances. Cette commission
spéciale Mourir dans la dignité a eu,
évidemment, un travail… a fait un travail colossal. On le
voit dans les statistiques qui nous ont été fournies : 32
experts ont été rencontrés; 273 mémoires
ont été déposés; 239 personnes et organismes entendus; 29 jours d'auditions
publiques; huit villes qui ont été visitées; 114 personnes entendues pendant
des périodes de micro ouvert; 6 558 réponses à un questionnaire en ligne; plus de 16 000 commentaires reçus par courriel, par la poste, par
télécopieur, par l'intermédiaire du questionnaire
en ligne; 21 rencontres pendant la mission en France, aux Pays-Bas et en
Belgique; et 51 séances de travail des membres de la Commission de la
santé et des services sociaux.
Ce fut,
évidemment, un travail colossal. Mes collègues qui ont parlé précédemment ont
fait part de tout de qui a été entendu
durant cette commission spéciale et qui a mené à l'écriture du projet de loi
n° 52. Cette commission spéciale a donné 24 recommandations unanimes par l'ensemble des députés qui font
partie de la commission : 12 recommandations sur la bonification des soins en fin de vie, la
sédation palliative, les directives médicales anticipées et l'information
aux patients, également 12 recommandations sur l'aide médicale à mourir.
La conclusion
globale de cette commission spéciale nous dit qu'il faut voir les soins en fin
de vie selon une approche intégrée,
un continuum de soins par rapport à tous les soins qui concernent la fin de la
vie. Le projet de loi n° 52 descend en droite ligne de cette commission spéciale. Parmi les 55 groupes que nous
avons reçus dernièrement, durant les quatre dernières semaines, la
plupart ont souligné la rigueur du travail de la députée de Joliette et
ministre déléguée aux Services sociaux
et à la Protection de la jeunesse, rigueur dans l'écriture de ce projet de loi
n° 52 par rapport aux conclusions de la commission spéciale.
Les soins de
fin de vie, comme le titre l'indique, nous amènent à regarder vraiment la fin
de la vie pour toutes les personnes dont l'état le requiert. C'est une
vision globale que nous devons avoir sur les soins en fin de vie. C'est un continuum de soins. C'est une approche intégrée.
Et c'est surtout l'encadrement des soins pour protéger les personnes les
plus vulnérables. Le projet de loi n° 52 prévoit différentes mesures pour
toutes les étapes de ces soins en fin de vie.
• (20 h 50) •
Si on pense aux soins palliatifs, la loi
n° 52 va venir encadrer les soins palliatifs pour répondre à la plupart
des souffrances.
La majorité des groupes ont souligné l'importance
de majorer l'offre de soin des soins palliatifs. Il y a eu des annonces dernièrement qui disent que, justement,
le gouvernement du Québec, présentement, augmente l'offre de soins pour les soins
palliatifs. Qu'ils soient en établissement de santé, dans les maisons de soins
palliatifs ou à domicile, c'est important
que les soins palliatifs soient offerts pour toutes les personnes dont l'état
le requiert, également dans toutes les régions du Québec. Pour une région comme la mienne, aux Îles-de-la-Madeleine, nous souhaitons avoir accès aux soins palliatifs pour tous les
gens qui demandent ou dont l'état le requiert.
Pour ce qui est de la sédation palliative, terminale ou continue, nous avons discuté au
niveau des termes, est-ce que… Plusieurs intervenants qui sont venus en commission
parlementaire nous ont proposé différents termes, ce sera discuté au moment où on va étudier les articles.
Mais l'important, c'est l'encadrement
par rapport à la sédation palliative, continue
ou terminale. Présentement, il y a des médecins, évidemment, qui offrent la
sédation palliative. Maintenant, nous manquons d'encadrement. C'est ce
que le projet de loi n° 52 va venir encadrer pour donner un protocole
uniforme de la part des médecins, également que ce soit encadré dans tous les
établissements du Québec.
Pour la
question de l'aide médicale à mourir, que nous avons étudiée, évidemment, en
commission parlementaire avec tous
les intervenants qui sont venus nous voir, c'est, évidemment, l'article du
projet qui apporte le plus de discussions et d'objections, disons-le,
pour certains groupes qui craignent des dérives. Par contre, le projet de loi
n° 52 encadre très bien l'offre de ce
soin exceptionnel pour des souffrances exceptionnelles que les médecins
n'arrivent pas à traiter en fin de
vie. L'offre de soins palliatifs, bien sûr, règle plusieurs problèmes. Pour la
majorité des gens qui souffrent en fin de vie, ce sont les soins
palliatifs qui vont venir calmer la souffrance. Par contre, s'il existe des
moments de souffrances exceptionnelles qui
ne peuvent pas être calmées, je crois que le recours à l'aide médicale à
mourir, selon les conditions qui sont clairement indiquées dans le projet
de loi, pourra venir soulager les personnes, et ce sera la dernière issue,
l'issue de secours, comme plusieurs personnes en ont parlé.
Il est prévu
aussi des directives médicales anticipées dans le projet de loi n° 52 pour que la volonté et le désir de la personne d'inscrire… qu'est-ce qu'elle veut comme soins ou directives médicales en fin de vie soit respecté.
C'est toujours important de respecter l'autonomie des personnes, la
dignité des personnes et de respecter cette volonté, qui sera inscrite, qui
sera dite librement, clairement, sans pression. Ça invoque aussi la possibilité
de discuter davantage avec le médecin sur la volonté de chaque personne, qu'est-ce qu'elle veut en fin de vie, qu'est-ce
qu'elle désire, comment elle
désire terminer ses jours. Et, si elle désire être débranchée ou refuser une
aide spéciale médicale, ce sera inscrit dans les directives médicales
anticipées. Et c'est en relation avec le médecin selon des directives qui
seront répétées pour s'assurer que la
personne, premièrement, ne change pas d'idée, et c'est vraiment
ce qu'elle veut. Ce sera de façon
répétée que les personnes devront inscrire
leurs directives médicales anticipées après discussion, évidemment,
avec le médecin. Je pense que ça peut améliorer aussi la discussion et
la franchise entre le patient et le médecin sur la situation réelle du patient
qui arrive à cette étape de la vie qu'est la fin de la vie.
Ce qu'on
entend souvent de la part des personnes, ce n'est pas nécessairement la peur de
mourir, c'est souvent la peur de
souffrir, et je pense que le projet
de loi n° 52 répond à cette
crainte de plusieurs personnes qui disent : Je n'ai pas
nécessairement peur de mourir. Ce que j'ai peur, c'est de souffrir en fin de
vie, j'ai peur que vous ne puissiez pas soulager
mes souffrances. Et ça peut être très rassurant pour les personnes qui arrivent
à cette époque de leur vie de savoir qu'il
y aura une issue de secours qui sera
l'aide médicale à mourir, une issue digne, noble et qui apaisera les
souffrances qui ne peuvent être apaisées.
Certains nous
ont parlé de possibles dérives dans l'application de l'aide médicale à mourir. Le projet
de loi n° 52 prévoit, par les articles 26 et 28, de façon
stricte comment est-ce que ça peut se demander, comment est-ce que les patients vont pouvoir demander cette aide médicale à mourir. Ça ne pourrait pas être demandé par une tierce
personne. Ça ne peut pas être les enfants,
le conjoint ou la conjointe ou qui que ce soit d'autre, c'est la personne
elle-même. Et il y a certaines balises qui sont dans le projet de loi : la personne doit être majeure, apte à consentir aux soins. C'est très
important, cette notion d'aptitude à
consentir aux soins. Ça a été dit souvent par les groupes qui sont venus nous
voir, qui craignaient une dérive ou de déraper dans cette notion-là,
mais nous avons répété à plusieurs reprises, la personne doit être apte à
consentir aux soins. Elle est assurée… Bon, elle est atteinte d'une maladie
grave, incurable. Sa situation médicale se caractérise
par un déclin avancé et irréversible de ses capacités. Alors, ça ne peut pas
s'appliquer, par exemple, pour une maladie dégénérative où la
personne ne serait pas en fin de vie. Alors, tout le projet de loi, évidemment,
comme on l'a dit au début, s'attaque aux
personnes qui sont en soins… les soins en fin de vie. Ça ne pourrait pas
s'appliquer avant.
Puis la personne, dans les directives, on dit
que la personne éprouve des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables, qui ne peuvent être
apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables. Ce sont des
balises qui sont claires. L'article 26
est là, l'article 28 aussi, par
rapport à l'aide médicale, ce que le médecin doit faire pour
aider la personne en fin de vie. Ces
articles-là sont clairs. Nous aurons l'occasion de les discuter en commission
parlementaire, et je pense que ça vient baliser de façon sérieuse l'aide
médicale à mourir pour ne pas qu'il y ait de dérive possible.
Devant les
personnes qu'on a reçues, certaines nous ont demandé de les soutenir, de les
accompagner, de ne pas les laisser
tomber dans ce projet de loi. Ils croient que les conclusions de la commission
spéciale Mourir dans la dignité étaient
fidèles à ce qu'ils demandaient et que le projet de loi est en droite ligne
avec les conclusions de la commission spéciale Mourir dans la dignité.
Nous avons une responsabilité comme élus de ne pas laisser tomber ces personnes
qui nous demandent de légiférer pour encadrer ces soins en fin de vie, pour
encadrer les soins palliatifs, augmenter l'offre
des soins palliatifs, également encadrer la sédation palliative continue ou
terminale et, enfin, de permettre, dans des situations exceptionnelles,
pour des souffrances exceptionnelles, cette aide médicale à mourir, qui est un acte
médical — les mots le disent bien, c'est une aide
médicale — fait par
un médecin pour terminer les jours de la personne qui le demande.
C'est rassurant pour ces personnes-là de savoir
qu'en fin de vie elles pourront être accompagnées par leur médecin,
accompagnées de façon médicale et être respectées dans le choix qu'elles vont
faire.
Je pense que
ça va être important que tous les parlementaires se prononcent sur le projet de
loi n° 52. Je vais voter pour,
évidemment, et je vais étudier article par article. Il y a peut-être des
articles que nous pourrons bonifier quant à la définition de termes… ou de sédation palliative continue, mais j'invite
les parlementaires à tous voter pour le projet de loi n° 52 pour
répondre aux besoins des gens qui sont venus nous voir, de toutes les personnes
qui ont participé à la commission spéciale Mourir dans la dignité, et les gens
de ma circonscription qui appuient la démarche de Mourir dans la dignité.
Merci, M. le Président.
• (21 heures) •
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée des
Îles-de-la-Madeleine. Alors, je cède maintenant la parole au député de
Beauce-Sud. M. le député, la parole est à vous.
M. Robert Dutil
M. Dutil :
Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, on est à l'adoption du principe
du projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie, et
je dois vous dire qu'à mon sens c'est probablement l'un des projets de loi les
plus importants, sinon le plus important qu'il m'a été jamais donné de
débattre. J'ai été élu pour la première fois en 1985. Évidemment, j'ai été…
j'ai fait neuf ans, et j'ai été assez longuement absent de l'Assemblée
nationale, puisque je suis revenu... entre
1994 et 2008, absent. Donc, je suis revenu en 2008. Mais j'en ai vu, des
débats, j'en ai vu, des dossiers, j'en ai vu, des items fort importants,
mais je ne pense pas et je ne me rappelle pas en avoir vu un d'aussi important
que celui-ci.
Et je pense
que les collègues qui ont été élus ou qui... qui ont été élus avant moi ou qui
ont été élus vers la même époque, il en
reste trois, ils ne sont pas très nombreux : il reste le député d'Abitibi-Ouest, le député de Brome-Missisquoi,
le député de Westmount—Saint-Louis, le président actuel et moi. Donc, contrairement
à ce que les gens pensent en général, on ne passe pas notre vie à l'Assemblée
nationale. C'est même extrêmement rare que des gens fassent plus qu'une dizaine
d'années, une quinzaine d'années.
Et
pourtant j'ai continué à suivre les débats, même dans la période où je n'étais
plus député. Évidemment, j'avais un intérêt particulier, ayant été un
des membres assidus, et vraiment ce débat-là me touche profondément, comme il touche, je pense, tous les membres de l'Assemblée. Pourquoi? Parce que la mort est inéluctable. C'est un passage
obligé pour tous les êtres humains. On l'oublie, dans l'effervescence de la
vie, et particulièrement dans la vie très active que nous menons ici, à l'Assemblée
nationale. On oublie parfois cet
aspect-là, mais c'est un passage obligé pour nous tous. Et, pour les
gens qui sont parvenus à mon âge, c'est le passage obligé de notre génération,
puisque nos aînés de la génération d'avant
nous sont décédés. Ma mère est décédée il
y a fort longtemps
déjà, mon père est décédé il y a
quelques années, et c'est le cas également
de ma conjointe. Donc, on se retrouve donc, comme certaines personnes le
mentionnent, au front.
Donc, débat fort important, débat très, très
émotif, débat qui reflète les croyances des gens sur le plan de la pensée, de la philosophie de la vie, la spiritualité
dans certains cas, et donc qui doit nous amener à prendre des
précautions extrêmement importantes. Il s'est pris des précautions, je dois le
dire, et je pense qu'il faut le répéter. La commission qui a fait le travail pendant deux ans et demi a fait un travail en
profondeur. Ils ont consulté, ils ont écouté et ils ont, je pense,
intégré pas mal de choses dans leurs réflexions. Le député de Jacques-Cartier,
qui en a été le président initialement, et la députée de Gatineau, qui l'a
remplacé quand il a été nommé au Conseil des ministres, et les autres membres,
on en a plusieurs qui ont parlé, depuis
le début, ont fait un travail que l'on peut qualifier de remarquable sur un
sujet extrêmement délicat.
Ce travail-là
a abouti à un projet de loi qui nous est déposé — je rappelle que l'initiative législative appartient au gouvernement,
donc le projet de loi est l'interprétation du parti gouvernemental, du consensus
qui a été établi sur les principes et les recommandations de ce comité-là — et ça
nous est présenté aujourd'hui. Le débat a commencé cet après-midi. Je suis ici depuis
le début du débat et j'ai pris le soin d'écouter chacun des intervenants ici parce que
je voulais approfondir le sujet. Je n'ai pas fait partie de la commission,
donc je n'ai pas la même profondeur de connaissance de l'ensemble du dossier que les membres de la commission, et
dont plusieurs se sont exprimés aujourd'hui. Je pense
que d'ailleurs il y a plusieurs membres
de la commission qui ont décidé de
s'exprimer, et c'est bien correct de cette façon-là, dès le départ, de ce débat, de l'adoption du principe sur les soins de vie. Et, sur les
débats que nous avons entendus aujourd'hui, il y a des arguments qui
sont très favorables, il y a des arguments qui moins favorables, il y a des
opinions qui sont dans un sens et il y a
des opinions qui sont dans l'autre, et je
pense qu'on peut dire qu'il y a
un consensus un peu difficile, dans la population, sur
cet aspect-là.
Alors, est-ce que
les gens sont entièrement contre ce projet de loi là? De ce que je comprends et de ce que je décode, non,
mais ils ont des réserves assez importantes pour ne pas vouloir qu'il soit adopté. Est-ce que
des gens sont entièrement pour ce projet de loi là? Je constate que c'est non. Ils préféreraient qu'il soit adopté
pour des raisons qui leur appartiennent. Ils estiment que les avantages
sont supérieurs aux inconvénients. Mais ils voient quand même, dans le projet
de loi concernant les soins de fin de vie,
des difficultés qui sont assez nombreuses pour qu'ils souhaitent
les exprimer. C'est normal. C'est
pour ça que le Parlement existe. Un de nos objectifs, c'est de faire des législations les meilleures possible, que le sujet soit difficile ou que le
sujet soit facile. Celui-là, c'est un sujet difficile.
Un premier point qui semble… peut sembler
mineur, mais qui m'apparaît, moi, fort important, c'est qu'il y a quelques groupes qui ont mentionné qu'ils auraient
voulu être entendus et qui ne l'ont pas été. Et je ne pense pas qu'on
puisse se permettre ça. Je pense qu'on se doit de donner la place à tous les
groupes qui veulent être entendus. Et, si on
a une journée ou une journée et demie de plus à passer en commission parlementaire pour les écouter, je pense qu'on doit le faire. On ne peut pas dire à ces gens-là
qu'on est pressés pour adopter un projet
de loi, et ne pas les écouter, et
avoir dans la société des gens qui ont exprimé avec force et vigueur le besoin
et le droit de s'exprimer qui ne l'ont pas été. J'entendais aujourd'hui notre
député qui le mentionnait, qui le répétait : Je suis disponible pour faire
ce travail supplémentaire, il n'y a
aucun problème. Et je pense que tous les parlementaires de notre côté, ici, sont disponibles pour faire ce travail
supplémentaire, de telle sorte qu'on puisse avoir la conscience tranquille au
moins sur cet aspect-là. Personne dans la société
ne viendra nous dire : Moi, j'aurais voulu être entendu et je ne l'ai pas
été. Alors, c'est un premier aspect que je tiens à souligner et sur
lequel je pense qu'il faut revenir.
L'autre point qui m'a un peu étonné, bien qu'on
en ait parlé abondamment, c'est le manque de définitions. Est-ce que
c'est difficile de faire des définitions ou si on ne veut pas faire de
définitions? Je vous avoue que j'essaie de faire ressortir des débats qu'est-ce
qui s'est réellement passé là-dessus.
Mais je pense, à première vue, qu'on ne peut pas se passer de
définitions sur les divers aspects du projet de loi. Je sais qu'elles ont été
évoquées. J'ai écouté la ministre cet après-midi…
On connaît les trois sujets de ce projet
de loi là : les soins palliatifs, la sédation palliative et l'aide
médicale à mourir. Ça fait partie des choses qui doivent être extrêmement
précises et qui doivent être extrêmement balisées. Le sont-elles? Certains des intervenants aujourd'hui prétendent que
oui, mais d'autres intervenants prétendent que non. Ma connaissance
n'était pas suffisante de ce côté-là, je pense que je prends la réserve de
dire : Il y a là probablement un deuxième os, il faut davantage de
précision pour éviter les dérapages.
Quand je
regarde les groupes qui se sont exprimés en faveur et leurs arguments et les
groupes qui se sont exprimés en défaveur et leurs arguments, je pense
qu'on peut dire qu'on voit là les deux faces d'une même médaille. Tout le monde reconnaît qu'il y a là un problème, tout le
monde reconnaît qu'il y a là certaines difficultés qu'il faudrait
régler, tout le monde ne voit pas la solution de la même façon.
Pour les fins des gens qui nous écoutent, je
vais nommer les groupes qui se sont manifestés en faveur et leurs arguments et
les groupes qui se sont manifestés en défaveur et leurs arguments.
Alors, les principaux groupes qui se sont
prononcés en faveur sont : le Collège des médecins du Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec,
la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Barreau du Québec,
le Protecteur du citoyen et la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse. Donc, des organismes fort
importants de notre société, des organismes qui ont une voix en général forte
et une voix aussi bien, bien approfondie. Ils approfondissent leurs sujets, ils
l'étudient avec sérieux et nous donnent leurs opinions.
• (21 h 10) •
Leurs
arguments... Et c'est un argument qui a été soulevé par l'ex-ministre de la
Santé et le député de Jean-Talon, c'est
la liberté individuelle d'avoir le choix. Et c'est un argument qui me touche
particulièrement, la liberté de choix est quelque chose d'important dans notre société. Le deuxième, c'est le
principe d'autonomie de la personne. Et, évidemment, le dernier, qui est probablement l'un des
arguments principaux, c'est que ça offre une réponse à des patients pour qui
la douleur ne peut pas être soulagée. Et, cet aspect-là, évidemment, touche
tout le monde. On a, je pense, tous entendu parler de gens qui, curieusement,
avec la connaissance médicale que nous avons aujourd'hui et malgré les avancées
extraordinaires qu'il y a, souffrent
constamment et dont la douleur ne peut pas être soulagée. Alors, c'est étonnant
de se retrouver devant des… situations-là en 2013, avec les avancées de
la médecine, mais il semble bien que ce soit le cas. Donc, on peut dire que là,
il y a un argument, je pense, qui est un argument de poids en faveur du projet
de loi.
Mais il y a
des groupes qui se sont prononcés en défaveur de l'aide médicale à
mourir : l'Alliance des maisons de soins palliatifs, La Maison Michel Sarrazin, le Collectif de médecins du
refus médical de l'euthanasie — et je dois dire que le mot «euthanasie» revient, et je sais qu'il
n'est pas dans le projet de loi, et je sais que ce n'est pas l'objectif du
projet de loi, mais il y a cette crainte-là
qui apparaît chez plusieurs intervenants qui m'ont interpellé — le Réseau des soins palliatifs du
Québec, le regroupement des médecins en soins palliatifs. Alors, ces groupes-là
se sont montrés en défaveur et ils ont
manifesté leur défaveur pour les raisons… qui sont sérieuses, évidemment, ce ne
sont pas des raisons farfelues. Par exemple,
l'aide médicale à mourir est contre la philosophie des soins palliatifs :
pour eux, le soin palliatif, ce n'est pas une aide à mourir, c'est un
soutien en attendant la mort. Ce qui est une nuance, là, qu'il est important de
faire. Il existe un risque de pente glissante et de dérapage là-dessus.
Et dernièrement je suis tombé sur une émission
d'un médecin belge qui est venu exprimer son opinion à la télévision et que j'ai pris soin d'écouter parce
que le sujet s'en venait, on allait en parler éventuellement à
l'Assemblée nationale, donc ça
m'intéressait, et qui nous parlait de la Belgique, où cette loi-là, ou une loi
équivalente, existe depuis peut-être
10 ou 15 ans et où lui avait constaté qu'il y avait un certain dérapage, une
pente glissante. Et, à ma compréhension, ce qu'il voulait dire, c'est
qu'on s'était dirigés vers ce qu'on pourrait appeler des soins palliatifs, là,
c'est-à-dire pour l'aide à éviter la
souffrance à des gens qui vont mourir de toute façon, et qu'on semblait s'être
dirigés vers, le mot qu'il exprimait était très clair, l'euthanasie,
c'est-à-dire donner la mort aux personnes parce qu'elles le souhaitaient ou
parce que c'était un choix personnel. Et est-ce adéquat et correct de le faire?
C'était la question qu'il posait.
Et le troisième
argument, c'est que l'aide médicale à mourir ne doit pas être une réponse ou un
non-choix si les ressources ne sont pas disponibles en fin de vie :
autre aspect qui, dans le débat que nous avons, me semblait faire consensus. C'est-à-dire que la priorité… Et encore
là je cite l'ancien ministre de la Santé : Il faut d'abord et avant
tout que les soins palliatifs soient
disponibles partout et de manière adéquate. Avant toute chose, c'est
probablement un préalable, une prémisse fort importante. Donc, il y a
des pour, il y a des contre.
Et les gens
qui nous élisent pensent parfois que nous sommes omniscients, qu'on connaît
tous les dossiers et qu'on connaît toutes les choses en profondeur,
mais, comme tout être humain, on doit se consacrer parfois à nos dossiers personnels, à nos dossiers de comté, à nos
dossiers autres. Et, non, ce n'est pas vrai, on n'a pas la science infuse, et
d'où l'importance du débat que nous avons
aujourd'hui. Le débat que nous avons aujourd'hui… C'est pour ça que je
tenais à être présent pour écouter mes collègues députés, quelle que soit leur
formation politique, c'est pour ça que j'essaie de me renseigner le plus en profondeur possible, pour porter un jugement en
mon âme et conscience parce que, comme vous le savez, nous allons voter en notre âme et conscience de ce côté-ci,
quelle que soit notre opinion, elle peut être différente les uns des
autres, porter le jugement le plus acceptable, dans mon esprit, qui soit.
Un des auteurs que j'ai lus, c'est assez
étonnant parce que ce n'est pas… il n'est pas reconnu pour être un auteur
philosophique, il est reconnu pour être un médecin, c'est Albert Schweitzer,
mais il avait écrit beaucoup de livres de
philosophie. M. Schweitzer a été un prix Nobel de la paix il y a très
longtemps, il y a une soixantaine d'années. Et le prix Nobel, il l'avait gagné parce qu'il avait été médecin en
Afrique, il avait fondé un hôpital en Afrique, je pense que c'est au Gabon, et son œuvre a fait des
petits. Mais Albert Schweitzer — ce qui est souvent ignoré — avant
d'être médecin, il a été médecin sur le
tard, était un pasteur et était un philosophe, donc une personne qui
réfléchissait au sens de la vie. Et, si on
veut résumer, on peut… Et c'est difficile de résumer un philosophe. Mais, si on
veut résumer sa pensée, sa pensée, c'était : d'abord et avant tout,
on doit le respect à la vie.
La vie, c'est
quelque chose d'assez étonnant. Vous savez, on est tous nés de la même façon, hein, d'un père et d'une mère
qui, à partir d'un ovule puis d'un
spermatozoïde… En quelques mois, on formait un être humain. C'est quand
même incroyable, là, c'est quand même assez, assez étonnant. Et, juste de
réfléchir à ça, les milliards de cellules que nous avons, de la façon dont
elles sont organisées, là, les cellules qui fonctionnent toutes ensemble d'une
façon à peu près correcte, qui nous permettent de marcher et d'agir, de parler,
de vous parler, et de faire des discours, et de faire, et de manger, etc., et
de vivre… Donc, tout ça, tout ça fonctionne en général en relative bonne coordination.
Évidemment, n'ayant pas trouvé de moyen autre pour vivre longtemps que de
vieillir, nous vieillissons tous, et donc les choses se… ne fonctionnent pendant des centaines d'années, mais fonctionnent
pendant plusieurs décennies et finissent par se terminer par la fin de
vie.
Donc, M. le
Président, je suis très ambivalent, je vous le dis bien honnêtement, de ce que
j'ai reçu de mes citoyens, du projet
de loi qui est devant nous, des… Je vous ai mentionné les raisons pour être
favorable et les raisons pour être défavorable
d'un groupe ou de l'autre, et l'impression qu'il me reste, c'est qu'il manque
encore certains morceaux. C'est l'impression qu'il me reste, il manque
une certaine prudence. Le député de Jacques-Cartier a parlé de Ghislain Leblond, que j'ai connu personnellement, qui est
venu exprimer son opinion, qu'il a une maladie dégénérative et qui
refusait qu'on
impose... qu'on lui impose son choix en fonction de sa situation. D'autres
personnes sont venues témoigner dans le sens contraire en disant :
Le respect de la vie passe par-dessus tout, et ce n'était pas qu'une position
de principes religieux, c'est une position de principes philosophiques pour
certaines personnes qu'il faut également respecter.
Alors,
aujourd'hui, on nous demande d'adopter le principe, et, malgré toute la
sympathie que j'ai pour tout le travail qui a été fait, je pense qu'il y a encore des améliorations que l'on
devrait faire avant aller étudier en commission parlementaire.
Personnellement, je pense ça. Et je pense que l'on devrait faire encore un peu
de travail pour éliminer certains arguments défavorables à la loi actuelle,
telle que présentée.
En général,
on le fait en commission parlementaire. Oui, c'est vrai, en général, on se
dit : Bon, on n'est pas d'accord avec
certains aspects, mais on va adopter le principe, et puis on va passer en
commission parlementaire et, en commission parlementaire, on fera les corrections qui s'imposent. Je suis mal à
l'aise, dans ce dossier-là, avec ce sujet-là, de procéder de cette façon-là.
Je pense qu'il y aurait lieu de faire une suite à la consultation importante
qui a eu lieu, que l'on doit compléter en
recevant tous les organismes qui veulent l'être. Je pense qu'il y aurait lieu
de refaire des retouches au projet de loi
avant même de l'adopter en principe. C'est ma conviction. Je n'ai pas entendu
personne avoir le discours que je viens d'avoir, là. Je pense que c'est assez unanime en faveur du principe.
Mais, moi, maintenant, je vais voter contre le principe.
Ceci dit,
comme le mentionnait Benjamin Franklin, quand ils ont adopté la Constitution
des États-Unis, ça fait assez longtemps
que je vis, je suis assez vieux pour savoir que je peux changer d'avis si on
m'apporte de nouveaux éléments ou si je
fais une réflexion plus approfondie; je ne refuserai pas cette ouverture
d'esprit là. Mais je demande à mes collègues et je demande à la ministre
peut-être de faire ces petites retouches, ces ajouts, ces corrections avant
qu'on étudie, en commission parlementaire, le projet de loi n° 52, le
projet de loi sur les soins de fin de vie. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Alors, merci. Merci, M. le député de Beauce-Sud. Alors, je suis prêt à
recevoir, entendre un prochain ou une prochaine intervenante. Un prochain? Oui.
Mme la députée de Trois-Rivières.
Mme Danielle St-Amand
Mme St-Amand : Merci
beaucoup.
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
À vous la parole, Mme la députée.
• (21 h 20) •
Mme
St-Amand : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vous remercie de me permettre de
m'exprimer sur le projet de loi qui concerne les soins de fin de vie.
Alors, M. le
Président, d'entrée de jeu, je vais vous dire que j'ai eu la chance ou la
malchance d'être en contact avec la mort depuis mon plus jeune âge. Très
jeune, à l'âge de 10 ans, j'ai deux amis d'enfance, consécutivement, qui
ont été… qui ont eu des accidents, qui sont
décédés accidentellement à quelques pas de la maison chez nous. Alors, je
peux vous dire que ça donne un contact avec la mort qui est assez particulier.
Au début de ma vie de jeune adulte, j'ai accompagné
mon père, qui a appris, une semaine avant sa mort, qu'il était atteint d'un
cancer, mais qu'il était déjà rendu en phase
terminale. Il a choisi de refuser les traitements de radiothérapie, qui
auraient pu prolonger sa vie de quelques mois. Vous vous imaginez qu'il
a fallu, M. le Président, une bonne dose d'amour et de considération pour
respecter le choix de mon père et le laisser partir quelques jours plus tard.
M. le Président, mes collègues sont au courant,
presque un an, jour pour jour, ma mère apprenait qu'elle était atteinte d'une bactérie. Hospitalisée, sa
situation s'est rapidement détériorée, l'obligeant à être dialysée. Le 21
décembre dernier, on lui apprenait que la bactérie
avait atteint son cœur et qu'aucun retour à sa résidence pour personnes âgées
n'était possible… pour personnes aînées, je m'excuse. Alors, condamnée à
demeurer dans un milieu de soins de santé, imaginez-vous,
M. le Président, qu'elle a choisi de cesser la dialyse, de revenir dans son
village pour y finir sa vie. Elle a eu la
chance d'avoir des soins palliatifs de très, très grande qualité. Et, M. le
Président, moi, j'ai eu le privilège de l'accompagner, pendant le temps
des fêtes l'année dernière, 14 jours, 14 nuits, et de vivre avec elle
ces moments qui ont été très, très, très riches. Alors, elle nous a quittées
finalement le 4 janvier dernier.
M. le
Président, il faut aussi que je vous dise que j'ai vécu une situation fort
dramatique avec mon frère Pierre, qui,
alors qu'il était âgé de 26 ans, s'est suicidé. Nous étions tous les deux seuls
à la maison quand il a posé ce geste de grande détresse. Âgée de 20 ans, j'ai eu à faire les premières
interventions, à demander les secours. Pas besoin de vous dire, M. le
Président, qu'une telle situation désorganise une famille et que de nombreuses
questions demeureront toujours sans réponse.
Alors, M. le
Président, avec ces faits, vous comprendrez que, pour moi, d'introduire des
mesures pour décider de ma mort ou de
celle des autres, dans une loi, me questionne profondément. Avec mon vécu, j'ai
un malaise à penser que la vie puisse être abrégée volontairement. J'ai
toujours pensé que la mort était un processus naturel, que l'on devait
l'accompagner, mais pas l'abréger.
Alors, je dois vous dire aussi que j'ai suivi
très attentivement les travaux de la commission. Les consultations sur le projet de loi ont démontré qu'il existe
plusieurs divergences d'opinions en ce qui concerne la notion ou le
concept de fin de vie. Et, M. le Président,
je veux être très claire, il est primordial que tous les Québécois, lorsque
leur condition l'exige, puissent avoir accès à des soins palliatifs. En
tout temps, il est essentiel que nous puissions donner le soutien et la législation nécessaires afin que nos équipes
médicales puissent alléger, atténuer la souffrance des gens en fin de vie.
Il faut aussi que nous donnions, M. le
Président, tous les moyens à nos soignants pour qu'ils puissent justement
rendre cette fin de vie là plus paisible à nos concitoyens. Et je pense
aussi, M. le Président, que les familles qui accompagnent une personne en fin
de vie doivent aussi être soutenues dans leurs démarches.
Donc,
c'est clair, M. le Président, en 2013, la médecine a les connaissances et les
moyens de soulager les patients, et nous avons le devoir, comme
législateurs, de bien l'outiller. À cet égard, avant de me prononcer, j'aurais
bien aimé connaître un portrait exact de la
situation au Québec : où en est-on dans l'accessibilité aux soins
palliatifs, qu'en est-il de la sédation palliative? En fait, j'aurais
aimé savoir ce qui est disponible pour les citoyens au Québec présentement. Ça non plus, M. le Président, ce n'est pas clair.
Dans son ensemble, le projet de loi répond à un besoin de société : tout
comme moi, je crois que les Québécois sont
unanimes sur leur volonté de mourir dans la dignité. Ce qui me questionne, M.
le Président, c'est tout ce qui concerne l'aide médicale à mourir.
Alors, dans
le cheminement de toute maladie physique chronique, dégénérative ou cancéreuse,
les problématiques de la souffrance
physique et psychologique surviennent toujours, M. le Président. Des symptômes
d'idées suicidaires, de vouloir en finir, d'altération de l'humeur,
autant dépressive et surtout anxieuse, face à l'inconnu sont fréquents dans ces contextes. Alors, ces situations
cliniques sont la norme pour ces patients vulnérables. Avec le projet de loi actuel, est-ce que ça veut dire, M. le Président, que les
patients pourraient décider, dans une situation de détresse, de mourir? J'ai énormément
de difficulté avec cette notion-là.
M. le Président, je constate que, tant dans le milieu communautaire que dans le milieu
médical, personne n'est unanime ni majoritaire face à l'aide médicale à
mourir, et je crois qu'avec le libellé actuel l'application de la loi sera difficile. Face à des enjeux majeurs de société et
à la confusion dans la population des termes, qu'on parle de
l'acharnement thérapeutique, de suicide assisté, de sédation palliative, de
refus de soins, la plus grande rigueur me semble… la plus grande prudence me
semble de rigueur, M. le Président. En fait, cette confusion perdure au sujet
des droits que nous possédons déjà, soit le droit de refuser des traitements ou
de les faire interrompre, le droit de refuser toute forme d'alimentation, d'hydratation ou de ventilation.
Personne ne souhaite être victime d'acharnement thérapeutique, M. le
Président, et, vous savez, on a tous peur de souffrir de douleurs
incontrôlables. Face à la maladie grave, on se sent tellement impuissants, M.
le Président, et on peut devenir tellement vulnérables.
Vous savez,
il y a une auteure, qui s'appelle Marie de Hennezel, qui est une sommité dans le domaine de la fin de vie, qui est une psychologue, psychothérapeute,
qui disait : «Le fait d'être un grand vieillard ou un malade en fin de
vie ne donne pas le droit de culpabiliser à outrance ou d'exiger d'un autre un
acte grave dont il portera longtemps la trace.» Il y avait
l'auteur-compositeur, qui disait récemment : «La souffrance est sale? On
ne la soigne plus, on la nettoie?»
Je tiens à le répéter, M. le Président, les
personnes en fin de vie ont le droit de bénéficier de soins médicaux diligents
et compétents pour le soulagement de la douleur, des malaises et de la
souffrance qu'elles éprouvent et dont elles
souhaitent être libérées. Les volontés du malade qui refuse ou qui veut
interrompre des traitements doivent toujours être respectées. Les outils
thérapeutiques, M. le Président, qui sont disponibles et qui permettent à toute
personne d'être bien soulagée en fin de vie doivent devenir accessibles à l'ensemble
du territoire québécois.
M. le Président, il y a une autre chose qui me préoccupe. Vous le savez, il y a
encore des groupes, on parle d'autour d'une
dizaine, là, entre sept et 10, qui auraient voulu être entendus, qui ne l'ont
pas été. J'ai été interpellée à ce sujet-là. L'enjeu est trop important
pour que l'on ignore ceux qui veulent éclairer nos décisions. Ce serait vraiment
apprécié que la commission accepte, avant de poursuivre les prochaines étapes législatives,
que tous ces groupes en attente puissent être accueillis.
Vous savez,
M. le Président, ce projet de loi a des enjeux humains et personnels pour les
Québécois. On arrive en politique avec nos valeurs, nos croyances et
notre vécu, et on a le devoir comme élus d'être aussi à l'écoute des valeurs,
des croyances et du vécu de nos concitoyens, et on doit les représenter le
mieux possible.
Maintenant,
M. le Président, dans les prochains jours, je serai obligée de me prononcer sur
le principe de ce projet de loi. Le sujet nécessite beaucoup de
délicatesse, et à ce moment il m'est impossible de me prononcer en faveur parce qu'il y a des éléments fondamentaux qui
n'ont pas été clarifiés. Je le répète, le concept de l'aide médicale à
mourir, celui de la sédation palliative terminale et celui de la déclaration
médicale anticipée, ils doivent être définis, car de nombreux intervenants sont
venus nous dire que ce n'est pas clair, et ce, qu'ils soient d'accord ou pas
avec le projet de loi n° 52. J'y tiens, M. le Président, ces concepts
doivent être très, très clairement définis.
Et je ne nie
pas que ce débat doit se faire, mais c'est un dossier profondément humain qui
évolue, et, tout comme on l'a mentionné de… tout comme l'a mentionné de
nombreux groupes reconnus, j'estime qu'il me manque des clarifications
importantes pour donner mon aval. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Alors, merci, Mme la députée de Trois-Rivières.
Ajournement
Alors, compte
tenu de l'heure, les travaux de l'Assemblée sont ajournés jusqu'au mercredi 23
octobre 2013, à 9 h 45. Alors, bonne fin de soirée à tous et à
toutes.
(Fin de la séance à 21 h 30)