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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 27 mai 2004 - Vol. 38 N° 78

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures cinq minutes)

Le Président: Bonjour, Mmes, MM. les députés. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes

Aux affaires courantes aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Boisclair: M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article b du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 214

Le Président: À l'article b du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 214, Loi concernant la Municipalité régionale de comté de Lac-Saint-Jean-Est. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.

En conséquence, M. le député de Lac-Saint-Jean propose que l'Assemblée soit saisie du projet de loi d'intérêt privé n° 214, Loi concernant la Municipalité régionale de comté de Lac-Saint-Jean-Est.

Mise aux voix

Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la Commission
de l'aménagement du territoire

M. Dupuis: Oui. M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la Commission de l'aménagement du territoire et pour que le ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir en soit membre, s'il vous plaît.

Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Dépôt de documents

Dépôt de documents. M. le ministre du Travail.

Rapport annuel de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail

M. Després: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel d'activité 2003 de la Commission de santé et sécurité au travail.

Le Président: Ce document est déposé. Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de l'Assemblée pour présenter une pétition non conforme, M. le Président.

Le Président: Consentement? Consentement. M. le député de Trois-Rivières, vous pouvez procéder.

Examiner la sécurité énergétique
à long terme et agir dans une perspective
de développement durable

M. Gabias: Alors, M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 1 529 pétitionnaires. Désignation: jeunes du comté de Trois-Rivières, à savoir des étudiantes et étudiants des cinq écoles secondaires du comté de Trois-Rivières.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le gouvernement a mandaté la Régie de l'énergie d'étudier seulement à court terme la sécurité énergétique des Québécois;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement de faire porter ses réflexions sur la sécurité énergétique des Québécois sur une période plus étendue que celle de 2003 à 2010.

«De plus, nous demandons au gouvernement d'agir dans une perspective de développement durable afin de tenir compte de l'intérêt des générations futures.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, M. le député, cette pétition est déposée.

M. Gabias: Alors, je dépose, M. le Président, cette pétition.

Le Président: M. le député de Trois-Rivières, ça va?

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je reconnais M. le chef de l'opposition officielle.

Stratégie des ministres des Finances et de la Santé
et des Services sociaux lors de la prochaine
rencontre avec leurs homologues provinciaux

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, au cours des dernières semaines, on a tous été témoins des rebuffades qu'a subies notre premier ministre de la part du gouvernement central et du premier ministre fédéral en particulier. D'échec en échec, le premier ministre semblait malgré tout confiant de s'entendre avec Paul Martin ? nouvelle ère, etc., nouvelle manière, nouvelle entente. Il déclarait, le 24 février dernier: «Le moment de vérité approche pour le gouvernement fédéral, et il faut maintenant aller au fond des choses.»

Deux événements majeurs se sont produits depuis. Le budget fédéral: rien. Les promesses électorales de Paul Martin sur la santé, on sait ce que le ministre des Finances du Québec en pense et ce que la population du Québec en pense. Tout ça a confirmé que celui qui a créé le déséquilibre fiscal, Paul Martin, qui l'a nié, n'a aucunement l'intention de le corriger.

À chaque refus de Paul Martin, le premier ministre du Québec, qui faisait preuve, là, reconnaissons-le, d'un optimisme absolument invraisemblable, disait: La prochaine rencontre sera la bonne. Et, selon le ministre des Finances du Québec, la rencontre des ministres des Finances et de la Santé, sans la présence du fédéral, qui aura lieu demain sera, nous a-t-il dit, le ministre des Finances, déterminante. C'est demain. On le saura en fin de semaine.

n(10 h 10)n

Ma question: Est-ce que le premier ministre peut nous indiquer quel mandat a été confié par le Conseil des ministres aux ministres des Finances et de la Santé afin qu'ils augmentent la pression auprès du gouvernement central et qu'une fois pour toutes cette rencontre soit la bonne et apporte des résultats concrets?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Bien, M. le Président, je remercie le chef de l'opposition officielle de s'intéresser pour la première fois aux activités du Conseil de fédération. C'est la première fois, à ma connaissance, qu'il y attache l'importance que ça mérite, puisque le Conseil de fédération a été créé le 5 décembre dernier. C'est donc assez nouveau. Et, dans les nouvelles façons de faire que le conseil met en place, je rappellerai au chef de l'opposition officielle qu'il y a eu une réunion, coprésidée par le premier ministre du Nouveau-Brunswick, M. Lord, et le premier ministre du Manitoba, M. Doer, sur la question du commerce intérieur, un enjeu qui est très important pour le Québec, puisque notre économie est beaucoup tournée justement vers le commerce extérieur, que ce soit aux États-Unis mais aussi dans le reste du Canada.

Et, dans le même esprit, on a également proposé une réunion qui sera coprésidée par le premier ministre de la Colombie-Britannique, Gordon Campbell, et le premier ministre de l'Ontario, M. McGuinty, qui va réunir, pendant presque trois jours, les ministres des Finances et de la Santé ? c'est une première, à ma connaissance ? sur la question de la viabilité et l'avenir de notre système de soins de santé. Ça veut donc dire que, dans ce forum, qui est nouveau ? ça ne s'est jamais fait auparavant, ça fait partie des nouvelles façons de faire que propose le nouveau gouvernement, M. le Président ? ils auront l'occasion d'aborder l'ensemble des enjeux.

Ça inclut quoi? Ça inclut effectivement le respect des compétences, ce qui, à nos yeux à nous, est absolument essentiel pour le bon fonctionnement du système de santé québécois, et, deuxièmement, ça commande que nous puissions aborder la question du financement dans son ensemble. Dans son ensemble, ça veut dire quoi? Ça veut dire les transferts pour la santé, ça veut dire les transferts en termes de points d'impôt, ça veut dire la péréquation également.

Alors, cette approche qui rejoint l'ensemble des gouvernements au Canada, je pense, est plus prometteuse, en termes de résultats, que ce qu'on aura connu dans le passé. En tout cas, la preuve, c'est que vous avez échoué, vous, alors que notre approche à nous rassemble au moins tous les gouvernements autour d'un thème commun, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le chef de l'opposition officielle.

Propos du président du Conseil de la fédération
concernant le plan du Parti libéral
du Canada en matière de santé

M. Bernard Landry

M. Landry: Ça va être une principale en raison du fait que le premier ministre vient de s'enferrer d'une manière spectaculaire en reparlant du Conseil de la fédération. Nous lui avions dit, à la naissance de cette institution, que, quand on est chef d'un gouvernement national comme lui, on ne doit pas chercher l'égalité avec le Nunavut puis les Territoires du Nord-Ouest dans un conseil où tout le monde siège d'égal à égal. Il l'a fait, on lui a souligné les dangers. Bien là on a la preuve, il a le salaire de sa trop grande confiance dans ses rêves impossibles. En effet, le président du Conseil de la fédération, M. Pat Binns, un homme pour qui j'ai beaucoup d'estime ? j'ai eu des contacts avec lui... Et, dans une coalition contre le fédéral, ce n'est pas rien qu'on a eu, on a eu plus que vous n'avez jamais eu. Mais là Pat Binns, il dit, et c'est sur le site du Liberal Party of Canada: «Pat Binns, président du Conseil de la fédération, a exprimé son enthousiasme face au plan de Paul Martin en matière de santé.»

Est-ce que le premier ministre du Québec va dénoncer immédiatement, même si c'est un homme sympathique, le président du Conseil de la fédération et il va se rendre compte dans quel piège il est tombé et a fait tomber le Québec avec cette institution bidon?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Bien là je constate à nouveau que le représentant du Bloc québécois à l'Assemblée nationale du Québec remplit...

Des voix: ...

Le Président: Je demanderais votre collaboration. S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député! M. le premier ministre.

M. Charest: Je comprends que le représentant du Bloc québécois à l'Assemblée nationale reçoit à chaque jour ses instructions de Gilles Duceppe pour qu'il puisse, pour qu'il puisse essayer de faire sa part pour la défense de la cause du Bloc québécois, M. le Président, et j'inviterais, j'inviterais...

Des voix: ...

Le Président: Évidemment, le chef de l'opposition, c'est le chef de l'opposition.

M. Charest: M. le Président, il devrait se comporter comme le chef de l'opposition, à ce moment-là. Ce serait plus facile de le reconnaître, au lieu de citer les premiers ministres des provinces, alors qu'il a vu comme moi les réactions de l'ensemble des premiers ministres, des autres chefs de parti aux propositions que fait le chef du Parti libéral du Canada. Et, si on a fait la réunion en fin de semaine, si on la propose, c'est effectivement parce qu'il y a un travail de fond qui se fait, qui ne s'est jamais fait auparavant.

J'invite le chef de l'opposition officielle à un peu plus de respect pour ceux qui ont choisi de faire les choses différemment. Alors, c'est une chose de ne pas être d'accord avec une institution comme le Conseil de fédération, mais avoir si peu de respect pour les autres, M. le Président, à mon avis c'est également manquer de respect envers la population du Québec, à qui vous avez également des comptes à rendre.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, quand il nous est arrivé de faire campagne pour le Parti conservateur, on ne s'est jamais fait traiter par Brian Mulroney de succursale ou de commis voyageurs. Alors, deux poids, deux mesures. Deux poids, deux mesures.

Mais je voudrais bien un poids, une mesure pour une chose fondamentale. Il est tombé dans ce piège du Conseil de la fédération, qui est contre les intérêts du Québec. C'est son affaire. Il est d'accord avec le Conseil de la fédération? Qu'il continue à en être fier. Mais ce n'est pas ça, ma question. Est-ce qu'il est d'accord avec le président du Conseil de la fédération, qui, lui, est d'accord avec le plan de Paul Martin?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, c'est la deuxième fois, dans l'espace d'une semaine, que le chef de l'opposition officielle se lève à l'Assemblée nationale pour affirmer qu'un désaccord entre lui et moi ferait en sorte que je serais contre les intérêts du Québec. La première fois qu'il l'a affirmé la semaine dernière, c'est alors qu'il disait que le fait d'avoir fait campagne pour le Non, pendant le référendum de 1995, était contre les intérêts du Québec. Et maintenant...

Une voix: ...

M. Charest: Qui a dit oui, hein? M. le Président. M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Dupuis: M. le Président, question de règlement.

Le Président: Je vous demande votre collaboration. Quelle est votre question de règlement?

M. Dupuis: La question de règlement est la suivante, M. le Président: je pense que vous devez faire respecter l'ordre. L'article 32 du règlement. Il y a des questions qui sont posées, il y a des réponses qui sont données. S'il y a des commentaires à faire, on peut le faire en principale, en préambule. C'est ça, le règlement. Le chef de l'opposition ne réussit à faire que deux choses, M. le Président, de ce temps-là...

Des voix: ...

M. Dupuis: Je n'ai pas...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Veuillez conclure rapidement.

M. Dupuis: Le chef de l'opposition n'a réussi à faire que deux choses...

M. Boisclair: Ce n'est pas une question de règlement, M. le Président.

Le Président: Non. Vous avez raison, ce n'était pas une question de règlement. Vous me posez une question de règlement?

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Vous pouvez me poser une question de règlement pour faire respecter l'ordre. Alors, évidemment, lorsque le chef de l'opposition a posé sa question, elle s'est faite dans l'ordre, et je voudrais que la réponse se fasse dans le même ordre, et je demanderais la collaboration des députés. Et ceux qui se reconnaissent, vous le savez. M. le premier ministre.

M. Charest: Oui. Puis, on prend bonne note, quand ils disent oui puis on demande qui, ils se cachent en dessous de leurs bureaux parce qu'ils ont honte de ce qu'ils ont affirmé, avec raison, M. le Président, parce que le fait, le fait d'affirmer des choses comme ça, c'est un manque de respect envers chaque citoyen du Québec. On vit dans un système démocratique. Il y a des valeurs démocratiques profondes auxquelles chacun d'entre nous devrions croire mais également défendre. On a le droit d'avoir des idées, dans la société québécoise, qui sont différentes des autres sans se faire accuser d'être contre le Québec. Et, quand le chef de l'opposition officielle se prête à ce jeu-là, c'est un recul qu'il propose à la population du Québec. C'est un recul qui est inacceptable et que le chef de l'opposition officielle... sur lequel il devrait s'excuser immédiatement.

n(10 h 20)

Le Président: En question principale, M. le chef de l'opposition officielle.

Réaction aux propos du président du Conseil
de la fédération concernant le plan
du Parti libéral du Canada en matière de santé

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, je ne pensais pas d'avoir à redire, dans cette Assemblée, une chose aussi évidente. Je crois, en tout respect pour l'opinion contraire, comme on disait devant les tribunaux, que l'intérêt national du Québec est d'être indépendant et de contrôler son destin, et nul ne peut me blâmer de croire ça, comme je ne blâme personne de croire le contraire.

Des voix: Bravo!

M. Landry: M. le Président, et même, et même si le camp du Non a disposé ? dont le premier ministre était vice-président ? a disposé de neuf fois plus d'argent que le camp du Oui, 50 % des Québécois et des Québécoises ont voté pour la liberté nationale. Ça doit être respecté, dans cette Chambre, par le chef du gouvernement du Québec.

Des voix: Bravo!

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: J'ai juste une remarque à faire. Évidemment, les applaudissements, que ce soit d'un côté ou de l'autre, je reste le plus souvent assis. C'est parce que le temps passe. Quand je me lève, le temps arrête. Alors, si vous voulez, arrivez à votre question.

M. Landry: Maintenant que le temps repart, M. le Président, je veux demander encore une fois formellement au premier ministre du Québec, qui est membre de ce Conseil de la fédération d'égal à égal avec le Nunavut et avec l'Île-du-Prince-Édouard... Le premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard est président du Conseil de la fédération, donc il est le porte-parole de tous les membres égaux et provinciaux du Conseil de la fédération. Or, il vient de dire une chose qui est radicalement contraire aux intérêts du Québec et même à la pensée même, d'après le ministre des Finances, du gouvernement du Québec. Le président du Conseil de la fédération est enthousiaste face au plan de Paul Martin.

Ma question est bien simple, elle est d'actualité, elle est dans le temps, M. le Président: Est-ce que le premier ministre du Québec peut immédiatement dénoncer le président du Conseil de la fédération qui vient de faire une déclaration radicalement contraire à nos intérêts nationaux?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: D'abord, je constate que le chef de l'opposition officielle s'est rétracté sur ses propos en... oui, en corrigeant, et, en ce sens-là, je pense que c'est très important qu'il le fasse, parce qu'il a quand même une responsabilité institutionnelle, au-delà de ses opinions. Et, au Québec, il me semble qu'il y a longtemps qu'on a passé le stade où le fait que penser d'une façon faisait en sorte que, dans l'esprit de certains, c'étaient des bons Québécois, et les autres, c'étaient des mauvais.

Il parle de liberté nationale. Là-dessus, on retrouve un peu ses tendances à l'exaltation, M. le Président. Mais je vous dirais ceci: moi, j'ai des comptes à rendre à la population du Québec, et, la dernière fois que j'ai vu le premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard à la télé, c'était il y a quelques jours. Ce n'était pas une assemblée partisane de Paul Martin, c'était une assemblée partisane de Stephen Harper. Et, s'il y a une chose qui me paraît claire, c'est que le premier ministre du Québec parle au nom de la population du Québec, et le Conseil de fédération, sur cette question-là, a pris des positions très claires. La preuve, c'est qu'il y aura, pendant presque trois jours, une réunion qui mettra autour de la table les ministres des Finances et de la Santé sur un thème commun qui va nous permettre d'obtenir des vrais résultats là où vous avez échoué.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, comment le premier ministre peut-il dire «on a échoué», alors qu'on a rapporté 1,6 milliard de dollars? Il m'a même accusé faussement de l'avoir déposé à Toronto. Alors, on n'a pas échoué, on a réussi. Lui, il n'a pas eu 0,50 $ encore, il a eu du parlage du Conseil de la fédération.

Le Président: Votre question, M. le député.

M. Landry: Mais il vient de dire qu'il a des preuves claires et nettes que le Conseil de la fédération est contre le plan de Martin? Alors, s'il a des preuves et que le président du Conseil de la fédération va à l'encontre de ces preuves, il faut que le président du Conseil de la fédération démissionne ou se rétracte, et le premier ministre du Québec... et le premier ministre du Québec a le devoir d'exiger l'un ou l'autre ou de déposer les preuves.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Il est un peu difficile à suivre, le chef de l'opposition officielle, dans les instructions qu'il a reçues ? peut-être qu'il voudra prendre une minute pour les relire ? parce que, dans cette période de questions, il déclare à la fois que c'est une institution bidon, là il veut que je réclame la démission de celui qui est à la tête d'une institution bidon à ses yeux. À quelles fins au juste vous voulez que je demande ça? Alors, faites-vous une idée: ou le Conseil de fédération, c'est important, ou ça ne l'est pas. Quand vous aurez une réponse à nous donner, vous poserez une autre question.

Le Président: En question principale, M. le député de Rivière-du-Loup.

Enquête effectuée sur des groupes
criminalisés à Kanesatake

M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Le premier ministre a assisté à une semaine évidemment très, très difficile pour le ministre de la Sécurité publique. Il y a eu des déclarations, il y a eu excuses, on doit les prendre.

Maintenant, là où je veux amener le premier ministre, c'est sur un point qui est plus grave, c'est sur la lutte aux groupes criminalisés à Kanesatake. Et, à ce sujet-là, le ministre de la Sécurité publique a eu, cette semaine, des propos assez surprenants. D'abord, il a reconnu ici, à l'Assemblée, mardi, qu'il y a des groupes criminalisés sur lesquels... et il compte les attraper. Il y a des cueillettes d'information au moment où on se parle. Et, le même matin, dans le journal, il expliquait que, la SQ ne patrouillant pas, la façon de collecter de l'information, c'était par l'écoute électronique. Il disait: Par l'écoute électronique, tu n'es pas obligé d'être collé sur la maison.

Alors, ma question au premier ministre, elle est fort simple: Est-ce que le premier ministre se rend compte ? il connaît bien le droit criminel, d'ailleurs ? est-ce qu'il se rend compte que son ministre, en annonçant à l'avance aux groupes criminels que le territoire n'est pas patrouillé mais que c'est par l'écoute électronique qu'on cueille l'information, il divulgue non seulement l'existence d'une enquête, mais il divulgue le moyen central par lequel l'enquête peut se faire, et donc il dit aux criminels de quelle façon se prémunir contre l'enquête? Est-ce qu'il se rend compte, le premier ministre, que son ministre de la Sécurité publique a fait, cette semaine, carrément entrave au travail des enquêteurs?

Le Président: Alors, M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, alors je voudrais corriger une première erreur dans les propos du député de Rivière-du-Loup. Il se fait un travail de collecte d'information sur le terrain et le territoire est patrouillé. Si le député de Rivière-du-Loup avait assisté à la commission parlementaire sur les crédits le 13 mai dernier, il aurait entendu le directeur de la Sûreté du Québec affirmer que la patrouille se fait sur l'ensemble du territoire de Kanesatake.

Ceci étant dit, la question qui a été soulevée, c'était le fait que ça prenait du temps avant de faire en sorte que des dépositions soient faites à l'égard de certaines personnes sur le territoire de Kanesatake, et, M. le Président, il faut bien concevoir et convenir que le temps que les enquêtes vont prendre, c'est du temps qui pour l'instant nous sert à faire la cueillette d'information, mais ça va prendre, comme ça prend dans les autres enquêtes à travers le Québec, les grandes enquêtes, ça prend un certain temps avant qu'elles soient complétées, et c'est à cela que la Sûreté du Québec s'emploie, au moment où on se parle.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Est-ce que le premier ministre se rend compte que son ministre est en défaut à l'heure actuelle sur deux points? D'abord, il vient de contredire le sergent Richard Bourdon, des communications de la Sûreté du Québec, qui rapporte, ce matin, dans les journaux, que la SQ ne patrouille pas sur l'ensemble du territoire de Kanesatake. Et, deuxièmement, le ministre, en reconnaissant l'existence de l'écoute électronique comme moyen d'enquête, contrevient directement à l'article 93b du... 193.(1)b, pardon, du Code criminel...

Le Président: Votre question, M. le député.

M. Dumont: ...qui dit qu'on ne peut pas divulguer volontairement l'existence d'écoute électronique et encore moins quand il s'agit d'avertir des groupes criminels de la façon par laquelle ils vont être enquêtés.

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: D'abord, premièrement, M. le Président, le député fait référence probablement à un article de ce matin dans le journal, et cette référence... Je le répète, le 13 mai 2004, le directeur de la Sûreté du Québec, à une question qui a été posée par la députée de Mirabel et par le député de Chicoutimi, répondait que tout le territoire était patrouillé.

n(10 h 30)n

J'ajouterai à cela, M. le Président, que la Sûreté du Québec, ce matin, a émis un communiqué qui dit ceci: «La réponse ? faisant allusion au journal de ce matin; la réponse ? qui a été donnée hier au journaliste André Beauvais, du Journal de Montréal, sur le rôle, les effectifs et les statistiques criminelles du poste de la MRC des Deux-Montagnes ? Oka ? concernait la situation qui prévalait avant le mois de janvier 2004 ? avant le mois de janvier 2004 ? et non la situation actuelle.» Je tiens à la déposer, M. le Président.

Document déposé

Le Président: Consentement pour le dépôt du document? Consentement. Le document est déposé. En question complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. M. le Président, la question demeure entière. Est-ce que le ministre de la Sécurité publique... Est-ce que le premier ministre se rend compte que, cette semaine, le ministre de la Sécurité publique a fait une entrave simple, claire et évidente au travail des enquêteurs en dévoilant à des groupes criminels par quel moyen ? l'écoute électronique, dans ce cas-ci ? par quel moyen ils sont en train d'être enquêtés? Et, pour le reste, je dois me dire renversé que le directeur des communications de la Sûreté du Québec ait dit d'une façon... à des questions très simples, hier, ait répondu très simplement que le territoire n'était pas patrouillé et que le ministre nous affirme le contraire depuis quelques semaines.

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, à moins que notre collègue de Rivière-du-Loup soit sourd ou qu'il ne veuille pas entendre, je répète ce que j'ai dit. Je viens de déposer un communiqué de la Sûreté du Québec qui vient infirmer ce que le député de Rivière-du-Loup vient de dire.

L'autre sujet, M. le Président, nous avons mis sur pied une escouade sur le crime organisé qui va enquêter sur le crime organisé dans des milieux comme celui de Kanesatake, et tous les moyens vont être pris ? il n'y en a pas qui sont exclus ? pour faire en sorte de s'assurer que nous pourrons, le plus rapidement possible, mais tout en prenant le temps de bien le faire, mener une enquête qui nous permettra de faire en sorte d'éradiquer le crime organisé sur le territoire de Kanesatake, et tous les moyens sont bons.

Le Président: En question principale, M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chicoutimi.

Réaction des Amérindiens aux propos
du ministre de la Sécurité publique à leur égard

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Hier, en cette Chambre, le premier ministre a réitéré une nouvelle fois sa confiance à l'endroit du ministre de la Sécurité publique. Depuis ce temps, le président de l'Assemblée des premières nations a réclamé à son tour la démission du ministre, estimant qu'il était un obstacle au dénouement de la crise.

Alors qu'il apparaît évident que le lien de confiance est irrémédiablement rompu entre les intervenants autochtones et le ministre, le premier ministre considère-t-il encore aujourd'hui que le ministre est l'homme de la situation?

Le Président: Alors, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et aux autochtones.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: Merci, M. le Président. M. le Président, au cours de la dernière année, nous avons fait beaucoup d'efforts pour entretenir des relations très harmonieuses avec les communautés autochtones du Québec, les nations autochtones du Québec. Nous avons pris différentes initiatives, nous avons même créé une nouvelle institution, le Conseil conjoint des élus. Les attentes sont très élevées du côté autochtone, mais on a voulu s'inscrire dans à la fois la continuité historique du Québec, qui veut être une société exemplaire dans ses relations avec les autochtones, et en même temps on a voulu s'inscrire dans le progrès, donner un nouvel élan aux relations avec les autochtones, et je dois vous dire que je suis particulièrement optimiste quant au fait que nous y parviendrons, et nous ferons effectivement du Québec une société encore plus exemplaire dans ses relations avec les autochtones dans l'avenir.

Cela dit, M. le Président, une situation comme celle de Kanesatake interpelle la responsabilité d'une foule d'individus, bien entendu interpelle la responsabilité du gouvernement du Canada et du gouvernement du Québec, mais interpelle d'abord la responsabilité de la communauté de Kanesatake elle-même et, même, je dirais, interpelle la responsabilité de tous les autochtones du Québec. Parce que, au-delà, au-delà des différences de nations, de peuples, au-delà des cultures, c'est un problème qui met en cause des valeurs qui sont des valeurs de démocratie, de sécurité des individus et de leur famille, et ça, ça rejoint tout le monde au Québec, y compris bien entendu les autochtones, qui ici sont particulièrement interpellés.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Pour l'exemple de relations, M. le Président, on repassera. Est-ce que le premier ministre peut répondre à la question simple, là: Alors qu'une confiance étroite doit exister entre les intervenants autochtones et le ministre de la Sécurité publique pour régler un problème qui concerne la sécurité publique, aujourd'hui, alors que tous les intervenants autochtones disent au premier ministre qu'ils n'ont plus confiance, est-ce qu'il peut nous dire si le ministre est encore l'homme de la situation?

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires autochtones.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: M. le Président, j'espère que l'on ne se trompera pas quant au fait que les voies de communication sont encore tout à fait ouvertes avec les représentants autochtones. J'ai parlé hier avec M. Ghislain Picard, j'ai parlé cette semaine avec M. James Gabriel, et je peux vous dire que nous avons des communications, des échanges qui sont très francs, et ils comptent, ils comptent sur l'appui du gouvernement du Québec.

Je peux vous dire ceci. Je peux vous dire que, par rapport au dossier autochtone en général et au dossier de Kanesatake en particulier, ils ont eu l'appui de notre gouvernement, du gouvernement auquel j'appartiens, ils auront également dans l'avenir l'appui du gouvernement auquel j'appartiens.

Le Président: En question principale, M. le député de Rousseau.

Mandat confié au ministre des Finances
en vue de la prochaine rencontre
avec ses homologues provinciaux

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, je veux revenir sur les fameuses promesses de Paul Martin dans son plan de santé. Le ministre des Finances nous a dit hier que ces promesses ne sont «certainement pas à la hauteur du financement que nous attendions». Ce sont ses paroles. Et le ministre des Finances a ajouté qu'il fallait revoir l'ensemble du dossier des transferts fédéraux, incluant la péréquation, et il a dit que, concernant la péréquation, et je veux le citer: «Paul Martin n'a pas montré la moindre manifestation de la plus petite intention d'en discuter.» Et il a ajouté, et je veux toujours le citer: «On passe d'un état d'esprit perplexe à un état d'esprit questionnant devant l'attitude paternaliste de Paul Martin.» Ce n'est pas moi qui dis ça, M. le Président, c'est le ministre des Finances qui qualifie l'attitude de Paul Martin de paternaliste. M. le Président, le moins qu'on puisse dire, c'est que la position du ministre des Finances est assez différente de la position qui a été manifestée par le premier ministre du Québec jusqu'à présent.

Est-ce que le premier ministre du Québec appuie les propos de son ministre des Finances ou est-ce que la nouvelle ère, au Parti libéral du Québec, c'est que c'est seulement le ministre des Finances qui défend les intérêts du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, je constate à quel point le député de Rousseau emprunte de son chef cette habitude de citer les autres, d'interpréter les paroles. Quoiqu'il faut vérifier de temps en temps. Parce que j'ai pris la peine de vérifier ce que M. Binns aurait dit en réaction effectivement à l'annonce faite par le Parti libéral du Canada, et j'ai devant moi un article du journal The Guardian qui date d'hier. Le chef de l'opposition officielle a cité à la Chambre des propos qu'il lui attribue. Pourtant, dans le journal The Guardian, de Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, d'hier, on dit ceci: «Premier Pat Binns is not convinced Prime Minister Paul Martin is sincere in his 9 billion promise to fix what ails Canada's Medicare system[...]. But Binns is taking a wait-and-see approach.» Et c'est la position que prenait M. Binns. C'est drôle, c'est une contradiction directe avec ce que votre chef a dit.

Alors, moi, je vous invite, monsieur... Et, avec votre permission, M. le Président, j'aimerais déposer l'article du Guardian, puis tout le monde pourra le lire...

Document déposé

Le Président: Est-ce qu'il y a un consentement pour le dépôt de l'article du Guardian? Consentement? Le document est déposé.

M. Charest: ...et constater à quel point le chef de l'opposition officielle comme le député de Rousseau ont tendance à interpréter à leur façon les propos de certaines personnes.

Le Président: En question...

M. Boisclair: M. le Président, est-ce qu'il y aurait consentement pour que je puisse déposer...

Document déposé

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt de ce document? Consentement. Le document est déposé. En question complémentaire, M. le député...

Des voix: ...

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Rousseau.

M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. En attendant d'éclaircir les propos du président du Conseil de la fédération, est-ce que le premier ministre du Québec...

Des voix: ...

M. Legault: M. le Président, ce qu'on veut savoir, là, ce qu'on veut savoir, M. le Président...

Le Président: Je m'excuse. Je demanderais votre collaboration, je voudrais comprendre la question.

M. Legault: M. le Président, ce qu'on veut savoir, c'est la position du premier ministre du Québec. Est-ce que le premier ministre du Québec est d'accord avec les propos de son ministre des Finances? Et quel mandat a-t-il donné à son ministre des Finances pour demain et samedi? Est-ce qu'il va réclamer, comme il le demandait dans son document, 3,3 milliards pour cette année, pour le Québec seulement, pour régler le déséquilibre fiscal? Quel est le mandat que le premier ministre du Québec a donné à son ministre des Finances?

n(10 h 40)n

Le Président: Alors, M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. Alors, simplement pour dire qu'en fin de semaine il y a une réunion... C'est une première au Canada. C'est la première fois que l'ensemble des ministres des Finances et des ministres de la Santé participent à une discussion ensemble, entre collègues, pour discuter de la façon que nous voulons exiger du gouvernement fédéral plus d'argent pour nous aider à financer notre mission, au Québec. Et le mandat... et, là-dessus, je félicite le premier ministre parce que c'est lui qui est l'instigateur de cette réunion qui est une première canadienne.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Rousseau.

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, est-ce que le ministre des Finances, qui va avoir, de son propre avis, la réunion la plus déterminante à compter de demain, est-ce qu'il peut nous dire quels sont les intérêts du Québec, quelle est la position, quel est le mandat qu'il a reçu? Est-ce qu'il va dire haut et fort que la promesse de Paul Martin, 236 millions, c'est 7 % seulement de ce qu'il réclame dans son document, 3,3 milliards? 7 %, M. le Président, à l'école, c'est un échec. Est-ce que le ministre des Finances va défendre 3,3 milliards pour le Québec? Et est-ce qu'il a l'appui de son premier ministre...

Le Président: En terminant, monsieur...

M. Legault: ...ou s'il est tout seul à défendre les intérêts du Québec?

Le Président: Alors, M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. Alors...

Des voix: ...

M. Séguin: ...j'ai compté, M. le Président, six questions de la part du député de Rousseau et je répondrai à la première: Quel est le mandat que j'ai reçu? Le mandat que j'ai reçu...

Des voix: ...

M. Séguin: Le mandat que j'ai reçu est très clair, c'est de défendre les intérêts du Québec, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député du Lac-Saint-Jean.

Publication d'une liste des rivières
à protéger de tout harnachement

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, ça fait plus d'un an que le gouvernement a pris l'engagement de produire une liste des rivières à protéger de tout harnachement. Or, on attend toujours. Parallèlement, il relance le dossier des minicentrales et annonce qu'à l'automne il y aura une commission parlementaire sur l'avenir énergétique du Québec.

Alors, comment le ministre de l'Environnement peut concilier le fait qu'il n'y a toujours pas de liste de rivières à protéger alors qu'il s'engage à autoriser des minicentrales, et ce, sans qu'il y ait de politique énergétique?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, dans un premier temps, je tiens à saluer la présence aujourd'hui de plusieurs étudiants du collège Marie-de-l'Incarnation, de Trois-Rivières, qui ont une vive préoccupation pour le développement durable et qui ont déposé, avec mon collègue le député de Trois-Rivières, une pétition à cet effet tantôt.

Développement durable veut dire tout simplement penser aussi aux générations futures, s'assurer que les générations futures ont le même droit à un niveau de vie que nous, on a connu, pas tout utiliser tout de suite. Ça veut aussi dire, dans un territoire aussi vaste que le Québec ? 1,7 million de kilomètres carrés, avec à peine 7 millions de population ? s'assurer le développement économique dans les régions.

Contrairement au député du Lac-Saint-Jean qui croit que c'est normal que lui, au Lac-Saint-Jean, décide pour tout le monde, y compris à Trois-Pistoles, qu'est-ce que les gens de la place peuvent faire avec leurs rivières, grâce à ma collègue la ministre de la Culture, nous sommes en train de sonder tout le territoire du Québec. Dans toutes les régions, grâce aux forums, les gens expriment leurs préoccupations pour ce développement économique régional, qui doit être réel. On va être à l'écoute, mais il n'y a rien qui met en opposition le développement économique et le développement durable.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Champlain.

Mme Noëlla Champagne

Mme Champagne: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, que répond le ministre de l'Environnement à la grande mobilisation des comités Eau Vive Batiscan, Chute libre, de Notre-Dame-de-Montauban, et les Amis de la rivière Bastican, qui s'inquiètent grandement du mouvement de certaines firmes d'ingénieurs qui les fréquentent présentement, font la tournée des riverains et sollicitent pour acheter les terrains afin de faire des minicentrales? Qu'entend faire le ministre, M. le Président, afin de garantir une protection définitive à toutes ces petites chutes qui sont à nouveau convoitées et menacées et éviter ainsi la répétition de la saga Boralex, là, qui a perdu tout dernièrement contre les Amis de la rivière Bastican dans un dossier de minicentrale? Alors, j'aimerais avoir un engagement de la part du ministre. Merci.

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Environnement.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Notre engagement est clair, et l'opposition reçoit la même réponse depuis maintenant un an. Notre position sur les minicentrales est claire, elle est constante: S'il y a un fort appui dans le milieu, s'il y a très peu d'effets sur l'environnement et si ça peut apporter quelque chose d'important au plan économique, on ne voit pas pourquoi on devrait faire comme le Parti québécois a toujours fait, c'est-à-dire avoir une solution mur à mur, doctrinaire. Nous, on va être à l'écoute de la population. Et la députée peut être sûre que, pour nous, développement économique régional est compatible avec développement durable.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Oui. Est-ce que le ministre de l'Environnement est en train de renier un engagement qu'il avait pris, hein, avec nous en commission parlementaire lors de l'étude des crédits, l'année dernière, qu'il nous avait dit qu'il allait déposer une liste des rivières à protéger de tout harnachement? Est-ce que cette liste-là, c'est disparu de la carte?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Ce que je suis en train de dire aujourd'hui, c'est exactement ce que je dis depuis plus d'un an maintenant. Nous, on a publié, à la veille de la dernière campagne électorale, une position claire sur le développement hydroélectrique et les minicentrales. Ce que je viens d'énumérer comme critères aujourd'hui est verbatim ce qu'on a mis devant la population. Il n'y a strictement rien qui a changé. En matière d'aires protégées à travers le Québec, on est en train de travailler très fort.

Puis, pour ce qui est d'une liste que, nous, on aurait dit qu'on allait publier, là, de tout harnachement, il y a certaines rivières qui font l'objet d'une réserve écologique en ce moment, il y a certaines rivières qui ont été déclarées patrimoniales, mais, nous, on ne fera pas d'a priori. On n'est pas comme le Parti québécois. On ne déterminera pas, à partir du Plateau Mont-Royal, que quiconque, dans telle ou telle région, ne pourrait jamais exploiter leurs ressources. Nous, on va être à l'écoute des régions. Les conseils régionaux vont pouvoir déterminer localement ce qu'ils vont faire.

Le Président: Question principale, M. le député du Lac-Saint-Jean.

Identité des promoteurs d'un projet
de harnachement de la rivière Trois-Pistoles,
dans la région du Bas-Saint-Laurent

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Oui, M. le Président. On sait que la MRC des Basques souhaite une minicentrale sur la rivière Trois-Pistoles, et ce, même après que le gouvernement ait racheté les droits hydriques, pour un montant de 3,3 millions, au promoteur Jean-Marc Carpentier et sa société Grade Trois-Pistoles. D'ailleurs, ce même Jean-Marc Carpentier a été nommé récemment par le gouvernement libéral sur le conseil d'administration de l'Agence de l'efficacité énergétique. Qui plus est, le nouveau promoteur privé, partenaire de la MRC, serait Gestion-Conseil SPC inc., pour 51 % des actions, toujours sur la rivière Trois-Pistoles.

Selon les Ami(e)s de la rivière Trois-Pistoles, on apprend que ce groupe aurait été actionnaire de la compagnie Grade Trois-Pistoles ayant été dédommagée pour 3,3 millions. C'est elle qui avait produit les plans et devis et, même, le président était le secrétaire de Grade Trois-Pistoles.

Donc, ma question au ministre de l'Environnement: Est-ce qu'il est au courant de cette situation et qu'entend-il faire?

Le Président: Alors, monsieur...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre de l'Environnement.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: On aura rarement entendu un membre du Parti québécois plaider autant sa propre turpitude. Il est en train dans un premier temps d'avouer que c'est l'ineptie de leur gouvernement qui a donné 3,3 millions de dollars à quelqu'un de ne pas produire, dans un premier temps ? un des rares dossiers sur lequel j'ai été en accord avec le député de Rivière-du-Loup ? puis, en plus, il est en train de nous dire qu'ils nous ont non seulement pris 3,3 millions de dollars de l'argent des payeurs de taxes pour les donner à quelqu'un pour ne pas faire du développement économique régional, mais qu'en plus les contrats seraient si mal faits que quelqu'un va pouvoir le contourner et développer pareil. Brillant! Avez-vous d'autres questions?

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En question complémentaire, M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Oui. M. le Président, est-ce que le ministre de l'Environnement, qui est au courant, est-ce qu'il peut vérifier cette situation-là, puisque l'opposition officielle se fait actuellement le porte-voix des Ami(e)s de la rivière Trois-Pistoles, et qui d'ailleurs prétendent aussi que, lors du référendum du 12 juin prochain sur le harnachement de cette rivière, il y a un combat qui est inéquitable entre la MRC des Basques et les gens qui s'opposent à ce projet, et où d'ailleurs la municipalité de Trois-Pistoles émet plusieurs bémols?

Donc, est-ce que le ministre de l'Environnement ? et c'est ma question ? est au courant de ce dossier et s'intéresse à la démocratie dans cette MRC, justement, pour la protection de cette rivière?

n(10 h 50)n

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui, je suis au courant du dossier. Les documents en question ont été déposés en cour, ils sont donc archipublics. Si le député désire aller les consulter, je pense qu'il va être un peu plus prudent avec ses questions.

Maintenant, pour son discours en faveur de la démocratie, je tiens à lui faire remarquer qu'il y a un référendum qui est en train de s'organiser dans le coin, puis le groupe qu'il vient de mentionner s'oppose à la tenue même d'un référendum parce qu'ils ont peur que ça dise autre chose que, eux, comme groupe, ils ont déjà décidé qu'ils devraient faire, qui, par pur hasard, est exactement ce que le Parti québécois a fait avant.

Donc, je pense que, en termes de démocratie, on a le droit d'écouter les gens de la place, à Trois-Pistoles et ailleurs au Québec. On a un vaste territoire à développer. Si on veut que les jeunes restent en région, il faut qu'on donne une chance au développement économique régional, qui peut par ailleurs être durable pour les générations futures, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Taillon.

Étalement de la hausse
de la taxe scolaire à Montréal

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. La semaine dernière, je faisais une proposition au ministre de l'Éducation. Je lui proposais d'étaler la hausse des taxes scolaires sur l'île de Montréal sur trois ans, comme cela d'ailleurs s'est fait sous le précédent gouvernement. Nous savons tous qu'en refusant cet étalement le ministre fait des économies de près de 40 millions, mais évidemment ce sont les citoyens et citoyennes de Montréal qui paient autant à cet égard. Je lui offrais donc la collaboration de l'opposition officielle pour épargner un peu les citoyens.

Est-ce que le ministre peut me dire ce matin s'il va acquiescer à ma demande et, si j'ai bien compris, à la demande d'au moins quatre de ses collègues de l'île de Montréal et faire en sorte que cette hausse de taxes puisse être étalée, M. le Président?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Éducation.

M. Pierre Reid

M. Reid: M. le Président, il est clair que, dans un premier temps, il faut faire une mise au point: nous n'avons en aucun cas participé à l'augmentation des taxes au Québec, pour toutes les personnes qui ont vu leurs propriétés augmenter, contrairement, M. le Président, à ce qui a été fait en 1996-1997 et 1997-1998 par le gouvernement précédent qui avait volontairement transféré dans l'enveloppe de taxes... autrement dit, pour être payées par les taxes des citoyens, des dépenses qui étaient notamment des dépenses faites par le gouvernement, qui ont été transférées aux citoyens, notamment les coûts des sièges sociaux des commissions scolaires. Et tant qu'à faire... l'année suivante, on a dit aussi: Tant qu'à faire, les directions de toutes les écoles, incluant les concierges et les salaires des concierges et des secrétaires. Ce qui a eu pour effet, en deux ans, M. le Président, de doubler la taxe payée par les Montréalais au niveau de la taxe scolaire, doubler, M. le Président. Et c'était une conséquence directe de décision que ce gouvernement avait prise.

Dans notre cas, M. le Président, l'augmentation du compte de taxes de certains citoyens de Montréal, la plupart, il faut le dire, résulte d'une augmentation de la valeur de leurs propriétés, non pas d'une décision gouvernementale. Malgré ce fait, M. le Président, nous faisons ce que le gouvernement précédent n'avait pas fait, malgré qu'il était la cause de l'augmentation de taxes. Dans notre cas, nous nous soucions des citoyens du Québec, et de Montréal en particulier, qui auraient des problèmes découlant de cette hausse de taxes, surtout des citoyens à faibles revenus, des propriétés qui ne sont pas très élevées en termes de coûts mais qui ont augmenté la valeur et pour lesquelles les citoyens à revenus fixes auront des problèmes. Nous nous occupons de trouver et d'identifier ces problèmes, trouver des solutions à ces problèmes, ce que le gouvernement précédent n'a jamais fait, et pourtant il était responsable de la hausse de taxes, M. le Président.

Le Président: Alors, ceci met fin à la période des questions et réponses orales.

Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.

Procéder à des consultations particulières
sur le projet de loi n° 50

M. Dupuis: Oui. M. le Président, avec votre permission, je souhaiterais présenter la motion suivante:

«Que la Commission des institutions, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 50, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives eu égard au statut des juges de paix, procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques, le 28 mai 2004, à la salle Louis-Joseph-Papineau et qu'à cette fin elle entende l'organisme suivant, et ce, selon l'horaire ci-après indiqué.

«Qu'à compter...»

Des voix: ...

Le Président: Vous allez m'excuser, là. S'il y a des députés qui ont d'autres vacations, vous pouvez y aller immédiatement, mais je vais suspendre quelques instants parce que là je ne comprends pas la motion.

(Suspension de la séance à 10 h 55)

 

(Reprise à 10 h 56)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, chers collègues, nous allons poursuivre les travaux de la séance, et je reconnais à nouveau M. le leader du gouvernement pour ses avis. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Je vais me permettre, M. le Président, de recommencer.

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui.

M. Dupuis: Alors, je dépose la motion suivante... et c'est suite à une entente bien sûr avec l'opposition:

«Que la Commission des institutions, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 50 intitulé Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives eu égard au statut des juges de paix, procède à des consultations particulières et tienne des audiences publiques, le 28 mai 2004, à la salle Louis-Joseph-Papineau et qu'à cette fin elle entende l'organisme suivant, et ce, selon l'horaire ci-après indiqué:

«Qu'à compter de 15 heures la commission procède aux remarques préliminaires réparties de la façon suivante: 10 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 10 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition;

«Qu'au terme de ces remarques la commission entende le Barreau du Québec;

«Que la durée maximale de l'exposé de l'organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre de la Justice soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le leader du gouvernement. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Souligner la Semaine de la santé mentale (suite)

Le Vice-Président (M. Gendron): Adopté. Alors, le débat étant terminé, M. le ministre de la Santé, à la suite d'une entente... Juste un instant, M. le ministre! À la suite d'une entente entre les groupes parlementaires, on va maintenant procéder au débat sur la motion concernant la santé mentale présentée par le ministre de la Santé et des Services sociaux et adoptée à la séance du 6 mai 2004. Et je reconnais maintenant pour son intervention M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir donc pour souligner cette motion qui visait à mettre en évidence la Semaine nationale de la santé mentale qui s'est tenue du 3 au 9 mai.

En déposant cette motion et en en débattant, M. le Président, nous nous associons à la division québécoise de l'Association canadienne pour la santé mentale, une organisation avec laquelle j'ai de fréquents contacts et qui se signale de deux façons: d'une part, en insistant toujours plus sur les solutions que les problèmes, M. le Président ? et c'est à noter ? et, deuxièmement, également en prenant une optique de prévention, ce qui n'est pas particulièrement répandu dans le milieu de la santé mentale. Ils ont décidé d'axer vraiment leurs actions publiques sur la promotion des actions de prévention. Et une bonne illustration de cette orientation vers la prévention est leur activité récente de la Semaine antistress, que j'ai eu l'occasion de lancer en leur compagnie ici, à Québec.

On sait, M. le Président, que le stress en milieu de travail, en milieu familial peut être salutaire lorsqu'il devient une façon de surmonter des difficultés, lorsqu'il permet à l'individu de s'adapter aux situations stressantes, de les transformer pour en faire des événements constructifs. Mais on sait également que le stress a une potentialité de devenir destructeur pour l'individu, d'amener du découragement, de la perte d'estime de soi et même certains symptômes physiques qu'on appelle les manifestations psychosomatiques, que la plupart d'entre nous avons connues à une ou deux reprises au plus au cours de nos vies. Il est important, dans ces situations stressantes, de prendre du recul par rapport à la situation, de s'accorder des gratifications et de permettre de repartir sur un pied, un nouveau pied dans une direction, encore une fois, la plus constructive possible.

n(11 heures)n

Sur le plan plus large de la santé mentale, M. le Président, on sait que la Vérificatrice générale, au cours d'un rapport récent, a porté un regard très critique sur les politiques gouvernementales en santé mentale. On sait que son regard s'est attardé particulièrement sur l'année 2002, et les constations qu'elle fait sont assez négatives. On parle d'investissements publics importants avec très peu de résultats sur le terrain et particulièrement un manque de suivi pour les clientèles qui sont en situation de désinstitutionnalisation, raison pour laquelle, M. le Président, nous avions déjà indiqué clairement que la santé mentale était pour nous une grande priorité, priorité que nous avons concrétisée par des investissements récurrents, il faut le signaler, de 31 millions de dollars sur deux ans et également par des travaux d'un groupe d'experts qui ne comprend pas seulement des médecins psychiatres, mais également des psychologues, des intervenants du milieu communautaire, des représentants des usagers également, de façon à nous éclairer sur les meilleures politiques à adopter.

Dans un premier temps, nous disposons déjà de recommandations portant sur la façon d'encadrer les personnes ayant un risque suicidaire élevé ainsi que celles qui séjournent dans une salle d'urgence pour un problème de santé mentale. Nous allons également obtenir de leur part, de ce groupe, une recommandation très large sur la façon d'offrir un suivi aux personnes nécessitant des services de santé mentale, la présence d'équipes multidisciplinaires, d'intervenants pivots, de liaisons également entre les différents étages de notre système de santé qui peut parfois être d'une grande complexité, particulièrement lorsqu'on est en situation de maladie mentale.

On sait, M. le Président, que ce type de maladie est un peu caché depuis des années sous le manteau de la honte. Alors qu'il est fréquent d'entendre quelqu'un dans une réunion sociale parler d'une intervention chirurgicale et d'une hospitalisation pour une maladie qu'on considère comme, à la rigueur, glorieuse, peu de gens vont vouloir dire publiquement qu'ils ont eu à vivre un épisode soit personnel, soit dans leur famille de santé mentale. Et il est temps, entre autres, M. le Président, de lever le voile du silence qui entoure ce genre de problème. Et c'est ce que je vais m'attarder à faire au cours des prochaines années parce que je crois que, tous ici, dans l'Assemblée, nous avons quelque part, près de nous, connu quelqu'un qui, directement ou indirectement, a eu à faire face à ces problèmes.

Vous savez, M. le Président, lorsqu'on a un problème de santé physique, en général, c'est un problème qui est ponctuel, qui commence et qui a une fin. Lorsqu'on a un problème de santé mentale, mis à part certains cas plus légers, on a une situation qui déteint sur la vie entière de l'individu, de ses proches, de ses amis, et il faut tout à fait tenir compte de cet aspect très particulier dans la façon dont on s'attarde à améliorer la situation des personnes qui en sont victimes. Donc, ce groupe d'experts donnera lieu à des recommandations beaucoup plus vastes qui seront rendues publiques bien sûr et feront l'objet d'un nouveau plan d'action en santé mentale que nous allons mettre en application via les réseaux intégrés de même que les institutions spécialisées qui font maintenant partie de notre réseau de la santé.

J'aimerais en terminant, outre le fait de répéter mon appréciation pour les travaux de l'Association canadienne pour la santé mentale, exprimer également mon appréciation pour les différents groupes communautaires qui oeuvrent en santé mentale, autant ceux qui font le suivi et l'accompagnement des personnes elles-mêmes que celles qui accompagnent leur famille, qui gèrent des centres de crise. Et j'ai eu l'occasion d'en visiter un à Chaudière-Appalaches, le centre Le Rappel, qui est absolument extraordinaire, et on voit que les gens y sont bien, et c'est ce qui est important, M. le Président. Également les associations de défense des droits qui oeuvrent de façon constante en nous rappelant l'importance de considérer ces concitoyens, qui sont victimes de problèmes de santé mentale, comme nous le sommes, nous, c'est-à-dire des citoyens de première classe.

Alors, en terminant, M. le Président, je suis heureux de m'associer à cette activité de la Semaine nationale de santé mentale, de la Semaine antistress, et je souhaite que, nous, particulièrement comme parlementaires, nous en adoptions les leçons et les pratiques au cours des prochaines semaines et des prochaines années. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Et, pour la poursuite du débat sur cette motion sans préavis, je reconnais maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et services sociaux, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Mme la députée.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, au nom de l'opposition officielle, je voudrais, M. le Président, m'associer à la motion qui est présentée pour souligner la Semaine de la santé mentale. Cette Semaine de la santé mentale a eu lieu du 3 au 9 mai dernier, son thème était essentiellement celui de mener une campagne antistress et de rappeler à la population qu'elle a la capacité d'agir et de diminuer les agressions du stress sur notre vie. Et j'aimerais également, M. le Président, comme l'a fait le ministre de la Santé et des Services sociaux, souligner le travail de l'Association canadienne pour la santé mentale, division Québec.

M. le Président, puisque nous en sommes au bilan, à la fin de la présente session, il reste, je crois, maintenant 10 ou 12 jours ouvrables avant la clôture de cette session, je crois qu'il est tout à fait justifié d'examiner les engagements du présent gouvernement il y a à peine un an, lors de la campagne électorale, engagements notamment en matière de santé mentale.

Alors, j'ai ici, M. le Président, le document Partenaires pour la santé, qui est celui rendu public il y a déjà un an maintenant et qui doit servir de document, si vous voulez, pour vérifier les réalisations ou les promesses qui ont été faites à la population.

Alors, je constate que, contrairement à l'engagement du gouvernement en matière de santé mentale qui promettait, dans la première année de son premier mandat, un plan d'action intégré d'accès aux services en santé mentale, alors, contrairement à cet engagement, nous en sommes toujours dans l'attente, M. le Président. Nous sommes toujours en attente de ce plan d'action intégré d'accès aux services en santé mentale, plan d'action qui, nous disait-on, devait contenir à la fois une dimension d'équité interrégionale en garantissant l'offre de service dans toutes les régions, un plan d'action qui également devait porter sur la réévaluation de la règle de sectorisation.

Ça peut apparaître du langage sibyllin, mais, pour les personnes qui ont un problème de santé mentale, cette règle de la sectorisation est sans doute ce qui les heurte au premier degré. En fait, la règle de la sectorisation comporte, disait déjà l'équipe qui a fait le bilan d'implantation de la Politique de santé mentale, en 1997, je pense, cette règle de sectorisation comporte, et je cite, «des risques majeurs pour l'usager ou l'usagère, particulièrement en ce qui concerne son droit à choisir librement son médecin et son droit de choisir le lieu de traitement qui lui est accessible».

Alors, de quoi s'agit-il, M. le Président? En vertu de la sectorisation, tous les hôpitaux où il existe un département de psychiatrie ont l'obligation de dispenser des services de psychiatrie à une population déterminée, et cette mesure, qui est une mesure administrative, a comme objectif souhaitable de faciliter l'accès aux services de psychiatrie, mais a comme défaut considérable de ne pas permettre le choix libre d'un médecin et le choix d'un lieu de traitement. Alors, cette sectorisation, comme vous l'avez compris, c'est un mode d'organisation et qui n'assure pas le respect des droits des usagers de... et dans le choix du médecin et du lieu de traitement. Je pense, M. le Président, que c'est là une dimension extrêmement importante, puisque l'engagement du gouvernement, pendant la dernière campagne électorale, était à l'effet de procéder, dans un plan d'action intégré, à la réévaluation de cette règle de la sectorisation.

Également, M. le Président, le Parti libéral s'engageait, l'an dernier, qu'il y ait des liens très formels d'intersectorialité dans les secteurs d'activité, tels le logement social, le travail, le transport et également des liens qui devaient exister pour la prestation de services spécialisés dans les urgences hospitalières, dans les services médicaux et dans les traitements psychiatriques spécialisés, y compris avec les intervenants communautaires qui, comme on le sait, jouent un rôle absolument névralgique, central et déterminant dans l'accompagnement des personnes aux prises avec un problème de santé mentale.

En fait, la question est la suivante, M. le Président: est-ce qu'il y a une approche citoyenne en matière de santé mentale ou plutôt une approche de dépendance, d'assujettissement, de sujétion en fait, qui est une approche qui a une dimension curative seulement? Je pense que c'est un débat qui se poursuit, mais, bien évidemment, la décision du ministre de la Santé et des Services sociaux, dès les premiers mois de son arrivée au ministère de la Santé et des Services sociaux, décision de transférer la Direction de la santé mentale aux politiques de santé plutôt qu'aux politiques de population, a inquiété énormément les intervenants, les intervenants communautaires en particulier, dans la problématique de la santé mentale.

n(11 h 10)n

Je veux citer, M. le Président, une lettre type mais qui a été signée par un très grand nombre d'intervenants à travers tout le Québec. Cette lettre dit ceci, et je cite: «Nous voulons dénoncer le transfert de la santé mentale des Services à la population à la Direction des affaires médicales et universitaires. Selon nous, ajoutent-ils, c'est un recul important de presque 15 ans, soit avant l'adoption de la Politique de santé mentale de 1989.» Ça, c'est un recul à l'égard de la politique adoptée par Mme Lavoie-Roux au moment où elle est ministre de la Santé.

Et, toujours sur ce sujet, les intervenants ajoutent, et je cite: «En transférant aux Affaires médicales, c'est tout le pouvoir biomédical qui transcendera les services qui seront mis en place ou qui seront prioritaires. Les conséquences pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale seront de tout ordre: stigmatisation, perte de contrôle sur leur vie, contention chimique plus importante, et bien d'autres.»

Je crois que c'est là un aspect extrêmement important, puisque, ces problèmes de santé mentale, comme l'écrivaient les Groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec et le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, ce sont finalement des problèmes de l'âme.

Et j'en veux à preuve le titre de ce guide personnel qui a été préparé en 2002 et qui s'adresse aux personnes atteintes d'un problème de santé mentale et qui s'intitule Gestion autonome de la médication de l'âme, parce que, dans le fond, c'est une médication qui a, non pas sans difficulté, mais à s'adresser à ces problèmes qui sont finalement ceux intangibles, n'est-ce pas? Les problèmes physiques, M. le Président, on peut les nommer, on les connaît et on ne connaît pas nécessairement la façon d'y apporter le remède, mais on n'est pas angoissés par ces problèmes, alors que les problèmes de santé mentale, bien évidemment, angoissent les personnes qui en sont atteintes mais également leurs proches et d'une certaine façon toute la société.

Et, en fait, ce à quoi ce guide personnel s'adresse, c'est à des personnes qui veulent participer à leur mieux-être, et c'est un nouveau modèle de pratique, là, qui est espéré, qui est appelé de tous les voeux des personnes qui sont atteintes d'un problème de santé mentale et de celles qui les accompagnent tout au cours de leur vie, un nouveau modèle de pratique centré sur la gestion d'une médication où participe la personne atteinte.

Alors, il y a eu plusieurs projets pilotes et, depuis 1999, un projet pilote qui a impliqué 10 ressources alternatives membres du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, auquel projet pilote a collaboré également l'association qui est celle des Groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec.

Alors, ce projet pilote a été mené avec la collaboration de chercheurs de l'Équipe de recherche et d'action en santé mentale et culture qui porte le beau nom d'ERASME et qui ont assuré le suivi évaluatif, là, de l'implantation de ce projet pilote. C'est un outil élaboré pour aider les personnes atteintes qui veulent entreprendre une réflexion concernant leur médication pour en arriver à une qualité de vie plus satisfaisante.

Alors, ce guide personnel contient un certain nombre de témoignages; j'en extrais deux seulement. Le premier dit ceci ? et c'est une personne à qui s'adresse le guide, là, qui nous parle: «Quelquefois, je me demande si la maladie mentale n'est pas seulement un certain stade à travers lequel les gens passent à un moment de leur vie, une méthode créative de se protéger contre le monde ambiant. Dans mon cas, ma situation financière était désastreuse, ma vie amoureuse allait mal, le travail était stressant, et je vivais seul pour la première fois. J'ai mis tout cela ensemble et j'ai réalisé que je n'étais pas capable d'y faire face. J'imagine que mon organisme a tout simplement dit: Allons voir ailleurs.»

Parmi tous ces témoignages que l'on retrouve dans ce guide, il me semble que celui-là nous parle parce qu'il nous rappelle également la nécessité d'accompagner les personnes qui pensent aller voir ailleurs si la vie y est meilleure, mais les accompagner pour revenir dans la quotidienneté sans pour autant les geler par une médication qui les maintienne ailleurs.

Alors, voilà, M. le Président, quelques considérations à l'occasion de cette motion qui souligne la Semaine de la santé mentale. Et ce que je souhaite, c'est que ce plan d'action qui a été promis à la population, eh bien, soit rendu public dans les meilleurs délais. Le ministre, il y a déjà trois mois, c'était le 5 mars dernier, disait ceci: «D'ici quelques jours, le ministre doit recevoir le rapport du comité d'experts qu'il avait mandaté l'automne dernier pour se pencher sur la délicate question de la santé mentale. À partir du rapport, le ministre promet de passer à l'action.» Il y a trois mois, M. le Président. Alors, je pense que le temps est venu de passer à l'action. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Et, toujours sur cette même motion sans préavis, je reconnais maintenant Mme la députée de Lotbinière. Mme la députée.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de ma formation politique, d'intervenir sur cette motion soulignant la Semaine de la santé mentale. L'Organisation mondiale de la santé souligne que, dans les sociétés occidentales, les problèmes de santé mentale occupent le deuxième rang entre les maladies cardiovasculaires et le cancer. Et, comme la santé mentale fait partie intégrante de la santé, sans elle, l'individu ne peut donner la pleine mesure de ses aptitudes, autant cognitives, affectives que relationnelles. La promotion de la santé mentale agit sur des facteurs d'ordre social tels que les relations interpersonnelles, une meilleure qualité de vie et une participation sociale accrue.

Et, afin de préserver notre santé mentale, il faut se prémunir contre les effets souvent dévastateurs du stress. C'est pourquoi l'Association canadienne de la santé mentale souligne, depuis quelques années, qu'il s'agit également d'une semaine antistress. C'est à bon escient qu'il faut commencer à réfléchir sur le stress et commencer à réfléchir très sérieusement, puisque 40 % des Québécois déclarent actuellement souffrir de stress et les maladies reliées au stress sont en voie de devenir le problème de santé mentale le plus important au pays. Au Québec, on estime que ça peut entraîner des coûts indirects de 4 milliards de dollars.

Il y a les maladies mentales reliées au stress, mais il y a les autres maladies comme la schizophrénie, les troubles bipolaires qui sont différents. Les problèmes à ce niveau-là, on a eu beaucoup de percées au niveau des médicaments, et c'est tant mieux parce qu'on manque de psychiatres, mais c'est souvent des problèmes... Quand la personne a fini son traitement à l'hôpital, elle sort, elle a de la difficulté à prendre ses médicaments. Je salue ici les démarches de la Ressource alternative en santé mentale qui met en place un programme de gestion autonome des médicaments.

J'ai été souvent appelée, en tant qu'avocate, à faire des requêtes pour évaluation psychiatrique à la demande de parents ou de conjoints. C'étaient des personnes qui souffraient énormément, M. le Président, de demander au juge d'amener de force quelqu'un qu'ils aiment et qu'ils voient souffrant parce que cette personne-là est devenue dangereuse pour elle-même ou pour autrui. C'est donc déchirant pour les familles de faire cette démarche-là. C'est la raison pour laquelle la santé mentale doit être une priorité pour notre gouvernement et une priorité en termes de déclaration, en termes d'études puis en termes d'actions.

M. le Président, l'Action démocratique du Québec appuie la motion. En tant que parlementaires, nous savons tous ce que représente le stress dans notre travail quotidien, en comté ou à l'Assemblée nationale, et c'est pourquoi cette motion doit recevoir un appui unanime.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci. M. le ministre, pour votre droit de réplique.

M. Philippe Couillard (réplique)

M. Couillard: M. le Président, il n'est pas de coutume d'utiliser le droit de réplique dans une motion sans préavis. Cependant, je constate, depuis quelques motions, qu'il y a un glissement vers le ton partisan dans les interventions de l'opposition qui entourent ces motions sans préavis qui devraient être au contraire l'occasion de s'élever au-dessus de ce niveau et de parler de causes nobles et des organisations dont on veut signaler les activités.

n(11 h 20)n

On remarquera que, dans mon intervention, je n'ai glissé que très rapidement sur les constatations désastreuses de la Vérificatrice générale. J'aurais pu épiloguer longtemps là-dessus, et je n'ai pas mentionné ? ce que je fais maintenant ? l'écart abyssal entre les investissements du précédent gouvernement en santé mentale et ce que, nous, nous faisons. On parle, sur deux ans, de 3 millions de dollars non récurrents, M. le Président, en santé mentale. Nous avons investi 10 fois plus, soit 31 millions de dollars récurrents et indexés en santé mentale.

On pourrait parler également de l'inéquité interrégionale, d'avoir laissé pourrir cette situation, du fait où les citoyens de la Montérégie, par exemple, qui pourtant étaient représentés par des membres influents du gouvernement précédent, avaient accès à des soins en santé mentale totalement inacceptables compte tenu du manque de ressources et des manques de budgets, étant donné qu'on avait laissé des budgets historiques s'accumuler sans jamais corriger l'inéquité interrégionale.

On parle de l'union de la direction qui s'occupe de santé mentale. Il était temps de le faire, M. le Président. J'ai pu constater, à mon arrivée au ministère, qu'il y avait des équipes de santé mentale partout, sauf que personne ne se parlait, personne ne savait trop ce que les autres faisaient. Enfin, on va avoir une direction unifiée puis une action concertée dans ce domaine-là, qui implique d'ailleurs les groupes communautaires, les représentants des patients et tous les groupes.

Alors, je terminerai là-dessus, M. le Président, pour indiquer que je souhaite conserver à ces motions sans préavis un ton non partisan. Il existe d'autres forums dans nos activités parlementaires pour adopter ce ton-là. Si, cependant, c'est le ton qu'entend adopter l'opposition, bien, nous répliquerons de la même façon.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, ça met fin, puisque cette motion avait déjà été adoptée...

Avis touchant les travaux des commissions

À Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la Commission des institutions poursuivra et complétera les auditions dans le cadre des consultations particulières à l'égard du document intitulé La sécurité privée: partenaire de la sécurité intérieure après les affaires courantes, et ce, pour une durée de deux heures, ainsi que de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la Commission des transports et de l'environnement, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 48, Loi abrogeant la Loi sur la Société de la faune et des parcs du Québec et modifiant d'autres dispositions législatives, procédera à des consultations particulières après les affaires courantes, et ce, pour une durée de 1 h 50 min, ainsi que de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Pour ma part, je vous avise que la Commission des affaires sociales se réunira en séance de travail aujourd'hui, à compter de 13 heures jusqu'à 15 heures, à la salle 3.31 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'organiser les travaux de la commission et de poursuivre la discussion sur des propositions de mandat d'initiative.

Renseignements sur les travaux de cette Assemblée. Je ne vois personne qui en sollicite.

Affaires du jour

Alors, la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement, pour les affaires du jour.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Je vous demanderais d'appeler l'article 4, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 53

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, à l'article 4, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec. Alors, Mme la ministre, pour votre première intervention. Mme la ministre.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir, M. le Président, et de fierté que, ce matin, je soumets à cette Assemblée, afin qu'elle adopte le principe, le projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec. Je le dis en toute simplicité, puisque ce sera ma première défense d'un premier projet de loi, M. le Président.

Depuis un an, il s'est passé beaucoup de choses dans le domaine de l'immigration au Québec. Ça a été une année certainement très fructueuse en termes de consultations et d'écoute, en termes de rencontres, puisque, depuis l'été dernier, je parcours et nous parcourons, quelques-uns d'entre nous, puisque je suis toujours accompagnée de députés, l'ensemble du Québec pour discuter des enjeux si importants pour l'avenir de notre société et pour permettre de mieux comprendre comment nous pouvons mieux réussir l'intégration de tous ceux et celles qui choisissent le Québec comme terre d'accueil, mais comment nous pouvons aussi améliorer, approfondir ces échanges, ces relations interculturelles et ce dialogue entre nous tous.

Cette tournée à travers les régions s'est complétée aussi, M. le Président, à l'hiver dernier, par la consultation publique en commission parlementaire sur la planification des niveaux d'immigration pour la période 2005-2007. J'ai déjà eu l'occasion de le mentionner, plus de 85 mémoires ont été présentés à la Commission de la culture, ce qui démontre certainement une immense sensibilisation et conscientisation de ce sujet, encore une fois, si important, puisque c'était la première fois que la Commission de la culture recevait autant de mémoires et autant de groupes.

L'intérêt de cette commission parlementaire, tout comme ce qui s'est passé en région, c'est qu'elle a réuni des intervenants de divers milieux, pas uniquement les intervenants ou des organismes qui travaillent quotidiennement à améliorer les effets de l'intégration, mais des intervenants aussi variés que du secteur de l'éducation, du secteur économique, des syndicats, des ordres professionnels, bref un échantillon très diversifié, ce qui démontre, M. le Président, certainement l'intérêt de la collectivité pour l'enjeu que constitue l'immigration, surtout dans un contexte où la démographie prend aussi toute son importance, puisque la population vieillit, puisque, effectivement, lorsque nous analysons les chiffres démographiques, il y a lieu très certainement de s'inquiéter sur les conséquences de ce déclin sur les générations futures.

Je vous dirais que, lors de cette commission parlementaire et lors de ces échanges que nous avons eus, nous avons pu apprécier très certainement non seulement la qualité des réflexions qui nous ont été soumises, mais certainement la profondeur des propos. Je tiens certainement à souligner l'ouverture, l'esprit aussi de collaboration manifesté. Et, je le mentionne, les membres qui ont participé assidûment à cette commission ne sont pas présents aujourd'hui, mais je dois dire qu'ils ont fait preuve d'un intérêt et d'une collaboration qui font en sorte qu'aujourd'hui, à l'intérieur de ce projet de loi, ils sauront reconnaître là aussi des enjeux qui doivent être regardés de façon plus attentive.

Ça a été une occasion de partager dans l'intérêt, je dirais, collectif certainement les défis qui nous attendent: bien sûr, ceux reliés à la francisation de nos nouveaux concitoyens qui ne sont pas francophones; bien sûr, à l'accès aux ordres professionnels pour les nouveaux arrivants; au nécessaire arrimage entre la sélection des immigrants de la catégorie des travailleurs et des besoins de main-d'oeuvre partout à travers le Québec, particulièrement dans les régions ? ça demeure un enjeu, un défi de réussite que nous devons tous partager; je dirais aussi ? et il faut l'aborder en toute sérénité ? au problème crucial que représente la très forte demande d'immigration provenant de certains bassins géographiques; on est obligés de se dire aussi ? très sereinement ? liés à un phénomène, je dirais, moyennement nouveau que nous retrouvons avec plus de force depuis deux ou trois ans et qui est lié au travail de certains consultants en immigration.

Par contre, le côté très positif de toutes ces consultations, et d'où l'intérêt de les poursuivre, c'est de réaliser à quel point collectivement nous souhaitons tous et toutes que le Québec demeure une société tolérante et une société inclusive. Et, dans ce sens-là, nous devons poursuivre nos efforts, aujourd'hui et demain, pour que toute notre société progresse ouvertement mais soit, je dirais, encore plus fière dans certains cas de la richesse de notre diversité.

n(11 h 30)n

Donc, la planification triennale qui a été déposée hier, M. le Président, en cette même Assemblée, est certainement le premier élément clé de l'intervention du gouvernement en matière d'immigration. Mais, encore là, cette planification triennale, elle nous interpelle. Vous avez remarqué que nous avons annoncé une croissance, que je qualifierais de modérée. Cette croissance, elle a été demandée par 84 intervenants en commission parlementaire. Un seul organisme a préféré voir un statu quo de façon... plus fort. Tous les autres nous ont demandé cette croissance justement en vertu des enjeux précédemment énumérés. C'est pourquoi le second volet non moins important qui a été rendu public la semaine dernière est la mise en oeuvre et la réalisation du plan d'action déposé des valeurs partagées et des intérêts communs.

Et je redis aujourd'hui ? je l'ai dit hier, mais je le redis aujourd'hui: Ce plan d'action s'inscrit en parfaite continuité avec l'Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration déposé en 1990 par la ministre d'alors, aujourd'hui actuelle vice-première ministre. Je le dis, M. le Président, parce que cela démontre très certainement la très grande cohérence du gouvernement et d'un gouvernement libéral par rapport à l'importance que nous voulons accorder à chaque citoyen qui encore une fois choisit le Québec comme terre d'accueil.

Ces énoncés de politique de 1990 sont toujours d'actualité aujourd'hui. C'est donc dire que la ministre d'alors avait une vision exacte des années qui allaient suivre mais avait surtout très bien saisi l'importance de respecter ces choix ? de tous ces gens qui choisissent le Québec ? de respecter ces choix en concordance avec les valeurs de la société québécoise. C'est pourquoi la mise en oeuvre du plan d'action permettra certainement d'assurer un meilleur soutien aux nouveaux arrivants et aux Québécoises et Québécois des communautés culturelles. Parce qu'il faut aussi penser à ceux et celles qui sont avec nous depuis déjà un certain nombre d'années et qui connaissent encore des difficultés de réussite et d'intégration.

Ce plan d'action permettra aussi de définir une offre d'immigration qui correspond aux besoins de chacune des régions du Québec. Voilà l'intérêt, le défi de travailler avec les spécificités de chacune des régions, de permettre la consolidation de notre identité dans le respect de notre diversité. Et bien sûr la francisation demeure un élément absolument incontournable de cette identité culturelle à laquelle nous tenons, à laquelle nous accordons une importance et pour laquelle nous avons développé collectivement une fierté. Nous devons aussi donc offrir, pour respecter cette identité, une gamme de services de francisation mieux adaptés aux besoins spécifiques de certains et certaines immigrants et immigrantes. Nous devons donc soutenir beaucoup mieux l'insertion en emploi sans oublier, sans oublier d'intensifier notre lutte à la discrimination pour qu'elle soit plus efficace.

Ce plan, il est à la fois novateur mais surtout nécessaire. Et vraiment cette mise en oeuvre doit aussi interpeller la responsabilité que nous avons tous à assumer, peu importe le rôle que nous jouons dans notre société. Et ces responsabilités, elles sont collectives, elles doivent être partagées et elles deviennent le deuxième levier de l'intervention gouvernementale.

J'arrive, maintenant, M. le Président, au projet de loi proprement dit. Et vous l'aurez compris, que, dans toute cette démarche entreprise depuis un an, ce projet de loi devient donc le troisième volet qui est tout aussi nécessaire que les deux précédents. Bien sûr, ce projet de loi soulève des enjeux majeurs, des enjeux nouveaux aussi auxquels on n'est pas nécessairement habitués parce qu'il y a des aspects qui n'avaient jamais été rencontrés jusqu'à ce jour dans la façon de gérer notre immigration. Et, comme ce projet de loi soulève ces enjeux importants, nous aurons l'occasion, au cours des prochains jours, de rencontrer en consultations particulières des organismes qui viendront avec nous poursuivre les échanges et les consultations.

Je voudrais d'abord rappeler les cinq objectifs fondamentaux de la loi actuelle pour le Québec. Un des premiers objectifs dans la loi, c'est bien sûr de contribuer à l'enrichissement du patrimoine socioculturel, au développement de l'économie, mais aussi à la poursuite des objectifs démographiques; de faciliter la réunification des résidents du Québec et de leurs proches parents à l'étranger; d'assumer notre part de responsabilités dans l'accueil des réfugiés et autres personnes en situation de détresse; de favoriser la venue des ressortissants étrangers qui pourront s'intégrer avec succès au Québec; et bien sûr de faciliter les conditions de séjour de personnes qui viennent au Québec pour étudier, ou travailler temporairement, ou même recevoir un traitement médical.

M. le Président, le projet de loi n° 53 s'inscrit dans la continuité des objectifs que le Québec s'est donnés au cours des 14 dernières années, mais il s'inscrit aussi également dans le plein respect de la Charte des droits et libertés de la personne et de la Charte canadienne des droits et libertés. Et j'insiste sur cet aspect-là, M. le Président, parce que, pour moi, c'est un élément qui est tellement important encore là dans le choix de nos valeurs québécoises et que le gouvernement n'aurait jamais soumis ou déposé un projet de loi qui allait à l'encontre de cette charte ou de ces chartes.

Outre des modifications techniques, le projet de loi poursuit quatre grands objectifs. En fait, il y a quelques instants, je vous signalais... je faisais état de l'importance des récentes consultations, particulièrement celles sur les niveaux d'immigration. Et nous souhaitons aujourd'hui consacrer pratiquement dans la loi l'obligation de consulter la population en commission parlementaire sur les orientations en matière d'immigration non seulement sur les niveaux que nous voulons accueillir annuellement et à travers un plan triennal, mais je pense qu'il sera aussi important de soumettre à la consultation publique les orientations que nous donnons si nous croyons véritablement comme gouvernement que l'immigration est un enjeu important pour l'avenir de notre société, si nous voulons véritablement s'assurer que nous répondons avec succès aux préoccupations de ceux et celles qui arrivent.

De toute façon, M. le Président, de plus en plus d'études et de sondages démontrent qu'il y a une évolution dans la conscientisation et dans la sensibilisation de l'ensemble de la population, qui, en plus grand nombre, démontre une attitude favorable à l'égard de l'immigration. C'est donc une raison additionnelle pour s'assurer que nous partageons, de façon publique, ces orientations avec l'ensemble de la population. Et ça se poursuit tout à fait dans le cadre d'un exercice hautement démocratique et, nous le répétons, hautement valorisé par le gouvernement libéral. Nous ne le redirons jamais suffisamment; il ne s'agit pas d'imposer des orientations, il ne s'agit pas d'imposer des conditions, il s'agit d'abord d'être à l'écoute pour ensuite agir de façon responsable dans l'intérêt de la collectivité.

n(11 h 40)n

Le deuxième objectif du projet de loi, c'est de contribuer à l'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec. Et cet enrichissement, il se nourrit de la diversité socioculturelle. Et j'insiste vraiment sur tous les efforts qui doivent être faits pour maintenir et accroître cette diversité, et le projet de loi a essentiellement cet objectif comme fondement. Nous devons nous donner les moyens d'accueillir des gens, des hommes, et des femmes, et des familles de tous les pays et de tous les continents. C'est ce que veut dire accueillir la diversité socioculturelle à l'ensemble du Québec.

Je crois que la rencontre de cultures multiples, le partage aussi d'une langue commune, la mise en commun de nos connaissances, de nos expériences et de nos compétences, toujours dans le respect de cette diversité, c'est certainement des facteurs d'enrichissement pour l'ensemble de notre société, et ça démontre aussi que le Québec maintient cette ouverture sur le monde. Le souci de diversité n'est pas nouveau de toute façon, mais cette diversité, jusqu'à maintenant, elle pouvait être réalisée à travers des mesures administratives uniquement. Et c'est ça, la nouveauté, M. le Président. L'enjeu est tel aujourd'hui qu'on ne peut pas laisser au hasard ou à l'initiative de certains consultants en immigration qui souvent, non pas dans l'intérêt public, souvent par manque d'éthique ? et on a bien des preuves à l'appui à cet égard-là ? ratissent certains pays pour susciter des candidatures à destination du Québec... Mais je dirais que, malheureusement, le résultat de ce travail trop souvent brise l'espoir. C'est un des éléments importants.

Pour la première fois au Québec, il y a plus de demandes pour venir s'installer chez nous que notre capacité d'accueil peut le permettre... et que cette demande, qui est plus grande et qui, pour la première fois de notre histoire, ne peut pas se gérer en équilibre en fonction des pratiques que nous avions jusqu'à maintenant, fait en sorte que la loi actuelle ne nous permet plus de maintenir cette diversité. Alors, c'est pourquoi il faut très certainement s'assurer que nous nous donnons des moyens transparents. Et j'insiste sur la notion de transparence, c'est ce que permet le projet de loi; permet de déterminer avec des nouvelles notions et avec transparence que nous exerçons la sélection en toute justice, équité, et toujours dans le respect des droits et libertés, et avec toute la compassion requise à cet égard-là.

Nous savons, M. le Président, que des milliers de personnes attendent à l'étranger, attendent souvent avec des délais beaucoup trop longs. Et, toujours dans le respect de l'être humain, il faut s'assurer que nous ne suscitons aucune discrimination à l'égard de ceux et celles qui attendent. Vous le savez, jusqu'à maintenant, nous acceptions ou nous sélectionnions les ressortissants étrangers par catégories, par catégories de travailleurs. C'était et c'est toujours ce que la loi nous permet, mais, face à ces demandes qui sont vraiment à un niveau très élevé, toujours dans le souci de garder cette diversité, à ce moment-là, nous avons la responsabilité de permettre à des personnes de provenance de tous les pays de pouvoir avoir accès, donc dans des délais raisonnables, à des réponses concluantes pour leur avenir.

Jusqu'à ce jour, le Québec n'a pas utilisé le pouvoir que le gouvernement précédent avait inclus dans la loi, en 1999, en permettant que des plafonds soient exercés. Ce pouvoir-là n'a pas été exercé de façon précise, de la même façon que la loi voulait harmoniser avec le gouvernement fédéral. La disposition, elle est là. Il serait possible d'y recourir au besoin, mais rien ne permet actuellement au Québec de contrôler la demande et de gérer l'afflux de demandes en provenance de certains territoires. C'est ça, la différence. Il faut donc qu'on ne puisse pas gérer uniquement le nombre de certificats de sélection que nous voulons octroyer. Mais, si on veut réduire les délais, si on veut ne pas être discriminatoires, il faut être capable de gérer, encore une fois en toute transparence, la demande qui provient de ces pays et, dans ce sens-là... sinon il deviendra extrêmement difficile d'assurer cette diversification de l'immigration.

Bien sûr, jusqu'à maintenant les mesures administratives qui étaient utilisées ne suffisent plus, et ce qu'on remarque, c'est qu'elles nous exposent, elles exposent le ministère, elles exposent donc le gouvernement à des poursuites judiciaires ? nous le savons, il y en a déjà une qui est en cours à l'heure actuelle ? en plus de créer énormément d'insatisfaction à l'égard de cette clientèle-là. Mais, moi, ce n'est pas tellement en termes d'insatisfaction, M. le Président, que je suis préoccupée, c'est beaucoup plus sur le sort que nous avons entre les mains, la responsabilité que nous avons entre les mains quand on pense que ces gens quittent tout derrière pour revenir refaire cette vie ? pas seuls ? habituellement accompagnés des membres de leur famille. Donc, dans ce sens-là, il faut toujours être capable de pouvoir gérer efficacement le nombre de demandes qui nous arrivent et pour lesquelles au fond on n'a pas de moyen de délimiter de façon claire et transparente comment allons-nous le faire.

Il est important de préciser d'entrée de jeu, M. le Président, que les mesures... ou le pouvoir qui est demandé dans le projet de loi s'adresse exclusivement à l'immigration économique. N'est pas du tout interpellé par le projet de loi: les membres du regroupement familial ou alors les demandes d'immigration humanitaire. Je pense que c'est important de le mentionner. Nous croyons, M. le Président, qu'en pouvant établir de façon publique et très claire les niveaux d'immigration non plus uniquement par catégories de travailleurs, mais bien par bassins géographiques, ça nous permettra d'enfin donner l'heure juste, donner l'heure juste à ceux et celles qui attendent, avec parfois espoir et anxiété très certainement, de savoir quelle sera leur chance d'avoir accès au Québec.

On l'a mentionné en commission parlementaire: oui, les délais sont rendus beaucoup, beaucoup trop longs. Et je souligne, M. le Président, que cette situation-là, elle ne date pas de 2003-2004 ? cette situation-là, elle a commencé en 2000, 2001, 2002 ? et que, dans ce sens-là, pourquoi rien n'a été fait au moment où déjà nous savions que le problème ne pouvait que s'aggraver.

M. le Président, je pense que, quand on établit des critères de sélection, il faut les faire aussi en toute honnêteté, en fonction de nos critères et de notre capacité d'accueil. Il ne s'agit pas, M. le Président ? même si nos enjeux démographiques sont importants ? il ne s'agit pas de se dire qu'il faut accueillir toujours un plus grand nombre de personnes. Si nous accueillons un plus grand nombre de personnes mais que nous ne pouvons leur offrir effectivement une vie digne, une vie autonome et un emploi durable, nous n'avons pas réglé aucun problème. Et, en ce sens-là, ça ne devient plus bénéfique pour le Québec, et c'est ce que nous voulons précisément éviter, M. le Président.

n(11 h 50)n

Je rappelle aussi que le pouvoir que confère le projet de loi au gouvernement et non au ministre... Et ça aussi, c'est important de le mentionner, M. le Président, c'est tellement un sujet important, c'est tellement un sujet sensible par rapport à nos responsabilités que nous avons cru bon de remettre ce pouvoir de suspension non pas au ministre, mais bien au gouvernement pour que la question soit étudiée, analysée, débattue. Et je rappelle ? très important ? que cette suspension ne peut se faire que sur une base temporaire d'un an. Alors, M. le Président, je veux qu'on le mentionne, et qu'on le dise, et qu'on le redise, parce que, encore une fois, notre objectif n'est pas d'exclure quiconque, bien au contraire. Notre objectif, c'est de faire en sorte que nous pouvons maintenir un principe de diversification de l'immigration. En fait, M. le Président, nous souhaitons, d'abord et avant tout, dans l'intérêt de tous ces hommes, ces femmes, ces enfants qui désirent choisir le Québec comme terre d'accueil, qu'ils puissent le faire en toute connaissance de cause et que nous, comme gouvernement, puissions sélectionner ces mêmes personnes en toute justice et en toute équité.

Je vais maintenant vous parler du troisième objectif de ce projet de loi qui me préoccupe tout particulièrement et avec lequel, je crois, nous devons regarder la situation avec beaucoup de sérieux. Et il a été question à plusieurs reprises, en commission parlementaire, par plusieurs, plusieurs intervenants... il a été question de l'intervention des consultants en immigration dans le processus d'immigration. Certes, la majorité des consultants en immigration, M. le Président, offre des services de qualité aux hommes et aux femmes qui font des demandes pour venir vivre ici, donc ce n'est certainement pas leur rôle à eux et à elles qui est remis en question. Par contre... Et d'ailleurs certains d'entre eux sont déjà encadrés par des règlements. Si on pense, par exemple, aux avocats qui sont membres du Barreau, ils sont tenus à un code d'éthique et ils s'exposent à des sanctions s'ils manquent à ce code ou s'ils exercent des pratiques qui sont non conformes aux règlements édictés par le Barreau. Je vous dirais que ces gens en tout cas peuvent normalement nous donner une meilleure protection tant à ceux qui confient leur dossier aux avocats, mais aussi à nous qui avons à traiter les mêmes demandes.

Cela dit, ce n'est pas parce qu'on est d'un ordre professionnel ou d'un autre qu'on n'est pas à l'abri aussi d'excès de certains. Et, dans ce sens-là, je peux vous assurer que nous travaillons en étroite collaboration actuellement avec le Barreau du Québec pour justement établir quelles seraient les meilleures mesures à mettre en place pour s'assurer que ces phénomènes sont restreints au maximum. Et je ne peux qu'encourager le Barreau du Québec à poursuivre et à renforcer sa vigilance à cet égard, de même que d'autres ordres professionnels. Mais disons que nous savons, par la pratique, que c'est davantage les avocats qui sont, ici... agissent, si vous voulez, en tant que consultants en immigration. Mais il y a plusieurs autres consultants qui ne sont aucunement encadrés, et nous savons que n'importe quel individu, sans égard à sa formation ou à son expérience, peut s'afficher comme consultant en immigration. Et nous avons à déplorer de plus en plus de situations inacceptables, c'est-à-dire: abus de confiance, honoraires faramineux, publicités trompeuses et mensongères ? et je vous invite à les consulter, elles font dresser les cheveux sur la tête ? faux documents, incitations à produire de fausses déclarations, et j'en passe.

Le problème, c'est qu'à l'étranger ces personnes qui confient leurs dossiers à ces mêmes consultants, toujours avec le même espoir de réussite parce que c'est ce qu'on leur fait miroiter, se retrouvent plusieurs, plusieurs, plusieurs mois plus tard devant une situation qui est désespérée. Alors, je pense que nous avons, comme gouvernement, une responsabilité immense pour faire en sorte que ces situations, qui minent l'image du Québec, qui sont très défavorables à l'image du Québec et à notre qualité et notre façon de sélectionner, et qui mettent en doute la crédibilité du processus d'immigration, surtout auquel nous tenons... Parce que, ce processus d'immigration, nous l'avons bâti au fil des années. Nous avons développé une expertise au fil des années, et elle est reconnue. Il ne faut pas la perdre. Mais je vous dirais que, dans ces situations, ce qu'il y a de plus grave, c'est toujours l'abus de personnes qui sont déjà en situation de vulnérabilité face à des agissements qui sont inacceptables, et le Québec ne peut tolérer d'aucune façon un tel comportement. Au contraire, on doit s'assurer que le plus haut niveau de compétence et d'éthique de la part de ceux et celles qui portent assistance aux candidats à l'immigration est respecté.

Je veux attirer, M. le Président, l'attention de l'Assemblée, dans ce contexte-là aussi, sur la question de l'encadrement des consultants qui prend son importance, puisqu'en octobre 2003, en réponse au même problème, le gouvernement fédéral annonçait la création de la Société canadienne des consultants en immigration, un organisme d'autoréglementation indépendant. Alors là, M. le Président, la création de cet organisme soulève deux questions fondamentales pour le Québec. La première, c'est d'abord celle de l'empiètement du gouvernement fédéral sur un pouvoir qui est du ressort exclusif en fait des provinces, qui est celui de légiférer en matière d'encadrement des professions. En tout cas, si ce n'est pas le cas, la ligne est ténue, elle est mince. Et, dans ce sens-là, je pense que nous devons aussi réagir parce que la formation qui est proposée aux futurs membres de cette société est axée essentiellement puis, je dirais, exclusivement sur la législation et la réalité canadiennes. Alors, les consultants qui vont être membres de cette Société canadienne des consultants en immigration, est-ce qu'ils auront vraiment les compétences nécessaires en regard de la législation, de la réglementation et de la réalité québécoises, notamment en matière linguistique? Ça, c'est une question pour laquelle on ne va pas lâcher; c'est important, d'où la nécessité de, nous, prendre position sur la façon et sur qui nous souhaitons voir oeuvrer sur notre territoire à titre de consultants en immigration.

Je pense, M. le Président, que, pour toutes ces raisons et dans tout ce nouveau contexte avec lequel nous travaillons, je pense qu'il faut que le Québec exerce ses responsabilités avec aussi détermination, avec justice, avec compassion mais aussi avec détermination. Et donc nous demandons d'approuver ce projet de loi pour être en mesure d'encadrer, de sanctionner les consultants en immigration qui exercent et pratiquent, qui sont incompétents ou malhonnêtes. Et, M. le Président, nous le ferons dans la plus grande collaboration avec tous ceux et celles qui voudront bonifier justement les façons de faire et toujours dans le meilleur intérêt de ceux et celles que nous accueillons.

Le quatrième objectif du projet de loi vise aussi à renforcer l'intégrité des processus d'immigration dont nous sommes responsables. Et là je fais référence à la validation de documents qui est toujours un aspect difficile à mesurer, difficile à contrôler, mais qui demeure encore extrêmement important, puisque c'est à travers les documents que nous sommes en mesure de bien établir le processus d'examen des candidatures, puisque ces documents attestent l'expérience de travail, attestent les diplômes, les études, attestent l'âge d'un candidat, son état civil, sa capacité financière. Ce sont là tous des critères normaux qui font partie d'une grille de sélection, mais pour lesquels il est très important et très responsable de s'assurer que nous avons une information juste, une information véridique.

n(12 heures)n

Or, là aussi, la présentation de documents falsifiés, les fausses déclarations minent l'intégrité de nos programmes d'immigration. Alors, il faut protéger notre consensus social à cet égard-là et il faut aussi envoyer un message clair relativement à l'utilisation de moyens frauduleux.

Alors, les nouvelles dispositions législatives permettront de refuser une demande de certificat ou d'engagement qui détient des éléments faux pour lesquels parfois nous ne sommes informés que plus tard dans le processus. Alors, dans ce sens-là les mesures législatives nous permettront également d'annuler un certificat qui est déjà délivré lorsqu'il s'avère trompeur. Et il est aussi proposé qu'un candidat qui a précédemment présenté de faux documents à l'appui d'une demande ne puisse présenter sa candidature avant une certaine période donnée. Si nous faisons ça, M. le Président, c'est toujours pour les mêmes raisons, c'est toujours pour être en mesure d'évaluer les dossiers en toute justice et équité les uns par rapport aux autres et surtout en toute justice pour ceux qui sont déjà en attente de réponses favorables pour venir au Québec.

M. le Président, en terminant, parce que, au cours des prochains jours, des prochaines semaines, nous aurons l'occasion de redébattre de certains éléments de ce projet de loi, mais ce que je veux vous dire, c'est que l'objectif derrière toutes les interventions annoncées depuis une semaine, que ce soit le plan d'action, que ce soit l'annonce des niveaux d'immigration, que ce soit ce projet de loi, veulent orienter notre intervention pour faire en sorte que l'immigration au Québec soit un projet de société rassembleur, soit un projet de société humaniste, soit un projet de société qui fasse du Québec une société moderne, d'avenir, mais qui fasse du Québec, toujours ce qu'elle a démontré et encore plus une société tolérante, une société d'inclusion. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je veux remercier Mme la ministre des Communautés cultuelles et de l'Immigration. Et, pour la poursuite du débat, je reconnais M. le député de Gouin. Alors, M. le député de Gouin.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci, M. le Président. En vous indiquant bien sûr que c'est ma collègue députée de Prévost qui agit à titre de porte-parole de l'opposition officielle, donc je prends un temps de parole de 20 minutes. Ma collègue, qui arrive tout juste de commission, prendra la parole plus tard dans la journée.

M. le Président, je veux d'entrée de jeu vous dire qu'après avoir écouté la ministre de l'Immigration très attentivement que je peux lui dire sans me tromper, au nom de l'opposition officielle, que la ministre a toute une côte à remonter avant de recevoir l'appui de l'opposition officielle sur le projet de loi qu'elle nous présente. Je veux vous dire, M. le Président, qu'au-delà des accents, des propos et des mots mielleux, qu'il y a une réalité dans ce projet de loi qui fait mal et qui fait mal au Québec.

La première chose qu'il faut démasquer, M. le Président, c'est de rappeler qu'en 2004 la ministre de l'Immigration sélectionnera moins de candidats qu'en 2003. Parce qu'on peut bien ici, dans cette Assemblée, faire des grands discours sur les niveaux d'admission, la ministre sait très bien que le véritable test et la volonté d'un gouvernement d'accueillir davantage d'immigrants se situent d'abord et avant tout dans la volonté d'émettre des certificats de sélection à l'étranger.

C'est pour cette raison d'ailleurs que le gouvernement avait fait inclure dans la Loi sur l'immigration, à l'article 3.1, le dépôt d'un plan d'immigration à l'Assemblée nationale, d'un plan qui devait faire le portrait des efforts de sélection à l'étranger. Et je rappelle cet article de loi, M. le Président: «Le plan est déposé à l'Assemblée nationale au plus tard le 1er novembre.» Et on indique que ce «plan fait aussi état des activités de sélection projetées».

Donc, que dit le plan que la ministre a déposé, le plan pour 2004 déposé à l'Assemblée nationale? Ce plan nous indique que, pour la catégorie des travailleurs sélectionnés par le Québec, cette année, en 2004, le ministère va émettre au maximum 30 300 CSQ, alors qu'ils en avaient émis 30 500 l'an dernier. Donc, que la ministre, là, cesse ses grands discours sur sa volonté de faire plus, puis c'est donc fantastique. Essentiellement, M. le Président, pour la catégorie des travailleurs, qui est la catégorie la plus importante, la ministre émettra moins de certificats de sélection du Québec cette année. Puis, quant aux niveaux d'admission de cette année, elle sait comme moi qu'ils sont le reflet des efforts de sélection qui se sont faits dans le passé. Parce que, entre le moment où une personne fait une demande de sélection, reçoit son certificat et fait le choix de se déplacer et d'arriver sur le territoire, il y a un très long délai. Et la ministre sait très bien, mais elle n'en dit pas un mot, que les efforts de sélection faits maintenant auront des impacts au plus tôt l'an prochain puis souvent au plus tard dans les trois ans. Elle sait comme moi les délais qui existent.

Donc, première chose qu'il faut se dire, que tous ces beaux discours sur les augmentations d'admissions n'ont rien à voir avec sa volonté, ni même celle de son gouvernement d'accueillir plus d'immigrants au Québec. La preuve, elle est faite dans son document, son plan d'immigration ? puis je vous invite à réfuter cet argument, M. le Président ? Plan d'immigration du Québec 2004, document bien libéral, à la page 8, au maximum 30 300, sélection des travailleurs, alors que c'était 30 500. Première chose qui doit être dite et dite fort, M. le Président.

L'autre chose, M. le Président, qu'il faut dire aux membres de cette Assemblée pour qu'ils puissent juger du mérite de ce projet de loi, c'est que la ministre requiert dans ce projet de loi des pouvoirs qui n'ont jamais existé auparavant. La ministre fait une erreur en évoquant des articles de loi qui existent en ce moment, en particulier l'article 3.1, et en faisant une allusion entre la portée de cet article et les pouvoirs qu'elle sollicite. Je m'explique, M. le Président.

La loi actuelle permet à la ministre de suspendre «l'examen des demandes ou cesse de délivrer des certificats de sélection pour une catégorie ou à l'intérieur d'une même catégorie jusqu'au début de l'année civile suivante, si le maximum prévu au plan annuel est atteint». Donc, ce pouvoir existe, mais, à ma connaissance, ce pouvoir jamais n'a été utilisé. Ce pouvoir n'a jamais été utilisé pourquoi? Parce que, à l'époque, dans les années où ces articles de loi auraient pu être invoqués, la problématique d'une trop grande demande par rapport à notre capacité d'accueil et aussi par rapport à notre capacité de traiter des demandes de certificats de sélection ne s'est jamais posée. Et je ne sache pas... Et je peux me tromper, M. le Président, mais je pense avec certaine certitude vous dire que jamais ces pouvoirs-là n'ont été invoqués.

Là, ce que la ministre demande dans son projet de loi, c'est un pouvoir extraordinaire. Puis j'attire l'attention des membres de cette Assemblée, à l'article 12: Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 3.4, du suivant: «[La] ministre peut suspendre la réception des [...] certificats de sélection pour la période qu'il fixe. Cette suspension peut être renouvelée.

«La période de suspension ou de renouvellement ne peut excéder un an.

«Cette suspension peut être applicable pour l'ensemble des pays ou pour un bassin géographique ? pour un bassin géographique, M. le Président ? et pour une catégorie de ressortissants étrangers ou à l'intérieur d'une même catégorie.» Et cette demande de suspension doit être publiée.

D'aucune façon, M. le Président, la ministre n'a justifié la raison pour laquelle nous, députés de l'Assemblée nationale, devrions lui donner ce pouvoir, invoquant tout simplement, de façon très ténue, le fait que les consultants génèrent beaucoup de demandes, dans certaines régions du monde, en généreraient davantage qu'auparavant et qu'il faut s'assurer que ce qui sort des efforts de sélection soit le reflet d'une certaine diversité. Je pense traduire à peu près l'idée de la ministre, pas dans les mêmes mots, mais à peu près l'essentiel de son idée.

M. le Président, avant que j'adhère à cette idée, il y a tout un travail à faire. J'ai toujours pensé, M. le Président, qu'au moment de sélectionner des immigrants c'était la compétence qui devait l'emporter sur la nationalité. J'ai toujours pensé, M. le Président, que c'était la compétence qui devait l'emporter sur la couleur de la peau. En anglais, il y a cette très belle expression, «skill over skin», M. le Président. C'est sur cette base que nous nous sommes donné des outils de sélection, une grille de sélection qui mise sur quoi, M. le Président? Sur la possibilité d'une personne de s'intégrer à la société québécoise. Parce que ça ne sert à rien de faire venir des gens chez nous si, dans les faits, on porte un jugement à l'effet qu'ils ne seront pas capables de s'intégrer puis en particulier qu'ils ne sont pas capables d'embarquer sur le marché du travail.

n(12 h 10)n

Le thème de cette grille, c'est celui de l'employabilité et de la mobilité professionnelle. Qu'est-ce qu'on évalue, M. le Président? La connaissance du français ou d'une langue seconde, le nombre de... la formation, le curriculum scolaire, on évalue les expériences du marché du travail, on tient compte de l'âge, on tient compte même du fait si la personne est déjà venue au Québec, si elle a des connaissances au Québec. Voilà tous des facteurs qui peuvent nous donner une assez bonne indication sur la possibilité d'une personne que nous sélectionnons, à qui nous tendons la main et nous souhaitons la bienvenue, voilà des critères objectifs qui nous permettent de porter un jugement sur les capacités de cette personne de pouvoir s'intégrer harmonieusement puis en particulier de pouvoir contribuer à la vie économique puis au développement économique du Québec. Ça a toujours été les seuls critères sur lesquels nous avons jugé de la pertinence de donner un certificat de sélection à une personne qui vient dans la catégorie des travailleurs puis des travailleurs indépendants.

Alors, M. le Président, quelle est notre surprise aujourd'hui de voir la ministre dire sans trop se justifier, sans nous dire quels sont les bassins qu'elle veut bloquer... Parce que je vous jure une chose, M. le Président, la ministre ne mettra pas fin à ce débat sur le projet de loi tant qu'elle ne nous aura pas dit où concrètement elle veut utiliser ce pouvoir puis où elle veut bloquer la réception des certificats de sélection. Puis, si c'est le Maghreb qu'elle a en tête, M. le Président, bien, qu'elle le dise, qu'elle le dise ici, à l'Assemblée nationale, qu'elle le dise en commission parlementaire, puis on fera un débat sur cette question. Puis on va en faire tout un, M. le Président. Parce que je répète ce principe fondamental auquel nous avons toujours tenu depuis l'énoncé de politique de la députée de Saint-François, vice-première ministre: la compétence avant toute chose puis une grille de sélection qu'on applique de façon neutre. Et là voilà que la ministre nous demande le pouvoir de faire autrement. Attention! La ministre doit être certainement beaucoup plus transparente sur ces questions.

Ces remarques étant faites, M. le Président, sur les vertus de ce projet de loi et sur les critiques qu'il sollicite, revenons à nouveau sur les processus de sélection. D'abord, M. le Président, c'est une erreur de penser que le Québec doit se doter d'une politique de quotas en immigration. Dans les faits, M. le Président, il y a eu toutes sortes de grands discours sur des niveaux puis des objectifs d'admission. La vérité, puis c'est le témoignage d'une personne, d'un député qui a été ministre de l'Immigration, ce qui détermine le plus le nombre de personnes qu'on sélectionne à l'étranger, c'est bien plus les efforts qu'on consacre, à l'étranger, à la sélection puis au traitement des dossiers. Ça n'a rien à voir avec un discours sur l'ouverture dont on s'est trop souvent drapé. Parce que, quand on ne met pas de ressources à l'étranger, quand, comme la ministre, on se fait subir des compressions du ministère des Relations internationales, puisque les employés qui font la sélection à l'étranger sont payés en vertu du règlement n° 3, gérés par le ministère des Relations internationales, payés par la ministre s'ils en sont maintenant rendus là...

Mais la question se pose maintenant: Quelle est la quantité des efforts qu'on consacre puis quelles sont les sommes qu'on met pour la sélection? Et quels jugements aussi portons-nous sur les processus de sélection? La seule façon dont le Québec, à date, a été capable d'accueillir plus d'immigrants, c'est en jouant sur l'efficacité des processus de sélection puis sur les efforts de recrutement qu'il faisait à l'étranger. Ça a été le cas quand on a réglé des dossiers à Paris. La ministre, vice-première ministre se souviendra, à son époque, des difficultés qui se sont posées à Paris et des mesures qu'elle-même avait prises pour les régler. Ça a été le cas de chacun d'entre nous qui avons un jour occupé ces fonctions. On a, par des mesures administratives et des budgets, été capable de régler des dossiers de «backlog», entre autres, le jour où on a fait le choix de traiter des demandes sur place, à Montréal, plutôt que de les traiter à l'étranger, des volumes de dossiers qui se sont souvent amassés au fil des ans.

Là, nenni, M. le Président, pas un mot, pas une réflexion sur les processus de sélection, ni sur les efforts qui doivent être faits à l'étranger, ni sur la façon dont laquelle le ministère pourrait très bien, par des procédés administratifs, traiter sur place, au ministère, à Montréal, des demandes qui viennent de l'étranger. Ces choses se sont faites, il y a eu des opérations qui se sont menées dans le passé. Mais là, non. La ministre, sans nous parler des efforts qu'elle doit consacrer pour traiter équitablement les demandes, sans nous dire quels sont les efforts qui pourraient être faits dans des opérations spéciales qui pourraient être menées de Montréal, vient dire... ferme le couvercle, on ne reçoit plus de demandes, sur la base d'un bassin géographique, M. le Président, sur la base d'un bassin géographique. Ça, ça veut dire sur la couleur ou la nationalité, non pas sur les compétences. Elle ferme le couvercle, puis elle pense que, nous, ici, là, on va prendre ça puis on va se laisser passer ça dans le corps comme si c'était une petite dragée douce qu'on vient de recevoir.

Mme Harel: ...rétroactif.

M. Boisclair: Attention!

Mme Harel: C'est rétroactif.

M. Boisclair: Et là ? ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve lit dans mes pensées, M. le Président ? quel est le pire? C'est que ce pouvoir qu'elle nous demande a une portée rétroactive. L'article 12, je le lis, M. le Président: «Une mesure de suspension prise en vertu du présent article s'applique aux demandes de certificat de sélection reçues avant l'entrée en vigueur de la mesure et dont le ministre n'a pas encore procédé à l'examen.»

Ça, ça s'appelle, M. le Président, une portée rétroactive, les dispositions de cette loi, que je mets au défi la ministre de m'en faire la démonstration du contraire. Je le lis parce qu'elle semble le nier: «Une mesure de suspension prise en vertu du présent article s'applique aux demandes de certificat de sélection reçues avant l'entrée en vigueur de la mesure et dont le ministre n'a pas encore procédé à l'examen.»

Ce n'est pas, j'en conviens, purement l'article de loi qui a un effet rétroactif au sens plus classique du terme, mais vous comprenez bien que ceux qui ont reçu des demandes... qui ont envoyé des demandes qui n'ont pas encore été traitées au ministère, que les dispositions adoptées ? adoptées si cette loi est adoptée ? vont s'appliquer. Donc, l'effet rétroactif, pas au sens classique de l'effet rétroactif du comité de législation, j'en conviens bien, mais quand même qui a une portée rétroactive pour des gens qui ont envoyé leur demande de certificat de sélection.

Puis, pire, M. le Président, c'est ce qu'on nous dit, en ce moment, au ministère de l'Immigration, quand on parle à des gens là-bas puis on parle à des gens qui font affaire avec le ministère, c'est que, en ce moment, avant même que cette loi ne soit adoptée, déjà le ministère de l'Immigration retourne des demandes avec les frais d'admission, avant même que cette loi ne soit adoptée, M. le Président. Je veux juste vous dire que je suis en train de vous concocter une belle question de privilège qui vous sera soumise lorsque j'aurai... Il me manque encore un ou deux documents.

Mais, M. le Président, si cette loi, sans qu'elle ne soit adoptée, et l'intention de la ministre déjà justifient le ministère qui retourne des demandes de certificat de sélection avec l'argent sans que cette loi ait été adoptée, la ministre va se retrouver dans l'eau bouillante. Je l'invite, je lui donne immédiatement un préavis, qu'elle vérifie ce qui se passe parce qu'il y a trop de gens qui, en ce moment, nous disent qu'il y a des candidats qui reçoivent par la poste leur demande de certificat puis le chèque qu'ils avaient envoyé alors que la loi ici n'est même pas adoptée.

Et quel est le principe derrière tout ça, M. le Président? Quel est le principe? Le principe, c'est que notre grille de sélection doit s'appliquer indistinctement des nationalités, mais elle doit s'appliquer en équité, elle doit donner des chances justes à tous. Puis c'est sur cette base-là que nous avons toujours agi, puis c'est sur cette base-là que l'administration publique fonctionne.

Je vois le leader adjoint du gouvernement. Une loi fondamentale, dont on parle peu dans notre Parlement, qui est celle de la Loi sur la justice administrative, cette loi vient décrire les droits minimaux des administrés. Puis ces droits, incluant les chartes, doivent s'appliquer, comme la Cour suprême l'a indiqué, s'appliquent aussi aux gens qui requièrent des services de l'État québécois, même s'ils sont de l'étranger. Et ces principes d'équité me semblent ceux qui, aujourd'hui, par une mesure non justifiée, enrobée de propos doucereux sur l'équilibre, sur la représentation, cachent un biais idéologique que la ministre, M. le Président, n'a pas le courage de nommer. Puis, pendant tout ce débat, on s'attend à savoir bien correctement où ce pouvoir doit être appliqué, pour quelle raison, puis qu'on en débatte bien publiquement.

Parce que, s'il y a des demandes en grand nombre qui viennent sur certains bureaux, par exemple au bureau de Paris, bien, qu'on trouve des façons originales de traiter ces demandes ou, à la limite, qu'on dise, à un moment donné: On n'en reçoit plus, en utilisant les actuels pouvoirs de la loi. Mais qu'on ne vienne pas introduire là ce pouvoir en vertu d'autres raisons que le fait que les catégories visées ont atteint leur maximum, d'autres raisons que celle-là, de nouveaux pouvoirs pour la ministre.

n(12 h 20)n

Parce que, a contrario, M. le Président, qu'est-ce qui empêche la ministre, en ce moment, d'utiliser les pouvoirs que la loi lui donne? Parce que la ministre peut, si le maximum des catégories est atteint, à l'article 3.1, la ministre peut «suspendre l'examen des demandes ou cesser de délivrer des certificats de sélection pour une catégorie ou à l'intérieur d'une même catégorie jusqu'au début de l'année civile suivante, si le maximum prévu au plan annuel est atteint». Donc, si la ministre n'utilise pas cet article puis qu'elle a tant besoin d'aller chercher du droit nouveau puis réclamer des pouvoirs extraordinaires comme il n'en existe pas ailleurs, à ce que je sache, puis comme il n'en existe pas non plus dans le droit fédéral, c'est que la ministre a d'autres arguments à faire entendre que celui du maximum prévu au plan annuel atteint.

Quels sont ces motifs, M. le Président? Pas un mot. Il y a donc une raison qui justifie que la ministre aille chercher des pouvoirs additionnels, du droit nouveau, alors qu'elle a, en ce moment, certains pouvoirs pour suspendre les demandes d'admission, ce qui lui permettrait pendant un certain temps de traiter ce qu'elle a comme bassins pour ensuite, en début d'année civile suivante, rouvrir les bassins pour accueillir davantage de demandes.

Ce que tout cela cache, M. le Président, c'est un profond malaise. Ce que cela cache, M. le Président, c'est les difficultés qui se posent sur le plan administratif dans ce ministère. Les compressions font mal, puis elles font mal aux efforts de sélection. Ce que ça cache surtout, M. le Président, c'est le double langage d'une ministre qui utilise des beaux mots, des beaux accents mais qui, dans les faits, n'a pas le courage de vous regarder dans les yeux, M. le Président, puis de regarder les Québécois dans les yeux, puis de dire que, cette année, elle va faire moins de sélection de travailleurs qu'elle en a faite l'année précédente. Les compressions à son ministère font mal. Elle sait bien que les niveaux d'admission des prochaines années ne seront pas dus ni à ses discours ni à ses énergies, mais bien à ce qui s'est fait dans les années précédentes et puis que les efforts de sélection qui sont faits cette année auront des conséquences dans deux ans ou dans trois ans.

Ce double discours, M. le Président, je le dénonce. J'invite la ministre à nous dire pourquoi elle n'émet pas plus de certificats de sélection, alors qu'elle dit qu'elle veut faire plus pour l'immigration. Puis qu'elle nous dise, ces pouvoirs spéciaux, qu'est-ce qui justifie qu'elle aille en chercher d'aussi grands, puis où elle veut appliquer ces pouvoirs, et quels bassins géographiques veut-elle fermer lorsque vient le temps de traiter des demandes de sélection. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je remercie M. le leader officiel de l'opposition. Et je reconnais maintenant Mme la députée...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, mais il faut que...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): O.K. Alors, je reconnais Mme la députée de Chambly. Alors, Mme la députée de Chambly.

Mme Diane Legault

Mme Legault: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord, d'entrée de jeu, partager avec vous le plan d'action que Mme la ministre a rendu public la semaine dernière, Des valeurs partagées, des intérêts communs ? Pour assurer la pleine participation des Québécois des communautés culturelles au développement du Québec, M. le Président. Ce plan d'action, qui a été reçu très, très positivement par les communautés culturelles et l'ensemble de notre société, est construit à partir de cinq axes d'intervention: une immigration correspondant aux besoins du Québec et respectueuse de ses valeurs; l'accueil et l'insertion durable en emploi; l'apprentissage du français, un gage de réussite; un Québec fier de sa diversité, M. le Président, et j'y reviendrai; et une capitale nationale, une métropole et des régions engagées dans l'action.

Ce plan d'action présenté par la ministre est donc en fait un outil qui vise essentiellement à assurer un accueil qui soit plus accompagné, plus personnalisé pour chacune des personnes que l'on reçoit, et vise essentiellement une intégration réussie, fructueuse basée sur l'emploi, l'emploi durable. Et c'est dans cette continuité que nous avons, ce matin, à nous pencher sur le projet de loi qui vise à modifier la Loi sur l'immigration du Québec.

Vous savez, le projet de loi qui est devant nous permettra à la ministre, après l'approbation du gouvernement et la publication à la Gazette officielle du Québec, de suspendre la réception des demandes de certificat de sélection pour un bassin démographique donné et également de retourner aux personnes concernées leur demande de certificat de sélection accompagnée des droits exigibles, en fait des remboursements, le cas échéant.

Si le Québec a revendiqué et obtenu des pouvoirs en matière d'immigration, M. le Président, c'est parce qu'il considère qu'il s'agit là d'un enjeu de développement extrêmement important et qu'il veut gérer l'immigration en fonction de sa propre lecture des besoins et de la capacité d'accueil du Québec. La législation actuelle permet notamment au Québec de déterminer les volumes et la composition de l'immigration, de décider pour chaque catégorie et sous-catégorie soumise à sa sélection si les volumes prévus au plan d'immigration sont un plafond ou une estimation et de suspendre, le cas échéant, le traitement des demandes de certificat de sélection s'il considère que le volume fixé ou estimé est ou sera atteint.

Alors, je porte à votre attention, M. le Président, que ce pouvoir de suspension qui est présent dans la loi actuelle est un pouvoir de suspension qui vise les catégories de nouveaux arrivants, et évidemment le problème qui peut se poser, si on choisit de suspendre une catégorie, c'est de choisir ou de déterminer pour quel pays, en fait lequel pays on vise. Et c'est à cette difficulté que répond à mon avis très adéquatement le projet de loi modifiant la Loi sur l'immigration du Québec qui est devant nous.

La législation actuelle permet aussi de déterminer les facteurs et les critères s'appliquant aux différentes catégories de candidats sélectionnés et, ce faisant, de choisir les candidats qui correspondent aux profils recherchés. Il s'agit ici, M. le Président, de faire un meilleur arrimage entre les besoins, par exemple, de main-d'oeuvre que nous avons et la qualification des personnes à qui nous tendons la main, en fait que nous voulons accueillir.

Les dispositions permettent actuellement au Québec de gérer les volumes donc par catégories et sous-catégories d'immigration et, à l'intérieur de chaque catégorie, de gérer les refus par le biais des grilles de sélection, grilles de sélection qui toujours visent à établir le niveau d'employabilité dans l'objectif bien sûr d'assurer une intégration qui soit la plus fructueuse possible. Rien cependant ne permet actuellement au Québec de contrôler la demande et de gérer les volumes en fonction de bassins géographiques.

Or, il s'agit ici de l'immigration économique. Et l'expérience des dernières années nous démontre que, sans contrôle de la demande, il est extrêmement difficile d'assurer une diversification de l'immigration et qui est exacerbée jusqu'à un certain point par l'industrie des consultants en immigration dans... bien, en fait l'industrie donc qui est très active dans certaines régions du globe. Il est donc devenu manifeste que des mesures utilisées jusqu'à maintenant pour assurer la diversification de l'immigration ne sont pas suffisantes.

Mme la ministre de l'Immigration l'a dit tout à l'heure, les mesures actuelles exposent le ministère à différentes poursuites et surtout peuvent créer d'importantes frustrations auprès de la population de notre clientèle qui est intéressée à venir s'établir au Québec. Donc, pour gérer l'immigration de façon responsable, M. le Président, et de façon transparente aussi, il est important d'assurer la diversification et la grande diversité de notre tissu socioculturel, et nous devons à cet égard-là posséder un meilleur contrôle sur la demande.

D'entrée de jeu, je crois qu'il est important de préciser que le pouvoir de suspendre la réception des demandes de certificat de sélection ne s'applique pas à toutes les catégories. En fait, ce pouvoir-là exclut donc les membres de la catégorie de regroupement familial et des personnes qui sont protégées au Canada. Théoriquement, le pouvoir de suspendre s'applique donc aux candidats travailleurs, aux candidats gens d'affaires et aux réfugiés et personnes protégées à l'étranger. Dans le cas des réfugiés et personnes protégées à l'étranger, les règles actuelles permettent cependant déjà une planification par bassins géographiques.

n(12 h 30)n

Dans les faits, la modification législative visant à donner à la ministre un pouvoir de suspendre la réception des demandes vise donc uniquement l'immigration économique, laquelle a représenté, en 2003, 60 % des admissions au Québec. Elle vient ajouter, cette modification à la Loi sur l'immigration, plus de souplesse, elle permet une meilleure réponse aux besoins du Québec et elle étend donc ? j'ai envie de dire en toute cohérence ? le pouvoir de planification par bassins géographiques, déjà reconnu à l'immigration humanitaire, à la catégorie de l'immigration économique.

Selon la Loi sur l'immigration, la sélection des candidats à l'immigration a notamment pour objet de contribuer à l'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec, à la stimulation de son économie et à la poursuite de ses objectifs démographiques, favoriser, parmi les ressortissants étrangers qui en font la demande, la venue de ceux et celles qui pourront s'intégrer avec succès au Québec. Les objectifs de stimulation économique et de poursuite d'objectifs démographiques sont pris en considération par la fixation des volumes dans l'exercice de la planification triennale. L'anticipation d'une intégration fructueuse au Québec est appréciée à l'intérieur de la grille de sélection qui évalue toujours, M. le Président, la compétence, l'employabilité des gens que nous désirons accueillir. Mais que fait-on quand, dans certaines régions du globe, plus de 20 000 dossiers sont en attente? C'est à cette question que ce projet de loi répond. Reste donc essentiellement l'objectif d'enrichissement du patrimoine socioculturel, et cet objectif est assuré notamment par la recherche de la diversification.

Et c'est cet objectif précis de diversification, de recherche de diversification du patrimoine que justifie donc ce pouvoir de suspension. En fait, le critère de base du recours à une mesure de suspension devrait être le trop fort volume de demandes émanant d'un bassin donné. Alors, il y aurait peut-être lieu de privilégier, par exemple, une balise mathématique et puis de déterminer que, pour un bassin de sélection de travailleurs ou de gens d'affaires, bien, qu'un bassin quelconque ne puisse représenter plus d'un certain pourcentage d'un volume total de sélection. Alors, la ministre, lors d'un prochain plan annuel d'immigration, pourrait éventuellement annoncer une prolongation de la période de suspension ? et le projet de loi, donc, l'inclut ? et annoncer également des règles devant lui permettre d'atteindre les objectifs de diversification de l'immigration en précisant, comme je viens de le dire, un pourcentage d'un bassin... en fait, un pourcentage requis ou fixé d'un bassin dont on cherche à assurer un maximum.

C'est certain, M. le Président, qu'il y a d'autres mesures qui peuvent être utilisées. Et une mesure à laquelle je pense, c'est celle de la grille... de la liste des professions inadmissibles. Cette liste-là, les professions inadmissibles, s'applique pour des cas vraiment spécifiques ? et la nomenclature de la liste le spécifie ? où il y aurait justement une trop forte demande pour une profession donnée ? c'est un exemple. La grille est toujours là, et donc on pourra imaginer éventuellement des mesures additionnelles.

Mais essentiellement, essentiellement, et comme la ministre le disait tantôt, le Québec est une société qui est très ouverte, qui est très inclusive, et le projet de loi qui est devant nous vise, tant qu'à moi, et j'en suis convaincue, la recherche d'une réelle diversité dans la construction de notre tissu socioculturel. Le projet de loi aussi répond à une réelle préoccupation que nous avons d'assurer une équité, une justice à tous ceux qui sont intéressés de venir s'établir au Québec, tous ceux et celles qui proviennent de tous les coins du globe. Et ce projet de loi fait en sorte... En fait, il s'appuie sur un processus de transparence qui est si essentielle pour la démarche dans laquelle s'engage le Québec. Et c'est pour ces raisons, M. le Président, que je vais appuyer le projet de loi et que je vais le faire avec plaisir, sachant fort bien que nous sommes tous interpellés dans cette responsabilité partagée pour l'avenir de notre communauté. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Chambly, et je reconnais maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communications, la députée de Prévost. Mme la députée de Prévost, pour votre intervention.

Mme Lucie Papineau

Mme Papineau: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. M. le Président, ce matin, j'interviens à titre de porte-parole officielle en matière d'immigration et communautés culturelles et j'aimerais intervenir sur ce projet de loi n° 53 que la ministre a déposé la semaine passée.

Ce projet de loi prévoit que, dans le plan qu'elle dépose à l'Assemblée nationale, en plus de prévoir, de préciser les niveaux d'immigration, la ministre devra établir les orientations qu'elle souhaite prendre à l'égard de la diversité du patrimoine socioculturel québécois. Comment on va découvrir ça? Est-ce que ça va être par décret? Est-ce que, tout d'un coup, on va voir ça dans la Gazette officielle?

Il faut noter, M. le Président, que le projet de loi prévoit que la ministre pourra indiquer, dans son plan, le nombre maximum de ressortissants étrangers qui pourront s'établir au Québec ou le nombre de certificats de sélection qui pourront être délivrés. Ce nombre pourrait être réparti par catégories d'immigrants ou par bassins géographiques. Il me semble, M. le Président, qu'on a déjà un règlement qui prévoit des conditions de sélection. On rajoute, dans ce projet de loi, cet élément de bassin géographique. Peut-on penser ici que ça pourrait être discriminatoire?

Le projet de loi prévoit que la ministre peut réglementer la profession de consultant en immigration en déterminant des catégories de consultants, des normes de qualification, les fonctions du ministère à l'égard de leur reconnaissance et les dispositions relatives aux infractions de ces consultants. Il faut noter que le projet de loi prévoit que les membres de certains ordres professionnels peuvent être exclus de cette réglementation. On pense ici aux gens du Barreau du Québec, Chambre des notaires et ordres comptables. Le projet de loi prévoit également, M. le Président, que la ministre peut suspendre la réception des demandes de certificats de sélection pour une période déterminée qui ne peut excéder un an. Encore une fois, cette suspension peut s'avérer pour un bassin géographique ou pour une catégorie d'immigrants. Ça veut dire quoi, ça, au juste, «catégorie d'immigrants»? Est-ce qu'on parle ici de réfugiés? Est-ce qu'on parle ici d'étudiants?

Cette mesure est rétroactive aux demandes reçues avant l'entrée en vigueur de la mesure, pour les demandes qui n'ont pas été étudiées. Eh bien, c'est là, M. le Président, où je trouve ce projet de loi le plus odieux. Quand on pense qu'il y aurait peut-être un jeune qui est en train d'apprendre le français pour venir au Québec ou un couple, par exemple, qui déciderait d'attendre d'avoir un enfant pour immigrer au Québec et qui, tout d'un coup... tout d'un coup, il apprend ou ils apprennent qu'ils ne peuvent plus venir au Québec parce que, justement, ils sont dans un pays que la ministre... sur lequel elle mettrait une étampe, où il ne faudrait pas aller chercher des immigrants.

n(12 h 40)n

Les différents groupes consultés considèrent à prime abord que la ministre s'octroie des pouvoirs de réglementation qui sont très grands. Les intervenants s'entendent pour dire que la ministre pourra prendre d'importantes décisions sans que personne ne soit consulté. Ils ont raison. Ils ont raison d'être inquiets, et on est d'accord avec eux. La ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration présente un projet de loi qui lui confère le droit de réglementer sur toutes sortes de matières sensibles. Elle pourra, après son adoption, faire paraître à la Gazette officielle des règlements qui pourraient avoir pour effet que le Québec cesse de recevoir des demandes de sélection de certains pays ou de certaines catégories d'immigrants.

Qui la ministre consultera-t-elle pour prendre de telles décisions? Et quels seraient les recours, M. le Président, de ces personnes qui seront touchées par ces décisions? Sur la base de quels critères la ministre choisira-t-elle de sélectionner les immigrants québécois dans certains pays et moins dans d'autres? Comment la ministre verra-t-elle à ce que la grille de sélection des immigrants demeure neutre face à l'appartenance ethnique, cette grille, M. le Président, dont elle dit qu'elle est réputée une des meilleures au monde, une des plus neutres?

On peut reconnaître ? d'ailleurs, la plupart des groupes le reconnaissent d'emblée ? que l'État souhaite se donner des balises pour encadrer les objectifs sociaux et démographiques de l'immigration. Par contre, les pouvoirs que la ministre souhaite se donner doivent absolument être précisés et encadrés. Il est nécessaire qu'elle se donne l'obligation de rendre des comptes à l'Assemblée nationale.

J'aimerais maintenant vous parler de l'article 12 de ce projet de loi, M. le Président. L'article 12 du projet de loi crée une situation où le gouvernement peut décider de refuser d'étudier des demandes de certains groupes toujours sur la base de leur pays d'origine ou de leur catégorie d'immigrants. Pire encore, le cinquième alinéa de l'article prévoit que cette mesure est rétroactive aux demandes reçues avant l'entrée en vigueur de cette mesure et qui n'ont pas été étudiées par le gouvernement. Ainsi, des personnes qui aspirent à vivre au Québec pourraient, des mois après avoir fait leur demande, se voir annoncer que le gouvernement refuse d'examiner leur demande et se voir obligées de recommencer leur projet d'immigration du début et de changer de pays de destination.

On pourrait croire que la ministre met cette mesure en place afin de vider les listes d'attente en provenance du pays du Maghreb où présentement quelques milliers de demandes sont en attente à la suite d'un flux important de demandes, dans les années 2001 et 2002, liées aux choix du gouvernement du Québec.

M. le Président, également la ministre veut réglementer la profession des consultants en immigration. Ce rôle ne lui revient pas. En ce qui a trait à la question des consultants en immigration, il faut dire que la proposition de la ministre pose un problème de cohérence avec le système professionnel en cours au Québec. Il semble que le gouvernement du Québec souhaite imposer ses propres règles par rapport aux décisions du gouvernement fédéral en matière de consultants en immigration. Cette modification à la Loi sur l'immigration est aussi un conflit entre le rôle étatique de gestionnaire sectoriel en immigration et le rôle étatique de gestionnaire des normes professionnelles.

Denis Coderre, alors ministre d'Immigration Canada, avait commandé un avis d'experts sur l'encadrement des consultants en immigration. À la suite du dépôt de ce rapport, la ministre Sgro, en décembre 2003, a déposé un projet de règlement à la Chambre des communes afin d'encourager les consultants en immigration à devenir membres d'un organisme indépendant d'autoréglementation de la profession: la Société canadienne des consultants en immigration qui, elle, avait été créée en octobre 2003. Ce règlement est en vigueur depuis avril 2004, et cet organisme est responsable d'établir ses propres normes d'adhésion, son code de conduite, ses mécanismes de traitement des plaintes, mais ne constitue pas un ordre professionnel.

Il faut savoir que la question des lois professionnelles est de juridiction provinciale. Le Conseil interprofessionnel du Québec, de même que les ordres professionnels concernés: Barreau du Québec, Chambre des notaires et ordres comptables réclament que seuls leurs membres sont habilités à exercer la profession de consultant en immigration, ce qui est sans doute la décision la plus sage.

Je voudrais aller de façon plus large, M. le Président. La ministre devrait peut-être plutôt se concentrer sur des questions d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants. Problématique de l'intégration en emploi, on parle de la reconnaissance des acquis. En commission parlementaire, ça a été un sujet qui a été fortement discuté, et j'aimerais vous raconter... Et c'est évident que c'est un des graves problèmes à l'accueil des immigrants. Chez nous, à Saint-Jérôme, j'ai reçu dans mes bureaux un Français qui avait des compétences... on appelle mécanicien de machine fixe mais qui, ici, pourrait très bien remplir le métier de plombier. Il avait effectivement trouvé un emploi, toute sa famille était installée ici, mais, parce qu'on ne lui reconnaissait pas ses acquis, il n'a jamais été capable d'occuper l'emploi qu'un employeur de ma région lui offrait. C'est la même chose au niveau, je vous dirais, des professionnels. Les médecins, par exemple. Que c'est difficile pour un médecin de l'extérieur de venir s'établir au Québec et d'y pratiquer ou d'adhérer à l'Ordre des médecins!

Également, j'aimerais aborder la problématique de la francisation des immigrants. On sait qu'il y avait eu des compressions, il y a eu des manifestations suite à ces compressions. Et j'aimerais citer Pratte qui disait que la réduction des mesures financières d'incitation à la francisation lui semblait être une mesure très imprudente. Et je pense que le gouvernement s'en est rendu compte, puisque, suite aux manifestations d'immigrants, de professeurs, de citoyens qui sont d'accord que les immigrants ont droit au français, suite à ces manifestations, le gouvernement a reculé. On sait que les allocations à la francisation avaient été coupées de 150 $ à 30 $ et que, heureusement, grâce à toutes ces revendications, grâce à toutes ces manifestations, grâce à tous ces gens qui étaient préoccupés par le fait français du Québec, eh bien, le gouvernement a écouté, a compris qu'il avait fait fausse route et a ramené les allocations à 115 $.

n(12 h 50)n

Également, j'aimerais vous parler de la problématique de la régionalisation des immigrants. Heureusement, chez nous, M. le Président, nous avons plusieurs communautés, plusieurs personnes immigrantes qui arrivent de plusieurs pays. Le Québec est une société ouverte, le Québec est une société qui accueille les immigrants. Mais, par contre, en région, il faut aussi les intégrer, et nous avons des organismes qui ont une volonté, mais forte et passionnée, de vouloir les intégrer à la société québécoise. Ces organismes les accueillent, leur trouvent du logement, les aident à intégrer la société québécoise, et ceci, à tous les niveaux. Mais, malheureusement, ces organismes sont sous-financés. Mais, en région, il faut, M. le Président, je pense, insister sur le fait que les immigrants peuvent adhérer à la société québécoise en région. Et, vous savez, les communautés, les régions ont très hâte d'accueillir des immigrants. Alors, M. le Président, si nous faisons le choix d'accueillir plus d'immigrants, il faut le faire équitablement pour toutes les clientèles de tous les pays.

Je conclurai mon intervention en mettant la ministre en garde contre certaines orientations qu'elle semble souhaiter... souhaiter prendre à l'égard de la sélection des nouveaux arrivants.

Nous avons pris connaissance du projet de loi n° 53 et nous sommes très inquiets des pouvoirs réglementaires importants que la ministre veut se donner à l'égard de la sélection des nouveaux arrivants, notamment par bassins géographiques. Le moins qu'on puisse dire, M. le Président, c'est que ces orientations sont très discutables. On considère ce projet de loi prématuré, et ça nécessite des réflexions en profondeur.

Motion de report

C'est pour cette raison, M. le Président, que je dépose cette motion de report qui dit:

Que la motion en discussion actuellement soit modifiée en retranchant le mot «maintenant» et en ajoutant, à la fin, les mots «dans cinq mois».

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la députée de Prévost. J'ai entendu votre motion de report, et vous avez le droit de proposer une telle motion à ce moment-ci. Alors, on accueille la motion de report.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui. Un instant! Oui, M. le leader adjoint du gouvernement, excusez-moi.

M. Mulcair: Ce que je proposerais, étant donné l'heure: qu'on prenne un peu de temps pour faire le partage du temps pour la motion qui est, comme vous venez de le dire, tout à fait recevable, et on pourra commencer le débat de deux heures à partir de 15 heures cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je sens qu'il y a consentement, alors je n'ai pas d'objection.

Alors, on va suspendre quelques minutes pour venir annoncer que la réunion des leaders a permis de s'entendre quant à la répartition du temps pour débattre de la motion de report. Alors, je suspends la séance pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 53)

 

(Reprise à 12 h 54)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, nous reprenons nos travaux.

Tout simplement, suite à l'échange avec les leaders des deux formations politiques en présence, je vous informe de la répartition du temps de parole pour la motion qui a été présentée tantôt, une motion de report.

Motion de deux heures. Alors, il y a 10 minutes qui seront accordées aux députés indépendants, et le reste du temps sera réparti de façon égale entre les deux groupes parlementaires. Puis le temps qui ne sera pas utilisé par l'un des groupes pourra être utilisé par l'autre groupe, et le temps non utilisé par les députés indépendants sera réparti équitablement entre les deux groupes. Cependant, la présidence souhaiterait effectivement que, pour ce qui est du temps de parole réservé aux députés indépendants, ce serait intéressant que ces derniers informent la présidence s'ils ont l'intention d'utiliser ou pas le temps qui leur est imparti pour permettre de mieux planifier les travaux.

Alors et sur ce, je suspends les travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

 

(Reprise à 15 h 7)

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci. Veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Alors, l'Assemblée entreprend le débat de deux heures sur la motion de report de l'adoption du principe du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, présentée ce matin par la députée de Prévost.

Et je vous annonce tout de suite que, selon les informations que j'ai eues, le temps de parole alloué aux indépendants sera partagé entre les deux formations politiques ici présentes. Et je cède la parole au premier intervenant, qui serait Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, j'interviens sur cette motion de ma collègue la députée de Prévost, porte-parole de l'opposition en matière de relations avec les citoyens et de l'immigration, pour souhaiter, M. le Président, que cette motion de report de l'étude du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, donc, pour souhaiter que cette motion de report à l'ouverture de nos travaux parlementaires en octobre prochain soit adoptée.

M. le Président, je crois qu'il serait très sage que le gouvernement puisse utiliser les semaines qui viennent et les prochains mois pour tenir des consultations plus approfondies, notamment sur la question relative à la suspension de la sélection dans un certain nombre de bassins géographiques dans le monde. Pourquoi est-ce qu'il me semble très sage que les prochains mois puissent servir à réfléchir sur les conséquences et sur la gravité de ce qui est introduit dans le projet de loi n° 53 et les conséquences que cela peut avoir non seulement sur la perception du Québec à l'étranger, mais aussi sur la perception que les Québécois peuvent avoir de l'immigration de ces régions, qu'on ne nous fait pas connaître maintenant, mais qui seraient mises au ban?

n(15 h 10)n

D'abord, M. le Président, il y a un certain nombre de précédents récents qui ont amené le gouvernement, avec raison, à revenir sur certaines de ses décisions. Je pense en particulier au rétablissement des allocations à la francisation. Et ma foi, M. le Président, je félicite la ministre qui a réussi à obtenir que les fonds qui lui avaient été enlevés, soit une enveloppe de 24 millions de dollars, lui soient, en partie du moins, réinjectés, je pense aux 16 millions de dollars pour mettre en oeuvre le plan d'action que la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration a rendu public hier. Et ces fonds supplémentaires qui lui avaient été initialement enlevés lors de l'étude des crédits il y a à peine quelques semaines maintenant et qui lui sont maintenant réinjectés vont permettre de rétablir les allocations de formation de 115 $ pour les immigrants inscrits à des cours de français.

Alors, c'est donc dire que le temps porte conseil, M. le Président, puisque cette décision avait suscité un tollé. Cette décision d'abolir les allocations de formation pour les remplacer par des allocations de participation de 30 $ seulement, ça a provoqué un tollé, et finalement il a donc fallu une mobilisation de l'opinion publique pour que le gouvernement revienne sur cette décision.

Alors, je pense qu'il doit en être ainsi également pour les dispositions que l'on retrouve dans le projet de loi n° 53, pour certaines de ces dispositions du moins. Je comprends que celles des dispositions qui ont à voir avec les... Certaines de ces dispositions ne posent pas problème, mais certaines autres, M. le Président, sont d'une gravité telle que cela justifie la motion qui est devant nous cet après-midi. Je fais évidemment référence à l'article 12 du projet de loi n° 53, qui donne une discrétion au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration pour suspendre la réception des demandes de certificat de sélection et pour renouveler cette suspension, d'autant plus que cette disposition contenue au projet de loi n° 53 a un caractère rétroactif aux demandes qui ont été reçues avant l'entrée en vigueur de la mesure.

M. le Président, je comprends que la ministre plaide ses bonnes intentions, et j'ai écouté avec intérêt le discours qu'elle a fait ici même, en cette Chambre, ce matin, et je dois cependant conclure que les bonnes intentions ne suffisent pas. Je ne les mets pas en doute, les bonnes intentions, mais on juge un arbre à ses fruits et on juge une loi non pas aux bonnes intentions de son auteur, mais aux dispositions que l'on retrouve dans cette loi.

M. le Président, ce qui m'inquiète, c'est d'abord ces déclarations diffuses à l'effet que nous ne reconnaîtrions plus la diversité culturelle dans notre société parce qu'une partie importante de notre immigration viendrait principalement des pays tels le Maroc, la Tunisie ou l'Algérie, pays que l'on appelle communément les pays du Maghreb. Et, si la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration pense qu'il y a là un problème, qu'elle le dise, alors que, finalement, là, on tourne autour d'une problématique qui a amené la ministre, entre autres dans certaines déclarations, je cite Le Soleil, 26 mai ? c'était hier ? et je la cite: «Actuellement, il y a des demandes très fortes, presque trop fortes...»

Qu'est-ce que ça signifie «presque trop fortes»? On devrait se réjouir d'être attractifs, on devrait se réjouir d'avoir plus de demandes que nous n'en avons eues dans le passé.

Alors, je continue: «Actuellement, il y a des demandes très fortes, presque trop fortes, de certains bassins géographiques qui font que l'on pourrait accueillir 100 % de notre immigration de deux ou trois pays seulement...»

Qu'est-ce que c'est, ça, M. le Président, laisser planer cette espèce de menace diffuse qui nous viendrait de ces deux, trois pays? Et pourquoi est-ce qu'on accueillerait 100 % de notre immigration de ces deux, trois pays?

M. le Président, notre immigration est exemplaire dans le monde parce qu'elle repose sur une grille de sélection, grille de sélection qui est appliquée uniformément, sans distinction raciale, sans distinction d'origine. Alors, M. le Président, de quoi s'agit-il maintenant?

Il s'agit... Avec le projet de loi tel que présenté, il s'agit donc à la ministre de se donner le pouvoir de suspendre la réception des demandes de sélection pour certains pays, une certaine partie du monde, alors que, M. le Président, on voit bien l'intention nette, là, qui est introduite avec cette disposition.

Parce que la loi actuelle a déjà un dispositif lorsque la demande d'immigration de l'étranger excède l'offre que l'on a faite étant donné qu'on établit très démocratiquement ? puis j'en suis très fière ? qu'on établit des seuils d'immigration qui sont discutés en commission parlementaire. Et je suis convaincue, M. le Président, que vous-même, comme beaucoup de membres de cette Assemblée, ont eu l'occasion d'échanger avec des délégations de parlementaires de Parlements étrangers pour leur expliquer ce que nous avions mis en place comme débats publics sur ces seuils d'immigration.

Alors, M. le Président, une fois qu'il nous semble que ces seuils vont être dépassés parce que la demande est trop forte, il y a un dispositif qui existe actuellement dans la loi, qui n'a pas encore été utilisé puisque la demande de sélection n'excédait pas nos seuils, il y a un dispositif dans la loi qui permet au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration de suspendre, mais de suspendre uniformément les demandes qui viennent de l'étranger, et non pas de le faire en discriminant. Parce que, M. le Président, je veux bien les discours de... j'ai bien entendu les discours de la ministre à l'effet qu'il y avait ouverture, mais cela devient de la discrimination systémique, cela devient de la discrimination introduite dans une loi, qui consiste à dire: Le bassin géographique de tel pays, vous, là, oubliez ça, on ne vous recevra pas. Même si vous correspondez à toutes les conditions de notre grille de sélection, on vous ferme l'accès, on ferme la porte.

M. le Président, je préfère que nous parlions franc. Et, quand on parle franc, alors on relit notamment les interventions en commission parlementaire le 17 février dernier, lorsque la ministre, en réponse à une présentation faite par la président de l'Association des avocats en droit de l'immigration... Alors, la ministre répond, en parlant du Maghreb, puisque c'est du Maghreb dont il s'agit... Pourquoi est-ce que la ministre et les membres du gouvernement n'en discutent pas de manière transparente, M. le Président? Elle disait ceci le 17 février dernier, alors: «Ça suscite une problématique.» Elle disait: «Il faut comprendre que nous pourrions accepter 100 % des nouveaux arrivants provenant du Maghreb.» Toujours cette espèce de menace, là, diffuse, qui est répétée le 17 février dernier, en commission parlementaire, hier dans le journal Le Soleil. Et on ajoute ceci: «Ça suscite une problématique. Ça suscite une problématique qui est préoccupante. Alors, le Québec, ajoute-t-elle, a toujours été très fier, tous gouvernements confondus ? elle a raison ? de ne pas fonctionner par voie de quotas.»

Alors, pour éviter les quotas, en disant: Voilà, on en reçoit tant de tel pays et tant de tel pays, puisqu'on a une grille de sélection et que, selon les dates d'arrivée des demandes, on les traite, n'est-ce pas, à partir de cette grille de sélection uniformément appliquée, alors elle introduit, pour ne pas le dire clairement, en disant: Voilà, on va fonctionner avec des quotas, elle ferme complètement des bassins géographiques dans certains pays. Mais, M. le Président, comment appeler ça autrement que de la discrimination? En disant: Vous, vous correspondez à notre grille de sélection, notamment dans cette grille de sélection où on réclame que les demandeurs de statut d'immigrant indépendant... Parce que là il s'agit d'immigrants indépendants qui viennent ici pour travailler et qui doivent, en répondant aux grilles de sélection, correspondre à une série de conditions d'employabilité et de francisation. On leur dit: Non, vous y correspondez, mais, comme vous êtes dans un pays où on a fermé l'accessibilité, alors, vous, ce sera non. Comment appeler ça autrement, M. le Président, que de la discrimination? Je ne vois pas d'autre mot que cela. D'autant plus que, si on y regarde de près, de quelle menace s'agit-il? Qu'est-ce qu'on veut éviter, en introduisant un dispositif comme celui qu'on retrouve à l'article 12 et qui, finalement, ferme complètement l'immigration québécoise à certains pays? Qu'est-ce qu'on veut éviter?

n(15 h 20)n

Alors, les chiffres qui ont été cités en commission parlementaire, je les reprends ici. Alors, on parle évidemment toujours de travailleurs économiques, mais ceux que je vais citer, en termes de travailleurs indépendants, montrent bien que la réalité de l'immigration en provenance du Maghreb est la suivante: En 2001, il y a eu 7 317 certificats de sélection du Québec qui ont été accordés; en 2002, il y en a eu 5 591; en 2003, 4 500; puis en 2004, 3 970 ? il s'agit de prévision pour 2004. Alors, on voit bien que, si on additionne ? là, cette fois, je vais citer la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration; alors, si on additionne ? l'ensemble des personnes provenant des trois pays du Maghreb que je mentionnais, donc la Tunisie, l'Algérie et le Maroc, l'an dernier, le Québec a accueilli 9 000 personnes provenant du Maghreb, sur 39 000, c'est-à-dire 23 %. Alors, où est la menace de l'hégémonie, hein? Parce que, d'un côté, j'entendais le discours qui plaide sur la diversité, même dans les communiqués de presse, sur la diversification de notre immigration. Alors, où est le problème? Où est le problème, M. le Président? Qu'est-ce qu'on veut, qu'est-ce qu'on veut résoudre, et pourquoi utilise-t-on cette manière discriminatoire?

S'il n'y a pas d'intention... Je ne veux pas prêter d'intention coupable. Alors, c'est malhabile, c'est maladroit. Il faut que le gouvernement, avant d'adopter le principe ? parce que c'est du principe du projet de loi n° 53 dont il est question maintenant, là, cette semaine, à l'Assemblée; avant d'adopter le principe ? du projet de loi... pourquoi ne pas procéder, M. le Président, aux consultations qui devront se dérouler en commission parlementaire? Il est déjà prévu que de telles consultations auront lieu. Pourquoi ne pas tenir des consultations approfondies et certainement prendre le temps qu'il faut, M. le Président, avant de nous engager dans cette direction sans précédent, qui nous amène à discriminer en fonction non plus d'une grille de sélection uniformément appliquée, mais en fonction des pays de provenance?

Moi, je vous le dis, M. le Président, là, le gouvernement précédent aurait fait ça et puis je crois que la majorité de ceux qui sont ici aujourd'hui auraient crié au meurtre, parce que, avec raison, ils auraient dit: Mais voyons! comment prétendre introduire de la discrimination systémique dans la sélection que nous faisons à l'étranger? Alors, M. le Président, tout ça pour faire semblant qu'il n'y a pas de quota, parce que, essentiellement, la ministre fait indirectement, par le projet de loi, ce qu'elle dit être fière de ne pas faire directement.

Alors, voilà l'essentiel du commentaire que je voulais apporter, M. le Président. Et que l'on soit transparent, que l'on soit clair et direct avec les demandeurs de certificat de sélection, qu'on leur dise clairement les délais. Ou, si on considère avoir un surplus de demandes, alors je rappelle qu'il est toujours possible, en vertu de nos lois actuelles, il est toujours possible, mais d'une manière uniforme, pas en discriminant, il est toujours possible de suspendre. Je voudrais d'ailleurs vous lire à ce sujet le dispositif à cet effet, mais il est toujours possible de le faire, M. le Président, et je crois que cela peut administrativement s'expliquer, cela peut administrativement se justifier. Mais ce qui est certainement injustifiable, c'est un profil racial pour faire la sélection des immigrants du Québec. Alors, voilà, M. le Président.

Et cette motion permet au gouvernement de se donner le temps qu'il faut pour ceux des députés et des ministres qui n'ont peut-être pas été très au fait de toutes les conséquences que l'adoption de principe d'un tel projet de loi peut avoir. Moi, j'engage la ministre et le gouvernement à y réfléchir très sérieusement avant d'adopter le principe d'un projet de loi comme celui-là. Ça peut lui rester très longtemps. Alors, je tiens, M. le Président, à ce qu'on prenne le temps qu'il faut pour y réfléchir et je souhaite que le gouvernement comprenne que c'est une voie qui est pleine d'embûches, pleine d'embûches et de discrimination est la voie dans laquelle il voudrait engager l'immigration du Québec, et qu'il vaut mieux certainement... Comme ce fut le cas encore récemment en matière d'allocation pour la sensibilisation des immigrants, il vaudrait mieux y réfléchir à deux fois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, merci, Mme la députée. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant qui serait Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. le Président, ça me fait plaisir de reprendre la parole cet après-midi pour justement apporter un bon nombre de réponses à ceux qui ont pris la parole ce matin, ceux et celles, et à la députée particulièrement d'Hochelaga-Maisonneuve, cet après-midi.

M. le Président, je remarque que, ce matin, un ex-ministre de l'Immigration a pris la parole de même que, cet après-midi, une ex-ministre de l'Immigration a pris la parole. Je suis certaine que tous les deux, ils se rappellent clairement des modes de fonctionnement de la Loi de l'immigration. Si ce n'est pas le cas, ça me fera plaisir de leur rappeler que ce problème que nous vivons aujourd'hui et qui nécessite un projet de loi s'est amorcé en 2000-2001, qu'en 2002, lorsque le gouvernement était là, il pouvait tout à fait anticiper la problématique que nous avons en pleine figure aujourd'hui, M. le Président. Et, si nous devons déposer un projet de loi, c'est encore une fois à cause de la mauvaise gestion de ce gouvernement en matière d'immigration.

M. le Président, je vais vous expliquer clairement la situation et je vais vous expliquer clairement qu'actuellement il y a 34 000 personnes qui sont en attente de traitement de dossier. Pourquoi? Parce qu'on ne leur a pas dit, à ces personnes qui sont en attente, que la situation, une fois qu'on faisait la demande, ne pouvait pas être accélérée, d'une part, parce que, en fonction des niveaux que le gouvernement précédent avait émis publiquement, on n'avait pas cette capacité d'accueil.

Et eux-mêmes qui avaient déjà des reculs, des reculs pour certains bassins géographiques... sous leur gouvernement il y a des chiffres qui ont diminué, ils ont accepté moins de personnes provenant de ces mêmes bassins géographiques, mais, pendant ce temps-là, la demande, elle, continuait d'affluer pour toutes sortes de raisons, certaines dont j'ai expliquées ce matin, et pour toutes sortes de raisons.

Et, pendant ce temps-là, les dossiers de demandes s'accumulent, s'accumulent. Aujourd'hui, on est rendu à 19 000 demandes non traitées. Je vous dirais, là, que, du 19 000 demandes, là, il y en a au moins 15 000 qui datent du gouvernement précédent, M. le Président. Ce 19 000 demandes représente 34 000 personnes qui ne savent pas à quoi s'en tenir et qui, de surcroît, ont payé pour avoir un dossier ouvert au ministère de l'Immigration.

Comment se fait-il, M. le Président, qu'aujourd'hui on crie à la discrimination? Je trouve ça particulièrement osé d'utiliser les termes que j'entends pour demander un report de cinq mois. M. le Président, c'est urgent. Pourquoi, c'est urgent? Parce qu'il y a des gens qui vivent d'espoir, ce sont des êtres humains qui vivent d'espoir, et on a l'obligation et la responsabilité de leur dire en vertu de quelles règles ils seront ou non admis.

n(15 h 30)n

Le député de Gouin, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve nous disent qu'en 1999 ils ont adopté un amendement pour permettre la suspension et permettre de suspendre des certificats de sélection par catégories ? par catégories ? et, M. le Président, ce projet de loi ne remet en cause d'aucune façon la valeur des critères de sélection.

Notre grille de sélection dans ce contexte-là n'est pas mise en cause à l'heure actuelle. Sauf que, même si on suspend ? et je fais appel à leur bonne mémoire ? même si on suspend les certificats de sélection, ça n'empêche pas les demandes d'arriver parce qu'on n'a pas, dans la loi actuelle, les moyens de stopper les demandes qui nous arrivent de tous les pays; on ne peut que suspendre un certificat de sélection.

Et c'est là où le bât blesse parce que, même si on suspend les certificats de sélection puis que les gens continuent à vouloir venir immigrer et à déposer leur demande et à payer les honoraires pour étudier leur dossier, on n'a rien réglé, on se retrouve encore avec des milliers de dossiers qui s'ajoutent et pour lesquels ces gens-là ne savent pas à quoi s'en tenir.

Et ça, M. le Président, on appelle ça du respect. On va se donner les moyens de rendre notre façon de faire ouverte et transparente; on va mettre les cartes sur table et on va le dire publiquement. Pourquoi penser que, parce qu'on se donne des règles, ça veut dire qu'on va discriminer et qu'on va diminuer? Qui a parlé de diminuer certains bassins? Si vous regardiez attentivement les données qui sont sur la table, non seulement on ne va pas diminuer, on va les augmenter. Pourquoi? Parce que ce sont d'excellents candidats qui maîtrisent très bien la langue française, qui sont scolarisés, qui sont compétents. Et jamais, M. le Président, on ne me fera dire le contraire de ce que j'affirme actuellement. Et jamais on ne me fera dire que le gouvernement veut être discriminatoire ou encore sélectionner selon la race et selon l'origine ethnique.

Ne confondons pas. Ne confondons pas ici ce dont il s'agit. Et c'est très facile de perdre tout le monde, c'est facile de mélanger tout le monde parce que, oui, c'est technique, oui, c'est compliqué et il faut être très au fait pour être capable de bien cerner toute la problématique qui en découle. Mais notre objectif, c'est très certainement de faire en sorte qu'au contraire ces gens-là vont savoir à quel moment leur délai... leurs dossiers seront traités.

M. le Président, quand nous sommes arrivés le 29 avril 2003, ces mêmes dossiers qui étaient déjà en attente avaient un délai de 36 mois d'attente, et le précédent gouvernement n'a rien fait pour régler ce 36 mois d'attente. Est-ce que c'est normal que quelqu'un qui veut venir s'installer au Québec doive attendre 36 mois, pas pour qu'on lui dise oui ou non, qu'on commence à traiter son dossier? Alors, évidemment ça s'est poursuivi en 2003, et là on se retrouve avec des délais qui sont inacceptables. Alors, qu'on veuille se donner des outils et des moyens pour être capables, en fonction de notre capacité d'accueil, en fonction de notre grille de sélection, où la compétence et la catégorie de travailleur seront toujours un élément déterminant, qu'on veuille se donner des outils pour être capables de bien traiter, en toute équité et en toute justice, ces dossiers-là, M. le Président, je pense que c'est tout simplement le signe d'un gouvernement responsable.

Qu'est-ce qu'on fait? Parce que, si on utilisait la méthode proposée par les députés d'en face, c'est-à-dire suspendre par catégories, je regrette, il y a une autre règle de justice administrative et de bonne application administrative qui fait qu'on doit évaluer sur l'ordre chronologique d'entrée des dossiers. Ça, on a tendance à l'oublier. Alors, même si on arrête et on suspend par catégories de travailleur ou par catégories de ceux qu'on accepte, ça ne règle pas le problème. Est-ce qu'on va accueillir, sur 40 000 personnes, 34 000 personnes qui proviennent du même bassin géographique? Qu'est-ce qu'on fait avec ceux de l'Afrique noire? Qu'est-ce qu'on fait avec ceux de l'Asie? Qu'est-ce qu'on fait avec ceux de l'Amérique latine qui sont aussi en attente? C'est là que le bât blesse, et ça, j'aimerais bien que les députés d'en face me donnent la réponse à cette question-là. Est-ce que le Québec veut effectivement...

Et ça ne porte aucun jugement sur la valeur des candidats, ce que je suis en train de dire. Ce que je suis en train de dire, c'est: Est-ce qu'on veut que, sur 40 000 personnes qui entrent, il y en ait 34 000 qui proviennent du même pays ou de deux ou trois mêmes pays? Et ça ne me fait pas juger encore une fois la valeur des individus et ça ne me fait pas douter de leur compétence et de leur capacité. Ça a à voir avec une capacité juridique de pouvoir bien régler administrativement des dossiers, M. le Président. Et ça, les députés d'en face sont très, très au fait de cette situation-là. Et non seulement ça, M. le Président, je me rappelle très bien qu'en commission parlementaire je me suis assise avec la députée de Prévost, qui est la critique de la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, et avec sa recherchiste pour avoir très bien expliqué cette situation, pour avoir donné tous les éléments d'information et tout le détail des conséquences de cette situation-là sur nos choix en matière d'immigration. Alors, malheureusement, on est obligés d'avoir ce projet de loi là pour corriger les erreurs du passé, M. le Président.

Ce matin, le député de Gouin me disait: Écoutez, la ministre fait de la fausse représentation, elle nous dit qu'elle va... que son gouvernement veut accueillir plus d'immigrants. Or, dans le document sur la planification, en 2004, ce ne sera pas une croissance, ça va être une diminution. M. le Président. Encore une fois, c'était un ex-ministre de l'Immigration qui parlait ce matin. D'abord, vous dire que la diminution, là, dans le tableau, c'est 200 personnes. Moi, je parlerais davantage d'une stabilité que d'une diminution. Et savez-vous pourquoi l'année 2004 reste au même niveau? Parce que c'est justement le gouvernement précédent qui avait établi ces mêmes prévisions, parce que ça se fait sur une période, avec un décalage de 12 à 18 mois, parfois 24 mois, et que ces prévisions étaient établies en fonction de leur promotion et de leur recrutement, M. le Président. Il ne s'en rappelait plus. Parce que, moi, M. le Président, ce que j'ai déposé cette semaine, c'est une croissance modérée pour 2005 à 2007. 2004, c'est encore les restes de l'administration précédente. Alors, M. le Président, quand je regarde la situation, je vous dirais que...

La députée d'Hochelaga-Maisonneuve disait: Où est le problème? On est attractifs, c'est extraordinaire, on ne devrait pas se plaindre, on ne devrait pas être mécontents d'avoir une trop forte demande et d'être attractifs. Écoutez, on peut effectivement se réjouir, on peut effectivement lancer tous ces chiffres en l'air, on peut se vanter, on peut se vanter d'être attractif, mais les gens d'en face ont trop souvent oublié qu'à la fin de la journée, à la fin du mois puis à la fin de l'année, c'est des gens qui sont là-bas, qui attendent. Et, nous, tout ce qu'on veut, c'est de pouvoir légalement être capables de leur donner les bonnes réponses par rapport à une mécanique qui est transparente par rapport à ce qu'on a à faire.

C'est facile, de dire qu'on ne gère que les certificats de sélection. Mais je répète ma question, M. le Président: Comment auraient-ils... Et d'ailleurs ils ne l'ont pas fait. Comment devons-nous arrêter les gens qui font des demandes? Parce que légalement on ne peut pas empêcher quelqu'un de faire une demande et de payer. Je ne peux pas leur dire: Écoutez, non. En vertu de quoi je vais empêcher cette demande-là? Et c'est pour ça, le projet de loi. Le projet de loi, il veut effectivement pouvoir ajuster cet aspect-là de la question.

n(15 h 40)n

Cela dit, il y a une autre chose que les... Il ne faut pas oublier, je l'ai dit ce matin ? je vais le répéter: la ministre peut effectivement recommander la suspension, mais ce n'est pas la ministre qui décide. La suspension, elle doit être approuvée par le gouvernement. Et, moi, j'y vois une nuance très importante, très, très, très importante justement parce que c'est une question sérieuse. Si c'est une question sérieuse, ce ne sera pas un ou une ministre, seule dans son bureau avec ses fonctionnaires, qui va la prendre, cette décision-là. Et cette décision-là, elle devra faire l'objet de critères, de raisons, de justifications. Il y aura des chiffres qui seront déposés, il y aura des situations, des contextes, des évolutions qui seront déposés comme eux ont été obligés de le faire en 1999 parce que tout à coup il y a eu des changements de règles au fédéral, puis, tout à coup, par catégories, chez les investisseurs, il y a eu une recrudescence de demandes qui étaient difficilement gérables.

Qu'est-ce qu'ils ont fait, M. le Président? Ils ont fait ce que je fais aujourd'hui. Ils ont déposé un projet de loi pour répondre à la situation de l'époque. Aujourd'hui, en 2004, c'est une situation historique. Ce que nous vivons aujourd'hui, nous ne l'avons jamais vécu auparavant: il y a plus de demandes que la capacité d'accueil peut le prendre. Mais, moi, je pense que ce serait une grave erreur, M. le Président, qu'on concentre... puis en toute justice pour les autres pays, en toute justice pour ceux et celles qui, dans d'autres continents, attendent. C'est drôle qu'ils ne m'en ont pas parlé de ça aujourd'hui. Ils veulent juste me parler du Maghreb, mais, ce qu'on vit aujourd'hui avec le Maghreb, là, ça pourrait être aussi bien... se passer en Asie que ça pourrait se passer dans un autre continent. Alors, moi, je ne pointerai pas le Maghreb et je ne pointerai pas des pays en particulier parce que ce n'est pas ça le but de mon propos.

Et je veux éviter justement de faire ce que, eux, ils font parce que j'ai trop de respect pour ces communautés-là, j'ai trop de respect pour des communautés qui arrivent ici, puis qui en arrachent, puis qui ont de la difficulté. Et je suis la première à les rencontrer et j'ai été la première à déposer ce plan d'action là pour leur venir en aide. Puis là la mise en oeuvre et la réalisation de ce plan d'action vont se faire avec ces gens-là. Alors, M. le Président, je n'accepterai jamais qu'on accuse le gouvernement actuel de pratiquer de la discrimination. C'est trop facile d'utiliser des grands mots qui effectivement frappent l'émotivité des gens.

Et, quand on parle de consultations, M. le Président, je tiens à dire à cette Assemblée de même qu'à mes collègues que, oui, nous avons consulté et nous avons consulté la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Et savez-vous quoi? Mis à part quelques accommodements qui seraient... qu'on discutera avec le président de la commission, la semaine prochaine, en commission parlementaire, dans leur avis, bien, pour eux, là, ce n'est pas discriminatoire, de procéder par bassins géographiques. On ne parle même pas de pays, là; on parle d'un bassin géographique justement pour éviter de pointer un pays en particulier, parce que ça peut se passer dans n'importe quelle situation du monde. Or, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse nous dit qu'on n'est pas contre la Charte des droits et libertés et qu'effectivement ce n'est pas discriminatoire de procéder de cette façon.

Alors, oui, nous avons consulté, M. le Président. Oui, nous avons consulté les communautés concernées pour le problème que nous avons actuellement; oui, nous avons consulté aussi la Table de concertation des réfugiés; oui, on a consulté et non seulement on les a consultés en préparant le projet de loi, mais on va les recevoir la semaine prochaine. On va poursuivre la discussion avec eux, la semaine prochaine. Alors, M. le Président, je pense que j'inviterais les députés de l'opposition... Ils veulent m'inviter à la prudence; moi aussi, je vais les inviter à la prudence, parce que je pense que, si on n'agit pas de façon responsable, c'est peut-être à ce moment-là qu'on va ébranler un consensus social et on va surtout, surtout continuer à être discriminatoires dans la façon de traiter les délais de dossiers... dans la façon de traiter les dossiers. Et c'est là que les députés d'en face me disent que c'est normal qu'il y ait 19 000 demandes en attente. Et, croyez-moi, ce n'est pas une question de ressources puis... Non, je m'excuse, ce n'est pas une question de ressources.

Et qu'est-ce que vous avez fait? Le problème a commencé en l'an 2000. Est-ce que vous en avez rajouté, vous, des ressources, de 2000 à 2003? Qu'est-ce que vous avez fait, vous, pour accélérer le traitement de ces dossiers-là de 2000 à 2003? C'est facile aujourd'hui, dans l'opposition, de dire: Regarde, ça ne change pas la problématique, ça ne change pas la problématique. Et, s'ils étaient honnêtes, M. le Président, ils me le diraient s'ils accepteraient, sur 40 000 nouveaux arrivants... s'ils en accepteraient 34 000 du même bassin géographique, peu importe le bassin géographique. Prenons pour exemple que c'est l'Asie, parce qu'il y a déjà eu des problèmes avec l'Asie. Prenons l'exemple de Hong Kong ou de la Chine. Il y a déjà eu des années où il y avait une pression forte de demandes par rapport à ces pays-là. Alors, arrêtons de pointer du doigt un bassin géographique. Dites-nous comment vous auriez réagi à partir de ce moment-là.

M. le Président, quand... Ils en voulaient, des réponses. Bien, je pense que, cet après-midi, ils en ont, des réponses. Je pense que je peux difficilement être plus claire. Moi, j'aimerais, M. le Président... Et, je vous dis, l'urgence, là, pour moi, je le répète, c'est au nom des êtres humains. Ce n'est pas de la bureaucratie, ça, M. le Président, c'est des êtres humains qui sont en droit de savoir comment on va... et à quel moment et comment on va traiter leurs dossiers en toute justice et équité, avec compassion pour l'ensemble des autres pays qui sont en demande, l'ensemble des autres citoyens des autres continents qui veulent aussi avoir le droit de vivre au Québec, de se rebâtir une vie meilleure au Québec, M. le Président. Et c'est ça, l'urgence. Et je vous rappelle que l'urgence, c'est pour corriger l'erreur du précédent gouvernement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, Mme la ministre. Le prochain intervenant sera le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques. M. le député.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, jamais deux sans trois, pour faire plaisir à l'actuelle ministre. Jamais deux sans trois, donc je serai le troisième.

M. le Président, il y a deux choses qu'il va falloir distinguer. La ministre, d'entrée, lorsqu'elle a présenté le principe de son projet de loi, a fait allusion à la commission parlementaire qui s'est tenue, qui a été ? je suis en mesure de porter une évaluation, de faire une évaluation ? une excellente commission parlementaire. J'ai eu d'ailleurs le plaisir d'en faire une avec l'actuelle vice-première ministre, qui était ministre de l'Immigration à l'époque, où on a adopté, pour la première fois, une politique d'immigration au Québec, une politique d'immigration ? et il faut se le rappeler d'ailleurs ? que nous avions votée à l'unanimité. Vous étiez présent, M. le Président, et vous vous en êtes réjoui avec tout le monde. Mais il y a une chose par contre que la ministre, malheureusement, ne dit pas, c'est que, durant cette commission parlementaire, de nombreux intervenants, et qui ne sont pas des moindres en termes de connaissance du dossier, expérience sur le terrain, de nombreux intervenants, de nombreuses personnes sont venus, et on a discuté des niveaux d'immigration comme tels. Mais jamais, jamais, en aucun temps, la ministre leur a présenté une copie du projet de loi qu'elle nous a déposé. Donc, ces gens-là n'ont pas discuté de cela; ils ont discuté de niveaux d'immigration. Donc, ils ont été un peu, dans un certain sens, floués. Ils étaient venus discuter des fleurs, puis, un jour, je vous amènerai le pot, si je peux me permettre cette figure de style, M. le Président.

Donc, quand on regarde le projet de loi qu'elle nous présente, il y a deux aspects que ces gens-là ? et ils ont été nombreux à entrer en contact avec nous et nous appeler ? il y a deux aspects qu'ils auraient bien aimé voir discutés. Les pouvoirs exorbitants que la ministre se donne à l'intérieur de ce projet de loi. Jamais je n'ai vu un projet de loi où un ministre se donne autant de pouvoirs... la rétroactivité du projet... des pouvoirs de la ministre au niveau de ce projet de loi. Et, la deuxième chose, il y a le grand dossier dit des consultants en immigration.

n(15 h 50)n

Je conviens avec elle, puisque cela faisait partie de ma réflexion au moment où j'étais à ce ministère et cela faisait partie de mes intentions si l'électorat avait voulu que nous formions de nouveau le gouvernement, qu'il y avait un certain, je ne dirai pas le mot «ménage»? il serait insultant ? mais certaines règles à appliquer, des règles très strictes, de façon, M. le Président, à limiter tout au moins mais au meilleur annuler les effets pervers que les individus sans scrupules ont pu provoquer par leurs actions qui sont contraires aux intérêts du Québec et aux intérêts de celles et de ceux qui, de par le monde entier, veulent venir partager notre destin ici, dans ce coin d'Amérique du Nord.

Mais il est beau de casser du sucre sur les consultants, mais il faut le faire avec une certaine prudence. Je veux bien admettre qu'il existe une ou deux pommes pourries. En français québécois, on dit souvent une ou deux pommes pourrites, ce qui va faire sourire le député de Verdun. Mais, dans l'ensemble, ces gens font un travail exceptionnel, honnête, et j'ai été en mesure de voir et d'apprécier la qualité de la présentation qu'ils faisaient du Québec et qui transpirait un amour profond du Québec.

Donc, il faut être prudent et ne pas mettre tout dans le même panier, c'est le cas de le dire. Et ces gens-là auraient bien aimé aussi vouloir discuter, durant cette commission parlementaire, qui a duré ? mon Dieu, ciel! ? presque un mois, je crois, ou sinon trois semaines au minimum... auraient bien aimé discuter de cela, mais ils n'en ont pas eu l'occasion, M. le Président. On a discuté uniquement des niveaux d'immigration, des chiffres, des chiffres, des grands principes ? d'accord ? des guides, des lignes conductrices, des directives, etc. Personne n'a pu en discuter à ce moment. Et voilà que le projet de loi n° 53 est déposé. Et là, dans une fin de session, on va faire deux belles petites journées de consultations, consultations particulières. Mais, M. le Président, vos origines ? puisque vous en êtes fier, et je suis fier que vous en soyez fier ? vos origines grecques vous portent, comme moi, vers l'étymologie. C'eût été de la démocratie ? dêmos, peuple ? que le peuple, c'est-à-dire que plusieurs intervenants sinon tous celles et ceux qui étaient venus la première fois puissent venir dire leur mot également sur le projet de loi n° 53, de questionner la ministre, de faire part des contraintes que cela va imposer et des dangers que cela peut avoir.

Déjà, M. le Président, certains, certains sont fortement préoccupés. Et il existe, au Canada, avec un bureau à Vancouver, en Colombie-Britannique, et un bureau à Montréal, un organisme qui s'appelle Lexbase, organisme non partisan qui scrute, étudie les projets de loi qui sont présentés autant à la Chambre des communes du Canada que dans les législations provinciales et l'Assemblée nationale du Québec. Eh bien, hier, M. le Président, hier, ils rendaient public leur point de vue au sujet de la loi n° 53, et j'aimerais vous lire, M. le Président, quelques passages. Ce document contient d'ailleurs des statistiques qui sont assez intéressantes, et le texte est en anglais; je n'ai pas reçu la version française. Je tenterai de faire moi-même la traduction, aussi boiteuse qu'elle puisse être.

«Our conclusion. The conclusion is that there is unequal treatment in terms of processing time based on the country of origin of the applicants. In other words, equally qualified immigrants will have unequal treatment in terms of processing time because of their national origins.» Ce n'est pas moi qui dit ça, là, c'est eux. Et eux, ce sont des spécialistes en droit de l'immigration qui disent qu'avec les pouvoirs que s'arroge la ministre l'origine nationale pourra influencer, pourra influencer, pourra avoir des effets pervers, M. le Président.

Et ils vont encore un peu plus loin. Ils vont plus loin: «An immigration courtless system is not a first-come, first-served system, it is first come, first served depending on where you come from system», ce qui va arriver. Et, M. le Président, ils concluent en disant: «The discussion in Québec and in the media ? la discussion au Québec et dans les médias ? may wrongly portray to the world ? peut laisser croire au monde ? that Quebeckers are intolerant ? que les Québécois sont intolérants. Why should Quebeckers take the political hit when this is a truly national issue?» Et pourquoi les Québécois devraient-ils assumer ce blâme auquel ils n'ont pas droit, alors que c'est une discussion qui est à un niveau national, c'est-à-dire qui l'est dans l'ensemble canadien?

Et pourquoi disent-ils ça, que c'est canadien? Parce que je vais répondre à la ministre qui dit: Qu'avez-vous fait? Je vais lui dire très candidement que j'ai tenté certaines choses, exemple, pour accélérer le processus, en disant: Écoutez, il est évident qu'il a une connaissance du français, alors est-ce que nos agents de sélection pourraient, s'il vous plaît, faire l'entrevue par téléphone? Premièrement, c'est moins de déplacements à la fois pour l'appliquant ou pour les recruteurs du ministère, c'est de sauver du temps, c'est une formule qui est peut-être un peu moins stressante que le formalisme d'être assis devant un pupitre, etc. Mais il est évident qu'il manque des sous dans l'administration de l'immigration. Comme c'est un enjeu national, l'immigration, c'est un enjeu de survie, M. le Président, pour le Québec comme pour l'ensemble du Canada et pour l'ensemble des pays occidentaux. Eh bien, il manque des sous et il en manque également au niveau canadien. Une grande partie des retards accusés aussi au Québec... C'est beau de parler... Au Québec, c'est peut-être très long, l'étude des dossiers, mais, une fois que vous l'avez accepté, est-ce que les gens savent que cela doit aller au gouvernement fédéral et que cela prend un temps drôlement long? Le gouvernement fédéral canadien, lui aussi, se refuse d'investir les argents nécessaires. Autant il n'en donne pas au Québec en vertu des entendes Cullen-Couture et McDougall-Tremblay, autant il se refuse à s'en donner lui-même.

Et là je vais montrer des chiffres qui vont vous faire dresser les cheveux sur la tête, pour ceux à qui il en reste. Voilà. Eh bien, M. le Président, dans le cas des travailleurs qualifiés, ce qu'on appelle, dans le langage du métier, en anglais, les «skilled workers», eh bien, dans le cas de la Chine, travailleurs qualifiés ? et Dieu seul sait que nous en manquons, hein, dans le cas de la Chine ? si vous avez présenté votre demande non pas aux Services d'immigration du Québec mais à Immigration Canada, vous savez quel est le délai d'attente? Six ans. Si vous l'avez faite à Bucarest, et Dieu seul sait que ? la ministre parlait de bassin géographique, on y reviendra tantôt ? Bucarest, c'est drôlement francophile, eh bien, Bucarest, c'est trois ans et trois mois. Rome ? ça doit intéresser M. le député de LaFontaine, Rome, hein, bella città di Roma ? eh bien, Rome, c'est un an et huit mois. Cela m'apparaît quand même un peu bizarre. Mais là, M. le Président ? tout le monde, attacher ses ceintures ? Paris, Paris, je vous le donne en mille. Je suis persuadé qu'aucun d'entre vous n'est capable de me donner la longueur exacte du temps d'attente. Six ans, huit mois. Je veux dire, pour employer l'expression populaire, plus fou que cela, on meurt. Six ans, huit mois pour des travailleurs qualifiés, alors que je n'ai pas rencontré un industriel, un homme d'affaires, un commerçant ? je le dis au masculin comme un féminin ? à l'époque où j'ai assumé ces fonctions, qui n'est pas venu vers moi se plaindre en disant: Je manque de main-d'oeuvre qualifiée, M. le ministre; s'il vous plaît, aidez-moi.

n(16 heures)n

J'ai été même, à la limite ? je le dis avec humour ? menacé du couteau par mon boucher quelques jours avant d'aller en mission de promotion en Argentine, où il me disait: Si vous ne me ramenez pas quatre bouchers, je ne sais pas ce que je vous fais. Le Québec manque de bouchers, M. le Président ? cela vous étonne? ? manque de bouchers, manque de soudeurs. Manque de soudeurs! Nous manquons de maçons. Nous manquons d'une foule de métiers qualifiés, qui fait en sorte que notre économie risque d'être drôlement...

Il n'y a pas juste le facteur démographique, aussi il y a le facteur économique. Notre économie risque d'être drôlement perturbée, et bien des projets de développement, d'agrandissement, etc., sont bloqués. Je me souviendrai toujours de ce propriétaire d'un supermarché à Chicoutimi qui me faisait part de ses projets d'agrandissement et qui me disait: Mais ils sont sur la glace actuellement, puisque je n'ai pas de main-d'oeuvre certifiée pour le faire et je n'arrive pas à en trouver au Québec. Bien, M. le Président, oui, oui, il y a un problème. Il y a un problème de ressources humaines et il y a un problème de ressources humaines pour l'excellente raison que le Québec n'a pas les argents ? pour employer l'expression ? de façon à augmenter la facilité de traitement des dossiers et de l'accélérer au maximum.

Mais revenons là où le bât blesse. La ministre dit: Mais je ne parle pas de pays, je parle de bassins. Bien, oui, mais, je veux dire, c'est un vocabulaire qu'on emploie dans la politique de gestion de l'eau, la gestion par bassins, j'en conviens bien, mais un bassin, il finit quand même par représenter certains pays. Si je vous dis «bassin méditerranéen», M. le Président, vous allez me dire: Bien, hein, la Grèce! Ah! bien voilà, hein? Et vous allez dire: l'Italie, comme me dit mon collègue et ami député de Viau. Alors, «bassin» finit par signifier «pays», hein? Si je dis «Asie», oui, bien, je vais dire «Asie du Sud-Est» à un moment donné, «Asie du Sud-Est», et, si je parle du Moyen-Orient, je vais être prudent, je vais dire «Moyen-Orient, Proche-Orient», etc. Donc, le mot «bassin» finit toujours par identifier un, deux, trois, quatre, cinq pays en particulier.

Je veux bien croire à la bonne foi de la ministre, mais, vous savez, je ne suis pas tellement... je suis plutôt Saint-Thomas, je veux bien toucher pour savoir si la chose est vraie. Et je voudrais que, pour ce faire... Je voudrais que, pour ce faire, nous puissions avoir une vraie discussion là-dessus, mais une discussion, M. le Président, pas dans une foulée d'interventions triées sur le volet, mais une commission qui prendra le temps de bien regarder, le temps de bien questionner, donnant le temps à la ministre de répondre, de contre-répondre et de finir... Et nos collègues d'origine italienne semblent enthousiastes à ma proposition. Je les en remercie tout en leur rappelant l'article 32 de notre règlement, qui demande aux députés d'être assis à leurs places, n'est-ce pas, M. le Président, et d'écouter celui qui parle.

Donc, il serait préférable... Et, si la ministre a raison et si la ministre dit vrai, bien, à ce moment-là, on lui donnera raison. Mais faisons donc les choses dans les règles de l'art, hein? Et vous qui vous targuez d'être une grande démocrate, je vous le répète ? demos, «peuple» ? prenons six mois, ça ne changera rien, ça ne changera rien, madame, ça ne changera rien et nous aurons l'occasion d'en discuter avec des gens qui déjà réagissent.

Il y a le président de l'Association québécoise des avocats en droit de l'immigration, M. Brunet ? qui a eu d'ailleurs des paroles tellement élégantes à mon égard, mais je ne lui en tiens pas rigueur ? qui dit: «La ministre s'arroge le pouvoir absolu de suspendre la réception des demandes un an à la fois. Avec la rétroactivité, quelqu'un pourra appliquer, se voir retourner sa demande, réappliquer et se voir encore retourner sa demande.» La ministre dit: Mais on ne joue pas avec la vie des gens comme ça!

Et, au moment où je vous parle, je pense à ce jeune couple ? à ce jeune couple ? David Chen et sa jeune épouse qui, tous deux, habitent la ville de Xi'an, en Chine et qui sont, pas des francophiles, M. le Président, pas des francophiles, des francophones, puisque tous deux ont fait des études à l'École d'hôtellerie de Lausanne, en Suisse. Donc, ils sont plus que francophiles, ils sont francophones et ils parlent un français à faire rougir de honte l'ensemble des membres de cette Assemblée, m'incluant, M. le Président.

Jeune couple brillant ? brillant ? qui souhaite venir vivre au Québec et qui souhaite venir habiter la ville de Québec parce qu'il la trouve belle, accueillante, etc. C'est une ville, au niveau du tourisme, qui n'est quand même pas négligeable: c'est la deuxième ville la plus fréquentée en Amérique du Nord. Alors, il pourra leur arriver, il pourra leur arriver de recevoir une lettre en disant: Excusez-nous, là, mais... je ne me souviens plus comment s'appelait ce jeu de notre enfance qui disait: Ne passez pas à, ne collectez pas le 200 $ puis retournez à la case départ. C'est ce qui... Parcheesi, je ne me souviens plus comment ça s'appelait.

Une voix: Monopoly.

M. Boulerice: Monopoly, bon. Alors, c'est ce qui risque d'arriver, gestion par bassins, revenons. Cela peut arriver à un jeune ressortissant d'origine marocaine qui a déposé sa candidature et qui habite Marrakech. Il sera peut-être, lui aussi, dans cette situation, dans cette situation, M. le Président, où on lui dira: Allez-vous-en, etc., recommencez, vous verrez, etc.

Donc, l'Association québécoise des avocats en droit de l'immigration est littéralement furieuse ? et c'est le terme qu'elle emploie ? de voir que la ministre s'arroge effectivement ce pouvoir absolu de suspendre la réception des demandes un an à la fois, hein? Et ils regrettent, ils regrettent, ils s'estiment floués que, durant la commission parlementaire où ils sont venus, on n'ait pas discuté des vrais enjeux, donc de ceci... mais le véritable enjeu, M. le Président. Et ils disent qu'ils n'ont pas eu leur mot à dire, et c'est bien vrai, que c'est bien vrai.

Mais, quand la ministre nous dit qu'elle a consulté les communautés culturelles, bien, les communautés culturelles ne sont pas l'apanage de la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et députée de Fabre. Il y en a dans toutes les circonscriptions, et chacun d'entre nous en rencontre souvent avec joie et plaisir...

Une voix: ...

M. Boulerice: ...y compris la députée de Jean-Talon, M. le Président. Mais, quand elle dit qu'elle les a consultées, est-ce qu'elle les a consultées sur ce projet de loi là? Et la communauté... Vous les avez consultées par bassins, est-ce que vous les avez consultées par bassins, hein? Si vous les avez consultées par bassins, je souhaiterais connaître la réponse de ceux du bassin méditerranéen, je souhaiterais connaître la réponse du sous-continent indien, je souhaiterais connaître la réponse de l'Amérique latine en faisant la distinction est-ce l'hispanophone ou le lusophone?

Une voix: ...

M. Boulerice: M. le Président ? M. le Président ? il est inconvenant qu'une règle aussi absolue contraire à tout ce qui a été fait depuis qu'il existe un ministère de l'Immigration au Québec...

Une voix: ...

M. Boulerice: ...se vote en trois jours après, après... Je ne sais pas, il me semble que la députée de Jean-Talon a un problème momentané, M. le Président, mais ça relève plus de vous que de moi.

Mais, M. le Président, il est inconvenant que l'on règle en trois, quatre, cinq jours quelque chose d'aussi fondamental sans avoir une discussion sérieuse à ce sujet-là, sérieuse à ce niveau-là avec les gens qui sont impliqués. Les gens qui sont déjà venus dire leur mot sur le nombre, bien, qu'on leur demande de venir dire leur mot sur le comment les nombres pourraient être atteints, les nombres pourraient être augmentés, suspendus, modifiés, etc.

n(16 h 10)n

Parce que vraiment je ne suis pas prêt, M. le Président, je ne suis pas prêt à donner un chèque en blanc à l'actuelle ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Quand on a pris connaissance de l'énoncé de politique du Parti libéral durant la dernière campagne électorale, qui était la ghettoïsation de l'intégration, M. le Président, qui était l'anglicisation de la francisation, M. le Président, et qui était...

On remet une certaine partie des pouvoirs ? il faudrait qu'ils relisent leur texte aussi, hein... remet une certaine partie des pouvoirs au gouvernement fédéral. Il faudrait, M. le Président, être très prudent. Je ne donnerai pas un chèque en blanc, à moins qu'elle me prouve que le montant soit exact et que la dépense qui sera effectuée ira bien à l'endroit prévu, si je peux de nouveau employer une figure de style.

Donc, M. le Président, c'est la raison pour laquelle nous demandons, au nom de plusieurs, plusieurs dizaines, centaines de milliers de Québécois... Attention! Attention! C'est un terrain glissant. C'est un terrain glissant. C'était peut-être de bonne foi, mais il y a un grave danger que vous ne voyez pas ou vous ne voulez pas voir, et il est urgent d'en discuter d'une façon plus sérieuse que celle-là. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques. La parole est maintenant au député de LaFontaine. M. le député de LaFontaine.

M. Tony Tomassi

M. Tomassi: Merci, M. le Président. Alors, c'est toujours un plaisir de prendre la parole et... Oui, je vais prendre la parole tantôt, M. le Président, sur le projet de loi n° 53 qui va parler... qui parle d'immigration. Et, comme j'en ai fait mention hier, on a l'exemple encore aujourd'hui, la succursale du Bloc québécois à Québec a bloqué le processus: motion de report. Alors, c'était un processus qu'ils sont habitués à dire.

Mais ce qui me fâche encore plus, M. le Président, c'est d'entendre les députés de l'opposition, ce même parti qui, avec le député de Gouin, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et dernièrement le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, vient dire que nous allons discriminer, que ce soient des gens venant d'autres places... d'un parti politique où est-ce qu'un chef politique a déclaré qu'ils ont perdu un vote à cause des votes ethniques. On passera pour la leçon, M. le Président. Un parti politique où est-ce que les communautés culturelles, ils n'en ont jamais tenu compte. Ils ont été neuf ans au pouvoir, M. le Président, et jamais, au grand jamais, ils n'ont fait quelque chose pour l'immigration: 19 000 demandes en attente, Mme la ministre nous en faisait mention tantôt. Probablement, c'était de l'argent que les gens payaient. Ça leur servait à boucler le budget, l'équilibre zéro. C'était peut-être pour ça qu'ils voulaient accepter des demandes.

Alors, dans tout ce processus-là, M. le Président, je suis un peu estomaqué d'entendre les députés de l'opposition. M. le député de Gouin qui nous disait qu'il y avait une belle expression en anglais: «Skill over skin». Leur expression à eux, M. le Président, c'est: «Independence over ethnic». Alors, pendant des années, M. le Président, ils ont fait en sorte et ils ont essayé d'«enverlopper» les communautés culturelles à leur cause. Mais, au grand jamais, M. le Président, les communautés culturelles n'ont tombé dans ce piège, M. le Président, et on leur a dit toujours, et toujours, et toujours. Ils n'ont jamais compris les communautés culturelles et ne les comprendront jamais, M. le Président. Parce que, ici, s'il y a un parti qui est discriminatoire envers les communautés culturelles, c'est bien eux, M. le Président.

M. Boisclair: Question de règlement. M. le Président, je n'ai pas à insister très longtemps, là.

Le Vice-Président (M. Sirros): Non, vous n'avez pas à insister très longtemps. Je demanderais simplement, M. le député de LaFontaine, de reformuler votre propos.

M. Boisclair: De retirer ses paroles, M. le Président. Les propos qu'il porte à l'endroit d'un groupe c'est comme s'il les avait portés à l'ensemble des individus. La jurisprudence est claire: «discriminer» doit être retiré. Dans le dictionnaire, à plusieurs reprises...

Le Vice-Président (M. Sirros): Je m'excuse, M. le leader, je pense que le mot utilisé n'était pas tout à fait ce que vous identifiez. Je demanderais au député de LaFontaine de reprendre et de reformuler de façon à ne pas susciter de débat.

M. Boisclair: On va suspendre, M. le Président, on va regarder les galées, puis vous allez demander de retirer ses paroles, M. le Président. Les propos qu'il utilise sont contraires au règlement. Ce n'est pas les reformuler, c'est les retirer. Et qu'on aille aux galées voir ce qu'il a dit puis vous allez être convaincu, M. le Président, comme moi, que c'est la chose à faire.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): Écoutez, là. S'il vous plaît! C'est un débat où effectivement le mot... les mots peuvent être utilisés d'une façon à susciter des débats, et je vous invite à la prudence, tout le monde. Je pense que, jusqu'à maintenant, ça s'est bien déroulé. Vous avez une question de règlement, M. le député de Verdun?

M. Gautrin: Bien, écoutez, j'ai une interprétation différente du collègue de Gouin sur le sens du mot «discriminer».

Le Vice-Président (M. Sirros): Bien, non, non, vraiment, M. le député de...

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): M. le député de Verdun, il ne s'agit pas d'une question de règlement, et je vous demande de rester assis. Je vous demande qu'on puisse continuer le débat dans le calme, en demandant à M. le député de LaFontaine de reprendre et de reformuler ses propos d'une façon à éviter que ça puisse être blessant pour ceux qui écoutent. Et je vous demande qu'on puisse poursuivre.

M. Tomassi: Merci, M. le Président. On peut le voir, hein? Hier, j'ai salué ma mère, c'était son anniversaire, et elle m'a fait grandir en me disant toujours: Tony, il faut que tu dises la vérité. Et aujourd'hui, M. le Président, nous disons la vérité. Mais eux, M. le Président, la vérité, ils ne la connaissent pas. Parce que, M. le Président, neuf ans au pouvoir... Neuf ans au pouvoir, rien sur l'immigration. Tantôt, le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques se pétait les bretelles ? nous savons pourquoi il se les pète ? parlait de la grille d'évaluation: il manquait... il manque des plombiers, il manque des maçons, il manque des bouchers. Nous le savons, M. le Président, qu'il manque ces corps de métier, mais leur grille d'évaluation supposément parfaite, ce que M. le député de Gouin nous a dit tantôt, une grille parfaite qui répond à toutes les choses, empêche ces groupes de travailleurs de venir immigrer au Québec. Neuf ans!

Quand j'étais à l'école, M. le Président, à l'école secondaire ? ça fait à peu près une vingtaine d'années ? on parlait de démographie, on nous parlait déjà, dans cette période-là, que la démographie allait être un enjeu majeur dans l'avenir. Neuf ans de temps. Ce qu'ils ont fait pour la démographie? Rien. Rien du tout. On savait qu'il allait nous manquer des plombiers et des maçons, des bouchers, on le savait. Ce qu'ils ont fait? Rien. Grille d'évaluation: universitaires... Et, au-delà de tout ça, ils faisaient venir ces gens-là ici, M. le Président, des universitaires, degrés de médecins, d'infirmières et autres. Ces gens-là n'avaient pas le droit de pratiquer ici, M. le Président, parce qu'ils n'ont pris aucune mesure pour faire en sorte que ces gens-là puissent immigrer ici et puissent s'intégrer à la société québécoise.

Et, quand on vient me dire, eux, ces gens-là, l'intégration à la société québécoise... S'il y a des gens qui ont été capables de s'intégrer à la communauté québécoise, M. le Président, on en fait partie. Vous plus que moi parce que vous êtes un immigrant de souche. Moi, je suis de parents qui sont venus immigrants. Nous avons immigré... ils sont venus ici, ils ont immigré ici, M. le Président. Ils se sont intégrés parfaitement à la société québécoise. Vous, vous avez été élu député. On a eu M. Ciaccia, qui a été aussi député, d'origine italienne. Nous avons le député de Viau aussi. On en a, de notre côté. Où sont les communautés culturelles de leur côté, M. le Président? Où sont-ils? C'est ça qu'il faut voir. L'intégration, la discrimination, c'est eux qui la font, c'est toujours eux qui l'ont faite, toujours. Ce n'est pas notre chef de parti qui a fait une discrimination envers les communautés culturelles, c'est eux.

Le Vice-Président (M. Sirros): M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Boulerice: ...il est clairement indiqué par le ministère de l'Immigration du Québec, sous quelque régime que ce soit, à tout candidat médecin, qu'il ne pouvait professer sa profession. Donc, ce qu'il a dit est totalement faux.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): Écoutez... S'il vous plaît, M. le député de Verdun. Écoutez. D'abord, je vous indique que vous pouvez corriger le député après son intervention. Alors, s'il vous plaît, M. le député de LaFontaine, poursuivez.

M. Tomassi: Merci, M. le Président. Et on revient toujours à la même chose, hein? La vérité choque, M. le Président. Neuf ans! Celui qui vient de se lever en Chambre, ancien ministre de l'Immigration, a dit en cette Chambre: J'ai essayé. Il a essayé quoi, M. le Président? Est-ce qu'il a essayé d'avoir des petits voyages ou il a essayé d'arranger les choses? C'est plutôt la deuxième alternative, M. le Président. Ils n'ont rien fait, M. le Président. Neuf ans de pouvoir et ils n'ont rien fait pour l'immigration. Et ils viennent nous dire, à nous, ici, aujourd'hui, où est-ce que la ministre a mis en place et mettra en place un plan sur l'immigration pour permettre à tous les immigrants, d'où est-ce qu'ils viennent, d'où est-ce qu'ils viennent, de quelque pays que ce soit, de s'intégrer, comme nos parents l'ont fait, à la société québécoise...

n(16 h 20)n

Et ça, M. le Président, c'est très important et il faut le rappeler. Parce qu'on peut le redire de quelque manière qu'on veut, cette mauvaise gestion, la mauvaise gestion de l'immigration, la mauvaise gestion que M. le député de Gouin a pris, par la suite ? et Mme la ministre l'a corrigée ? le nombre d'immigration en moins, c'est leur faute à eux, c'est leur planification à eux, qu'ils ont mal faite.

Une voix: ...

M. Tomassi: Ah bien, écoutez, M. le député de Gouin, ça vous fait plaisir et la vérité... On continue ? oui, M. le Président, je sais qu'il faut que je parle à vous... Et on va mettre en place... La ministre de l'Immigration l'a très bien dit, il va y avoir des mesures qui vont être mises en place pour que ces gens-là puissent s'intégrer harmonieusement à la société québécoise de façon à ce que, comme nos parents l'ont fait dans les années soixante et soixante-dix... faire partie intégrante de la société québécoise, de participer à la vie collective, communautaire de notre société. C'est ça qui est important, c'est de là qu'il faut comprendre le plan d'action que la ministre de l'Immigration a mis de l'avant.

Et, M. le Président, je ne peux, je ne peux faire en sorte que... Vous savez, l'opposition c'est une job où est-ce que les gens doivent savoir la faire. Nous avons une opposition dont les gens sont ici où est-ce qu'ils sont habitués à faire du verbiage. Il faudrait peut-être qu'ils fassent comme l'ex-candidat à la mairie qui est devenu maire, prendre 16 secondes d'arrêt et de réfléchir avant de prendre des positions et de nous dire, à nous, que nous ne faisons pas ce qu'on est supposé de faire pour l'immigration. On est ici pour bien intégrer les gens, pour que les gens puissent faire partie prenante de la société québécoise, quelque chose qui est très important.

Alors, M. le Président, je laisserais la parole à mon collègue, mais seulement vous dire que cette motion doit être rejetée. Et nous devons travailler pour l'adoption du projet de loi n° 53, et passer aux choses sérieuses, et laisser le verbiage de côté. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, M. le député de LaFontaine. La parole est maintenant au leader de l'opposition officielle et député de Gouin.

M. André Boisclair

M. Boisclair: ...content, M. le Président, d'intervenir après le député de LaFontaine. Une intervention comme celle-là vient de démontrer de façon claire, non équivoque, à la fois la légèreté de la pensée, à la fois l'absence de vision et aussi jusqu'à quel point le parti pris politique peut, dans un débat, et le parti pris partisan peut, dans un débat politique, M. le Président, nous écarter de l'essentiel soulevé aujourd'hui par l'opposition officielle.

Quand j'entends le député de LaFontaine dire de façon très sérieuse, lui qui vient d'arriver dans cette Assemblée, qu'il vienne dire qu'il ne s'est rien fait pendant neuf ans, que nous avons été une gang de pleutres, que nous n'avons pas bougé, insensibles, aveugles et sourds, attention, M. le Président. Je dis ces choses...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Il y a une personne qui a la parole, c'est le député de Gouin.

M. Boisclair: Puis le député de Verdun, M. le Président, en rajoute, il dit: Il a raison. Que ces gens ôtent leurs lunettes partisanes. Il me semble qu'à 76 % d'insatisfaction dans les sondages, vous devriez être plus modestes, M. le Président, faudrait-il leur dire.

Et il me semble surtout que des gens ont la mémoire courte. La grille de sélection en ce moment en vigueur a été adoptée par un gouvernement du Parti québécois. La révision de l'offre de service de francisation, qui à l'époque avait été si contestée, a été refaite par des gens du Parti québécois. La création du fonds d'aide aux minorités visibles a été faite par des gens du Parti québécois. L'appui donné aux jeunes des communautés immigrantes a été fait aussi par des gens du Parti québécois. Et la mise sur pied des carrefours jeunesse et de l'attention qu'on a donnée aux jeunes des minorités visibles, les CAMO-Immigrants pour aider les travailleurs en difficulté, ça a été aussi au bilan du Parti québécois. Des nominations... La nomination du premier juge noir s'est faite par des gens du Parti québécois. Des critères d'embauche dans la fonction publique pour permettre, entre autres, à des étudiants finissants d'avoir accès à la fonction publique, ça s'est fait sous l'administration du Parti québécois.

Alors, que je n'en trouve plus un et surtout pas le député de LaFontaine, M. le Président, avoir le culot de se lever dans cette Assemblée et de dire qu'il ne s'est rien fait. Cela discrédite tous les siens, M. le Président, et je le dis avec conviction. M. le Président...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): S'il vous plaît!

M. Dupuis: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Sirros): Question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Oui. Évidemment, l'article 35 du règlement fait en sorte, M. le Président, vous le savez très bien, qu'un certain nombre de paroles ne peuvent être prononcées dans cette Chambre. Quand on dit que le député du parti ministériel discrédite tous les députés, ce sont des paroles qui sont susceptibles de faire naître un débat. C'est sûr, on en a un, mais il faut qu'il soit conforme au règlement.

Et je comprends... Je termine en vous disant que je comprends très bien l'enthousiasme du leader de l'opposition officielle, qui peut-être en est à ses dernières interventions en Chambre, s'il faut en croire la rumeur, mais il aurait avantage à les faire...

Le Vice-Président (M. Sirros): M. le leader, je pense que votre point de règlement est fait. Votre point de règlement est fait. Je n'ai rien entendu qui m'a incité à me lever pour arrêter le leader de l'opposition officielle. Je lui demande de poursuivre et je demande à tous un peu de collaboration pour qu'on puisse continuer à faire ce débat dans le calme, où chacun a le droit de s'exprimer, selon le règlement.

M. Boisclair: M. le Président, article 32 du règlement, il y a des députés qui ne sont pas à leurs places.

Le Vice-Président (M. Sirros): Effectivement, on peut appliquer l'article 32 du règlement, qui demande aux députés qui sont présents de, s'il vous plaît, prendre leurs places et de garder le silence, en écoutant seulement le député ou la députée qui a la parole. En l'occurrence, c'est le leader de l'opposition officielle. M. le député de Gouin, si vous voulez poursuivre.

M. Boisclair: ...M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Elle sera en vigueur instantanément, et je considère qu'on peut continuer...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): Écoutez, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît, prenez votre place. M. le député de Gouin, si vous voulez, s'il vous plaît, vous lever et poursuivre votre discours.

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Je disais donc, M. le Président, que j'espère avoir fait la démonstration qu'il n'y en a plus un de l'autre côté qui va pouvoir se lever puis dire que, pendant neuf ans, il ne s'est rien fait. D'abord, M. le Président, ce serait tout simplement absurde de le prétendre. Ce serait aussi jeter un discrédit sur l'Administration publique, comme si elle, pendant neuf ans... à défaut peut-être, sous ordre du gouvernement: Stop! neuf ans, ne faites rien.

Mais je veux aller plus loin, M. le Président: ce qui s'est fait au-delà des mesures, et des dispositions, et des décisions qui ont été prises par une administration... Il y a quelque chose de fondamental qui a été fait sous une administration du Parti québécois, c'était le pari de la transparence. Ce pari de la transparence, il s'est traduit par un plan sur l'immigration qu'on a créé, qu'on a mis dans une loi, un plan qui doit être déposé à l'Assemblée nationale et un plan qui ne fait pas uniquement mention des efforts d'admission ou des projections au niveau des admissions, mais un plan qui, pour la première fois, prévoyait des efforts de sélection.

Je le rappelle, M. le Président, le vrai test de la volonté d'une administration ne se traduit pas uniquement par les admissions, qui, elles, sont le reflet souvent de ce qui s'est fait dans le passé, ce que la ministre d'ailleurs a reconnu en réplique tout à l'heure, dans son discours, mais bien en fonction des efforts de sélection. Et je remarque, sur cette question, que la ministre, d'aucune façon, ne contredit mon argument. Les efforts de sélection des travailleurs indépendants par rapport aux prévisions de 2003... Nous n'avons pas les chiffres exacts de 2003, elle ne les a pas encore rendus publics comme elle m'avait dit qu'elle le ferait. Par rapport aux prévisions de 2003, ce qu'on prévoit en 2004, c'est moins. Donc, malgré les grands discours, le gouvernement libéral va, en termes de sélection, faire moins en 2004 qu'il s'est fait en 2003 au niveau des travailleurs indépendants. Et cette question, ce point, demeure.

Deuxième chose, M. le Président, qui justifie à mon avis que nous reportions l'adoption de ce projet de loi pour une période de six mois, la ministre nous dit: Écoutez, ce n'est pas un problème, parce que, sur les 35 000, que diriez-vous s'il y en avait 30 000 qui venaient d'un pays ou d'une région du monde particulière, d'une région du globe? La base de son argument vient essentiellement du fait que, dans une région du globe ? et, je pense bien, pour avoir entendu ses explications, du Maghreb ? il y a une demande, il y a des quantités importantes de demandes qui ont été faites et qui ont été déposées au Bureau d'immigration.

Ce que je veux lui dire, c'est que des situations de «backlog» ? en mauvais français, en français, je devrais dire «de retard» ? dans le traitement des demandes, ces situations ne sont pas nouvelles, elles se sont souvent produites. Et, à bien des égards, c'est du fait de l'expérience de ces retards que l'Administration publique s'est questionnée sur ses façons de faire, s'est questionnée à la fois sur son niveau d'effectif qu'il mettait dans le traitement des demandes, s'est questionnée aussi sur la façon de traiter ces demandes, si elles devaient être traitées par des bureaux à l'étranger ou par le bureau à Montréal, et s'est questionnée aussi sur la possibilité d'admettre sur papier plutôt que d'admettre sur admission, en fonction des dossiers qui étaient reçus.

n(16 h 30)n

Des questions demeurent, M. le Président. Pas un mot de la ministre sur ces questions pour justifier le pouvoir exceptionnel qu'elle réclame de l'Assemblée nationale. Pas un mot sur les effectifs à l'étranger pour traiter le retard. Pas un mot sur les processus administratifs qu'elle peut utiliser, parfois même soulager dans certains cas, pour traiter le retard dans les demandes. Niet! silence, alors qu'elle sait comme moi que bien souvent des réponses aux retards qui peuvent être liés à des situations de conjoncture, Mme la Présidente, peuvent parfois amener l'administration à se questionner, et j'en sais quelque chose, Mme la Présidente.

Je vous raconte une anecdote. Au moment du lancement de la grille, de la nouvelle grille, un journaliste me pose la question suivante: Quel impact pensez-vous que cette grille aura? Et je réponds bien candidement à la presse: Il y aura sans doute davantage de candidatures venant du Maghreb. Cette petite phrase, me dit-on, a fait à peu près le tour des bureaux de consultants en immigration, qui s'en sont servis, et, dans les semaines qui ont suivi cette déclaration de ma part, le SIQ de Paris s'est retrouvé inondé sous les demandes du Maghreb, plusieurs dizaines de milliers.

Pourtant, je m'en confesse, le sous-ministre de l'époque m'avait bien avisé: Faites attention, M. Boisclair... M. le ministre, M. le député de Gouin, parce que cela peut avoir une conséquence dans les mouvements de consultants qui accompagnent, dirigent parfois des gens dans leurs demandes d'admission. On a assumé cette réalité puis on a traité le volume correctement, en fonction des lois et de nos règlements. Et je n'ai pas eu besoin ni d'avoir recours aux actuels articles de la loi ni à des pouvoirs spéciaux, semblables à ceux que la ministre réclame. Et rien, aucune démonstration n'a été faite que c'est en donnant ces pouvoirs extraordinaires à la ministre que nous pouvons régler la difficulté qui est en ce moment connue, qui est celle d'une difficulté administrative.

Je suis d'autant plus, Mme la Présidente, inquiet de ces pouvoirs qu'elle sollicite de l'Assemblée qu'aucun avis du Barreau n'a été demandé et n'a été présenté devant les membres de cette Assemblée qui pourrait réconforter la ministre dans son attitude. Au contraire, les premières indications que nous avons de la communauté juridique, c'est que les dispositions contenues à la loi pourraient ? nous n'avons pas encore d'avis écrits, ils viendront dans les prochains jours ? pourraient aller à l'encontre des chartes et du droit. Je ne connais non plus, Mme la Présidente, aucune disposition dans la loi fédérale où on trouve un pareil pouvoir.

S'il y a une autre administration avec laquelle nous pouvons nous comparer, qui a l'expérience dans la gestion de l'immigration, qui sait ce que c'est que de parfois gérer des vagues de demandes, c'est bien l'administration fédérale. Je ne connais aucun équivalent dans le droit fédéral. Et j'irais même plus loin, Mme la Présidente, je serais curieux de savoir jusqu'à quel point l'entente et le pouvoir extraordinaire que la ministre cherche à obtenir de l'Assemblée, si ce pouvoir est en tous points conforme aux accords Canada-Québec en matière d'immigration. Je serais très curieux. Si c'est le cas, j'aimerais bien qu'on m'en fasse la démonstration.

Sur ces éléments, à ce moment-ci, au moment de l'adoption de principe, je soulève ces questions, elles m'apparaissent fondamentales. Et la ministre doit prendre le temps de nous apporter des preuves pour discarter nos inquiétudes, si elle est capable de le faire, ou, ce qu'elle n'a pas réussi à faire à ce moment-ci, nous dire en quoi cela respecte le droit, respecte les accords et respecte les politiques qui ont toujours été suivies précédemment par les gens qui se sont succédé à Québec.

J'ajoute aussi, sur la question de la transparence, le plan d'immigration, qui a été... qui est maintenant déposé et qui fait état des admissions prévues puis des efforts de sélection, devra donc à l'avenir être accompagné de prévisions quant à la composition des admissions en provenance de bassins géographiques parce qu'il faudra savoir du gouvernement, qui utilisera ce pouvoir nouveau, à quelles fins. Ce sera quoi, le mixte idéal? Il va être géré comment, ce mixte-là? Qu'est-ce qui va faire, en une année, qu'on va dire: Bien, 30 %, ça nous apparaît correct, d'une région du globe, ou 50 %, c'est trop?

Imaginez-vous, Mme la Présidente, si, en Colombie-Britannique, au début des années quatre-vingt-dix, quand il y a eu une vague importante de réfugiés asiatiques... pas de réfugiés, je m'excuse, d'immigrants asiatiques qui sont venus au Canada et s'établir pour la plupart en Colombie-Britannique, si de tels pouvoirs avaient existé, imaginez-vous 30 secondes le débat qui se serait passé en Colombie-Britannique si une ministre de l'immigration ou un ministre de l'Immigration avait dit: Woups! il y en a assez, de ce monde-là, on bloque, on ferme les portes. Attention, Mme la Présidente, ce n'est pas une petite affaire.

Au début de la décennie des années quatre-vingt-dix, compte tenu de l'incertitude politique puis de Hong Kong qui allait repasser à la Chine, plusieurs personnes étaient inquiètes, plusieurs personnes. Il y a eu des mouvements importants d'immigration qui ont fait en sorte qu'on a accueilli des dizaines de milliers de gens de ces pays au Canada. L'exemple tient. Est-ce que la ministre de l'Immigration, oui ou non, en pareille circonstance, aurait utilisé son pouvoir pour bloquer les admissions? Quand il y a eu des crises politiques en Haïti puis que le Québec a accueilli des milliers de Québécois puis de... ils sont devenus des Québécois, mais des milliers de Haïtiens, est-ce que la ministre de l'Immigration se serait levée puis dire: De ceux-là, on en a assez, on n'en veut plus, on ferme le robinet? C'est ça qui est en cause par le pouvoir extraordinaire qu'elle suscite et qu'elle sollicite de l'Assemblée nationale.

Ces exemples devraient nous faire réfléchir. Comment un ministre de l'Immigration, devant la crise à Hong Kong puis les admissions de milliers de gens au Canada, se serait comporté? Puis dans la crise haïtienne? Puis, à la limite, c'est laisser sous-entendre: même sur des questions d'ordre humanitaire? Quand... À l'époque de la ministre... députée de Saint-François, ministre de l'Immigration, le nombre d'admissions a considérablement augmenté. Pourquoi? Parce qu'on a accueilli des dizaines de milliers de Libanais. Ça, ce n'est même pas sélectionné par le Québec, c'est dans le cadre des mouvements humanitaires. Est-ce qu'à un moment donné une ministre de l'Immigration se serait levée puis aurait dit: Woups! il y en a trop de cette partie du globe? C'est dangereux, Mme la Présidente.

Puis le six mois qu'on demande, là, il est sérieux. Puis, quand j'entends des arguments comme ceux du député de LaFontaine, qui n'est pas capable de prononcer une seule idée originale sur cette question puis, tout simplement, avec un discours partisan comme jamais je n'en ai vus, de dire que, nous, au PQ, on est toute une gang de crottés puis qu'on n'a rien fait pendant neuf ans, je dis: Attention! Je dis: Attention, parce que c'est justement des discours vils, sans contenu, comme ceux que j'ai entendus, qui me justifient de penser que ce gouvernement veut se draper dans une belle grande pensée idéologique mais qui, dans les faits, dans les faits, Mme la Présidente, n'est pas aussi vertueux qu'on le pense.

Je repose cette question: Comment la ministre se serait comportée dans le cas des immigrants de Hong Kong? Comment elle se serait comportée dans le cas des immigrants haïtiens qui par milliers sont venus au Québec? Quand est-ce que le gouvernement va dire et quelles sont les conditions qui vont faire en sorte que, à un moment donné, elle va dire: Non, de ce monde-là, de cette gang-là de cette couleur de peau là, on en a assez, on passe ailleurs? C'est excessivement dangereux. Son plan ne fait aucune mention de ce qu'est la composition souhaitée. C'est un chemin qui demande... C'est une démonstration qu'elle doit nous faire. Nous sommes très inquiets. On n'est pas obtus; les arguments de fond, on peut les comprendre.

Mais, en attendant, un peu de temps, donnons à la ministre le temps de nous apporter des preuves, un avis du Barreau, un avis de la Commission des droits de la personne. J'aimerais bien que le caucus des députés de Montréal du Parti libéral discute de cette question puis nous fasse part de son opinion. Voilà autant de bonnes raisons qui militent pour le report, Mme la Présidente, de six mois de ce projet de loi.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Gouin. Alors, maintenant, je cède la parole au député de Viau. M. le député.

M. Cusano: Merci.

M. Boisclair: ...si vous me permettez, parce qu'il me restait 30 secondes.

Des voix: ...

M. Boisclair: Très gentiment?

Des voix: ...

La Vice-Présidente: M. le député de Viau.

M. William Cusano

M. Cusano: Maintenant que le calme est revenu, Mme la Présidente, j'aimerais participer à ce débat. Et, pour ceux qui nous regardent, ils doivent bien penser: C'est quoi, une motion de report? Normalement et historiquement, Mme la Présidente, c'est que la motion de report a été introduite dans nos règlements pour justement s'assurer que des fois par nécessité il faut prendre le temps de repenser à certaines choses au niveau du projet qui est devant nous, qui doit être adopté.

n(16 h 40)n

Je comprends mal la motion de report à ce moment-ci. Je comprends mal cette motion de report parce que j'ai entendu des arguments de l'autre côté de cette Chambre, ce matin, nous dire, Mme la Présidente, qu'il n'y a rien dans le projet de loi actuel qui empêche la ministre de faire qu'est-ce que c'est qu'elle veut faire. Ils ont dit ça ce matin, de l'autre côté, hein, vous les avez entendus. Mais, s'il n'y a rien dans le projet actuel qui empêche la ministre de faire certaines choses, comment se fait-il que vous ne l'avez pas fait durant neuf ans? Comment se fait-il que vous ne l'avez pas fait durant neuf ans? Et c'est quoi, le problème? C'est quoi, le problème qu'on veut régler ici, M. le député de Saint-Hyacinthe? Qu'est-ce que c'est qu'on veut régler ici, dans ce projet de loi? C'est une question d'exploitation de personnes qui sont dans la misère.

M. Boulerice: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Je m'excuse. Est-ce que c'est une question de règlement?

M. Boulerice: Oui.

La Vice-Présidente: Alors, vous invoquez l'article...

M. Boulerice: L'article 32, parce que j'aime tellement le...

La Vice-Présidente: Pardon, l'article 32, c'est...

M. Boulerice: ...

La Vice-Présidente: Je m'excuse. Alors, un, deux... Je vais vérifier le quorum, si vous voulez bien.

Alors, il nous manquerait un député pour avoir quorum. Qu'on sonne les cloches.

n(16 h 41 ? 16 h 42)n

La Vice-Présidente: Alors, nous avons maintenant quorum. M. le député de Viau, si vous voulez poursuivre. Je vous remercie.

M. Cusano: Merci de nouveau, Mme la Présidente. Avant que mon collègue de Sainte-Marie?Saint-Jacques invoque la présence de députés, il doit bien savoir qu'il y a des gens... des députés qui nous écoutent quand même, mais ils sont dans d'autres endroits, c'est qu'ils font d'autres choses présentement. Et je sais que je n'ai pas le droit, Mme la Présidente, de souligner l'absence de certains, mais je suis surpris que... Si mon discours, selon le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, allait être si intéressant, comment se fait-il qu'il n'est pas ici, Mme la Présidente, au moment que je vous parle?

M. Boulerice: ...

La Vice-Présidente: Alors, je voudrais vous reconnaître en autant que vous soyez à votre siège. Alors, M. le député, alors je vous écoute.

M. Boulerice: ...qu'on ne peut reprocher à un député de ne pas être présent en Chambre, puisqu'il peut vaquer à d'autres occupations, veuillez, s'il vous plaît, le rappeler à un des doyens de cette Assemblée, l'honorable député de Viau et néanmoins ami.

M. Mulcair: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: Je ne sais pas à quoi joue mon ami et collègue le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, mais ça fait deux interventions d'affilée qui ne sont absolument pas pertinentes, et j'aimerais qu'il arrête tout de suite.

La Vice-Présidente: Alors, ce n'était pas une question de règlement. Vous avez une question de règlement, M. le député?

M. Boulerice: Est-ce que demander le quorum n'est pas pertinent?

La Vice-Présidente: Tout à fait, vous avez raison. Maintenant, nous avons quorum, alors, si vous voulez bien, nous allons poursuivre. M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, Mme la Présidente. Je suis très heureux, très heureux que le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques est revenu pour m'écouter, parce que je l'ai écouté tout à l'heure, durant son intervention. J'étais ici, en Chambre, je l'ai écouté, hein. Et il nous dit que la raison qu'ils demandent, du côté de l'opposition, le report de l'adoption de ce projet de loi: parce qu'il faut qu'il y ait des consultations. Imaginez-vous, hein, il a dit qu'il faudrait qu'on aille consulter des immigrants potentiels en Asie, en Italie, en Amérique du Sud. C'est quoi, ça, hein? C'est quoi, ça, là, au niveau de la société québécoise? Le gouvernement du Québec va aller consulter dans un autre pays pour savoir qu'est-ce que c'est que ces gens-là veulent? Mais c'est pelleter des nuages, ça, là. C'est pelleter des nuages.

S'il m'avait dit, M. le Président, qu'il y a des gens ici, au Québec, qui auraient à se prononcer... qu'on a déjà fait de toute façon, hein? On les a consultés au niveau des niveaux de l'immigration, et beaucoup de ces personnes-là nous ont exprimé, nous ont dit qu'il existait certains problèmes, des problèmes d'exploitation, M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

La Vice-Présidente: Pardon, je m'excuse, là, vous devez vous adresser à la présidence.

M. Cusano: Oui. Mme la Présidente, des problèmes d'exploitation de gens, de gens qui sont dans la misère. Dans les neuf ans qu'ils ont été là, ils n'ont jamais réalisé ça, Mme la Présidente, jamais. Ce n'est pas des consultants, Mme la Présidente, qui vont décider qui va être accepté au Québec. Ce n'est pas des consultants, Mme la Présidente, qui vont aller recruter des gens avec un système pyramidal. Savez-vous c'est quoi, Mme la Présidente, un système pyramidal? C'est interdit, au Québec. C'est interdit. La vente pyramidale est interdite, au Québec. Puis malheureusement il y a des gens qui vont dans certains bassins, n'est-ce pas, puis là ils offrent leurs services. Des personnes qui ne connaissent pas plus le mécanisme que ma petite-fille de sept ans, Mme la Présidente, qui disent: Nous, on va vous aider comment rentrer au Québec, on va vous charger un certain montant, mais, si vous êtes capables de nous amener d'autres clients, on va réduire le montant que vous nous devez. C'est de la vente pyramidale, Mme la Présidente.

C'est ça, c'est ça qu'on essaie de corriger par le projet de loi. C'est ça qu'on essaie de corriger par le projet de loi. Ce n'est pas une question, comme a été soulevé par le député de Gouin, ce n'est pas une question d'arrêter certains bassins ou de faire de la discrimination au niveau des personnes qui nous arrivent d'un endroit en particulier. Et, Mme la Présidente, je suis bien placé pour parler de ça, j'en suis un, immigrant, j'en suis un. Et je dois dire que je suis très fier, aujourd'hui, du fait que j'ai été accueilli, la terre d'accueil, le Québec, qui m'a très bien accueilli, avec des petites difficultés de parcours, avec des difficultés de parcours, mais je trouve ça normal, et qu'aujourd'hui que je suis ici depuis les 23 dernières années comme représentant d'un comté de l'est de Montréal, un comté, soi-disant, où on retrouve des ressortissants de 62 pays différents. 62 pays différents. Et, lorsqu'on parle des difficultés que ces gens-là ont pu avoir, ceux qui ont eu le malheur de se servir de certains consultants, ça a été de l'exploitation.

Ce n'est pas un phénomène nouveau. Question de consultants en immigration, ce n'est pas un phénomène nouveau, c'est un phénomène qui existe depuis justement la construction du chemin de fer, hein, qui avait été promis à la Confédération canadienne. À ce moment-là, des compagnies ? et puis je vais me retenir, je vais seulement préciser l'Italie, parce que je suis né en Italie, hein, je peux en parler ? c'est que des représentants de ces compagnies de chemin de fer allaient dans des villages en Italie, et là on leur offrait, imaginez-vous, le voyage, le financement du voyage pour venir au Québec. Et non seulement ça, hein, on leur offrait, une fois qu'ils arrivaient justement pour travailler, avec un bon contrat de travail, un bon contrat de travail, on leur offrait de l'hébergement, hein, dans des maisons de la compagnie, dans des maisons de la compagnie.

Et, une fois que ces gens-là sont arrivés ici, hein, principalement, si on regarde à travers le Canada, au niveau de Sault Ste. Marie ou d'autres villes, jusqu'aux montagnes Rocheuses, Mme la Présidente, c'est que vous allez trouver aujourd'hui des bassins de personnes d'origine italienne. Je me suis toujours posé la question comment ça se faisait. C'est pour ça que j'ai fait des recherches de ce côté-là. Et ces personnes-là, hein, employées par des compagnies canadiennes, n'est-ce pas, là, bien il fallait aller récupérer l'argent qu'ils ont investi pour qu'ils viennent ici, au pays, hein, avec des taux d'intérêt faramineux, un loyer au-delà de la normale. Et je peux vous dire qu'à la fin du mois... Parce que, à ce moment-là, ils payaient à la fin du mois, comme vous le savez, dans une petite enveloppe brune, hein, il n'y avait pas de chèque, c'était dans une petite enveloppe brune. Et, à ce moment-là, lorsque le pauvre immigrant qui avait été exploité, n'est-ce pas, lorsqu'il ouvrait son enveloppe pour voir qu'est-ce que c'est qui lui restait, il ne restait pas grand-chose.

n(16 h 50)n

Alors, ce n'est pas nouveau, là, question d'exploitation. Ça s'est produit. Ça s'est produit même plus tard, Mme la Présidente. Ça s'est produit au niveau de la période entre les deux guerres. Entre les deux guerres, les compagnies de construction de Montréal, qui faisaient exactement la même chose, allaient vider... Parce que je me suis posé la question... Vous savez, ça fait 50 quelques années que je suis ici, Mme la Présidente, puis malheureusement je suis retourné en Italie seulement que quatre fois, dans ces 50 quelques années, depuis que je l'ai quittée. Puis, lorsque je suis arrivé dans ma région natale, une chose qui m'avait frappé, c'est que, dans certains endroits, certains villages, la moitié du village était partie soit à Montréal, soit à Toronto. Encore, pourquoi? Je me suis posé la question. C'étaient ces fameux... À l'époque, on les appelait les banquiers, hein? Vous allez comprendre pourquoi je dis «banquiers», c'est parce qu'ils prêtaient de l'argent, hein? Ils prêtaient de l'argent à ces gens-là justement pour qu'ils puissent payer leur voyage, parce qu'ils n'avaient pas les moyens de payer leur voyage, ils n'avaient pas les moyens d'être un touriste au Canada, il fallait... la compagnie leur donnait l'argent, hein? Alors là ils arrivaient ici, à Montréal. Et vous allez comprendre qu'encore, lorsqu'un banquier prête de l'argent à quelqu'un, là, à ce moment-là, les intérêts étaient extrêmement élevés.

Aujourd'hui, on fait face à un problème semblable. Puis il n'est pas venu au monde hier après-midi. Ça fait des années que ça existe. Vous avez été témoins de ça. Si vous n'avez pas été témoins, si vous n'avez pas réussi à vous apercevoir que justement il y avait des gens qui parlaient au nom du Québec, au nom de notre société, qui exploitaient ces gens-là par un système pyramidal... Vous n'avez rien fait, absolument rien, vous avez fermé les yeux à tout ça. Et là on a le culot de nous dire que, nous, hein... qu'il y aurait de la discrimination si, à un certain moment, la ministre, elle s'aperçoit que, dans une région donné, qu'il y a de telles pratiques, qu'elle puisse arrêter et même rembourser de l'argent pour ceux qui auraient justement eu à débourser de l'argent au niveau de tous les permis, puis ainsi de suite. Ces gens-là qui se promènent en faisant toutes sortes de promesses...

Puis la raison qu'on a des problèmes au niveau des équivalences, Mme la Présidente, c'est principalement parce qu'on laisse croire à ces gens-là qui ont un diplôme de je ne sais pas trop quoi, hein, que le diplôme va être reconnu ici, au Québec, hein? Ça, c'est l'autre problème, hein, l'autre problème. Et on sait qu'avec toute la bonne volonté... Vous savez, j'ai déjà étudié à l'Université de New York puis, lorsqu'on parle de diplôme universitaire, on se disait, nous, comme étudiants, souvent en blaguant, on disait, en blaguant, c'est qu'il y avait certaines...

La Vice-Présidente: Je m'excuse. Une question de règlement, Mme la députée de...

Mme Delisle: Je voudrais que les gens s'assoient à leurs banquettes.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, Mme la députée. Alors, l'article...

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Pardon. On a invoqué l'article 32. Que les députés qui ne sont pas à leur siège veuillent bien le regagner, s'il vous plaît. Je vous remercie. Vous pouvez poursuivre, M. le député. M. le député de Viau, vous pouvez poursuivre.

M. Cusano: Merci. Merci de nouveau, Mme la Présidente. Ce que j'étais en train de dire... Pendant que j'étudiais à l'Université de New York, on blaguait souvent en parlant de certaines universités américaines qui offraient toutes sortes de diplômes, hein, pour n'importe quelle spécialité. Il y avait même, dans mon temps, une université en Floride qui offrait une concentration in Underwater Basket Weaving. O.K.? Et on sait que ces choses-là existent. Ça existe ailleurs, hein? Ça existe ailleurs. On sait qu'aux États-Unis on peut avoir presque un diplôme de niveau universitaire tout simplement en payant et remplissant quelques papiers puis, bon, et leur remettre ça. Ça existe. C'est frauduleux, mais ça existe. Et que ça existe dans d'autres pays, et que, moi, je pense qu'il est d'une importance capitale, si vraiment on veut défendre les intérêts du Québec, si vraiment on veut défendre les intérêts du Québec...

Vous savez, moi, M. le député de... Mme la Présidente, vous savez, je suis né en Italie, hein? Je suis ici et j'ai été élu pour défendre les intérêts du Québec et non les intérêts de l'Italie. Alors, le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, lui, de son côté, il pense que c'est plus important, aller consulter des gens au niveau de différents bassins de population.

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Article 35. Vous voulez...

M. Boulerice: ...je n'ai jamais suggéré, demandé de consulter les immigrants dans le pays où ils sont mais une commission parlementaire qui entendrait ceux qui sont venus à la précédente. Nuance.

Une voix: ...

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: Mme la Présidente, l'article 212 de notre règlement permet à quelqu'un, qui croit que ses propos ont été mal compris ou déformés, d'intervenir. Le député le sait, il aurait pu le faire. Je ne sais pas pourquoi il insiste tant à intervenir dans un dossier de l'immigration aujourd'hui, étant donné l'histoire récente. Mais, si j'étais à sa place, je serais un peu plus discret dans ce dossier.

La Vice-Présidente: Est-ce que vous avez une nouvelle question de règlement, M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques?

M. Boulerice: ...

La Vice-Présidente: Alors, je considère qu'il n'y avait pas motif à invoquer l'article 35. Si vous voulez bien poursuivre, M. le député. M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci de nouveau, Mme la Présidente. C'est la troisième fois ou quatrième fois que je vous dis merci, mais c'est toujours avec plaisir de vous adresser la parole, Mme la Présidente.

C'est que, lorsqu'on parle de cette question au niveau des personnes, que, je crois, n'importe quel pays d'accueil, hein, doit se donner des mesures justement pour pouvoir équilibrer, équilibrer, qu'on puisse recevoir des gens de tous les pays du monde. Et, lorsqu'il y a des engorgements, que la ministre a soulignés tout à l'heure au niveau de...

Excusez-moi, je pensais que j'avais plus de temps que ça, Mme la Présidente. Vous m'indiquez que j'ai deux minutes?

La Vice-Présidente: 20 minutes. Vous avez 20 minutes en tout.

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Je m'excuse.

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Je m'excuse. Il reste effectivement 11 minutes à votre temps.

M. Cusano: Ah bon! Ah! Ça, c'est 11! O.K. J'ai toujours pensé que c'était deux.

Des voix: ...

Une voix: Ce n'est pas deux, c'est 11.

M. Cusano: O.K. Alors, non, je disais qu'il est extrêmement important que, de la part des Québécois, par l'entremise des élus ici, à l'Assemblée nationale, pour qu'on... Oui, on est une terre d'accueil. Je l'ai vécu, j'ai été bien accueilli, hein? J'ai été bien accueilli, alors, comme je disais tout à l'heure, avec quelques petites difficultés. Vous savez que, lorsqu'en 1951 je suis arrivé à ville Saint-Michel, qui est présentement le comté de Viau, à 7405, 1re Avenue, à ville Saint-Michel, on était un petit groupe de nouveaux arrivants, principalement de l'Italie, et on jouait souvent dans la ruelle, comme c'était l'habitude là-bas. Et souvent, Mme la Présidente, il y avait le groupe qui jouait au bout de la ruelle, de l'autre côté, qui fréquentait l'école Saint-Mathieu, francophone, hein, puis, à un certain moment ? vous savez comment c'est qu'ils sont, les jeunes ? bon, bien, les jeunes de l'école de Saint-Mathieu venaient nous déranger, et ça...

Une voix: Vous tirer la pipe?

M. Cusano: Oui, il y avait un peu... Oui, on nous tirait la pipe, et ainsi de suite. Mais ça arrivait tout le temps que c'était une bagarre, hein? Alors, on était moins nombreux, moins nombreux. Là, on partait en courant dans la ruelle, hein, pour se rendre à l'autre bout de la ruelle pour rencontrer des élèves de l'école St. Brendan's ? ça, c'étaient des élèves de l'école anglophone, n'est-ce pas ? ça fait qu'on mangeait des coups des deux bords. O.K.? Alors, je peux vous dire que...

n(17 heures)n

Mais ça, je dis que ça fait partie, hein, justement de cette intégration, d'être accepté. Je peux dire qu'après un certain temps, après un certain temps, même en se bagarrant, que ce soit avec le groupe de l'école francophone ou celle anglophone, on est devenus des amis. On est devenus des amis, hein? On a appris à se connaître. On a appris à se connaître. Mais ce n'était pas difficile de se ramasser à la maison, le soir, puis expliquer à sa mère ou son père pourquoi mon nez saignait, hein? Mais ça, c'est arrivé à des jeunes immigrants comme moi, mais je suis sûr qu'il y a d'autres collègues ici, de la région de Québec, qui ont subi le même sort, ainsi de suite. Alors, il ne faut pas non plus exagérer au niveau de la question, tu sais, de l'acceptation de gens à l'ouverture qu'on fait envers nos immigrants.

Alors, tout ça pour vous dire, Mme la Présidente, que l'immigrant, celui qui choisit de se déraciner, de se déraciner et de partir, tu sais, d'un pays... Et, à l'époque, de partir de l'Italie, partir de la France, partir de l'Espagne, hein, où on n'avait pas les moyens de communication que nous avons aujourd'hui, hein, de partir avec une valise et, au grand maximum, peut-être un 10 $ dans sa poche, en ne sachant pas qu'est-ce que c'est qui nous attendait, vous savez, ce n'était pas exactement la chose la plus facile. Je dois vous dire une chose: si j'avais à me déraciner, aujourd'hui, du Québec et partir avec une petite valise puis même avec 1 000 $ dans ma poche pour aller ailleurs, je vais dire une affaire, je pense que je serais un peu stressé. O.K.?

Alors, le courage de ces gens-là, c'est qu'ils sont venus puis ils sont venus enrichir le pays, qu'ils ont travaillé, qu'ils se sont intégrés au niveau de la société québécoise. Et, moi, je pense que c'est normal, c'est aussi normal que, le pays d'accueil, hein, il y ait certaines conditions d'être accueilli. Lorsque j'ai été élu député de Viau, puisque, comme je vous ai dit, j'ai des ressortissants de 62 pays différents, on avait fait, une année... Lorsque j'avais engagé un étudiant au niveau de... une étudiante en communications, elle avait procédé à passer des gens en entrevue, des personnes d'un certain âge, de les passer en entrevue et de poser des questions à savoir pourquoi et comment ils étaient arrivés ici, au Québec. Et j'ai été surpris, j'ai été surpris parce que, dans la plupart des cas, comme je vous disais tout à l'heure, c'était dû principalement à ceux qu'à l'époque... On ne les appelait pas des consultants mais des impresarios, n'est-ce pas, des impresarios qui s'occupaient de tout le déplacement.

Et une chose qui m'a surpris, Mme la Présidente, c'est de savoir qu'à l'époque, au début des années cinquante ou à la fin des années quarante, juste au tournant des années cinquante, il y a beaucoup d'Italiens qui sont arrivés ici, au Canada, et qui avaient une obligation. Ils avaient une obligation, à l'époque, d'aller travailler sur une ferme. Ils avaient une obligation d'aller travailler sur une ferme. O.K.? Et c'est pour ça, aujourd'hui, si vous allez à des endroits tout près du comté du député de Saint-Hyacinthe, que vous allez trouver les familles D'Amico, hein, des gens qui sont arrivés ici, et l'obligation, c'était de s'installer sur des fermes. Vous allez dans le bout de Sainte-Adèle, vous allez trouver la famille Lamarro, ainsi de suite, hein? C'est des gens qu'on a accueillis avec certaines conditions. Et, lorsque vous allez vous installer ailleurs, moi, il me semble que c'est normal, que c'est normal, puis je l'ai vécu, puis je ne reproche personne...

Je comprends qu'aujourd'hui, avec la Charte des droits et des libertés, hein, on ne peut pas faire ça. On ne peut faire ça. Je ne dis pas le contraire, sauf que je dis qu'il y a une responsabilité que nous avons, en tant qu'élus, de s'assurer que les personnes qui arrivent ici, au pays... qu'on ne devienne pas une annexe d'un autre pays. Parce que c'est ça qui est le danger. Je ne veux pas que ça devienne une annexe d'un autre pays. Et c'est pour ça qu'il faut que la ministre, le ministère ait des pouvoirs justement pour voir que, lorsqu'il y a de la fraude ? puis j'insiste sur la question de la fraude ? la ministre puisse prendre toutes les mesures nécessaires pour arrêter cela, hein? C'est vrai qu'on n'a pas de juridiction dans d'autres pays, mais justement on peut s'assurer, et justement par le fait de reconnaître de façon officielle des consultants où il y aura des critères d'établis justement... C'est une question de crédibilité au niveau de ces personnes-là. Mme la Présidente, moi, je pense que les personnes les mieux servies dans tout ça, c'est nous, résidents, citoyens du Québec d'aujourd'hui.

Et je dirais, en terminant, Mme la Présidente, que j'ai entendu beaucoup de fois, particulièrement de l'autre côté de cette Chambre, qu'il faut être maîtres chez nous. Moi, je vous dis: Oui, c'est le Québec et non des consultants qui doivent déterminer l'avenir du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: On m'indique qu'il resterait peut-être moins d'une minute du côté... Ça va aller? Alors, du côté du gouvernement, il resterait environ... un petit peu moins de 2 min 30 s. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Pas d'autre intervention.

Alors, à ce moment-là, je vais mettre aux voix la motion de la députée de Prévost...

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Je vais mettre aux voix la motion de la députée de Prévost qui a été déposée le 27 de mai. Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Vote nominal.

La Vice-Présidente: Vote par appel nominal. Qu'on appelle les députés.

n(17 h 6 ? 17 h 22)n

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Alors, Mmes, MM. les députés, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion de Mme la députée de Prévost proposant que la motion en discussion actuellement soit modifiée en retranchant le mot «maintenant» et en ajoutant, à la fin, les mots «dans cinq mois».

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Boisclair (Gouin), Mme Marois (Taillon), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Jutras (Drummond), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pagé (Labelle), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Bédard (Chicoutimi), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Richelieu), Mme Lemieux (Bourget), M. Deslières (Beauharnois), Mme Beaudoin (Mirabel), M. Boulerice (Sainte-Marie?Saint-Jacques), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Maltais (Taschereau), M. Bouchard (Vachon), M. Lelièvre (Gaspé), M. St-André (L'Assomption), Mme Papineau (Prévost), M. Thériault (Masson).

La Vice-Présidente: Que les députés contre cette motion veulent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Charest (Sherbrooke), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis), M. Reid (Orford), M. Audet (Laporte), Mme Gauthier (Jonquière), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), M. Corbeil (Abitibi-Est), Mme Théberge (Lévis), Mme Normandeau (Bonaventure), M. Pelletier (Chapleau), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Gautrin (Verdun), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), M. Mulcair (Chomedey), M. Vallières (Richmond), M. Marcoux (Vaudreuil), Mme Courchesne (Fabre), M. Després (Jean-Lesage), M. Lafrenière (Gatineau), M. Brodeur (Shefford), M. Bordeleau (Acadie), M. Cusano (Viau), Mme Lamquin-Éthier (Crémazie), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Ouimet (Marquette), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), Mme Thériault (Anjou), M. Bachand (Arthabaska), M. Bernard (Rouyn-Noranda? Témiscamingue), M. Bernier (Montmorency), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gabias (Trois-Rivières), M. Dubuc (La Prairie), M. Descoteaux (Groulx), Mme Charlebois (Soulanges), Mme Charest (Matane), M. Blackburn (Roberval), Mme Gaudet (Maskinongé), Mme Hamel (La Peltrie), Mme L'Écuyer (Pontiac), Mme Legault (Chambly), M. Lessard (Frontenac), M. Mercier (Charlesbourg), M. Moreau (Marguerite-D'Youville), M. Soucy (Portneuf), M. Rioux (Iberville), Mme Perreault (Chauveau), M. Paquin (Saint-Jean), M. Tomassi (LaFontaine), Mme Vien (Bellechasse).

La Vice-Présidente: Y a-t-il des abstentions? Alors...

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader.

M. Dupuis: Avec le consentement de l'opposition, est-ce qu'on pourrait permettre au député d'Outremont d'enregistrer son vote?

La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y consentement?

Des voix: ...

La Vice-Présidente: Consentement.

La Secrétaire adjointe: M. Séguin (Outremont).

La Vice-Présidente: Alors, M. le secrétaire général, pour le résultat du vote, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: Pour: 24

Contre: 56

Abstentions: 0

La Vice-Présidente: Alors, nous allons poursuivre le débat sur la motion de Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration proposant l'adoption du principe du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec.

Alors, je vais suspendre quelques instants, le temps que vous vous retrouviez à vos fonctions.

(Suspension de la séance à 17 h 26)

 

(Reprise à 17 h 27)

Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente: Alors, Mmes, MM. les députés, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre le débat, et je serais prête à reconnaître un prochain intervenant. M. le député de Charlesbourg, à vous la parole.

M. Éric R. Mercier

M. Mercier: Merci, Mme la Présidente. Avant même de débuter, vous me permettrez quand même de faire un petit préambule suite à ce vote sur la motion. Vous savez, à titre de membre de la Commission de la culture, évidemment qui s'occupe de l'immigration, j'ai été à même de constater évidemment les propos des membres de l'opposition, formant l'opposition, et je vous dirais, Mme la Présidente, que je suis quelque peu déçu, quelque peu déçu de la députée de Prévost, pour qui j'ai beaucoup d'estime quand même à titre personnel. Mais ça me surprend, je suis surpris que la députée de Prévost ait proposé cette motion. Évidemment, je comprends qu'elle est à la solde du leader de l'opposition et qu'elle a fait son travail.

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Je m'excuse. M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Bédard: On ne peut pas imputer des motifs, dire «quelqu'un qui est à la solde de quelqu'un d'autre». On est tous des parlementaires indépendants. Alors, j'inviterais le député à faire son allocution sans imputer des motifs indignes à personne ici.

La Vice-Présidente: Alors, M. le député de Charlesbourg, si vous voulez, on va vous demander votre collaboration. Si vous voulez poursuivre.

M. Mercier: C'est avec plaisir, Mme la Présidente, que vous avez toute ma collaboration.

Alors, je disais que j'étais, Mme la Présidente, un peu déçu, quelque peu déçu. Mais néanmoins, avec le résultat de ce vote, on se rend à l'évidence évidemment que cette motion a été adoptée... rejetée de notre part dans l'intérêt évidemment de tous les citoyens du Québec. Fin du préambule, Mme la Présidente.

Vous me permettrez évidemment, là, de commencer mon discours sur le projet de loi n° 53. Évidemment, c'est à titre de député de Charlesbourg que je suis plus que sensible au dossier de l'immigration, Mme la Présidente, et en particulier à la situation de l'immigration dans la Capitale-Nationale. Et, compte tenu évidemment que j'ai à coeur les intérêts des gens de la région de Québec et que je défends ardemment tout ce qui est relatif à la région de Québec, vous comprendrez que j'ai un petit faible, Mme la Présidente, pour tout ce qui touche la région et ses dossiers.

n(17 h 30)n

En commission parlementaire, Mme la Présidente, nous avons reçu plusieurs groupes socioéconomiques et culturels de la région de Québec, et c'est avec attention évidemment que nous les avons écoutés. C'est avec un souci également de leurs préoccupations... par souci de leurs préoccupations que nous les avons entendus. Et, comme le disait la ministre ce matin, Mme la Présidente, depuis un an, il s'est passé beaucoup de choses en immigration. Et j'écoutais tout à l'heure le député de LaFontaine et je vous dirais qu'il avait raison à certains égards, et à plusieurs égards, si je puis rajouter. En un an, il s'est passé beaucoup, énormément, comme il ne s'en est jamais passé depuis les neuf dernières années. Mais, soit!

Donc, après maintes consultations, Mme la Présidente, rencontres et échanges, c'est évident que la Capitale-Nationale a tous les atouts nécessaires pour devenir une destination de choix pour de futurs immigrants. Il n'en demeure pas moins qu'il faut les faire connaître et les rendre accessibles à cette clientèle.

En collaboration avec des organismes communautaires et culturels, nous avons mis en place un service d'accueil et d'accompagnement: recherche de logement, obtention de cartes et permis, cours de français, etc. Le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration a aussi favorisé la création d'une centaine de stages pour des immigrants jeunes avec la Table de concertation sur l'intégration économique des immigrants.

Vous savez, Mme la Présidente, les immigrants peuvent contribuer beaucoup à notre développement économique dans la Capitale-Nationale. Mais, pour assurer cette pleine contribution, il faut éliminer les obstacles ? on en a longuement discuté tout à l'heure ? dont, entre autres, la reconnaissance de compétences, formation.

Juste en ce qui a trait à la rétention des immigrants à Québec, le taux de présence était de 68,7 %, Mme la Présidente, pour la période de 1996 à 2001. Ensuite, entre 2001 et 2003, le taux s'est élevé à 80 %. C'est donc dire que la collaboration entre le ministère et la ville est excellente, et ce, j'en fais foi pour avoir vu la ministre à l'oeuvre dans divers dossiers, mais notamment celui de la Capitale-Nationale, Mme la Présidente.

Depuis 2001, il ratifie chaque année une entente en matière d'attraction et d'intégration des immigrants. Et vous allez me permettre de citer quelques chiffres ici: 2001, 85 000 $; 2002, 162 500 $; 2003, 300 000 $; 2004 à 2007, perspectives d'avenir, le MRCI versera 900 000 $. C'est quand même considérable, grande évolution depuis l'élection du Parti libéral du Québec.

Les objectifs de l'entente sont les suivants: augmenter le nombre d'immigrants dans la région de la Capitale-Nationale; faciliter la pleine participation des immigrants tant à la vie économique que sociale; favoriser le rapprochement interculturel.

Outre cette entente avec la Capitale-Nationale, le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration veut encourager la régionalisation de l'immigration. Donc, voici l'objectif visé par le ministère: favoriser par l'établissement de plans d'action adaptés aux spécificités régionales la prise en compte de l'immigration comme enjeu de développement. Ces plans d'action contiendront des mesures précises permettant, entre autres, d'assurer un arrimage étroit entre les services d'Immigration-Québec et ceux d'Emploi-Québec; d'établir des partenariats avec les municipalités; de convenir de partenariats avec des organismes des communautés culturelles et des organismes communautaires de services.

Les mesures qui seront mises en oeuvre pour atteindre ces objectifs sont les suivantes: organiser des activités visant à sensibiliser la population en région à l'apport de l'immigration et à la contribution potentielle des personnes immigrantes; également, Mme la Présidente, élaborer et mettre en oeuvre des plans d'action régionaux en collaboration avec les acteurs socioéconomiques concernés des régions, incluant les organismes des communautés culturelles.

Mais, pour parvenir à appliquer ces mesures, nous devons procéder à la modification de la Loi sur l'immigration au Québec, et plus particulièrement le pouvoir de suspension de la réception des demandes. Le projet de modification de la Loi sur l'immigration au Québec a notamment pour objet de permettre à la ministre, après évidemment approbation du gouvernement et publication dans la Gazette officielle du Québec? et là je vais aborder un aspect peut-être plus technique, plus technocrate, Mme la Présidente ? de suspendre la réception des demandes de certificat de sélection pour un bassin géographique donné, le terme «bassin» pouvant comprendre un pays, un groupe de pays ayant des caractéristiques linguistiques, culturelles ou économiques communes, un continent ou une partie de continent ? alors évidemment ce n'est pas nécessairement une société ciblée, ça peut être n'importe quoi, comme le disait la ministre précédemment ? et également de retourner aux personnes concernées leurs demandes de certificat de sélection accompagnées des droits exigibles ou de remboursement de ceux-ci, le cas échéant.

Si le Québec, Mme la Présidente, a revendiqué et obtenu des pouvoirs en matière d'immigration, c'est parce qu'il considère qu'il s'agit là d'un enjeu de développement important et qu'il veut gérer l'immigration en fonction de sa propre lecture des besoins et de sa capacité d'accueil. La législation actuelle permet notamment au Québec de déterminer les volumes et la composition de l'immigration qu'il souhaite accueillir; de décider, pour chaque catégorie ou sous-catégorie soumise à sa sélection, si les volumes prévus au plan de l'immigration sont un plafond ou une estimation; ensuite, Mme la Présidente, de suspendre, le cas échéant, le traitement des demandes de certificat de sélection s'il considère que le volume fixé ou estimé est ou sera atteint; de déterminer les facteurs et critères s'appliquant aux différentes catégories de candidats sélectionnés et, ce faisant, de choisir les candidats correspondant au profil recherché.

Ces dispositions permettent actuellement au Québec de gérer les volumes par catégories et sous-catégories d'immigration et, à l'intérieur de chaque catégorie ? toujours aussi technique, Mme la Présidente ? de gérer les refus par le biais de grilles de sélection qui sont d'application universelle. Rien cependant ne permet actuellement au Québec de contrôler la demande ni de gérer les volumes en fonction de bassins géographiques. Or, s'agissant de l'immigration économique, l'expérience des dernières années démontre que, sans contrôle de la demande, il devient extrêmement difficile d'assurer une diversification de l'immigration tant les ? et pardonnez-moi l'expression anglaise ? «push factors», exacerbés par l'industrie des consultants en immigration, sont importants dans certains territoires.

Il est devenu manifeste que les mesures utilisées jusqu'à maintenant pour assurer une diversification de l'immigration ne suffisent plus. Elles exposent le ministère à des poursuites, créent d'importantes frustrations chez les clientèles et ne règlent en rien ? et je dis bien «ne règlent en rien» ? le problème de fond. Pour gérer l'immigration de façon responsable et transparente et assurer la diversité du patrimoine socioculturel, le Québec doit pouvoir contrôler la demande. Il est important de préciser que le pouvoir de suspendre la réception de demandes de certificat de sélection ne peut s'appliquer qu'aux catégories soumises à la sélection du Québec. Ce pouvoir, Mme la Présidente, exclut donc les membres de la catégorie du regroupement familial et les personnes protégées au Canada, ces deux catégories de personnes ne faisant pas l'objet de sélection.

Théoriquement, ce que ça veut dire: le pouvoir de suspendre la réception de demandes de certificat de sélection s'applique ainsi aux candidats travailleurs, aux candidats gens d'affaires et aux réfugiés et personnes protégées à l'étranger. Et là vous constaterez, Mme la Présidente, que j'énumère toute cette théorie sur la loi mais également toutes les spécificités de la loi afin que les gens qui nous écoutent, Mme la Présidente, puissent mieux comprendre le but de cette loi mais également les fondements intrinsèques de cette loi.

Dans le cas des réfugiés et personnes protégées à l'étranger, les règles actuelles permettent cependant déjà une planification par bassins géographiques. Dans les faits, la modification législative visant à donner à la ministre le pouvoir de suspendre la réception de demandes de certificat de sélection dans un bassin donné vise donc uniquement l'immigration économique, travailleurs et gens d'affaires, laquelle a représenté 60 % du total des admissions en 2003. Elle vient ajouter plus de souplesse à la gestion des volumes dans l'offre d'immigration et permet une meilleure réponse aux besoins du Québec, selon la conjoncture et en tenant compte de sa capacité d'accueil. Elle étend donc en toute cohérence le pouvoir de planification par bassins géographiques, déjà reconnue en immigration humanitaire.

La modification législative, Mme la Présidente, vient donc compléter l'éventail d'outils nécessaires à une gestion rigoureuse et responsable de l'immigration. Selon la Loi sur l'immigration, la sélection des candidats à l'immigration a notamment pour objet de ? et toujours, Mme la Présidente, afin que les gens qui nous écoutent puissent mieux comprendre la loi:

1° contribuer à l'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec, à la stimulation de son économie et à la poursuite de ses objectifs démographiques;

n(17 h 40)n

2° favoriser, parmi les ressortissants étrangers qui en font la demande, la venue de ceux qui pourront s'intégrer avec succès au Québec.

Les objectifs de stimulation économique et de poursuite d'objectifs démographiques sont pris en considération lors de la fixation des volumes dans l'exercice de planification triennale, choix de catégories des travailleurs indépendants, des gens d'affaires et des jeunes familles.

L'anticipation d'une intégration fructueuse... au Québec ? pardonnez-moi ? est appréciée à l'intérieur de la grille de sélection en fonction de critères développés à cet effet. Il reste l'objectif d'enrichissement du patrimoine socioculturel, qui doit être constamment assuré par la diversification. Cet objectif d'assurer la diversification du patrimoine est celui qui justifie le pouvoir de suspension. En fait, le critère à la base du recours à une mesure de suspension devrait être le trop fort volume de demandes émanant d'un bassin donné. Il y aurait d'ailleurs lieu, afin d'éviter d'être soupçonnés de discrimination, de privilégier une balise mathématique en déterminant, par exemple, qu'aucun bassin de sélection de travailleurs ou de gens d'affaires ne peut représenter plus de x pour cent, par exemple 20 %, du total de la sélection dans cette catégorie. Ce faisant, le Québec pourrait contrôler la demande là où elle est effectivement trop forte, tout en poursuivant de façon intensive ses efforts de promotion et de recrutement dans d'autres territoires.

Concrètement, Mme la Présidente, la ministre pourrait, par exemple, une fois la loi adoptée, soumettre à l'approbation du gouvernement une mesure qui lui permettrait de suspendre pour un an la réception de demandes de certificat de sélection à titre de travailleur, considérant les plusieurs milliers de dossiers en attente de traitement dans cette catégorie et, si elle le juge pertinent, une autre mesure qui lui permettrait de retourner à des candidats dont la demande n'a pas encore été traitée leur demande de certificat de sélection accompagnée d'un remboursement de la tarification, après, évidemment, l'analyse des impacts budgétaires, il va sans dire, Mme la Présidente.

En terminant, la ministre pourrait également, lors du prochain plan annuel d'immigration, annoncer une prolongation de la période de suspension, si jugé opportun, et annoncer également les règles devant lui permettre d'atteindre les objectifs de diversification de l'immigration en précisant, par exemple, que, s'agissant d'immigration économique, aucun bassin ne peut représenter plus que x pour cent du total. Toujours aussi technique, Mme la Présidente, mais je pense que c'est tout à fait légitime et utile en ce cas-ci d'expliquer les tenants et aboutissants de cette loi.

Il n'est pas impossible que d'autres critères puissent également éventuellement apparaître, comme un volume trop important de demandes dans une profession donnée. Aux premiers abords, il appert cependant que d'autres instruments, telle que la liste des professions inadmissibles, seraient plus indiqués pour gérer ces phénomènes, à moins que ce ne soit parce qu'il faut prévoir un remboursement, Mme la Présidente, de la tarification, ce qui ne peut se faire actuellement via les modifications aux listes afférentes à la grille de sélection.

Dans notre société que l'on veut tolérante et inclusive ? et la ministre l'a maintes fois répété et j'abonde évidemment en ce sens ? si l'on veut que la Capitale-Nationale et les autres régions reçoivent davantage d'immigrants, il est important de modifier la Loi sur l'immigration au Québec en la dotant d'un pouvoir de suspension de réception de demandes de certificat de sélection du Québec.

Et je termine, Mme la Présidente. Outre le fait que ce projet de loi s'inscrit en parfaite harmonie ? et je dis bien «en parfaite harmonie» ? avec les chartes de droits, qu'il est à l'écoute de la communauté pour l'accueil de la diversité socioéconomique et culturelle dans notre société, il s'inscrit résolument dans la lutte à la discrimination raciale, la lutte aux préjugés, afin que le Québec puisse demeurer une société moderne, afin que le Québec puisse également bénéficier à leur juste mesure des talents et de l'expertise de nos immigrants pour toujours mieux performer, afin que le Québec puisse demeurer une terre d'accueil enviée et, en terminant, afin que le Québec puisse ? et je le dis avec toute sincérité, afin que le Québec puisse ? briller parmi les meilleurs, Mme la Présidente. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, je serais prête à reconnaître un prochain intervenant. M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Et, en commençant mon intervention, je ne puis que répondre à mon collègue qui vient de parler: Eh bien, c'est fait, c'est fait! Quand on pense à Céline Dion, quand on pense au Cirque du Soleil, quand on pense à la multitude d'artistes québécois, de gens d'affaires, de firmes d'ingénieurs, de toutes sortes de personnes qui, du Québec, brillent partout dans le monde, c'est fait, c'est fait! Et puis je pense qu'il faut continuer dans ce sens-là et faire en sorte que notre peuple puisse vraiment s'épanouir et donner le meilleur de lui-même aux autres. Et une des façons évidemment de faire cela, c'est d'être ouverts sur le monde et d'accueillir les gens qui souhaitent venir enrichir avec nous notre patrimoine culturel, notre patrimoine social et notre patrimoine économique.

Dans ce contexte, Mme la Présidente, moi, je voudrais vous parler des vraies choses, des vraies choses de l'immigration tel que ça se vit sur le terrain. Chez nous, à Saint-Hyacinthe, depuis peu de temps on reçoit des immigrants, puis il en était arrivé quelques-uns antérieurement. Mais, avant qu'on adopte, c'est-à-dire le gouvernement du Parti québécois qui a adopté, dans les années antérieures, la politique de régionalisation, avant qu'on adopte cette politique-là, il y en avait très peu. C'était très peu, il y avait quelques personnes, par exemple quelques professeurs de la Faculté de médecine vétérinaire, qui venaient soit de France, d'Angleterre, des États-Unis, quelques personnes qui venaient d'Amérique latine, mais très peu. Et, depuis qu'on a adopté la politique de régionalisation des immigrants, bien, parmi le grand nombre d'immigrants ? parce que c'est quand même entre 30 000 et 40 000 immigrants qui arrivent chaque année au Québec, parmi le grand nombre d'immigrants ? qui arrivent au Québec, bien un nombre appréciable viennent à Saint-Hyacinthe, ils viennent s'installer parmi nous.

Et il existe donc chez nous deux groupes, deux groupes communautaires, je dirais, deux organismes communautaires qui font un travail formidable pour accueillir les immigrants et répondre à leurs attentes. Je veux parler évidemment de la Maison de la famille, qui est un groupe de quelques personnes ? ils ne sont pas nombreux ? qui travaillent à temps plein entre autres à aider les familles de Saint-Hyacinthe, mais beaucoup plus encore à accueillir les familles immigrantes, avec un très grand nombre de bénévoles, des bénévoles qui eux ne reçoivent rien pour leurs services, si ce n'est le sourire et la satisfaction de voir que les immigrants peu à peu trouvent ici une terre d'accueil, un milieu qui les reçoit, qui les accueille et dans lequel ils peuvent s'insérer, dans lequel milieu ils peuvent penser vraiment prendre soin de leur famille, prendre soin de leurs enfants, élever leur famille et tranquillement commencer à pousser des racines dans la société québécoise. Évidemment, ce n'est pas toujours facile, parce qu'ils doivent faire ça avec les moyens du bord, ils ont un petit peu d'aide, un petit peu d'aide du ministère de l'Immigration, mais c'est peu de chose.

Lors de la commission parlementaire, je demandais à la ministre si ce serait possible que la ministre aide les organismes communautaires comme ça qui doivent... qui, par la force des choses... Si, il y a quelques années, ils ne recevaient pas d'immigrants et que, dans l'espace de trois, quatre ans, bien la population immigrante passe d'une vingtaine, une trentaine de personnes à plus de 100 personnes, bien évidemment l'organisme communautaire a besoin d'espace pour donner ces services d'accueil aux immigrants. Bien souvent, elle doit se relocaliser.

Alors, je demandais à la ministre: Est-ce qu'on pourrait compter sur l'apport du ministère de l'Immigration pour aider ces organismes-là à se relocaliser et à faire en sorte de rendre les services qu'on attend de ces organismes-là? Alors, la ministre, très franchement, très honnêtement m'a dit: Non, ce n'est pas possible qu'on investisse dans l'infrastructure. Bon, ça va, c'est une politique... J'aurais préféré une réponse contraire, là, mais c'est une politique qui peut s'expliquer, qui peut se défendre.n(17 h 50)n

Cependant, si on ne peut pas aider dans l'investissement d'une infrastructure, je pense qu'il faut soutenir équitablement les organismes qui rendent les services et leur apporter une contribution non seulement pour le travail des professionnels qui travaillent à temps plein, mais aussi pour aider les bénévoles et aussi pour la location d'espaces ? la location d'espaces. Ce serait équitable que le ministère de l'Immigration donne un montant pour la location d'espaces. Ça permettrait à ces organismes-là d'investir pour l'avenir en ayant des garanties que, pendant un certain nombre d'années, bien un certain montant arrivera comme location, comme bail pour payer les espaces. Ça permettrait de planifier le développement et de rendre les services aux immigrants. Alors, il y a beaucoup de choses comme ça qui peuvent être faites.

J'ai un autre organisme aussi, le Club de recherche d'emploi, qui, lui, se charge d'essayer... se charge d'aider les immigrants à trouver des emplois pour gagner leur vie. Parce que ces gens-là arrivent avec toutes sortes de formations. Bien souvent ils ne peuvent pas travailler dans leur formation, mais ce qu'ils veulent, c'est travailler ? travailler. En attendant de pouvoir trouver un poste dans la formation qu'ils ont reçue, dans le métier qu'ils ont étudié et pratiqué dans leur terre d'origine, ils veulent travailler. Alors donc, le Club de recherche d'emploi les aide à se localiser, à essayer de faire comprendre aux entrepreneurs qui... Certains n'ont jamais embauché d'immigrants. Donc, leur expliquer tous les avantages qu'il y a, voir que les immigrants, ce sont d'excellents travailleurs, des gens... Vous savez, Mme la ministre, quand des immigrants ont eu le courage... Mme la Présidente ? vous voyez, ça fait deux fois que je fais l'erreur; probablement que c'est un signe, hein, prémonitoire. Alors, c'est un signe prémonitoire, Mme la Présidente. Mais enfin, pour le moment, je vais vous appeler par votre fonction.

Bon. Alors donc, pour ces gens-là, c'est très important de pouvoir trouver un emploi. Donc, ces organismes-là aident les gens, les immigrants, à se localiser dans une entreprise, convaincre les entrepreneurs qu'ils ont intérêt... que ces immigrants-là, s'ils ont eu le courage de quitter leur pays, soit parce qu'ils étaient obligés, dans un cas de problème très grave dans leur pays, comme en Colombie, par exemple, soit parce qu'ils voulaient améliorer leur sort économique, bien, si ces gens-là avaient le courage de quitter chez eux, c'est qu'ils sont capables d'affronter un marché du travail et d'être très rentables dans une entreprise. Alors, les entrepreneurs ont besoin de savoir ça. Ça prend quelqu'un qui leur explique, parce qu'il n'y a pas de connaissance infuse, là-dedans. Alors, Mme la Présidente, il se fait un travail extraordinaire.

Par ailleurs, d'autres problèmes que rencontrent les immigrants... Par exemple, les gens arrivent et puis ils ne connaissent pas trop notre façon de vivre. Alors, ils ont souvent une couleur de peau un peu différente, les yeux un peu différents. Alors, les gens, les propriétaires de logements qui les voient arriver, bon, parfois ils peuvent avoir des préjugés ou parfois c'est tout simplement l'ignorance. Et déjà ça les met un peu sur la méfiance et c'est plus difficile pour un immigrant de trouver un logement à un prix convenable que pour n'importe quelle autre personne. C'est pour ça que c'est important d'aider ces gens-là, Mme la Présidente, pour qu'ils soient capables de trouver leur place parmi nous et... qu'ils soient capables de trouver leur place parmi nous et d'être heureux parmi nous, évidemment.

Alors, Mme la Présidente, j'ai regardé dans le projet de loi. J'ai beaucoup regardé ce projet de loi là qui évidemment, comme tout projet de loi... Il y a des bonnes choses dans le projet de loi, mais il y a des choses qui franchement manquent, dans ce projet de loi là, et, surtout après avoir écouté les gens, écouté les gens en commission parlementaire pendant presque un mois, où on nous a vraiment présenté toute la problématique des immigrants ici, je vois bien que ce projet de loi là, qui est sans doute inspiré par la bonne volonté, est tout à fait insuffisant, ne répond pas aux problèmes des gens. Les gens qui sont ici, il faut répondre à leurs problèmes. Ça ne répond pas aux problèmes des gens.

Par exemple, on parle de la francisation des immigrants. Vous savez, Mme la Présidente, quand un immigrant arrive ici, qu'est-ce qui lui permet d'être un citoyen comme tout le monde, d'être libre d'aller où il veut, de rencontrer qui il veut et de satisfaire ses besoins comme il l'entend, qu'est-ce qui lui donne la liberté citoyenne? Bien, c'est la langue, c'est la langue.

À partir du moment où il peut communiquer avec n'importe qui, il ne dépend plus... D'abord, il n'est pas réduit à un réseau très limité; il peut parler avec qui il veut partout au Québec. Il n'est pas dépendant d'un interprète. Il va et vient comme il veut et, quand il arrive pour demander un emploi, il sait comment s'exprimer. Quand il arrive pour demander un logement, il sait comment s'exprimer. Alors, évidemment, la francisation, la langue, c'est la liberté pour l'immigrant, Mme la Présidente. Alors ça, c'est une chose dont il faut prendre... faire beaucoup... à laquelle il faut faire beaucoup attention.

Prenez, par exemple... Ça se produit des fois, trop souvent malheureusement: prenez un couple qui arrive d'Asie; d'Asie, par exemple, des Indes, ça pourrait être du Pakistan ou d'ailleurs. Prenons un couple qui arrive des Indes. Un homme, une femme, trois enfants. Souvent, ce qui se produit, c'est que l'homme, parce qu'il a besoin de travailler, va apprendre la langue, mais souvent on ne porte pas l'attention qu'il faut à faire en sorte que les femmes aussi apprennent la langue.

Alors, on rencontre des femmes qui sont arrivées ici, au Québec, depuis 30 ans et qui n'ont pas appris la langue. Elles sont extrêmement limitées, leur liberté de personne humaine est extrêmement limitée. Alors, je ne vois pas beaucoup de choses dans la loi qui favorisent ça, qui favorisent la francisation des immigrants.

Bien, la ministre va me dire: Oui, mais je viens d'annoncer 23 millions pour la francisation. Bon. 23 millions ont été annoncés, mais ce n'est pas pour la francisation. Il y aurait 11 millions, d'après ce qu'on... J'ai lu tout ce que j'ai pu trouver là-dessus, puis on arriverait à 11 millions pour la francisation. Bien, moi, je veux dire à Mme la ministre: Ce que vous avez fait de plus, je vous en félicite. Je vous en félicite, vous avez fait un pas en avant. C'est magnifique, mais ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas suffisant, parce qu'il ne suffit pas de diminuer la liste d'attente. Il faut faire disparaître ça, les listes d'attente. Parce que, quand les gens arrivent ici, c'est là qu'ils ont besoin d'apprendre la langue, parce qu'ils sont tout feu tout flamme, ils sont pleins de bonne volonté. Ce n'est pas après six mois, quand ils ont appris à baragouiner un peu en faisant une petite jobine; alors, c'est dès qu'ils arrivent. Alors, je pense qu'il faudrait faire disparaître ça.

Mme la ministre, je vois qu'il me reste... Mme la Présidente, je vois qu'il me reste très, très peu de temps et je veux ajouter une chose. Je trouve qu'il y a un danger très grand, dans cette loi-là. C'est tout ce qui regarde les pouvoirs exorbitants que la ministre se donne.

Je veux bien croire qu'on a une ministre de bonne volonté, puis tout ça. Mais ce n'est pas une question personnelle, c'est une question structurelle. Et il faut éviter qu'on dise: Aujourd'hui, on ne veut plus de latinos; demain, on ne veut plus de Maghrébins; après, on ne veut plus de Chinois. Vous voyez, c'est dangereux, ça. Et, même quand c'est fait avec des mots enveloppés dans du papier, vous savez, c'est dangereux.

Alors, c'est à cause de ça qu'on trouve que ce projet de loi là tel qu'il est... il n'est pas acceptable tel qu'il est parce qu'il manque... il manque son objectif, et il aurait fallu, Mme la Présidente, tant qu'à faire un projet de loi, le faire plus complet. Et c'est pour ça que nous demandions le report, Mme la Présidente, pour donner plus de temps, là, à Mme la ministre pour faire un meilleur projet de loi. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, il vous aurait resté environ un petit peu moins de sept minutes. Je ne sais pas si vous désirez poursuivre? Il vous reste... Avant que je suspende, à 18 heures, il reste une minute.

M. Dion: Je vous remercie, Mme la Présidente. J'avais vu des signes qui me laissaient croire que j'avais dépassé mon temps. Alors, vous voyez, je suis heureux d'avoir un peu plus de temps, parce que, voyez-vous, toute la question des pouvoirs exorbitants, je trouve ça un peu malheureux, un peu malheureux. Parce qu'on dit qu'on pourra suspendre la réception des demandes de certificat de sélection pour la période que le ministre fixe. «Cette suspension peut être renouvelée. Elle s'applique aux ? je passe un petit bout, là, mais elle s'applique aux ? demandes de certificat de sélection reçues avant l'entrée en vigueur de la mesure.» Ça, c'est embêtant, Mme la ministre. Des gens se sont inscrits, ont espéré pendant des mois, ont peut-être fait des dépenses, et là ils reçoivent une lettre... Même si on leur retourne leur argent, ils reçoivent une lettre qui dit: Vous avez rêvé en vain. On vous a fait espérer, mais maintenant c'est fini. Je trouve que c'est un peu fort. Qu'il y ait des limites qui soient imposées pour l'avenir, c'est une chose, Mme la ministre, mais, pour le passé, ça, ça me semble exorbitant. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 9)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, chers collègues, veuillez vous asseoir.

Alors, l'Assemblée nationale poursuit le débat sur la motion de Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration proposant l'adoption du principe du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec.

Il restait un certain nombre de minutes au député de Saint-Hyacinthe. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, si vous voulez poursuivre pour terminer votre intervention. M. le député.

M. Dion: Merci, M. le Président. Il ne me reste que quelques minutes. Oui, je vois bien que mon bon ami député de Shefford voudrait bien m'applaudir, mais je lui suggérerais de réserver ça pour dans quelques minutes. Je vais terminer et ça va être... et ce sera sans doute l'enthousiasme hilarant dans cette Assemblée.

n(20 h 10)n

Mais, par-delà... C'est sûr, nous, on a de la chance, hein, parce que, tout en travaillant très sérieusement, on peut prendre quand même le plaisir de profiter de la qualité du travail et de cet endroit merveilleux où on a la chance de travailler. Et qui nous honore tous, hein, parce que cette salle, c'est la salle qui représente vraiment le peuple du Québec, où le peuple s'exprime, d'une façon ou de l'autre, avec toutes les controverses et parfois avec toutes les passions qui nous animent, ce qui fait qu'on est ce qu'on est, un peuple magnifique.

Mais il y a des gens qui, il faut bien se rendre à l'évidence, n'ont pas toutes les mêmes chances, au Québec, mais aussi dans le domaine de l'immigration. On parle de l'immigration. Je voudrais vous raconter ? puisque j'ai juste quelques minutes, il va falloir que je fasse rapidement ? un cas, un cas d'immigration, pour que nous réfléchissions bien à l'importance de ce que nous faisons présentement.

J'ai un de mes bons amis, dont je tairai le nom, qui est Colombien d'origine. Alors, je vais vous parler un petit peu de Colombie. C'est un pays que je connais bien pour y avoir séjourné pendant un an quand j'étais jeune homme, et c'est un pays qui, malgré tous ses aspects extrêmement positifs, ses richesses de toute nature, richesses naturelles, une culture, un peuple extraordinaire, a malheureusement traversé, depuis plus de 100 ans, les 120 dernières années... à travers des cycles très peu interrompus de violence institutionnalisée entre les grandes factions politiques, et tout ça, ce qui a fait que des situations tragiques comme celle qu'ils vivent aujourd'hui, ça s'est vu quelques fois depuis 100 ans. Et il me racontait sa situation à lui. Écoutez ça, vous allez voir que c'est quelque chose d'impensable, d'inimaginable.

Lui, parce que c'était un défenseur des droits de la personne dans son pays, évidemment les gens ont fini par prendre confiance en lui et l'ont élu, avec toute l'équipe de défenseurs des droits de la personne de son milieu, l'ont élu maire de sa municipalité, une toute petite municipalité, une toute petite ville, près de 100 000 habitants ? parce que c'est un grand pays, la Colombie, c'est un pays très populeux. Alors, lui, comme maire de son village, il s'est employé à essayer de tisser des ponts de façon à rétablir le calme et la paix dans son milieu.

Vous savez qu'en Colombie actuellement il y a deux factions qui s'affrontent: d'un côté, la guérilla, des gens qui veulent changer le système politique pour établir plus de justice sociale dans le pays, et, d'un autre côté, la FARC, les Forces armées révolutionnaires de Colombie, qui sont ni plus ni moins que des paramilitaires armés par en dessous par des gens plus ou moins... de la société civile ou de la société militaire là-bas, et qui luttent contre la guérilla. Et, entre les eux, il y a le gouvernement institutionnalisé, avec l'armée. Alors, les gens sont pris entre deux feux. Et lui, ce qu'il essayait, c'est essayer de créer des ponts entre les deux extrêmes. Alors, évidemment, ça ne faisait par l'affaire de la FARC, qui a intérêt évidemment à essayer de dominer la guérilla, et la guérilla qui a intérêt, dans la politique du pire, à essayer de créer une situation qui va faire que les gens vont vouloir se débarrasser du gouvernement.

Lui, il me racontait que, dans tout ça, sa femme a été assassinée, un de ses garçons a été assassiné, le plus jeune de ses garçons, de 12 ans, a été réquisitionné, volé par la guérilla pour en faire un guérillero. Et il lui reste un fils, un fils qui se cache quelque part à Bogota parce qu'il est menacé de mort, et il veut le faire venir au Québec. Ça, c'est une situation réelle.

Dans la loi qu'on a aujourd'hui, la ministre se réserve le droit d'arrêter, hein, la sélection pour une section géographique, hein, pour un territoire, un pays ou un ensemble géographique particulier. Je connais bien Mme la ministre de l'Immigration. Moi, je pense que c'est une personne qui est très bien intentionnée et qui n'irait jamais éviter de tenir de tenir compte d'une situation comme la situation dramatique en Colombie. Et il y en a d'autres situations comme ça dans le monde. Mais, vous savez, les personnes en politique, on est tous un peu comme des oiseaux sur la branche: on est ici aujourd'hui et demain on est là ou on est ailleurs, et on est ministre de quelque chose aujourd'hui et on ne l'est plus demain, on est ministre ailleurs. Alors, tout ça fait qu'il faut faire attention à ce qu'on met dans les institutions et faire attention pour ne pas ouvrir la porte à ce qui pourrait devenir des abus.

Motion de scission

Alors, c'est pour ça, M. le Président, que, moi, je voudrais présenter la motion de scission suivante, pour qu'on traite cette loi-là correctement, une motion qui se lirait de la façon suivante:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement [de l'Assemblée nationale] le projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, soit scindé en deux projets...»

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, s'il vous plaît! Un instant! Je veux entendre la fin de la motion.

Mme Lamquin-Éthier: Permettez-moi, M. le Président, avant que notre collègue termine ou entame la discussion, de vous demander si le temps qu'il lui restait était terminé ou s'il avait encore du temps pour proposer la motion dont il nous parle.

Le Vice-Président (M. Gendron): ...au moment où il a commencé à annoncer sa motion de scission, il lui restait un 16, 17 secondes.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, oui, oui...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Ça ne me dérange pas de vérifier, effectivement, parce qu'on peut faire des erreurs, mais il me semble que, quand il a annoncé sa motion de scission, il lui restait du temps.

Alors, je vais suspendre quelques minutes pour vérifier, si vous voulez, M. le député de Saint-Hyacinthe...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant!

(Suspension de la séance à 20 h 16)

 

(Reprise à 20 h 17)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, chers collègues, comme je l'ai indiqué, les gens de la table affirment qu'au moment où il a commencé à présenter sa motion de scission il restait encore du temps à son intervention.

Alors, si vous voulez poursuivre pour finir votre présentation de motion de scission. S'il vous plaît, M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.

M. Dion: Alors, M. le Président, pour que ça se tienne, je vais recommencer la lecture pour qu'il y ait de la suite dans les idées, je pense, hein? Alors:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement [de l'Assemblée nationale] le projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, comprenant les articles 1 à 3, le premier alinéa de l'article 4, les articles 6 à 11, les articles 13 à 16 et l'article 18; et un second intitulé Loi modifiant la Loi sur l'immigration afin de permettre la sélection par bassins géographiques, comprenant le second alinéa de l'article 4, l'article 5, l'article 12 ainsi que les articles 17 et 18.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Je souhaiterais avoir copie de la motion. Et, comme il est de coutume, on va prendre peut-être une minute pour s'assurer que autant le gouvernement que l'opposition officielle ont une copie. Alors, je vais suspendre pour quelques minutes pour...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, un instant! Un instant, ce ne sera pas long. M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, je regarde le chronomètre, qui indique 22 min 31 s au moment où ça a été arrêté, au moment où c'est que le député s'est assis. C'est quoi qui compte ici? Est-ce que c'est le chronomètre qui apparaît au mur, aux quatre murs ici, ou c'est l'information que vous avez reçue tout à l'heure?

Le Vice-Président (M. Gendron): Bien, ce n'était pas une question de règlement. Non, ce n'est pas une question de règlement.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Ça va. Ce n'est pas une question prévue au règlement, mais... Un instant! Une chose qui est certaine, une chose qui est certaine: de tout temps, lorsque des parlementaires prétendent que l'information ne serait pas exacte, c'est pour ça qu'on a des officiers à la table qui nous informent, et j'ai pris la peine...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! J'ai pris la peine de suspendre pour m'informer, et la version des accompagnateurs à la table pour nous aider à faire notre travail... ils m'ont informé qu'au moment où il a commencé sa présentation il lui restait du temps dans son intervention. Et la pratique et la coutume, qui est davantage le règlement que n'importe quoi d'autre, a toujours voulu qu'on lui laisse le temps, l'orateur qui a la parole, de finaliser, s'il est dans son temps qui lui est imparti.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, mais ça a été vérifié, puis les gens de la table me disent qu'il lui restait du temps.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! La décision a été rendue, que la motion de scission a été présentée. Là, je suspends quelques minutes pour que vous la receviez...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, ce ne sera pas long. Je suspends pendant quelques minutes pour que vous la receviez et, après ça, je serai prêt à entendre les commentaires des uns et des autres pour éclairer...

Une voix: ...

n(20 h 20)n

Le Vice-Président (M. Gendron): Juste une seconde, ce ne sera pas long. J'entendrai les commentaires des uns et des autres pour éclairer la présidence avant de rendre une décision sur la recevabilité, comme ça s'est toujours fait. Oui, pour la directive?

M. Cusano: M. le Président, moi, j'aimerais bien que vous m'expliquiez, hein, comment fonctionne le système d'horloge, qu'on vient justement de remettre à zéro, qui était à 22 min 31 s.

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui. Moi, je ne peux pas expliquer le système de l'horloge, ce n'est pas dans ma fonction.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Ce qui est dans ma fonction, c'est de m'assurer que le règlement est appliqué conformément aux us et coutumes et à la pratique, et surtout aux aides techniques que nous avons pour exercer notre responsabilité. J'ai suspendu, j'ai vérifié, et on m'a donné l'information que j'ai communiquée à chaque membre de cette Assemblée. Les travaux sont suspendus pour quelques minutes pour prendre connaissance de la motion.

(Suspension de la séance à 20 h 21)

 

(Reprise à 20 h 24)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, nous allons poursuivre nos travaux, et, au moment où on a...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Au moment où on a suspendu, j'ai pris quelques minutes pour m'assurer que les deux formations ainsi que moi-même ayons copie de la motion, et à partir de maintenant je suis prêt à entendre, de chaque côté de la Chambre, des avis sur la recevabilité de la motion de scission. Alors...

M. Cusano: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! On va entendre la question de règlement, s'il y en a une.

M. Cusano: M. le Président, je vous ai posé une question avant votre suspension, à savoir comment fonctionne le chronomètre qui est installé, hein, pour nous guider ici au niveau de nos débats. En ce qui me concerne, M. le Président, là...

Le Vice-Président (M. Gendron): Ça va.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Je suis debout, là. Alors, s'il vous plaît, je reprends pour la xième fois, mais, à ce sujet, je ne crois pas que je puisse dévier de ce qui a été communiqué...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, là! Je vais communiquer à nouveau l'information. M. le député de Viau, j'ai mentionné, comme président de cette Assemblée, qu'il y a une vieille coutume à l'effet de vérifier lorsqu'il y a des points de vue différents quant au temps qu'il restait au moment où un parlementaire a la parole et qu'il annonce la présentation d'une motion d'ajournement, de scission, ou autre. Vous avez prétendu que le temps était terminé. Vous aviez le droit, vous aviez parfaitement le droit.

J'ai pris la peine de vérifier avec les gens de la table, et les gens de la table m'ont dit qu'il restait quelques secondes au moment où il a commencé à lire sa motion de scission. Ça peut être un point de vue différent qui est le vôtre, je le respecte, mais, à partir du moment où le président se fait accompagner des gens de la table pour rendre une décision comme celle-là ? je suis allé les consulter, et ces gens-là m'affirment et m'assurent de la décision que j'ai prise ? la décision est rendue, vous ne pouvez pas contester la décision. Et en conséquence, moi, je suis rendu à entendre les plaidoiries sur la recevabilité parce que c'est là que nos travaux nous ont conduits et je reconnais des gens  ? un instant! ? qui veulent s'exprimer sur la recevabilité.

M. le leader de l'opposition officielle, vous voulez vous exprimer sur la recevabilité.

M. Boisclair: Alors, M. le Président, sur la recevabilité, je voudrais, M. le Président, vous dire...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Si Mme la leader adjointe du gouvernement veut s'exprimer sur la recevabilité... C'est exact qu'elle m'avait indiqué qu'elle voulait plaider, et, à ce moment-là, je vous reconnais et j'entends vos arguments sur la recevabilité de la motion de scission. Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Je ne veux pas intervenir sur la motion de scission, je veux plutôt vous demander une question...

Une voix: ...

Mme Lamquin-Éthier: Excusez-moi, M. le leader de l'opposition officielle!

Le Vice-Président (M. Gendron): Non. Écoutez, on ne peut pas dire à la présidence que vous voulez plaider sur la motion de scission et commencer par votre intervention: Je n'ai rien à vous dire sur la motion de scission, je vous ai donné la parole sur cette question-là.

Mme Lamquin-Éthier: Alors, question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vais entendre votre question de règlement.

Mme Lamquin-Éthier: Alors, M. le Président, je vous demanderais de me donner, si c'est possible, pour fins de vérification, l'enregistrement mécanique ou le ruban pour qu'on puisse voir... Je m'excuse, M. le leader de l'opposition officielle, l'article 36, puis...

Une voix: ...

Mme Lamquin-Éthier: Je m'excuse, je m'excuse, je m'excuse...

Des voix: ...

Mme Lamquin-Éthier: Je m'excuse. M. le Président, article 36 du règlement.

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Je ne crois pas qu'on va avancer... Je suis en mesure, M. le leader de l'opposition, après la présentation de sa question de règlement, d'indiquer ce que vous venez d'indiquer aux collègues de cette Chambre.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Bien je vais le faire quand je déciderai de le faire. Et, pour l'instant, je voulais que vous continuiez à expliquer l'article 36. Et ça va être assez court. Si effectivement l'article 36 a comme conséquence de revenir sur une décision rendue, bien vous allez voir que la réponse va venir vite. Alors, Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: 36 était pour mon collègue le leader de l'opposition officielle. Lorsque je suis debout et que j'ai la parole, je lui rappelle qu'il ne peut pas m'interrompre. L'article que je soumets à votre... Excusez-moi, M. le leader de l'opposition officielle. L'article 41, M. le Président, j'aimerais avoir une copie de l'enregistrement mécanique parce que... de l'audition pour que je puisse le regarder et m'assurer que le temps dont disposait notre collègue n'était pas écoulé, ce que je pense, le tout respectueusement.

Le Vice-Président (M. Gendron): Je vous remercie pour le respect, vous avez raison, sauf que c'est très clair, à 41, c'est que «le président se prononce sur les rappels au règlement au moment où il le juge opportun, en indiquant le motif de sa décision. Il peut aussi choisir de soumettre la question[...]. La décision du président ou de l'Assemblée ne peut être discutée.»

J'ai entendu un commentaire additionnel qui est inapproprié et inopportun. Justement pour avoir une décision éclairée, M. le député de Viau, j'ai pris la peine de suspendre, d'aller consulter les gens de la table, et les gens de la table m'ont assuré que l'orateur qui avait la parole avait encore le temps de déposer et lire sa motion de scission. La décision a été rendue là-dessus, et, en ce qui me concerne, je suis prêt à entendre les plaidoiries.

Débat sur la recevabilité

Et je reconnais maintenant M. le leader de l'opposition officielle pour les plaidoiries sur la question de règlement.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Vous m'avez reconnu, M. le Président? Merci. Alors, M. le Président, ce que je veux vous indiquer au sujet de cette motion, c'est qu'il s'agit d'une motion qui est recevable en vertu de notre règlement.

Une voix: ...

M. Boisclair: M. le Président, pourquoi est-ce que cette motion est recevable?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, M. le leader de l'opposition. Je ne refuse pas de vous reconnaître. Si vous voulez m'indiquer sur quoi vous voulez causer et... Un instant! La seule causerie que je veux entendre présentement, c'est de l'éclairage de la part de n'importe quel parlementaire, y incluant bien sûr, parce que la pratique le veut, le leader du gouvernement ou le leader de l'opposition officielle, sur la question qui nous est soumise, à savoir si cette motion de scission est recevable ou pas. Est-ce que c'est là-dessus que vous voulez m'éclairer, M. le député de Viau?

n(20 h 30)n

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui. Par contre, il a soulevé une autre question de règlement, puis je veux savoir sur quoi porte sa question de règlement. Alors, M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, je voudrais vous éclairer sur le fonctionnement de l'Assemblée.

Le Vice-Président (M. Gendron): ...la décision est rendue, c'est un appel à la décision du président, que je ne peux accepter. Je ne peux pas accepter, M. le député de Viau.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Je regrette, M. le député de Viau, je ne peux pas accepter des propos...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Je ne peux pas accepter des propos sur cette question-là.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Prenez votre décision. Vous avez le droit, M. le député de Viau, de prendre les décisions qui vous incombent. Alors, M. le leader de l'opposition, toujours sur la recevabilité concernant la motion de scission.

M. Boisclair: M. le Président, je veux prendre quelques instants pour vous parler de la recevabilité de la motion.

Une voix: ...

M. Boisclair: C'est quoi...

Le Vice-Président (M. Gendron): Bien, c'est clair que, si les parlementaires ne peuvent pas s'exprimer convenablement, parce qu'il y a un article sur le décorum, on va suspendre. Alors, moi, je ne veux pas suspendre, mais à la condition que les parlementaires laissent la parole à tout parlementaire qui veut s'exprimer sur la recevabilité de cette motion de scission. Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Alors, ce que j'essaie de vous dire, M. le Président, c'est que cette motion est recevable en vertu de notre règlement et en vertu de la jurisprudence. Je veux faire une lecture attentive de ce projet de loi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): On a le temps, il n'y a pas de problème, M. le leader de l'opposition officielle, vous le savez, si la question de règlement est fondée, je vais l'entendre. Alors, c'est quoi, votre question de règlement?

M. Cusano: M. le Président, avant de parler ou avant de commencer le débat sur la recevabilité telle quelle, je pense qu'il est de votre devoir, hein... Vous êtes un parlementaire qui est ici depuis plus longtemps que moi, M. le Président, O.K., et, à chaque fois qu'il y a eu une question au niveau du temps qui s'est écoulé, vos prédécesseurs ont toujours pris le temps d'aller vérifier au niveau de l'enregistrement pour savoir exactement qu'est-ce que c'est qui s'est produit, parce que de commettre une erreur, c'est humain, M. le Président, hein? Alors, ce qu'on vous demande à ce moment-ci, avant de commencer le débat, c'est de vérifier au niveau de l'enregistrement si effectivement il restait du temps au député de Saint-Hyacinthe pour faire sa motion.

M. Boisclair: Sur la question de règlement, M. le Président, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, vous avez le droit. Alors, M. le leader de l'opposition officielle, sur la question de règlement soulevée par le député de Viau.

M. Boisclair: ...M. le Président, que vous tranchiez la question. Puis, si le député de Viau cherche un précédent où on a demandé d'aller aux rubans puis un président ne l'a pas fait, cet après-midi, le député de Laurier était sur le siège, je lui ai demandé d'aller voir les rubans, il a refusé de le faire. Les précédents sont nombreux, M. le Président. Vous n'avez pas à vous offusquer des propos du député de Viau, ils ne sont pas fondés. Et j'aimerais pouvoir aller sur le fond des choses et rapidement vous parler de la recevabilité de cette motion. Pendant ce temps-là, M. le Président, nous perdons, je le soumets respectueusement à la population, nous perdons notre temps, puis le député de Viau y contribue généreusement.

Le Vice-Président (M. Gendron): Chers collègues, la responsabilité du fonctionnement de cette Assemblée est bien sûr liée aux décisions qui sont rendues par la présidence mais également au comportement des parlementaires. Tout ce que j'indique: oui, j'ai été témoin à de nombreuses reprises, à de nombreuses reprises, dans ma longue carrière, des décisions de la présidence après avoir eu l'éclairage des gens de la salle. J'ai pu bénéficier, à tort ou à raison, de l'éclairage de nos collaborateurs ? vous l'avez entendu ? et les collaborateurs ont indiqué qu'il lui restait du temps pour présenter... J'ai rendu ma décision. Je ne vois pas, d'aucune façon, en quoi j'améliorerais le contexte dans lequel nous sommes de passer à autre chose. C'est pour ça que je dois passer là où nous en sommes.

M. Cusano: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): M. le député de Viau, avec tout le respect que je vous dois, même s'il y a eu une erreur de forme, je répète qu'il y en a déjà eu, des erreurs de forme, et, après qu'on a consulté les gens de la salle puis que la présidence a rendu sa décision, la décision est rendue puis on ne peut pas la contester. C'est ce que j'ai fait avec l'éclairage des gens qui nous accompagnent.

Je suis rendu à entendre des plaidoiries sur la motion de recevabilité, et c'est pour ça que je redonne la parole au leader de l'opposition officielle.

M. Boisclair: C'est compliqué, M. le Président. Je vous remercie, M. le Président. Le projet de loi n° 53 modifie en substance la Loi sur l'immigration du Québec. Il la modifie sur des modalités et il la modifie sur le fond. Je parle de ce concept, M. le Président, puisque vous aurez à déterminer si le projet de loi que je propose de créer par cette motion de scission contient une modalité de l'administration de la Loi sur l'immigration ou si au contraire il soulève une question de fond qui va au-delà de la modalité.

La thèse, M. le Président, que je vous soumets, c'est que... Et j'en suis convaincu, que tous vos collaborateurs écoutent les arguments. Ils sont intéressés par les arguments qui sont soumis comme vous l'êtes, M. le Président. Parce que le bruit, il vient aussi de la table. Je vous remercie, M. le Président. Parce que je suis convaincu que tout le monde est intéressé à connaître les arguments.

Le projet de loi que je propose de créer relève bien plus que de la modalité, il relève d'une question de fond. Qu'est-ce qui relèverait d'une modalité, M. le Président? Des modifications çà et là qui viendraient modifier la Loi sur l'immigration, viendraient corriger un élément, viendraient le renforcer, ajouteraient... viendraient modifier certains éléments de l'actuelle loi. Or, ce projet de loi introduit un tout nouveau principe qui ne trouve aucun écho dans l'actuelle Loi sur l'immigration. Ce principe, c'est la possibilité de permettre une sélection par bassins géographiques.

Là, on n'est pas dans les modalités de sélection, M. le Président, ce principe-là est nouveau en droit. Il n'y a aucun élément, dans l'actuelle loi, qui traite cette question. Ce principe est non seulement un principe déterminant pour la suite des choses...

M. le Président, si vous êtes capable de faire deux choses à la fois, vous êtes bien bon.

Le Vice-Président (M. Gendron): Je m'excuse, M. le leader de l'opposition. Si vous voulez poursuivre.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Bien, je le sais! Si vous voulez poursuivre.

Des voix: ...

M. Boisclair: Ça ne me dérange pas du tout. Alors, M. le Président...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît! Je veux quand même expliquer. Le leader de l'opposition a raison de vouloir avoir l'attention de la présidence, c'est la présidence qui devra... c'est la présidence qui devra trancher. Et j'ai eu un collègue parlementaire qui m'a posé une question, j'ai pris 10 secondes pour lui répondre et ça a dérangé la plaidoirie du leader de l'opposition. En conséquence, en conséquence, je vais être très attentif et je souhaite que tous les collègues seront attentifs, compte tenu que c'est quand même une décision importante à être rendue tantôt. Alors, M. le leader de l'opposition, si vous voulez poursuivre.

M. Boisclair: Je vous remercie, M. le Président. J'étais à vous expliquer, M. le Président, que d'aucune façon, dans la Loi sur l'immigration, l'idée de pouvoir sélectionner en fonction de bassins géographiques n'est une idée qui existe, c'est un concept tout à fait nouveau. Ça ne tient pas de la modalité, ça tient d'un principe, d'une orientation de fond qui tranche de façon fondamentale, M. le Président, avec ce qui existe dans la loi. C'est pour cette raison qu'il me semble qu'au-delà des modalités différentes que nous trouvons dans la loi, qui amendent la Loi sur l'immigration, qu'il me semble qu'il y a là un tout qui se tient.

Quels sont les critères de jurisprudence, M. le Président, que la jurisprudence a fixés pour la motion de scission? «Chaque partie ? et puis vous avez différentes décisions, mais je vous cite en particulier le 241/11; vous pouvez voir les autres aussi; chaque partie ? du projet de loi scindé doit pouvoir être considérée distinctement; chaque partie du projet de loi scindé doit constituer plus qu'une modalité ? c'est ce que j'ai plaidé tout à l'heure, M. le Président; les projets de loi qui résulteraient de la scission doivent constituer des projets de loi cohérents en eux-mêmes.»

Et, M. le Président, vous allez voir que les articles retenus pour créer le projet de loi modifiant la Loi sur l'immigration afin de permettre la sélection par bassins géographiques est un projet de loi qui se tient ensemble, qui forme un tout cohérent à la fois pour des modalités plus particulières qui sont contenues au premier alinéa de l'article 4. Les articles 5 aussi tiennent davantage compte des modalités. 17 et 18 aussi sont des modalités, mais 12, qui est l'article clé... Donc, je soutiens que l'article 4, l'article 5, l'article 12 ainsi que les articles 17 et 18 forment un tout cohérent qui se tient. Il me semble donc, M. le Président, que la plaidoirie que je vous fais est conforme à la réglementation parlementaire, est conforme aussi à la jurisprudence, et je vous invite de faire en sorte que vous reconnaissiez comme moi que ce principe nouveau de sélection par bassins n'existe pas, qu'on est bien au-delà de la modalité.

C'est du jamais vu dans le droit, et je trouverais ça désolant, M. le Président, que ce principe soit fondu à travers d'autres... à travers des modalités de moindre importance, comme c'est le cas dans le projet de loi n° 53 présenté par la ministre de l'Immigration. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Je vous remercie, M. le leader de l'opposition officielle. Je reconnais maintenant la leader adjointe du gouvernement. Mme la leader adjointe.

Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, la motion qui est devant nous propose de scinder le projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration, en deux projets de loi, un premier qui serait la Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec et qui comprendrait les articles 1 à 3, le premier alinéa de l'article 4, les articles 6 à 11, les articles 13 à 16 et l'article 18, et un autre projet de loi qui serait La loi modifiant la Loi sur l'immigration afin de permettre la sélection par bassins géographiques, comprenant le second alinéa de l'article 4, l'article 5, l'article 12 ainsi que les articles 17 et 18.

Alors, conformément à notre règlement et plus précisément à l'article 281, la première question qu'il convient de nous poser, c'est: Est-ce que ce projet de loi là, le projet de loi n° 53, contient ou non plus d'un principe? Évidemment, la question suivante, c'est de se demander: Qu'est-ce que c'est, un principe? Et la jurisprudence a bien établi ce qu'était un principe et comment on doit le distinguer de ce que constituent de simples modalités. Alors, en théorie, selon cette motion-là, la portion qui est dite scindable, nous devons nous demander si cette portion-là pourrait exister distinctement, indépendamment, de façon à créer isolément en soi un projet de loi qui serait cohérent.

Alors, le premier principe veut donc que chaque partie d'un projet de loi ne soit pas la fraction d'un tout mais bien un tout en soi, ce qui constitue un principe. Il faut donc distinguer entre l'essence d'un projet de loi et les modalités d'un projet de loi. Un principe, c'est un élément qui est essentiel par rapport à une simple modalité, qui, elle, est accessoire à ce principe. Encore une fois, découle de cette affirmation-là que, même si un principe de loi, en supposant, en théorie, qu'un projet de loi contienne plusieurs principes... Ce n'est pas ce que je dis et bien au contraire. Ça ne voudrait pas dire que ledit projet de loi est pour autant scindable. Encore une fois, il faut revenir à l'essentiel, à l'essence du projet de loi, et se demander si les parties dites scindables peuvent exister distinctement, indépendamment.

n(20 h 40)n

Alors, je prétends, M. le Président, bien respectueusement et je vous soumets l'argumentaire que ce projet de loi là ne peut pas être scindable et que la motion de scission n'est pas recevable. La raison principale, l'essence de ce projet de loi là ? c'est ce qu'on doit comprendre ? quelle est l'essence du projet de loi? Les projets de loi ont tous une essence. Celui-ci, le premier, premier critère, le premier élément essentiel, c'est que ça touche toutes les mêmes personnes, à savoir des immigrants. Ça touche toutes ces mêmes personnes là dans les mêmes circonstances. On ne parle pas de circonstances autres, on parle d'une unicité au niveau des circonstances, à savoir l'immigration.

Ces deux commentaires-là m'appellent à une première conclusion: c'est que ça constitue bel et bien un seul et même principe. Encore une fois, ça touche les mêmes personnes et les mêmes circonstances: les immigrants. Ça repose sur les mêmes valeurs, ce qui constitue l'élément essentiel du principe, ce qui constitue son essence.

Que veut faire le projet de loi, M. le Président? Il faut également se poser cette question-là. Le projet de loi vient donner des outils juridiques qui sont essentiels. Ils sont essentiels pour qui? Pour les mêmes personnes. Pourquoi en immigration? Pourquoi? Pour faciliter la sélection. Quelles sont ces valeurs que ça sous-tend également? C'est la justice et l'équité. Si le leader de l'opposition officielle peut faire la démonstration que c'est scindable, eh bien, moi, je dois honnêtement et respectueusement souscrire au contraire parce que ça ne contient qu'une seule essence, qu'un seul principe et que ça repose sur des valeurs auxquelles le Québec adhère pleinement, à savoir qu'il y ait justice et équité. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la leader adjointe du gouvernement. M. le leader de l'opposition officielle.

M. André Boisclair

M. Boisclair: En réaction aux propos de la leader adjointe du gouvernement et pour renforcer mon argumentaire, je vous invite à prendre les notes explicatives, et vous allez voir, dans les notes explicatives, M. le Président, que ce projet de loi introduit, dit-on, diverses modifications, ce qui pourrait laisser entendre qu'on est uniquement dans les modalités. Attention! Regardez le troisième, quatrième, cinquième paragraphe: «Le projet de loi supprime...», modalité. «Le projet de loi précise...», modalité. Il n'ajoute pas de nouveau principe, on est dans les modalités. À la fin: «Le projet de loi ajuste...», modalité. Sauf qu'au sujet du pouvoir de sélection par bassins «le projet de loi confie au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration le pouvoir d'établir les orientations en matière [...] et prévoit que celles-ci sont déposées à l'Assemblée nationale. Le projet ajoute, au plan annuel...»

On n'est pas dans les modalités, là, on est dans un nouveau pouvoir, un nouveau principe qui n'a rien à voir avec des précisions ou des ajustements. C'est ce qui me fait distinguer, M. le Président, entre le principe et des modalités. Il y a, dans ce projet de loi, des modalités. Quand on dit que le projet de loi ajuste et que le projet de loi précise, oui, mais, dans le cas du nouveau pouvoir qu'on donne à la ministre, on n'est pas dans les modalités, on est dans un nouveau principe où la loi accorde la possibilité à la ministre de sélectionner par bassins. Je pense que les notes explicatives à elles seules résument tout mon argumentaire.

Le Vice-Président (M. Gendron): Mme la leader adjointe, puis ça va être la dernière intervention, parce que la présidence a toujours le loisir de décider qu'elle est suffisamment éclairée pour aller apprécier d'une part les arguments des uns et des autres et surtout la jurisprudence avant de rendre une décision. Mais je reconnais Mme la leader adjointe. Si vous voulez compléter votre argumentaire sur la motion de scission.

Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: ...grande sagesse, M. le Président, en voulant vous appuyer sur la jurisprudence. Justement, je veux vous en soumettre une qui est venue expliciter très clairement que, pour déterminer les principes d'un projet de loi, les notes explicatives n'ont aucune valeur juridique en soi. Et c'est une décision que vous connaissez sûrement, elle a été rendue en juin 1985, et je pense qu'elle est très claire.

Au regard de l'article 241, permettez-moi de réaffirmer encore une fois que la motion n'est pas recevable, que ce n'est pas scindable, que les deux parties ne pourraient pas exister isolément, distinctement, indépendamment. Ledit projet de loi n° 53 touche les mêmes personnes dans les mêmes circonstances. Il repose sur des valeurs auxquelles nous adhérons tous, à savoir la justice et l'équité, et encore une fois il s'agit de donner au Québec des outils qui sont essentiels pour assurer une sélection qui soit respectueuse des personnes et qui repose sur des valeurs qui sont la justice et l'équité.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je remercie de part et d'autre les parlementaires qui ont éclairé le point de vue et je vais suspendre quelques minutes pour aller apprécier et vos arguments et la jurisprudence afin de rendre la décision la plus équitable possible. Le séance est suspendue.

(Suspension de la séance à 20 h 48)

 

(Reprise à 21 h 12)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, chers collègues, veuillez vous asseoir.

Décision de la présidence

Alors, nous allons poursuivre. Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la motion de scission du projet de loi n° 53 présentée par le député de Saint-Hyacinthe.

Cette motion se lit comme suit, et je cite ? en attendant, en comptant sur votre collaboration:

«Que, en vertu de l'article 241 du règlement [de l'Assemblée nationale] le projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec [...] comprenant les articles 1 à 3, le premier alinéa de l'article 4, les articles 6 à 11 ? ainsi que ? les articles 13 à 16 et l'article 18 ? pour le premier projet de loi; et un second intitulé Loi modifiant la Loi sur l'immigration afin de permettre la sélection par bassins géographiques, comprenant le second alinéa de l'article 4, l'article 5, l'article 12 ainsi que les articles 17 et 18.» Fin de la citation pour la motion de scission.

Après avoir analysé cette motion ainsi que les arguments qui ont été présentés et la jurisprudence, je la déclare irrecevable.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Je vais donner mes motivations.

Pour pouvoir être scindé, un projet de loi doit contenir plus d'un principe. Au surplus, chaque projet de loi résultant de la scission doit être cohérent et pouvoir vivre... et pouvoir vivre indépendamment des autres. En l'espèce, le deuxième critère n'est pas rencontré. Je n'ai donc pas eu à me demander, dans les circonstances, si le projet de loi contient plus d'un principe.

Voici maintenant les motifs sur lesquels la décision que je rends est fondue... je fonde ma décision. La motion de scission du député de Saint-Hyacinthe prévoit que l'article 18 devrait se retrouver dans les deux projets de loi. L'article 18 se lit comme suit, et je cite:

«18. La présente loi entre en vigueur le (indiquer [...] la date de la sanction de la présente loi), à l'exception des articles 2 et 7 et du paragraphe 5° de l'article 11 qui entreront en vigueur à la date fixée par le gouvernement.» Fin de la citation.

Or, les articles 2, 7 ainsi que le paragraphe 5° de l'article 11 se retrouveraient uniquement dans le premier projet de loi visé par la motion de scission. Ceci fait en sorte que cet article ne pourrait s'appliquer au deuxième projet de loi visé par la motion de scission, puisque ces articles... puisque ces articles ne se retrouveraient pas dans ce premier projet de loi.

Il est bien établi, en droit parlementaire, que la présidence doit analyser la recevabilité d'une motion de scission en fonction uniquement de ce qui lui est soumis par cette motion. La présidence ne peut apporter de correction. Je ne peux pas modifier la motion de scission qui a été présentée, moi. Cela dit, dans les circonstances, les projets de loi qui résulteraient de la scission ne seraient pas des projets de loi cohérents et ne pourraient pas vivre indépendamment les uns des autres. En clair, l'article 18 posait problème, et ma décision est basée davantage sur l'article 18, et j'ai expliqué pour quelles raisons cette motion de scission, telle que présentée, n'est pas recevable.

Alors, je suis prêt à poursuivre le débat...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, un instant, s'il vous plaît! On respecte quand même les us et coutumes. Et M. le leader de l'opposition se lève sur une question de directive, alors je veux entendre la demande de directive. Alors, M. le leader.

Demande de directive sur l'impact de l'article
d'entrée en vigueur sur la recevabilité
d'une motion de scission d'un projet de loi

M. André Boisclair

M. Boisclair: ...que vous ne vous êtes pas prononcé à savoir si c'est une modalité ou si c'est une disposition de fond. Vous évoquez le... en disant: Ce n'est pas un tout cohérent, l'article 18.

Hier, vous étiez sur le trône lorsque nous avons adopté une motion de scission. J'avais pris soin de vous indiquer que l'article d'entrée en vigueur se trouvait dans les deux projets de loi, parce que les deux doivent pouvoir entrer en vigueur. Je me suis inspiré de cette même pratique. Je comprends très bien votre argumentaire. Mais est-ce que je dois comprendre de votre décision que, peu importe le fait qu'un projet pourrait contenir plusieurs principes, il devient inscindable du simple fait de la rédaction de l'article 18 ou d'un article d'entrée en vigueur? En somme, j'aurais pu ne pas mettre dans le projet de loi que je veux scinder l'article 18, mais ça aurait été incohérent parce qu'il ne serait pas entré en vigueur. Est-ce que je comprends avec votre décision qu'à l'avenir, indistinctement du fait qu'un projet de loi contient différentes dispositions... admettons, par exemple, un omnibus municipal, où on va très bien comprendre qu'il y a plusieurs principes dans un omnibus municipal, du simple fait de la rédaction de l'article d'entrée en vigueur, cet omnibus municipal deviendrait inscindable?

M. le Président, je vous pose cette question de directive, à moins que vous me disiez qu'il va de soi qu'un projet de loi entre en vigueur puis que je n'aie pas à répéter l'article deux fois. Mais je maintiens que c'est une... Je comprends le cas particulier, mais je vous demande la question d'éclaircissement suivante: Est-ce qu'il s'agirait, sur un projet de loi qui contiendrait plusieurs principes ? admettons, un omnibus municipal ? que l'article d'entrée en vigueur soit rédigé de façon à faire en sorte que des articles entrent à différentes façons dans le temps, mais, bien sûr du fait des principes nombreux qui sont appliquées, qu'on ait toujours besoin aussi d'un article d'entrée en vigueur... qu'un projet omnibus deviendrait inscindable du seul fait de l'article d'entrée en vigueur? Il me semble, M. le Président, qu'il y a une question de directive importante, et j'aimerais, avant qu'on aille plus loin, que vous m'éclairiez sur les conséquences.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Bien, un instant, là, je ne peux pas faire deux choses à la fois. Là, je veux juste indiquer qu'il s'agissait d'une demande de directive. Moi, je sais que la présidence a à rendre une décision sur la motion qui est présentée. Sur ce qui a été analysé dans la présente motion de scission, j'ai indiqué très correctement que, à ma connaissance, suite aux discussions et à l'éclairage que vous m'avez fourni, nous ne retrouverions pas la cohérence dans le projet de loi, telle que la motion de scission a été présentée, à cause de l'article 18. C'est ce que je viens d'analyser.

Je vais prendre en délibéré la demande de directive. On l'a entendue, elle est enregistrée. Je m'engage à l'évaluer et à donner un avis aux parlementaires sur le point de vue que vous avez soulevé. Mais je ne peux pas en même temps trancher une autre question qui ne m'a pas été soumise, qu'on n'a pas évaluée avec les spécialistes de la table.

M. Boisclair: M. le Président, on peut jouer un petit jeu... Ça peut durer longtemps, là. Je comprends que vous ne voulez pas à ce moment-ci rendre une décision, mais je vais juste... Je peux très bien vous soumettre, ou un autre de mes collègues pourrait vous soumettre, une autre motion de scission où vous aurez à trancher si je n'ai pas... on peut jouer longtemps à ce jeu. Je pense que, pour le bon fonctionnement du Parlement, vous devriez suspendre et répondre à cette question de directive, sinon on va vous amener, par plusieurs décisions à rendre, à clarifier la jurisprudence.

Il me semble que ce qui est sage à ce moment-ci, c'est que vous suspendiez et que vous regardiez cette question-là; elle est fondamentale: Est-ce que je comprends qu'un omnibus municipal qui contiendrait plusieurs principes à l'évidence, du fait du seul article d'entrée en vigueur, ne pourrait pas être scindé? Il me semble, M. le Président, là, qu'il y a une limite à ne pas franchir, à moins que vous décidiez qu'on n'est pas obligé de mettre, dans un projet de loi qu'on scinde, un article d'entrée en vigueur. Alors, cette question-là, je vous demande de la trancher, sinon il y a plusieurs questions qui vont vous être soulevées, plusieurs motions de scission, puis on va se retrouver ici, là, très longtemps. Je vous invite, M. le Président, à clarifier cette question maintenant.

n(21 h 20)n

Le Vice-Président (M. Gendron): Ce que j'indique aux parlementaires de cette Chambre, c'est que, si je faisais imprimer les deux projets de loi, c'est clair que nous ne trouverions pas la cohérence du projet de loi qui a été soumis à cette Chambre, premièrement.

Deuxièmement, je ne peux pas, comme ça, là, donner toutes sortes d'opinions et d'avis sans évaluer la jurisprudence, les informations des uns et des autres et la coutume par rapport. Alors, moi, j'ai la conviction que cette motion de scission, telle que présentée, n'était pas recevable. Ma décision est rendue, et nous poursuivons le débat sur la motion du ministre.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, s'il vous plaît! Oui, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Boisclair: Sans vouloir vous presser, est-ce que vous pouvez nous donner une indication du moment où vous pensez répondre à ma question de directive? Parce que cela va influencer, là, notre stratégie pour la soirée.

Le Vice-Président (M. Gendron): Je crois que...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît! Je crois qu'effectivement l'ensemble des parlementaires... Quand le leader de l'opposition prétend qu'un autre parlementaire pourrait à nouveau rédiger une nouvelle motion de scission puis la présenter différemment, il a tout à fait le droit, et vous avez tout à fait le pouvoir. Et, en ce qui me concerne, ce n'est pas une question de jouer avec la Chambre, moi, je fais les travaux qui me sont soumis avec le règlement que je connais. L'indication que je peux vous donner: dans les meilleurs délais, dans les meilleurs délais, on va tenter de vous donner des informations sur la question de directive que vous avez soulevée.

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Alors, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant et je reconnais M. le député de LaFontaine pour son intervention sur le projet de loi.

M. Tony Tomassi

M. Tomassi: Alors, merci, M. le Président. Et, comme à toutes les fois où je dois prendre ma parole, j'ai le leader de l'opposition qui vient interrompre mes choses. Et il a dit une belle phrase, hein? Il a dit qu'on pouvait continuer à ce jeu-là longtemps, et ça me rappelle une belle affirmation que la députée de Taillon a faite quand elle a perdu les élections, mais on repassera.

Alors, M. le Président, c'est un plaisir pour moi de prendre la parole aujourd'hui. On a parlé tantôt de la motion. L'immigration est très importante, et, en effet, M. le Président, le projet de loi n° 53, lequel Mme la ministre sollicite l'appui de l'Assemblée pour l'adoption du principe, touche un élément qui a permis à ma famille et à de nombreuses autres familles du Québec de venir s'installer ici.

Le Québec, M. le Président, a été fondé par deux peuples fondateurs qui sont venus d'autres pays. Alors, il y a eu les Français, qui sont venus de la France, et les Anglais, qui sont venus d'Angleterre. Ces deux peuples ont jeté les bases de ce que le Canada est devenu au cours des siècles suivants. Mais ce pays ? et le Québec ? a connu un développement majeur dans les années cinquante et soixante ? j'ai dit Canada, oublie pas, hein ? années... Le pays, c'est le Canada. J'ai dit «le Québec» parce qu'on vit au Québec. Alors, si tu pourrais ne pas déformer mes mots, j'apprécierais...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît! M. le député de LaFontaine, là...

M. Tomassi: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): C'est ça, on éviterait toutes ces choses si vous vous adressez à la présidence qui, elle, est très attentive puis qui veut vous entendre. La présidence, elle veut vous entendre.

M. Tomassi: Mais, des fois, j'ai la même maladie qu'eux, je ne peux pas faire deux choses en même temps. Alors, le Québec, M. le Président, a connu un développement majeur dans les années cinquante et soixante, années où l'immigration a connu une ascension fulgurante, et où de nombreuses personnes sont venues enrichir le collectif, et où toutes ces personnes ont su s'intégrer de façon exemplaire et dans lesquelles nous pourrions prendre exemple dans les années futures.

L'immigration, M. le Président, est une des politiques les plus importantes pour une société, et surtout importante pour ces personnes qui ont quitté leur pays d'origine pour trouver une vie meilleure et surtout pour bâtir une famille en respect des lois et des traditions d'ici. Le Québec a permis à ma famille de s'installer ici, de prendre leur place dans cette belle société et de fonder une famille et permettre à leurs enfants de pouvoir être une partie complète de cette même société.

À voir ma présence ici, aujourd'hui, dans ces lieux de démocratie, mais aussi lieux de la base de notre vie politique de justice, démontre cette possibilité d'intégration parfaite des immigrants aux affaires de notre société. Je ne pourrais passer sous silence, M. le Président, que mes concitoyennes et concitoyens de mon comté sont issus à plus de 55 % de communautés culturelles. En effet, la communauté italienne et la communauté haïtienne représentent la majorité des résidents de mon comté. Et je suis extrêmement fier d'être un fils d'immigrant et de pouvoir les représenter en cette Chambre.

L'aspect de la présence de représentants ethniques au sein des diverses institutions gouvernementales est le meilleur exemple que nous pouvons donner aux immigrants sur les possibilités que notre gouvernement et notre société donnent à tous une chance égale.

Aujourd'hui, M. le Président, le projet de loi n° 53 permet à notre société d'augmenter cette présence de ces gens venant d'un peu partout au monde, ces gens qui, comme ceux qui sont venus s'installer ici bien avant eux... de pouvoir nous apporter cette diversité culturelle qui fait du Québec un endroit très particulier, un endroit où il fait bon vivre.

La présence de notre ministre qui a parcouru le Québec, au courant de la dernière année, a aussi marqué un virage énorme vis-à-vis de l'apport des communautés culturelles en notre société. En effet, cette présence remarquée et surtout très appréciée des divers groupes a permis de vraiment démontrer toute l'importance que la ministre et notre gouvernement accordent à l'immigration.

J'ai pu assister, à quelques reprises, aux travaux de la Commission de la culture qui a entendu divers groupes et qui nous a permis de mieux comprendre certaines difficultés que les nouveaux immigrants... ces difficultés aussi, M. le Président, que mes parents m'ont fait part dans un passé pas trop lointain et que certainement ces gens vivent encore aujourd'hui. Mais ces rencontres nous ont aussi permis de comprendre le pourquoi ces gens voulaient venir s'installer ici, au Québec.

Avec le plan d'action déposé la semaine dernière par la ministre, soit celui qui porte comme titre Des valeurs partagées, des intérêts communs, un titre qui démontre clairement la voie dans laquelle notre gouvernement entend répondre à ces difficultés que ces nouveaux immigrants doivent combattre. M. le Président, ce plan d'action assurera un meilleur soutien aux nouveaux arrivants et aux Québécoises et Québécois des communautés culturelles. Elle permet aussi de définir l'offre d'immigration qui correspond aux besoins de chacune des régions du Québec. Il est vrai que la richesse de ce pays a été le fait de sa diversité culturelle, diversité qui s'est traduite par la mise en place d'une multitude d'événements culturels et qui a permis aussi à nous, Québécois, de découvrir le monde tout en étant chez nous. Le plan d'action permet de consolider notre identité dans le respect de cette diversité qui est à la base de notre société.

En commission parlementaire, M. le Président, plusieurs groupes sont venus nous dire aussi les difficultés pour les nouveaux immigrants à se trouver un emploi, à avoir accès aux cours de francisation et surtout les barrières de la discrimination que beaucoup de nouveaux arrivants doivent subir.

Le plan d'action, M. le Président, permet au gouvernement de mettre en place ses outils pour soutenir l'insertion en emploi des immigrants, des outils nouveaux pour l'apprentissage du français et de lutter davantage, plus efficacement, contre cette discrimination qui est encore très présente dans notre société.

Cet accueil et cette intégration réussis des nouveaux arrivants permettront la pleine participation des communautés culturelles et surtout permettront à nous tous de participer collectivement à faire grandir notre société vers une société plus juste et plus égale.

Tous ces éléments font bien sûr partie des objectifs fondamentaux de la Loi sur l'immigration du Québec et qui sous-tendent la politique d'immigration, soit celle de la contribution à l'enrichissement du patrimoine socioculturel, au développement de l'économie et à la poursuite des objectifs démographiques.

La facilité aussi de réunifier des résidents du Québec avec leurs proches parents vivant à l'étranger est aussi un élément important de notre politique de l'immigration, car la famille est un élément important, un élément de base pour toute collectivité et qui doit être mis de l'avant, car la famille à plusieurs égards permet à ces nouveaux arrivants à mieux s'intégrer à notre collectivité.

Le Québec a aussi un rôle à jouer dans l'accueil des réfugiés et des autres personnes en situation de détresse. Le Québec a toujours été une terre d'accueil pour ces gens, et les exemples sont nombreux M. le Président. Nous avons seulement à penser aux gens qui sont venus s'installer ici et qui avaient quitté le Kosovo ou le Rwanda et autres endroits aux prises avec des graves problèmes. La politique doit aussi favoriser la venue de ressortissants étrangers qui pourront s'intégrer avec succès au Québec.

n(21 h 30)n

Enfin, un autre élément de cette loi étant celui de faciliter les conditions de séjour de personnes qui viennent au Québec pour étudier, travailler temporairement ou recevoir un traitement médical.

M. le Président, le projet de loi n° 53 s'inscrit dans la continuité des objectifs de la Loi sur l'immigration. Il respecte aussi les diverses chartes des droits et libertés de la personne et permet aussi au gouvernement de placer l'immigration à l'avant-plan de nos priorités. À cet égard, M. le Président, le plan permet de consacrer dans la loi une pratique qui, depuis 10 ans, existait, soit celle de consulter la population en commission parlementaire sur les orientations en matière d'immigration. En effet, depuis de nombreuses années, l'immigration a une opinion favorable dans notre société, et nous devons continuer d'écouter les concitoyens avant de préparer et d'énoncer les orientations.

Dans la Loi sur l'immigration, le premier objectif inscrit est celui de l'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec. Cet enrichissement, M. le Président, est garanti par notre diversité socioculturelle, et cette diversité doit être maintenue et doit être accrue même. Cette diversité culturelle, M. le Président, a permis, comme je le disais au début de mon intervention, a permis au Québec de se hisser parmi les meilleurs. Elle permet au Québec de briller parmi les meilleurs. M. le Président, cette orientation permet au Québec d'être une société juste et équitable, une société où tous les citoyens se sentent chez eux et où tous ont une chance équitable pour réussir.

Le Québec a, depuis plus de 30 ans, une place de choix dans le dossier de l'immigration. En effet, notre gouvernement, plus particulièrement la députée de Saint-François et vice-première ministre, avait signé l'accord qui donnait la juridiction de sélection des immigrants au Québec. Je suis d'autant plus fier que j'ai eu le privilège d'occuper un emploi d'été au cabinet de la vice-première ministre et ministre de l'Immigration pendant cette période. Cette entente, M. le Président, a permis au Québec de prévoir et de planifier son mouvement d'immigration en fonction de ses besoins. Il est bien de rappeler aux députés de l'opposition que c'est un gouvernement libéral qui a réussi et qui a permis au gouvernement du Québec d'avoir juridiction en matière d'immigration.

Ce pouvoir acquis ne doit pas, M. le Président, être assujetti à des intérêts financiers ou à certains facteurs incitant des ressortissants étrangers à quitter leur pays. L'élément important et amplement débattu en commission parlementaire fait en sorte que nous devons poursuivre nos efforts de diversification des bassins, mais le faire de façon transparente. L'aspect important pour le Québec, l'aspect qui a permis au Québec d'être une société pluraliste, soit celui de diversification, doit être assuré, et la ministre doit disposer des moyens non seulement pour contrôler la délivrance des certificats de sélection, mais également pour gérer efficacement la demande d'immigration permanente à destination du Québec.

Dans plusieurs pays, M. le Président, des milliers de personnes qui attendent dans des conditions qui, dans bien des cas, sont précaires pour que leur dossier soit traité ont droit à un traitement juste, équitable et transparent. Par ce souci de transparence, le gouvernement pourrait indiquer, dans le plan annuel d'immigration qui est déposé à l'Assemblée nationale, le nombre et la répartition des ressortissants étrangers pouvant s'établir au Québec par bassins de géographie, ceci afin d'assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec. Cette manière de faire permettra aux ressortissants de connaître la situation de l'immigration par bassins et surtout devra faire diminuer les demandes et ainsi donner l'heure juste à ceux qui veulent venir s'installer au Québec, sans que les demandes soient stimulées ou provoquées artificiellement par des consultants en immigration qui se font payer par le nombre de demandes et qui, comme nous l'ont indiqué la ministre et le député de Viau, font en sorte que beaucoup de ressortissants se font flouer par ces soi-disant consultants en immigration. Pour éviter ces situations, le projet de loi permettra au gouvernement d'éviter des accumulations importantes de dossiers dans un territoire donné ainsi que d'éviter, où le nombre de demandes d'immigration dépassera les objectifs fixés au plan annuel, de suspendre la réception de nouvelles demandes.

M. le Président, un autre élément vraiment important de ce projet de loi est sans doute celui qui touche les consultants en immigration. En effet, plusieurs consultants sont actifs au Québec. La majorité d'entre eux, M. le Président, font un travail remarquable. Ils offrent aux femmes et aux hommes qui choisissent le Québec pour y vivre une démarche de parrainage et de suivi de dossier. Plusieurs consultants sont aussi encadrés par des règles et des règlements, comme les avocats, mais beaucoup d'autres individus, sans égard à leur formation ou à leur expérience, peuvent s'afficher comme consultants en immigration. Nous avons été témoins dans le passé de certaines situations inacceptables. Mme la ministre et M. le député de Viau nous ont donné des exemples concrets, tels certains abus de confiance ou certains honoraires faramineux qui étaient chargés à ces immigrants. Il est vrai, M. le Président, que, quand ces situations font surface, cela mine l'image du Québec et, avec elle, toute la crédibilité du processus d'immigration.

Mais un point est beaucoup plus important, soit celui de l'abus de personnes en situation de vulnérabilité face aux agissements de certains consultants en immigration. Le Québec... Nous, citoyens du Québec, ne pouvons tolérer un tel comportement. Nous devons nous assurer un niveau de compétence éthique de la part de ceux qui portent assistance aux candidats à l'immigration. C'est dans ce contexte, M. le Président, que la question de l'encadrement des consultants prend toute son importance et c'est pour ces mêmes raisons que le gouvernement fédéral annonçait la création d'une société d'autoréglementation indépendante. Le Québec, qui exerce ses responsabilités en matière d'immigration, doit, dans cette optique, se doter de certains pouvoirs habilitants pour encadrer les consultants en immigration.

Enfin, M. le Président, le projet de loi vise aussi à renforcer l'intégrité des processus d'immigration. Dans une demande d'immigration, la validation des documents est un aspect important dans l'examen de la candidature des personnes. Il est important de valider ces documents, que ce soient les documents d'attestation de travail, d'études, d'état civil ou autres documents. Dans certains cas, M. le Président, il y a eu des présentations de documents falsifiés ou de fausses déclarations, et ces fausses déclarations minent nécessairement l'intégrité des programmes d'immigration. La loi permet de protéger et surtout lance un message clair relativement à l'utilisation de moyens frauduleux. La ministre aura le pouvoir de refuser une demande dans laquelle un ou des éléments frauduleux auraient été présentés. Ceci permettra aussi d'annuler un certificat qui aurait...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, s'il vous plaît. J'ai entendu «question de règlement». Alors, je veux écouter c'est quoi, la question de règlement.

M. Boisclair: Question de règlement, M. le Président. Le décorum. Plusieurs députés ne sont pas à leurs sièges.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, écoutez, oui, la question a été invoquée. Normalement, pour des questions de décorum, les députés qui n'ont pas la parole doivent être à leurs banquettes quand ils sont dans cette enceinte. Alors, s'il vous plaît, je demanderais la collaboration de tous et chacun, d'occuper les banquettes qui vous sont désignées. Alors, M. le député de LaFontaine, je m'excuse. M. le député de LaFontaine, pour votre intervention. M. le député de LaFontaine, pour poursuivre votre intervention.

M. Tomassi: Merci, M. le Président.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! J'ai compris qu'ils s'y rendaient, là, puis pour une question de seconde. Alors, on peut très bien poursuivre. Parce que j'ai vu ça souvent, il y a des moments comme ça qu'on doit permettre, là, une application souple du règlement. Alors, M. le député de LaFontaine, veuillez poursuivre.

M. Tomassi: M. le Président, le député de Gouin m'a permis de prendre une gorgée d'eau, et peut-être qu'il voulait faire voir à ses concitoyens qu'il était bien en Chambre à cette heure-ci.

Alors, M. le Président, le projet de loi vise aussi à renforcer l'intégrité des processus d'immigration. Dans une demande d'immigration, la validation des documents est un aspect important dans l'examen de la candidature des personnes. Il est important de valider ces documents, que ce soient les documents d'attestation de travail, d'études, d'état civil ou autres documents. Dans certains cas, M. le Président, il y a eu présentation des documents falsifiés ou de fausses déclarations, et ces déclarations minent nécessairement l'intégrité des programmes d'immigration. La loi permet de protéger et surtout lance un message clair relativement à l'utilisation de moyens frauduleux. La ministre aura le pouvoir de refuser une demande dans laquelle un ou des éléments frauduleux auraient été présentés. Ceci permettra aussi d'annuler un certificat qui aurait été émis suite à la découverte de fausses déclarations.

M. le Président, comme nous pouvons le constater et comme nous l'avons démontré, l'immigration est très importante pour nous. Le Québec a et sera une terre d'immigrants et, avec la mise en place du plan et du projet de loi, permettra à tous les citoyens du Québec d'être partie prenante à la société québécoise. Elle permettra à cette diversité, qui fait la richesse de cette province, d'éclore.

n(21 h 40)n

Vous me permettrez, M. le Président, en terminant, de souligner le 1er juin. En effet, M. le Président... (S'exprime en italien). Alors, on est en immigration aujourd'hui. (S'exprime en italien) ? que M. le député de Gouin connaît très bien (s'exprime en italien). Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de LaFontaine, pour votre intervention. Et, pour la poursuite du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, je reconnais maintenant M. le député de Vachon. M. le député de Vachon, à vous la parole.

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, dans ce projet de loi, dans les notes explicatives, nous pouvons lire que le projet de loi ajoute au plan annuel d'immigration l'objectif d'assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec, notamment en permettant la répartition de la sélection des ressortissants étrangers par bassins géographiques. Le projet ? et je continue ? le projet autorise aussi la ministre à suspendre temporairement la réception des demandes de certificat de sélection pour immigrer au Québec.

Pour arriver, M. le Président, à rencontrer l'objectif qui est cité dans ces notes explicatives, la ministre de l'Immigration nous soumet un projet de loi dont certains éléments nous apparaissent extrêmement dangereux. Elle nous propose en premier lieu, elle nous propose en premier lieu de remplacer le deuxième et troisième alinéa de l'article 3.0.1 de la Loi sur l'immigration au Québec ? c'est-à-dire au pays du Québec, comme le dirait le député de LaFontaine ? par une disposition qui ferait que le plan d'immigration aurait pour objet de préciser les volumes d'immigration projetés pour assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec et en indiquant le nombre de certificats de sélection qui peuvent être délivrés et la répartition de ce nombre qui pourrait être établi par bassins géographiques.

Et je poursuis, M. le Président, en ouvrant les guillemets: «Un bassin géographique peut comprendre», nous dit cet article, «un pays, un groupe de pays ayant des caractéristiques» communes, comme des caractéristiques «linguistiques, culturelles ou économiques [...] un continent ou une partie d'un continent.» Je ferme les guillemets.

Plus loin, M. le Président, à l'article 12, on apprend que la ministre peut suspendre la réception des demandes de certification pour des périodes qu'elle fixe elle-même et qui sont renouvelables, et elle peut le faire, toujours selon le même article, notamment par bassins géographiques. M. le Président, on peut sans doute concevoir que, pour certaines périodes et pour certains temps, les demandes de sélection peuvent dépasser largement la capacité de traitement des dossiers ? on peut concevoir ça ? notamment de dossiers qui pourraient provenir d'une région particulière du monde, simplement sous l'effet, par exemple, d'une crise politique, ou sous l'effet d'une crise économique, ou encore même sous l'effet d'un engouement collectif, hein, momentané, dans un bassin donné, pour s'installer au Québec. Ça se pourrait, et c'est déjà arrivé. D'ailleurs, l'immigration se fait souvent par de très fortes vagues.

On peut, M. le Président, à la limite concevoir que la présence de telles vagues d'immigration, en plus d'embourber la machine administrative, vienne déséquilibrer momentanément un soi-disant patrimoine de diversité culturelle qui serait idéale en matière d'immigration. On peut cependant craindre que les dispositions avancées par la ministre dans ce projet de loi n° 53 créent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent, notamment des problèmes, M. le Président ? je reviendrai là-dessus plus lourdement plus tard ? des problèmes qui sont reliés à l'arbitraire dont pourraient faire preuve la ministre et le gouvernement dans la recherche d'un équilibre souhaitable en matière de diversité culturelle.

M. le Président, je mets au défi, je mets au défi la ministre de produire devant cette Assemblée une seule étude, une seule analyse...

Des voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Oui, oui. Oui, c'est très bien, les gens, M. le Président, du gouvernement commencent à comprendre l'importance des études et des analyses avant d'écrire un projet de loi. Ils peuvent même prédire que je vais le demander, ça commence à être un signe d'amélioration.

M. le Président, je mets au défi la ministre de produire une seule étude, une seule analyse qui lui permettrait, à elle ou à ses successeurs éventuels ? parce que fatalement elle va en avoir ? de définir ce qui serait bon pour le Québec contemporain, sans compter pour le Québec à venir, de nous amener une définition d'un patrimoine socioculturel dont la diversité serait idéale ou optimale à la fois, à la fois pour le fonctionnement harmonieux de notre collectivité ou pour son développement économique, politique, culturel ou social. Je la mets au défi d'apporter devant cette Assemblée une telle étude ou une telle analyse.

Sur quelle base, sur quelle base, M. le Président, la ministre décidera-t-elle que le Québec compte désormais suffisamment de Latino-Américains? Sur quelle base elle décidera qu'on compte suffisamment d'Italiens, d'Antillais? Sur quelle base la ministre pourrait-elle décider que, pour l'atteinte d'un patrimoine d'une diversité culturelle... d'un patrimoine optimal, on aurait suffisamment de Maghrébins, ou de ressortissants des pays de l'Est, ou d'Australiens, ou de Sud-Africains? Quelle serait, M. le Président, la combinaison gagnante d'une société plus harmonieuse, plus prospère et qui se développe de façon optimale selon le concept de diversité culturelle? Sur la base de quels critères objectifs, M. le Président, et j'insiste là-dessus, sur la base de quels critères objectifs, la ministre... de critères objectifs, et transparents, et surtout de critères réfutables...

Parce que c'est une grande qualité, ça, M. le Président, que d'avoir recours à des critères réfutables, c'est-à-dire à des critères qui sont suffisamment précis et dont la validité conceptuelle est reconnue par une collectivité pour qu'on puisse les rejeter ou les accepter. Sur quelle base, sur quels critères objectifs, transparents et surtout réfutables la ministre va-t-elle prétendre prendre une décision de suspendre de façon juste et équitable un certain nombre de bassins géographiques? Est-ce sur un critère de proportion, de représentation dans la population? Et comment arrive-t-on à définir une proportion souhaitable? Est-ce à partir d'une configuration multilinguistique ou multiethnique optimale ou souhaitable? Et, si oui, quels sont les fondements d'une telle configuration, d'un tel pattern ou d'un tel patron?

Vous voyez, M. le ministre... M. le Président, que ce projet de loi, ce projet de loi pose de très sérieuses questions et devrait interpeller la rigueur de conscience de tous les parlementaires de cette Assemblée. Le pouvoir discrétionnaire ministériel existe, mais il doit être utilisé avec prudence. Il doit reposer sur un ensemble de règles et de conventions qui en balisent l'utilisation. Le pouvoir discrétionnaire d'un ministre peut engendrer des conséquences, M. le Président, extrêmement plus lourdes que le pouvoir discrétionnaire d'un poète, surtout si la personne qui occupe le poste donne dans l'arbitraire dans l'utilisation d'un article comme l'article 12 du projet de loi n° 53.

M. le Président, je vous soumets ceci: plus il y a de pouvoir discrétionnaire, moins il devrait y avoir d'arbitraire. Autrement dit, plus une personne en position d'autorité se donne à elle-même ou à quelque personne de son entourage le pouvoir de décider sur sa propre volonté ? c'est ça, le discrétionnaire ? plus il devrait y avoir... moins il devrait y avoir d'arbitraire, c'est-à-dire, plus les règles qui entourent cette décision discrétionnaire devraient être extrêmement précises, autrement il y a risque de dérapage, autrement les décisions prises par la ministre risquent d'être influencées par des motifs tout à fait étrangers, que ce soit conscient ou non, au but officiellement poursuivi par la loi.

n(21 h 50)n

Cette loi, M. le Président, cette loi, M. le Président, ouvre toutes grandes les portes à l'arbitraire, toutes grandes. L'article 12 notamment ne présente rien d'autre qu'une possibilité de dérapage, inconscient ou non, mais de dérapage qui pourrait éventuellement mener à l'exclusion systématique de certaines cultures, qui pourrait mener à du profilage racial camouflé, conscient ou non, sous le couvert d'un vague concept de patrimoine de diversité culturelle optimale.

Est-ce que la ministre ne voit pas qu'elle se place elle-même, M. le Président, de par le seul dépôt de ce projet de loi, dans une position de très grande vulnérabilité? Est-ce qu'elle ne voit pas que certaines communautés immigrantes dont le volume contemporain est devenu soudainement très important pourraient se sentir directement visées, qu'elles pourraient penser que la ministre veut les exclure pour d'autres raisons que l'atteinte d'un patrimoine de diversité culturelle idéale et, dans ce cas-là, qu'elle tente... qu'elle est incapable totalement, là, absolument incapable de définir?

M. le Président, du fait qu'on ne peut répondre aux questions suivantes: Qui la ministre consultera-t-elle pour prendre des décisions? Quels seraient les recours des personnes touchées par les décisions? Sur la base de quels critères ? et j'ai insisté lourdement là-dessus ? la ministre choisira-t-elle de sélectionner les immigrants québécois dans certains pays et moins dans d'autres? Rien, rien dans le projet de loi. Comment la ministre verra-t-elle à ce que la grille de sélection des immigrants demeure neutre face à l'appartenance ethnique et qu'il y ait au moins une apparence de neutralité? Rien dans le projet de loi, aucune précaution. La ministre se place dans une très grande position de vulnérabilité comme elle place ses successeurs dans une très grande vulnérabilité.

Ce projet de loi, M. le Président, nous invite à l'arbitraire, nous invite à l'arbitraire dans l'exercice du pouvoir, et nous devons nous y opposer avec la dernière énergie. Et c'est pour ces raisons, M. le Président... M. le Président, je...

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): S'il vous plaît, c'est pour cette raison, si vous permettez, que je veux déposer la motion de scission suivante.

Des voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Alors, M. le Président, si vous permettez, je vais lire la...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Moi, j'avais une information qui n'a rien à voir avec ce que vous discutez avec les gens de la table parce que... Écoutez, madame, j'ai presque envie de commenter vos dires, madame, que je viens d'entendre. Ce qui me surprend, c'est votre attitude. Si vous voulez que je la qualifie, j'ai envie de le faire.

Rappelez-vous, pour l'ensemble des parlementaires, ce qui s'est passé. Le leader de l'opposition a demandé une demande de directive. Les gens de la table sont sortis pour des choses qui les regarde. Je me suis informé à un collaborateur de la table si ces gens-là travaillaient présentement sur la demande de directive, puisque j'ai indiqué à l'ensemble des membres de cette Chambre que cette décision-là pourrait effectivement influencer ce qu'on s'apprête à faire. Je viens de l'entendre. Et ça a été dit dans cette Chambre, alors je ne peux pas faire semblant que je ne le sais pas. Puis vous aussi, vous l'avez entendu. Alors, j'ai tout simplement demandé si cette réponse à la demande de directive arriverait avant la fin de l'intervention de la présente personne. Alors ça, c'est les faits.

Et je suis un peu déçu de voir que des gens, sans savoir, portent des jugements qui n'ont rien à voir avec ce qui s'est passé. Alors, moi, je ne serais pas obligé de dire ça, là, je n'aurais pas l'obligation de dire ça, mais c'est ça qui s'est passé. Et c'est pour ça que j'étais en discussion avec un membre de la table. Alors, moi, j'ai juste entendu que vous avez une motion de scission à présenter, on va l'entendre.

Motion de scission

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, voici la nature de la motion:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement [de l'Assemblée nationale] le projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, comprenant les articles 1 à 3, le premier alinéa de l'article 4, les articles 6 à 11, les articles 13 à 16 et l'article 18; et un second intitulé Loi modifiant la Loi sur l'immigration afin de permettre la sélection par bassins géographiques, comprenant le second alinéa de l'article 4, l'article 5, l'article 12 ainsi que l'article 17 et l'article 18 à l'exception des mots ? j'ouvre les guillemets ? "à l'exception des articles 2 et 7 et du paragraphe 5 de l'article 11 qui entreront en vigueur à la date fixée par le gouvernement" ? je ferme les guillemets.»

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, c'est évident, l'ensemble des membres de cette Chambre, là, que je vais prendre cette motion de scission en délibéré pour quelques minutes parce que justement j'ai l'information que les gens de la table sont allés travailler sur ce que j'ai indiqué aux membres de cette Chambre par rapport à la question de directive. Donc, il faut que je prenne connaissance de ça avant. Alors, pour l'instant, je ne veux pas...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Non, non, pour l'instant, je ne veux pas de plaidoirie. Je veux qu'on suspende quelques minutes.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Non. Je vais revenir sur la recevabilité. Je veux vous indiquer que, pour l'instant, je ne crois pas qu'il est opportun de plaider sur la recevabilité tant que je n'aurai pas reçu les informations par rapport à votre question de directive. Et la présidence a le droit de se gouverner, et en conséquence je suspends quelques minutes pour aller rencontrer les gens qui ont pris votre question de directive au sérieux puis qui sont allés l'évaluer.

Et, comme il y a un lien direct ? et c'est vous-même qui l'avez fait, M. le leader de l'opposition ? entre la demande de directive puis une deuxième motion de scission de même nature, ça ne me tente pas et je ne vois pas qu'est-ce que ça me donnerait d'entendre à ce moment-ci des motifs sur la recevabilité tant que je n'aurai pas pris connaissance de ce que les gens vont donner comme information eu égard à votre demande de directive.

M. Boisclair: Je comprends tout à fait ça, M. le Président, mais je veux juste faire valoir qu'il y a du droit nouveau qui est en train de se créer par cette motion parce que c'est la première fois que, dans une motion de scission, on prend un article dont on enlève des membres d'une phrase. Cette question n'a jamais été soulevée. Et j'aimerais simplement que, si vous en tenez compte...

Le Vice-Président (M. Gendron): Bien, je n'en disconviens pas. Tout ce que je viens de dire, c'est que, s'il y a du droit nouveau, quand on dit «je ne veux pas à ce moment-ci recevoir d'arguments sur la recevabilité», ça suppose que je les entendrai au moment opportun. Et ça adonne que ce n'est pas à ce moment-ci. Alors, la séance est suspendue pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 58)

(Reprise à 22 h 23)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, chers collègues, nous allons poursuivre. Je veux tout simplement indiquer à ce moment-ci que, quand j'ai suspendu comme président de cette Assemblée, c'était pour aller vérifier si les gens de la table étaient en mesure de nous donner de l'information sur la demande de directive du leader de l'opposition officielle. Et, pour des raisons importantes de jurisprudence et d'autres, ils ne sont pas en mesure immédiatement de me donner ce qu'il me faut par rapport à la question de directive.

Débat sur la recevabilité

Comme on a présenté une seconde motion de scission et qu'il est de coutume que les deux leaders plaident sur la recevabilité, je suis ici pour entendre les arguments de part et d'autre uniquement sur la motion de scission concernant sa recevabilité et je suis prêt à entendre les gens qui veulent plaider. Comme elle a été présentée par l'opposition, j'entends maintenant les arguments du leader sur sa prétention à l'effet que la motion de scission serait recevable. Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, la première chose que je voudrais faire avec vous, c'est vous rappeler la décision 241/11, sur la possibilité que le président puisse se prévaloir de 193 du règlement. Je veux simplement attirer votre attention sur le fait que le président ? il est clair à la dernière ligne de la décision ? ne peut pas apporter une correction de fond à une motion. Je veux simplement vous soumettre que vous auriez bien pu, M. le Président, apporter une correction de forme, puisque le point sur lequel vous vous êtes appuyé, le fait sur lequel vous vous êtes appuyé tient essentiellement compte d'un article qui est celui de l'entrée en vigueur et d'une technicalité de l'entrée en vigueur. Je maintiens, M. le Président, que vous auriez pu, contrairement à ce que d'autres pensent, apporter une correction de forme. Nous ne sommes pas dans le fond; nous sommes dans la forme.

Je veux aussi vous indiquer, M. le Président, qu'il me semble, et je peux me tromper, mais il me semble que c'est la première fois qu'on soumet à votre attention une motion de scission dans laquelle nous utilisons des membres d'un article. Je me suis posé la question de savoir si je pouvais procéder de cette façon. Et la façon dont je me suis convaincu pour procéder, c'est en affirmant que, si nous pouvons retirer des alinéas d'un paragraphe dans une motion de suspension des règles ? par exemple, comme dans la motion que je vous soumets, l'article 4, de mémoire, deuxième alinéa ? ce qui est commun et qui a toujours été accepté par la présidence, je maintiens que, pour les mêmes raisons que, dans une motion de scission, nous pouvons faire référence à des alinéas qu'on inclut ou qu'on exclut, nous pouvons, de la même façon, prendre des membres d'une phrase, en ajouter et en retirer.

Pourquoi je procède de cette façon, M. le Président? Parce que je n'ai pas d'autre choix. L'article d'entrée en vigueur, la façon dont il est libellé me condamne d'agir ainsi. Et la question que je vous demandais de trancher tout à l'heure se pose encore aujourd'hui parce qu'il ne s'agirait que d'une technique de rédaction législative de l'article d'entrée en vigueur. Et pourquoi je dis «technique», M. le Président? Parce que les deux dates d'entrée en vigueur dont il est fait mention à l'article 14, la sanction puis la date décidée par le gouvernement, pourraient être la même date et pourraient coïncider.

Donc, il ne s'agirait que de cette technique de rédaction législative pour priver tous les parlementaires d'utiliser, à jamais, les motions de scission. Il s'agirait donc dorénavant, pour le Comité de législation, de prévoir des dates d'entrée en vigueur qui pourraient théoriquement coïncider, différentes, avec des articles en particulier, pour priver le Parlement de la possibilité d'utiliser la motion de scission, et motion de scission qui, convenons-en, a comme principal objectif de permettre à des parlementaires de proposer qu'un projet de loi soit créé à partir d'un projet de loi déposé à l'Assemblée nationale puisque des principes divergent.

Et là le danger puis le piège dans lequel il ne faut pas tomber, c'est de penser que, dans l'appréciation des critères de la jurisprudence, tous les critères sont égaux. La présidence, M. le Président, n'a-t-elle pas la responsabilité de porter une oreille attentive à la réalité des députés de l'opposition pour éviter qu'elle ne subisse, en jurisprudence, la tyrannie de la majorité? Vous devez, sur ces questions, apprécier de façon particulière. Et ce que je plaide, M. le Président, c'est que, si je ne peux pas procéder de la façon que je le fais par simple technique de rédaction législative, à jamais nous serions privés d'utiliser la motion de scission. Puis je maintiens que, dans les critères de jurisprudence, à 241/11, vous ne devez pas apprécier tous les critères comme s'ils avaient le même poids. L'idée fondamentale d'une motion de scission, c'est de dire: Est-ce qu'il y a différents principes? Puis est-ce qu'il y a un principe, en soi, qui mériterait un projet de loi particulier? Bien sûr, la jurisprudence a fixé d'autres critères, mais ont-ils tous le même poids, M. le Président? Je vous soumets respectueusement que non.

Alors, voici les arguments que je voulais ajouter à ceux que je vous ai fait entendre sur l'autre motion. Je les résume simplement pour éviter de les reprendre, mais il y a une différence entre une modalité puis une question de fond. Cette question demeure, et il me semble avoir fait la démonstration tout à l'heure qu'il s'agissait là d'une question de fond.

J'anticipe peut-être d'autres questions. Mon collègue leader adjoint de l'opposition se rend disponible, avec moi, pour écouter les propos du leader du gouvernement et peut-être compléter cette plaidoirie.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le leader de l'opposition. Je reconnais maintenant Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Tous et chacun viennent d'entendre le leader de l'opposition officielle terminer son plaidoyer en disant qu'il anticipait. Je pense qu'on peut tous admettre effectivement que les arguments dont nous sommes saisis, tels qu'il les a soulevés, font foi effectivement d'une anticipation. Le devoir du président de l'Assemblée... Je dois dire qu'il anticipe, en ce sens qu'il vous soumet des éléments qui sont purement hypothétiques. Il y a un vieux dicton qui dit que, quand on sera sur le pont, on le traversera. Mais ce n'est pas le cas: les éléments qu'il soumet à votre attention et considération sont purement hypothétiques.

n(22 h 30)n

Le rôle du président est de se prononcer sur l'objet dont il est saisi. Or, vous êtes, pour les instants, saisi d'une motion de scission, et qui plus est, la motion de scission telle qu'elle vous a été présentée par le député de Vachon. Vous devez également, en vertu du règlement qui est le nôtre, décider de cette motion-là à la lumière ou suivant la lecture que vous faites de l'article 241 de notre règlement. Encore une fois, l'article 241 est très clair, et c'est lui qui pose les principes qui doivent guider votre décision. Tout à l'heure, vous avez rendu une décision et, vous-même, vous avez posé exactement ces mêmes principes-là, ce sont les postulats de base, c'est sur quoi doit reposer votre décision, à savoir la motion telle que soumise par le député de Vachon et votre analyse selon les critères retenus et dénoncés à l'article 241. Vous avez dit, après avoir analysé la motion évidemment précédemment dont vous êtes saisi: Mais 241 demeure. Toutes les hypothèses peuvent valoir, on peut soulever toutes les spéculations, on peut aller d'anticipation en anticipation, il ne demeure qu'un fait: la motion telle qu'elle est présentée. Les principes sont établis: «Pour pouvoir être scindé, un projet de loi doit contenir plus d'un principe», et je vous cite texto, deuxième critère que vous avez énoncé: «Chaque projet de loi résultant de la scission doit être cohérent et pouvoir vivre indépendamment des autres.» Ces principes-là fondent toute décision. Et évidemment on regarde maintenant la décision... c'est-à-dire la motion de scission telle qu'elle est présentée par le député de Vachon. Vous me permettez d'en faire lecture:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement [de l'Assemblée nationale] le projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration[...], soit scindé en deux projets de loi: un premier [projet] intitulé Loi modifiant la Loi sur l'immigration [du] Québec, comprenant les articles 1 à 3, le premier alinéa de l'article 4, les articles 6 à 11, les articles 13 à 16 et l'article 18; et un second [projet qui serait] intitulé Loi modifiant la Loi sur l'immigration afin de permettre la sélection par bassins géographiques, comprenant le second alinéa de l'article 4, l'article 5, l'article 12 ainsi que l'article 17 et [...] 18 à l'exception des mots "à l'exception des articles 2 et 7 et du paragraphe 5 de l'article 11 qui entreront en vigueur à la date fixée par le [règlement]".»

Alors, encore une fois, M. le Président, une première remarque s'impose. Le projet de loi n° 53, tel que je vous l'ai dénoncé, Loi modifiant la Loi de l'immigration, établit à sa face même qu'il ne modifie qu'une seule et même loi, la Loi sur l'immigration. On pourrait faire des parallèles avec d'autres projets de loi, le leader de l'opposition officielle a évoqué, de façon purement hypothétique, un projet de loi omnibus, on sait qu'en soi il peut... et celui qu'on avait hier modifiait plusieurs lois. Ce n'est pas le cas de la loi n° 53, elle ne modifie qu'une seule loi, la Loi sur l'immigration.

Deuxièmement, que vient faire ce projet de loi là réellement? Pas hypothétiquement, on ne se lancera pas dans des spéculations, on est saisi par une motion et un projet de loi. Vous devez lire la motion, je lis le projet de loi. Alors, ce projet de loi là vient établir hors de tout doute de façon cohérente, en formant un tout, une procédure, un processus qui se rapporte à une seule et même cause, à savoir le processus de sélection. Il vient dire quoi, en toute logique? Il établit la procédure, donc comment on va gérer. Je vous soulève qu'il comporte un seul et même principe, à savoir le principe de l'immigration.

Ce projet de loi là est donc un tout, un tout qui fait foi d'une cohérence, et on le constate en le lisant. Vous regardez son fil, vous regardez sa trame, il est clair qu'il est tissé très étroitement et il est clair que chacun des articles, lorsqu'on en fait lecture attentive, établit hors de tout doute une cohérence des interrelations. Ils n'existent pas dans le beurre, ils sont soudés et liés dans une trame qui est tissée étroitement et qui repose sur des principes et des valeurs auxquels nous adhérons tous. Ce projet de loi là est indissociable parce qu'il ne comporte pas plusieurs principes, il n'en comporte qu'un seul.

Encore une fois, vous me permettrez de vous rappeler qu'il touche les mêmes personnes, à savoir les immigrants. Il établit ou il s'intéresse aux mêmes circonstances, à savoir le processus de sélection. Il témoigne de valeurs. Ces valeurs-là constituent également son essence. Ces valeurs-là font en sorte que le projet de loi vient donner des outils juridiques pour faire la sélection, donc pour renforcer l'intégrité du processus de sélection. Les valeurs dont il atteste sont la justice et l'équité.

Le projet de loi constitue, selon les critères tels qu'énoncés dans notre règlement à l'article 241, encore une fois un tout cohérent et indissociable, un tout cohérent en raison du fait qu'il ne comporte qu'un seul et même principe, nommément l'immigration. Il établit des règles qui précisent une procédure et une procédure qui repose sur les valeurs auxquelles le gouvernement du Québec adhère et les valeurs auxquelles nous adhérons tous pleinement et collectivement. Et pourquoi on adhère à ces valeurs-là? C'est qu'on veut assurer aux nouveaux immigrants une procédure de sélection qui les assure d'être traités avec justice et avec équité.

Le député de Vachon parlait de conditions gagnantes. Encore une fois, il cherchait au-delà...

Le Vice-Président (M. Gendron): ...je veux bien, là, mais vous êtes très souvent sur le fond du projet de loi. Moi, je veux entendre des arguments sur la recevabilité. Je pense que vous l'avez bien fait...

Mme Lamquin-Éthier: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, j'ai compris ça, parce que vous avez eu la chance de me l'expliquer à plusieurs reprises.

Mme Lamquin-Éthier: Bien, c'est important.

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, c'est important de plaider sur la recevabilité, davantage que sur le fond du projet de loi, parce qu'on n'est pas sur l'adoption du principe, on est sur une motion de scission et pourquoi cette motion est recevable ou non.

Mme Lamquin-Éthier: Alors, elle est irrecevable parce que la motion telle qu'introduite par le député de Vachon ne répond pas aux critères tels qu'énoncés à notre règlement. Le projet de loi constitue un tout qui est cohérent, un tout qui est indissociable, ne comporte qu'un seul principe, ne modifie qu'une seule loi. Il témoigne de la rigueur voulue et de la cohérence requise pour constituer un tout indissociable. Qui plus est, il témoigne de l'interrelation des articles les uns aux autres, et je pense qu'on doit se féliciter.

Et permettez-moi une dernière remarque. Lorsqu'on regarde la motion de scission, et plus particulièrement la proposition se rapportant au deuxième projet de loi, ce qui est écrit, c'est: «Loi modifiant la Loi sur l'immigration afin de permettre la sélection par bassins géographiques». À mon sens, quand je lis «de permettre la sélection», bien ce que je comprends, c'est que c'est une modalité, ce n'est pas une essence, alors c'est tout à fait différent. Ne comporte qu'un seul principe: la motion est irrecevable.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je remercie les deux collègues de leurs plaidoiries.

Et je vais suspendre quelques minutes pour apprécier, encore une fois, l'éclairage que vous m'avez soumis, la jurisprudence sur la motion de scission présentée par le député de Vachon. La séance est suspendue.

(Suspension de la séance à 22 h 38)

 

(Reprise à 23 h 15)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, chers collègues, nous allons poursuivre la séance.

Décision de la présidence sur la recevabilité
de la motion de scission et sur la demande
de directive du leader de l'opposition

Je vais maintenant rendre ma décision sur la recevabilité de la motion de scission présentée par le député de Vachon. Cette motion se lit comme suit, et je cite:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement [de l'Assemblée nationale] le projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, comprenant les articles 1 à 3, le premier alinéa de l'article 4, les articles 6 à 11, les articles 13 à 16 et l'article 18; et un second intitulé Loi modifiant la Loi sur l'immigration afin de permettre la sélection par bassins géographiques, comprenant le second alinéa de l'article 4, l'article 5, l'article 12 ainsi que l'article 17 et l'article 18 à l'exception des mots "à l'exception des articles 2 et 7 et du paragraphe 5 de l'article 11 qui entreront en vigueur à la date fixée par le gouvernement".»

Après avoir analysé longuement, je déclare cette motion recevable. Comme je le mentionnais dans ma première décision, pour pouvoir être scindé, un projet de loi doit contenir plus d'un principe. Au surplus, chaque projet de loi résultant de la scission doit être cohérent et pouvoir vivre indépendamment l'un de l'autre. Je tiens à rappeler que, dans cette décision, j'ai indiqué que je n'avais pas à m'interroger sur la question de savoir si le projet de loi contenait plus d'un principe, puisque le motif d'irrecevabilité que j'ai invoqué était suffisant en soi pour rendre la motion irrecevable. Je vais maintenant me prononcer sur cette question.

Tout d'abord, je tiens à préciser que le projet de loi n° 53 comporte plus d'un principe et que chaque projet de loi qui résulterait de la scission serait cohérent et pourrait vivre indépendamment l'un de l'autre. Dans le deuxième projet de loi identifié dans la motion, le principe a trait plus spécifiquement à la diversité du patrimoine socioculturel du Québec et à la sélection d'immigrants par bassins géographiques, alors que le premier projet de loi contient divers principes, dont la suppression de l'exigence pour les ressortissants étrangers d'obtenir un certificat du ministre pour recevoir un traitement médical au Québec, le renforcement des dispositions touchant l'usage de faux documents en introduisant une sanction, et la reconnaissance des consultants en immigration et le contrôle de leurs activités.

En ce qui a trait à l'article 18, et je crois que c'est très important, j'ai mentionné dans ma précédente décision que son libellé n'aurait pu se retrouver dans son intégralité dans les deux projets de loi, puisqu'il contient des références à des articles qui se seraient retrouvés uniquement dans un projet de loi. Je le rappelle, il n'appartient jamais à la présidence d'apporter des corrections nécessaires pour rendre recevable une motion de scission. Dans de telles circonstances, la motion de scission doit donc contenir les précisions nécessaires afin que la présidence n'ait pas à modifier le contenu de la motion. La correction des articles visés par une motion de scission n'est pas une correction de forme soumise à l'application de l'article 193 du règlement.

Par ailleurs, il est vrai que, dans une motion de scission, on ne doit pas en principe réécrire les articles du projet de loi dans le but de rendre la motion recevable. Cela dit, étant donné qu'un article d'entrée en vigueur d'un projet de loi constitue une modalité, la présidence doit déclarer recevable une motion de scission qui adapterait l'article d'entrée en vigueur aux projets de loi qui résulteraient de la scission. Autrement, il n'y aurait ou qu'une ou peu de motions de scission possibles. D'ailleurs, dans tous les projets de loi, il y a uniquement un article d'entrée en vigueur, et la présidence a toujours déclaré recevable une motion qui inclut cet article dans tous les projets de loi qui résultent de la scission. C'est ce que la jurisprudence a fait. À cet égard, la seule chose que ne peut pas faire la présidence, c'est de faire dire à la motion ce qu'elle ne dit pas. Or, la motion du député de Vanier, à l'article 18, aux deux projets de loi qui résulteraient de la scission, c'est ce fait que... contrairement à la précédente motion, celle du député de Vachon est recevable.

En terminant, le fait que la motion vise à scinder un projet de loi qui, lui, porte sur une seule loi n'a pas pour effet de rendre la motion irrecevable. La seule exigence, c'est que le projet de loi qu'on cherche à scinder contienne plus d'un principe.n(23 h 20)n

Et je tiens à signaler également que cette décision répond également à la demande de directive précédente, et, si j'avais eu l'information tant en termes de directive, bien les mêmes paramètres dans la conclusion auraient été énoncés.

Alors, voilà, la décision est rendue, et nous sommes maintenant prêts à poursuivre le débat. Oui, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce que vous pouvez m'indiquer si vous entendez réunir les leaders pour la répartition du temps de parole concernant le débat qui reste?

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, si c'est l'indication que vous me donnez de poursuivre le débat jusqu'à la fin de la séance.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Parfait. Alors, on va suspendre très, très, très... pour un court moment, parce que c'est toujours la même offre pour ce qui est de la répartition du temps. Alors, on suspend quelques minutes pour répartir le temps pour débattre de la motion de scission.

(Suspension de la séance à 23 h 21)

 

(Reprise à 23 h 28)

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Alors, suite à une rencontre avec les leaders, je vous annonce qu'il y a une entente sur la répartition du temps, il sera partagé également: 50 minutes pour chaque formation politique, 10 minutes réservées pour les indépendants; le temps non utilisé de l'un va accumuler à l'autre et il n'y aura pas de limite de temps pour les intervenants, comme telle. Alors, c'est 50 minutes chaque... Il y a deux heures de débat, divisées en deux; réservez 10 minutes pour les indépendants, le reste du temps est divisé également entre les deux. Alors, voilà.

Débat sur la motion de scission

Alors, je serais prêt à entendre le premier intervenant, qui serait le leader de l'opposition officielle.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, permettez-moi, la formule est simple: 50-50-10.

Le Vice-Président (M. Sirros): C'est ça.

M. Boisclair: Et, M. le Président, je vous indique que nous allons utiliser l'ensemble du temps mis à notre disposition.

Une voix: ...

M. Boisclair: On m'indique, oui, 55-55. M. le Président, vous comprenez un peu la stratégie de l'opposition officielle, et je prends le temps de l'expliquer et de ne pas m'en cacher...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): J'apprécierais... Il nous reste 30 minutes, j'apprécierais qu'on puisse terminer ce débat dans le calme, en respectant le droit de parole de chacun et en respectant l'article 32, s'il vous plaît.

M. Boisclair: Et, M. le Président, je suis content de voir que vous occupez le siège à ce moment-ci, puisque vous connaissez bien les questions d'immigration ou d'intégration, vous les avez étudiées, et vous vous êtes à plusieurs reprises exprimé a l'Assemblée nationale sur ces questions, et vous l'avez fait dans le grand respect des traditions québécoises. Vous avez été un de ceux qui avez défendu la politique d'immigration, à l'époque, proposée par la députée de Saint-François, donc vous connaissez bien ces questions.

n(23 h 30)n

Et ce que je tente de faire... D'abord, plus tôt cet après-midi, avec la motion de report, où nous demandions aux membres du gouvernement de reporter l'adoption du projet de loi puisqu'il y a dans ce projet de loi des dispositions qui nous semblent iniques... Le gouvernement a une autre vision des choses et a décidé de procéder avec l'adoption du projet de loi.

Alors, je n'ai d'autre choix, M. le Président, que de proposer à mes collègues de cette Assemblée d'identifier, dans le projet de loi, des dispositions qui sont les plus contentieuses, celles qui suscitent chez nous de vives questions, pour faire de ces dispositions un projet de loi particulier permettant un débat éclairé, intelligent, à l'Assemblée nationale où nous pourrons aller dans le détail des choses.

Jusqu'à ce jour, M. le Président, vous m'avez entendu parler essentiellement de l'article 12, mais je pourrais aussi, sur d'autres articles du projet de loi, m'exprimer sur le fond, et je ne m'en cache pas, M. le Président, sur certains des articles du projet de loi, je pourrais manifester un enthousiasme aussi grand que la ministre. Sauf que coincé, le gouvernement décidant de ne pas reporter l'adoption du projet de loi, je présente aujourd'hui une motion de scission pour retirer les éléments les plus contentieux du projet de loi et pour en faire un projet de loi à part. Et des débats sur des notions contentieuses sur des questions d'immigration, M. le Président, nous en avons eu. Et vous et moi en avons eu en commission parlementaire, et le débat, vous vous souviendrez, M. le Président, c'était sur l'intégration au peuple québécois, et nous avions eu, M. le Président, vous et moi, un célèbre débat sur le peuple québécois: Existe-t-il? C'est quoi, la nation? Je me souviens, M. le Président, vous me demandiez de façon claire: Est-ce que le député de Laurier-Dorion que je suis, disiez-vous, fait partie du peuple québécois? Et c'est un débat qui a duré très longtemps. Et c'est un débat que nous avons finalement tranché, et je pense auquel vous vous êtes rallié. Vos déclarations faites il y a peu de temps confirment que, sur le fond, au-delà de la joute politique, nous nous entendons sur l'existence du peuple et sur le fait que des immigrants qui viennent s'intégrer dans la société québécoise s'intègrent à cette réalité et à ce peuple. D'ailleurs, la ministre confirme cette politique, n'ayant pas fait le choix de modifier ces dispositions du projet de loi. Des débats en matière d'immigration sur des questions contentieuses, on connaît ça, vous et moi.

Là, je vais vous lire un article de ce projet de loi, un principe tout à fait nouveau, qui n'existe pas dans le droit sur l'immigration, qui, d'aucune façon, n'existe même comme concept dans l'entente Canada-Québec sur l'immigration et qui, en plus, n'existe pas en droit fédéral. Et je vous lis une des dispositions qui concerne le plan d'immigration. À chaque année, suite à l'initiative des députés du Parti québécois, j'étais le ministre responsable qui parrainait ce projet de loi, la ministre doit déposer un plan d'immigration, chaque année ou aux trois ans, ma mémoire, là, me trahit mais... régulièrement donc un plan d'immigration. Ce plan doit indiquer quelles sont les prévisions d'admission, prévisions qui font état à la fois des objectifs de sélection du Québec, des efforts du Québec et aussi des réalités qui nous échappent ici, au contrôle de cette Assemblée, réunification familiale et accueil humanitaire qui est de la compétence du gouvernement fédéral.

Donc, on fait un état de prévision et on fait aussi dans ce plan d'immigration des efforts de sélection à l'étranger. Vous conviendrez comme moi que le vrai test de la volonté d'ouverture d'un gouvernement est d'accueillir... sa volonté d'accueillir davantage d'immigrants, c'est en faisant davantage de sélection à l'étranger. Vous convenez comme moi que les admissions de cette année et de l'an prochain sont le reflet des sélections qui se sont faites les années passées. Pourquoi? Parce qu'il peut s'écouler un temps important entre le moment où un certificat de sélection est émis, puis une personne arrive au Québec, parce que la personne peut prendre un certain temps avant de poser le geste mais aussi parce qu'il lui faut un visa canadien qui est parfois long à obtenir. Pour pouvoir rentrer en sol québécois, le gouvernement fédéral se conservant toujours la prérogative de l'émission sur le territoire.

Donc là, vous me suivez sur le plan, sur son importance. Le gouvernement donne un signal, et, pour la première fois, on nous indique une disposition nouvelle de ce plan: «Ce plan a pour objet de préciser les volumes d'immigration projetés pour assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec dans le cadre des objectifs poursuivis en matière de sélection des ressortissants étrangers.» Ma foi, M. le Président, qu'est-ce que ce concept de diversité du patrimoine socioculturel québécois? Belle question, et ce n'est pas juste une question de définition, tout ça est important puisque plus tard, à l'article 12, la ministre se donne le pouvoir de suspendre la réception de certificats de sélection et de suspendre... une suspension ? et je cite l'article 12 ? qui «peut être applicable pour l'ensemble des pays ou pour un bassin géographique et pour une catégorie de ressortissants étrangers ou à l'intérieur d'une même catégorie». En somme, s'il y a trop d'une sorte: Fini, merci, je suspends. Au nom de quoi je suspends, M. le Président? Au nom de la diversité du patrimoine socioculturel du Québec.

Première question, qu'est-ce que serait, M. le Président, le bassin socioculturel du Québec idéal? Y a-t-il trop de gens d'origine grecque ou pas assez de gens d'origine grecque? Y a-t-il trop de Québécois d'origine italienne ou pas assez? Y a-t-il trop de Maghrébins ou pas assez? Pour qu'un critère comme celui-là soit admis dans la loi, il faut qu'il puisse être réfuté, il faut qu'il puisse être mesuré concrètement, il faut qu'il puisse faire l'objet d'une discussion, puis d'une discussion éclairée. Pourquoi je réclame des objectifs clairs? Parce que la ministre a un pouvoir, par la suite, discrétionnaire.

On est habitué avec ce genre de concept. Admettons qu'on adhère au concept, on pourrait prétendre qu'il ressemble à l'idée de la capacité d'accueil du Québec, concept aussi, vous en conviendrez, dont on peut débattre largement. Mais, avec le temps, on a défini ce que c'était, le concept de capacité d'accueil. Mais jamais un gouvernement ne s'est donné le pouvoir d'empêcher l'entrée d'un ressortissant d'un pays X ou d'un pays Y au nom de la capacité d'accueil. Non. On l'a fait en utilisant des cibles d'admission et on s'est donné le pouvoir dans la loi, si les cibles d'admission sont atteintes au cours d'une année, de bloquer les admissions puis de recommencer l'année prochaine.

Mais là un concept flou, diversité du patrimoine socioculturel, sans aucun critère, qui permet à la ministre d'utiliser un pouvoir, par la suite, discrétionnaire. Je comprends bien que la ministre doit aller chercher une autorisation du Conseil des ministres pour bloquer un bassin, mais il n'en demeure pas moins qu'un pouvoir discrétionnaire, M. le Président, ce n'est pas un pouvoir arbitraire, et les tribunaux ont tranché cette question régulièrement. Et mon collègue le député de Vachon, qui a déposé la motion de scission, a entièrement raison dans son énoncé lorsqu'il nous rappelait que, lorsqu'on donne un pouvoir discrétionnaire important, il faut qu'il y ait des critères importants pour éviter l'arbitraire. Et plus les pouvoirs discrétionnaires sont importants, moins il faut qu'il y ait d'arbitraire, et donc moins d'arbitraire signifiant des critères sur lesquels on peut valider puis on peut s'entendre. Puis imaginez-vous juste 30 secondes, M. le Président, si un ministre du Parti québécois avait présenté un texte de loi comme celui-là, j'aurais été curieux, M. le Président, d'entendre le député de Laurier-Dorion s'exprimer sur cette question, j'aurais été curieux, M. le Président, d'entendre le député de Viau s'exprimer sur cette question, connaissant leur sensibilité et connaissant aussi l'importante expérience qu'ils ont de la vie parlementaire puis de la réalité québécoise.

Et pourtant, aujourd'hui, sur cette question, de façon simple, sans trop réagir et sans trop connaître les projets de loi, j'ai eu l'occasion de le tester tout à l'heure, il y en a plusieurs dans cette Assemblée qui, même s'ils sont saisis du projet de loi, n'ont pas fait une lecture attentive de l'article 12, se lèvent, applaudissent, votent contre la motion de report puis, je l'espère, M. le Président, vont au moins considérer la motion de scission. Ce pouvoir, M. le Président, que réclame la ministre, rien ne justifie que les parlementaires le lui donnent. Parce que, si la ministre a des problèmes d'arrérages, donc de dossiers qui s'accumulent au fur et à mesure des ans parce que sa capacité de traiter n'est pas assez grande, bien elle a des pouvoirs administratifs à sa disposition.

n(23 h 40)n

D'abord, ce gouvernement a imposé des compressions de 18 %... J'ai oublié le chiffre exact à l'immigration, mais considérables au ministère de l'immigration, les compressions. De mémoire, 18 %, je peux me tromper. Ça a une conséquence évidente sur les activités du ministère puis la sélection. Mais la ministre pourrait décider de constituer des équipes spéciales, comme ça s'est fait dans le passé, pour traiter les demandes en attente. Pas un mot sur les efforts administratifs qui ont été faits pour résoudre le problème. La ministre aussi pourrait décider, comme ça s'est fait dans le passé, d'avoir des procédures de traitement qui allègent la procédure tout en assurant l'équité. On l'a fait, M. le Président, en acceptant d'admettre des gens sur dossier dans certains cas en évitant l'entrevue. On a fait preuve d'imagination quand on a été confronté à des problèmes comme ceux-là. À l'époque où je suis arrivé au ministère de l'Immigration, il y avait des attentes considérables au SIQ à Paris. Mais, sans que j'aie le besoin de chercher des pouvoirs comme ceux-là, on les a réglés, les problèmes, M. le Président. Je les ai réglés, parce que je me suis entendu avec mon collègue à l'époque qui était ministre des Affaires internationales. On y a mis les budgets. J'ai nommé un nouveau responsable du SIQ à Paris. On a appuyé ses efforts de façon mieux concertée avec le bureau à Montréal, puis on a réglé le problème. D'autres sont réapparus avec le temps. Mais jamais, jamais, mais au grand jamais, on s'est senti le besoin d'aller chercher des pouvoirs législatifs comme ceux-là. Qu'est-ce qui justifie qu'on donne à la ministre, nous, de l'Assemblée nationale, le pouvoir d'agir ? d'agir, M. le Président ? sur ces questions?

On m'apporte une note. Je regrette, ce n'est pas 18 % de compressions, c'est 16 % de compressions, moins 23 millions. Je m'excuse pour cette erreur et je remercie les gens qui veillent à bien m'informer pour que je vous informe correctement à mon tour, M. le Président.

Donc, rien ne justifie que nous, députés de l'Assemblée nationale, donnions un pouvoir extraordinaire à la ministre de dire: Fini, merci, je n'en veux plus, de ceux-là. Parce que c'est à ça qu'on arrive en bout de course.

Puis l'immigration, M. le Président, ce que j'en comprends, c'est que ça s'est toujours fait par vagues, par vagues successives. Je ne referai pas toute la genèse de l'histoire du Québec, mais il y a une vague d'immigration italienne dans l'après-guerre. Imaginez-vous donc un instant si des gens avaient dit: Woups! il y en a trop qui rentrent, on ferme le couvercle.

Encore plus récemment, Hong Kong menace... avec la Chine... du retour de Hong Kong à la Chine, plusieurs personnes inquiètes ont fait le choix de venir au Canada. On a vu une vague d'immigration considérable de gens qui sont venus au Québec, mais beaucoup aussi en Colombie-Britannique. Imaginez-vous 30 secondes un ministre de la Colombie-Britannique dire à ses concitoyens: Assez de ceux-là, on n'en veut plus. Imaginez, quand il y a eu les crises à Haïti, que le Québec a ouvert ses bras pour accueillir des milliers de ressortissants étrangers, on les a accueillis tellement bien qu'on a accepté de régulariser la situation de plusieurs d'entre eux. Imaginez qui aurait eu cette idée saugrenue de dire: On ferme, il y en a assez. Quand les boat people sont arrivés, quelle idée nous serait venue de dire: On ferme, on en a assez? Et pourtant c'est ce pouvoir que demande la ministre.

Au Liban, M. le Président, au Liban, M. le Président, quand les gens ont connu la crise, fin des années quatre-vingt, début des années quatre-vingt-dix, on a accueilli des milliers de Libanais. On a accueilli aussi, M. le Président, au Québec, des milliers de personnes après la crise...

Des voix: ...

M. Boisclair: Qui a dit: On en a assez? C'est-u ça que quelqu'un a dit?

Le Vice-Président (M. Sirros): S'il vous plaît! S'il vous plaît, adressez-vous à la présidence, M. le leader, à la présidence. Je n'ai rien entendu qui m'aurait obligé de me lever. Je n'ai rien entendu qui m'aurait obligé de me lever. Je vous prie de continuer votre discours en vous adressant à la présidence toujours et en demandant à tout le monde de rester calme.

M. Boisclair: C'est impeccable à date, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Sirros): Tout à fait.

M. Boisclair: ...je m'adresse à vous, non seulement à vous, président, mais au député de Laurier-Dorion que vous êtes.

Le Vice-Président (M. Sirros): En plus.

M. Boisclair: Je ne peux pas faire plus que ça, là. M. le Président, les Libanais accueillis au début des années quatre-vingt-dix, fin des années quatre-vingt, qui sont venus par vagues, est-ce qu'on se serait dit à un moment donné: Ferme le bassin? Alors, quel bassin voulons-nous fermer, puis où est le problème, puis quels sont les critères? Alors, M. le Président, me semble-t-il, me semble-t-il que tout cela est nettement exagéré, que la ministre en ce moment joue dans un mauvais film. Puis nous avons de la misère, M. le Président, à lui accorder de la crédibilité quand elle se cache derrière des motifs administratifs, parce que c'est cette même ministre, M. le Président, qui, malgré l'estime que je lui porte personnellement, qui fait des grands discours, dit: Oh, mon Dieu! M. le Président, qu'elle était donc contente de venir rencontrer des ministres du gouvernement du Québec du Parti québécois dans une autre époque pour nous solliciter des appuis. Elle était donc contente, M. le Président. Elle était donc contente à une autre époque de venir rencontrer des députés du Parti...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): S'il vous plaît! De part et d'autre...

Mme Lamquin-Éthier: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): Oui, Mme la leader adjointe.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): S'il vous plaît! Sur une question de règlement.

Mme Lamquin-Éthier: ...du leader de l'opposition officielle, le huitième alinéa de l'article 35. Ses propos peuvent modérément s'enflammer, mais je pense qu'il doit conserver, à l'égard de la ministre, un langage qui soit respectueux.

Le Vice-Président (M. Sirros): Je suis d'accord, tout à fait d'accord avec vous, comme je crois également que tous les députés doivent également maintenir un comportement respectueux de celui qui a la parole. Celui qui a la parole, c'est le député de Gouin et leader du gouvernement. J'aimerais qu'il puisse terminer son intervention. M. le député de Gouin.

M. Boisclair: En tout cas, j'ai un souvenir clair, M. le Président, d'une époque où, avant que la ministre de l'Immigration soit députée du Parti libéral, qu'elle était donc contente de rencontrer des députés du Parti québécois. Et je lui rappellerai en particulier un lunch dans un hôtel, non loin de son actuel bureau, à côté de...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): S'il vous plaît! Est-ce que je peux simplement... est-ce que je peux tout simplement vous rappeler tous à la pertinence sur le débat. Il y a motion de scission. Sur la motion de scission, M. le leader.

M. Boisclair: C'est très pertinent, M. le Président, parce que je dis en ce moment que nous avons de la difficulté à accorder de la crédibilité à ses propos, elle qui se drape dans un grand discours sur l'augmentation de l'immigration, mais qui, au même moment, oublie de dire qu'en 2004 elle sélectionnera moins de travailleurs à l'étranger qu'en 2003 et que la réalité des chiffres, c'est que davantage de gens vont venir d'autres catégories. Mais dans le cas... Et je vous invite tous à lire la page 8 du plan déposé par la ministre, et vous allez en voir la preuve à la page 8, pas du plan déposé aujourd'hui mais déposé il y a quelques mois à l'Assemblée nationale, son plan d'immigration qui fait état des efforts de sélection à l'étranger, puis vous allez voir comme moi, comme je l'ai cité, qu'il y aura moins de certificats de sélection émis en 2004 qu'en 2001.

La ministre me dit: 200 de moins. Elle vient de le confirmer, M. le Président, 200 de moins. Alors, qu'on arrête donc les grands discours, là, sur une augmentation de la volonté du Québec d'accueillir des immigrants, de faire plus, puis ainsi de suite. Au net, 200 de moins, certificats de sélection émis par le gouvernement, par le gouvernement du Québec. Moins d'accueil humanitaire et, de mémoire, un peu davantage de gens dans la catégorie des gens d'affaires. Ça concorde d'ailleurs tout à fait avec les valeurs du Parti libéral. Moins d'humanitaire, plus de gens d'affaires, c'est en plein le portrait qu'ils lancent par leur plan d'accueil.

Je vous invite, M. le Président, à regarder le plan...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): On n'est pas obligé d'être d'accord avec les paroles prononcées par ceux qui ont la parole, on est obligé de les respecter, en autant qu'ils le font à l'intérieur du cadre du règlement, ce que je juge avoir été le cas jusqu'à maintenant. Alors, s'il vous plaît, M. le leader.

M. Boisclair: Alors, c'est ce qui explique, M. le Président, ma réserve, c'est ce qui explique mon inquiétude de voir, quand la ministre se comporte d'une telle façon, de voir combien... je suis inquiet de voir de quelle façon elle pourra utiliser l'article 12. Et je rappelle, M. le Président, sur cette question, que je l'ai entendue grandement parler de la francisation. Vous connaissez tous les problèmes qu'elle a eus. On n'est pas dans le contexte ici d'une ministre qui est en contrôle de ses affaires, qui veille au développement de son ministère, on est dans le contexte d'une ministre qui, malgré une entente Canada-Québec, et j'appelle... j'attire l'attention du ministre des Affaires intergouvernementales...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): Je ne veux vraiment pas avoir à me lever à tous les... J'appelle à la collaboration de tout le monde, de celui qui parle et de ceux qui écoutent. Il y a une façon de dire ce qu'on a à dire et une façon de recevoir tout ce qui est dit pour qu'on puisse terminer le débat dans le calme, comme on l'a entamé. Alors, je vous prie de continuer en vous rappelant encore que, en vous adressant à la présidence, même au député de Laurier-Dorion si vous voulez le faire également, ça pourra faciliter la poursuite des choses.

n(23 h 50)n

M. Boisclair: Oui. M. le député de Laurier-Dorion, je veux aussi dire 18 %, 18 % de compressions... 16 %, je m'excuse, 23 millions de compressions, 16 % de compressions au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, alors que les rentrées du gouvernement fédéral ne cessent de croître et que l'accord Canada-Québec ne cesse d'augmenter. On est dans une situation limite, M. le Président, où le gouvernement, où le gouvernement utilise, pour faire ses compressions, l'argent du gouvernement fédéral. Et, si je me trompe, je mets au défi la ministre de l'Immigration de déposer un rapport du vérificateur interne du ministère, un certificat qui pourrait nous dire que l'argent versé par le fédéral sert aux fins de l'accord. Le Conseil du trésor, à l'époque de notre administration, n'aurait jamais accepté des compressions aussi importantes, parce que ces débats, ils se sont faits, puis des discussions comme celles auxquelles la ministre a dû faire face, on les connaît, on a dû faire face à ça. Mais, à l'époque, il y avait un président du Conseil du trésor qui avait fait le choix de ne pas mettre en péril l'accord, puis les budgets du ministère de l'Immigration ont toujours été protégés parce qu'on voulait sauvegarder l'accord.

Il semble, M. le Président, que cette sensibilité ne soit pas actuellement celle de la présidente du Conseil du trésor. Je le dis, avec 16 % de compressions, 23 millions de budget en moins, c'est l'Accord Canada-Québec qui est en danger. Vous-même, M. le Président, et de vos collègues, alors que nous gérions des compressions dans d'autres programmes, me faisaient ce reproche. Et, devant votre critique, j'avais demandé au vérificateur du ministère, j'avais demandé au vérificateur du ministère de me présenter un certificat ? un vérificateur indépendant du ministre qui relève du Contrôleur des finances au ministère des Finances ? de produire un certificat m'indiquant de façon claire que l'argent versé par l'accord servait aux fins de l'accord.

Donc, tout ça sème du doute, on n'est pas dans une situation où on a un gouvernement qui développe la mission, on est dans un contexte de gouvernement qui saborde la mission, qui ne fait pas plus de sélection à l'étranger puis qui se donne un pouvoir comme celui-là. Tout cela, M. le Président, mériterait ? et pour éviter des débats houleux comme ceux que nous avons ce soir, parce que j'aurais des bonnes choses à dire sur d'autres dispositions du projet de loi ? mériterait, M. le Président, qu'on prenne l'article 12, l'article 4 que je vous ai lu, hein, je vous le rappelle, sur la diversité du patrimoine socioculturel, qu'on prenne aussi les articles qui traitent de cette même question, en particulier l'article 12, puis un article d'entrée en vigueur, puis qu'on sorte ça, puis qu'on continue, M. le Président, dans la grande tradition que la députée de Saint-François avait, elle, initiée.

Dans cette Assemblée nationale, rarement avons-nous eu un débat contradictoire fort sur des questions d'immigration. La députée de Saint-François puis le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques se sont retrouvés des heures ensemble en commission parlementaire, puis le travail... l'intelligence de la députée de Saint-François, son travail d'ouverture, son talent puis sa volonté d'écouter les députés, et en particulier les siens, mais aussi les députés de l'opposition, ont fait en sorte que cette politique est passée à l'histoire et que personne qui s'est succédé, ni moi, ni mes collègues, n'a remis en cause cette politique, si ce n'est un peu sur des questions de francisation où on a développé une approche différente de celle de la ministre.

Aujourd'hui, M. le Président, je le déplore, la ministre de l'Immigration n'a pas eu ce même talent, n'a pas eu cette même écoute, puis elle persiste, puis elle fonce les yeux fermés, puis elle s'en va directement sur un mur. Au point, M. le Président, que j'ai appris aujourd'hui qu'aucun des membres du comité aviseur de la ministre sur des questions d'immigration n'avait été informé des dispositions du projet de loi. La députée de Saint-François est celle, je pense, qui, avec le député de Saint-Laurent de l'époque ? vous me permettrez de le nommer, M. le Président, pour la mémoire de quelques-uns, M. Norm Cherry, qui était ministre délégué à l'époque ? la députée de Saint-François puis le député de Saint-Laurent de l'époque avaient créé un comité aviseur pour mettre les groupes et les partenaires dans le coup. Cette tradition s'est toujours maintenue, parfois, faut-il le dire, avec un peu de relâchement, mais toujours... Aucun membre du comité aviseur de la ministre n'a été informé de ces questions et du projet de loi. Jamais en commission parlementaire, après qu'elle eut convoqué 80 groupes... Elle est donc fière d'avoir convoqué 80 groupes, je comprends qu'elle peut être fière, les questions contentieuses, elle ne les a pas mises sur la table. Elle n'a pas discuté de l'article 12, elle n'a pas osé déposer un libellé d'un article 12, M. le Président. Si cet article 12 ? et je l'entends rire ? mais qu'elle me trouve un instant, qu'on sorte les registres de la commission parlementaire. J'affirme, M. le Président, de mon siège, que jamais le contenu de l'article 12 n'a été rendu public en commission parlementaire. Jamais, très clairement, on n'a eu un texte de projet de loi, une intention écrite de la ministre sur cette question, et les membres du comité aviseur n'ont pas été consultés non plus. Alors, on est loin, là, de la grande tradition de la députée de Saint-François puis on est loin d'avoir le goût d'offrir à l'actuelle ministre les mêmes compliments qu'on avait offerts à l'époque à l'actuelle vice-première ministre.

Alors, je pense, M. le Président, que la motion de scission nous permettrait de revenir à un ton plus calme puis de réinscrire le débat parlementaire, le débat parlementaire, M. le Président, parce qu'on a été capables, de part et d'autre, de saluer le travail des uns et des autres. Je vous ai entendus saluer des politiques du gouvernement du Parti québécois quand vous étiez dans l'opposition, vous avez appuyé de nos projets de loi. Nous avons fait la même chose à l'époque, nous le faisons encore aujourd'hui, lorsque les circonstances le justifient. Puis il me semble que, sur les questions d'immigration, on devrait donc se tenir loin des questions partisanes, déjà suffisamment sensibles, déjà suffisamment exploitées. Nous pourrions revenir à ce climat en retirant du projet de loi les dispositions contentieuses.

Et je suis d'autant plus à l'aise, M. le Président, de vous recommander puis de recommander aux collègues de retirer cet article parce que jamais la ministre n'a produit un avis du Barreau, un avis des avocats spécialisés sur les questions d'immigration. Vous savez, M. le Président, au Barreau, il y a un groupe d'avocats spécialistes qui s'appelle, l'AQAADI, l'Association canadienne ? je présume ? des avocats en immigration... en droit de l'immigration... L'Association canadienne des avocats en droit de l'immigration, l'AQAADI. Pas d'avis de ces spécialistes, pas d'avis du Barreau, pas d'avis de la Commission des droits de la personne. La ministre fonce puis procède; ce n'est pas une façon de faire.

Est-ce qu'il faut que je rappelle les propos du député de Marquette dans cette Assemblée, qui nous disait, M. le Président: L'avis du Barreau? Combien de fois est-ce que le député de Marquette a réclamé des avis du Barreau? C'était la vertu à laquelle il nous invitait. Rendu au pouvoir, M. le Président, cette vertu, ma foi du bon Dieu, ils l'ont vite oubliée, hein? Aux oubliettes! Allez retrouver les promesses libérales non tenues. D'ailleurs, j'apprenais qu'il y en avait une nouvelle, non tenue. Est-ce que je peux... J'ai quasiment le goût d'annoncer une question de demain. Mais il y en a une nouvelle, M. le Président. Je vous garde en suspens jusqu'à demain, parce que nous avons appris aujourd'hui qu'il y a une autre promesse qui a été mise au rancart. Mais donc, sur un ton plus sérieux, M. le Président, on n'a pas ces avis. Ces spécialistes ne se sont pas fait entendre. Et la moindre des choses, M. le Président, c'est qu'avant de procéder nous puissions correctement faire le point.

Et la ministre, M. le Président ? puis je termine là-dessus parce que minuit arrive ? la ministre, plutôt que de dire...

Des voix: ...

M. Boisclair: M. le Président, avant de terminer, il me semble que la ministre devrait faire preuve de plus de réserve, devrait accepter aujourd'hui les propos raisonnables de l'opposition, devrait dire qu'elle va étudier davantage cette question et nous donner une réponse, au moment de sa réplique sur l'article 12. Parce que je suis convaincu, M. le Président, puis je serais prêt... on ne peut pas parier vous et moi, hein, on se le ferait reprocher, mais je suis convaincu que le projet de loi qui va être adopté finalement, bien, qu'il y aura des amendements à l'article 12, M. le Président, parce que vous et d'autres de vos collègues auront compris mon message, puis vous serez intervenu dans votre caucus. Puis, quand ce sera dans les journaux puis qu'il y aura des conférences de presse des gens, vous allez réagir.

C'est comme ça que vous bougez, là? Bien, je vous annonce tout de suite qu'il va y avoir des amendements à l'article 12 puis ils vont venir de votre part, parce que vous avez bâclé le travail, vous ne l'avez pas fait correctement. Le caucus n'a pas regardé attentivement ce projet de loi là, puis ils ne connaissent pas les portées de l'article 12. Au travail, les amis! Au travail, mes collègues députés libéraux! Allez voir l'article 12, convainquez la ministre de revenir avec des amendements, M. le Président, nous aurons bien fait notre travail.

Ajournement

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, M. le député. Étant donné l'heure, je vais lever la séance et ajourner nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 59)