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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 22 mai 2002 - Vol. 37 N° 103

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Table des matières

Affaires du jour

Présence du président et du directeur général de la National Conference
of State Legislatures, MM. Stephen M. Saland et William T. Pound

Présence de membres de l'Amicale des anciens parlementaires du Québec

Présence de représentants de la Fondation canado-palestinienne du Québec

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures deux minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Affaires du jour

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée demande
au gouvernement de prendre les mesures
nécessaires pour s'assurer que le recours
à l'octroi de contrats de moins de 25 000 $
ne fasse pas l'objet d'une utilisation abusive

Alors, nous sommes aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, à l'article 65 du feuilleton. En vertu de l'article 97 du règlement, M. le député de Shefford présente la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que le recours à l'octroi de contrats de moins de 25 000 $ ne fasse pas l'objet d'une utilisation abusive.»

Alors, à la suite d'une réunion avec les leaders parlementaires, je vous informe de la répartition du temps de parole que j'ai établie pour le déroulement de ce débat: l'auteur de la motion disposera d'un droit de réplique de 10 minutes, cinq minutes sont allouées aux députés indépendants et 50 % du temps restant est alloué soit au groupe parlementaire formant le gouvernement et l'autre au groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes s'ajoutera à celui de l'autre, tandis que le temps non utilisé par les députés indépendants pourra être redistribué entre les groupes parlementaires. Les interventions ne seront soumises à aucune limite.

Je suis donc maintenant prêt à entendre le premier intervenant. M. le député de Shefford, je vous cède la parole.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. La présente motion fait suite à toutes les révélations qui ont été faites à la suite de l'étude des crédits, et, M. le Président, comme vous l'avez dit, la motion se lit ainsi, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent à la maison:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que le recours à l'octroi de contrats de moins de 25 000 $ ne fasse pas l'objet d'une utilisation abusive.»

Donc, M. le Président, on a vu dans plusieurs ministères à plusieurs reprises que le gouvernement du Québec utilise le processus d'octroi de contrats de moins de 25 000 $ et plus de 24 000 $ souvent dans le but tout simplement de fractionner un contrat qui normalement devrait s'élever à plus de 25 000 $ et qui devrait passer par des appels d'offres. Donc, on l'a vu dans plusieurs ministères, on l'a vu au ministère du Revenu, au ministère des Transports, dans plusieurs autres ministères, et donc, M. le Président, je pense qu'il est de notre devoir de législateur de faire en sorte que le processus soit le plus clair possible.

Mme Vermette: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Vermette: Oui. Vous savez, en vertu de notre règlement, l'article 35 du règlement, on ne peut pas prêter des intentions. Donc, quand il dit «sciemment», je pense qu'il y a matière à un accroc à notre règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...dépasse sûrement l'observation des faits. Alors, vous pouvez constater les faits et indiquer ça, mais, de là à aller au-delà en disant que ça s'est fait sciemment, avec une intention bien précise, ça, ce n'est pas de l'ordre des faits mais des interprétations. Alors, je vous demanderais, s'il vous plaît, d'être prudents sur ce point-là, et l'échange pourrait se faire sur un ton sans prêter d'intentions, si vous voulez, malveillantes à l'adversaire, si vous voulez, ou à l'opposition. Merci.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Sûrement que, si j'ai dit des mots non parlementaires, c'est sûrement inconsciemment. Donc, à la suite de ça, M. le Président, à la suite du dévoilement, du dévoilement de ces contrats-là, on peut se questionner, on peut se questionner sur le processus qu'emploie le gouvernement en ce qui concerne l'octroi de ces contrats-là de moins de 25 000 $. Donc, ce qui arrive dans les faits, lorsqu'on fractionne un contrat, en fin de compte, on fait en sorte de contourner la loi.

On se donne, comme législateur, M. le Président, des règles, des lois, et les lois nous disent, ici, à l'Assemblée nationale, les règlements nous disent que, lorsqu'il y a un contrat qui s'élève à plus de 25 000 $, nous devons passer par un processus transparent d'appel d'offres. À ce moment-là, M. le Président, si ce processus-là serait suivi continuellement, je pense que le public serait en droit de penser que le processus est plus correct. Donc, à ce moment-là, on a vu que, dans plusieurs cas, dans plusieurs cas, l'attribution de contrats échappe à tout contrôle, tout contrôle, et c'est dans cette situation-là que certaines personnes pourraient penser qu'il y a du favoritisme, que certaines personnes pourraient penser qu'on décide d'avance qui aura tel ou tel contrat. On pourra penser, certaines personnes pourraient penser, en fin de compte, que ces contrats-là sont octroyés à des amis. Donc, M. le Président, l'objectif de la motion de ce matin, c'est d'éviter, d'éviter que la population puisse penser des choses semblables et faire en sorte que le gouvernement, que tous les gouvernements prennent conscience qu'il faut absolument respecter l'objectif de la loi, c'est-à-dire un meilleur contrôle sur l'attribution des contrats. Et donc, M. le Président, on l'a vu au ministère du Revenu...

D'ailleurs, la députée de Beauce-Sud a fait l'objet... c'est-à-dire a posé une question ici, à l'Assemblée nationale, qui a fait l'objet d'un article le lendemain et qui disait qu'il y a des contrats qui sont accordés par le ministère du Revenu qui soulèvent le doute. Tous les contrats de moins de 25 000 $ échappent à la procédure d'appel d'offres. Donc, M. le Président, on pourrait penser qu'il y a juste quelques contrats qui échappent aux appels d'offres, mais on s'aperçoit, par exemple, qu'au ministère du Revenu c'est 26 % des contrats, 26 % des contrats. Et, lorsqu'on scrute à la loupe chacun des contrats ? et j'y reviendrai tantôt, M. le Président ? j'ai ici, là, juste pour vous imager, les contrats entre 24 000 $ et 25 000 $ du ministère des Transports. On y reviendra tantôt. C'est 30 % des contrats octroyés par le ministère qui sont entre 24 000 et 25 000, c'est-à-dire à moins de 25 000 $ et à plus de 24 000 $. Donc, il faut absolument, absolument y jeter un coup d'oeil plus particulier.

Mais, on l'a vu, d'ailleurs, la députée de Beauce-Sud, en ce qui concerne le ministère du Revenu, a souligné ici, par exemple, que la même compagnie, même compagnie qui avait obtenu plusieurs contrats, donc cinq contrats pour le même objet, des contrats entre 24 000 et 24 999, dont un à 24 997... Donc, il était évident, M. le Président, que l'octroi de ces contrats-là était tout simplement pour détourner, détourner la loi ou les règlements qui obligent à avoir tout simplement un appel d'offres lorsqu'on a un contrat d'au-delà de 25 000 $.

n(10 h 10)n

Dans d'autres ministères, on l'a vu. On a même vu, M. le Président, au ministère de la Santé... J'ai ici quelques contrats entre 24 000 $ et 25 000 $ du ministère de la Santé et j'en ai même... j'ai quatre contrats qui ont été octroyés sans appel d'offres, d'au-delà de 26 000 $. Donc, on est en droit de se demander si ces contrats-là ont été octroyés de façon légale. Donc, on peut se questionner sur la validité des contrats qui sont octroyés même au ministère de la Santé. Donc, il apparaît, M. le Président, que le processus de vérification n'est pas convenable et que plusieurs de ces contrats-là sont octroyés même contre ce que dit la loi puis ce que disent les règlements.

Donc, M. le Président, on a vu à plusieurs reprises que c'est une façon systématique de faire du gouvernement du Québec, de passer à côté de la loi et de faire en sorte d'octroyer des centaines, des centaines de contrats de plus de 24 000 $ et de moins de 25 000 $. Et, pour vous imager, M. le Président, la façon donc de faire des ministères, le ministère des Transports est un ministère qui accorde beaucoup de contrats, et il semble que la culture qui s'est installée au ministère des Transports particulièrement, c'est de faire en sorte de fractionner les contrats et de faire en sorte qu'on élude les lois, puis qu'on passe à côté de la loi, et qu'on passe à côté des appels d'offres, et, de cette façon-là, qu'on puisse penser qu'il y a des gens, des compagnies qui sont favorisées.

Donc, ici, à l'Assemblée nationale, il y a quelques semaines, M. le Président, je demandais au ministre des Transports de vérifier, de faire enquête sur cette culture-là qui s'était installée dans les ministères et particulièrement au ministère des Transports, et le ministre, d'ailleurs, répondait ici, à l'Assemblée nationale, sur cette question-là... Parce qu'il faut savoir qu'au ministère des Transports, M. le Président, l'année passée, il y a eu environ 1 100 contrats qui ont été donnés, dont 306 contrats entre 24 000 $ et 25 000 $, ce qui représentait 30 % des contrats accordés par le ministère, et le ministre, à la question que je posais ici à la fin d'avril, disait que, lui aussi, il était très inquiet. Donc, l'année dernière, M. le Président, c'est 306 contrats, comme je le disais, qui ont été accordés entre 24 000 $ et 25 000 $.

Il a été démontré ? d'ailleurs, on le reverra ensemble tantôt ? que plusieurs de ces contrats-là, de toute évidence, étaient pour le même objet, pour la même fin, souvent sur la même route, et donc il est de toute évidence que c'est dans le but de contourner les règlements. Donc, le ministre s'est dit préoccupé, préoccupé par cette situation, et qu'il allait en parler sérieusement à ses fonctionnaires. Donc, depuis le temps, M. le Président, on n'en a pas réentendu parler. Mais, pour éclairer le ministre, pour éclairer le gouvernement, j'en ai amené quelques exemples, et vous serez à même de juger quelle est la façon de procéder de ce gouvernement-là. Donc, M. le Président, vous voyez, c'est assez imposant, cette pile de contrats là qui ont été octroyés sans soumission à des gens qui normalement auraient dû passer par appel d'offres mais qui possiblement auraient pu être, en fin de compte, favorisés dans les appels d'offres.

Juste pour vous donner quelques exemples, M. le Président, ici, à la même compagnie, à la même compagnie, 10 contrats, 10 contrats pour les mêmes fins, des contrats à 24 995 $, un hasard incroyable qui, en fin de compte, est pour des opérations d'entretien informatique. Tous pour la même situation, avec tous des contrats qui se suivent. Donc, de toute évidence, M. le Président, des contrats à 24 495... Je ne veux pas nommer la compagnie, sauf que les gens du ministère qui nous écoutent pourront vérifier les contrats 834001QF18 et suivants, et ils verront bien que les contrats se suivent et se ressemblent dans ce cas-là.

Dans d'autres cas, M. le Président, on voit ici des contrats qui ont été donnés la même journée, exactement la même journée, les contrats 833001QF68, aux montants de 24 960 $, 23 515 $, 24 900 $, tous exactement pour les mêmes activités, la même chose. Donc, M. le Président, encore une fois, le ministère des Transports a fait en sorte de favoriser, pour ainsi dire, une compagnie plutôt qu'une autre, comme le fait le ministère du Revenu. Et d'ailleurs, dans plusieurs cas, lorsqu'on fait des croisements d'informations entre le ministère du Revenu et le ministère des Transports, les mêmes compagnies obtiennent des contrats entre 24 000 et 25 000 $.

M. le Président, je peux vous en citer encore plusieurs. D'ailleurs, à l'Assemblée nationale, ici, je posais la question, et ça, c'est vraiment fort. M. le Président, on a des contrats, je crois que c'est sept contrats, ici, les contrats 881001QF16 et suivants, qui ont été accordés à 24 150 $, souvent dans trois compagnies différentes, mais à 24 150 $. Je le disais, ici, c'est un hasard tout à fait extraordinaire, tout à fait extraordinaire que trois compagnies qui font des soumissions... c'est-à-dire sans soumission obtiennent des contrats à peu près pour les mêmes choses à 24 150 $. Donc, nous sommes devant une situation pas banale où les cerveaux étaient communicants, où chacun a obtenu à 24 150 $ ces contrats-là.

Des contrats, M. le Président, on en a ici de nombreux, et je peux vous en lire quelques-uns juste pour vous donner les effets de quelle façon on modifie ou on change l'allure du contrat pour donner deux contrats différents. J'ai ici, M. le Président, deux contrats donnés à la même compagnie, les contrats 833001QF41 et 833001QF40, un contrat de 24 500, le premier, et un contrat de 24 500, le deuxième, accordés la même journée. Et écoutez bien ça, M. le Président. Quelle différence on fait entre les deux contrats? Le premier: assister la DTI dans l'élaboration d'une démarche consultative reliée à la démarche de modernisation DTI au MTQ. Et le deuxième, exactement la même phrase, on change quelques mots: assister la DTI dans l'élaboration de la planification du projet. Exactement le même projet. Et, si on continue plus tard, il y a un autre contrat plus loin qui a été donné également la même journée: accompagner la DTI plutôt que l'assister. Donc, M. le Président, on voit que des contrats, en fin de compte, de toute évidence, sont donnés pour les mêmes fins, les mêmes objets, et que, tout simplement, l'objectif de l'opération est de fractionner le contrat pour passer à côté des appels d'offres.

Donc, M. le Président, si on continue de cette façon-là... Et, de cette façon-là, je dois vous dire qu'au ministère du Revenu c'est 26 % des contrats qui est accordé de cette façon, au ministère des Transports c'est 30 % des contrats qui est accordé de cette façon, et on doit absolument, absolument faire volte-face et changer ce système-là, M. le Président, qui manque de limpidité, qui inévitablement va mener, va mener à des abus et qui va faire en sorte que les choses seront mises à jour, tel qu'on le voit dans ce temps-ci autant au provincial qu'au fédéral, dans des processus qui seront qualifiés d'illégaux ou d'immoraux. Donc, M. le Président, à ce moment-là, je pense qu'il serait tout indiqué pour le gouvernement du Québec de changer ce système-là, puisqu'il a totalement perdu le contrôle d'attribution des contrats au Québec.

Donc, M. le Président, lorsqu'on dit que 30 % des contrats accordés au ministère des Transports ? puis je prends seulement le ministère des Transports ? est accordé de cette façon-là... J'avais ici, je lisais ce matin ? j'espère que c'est drôle ? que la même compagnie, la même compagnie qui a eu des contrats pour réparer des nids-de-poule a eu 10 contrats différents pour réparer des nids-de-poule. Je ne sais pas si on donne des contrats à l'unité de nid-de-poule, mais, M. le Président, de toute évidence, on donne des contrats qui se suivent, la même journée, pour 24 500 $ pour réparer des nids-de-poule sur la même route. Là, je ne sais pas quel système qu'on prend ? j'imagine qu'il y a un compteur de nids-de-poule au ministère des Transports ? mais on distribue ça pour 24 500 $.

Également, M. le Président, lorsqu'on répare... Par exemple, ici j'ai une réparation de l'autoroute 15, boulevard Décarie, exactement au même endroit. J'imagine qu'on divise la route en différents kilomètres. Plusieurs contrats, sept contrats au même endroit, sept contrats au même endroit pour des couches d'usure. Ici, M. le Président, un autre contrat. Je parlais de nids-de-poule tantôt. On ne les répare pas seulement avec de l'asphalte, on les répare aussi en béton. Donc, ici, sur la même route, on a donné huit contrats, huit contrats exactement sur la même route pour des nids-de-poule. Donc, M. le Président, on a une façon d'administrer les contrats au ministère des Transports qui est peu banale, qui est très peu banale.

n(10 h 20)n

Donc, M. le Président, comme le disait la motion que j'ai déposée un peu plus tôt hier, que le gouvernement du Québec se doit absolument, absolument d'intervenir dans l'attribution de ces contrats, en fait, en fait, c'est une question de limpidité, de faire des choses claires afin que la population du Québec puisse avoir confiance au gouvernement du Québec. Et la situation que nous vivons présentement, lorsqu'on sait que, par exemple aux Transports, c'est 30 % des contrats, en fin de compte, qui auraient dû faire l'objet d'appels d'offres qui ne le font pas, puis lorsqu'on voit que, au ministère du Revenu, c'est 26 % des contrats qui sont accordés qui devraient faire l'objet d'appels d'offres, il est évident, M. le Président, que le gouvernement du Québec a perdu le contrôle sur l'attribution des contrats, et, à cet effet-là, M. le Président, comme je le disais tantôt, on a trouvé une façon de contourner la loi. Donc, vous savez que, comme législateurs, c'est notre devoir, premièrement, de voter les lois, mais aussi de voir à l'application complète et intégrale de ces lois-là. Et, lorsqu'on sait que quelqu'un fait en sorte de contourner ces lois-là par l'attribution de contrats à des gens qui normalement auraient dû faire des appels d'offres...

Ça permet, M. le Président, à des compagnies et à des gens qui attribuent ces contrats-là de favoriser, de favoriser un fournisseur ou un autre. Ça fait en sorte qu'il y a un contournement évident, évident du processus primaire et ça permet donc, M. le Président... On pourrait penser que certaines personnes puissent favoriser, favoriser des fournisseurs, comme on l'a vu dans le domaine du transport, des constructeurs de routes, comme on l'a vu aussi dans le transport et au ministère du Revenu, favoriser des compagnies informatiques.

D'ailleurs, M. le Président, je dois vous dire que la plupart, la plupart de ces contrats-là qui sont accordés entre 24 000 $ et 25 000 $ sont accordés à des compagnies informatiques qui ont pris l'habitude de donner des soumissions ou, en fin de compte, d'en venir à une entente avec le gouvernement du Québec à des contrats de 24 150 $, de 24 500, et ça fait en sorte que ça sème un doute incroyable dans l'esprit de l'opposition, dans l'esprit aussi de la population sur le processus d'attribution de ces contrats-là. Et, dans la mouvance, M. le Président, de ce qui peut se passer ? qu'on parle de Groupaction à Ottawa, les journaux sont pleins de cette situation, à la télévision aussi on en entend parler ?bien, M. le Président, ce qui se fait présentement au gouvernement du Québec dans l'attribution de ces contrats-là est tout aussi questionnable, tout aussi questionnable. Et vous voyez la somme, la pile de contrats qui est accordée dans ces conditions-là. Donc, M. le Président, c'est inacceptable, d'autant plus, d'autant plus que le ministre des Transports nous disait qu'il était pour faire enquête. J'aurais souhaité, ce matin... Et j'imagine que le président du Conseil du trésor a sûrement été mis au courant de l'enquête du ministre des Transports. Il a sûrement lui-même vérifié à son propre ministère concernant l'attribution de ces contrats-là. Et j'ai bien hâte, j'ai bien hâte, M. le Président, de voir quelle sera la réponse du gouvernement et quelles seront les solutions qui seront mises sur la table afin d'éviter que le processus légal, le processus voté par l'Assemblée nationale du Québec soit vraiment respecté.

Présentement, M. le Président, je pense qu'il est inconcevable, inconcevable que le gouvernement du Québec conserve ce mode d'attribution là qui est peu limpide, qui favorise ? vous allez dire que c'est un pléonasme ? qui favorise le favoritisme. Et c'est évident que n'importe qui présentement au gouvernement du Québec, par la culture qui y est installée, peut dire à n'importe quel fournisseur: Vous avez un contrat de 50 000 $; écoute bien, là, si tu nous présentes une soumission à 50 000 $, tu vas être obligé d'aller en appels d'offres; c'est peut-être un autre qui va l'avoir, le contrat. Fais-moi donc... On va se faire deux contrats à 24 000 et quelques. Et, à ce moment-là, M. le Président, on fait en sorte d'éluder la loi, de favoriser un fournisseur et faire en sorte qu'on peut attribuer des centaines et des centaines de contrats à des gens qui souvent sont plus proches de l'une ou de l'autre des personnes qui attribuent des contrats et fait en sorte de défavoriser les gens qui ont droit, eux aussi, selon la loi, de faire des appels d'offres.

Donc, M. le Président, le temps qui m'est imparti, si je veux laisser du temps à mon collègue de Marquette et mon collègue de Kamouraska-Témiscouata d'intervenir concernant leurs dossiers respectifs... Bien, M. le Président, je pense qu'il est important, il est important d'avoir une réponse ce matin des porte-parole gouvernementaux sur ce qu'ils entendent faire concernant l'attribution de ces contrats-là. Et surtout, puisque le ministre des Transports a dit déjà il y a trois semaines qu'il était pour faire enquête, nous aimerions entendre ce matin quel est le résultat de cette enquête-là et les mesures que le président du Conseil du trésor entend prendre pour régler le problème et faire en sorte que les citoyens aient confiance au processus d'attribution des contrats dans la fonction publique. Et je dois vous dire, M. le Président, et je le répète, c'est très important: c'est au-delà de 30 % des contrats qui sont accordés de cette façon-là, donc d'une façon qui est questionnable et qui permet à n'importe quelle personne qui est à l'emploi du gouvernement du Québec ou à n'importe qui qui gravite autour de peut-être favoriser un fournisseur plutôt qu'un autre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor. M. le ministre.

M. Joseph Facal

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais d'abord dire à notre collègue le député de Shefford que j'espère lui faire plaisir en lui annonçant que, de ce côté-ci, nous avons l'intention de voter pour cette motion. J'espère que je ne lui gâche pas ses plans en lui annonçant cela. J'espère que le député ne s'imagine pas qu'il allait de quelque façon que ce soit embarrasser le gouvernement avec sa motion, nous allons voter pour cette motion. Nous allons voter pour cette motion parce qu'elle énonce certaines évidences à l'encontre desquelles personne ne peut s'inscrire. Voici une motion qui nous fait nous dire qu'on ne peut pas être contre la vertu. Voici une motion qui n'est pas rédigée dans des termes trop partisans. Voici une motion qui est rédigée, en fait, dans des termes passablement plus nuancés que certains de ceux tenus il y a quelques instants par le député de Shefford.

La motion dit ? et, en effet, il vaut la peine de la relire:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que le recours à l'octroi de contrats de moins de 25 000 $ ne fasse pas l'objet d'une utilisation abusive.»

J'aurai l'occasion, M. le Président, d'expliquer que le gouvernement n'a pas attendu les admonestations de l'opposition pour que la sous-ministre du Conseil du trésor prenne la précaution de rappeler à ses homologues des autres ministères quelles sont exactement les directives qui encadrent l'octroi de contrats pour bien leur faire comprendre qu'ils doivent tout mettre en oeuvre pour s'assurer que personne n'est tenté de faire indirectement ce qu'il ne peut pas faire directement. J'expliquerai aussi dans quelques instants tout ce qui a déjà été fait et les éléments sur lesquels une réflexion a été entreprise, qui pourrait, pourrait nous amener à introduire d'autres modifications afin de rendre encore plus transparent, plus intègre, plus irréprochable un processus qui l'est déjà largement. Il va de soi également qu'il nous fera plaisir de faire circuler à l'intérieur du gouvernement la motion, sitôt qu'elle aura été adoptée, pour bien indiquer à tout le monde à quel point notre Parlement, par la voix de ses élus, traite cette question avec toute l'importance qu'elle mérite.

n(10 h 30)n

Cela étant dit, j'aimerais maintenant, M. le Président, introduire quelques précisions. Depuis quelques semaines, en effet, tantôt sous l'angle des transports, tantôt sous l'angle du revenu, l'opposition essaie de faire planer une sorte de doute sur la manière dont sont attribués les contrats. C'est comme si l'opposition voyait des complots partout. C'est comme si l'opposition n'était pas conduite à penser que s'est érigée une sorte de norme, une sorte de système de contournement, alors que ce n'est pas du tout le cas. Peut-être est-ce que ce réflexe de supposer qu'il existe un pattern est une façon d'évoquer ou de se rappeler ce qui se faisait peut-être jadis, avant, je n'en sais rien, mais je tiens à assurer le député que ce n'est pas le cas en ce moment. En fait, des contrats de moins de 25 000 $, il y en a toujours eu, il y en aura toujours. Et, même du temps du précédent gouvernement, il arrivait aussi qu'il y ait des contrats qui arrivent tout proche du seuil réglementaire au-delà duquel il faut faire un appel d'offres.

Maintenant, d'abord, il faut comprendre pourquoi il existe un seuil. M. le Président, peut-être serez-vous intéressé d'apprendre que le coût moyen pour l'organisation et la tenue d'un appel d'offres, le coût moyen, c'est de 8 500 $. Faire un appel d'offres, ça coûte en moyenne 8 500 $. Donc, quand vous fixez votre seuil réglementaire à 25 000 $, ça veut dire que les frais d'administration pour organiser, tenir l'appel d'offres, s'élèvent à environ 33, 34 % du coût total de ce contrat de, disons, 25 000 $. En d'autres termes, si le seuil était plus bas, s'il était à 20 000, ou à 15 000, ou à 10 000, considérant ce que cela coûte, organiser un appel d'offres, ce serait contre-productif et illogique de faire un appel d'offres. C'est pour cela qu'on a fixé ce seuil à 25 000 $, parce qu'on estime qu'au-delà de 33 % de frais d'administration pour organiser un appel d'offres ça ne vaut pas la peine. En d'autres termes, là où l'opposition voit peut-être des manoeuvres, il n'y a, règle générale, que du gros bon sens.

En fait, plus souvent qu'autrement, si des contrats s'approchent du seuil réglementaire, c'est tout simplement parce que, dans l'immense majorité des cas, on peut prendre pour acquis que c'est ce qu'il en coûte pour faire le travail. Si le seuil était à 10 000 $, il y aurait un certain nombre de contrats entre 9 000 et 10 000 sur lesquels l'opposition nous interrogerait. Si le seuil était à 50 000 $, vous auriez un certain nombre de contrats à 48 000 ou 49 000 et des poussières sur lesquels l'opposition poserait des questions.

Ce qu'il faut également rappeler, M. le Président, c'est que toute, toute, toute la procédure d'octroi de contrat est conduite au niveau administratif. Certes, nous sommes dans un régime parlementaire britannique qui dit qu'en bout de compte le ministre est responsable de ce qui se passe dans son ministère, mais il faut savoir que les appels d'offres sont organisés et les contrats sont octroyés par nos gestionnaires. Et nous avons une fonction publique à propos de laquelle je n'ai aucune espèce de doute ? aucune espèce de doute ? sur son intégrité, sa compétence, sa transparence. Généralement, et on l'a bien vu lorsque le député de Shefford questionnait le ministre des Transports, le premier réflexe du ministre a été de dire: Je ne connais pas personnellement la nature des contrats en cause, permettez-moi d'aller vérifier. Les ministres ne connaissent pas le contenu des contrats. Tout ce processus est fait au niveau administratif.

Je rappelle également qu'en bonne partie grâce au député de Verdun nos sous-ministres sont imputables devant le Parlement et peuvent donc être très fréquemment questionnés, interrogés par les parlementaires sur l'octroi de tel ou tel contrat. Ils le sont au moment de l'étude des crédits des ministères, ils le sont également au moment des engagements financiers. Notre système prévoit toute une série de processus, procédures par lesquels les députés peuvent questionner les sous-ministres sur tel ou tel contrat qui a été octroyé.

Donc, qu'est-ce qu'il y a à cacher? Strictement rien. L'opposition peut demander les contrats, obtient les contrats, les chiffres, interroge à peu près qui elle veut, comme elle veut, quand elle veut. Qu'est-ce qu'il y a à cacher? Strictement rien.

Je rappelle également, M. le Président, que, bon an, mal an, il s'octroie au gouvernement quelque 70 000 contrats de plus de 1 000 $. Vous me permettez évidemment d'arrondir, mais disons que la moyenne des dernières années, c'est qu'il s'octroie au gouvernement quelque 70 000 contrats de plus de 1 000 $. Pensez-vous vraiment, pensez-vous vraiment que les ministres s'occupent de ces choses-là quand on voit la forêt, la masse de contrats de toute nature qui sont octroyés par notre administration publique? Alors, évidemment, qu'il faille prendre cette question au sérieux, qu'il faille s'assurer que tout est fait correctement, qu'il faille périodiquement réexaminer tout cela et, si besoin est, resserrer quelques vis et boulons, soit. Mais qu'il faille faire planer une sorte de doute sur l'existence systématique d'une façon de faire qui serait dévoyée par rapport à l'esprit de notre réglementation, il y a là une ligne que je me refuse évidemment à franchir.

J'entendais tout à l'heure le député de Shefford prononcer un mot qui m'a donné espoir. Il a parlé de Groupaction en disant qu'il trouvait ça parfaitement répréhensible ? il a raison. Là où il m'a évidemment déçu, c'est quand il a fait une sorte de parallèle, quand il a renvoyé dos à dos ces tristes événements avec la façon de faire au gouvernement du Québec, en les qualifiant, l'une et l'autre, de tout aussi répréhensibles. Il y a là une sorte de dyslexie du sens moral du député. S'il pense qu'il y a vraiment là des équivalences, je lui rappelle que, dans le cas de Groupaction, on en est rendu à des enquêtes par la vérificatrice générale. Et j'ai même cru comprendre que la GRC allait faire la lumière sur l'octroi de certains contrats, je crois, pour des commandites au gouvernement fédéral. Alors, j'invite le député à retrouver ses esprits et à être un petit peu plus nuancé quand il distribue les blâmes. Non pas que je prétende que notre gouvernement est exempt de tout blâme, mais, évidemment, nous refusons catégoriquement de faire lit commun avec ce qui est en train d'être dévoilé présentement à Ottawa.

n(10 h 40)n

Pour le reste, j'ai eu l'occasion, il y a quelques instants, de dire que des contrats qui s'approchent du seuil réglementaire, il y en a toujours eu. L'important évidemment, c'est que cela soit justifiable. Pour en avoir le coeur net, j'ai été regarder comment cela se faisait dans les années antérieures. J'ai pris au hasard ? presque ? une année. J'ai regardé, par exemple, dans les crédits 1994-1995, ce qui avait été octroyé comme contrats de moins de 25 000 $ pour la période couvrant le 1er avril 1993 au 31 mars 1994. Je pense que le député n'a pas besoin de dessin pour comprendre quelle est la période que l'on couvre à ce moment-là, du 1er avril 1993 au 31 mars 1994. Et là je commence à regarder et, oups! que vois-je? 24 774,66 $ ? c'est assez proche de 25 000, vous en conviendrez ? pour un contrat donné par le ministère des Affaires internationales, des Communautés culturelles et de l'Immigration, dont le titulaire à l'époque était M. Ciaccia. Sauf que, moi, je ne soupçonne pas qu'il y avait là-dedans quoi que ce soit d'incorrect et je n'ai aucune espèce de doute que, si le contrat était à ce montant-là, c'est parce que c'est ce qu'il en coûtait pour faire la job.

Tiens, j'en vois un autre ici: même ministère, même époque, même titulaire, 24 483,68 $. C'est proche de 25 000. Je ne soupçonne pas qu'il y avait là quoi que ce soit d'incorrect. Je présume que c'était ce qu'il en coûtait pour faire réellement le travail.

Ah! tiens, 24 560 $. Ça, c'est à 400 piastres près du seuil réglementaire. J'imagine que c'était probablement parfaitement justifiable. Je constate, moi, je ne soupçonne pas qui que ce soit de quoi que ce soit.

Tiens, comme c'est intéressant, Culture et Communications, dont la titulaire à l'époque était quelqu'un que nous avons tous beaucoup apprécié et qui est maintenant la nouvelle députée fédérale, Mme Frulla. Tiens, 24 633,87 $, c'est tout près de 25 000. Je n'ai aucun doute qu'elle pourrait nous fournir des explications parfaitement convaincantes et je ne soupçonne personne de quoi que ce soit.

Tiens, tiens, à l'Environnement. Comme c'est intéressant. Il y a eu un remaniement à ce moment-là. Je ne me rappelle plus si c'était à l'époque Mme Bacon ou bien l'actuel leader de l'opposition, mais j'en vois un ici à 23 900 $. C'est près de 25 000, ça. Je n'ai aucun doute qu'on pourrait nous expliquer de quoi il était question.

Tiens, tiens, je pourrais continuer. Aux Finances. Comme c'est intéressant, aux Finances. On se rappellera qu'aux Finances, pendant la dernière année du précédent gouvernement, la charge avait été répartie entre l'actuelle députée de Saint-François et l'actuel député de Laporte. En voici un contrat, 24 465 $. C'est tout près du seuil de 25 000. Dans ce cas-ci, tiens, par curiosité, je me suis fait sortir le contrat. Je voulais voir ce que c'était. Savez-vous c'était quoi, M. le Président? C'était un contrat de traduction à une firme pour faire traduire du français à l'anglais le document intitulé Vivre selon ses moyens; Vivre selon ses moyens, qu'avaient rendu public à l'époque le président du Conseil du trésor, M. Daniel Johnson, et le ministre des Finances du temps, le regretté Gérard D. Levesque. Comme on voit, que ce soit en français comme en anglais comme en chinois, «vivre selon ses moyens» était une notion complètement étrangère à l'ancien gouvernement. Voilà donc au moins un contrat de traduction dont on aurait pu se passer et qui aurait sauvé des fonds publics. Quoi qu'il en soit, continuons. Tiens, tiens, tiens, tiens, tiens! Justice, Justice, 24 759, c'est près de 25 000. J'imagine que vous aviez d'excellentes raisons que je ne mets pas en cause. Ah! 24 927, alors, si je ressors les calculettes d'un de mes collègues, que vous appréciez, ça, c'est à 73 $ du seuil de 25 000. J'imagine que c'est ce que ça devait coûter pour faire la job. Alors, arrêtez de voir des complots partout, là.

Maintenant, j'insiste sur un point important. Les cabinets de ministre, là, ne voient pas les contrats. Toute la procédure est faite au niveau des fonctionnaires. Et cela, l'opposition le sait et, à cela, l'opposition s'est fait donner toutes les explications et à plus d'une reprise. Exemple: lorsque, le 11 avril dernier, j'ai présenté et défendu les crédits du Conseil du trésor en commission parlementaire, l'opposition a soulevé la question des contrats. C'était, je crois, oui, le député de Robert-Baldwin qui avait soulevé la question. Il avait voulu, à l'époque, savoir comment ça se passait. Autrement dit, le député de Robert-Baldwin avait eu la sagesse et la gentilhommerie de questionner pour savoir comment ça se passe avant de nous imputer des motifs.

Permettez-moi simplement, M. le Président, de vous lire un extrait de l'échange en commission parlementaire. Le député de Robert-Baldwin interrogeait un fonctionnaire, M. Jacques Lafrance, qui est le secrétaire associé aux marchés publics au Secrétariat du Conseil du trésor, qui est donc, si vous voulez, le fonctionnaire en charge de veiller au respect de la réglementation relative aux contrats octroyés au gouvernement du Québec. Alors, le député de Robert-Baldwin dit ceci, je cite: «Ma question est davantage à savoir s'il y a des critères pour donner ce genre de contrat là. Sur quoi on va se baser? J'imagine qu'on va sur invitation. Est-ce qu'on invite une seule firme à ce moment-là ou si on peut en inviter plusieurs? Et qui prend la décision de donner le contrat?» C'est la question posée par le député de Robert-Baldwin.

Je vous cite un extrait de la réponse du fonctionnaire, je cite: «Donc, il y a quelqu'un de l'organisation qui choisit le fournisseur, et celui qui est autorisé à signer, c'est celui qui est délégué dans le plan de délégation du ministère par un décret. Chaque ministère ? je continue à citer ? a un décret qui décide ou qui dicte qui peut signer un contrat de tel montant, et, règle générale, celui qui est autorisé à signer le contrat de 23 000 $, c'est le gestionnaire prévu dans le plan de délégation autorisé par décret du gouvernement.» Fin de la citation.

Le député de Robert-Baldwin revient à ce moment-là à la charge et dit: «Oui, moi, je comprends qu'il y a toujours une délégation, puisqu'il y a quelqu'un qui doit signer ces contrats-là, mais comment se fait la prise de décision comme telle et est-ce que le politique peut intervenir dans cette prise de décision là? Je pense aux membres de cabinets, par exemple.» Et voici la réponse du fonctionnaire, que je cite également, j'ouvre les guillemets: «Ce sont des règles générales de gestion et d'administration. Chaque organisation se donne des directives par rapport à ça. Il y a des organisations où le choix se fait par l'organisation, et ça monte au gestionnaire supérieur. Mais ce sont des règles administratives de chaque organisation. Dans le cadre de la modernisation, la responsabilité de décider à qui on donne le contrat, qui donne le contrat, revient à chaque organisation, chaque ministère et organisme du gouvernement.» Fin de la citation.

Et là le député revient à la charge encore une fois et demande, et je cite: «Ça veut dire que le Conseil du trésor, quand il fait affaire, par exemple, au ministère de la Santé, il n'y a pas de règles qui... Vous ne donnez pas de directives qui vont régir le choix des firmes ou différents critères?» Et la réponse: «Pour le choix des contrats inférieurs à 25 000, non. Mais, dès qu'on est supérieur à 25 000, on passe en appel d'offres public.»

n(10 h 50)n

Vous voyez, ces questions-là ont été soulevées à de nombreuses reprises; les réponses ont toujours été claires, franches, et j'ai peine à comprendre l'insistance avec laquelle l'opposition revient là-dessus. Non pas parce que la question n'est pas importante, mais parce que, justement, le gouvernement a déjà beaucoup fait, est en réflexion sur d'autres mesures qu'il pourrait introduire, et il est évidemment tout à fait erroné de soupçonner qu'il existe quoi que ce soit d'incorrect dans la manière dont les choses sont faites. Bref, je ne minimise pas l'importance de la question, mais je vous dis, M. le Président, qu'elle est déjà traitée avec tout le sérieux qu'elle mérite.

La question, évidemment, est d'autant plus importante qu'elle met, je n'en disconviens pas, elle met en cause des valeurs éthiques tout à fait importantes, notamment l'équité, notamment la transparence, et qu'il y a toujours un équilibre délicat ? délicat ? à trouver et à préserver entre équité, transparence et, d'un autre côté, efficacité et résultats. Et le défi est d'autant plus important qu'au cours des dernières années l'administration publique a évolué et va continuer à évoluer vers une gestion axée sur les résultats, sur une plus grande flexibilité. La question est donc de savoir: Comment peut-on passer vers une gestion axée sur les résultats, vers davantage de flexibilité, davantage de souplesse, davantage d'efficacité, tout en gardant les contrôles qui nous assurent que le processus est transparent, rigoureux et irréprochable?

Je ne reviendrai pas, parce que le temps file, sur tout ce qui a été fait au cours des dernières années. Je me contente simplement de rappeler, parce que le député de Shefford aurait pu le souligner mais ne l'a pas fait, que, depuis octobre 2000, depuis octobre 2000, nous avons adopté un nouveau règlement qui est venu largement simplifier toute la question des contrats d'approvisionnement de construction et de services du gouvernement, qui est venu prendre la place des règlements qui avaient été adoptés à l'époque de l'ancien ministère des Approvisionnements et Services et que les années avaient rendu difficiles d'application. Et donc, nous avons déjà, depuis octobre 2000, pris des mesures d'allégement, de simplification, de responsabilisation des ministères et organismes publics.

Le député de Shefford avait terminé son intervention en disant: Je souhaite également savoir où vous en êtes dans vos réflexions, qu'est-ce que vous pourriez faire de plus. Eh bien, il me fait plaisir de dire au député de Shefford que, déjà, nous sommes à travailler à la production de guides sur les saines pratiques de gestion. Nous sommes en train de faire la promotion d'une certaine centralisation de la gestion des contrats à l'intérieur de chaque ministère et organisme. Il nous apparaît qu'il serait tout à fait pertinent qu'à l'intérieur de chaque ministère ou de chaque organisme, il y ait une unité administrative qui centralise l'octroi, la gestion et la supervision des contrats, chose qui devrait être de beaucoup facilitée quand nous introduirons GIRES pour gérer l'ensemble des ressources humaines, budgétaires et financières du gouvernement.

D'autres propositions nous ont été faites qui sont en train de faire l'objet d'une analyse plus approfondie. Par exemple, l'une des hypothèses de travail que nous avons, c'est la possibilité de limiter l'adjudication des contrats de services professionnels de moins de 25 000 $ aux fournisseurs locaux. On regarde ça. Ça favoriserait probablement une plus grande régionalisation des contrats. Ça donnerait peut-être à ce qu'on pourrait appeler «le fournisseur du coin» l'opportunité de donner suite à un besoin local qui aurait été exprimé par un donneur d'ouvrage.

Par exemple, on pourrait également envisager ? c'est une autre hypothèse qui est en examen au gouvernement ? que, pour les appels d'offres en construction, le seuil passe de 25 000 à 10 000, qu'il soit réduit, ce qui augmenterait donc le nombre d'appels d'offres. Et on peut peut-être l'envisager plus facilement dans le secteur construction parce que, dans le secteur construction, le fait de tenir l'appel d'offres est relativement peu onéreux. En moyenne, en construction, aller en appel d'offres coûte au plan administratif à peine 750 $. Donc, dans ces cas-là, on pourrait envisager de réduire le seuil et donc d'augmenter d'autant le nombre de contrats octroyés par le biais d'appels d'offres.

Par exemple, une autre chose que nous pourrions faire et qui, sans aucun doute, faciliterait la tâche des parlementaires, c'est, dans les livres de présentation des crédits et notamment à l'occasion de l'étude des engagements financiers, nous pourrions faire une présentation beaucoup plus claire des contrats qui ont été octroyés par un appel d'offres et des contrats qui ont été octroyés à la suite d'une entente gré à gré. En ce moment ? c'est un classique, en commission parlementaire ? vous avez le titre du contrat, le titre du fournisseur, le montant, la date, mais il n'est pas précisé si ça a été au terme d'un appel d'offres ou de gré à gré. On pourrait introduire cela. Ça sauverait un temps fou en commission parlementaire et ça permettrait aux députés d'avoir un portrait un peu plus juste du processus qui a été suivi.

Bref, vous voyez, M. le Président, nous n'avons pas attendu la motion du député de Shefford pour continuer à approfondir notre réflexion sur un sujet important, sur un sujet qui nous tient à coeur, sur un sujet qui pose la délicate question de l'équilibre entre l'éthique et l'efficacité. Et, pour toutes ces raisons, c'est sans aucune espèce d'état d'âme ou d'arrière-pensée ou de doute que le gouvernement entend souscrire à la motion du député de Shefford et voter également en sa faveur. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marquette. M. le député.

M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais féliciter le ministre pour sa prestation. Non pas pour le fait que le gouvernement va appuyer la motion, mais dans sa belle tentative de tenter d'endormir les gens qui nous écoutent. Il a réussi, il a presque réussi, mais il n'a pas endormi l'opposition, M. le Président. Il n'a pas endormi l'opposition parce que le ministre est tenté de mélanger les propos tenus par mon collègue le député de Shefford et de mélanger d'autres principes d'administration publique. D'ailleurs, lorsqu'il nous a dit: J'ai consulté les livres des crédits des années antérieures qui coïncidaient, par hasard, avec les années où le gouvernement libéral était au pouvoir, il nous a dit: J'ai choisi par hasard telle année, et là je suis tombé sur un certain nombre de contrats. Moi, je m'attendais à ce que le ministre puisse nous sortir un scandale.

Ils ont dû travailler très fort et creuser très profondément pour à peine trouver un ou deux contrats par ministère, alors que ce qui est en cause, ce qui a été soulevé par le député de Shefford n'a rien à voir avec les quelques contrats qu'on peut accorder en bas de 25 000 $. Là où l'opposition libérale a beaucoup de difficultés avec ce que fait le gouvernement du Parti québécois, c'est qu'il semble y avoir un pattern; un pattern, pour reprendre une expression que nous avons vu citer par d'autres intervenants dans d'autres affaires affligeant le gouvernement du Parti québécois.

n(11 heures)n

M. le Président, ce que soulève le député de Shefford, c'est: Là où il y a un problème, c'est lorsque la même entreprise, à l'intérieur de la même année, se voit octroyer 10 contrats successifs pour une valeur de moins de 25 000 $. Je n'ai pas entendu le ministre responsable du Conseil du trésor trouver un seul parallèle avec l'administration libérale des années antérieures, pas un seul. Là où il y a un problème, M. le Président, c'est lorsque, au niveau du ministère du Revenu, 26 % ? ce n'est pas un, ou deux, ou trois contrats ? 26 % de tous les contrats qui ont été octroyés par le ministère étaient des contrats dont la valeur variait entre 24 et 25 000 $, là il y a un problème; c'est lorsqu'au ministère des Transports près de 30 % qui ont été accordés par le ministère sont accordés pour des valeurs qui varient entre 24 et 25 000 $, là il y a un problème; lorsqu'au ministère des Ressources naturelles c'est près de 20 % des contrats qui ont été octroyés qui se situent dans la marge de 24 000 à 25 000 $, là il y a un problème, pas ce que soulevait le président du Conseil du trésor faisant référence à l'administration libérale. Il citait un contrat au niveau des Relations internationales, un contrat au niveau de la Culture, un contrat au niveau du ministère de l'Environnement, un contrat au niveau des Finances, un contrat au niveau du ministère de la Justice. Nous, on dit que, dans certains ministères, c'est 30 % des contrats, c'est 25 % des contrats, c'est 20 % des contrats. Il y a toute une sacrée différence!

Celui-là même qui dit: On n'a pas de problème à appuyer la motion du député de Shefford ? moi, ça m'inquiète, moi, ça m'inquiète, je vais vous dire pourquoi ? c'est le même ministre qui s'était engagé, en cette Chambre, à déclencher une enquête publique s'il y avait des faits nouveaux relativement à toute la question fort embarrassante pour le premier ministre du Québec relativement aux commissions versées aux amis du parti pour obtenir des subventions gouvernementales à même les fonds publics. Depuis qu'il a pris son engagement en Chambre, M. le Président, il a systématiquement refusé de déclencher cette enquête publique malgré les nombreux nouveaux faits qui ont été rapportés.

Parce que des affaires en fin de ce régime péquiste, il y en a: l'affaire Desroches, l'affaire Bréard, l'affaire Vaugeois, plus récemment, ce matin, l'affaire Duhaime où le premier ministre est contredit, à la une du journal La Presse, par rapport à ses déclarations en Chambre hier. Journal La Presse, des témoignages viennent contredire ce que le premier ministre du Québec nous dit en cette Chambre: Moi, je pense qu'il y a matière à aller faire la lumière, à voir ce qui se passe dans ce dossier-là, comme il y avait matière à faire la lumière dans les autres affaires embarrassantes pour le gouvernement. On a obtenu des démissions de ministres, des démissions d'organisateurs politiques du gouvernement du Québec, mais on n'a jamais obtenu une enquête publique pour faire toute la lumière sur le système qui semble être implanté, M. le Président. Pour reprendre les propos qui ont été cités dans le journal La Presse hier, on faisait état d'un pattern. Et ça, c'est grave. Et ça, c'est grave. Dans le journal La Presse du samedi 16 février 2002: La république des copains. Dans le journal Le Devoir, 19 mars 2002, sous la plume de Michel David: Encore les amis. Vendredi 12 avril, dans le journal La Presse: Le débat sur les fusions a généré de petits contrats pour les amis du parti.

C'est là qu'est le problème, M. le Président, et je n'ai pas confiance, moi, je n'ai pas confiance quand le président du Conseil du trésor dit: On va appuyer votre motion. Je ne les sens pas capables, capables de gérer les affaires de l'État. Ils semblent poursuivre, comme gouvernement, d'autres intérêts, le genre d'intérêts qu'un gouvernement poursuit en fin de régime, M. le Président, et c'est de récompenser les petits amis du parti. Et c'est là qu'il y a un énorme problème. Semaine après semaine, mois après mois, on demande des enquêtes publiques, et on fait la sourde oreille du côté gouvernemental.

M. le Président, les systèmes d'appel d'offres ou la procédure d'appel d'offres avait été implantée par le gouvernement libéral des années soixante pour faire contrepoids au régime de Maurice Duplessis, qui, lui, récompensait les amis qui l'avaient aidé à le faire élire et à faire élire son gouvernement, régime que les libéraux de tous les temps ont combattu, parce que notre formation politique, elle est là depuis bon nombre d'années. Ça fait rire le député, M. le Président. Il n'y en a pas un qui se lève en cette Chambre pour dénoncer ce que leur gouvernement est en train de faire. Pourtant, M. le Président, c'étaient les libéraux, dans les années soixante et avant ça, qui avaient combattu et dénoncé les abus de la part du régime de Duplessis. Et, encore aujourd'hui, on se lève aujourd'hui pour dénoncer cette fois-ci les abus du régime Landry.

M. le Président, il y a un énorme problème, et ce n'est pas pour rien qu'on dépose ces motions-là, les motions de blâme à l'endroit du gouvernement par rapport à sa gestion des affaires publiques. On pourrait revenir facilement sur les faits troublants qui ont touché, entre autres, la firme Oxygène 9 et les principaux organisateurs de Parti québécois. Ils tentent d'étouffer l'affaire, l'affaire la plus récente, qualifiée de l'affaire Duhaime.

Mme Vermette: M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe.

Mme Vermette: Question de règlement, s'il vous plaît. Je comprends qu'on peut parler de plein de choses quand on fait une intervention, mais il faudrait avoir de la rigueur intellectuelle et ne pas dire n'importe quoi. Je pense que, effectivement, en ce qui concerne les gens du Parti québécois et d'Oxygène 9, la lumière a été faite là-dessus. Je voudrais bien qu'on s'en tienne aux faits et non pas à l'interprétation de certains faits.

Le Président (M. Brouillet): Madame, il ne faut pas, là... On peut faire l'interprétation de faits sans que, à l'intérieur de l'interprétation des faits... C'est assez difficile, en politique, de parler sans faire l'interprétation de faits, vous admettrez avec moi. Quand l'interprétation impute des intentions malveillantes, ça, c'est très bien, il y a une différence. Alors, ce n'est pas le fait que c'est l'interprétation de faits qui est en cause. Bon, maintenant, alors c'est évident que, à ce moment-là, je ne peux pas non plus empêcher quelqu'un de revenir sur des faits parce qu'une des parties croit que tout a été dit sur ça. Alors, vous comprendrez que je ne peux pas intervenir à ce niveau-là. Maintenant, je vous inviterais, s'il vous plaît, à éviter d'imputer des intentions pour la partie...

Alors, je vous invite, M. le député de Marquette, à poursuivre.

M. Ouimet: Merci, M. le Président, pour vos propos fort éclairants. Mais il y a un fait qui demeure, et la députée de Marie-Victorin peut être en désaccord avec moi, mais il n'y a pas eu d'enquête publique de déclenchée pour faire la lumière. Il n'y en a pas eu, d'enquête publique, ni sur l'affaire Desroches, ni sur l'affaire Bréard, ni même sur la plus récente, l'affaire Duhaime. Il n'y en a pas eu, d'enquête publique. Il n'y en a pas eu non plus sur l'affaire Vaugeois. Et c'est ça qui est problématique.

Pourtant, d'autres premiers ministres issus de votre formation politique, dès le moment où l'intégrité du gouvernement était mise en cause... René Lévesque n'avait pas hésité à déclencher une commission d'enquête, commission d'enquête publique, au niveau du saccage de la Baie James. Il n'a pas hésité un seul instant parce que lui avait compris qu'il était important, pour pouvoir gouverner, que les citoyens maintiennent une confiance dans leur gouvernement. Et, dès le moment où il y a des questions importantes d'intégrité qui sont soulevées, alors là le premier ministre, s'il agit véritablement en chef d'État, se doit de déclencher une enquête publique pour que les faits et la vérité puissent sortir. Mais ce n'est pas le comportement qu'adopte l'actuel premier ministre; il préfère se réfugier en niant certains faits qui sont pourtant dans l'actualité.

Un autre premier ministre, plus récent celui-là, n'avait pas hésité un seul instant à déclencher une enquête publique lorsque l'intégrité de son propre bureau avait été remise en cause. Et je fais référence à l'affaire Moisan et aux fuites de renseignements au cabinet du premier ministre relativement au dossier fiscal d'un député du Bloc québécois. Lucien Bouchard n'avait pas eu peur. Il avait compris qu'il faut absolument maintenir un lien de confiance entre la population et le gouvernement pour que le gouvernement puisse gouverner en toute légitimité. Il l'avait déclenchée, la lumière a été faite, des blâmes sévères ont été adressés, M. le Président, et des gens ont dû démissionner.

n(11 h 10)n

On est devant quatre affaires qui sont encore plus graves parce que, cette fois-ci, elles impliquent des fonds publics, l'utilisation des fonds publics et comment est-ce qu'on verse des commissions à des intermédiaires dont on n'a aucunement besoin et des intermédiaires qui vendent à des organismes leur pouvoir d'influence auprès de ce premier ministre.

M. le Président, c'est là qu'est le problème. Nous sommes face à un premier ministre qui est désigné, qui n'a plus la légitimité de gouverner depuis que son intégrité et celle de son gouvernement ont été remises en question non pas par l'opposition officielle, mais par des journalistes, des journalistes qui ont fouillé, des journalistes qui ont creusé, des journalistes qui déterrent des affaires. Et on n'a peut-être là, M. le Président, que la pointe de l'iceberg. On ne le sait pas. Mais ce qu'on sait, c'est qu'il est important d'avoir une enquête publique sur certaines de ces affaires. Et un gouvernement qui n'est pas capable de se rendre à cette évidence-là est un gouvernement qui n'a plus la légitimité de gouverner.

Et, à cet égard, M. le Président, ce qu'il faudrait, ce que réclame le chef de l'opposition, ce que réclame l'opposition officielle dans ces circonstances, c'est ni plus ni moins des élections générales. Lorsqu'un gouvernement se refuse de faire la lumière sur des affaires qui sont fort embarrassantes, il ne reste plus qu'une solution si on veut vraiment agir comme homme d'État, et c'est de déclencher des élections générales. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux, ainsi qu'à la Jeunesse et à la Prévention, et député de Portneuf. M. le ministre.

M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, merci, M. le Président. Alors, je viens d'entendre le député de Marquette. De mon point de vue, lorsqu'on manque d'arguments, lorsque les seuls arguments sont ceux des faibles, on en vient justement à utiliser des bobards, des manchettes qui peuvent peut-être attirer l'attention, des articles de journaux en les interprétant de toute espèce de façon pour tenter de discréditer ce gouvernement. Et c'est une façon particulièrement habile mais inacceptable dans une société que d'agir ainsi pour masquer justement le bilan absolument phénoménal de ce gouvernement depuis maintenant 1994, bilan phénoménal autant en ce qui regarde les stratégies que nous avons mises en place pour créer la richesse, les décisions courageuses que nous avons dû prendre pour mettre de l'ordre dans la maison notamment des finances publiques et également les initiatives remarquables que nous avons entreprises notamment dans tout le champ social. Alors, pour masquer la performance de ce gouvernement, bien on utilise des manchettes à sensation, on s'inspire de journaux dont les articles m'apparaissent pour le moins faciles de façon à pouvoir détourner l'attention du public sur les véritables accomplissements du gouvernement.

Et j'aimerais, M. le Président, aborder justement cette question des contrats d'approvisionnement, de construction et de services des ministères et organismes publics en référant à cette importante refonte ? ça fait partie également de notre bilan ? réglementaire que nous avons effectuée en octobre 2000, donc un règlement que nous avons fait adopter, permettant de simplifier la réglementation qui existait sur ces contrats jusque-là, de simplifier donc les six règlements qui existaient et qui avaient été adoptés à l'époque de nos prédécesseurs, en 1993. Cette multiplicité de règlements de 1993 occasionnait malheureusement de nombreuses répétitions, rendait difficile leur utilisation, leur application et l'interprétation des règles qu'ils contenaient.

Alors, justement dans un souci de simplification, d'allégement et aussi de responsabilisation des ministères et organismes publics, nous avons introduit un nouveau règlement qui constituait en fait une refonte de toutes ces pièces réglementaires, un nouveau règlement qui apportait des modifications touchant, par exemple, les seuils d'appel d'offres, l'utilisation d'un système électronique d'appel d'offres, le fichier des fournisseurs du gouvernement, le mode de composition des comités de sélection, la procédure d'évaluation des offres de service et les règles relatives aux autorisations. Ces changements visaient notamment à accroître l'accessibilité aux contrats gouvernementaux à des fournisseurs et également de favoriser la transparence du processus contractuel.

Alors, j'aimerais vous décrire, là, peut-être de façon un peu plus détaillée, les principales dispositions qui ont été introduites par ce nouveau règlement. Premièrement, deux séries de modifications. Dans un premier temps, nous avons haussé les seuils à l'intérieur desquels les ministères et organismes sont autorisés à conclure des contrats de gré à gré, c'est-à-dire sans procéder effectivement par des appels d'offres. Et, dans un souci de favoriser la responsabilisation, l'imputabilité des ministères et des organismes publics, les seuils à l'intérieur desquels les ministères et organismes peuvent conclure des contrats de gré à gré ont été haussés de 1 000 $ à 5 000 $ pour les contrats d'approvisionnement, de 5 000 à 10 000 pour les contrats de services auxiliaires, de 5 000 à 25 000 $ pour les contrats de construction et de 10 000 à 25 000 pour les contrats de services professionnels. Et j'insiste sur le fait que les contrats pour lesquels l'appel d'offres ne devenait plus obligatoire sous le seuil de 25 000 $ ne concernaient que les travaux de construction et les services professionnels.

Je pense qu'il faut insister également sur le fait que, tout en haussant les seuils d'appel d'offres, ce nouveau règlement apportait des modifications importantes à cet autre élément que constitue justement le seuil de l'appel d'offres public. Alors, nous avons adopté, par ce règlement, des dispositions permettant d'abaisser à 25 000 $ le seuil au-delà duquel les ministères et organismes doivent recourir à l'appel d'offres public pour la plupart des contrats. Et c'est important de comprendre ça, M. le Président. Je rappelle qu'auparavant ce seuil variait de 25 000 $ à 200 000 $. On l'a tout ramené à 25 000 $, ce qui a un effet bien sûr de transparence dans le processus d'attribution et d'équité également.

Donc, un abaissement du seuil d'appel d'offres qui comporte plusieurs avantages, autant pour les ministères et organismes que pour les fournisseurs. Par exemple, pour les ministères et organismes, ce recours accru à l'appel d'offres public permet de rejoindre la totalité des fournisseurs québécois intéressés à présenter une offre et non pas une sélection limitée et un peu aléatoire de fournisseurs obtenue par l'application des anciennes règles d'appel d'offres sur invitation. Et, pour les fournisseurs maintenant, les avantages se situent, avec ce nouveau règlement, à trois niveaux: une accessibilité accrue aux contrats gouvernementaux, une augmentation de la transparence du processus d'octroi de ces mêmes contrats et également une diminution des cas de traitement défavorable découlant du refus, pour un fournisseur, de présenter une offre lors d'un appel d'offres sur invitation. Alors, j'aimerais insister brièvement sur chacune de ces dispositions.

Premièrement, en ce qui regarde l'accessibilité accrue aux contrats gouvernementaux. L'abaissement, donc, des seuils d'appel d'offres public à 25 000 $ a eu pour effet d'améliorer l'accessibilité des fournisseurs aux contrats gouvernementaux qui font maintenant l'objet d'appel d'offres publié par le système électronique d'appel d'offres. Auparavant, la procédure à suivre pour les contrats de services professionnels, les contrats de services auxiliaires et les contrats de construction d'un montant compris entre 25 000 $ et 100 000 $ avait pour effet de mettre en concurrence un nombre très limité de fournisseurs. Donc, on voit, M. le Président, plus de transparence, meilleure équité également dans le processus d'attribution de ces contrats qui étaient antérieurement de 25 000 à 100 000 $.

Deuxième disposition, deuxième avantage, une augmentation de la transparence du processus d'octroi. Auparavant, lorsqu'une spécialité n'était pas prévue au fichier, la réglementation permettait le recours à un appel d'offres sur invitation restreinte, comme exemple de disposition, et, dans ce cas, un minimum de trois fournisseurs étaient invités à présenter une offre. Toutefois, le choix de ces fournisseurs était tributaire de la seule discrétion des fonctionnaires des ministères et organismes chargés d'octroyer le contrat. L'abaissement du seuil d'appel d'offres public à 25 000 $ a donc réduit ces situations qui permettaient de recourir à l'appel d'offres sur invitation restreinte. Donc, on a élargi encore là la procédure.

n(11 h 20)n

Troisième avantage, diminution des cas de traitement défavorable découlant du refus, pour un fournisseur, de présenter une offre lors d'un appel d'offres sur invitation. Lorsque la spécialité visée par le contrat était prévue au fichier des fournisseurs, le ministère ou l'organisme avait l'obligation de recourir à des fournisseurs inscrits au fichier. Il le faisait par le biais d'un appel d'offres, donc sur invitation. Dans la plupart des cas, il s'agissait d'un appel d'offres sur invitation restreinte. Les ministères et organismes devaient alors inviter uniquement les fournisseurs ayant un établissement dans un territoire donné, dont le nom avait été sélectionné de manière aléatoire à même le fichier. Le nombre de noms transmis variait généralement entre un et 10, grosso modo, selon le niveau monétaire du contrat.

Les fournisseurs invités étaient alors susceptibles d'inclure des entreprises qui ne pouvaient au moment voulu présenter une offre ou qui n'étaient tout simplement pas intéressées à donner suite à l'invitation. En ne présentant pas d'offre, M. le Président, ces fournisseurs étaient pénalisés, puisque leur nom se retrouvait au bas de la liste des fournisseurs inscrits au fichier. Ils ne pouvaient plus ainsi être invités à un appel d'offres ultérieur tant que la liste de ces fournisseurs n'était pas épuisée. Alors, le recours accru à une procédure d'appel d'offres public au lieu de l'appel d'offres sur invitation restreinte a permis justement de réduire ce traitement défavorable et d'accroître l'accessibilité des fournisseurs aux contrats gouvernementaux.

D'autres modifications également que ce règlement refondu a apportées. D'une part, l'utilisation d'un système électronique comme mode de publication des appels d'offres publics. Le nouveau règlement prévoit en effet que la publication des avis d'appel d'offres public doit être effectuée via un système électronique. Ça respecte la volonté du gouvernement de préconiser une utilisation accrue des technologies de l'information dans l'administration publique. Il importe de plus de préciser qu'un ministère ou un organisme peut en plus utiliser d'autres moyens pour rendre l'appel d'offres public, et ce, afin de rejoindre des fournisseurs potentiels dans un domaine où quelques-uns ne disposeraient pas de cette technologie.

Autre avantage, le règlement a introduit des changements au niveau de la composition des comités d'évaluation et de la procédure d'évaluation des offres de service. Relativement à l'évaluation des offres de service, celle-ci est maintenant effectuée par un comité de sélection composé dans tous les cas d'au moins trois membres sans égard au montant du contrat. Auparavant, la composition du comité de sélection variait selon la valeur monétaire du contrat.

Autre avantage, la procédure à suivre lors de l'évaluation des offres de service a été modifiée dans le bon sens. Ainsi, pour ne considérer que les meilleures offres parmi celles acceptables, la note de passage pour le volet qualité a été fixée à 70 points au lieu de 60, comme cela était le cas dans l'ancienne réglementation. Le choix de tous les critères de sélection appartient de plus au ministère ou à l'organisme.

Enfin, la réglementation qui prévalait avant octobre 2000 prévoyait diverses situations basées principalement sur des seuils monétaires où une autorisation soit du gouvernement soit du Conseil du trésor était nécessaire. Le nouveau règlement a modifié cette approche comme suit: autorisation gouvernementale supprimée, implication du Trésor limitée aux situations où une plus-value peut être apportée et octroi aux sous-ministres et aux dirigeants des organismes publics du pouvoir de conclure certains contrats, du pouvoir d'autoriser certains suppléments ainsi que celui de payer les contrats conclus en situation d'urgence. On voit donc une plus grande dévolution de responsabilités, une plus grande imputabilité et, avec les mécanismes de reddition de comptes qui sont maintenant prévus devant cette Assemblée et devant les commissions parlementaires, ça permet non seulement une plus grande dévolution de responsabilités, mais également d'accompagner cette dévolution des contrôles appropriés.

Ce sont là les principaux changements que le nouveau règlement a apportés. Il a été mis en vigueur en même temps que la Loi sur l'administration publique, dans l'optique d'une efficacité accrue et de l'amélioration des services rendus aux citoyens, et ce règlement mettait l'accent sur des règles visant à simplifier, alléger les processus d'octroi de contrats, assurer l'équité, assurer la transparence du processus d'acquisition, augmenter l'accessibilité des contrats gouvernementaux aux fournisseurs, favoriser la conclusion de contrats forfaitaires, accroître la responsabilité et l'imputabilité des ministères et organismes et bien sûr accentuer l'utilisation des nouvelles technologies de l'information pour une plus grande efficacité de la gestion de ces contrats et des organisations.

Nous l'avons vu, la problématique entourant les contrats inférieurs à 25 000 $ touche plus particulièrement les contrats de services professionnels et les contrats de construction. Or, dans ces deux cas, les ministères et organismes peuvent exercer deux options: négocier un contrat de gré à gré avec le fournisseur de leur choix ou faire un appel d'offres sur invitation auprès d'un minimum de deux fournisseurs de leur choix. Il est important de rappeler que l'appel d'offres, bien que non obligatoire en deçà de 25 000 $ pour ce type de contrats, demeure facultatif et constitue souvent une pratique saine des gestions de contrats. Les guides de gestion qui sont émis par le Secrétariat du Conseil du trésor à l'intention des ministères et organismes publics vont d'ailleurs dans ce sens. Certains ministères se sont dotés aussi d'une politique interne obligeant leurs gestionnaires à lancer des appels d'offres à compter d'un seuil de 10 000 $ pour ces types de contrats.

Il nous apparaît, M. le Président, tout à fait raisonnable de croire que dépenser 5 000 $ pour une évaluation qualitative des offres dans un contrat ou dans un mandat inférieur à 25 000 $, ce n'est pas particulièrement opportun et c'est même contraire, à la limite, à une gestion efficiente des deniers publics. Rien ne nous permet de croire par ailleurs que la nouvelle réglementation aurait donné lieu à un recours abusif aux contrats accordés de gré à gré.

Je suis d'avis que la problématique entourant les contrats inférieurs à 25 000 $ doit s'analyser dans le contexte où l'administration gouvernementale évolue d'un système reposant sur la conformité avec des normes et des règles vers un nouvel environnement axé sur les objectifs où les gestionnaires disposent d'une plus grande liberté d'action. De nouveaux défis éthiques s'imposent donc à ce moment-là pour assurer que cette nouvelle approche n'interfère pas sur les valeurs fondamentales d'intégrité, d'impartialité, de respect, de compétence et de neutralité politique qui doivent guider les gestes de l'administrateur public. C'est là que l'efficacité dans la transparence prend tout son sens. Dans cette quête d'équilibre entre ces deux notions, il est important de garder à l'esprit que l'éthique est très importante et que la souplesse dans la gestion doit aussi être recherchée, mais à l'intérieur, bien sûr, de certaines balises.

Dans le contexte de la mise en oeuvre de la modernisation de la gestion publique, diverses actions sont par ailleurs actuellement considérées dont la conception et l'émission de guides de saines pratiques de gestion ? le ministre y faisait référence précédemment ? et la promotion d'une centralisation de la gestion contractuelle au sein des ministères et organismes dans une unité administrative dont le mandat et la préoccupation première seraient d'exercer un suivi sur les processus d'adjudication de contrats. Cette approche devrait d'ailleurs s'inscrire et se concrétiser dans la mise en place d'un système qui requerra une expertise d'appoint et une concentration des effectifs susceptibles de procéder à des appels d'offres en vue de l'adjudication de contrats.

Voilà, M. le Président, tout ceci pour vous dire que, en cette matière, le présent gouvernement a été, comme dans d'autres champs de ses décisions et de ses responsabilités, tout à fait responsable. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre et député de Portneuf. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Kamouraska-Témiscouata pour une... vous avez 15 minutes. Il restera, après, la réplique. Je vous cède la parole.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, c'est avec plaisir que j'interviens ce matin sur la motion de mon collègue de Shefford qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que le recours à l'octroi de contrats de moins de 25 000 $ ne fasse pas l'objet d'une utilisation abusive.»

n(11 h 30)n

De la façon dont est présentée la motion, la motion est présentée... ce n'est pas de dire qu'il ne faut plus qu'il y ait de contrats à moins de 25 000 $, ce n'est pas de dire... Comme le dirait souvent le premier ministre lui-même, il n'y a pas de lois qui ont été violées. Mais c'est la mise en place, on dirait, d'un système organisé. Moi, je regarde au niveau du ministère des Ressources naturelles, c'est près de un contrat sur cinq qui se situe dans la marge stratégique de 24 000 et de 25 000 $, directement entre les deux, et ça, c'est sans compter que, dans d'autres cas, bien, on a des contrats de 24 999 ou 995 $ qui sont donnés, mais on a un autre contrat de 8 000, de 10 000, de 15 000 $ qui est donné, et ça, c'est, comme on l'a mentionné déjà ce matin, pour éviter le recours à des appels d'offres.

On en a déjà parlé en Chambre, j'ai déjà questionné le ministre des Ressources naturelles là-dessus. Il m'avait reproché à l'époque de ne pas avoir posé la question lors de l'étude des crédits. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas si c'est parce que, tout seul, il était plus embêté que lorsqu'il y avait 24, 25, 30 gens de son ministère autour de lui pour l'aider à répondre. Mais ce que je veux redire ce matin, moi, ce qui m'inquiète ? et c'est le sens, je crois, de la motion ? ce n'est pas de dire que demain matin il ne faut plus qu'il y ait de contrats de moins de 25 000 $ et il faut que tout soit en appel d'offres, parce que, là, effectivement, ça peut poser une autre série de problèmes.

Ce qui nous fatigue et ce qui est amené ce matin, c'est que, quand un processus, quand une procédure est utilisée avec discernement, de la bonne façon, sans en abuser, ça peut être justifié, sauf que, quand ça devient, comme on l'a vu au ministère des Transports, au ministère du Revenu, dans une proportion qui est très grande, et dans le cas du ministère des Ressources naturelles, où c'est un contrat sur cinq qui est donné carrément entre 24 000 et 25 000 $ pour éviter d'aller en appel d'offres, bien, ça, dans ces cas-là, on peut dire que ce n'est pas fait et utilisé de façon raisonnable.

Et ça, mes collègues en ont parlé avant, mon collègue de Marquette en a parlé avant, c'est comme dans le cas de tout ce qui est dit sur le lobbying, à un moment donné, il faut faire extrêmement attention aussi pour ne pas beurrer tout le monde. Et la pratique comme telle, comme sur les contrats de 25 000 $, ce n'est pas une pratique qui doit être arrêtée demain matin, mais c'est une pratique qui doit être utilisée avec discernement. Et, quand on entend le premier ministre nous parler que, sur le lobbying, il va mettre une loi en place, et tout ça, puis là on met tout le monde dans le même bateau, le problème, ce n'est pas le lobbying, ce n'est pas le fait qu'il y a des gens qui font de la planification stratégique pour des entreprises, ce n'est pas le fait qu'il y a des gens qui aident des entreprises, des clients à se retrouver dans l'appareil gouvernemental et à faire avancer les dossiers, le problème, c'est quand il y a une apparence de mise en place d'un système organisé.

Et je cherchais tantôt, dans le dictionnaire, la définition du mot «système». C'est un «ensemble coordonné de pratiques tendant à obtenir un résultat ou présentant simplement une certaine unité». Et on parle de «moyen habile», «combinaison», «combine». On dit: «Je connais le système.»«C'est un bon système.»«Le système débrouille.»«Je connais le système.»

Alors, là, c'est un peu ça, la question qu'on soulève ce matin: Est-ce qu'on est en face d'une situation qui est arrivée par hasard ou est-ce qu'on est en face plutôt d'un type de système? Et, je le redis, quand il y a un contrat sur cinq qui est donné au ministère des Ressources naturelles entre 24 000 et 25 000 $ pour éviter qu'on aille en appel d'offres, bien là on peut se poser des questions là-dessus. Puis je vais vous donner des exemples.

Au niveau du ministère des Ressources naturelles, il y a des entreprises qui se sont partagé plus d'une dizaine de contrats, des contrats qui varient entre 24 895 et 24 999 $, dans d'autres cas, des contrats qui varient aussi entre 24 900 et 24 999, et tout ça pour des mandats... Est-ce qu'on peut dire que ce sont vraiment des mandats différents? Et on avait eu une discussion là-dessus avec le ministre des Ressources naturelles ici et entre autres sur, je vous dirais, les exemples qu'on lui a apportés, dont un exemple plus particulier sur, je vous dirais, des choses qui, moi, en tout cas, semblent se ressembler beaucoup.

Quand, par exemple, on donne à une entreprise un contrat qui est le 0109345, et qui est à 24 980 $, et qui parle de «développer les fonctions de raccordement des classes d'objets aux raccords de partition de la Banque de données topographiques du Québec et de rattachement de la toponymie et autres écritures graphiques aux classes d'objets dans l'environnement Géomédia Access», ça, là, c'est assez complexe, ça n'a pas l'air... Ça a l'air assez compliqué.

Tout de suite, le contrat par la suite... Donc, on développe des fonctions de raccordement. Le contrat d'après, c'est: «Développer notamment les fonctions de validation de la conformité de la saisie hiérarchique, de détection, de gestion et de correction des erreurs de saisie des classes d'objets de la Banque de données topographiques du Québec, de validation de la continuité des réseaux hydrographique et routier.»

Moi, ce que j'en comprends, malgré que ça a l'air compliqué comme contrats, c'est deux contrats qui se suivent un en arrière de l'autre, donnés exactement à la même entreprise, tous les deux à 24 980 $. Bien, moi, je me dis, on a développé, un, des fonctions de raccordement et ça aurait pu facilement faire partie du même contrat et d'aller en appel d'offres. On fait le raccordement, par la suite on fait la validation des données, la détection des erreurs. Donc, tout ça aurait pu faire partie du même ensemble. On l'a divisé en deux. Pourquoi on l'a divisé en deux? Est-ce que c'est pour s'assurer que c'est l'entreprise en question qui aurait le contrat? Est-ce que c'est parce qu'on a évité, de cette façon-là, une procédure compliquée puis que d'autres gens fassent des soumissions et entrent là-dedans? C'est le pourquoi on a fait ça de cette façon-là. Le ministre des Ressources naturelles nous disait que, dans bien des cas, ça permet de diminuer les coûts. Mais comment peut-on savoir si ça va diminuer les coûts en le divisant comme ça, au lieu de dire: Bien, c'est un appel d'offres global... Tantôt, je vous parlais de deux entreprises. On aurait pu faire un appel d'offres de 160 000 $ dans les deux cas et dire: Bien, si on le fait à 150 ou à 145, là on sauve dessus. Mais on ne le sait pas, on ne l'a pas vraiment négocié, parce qu'on met le contrat là, on dit: Il va être en bas de 25 000, on n'a pas besoin d'aller en appel d'offres, et voici la façon de le faire.

L'autre élément, moi, que j'ai trouvé absolument particulier, et pour ne pas dire très drôle, c'est le cas d'un ruisseau, le ruisseau Pandora. C'est la réhabilitation d'un ruisseau où il y a eu au-delà de 10 contrats de donnés pour 230 800 $. La majorité de ces contrats-là se situe entre 24 500 et 24 950 $, donc exactement dans la marge de manoeuvre qui est là pour ne pas aller en appel d'offres. Donc, qu'est-ce qu'on a fait avec ce ruisseau-là? Il y a toutes sortes de petits contrats qui ont été donnés: un contrat, par exemple, pour la supervision des travaux pour la restauration; un autre contrat pour des travaux d'arpentage du ruisseau. Il y a eu toutes sortes de points qui ont été faits avec ce ruisseau-là. J'en ai d'autres exemples, là, par exemple: l'élaboration d'un concept de restauration du ruisseau Pandora qui se situe en bas de 25 000 $; l'arpentage, encore une fois, et plans pour la restauration du ruisseau Pandora, à 24 500 $. Donc, tous des contrats qui, pour un élément donné, la restauration d'un ruisseau, plutôt de dire: Bien, on va aller en appel d'offres pour 240 000 $ et on va voir à combien ça va se situer, s'il y a quelqu'un qui est à 220 000, à 210 000 ou plus bas, bien, ça, c'est une chose, mais on ne le fait pas.

Le ministre nous a dit: C'est parce que, de cette façon-là, ça nous permet de sauver des coûts, ça nous permet de diminuer le montant des factures. Sauf que, moi, ce que je dois vous dire... Il a même dit: Afin d'optimiser le budget disponible et de réduire les coûts de travaux de restauration, il avait été décidé par le ministère de faire ce qu'on appelle en régie, et, en le faisant de cette façon dans tous les contrats de 25 000 et moins, on a réussi à sauver passablement de coûts, et j'ai l'explication contrat par contrat, etc. Mais, si on prend cette réponse-là puis on l'applique, ça veut dire que ça ne vaut plus la peine d'aller en appel d'offres nulle part. C'est ça qui devient assez embêtant dans les réponses qui nous ont été fournies par le ministre. Et, quand on voit, plus loin, il dit que, dans le fond, les travaux pour ce ruisseau-là, il y avait 17 opérations distinctes et qu'il y avait plusieurs opérations, et c'est pour ça qu'on est allé toujours en bas de 25 000 $... Est-ce que c'est uniquement le hasard? Est-ce que c'est parce qu'il y avait d'autres raisons de le faire? C'est le genre de choses qu'on ne sait pas.

Et, quand le ministre nous dit: Vous n'avez pas posé ces questions-là en commission parlementaire, vous auriez dû le faire à ce moment-là, bien, écoutez, on posera bien les questions où on veut. Mais ce sont des questions qui, pour les livres de crédits, pour l'ensemble des éléments qu'on a là, font en sorte que les gens, chez eux, qui regardent ça, se disent ? puis ils ont le droit de se poser cette question-là: Est-ce que c'est un hasard ou est-ce que c'est un système? Et ça, quand on regarde que, dans différents ministères, c'est arrivé, on peut se poser la question, surtout, comme je l'ai mentionné dans le cas tantôt de la mise en place de la cueillette de données pour la Banque de données topographiques, bien, écoutez, à un moment donné, c'est des contrats qui, on l'a vu, sont presque clairement divisés pour éviter d'aller en appel d'offres, surtout quand c'est la même entreprise qui l'a et dans des fonctions qui se suivent.

n(11 h 40)n

Alors, je pense que la motion qui est présentée ce matin par mon collègue de Shefford fait en sorte que, des deux côtés de la Chambre... Parce que, il ne faut pas oublier une chose, on doit, des deux côtés de la Chambre, se poser la question, parce que tout le monde, dans le fond, paie pour. Tout ce qui se dit, tout ce qui se passe dans les journaux d'un bord puis de l'autre, les gens ne prennent pas toujours le temps d'identifier c'est lequel, ou lequel, ou lequel des partis qui a fait quoi. C'est l'ensemble de la classe politique qui, dans des choses comme ça, dans des doutes comme ça, mange une claque, c'est tout nous autres, là. Quand on se promène dans la rue, là, les gens, là, ils disent toujours... ils ne disent pas: Les politiciens de l'un sont pires que de l'autre, etc., ils disent: Les politiciens en général. Mais c'est le genre de choses qui font en sorte que, quand ça a l'air d'un système, quand ça a l'air organisé, bien ça fait en sorte que tout le monde paie pour. Et c'est ça qui est dommage.

Et c'est pour ça que la motion de ce matin est présentée, pour justement faire un peu de ménage là-dedans. Et, moi, le libellé qui dit que ça ne fasse pas l'objet d'une utilisation abusive, on ne dit pas qu'il ne faut plus qu'il y en ait, parce qu'il y a des cas où, oui, probablement ça peut être utile, ça peut permettre de sauver des coûts, mais ce qu'on dit, c'est: Est-ce qu'on peut faire tout ce qu'on doit faire, prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que ça ne devienne pas une utilisation abusive et que les gens qui nous écoutent et qui nous regardent se disent: Bien, écoutez, c'est quoi, cette affaire-là? Un contrat sur cinq, tout près d'un contrat sur cinq, au niveau du ministère des Ressources naturelles, est donné entre 24 000 et 25 000 $, sans appel d'offres, pourquoi ça marche comme ça?

Et les réponses ne sont pas toujours claires. Moi, je reviens sur le fameux ruisseau Pandora qu'on retrouve dans le document des crédits du ministère des Ressources naturelles. Peut-être qu'on pourrait nous le prouver que ça a été moins cher, mais on ne peut pas le comparer parce qu'il n'y en a pas eu d'appel d'offres sur l'ensemble du projet global. Le projet global, on nous dit qu'il a coûté tout près de 230 000 $. Est-ce que, si on avait été en appel d'offres sur l'ensemble du projet de restauration de ce ruisseau-là, on aurait pu sauver quelques milliers de dollars? On ne le sait pas, on ne l'a pas fait. On doit se fier sur ce que le ministre nous dit et sur la bonne volonté du ministre de répondre à cette question-là. Donc, moi, je reviens à la charge encore en disant: J'ose espérer que nos collègues d'en face voteront avec nous sur cette motion-là parce que c'est dans le but d'assainir, je dirais, la façon de faire.

Tantôt, j'écoutais le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, le député de Portneuf, nous dire de façon... Il lisait le texte, là, une phrase après l'autre puis comment ça fonctionne, puis comment qu'on fait pour avoir les contrats, puis c'est quoi, les appels d'offres. Nous-mêmes qui sommes ici, quand ces choses-là sont aussi complexes, on a de la misère à s'y retrouver. Alors, imaginez, les gens qui nous écoutent puis qui entendent tout ça, là, puis qui se disent que, dans le fond, pour éviter toutes ces choses-là, c'est pour ça qu'on va dans des contrats qui n'ont pas d'appel d'offres et que c'est là... Imaginez, c'est comme si on disait que c'est tellement compliqué que le gouvernement lui-même essaie de trouver des moyens pour détourner ce qu'il fait parce que c'est trop compliqué.

Alors là tu as deux choix, ou tu rends ça plus simple, tu rends ça plus facile, plus transparent, parce que la transparence est extrêmement importante, ou encore, bien là tu passes par la porte d'à côté, comme on semble vouloir le faire avec les contrats qui sont présentés, qui sont à moins de 25 000 $ et qui font en sorte... Je pense que tous les citoyens qui regardent ça doivent se dire: Bien, voyons donc, était-ce vraiment nécessaire de diviser en deux des contrats de cueillette d'information et de vérification des données? Est-ce que c'était vraiment nécessaire de faire ça? Ou encore: Est-ce qu'on a fait ça uniquement et simplement pour s'assurer que c'est l'entreprise qui est là, que c'est l'entreprise qui est citée qui aura le contrat? Et ça, cette question-là, je pense que les gens ont droit à des réponses là-dessus.

C'est la même chose au niveau des autres ministères. On l'a vu au niveau du ministère du Revenu, on l'a vu au niveau du ministère des Transports. La procédure peut être justifiée ? et je le redis ? dans certains cas, sauf que, quand ça commence à ressembler à un système qu'on a mis en place, quand ça commence à être coordonné, quand ça commence à avoir l'air de: Bien, tu sais, c'est de même que ça marche, bien là on a un problème. Et ce problème-là vient de la perception et de l'idée que les gens se font du gouvernement actuel, qui, dans différents dossiers... Puis mon collègue tantôt l'a mentionné, mon collègue de Marquette, dans différents dossiers, ça a l'air d'une patente qui est un peu organisée. Alors, c'est là-dessus qu'on doit se poser la question.

Et, moi, je le dis aux gens d'en face, dans le fond, ce que fait mon collègue ce matin, de Shefford, c'est presque de leur lancer une bouée pour ne pas que la noyade soit trop rapide ou trop difficile. Il disait: Essayez de vous raccrocher à quelque chose, là. Mon collègue, là, il essaie de vous aider, là, à matin, j'espère qu'au moins vous allez voter pour sa motion. Ce qu'il vous lance, c'est une bouée. Elle peut vous aider à vous en sortir, mais attrapez-la, attrapez-la avant qu'il soit trop tard, parce que, quand vous commencez à manquer de souffle, là, puis, quand vous êtes dans l'eau puis qu'il ne sort plus de ballounes, là, c'est parce que vous n'avez plus d'air. Là, c'est le temps de vous accrocher à quelque chose. C'est ça qu'il vous lance ce matin, mon collègue de Shefford, il vous lance cette petite bouée là pour que vous vous y accrochiez.

Et j'ose espérer que, dans votre vote, cet après-midi, vous y penserez pour faire en sorte au moins que les gens qui nous regardent disent: Bon, le gouvernement en place a fait des erreurs, il continue d'en faire, que ce soit au niveau de la santé, au niveau de l'éducation, mais au moins qu'au niveau d'un système qui peut avoir l'air mis en place, bien, que ça soit évité. Et j'ose espérer que, dans les façons de faire, dans ce qu'on va proposer, j'ose espérer que mes collègues d'en face votent et appuient la motion de mon collègue de Shefford. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford pour sa réplique de 10 minutes.

M. Brodeur: Merci, M. le Président.

Une voix: ...

M. Brodeur: Pardon?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, là, il y aurait au plus deux minutes, le temps de l'indépendant, que j'ai accordé là... Alors, écoutez, c'est à vous à décider, là.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Deux minutes? Bon. Alors, on lui accorde deux minutes puis on revient immédiatement pour la réplique. Très bien.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: M. le Président, j'ai deux minutes et je vais les prendre pour dire à cette Assemblée comment l'opposition fabrique de façon insidieuse un climat qui tente d'accréditer une thèse à l'effet qu'il y a eu de la malversation. L'opposition, s'ils ont des accusations à déposer, qu'ils le fassent selon les procédures connues. Depuis quelques semaines, hein, même quelques mois, on laisse sous-entendre n'importe quoi, qu'il y a des gens qui auraient peut-être fraudé, mais on ne prononce jamais le mot «fraude», qu'il y aurait eu de la corruption, jamais on ne va prononcer le mot «corruption», mais ça laisse apparaître, M. le Président, que peut-être il s'est passé quelque chose. Sous un air angélique, certains députés de l'opposition, le député de Marquette, le député de Shefford, le député de Kamouraska-Témiscouata, nous disent, M. le Président: Oui, on tend des perches au gouvernement.

Quand on nous dit ce qui s'est passé dans les différents dossiers... Le ministre des Ressources naturelles a déposé en Chambre, ici, à cette Assemblée, tous les détails concernant le contrat du ruisseau Pandora, M. le Président. Est-ce à dire que tous les fonctionnaires, tout l'appareil gouvernemental s'est ligué pour faire en sorte qu'on va avantager des entreprises? Lorsqu'ils attaquent un ministre, qu'il dit qu'il a géré... qu'on l'accuse d'avoir mal géré les affaires, c'est tout l'appareil gouvernemental qui est attaqué. Est-ce que les députés de l'opposition vont s'en rendre compte, M. le Président? La crédibilité ne... le manque de crédibilité qu'ils accordent au gouvernement rejaillit négativement sur l'ensemble de l'appareil de la fonction publique, M. le Président. Alors, je vais terminer là-dessus et j'espère avoir l'occasion de me reprendre pour en dire davantage sur les insinuations de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Gaspé. Alors, je cède la parole à M. le député de Shefford pour sa réplique de 10 minutes.

M. Bernard Brodeur (réplique)

M. Brodeur: Oui. Merci, M. le Président. Je pense qu'on aura tout entendu. On vient d'entendre la remarque du député de Gaspé, qui s'inspire également des remarques du président du Conseil du trésor. Donc, je pense que le gouvernement a mal compris ou refuse de comprendre. M. le Président, ce qu'on invoque ici, c'est beaucoup plus grave que tente de le laisser croire le gouvernement.

n(11 h 50)n

Donc, le député de Kamouraska-Témiscouata, il y a quelques instants, parlait de système, il parlait de système. Le député de Marquette parlait de pattern. M. le Président, il faut être bien conscient que ce n'est pas un contrat une fois de temps en temps qui est divisé en deux, en trois, en quatre, en cinq, en 10 pour permettre à une compagnie d'obtenir un contrat sans appel d'offres. M. le Président, si on prend seulement au ministère du Revenu, c'est 26 % des contrats qu'on divise pour peut-être, peut-être favoriser quelqu'un. Au ministère des Transports, c'est 30 % des contrats qui sont entre 24 et 25 000 $ qui sont divisés pour attribuer un contrat à une personne de son choix, à une personne de son choix. Donc, le gouvernement attribue des contrats à des gens de leur choix, avec ce système-là. Aux Ressources naturelles, M. le Président, c'est 20 % des contrats qui sont attribués de cette façon-là. Et le président du Conseil du trésor nous dit pourquoi il fait ça, c'est parce que ça coûte trop cher, passer par appel d'offres. Ça coûte trop cher, passer par appel d'offres.

Donc, M. le Président, on s'aperçoit quel genre de culture administrative habite ce gouvernement-là. C'est un genre de culture administrative: Ce n'est pas grave même s'il y a 30 % des contrats qui sont entre 24 et 25 000 $ qui sont attribués à la personne de son choix. Ce n'est pas grave non plus si... Par exemple, on l'a vu encore aujourd'hui et hier dans l'affaire Duhaime, on l'a vu dans l'affaire Vaugeois, dans l'affaire Bréard, dans l'affaire Desroches. Ce n'est pas grave, M. le Président, c'est pas mal plus efficace.

M. le Président, au moins, au fédéral, il y a une enquête qui est déclenchée. Le président du Conseil du trésor nous disait il n'y a pas si longtemps que ça dans cette Chambre: S'il y a des faits nouveaux, on déclenchera une enquête. On déclenchera une enquête. M. le Président, des faits nouveaux dans le mode d'attribution des contrats puis des relations du gouvernement avec des contractuels, c'est questionnable. Et, à ce moment-là, ce qu'on voit ici aujourd'hui, c'est le gouvernement et les membres de ce gouvernement-là qui se mettent la tête dans le sable puis qui disent: Ah! ce n'est pas grave. Ont-ils quelque chose à cacher? On ne le sait pas, M. le Président. Ils ne veulent pas déclencher une enquête, et, s'ils ne veulent pas déclencher une enquête, c'est parce que, M. le Président, normalement, il y aurait des choses à cacher.

M. le Président, il disait également... On entendait le premier ministre dire que le Parti québécois, le gouvernement du Parti québécois est un gouvernement interventionniste: On va intervenir partout. On peut se poser la question: Pourquoi, aujourd'hui, lorsqu'on leur met à la face que 30 % des contrats, par exemple, au ministère des Transports, sont attribués de façon pour le moins originale, lorsqu'on s'aperçoit que ce principe-là permet de favoriser un fournisseur plutôt qu'un autre, qu'il permettrait aussi également de faire en sorte peut-être de faire mettre de côté un fournisseur ou un contractuel qui serait fort convenable, mais, pour toutes sortes de raisons qu'on peut s'imaginer, on ferait en sorte de mettre à la rue peut-être un fournisseur qui est aussi valable qu'un autre... Donc, M. le Président, pour un gouvernement qui se dit interventionniste, pourquoi, pourquoi n'intervient-il pas dans ce pattern, dans ce système qui est de plus en plus... qui grossit tous les jours?

M. le Président, le président du Conseil du trésor tantôt nous a fait la nomenclature de trois, quatre contrats par-ci, par-là. M. le Président, ce n'est plus rendu trois, quatre contrats par-ci, par-là, en bas de 25 000, là; c'est 30 %, 30 % du système qui est rendu discrétionnaire. Donc, on est rendu, au Parti québécois, au gouvernement du Parti québécois, avec un système d'attribution de contrats discrétionnaire. Puis ça, ce n'est pas pour quelques dollars, là, c'est pour des millions, des dizaines de millions de dollars. J'en ai donné des exemples tantôt, d'entrée de jeu, à 10 heures, de toutes sortes d'exemples. J'en ai six pouces d'épais sur mon bureau. Mais je peux vous en lire juste quelques-uns. M. le Président, juste un autre, un autre, juste pour vous démontrer qu'il y a un système organisé, il y a probablement quelqu'un quelque part qui, en fin de compte, donne un coup de fil à... peut-être à un soumissionnaire ? il n'y a pas de soumissions, donc il n'y a pas d'appel d'offres ? juste pour vous imager quel système s'est implanté, quel pattern s'est implanté auprès du gouvernement.

Je vous lis, M. le Président, deux contrats, deux contrats qui ont été attribués à une compagnie dont je tairai le nom ici, mais le contrat n° 533001GE05, qui dit: Effectuer la préparation des plans et devis définitifs pour la réparation des murs de soutènement de la structure P13247 sur la route 134, boulevard Lafayette, à Longueuil, 24 950 $. Et le contrat suivant, le contrat 06, donné la même journée, probablement à la même heure: Effectuer la révision des plans et devis préliminaires ? l'autre, c'était la préparation; là, c'est la révision ? pour la réparation des murs de soutènement sur la structure P13247 ? donc, la même structure que l'autre ? sur la route 134 ? sur la même route ? boulevard Lafayette, à Longueuil, pour 9 950 $. Donc, M. le Président, de toute évidence... Et puis on en a des pages, des pages, des centaines de contrats pour des millions de dollars, sur lesquels on a ? j'essaie de prendre un mot parlementaire là ? arrangé, on a arrangé deux contrats tout simplement pour contourner des lois, pour contourner des lois. Et donc, M. le Président, c'est devenu un système, un système, sous le gouvernement du Parti québécois, un pattern...

Mme Vermette: ...l'intention qu'il veut démontrer, mais il faudrait qu'il fasse attention aux mots, qu'il choisit au moins ses mots et qu'il ne prenne pas ses rêves pour des réalités. Alors, je demanderais rappel au règlement, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Écoutez, là, malheureusement, il n'y a pas de question de règlement sur ce point-là. Alors, il s'agit de nous montrer, par ailleurs, qu'il n'y a pas de système. Que voulez-vous, ce n'est pas à moi à intervenir pour dire: Tu n'as pas raison sur ce point-là. Vous êtes dans un débat, et chacun intervient pour essayer d'argumenter contre l'autre et démontrer que l'autre a tort à cette question-là. Alors, c'est comme que se fait le débat. Moi, je ne peux pas dire: Vous ne pouvez pas prononcer ça, il n'y a pas de système. Ce n'est pas à moi à décider qu'il n'y a pas de système ou qu'il y en ait un. Alors, je vous inviterais à terminer, s'il vous plaît.

M. Brodeur: D'ailleurs, M. le Président, j'invite la leader adjointe du gouvernement à consulter le président du Conseil du trésor, qui a dit formellement tantôt qu'il était pour voter, que le gouvernement était pour voter en faveur de cette motion. Et, même, il a dit qu'il était pour faire circuler cette motion libérale, de l'opposition, à travers tous les ministères. M. le Président. C'est peut-être pour se donner bonne conscience. Ce qu'il faudrait, M. le Président... Je le disais tantôt, le gouvernement du Parti québécois est un gouvernement interventionniste. Mais peut-être que, là-dedans, ça ne fait pas son affaire d'intervenir, donc c'est l'opposition qui intervient. Donc, je pense que ça prendrait des mesures beaucoup plus musclées pour contrer ce système, ce système qui peut engendrer, je vous le dis, M. le Président, qui peut engendrer du favoritisme et qui fait en sorte que ça discrédite toute la classe politique au Québec.

Donc, M. le Président, on donne la chance au gouvernement. On leur tend la main, on tend souvent la main au gouvernement, M. le Président, pour déclencher une enquête, à tout le moins pour savoir qu'est-ce qui se passe dans ce système-là organisé, dans ce pattern organisé là pour possiblement favoriser des gens qui sont plus près des gens qui accordent ces contrats-là afin que... et puis on évite les appels d'offres. On pourrait en même temps, M. le Président... Puis j'invite le gouvernement à le faire aussi dans l'affaire Duhaime, dans l'affaire Vaugeois, dans l'affaire Desroches, dans l'affaire Bréard. Donc, c'est le temps, M. le Président.

Au fédéral, on a déclenché une enquête. On a déclenché une enquête, on a dit: On va faire la lumière là-dessus. Ici, M. le Président, on dit: Bien, ce n'est pas si grave que ça, ce n'est pas si grave que ça, je pense qu'on ne déclenchera pas d'enquête. Oui, on est un gouvernement interventionniste, mais, là-dedans, non, non, on n'interviendra pas. M. le Président, de toute évidence, ces gens-là ont quelque chose à cacher, s'ils ne veulent pas déclencher d'enquête. M. le Président, j'ai donné de nombreux exemples...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Monsieur, là, vous allez un peu loin, là. J'ai donné toute la latitude possible, là. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à terminer sans décider de proclamer des mauvaises intentions, là, à la fin. Alors, ça, ça dépasse, si vous voulez, la mesure et c'est contre le règlement.

M. Brodeur: Je serai très prudent, M. le Président, à l'avenir. Tout simplement, en terminant, il me reste quelques secondes, juste pour citer la députée de Beauce-Sud. D'ailleurs, ça a été repris dans un article de La Presse du 24 avril. Et la députée de Beauce-Sud disait, s'étant adressée auparavant au ministre du Revenu... et le journaliste disait: «Diane Leblanc lui ayant ensuite demandé en quelque sorte s'il "prenait la peine de téléphoner à ses amis" avant d'accorder un contrat, le ministre Julien s'est offusqué et a refusé de répondre à moins que la députée ne retire cette partie de la phrase. Et n'a plus répondu.» D'ailleurs, on n'a pas demandé à la députée de retirer ses paroles.

M. le Président, ce que je vous dis en terminant, ce que je vous dis en terminant, c'est que ce gouvernement doit faire un examen de conscience, prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ce système, ce pattern, et maintenant en profiter pour déclencher des enquêtes sur tout ce qui se passe présentement au Québec. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Shefford. Ceci met fin au débat. Je vais maintenant mettre aux voix la motion du député de Shefford, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que le recours à l'octroi de contrats de moins de 25 000 $ ne fasse pas l'objet d'une utilisation abusive.»

Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote par appel nominal, très bien. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Vermette: En vertu de notre règlement, l'article 223, je vous demanderais de reporter le vote après les affaires courantes, s'il vous plaît.

Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote sera donc reporté après les affaires courantes. Et je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 heures)

 

(Reprise à 14 h 8)

La Présidente: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Merci. Vous pouvez vous asseoir.

Présence du président et du directeur général
de la National Conference of State Legislatures,
MM. Stephen M. Saland et William T. Pound

Alors, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes du sénateur Stephen Saland, président de la National Conference of State Legislatures, qui est accompagné de M. William T. Pound, directeur général.

Présence de membres de l'Amicale
des anciens parlementaires du Québec

Et j'ai également le plaisir de souligner la présence nombreuse de membres de l'Amicale des anciens parlementaires du Québec.

Présence de représentants de la Fondation
canado-palestinienne du Québec

Et j'ai également le plaisir de souligner aujourd'hui la présence de représentants de la Fondation canado-palestinienne du Québec.

Affaires courantes

Alors, aux affaires courantes aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi

À la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

n(14 h 10)n

M. Boisclair: Oui. Mme la Présidente, article c du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 218

La Présidente: Alors, à l'article c du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 218, Loi concernant la Ville de Chandler. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport. En conséquence, M. le député de Gaspé présente le projet de loi d'intérêt privé n° 218, Loi concernant la Ville de Chandler.

Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté? Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission
de l'aménagement du territoire

M. Boisclair: Oui. Mme la Présidente, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que le ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole en soit membre.

Mise aux voix

La Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.

Rapport annuel de la Société
générale de financement

M. Boisclair: Oui. Mme la Présidente, au nom du premier ministre, je dépose le rapport annuel 2001 de la Société générale de financement.

La Présidente: Alors, ces documents sont déposés. M. le leader du gouvernement.

Réponse à une pétition

M. Boisclair: Oui. Je dépose aussi, Mme la Présidente, la réponse à la pétition du 10 avril dernier présentée par le député de Duplessis.

Dépôt de rapports de commissions

La Présidente: Ces documents sont déposés. Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Bellechasse. Alors...

Étude détaillée du projet de loi n° 54

M. Pinard: Mme la Présidente, pour mon confrère et collègue, je dépose le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 1er, 2, 7, 9, 14 et 15 mai 2002 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 54, Loi portant réforme du Code de procédure civile. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.

La Présidente: Alors, ce rapport est déposé. M. le président de la commission des finances publiques et député de Lotbinière.

Étude détaillée du projet de loi n° 65

M. Paré: Mme la Présidente, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé le 28... 9, 14, et 16, et 21 mai 2002 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 65, Loi budgétaire n° 1 donnant suite au discours sur le budget du 29 mars 2001 et à certains énoncés budgétaires. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements. Merci.

La Présidente: Ce rapport est déposé. Il n'y a pas de dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période de questions et de réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le député de Shefford débattue aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.

Questions et réponses orales

Nous abordons maintenant la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole au député de Chomedey en question principale.

Nature de certaines activités
de représentation
de M. Yves Duhaime auprès
du gouvernement

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, Mme la Présidente. Hier, lorsque La Presse a révélé que l'actuel premier ministre avait aidé son ami intime, M. Yves Duhaime, à agir comme lobbyiste dans le dossier Métro-Richelieu, la défense du premier ministre reposait entièrement sur la prétention que M. Duhaime avait agi comme avocat et non pas comme lobbyiste. Or, La Presse nous apprend ce matin, en citant Me Patrice Vachon, du cabinet Heenan, Blaikie, que la défense du premier ministre n'était pas conforme à la réalité. Me Patrice Vachon s'exprime comme suit: «Yves Duhaime ne faisait aucun travail juridique là-dedans, c'est Heenan, Blaikie qui était avocat du Regroupement.» De plus, Me Yves Duhaime lui-même a admis hier soir sur les ondes de TQS, à l'émission de Jean Lapierre, qu'il avait bel et bien agi comme lobbyiste et n'a jamais mentionné un quelconque travail d'avocat dans ce dossier.

Face à ces contradictions flagrantes et des conséquences qui peuvent s'ensuivre, et en l'absence non annoncée du Procureur général, et en l'absence du ministre de la Sécurité publique, qui sont pourtant responsables de l'application des lois, est-ce que la vice-première ministre peut nous dire si son gouvernement entend agir pour faire toute la lumière dans cette affaire?

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Mme la Présidente, je voudrais prendre à témoin tous les anciens parlementaires qui sont ici, dans cette Assemblée réunis, pour dénoncer l'attitude du député qui tente par toutes sortes d'insinuations de discréditer, de discréditer le comportement honorable de tous les membres de cette Assemblée.

Des voix: Bravo!

M. Boisclair: Mme la Présidente, quoi reprocher au gouvernement alors que M. Duhaime a été engagé par une entreprise privée confrontée à des choix stratégiques difficiles, une entreprise qui a fait le choix de réunir des grands experts, des gens compétents, dont M. Duhaime? C'est une transaction d'ordre privé qui s'est faite entre des parties privées, et ces gens ont décidé, ont fait le choix d'aller chercher, de recueillir l'expertise de M. Duhaime. Et les insinuations que tente d'apporter le député de Chomedey devant vous, Mme la Présidente, et devant les membres de cette Assemblée sont aussi insignifiantes que celles que je pourrais faire en tentant de faire des associations entre certains députés libéraux et certains de leurs amis qui récemment se sont retrouvés mêlés dans des affaires à Montréal. Un peu de décence, s'il vous plaît, dans cette Assemblée!

Des voix: Bravo!

La Présidente: Alors, M. le leader du gouvernement, je vais vous demander de retirer le mot «insignifiant». Cela n'est pas conforme, cela n'est pas conforme au langage parlementaire, alors je vous demande de retirer le mot «insignifiant» immédiatement.

M. Boisclair: J'ai dit que c'étaient les accusations qui étaient insignifiantes. Si ça les blesse, je les retire, Mme la Présidente.

La Présidente: Bon. Vous les retirez tout court. Je vous rappelle aussi, je vous rappelle aussi qu'il n'y a ici ni défense, ni poursuite, ni procureur, ni tribunal. Nous sommes à l'Assemblée nationale. Et je vous rappelle qu'à l'Assemblée nationale il y a une présomption, une présomption que dans d'autres milieux juridiques on appellerait irréfragable, une présomption de ne pas mettre en cause la parole d'un député. Il y a dans notre règlement des procédures pour le faire, et on ne peut pas... Et je le rappelle, puisqu'il y a eu plusieurs décisions prises par mes successeurs au même effet, soit une présomption selon laquelle la parole d'un député doit toujours être acceptée, et c'est un principe qui a été reconnu à maintes reprises par tous mes prédécesseurs. C'est d'ailleurs un des principes fondamentaux de notre règlement. Alors, les choses étant dites, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. Mme la Présidente, c'est justement parce que l'on doit prendre la parole du premier ministre, comme vous venez de l'indiquer, bien que cette parole ait été contredite par trois sources externes, que nous tentons de poser des questions.

Ma question additionnelle est la suivante: Est-ce que le ministre de la Justice et Procureur général du Québec, qui est censé connaître les dispositions de l'article 121 du Code criminel qui traite du trafic d'influence, a pris connaissance de la déclaration de Me Patrice Vachon, du cabinet Heenan, Blaikie, qui dit, et je le cite, dans La Presse de ce matin ? ouvrez les guillemets: «Il n'y avait pas de question juridique là-dedans», et que «son rôle ? à Yves Duhaime ? était de faire des approches, du lobbying auprès du gouvernement; il nous disait qu'il avait ses entrées ? fermez les guillemets»? Compte tenu de cette déclaration et du texte clair de l'article 121 sur le trafic d'influence, article qui traite justement des personnes qui vendent leur influence et leurs entrées au gouvernement... peut nous dire comment le public peut croire que la loi s'applique également à tout le monde?

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui. Mme la Présidente, il m'importe à ce moment-ci de lire un communiqué de presse qui a été émis il y a quelques instants par Me Patrice Vachon, et je le lis. Je cite: «Me Patrice Vachon, du bureau d'avocats Heenan, Blaikie, a diffusé aujourd'hui la précision suivante concernant une déclaration qui lui aurait été attribuée dans le quotidien La Presse.» Et je le cite: «Lorsque j'ai été interviewé hier par La Presse, j'ignorais le contexte des questions qui m'étaient posées. J'aimerais apporter les précisions suivantes.

n(14 h 20)n

«J'ai tout d'abord précisé au journaliste, M. Denis Lessard, que je n'avais pas connaissance de la nature exacte du mandat qui avait été confié à M. Yves Duhaime par le Regroupement des marchands Métro. Mes propos étaient donc fondés sur la connaissance que j'avais du rôle de M. Duhaime dans ce dossier.

«À ma connaissance, le mandat confié à M. Duhaime par le Regroupement comprenait les volets suivants: collaborer à la préparation des interventions du Regroupement à l'assemblée générale annuelle des actionnaires de Métro; offrir des conseils stratégiques au Regroupement dans le conflit qui l'opposait à la direction de l'entreprise; collaborer à la recherche de partenaires financiers. Je ne savais pas qu'en plus d'agir comme conseiller pour ces fins M. Duhaime est également avocat.

«Finalement, après vérification...

Des voix: ...

M. Boisclair: ...finalement, après vérification auprès de l'un de mes associés, j'ai appris que M. Duhaime a participé à un certain nombre de rencontres avec son collègue, M. Pierre Ypperciel, où mon associé était présent en compagnie de nos clients. Par conséquent, je tiens à m'excuser auprès de M. Duhaime pour la confusion.»

Et je voudrais déposer ce document, Mme la Présidente.

Des voix: ...

Des voix: Bravo!

Document déposé

La Présidente: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt? Il y a consentement. Alors, M. le leader du gouvernement, en conclusion.

M. Boisclair: Oui. En conclusion, Mme la Présidente, tout le monde aura bien compris qu'on essaie de monter une balloune, de l'autre côté, et ce serait aussi insignifiant de poursuivre ? j'ai dit «ce serait aussi insignifiant de poursuivre» ? dans cette voie que ce le serait si, moi, j'accusais le député de Saint-Laurent d'être ami avec M. Grundman, qui a les problèmes qu'on sait.

Des voix: Ah, ah!

Des voix: Bravo!

La Présidente: Alors, je rappelle à la fois au leader du gouvernement mais également aux intervenants dans ce débat, je rappelle les termes de l'article 35 qui prévoient qu'il ne peut y avoir de propos qui insinuent, en fait, des choses dans cette Assemblée. Et je rappelle à nouveau, je pense qu'il est utile, particulièrement aujourd'hui, de se rappeler que c'est une présomption. La présomption de notre règlement est à l'effet que la parole d'un député doit toujours être acceptée. M. le député de Chomedey.

Mesures envisagées concernant
des allégations de trafic d'influence
exercé par M. Yves Duhaime

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, Mme la Présidente. En principale. J'invite le leader du gouvernement à prendre connaissance de la transcription de l'interview que M. Yves Duhaime, avocat, membre du Barreau, a donnée à Jean Lapierre, de TQS, hier soir. Aucune mention d'un travail d'avocat. Ce que la lettre qu'il vient de lire nous dit, c'est qu'effectivement ? c'est un fait connu ? Me Duhaime est avocat. Ce n'est pas ça, la question. La question est de savoir: Quel travail a-t-il fait dans le dossier Métro-Richelieu pour mettre 180 000 $ dans ses poches?

Alors, je me permets, Mme la Présidente, de lire deux citations, une citation directe de M. Yves Duhaime: «Je suis un ami intime du premier ministre du Québec, tout le monde sait cela. C'est pour cela d'ailleurs qu'il y a des gens qui viennent me voir.» La deuxième citation, c'est l'article 121 du Code criminel qu'il lit, inter alia, comme suit: «Commet une infraction quiconque, ayant ou prétendant avoir de l'influence auprès du gouvernement ou d'un ministre du gouvernement, fait notamment la conclusion d'affaires avec le gouvernement ou un sujet d'affaires ayant trait au gouvernement.»

Dans la même interview que j'ai invité le leader du gouvernement à lire, il va découvrir que M. Duhaime explique que son travail consistait à utiliser son amitié, ses contacts et ses entrées notamment auprès de la SGF et de la SOQUIA, deux agences du gouvernement.

Alors, notre question demeure pour le Procureur général: Qu'est-ce qu'il entend faire? C'est lui qui est arrivé maintenant en cette Chambre, c'est lui qui est responsable de l'application des lois. Qu'est-ce que notre Procureur général va faire pour que la population puisse voir que les lois s'appliquent également à tous les citoyens du Québec?

La Présidente: M. le ministre.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Mme la Présidente, le Procureur général est saisi de dossiers et de poursuites à prendre lorsque quelqu'un qui a des motifs de croire qu'il y aurait lieu de porter une plainte porte effectivement plainte auprès d'un procureur de la couronne, qui écoute ce qu'on a à lui dire, qui demande des compléments d'enquête et qui, s'il l'estime juste et approprié et qu'il a la conviction qu'il est en mesure d'obtenir une condamnation, porte une accusation. C'est de cette manière que le Procureur général est saisi d'une plainte que quelqu'un pourrait vouloir faire. Alors, si des gens pensent qu'ils ont des accusations à faire, qu'ils aillent voir le procureur de la couronne, qu'ils allèguent les faits qu'ils ont en leur possession et que, à ce moment-là, ils convainquent un procureur de la couronne d'agir. Et, s'il y a lieu d'agir, le procureur de la couronne portera plainte. Et c'est la seule façon d'agir, Mme la Présidente.

Je dis simplement que le communiqué de presse qui vient d'être émis est peut-être une indication d'être extrêmement prudent avant de porter des accusations.

La Présidente: En complémentaire.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: Celui qui est le procureur en chef des procureurs de la couronne, Mme la Présidente, est le Procureur général du Québec qui est assis à l'Assemblée nationale. On peut prendre pour acquis que le Procureur général a lu les articles d'intérêt public qui ont été publiés à la une de La Presse, on peut prendre pour acquis que son bureau a communiqué des extraits de l'entrevue donnée par l'ami du premier ministre, Yves Duhaime, à Jean Lapierre à TQS, on peut prendre pour acquis qu'il a entendu le témoignage d'un avocat de chez Heenan, Blaikie qui a été donné spontanément et qui aujourd'hui a ajouté qu'il ignorait qu'Yves Duhaime était un membre du Barreau.

Face à ces allégations, est-ce que le Procureur général du Québec a l'intention de demeurer assis et de démontrer à la population du Québec qu'il y a deux justices au Québec, une pour le peuple et l'autre pour le premier ministre?

Des voix: Bravo!

La Présidente: M. le ministre de la Justice.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Mme la Présidente, je croyais, en parlant au leader de l'opposition, qui est avocat, qu'il comprendrait que le Procureur général est saisi des dossiers de la manière que je viens de l'indiquer: c'est par le biais de ses substituts qui sont sur le territoire partout au Québec. Il y en a partout. Ils sont extrêmement compétents. Ils sont en mesure d'évaluer les plaintes que les gens portent et, s'il y a lieu, d'aller devant le tribunal. Et c'est de cette manière-là que je peux être saisi, et non pas de la manière qu'il suggère, et je vais donc m'astreindre à suivre la procédure qui a été suivie depuis toujours dans ces matières, Mme la Présidente.

La Présidente: En principale, M. le député de Chomedey.

Comportement du premier ministre
à l'égard de certaines activités
de lobbying

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui. Mme la Présidente, est-ce que la vice-première ministre réalise que son premier ministre a défendu et banalisé les activités d'André Desroches, a défendu et banalisé les activités de Raymond Bréard, a défendu et banalisé les activités de Sylvain Vaugeois et que maintenant il défend son ami intime, Yves Duhaime? Est-ce que la vice-première ministre se rend compte que son premier ministre est en train de défendre et de banaliser le système qu'il a mis en place pour enrichir ses amis?

Des voix: Oh!

La Présidente: Alors, je vais demander au député de Chomedey de retirer les dernières paroles qu'il a prononcées. Je lui rappelle à nouveau, comme à tous les membres de cette Assemblée, que notre règlement est très clair à l'article 35, paragraphe 5°, «Paroles interdites et propos non parlementaires», et qu'il se lit comme suit: «Le député qui a la parole ne peut attaquer la conduite d'un député, si ce n'est par une motion mettant sa conduite en question.»

Je comprends que, tel que formulé, «mettre un système en place pour ses amis» est à l'évidence même contraire à ce que prescrit notre règlement, et je lui demande de retirer ces dernières paroles. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Mme la Présidente, vous étiez ici présente, vous avez présidé nos travaux hier quand le premier ministre a admis que M. Duhaime était un de ses amis intimes. Je m'excuse, là, vous avez également eu connaissance d'un transcript d'une émission où M. Duhaime dit qu'il est un ami du premier ministre. Vous avez également connaissance du fait qu'il a reçu 180 000 $. Ce n'est certainement pas...

La Présidente: Alors, M. le député de Chomedey, les propos que vous avez prononcés sont contraires à notre règlement. En conséquence, je vous demande de retirer les paroles que vous avez dites, qui sont les suivantes: «mettre un système en place pour ses amis». Je vous demande de les retirer et je pense pouvoir obtenir votre collaboration. Alors, je vous invite à retirer ces propos et à conclure votre question.

M. Paradis: Mme la Présidente, il n'y a aucun terme antiparlementaire qui a été prononcé...

Des voix: Ah!

n(14 h 30)n

La Présidente: Alors, M. le député de Chomedey, je m'adresse à vous à nouveau. Je vous rappelle à l'ordre une première fois et je vous demande de retirer ces paroles que j'ai mentionnées tantôt. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Est-ce que la vice-première ministre réalise... Oui, oui, je...

La Présidente: Alors, je m'attends, M. le député de Chomedey, à ce que vous les retiriez et je vous cède la parole tout de suite après. Alors, vous les retirez.

Une voix: ...

La Présidente: Pardon?

M. Mulcair: Je dis que je les retire. Qu'est-ce qui ne va plus, là?

La Présidente: Pardon. Je l'entends pour la première fois. Je regrette, là, vous les avez peut-être prononcées, je ne les ai pas entendues. Ce qui compte dans cette Assemblée, c'est que la présidente les entende. Alors, vous me dites que vous retirez vos paroles. C'est bien ce que je dois entendre, M. le député de Chomedey?

Une voix: ...

M. Mulcair: Est-ce que la vice-première ministre réalise que ce que nous avons, en fait, devant nous, c'est un premier ministre qui est en train de défendre et de banaliser son système et son pattern qu'il a mis en place?

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Mme la Présidente, vous comprenez bien les insinuations qui sont faites. Qu'on utilise le mot «système», qu'on utilise le mot «pattern», on essaie de façon indirecte d'attaquer la crédibilité de gens qui sont dans cette Assemblée et qui font un travail honorable pour le Québec.

Des voix: Bravo!

M. Boisclair: Je veux aussi, Mme la Présidente, plaider devant tous les Québécois et poser la question suivante: Est-ce qu'une infraction à une loi quelconque a été notée? Est-ce qu'une plainte a été déposée devant les représentants du Procureur général? Est-ce qu'un dossier a été soumis à la Sûreté du Québec? Mme la Présidente, l'opposition tourne en rond. Si elle a des faits, si elle est informée de gestes illégaux qui auraient été commis, qu'ils utilisent les canaux qui sont appropriés, mais, en attendant, Mme la Présidente, on pourrait au moins avoir la décence, pour les membres de cette Assemblée, pour la crédibilité de tous les députés de cette Assemblée, de faire en sorte que nous ne nous transformions dans un tribunal populaire.

La Présidente: En principale, quatrième principale, M. le leader de l'opposition officielle.

Demande d'enquête sur un mandat
de représentation de M. Yves Duhaime
auprès du gouvernement

M. Pierre Paradis

M. Paradis: Suite aux propos du leader du gouvernement, Mme la Présidente, vous êtes témoin comme nous que nous sommes face à des déclarations qui sont contradictoires. D'un côté, nous avons eu le premier ministre ? et le règlement, comme vous l'avez indiqué au tout début, nous oblige de prendre sa parole ? qui nous dit qu'il n'y a rien eu d'irrégulier dans l'affaire Duhaime, qui a cependant confessé que c'était son ami qui avait été engagé par...

Des voix: ...

M. Paradis: Je m'excuse, là, lisez les transcripts. Mme la Présidente, Mme la Présidente, je le lis aux transcripts. Je cite le premier ministre du Québec: «Yves Duhaime est un ami intime.» C'est le premier ministre qui le dit. M. Duhaime, hier soir, a admis être un ami de M. Landry. Vous avez des allégations sérieuses qui ont été publiées dans le journal La Presse, des allégations à l'effet qu'il y aurait eu du trafic d'influence. Il y a eu des propos du premier ministre qui ont contredit cet article de La Presse. Vous avez un avocat réputé de Heenan, Blaikie qui a dit que jamais M. Duhaime n'avait fait de travail juridique dans le dossier.

Face à ces faits, face à ces contradictions et parce que nous n'avons pas le droit, en vertu de notre règlement, de mettre en doute la parole du premier ministre, est-ce que le leader du gouvernement va demander au ministre responsable de la Sécurité publique ou au ministre responsable de la Justice de faire enquête? Et, s'il n'est pas capable de leur demander, est-ce qu'il va demander à la commission de l'Assemblée nationale? Mais, qu'il choisisse son tribunal, qu'il choisisse son enquête, l'important, c'est qu'elle soit publique et que la population ait la vérité.

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Mme la Présidente, on essaie de souffler dans la balloune puis de faire en sorte que ça prenne des proportions qui n'ont rien à voir avec la réalité. Et je m'étonne, Mme la Présidente, de voir nos amis de l'opposition se draper dans cette virginité. Vous vous souvenez, Mme la Présidente, à une autre époque, des dossiers dont on a débattu ici, dans cette Assemblée nationale, de l'affaire D'Errico, du dézonage et des terrains à Laval, et des...

Des voix: ...

La Présidente: Bon. Alors, évidemment, là, je rappelle à tous combien, dans les circonstances, il ne faut pas susciter un débat, n'est-ce pas, qui ne soit pas, comment dirais-je... Enfin, je vous laisse, à chacun, le soin de trouver le qualificatif. Mais, M. le leader du gouvernement, je souhaiterais que vous vous en teniez au sujet qui est devant nous présentement.

M. Boisclair: Mais j'ai oublié une liste... un élément dans mon énumération. Vous vous souvenez de l'Association des constructeurs qui a invité le chef de l'opposition en vacances? C'est la personne...

La Présidente: Bon. Bon. Écoutez. Écoutez. Je rappelle qu'on ne peut pas imputer des motifs indignes ni au gouvernement ni à l'opposition, et qu'à ce titre-là l'Assemblée nationale n'est pas un tribunal. La période de questions n'est pas une période d'inquisition, et il n'y a pas de procureurs dans cette Assemblée mais des députés. Alors, là-dessus, je vous demanderais de conclure.

M. Boisclair: Je conclus, Mme la Présidente. La stratégie des libéraux est bien simple: leurs amis, leurs grands frères à Ottawa sont dans le trouble, pour ne pas dire autre chose qui ne serait pas parlementaire.

Passons aux vraies affaires. Devant les affirmations puis les scandales qui fusent de l'autre côté de la rivière Outaouais, devant la situation dramatique qui est vécue alors que le gouvernement fédéral investit des centaines de millions dans la propagande, nos amis de l'opposition grattent à droite et à gauche pour essayer de mener... miner notre crédibilité. Les gens ont bien compris ce jeu, Mme la Présidente.

Et je le répète, s'il y a des faits à porter devant le Procureur général, à la Sûreté du Québec, qu'ils le fassent. Mais, en attendant, Mme la Présidente, qu'ils se comportent donc de façon honorable et qu'ils respectent un principe fondamental qui est celui que nous sommes, ici, dans cette Assemblée, qui que nous soyons, quel que soit notre parti, d'abord au service de la population et que nous faisons notre travail de façon honorable, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo!

Des voix: ...

La Présidente: Non, je regrette infiniment, là; me vient du côté de l'opposition cette impression... mais que la parole aura été cédée pour 1 min 27 s. Alors, je cède la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys. M. le leader de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: En complémentaire, oui, Mme la Présidente. Comme le gouvernement ne veut pas enquêter, est-ce qu'il peut au moins à ce moment-ci nous expliquer pourquoi le document qui a été déposé par le leader du gouvernement et qui provient de la firme de communications NATIONAL n'est pas sur le fil de presse et qu'il a été communiqué strictement au Parti québécois?

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Vous me permettrez encore une fois, Mme la Présidente, de dénoncer le ton et les insinuations qui sont soulevées par les députés de l'opposition. À chaque jour, du fait de notre travail et des représentations que nous avons à faire ici, dans cette Assemblée nationale, nous rencontrons dans nos comtés, partout à travers le Québec, des centaines de personnes qui tentent de vouloir nous convaincre du bien-fondé de leur point de vue, et ça, ça fait partie des règles du jeu. À chaque jour, dans nos agendas, autant ceux des députés de l'opposition que des députés ministériels, des gens nous font des représentations pour soutenir le développement de leur communauté et le développement du Québec, et c'est bien qu'il en soit ainsi.

n(14 h 40)n

Ce qui serait grave, Mme la Présidente, et ce qui n'est pas le cas dans toutes les affaires qu'a nommées le député de Chomedey, ce qui n'est pas le cas non plus dans l'affaire dont nous débattons présentement, c'est s'il y avait des infractions qui étaient faites aux lois. S'il y a de telles infractions, il y a des mécanismes qui sont là, qui sont administrés en tout indépendance par le Procureur général, par la Sûreté du Québec. En attendant, continuons cet activisme qui est le nôtre pour faire en sorte que le Québec continue d'avancer, que nous continuions à créer de l'emploi et que nous continuions à faire en sorte que le Québec soit non seulement dans les grandes sociétés qui réussissent sur le plan économique, mais qu'il réussisse aussi sur le plan social, et que nous puissions affirmer avec force et conviction notre engagement pour ce peuple qui a besoin non pas des scandales et non pas des insinuations de l'opposition, mais qui a besoin...

Des voix: ...

M. Boisclair: ...qui a besoin, Mme la Présidente, du courage, qui a besoin du courage, qui a besoin des idées, qui a besoin de travail...

Des voix: Bravo!

La Présidente: Alors, je cède la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Sélection du fiduciaire de la famille
Charest-Weinberg au sein du conseil
d'administration de CINAR

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, Mme la Présidente. Alors, on se rappelle de l'affaire CINAR, n'est-ce pas? On se rappelle de la saga des faux auteurs, ces auteurs américains qu'on identifiait comme canadiens. On se rappelle ces millions de dollars du gouvernement fédéral versés à CINAR sur des prête-noms. On se rappelle les 180 millions de dollars placés auprès d'un mystérieux courtier des Bahamas et pour lequel Price Waterhouse n'a pas pu identifier 60 millions de dollars perdus, fondus comme du beurre dans la poêle.

Or, on apprenait récemment que la Commission des valeurs mobilières avait permis au couple Charest-Weinberg de nommer leur fiduciaire, n'est-ce pas, auprès de CINAR, et ce fiduciaire, Mme la Présidente, rappelons-nous, doit défendre les épargnants qui ont investi dans CINAR. Alors, Mme la Présidente, rappelons-nous que la famille Charest-Weinberg détient seulement 12 % des actions mais a la totalité des votes. Ça veut dire que les petits épargnants ont perdu leur droit de parler auprès du conseil d'administration, Mme la Présidente.

Alors, moi, j'aimerais savoir, Mme la Présidente, que compte faire la ministre des Finances dans cette situation, parce que manifestement il y a eu abus de confiance à l'endroit du couple Charest-Weinberg au détriment de ceux qui ont investi leur argent, c'est-à-dire les petits épargnants.

Des voix: Bravo!

La Présidente: Mme la ministre des Finances.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. J'avoue que cette situation est inquiétante, Mme la Présidente. Cependant, je voudrais rappeler quels sont les gestes qu'a posés la Commission des valeurs mobilières dans le cas qui concerne l'affaire CINAR. D'abord, en mars 2002, la Commission des valeurs mobilières du Québec a conclu une entente avec le couple Weinberg-Charest de telle sorte qu'ils aient à verser une amende de 1 million de dollars chacun en plus de renoncer à exercer leur droit de vote en le confiant à un fiduciaire. L'entente prévoit également que le couple ne pourra plus agir comme administrateur et dirigeant de CINAR ni pour d'autres sociétés inscrites en Bourse, et cela, pour une période de cinq ans.

Le rôle de la Commission des valeurs mobilières, Mme la Présidente, c'est de s'assurer de l'application de la Loi sur les valeurs mobilières. Et cette Commission, elle ne peut se substituer aux tribunaux civils et pénal. Donc, la sanction qu'elle applique porte sur des manquements à la Loi sur les valeurs mobilières, et, s'il y avait lieu de pousser plus loin, ce sont les autorités financières.... c'est-à-dire policières, pardon, qui sont responsables de toute question de fraude.

À partir du moment où le couple a respecté les engagements, le fiduciaire nommé par ces mêmes personnes pour exercer leur droit de vote doit être autorisé par la Commission et agir dans l'intérêt de l'ensemble des actionnaires, sans aucune intervention de la part du couple. Or, dans les faits, il y aurait apparence d'intervention, ce qui, à mon point de vue, à ce moment-là devrait permettre que d'autres interventions puissent être faites, soit par la Commission des valeurs mobilières ou par un autre mécanisme de plainte. Mais, à ce moment-ci, Mme la Présidente, je crois que la Commission des valeurs mobilières a appliqué les règles dont elle assume la responsabilité.

La Présidente: En complémentaire, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: En additionnelle, madame. Oui, bien sûr. Est-ce que la ministre des Finances, à cause du rôle qu'elle joue, ne croit pas opportun d'aller enquêter elle-même auprès de la Commission des valeurs mobilières, puisque c'est vrai que, en termes juridiques, la Commission des valeurs mobilières s'en est tenue, en termes juridiques, dans la loi, mais on peut s'interroger aujourd'hui et dire: Est-ce qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter d'avoir laissé justement au fiduciaire, d'avoir laissé aux Charest-Weinberg l'autorité de pouvoir contrôler et choisir leur fiduciaire et de permettre à cette personne, une personne respectable, de pouvoir décider et de choisir la totalité du conseil d'administration?

Mme la Présidente, il y a quelque chose qui ne marche pas, la ministre des Finances le sait. Il faudrait qu'elle bouge, parce que ça ne peut pas s'appliquer de cette façon-là.

La Présidente: Mme la vice-première ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Je pense que la députée de Marguerite-Bourgeoys sait très bien ? et elle ne l'admettrait pas non plus ? elle sait très bien que je ne puis intervenir auprès de la Commission des valeurs mobilières, qui est un tribunal quasi... c'est-à-dire un agent et un intervenant qui a un statut de quasi... de tribunal quasi judiciaire. Et, à cet égard-là, ce serait, à mon point de vue, inadéquat et inacceptable que j'intervienne. D'ailleurs, on serait les premiers, de l'autre côté, sûrement à me le reprocher.

Cependant, je suis sensible aux arguments de la députée, et effectivement cette situation me préoccupe parce que, tout compte fait ? et c'est en apparence, je dis bien «en apparence» ? on semble faire indirectement ce que la Commission des valeurs mobilières a demandé qu'on ne fasse pas directement. Et effectivement je vais questionner cet événement, Mme la Présidente.

La Présidente: En principale, M. le député d'Orford.

Participation d'un groupe environnemental
aux travaux du Comité spécial
sur la production porcine

M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, Mme la Présidente. M. le ministre a mis en place un comité spécial sur le dossier porcin. Il avait fait miroiter à l'ensemble des Québécois une solution rapide et exécutoire pour le 15 de juin. Le seul groupe représentant les mouvements environnementaux, l'Union québécoise pour la conservation de la nature, a quitté le comité il y a quelques jours. M. Harvey Mead, le président de ce regroupement, disait qu'il était obligé de conclure que l'objectif du comité est en fait un effort visant à faire accepter une reprise de la construction de nouvelles porcheries au Québec.

Je demande au ministre: Est-ce qu'il y aura des représentants environnementaux sur ce comité-là, maintenant?

La Présidente: M. le ministre.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Mme la Présidente, vous me permettrez, puisque j'arrive tout juste de Charlottetown, de souligner le succès que le Québec a obtenu en convainquant l'ensemble des provinces, à l'exception de l'Alberta, de s'en tenir, pour la ratification du Protocole de Kyoto et les moyens de mise en oeuvre, uniquement au scénario prévu par Kyoto. C'est une grande victoire, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo!

M. Boisclair: Je voudrais répondre de façon précise, Mme la Présidente, à la question du député, d'abord pour dire que je regrette que M. Harvey Mead en soit venu à cette conclusion. C'est là son interprétation des faits et de la situation. Je regrette, en toute amitié, de lui dire que ce n'est pas mon interprétation. J'inviterais les membres de cette Assemblée à un peu de patience. Vous pourrez, tous et toutes, dans quelque temps juger l'arbre à ses fruits, puisqu'un règlement sera publié pour le 15 juin, et je pense qu'il s'inspirera des meilleurs préceptes environnementaux. Et nous sommes prêts à faire en sorte que d'autres personnes qui représenteraient un point de vue dit environnemental puissent se joindre au comité. Nous avions prévu un siège pour des représentants du monde environnemental. Les gens de l'UQCN ont décidé de quitter. Nous sommes tout à fait disposés, avec des gens compétents, à reprendre ce dialogue. Je pense particulièrement au réseau des conseils régionaux de l'environnement. Nous cherchons cette expertise et nous sommes tout à fait disposés à nous asseoir avec ces personnes, Mme la Présidente.

n(14 h 50)n

La Présidente: En complémentaire.

M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le ministre, le groupe au Québec qui connaît le dossier porcin, qui a travaillé historiquement sur le dossier porcin, qui a des agriculteurs sur son regroupement, c'est l'UQCN. Essayez pas de noyer le poisson ici. L'UQCN vous a quittés, M. le Président... M. le ministre, qui allez-vous nommer à la place?

M. André Boisclair

M. Boisclair: Mme la Présidente, le député a entièrement raison de rappeler l'expertise de l'Union québécoise de conservation de la nature. Je m'enorgueillis d'ailleurs que le sous-ministre adjoint responsable de ce dossier au ministère de l'Environnement est d'ailleurs l'ancien conseiller de l'Union québécoise de conservation de la nature. Vous voyez donc jusqu'à quel point nous nous inspirons de leurs leçons et de leurs études. À ce moment-ci, il n'est pas prévu de remplacement. Je n'ai pas reçu de requête.

Ceci étant dit, M. le Président, ce qui est important, c'est que le comité...

Une voix: ...Mme la Présidente.

M. Boisclair: Mme la Présidente, je m'excuse. Ce qui est important, c'est que le travail puisse continuer, suivre son cours, et, en bout de course, ces consultations nous permettront, j'en suis convaincu, d'en arriver au meilleur équilibre possible et de faire en sorte que nous soyons capables d'envisager à court terme le développement durable de l'industrie porcine. Nous appliquerons aussi ces mêmes principes pour l'ensemble du monde agricole, et je suis très satisfait de la façon dont progressent les choses. Et je dis à nouveau à M. Mead et à tous les représentants de l'Union québécoise de conservation de la nature que je suis disposé, sous une forme ou sous une autre, à poursuivre le dialogue avec eux. Ces gens ont des choses importantes à nous dire, et je suis toujours disposé à les écouter.

La Présidente: En question principale, M. le député de Roberval.

Aide aux couples ayant recours
aux nouvelles techniques de reproduction
et à l'adoption internationale

M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je pense que c'est une question qui va peut-être un peu changer le ton du débat d'aujourd'hui. Depuis quelques jours, on a assisté à plusieurs activités qui touchaient d'abord la fête des Mères, la Semaine de la famille, la Semaine de l'arbre, également. Et je dois remercier le ministre des Richesses naturelles d'avoir voulu souligner la plantation d'un arbre avec la naissance d'un enfant. Il n'y a pas de plus beau symbole de la vie que l'arbre et la forêt et l'enfant et la famille. Alors, ça touche ça, également.

Des voix: La vie! La vie!

M. Laprise: C'est ça. Et, en cours de route, on a parlé beaucoup des personnes âgées, et je crois que ce qui leur manque le plus, les personnes âgées, c'est des petits enfants pour les prendre par le cou et partager leur solitude, avec la tendresse des enfants, et peut-être permettre aux adolescents... permettre aux adolescents également de partager aussi une étroite collaboration avec leurs grands-parents, peut-être aller leur aider. Ma question s'en vient, Mme la Présidente.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laprise: Et c'est pour ça que je m'adresse au ministre d'État à la Population et responsable de la démographie. M. le ministre, est-ce que vous prévoyez aider les couples qui ont besoin d'accompagnement médical pour assurer leur fécondité? Dans un premier temps. Car vous savez que les coûts sont rendus excessivement onéreux: entre 12 et 22 000 $. J'ai un couple qui est venu me voir au bureau la semaine dernière, et ça coûte ça. Il y a beaucoup de démarches à faire et ils n'ont aucun secours. Et ils ont déjà eu un enfant comme ça, ils veulent en avoir un deuxième. Est-ce que vous prévoyez aider ces couples-là? Dans un premier temps.

La Présidente: Alors, la réponse, M. le ministre d'État.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Bien, Mme la Présidente, je pense qu'on peut être d'accord avec le député, que c'est une question au moins rafraîchissante, quand on regarde et que surtout on entend, on observe le type de débats qui se sont déroulés pendant certaines heures. Et la question qui est soulevée par le député de Roberval, elle peut porter à faire les gorges chaudes, mais c'est une situation qui est bien réelle pour bien des couples au Québec, bien des couples au Québec, sous deux aspects.

Peut-on faire en sorte qu'au niveau de la naissance des nouveaux Québécois et des nouvelles Québécoises on puisse davantage porter assistance et pour les nouvelles techniques de reproduction et davantage aussi pour les couples ? les couples? Et je ne pense pas qu'il y ait un député dans cette Assemblée qui n'ait pas reçu à son bureau un couple qui, effectuant les démarches pour une adoption internationale, a eu à subir des délais qui sont très longs, quand on s'est préparé à cet état d'esprit, et avec des coûts qui sont très élevés.

Oui, Mme la Présidente, nous sommes à examiner qu'en sus déjà des dégrèvements d'impôt qui existent pour les frais reliés aux nouvelles technologies de reproduction et à l'adoption internationale, comment pourrait-on en faire davantage pour favoriser la naissance et la famille, avec les mesures du plan familial qui a été, la semaine dernière, révélé par ma collègue la ministre responsable.

Une voix: Bravo!

M. Laprise: ...

La Présidente: Très brève, M. le député de Roberval.

M. Benoît Laprise

M. Laprise: ...pour favoriser l'adoption locale et l'adoption internationale?

La Présidente: M. le ministre.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Mme la Présidente, on a, d'abord, un Secrétariat à l'adoption internationale qui favorise de beaucoup les démarches des parents qui souhaitent recevoir un enfant d'un pays à l'extérieur du Québec. On voit, par exemple, à titre d'illustration, que nous venons tout juste...le gouvernement du Québec vient de convenir d'une entente avec le Pérou et la Colombie pour faciliter ? faciliter ? la démarche des parents qui souhaitent adopter un enfant.

Mais nous pensons également que, dans une future politique de la population, il faudra faire encore davantage, et toute une équipe de spécialistes et également des gens qui sont concernés par ces questions sont actuellement en consultation avec le... au ministère des Relations avec les citoyens. Et, pour le ministre de la Population, un mandat important, parce que le soutien à la famille, c'est un élément important de la politique du gouvernement du Québec. Et tout ce qui s'est fait jusqu'à maintenant vise à soutenir la famille, mais à faire encore davantage pour que naissent davantage de Québécois et Québécoises à chaque année sur notre territoire national, Mme la Présidente.

La Présidente: En question principale, M. le député de Jacques-Cartier.

Diffusion d'information aux populations
concernées par les négociations
avec la nation innue

M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Depuis plusieurs mois, le gouvernement du Québec négocie avec les représentants de la nation innue dans le contexte d'une approche commune pour harmoniser nos relations avec les Innus. De toute évidence, ces négociations auront un impact sur la vie quotidienne des citoyens qui vivent à proximité des territoires concernés, c'est-à-dire la Côte-Nord, la Basse-Côte-Nord et le Saguenay?Lac-Saint-Jean.

Le gouvernement du Québec a fait la promesse de bien renseigner la population sur le contenu des négociations, mais, encore une fois, hier soir, à la suite d'une soi-disant séance d'information, la population de Sept-Îles est ressortie de cette séance frustrée car il n'y avait que des généralités sur le projet d'entente. Est-ce que le ministre est conscient que, dans l'absence de renseignements, dans l'absence de réponses aux questions des citoyens, on est rendu où ? et je cite le texte d'un éditorial du quotidien d'hier à Chicoutimi: «L'heure est à la confrontation larvée entre les deux peuples fondateurs du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Ce climat est nocif, il va sans dire, en plus d'ouvrir toute grande la porte à l'intolérance, voire au racisme»?

Alors, dans ce contexte ? parce que je pense qu'on a tout intérêt, des deux côtés de la Chambre, à avoir des relations harmonieuses entre l'ensemble des citoyens au Québec: Est-ce que le ministre responsable pour les Affaires autochtones peut indiquer à quel moment il mettra ses cartes sur la table pour bien informer la population, pour répondre aux questions bien légitimes des citoyens concernés et pour les consulter quant à l'impact éventuel des négociations sur les travailleurs, sur les compagnies forestières et sur la vie quotidienne des résidents de ces territoires?

La Présidente: M. le ministre.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Mme la Présidente, au mois d'avril 2000, nous avons adopté une position de gouvernement pour fonder les échanges et les négociations avec la nation innue pour en arriver à un traité de paix et de développement avec cette nation et les neuf communautés concernées. Depuis ce moment, avec le gouvernement fédéral qui en a convenu avec nous, de cette approche, nous sommes à la table d'échanges et de négociations. Il a été convenu d'une proposition, d'une proposition dont nous attendons les résultats au niveau du gouvernement fédéral. Et, dès que le gouvernement fédéral aura fait son bout de chemin qu'il doit faire et avec lequel nous nous sommes convenus de travailler sur cette question, oui, l'ensemble de l'information sera rendue publique.

n(15 heures)n

Ce qu'il faut noter: qu'il s'agit d'une proposition qui devra maintenant être soumise aux parties, c'est-à-dire aux communautés autochtones concernées, les Innus, au gouvernement fédéral et au gouvernement du Québec. Et le gouvernement du Québec prendra tout le temps nécessaire, tout le temps nécessaire pour consulter, informer, et prendra toute cette période de temps nécessaire pour s'assurer de la bonne compréhension de la proposition avant que tout cela ne puisse se transformer en un traité de paix avec la nation innue. Nous l'avons fait dans le cas de la «paix des braves», nous l'avons fait dans le cas de la paix inukshuk avec le peuple inuit, et dans ce cas-là nous allons procéder et prendre tout le temps nécessaire pour consulter la population, échanger l'information et répondre sans exception à toutes les questions avant que nous disposions et que nous franchissions le pas supplémentaire d'un traité de paix et de développement avec la nation innue du Québec.

Des voix: Bravo!

La Présidente: Alors, c'est la fin de la période de questions et de réponses orales.

Votes reportés

Motion proposant que l'Assemblée
demande au gouvernement de prendre
les mesures nécessaires pour s'assurer
que le recours à l'octroi de contrats
de moins de 25 000 $ ne fasse pas
l'objet d'une utilisation abusive

Alors, aux votes reportés, tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de M. le député de Shefford débattue aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Alors, cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que le recours à l'octroi de contrats de moins de 25 000 $ ne fasse pas l'objet d'une utilisation abusive.»

Alors, je demanderais à tous les députés de s'asseoir à leur place pour qu'on puisse procéder au vote reporté.

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bourbeau (Laporte), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Middlemiss (Pontiac), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Vallières (Richmond), Mme Boulet (Laviolette), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Williams (Nelligan), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), Mme Mancuso (Viger), Mme Thériault (Anjou).

M. Boisclair (Gouin), Mme Marois (Taillon), M. Simard (Richelieu), Mme Beaudoin (Chambly), M. Charbonneau (Borduas), M. Brouillet (Chauveau), M. Legault (Rousseau), Mme Goupil (Lévis), M. Trudel (Rouyn-Noranda?Témiscamingue), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Rochon (Charlesbourg), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Baril (Arthabaska), M. Létourneau (Ungava), M. Boulerice (Sainte-Marie?Saint-Jacques), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Bertrand (Portneuf), M. Legendre (Blainville), M. Simard (Montmorency), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Facal (Fabre), Mme Maltais (Taschereau), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Côté (La Peltrie), M. Boucher (Johnson), Mme Charest (Rimouski), M. Bédard (Chicoutimi), Mme Caron (Terrebonne), M. Geoffrion (La Prairie), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Bertrand (Charlevoix), M. Côté (Dubuc), M. Payne (Vachon), M. Kieffer (Groulx), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Lachance (Bellechasse), M. Paré (Lotbinière), M. Beaumier (Champlain), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Rioux (Matane), M. Dion (Saint-Hyacinthe), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), Mme Blanchet (Crémazie), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Laprise (Roberval), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Lelièvre (Gaspé), M. Bergeron (Iberville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), Mme Barbeau (Vanier), M. Cousineau (Bertrand), M. Pagé (Labelle), M. Désilets (Maskinongé).

La Présidente: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Y a-t-il des abstentions?

M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour: 94

Contre: 0

Abstentions: 0

La Présidente: Alors donc, la motion est adoptée.

Aux motions sans préavis. Alors, il n'y a pas de motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Mme la Présidente, j'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 95, Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance et la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.

J'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 84, Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif, ainsi que demain, le mercredi 22 mai 2002, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle 1.38b de l'édifice Pamphile-Le May;

Que la commission des transports et de l'environnement poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 103, Loi portant restrictions relatives à l'élevage de porcs, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, et cette même commission poursuivra les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et la Loi sur la Société québécoise de récupération et de recyclage, demain, le jeudi 23 mai 2002, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et finalement

Que la commission de la culture poursuivra les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 104, Loi modifiant la Charte de la langue française, demain, le jeudi 23 mai 2002, de 9 h 30 à 11 h 45, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, vos avis sont déposés, M. le leader. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'éducation se réunira en séance de travail demain, jeudi le 23 mai 2002, à compter de 8 h 30, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'organiser les travaux de la commission.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, ceci met fin à la période des affaires courantes.

Affaires du jour

Nous passons maintenant aux affaires du jour. M. le leader.

M. Boisclair: L'article 11 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 92

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Article 11. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 92, Loi concernant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. M. le ministre.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Alors, M. le Président, nous en serions donc à cette première étape pour l'adoption de principe du projet de loi n° 92, le projet de loi concernant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. En fait, il s'agit, comme c'est souvent le cas, d'ajustements qui sont très techniques pour améliorer le fonctionnement et les résultats à la Commission de protection des droits de la personne et des droits de la jeunesse, puisque, dès 1996, un premier projet de loi visant à intégrer la Commission de la protection des droits de la jeunesse et de la protection des droits de la personne a été adopté ici, à l'Assemblée nationale. Et on pourrait dire, pour saisir la situation d'une façon simple, M. le Président, il y a eu fusion des deux organismes, mais non intégration complète de l'administration. Et, à la demande de la Commission, je porte à l'attention de l'Assemblée nationale ce projet de loi pour s'assurer d'un meilleur fonctionnement et de davantage de résultats.

Alors, c'est le 8 mai dernier, M. le Président, que je déposais donc à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 92 concernant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Les aménagements législatifs contenus dans ce projet de loi visent à offrir à la Commission une plus grande souplesse d'intervention ainsi qu'à accorder aux membres de la Commission le droit de traiter autant les dossiers relevant de la Charte des droits et libertés de la personne que de la Loi sur la protection de la jeunesse.

n(15 h 10)n

De plus, le projet de loi a pour objectif d'alléger le processus administratif lié à la production des rapports émanant de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui doivent être faits en conformité avec la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et la Loi de l'administration publique pour harmoniser les dates de remise de rapports et d'années de fonctionnement au plan financier.

Depuis la fusion, M. le Président, entre la Commission des droits de la personne et la Commission de protection des droits de la jeunesse, la mission de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse regroupe deux volets: d'abord, veiller au respect des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne et veiller à la protection de l'intérêt de l'enfant et au respect des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse.

Afin que la Commission puisse mieux intégrer les deux mandats qui lui ont été confiés par le législateur et de compléter la fusion entreprise en 1995 vers davantage d'intégration au niveau du fonctionnement pour de meilleurs résultats, il est nécessaire d'apporter des aménagements d'ordre législatif, enfin d'ordre administratif à la Charte et également à la Loi sur la protection de la jeunesse, pour faire en sorte que l'organisme, la Commission, ce quasi-tribunal puisse fonctionner avec davantage d'efficacité, encore une fois.

Actuellement, la Charte compartimente trop la compétence et la mise à contribution des membres de la Commission en habilitant seulement certains d'entre eux à traiter des dossiers relevant de la protection de la jeunesse en matière de révision. Elle compartimente encore en obligeant à avoir une majorité de membres Charte des droits et libertés de la personne dans les dossiers d'enquête portant sur la Charte et une majorité de membres dits jeunesse dans les dossiers d'enquête en ce qui concerne la protection de la jeunesse. Cette situation nuit à la polyvalence des membres de la Commission et a pour effet de non seulement alourdir le processus décisionnel et de le rendre plus coûteux, mais aussi de prolonger inutilement les délais de traitement dans les dossiers.

Le projet de loi, M. le Président, le projet de loi n° 92 vient corriger cette situation, puisqu'il permet aux membres de la Commission d'être polyvalents, garantissant par le fait même une plus grande souplesse dans la coordination des activités de la Commission et de ses deux mandats. Nous croyons que la polyvalence des membres de la Commission permettra d'accélérer le processus de traitement des dossiers relevant de la Charte des droits et libertés de la personne et de la Loi de la protection de la jeunesse. Nous sommes convaincus que ce jumelage de compétences profitera aux citoyens et aux citoyennes et plus particulièrement aux jeunes dont le nombre de dossiers à traiter croît d'année en année. Sans compter que le travail de la Commission nous démontre que les droits prévus par la Loi sur la protection de la jeunesse sont, en pratique, indissociables de ceux prévus par la Charte et par la Convention internationale des droits de l'enfant.

Une autre préoccupation administrative sera aplanie par l'entrée en vigueur de cette loi n° 92, M. le Président. Il s'agit de l'harmonisation des rapports que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est tenue de produire en vertu de deux lois. Il y a eu faiblesse, disons, au niveau de l'harmonisation des rapports à produire, ce qui ajoute à la bureaucratie, à la réglementation, qui fait en sorte qu'il y a des énergies qui sont utilisées non pas en termes de Charte des droits et libertés de la personne comme tribunal... la Commission et également la protection de la jeunesse, mais pour des gestes davantage administratifs. Nous pourrions, en vertu de la loi, harmoniser les délais qui sont prévus aux deux lois.

Présentement, afin de satisfaire aux exigences de la Charte et de la Loi sur l'administration publique, la Commission doit produire un rapport comprenant à la fois un rapport d'activité couvrant l'année civile et un rapport de gestion présentant le bilan de son année budgétaire.

Le projet de loi n° 92 propose d'unifier la période couverte par ce double rapport. Ainsi, au lieu de présenter son rapport annuel à l'Assemblée nationale au plus tard le 31 mars, la Commission aurait jusqu'au 30 juin pour le déposer, dans un seul et même geste. Cette prolongation permettra, M. le Président, de fondre en un seul document le rapport annuel et le rapport de gestion. Cette simplification dans le compte rendu des activités de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse contribuera à rendre la gestion et le contrôle des activités gouvernementales plus cohérents, en plus, bien sûr, d'alléger le travail administratif de la Commission.

La collecte des données pour une même période de référence simplifie grandement la confection des rapports et permet de répondre plus adéquatement, bien sûr, aux besoins des parlementaires et aux besoins des citoyens et des citoyennes qui peuvent ainsi disposer d'un outil d'information davantage complet.

Ces modifications concrétisent la volonté du gouvernement quant à son désir de transparence, d'accessibilité aux services, de réduction de la réglementation, de réduction de la bureaucratie, de réduction des gestes administratifs pour en investir davantage au niveau de la compétence des personnes, d'exercice de ces compétences et des résultats pour nos concitoyens et concitoyennes, que ce soit en matière de droits et libertés de la personne, que ce soit en matière de protection des droits de la jeunesse. Et c'est dans ce contexte, M. le Président, que le projet de loi n° 92 complète, compléterait, en fait, des gestes qui ont été amorcés par la fusion de ces deux organismes, protection de la jeunesse et droits et libertés de la personne, en 1995, et que nous allons nous retrouver avec davantage de responsabilités pour les commissaires, avec davantage de capacité d'agir. Et, aussi, je le répète, parce que c'est important, ce qui préoccupe nos concitoyens et concitoyennes quand ils soumettent leur cause, leurs faits devant cette Commission, c'est un résultat le plus près possible du moment où ils déposent, où ils déposent cette plainte et où c'est traité.

Le cadre administratif, parfois le carcan administratif que la loi impose et à la Commission et aux membres de la Commission fait en sorte que les délais sont prolongés, et nous pouvons faire mieux. Et très certainement que tout le monde dans cette Assemblée nationale sera d'accord pour dire que, à chaque fois que nous avons l'occasion de réduire les gestes administratifs, de réduire les gestes bureaucratiques que nous avons à poser pour en faire davantage pour responsabiliser, reconnaître la compétence de nos commissaires et de nos tribunaux ou quasi-tribunaux administratifs ou en matières similaires, nous devons poser ce geste.

Et j'imagine que c'est en agissant en toute cohérence que l'opposition qui, comme tous les gouvernements depuis une trentaine d'années... Puisque nous nous sommes donné une société ordonnée, une société qui est interventionniste également, eh bien, il est apparu, oui, un ensemble de règlements, règles et normes qui, parfois, gênent le fonctionnement et qui ont toujours avantage à être allégés. Voilà le sens, M. le Président, du projet de loi n° 92: un allégement, un meilleur fonctionnement, simplification de ce fonctionnement et davantage de résultats en matière de protection de la jeunesse et en matière de droits et libertés de la personne. C'est le projet de loi n° 92 qui est devant nous, M. le Président.

Avis touchant les travaux des commissions

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre. Je voudrais... Aux avis touchant les travaux des commissions qui ont été donnés par le leader du gouvernement tantôt, je voudrais corriger au niveau de la commission des institutions. La commission des institutions va se réunir aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif, ainsi que demain, le jeudi 23 mai ? parce qu'on avait indiqué le mercredi 22 mai, mais c'est le jeudi 23 mai ? 2002, de 9 h 30 à midi et demi, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. Donc, les avis touchant les travaux des commissions sont corrigés en conséquence.

Nous avons également reçu, à la suite de la période de questions, une demande de débat de fin de séance du député de Jacques-Cartier à la question qu'il a posée au ministre responsable des Affaires autochtones concernant les négociations avec les Innus et ses répercussions sur la population de la Côte-Nord, de la Basse-Côte-Nord et du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Ce débat de fin de séance aura lieu demain, jeudi, à 18 heures, après les affaires courantes.

Nous poursuivons le débat sur le projet de loi n° 92 quant à l'adoption de son principe, Loi concernant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, et je cède la parole à M. le député de LaFontaine qui agit comme porte-parole aujourd'hui dans cette matière.

Mme Vermette: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.

Mme Vermette: J'aurais quelques correctifs. Vous avez annoncé un débat de fin de séance pour jeudi sur les Innus. Alors, je pense que...

Une voix: ...

Mme Vermette: Les Innus. Je pense que c'est pour ce soir. Demain? Demain soir?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Pour demain, parce qu'il n'y a pas de débat de fin de séance le mercredi, madame, à moins qu'il y ait un consentement, mais je n'ai pas eu ce consentement-là. Alors, ce débat de fin de séance aura lieu demain, jeudi, après les affaires du jour, à 18 heures. Alors, M. le député de LaFontaine, vous agissez comme porte-parole dans ce projet de loi là, je vous cède la parole.

Projet de loi n° 92

Reprise du débat sur l'adoption du principe

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. En effet, c'est à titre de porte-parole officiel de l'opposition en ce qui concerne ces matières que je vais donc m'adresser à cette Assemblée, M. le Président, et faire valoir quelle est la position et le point de l'opposition en ce qui concerne le projet de loi n° 92. Et, par la suite, un certain nombre de mes collègues, bien sûr, interviendront pour faire valoir eux aussi certains aspects qui concernent ce projet de loi.

n(15 h 20)n

M. le Président, rapidement, nous rappellerons que, lorsque, en 1995, le ministre de la Justice de l'époque amenait le projet de loi qui visait à fusionner la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour faire un seul organisme à l'intérieur de deux entités, eh bien, un certain nombre de gens et un grand nombre de gens concernés directement ou indirectement par ces questions s'étaient opposés ou avaient questionné fortement la notion d'intérêt public de procéder à cette réorganisation de cet organisme extrêmement important. Car, en effet, M. le Président, personne au Québec ne pourrait ou ne voudrait nier ou banaliser le rôle de la Commission des droits de la personne et bien sûr aussi celui de la protection des droits de la jeunesse qui est un organisme extrêmement important, car on sait que dans notre société, comme dans beaucoup de sociétés occidentales d'ailleurs, il faut le reconnaître, les jeunes, la jeunesse en particulier a fait l'objet d'un certain nombre de discriminations de la part de la société.

Et je ne citerai, à titre de référence, que ce débat que nous avions eu, M. le Président, sur les clauses orphelin qui touchaient les jeunes, une discrimination qui touchait les jeunes au niveau salarial lorsqu'ils entraient dans une nouvelle entreprise. Eh bien, M. le Président, force est de constater que, malgré tous ces mécanismes que nous avons, malgré toutes les interventions qui ont pu être faites, il y a encore des jeunes au Québec, des gens qui vivent la situation de discrimination salariale dans leur emploi à cause de leur ancienneté, et de leur date d'arrivée, et bien souvent de leur âge, M. le Président.

Alors, ceci pour dire que, malgré tous ces organismes que nous avons, tous ces encadrements que nous avons et la bonne volonté qu'il y a certainement de la part du milieu politique et de l'administration, eh bien, il y a encore un certain nombre de droits, un certain nombre de privilèges que les citoyens, que les jeunes devraient avoir en tant que citoyens, eh bien, qui ne sont pas respectés. Il y a bien sûr aussi les plus jeunes, M. le Président, parce que là on parle bien sûr de la jeunesse, mais on parle aussi de gens qui sont en âge beaucoup plus bas.

M. le Président, à l'époque, opposé à cette idée de fusion, bien sûr, le Parti libéral que je représente aujourd'hui était opposé à cette fusion et avait, d'une manière très claire et très explicite, fait valoir un certain nombre d'arguments et arguments qu'on retrouvait dans la société civile, pas seulement les arguments que nous avions élaborés nous-mêmes en commission, en comité plénier ou alors en discussion du groupe parlementaire, mais simplement parce que les porte-parole du dossier à l'époque, M. le Président, eh bien, après avoir rencontré un certain nombre d'intervenants et un nombre même assez important, avaient reconnu qu'il y avait là un certain nombre de risques.

Alors, d'abord, le premier, et je crois qu'il existe tout le temps, M. le Président: l'incompatibilité entre les mandats dévolus à la protection de la jeunesse et ceux concernant la protection des droits et libertés de la personne, car, en effet, M. le Président, nous touchons là bien sûr à deux clientèles légèrement différentes. Ce sont là des cas particuliers, des cas qui ne sont pas les mêmes. Les droits de la personne et les droits de la jeunesse ne sont pas toujours du même ordre, de même intérêt. Et nous avions à ce moment-là un certain nombre de craintes qui nous faisaient dire: Attention, en fusionnant tout ça, on risque de niveler et de faire en sorte que peut-être la protection de la jeunesse soit moins bien traitée ou moins bien défendue que la protection des droits et libertés de la personne.

Il y avait donc un risque important de dilution des mandats, M. le Président, et surtout que ce projet à l'époque avait comme seul objectif ? et c'est ce que le ministre nous disait à l'époque ? eh bien, de diminuer les dépenses du gouvernement. On se rappellera que, à l'époque, il y avait un contexte de compressions budgétaires, de réduction des dépenses. On faisait quitter des médecins, on faisait quitter des infirmières. En d'autres termes, M. le Président, l'État s'organisait pour laisser aller... se délester d'un certain nombre de sa masse... de sa main-d'oeuvre, et pour un grand nombre parmi les plus qualifiés et ceux qui étaient les plus aptes à donner des services à la société et aux citoyens.

Et, M. le Président, eh bien, on sait que, à cette époque-là déjà, les responsabilités qui étaient incombées à ces deux organismes à l'époque, la protection de la jeunesse et la protection des droits et libertés de la personne, eh bien, souffraient déjà d'un sous-financement extrêmement inquiétant qui faisait en sorte que nous étions interpellés constamment par les responsables qui nous disaient: Nous n'avons pas assez de budget, nous n'avons pas les moyens de faire en sorte d'accomplir notre mandat dans le meilleur intérêt de nos propres clientèles respectives, de chacun des deux mandats. Et c'est ce que venaient nous dire les gens; ils sont venus en commission parlementaire le dire à cette époque-là.

Il y a même le Syndicat de la fonction publique du Québec, qui sont des gens qui ont affaire, qui travaillent avec ces organismes, qui travaillent à l'intérieur de ces organismes, à l'époque, qui parlait, et je vais le citer au texte, M. le Président: «Une improvisation dans la démarche extrêmement évidente.» Et c'est le Syndicat de la fonction publique du Québec qui disait ça.

Et nous croyions à l'époque, nous, comme parti politique, qu'il y avait certainement la possibilité de réaliser, certes, peut-être des économies de fonctionnement, mais cela sans forcément procéder à la fusion de ces deux organismes, risquant de créer certains problèmes de fonctionnement ou de dysfonctionnement ou une certaine banalisation des dossiers jeunesse, M. le Président.

Alors, bon, à l'époque, le débat a eu lieu, il a duré. L'opposition n'a pas été écoutée par le gouvernement. C'est rare que le gouvernement d'ailleurs écoute l'opposition, M. le Président. Et on le voit maintenant d'ailleurs, les citoyens le lui rendent bien parce que les citoyens n'écoutent plus le gouvernement. Alors, peut-être que, si à l'époque il avait écouté un peu plus l'opposition, le gouvernement aujourd'hui aurait-il une écoute des citoyens un peu plus grande au lieu de se retrouver dans le bas des sondages. Et bien sûr ça se confirme jour après jour lorsque nous ne sommes pas loin de ces citoyens dans la rue. Le désenchantement des citoyens envers cette façon qu'a eue le gouvernement de gouverner depuis maintenant ces sept années et demie, eh bien, a atteint son paroxysme et les citoyens bien sûr n'ont plus du tout confiance dans le gouvernement. Ce qui démontre que, à l'époque, nous avions vu juste et que le gouvernement aurait certainement dû tenir compte, en partie au moins, de nos remarques, de nos recommandations, et agir dans son projet de loi en conséquence.

Maintenant, M. le Président, il y a six ans que ça a eu lieu. C'est vrai, il y a six ans. Le ministre disait dans son discours: Écoutez, il y a six ans; maintenant, il faut continuer, il faut rationaliser ça encore. Rationaliser, ça veut dire quoi, pour le ministre? Ça veut dire tout d'abord réduire le nombre de commissaires de 15 à 13. Bon, de 15 à 13. À l'époque, je vous rappellerai aussi qu'il y avait sept commissaires qui avaient la responsabilité de s'occuper de la protection des droits de la personne et sept de la protection des droits de la jeunesse. Alors là non seulement on les réduit, mais on fait en sorte qu'il n'y aura plus de commissaires à qui va être dévolu le dossier de la protection des droits de la jeunesse, mais que ça va être l'ensemble des commissaires, donc les 13 commissaires qui vont devenir polyvalents.

Alors là ça va probablement créer un autre genre de problème. Pourquoi? Parce que, c'est très simple, lorsqu'un commissaire... Pourquoi avant on avait mis sept commissaires pour la jeunesse, sept pour les droits de la personne? C'est parce qu'il y a des gens qui sont des spécialistes dans certains domaines, qui ont de l'expertise, qui ont des connaissances et qui comprennent très bien les situations qui se vivent dans un milieu ou dans l'autre. Eh bien, en faisant cela, M. le Président, on fait table rase bien sûr de cette disposition, et chaque commissaire va pouvoir traiter indifféremment d'un dossier ou d'un autre. Mais les gens qui s'occupent de la protection des droits de la jeunesse ne sont pas forcément des spécialistes ou des gens avec expérience pour traiter des dossiers de la protection des droits de la personne; et, vice versa, ceux de la protection des droits de la personne ne sont pas forcément bien sûr des spécialistes, des gens qui sont des experts dans la protection des droits de la jeunesse.

Alors, première constatation, M. le Président, ça me semble un peu anachronique de procéder à cette façon-là, parce que, si vraiment on voulait vraiment, vraiment défendre les droits de la jeunesse, si on voulait vraiment prendre fait et cause pour la jeunesse au Québec, eh bien, on n'irait pas commencer par diluer l'importance des commissaires qui devaient veiller à leur protection, veiller à ce qu'il y ait... lorsqu'il y a des plaintes, lorsqu'il y a des situations de discrimination, lorsqu'il y a des situations d'abus envers la jeunesse, eh bien, de faire en sorte de réduire leur nombre.

Alors donc, déjà, au départ, c'est la première interrogation que je pose: Est-ce que c'est dans le meilleur intérêt des droits de la jeunesse? À première vue et après avoir discuté avec un certain nombre de personnes, des collègues, des gens à l'extérieur bien sûr, dans la société civile, M. le Président, eh bien, la réponse, c'est non. La réponse, c'est non. Peut-être certaines personnes au niveau administratif y verront-elles un intérêt: on va couper les coûts, on va avoir peut-être plus de facilité d'administration. Mais est-ce que le but de la Commission de la protection des droits de la personne et de la jeunesse est de faciliter l'administration de leurs dossiers ou est-ce que c'est de défendre les droits de la jeunesse et les droits de la personne? Moi, je crois que c'est la deuxième réponse, c'est de défendre les droits de la personne et les droits de la jeunesse. Donc, cette préoccupation devrait intervenir la première, et les décisions qui sont prises devraient être celles qui visent à atteindre ces objectifs prioritairement.

n(15 h 30)n

Alors, M. le Président, ça fait déjà donc six ans, six années que ce projet de loi a été passé contre vents et marées, envers et contre tous, et le ministre nous arrive aujourd'hui et il nous dit: Bon, voilà, c'est le temps de bouger, c'est le temps de moderniser ça ou, enfin, de rechanger. Certainement a-t-il encore là, en coupant bien sûr les commissaires, des idées d'économie ou de restriction des budgets ou du moins de ne pas continuer à donner à cet organisme les sommes auxquelles il serait légitimement en droit de s'attendre pour pouvoir fonctionner.

Alors, pourquoi le ministre décide comme ça, unilatéralement? Il emmène le projet de loi à l'Assemblée, il fait 10 minutes là-dessus, une lettre à la poste, c'est passé. Mais non, ce n'est pas passé, M. le Président. Ce n'est pas passé parce que la société civile n'a pas été consultée. Est-ce que le ministre, après six ans, n'aurait pas dû, s'il était un ministre responsable, un ministre qui a à coeur le bon fonctionnement de cette institution, eh bien, tenir au moins une consultation? Pour tous les projets de loi qui sont ici, M. le Président, généralement, les nouveaux projets de loi, il se tient des consultations. Bien souvent elles sont demandées par l'opposition, qui, elle, bien sûr, M. le Président, tient à ce que les préoccupations, les expériences, les intérêts de la société civile soient entendus afin d'être inclus ou de faire évoluer certains projets de loi puis déposés par le gouvernement. Comme je le disais tout à l'heure, depuis sept ans, ils n'ont pas transcendé par leur appui... envers l'appui populaire. Eh bien, non, M. le Président, le ministre ne fait pas de consultations.

Alors, nous aurions souhaité, nous, de notre côté, qu'il fasse des consultations. Nous aurions souhaité, nous sommes prêts à les faire. Nous... au ministre, s'il est capable de nous entendre, eh bien, de tenir, bien sûr, une consultation, non pas forcément sur ce projet de loi là, celui-là, il devient accessoire au premier, mais sur les effets du projet de loi pendant les six dernières années. Il est temps, il serait temps et c'est l'occasion unique de réévaluer le cheminement et le fonctionnement d'un projet de loi, de voir si ça a fonctionné, quels ont été les résultats, qu'est-ce que la société civile en pense, qu'est-ce que les intervenants en pensent, qu'est-ce que les principaux acteurs qui ont eu à oeuvrer avec la loi en pensent eux aussi, est-ce que ça a vraiment coûté moins cher, est-ce que ça a été plus efficace, est-ce que le citoyen, est-ce que le citoyen, il s'y est retrouvé, est-ce qu'il a retrouvé son intérêt dans cette loi, dans cette réforme qui a eu lieu il y a six ans.

Une fois qu'on aura tenu ces consultations, M. le Président, eh bien, si c'est nécessaire, s'il y a des ajustements à apporter, s'il y a des changements à faire dans ce projet de loi, bien, M. le Président, nous serons, nous, l'opposition, tout à fait heureux d'y participer et d'y contribuer. Et, bien sûr, comme à chaque fois, nous ferons au gouvernement des propositions constructives, progressives, afin de faire en sorte que le projet de loi, bien sûr, corresponde au meilleur intérêt de l'ensemble des citoyens, tout en tenant compte, bien sûr, des contraintes inhérentes à son administration. Et, malheureusement, M. le Président, pas un mot là-dessus. Je m'attendais à ce que le ministre nous annonce, lorsqu'il s'est levé: Et nous tiendrons bien sûr, par la suite, cette consultation. Malheureusement non, bien qu'elle aurait dû se tenir avant. C'est avant qu'il dépose son projet de loi qu'il aurait dû la tenir, M. le Président.

Alors, M. le Président, vous comprendrez, on ne sait pas si les craintes qui ont été exposées à l'époque par l'ensemble des intervenants se sont avérées exactes. On ne le sait pas, on n'a pas la situation. Et je dirai même que maintenant, dans certains projets de loi, M. le Président, on met un article, on met une clause qui fait en sorte qu'après trois ans ou quatre ans il y a une révision automatique du projet. On a vu ça dans certains projets de loi, hein, parce qu'on sait que la société étant évolutive, eh bien, il va falloir regarder, quelques années après, les effets du projet de loi. D'ailleurs, tous les projets de loi, quasiment, qui ont un intérêt direct sur le citoyen, sur la vie des citoyens, sur la jeunesse, sur les femmes, sur les hommes de ce pays, M. le Président, devraient avoir une clause de réévaluation, de réexamen après un certain nombre d'années. Et ça serait là certainement un rôle important que le Parlement devrait jouer, ce qui permettrait de faire l'état des lieux et de faire en sorte que des lois qui ont été passées des fois dans la contrainte ou des fois dans l'exaltation du moment d'un gouvernement décroché de la réalité ou de la société, eh bien, M. le Président, puissent se retrouver à nouveau confrontées aux projecteurs de l'opinion publique, et, bien sûr, à ceux du Parlement, pour être modifiées, ou renouvelées, ou même abrogées, si c'était nécessaire. Ça simplifierait grandement à ce moment-là, M. le Président, la vie de nos concitoyens, la vie des Québécois et des Québécoises, mais aussi de l'administration. Ça, ce serait une bonne manière de fonctionner. Malheureusement, on ne retrouve pas ça.

Et, M. le Président, vous comprendrez que nous, comme opposition, on ne peut pas souscrire à ce projet de loi là de cette façon-là. C'est impossible pour nous. Ça va contre nos principes fondamentaux. Nous ne pouvons pas. Nous avons voté contre en 1995, et aujourd'hui on nous demande de voter pour un changement sans consultation, sans tenir compte vraiment de l'opinion des gens qui vont vivre avec et surtout, surtout, M. le Président ? et c'est ça qui est l'important aujourd'hui, parce que trop souvent, hein, on n'en tient pas compte ? surtout de l'opinion du public, de l'opinion des citoyens du Québec.

Parce que, oublier l'opinion des citoyens du Québec... On nous parle souvent, M. le Président, de la dégradation de l'image politique, de la banalisation des Parlements. Mais, M. le Président, c'est les gouvernements, c'est les ministres mêmes qui concourent à ça. Ils apportent des projets de loi, ils les font adopter à la vapeur, bulldozent les députés, pas de consultation de la société civile, et puis, s'il y en a une, consultation, neuf fois sur 10 ils n'en tiennent pas compte, ils les écoutent pour la forme, pour pouvoir dire: On a écouté. Et c'est pour ça que les citoyens démissionnent, c'est pour ça qu'ils n'ont plus confiance ou qu'ils ont moins confiance dans la société puis dans les institutions qui représentent la société. Et c'est là la porte ouverte, M. le Président, et je vous le dis, et vous le savez certainement, c'est la porte ouverte à toutes les dérives démocratiques. Alors, profitons-en donc, au Québec, pour revoir nous aussi cette manière de fonctionner. Mais ce n'est pas ça qu'on a comme exemple aujourd'hui.

M. le Président, quand on regarde le projet de loi par lui-même... bon, je le disais précédemment, on passe de 15 à 13 commissaires. On avait avant un conseil composé de sept-sept qui étaient répartis entre la jeunesse et puis les droits de la personne. Bon. On enlève ça. À l'époque, M. le Président, je vous rappellerai aussi, le gouvernement voulait uniformiser le fonctionnement de la Commission. Bien là il arrive, hein? Là, il arrive... et si on n'avait pas voulu faire ça à l'époque, il n'a pas pu le faire, bien, il le fait maintenant. Alors, M. le Président, ça, c'est une autre raison, bien sûr, pour nous, de ne pas être d'accord avec ça.

Alors, qu'est-ce que le gouvernement, M. le Président, peut dire aujourd'hui et ce qu'il peut dire, ce que le ministre peut dire? Eh bien, c'est: J'ai compris ce que l'opposition est en train de faire ou de m'envoyer comme message. Je vais donc retirer ce projet pour l'instant et je vais aller en consultation, je vais aller faire le bilan, l'état des lieux, et, à ce moment-là, après ça, je reviendrai. Mais ça, on va voir par la suite; peut-être que le ministre va se raviser. Mais j'ai peu confiance en ce gouvernement pour se raviser. Il se bute constamment contre un mur, M. le Président, et il ne s'en rend pas compte. Et plus il se bute contre le mur, plus il rentre dedans. Il pense que c'est le mur qui va céder, et le mur, il ne cédera pas, M. le Président. Et c'est ça, son problème; c'est un gouvernement qui a peur de reculer, de faire un pas en arrière pour mieux avancer par la suite. C'est ce que pourtant les citoyens lui demandent. Ils ne demandent pas au gouvernement d'avancer, de bousculer, ils lui demandent d'agir d'une manière... en collégialité, d'agir en consultation, d'agir en cohérence des pensées et des habitudes de la population.

M. le Président, je me rappelle, moi, ce débat, en 1995, et le projet de loi n° 79, justement, le projet original. C'est un débat qui fut certes assez houleux, et j'aurais pensé que ça aurait pu, pour le ministre, être quelque chose d'instructif ou d'édifiant, avant de revenir avec ce projet.

M. le Président, bien sûr, il nous dit aussi: On ajoute des nouvelles responsabilités à la Commission. Oui, c'est correct, ça! Mais il n'amène pas de nouveaux crédits, il n'amène pas de nouvelles ressources financières. Et c'est là qu'on voit que le chat sort du sac: on coupe deux commissaires ? hein? ? puis on donne plus de responsabilités aux autres. Alors, surcharge de travail pour les autres, nivellement des responsabilités jeunesse et protection des droits de la personne, puis pas d'argent.

Qu'est-ce que vous pensez que ça va donner? Pensez-vous qu'ils vont atteindre l'objectif qu'ils ont, l'objectif qu'on leur fixe dans la loi? Moi, M. le Président, j'ai des sérieux doutes, parce que ce n'est pas en réduisant les effectifs, ce n'est pas en coupant ou en banalisant, en normalisant les responsabilités entre les droits de la personne et les droits de la jeunesse et en n'augmentant pas ou en ne donnant pas plus de budgets et de ressources financières qu'on va atteindre l'objectif, M. le Président.

Alors, il y a un autre problème, aussi. Qu'est-ce qu'on retrouve... Il y a une loi, à l'Assemblée nationale... Et pourquoi y a-t-il une loi, d'ailleurs? Il ne devrait pas y en avoir pour ça, ça devrait être de nature, ça devrait se faire naturellement. Il y a une loi, et heureusement qu'elle est là ? même si, d'après moi, ça ne devrait pas avoir besoin d'une loi pour faire ça ? qui vise à ce que, aussi, on tienne compte des communautés culturelles. Et certain que ma collègue la députée de La Pinière va nous en parler tout à l'heure; c'est une chose qui lui tient à coeur et de laquelle elle m'a instruit pendant que nous discutions en comité de ce projet de loi là.

On aurait pu, dans ce projet de loi là aussi, M. le Président, aussi, après avoir eu une consultation, faire en sorte que, dans cette Commission de la protection des droits de la personne et de la jeunesse, il y ait des représentants des communautés culturelles. M. le Président, nous avons, particulièrement la Grande région de Montréal mais aussi un peu éparpillé dans quelques autres centres urbains du Québec, un grand nombre de gens qui viennent de pays... de l'extérieur, avec des cultures, des habitudes, des manières de vie, des façons d'agir qui sont différentes de celles traditionnellement connues ou véhiculées ou vécues par la société québécoise d'accueil.

n(15 h 40)n

Vous en convenez vous-même, M. le Président, vous avez une circonscription où on retrouve une espèce de microcosme, à peu près, du monde. On retrouve chez vous des gens qui viennent d'à peu près tous les pays: on en retrouve de Chine, on en retrouve du Viêt-nam, on en retrouve d'Haïti, on en retrouve de Jamaïque, on en retrouve du Pakistan, on en retrouve du Kosovo, on en retrouve bien sûr, M. le Président, de notre grande cousine aînée, l'Italie, mais ça, c'est... de la Sicile, mais, M. le Président, il y en a de tous les pays.

Et vous le savez comme moi, vous le savez, mais ils ne le savent pas en face, parce qu'ils ne sont pas à Montréal, ils n'y vont jamais, ils n'y mettent jamais les pieds. Ils ont peur d'y aller ou, je ne sais trop pour quelle raison, ils pensent que le centre du monde, c'est ici. M. le Président, et vous le savez, ces gens-là n'ont pas les mêmes valeurs d'origine que nous, et, avant qu'ils s'intègrent à notre société et que, nous, nous faisions un bout aussi avec eux, eh bien, M. le Président, ça crée des situations particulières.

Et là une Commission comme celle dont nous parlons, de la protection des droits de la personne, de la protection des droits de la jeunesse, se devrait, doit avoir absolument en son sein, parmi ses commissaires, des représentants de cette communauté pour être capable de rendre des services, de défendre les droits de ces citoyens-là qui n'abordent pas les choses ou les problèmes de la société de la même façon que, nous, nous les abordons. Mais ce n'est pas en en coupant deux qu'on va le faire.

Non seulement il n'y a aucune disposition dans le projet de loi qui prévoit ça, mais on coupe deux commissaires. J'en reste bouche bée, M. le Président. Alors qu'on nous tient des discours en face sur l'intégration, sur l'ouverture... Quelle ouverture? Elle est où, l'ouverture? Ce n'est même pas le trou de la serrure, M. le Président, l'ouverture. L'ouverture, elle est inexistante. C'est des paroles, des belles paroles. Uniquement des paroles. C'est lénifiant, M. le Président. On veut endormir les gens avec des paroles. Mais, dans les actes, on ne passe pas à l'action. Au contraire, on passe des projets de loi qui vont à l'encontre de ce que l'on dit.

On ne peut pas être pour ça, nous, M. le Président. Moi, je ne pourrais pas voter pour ça. Mes collègues non plus ne peuvent pas voter pour ça. Et je suis certain que quelques députés qui écoutent ce discours en face doivent aussi à la lumière, à l'écoute de certains des propos que je tiens ? je ne leur demande pas de tous les partager, je peux comprendre ? mais particulièrement celui-là, doivent aussi, eux, se poser un certain nombre de questions quant à la réelle représentativité des commissaires à cette Commission et à la réelle capacité d'accomplir le rôle qui leur est dévolu, M. le Président, particulièrement dans les communautés culturelles.

Alors, M. le Président, quelque chose aussi... quelqu'un à qui je parlais en consultation sur ce projet de loi là me disait: Vous savez, M. Gobé, le gouvernement agit un peu, en fusionnant la Commission des droits de la personne et la Commission de la jeunesse, comme s'il décidait de fusionner ensemble les tribunaux pour adultes et les tribunaux de la jeunesse en disant: Après tout, les juges seront maintenant polyvalents, donc les juges pourront juger indifféremment un jeune homme, une jeune fille, bien sûr, un jeune mineur et une personne adulte.

Quant à y aller dans la rationalisation, pourquoi ne pas la pousser à l'extrême? Pourquoi on a jugé bon d'avoir un Tribunal de la jeunesse au Québec avec des juges du Tribunal de la jeunesse qui sont des experts qui sont formés pour ça? C'est parce que l'approche n'est pas la même, le comportement n'est pas le même, le degré, pas de délinquance, mais d'illégalité ou les actions de ces jeunes ne demandent pas le même traitement, la même approche que celui des adultes. Hein? C'est ça, M. le Président. L'intervention n'est pas la même non plus; elle ne doit pas être la même. Et c'est pour ça qu'on n'a pas fait un seul tribunal et qu'on a fait deux tribunaux, le tribunal pour les adultes, le tribunal pour les citoyens qui sont majeurs et le Tribunal de la jeunesse avec des spécialistes pour la jeunesse.

Eh bien, là, on va à l'encontre. On va à l'encontre de ça dans la protection des droits de la jeunesse. Et je dis bien: C'est un peu ? je ne veux pas quand même exagérer ? mais c'est un peu comme si on fusionnait ces deux institutions ensemble. Et ça, M. le Président, eh bien, nous ne pouvons pas l'accepter.

Alors, M. le Président, je pourrais parler certainement encore longuement sur ce projet de loi là, parler de toute la discrimination dont font preuve les jeunes, parler du manque de budget, du manque de moyens qu'a la Commission, parler du manque d'actions qui sont prises par le gouvernement pour favoriser les jeunes, que ce soit en emploi, que ce soit, M. le Président, dans leurs études, soit les jeunes dans la rue. Notre collègue la députée de Mercier nous parlait hier de ces jeunes qui sont pris et prises avec des problèmes de toxicomanie, avec des problèmes d'itinérance, avec des problèmes mentaux pour certains ou de déséquilibre un petit peu, qui sont hors de leur famille, qui sont sans ressources, qui sont la proie de toutes les violences, de toutes les dérives, qui sont la proie, M. le Président, de la prostitution, la proie des maladies, hein, qui dorment dans la rue, dans le froid, et qui sont honteusement bien souvent exploités, hein, par des gens qui profitent de leur misère. Ça, on devrait parler de ça aussi, M. le Président. Notre collègue le faisait très bien ressortir hier, et je ne suis pas sûr si, en face, on est bien conscient de ça, surtout quand j'ai vu les réponses qu'on lui a faites hier. Et pourtant, M. le Président, ça a à voir. On parle de la protection de la jeunesse dans ce projet de loi là. Mais non, le ministre arrive... Il nous le disait: J'ai pris quelques notes. On arrive: alléger le travail administratif, une meilleure efficacité technique. M. le Président, ces gens-là ont un langage technocratique, administratif, coupé de la réalité de la population, déconnecté des vraies préoccupations des citoyens, de la misère dans laquelle ils vivent. C'est ça. Ce projet de loi est un exemple typique, M. le Président.

Quand on propose une loi, ce n'est pas juste pour faire de l'administration, c'est parce qu'on gère des citoyens, on gère des vies, on gère de la peine, on gère de la misère, on gère de la joie aussi puis on gère de l'espoir pour les citoyens et les citoyennes. Ce n'est pas juste du technique. Ce n'est pas juste gérer des fonctionnaires, être au gouvernement, c'est s'occuper du monde, amener des lois, ou amener des règlements, ou faire des changements dans la société pour que les gens s'y retrouvent, pour leur donner des chances. Je ne trouve pas ça là-dedans, M. le Président. On n'en parle pas. Pas un mot.

Ah, le ministre s'est dépêché rapidement de lire son texte et puis pensant dire: Bien voilà, je m'en débarrasse. Peut-être a-t-il eu une commande de ses fonctionnaires. Mais est-il vraiment le ministre? Est-ce que la protection de la jeunesse lui tient à coeur? Il ne l'a pas démontré. Mais, nous, elle nous tient à coeur, au Parti libéral, elle nous tient à coeur comme la députée de Mercier le disait hier. Moi-même, dans Rivière-des-Prairies, M. le Président, vous le savez, cet organisme, l'Équipe RDP ? et je vois le ministre qui est présent ? qui connaît des difficultés importantes actuellement, eh bien, est-ce qu'on ne devrait pas s'attacher à trouver des solutions à ces problématiques-là? Est-ce qu'on ne devrait pas avoir une attention particulière? Moi, je crois que oui, M. le Président. Non seulement je crois que oui, mais je dis: Oui, nous devons faire ça. Oui, M. le Président, ce doit être notre préoccupation, retrouver le sens d'hommes et de femmes en cette Chambre qui s'occupent vraiment de leurs concitoyens et non pas d'hommes et de femmes en cette Chambre qui paradent avec des voitures ou qui se promènent avec des attachés autour d'eux, toujours plus vite, d'une caméra à l'autre, d'une voiture à l'autre, d'une réunion à l'autre, d'un cocktail à l'autre. Ce n'est pas ça, le rôle d'un ministre, M. le Président, c'est de s'occuper de son monde, s'occuper de ses gens.

Et d'ailleurs, avant d'être ministre, ne l'oublions pas, il faut être député. Puis, lorsqu'on fait des campagnes électorales ? et vous en avez fait plusieurs, vous en avez fait cinq, j'en ai fait quatre ? on fait du porte-à-porte. On va voir les gens puis on dit: Élisez-moi parce que je vais travailler pour toi, je vais travailler pour les jeunes, tel problème, je vais m'en occuper. Il y a des problèmes micros, mais il y a aussi des problèmes macros. Les gens ne s'attendent pas seulement à ce qu'on règle leurs petits problèmes à la base chez eux, mais aussi à ce qu'on prenne des dispositions et des positions qui vont faire en sorte que les problèmes ne surgissent pas ou que ça règle les problèmes, ou que ça tende à régler ou à améliorer les problèmes, en tout cas, d'ensemble que la société connaît.

Alors donc, on est député puis on dit: Oui, oui, inquiétez-vous pas, votez pour moi, là, puis je vais le faire. Puis, lorsqu'on arrive en cette Chambre, on se retrouve avec un chauffeur, un garde du corps et des cartons de ministre, avec des jeunes attachés politiques, eh bien, M. le Président, et deux, trois cellulaires qui sonnent tout le temps, eh bien, très rapidement on se rend compte qu'un certain nombre d'entre eux ? pas tous, c'est vrai ? un certain nombre d'entre eux ou d'entre elles oublient le serment ou l'engagement qu'ils avaient pris envers leurs électeurs pour se faire élire.

Mais il y en a qui s'en occupent, M. le Président, en Chambre. Il y en a qui le font, et des deux côtés. Eh bien, ceux-là, ils restent généralement parce que les citoyens ont confiance en eux parce qu'ils accomplissent leur mandat. Ah, certes, peut-être ne plaisent-ils pas toujours à la haute administration parce qu'ils bouleversent des choses, ils dérangent, mais, s'ils le font, M. le Président, c'est parce qu'ils croient que leur devoir avant tout est de s'occuper des citoyens et s'occuper des gens.

Or, M. le Président, dans ce projet de loi là, je ne retrouve pas ça, je ne vois pas ça. Notre aile parlementaire n'a pas retrouvé ça non plus, et, pour nous, c'est quelque chose de très important. Et, pour toutes ces raisons que j'ai énumérées depuis maintenant, M. le Président, une demi-heure, eh bien, je vous indique que nous allons voter contre ce projet de loi là dès la première lecture et que, bien sûr, mes collègues vont intervenir maintenant pour faire valoir d'autres points et d'autres dimensions de ce projet de loi là, qui vont justifier encore plus la décision que nous avons prise collégialement de nous opposer à ce projet de loi là que nous ne considérons pas dans le meilleur intérêt de la protection de la jeunesse, en particulier. Merci, M. le Président.

n(15 h 50)n

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de LaFontaine, de votre intervention. Nous poursuivons l'étude du projet de loi quant à son adoption de principe, le projet de loi n° 92, Loi concernant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, et je cède la parole à la porte-parole de l'opposition en matière d'habitation et de l'autoroute de l'information et députée de La Pinière. Mme la députée de La Pinière, la parole est à vous.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. À ce moment-ci, M. le Président, je devais être avec la présidente de l'Assemblée nationale dans une activité qui se passe ici même, dans l'enceinte du parlement, et, lorsque je vais la voir, elle va me reprocher bien amicalement de lui avoir fait défaut. Mais, si je suis ici, M. le Président, et je préférais être là, c'est parce que le projet de loi n° 92 est un projet de loi qui me tient à coeur parce qu'il touche une institution qui est au coeur de la vie démocratique du Québec.

Le projet de loi n° 92, Loi concernant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je voudrais d'abord commencer en saluant tous les artisans de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. J'ai eu l'occasion, M. le Président, dans une vie antérieure, avant que je ne sois impliquée en politique, de travailler avec la Commission des droits de la personne. À l'époque, il n'y avait pas encore eu la fusion entre la mission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Et j'ai connu dans cette Commission des gens de grande valeur, des expertises, M. le Président, hors pair à tous les niveaux: au niveau de la présidence, au niveau de la vice-présidence, au niveau des commissaires, au niveau des gestionnaires et au niveau du personnel. Et, aujourd'hui, je tiens à leur rendre hommage et à les saluer, à l'occasion de l'étude de ce projet de loi n° 92.

M. le Président, en 1995, nous avons eu un projet de loi qui fusionnait finalement la Commission des droits de la personne avec la Commission des droits de la jeunesse, et, à l'intérieur d'un même toit, on a reconduit les deux missions dans une même institution. C'était une décision purement bureaucratique, on se rappellera, parce que c'était dans la foulée du fameux déficit zéro. Et le gouvernement, à l'époque, voulait faire des économies de bouts de chandelle, et on a décidé d'imposer cette fusion, M. le Président.

Nous avons amené des arguments à ce moment-là, en 1995, et nous avons convaincu... nous avons tenté de convaincre plutôt le gouvernement du bien-fondé de notre position. Mais le projet de loi, par la force de la majorité, a été adopté, et on s'est ramassé avec une Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Fusion qui s'est faite sur le plan purement administratif, elle s'est faite également au niveau du personnel des deux commissions, et, aujourd'hui, on nous amène une autre dimension d'une fusion, d'une certaine manière, parce que c'est une fusion de compétences, au lieu d'être une fusion bureaucratique en tant que telle.

Alors, le projet de loi n° 92, M. le Président, déjà, en 1995, je tiens à le rappeler, le législateur, malgré qu'on ait imposé la fusion des deux organismes, avait jugé opportun, voire même nécessaire, afin de préserver les structures des deux organismes ? la Commission des droits de la personne et la Commission des droits de la jeunesse ? de préciser la provenance des membres de la nouvelle Commission, à savoir: la Charte des droits, pour ceux qui viennent de la mission de la Commission des droits de la personne, et les droits de la jeunesse, pour ce qui est de la protection de la jeunesse.

Cette décision se traduisait par la présence, au sein des commissaires, de sept commissaires issus de la Charte qui ont une expertise marquée dans le domaine de la Charte des droits et sept commissaires qui ont une expertise dans le domaine des droits de la jeunesse. Et, essentiellement, cette juxtaposition de compétences visait à bien distinguer la gestion des problématiques qui sont soumises à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et qui sont de deux ordres, et deux ordres qui sont complètement différents.

Donc, la présence de sept commissaires de la Charte, sept commissaires de la jeunesse, cet équilibre parmi les commissaires garantissait un certain équilibre entre les deux missions de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Aujourd'hui, M. le Président, avec le projet de loi n° 92, on nous annonce que cet équilibre au sein de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse semble poser problème. Quel type de problème? Un problème de fonctionnement, car la prise de décision au sein de la Commission nécessite la double majorité pour avoir quorum. Sur les sept commissaires de la Charte, sept commissaires des droits de la jeunesse, ça en prend quatre pour la Charte et quatre pour les droits de la jeunesse pour procéder dans les décisions concernant les dossiers, concernant les problématiques à la fois relevant de la Charte et relevant de la protection de la jeunesse.

C'est, semble-t-il, pour régler ce problème de double majorité qui est exigée actuellement, et donc pour une question de fonctionnement interne, que le projet de loi a été déposé. On veut régler un problème de quorum, on veut régler un problème de double majorité, mais qu'en est-il des missions essentielles de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse? C'est ma préoccupation, M. le Président, et celle de mes collègues.

En substance, le projet de loi n° 92, qui est un projet de loi de six articles, le projet de loi, M. le Président, dans les notes explicatives ? je vous les lis, c'est très court: Ce projet de loi modifie la Charte des droits et libertés de la personne et la Loi sur la protection de la jeunesse concernant le fonctionnement de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. À cette fin, le projet accorde notamment la même compétence à tous les membres de la Commission dans l'exercice de leurs fonctions et modifie aussi la période couverte par le rapport annuel de la Commission de même que les conditions de publication et de diffusion de ce rapport. Alors, essentiellement, c'est ça que dit le projet de loi n° 92 qui est devant nous.

Bon. Pour ce qui est de la diminution du nombre des commissaires, le projet de loi n° 92 réduit le nombre de 15 à 13. Je me suis posé la question: Pourquoi cette réduction? Est-ce pour alléger la bureaucratie? Si la Commission se plaint qu'elle a moins de ressources, pourquoi couper deux commissaires qui pourraient l'aider dans le fonctionnement justement et dans la façon de procéder dans l'étude des dossiers? D'autant plus qu'un commissaire coûterait entre 4 000 et 5 000 $, M. le Président, ce n'est pas la mer à boire.

Mais le fond du dossier, pour moi, M. le Président, ce pourquoi je prends la parole aujourd'hui, c'est en ce qui a trait à toute la question, là, que le projet de loi accorde la même compétence à tous les membres de la Commission dans l'exercice de leurs fonctions. En clair, le projet de loi aura pour conséquences d'avoir des commissaires polyvalents qui arbitreront tous les dossiers. Quelle qu'en soit la nature, que ce soient des dossiers qui relèvent de la Charte ou des dossiers qui relèvent des droits de la jeunesse, ça va être les mêmes commissaires qui vont les arbitrer, qui vont en décider.

n(16 heures)n

M. le Président, la Charte des droits et libertés de la personne nécessite une compétence très pointue; elle nécessite une connaissance approfondie des motifs de la discrimination, laquelle discrimination affecte les citoyens dans leur ensemble, mais elle affecte plus particulièrement les groupes désignés. Les groupes désignés, qui sont-ils? Il y a les femmes qui sont victimes de discrimination, il y a les communautés culturelles et les minorités visibles qui font l'objet de discrimination, il y a les autochtones qui font l'objet de discrimination et les personnes handicapées. Donc, un commissaire qui proviendrait de la culture de la Charte des droits, c'est quelqu'un qui non seulement connaît le droit, les droits de la personne, mais qui a une sensibilité toute particulière pour les différentes clientèles visées par la Charte.

M. le Président, l'interprétation de la Charte des droits nécessite une largeur d'esprit. Elle nécessite une largeur d'esprit. Elle nécessite également une sensibilité à l'égard des groupes désignés qui font l'objet de la discrimination et aussi une connaissance de tous les motifs, tous les motifs de discrimination qui sont énoncés dans la Charte. Or, si on choisit les commissaires en fonction du critère de la polyvalence et non pas en fonction de la juxtaposition des compétences et en fonction de leur expertise pointue dans l'un ou l'autre des mandats qui sont confiés à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, à savoir cette Commission pour la Charte, cette Commission pour les droits de la jeunesse, il y a fort à craindre, M. le Président, il y a fort à craindre que la Commission ne puisse assumer adéquatement et équitablement et l'une et l'autre de ses deux missions, et ça, pour moi, c'est très, très préoccupant.

On l'a vu dans la fusion ? je dirais, forcée, parce que c'est le gouvernement qui l'a imposée ? de la Commission des droits de la personne et de la Commission des droits de la jeunesse, qui en a fait une seule institution, on a vu ça. Mais la conséquence de cette fusion, c'est que, M. le Président, la Commission des droits de la personne, au lieu d'avoir des mandats beaucoup plus élargis ou au lieu d'avoir des ressources beaucoup plus grandes pour assumer ses responsabilités, eh bien, il n'en est rien. Au contraire, la Commission des droits de la personne a vu ses budgets coupés, ses ressources amoindries, et même plus que ça, M. le Président. Ce qui s'est passé, chose assez inusitée, depuis la création du ministère de l'Immigration et des Relations avec les citoyens, on a trouvé le moyen d'aller développer au sein du ministère, on a développé une unité sur les droits de la personne. Autrement dit, le gouvernement va être arbitre et partie. Et les ressources de la Commission des droits de la personne sont allées dans la bureaucratie du ministère des Relations avec les citoyens au lieu de les donner à la Commission des droits de la personne pour qu'elle fasse un travail correct et un travail efficace, M. le Président.

Et on sait, entre autres, que la Commission des droits de la personne a pour mission de faire de l'éducation, de la sensibilisation, aller dans les écoles, expliquer ce que c'est que la Charte aux jeunes pour en faire des citoyens accomplis dès leur jeune âge, M. le Président. Eh bien, des ressources ont été coupées à la Commission pour faire ce travail.

Je l'ai vu, M. le Président. La semaine dernière, j'ai posé une question au ministre responsable de l'Habitation: La Commission vient d'émettre un communiqué, un avis pour dire que ça urge, il y a beaucoup de discrimination à l'égard des familles avec enfants, à l'égard des minorités visibles et à l'égard des différentes clientèles par rapport au logement social. Qu'est-ce que le ministre m'a répondu? Bien, il m'a dit: La Commission maintenant, elle reçoit plus de plaintes. Donc, pour lui, quand la Commission est débordée par les plaintes, il est content, le ministre. Ça ne règle pas la discrimination, ça, mais le ministre est content. La Commission des droits de la personne accumule des plaintes. A-t-elle les ressources pour faire efficacement son travail, aller à la source de la discrimination, éduquer la population, informer les propriétaires sur les phénomènes de la discrimination? Eh bien, ça, M. le Président, ça reste à voir, ça reste à faire.

M. le Président, cette préoccupation de compétence polyvalente, moi, ça m'inquiète beaucoup. Si on choisit les commissaires en fonction du critère de la polyvalence, M. le Président, ça va poser un certain nombre de problèmes. On peut imaginer des situations où le droit à l'égalité, qui est un principe fondamental dans la Charte des droits, puisse être en conflit avec la protection de la jeunesse, M. le Président. Ça peut arriver, ça. La preuve, la preuve, c'est que, lorsque, dans une famille, un jeune a des problèmes, bien, il a des problèmes avec des adultes, hein, il a des problèmes avec des adultes. Dans le cas où la Commission maintient l'équilibre entre sept commissaires de la Charte et sept commissaires des droits de la jeunesse, chacun des commissaires pourra, autour de la table, faire valoir son point de vue, faire valoir son expertise. Il pourra faire valoir les arguments qui plaident en faveur de la Charte ou autrement.

Dans le domaine, par exemple, des pratiques culturelles, est-ce qu'un commissaire des droits de la jeunesse est équipé pour comprendre toutes les sensibilités et toutes les nuances? Est-ce qu'un commissaire qui est préoccupé par la protection de la jeunesse ne sera pas tenté, pour protéger un jeune, par exemple, de le soustraire à sa famille ou de considérer qu'il faut le soustraire à sa famille quand la solution réside peut-être dans la compréhension du milieu familial, de la culture dans laquelle évolue l'enfant et de dire que peut-être, si on place cet enfant-là qui est d'une culture différente dans une autre famille, peut-être qu'on est en train d'hypothéquer son avenir, qu'on aggrave sa situation, que la solution résiderait peut-être à aider la famille à assumer le rôle parental. C'est ça, toutes les nuances, M. le Président, qu'il faut garder à l'esprit.

M. le Président, si on enlève cette exigence d'avoir des juxtapositions de compétences entre les commissaires de la Charte et les commissaires des droits de la jeunesse, on va avoir de nouveaux types de problèmes. On va régler peut-être le problème administratif, mais ça ne réglera pas les autres problèmes. Au contraire. ça va créer d'autres problèmes.

On peut également imaginer des situations, M. le Président, où les commissaires dits polyvalents pourraient établir un ordre de priorités pour la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en penchant pour l'une ou l'autre des deux missions selon l'expertise qu'ils ont, selon la compétence qu'ils ont, selon la sensibilité qu'ils ont. Et, dans le contexte actuel de raréfication des ressources, et, on le sait, la Commission des droits de la personne est venue à quelques reprises en commission parlementaire réclamer plus de crédits, M. le Président, dans un contexte comme celui-là, il y a fort à craindre que les commissaires dits polyvalents, à défaut d'équilibre entre la Charte et les droits de la jeunesse, ne soient contraints de privilégier une mission au détriment d'une autre, parce que c'est les commissaires qui décident de l'allocation des ressources de la Commission, M. le Président.

Vous me faites signe que le temps court. M. le Président, il ne s'agit pas ici de mettre en doute la compétence ni l'expertise des commissaires. Au contraire, il s'agit de s'assurer que l'équilibre est maintenu entre les commissaires des droits de la personne et les commissaires de la jeunesse.

Imaginons la situation où un commissaire, M. le Président, qui ferait à la fois la Charte et le protection de la jeunesse, qui soit un commissaire expert uniquement, mettons, en droit de la jeunesse ? je prends cet exemple ? donc il est culturellement influencé et conditionné par sa formation, par son expertise, par son expérience de travail, et tout cela dans un cas problématique impliquant, par exemple, un jeune enfant, eh bien, cela va l'amener à penser d'abord et avant tout à la protection de l'enfant. Et c'est normal venant d'un commissaire de la jeunesse. Comment réagit-il, par exemple, ce commissaire face à des parents homosexuels qui ont des difficultés avec leur enfant adoptif? Comment le même commissaire supposément polyvalent arbitrerait-il entre la Charte, qui commande quand même le droit à l'égalité pour des parents homosexuels qui doivent être traités comme les autres parents, et les droits de la jeunesse? C'est toutes ces nuances-là, M. le Président, qu'il faut faire. Quelles sont les valeurs qui vont prévaloir dans toutes les situations qui vont se présenter, celles de la Charte ou celles des droits de la jeunesse?

n(16 h 10)n

C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que nous sommes disposés à voter contre le projet de loi n° 92 à cette étape-ci. Nous réclamons une consultation. Et, à l'éclairage, M. le Président, on avisera. Mais, tel que formulé, il y a plus de craintes que de solutions qui sont apportées par le projet de loi n° 92. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière, de votre intervention. Nous poursuivons les débats. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 92, Loi concernant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Et je cède la parole au président de la commission de l'administration publique et député de Jacques-Cartier. M. le député, la parole est à vous.

M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: À l'entrée de jeu, je pense, étant donné l'importance du sujet, qui est la protection de la jeunesse et les droits de la personne, j'insiste à avoir le quorum dans la Chambre.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à votre demande, M. le député, qu'on appelle les députés.

n(16 h 11 ? 16 h 13)n

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 92, Loi concernant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Et je cède la parole à M. le président de la commission de l'administration publique et député de Jacques-Cartier. M. le député, la parole est à vous.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir dans le débat de principe sur le projet de loi n° 92, Loi concernant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Bill 92, An Act respecting the Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Souvent, M. le Président, c'est regrettable d'avoir une bonne mémoire. Et également, moi, j'ai une certaine réputation, je garde tous mes papiers. J'ai un bureau qui est dans un certain désordre. Mes collègues qui me connaissent un petit peu peuvent constater que ce n'est pas le papier qui manque dans mon bureau. Un système de classement qui est un petit peu différent, et tout le reste, mais, quand même, malgré le désespoir de ma secrétaire et les autres personnes qui m'aident dans mon travail, mon métier de député, c'est un système qui existe, qui est efficace, qui est performant, qui m'a permis de sortir le dossier sur le projet de loi 79, qui est une loi présentée il y a sept ans pour la fusion effectivement de la Commission des droits de la personne avec l'ancienne Commission pour la protection de la jeunesse. Et ça m'a permis de revisiter le débat que nous avons fait dans cette Chambre à ce moment.

Parce que, vous vous rappelez, M. le Président, c'était dans un contexte où on a pris deux commissions, deux institutions avec des mandats qui sont fort différents, et, pour des raisons administratives, parce qu'il n'y avait personne, il y a sept ans, qui a plaidé que la fusion de la Commission des droits de la personne et la fusion de la Commission de protection de la jeunesse vont améliorer la protection de nos jeunes, vont améliorer la protection de nos droits, mais, pour des raisons d'ordre administratif uniquement, on va sauver de l'argent, on va les mettre ensemble. À ce moment, les députés de ce côté de la Chambre se sont opposés au projet de loi 79 parce que nous avons trouvé ça vraiment un pas en arrière et vraiment, pour la question-clé... Parce que, dans tous les débats, la question-clé était de s'assurer qu'on ne peut pas noyer le volet protection de la jeunesse dans une plus grande commission pour la protection des droits de la personne. Les deux mandats sont très importants, je ne mets pas une priorité qu'un est plus important que l'autre, mais les craintes qui étaient exprimées à l'époque...

Moi, je pense qu'il y avait plusieurs commentaires dans les journaux. J'en ai trouvé un, c'est un ancien juge à la retraite, Marcel Trahan, qui a écrit dans La Presse il y a sept ans: «La démonstration n'a pas encore été faite qu'il y a lieu de modifier l'organisation actuelle des services de protection de la jeunesse. En tout état de cause, une chose est certaine, pas plus aujourd'hui qu'hier les enfants et les adolescents ne sont susceptibles de faire valoir eux-mêmes leurs intérêts et leurs droits face aux puissantes bureaucraties chargées de leur octroyer des services. Faire disparaître la CPDJ ? la Commission de protection de la jeunesse ? c'est priver des enfants et des adolescents d'une voix qui leur est propre.»«Une voix qui leur est propre». Et je pense que c'est très important.

On peut voir également le Protecteur du citoyen de l'époque, M. Jacoby, qui a dit: «...en vue d'équilibrer davantage les deux missions, de recomposer de manière plus réaliste la proportion de membres du conseil d'administration, pour mieux garantir le maintien de la mission protection de la jeunesse.» Alors, également, dans la déclaration que M. Jacoby a faite il y a sept ans, il a dit que c'est très important de conserver le volet protection de la jeunesse.

Et j'ai trouvé même les transcripts de la Chambre il y a sept ans. Et notre porte-parole était le regretté député de Beauce-Sud, Paul-Eugène Quirion, qui malheureusement... Son passage ici a été très court à cause d'une maladie. Mais c'était M. Quirion, à l'époque, qui a plaidé avec beaucoup d'éloquence l'importance de conserver la mission protection de la jeunesse et vraiment de ne pas noyer ça dans une commission qui a sa responsabilité. Je ne dis pas que la protection des droits de la personne est moins importante, loin de ça, M. le Président, mais c'est distinct et différent.

Mais encore plus courageux à l'époque, ce n'étaient pas uniquement les députés de l'opposition qui ont soulevé ces questions, mais j'ai trouvé un discours qui était fort intéressant, livré en cette Chambre par le député de Borduas avant qu'il ait été nommé président et actuel ministre responsable pour les Affaires intercanadiennes. Mais le député de Borduas, à l'époque, a donné un discours magistral, à quel point c'était important de conserver dans un volet distinct le rôle protection de la jeunesse. Et, quelle ironie, le député de Borduas, qui dit dans son discours, il y a sept ans... Il était mandaté. Il ne parle pas uniquement pour lui-même mais pour deux de ses collègues aussi. La première, c'était la députée de Sherbrooke de l'époque, l'actuelle vice-présidente du Parti québécois, Marie Malavoy. Mais le deuxième, quelle ironie, était le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, qui est aujourd'hui auteur du projet de loi. Mais le discours que le député de Borduas a livré il y a sept ans en son nom a dit à quel point c'est important de garder le volet distinct pour la protection de la jeunesse.

Alors, je vais citer quelques passages parce que, le député de Borduas, ce n'est pas quelqu'un qui est arrivé dans le dossier comme ça, c'est vraiment quelqu'un qui a regardé ça il y a 20 ans. Parce que ce n'est pas un nouveau débat, M. le Président. Vingt ans, c'est presque l'ensemble de votre carrière comme parlementaire ici, dans cette Chambre. Et, il y a 20 ans, les parlementaires de l'époque, en 1982, ont jugé cette question assez importante, ils ont créé un comité parlementaire spécial pour regarder toute la question. À l'époque, c'était le Comité pour la protection de la jeunesse. Et ils sont revenus en disant que c'est très important, étant donné les enjeux pour les jeunes, étant donné l'importance de la protection de la jeunesse, étant donné que c'est vraiment une sphère où ce gouvernement nous a dit à maintes reprises que le Québec a développé une expertise, que c'est très important d'avoir un comité dédié spécifiquement à toute la question de la protection de la jeunesse. Et ça prend un certain courage. Le député de Borduas, il y a sept ans, n'était pas encore nommé ministre, il n'était pas à la présidence de l'Assemblée nationale, alors c'était un député qui attendait. Mais il a pris la peine de critiquer son propre ministre de la Justice ? il faut le faire ? et de dire que c'est vraiment très important. Alors, je cite quelques passages parce que c'est un discours fort intéressant qu'il a livré ici, dans cette Chambre, le 18 mai 1995, presque sept ans jour pour jour, M. le Président.

n(16 h 20)n

Donc, pour la nouvelle Commission, la fusion qui a été créée, «deux lois à appliquer, deux approches, deux clientèles différentes, des rythmes différents et des façons de faire différentes. Le défi, et c'est là que la question se pose au ministre de la Justice, et on n'a pas la réponse actuellement, et c'est notre profonde inquiétude, en ce qui nous concerne[...]: Est-ce qu'on est capable de respecter deux principes fondamentaux qui nous tiennent à coeur à cet égard-là, c'est-à-dire» de respecter «l'étanchéité des deux mandats différents dont je viens de parler, et le respect, aussi, de l'équilibre dans l'exécution des deux mandats-là et, d'une certaine façon, dans la capacité de prioriser les dossiers de protection de la jeunesse et d'urgence qu'ils supposent?» Alors, ça, c'est le député de Borduas, il y a sept ans, qui a posé le problème: c'est deux mandats, c'est deux choses qui sont très différentes.

Plus loin dans ce discours livré il y a sept ans, M. le Président, il propose une solution. Et je vais citer un autre long passage parce que je pense que c'est très important, qui va expliquer un petit peu le consensus ou le compromis qu'on a mis dans le projet de loi 79 il y a sept ans. «On a dit au ministre de la Justice, dans les discussions que nous avons eues ces derniers jours avec lui ? j'imagine, dans un caucus ou quelque chose comme ça: Il y a peut-être un modèle qui pourrait nous inspirer, c'est le modèle de la structure de la Cour du Québec. Si on organise, si on est capable d'organiser une Cour du Québec avec un banc jeunesse distinct, un banc jeunesse qui est dirigé par un juge en chef adjoint qui dirige d'une façon autonome le banc de la Cour du Québec, le banc jeunesse, nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait pas avoir, au sein d'une commission des droits qui s'occupe à la fois de l'application de la Charte des droits et libertés de la personne et la Loi sur la protection de la jeunesse...» Nous ne voyons pas pourquoi il ne serait pas possible d'avoir «cette capacité d'avoir des commissaires qui siègent d'une façon spécialisée dans une ou l'autre des matières. Nous ne voulons pas qu'il y ait transfert constant entre des commissaires qui ne développent pas et qui n'ont pas développé dans leur carrière une expertise particulière et particulièrement fine et pointue à l'égard des droits et des intérêts des enfants.» Député de Borduas, il y a sept ans, M. le Président, un discours, je pense, qui demeure de l'actualité.

Alors, qu'est-ce qui s'est passé? Nous sommes allés en commission parlementaire pour regarder le projet de loi 79. De notre côté de la Chambre, on est demeurés opposés à la fusion. Le compromis que, entre autres, le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue et l'ancienne députée de Sherbrooke, Mme Malavoy, ont réussi de faire, c'est d'avoir sept commissaires voués à la défense des intérêts des enfants et sept commissaires voués à la protection des droits de la personne parce que c'est deux mondes différents, c'est deux enjeux différents. Et, malgré le fait que l'opposition officielle était toujours réfractaire à l'idée, au moins, il y avait cette rassurance pour les membres de l'Assemblée des deux côtés de la Chambre que, oui, effectivement, on a mis en place certaines protections pour le volet enfant. Parce que nous avons convenu, comme parlementaires, que, ça, c'est un modèle québécois, que, quand ça fait l'affaire de ce gouvernement de se vanter auprès d'Ottawa qu'on a un système ici qui marche bien, il va le faire, mais, dans leurs gestes, dans leurs propres domaines ? c'est bien beau de toujours critiquer Ottawa, ils sont les maîtres pour le faire, M. le Président ? mais, dans leurs domaines à eux, dans les choses qu'ils sont en train de faire, ils ont aboli une commission distincte en disant: On va les protéger comme il faut, tous les volets, on va avoir sept commissaires qui vont être issus de ce modèle québécois, qui sont issus de ce réseau de protection de la jeunesse où nous avons un savoir-faire qui est très intéressant et qu'il faut le protéger. Ça, c'est le discours de 1995. Sept ans après, c'est: Ah! oublie tout ça, le nouveau mode, c'est la polyvalence. Ça veut dire quoi, M. le Président, polyvalence?

Moi, je pense que c'est très important parce que les enjeux pour les enfants sont très différents. Notre collègue Mme la députée de La Pinière a parlé de certains des enjeux au niveau de la protection de la personne, mais les enjeux comme la discrimination, on ne peut pas régler ça dans quelques semaines ou dans quelques heures. Soit si c'est dans le domaine du logement, il y avait les enquêtes menées dans le passé dans l'industrie du taxi, que je sais qui est une industrie que vous connaissez bien, M. le Président, où il y avait des questions de discrimination aussi. Mais, malheureusement, ce sont des genres d'enjeux qui sont à long terme. Il faut vraiment travailler pour trouver les solutions à long terme dans ces enjeux.

Mais, pour la protection de la jeunesse, c'est une famille en crise, c'est une famille en difficulté, c'est un jeune, et la sécurité de sa personne est menacée, il faut agir rapidement. C'est une façon de faire, c'est un mandat qui est complètement différent. C'est un enjeu qui est très différent. Et, moi, je pense qu'on a tout intérêt de garder comme un des éléments-clés dans ce réseau, dans ce modèle, dans cet enjeu, que nous avons dit avec une certaine fierté que nous avons développé au Québec, d'avoir les commissaires qui sont voués à la protection de la jeunesse au sein de la Commission fusionnée il y a sept ans.

Alors, quand j'ai vu 92 arriver aujourd'hui, j'ai... Comment ça se fait? C'est quoi, le problème? Nous avons agi, il y a sept ans, parce qu'il y avait une urgence budgétaire, mais, je dis, aujourd'hui, où la pression est moindre, c'est quoi, le raisonnement que le gouvernement peut nous offrir? Parce que la seule raison pour agir de cette manière: Est-ce qu'on va offrir une meilleure protection à nos jeunes? Parce que c'est ça, le coeur de la question: Est-ce que, dans la proposition qui est ici, la mission du ministre, qu'est-ce qu'il l'impatiente de faire adopter ce projet de loi le plus rapidement possible, c'est une meilleure protection de nos jeunes? Aussi, il peut présenter un argument comme ça, nous allons regarder ça avec beaucoup d'intérêt parce que la protection de nos jeunes, je pense que ça, c'est un enjeu qui interpelle les 125 membres de l'Assemblée nationale. Mais la raison pour le faire, c'est pour régler un problème de quorum. M. le Président, ce n'est pas sérieux.

Il doit y avoir une manière, un moyen technique. Si, au niveau du fonctionnement de la Commission, il y a un problème avec le quorum, on va s'asseoir et regarder ça. Mais ce n'est pas de mettre en péril le compromis qui était dans la loi 79, c'est-à-dire d'avoir une bonne protection des deux mandats distincts de la nouvelle commission de protection des droits de la personne et de protection de la jeunesse. De tout diluer ça, ça va aller à l'encontre de, comme j'ai dit, ce discours et l'analyse qui était supportée par au moins trois députés ministériels à l'époque, qui était supportée par l'opposition officielle à l'époque, pour dire que le vrai enjeu, dans une commission fusionnée, c'est la protection volet jeunes. Et je pense que, quand je regarde aujourd'hui 92, on remet en question l'ensemble de ce compromis qui était mis dans le projet de loi 79.

Si vous vous rappelez, M. le Président, le projet de loi 79, au départ, il y avait sept commissaires pour la protection des droits de la personne, quatre commissaires à la jeunesse. Et, grâce, j'imagine, entre autres, aux pressions faites par l'opposition officielle mais également des députés ministériels, comme le député de Borduas, comme le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, comme l'ancienne députée de Sherbrooke, nous avons réussi à créer un équilibre 7-7 pour préserver le volet jeunesse à l'intérieur des travaux de la Commission. Et, de remettre tout ça en question aujourd'hui pour les raisons les plus bureaucratiques du monde, c'est-à-dire qu'on a un problème de quorum, c'est un autre indice à quel point ce gouvernement est complètement détaché de la réalité. On adopte les lois ici pour améliorer les conditions de nos citoyens et, dans cette question, pour nos enfants. On ne présente pas les projets de loi pour régler les problèmes des fonctionnaires, des commissaires, et tout le reste, avec tout le respect que j'ai pour le monde qui travaille là-bas. Mais, s'il faut trouver un problème pour le quorum, il faut trouver une autre façon de l'attaquer.

n(16 h 30)n

In conclusion, Mr. Speaker, seven years ago, we debated the question about a forced merger of the Human Rights Commission and the Commission for the Protection of Youth in Québec. The Liberal Opposition, at the time, was very much opposed to the legislation because the mandates of the two commissions were very different. And the compromise that was reached in 1995, with the support of several Members from the other side of the House, who were Government Members who insisted that we have two distinct mandates, that we have seven commissioners devoted to the human rights protection, we have seven commissioners protecting the rights of children, that was the compromise that allowed the forced-merged Commission to go forward, seven years ago.

We come back today with legislation that would eliminate all of that. Commissioners would just be... will there be 13 commissioners? We will cut two commissioners back in a domain where there are already slow... the long delays sometimes in having decisions rendered, we are going to cut back on the number of commissioners. How that's going to make things go more smoothly, I don't know. And the fears that were expressed by the Member for Borduas, by the Member for Rouyn-Noranda?Témiscamingue, by the former Member for Sherbrooke, Mme Malavoy, who is now the vice-president of the Parti québécois, all of that is forgotten today. And we're going to put all of this together, and I think we are taking a step backward in the protection of our youngest and most vulnerable people in our society.

So, I think... I urge the Government, I urge the Minister to go back and read the speech that his colleague gave in his name, because it's quite clearly said in the speech from the Member for Borduas that he's speaking in the name for the Member for Rouyn-Noranda?Témiscamingue, seven years ago, almost day-to-day in this House, Mr. Speaker, the speech that was delivered to say how important it was to protect a distinct role for the Commission.

Alors, comme j'ai dit d'entrée de jeu, M. le Président, parfois c'est une mauvaise chose d'avoir une mémoire parce que j'ai trouvé le discours du député de Borduas, j'ai trouvé ça impressionnant. Il avait raison il y a sept ans ? il a toujours raison aujourd'hui ? que les deux responsabilités de la Commission sont fort importantes, et je pense qu'il faut s'assurer une bonne protection à la fois pour le volet droits de la personne et pour la protection de la jeunesse. En faisant un mélange tel que proposé dans la loi n° 92, on fait un pas en arrière, et, moi, je vais joindre ma voix à celles de mes collègues et voter contre ce projet de loi. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Y a-t-il d'autres collègues qui veulent intervenir sur ce projet de loi? M. le ministre d'État à la Population, effectivement, vous avez un droit de réplique de cinq minutes après chaque intervention.

M. Trudel: ...M. le Président, que c'était... il n'y avait pas d'autre intervention du côté de l'opposition, je prendrai mon droit de réplique à la fin.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, M. le député de Nelligan et vice-président de la commission de l'administration publique. M. le député.

M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'espère que je peux changer l'opinion du ministre parce qu'il va répondre à l'opposition officielle, bientôt. Effectivement, j'ai fait ça l'an passé et j'espère, M. le Président, que je peux faire ça avec le projet de loi n° 92, Loi concernant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

J'ai écouté attentivement le discours du ministre et, comme nous avons passé beaucoup de commissions parlementaires ensemble, j'ai pensé qu'il va arriver, il arrivera avec une explication, M. le Président, pourquoi nous avons le projet de loi n° 92.

Sans entrer dans tous les détails du projet de loi n° 92, M. le Président, je peux dire qu'il y a une réduction des nombres des commissaires de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Et, aussi, nous sommes en train de briser, avec la loi n° 92, l'entente, le compromis que nous avons trouvés, il y a sept ans passés, M. le Président.

Mais d'abord, laissez-moi commencer avec une question: Pourquoi? Pourquoi nous avons le projet de loi? Est-ce que le ministre peut déposer qu'il n'y aucun délai, aucun problème d'avoir une enquête à la Commission? Quand un citoyen dépose une plainte, est-ce qu'il n'y a aucun délai d'attente? Est-ce qu'il peut commencer toutes les enquêtes tout de suite? Est-ce qu'il n'y a aucune liste d'attente? Est-ce qu'il n'y a aucun délai? Parce que, au moment où on parle, les 15 membres au total ? divisez sept et sept, M. le Président ? ils n'ont pas assez de travail?

Selon mon information, M. le Président, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse travaille très fort. Ils sont en train de faire beaucoup d'enquêtes, et ils ne cherchent pas le travail. Au contraire, ils ont de plus en plus de demandes, de plaintes, des questions de plus en plus difficiles. Nous, on sait qu'on doit rendre un jugement.

Avec ça, première chose, M. le Président: pourquoi on veut réduire le nombre de commissaires? Il me semble que nous avons... et il y a potentiellement un bon argument d'augmenter le nombre de commissaires. Je présume, avec le nombre des plaintes et les enquêtes que la Commission est en train d'étudier et rendre les décisions et les rapports, il me semble que, et ce n'est pas l'argument que j'avance aujourd'hui, mais on peut avoir un argument assez intéressant, c'est-à-dire que nous avons besoin plus de commissaires à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; mais, malheureusement, M. le Président, il y en a moins. Je comprends pourquoi il n'y a pas d'autres députés ministériels qui ont soulevé de défendre le projet de loi: parce que c'est non défendable. M. le Président. Il me semble qu'il n'y a aucune logique, au moment où on parle ? mai 2002 ? de réduire le nombre de commissaires de la Commission.

De plus, M. le Président, je suis fier que le Québec ait établi une stratégie pour la protection jeunesse unique. Et ça n'arrive pas souvent, les votes unanimes à l'Assemblée nationale. Mais vous savez, M. le Président, que, à quelques reprises, plusieurs reprises, nous avons eu un vote unanime, à l'Assemblée nationale, à l'égard de la protection jeunesse. Je ne fais pas un débat partisan avec ça, M. le Président. Ici, les 125 députés, les deux partis ont compris que, ici, au Québec, nous avons une stratégie différente. Pourquoi on arrive, à la fin de cette session, à la fin du régime de ce gouvernement, avec un projet de loi qui met en péril le compromis, l'entente, la décision d'il y a sept ans, qui dit: O.K. Nous allons fusionner les deux Commissions, malgré l'opposition officielle, mais... nous allons fusionner ça pour sauver de l'argent, mais nous allons protéger les deux volets, les deux missions des deux Commissions maintenant fusionnées, soit de droits de la personne et de droits de la jeunesse.

M. le Président, j'ai connu beaucoup les présidents de la Commission des droits de la jeunesse, et ils ont rendu un service extraordinaire pour la population québécoise, pour les jeunes certainement, les jeunes à risque, mais aussi pour toute la société québécoise. C'est pourquoi, M. le Président, c'était important pour moi... et j'ai trouvé ça, malgré mon opposition à la fusion, mais un compromis raisonnable, qu'on peut avoir, dans la même Commission: deux mandats, deux missions, deux expertises, deux centres d'excellence, un sur la question des droits, qui est fort complexe et fort importante, et aussi une question de droits de la jeunesse ? je connais plus la question des droits de la jeunesse.

Et, malheureusement, M. le Président, au moment qu'on parle, nous avons devant nous un projet de loi qui dit: Bon, nous allons fusionner tout ça. Pourquoi? Je suis étonné d'entendre les collègues qui disent que la raison en arrière de ce projet de loi, c'est un problème de quorum. J'espère qu'il y a les autres raisons pour ça, M. le Président. J'espère, parce qu'on n'arrive pas avec un changement substantiel, fondamental de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour une raison de problème de quorum. Il me semble qu'il y a d'autres choses administratives qu'on peut faire, parce que les deux missions sont fondamentales et primordiales pour notre société québécoise.

M. le Président, je présume que vous vous souviendrez du débat que nous avons ici, à Québec, quand Ottawa a décidé de changer la Loi des jeunes contrevenants. Unanimement, nous avons dit qu'il y a une approche différente ici, au Québec. Nous avons une autre perspective qui est différente que le reste des provinces, et nous sommes fiers de ça. Encore une fois, c'est un des temps que nous avons parlé avec une voix. Ils ont eu une coalition quasi unanime, M. le Président, partout au Québec, qui ont parlé d'une approche différente, une approche québécoise différente de tout le reste du pays.

Pourquoi, au moment qu'on parle, nous avons un projet de loi qui va mettre tout ça à côté, en guise qu'on cherche la polyvalence?

Nous avons les experts ? Charte des droits et droits de la personne; nous avons les experts québécois qui sont de plus en plus reconnus, qui ont la capacité de rendre des décisions très difficiles, très complexes. Mais on dit: Non, on ne veut pas ça, on veut fusionner tout ça. On veut briser l'entente et l'engagement solennel qui a été pris ici, à l'Assemblée nationale, il y a sept ans.

n(16 h 40)n

Il me semble, M. le Président, on doit retourner à la base, au début. On doit questionner: Est-ce que nous avons besoin d'un projet de loi tel que 92? C'est quoi, le problème? Si les problèmes sont administratifs, l'opposition officielle va offrir d'aider le ministre à trouver des solutions, et je suis convaincu que la Commission va travailler avec l'opposition et le côté ministériel. Si le gouvernement est sérieux, je pense qu'il va prendre l'opportunité maintenant de s'asseoir avec nous et travailler avec l'opposition officielle pour trouver une solution qui ne met pas en doute le mandat, les missions des deux côtés de la Commission, des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

M. le Président, aussi, j'ai mentionné que le nombre des commissaires, c'est assez important. Et je comprends mal pourquoi nous allons avoir une réduction du nombre de commissaires. Pourquoi? Est-ce qu'il n'y a pas assez de travail, comme j'ai mentionné? Mais aussi, plus de membres comme commissaires, on peut avoir plus de diversité, d'opinions, expertise. Mais, au moment où on parle, M. le Président, on voit que le gouvernement veut réduire le nombre des commissaires.

M. le Président, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a sorti à plusieurs reprises récemment, à cause de l'incompétence et négligence du gouvernement du Parti québécois, des rapports accablants sur les problèmes des services jeunesse. Je ne mets pas en doute beaucoup de bon travail des centres jeunesse et des travailleurs et travailleuses. Mais, à cause du sous-financement forcé par le gouvernement du Parti québécois, ils ont eu des problèmes.

Je peux souligner, M. le Président, plusieurs rapports, soit d'Abitibi, de Montérégie, les rapports que la Commission a déposés, et, récemment, ils en ont déposé d'autres. Je ne veux pas entrer dans les rapports aujourd'hui parce qu'il y a un autre endroit où on peut discuter de ça, mais j'ai voulu mentionner que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a créé une expertise assez importante pour les droits de la jeunesse. Je suis fier de ça.

Je présume que le gouvernement... j'espère que le gouvernement ne veut pas mettre tout ça de côté. Mais le gouvernement a plaidé la polyvalence. Moi, je plaide l'excellence. Moi, je plaide l'excellence. Je plaide avec toute sincérité que le gouvernement mette fin, arrête ce projet de loi et protège les deux mandats, pour la protection des droits de la personne et de la jeunesse. Je plaide avec toute sincérité.

Je ne mets pas en doute aussi le travail remarquable de l'autre volet, toutes les questions de protection des droits, M. le Président, droits de la personne. Mais je connais ça moins. J'ai travaillé plus avec le volet jeunesse. Et je présume, M. le Président, et j'ai lu quelques... les décisions de la Commission des droits de la personne, elles sont bien fondées, souvent très profondes et avec beaucoup d'analyse et beaucoup de nuances et de respect de toutes les questions soulevées dans la question des droits.

Moi, M. le Président, je comprends mal pourquoi nous sommes en train de mettre fin à cette façon de faire, de protéger deux missions. Je comprends mal. Pour quelle raison? À quel prix le gouvernement veut passer ce projet de loi n° 92?

Mr. Speaker, there are a number of reports recently tabled by the Commission, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, that... show some of the problems caused by the PQ Government based on negligence, based on under-funding, based on a complete disrespect for the issues of young people at risk, for the workers that are working with them, for the institutions that are serving them.

And unfortunately, the Commission has had to be called in to do various studies, enquêtes and produce reports. They have developed an expertise, and that expertise doesn't please everyone. But one of the things that I want to do, and I've always pledged this as critic for Social Services, particularly for youth in conflict: If we are going to err, we should err on the side of the young person in conflict. If we are going to exaggerate ? and we try not to ? we should exaggerate on the rights and the protection of that young person. And Québec has developed ? unfortunately without the help of the PQ Government ? but has developed a special expertise, a different way of working with young people in conflict, and I believe, Mr. Speaker, that the two missions of the Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse are important to protect.

Unfortunately, Mr. Speaker, we have a law that puts that aside. In 1995, Bill 79 was ferociously debated in this House, in the salon rouge, after parliamentary hearings, and the Official Opposition was against losing those two identities. But the Government likes to play around with form versus substance, and they merged the two. But there was a guarantee supported, supported by many, many current ministers, Members of the ministerial side, and there was a compromise that said: We will keep the two institutions alive by having seven commissioners on each side of that issue, protected by the very formation of the Commission.

But, unfortunately now, the Government says: Well, we think we have too many commissioners. Is there a problem there, Mr. Speaker? Are the commissioners not working? My understanding is: The number of demands have gone up, the number of inquiries have gone up, the number of reports are substantial in both sections, incluant la section de la Charte des droits et aussi la section des droits de la jeunesse. Je n'ai pas entendu que nous avons eu une réduction du nombre des plaintes, du nombre des enquêtes. J'ai entendu exactement le contraire. C'est pourquoi je plaide avec le gouvernement, et j'espère que, avec l'écoute attentive du ministre devant moi aujourd'hui, oui, hein? Oui, qui... Oui, il me semble. Vous avez tout compris. Vous avez retiré le projet de loi? J'espère que oui, parce que...

Le Vice-Président (M. Beaulne): M. le député de Nelligan, s'il vous plaît, vous connaissez les règlements. Vous vous adressez à la présidence.

M. Williams: Je m'excuse, M. le Président. J'ai voulu juste engager le ministre dans le débat parce que c'est fort important et, avec la figure que je vois devant moi, je pense enfin qu'il y est, engagé, et j'espère que j'ai convaincu le ministre de changer sa perspective de la loi n° 92.

Je répète, en conclusion, M. le Président, qu'il y a beaucoup de raisons de voter contre ce projet de loi. Je ne veux pas... et, actuellement, il y a beaucoup de raisons de retourner au travail, s'asseoir avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et demander quelle autre chose qu'on peut faire d'avancer le droit, d'avancer le droit, particulièrement... je ne cache pas, je ne veux pas dire que l'autre côté n'est pas important, mais le volet qui m'intéresse beaucoup, c'est le droit de la jeunesse. Il me semble qu'il y a une opportunité ici qu'on peut dire: Qu'est-ce qu'on peut faire de mieux? Si on veut vraiment avoir une instance crédible, indépendante, capable de faire une enquête, capable de faire une évaluation, capable de rendre une décision puis capable de déposer un rapport basé sur l'excellence, on doit protéger l'entente que nous avons eue il y a sept ans, en 1995.

Je comprends mal pourquoi le gouvernement ne respecte pas leur parole. Sauf, M. le Président, ça commence à être une tendance du gouvernement. Ils ont eu un engagement en 1995, quand l'opposition et plusieurs membres du côté ministériel étaient furieusement contre le projet de loi de fusion. Mais le compromis, on a dit: Inquiétez-vous pas, inquiétez-vous pas, nous allons protéger les deux visions, les deux missions, M. le Président: droits de la personne, droits de la jeunesse. C'est ça qu'ils ont fait. Et la façon qu'ils ont fait ça, ce n'était pas pire de protéger sept commissaires-sept commissaires.

n(16 h 50)n

Mais, au moment où on se parle, ils sont en train de tasser tout ça. Ils sont en train de tasser ça, de mettre ça à côté. Je comprends mal, M. le Président. Je pense que le gouvernement... Et est-ce que c'est une question, comme un collègue a dit, une question de quorum? Non, M. le Président, et j'espère que ce n'est pas une question de quorum, c'est vraiment un pas en arrière. Il me semble, en mai 2002, on doit vraiment rêver de faire plus pour protéger nos jeunes. Mais, malheureusement, M. le Président, les listes d'attente s'allongent. Les régies régionales disent qu'à cause de sous-financement ils doivent augmenter les listes d'attente. Il y a de plus en plus de problèmes d'engorgement. Les centres jeunesse, il y en a la moitié qui étaient en déficit. Les CLSC n'ont pas eu tous les moyens de rendre les services pour les jeunes en difficulté. Le gouvernement a coupé 25 % des travailleurs sociaux dans nos écoles. Ce n'est pas un gouvernement qui a montré un vrai intérêt pour les jeunes en difficulté. Ils n'ont pas montré ça. Et, au contraire, au moment où on se parle, c'est assez clair qu'il ne veut pas avoir l'excellence. Il ne veut pas avoir l'excellence dans la question des droits de la personne et excellence dans la question des droits de la jeunesse. Moi, je privilégie, je vais faire tout mon possible pour assurer que nous allons protéger cette excellence. Moi, je ne cherche pas nécessairement une polyvalence, on ne cherche pas les... je cherche les expertises, les experts.

Et, M. le Président, je voudrais féliciter la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour son excellent travail. De temps en temps, on peut avoir différentes opinions, de temps en temps, on peut questionner leurs analyses, mais il me semble qu'ils rendent un service important pour la société québécoise. Et ce n'est pas le temps de jouer avec ça. Ce n'est pas le temps de jouer avec ça. Et, si on veut vraiment protéger les droits, je pense qu'on va laisser ça comme ça. S'il y a quelques problèmes administratifs ou financiers, on doit discuter de ça aussi. Mais, M. le Président, ce n'est pas le temps de briser l'entente, de ne pas respecter la parole qu'ils ont faite en 1995. On doit protéger les deux volets, soit la mission de protection des droits de la personne et la protection des droits de la jeunesse. Je pense que c'est un message assez clair, j'espère que le ministre a compris ça.

If it's not broken, don't fix it. Please, protect the two missions of the Commission because I think we'll be stronger and better if you listen to the Official Opposition. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Nelligan.

J'aimerais rappeler aux collègues, avant de céder la parole au prochain intervenant... corriger l'impression que j'ai laissée tout à l'heure. J'étais sous l'impression qu'on en était à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission pertinente, de sorte que, M. le ministre, je vous avais induit en erreur en indiquant que vous aviez cinq minutes de réplique à chaque intervention, ce qui s'applique normalement à la prise en considération des rapports, alors que nous en sommes à l'adoption du principe.

Avant de vous céder la parole pour un droit de réplique, je vais demander s'il y a d'autres collègues qui souhaiteraient intervenir sur ce projet de loi. Bon, puisqu'il n'y a pas d'autres collègues qui souhaitent intervenir, M. le ministre d'État à la Population, vous avez la parole pour votre droit de réplique d'un maximum de 20 minutes.

M. Williams: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Oui, M. le député de Nelligan.

M. Williams: C'est un projet de loi tellement important, je voudrais assurer que nous avons quorum, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Je suspends quelques secondes pour vérifier le quorum... Alors, M. le ministre, nous avons effectivement le quorum, vous pouvez poursuivre.

M. Rémy Trudel (réplique)

M. Trudel: Bien, M. le Président, il n'y a pas de faute sur les indications que vous aviez données, ma réplique sera très, très brève.

J'ai écouté avec très grande attention les porte-parole de l'opposition en pareille matière, et voilà des objets sur lesquels nous pourrons échanger largement en commission parlementaire, répondre à toutes les questions. Et je suis convaincu qu'à la toute fin, M. le Président, l'opposition va se rendre à la raison et va retrouver un minimum de cohérence pour moins défendre la bureaucratie, davantage les résultats, plus le contenu que la forme. Et je suis assuré que les interventions qu'ils ont faites en d'autres matières vont permettre aussi de rafraîchir leur mémoire et de faire en sorte qu'ils soient un peu plus cohérents lorsqu'ils parlent sur un sujet ou sur l'autre. Et on aura l'occasion d'en débattre en commission parlementaire, des observations qui ont été faites dans notre processus parlementaire. Merci.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Alors, ceci met fin aux interventions à l'étape de l'adoption du principe.

Mise aux voix

Est-ce que le principe du projet de loi n° 92, Loi concernant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, est adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Sur division. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Renvoi à la commission de la culture

Mme Vermette: Alors, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de la culture et pour que le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration en soit membre.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Adopté. Mme la leader adjointe.

Mme Vermette: Alors, M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 15 du feuilleton.

Projet de loi n° 97

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Beaulne): À l'article 15 du feuilleton, M. le ministre des Régions propose l'adoption du principe du projet de loi n° 97, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Régions. M. le ministre.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, oui, effectivement, nous soumettons à l'attention de l'Assemblée nationale pour adoption du principe le projet de loi n° 97, à l'égard du projet de loi qui a été déposé il y a quelques jours, visant à ajuster, à ajuster certaines dispositions de nos lois pour faire en sorte que le processus que nous avons mis en branle avec les municipalités locales et les municipalités régionales de comté, les MRC, pour soutenir le développement rural au Québec puisse s'organiser, puisse se retrouver sur le terrain, puisse s'actualiser et puisse se mettre en marche avec des dispositions législatives afférentes, pour faire en sorte donc que les municipalités régionales de comté, les MRC, mais qui sont des municipalités au sens de nos lois municipales, puissent avoir ce pouvoir d'intervention et de confier à des organismes le soin de réaliser un certain nombre d'interventions en matière de développement économique. Parce qu'il serait probablement trop long ici, il serait probablement trop long ici de refaire toute l'histoire, mais, très brièvement, on se souviendra qu'en 1981, si ma mémoire m'est fidèle, au tournant des années quatre-vingt, ce qu'on a appelé le scandale de ville d'Anjou, où une municipalité avait investi des fonds des citoyens, des contribuables, avec une bonne intention, j'imagine, avait investi dans du capital de risque, dans des actions d'entreprises qui représentaient un risque élevé... Il y a une loi qui a été adoptée sur l'interdiction de subventions à des organismes municipaux en matière de développement économique pour s'en tenir à la responsabilité de l'organisation des services pour les contribuables et les citoyens corporatifs vivant sur son territoire.

Or, depuis ce temps, M. le Président, la démocratie municipale, l'organisation municipale, depuis 1978, avec l'adoption de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, a constitué sur l'ensemble du territoire québécois, en dehors des territoires métropolitains, des municipalités régionales de comté qui, essentiellement, sont les nouvelles régions du Québec. Et ces MRC, municipalités régionales de comté, sont essentiellement composées de municipalités locales et, de façon très majoritaire, des municipalités de petite taille. Et tout ce mouvement, M. le Président, de responsabilisation, de responsabilisation des élus locaux, a fait en sorte que, dans une foule de domaines, il a été confié de nouvelles responsabilités, que ce soit en matière d'aménagement, en matière d'urbanisme, en matière de disposition des matières résiduelles, en matière de protection incendie, en matière de sécurité, en matière de sécurité civile.

n(17 heures)n

Le mouvement du gouvernement du Québec, depuis 1994 en particulier, ça a été de confier bien davantage de responsabilités locales à ceux et celles qui sont près des citoyens et des citoyennes et qui, pour administrer les services à ces compatriotes, sont souvent les mieux placés, sont mieux placés, en vertu du principe de la... c'est-à-dire confier au niveau le plus près des citoyens qui en a la capacité la réalisation des gestes et... aux réponses à l'organisation de services qui se rapprochent du quotidien de ces populations. Et, en même temps aussi, avec l'adoption et la mise en route des schémas d'aménagement et d'urbanisme dans chacun des territoires des MRC et en vertu de l'article 7 de cette loi, la responsabilité d'avoir un plan d'action pour soutenir l'organisation du développement sur le territoire donné découlant du schéma d'aménagement, eh bien, les municipalités régionales de comté, les municipalités locales ont enclenché, si vous voulez, un mouvement, un mouvement vers davantage de responsabilités. Et le gouvernement du Québec, le gouvernement du Québec a bien compris ce message.

Il a compris ce message non seulement dans cette direction, M. le Président, mais, dès 1994, dès 1994, compte tenu de la situation désolante dans laquelle nous nous sommes retrouvés, compte tenu du triste bilan financier et du taux d'endettement sur le dos des Québécois et des Québécoises, qui avait été laissé par le Parti libéral, avec 6 milliards de déficit, avec le doublement de la dette du Québec, eh bien, il fallait entreprendre, non seulement en parler et avoir un élan ? un élan électoraliste, comme le Parti libéral à tous les trois mois, ou six mois, ou un an avant les élections ? pour avoir la préoccupation du développement intégral sur le territoire québécois...

Eh bien, un vaste mouvement s'est entrepris dès 1996, d'abord par la publication de la première Politique nationale de soutien au développement local et régional, par la création de 108 centres locaux de développement dans chacun des territoires de MRC au Québec, la création des centres locaux de développement, véritables guichets uniques de première ligne pour soutenir l'entrepreneuriat, l'entrepreneurship, les entrepreneurs, les projets et le développement économique, social, communautaire et culturel en première ligne, dans la zone de vie des citoyens et des citoyennes, sur le territoire qui est le territoire de la MRC, la zone d'appartenance des citoyens.

Dès 1997, donc, l'adoption, l'adoption et la mise en route de cette Politique, première Politique nationale de soutien au développement local et régional, création des CLD, création des centres locaux d'emploi également, 153 sur tout le territoire québécois, pour soutenir là non pas, cette fois-ci, les entrepreneurs, l'entrepreneuriat, l'entrepreneurship, les projets, le développement économique, social et communautaire, mais pour supporter, soutenir les citoyens, les citoyennes qui, en besoin de formation, en besoin de réinsertion, en besoin de formation, en besoin de compléter l'outillage personnel pour exercer un travail, allaient soutenir la main-d'oeuvre au niveau local et régional. Et, dans cette foulée-là, la création des carrefours jeunesse-emploi, la création des carrefours de la nouvelle économie, véritablement un arsenal en quelque sorte, M. le Président, pour soutenir véritablement le développement économique des régions.

Et on pourrait prendre plusieurs minutes pour citer les résultats et faire des comparaisons, par exemple, de la période de 1989 à 1994 et la période de 1994 jusqu'à nos jours pour bien montrer que les résultats que nous observons, par exemple, à titre illustratif, depuis quelques mois... En quatre mois, il s'est créé au Québec ? le député de Sainte-Marie? Saint-Jacques me le rappelait encore ce matin à la réunion du Conseil des ministres ? 100 000 emplois, 100 000 emplois sur le territoire québécois, du Québec, en l'espace de quatre mois. Le premier ministre a déjà eu l'occasion de l'indiquer, mais il faut le rappeler constamment, c'est la moitié de tous les emplois créés dans l'ensemble du Canada. C'est-à-dire qu'on n'a pas créé...

Des voix: Bravo!

M. Trudel: L'ensemble des autres provinces canadiennes n'ont pas réussi à créer autant d'emplois que le seul et unique État ou territoire, le Québec, en a créé au cours des quatre derniers mois. C'est une performance absolument exceptionnelle.

Les taux d'emploi quant à la main-d'oeuvre active n'ont jamais été aussi élevés. Il n'y a jamais eu autant de Québécois, lundi dernier, M. le Président, qui sont entrés au travail, dans quelque type d'emploi que ce soit, pour aller retirer, à la fin de la semaine, un salaire pour faire vivre leur famille, pour faire vivre le ménage. Il n'y a jamais eu un taux d'emploi de la main-d'oeuvre active aussi élevé à travers tout le Québec.

Et qui plus est, les chantres, les chantres de l'économie ontarienne ou les chantres du misérabilisme qui se plaisaient toujours à évoquer la différence historique des taux d'emploi entre le Québec et l'Ontario et son économie, bien, ils commencent à déchanter, ces chantres-là, parce que cette différence du taux d'emploi, elle a été réduite à sa plus mince marge depuis toute l'histoire de la force organisée du Québec en termes de travail, puisque le taux d'emploi au Québec est maintenant à 8,6 % et à 7 % pour l'Ontario. La marge a été réduite de façon radicale.

Et, s'il y a des motifs d'être satisfait, d'être content de la situation, et non pas satisfait complètement, il faut continuer notre travail, et c'est précisément ce que traite le projet de loi n° 92 pour encore une fois et davantage en faire pour le territoire rural au Québec. Et c'est de cela que traite très concrètement le petit projet de loi qui est devant nous, mais qui va fournir un autre instrument assez formidable aux collectivités locales et régionales pour soutenir la création d'emplois, le développement économique, le développement social, le développement culturel et le développement communautaire, la vitalité de ces communautés.

1996-1997, première Politique de soutien au développement local et régional. Création, pour la première fois de l'histoire du Québec... Vous savez, les libéraux en face, là, généralement, leur comportement, c'est qu'ils placotent d'un dossier pendant 20 ans, et c'est le Parti québécois qui a toujours le courage, la volonté, la détermination pour réaliser les choses. En 1998, pour la première fois dans l'histoire du Québec, création d'un ministère pour les régionaux du Québec. C'est la première fois dans l'histoire du Québec. Passer de la parole aux actes: création du ministère des Régions, un ministère strictement dédié, strictement dédié au soutien et au développement économique, social et culturel, de coordination dans le gouvernement en faveur des régionaux, en faveur des régions du Québec.

Et cela a été suivi... Comme, encore, il faut toujours ne pas se satisfaire de la situation et avoir de meilleures performances, en 2001, la publication de la première politique économique pour les régions-ressources du Québec. Du jamais vu, ça aussi, dans l'histoire du Québec. Du jamais vu dans l'histoire du Québec. Mon collègue d'Abitibi-Ouest qui a été le proposeur, le proposeur, il y a au-delà d'une décennie, deux décennies, de la première politique ? au-delà d'une décennie, ce qui nous rapproche de deux ? de la première proposition d'un gouvernement en faveur des régions, et c'est resté comme un élément marquant dans l'histoire du Québec, le choix des régions. Le choix des régions, ça a été la pierre d'assise, parce que tout ce qu'on vient d'énumérer comme réalisations et qui a, comme territoire d'atterrissage, de travail, d'intervention, le territoire, la zone d'appartenance, la MRC, c'est mon collègue d'Abitibi-Ouest, l'actuel ministre des Ressources naturelles, qui a mis au monde cette idée, cette philosophie, cette pensée et qui aura pris 15 ans, un petit peu au-delà, à s'articuler avec les difficultés de gouvernance qu'il y a eu entre 1985 et 1994. Mais, qu'à cela ne tienne, les régions savaient c'était qui le parti qui allait former le gouvernement, qui allait prendre fait et cause pour les régions. Politique de diversification de l'économie des régions-ressources en 2001. Du jamais vu, M. le Président, du jamais vu. Moi qui oeuvre personnellement depuis 30 ans dans tous les organismes régionaux de toute nature, depuis cette trentaine d'années, et autant du côté d'Abitibi-Ouest...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Beaulne): M. le ministre, s'il vous plaît. Mme la députée de La Pinière, oui.

Mme Houda-Pepin: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Beaulne): Le quorum est là. Alors, M. le ministre, vous pouvez poursuivre.

M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est un petit peu comme à la partie de baseball, j'imagine. Ça, c'est pour briser le rythme du lanceur, j'imagine, puisqu'on avait quorum. Mais on voit, là, même les Expos, par les temps qui courent, ont un excellent comportement. Encore hier soir, si je ne me trompe pas, il y a eu victoire brillante...

Une voix: 5-4.

M. Trudel: 5-4, brillante victoire de nos Expos hier soir.

M. le Président, donc un mouvement et un élan qui doit se poursuivre. Une politique des régions-ressources... Il faut appeler ça la première politique de développement économique des régions-ressources du Québec pour sept régions du Québec. Tous ceux et celles, encore une fois, qui disaient, par exemple: Toute la politique de levier fiscal pour soutenir le développement économique dans les régions, dans la capitale nationale et dans la métropole, bien, voilà, c'est réservé pour les régions métropolitaines et pour la région de la capitale, eh bien, encore une fois, ces chantres sont obligés, comme on dirait communément, de déchanter, parce que la même politique fiscale à l'égard de la transformation, deuxième et troisième transformation des ressources, s'applique maintenant aux régions-ressources du Québec avec les 77 autres mesures, programmes d'intervention pour soutenir et l'entreprise privée et les entreprises d'économie sociale, pour soutenir la prospérité, la vitalité des milieux et avoir davantage d'emprise sur le développement local et régional.

n(17 h 10)n

M. le Président, dans toute cette séquence, il manquait encore une pièce. Il manquait encore une pièce, et le mouvement a été initié au tournant des années 1995 et 1996 par un de nos compatriotes, Jacques Proulx, le président de Solidarité rurale du Québec. Le territoire du Québec recèle, en quelque sorte, quelque 1 000 communautés de petite taille, 1 000 communautés de petite taille qui sont généralement assimilées à la notion de la ruralité et pour lesquelles nous n'avions pas encore de politique spécifique. On s'est mis au travail à partir de la notion de Villages prospères, une définition bien simple, M. le Président, constatant l'état de situation dans un certain nombre de nos collectivités locales, de nos villages, puis constatant par ailleurs que, dans d'autres villages, c'était la prospérité, le développement, la croissance, la vitalité dans ce milieu-là. Eh bien, l'analyse a été... ou le constat a été assez rapidement fait, c'est: ce que l'on fait dans un village, dans une municipalité pour le qualifier de prospère, eh bien, allons chercher ce qu'il y a d'essentiel dans les comportements, les orientations et les façons de faire au sein de cette population et trouvons une formule qui nous permette de faire en sorte d'en arriver à appliquer la même formule pour l'ensemble du territoire rural du Québec. Et ça a donné, le 6 décembre 2001, la première Politique nationale de la ruralité au Québec. Du jamais vu, du jamais vu.

Je pense qu'il vaut la peine, en toute simplicité, M. le Président, de souligner que cette Politique, cette première Politique nationale de la ruralité au Québec, nous la devons en particulier à l'ex-député de Berthier, à l'ex-député de Berthier ? aujourd'hui, on peut nommer son nom ? M. Gilles Baril, qui a travaillé extrêmement fort pour doter le Québec de la première Politique nationale de la ruralité. Alors, on ne se surprendra pas qu'aujourd'hui, avec le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, il soit encore au travail en pleine ruralité, en plein territoire qui recèle justement des caractères de ruralité on ne peut plus évidents, qu'il soit encore au travail. Le Québec doit ça à Gilles Baril, l'ex-député de Berthier.

Cette première Politique nationale de la ruralité, M. le Président, elle fait en sorte qu'on va responsabiliser et outiller les municipalités locales regroupées au sein de la municipalité régionale de comté pour agir sur le développement, pour agir sur le développement local. Cette Politique et l'ensemble des outils qu'elle recèle pour soutenir la prospérité économique, la vitalité des milieux et la capacité d'agir dans son milieu, elle est accompagnée de moyens financiers très concrets. Elle est accompagnée de moyens financiers très, très, très concrets, 90 millions de dollars.

Ces 90 millions de dollars ont été attribués à ces 91 MRC du Québec qui sont soit en totalité des municipalités rurales ou en partie renferment des municipalités locales, des municipalités locales qui ont un caractère rural. Ce qui veut dire que, dans un bon nombre de ces MRC, on va se retrouver avec une enveloppe financière dont elles vont pouvoir disposer si jamais le Parti libéral du Québec se rend à la raison et comprend enfin, enfin, un tantinet, un tant soit peu la ruralité au Québec et accepte qu'on puisse doter les MRC de ce pouvoir de dépenser, d'intervenir, d'agir au niveau de la prospérité économique, de la vitalité des milieux et des interventions en milieu rural. C'est essentiellement ce que propose le projet de loi n° 92, M. le Président, faire en sorte que les municipalités locales aient la capacité d'agir.

C'est ça, passer de la parole aux actes. Et c'est pourquoi nous avons proposé, dès le 6 décembre, avec nos compagnons de route... Parce que ce n'est pas une politique uniquement gouvernementale, c'est une politique qui est le résultat d'une concertation, et d'une concertation affichée. Cette première Politique nationale de la ruralité, M. le Président, elle va se mettre en oeuvre. Elle s'articule sur le terrain avec des compagnons d'une efficacité remarquable et qui sont extrêmement représentatifs de ce qu'est le monde rural au Québec.

Solidarité rurale et son président, M. Jacques Proulx, et également tous les citoyens et citoyennes qui sont membres de ce mouvement et qui en sont, de la ruralité, mais qui sont également de la prospérité, du développement, de la vitalité des milieux depuis un très grand nombre d'années.

On est accompagné dans ce parcours-là aussi, au sein du Conseil national de la ruralité, des partenaires qui vont, avec nous, réaliser... Ce n'est pas une décision d'un gouvernement, c'est un mouvement de société. On est accompagné aussi de la Fédération québécoise des municipalités et en particulier de son président, M. Michel Belzil. Le préfet de la MRC de Coaticook, le représentant d'au-delà de 1 100 municipalités, en grande partie ? la presque totalité ? de taille plus modeste que les grandes villes, eh bien, est partie au mouvement parce que, avec Solidarité rurale, avec le gouvernement du Québec, la FQM a compris, a compris que nous devions agir pour infléchir la direction des choses et soutenir les milieux de petite taille assimilés à la ruralité au Québec.

Et, comme si ce n'était pas assez, ce mouvement de concertation pour mettre en oeuvre la première Politique nationale de la ruralité au Québec, eh bien, l'Association des 111 CLD du Québec, l'Association des CLD du Québec se joint à ce mouvement, a signé cette déclaration en faveur du monde rural. Ce n'est pas un appui timide, là, ce n'est pas un appui derrière le décor, là, c'est vraiment prendre fait et cause pour la ruralité. Et, quand on arrive au niveau du développement, chaque territoire de MRC maintenant étant doté, je l'ai dit tantôt, de son guichet unique, de son guichet unique pour soutenir l'entrepreneuriat, soutenir les projets, soutenir le développement et la croissance, eh bien, l'Association des CLD, des 111 CLD, des 111 tables qui regroupent les intervenants économiques au niveau communautaire, au niveau syndical, au niveau municipal, au niveau de l'économie sociale dans chacun des territoires de MRC au Québec, eh bien, avec l'Association des CLD, mouvement de concertation pour la mise en oeuvre de cette première Politique nationale de la ruralité.

Et, également, il faut rajouter l'Association des CRD, l'Association des CRD qui a toujours été de ces mouvements et qui, au niveau de la région administrative, est un acteur important au niveau de la concertation et au niveau des échanges quant aux volontés des régions de se prendre en main et de soutenir le développement.

En fait, M. le Président, la première Politique nationale de la ruralité au Québec, c'est encore une fois une politique spécifique pour 1 000 collectivités locales dans toutes les régions du Québec, et ça concerne, ça interpelle 1,6 million de nos compatriotes sur le territoire québécois, non seulement la région de Montréal, non seulement la région de la Capitale-Nationale en termes de politique spécifique de soutien à la croissance et au développement, non seulement le ministère des Régions, non seulement les régions du Québec, non seulement les régions centrales, non seulement les régions-ressources, mais maintenant la ruralité, la ruralité dans un engagement collectif sans précédent pour donner suite, donner suite à l'engagement que nous avons pris avec ce mouvement-là. On le voit bien, c'est un mouvement en profondeur. Ce n'est pas une envie électoraliste, là, qui s'est présentée à la toute dernière minute qui fait que, bon, se sentant coupable, on fait comme le Parti libéral, on fait une petite visite en région, puis on trouve un petit dossier, puis on essaie de grimper tout ça. Non, non.

D'ailleurs, c'est pourquoi M. Tremblay, M. Tremblay, l'éditorialiste du Quotidien à Chicoutimi, disait: On attend toujours les propositions du Parti libéral en matière de développement régional. C'est des paroles, des paroles, mais il n'y a rien là-dedans, il n'y a rien là-dedans. Mais ça, c'est les citoyens qui décideront, c'est les citoyens qui décideront et qui verront bien non seulement le bilan, mais les instruments, les outils que nous avons en termes de développement pour les régions, pour les régions-ressources, pour les régions centrales, pour la ruralité au Québec.

n(17 h 20)n

C'est un effort sans précédent, sans précédent dans l'histoire du Québec, et c'est pour ça que ça donne des résultats, M. le Président, assez spectaculaires en termes de croissance économique et puis qu'il reste des défis nombreux, des grands défis à relever pour davantage d'équité dans la croissance, davantage d'efforts pour la répartition de la richesse ? mais il faut d'abord la créer ? et davantage pour les régions du Québec.

Et c'est pourquoi nous avons proposé aux 91 MRC du Québec de signer un pacte où ces municipalités, les élus locaux, élus au suffrage universel, responsables devant la population, vont administrer ce 90 millions de dollars là. Et ça, c'était encore une fois contraire et à l'opposé de la pensée du Parti libéral. C'est fini, le mur-à-mur. C'est fini, les histoires de tout décider à Québec, de tout centraliser. C'est fini que ce soit toujours à partir de Québec et qu'on dise à Laverlochère: Savez-vous, on va penser pour vous autres, nous autres, là, là, et on sait ce que vous avez besoin en termes de développement, et puis ça, c'est aussi bon... C'est aussi pour Maria en Gaspésie, que Laverlochère, que ça l'est pour Roquemaure ou que ça peut l'être pour Saint-André-Avellin dans l'Outaouais.

Ça, on le sait, ce n'est pas notre philosophie, ni politique, ni économique, ni notre philosophie de soutien au développement local. Nous, c'est la philosophie de faire confiance aux élus locaux. On fait tellement confiance qu'on va leur confier 90 millions de dollars puis on va leur demander de faire leur plan d'action à l'intérieur d'un pacte avec leur population. Et, pour la prochaine période de cinq ans, ils vont avoir à rendre compte périodiquement à leur population ? à leur population ? de tout ce qui sera mis en marche pour soutenir la vitalité de ces milieux et la prospérité dans ces milieux ruraux.

Je comprends, M. le Président, que ça change beaucoup la perspective, ça change beaucoup la perspective, ces pactes ruraux et ce parti pris en faveur non seulement des régions, mais de la ruralité au Québec. Et je comprends que ça déconcerte, ça déconcerte pas mal les partis d'opposition, qui poursuivent leur poussée centralisatrice et qui sont vraiment chagrines... ces partis sont vraiment chagrins, pardon, devant les résultats économiques. Ils sont vraiment chagrins devant les résultats économiques, devant la prospérité. Et puis, bien, écoutez, ils tentent de trouver toutes sortes d'espèces d'histoires, comme on a vu depuis quelques jours, là, avec un ex-collègue de l'Assemblée nationale, Yves Duhaime. Il faudrait se poser des questions aussi: Qu'est-ce que fait Michel Gratton, l'ancien député du Parti libéral? Qu'est-ce que fait Michel Pagé, déjà? Je pense que, si les gens y pensaient un petit peu, là, de quel travail il fait, là, Michel Gratton, l'ancien député libéral... Il faudrait y penser aussi...

Mme Houda-Pepin: ...

Le Vice-Président (M. Beaulne): Oui, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que je peux appeler le ministre à la pertinence...

Le Vice-Président (M. Beaulne): M. le ministre, vous pouvez... Vous pouvez...

Mme Houda-Pepin: ...

Le Vice-Président (M. Beaulne): Mme la députée, c'est moi qui parle ici. M. le ministre, je vous demanderais de poursuivre en vous en tenant, dans la mesure du possible, au projet de loi qui est sous étude.

M. Trudel: M. le Président, je vais suivre strictement la ligne directrice que vous m'indiquez et m'en tenir encore une fois à l'élaboration de ce que constitue, pour la première fois au Québec, la Politique nationale de la ruralité sur tout le territoire québécois et sa mise en oeuvre avec ceux et celles qui collaborent avec nous, et même quelquefois avec des conseils d'anciens parlementaires, d'anciens parlementaire de quelque parti que ce soit d'ailleurs ? je peux en témoigner, hein, encore hier ? d'anciens parlementaires qui font du travail pour représenter des organismes privés ou des organismes publics et qui font des interventions pour des décisions qui devraient prendre, selon eux ou elles, telle ou telle direction.

M. le Président, il faut toujours que les gestes accompagnent la parole. Voilà l'essence du projet de loi n° 92, essentiellement doter les municipalités locales et les MRC de la capacité d'intervenir, de la possibilité et de la capacité d'intervenir en matière de soutien au développement économique, développement culturel, développement social, développement communautaire dans leurs collectivités, dans leurs collectivités locales. De cette façon, M. le Président, 90 millions de dollars vont se rendre, au cours des prochains jours et des prochaines semaines, dans les municipalités locales. Nous allons les confier, ces moyens financiers, avec cette Politique et avec nos partenaires, au milieu local et aux élus locaux. Et c'est ça, avoir confiance, c'est ça, la responsabilisation des milieux et c'est ça, poser des gestes concrets pour infléchir le sens du développement lorsque l'on croit aux régions, lorsque l'on croit à la ruralité, lorsque l'on croit aux collectivités de petite taille.

Et je ne vois vraiment pas comment, M. le Président... Je m'en étonnerais, mes collègues très certainement de ce côté-ci aussi s'étonneraient, mais vivement, et la population s'en émouvrait, serait sous le coup de l'émotion si le Parti libéral et l'opposition officielle n'allait pas appuyer les municipalités et la ruralité, parce qu'on veut leur confier 90 millions de dollars, parce qu'on veut leur confier les outils et les instruments de la première Politique nationale de la ruralité. Mais, connaissant en particulier la députée de Bonaventure, leur porte-parole, je suis certain que nous pourrons compter sur sa collaboration. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Bonaventure et porte-parole de l'opposition officielle pour les régions. Mme la députée.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, vous comprendrez bien le grand plaisir que j'ai à commenter le projet de loi qui a été déposé par le ministre des Régions, le projet de loi n° 97. Et ce que je retiens, M. le Président, du long plaidoyer du ministre des Régions qui a duré près de 30 minutes, c'est qu'il a évacué sciemment, évidemment, plusieurs éléments qu'il importe de rappeler dans le cadre du débat qui nous intéresse. Et, comme à son habitude, le ministre des Régions se plaît, hein, se vautre et se complaît dans sa rhétorique habituelle, une rhétorique qu'on pourrait même qualifier de démagogique, de démagogique, M. le Président, puisque c'est une rhétorique évidemment qui fait fi...

Le Vice-Président (M. Beaulne): Mme la députée, tout à l'heure je suis intervenu pour inciter le ministre à s'en tenir au projet de loi, je ferais la même chose de votre côté en vous demandant d'éviter les paroles qui peuvent être jugées non parlementaires.

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Alors donc, le ministre des Régions se complaît dans une rhétorique qui évacue une réalité ou plusieurs réalités qui sont extrêmement criantes, criantes de réalisme et d'actualité. Et le ministre des Régions ? et c'est ce qui m'a le plus fascinée, M. le Président, dans sa présentation ? pour justifier le projet de loi qui a été déposé, a évacué une expérience vécue dans les années quatre-vingt par la ville d'Anjou et a relaté certaines irrégularités à l'époque, donc sur l'exemple qu'il nous a livré.

Mais ce qui est assez fascinant, M. le Président, c'est que le ministre des Régions a omis, a omis de nous dire que, lorsque son gouvernement a procédé donc au dépôt, à l'annonce de la fameuse Politique de la ruralité, le 6 décembre dernier, dans le cadre d'un très grand spectacle auquel on a eu droit au salon rouge, mais c'est que le ministre des Régions ne s'est pas assuré à ce moment-là ? il n'était pas titulaire du ministère, c'est son prédécesseur qui l'était à l'époque, l'ancien député de Berthier qui nous a quittés, M. le Président... Alors, le ministère des Régions ne s'est pas assuré, sur le plan législatif, d'avoir toute la légalité pour justement permettre aux MRC qui étaient visées dans la Politique de la ruralité de pouvoir recevoir et de bénéficier des sommes qui ont été consenties à travers la Politique de la ruralité.

Alors, M. le Président, chez nous, il y a une expression qui dit: Les bottines doivent suivre les babines. Mais ce qu'on comprend aujourd'hui, M. le Président, c'est que le ministre des Régions a déposé un projet de loi cinq mois après avoir annoncé en grande pompe... presque six mois après avoir annoncé en grande pompe la Politique de la ruralité. Et le net-net, M. le Président, aujourd'hui, c'est que, tant et aussi longtemps que le projet de loi n° 97 ne sera pas adopté, il sera impossible pour les 91 MRC qui bénéficieront du pacte de la ruralité donc de profiter de sommes qui leur ont été consenties dans le cadre de la fameuse Politique de la ruralité.

Alors, en termes d'improvisation, M. le Président, là je dois vous dire que ça dépasse à peu près tout ce qu'on a vu jusqu'à maintenant. Et, encore une fois, ça met en lumière le fait que l'improvisation est effectivement la marque de commerce du gouvernement qui est en face de nous. Et c'est également une nouvelle façon de faire de la part du gouvernement dans la gestion quotidienne des affaires de l'État: improvisation, improvisation, improvisation.

n(17 h 30)n

Et ça, le ministre des Régions s'est bien gardé de nous livrer la justification réelle du projet de loi qui a été déposé. Alors, évidemment, M. le Président, je pense qu'il n'y a personne qui est dupe ici, dans cette salle. Et les gens qui nous écoutent comprendront certainement que le projet de loi qui est déposé en fait permet au ministre de rattraper le temps perdu. Cinq mois après avoir déposé la Politique de la ruralité en grande pompe au salon rouge, là, au ministère des Régions, on vient de se réveiller. On a regardé la législation, la Loi du ministère des Régions et les lois qui existent, puis on s'est rendu compte que les MRC ne pourraient pas, demain matin, donc, livrer les argents qu'elles ont reçus auprès des organismes qui souhaitent mettre de l'avant des projets permettant au monde rural de se développer au Québec. Alors, moi, M. le Président, je dois vous dire que, de ce côté-ci, on est assez abasourdis de voir que ça a pris cinq mois, cinq mois, presque six, au ministre des Régions, avant de se réveiller et de se rendre compte qu'effectivement il y avait du sable dans l'engrenage, puis pas à peu près. Alors, c'est important de rappeler le contexte dans lequel le ministre des Régions dépose son projet de loi et surtout, M. le Président, de rappeler les véritables motifs et justifications qui font en sorte que le ministre des Régions a été dans l'obligation de présenter le projet de loi n° 97.

Mais, M. le Président, le projet de loi n° 97 a eu un écho, a eu un écho auprès de certains organismes qui travaillent, qui militent dans le développement économique, et, le 18 mai dernier, l'Association des régions du Québec, avec à sa tête le président, M. Émilien Nadeau, qu'on connaît tous, qui est le maire de Dégelis, qui est un homme qui consacre et qui a consacré une très grande partie de sa vie au domaine municipal et au développement économique local et régional, ancien président du CRD du Bas-Saint-Laurent... M. le Président, il a signé une lettre qu'il a envoyée au président de la commission de l'aménagement et du territoire en date du 18 mai dernier. C'est une lettre assez éloquente quant à l'improvisation justement dans laquelle ce projet de loi a été déposé. Et le président de l'Association des régions du Québec soulève avec éloquence et avec force, M. le Président, les impacts ou les effets pervers du projet de loi n° 97, les effets donc que ce projet de loi va entraîner, et vous me permettrez de prendre quelques instants pour vous faire une lecture, donc de vous lire des extraits de cette fameuse correspondance. Et d'ailleurs le ministre des Régions, à l'heure où on se parle, a certainement lu, reçu et lu cette correspondance, puisqu'elle était en copie conforme.

Alors, M. le Président, dans cette lettre, on dit la chose suivante: «Nous apprécierions être entendus en audition particulière pour vous faire part de certaines de nos préoccupations ? en regard bien sûr du projet de loi qui nous occupe cet après-midi, soit le projet de loi n° 97. Ce projet de loi crée certaines inquiétudes auprès de nos membres, les conseils régionaux de développement, en regard de son application. En donnant l'autorisation au gouvernement de conclure avec les municipalités régionales de comté, les MRC, ou avec les municipalités dont le territoire n'est pas compris dans celui d'une MRC toute entente nécessaire à la mise en application de toute politique du gouvernement en matière de développement local et régional, qu'adviendra-t-il de la représentation de la société civile?» Et M. Nadeau ajoute la chose suivante: «Cette modification aura pour conséquence inévitable de créer un déséquilibre en regard des rôles et pouvoirs des différents acteurs du développement local et régional au Québec.»

Alors, M. le Président, je sais que le ministre des Régions n'a pas le droit de réplique, là, à cette première étape de l'étude du projet de loi n° 97, mais je prendrai quelques secondes cependant pour lui demander, lui lancer une invitation, à savoir: Est-ce qu'il donnera suite à la demande qui a été formulée par l'Association des régions du Québec, que cette Association, donc, qui comprend l'ensemble des CRD au Québec, soit entendue dans le cadre d'audiences particulières? Parce que je dois vous dire, M. le Président, que l'argument évoqué par l'Association des régions du Québec est très pertinent, et je vais vous dire pourquoi. Il faut revenir un peu dans le passé pour comprendre aussi la vision, puis je dois vous dire là-dessus que c'est une vision plutôt déficiente qui anime le ministre des Régions en matière de développement local et régional.

Il nous a fait tout à l'heure mention d'une politique, la Politique de développement local et régional qui a été déposée en 1996 par l'ancien député de Joliette, M. Guy Chevrette. M. le Président, à ce moment-là, et c'était l'intention qui était annoncée par le gouvernement de l'époque... C'était de faire des centres locaux de développement, en fait, la porte d'entrée unique pour l'ensemble des promoteurs qui souhaitaient bénéficier de services d'accompagnement en matière de création d'entreprises ou d'entrepreneurship. L'intention qui était créée et qui était annoncée à l'époque, M. le Président, était louable, on parlait d'un guichet unique en matière de développement local et régional. Cependant, on s'est rendu compte qu'avec les années cette intention, louable à l'époque, a eu du plomb dans l'aile, et c'est d'ailleurs l'objet et c'est d'ailleurs le questionnement que soulève l'Association des régions du Québec.

Alors, d'un côté, M. le Président, nous avons les CLD. Le ministre des Régions, avec le projet de loi n° 97, vient nous dire: Les MRC pourront dorénavant être un palier qui pourra, lui aussi, donc, donner des argents, des subventions à des organismes sur son territoire. On a aussi les CRD, les centres régionaux de développement, qui, eux aussi, sont mandataires, donc sont responsables de la gestion de plusieurs enveloppes gouvernementales qui leur sont confiées par le ministère des Régions. Nous avons également, M. le Président, La Financière du Québec, qui, elle aussi, a été créée dernièrement, qui, elle aussi, a la possibilité de soutenir les entreprises dans les régions du Québec. Nous avons également la Société de diversification économique des régions, qui est un organisme sans but lucratif, qui a été créée par le gouvernement il y a maintenant presque deux ans, qui, elle aussi, a la possibilité, avec les fonds qui lui ont été consentis ? on parle de 50 millions ? de soutenir les entreprises en région.

M. le Président, où est le guichet unique tant souhaité par le gouvernement en matière de développement local et régional? Nous avons, plutôt que d'avoir un guichet unique, un cafouillage dans lequel même les entrepreneurs, les promoteurs ont beaucoup de difficultés à se comprendre, et ça, M. le Président, je vais vous dire qu'à l'heure actuelle le ministre des Régions, qui tout à l'heure se vantait d'avoir une panoplie de politiques et de programmes pour les régions...

Ce qu'il faut viser, M. le Président, c'est l'efficacité dans les structures et dans les programmes, les politiques qui sont mis en place, efficacité pour prétendre, au Québec, effectivement, mener nos régions sur la voie d'une plus grande économie et sur la voie d'une plus grande richesse, parce que c'est ça, ultimement, les défis auxquels on est confrontés, M. le Président, auxquels on est interpellés. Comment peut-on, au Québec, générer plus de richesse dans nos régions et surtout celles qui sont en difficulté? Alors, le gouvernement a choisi une espèce de voie qu'on pourrait certainement identifier, une espèce de tour de Babel, et les promoteurs qui viennent à nos bureaux de comté ? et il y a certainement d'autres collègues qui pourront en témoigner ? ont de la difficulté à s'y retrouver. Tous les organismes qui existent, tous les programmes qui existent, c'est absolument incroyable. Alors, nous, on dit, M. le Président: Au nom de quelle efficacité le gouvernement opte pour une stratégie du diviser pour mieux régner? Parce que c'est carrément la stratégie pour laquelle a opté le gouvernement. Et, à preuve, la tenue des deux sommets qui se tiendront à l'automne, un sommet pour les régions-ressources et un sommet pour les régions centrales.

M. le Président, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre qu'un gouvernement qui prétend ? je dis bien «qui prétend» ? venir en aide aux régions ait décidé de tenir deux sommets dans des temps qui sont différents alors qu'au Québec nous devons urgemment permettre à l'ensemble des régions du Québec, trouver des mécanismes qui permettent à l'ensemble des régions du Québec de se parler. Comment voulez-vous, M. le Président, prétendre régler les problèmes ou soutenir les régions dites ressources dans la recherche de solutions pour leurs différentes problématiques si minimalement on n'a pas autour d'une même table les représentants des régions dites centrales? Comment voulez-vous, M. le Président, qu'on puisse prétendre, au Québec ? c'est le voeu qui a été notamment formulé dans la Politique de la ruralité ? permettre une meilleure cohabitation du monde rural à la réalité urbaine alors qu'on tiendra deux sommets où les intervenants seront complètement, donc... feront bande à part? M. le Président, c'est une stratégie que nous ne cautionnons pas parce que encore une fois c'est une stratégie de diviser pour mieux régner, et ça, ça fait l'affaire du gouvernement et ça fait certainement l'affaire du ministre des Régions.

Mais ce n'est certainement pas le voeu qui est affirmé, qui est affiché, ce n'est certainement pas la volonté qui est exprimée de la part des intervenants qui travaillent dans les différentes instances en matière de développement économique régional dans les différentes régions du Québec. Se parler, M. le Président, pour mieux se comprendre, ça devrait être, je vous dirais, le leitmotiv du ministre des Régions dans sa décision de tenir des sommets à l'automne. Et ce qu'on déplore, de ce côté-ci de cette Chambre, c'est: on a choisi encore une fois, M. le Président, de contrôler, de téléguider les deux sommets qui se tiendront à l'automne, alors que tous les gens en région s'entendent, tous les organismes s'entendent pour dire que ça nous prend une fois pour toutes une instance impartiale, non contrôlée justement par le gouvernement, qui pourrait organiser ce type d'événement. Parce que ma crainte ? et c'est la crainte évidemment qui est partagée de ce côté-ci de cette Chambre ? c'est que, dans un sommet tout contrôlé par le gouvernement et calqué sur un agenda politique, sur un échéancier électoral, c'est qu'on fasse fi, qu'on évacue les véritables débats, les véritables questions, et Dieu sait, M. le Président, qu'il y en a, des questions qui sont posées sur le terrain.

n(17 h 40)n

Le ministre des Régions ? je l'écoutais tout à l'heure ? tente de s'ériger en grand décentralisateur, mais je tiens à lui rappeler que c'est son gouvernement, avec à sa tête le premier ministre désigné, qui a fait de cette question de la décentralisation une question éminemment politique en associant la décentralisation au Québec à l'accession du Québec à l'indépendance, M. le Président. Il n'y a aucune subtilité dans les propos qui ont été avancés par le premier ministre déjà dans le passé. Pour lui, le Québec est suffisamment décentralisé. M. le Président, c'est absolument incroyable. Et, encore une fois, en fait, pour une question... évidemment pour répondre à l'obsession du gouvernement qui est en face de nous, on infantilise, pour reprendre l'expression de l'ancien président de l'UMQ, on infantilise non seulement le monde municipal, M. le Président, mais les régions du Québec. On les encarcane, on crée un faux débat, en fait, qui encarcane les régions, qui les empêche véritablement de se développer et de s'épanouir sur la base de leurs forces, de leur potentiel.

Et ce qu'elles veulent réellement, les régions, M. le Président ? le ministre des Régions peut bien se creuser la tête, là ? mais ce que les gens dans les régions veulent... Et ce que les gens déplorent, tout d'abord, c'est un manque de souplesse dans les politiques, dans les programmes du gouvernement, gouvernementaux, qui sont mis de l'avant au niveau des régions, et je prends à témoin la page 52 de la Politique de la ruralité, page 52, dans laquelle on peut lire, M. le Président, que l'ensemble des organismes gouvernementaux, paragouvernementaux, parapublics sont incités ? incités, je dis bien, M. le Président, et non pas obligés ? sont incités à moduler leurs programmes en fonction de la réalité rurale.

Alors, M. le Président, le ministre des Régions, là, se fait péter les bretelles avec sa Politique de la ruralité. On peut en adopter, là, des dizaines de politiques, mais ça va demeurer des intentions nobles tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas la capacité de passer de la théorie à la pratique. Et, dans ce cas-ci, au niveau de la souplesse des programmes gouvernementaux, je vous dirais, M. le Président, que c'est probablement un des éléments qu'on entend le plus souvent sur le terrain, sur le terrain.

Et encore, j'ai interrogé le ministre des Régions en commission parlementaire lors de l'étude des crédits, et le ministre était incapable de me répondre. Je lui ai demandé... Parce que, selon la dynamique actuelle, ce qu'on comprend: comme il n'y a pas d'obligation pour les ministères d'adapter leurs politiques et leurs programmes à la réalité des régions, à la réalité rurale, c'est le Conseil du trésor qui continuera d'avoir le droit de vie ou de mort sur justement les tentatives qui seront faites par certains ministères qui souhaitent donc adapter ou moduler leurs programmes ou leurs politiques. C'est toujours le Conseil du trésor qui va continuer de diriger, M. le Président, et d'édicter, d'édicter ses normes, trop souvent rigides.

J'ai demandé au ministre des Régions si son gouvernement, effectivement, était plein de bonne volonté pour répondre concrètement à cette intention annoncée à la page 52 de la Politique de la ruralité, si le Conseil exécutif, par exemple, avait envoyé une directive très claire, ou même le ministère des Régions, soit au Conseil du trésor ou à l'ensemble des ministères qui sont interpellés dans la Politique de la ruralité, et là-dessus le ministre des Régions a été incapable de me répondre, parce qu'il n'y en a pas, de directive. Le ministère des Régions va simplement, M. le Président, jouer un rôle... même pas un rôle de coordination. En fait, le ministère des Régions n'assumera pas son rôle de chien de garde dans l'application et la mise en oeuvre de la Politique de la ruralité. Alors, on peut bien se faire péter les bretelles avec une politique, M. le Président, qui a été annoncée en grande pompe au salon rouge de l'Assemblée nationale le 6 décembre dernier, mais le vrai défi de cette politique, le vrai test de la Politique de la ruralité, c'est de voir comment concrètement elle pourra répondre aux aspirations et aux besoins des gens qui sont dans les régions et en particulier, dans ce cas-ci, dans les communautés rurales.

Et vous me permettrez d'en douter, M. le Président, parce que cet élément qui est contenu à la page 52 de la Politique de la ruralité, sur la modulation des programmes, est à la fois la pierre angulaire et le talon d'Achille de la Politique de la ruralité, et c'est probablement parce qu'il y a un manque de volonté politique de la part du gouvernement qui est en face de nous. C'est probablement l'élément qui va faire achopper la Politique de la ruralité, parce que ce n'est pas vrai que, les ruraux, on peut traiter les ruraux de la même façon qu'on peut traiter les gens qui sont dans les grands centres. Et, à preuve, M. le Président, des exemples dont on entend le plus souvent parler et qu'on vit nous-mêmes parce qu'on est dans nos comtés, c'est les fameux services de santé, les soins en services de santé. Dans la Politique, il y a une intention qui est annoncée, M. le Président, hein, il y a une intention qui est annoncée, page 45. Ce qu'on dit dans la Politique de la ruralité au niveau des services de santé: on veut s'assurer en toute équité que les ressources au niveau des soins de santé soient délivrées à l'ensemble des citoyens qui vivent dans les milieux ruraux.

M. le Président, à chaque jour à la période des questions on amène des cas ici où des citoyens, des citoyennes doivent descendre dans la rue pour revendiquer des services aussi fondamentaux et essentiels que ceux d'avoir un médecin de famille. Par exemple, dans le comté de Bonaventure, le comté que j'ai la chance de représenter, le secteur ouest du comté ? là, on a une dizaine de municipalités ? bien, il y a 1 000 personnes qui n'ont pas accès à un médecin de famille aujourd'hui. C'est complètement illogique, on est en 2002.

Là, le ministre des Régions nous dit: On a une politique de la ruralité, on va tout vous régler ça. Mais le problème, M. le Président, c'est qu'on a une politique sur papier, on n'a pas de moyens concrets justement pour nous permettre de passer à l'action. Parce que le ministre, M. le Président, a un discours qui est très creux, un discours qui sonne faux, et le drame et la dure réalité à laquelle est confronté le gouvernement, c'est que les gens ne croient plus au gouvernement, en région. Les gens ne croient plus le ministre des Régions lorsqu'on fait le tour des régions. Ça fait depuis 1994 qu'ils sont en poste. On est en 2002, M. le Président, après huit ans, puis on a été incapable d'apporter des solutions concrètes pour permettre à nos gens de demeurer en région.

Et vous me permettrez de prendre quelques instants pour vous faire évidemment mention du bilan démographique du gouvernement qui est en face de nous, parce que ça, c'est l'héritage que va laisser le gouvernement du Parti québécois aux régions du Québec. C'est l'héritage, c'est le bilan, M. le Président, le triste bilan que va laisser le gouvernement qui est en face de nous. On peut bien nous dire que la situation de l'emploi s'est améliorée dans toutes les régions du Québec, je tiens à rappeler au ministre des Régions que la Gaspésie est à 22 % de taux de chômage. Son taux de chômage a augmenté de 2 %, là, au cours des deux dernières semaines, M. le Président.

Et, lorsqu'on regarde les statistiques au niveau du chômage, par exemple... Et ça, c'est une réalité bien sûr qu'évacuent volontairement et délibérément le ministre des Régions et le premier ministre en particulier. On nous dit que les taux de chômage ont diminué dans l'ensemble des régions du Québec, mais ce que le premier ministre et le ministre des Régions ne nous disent pas, c'est que l'écart avec les taux de chômage actuels par rapport à l'écart dans la moyenne provinciale depuis 1996, 1994 s'est agrandi. Et, parallèlement à ça, M. le Président, il y a sept régions sur 17 qui, elles, se sont vidées de façon importante de leur population. Alors, le ministre des Régions peut bien nous dire qu'il y a de l'emploi qu'ils créent en région, mais les gens quittent les régions. Les gens quittent les régions pourquoi, M. le Président? Parce qu'ils ne retrouvent pas dans les régions ce dont ils ont besoin: des services de santé, notamment, et l'emploi. Parce que, on sait, l'emploi, c'est souvent l'élément déclencheur qui permet à des jeunes soit de demeurer dans leur région ou encore de décider de revenir dans leur région.

Alors, M. le Président, j'invite le ministre des Régions à aller voir sur le site de l'Institut de la statistique du Québec, et c'est assez révélateur, parce qu'il y a deux colonnes dans le tableau, une première colonne de 1991 à 1996 et l'autre colonne de 1996 à 2001. La première colonne, le ministre des Régions va nous dire: C'est le bilan du gouvernement libéral. Bien, je mets le ministre des Régions au défi. Il va comprendre, sur la base de cette seule page, ces simples statistiques, M. le Président, il va voir que le bilan démographique du Parti libéral du Québec dans les régions du Québec est beaucoup plus reluisant que le bilan et l'héritage que son gouvernement va laisser aux régions du Québec.

Alors, M. le Président, région du Bas-Saint-Laurent, de 1996 à 2001, la région a perdu plus de 7 000 personnes; Saguenay?Lac-Saint-Jean, la région a perdu plus de 10 000 personnes, 10 856; même chose, M. le Président, du côté de l'Abitibi-Témiscamingue ? c'est une région que le ministre des Régions connaît bien ? alors moins 9 587 personnes; la Côte-Nord, moins 7 284 personnes; le Nord-du-Québec, moins 2 462 personnes; Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine, M. le Président, moins 7 578 personnes; et la région de Chaudière-Appalaches, M. le Président ? c'est une région quand même à proximité de Québec ? moins 2 586 personnes. Et je mets le ministre des Régions au défi de nous faire la démonstration que sous un gouvernement libéral le bilan démographique a été plus désastreux que le bilan de son propre gouvernement, M. le Président. On a des statistiques ici qui témoignent exactement du contraire.

Alors, M. le Président, le ministre des Régions tout à l'heure nous livrait, en fait, les performances de son gouvernement. J'ai envie de vous dire la chose suivante: laissons aux électeurs et électrices de l'ensemble des régions du Québec... de juger des réalisations du gouvernement qui est en face de nous dans le cadre de la prochaine élection générale, et je pense qu'on aura là une réponse certainement très, très éloquente, très évocatrice du très haut niveau d'insatisfaction que nourrit, en fait... qui est nourri dans la population à l'heure actuelle, et ça, pour toutes sortes de raisons, M. le Président.

Mais j'aimerais peut-être revenir sur un élément important. Le ministre des Régions nous a vanté tout à l'heure la stratégie des régions-ressources, hein, la stratégie qui a été mise de l'avant par son gouvernement. Évidemment, le ministre des Régions a bien épargné un exemple qui est extrêmement important, si sa stratégie des régions-ressources donne les résultats évidemment souhaités et espérés de la part des régions. Le ministre des Régions peut peut-être nous dire pourquoi le dossier de l'Avionnerie Val-d'Or, à Val-d'Or, a tant de difficultés, a tant de difficultés à se concrétiser. Je vous rappelle très brièvement, M. le Président, parce que je pense que c'est un dossier qui est important et qui met en lumière l'effort qui est fait par les gens qui sont en région: Avionnerie Val-d'Or, c'est un projet novateur qui permettrait donc à la ville de Val-d'Or d'accueillir sur son territoire un promoteur qui fabrique des ailes d'avion pour les avions Beaver. Alors, on a fait miroiter au promoteur qu'il pourrait bénéficier du fameux crédit d'impôt pour les activités de transformation dans les régions-ressources. Investissement Québec a fait miroiter cette possibilité au promoteur, le sous-ministre du ministère des Régions l'a même fait, un des sous-ministres adjoints de la ministre des Finances également l'a fait.

n(17 h 50)n

M. le Président, il y a quelques semaines, peut-être même quelques mois, le ministre des... le premier ministre, en fait, s'est rendu à Val-d'Or, a rencontré les intervenants économiques de la ville. Et savez-vous le message qui a été livré par le premier ministre? Il a dit: Soyez imaginatifs, sortez des sentiers battus, soyez créatifs. C'est exactement l'appel qui a été envoyé, qui a été lancé par le premier ministre, et c'est un appel auquel ont répondu l'ensemble des intervenants économiques en proposant justement le projet de l'Avionnerie Val-d'Or.

Soit dit en passant, M. le Président, c'est un projet qui a reçu l'aval de la municipalité, de la ville de Val-d'Or, de la Chambre de commerce de Val-d'Or, de l'ensemble des intervenants qui travaillent dans le secteur industriel de Val-d'Or, mais aujourd'hui Avionnerie Val-d'Or est un projet qui connaît son lot de difficultés, et non pas, comme la ministre des Finances a tenté de nous le faire croire, parce que eux ont des problèmes, mais parce qu'on a tenté de faire miroiter donc que le fameux crédit d'impôt pour les activités de transformation dans les régions-ressources pourrait s'appliquer au projet d'Avionnerie Val-d'Or. La réalité, M. le Président, est tout autre, et, encore une fois, le promoteur, les promoteurs d'Avionnerie Val-d'or se sont butés à un programme, à un programme normé, et ces gens-là aujourd'hui sont obligés donc de négocier avec le gouvernement, ce qui entraîne des délais indus, et de se battre carrément pour pouvoir justement concrétiser leur projet.

Si la stratégie des régions-ressources avait donné ses résultats, le ministre des Régions peut peut-être nous dire, peut peut-être nous expliquer pourquoi le projet de Raufoss et de TRAMAL, par exemple, au Saguenay?Lac-Saint-Jean n'a pas trouvé son aboutissement dans la vallée de l'aluminium, M. le Président, cette charmante vallée de l'aluminium, évidemment, que le premier ministre se plaît à répéter. Mais les gens dans la vallée de l'aluminium attendent encore les emplois, les emplois rattachés évidemment à ce secteur d'activité extrêmement important pour la région. Alors, Raufoss a pris le chemin vers une autre direction, vers une autre région, et, TRAMAL, pour lequel on a fait des grandes annonces, eh bien, évidemment, les gens sont toujours en attente. Alors, je pense qu'on a à chaque jour la démonstration d'un gouvernement qui, d'une part, M. le Président, n'écoute pas les gens des régions, ne fait pas confiance aux gens des régions...

Parce que la prétention des gens des régions, c'est d'être considérés comme de véritables partenaires, justement, et qu'on les implique dans les processus, dans les prises de décision. C'est ça, M. le Président, quand on est un gouvernement qui favorise justement une plus grande décentralisation. Il faut faire confiance à notre monde parce que notre monde sur le terrain connaissent les régions, ils savent ce dont les gens des régions ont besoin. Ça, c'est clair, M. le Président. Alors, je pense qu'on a un gouvernement, là, encore une fois qui fait fausse route.

Et j'entendais tout à l'heure le ministre des Régions, et ça, ça m'a fait sourire, parce que le ministre des Régions nous a dit: C'est fini, le mur-à-mur. Fini les programmes normés. Eh bien, M. le Président, je mets le ministre des Régions au défi. Je l'ai interpellé tout à l'heure, là, avec sa fameuse Politique de la ruralité. Comment le ministre, concrètement, peut nous donner l'assurance que demain matin, dans le fonctionnement de l'appareil gouvernemental, effectivement, on arrivera, pour l'ensemble, pour chacun des ministères qui existent, à rencontrer justement cette intention qui est annoncée mais qui demeurera, M. le Président, une intention noble, tant et aussi longtemps qu'on ne déploiera pas de moyens concrets pour justement permettre aux régions véritablement de se développer? Parce que, c'est assez symptomatique du gouvernement qui est en face de nous, on parle toujours des deux côtés de la bouche en même temps. Et ce n'est pas parce qu'ils ont eu la possibilité... ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas eu le temps de faire leur démonstration, ça fait depuis 1994 qu'ils sont au pouvoir, M. le Président. Ça fait huit ans, et on attend encore des solutions concrètes pour développer les régions du Québec.

Alors, M. le Président, si je reviens au projet de loi qui nous intéresse cet après-midi, on aura certainement l'occasion, en commission parlementaire, d'aborder plusieurs éléments qui sont extrêmement importants. Et je reviens sur la proposition faite par l'Association des régions du Québec et je souhaite ardemment que le ministre des Régions puisse donner une suite favorable, répondre positivement à la demande qui a été formulée par l'Association des régions d'être entendue justement dans le cadre d'audiences particulières, parce qu'une des... en fait, l'objection principale de l'Association des régions, c'est de dire que, si le ministre des Régions évidemment va de l'avant avec son projet de loi ? c'est son intention, c'est l'intention qu'il a annoncée ? alors on va se trouver, on va se retrouver avec une espèce de déséquilibre entre les différentes instances ou organismes qui militent, qui travaillent quotidiennement dans le développement régional, et ça, M. le Président, le ministre des Régions s'est bien aussi gardé, dans le 30 minutes d'argumentaire qu'il nous a livré pour justifier son projet de loi, s'est bien gardé d'évacuer et de commenter justement la proposition ou la demande qui a été formulée par l'Association des régions du Québec.

C'est comme si le ministre des Régions ne voulait pas en entendre parler. C'est comme si le ministre des Régions voulait mettre le couvercle sur la marmite, M. le Président. Mais ce qu'on se rend compte, c'est qu'il n'y a pas de vision très claire de la part du ministre des Régions, on ne sait pas trop où on s'en va. On s'en va, en fait, dans à peu près, dans à peu près toutes les directions: les CLD, les MRC, les CRD, La Financière, Société de diversification économique des régions, les centres locaux d'emploi.

M. le Président, là ? puis là je ne vous parle pas des ministères qui gèrent chacun de leur côté des programmes pour les régions ? il y a comme... Quelle est la ligne directrice du ministère des Régions? Est-ce que c'est les MRC qu'on entend privilégier, est-ce que ce sont les CLD, est-ce que ce sont les CRD, M. le Président? Quelle est la trame de fond du ministre des Régions en matière de développement local et régional? De ce côté-là, on n'en a aucune idée, aucune idée, et ça, ça va être intéressant, en commission parlementaire, que le ministre des Régions puisse nous en dire un peu plus. Parce que là, demain matin, avec l'adoption du projet de loi n° 97, bien, il y a des intervenants qui vont venir un petit peu mélangés... qui vont devenir un peu mélangés, et ma crainte, ma crainte, M. le Président, c'est de voir donc des tensions, des tensions créées entre les différents organismes, des tensions qui seront contre-productives et qui vont faire en sorte que le ministre des Régions va peut-être être obligé de s'ériger en arbitre, hein? On va peut-être être obligé de faire des arbitrages justement parce qu'il n'aura pas très clairement affiché sa vision en matière de développement économique local et régional et en matière de développement rural. Alors, M. le Président, je pense que la proposition, la demande qui est formulée par l'Association des régions du Québec est criante de pertinence et renvoie à un débat de fond, en fait, et là j'espère sincèrement que le ministre des Régions voudra qu'on se questionne sur cet aspect-là. Il y a quand même 91 MRC, là, dans ce cas-ci, qui sont visées par le projet de loi.

Et je tiens à vous rappeler, je tiens à vous rappeler, parce que c'est important de le dire, M. le Président, parce que le ministre des Régions ne l'a pas souligné dans sa présentation du projet de loi, que, à l'heure où on se parle, cinq mois, presque six mois après avoir adopté la Politique de la ruralité, en fait, demain matin, si la MRC de Coaticook, par exemple, qui a signé, qui a été la première signataire du pacte rural, voulait demain matin donc utiliser déjà les deniers qui lui ont été consentis dans le cadre de la Politique de la ruralité, elle ne pourrait pas le faire parce que le projet de loi n° 97 n'est pas encore adopté. Alors, on a tenté de mettre la charrue devant les boeufs ? c'est carrément ça ? en adoptant une politique de la ruralité et en ne permettant pas donc d'avoir une législation qui nous permettrait effectivement de rencontrer les objectifs qui ont été notamment au niveau des 90 millions qui ont été consentis à la politique, donc, M. le Président, de se concrétiser.

Et un commentaire, M. le Président, aussi en terminant. J'aimerais souligner que le ministre des Régions, hein, le ministre des Régions tente énormément de redorer le blason de son gouvernement dans les régions du Québec, et on peut comprendre, parce qu'ils sont en sérieuse difficulté. Mais ce qui est le plus surprenant, M. le Président, c'est qu'encore une fois, là, ça témoigne du double discours du gouvernement. On dit: On fait confiance aux régions, mais le ministre des Régions veut être à chaque signature de tous les pactes qui seront signés au Québec au niveau de la ruralité. Alors, le ministre des Régions va participer à 91 conférences de presse pour effectivement donc se donner de la visibilité dans le cadre de la fameuse... de la signature de ces fameux pactes de la ruralité. Alors, M. le Président, ça, ça veut dire que chaque MRC, demain matin, qui est prête doit appeler au ministère des Régions, doit obtenir le consentement du ministre des Régions pour annoncer justement la signature de son pacte rural. Alors, quand on tente de nous faire croire que c'est un gouvernement, M. le Président, là, qui ne fait pas confiance aux régions, là, effectivement, on en a la démonstration, on en a la démonstration assez criante.

Ajournement

Alors, M. le Président, le temps qui m'est alloué, en fait, n'est pas encore terminé, mais je vois qu'il est déjà 18 heures, c'est la fin de nos travaux. Alors, je vous demanderais simplement d'ajourner, M. le Président, de procéder à l'ajournement de nos travaux.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée. Effectivement, comme vous l'avez fait remarquer, il vous reste encore du temps de parole comme porte-parole officielle de l'opposition en matière de régions, mais, compte tenu de l'heure, j'ajourne nos travaux à demain, le mercredi 23 mai, 10 heures.

Une voix: Jeudi.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Jeudi. Jeudi, 23 mai, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 heures)