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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 21 mai 2002 - Vol. 37 N° 102

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Table des matières

Affaires du jour

Présence de M. Thierry Cornillet, membre du Parlement européen,
chargé des relations internationales et de l'économie

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes, MM. les députés, si vous voulez, nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Affaires du jour

Alors, nous allons entreprendre nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer le point à l'ordre du jour, s'il vous plaît.

M. Simard (Montmorency): Je vous remercie beaucoup, M. le Président. D'abord, je vous souhaite un bon début de semaine. Et j'aimerais vous référer à l'article 12 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 91

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci. À l'article 12 du feuilleton, M. le ministre responsable de l'Administration et de la Fonction publique et président du Conseil du trésor propose l'adoption du principe du projet de loi n° 91, Loi concernant la prolongation de certaines conventions collectives des secteurs public et parapublic. M. le ministre, je vous cède la parole.

Des voix: Bravo!

M. Joseph Facal

M. Facal: Qu'est-ce que ce sera tout à l'heure?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Facal: M. le Président, il me fait plaisir d'amorcer le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 91 qui s'intitule Loi concernant la prolongation de certaines conventions collectives des secteurs public et parapublic.

On se rappellera, M. le Président, qu'au mois de février dernier le Conseil du trésor entamait des discussions avec des organisations syndicales sur le report au 30 juin 2003 de l'échéance des conventions collectives qui doivent normalement prendre fin au 30 juin 2002. Suite à ces négociations, un accord de principe est intervenu, le 26 février 2002, entre le gouvernement du Québec et l'intersyndicale composée de la Confédération des syndicats nationaux, de la Centrale des syndicats du Québec, de la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec, du Syndicat de la fonction publique du Québec et de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec.

En vertu de cet accord, les conventions collectives seront prolongées d'un an, il n'y aura pas de nouvelle période de changement d'allégeance syndicale, et les changements d'allégeance antérieurs seront reconnus. De plus, les membres des organisations syndicales qui en ont convenu bénéficieraient de majorations salariales de 2 % à compter du 1er avril 2003.

Dans un deuxième temps, l'intersyndicale et certaines autres organisations syndicales ont soumis cette entente de principe à leurs délégués syndicaux en recommandant sa signature. Certaines l'ont acceptée, d'autres pas, mais, au moment où nous nous parlons, on peut dire que, concrètement, l'entente de principe a été acceptée par environ 84 % des syndiqués des secteurs public et parapublic, soit un peu plus de 360 000 personnes, ce qui m'apparaît, pour la suite des choses, une assise que l'on peut certainement qualifier de remarquable. Je précise évidemment que les organisations qui ont choisi de ne pas prolonger pourront, si elles le souhaitent, revenir sur leur position et ainsi se prévaloir de l'entente si elles en manifestent l'intention au plus tard le 30 juin 2002.

Dans le cadre de ces pourparlers, le gouvernement du Québec s'était aussi engagé, par une lettre d'intention, à présenter à l'Assemblée nationale un projet de loi visant à confirmer que ce report des conventions collectives ne donnerait pas ouverture à une nouvelle période de changement d'allégeance syndicale et qui permettrait aussi de reconnaître les changements d'allégeance antérieurs. Cette intention a, pour sa part, été entérinée le 30 avril 2002 par la CSQ, la FTQ, le SFPQ ainsi que par trois des quatre fédérations de la CSN pour les salariés et salariées des commissions scolaires, des collèges, des établissements visés à l'article 1 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic et ceux et celles de la fonction publique et des organismes visés à l'annexe C de cette loi qu'ils représentent.

n (10 h 10) n

Bref, afin de reporter au 30 juin 2003 l'échéance des conventions collectives sans donner ouverture aux changements d'allégeance syndicale, des modifications législatives sont nécessaires, et c'est l'objet du projet de loi qui est présenté aujourd'hui, M. le Président. J'estime que l'adoption par l'Assemblée nationale d'une telle modification, bien qu'il ne faille jamais la prendre pour acquise, ne devrait pas poser de problème particulier, étant donné l'accord des principaux partenaires syndicaux et le fait, bien entendu, qu'elle ne s'appliquera qu'aux seules organisations qui le voudront.

Je rappelle aussi que le but général poursuivi par ce report de la négociation était de permettre aux parties de dégager les ressources humaines et le temps requis afin de s'attaquer à des dossiers jugés prioritaires tels l'équité salariale, la durée annuelle et l'emploi du temps de travail des enseignants et les engagements du gouvernement à l'égard du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics. De plus, avions-nous dit, ce report devrait permettre aux parties sectorielles de procéder au déblayage de certains dossiers en préparation pour la prochaine ronde de négociations.

C'est une façon de faire, M. le Président, qui ? on l'a vu la semaine dernière ? commence déjà à donner ses plus beaux fruits, puisqu'on se rappellera que, la semaine dernière, une entente de principe est intervenue entre le Conseil du trésor et les directions des syndicats d'enseignants affiliés à la CSQ. Cette entente de principe a par la suite été approuvée à très forte majorité par le conseil fédéral de la CSQ et elle doit maintenant, par une série d'assemblées locales à être tenues d'ici le 10 juin, être ratifiée par les syndicats locaux.

Je m'interdis de prendre quoi que ce soit pour acquis, mais j'ai confiance que cette entente sera approuvée. Je crois que nous avons là l'occasion de régler en bonne partie un problème qui perdure depuis une bonne dizaine d'années. En substance, disons qu'en échange d'un redressement salarial, qui m'apparaît raisonnable et mérité pour une profession historiquement sous-payée, le gouvernement obtient plus de temps de présence à l'école des enseignants, ce qui devrait permettre l'implantation de la réforme, l'arrêt, bien entendu, immédiat des moyens de pression et, à terme, augmenter la réussite éducative des jeunes.

Contrairement à ce que j'ai pu lire dans certains médias, il me fait plaisir de confirmer que le coût total de l'entente serait, à terme, au bout de la troisième année, très exactement de 229 966 364 $. Pour le reste, j'ai eu l'occasion de dire, M. le Président, que c'était une entente qui, à mon sens, ne faisait que des gagnants: les jeunes, les parents, les enseignants, le gouvernement et, bien entendu, le contribuable.

Je précise également que... Actuellement, on sait que la semaine de travail à l'école est de 27 heures avec la possibilité d'un arrangement local et qu'environ 25 % des commissions scolaires ont des arrangements locaux à l'effet que le personnel enseignant n'est pas tenu d'être présent 27 heures à l'école. Il me fait plaisir de confirmer que ces arrangements locaux actuellement en cours cesseront d'avoir effet au 30 juin 2004.

Pour ce qui est maintenant de l'équité salariale, il s'agit d'un dossier majeur auquel le gouvernement et ses partenaires ont décidé d'accorder priorité. Et, bien que la Commission de l'équité salariale ait statué que le programme gouvernemental répondait aux exigences de la Loi sur l'équité salariale, le gouvernement a convenu de poursuivre les discussions avec les organisations syndicales en vue d'élargir la base de ce consensus sur le programme. Des travaux à cet effet sont en cours depuis plus d'un an et devront se poursuivre jusqu'à la fin de l'automne 2002. Pour illustrer, M. le Président, l'ampleur du travail à faire, disons seulement que les parties devront établir la valeur de plus de 600 titres d'emploi. Pour ce faire, une enquête auprès de quelque 10 000 personnes sera menée, et des comités d'évaluation d'emplois se pencheront par la suite sur les résultats de cette enquête pour évaluer les diverses catégories d'emploi.

En ce sens, il faut voir le report de l'échéance des conventions collectives comme l'illustration, l'incarnation de la volonté du gouvernement de poursuivre et d'achever, d'ici le 31 décembre 2002, les travaux en matière d'équité salariale. Je rappelle également que ce nouvel espace qui nous est offert nous permettra d'intensifier les discussions sur les engagements du gouvernement à l'égard du RREGOP. Des travaux techniques sont en cours et des discussions intenses s'amorceront incessamment. Vous aurez donc compris, M. le Président, sans que j'aie besoin d'en dire plus, l'intérêt qu'il y a à dégager, par ce report de l'échéance des conventions collectives, un espace suffisant pour examiner et, le cas échéant, régler ces problématiques. Mais, pour cela, il nous faut, entre autres choses, procéder à l'adoption du projet de loi qu'il m'a fait plaisir de déposer. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. M. le député.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Oui, M. le Président, je dois dire que j'interviens ici en remplacement de notre porte-parole le député de Robert-Baldwin qui aurait aimé s'adresser à la Chambre pour exprimer toutes les interrogations qu'il pouvait avoir quant à ce projet de loi. Je vais bien modestement, M. le Président, essayer de le remplacer et faire valoir quelques-unes des questions qui sont soulevées par ce projet de loi.

Mais, d'emblée, laissez-moi rassurer le président du Conseil du trésor, mon bon ami le député de Fabre, même si nous avons d'énormes interrogations avec ce projet de loi, nous allons voter en faveur et nous allons tout faire pour qu'il soit adopté dans des délais raisonnables, M. le Président. Pourquoi faisons-nous ce geste de collaboration avec le gouvernement? C'est parce que, somme toute, ce projet de loi est le résultat d'une négociation. Il ne résout pas tous les problèmes, il fait état ? j'en parlerai dans un instant ? il est la résultante du fait que le gouvernement s'est traîné les pieds dans le dossier de l'équité salariale et n'arrive pas à satisfaire les échéances qu'il s'était lui-même fixées. Mais, devant la réalité, aussi triste qu'elle peut être, nous devons convenir qu'il est pour l'intérêt des personnes du secteur public et parapublic de voter en faveur du projet de loi et de faire en sorte qu'il puisse être adopté dans des délais raisonnables.

Donc, M. le Président, j'assure les ministériels et le ministre de la collaboration de l'opposition, mais l'opposition n'arrêtera pas de faire valoir et de rappeler certains points qui sont, premièrement... et qui ont été rappelés par un certain nombre de syndicats. Parce que, si une majorité importante a entériné l'entente, il n'est pas inutile de rappeler qu'un certain nombre de syndicats n'ont pas entériné l'entente, et non des moindres: la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec; l'Association des juristes, par exemple, n'a pas entériné l'entente; la Fédération autonome du collégial; l'Association professionnelle des technologistes médicaux du Québec. Et, dans le cas de la Fédération nationale des enseignants du Québec qui oeuvrent au niveau collégial, l'entente n'a pas été formellement entérinée, quoique je comprends des déclarations de M. Patry qu'elle pourra être resoumise à consultation des membres et que peut-être cette entente serait entérinée aussi par la Fédération nationale de l'éducation de la CSN, M. le Président.

n (10 h 20) n

De surcroît, comprenons-nous bien, cette entente dégage, et le ministre l'a rappelé tout à l'heure, va permettre de dégager une année de plus pour pouvoir discuter entre le gouvernement et les organisations syndicales, pendant une année, une année de plus. Mais il faut quand même être conscient que, si on a besoin de cet espace, si on a besoin de cette loi, c'est que les études sur l'équité salariale n'ont pas progressé comme elles auraient dû progresser, M. le Président, tel qu'elles avaient été signées et entendues entre la partie gouvernementale et les parties syndicales, dans des délais...

Je comprends, et je connais assez le dossier, je comprends que la tâche de l'équité salariale n'est pas une tâche facile. Il faut évaluer les professions suivant des grilles... d'abord se mettre d'accord sur la grille d'analyse, ensuite mesurer l'importance de chacune des professions de la fonction publique et du secteur parapublic, voire péripublic, et être en mesure de justifier si certaines fonctions, non pas d'une façon systémique, étaient discriminées dans la mesure où leur rémunération a été inférieure à celle qui aurait été pour un travail de même intensité, de même difficulté et qui demandait les mêmes prérequis. M. le Président, c'est un travail important, mais c'est un travail sur lequel le gouvernement aurait dû s'attaquer en priorité, et remarquons qu'il ne l'a pas fait. Nous sommes obligés aujourd'hui, compte tenu de son inaction, de voter en faveur de ce projet de loi.

Deuxième problème lié à ce projet de loi, M. le Président. Le ministre l'a vaguement, vaguement abordé, il ne faut pas oublier la question pour le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec. Vous savez, puisque vous suivez ce qui se passe, M. le Président, vous savez que nous avons procédé l'année dernière à ce que... Dans notre langage, il s'agissait de la scission du RREGOP, entre le RREGOP, c'est-à-dire le Régime de retraite des employés du gouvernement, pour faire une distinction entre ceux qui étaient le personnel-cadre et ceux qui étaient du personnel syndiqué. Il y avait toutes sortes de bonnes raisons pour vouloir scinder en quelque sorte le grand régime de retraite qui était le Régime de retraite des employés du gouvernement. Ça a posé quelques difficultés, et on aura encore un débat à refaire sur la loi n° 71 qui a été proposée par le président du Conseil du trésor quant au phénomène de transfert. Mais il y avait quand même des raisons pour scinder en quelque sorte les deux régimes de retraite du fait que l'évolution et l'historique des deux populations couvertes n'étaient pas nécessairement les mêmes. Et, au fur et à mesure du temps... D'ailleurs, on avait, dans le passé, été à même de considérer à l'intérieur du RREGOP d'une manière séparée ce qu'on appelait les employés syndiqués des employés d'encadrement ou des cadres.

Actuellement, M. le Président, un autre groupe, qui sont les professionnels du gouvernement, voudrait pouvoir séparer en quelque sorte, rescinder leur régime de retraite pour distinguer les professionnels des autres personnels syndiqués. Il y a là un débat important qu'il faut comprendre et qu'il ne faut pas traiter à la légère, M. le Président, qu'il ne faut pas traiter à la légère. C'est un problème complexe, et il faut bien comprendre les demandes du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec où l'historique des populations couvertes est un peu différent de celui des autres travailleurs fonctionnaires du gouvernement.

Alors, je ne voudrais pas, M. le Président, je ne voudrais pas que le vote, aujourd'hui, de la loi n° 90 soit pour le gouvernement l'occasion de se traîner les pieds à nouveau et de dire: Ce dossier de l'étude du Régime de retraite des employés du gouvernement, c'est-à-dire en particulier des professionnels du gouvernement, nous allons le laisser pourrir, puisque maintenant on a une année ou deux années devant nous. C'est un problème urgent, et je souhaite et je veux m'en assurer, M. le Président, lorsqu'on aura le débat article par article, tant sur ce projet de loi que sur le projet de loi n° 71, je veux m'assurer qu'il y ait, de la part du gouvernement ? de la part du gouvernement ? une prise de conscience des demandes qui sont faites par le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec et qu'il y ait au moins des échanges pour arriver à une entente sur ces questions qui sont extrêmement, extrêmement importantes, M. le Président.

Alors, est-ce que voter pour la loi n° 91 aujourd'hui veut dire voter pour strictement retarder tout d'un an et ensuite, dans un an, on se retrouverait exactement dans la même situation? J'espère que non. Et je peux mettre en garde actuellement et je mets aujourd'hui en garde le président du Conseil du trésor: nous allons être vigilants, nous allons être vigilants de manière à ce que et le dossier de l'équité salariale que vous n'avez pas réglé dans les délais prescrits, que vous n'avez pas réglé dans les délais prescrits, et le dossier actuellement des demandes du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec ne tombent pas tranquillement dans l'oubli et que, dans une année, on nous redemande encore... De dire: Vous savez, la question a été difficile, et nous devons encore demander une prolongation. Alors, soyez assuré, M. le Président, qu'il y aura, de la part de l'opposition, une vigilance accrue sur ces deux dossiers.

Je dois terminer, M. le Président, en signalant un autre point qui soulève, de notre côté, notre ire. Nous sommes profondément en désaccord avec une disposition de ce projet de loi. Et je vais vous l'expliquer facilement, et vous allez le comprendre. C'est une manière encore d'arriver soi-disant au déficit zéro, mais pas de l'inscrire réellement dans les livres. Vous allez comprendre. Le projet de loi actuellement accorde une augmentation salariale de 2 % à l'ensemble de ce qu'on pourrait appeler les employés du gouvernement, qu'ils soient dans le secteur public ou dans le secteur parapublic, 2 %. Ce n'est pas rien, M. le Président, 2 %. Vous savez, grosso modo, qu'on pourrait considérer que la masse salariale, c'est-à-dire l'ensemble des dépenses qui sont payées par le gouvernement, c'est à peu près 24 milliards. Donc, un 2 %, on parle de un demi-milliard. Un demi-milliard de dollars, ce n'est pas rien. Je ne dis pas que ce n'est pas justifié, mais ça veut dire à l'heure actuelle qu'en 2003 un demi-milliard de dollars devra être dépensé par le gouvernement dans ce qu'il appelle ses coûts de système. Je reviendrai dans un instant. Je reparlerai des coûts de système dans un instant.

Revenons maintenant sur ce demi-milliard de dollars. Ce demi-milliard de dollars, d'après les ententes qui sont prévues aux conventions collectives, ce demi-milliard de dollars devrait commencer à être payé à partir du 1er janvier 2003, mais miraculeusement... Vous savez comme moi que les années financières, M. le Président, vont du 1er avril au 1er avril, c'est-à-dire ou du 31 mars au 31 mars. Ce qui veut dire que la partie qui devrait être incluse dans les dépenses 2002-2003, c'est-à-dire celles qui couvrent... la partie des dépenses du 2 % d'augmentation salariale qui doit être versée du 1er janvier 2002 à 2003 ne sera pas versée sur le budget 2002-2003 mais ne sera versée ? et c'est dans le projet de loi, M. le Président ? ne sera versée simplement qu'après le 1er avril, c'est-à-dire dans l'autre exercice financier.

Alors, comprenez-moi bien, M. le Président, ce que sont en train de nous dire ces gens d'en face, c'est qu'ils vont atteindre cette année, en 2002-2003, le déficit zéro, mais il y aura un manque à gagner de 120 millions. Le 2 %, c'est-à-dire, c'est le quart du 500 millions, grosso modo. Il y aura un manque à gagner de 120 millions que vous allez pelleter dans 2002-2003. Et je me permets de vous dire: Vous allez pouvoir aller ? parce que 2002-2003, M. le Président, vous le savez, l'échéance électorale sera en 2003 ? vous allez pouvoir vous promener, vous promener en campagne électorale, disant «nous avons atteint le déficit zéro», sachant qu'il y a un 120 millions que vous avez promis à vos employés, que vous avez promis à chacun de vos employés, et que vous n'avez pas prévu dans le budget 2002-2003, mais que vous allez repelleter pour ceux qui vont prendre le pouvoir après vous. C'est ça, la réalité. C'est ça sur lequel nous sommes en désaccord, M. le Président.

n (10 h 30) n

La réalité des chiffres, la réalité des chiffres aurait été... vouloir dire quoi? Ça aurait voulu de dire: Oui, nous concédons à nos employés une augmentation de 2 % à partir du 1er janvier 2003, et là, dans les états financiers du gouvernement, nous prévoyons un 120 millions pour faire face à ces augmentations salariales, M. le Président, un 120 millions pour faire face à ces augmentations salariales. Ça aurait été de la gestion transparente, ça aurait été de la gestion honnête.

Or, à l'heure actuelle, M. le Président, ce 120 millions ne sera pas dépensé aux exercices 2002-2003, mais sera renvoyé dans l'exercice suivant, dans l'exercice 2003-2004, au moment où probablement vous ne serez plus au pouvoir, au moment où vous ne serez plus là. Vous... actuellement une négociation... vous dire: Oui, en 2002-2003, on a atteint l'équilibre financier. Mais ceux qui vous succéderont commenceront en sachant qu'ils devront payer les 120 millions sur lesquels vous vous êtes engagés, que vous n'avez pas inscrits aux livres et sur lesquels ils sont prévus dans le projet de loi n° 91. Bien sûr, ceux d'entre nous qui se rappelleront se rappelleront du projet de loi n° 91. Bien sûr. Mais croyez-vous réellement, dans la population, dans ce que je pourrais appeler les envolées oratoires d'une campagne électorale, qu'on se rappellera qu'il y a un 120 millions qui traîne et qu'il faudra assumer de plus dans l'exercice 2003-2004, M. le Président?

Ça, c'est quelque chose sur lequel nous ne pouvons pas être d'accord. Ça, c'est quelque chose, M. le Président, sur lequel nous ne pouvons pas adhérer. Il n'est pas correct, M. le Président, que ce montant d'argent, ce 2 % des salaires, qui représente la partie des augmentations salariales qui vont s'échelonner du 1er avril jusqu'à la fin du mois de mars, ne soit pas comptabilisé dans l'exercice financier 2002-2003, puisqu'il correspond à du travail, à une augmentation salariale des employés de l'État pendant l'année 2002-2003. C'est quelque chose absolument inacceptable qu'on soit amené à devoir en quelque sorte le pelleter pour ceux qui vont venir après vous, qui vont avoir donc à supporter ce 120 millions de plus lorsqu'ils auront à faire les exercices financiers.

Alors, M. le Président, nous aurions pu ici voter contre ce projet de loi. Ça aurait été contraire à l'intérêt de l'ensemble des personnes qui courageusement, dans le secteur hospitalier, dans le secteur de l'enseignement ou dans l'ensemble des fonctionnaires du gouvernement, travaillent et qui méritaient à ce moment-là leur augmentation salariale. Donc, il n'est pas question pour nous de retarder en quelque sorte l'attribution de cette augmentation salariale; elle est tout à fait justifiée, M. le Président. Mais, ce qui n'est pas justifiable actuellement, c'est la manière dont elle est comptabilisée.

Je terminerai sur un autre point qui est important. Parce qu'on l'a vu dans le débat, vous savez parfaitement ? et on vient de terminer actuellement, ceux d'entre vous qui l'ont fait avec nous, on vient de terminer ce qu'on appelle l'étude des crédits ? dans l'étude des crédits, il y a une bonne partie de ce qu'on appelle les montants transférés qui sont transférés aux commissions scolaires, transférés aux régies régionales de la santé, transférés aux hôpitaux, et qui sont prévus pour couvrir les salaires, une bonne partie des salaires qui sont les salaires des enseignants, des fonctionnaires qui travaillent dans le secteur public et parapublic, des fonctionnaires qui travaillent ou des infirmières qui travaillent dans les hôpitaux. Alors, ça, c'est ce qu'on appelle l'augmentation... En quelque sorte, c'est ce qu'on appelle les frais, les coûts de système.

Alors, le gros problème, M. le Président... Et on l'a remarqué bien des fois dans le débat. Et je me rappelle, avec brio, comment le député de Westmount?Saint-Louis, lorsqu'on a écouté les représentants des universités, posait toujours la question: Est-ce que, dans les nouveaux montants qui sont transférés, on prévoit des augmentations de coûts de système? Et les augmentations de coûts de système, ça peut être les augmentations liées à l'inflation, par exemple, sur le prix du carburant, sur le prix du chauffage, etc., mais aussi les augmentations de masse salariale.

Il faut bien s'assurer, M. le Président, que ce que nous votons aujourd'hui, c'est-à-dire les 2 % d'augmentation que nous votons aujourd'hui pour le personnel du réseau de la santé, pour le personnel du réseau de l'éducation, va aussi transparaître dans les transferts qui vont être faits par le gouvernement vers les institutions du réseau de la santé, dans les transferts qui vont être faits par le gouvernement vers les institutions du réseau de l'éducation. Combien de fois avons-nous vu le gouvernement régler aux tables centrales, accorder des augmentations salariales mais ne pas transférer dans les transferts qu'il doit faire aux institutions que sont les commissions scolaires, les collèges, les universités, les hôpitaux, les CLSC, les régies régionales de la santé, les CHLD, ne pas transférer les montants pour couvrir ces coûts qui sont inhérents aux augmentations de salaires, c'est-à-dire des coûts qui sont les augmentations de masse salariale.

Il est important... Il est important, et soyez assurés, et je le dis aujourd'hui au président du Conseil du trésor, de ne pas, en votant cette loi qui est justifiée, cette loi d'augmentation salariale et, rappelons-nous, qui est pleinement justifiée, il est important, M. le Président, de ne pas épuiser ? j'utilise le terme à dessein ? épuiser en plus nos hôpitaux, qui déjà sont terriblement à court d'argent, de ne pas assécher nos commissions scolaires, qui sont terriblement actuellement aussi à court d'argent, de ne pas faire en sorte que le gouvernement ne transfère pas aussi les argents, le demi-milliard qui est nécessaire pour... un peu moins que le demi-milliard, les centaines de millions nécessaires pour assumer cette augmentation salariale, parce que ce n'est pas évident qu'il a l'intention de le faire, M. le Président.

Alors, en résumé, en résumé d'une manière très simple, M. le Président, nous allons voter en faveur de cette loi-là. Nous allons voter en faveur de cette loi-là parce qu'elle est bénéfique pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses qui sont dans les secteurs public et parapublic. Néanmoins, il est important de dire que nous le faisons à regret. Nous le faisons parce que ce gouvernement n'a pas été rapide, parce qu'il n'a pas respecté ses échéances en ce qui touchait la question de l'équité salariale. Nous le faisons à regret aussi parce que ce gouvernement n'a pas fait les études qu'il devait faire pour répondre au questionnement du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec en ce qui a trait, à l'heure actuelle, à l'évolution du régime de rentes, du RREGOP. Nous le faisons à regret, M. le Président, parce que les méthodes comptables qui sont inhérentes dans ce projet de loi vont faire en sorte que les 120 millions qui normalement auraient dû apparaître aux états financiers de 2002-2003 vont être reportés à 2003-2004 et que ce ne sera pas vous, parce qu'il est probable que vous ne serez plus au gouvernement, qui devrez assumer en quelque sorte cette augmentation de 120 millions. Nous le faisons à regret aussi, M. le Président, parce que nous ne sommes pas sûrs actuellement que les coûts de système inhérents à ce projet de loi seront réellement assumés et transférés par le gouvernement aux secteurs que sont les hôpitaux, les commissions scolaires, les collèges, qui auront à assumer les augmentations salariales.

Donc, bien sûr, M. le Président, nous allons collaborer à l'adoption de la loi n° 91, mais nous le faisons à regret parce que, si ce gouvernement avait agi avec célérité, si ce gouvernement avait agi comme il devait le faire, si ce gouvernement était transparent, d'une part, on n'aurait pas à avoir un projet de loi de ce type-là devant nous, premièrement. Deuxièmement, s'il agissait de manière transparente, on verrait apparaître aux états financiers les 120 millions inhérents à l'augmentation salariale. Et, troisièmement, les questions qui auraient été sur les coûts de transfert auraient été prévues dans les crédits ou dans les règles budgétaires. Je vous remercie, M. le Président.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Verdun. Y a-t-il d'autres intervenants? Je vais donc mettre aux voix le principe du projet de loi n° 91, Loi concernant la prolongation de certaines conventions collectives des secteurs public et parapublic. Ce principe est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des finances publiques

M. Simard (Montmorency): Oui. Alors, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques et pour que le ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique en soit membre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

n (10 h 40) n

M. Simard (Montmorency): Alors, oui, M. le Président, je vous prie de prendre en considération l'article 21 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 101

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 21, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 16 mai 2002, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 101, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les résidences pour personnes âgées. C'est Mme la députée de Laviolette qui avait la parole, et il vous reste, Mme la députée, huit minutes sur votre intervention. Vous avez la parole.

Mme Julie Boulet (suite)

Mme Boulet: Merci, M. le Président. Alors, je suis bien contente de pouvoir terminer mon exposé sur le projet de loi n° 101, qui est la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les résidences pour personnes âgées. Alors, comme je le disais précédemment, le problème avec ce projet de loi, c'est un projet de loi qui est insipide, qui est vide et qui ne voit pas à l'essentiel du problème pour nos personnes âgées en résidence, c'est-à-dire la qualité des services qu'on leur offre, à ce moment-là, dans les résidences. Et c'est important pour ces personnes-là, selon moi, de respecter leur intégrité, de respecter la dignité, auxquelles ils ont pleinement droit, et le respect également à la vie privée.

Alors, pour nos auditeurs, vous savez que dans bien des résidences il y a des abus qui se font: il y a des abus de l'ordre financier, il y a des abus au niveau de l'alimentation. On sait que souvent les personnes âgées sont sous-alimentées ou ne sont pas alimentées de façon adéquate, avec un régime qui ne convient pas vraiment à leur statut. Il y a également beaucoup de problèmes d'hygiène. Souvent, on va les mettre dans des couches et on va les maintenir dans cette situation-là parce qu'on a un manque de personnel, parce qu'on ne veut pas en payer, du personnel en surplus, et c'est plus facile de maintenir les personnes dans cet état de dépendance.

Il y a également au niveau des soins. Souvent, on leur fait faire un minimum d'exercice parce qu'on n'a pas le temps, parce qu'on est occupé à autre chose. Alors, le fait qu'on leur fasse faire moins d'exercice, les gens deviennent stationnaires, ils restent assis de longues journées, de longues heures, dans leur lit, ce qui peut amener des plaies de lit. Alors, ça amène des problèmes; c'est très, très douloureux d'avoir des plaies de lit. Souvent, on leur donne à peine un bain par semaine. Alors, je pense qu'il y a des situations, là, qui sont tout à fait inadmissibles et qui se rapportent à ce qui se passe dans les résidences pour personnes âgées.

Et d'ailleurs la Commission des droits de la personne nous disait que la Charte des droits prévoit qu'une personne âgée ou handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation, particulièrement si elle est vulnérable sur le plan psychologique, social, économique, culturel, ou si elle dépend d'autrui pour assurer ses besoins de base.

Elle nous dit également ? et ça, c'est un rapport qui a été présenté au mois d'avril 2002 ? elle nous dit également qu'il existe présentement des situations inacceptables qui doivent être dénoncées et sur lesquelles il faut intervenir d'urgence, M. le Président. Alors, ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Commission des droits de la personne. Elle dit également: Notre population vieillit. Elle consommera dans un avenir rapproché de plus en plus de services de santé et de services sociaux.

Alors, c'est important de partir de ces données-là pour savoir que dans le projet de loi on parle de répertorier les résidences pour personnes âgées. C'est peut-être correct de les répertorier, M. le Président, mais, là où il y a un problème, c'est qu'on ne parle pas, en aucun temps, de donner des soins de qualité, de voir à ce que les gens qui travaillent avec ces personnes-là soient conformes et qu'ils aient les qualités et qu'ils aient la formation nécessaire pour bien s'occuper de ces gens-là et s'en occuper de façon à ce qu'on aimerait nous-mêmes qu'on s'occupe de nous quand viendra le temps, quand ce sera notre tour à nous.

Alors, je pense que, les personnes âgées, on les considère souvent comme un fardeau sur le plan économique, et c'est totalement faux. Et il faudrait se rappeler que ces gens-là ont bâti le Québec, ces gens-là ont fait un apport important au niveau social; encore, ils le font présentement encore à plusieurs niveaux. On a juste à se rappeler, au niveau du bénévolat, le temps que ces gens-là donnent à des générations plus jeunes qu'eux, ce temps qu'ils donnent pour nous montrer ce qu'ils ont appris tout au long de leur vie, pour nous donner des travaux manuels, pour nous donner de leur temps et de leur écoute. Alors, c'est important de dire que ces personnes-là, ce sont des gens extraordinaires qui ont encore beaucoup de choses à apporter à notre société moderne et qu'ils ont une place... ils devraient avoir une place de premier choix, et c'est important qu'on veille à leur bien-être, c'est important qu'on maintienne leur intégrité et leur dignité.

Alors, la Commission des droits faisait quelques recommandations. Plutôt que de répertorier les résidences, on devrait peut-être avoir... Et elle dit, dans sa recommandation 34: «Que les régies régionales de la santé et des services sociaux imposent une procédure d'accréditation aux résidences privées qui hébergent des personnes âgées en perte d'autonomie.» Alors, on dit que le malaise à l'heure actuelle, ou la lacune, c'est qu'il n'y a aucune norme relative à la formation. Alors, vous savez qu'il y a des maladies qui sont spécifiques à la vieillesse. Je vais prendre, entre autres, l'exemple la maladie d'Alzheimer, et ces gens-là... Je pense qu'on ne peut pas demander à des gens de garder ces personnes-là et de s'en occuper adéquatement s'ils n'ont aucune formation pour travailler avec ce genre de personnes.

Vous savez comme moi qu'il y a des maladies qui se présentent avec l'âge, des maladies qui sont tout à fait particulières, avec des spécificités, et il faut savoir travailler avec ces gens-là. On ne peut pas les bousculer, on ne peut pas... Je pense que, si on les met sous tension, sous une pression nerveuse qui est importante, ces gens-là vont rétrograder encore davantage. C'est important de conserver un maximum d'autonomie pour ces gens-là, et je pense que toutes les personnes qui travaillent dans des résidences pour personnes âgées devraient avoir un minimum de formation académique, un minimum de formation pour travailler en gériatrie. Et ce serait très important, M. le Président, parce que sinon il y a des problèmes très graves qui s'ensuivent et, à ce moment-là, il y a des coûts de société, bien évidemment.

Écoutez, ce sont nos parents. Aujourd'hui, ça peut être ma mère ? d'ailleurs, ma mère en est une de celles-là ? aujourd'hui, ça peut être nos parents, nos grands-parents peut-être, mais, demain, ce sera nous. Alors, posons-nous la question: Est-ce que nous accepterions d'être traités de cette façon-là si c'était nous qui avions à vivre ces préjudices-là? Alors, je suis convaincue que tous les auditeurs, toute la population du Québec... un gros non. Un gros non, on n'accepterait pas. On veut que... Quand on arrivera à ces années-là, on veut avoir des années qui soient tranquilles, qui soient calmes, et des années où... lesquelles on aura beaucoup de respect pour nous, pour le travail que nous aurons donné dans les années où nous étions plus productifs.

On recommande également, à la recommandation 35... Parce qu'on dit: Les régies régionales, bon, elles ont des critères d'accréditation, mais ça serait: «Il importe qu'elles soient mandatées également pour recevoir les plaintes des résidents et qu'elles soient dotées de pouvoirs décisionnels.» Alors, vous savez qu'il y a très peu de résidents qui vont se plaindre. Il y en a très peu qui vont se plaindre, parce qu'il y a des craintes. Alors, vous savez qu'une personne dans une résidence pour personnes âgées n'osera pas dénoncer un fait ou dénoncer des actes qui n'ont pas été corrects envers elle, parce qu'elle a peur. Elle a peur d'avoir des préjudices. Elle a peur que sa situation soit encore davantage... Par après la dénonciation, on peut lui dire: Bien, écoutez, vous nous avez dénoncés, là, bien, on va vous bardasser un peu plus.

Alors, ça, c'est des choses qui ne devraient pas être permissibles, des choses qui devraient... Alors, la régie régionale devrait avoir plus de pouvoirs dans ces cas-là. Les régies régionales pourraient avoir la permission également de demander de la formation, mais également un pouvoir, un pouvoir pour faire corriger les lacunes. Alors, demander à la résidence de se conformer et d'avoir du personnel formé et compétent. Alors, les régies régionales ne devraient pas être là que pour répertorier, mais elles devraient être là également pour agir sur le terrain, pour faire en sorte que ces gens-là qui ont des résidences comme ça et qui n'agissent pas de façon correcte doivent se réformer, doivent corriger leur attitude, pour faire en sorte que nos aînés aient des services et des soins auxquels ils ont pleinement droit.

Alors, il va falloir qu'au fil des ans, M. le Président, qu'on change notre perception de la vieillesse, il va falloir qu'on en fasse une priorité nationale, parce que demain il y aura encore plus de personnes âgées qu'il y en a à l'heure actuelle. Et je considère que présentement il y a un gros manque au niveau des soins qu'on apporte à ces personnes âgées là. On n'a qu'à regarder également au niveau des services à domicile. Vous savez que les services à domicile sont très déficitaires à l'heure actuelle. On manque de sous pour les services à domicile, alors que, dans le fond, au niveau des services à domicile, s'ils étaient faits adéquatement, il y a une économie pour tout le réseau de la santé, une économie avec les soins à domicile. Et les personnes pourraient conserver leur domicile le plus longtemps possible, pourraient vivre dans leurs habitudes, avec leurs meubles, avec toutes les choses auxquelles elles se sont attachées au fil des ans, et ce serait encore un gros plus pour nos personnes âgées que de leur permettre de vieillir et de finir... en tout cas, le plus longtemps possible dans leur existence, de rester dans leur milieu de vie auquel elles sont ou ils sont pleinement attachés.

Alors, pour terminer, j'aimerais souligner le travail que fait Mme Bélanger, la députée de Mégantic-Compton, qui a le dossier des personnes âgées et qui, M. le Président, j'aimerais bien le dire, les défend avec passion, ardeur et avec beaucoup de travail. Alors, je vous remercie infiniment et j'espère que, à l'avenir, on prendra soin de nos personnes âgées d'une façon beaucoup plus équitable qu'actuellement. Merci.

n (10 h 50) n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Laviolette. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens à mon tour sur le projet de loi qui modifie les services de santé et services sociaux. Ce projet de loi concerne les résidences pour personnes âgées.

Avant de vous parler du projet de loi comme tel, je pense que c'est important qu'on se rappelle ici, comme parlementaires et aussi pour les gens qui nous écoutent... qu'on fasse un peu d'historique et qu'on retourne un petit peu en arrière. Rappelons-nous qu'en décembre 2001 la Commission des droits de la personne avait rendu public un rapport qui s'intitulait L'exploitation des personnes âgées. De nombreux constats ont éveillé la population à la triste réalité qui se vit dans les résidences privées d'hébergement pour personnes âgées. Ce rapport faisait référence à une atteinte à leur dignité, à leur intégrité, à leur sécurité et à leur liberté.

Deux éléments-clés ressortent du rapport de la Commission des droits de la personne: il faut donner au réseau de la santé, premièrement, le pouvoir d'intervenir dans la qualité des soins et des services qui sont prodigués, donner également au réseau de la santé le pouvoir d'ordonner que des correctifs soient apportés lorsqu'il y a preuve d'abus envers nos personnes aînées.

J'aimerais également rappeler à mes collègues ministériels, donc du Parti québécois, qu'en prévision de l'Année internationale des personnes âgées, en 2001, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, cette Commission donc avait initié une large consultation publique sur cette problématique qu'était et qu'est toujours l'exploitation des personnes âgées. On se rappellera que 117 organismes et individus sont venus éclairer la Commission sur des nombreuses situations vécues par nos citoyens et citoyennes aînés, et, M. le Président, une grande problématique s'est vite dégagée: plusieurs personnes âgées n'osent dénoncer les situations inacceptables dont elles sont très souvent victimes. La raison s'explique d'elle-même, elles craignent des représailles et, pire encore, elles craignent de se retrouver dans des conditions de vie pires que celles qu'elles avaient dénoncées.

La Commission des droits de la personne a par la suite dénoncé dans son rapport l'exploitation physique, psychologique, morale et financière de nos personnes âgées, une exploitation qu'elles subissent dans nos centres d'hébergement et de soins de longue durée, et plus particulièrement dans les centres d'hébergement de neuf chambres et moins. Entendons-nous, là, ce n'est pas partout que ça se passe comme ça. Par contre, qu'il y ait seulement un endroit où ça se passerait de même, et je pense que c'est important qu'on puisse légiférer pour empêcher et enrayer cette exploitation de nos personnes aînées.

J'aimerais également rappeler pour mémoire que les membres de la commission de la culture, d'une voix unanime, recommandaient ce qui suit pour les résidences privées de neuf personnes et moins, et je cite: «Qu'en cas de plainte le législateur accorde à la régie régionale un pouvoir d'intervention et d'enquête.»

On se rappellera également, M. le Président, que l'ancien ministre de la Santé, M. Rémy Trudel, avait annoncé que Mme Nicole Brodeur serait chargée d'assurer la mise en oeuvre de recommandations que venait de formuler à l'époque la Commission des droits de la personne et de la jeunesse sur les personnes âgées, et ce, pour tout ce qui concerne la santé et les services sociaux. Malheureusement, M. le Président, il ne s'est pas passé grand-chose suite à cette annonce de l'ancien ministre de la Santé.

M. le Président, donc, de nombreux constats alarmants, des recommandations musclées. Qu'a fait le gouvernement suite à ces recommandations? Le gouvernement a déposé un projet de loi intitulé le projet de loi n° 101, loi qui modifie les services de santé et services sociaux concernant les résidences pour personnes aînées. Est-ce que vous pensez que ce projet de loi, qui est volumineux... Croyez-vous qu'il contient de nombreux articles de loi, M. le Président? Je voudrais dénoncer le fait que le gouvernement a tellement tenu compte des recommandations de la Commission des droits de la personne, de la commission de la culture, qu'il a déposé ce volumineux projet de loi qui ne contient que trois articles. Trois articles dont un, évidemment, qui touche la mise en vigueur. Et vous me permettrez de vous lire les notes explicatives, puisque le projet de loi ne contient que trois articles de loi. Ce ne sera pas très long, je vous le promets.

«Ce projet de loi édicte qu'une régie régionale doit constituer et tenir à jour un registre des résidences pour personnes âgées. Le projet de loi impose à la personne responsable d'une telle résidence l'obligation de produire auprès de la régie régionale une déclaration contenant les renseignements relatifs à la tenue et à la mise à jour de ce registre.»

M. le Président, où sont passées toutes ces recommandations, où sont passés tous ces constats qu'a pu faire ou qu'ont pu faire finalement les 117 organismes et personnes qui sont venus dénoncer devant ces commissions les situations d'abus et d'exploitation de nos personnes aînées? Où sont passées ces recommandations? Peut-être sont-elles passées dans un autre projet de loi, déposé cette fois-ci par le ministre des Affaires municipales et qui, lui, dans sa grande générosité à l'égard des personnes aînées, décide qu'il va déposer un projet de loi qui va, cette fois-ci, toucher la brique et le béton.

Le projet de loi touche évidemment des normes concernant la construction d'immeubles pour les personnes âgées. M. le Président, vous avouerez comme moi que de ne pas avoir tenu compte d'aucune façon, d'aucune manière des recommandations émanant des deux commissions, soit celle de la culture et celle de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, dénote, à mon avis, un flagrant manque de contact avec la population, une insensibilité à l'égard des besoins de la population vieillissante qui est la nôtre... Parce qu'elle est vieillissante, évidemment, et, je dirais ? je ne peux pas le dire autrement ? un mépris et un manque de respect à l'égard de cette population qui nous a... D'abord, comme l'a dit tout à l'heure ma collègue, qui a bâti le Québec et qui a contribué à ce filet de protection sociale qu'on s'est donné tous ensemble, hommes, femmes, jeunes, moins jeunes, plus âgés, au moment de la Révolution tranquille. Ces gens-là ont contribué non seulement à bâtir le Québec, mais ont contribué financièrement également à s'assurer qu'on aurait un système de soins de santé accessible, universel. Ces gens-là n'ont jamais, mais pas un quart de seconde, pensé que, lorsque viendrait le temps de recevoir ces soins, de vivre dans un centre d'hébergement pour personnes âgées, qu'ils seraient confrontés ou qu'elles seraient confrontées, ces personnes, à une exploitation qui toucherait à la fois leur situation financière, leur hygiène, leur qualité de vie.

Ma collègue, tout à l'heure, celle qui m'a précédée, faisait référence à cette difficulté que nos hommes et nos femmes vieillissantes vivent. Il faut se rappeler que ce n'est pas drôle de quitter son milieu. Moi, j'ai une grand-mère qui a vécu dans une résidence pour personnes âgées ici, au Saint Brigid's Home, sur le chemin Saint-Louis, à Sillery, et qui a été, fort heureusement, très bien traitée et très heureuse et qui a passé 13 ans de sa vie là.

Moi, j'ai eu la chance d'aller, au moins une fois par semaine, lui rendre visite et de constater à quel point le personnel infirmier, les aides-infirmières ou les aides-infirmiers, les bénévoles sont à même de donner des soins absolument extraordinaires. Mais j'ai été également à même de constater combien ça a été de plus en plus difficile depuis quelques années, suite à toutes ces coupures qui ont été faites de façon aveugle par le gouvernement du Parti québécois sans jamais tenir compte des conséquences que pouvaient avoir sur les personnes... Pas sur papier, là, hein, mais sur les personnes, toutes ces décisions qui ont été prises au nom de deux choses, du sacro-saint déficit, d'ailleurs avec lequel on était d'accord, mais certainement pas avec la rapidité avec laquelle le gouvernement du Parti québécois l'a fait, et évidemment au nom de l'option du Parti québécois.

n(11 heures)n

M. le Président, ce n'est pas sérieux, un projet de loi comme celui-là, puis je vous dirais même que d'être obligé de se lever comme législateur en cette Chambre pour parler sur ce projet de loi là, c'est gênant. Parce que vous savez comme moi qu'on peut être pour ou contre un projet de loi. On peut se lever, dénoncer un projet de loi comme mon collègue l'a fait tout à l'heure, mon collègue député de Verdun, qui a su démontrer, dans le cadre d'un autre projet de loi, les raisons pour lesquelles le gouvernement faisait fausse route, mais, par contre, que c'était un projet de loi qui contribuait à améliorer le sort des citoyens. Et nous allons donner, en tout cas nous avons donné notre accord à l'adoption de principe de ce projet de loi là. Donc, il ne faut pas que les gens qui nous écoutent s'imaginent que parce que, moi, je suis dans l'opposition je vais être automatiquement contre un projet de loi, mais, celui-ci, c'est gênant pour le Parti québécois parce que ça ne date pas d'aujourd'hui, je ne suis pas la première à me lever pour dire qu'il y a des problèmes dans le réseau de la santé et des services sociaux, je ne suis pas la première à dénoncer les sévices que vivent les personnes âgées. Ma collègue de Saint-Henri?Sainte-Anne s'est levée je ne sais pas combien de fois pour dénoncer ce qui se passait. Le gouvernement est-il à ce point sourd et aveugle qu'il s'imagine qu'il va déposer un projet de loi, en l'occurrence le projet de loi n° 101, ici aujourd'hui, là, et que nous allons donner notre appui à ce projet de loi là?

Qu'on veuille instaurer un registre pour connaître le nom, l'âge, l'adresse des personnes âgées, je suis parfaitement d'accord, mais ça aurait pu être un article parmi tant d'autres qui viennent donner une autorité aux régies régionales de pouvoir intervenir là où c'est nécessaire et, lorsqu'il y a sévices, ne pas avoir peur de dire: Bien, écoutez, s'il faut fermer momentanément cet endroit-là, bien, on le fera. J'ai une mère qui... Bon, je ne vous dirai pas son âge parce que, si elle m'écoute, elle ne sera pas contente que je dise son âge. Mais je ne serais pas très contente de savoir que ma mère est dans un endroit comme celui-là et que j'apprenne un jour qu'elle avait tellement eu peur de dénoncer les sévices qu'on lui faisait subir. Ce n'est pas drôle pour les familles, mais pas du tout. Et, à ce compte-là, M. le Président, pourquoi le gouvernement ne cherche-t-il pas d'autres formules, d'autres solutions aussi pour aider nos familles, nos familles qui ont des personnes âgées, qui seraient prêtes à s'occuper de ces gens-là à la maison? Mais non, on n'a pas été capable encore de mettre sur pied un service de soins à domicile, de services à domicile. Pourquoi ne contribuerait-on pas à payer des gens, à donner à des familles un montant d'argent qui pourrait, cette fois-ci, permettre d'engager quelqu'un plutôt que d'engorger nos centres d'hébergement?

Ma collègue, tout à l'heure, celle qui m'a précédée, la députée de Laviolette, qui connaît très bien évidemment toute la question des personnes aînées, puisqu'elle est pharmacienne et qu'elle sait très bien ce que signifie pour ces gens-là d'avoir accès à des médicaments, à des soins qui sont adéquats et adaptés à leur situation, le disait, on ne peut pas ignorer cette réalité. Il y a, avec le vieillissement de la population, des maladies qui viennent avec ça, mais il y a aussi une autre situation dont il faut tenir compte, c'est que ces gens-là sont moins rapides, ils peuvent marcher moins vite, ne peuvent pas toujours faire leur marché ou vaquer aux occupations de la même manière qu'ils le faisaient avant. Comment se fait-il qu'on soit obligé de dénoncer ce qui se passe même dans certaines familles qui abusent aussi de leurs personnes vieillissantes? Et le gouvernement dépose aujourd'hui un projet de loi ? en fait, il l'a déposé il y a quelques jours ? et souhaiterait un vote unanime sur ce projet de loi là? Jamais! Je vous le dis, M. le Président, jamais!

Le ministre des Affaires municipales, pas plus tard que la semaine dernière, tentait de nous dire que c'était dans son projet de loi qu'on retrouvait évidemment les références à ces recommandations. La ministre responsable de la Famille, de l'Enfance et des Aînés, elle, ne savait que dire sur ce projet de loi là. Je vais vous dire quelque chose, M. le Président: elle me déçoit énormément, la ministre de la Famille et des Aînés. J'aurais pensé, puisqu'elle nous en a longuement parlé, de son voyage en Espagne, où est-ce qu'on est cités en exemple... Je dois vous dire bien franchement, là, qu'elle n'a certainement pas épilogué longtemps sur la situation de certaines de nos personnes âgées dans certains centres et qu'elle n'a certainement pas épilogué longtemps en espagnol, ou en Espagne, sur son projet de loi qu'elle a déposé tout récemment.

On sait que l'espérance de vie augmente. Si ça peut nous réjouir de vivre plus longtemps, il faut aussi qu'on ait l'espoir de pouvoir vivre correctement soit à la maison soit dans les centres d'hébergement, mais des centres d'hébergement qui sont adaptés à la réalité d'aujourd'hui et à la réalité de demain. Il faut payer notre personnel, il faut former notre personnel. La députée de Laviolette disait tout à l'heure qu'il faut investir dans cette formation, s'occuper de gens qui sont atteints d'Alzheimer. On ne s'occupe pas de la même manière de ces gens-là que ceux qui sont un peu plus autonomes et qui peuvent à la fois requérir certains services et d'autres qui finalement sont moins autonomes. On ne peut pas s'occuper de ces gens-là de la même façon, et ça prend des formations qui sont différentes, et j'ajouterais même de la formation continue.

Et ça m'amène à vous dire, M. le Président, que, moi, je pense que c'est une question de priorité, c'est une question de choix. Comme société, on s'est donné un système d'assurance maladie, on s'est donné la Caisse de dépôt, on s'est donné un régime de retraite, on s'est donné plein de choses au Québec puis on est fiers de ça. Est-ce qu'aujourd'hui on va se dire qu'on est fiers de la façon dont on traite nos aînés dans les centres d'hébergement pour soins de longue durée? Je ne suis pas sûre qu'on peut être très fiers de ça. Manque de personnel, manque de soins. Puis j'en profite pour saluer le travail du personnel qui est là, qui tient, depuis 1995, depuis la fameuse réforme Rochon, qui tient, depuis 1995, à bout de bras, à bout de souffle, à bout de souffle... On s'entend, là, des burnout dans ce réseau-là, il y en a partout. Ce n'est pas une honte de le dire, là. On ne peut pas demander à ces hommes et à ces femmes de continuer à tenir à bout de souffle sans réinvestir. Et je vous dirais, M. le Président, que c'est une question de choix, c'est une question de priorité.

Et, quand on a un gouvernement devant nous, les gens du Parti québécois, qui se félicite, qui s'autocongratule par des campagnes de publicité de l'ordre de 5, 10 millions ? ce n'est pas grave, c'est l'argent des contribuables, ce n'est pas le nôtre, c'est l'argent des contribuables ? bien, moi, je vais vous dire, M. le Président, c'est mon argent, c'est votre argent, c'est l'argent des gens qui nous écoutent, puis ces gens-là en ont ras le bol.

Moi, je viens d'un comté où la population est vieillissante. Des centres d'hébergement, il y en a. Et je peux vous dire une chose: oui, il y a certains endroits où il y a des problèmes. La plupart des cas, ça va très bien. Mais, même quand on dit que ça va très bien, il faut venir en support à ces gens-là, il faut réinvestir dans ce réseau-là, puis pas à peu près. Puis je vous dirai une chose, c'est que, là où ça va mal, il ne faut pas avoir peur d'avoir peur, il faut dénoncer ces situations-là. Puis, pour le faire, il faut que le gouvernement ait une prise, une poigne ? passez-moi l'expression ? et cette poigne-là, ça s'appelle la régie régionale avec des pouvoirs d'intervention.

Je vous dirai, M. le Président, en terminant que justement ces recommandations-là étaient les suivantes: que les régies régionales de la santé et des services sociaux imposent une procédure d'accréditation aux résidences privées qui hébergent des personnes âgées en perte d'autonomie; que, dans ses critères d'évaluation pour l'accréditation des résidences privées, chaque régie régionale considère la capacité des résidences à gérer adéquatement le vieillissement et la perte graduelle... et que les régies régionales de la santé et des services sociaux, avant de considérer automatiquement la fermeture de la ressource d'hébergement et le déplacement des personnes âgées, aient le pouvoir d'ordonner aux résidences privées d'apporter des correctifs appropriés à des lacunes constatées.

M. le Président, le temps court, vous me faites signe. Je vais voter contre, mille fois contre ce projet de loi qui est insignifiant, qui ne comble en rien les besoins des personnes âgées, qui n'ajoute strictement rien. Et, à mon avis, je dénonce tout de suite l'incapacité et l'insensibilité du Parti québécois à reconnaître la réalité du terrain.

n(11 h 10)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. M. le député de Montmagny-L'Islet, le prochain intervenant, je vous cède la parole.

M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Comme l'ont fait plusieurs de mes collègues avant moi... M. le Président, le projet de loi n° 101, tel qu'il nous est présenté ici, à l'Assemblée nationale, ne répond en rien aux attentes, d'abord, de nos aînés qui sont en services d'hébergement ou en foyer privé, ne répond en rien à leurs familles et à ceux et celles qui les supportent.

M. le Président, je pense qu'il faut refaire l'histoire de nos ancêtres. On nous a enseigné, il y a plusieurs années passées, à nos parents, à nos grands-parents, qui nous l'ont rappelé, le respect, le respect de chacun de soi et le support qu'on doit apporter à ceux qui sont dans le besoin et plus particulièrement nos aînés, ceux et celles qui ont fait que le Québec actuel, tel qu'on le connaît, s'est développé, ceux et celles qui ont permis de développer chacun de nos villages où nous habitons. M. le Président, je pense qu'il s'agit de visiter le Québec de façon régulière pour revoir, je pense, refaire l'histoire de chacun de nos villages, de chacune de nos familles et le temps, c'est-à-dire les heures que ces gens-là ont mis pour développer le Québec d'aujourd'hui, le Québec comme on parle souvent, le Québec des régions.

Vous savez, nos grands centres urbains au Québec, ici comme au Canada, j'imagine, mais au Québec parce qu'on connaît mieux l'histoire, ont été bâtis par des gens des régions. La ville de Québec, la ville de Montréal, pour ne parler que de celles-là, il y a 30, 50 ans passés, n'étaient absolument pas ce qu'elles sont aujourd'hui. Et vous n'avez qu'à vérifier dans ces grands centres urbains la provenance des citoyens et citoyennes qui y habitent aujourd'hui, ils vous diront: Il y a 20 ans, nous avons émigré à Montréal ou à Québec. On venait da la Gaspésie, on venait du Bas-Saint-Laurent, on venait de la Côte-Nord, notre famille habitait au Lac-Saint-Jean ou en Abitibi. Évidemment, plusieurs des membres de ces familles-là restent en région. Assez souvent, c'est les parents. Et nos parents qui habitent dans leur résidence encore, ceux qui peuvent habiter dans leur résidence où ces gens-là sont nés, les membres de ces familles-là sont nées, l'ont fait tant et aussi longtemps qu'ils ont pu et qu'ils ont pu être autonomes et s'occuper de leur quotidien, des services qu'ils avaient besoin. Et, à défaut d'être sécurisés dans des situations comme celles qu'ils vivaient, ils ont choisi d'aller dans des foyers privés; des foyers publics, mais aussi des foyers privés.

Et le débat qui se fait aujourd'hui au sujet de la loi n° 101, M. le Président, c'est que le gouvernement tente de démontrer qu'il a compris le message de la Commission des droits de la personne qui a dénoncé des situations au Québec, des situations gênantes, gênantes pour plusieurs d'entre nous, particulièrement pour les membres de l'Assemblée nationale, nous, ici, qui avons une responsabilité quand il y a des organismes mandatés par le gouvernement du Québec pour faire enquête et s'assurer que, les citoyens, leurs droits sont respectés, et qu'ils peuvent vivre avec plus de fierté qu'ils vivent aujourd'hui, et le gouvernement a réagi en disant: Dans une première étape, nous allons déposer un projet de loi qui nous permet...

Non, mais il faut se le rappeler, là, à la lecture du projet de loi, le gouvernement dit: Ça nous permettra, ça permettra à la régie de la santé, au ministère de la Santé de faire l'inventaire de toutes les résidences privées qui reçoivent de nos parents, de nos amis, des membres des familles que nous connaissons tous dans chacune de nos régions. Faire l'inventaire. Faire l'inventaire, dans un premier temps, je pense que ça va de soi. Mais le projet de loi doit être plus complexe, doit faire la démonstration dès aujourd'hui, dès cette session-ci, en 2002, que le gouvernement a compris le message qui lui avait été adressé par la Commission des droits de la personne, comme je le mentionnais, et qu'il y a des changements à apporter.

Et là le but de mon intervention aujourd'hui et le but de l'intervention des collègues avant moi n'était pas de condamner ou de blâmer ces maisons, ces entreprises privées qui reçoivent des personnes âgées, qu'on appelle des foyers privés. Elles reçoivent normalement en petit nombre, sept, huit, neuf personnes... Je pense que c'est le minimum pour garder leur statut. Ces gens-là, la très grande majorité aiment le travail qu'ils font, aiment les personnes âgées qui habitent avec eux autres, et leur donnent les services appropriés, et sont, je dirais, vigilants pour suivre les besoins, pour surveiller et suivre les besoins de ces personnes-là.

M. le Président, nous parlons de ceux et celles qui sont dénoncés dans le rapport de la Commission, rapport de la Commission qui disait, qui nous rappelle ses responsabilités, parce que les responsabilités de la Commission sont basées sur des principes, et ces principes... La Charte prévoit qu'une personne âgée ou handicapée a le droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation, particulièrement si elle est vulnérable sur le plan physiologique, social, économique et culturel ou si elle dépend d'autrui pour assurer ses besoins de base. Donc, ces personnes se retrouvent en foyer privé, et ce que la Commission a constaté: qu'à certains endroits, ces gens-là, on abuse d'eux. On abuse d'eux sur le plan financier, on abuse d'eux sur le plan des services qui devraient leur être offerts et on abuse d'eux, ces gens-là... C'est qu'on ne leur permet pas de vivre avec la fierté qu'ils auraient souhaitée et la sérénité qu'ils auraient souhaitée pour leurs, j'allais dire les vieux jours, mais, disons, pour la période où ces gens-là sont à la retraite. Ils ont besoin de support pour bien vivre les années qui sont plus difficiles pour eux autres.

Donc, M. le Président, tout ça pour vous rappeler que la Commission, elle a tout simplement fait une constatation selon son rôle et son obligation, d'une part, et elle est venue dire au gouvernement: Il est grand temps d'agir. Et les membres de l'Assemblée nationale des deux formations politiques ici, soit ceux qui forment le gouvernement et ceux de l'opposition, se devaient, se devaient de comprendre le message, et le gouvernement se devait, lui, de profiter de l'opportunité qui pourrait lui être offerte ici, à l'Assemblée nationale, d'avoir l'appui de l'opposition pour vraiment corriger des situations qui sont dénoncées, les corriger dans le cadre d'un projet de loi déposé, pas celui qui vient d'être déposé, le projet de loi n° 101, mais un projet de loi beaucoup plus complet, et de s'assurer que les personnes âgées qui choisissent de vivre chez eux le plus longtemps possible, dans leur propre résidence, reçoivent les services qu'on leur avait promis.

On leur avait promis des services à domicile il y a quelques années. Donc, les fermetures d'hôpitaux, on s'en rappelle tous, les fermetures d'hôpitaux qui ont été en très grand nombre il y a déjà cinq, six ans, pour ne pas dire sept ans... Donc, les argents économisés, le gouvernement nous avait garanti qu'ils seraient transférés pour améliorer les services des soins à domicile. Donc, M. le Président, c'est sur ça, sur cette base qu'on doit questionner le gouvernement. Il avait pris un engagement pour ces personnes de leur assurer un service, des soins à domicile adéquats, gérés par les services de centres locaux, les CLSC, qu'on appelle, communément appelés les CLSC, dans chacune de nos régions. Donc, aujourd'hui, ce qu'on nous explique, c'est qu'on n'a pas les budgets pour donner tous les services nécessaires pour apporter le minimum à chacune de ces personnes. Donc, on doit remettre en question justement la volonté du gouvernement de régler ce problème-là.

M. le Président, nos personnes âgées en établissement ont besoin d'être sécurisées. Elles ont besoin de se faire sécuriser et d'être informées dès aujourd'hui ou, du moins, dans les prochains jours, de la part du gouvernement, que, oui, on va présenter un projet de loi, oui, on va avoir une ouverture pour bonifier ce projet de loi si la situation se présente, et, en plus de souhaiter, avec ce projet de loi, de répertorier les établissements qui accueillent de nos personnes, définir justement les rôles et les responsabilités de chacun, dont ceux de la régie de la santé et des CLSC.

n(11 h 20)n

Pourquoi, M. le Président, on ne leur donne pas, on n'améliore pas les services de soins à domicile d'abord dans les résidences privées? Mais pourquoi on n'ajoute pas, par exemple ? je pense qu'il faut être imaginatif, à ce moment-ci ? une responsabilité aux CLSC ou à d'autres organismes responsables, dépendamment de la régie de la santé, qui sont dépendants de la régie de santé, l'obligation d'aller supporter, sous forme de soins à domicile, ces personnes-là, même si elles sont en établissement, en établissement privé?

M. le Président, je pense que les membres de l'Assemblée nationale doivent s'assurer que ce projet de loi soit plus complet, soit plus complet. Nos aînés méritent beaucoup plus que ça. Je pense que c'est des gens qui... Et personne ici, dans cette Chambre, n'est en mesure de le nier, j'imagine bien. C'est des gens qui ont fait beaucoup, beaucoup, pour chacun d'entre nous d'abord, et je pense à ma propre région, la municipalité où je vis. On connaît plusieurs familles. Ces gens-là ont fait beaucoup pour leur famille, leurs proches, leurs parents ou leurs amis. Ces gens-là ont été de grands bénévoles pendant toute leur vie dans leur communauté, et aujourd'hui tout ce qu'il leur reste ? parce que parfois la famille est trop loin ou les amis ne sont pas nécessairement dans la même communauté ? ces gens-là, tout ce qu'il leur reste, c'est d'être sécurisés par une famille d'accueil, un foyer privé qui pourrait leur donner toute la sécurité et les services que ces gens-là souhaiteraient. Donc, tout ça doit être fait avec fierté, leur assurer une qualité de vie, et fait dans le respect de ces personnes.

Donc, il n'y a pas d'obligation dans la loi pour s'assurer... ou du moins il n'y a pas d'article qui vient définir des responsabilités à la régie de la santé, soit aux CLSC ou à ceux et celles qui administrent les soins à domicile. M. le Président, c'est inacceptable. Nous avons l'obligation de réagir. C'est pourquoi, je pense, la Commission, malgré certaines suggestions à cet effet, rejoint la majorité des intervenants et se prononce clairement contre l'instauration d'une loi de protection des aînés dans le sens de celle qui nous est présentée, n'étant pas complète. Et ces citoyens, personnes âgées en établissement, n'ont aucune garantie que, si jamais ils voulaient dénoncer des situations dans l'établissement ou la résidence privée où ils vivent, ils seraient protégés. Donc, M. le Président, je pense qu'on n'apporte rien dans l'immédiat avec ce projet de loi là, on doit aller beaucoup plus loin, et je pense que c'est ce que s'apprête à faire notre formation politique, mes collègues, sensibiliser le gouvernement à profiter de l'occasion, à l'occasion du dépôt de ce projet de loi là, pour aller beaucoup plus loin et clarifier des situations dénoncées justement par la Commission de protection.

Les abus qui ont été dénoncés par la Commission de protection des droits des personnes, ces abus se manifestent de diverses façons. Soulignons d'abord l'exploitation matérielle ou financière. Plusieurs l'ont rapporté, il y a des exemples qui nous ont tous été présentés un jour ou l'autre où des personnes âgées subissaient justement des pressions indues soit par les membres de leur famille ou soit par ceux et celles qui leur offrent des services ? pour, je pense, les amener à débourser davantage sur le plan financier ? des services qu'ils reçoivent. En un mot, je pense que ça doit être dénoncé. L'exploitation par un proche, comme je le mentionnais... Assez souvent, ça vient des proches de ces familles-là, donc il faut avoir des moyens pour être capable de suivre de près tout ça.

Il y a un point que je voudrais soulever, M. le Président, avant de terminer. Comme je le mentionnais tantôt, tout ça peut être corrigé par l'amélioration des soins à domicile soit en résidence privée ou en résidence, en maison d'accueil privée de moins de neuf personnes. Des témoignages que la Commission a reçus lors de ses consultations confirment que, contrairement à ce que visait le ministère de la Santé et des Services sociaux en 1994, les personnes âgées en perte d'autonomie n'ont pas accès à un ensemble de services à domicile qui apportent une réponse adéquate à leurs besoins. Donc, c'est pourquoi ces gens-là ont choisi assez souvent d'abandonner leur résidence privée pour s'en aller dans un foyer privé, pour améliorer leur sécurité et les services qu'ils pourraient recevoir. Mais là, à date, on ne leur a pas permis de rester le plus longtemps possible chez eux.

Tant sur le plan quantitatif, au niveau des services, que sur la qualité des services, les nouvelles orientations ministérielles sur les personnes âgées en perte d'autonomie ont pour objectif de corriger cette situation. Bien là je ne vois pas... On essaie de retrouver quelle démonstration le gouvernement entendait faire, en déposant le projet de loi n° 101, pour démontrer qu'il entendait corriger cette situation-là. Aller chercher l'inventaire, dans un premier temps, par un projet de loi, ça nous apparaît ridicule. Le moins qu'on puisse dire: c'est irrespectueux envers les personnes âgées qui ont vécu des situations semblables, qui en ont vécu dans le passé, qui en vivent encore aujourd'hui puis qui n'osent pas le dénoncer. Et osons espérer qu'il y en aura le moins possible dans le futur, disons, pour ceux qui dans le futur aussi auront à vivre ces situations-là.

M. le Président, c'est une belle occasion, ici, à l'Assemblée nationale, tous les collègues de l'Assemblée nationale, de faire la démonstration, de prendre le temps nécessaire de faire la démonstration que, oui, nous comprenons la situation des personnes âgées dans certaines situations ou dans certains établissements et que c'est le moment de démontrer que nous avons aussi la fierté et la reconnaissance de démontrer à ces personnes que nous sommes sensibles aux situations qu'elles vivent, entendons prendre les moyens nécessaires et le temps nécessaire pour corriger cette situation-là et leur prouver... Je pense que tout ce qu'elles nous demandent, c'est: S'il vous plaît, permettez-nous de vivre, d'avoir une meilleure qualité de vie dans nos dernières années, dans les années où nous sommes les plus vulnérables, où la maladie est susceptible de nous affecter, de nous faire perdre de l'autonomie, de la qualité de vivre et du plaisir de vivre.

Donc, M. le Président, j'invite tous mes collègues de l'Assemblée nationale, ceux de la formation qui forme le gouvernement comme mes collègues de l'opposition ici, dans cette Chambre, à faire les efforts nécessaires et à mettre le temps nécessaire pour régler une fois pour toutes cette situation-là. Et, à mon avis, ça passe par l'amélioration des soins à domicile de façon plus large, soit permettre aux CLSC ou à d'autres organismes qui sont dépendants de la régie de la santé de pouvoir donner des services à ces personnes-là, même en établissement, en foyer privé. Donc, merci, M. le Président, et ça me fera plaisir de continuer à collaborer ici, à l'Assemblée nationale, s'il y a une ouverture de la part du gouvernement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. La prochaine intervenante sera maintenant Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. Alors, M. le Président, je voudrais à mon tour joindre ma voix à celle de mes collègues qui sont intervenus sur le projet de loi n° 101, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les résidences pour personnes âgées. Je dois vous dire que, comme députée d'un comté assez familial, où nous avons des familles assez unies, où il y a une bonne proportion de personnes âgées mais aussi de jeunes familles... Parce que, dans ma conception de la famille, M. le Président, il y a les grands-parents, il y a les parents, il y a les jeunes. Et tout ça, qu'ils vivent sous le même toit ou qu'ils vivent séparément, ça constitue une cellule familiale qui est tissée serrée et qui est préoccupée par ce qui vient, ce qui arrive à l'un ou l'autre de leurs membres. Donc, lorsqu'on touche aux personnes âgées, pour moi, c'est une amélioration de la qualité de vie de toute la famille.

n(11 h 30)n

Or, M. le Président, ce que le projet de loi n° 101, tel que formulé, tel que déposé ici, un minuscule projet de loi n° 101 qui tient en deux pages, une page de présentation, une page de garde et puis une autre page avec trois articles, incluant l'article de la mise en vigueur... Ce qu'on lit dans ce projet de loi, c'est un projet de loi pour répertorier des centres d'hébergement. Et voici ce que dit le projet de loi: «Ce projet de loi édicte qu'une régie régionale doit constituer et tenir à jour un registre des résidences pour personnes âgées.» C'est ça que ça veut dire. On présente un projet de loi pour dire aux régies régionales: Désormais, vous devez tenir des registres pour les résidences pour les personnes âgées. M. le Président, la question qui se pose est de savoir: Est-ce qu'il faut tenir un registre pour les résidences des personnes âgées? La réponse est oui, cela va de soi, c'est normal, M. le Président. Mais est-ce qu'il faut présenter un projet de loi qui ne porte que là-dessus, M. le Président, sur la tenue d'un registre? Eh bien, la réponse est non parce que la problématique qui touche à l'abus dont sont victimes les personnes âgées dans certaines résidences de personnes âgées, ces abus-là, ils ne peuvent pas être réglés par un registre. Et la Commission des droits de la personne et le Vérificateur général ont clairement démontré, M. le Président, qu'il s'agit là d'une problématique assez préoccupante qui devrait nous interpeller comme parlementaires et nous amener à réfléchir sérieusement sur cette problématique-là et la régler. Mais on ne peut pas la régler par un registre, cela va de soi, M. le Président.

C'est pour cela que l'opposition officielle estime que le projet de loi n° 101 qui est devant nous, qui a été déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux, c'est un projet de loi tellement maigre que ça ne vaut même pas la peine d'en discuter sur le fond. Il n'y a pas grand-chose là-dedans. Le fond de la question n'est pas dans la loi. Et c'est de cela qu'il faut discuter. Il faut discuter de la situation des personnes âgées qui sont, M. le Président, dans des résidences, qu'elles soient privées ou dans des centres de soins de longue durée, par exemple, qu'elles soient privées ou publiques. Dans certains cas ? pas dans tous les cas, fort heureusement ? il y a des problèmes qui se posent. Et souvent ça touche les personnes les plus vulnérables, les personnes isolées, les personnes dont le lien familial n'est pas assez assidu. Et ces personnes-là, M. le Président, n'ont absolument aucune protection par le projet de loi qui est devant nous.

Et les personnes âgées, M. le Président, on devrait s'en rappeler, c'est un capital humain extrêmement important pour la société québécoise non seulement pour la contribution qu'elles ont apportée au Québec, contribution économique, contribution sociale, contribution culturelle ? parce que le Québec a été bâti avec les personnes âgées, qui, il y a quelques années, étaient dans la force du travail, et elles ont bâti la société dont on a hérité aujourd'hui, et, pour cela, on doit leur être très reconnaissants ? mais les personnes âgées continuent de contribuer encore aujourd'hui à la vie économique, à la vie sociale et culturelle du Québec. La contribution sociale des personnes âgées est immense. Le gouvernement ne la reconnaît pas. Il refuse de reconnaître cette contribution, ce rôle social que jouent nos personnes âgées, ne serait-ce qu'à titre bénévole auprès d'une multitude d'organismes communautaires, auprès d'une multitude d'organismes de jeunes, auprès d'une multitude d'organismes de femmes, et ainsi de suite. Et cette contribution, M. le Président, s'il fallait la monnayer, ça coûterait bien cher au gouvernement.

Mais les personnes âgées continuent à donner généreusement de leur temps, de leur savoir-faire, M. le Président, à l'ensemble de la société québécoise. Non seulement ils ont fait des sacrifices par le passé pour nous léguer la société moderne qu'on connaît aujourd'hui, mais ils continuent encore de se sacrifier. Parce que de plus en plus on note que la population québécoise s'appauvrit, que les familles s'appauvrissent, et souvent, M. le Président, on a besoin de support à l'intérieur de la famille et on se rabat encore sur les personnes âgées, sur leurs maigres économies pour venir en aide à la famille, pour aider un jeune qui va à l'école à payer ses dépenses, pour aider un jeune qui va à l'université à payer des frais de scolarité, pour aider quasiment la famille à survivre. Mais cette contribution, M. le Président, n'est pas reconnue par ce gouvernement.

La semaine dernière, nous avons célébré, au Québec, la Semaine québécoise des familles. Toute une semaine, M. le Président, on a célébré les familles au Québec. Mais les personnes âgées, ça fait partie des familles. Et j'ai eu l'occasion, samedi dernier, le 18 mai, dans le cadre de la Semaine québécoise des familles, de tenir un petit déjeuner-échange dans mon comté avec une cinquantaine de représentants d'organismes de milieux communautaires de toutes sortes qui travaillent évidemment avec les personnes âgées, mais qui travaillent aussi avec les jeunes, qui travaillent avec les personnes handicapées, qui travaillent avec les groupes de femmes. Ces gens-là, M. le Président, ce qu'ils nous ont dit, ce que j'ai retenu, et c'est encore frais dans ma mémoire, ce que ces gens-là nous disent, c'est que les grands-parents, les personnes âgées doivent être reconnues dans leur contribution à la société québécoise. Leur implication dans la famille et dans la société doit être reconnue, M. le Président.

Par ailleurs, nous avons eu aussi des témoignages de gens qui sont venus nous dire que, à la manière dont le gouvernement se comporte aujourd'hui à l'égard des personnes âgées, on les perçoit comme des personnes dérangeantes. Et je vous rapporte ici les témoignages qui ont été apportés, M. le Président, par les personnes qui ont participé à ce petit déjeuner-échange. Les gens souhaitent qu'on mette en valeur la famille avec toutes ses composantes, les aînés compris, M. le Président. D'ailleurs, la Semaine des familles québécoises était placée sous le thème On change, on s'aime toujours. Mais, M. le Président, on peut bien s'aimer, mais, si on ne donne pas aux personnes âgées les moyens d'assumer leur rôle comme parties prenantes dans la famille, dans la société québécoise, on aura manqué quelque chose d'extrêmement important. On aura manqué, M. le Président, de prendre en compte la contribution des personnes âgées.

Et on m'a signalé, toujours dans cette consultation, les gens, une cinquantaine de représentants d'organismes, ils ont sacrifié un samedi matin d'un long congé, M. le Président, pour venir échanger. Et on m'a parlé de quoi? Du piètre état des soins à domicile. Les soins à domicile, M. le Président, dans bien des cas, sont inexistants pour les personnes âgées qui souhaitent rester chez elles, avec un minimum d'autonomie et un minimum de support parmi ce qu'on appelle les aidants naturels aujourd'hui. En fin de compte, les aidants naturels, dans la plupart des cas, c'est les membres de la famille, et plus particulièrement les femmes, M. le Président, qui doivent sacrifier leur carrière professionnelle pour venir s'occuper de leurs vieux parents. Eh bien, M. le Président, on m'a dit que les soins à domicile au Québec, c'était dans une situation dramatique en termes de ressources. Les CLSC, qui ont le mandat d'offrir ces services en collaboration avec les organismes communautaires, n'ont plus les moyens de répondre aux besoins. Pourtant, M. le Président, ça ne prend pas une boule de cristal pour réaliser qu'au Québec la population est vieillissante et que le vieillissement a un coût social extrêmement important, un coût social en termes de santé, en termes de services sociaux.

n(11 h 40)n

Or, M. le Président, en ce qui a trait aux personnes âgées, particulièrement les personnes âgées en perte d'autonomie, qui sont parmi les plus vulnérables, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse s'en est occupée, s'en est préoccupée, M. le Président, il y a eu une consultation. Et qu'est-ce qui est sorti de cette consultation? Eh bien, les personnes âgées vulnérables en perte d'autonomie font l'objet d'abus physique, d'abus psychologique, d'abus moral, M. le Président. Leurs droits fondamentaux sont atteints, les droits fondamentaux qui sont consacrés dans la Charte des droits. Parce que les personnes âgées sont des individus qui ont les mêmes droits, qui ont accès à l'égalité comme tout le monde, M. le Président, et ce n'est pas parce qu'ils ne sont plus productifs, parce qu'ils ne sont plus actifs comme avant qu'il faille les reléguer aux oubliettes comme des personnes dérangeantes, comme on m'a dit lors de la consultation du 18 mai dernier dans le comté de La Pinière.

M. le Président, la Commission des droits de la personne l'a clairement démontré par la voix de son président, qui, dans une communication, dans une communication qu'il a faite le 23 avril dernier ici même, à Québec, intitulée Présentation de M. Pierre Marois, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, sur l'exploitation des personnes âgées... On parle d'exploitation. Ça devrait être honteux de parler d'exploitation quand on parle de personnes âgées. Eh bien, la Commission des droits de la personne parle effectivement d'exploitation des personnes âgées. C'est d'ailleurs le titre même de son rapport, le titre même du rapport de la Commission des droits de la personne, L'exploitation des personnes âgées: vers un filet de protection resserré, rapport de consultation et recommandations de la Commission des droits de la personne, et c'est daté d'octobre 2001, une consultation à laquelle ont participé plus d'une centaine d'organismes qui sont venus témoigner de leur expérience et de leur vécu avec les personnes âgées, et les personnes âgées les plus vulnérables.

Donc, M. le Président, la Commission des droits de la personne tout comme le Vérificateur général aussi ont conclu que, dans certaines résidences pour personnes âgées, pas dans toutes les résidences, et indistinctement ici on parle de résidences où il y a des abus à l'égard des personnes âgées, et ce phénomène se retrouve aussi bien dans les résidences publiques que dans les résidences privées. Dans les résidences publiques parce qu'il manque de ressources, et, parce qu'il manque de ressources, eh bien, les intervenants, qui n'en peuvent plus, pressés par le temps parce qu'il n'y a pas assez d'infirmières, parce qu'il n'y a pas assez d'infirmières auxiliaires, parce qu'il n'y a pas assez de personnel soignant, bien, on est rendu, M. le Président, au lieu de nourrir les personnes âgées et les personnes malades, on les gave. On les gave. C'est honteux, M. le Président, c'est honteux. Et c'est la Commission des droits de la personne, dans son rapport, qui relate cette situation-là parce qu'elle a été à l'écoute des organismes, elle a été à l'écoute des experts.

Et la Commission des droits de la personne, qui est un organisme qui relève de l'Assemblée nationale, M. le Président, donc on doit en toute honnêteté et en toute démocratie écouter ce que la Commission des droits de la personne nous dit, et ce que la Commission nous dit, c'est que les personnes âgées ont droit à leur vie privée, elles ont droit à leur dignité. L'article 48 de la Charte des droits est assez explicite à cet effet. Malheureusement, les personnes âgées, dans certaines résidences privées et aussi dans certaines résidences publiques, M. le Président, elles font l'objet d'une exploitation, elles font l'objet d'une discrimination éhontée, M. le Président.

Il y a des abus au niveau des services ? j'ai parlé tantôt du gavage ? mais on a souvent relaté des situations où les personnes âgées n'ont pas les soins requis. On est rendu à couper dans l'hygiène, à faire porter des culottes d'incontinence aux personnes âgées, M. le Président, qui demeurent souillées pendant des journées de temps faute de personnel. On a relaté aussi des situations où les personnes âgées sont exploitées sur le plan financier et sont exploitées également moralement, M. le Président. Et nous devons dénoncer ces situations. Ce sont des situations intolérables, inacceptables. Et nous devons, comme parlementaires, donner l'exemple et écouter ce que la Commission des droits de la personne nous dit dans son rapport, L'exploitation des personnes âgées.

Et la Commission des droits de la personne a fait un certain nombre de recommandations, la recommandation 34, en particulier. Elle se lit comme suit: «Que les régies régionales de la santé et des services sociaux imposent une procédure d'accréditation aux résidences privées qui hébergent des personnes âgées en perte d'autonomie.» La Commission demande que les régies imposent une procédure d'accréditation pour savoir à qui on va confier les personnes âgées en perte d'autonomie, quels sont les soins qui leur sont donnés. Et on ne parle pas seulement de l'hébergement physique, on ne parle pas seulement du béton, on parle aussi de la qualité de vie. Les personnes âgées ont droit à une qualité de vie, M. le Président, et le projet de loi n° 101 qui est devant nous n'assure pas la qualité de vie des personnes âgées.

La recommandation 35 de la Commission des droits de la personne se lit comme suit: «Que dans ses critères d'évaluation pour l'accréditation des résidences privées, chaque régie régionale considère la capacité des résidences à gérer adéquatement le vieillissement et la perte graduelle d'autonomie chez une personne ainsi que leur connaissance des droits des usagers.» Qu'est-ce que cette recommandation veut dire? Ça veut dire, encore une fois, qu'il faut se préoccuper des droits fondamentaux des personnes âgées, s'assurer que ces droits sont respectés dans tous les sens du terme, M. le Président, dans les services qu'on donne aussi bien que dans la façon qu'on les donne.

La recommandation 36 stipule également «que les régies régionales de la santé et des services sociaux, avant de considérer automatiquement la fermeture de la ressource d'hébergement et le déplacement des personnes âgées hébergées, aient le pouvoir d'ordonner aux résidences privées d'apporter des correctifs appropriés à des lacunes constatées». Et ça, M. le Président, vous savez qu'il y a actuellement des lacunes et des manques en ce qui a trait à la disponibilité des centres d'hébergement pour les personnes âgées. Et c'est important que l'on s'assure que tous les intervenants, les CLD puissent avoir les ressources appropriées pour offrir les services à domicile aux personnes en perte d'autonomie qui veulent rester chez elles, que les organismes communautaires... je peux parler de la Table de concertation des organismes en santé et services sociaux de la Montérégie, la TROC, qui réclame des ressources pour les organismes pour venir en aide aux personnes âgées, qu'on puisse avoir accès à ces ressources et que le gouvernement respecte les recommandations de la Commission des droits de la personne en ce qui a trait à l'information des intervenants, en ce qui a trait aux ressources appropriées aux services à domicile et l'hébergement aussi bien au privé qu'au public, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée La Pinière. Le prochain intervenant sera M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de vous adresser ce matin en ce qui concerne le projet de loi n° 101, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les résidences pour personnes âgées.

M. le Président, ce projet de loi vise à modifier la Loi sur les services de santé et les services sociaux afin d'obliger les régies régionales à constituer et à tenir à jour un registre des résidences pour personnes âgées. M. le Président, avec ce projet de loi, on est loin des recommandations de la Commission des droits de la personne, qui demande de donner aux régies régionales le pouvoir d'intervenir au niveau de la qualité des soins et surtout le pouvoir d'ordonner aux résidences privées d'apporter les correctifs appropriés aux abus envers les personnes âgées.

n(11 h 50)n

M. le Président, la législation qui est devant nous manque le point qui est tellement important, ne prend pas note de la crise dans ce domaine. Ce projet de loi est vraiment, M. le Président, un autre exemple que le gouvernement devant nous, le gouvernement péquiste, est vraiment déconnecté de la réalité. Le projet de loi vise à légiférer dans la brique et le béton et non pas sur les soins appropriés à donner aux personnes âgées, ce qui n'assure aucune protection pour ces personnes victimes d'abus et d'exploitation physique, psychologique et financière.

Les personnes âgées sont souvent les personnes les plus vulnérables et en perte d'autonomie de notre société. M. le Président, laissons-nous parler des droits et privilèges des personnes âgées dans notre société, ces mêmes personnes qui ont consacré de leur temps et de leur énergie pour bâtir notre société. Notre société profite vraiment de tout ce que ces personnes âgées ont fait pour nous et nous devons leur consacrer le respect qu'elles méritent. Nous avons tous une dette morale envers ces personnes si chères à nous tous, nos parents, nos grands-parents, nos oncles et nos tantes, nos amis, toutes nos personnes âgées. Ils ont droit à notre respect et notre vigilance pour eux.

En plus d'une dette et de l'obligation morale, les droits des personnes âgées ont été encadrés dans la Charte des droits et libertés de la personne, particulièrement dans l'article 48, qui se lit comme suit: «Toute personne âgée ou toute personne handicapée a le droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation.

«Telle personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu.» Fin de la citation.

M. le Président, il y a beaucoup de personnes âgées qui sont dans une position difficile sur le plan psychologique, social, économique, et spécifiquement si elles dépendent d'une autre personne ou d'une institution ou d'une société pour assurer leurs besoins. Vraiment, ces personnes sont dans un manque d'autonomie personnelle. Il y a beaucoup de personnes qui profitent de cette faiblesse de nos personnes âgées pour leur soutirer leur argent, pour leur imposer de mauvais traitements, les privant des soins nécessaires à leur santé, à leur sécurité et à leur bien-être.

On sait qu'il y a un problème. Et souvent, dans les résidences privées pour personnes âgées, on ne peut pas dire toutes les résidences privées pour personnes âgées, mais, dans beaucoup de résidences privées pour personnes âgées, il y a un problème. Mais ces personnes âgées, M. le Président, elles n'attirent pas l'attention de la presse, elles n'ont pas un lobby fort, alors c'est à nous, les législateurs, de leur donner l'attention, de leur donner la sécurité, une sécurité qu'on doit viser par nos lois. On doit donner une attention particulière et urgente à cette situation. En plus, notre société en général vieillit, et personne ne peut et ne doit rester indifférent aux conséquences de notre société qui vieillit. Les personnes âgées ont le droit à l'intégrité physique et psychologique, le droit à la dignité et le droit au respect de leur vie privée.

Mr. Speaker, the essence of our discussion today is the question of the rights and privileges of our dear senior citizens, who are so often so vulnerable psychologically, socially, and economically, and who so often have to depend on others to assure of their basic needs. These same persons are very often deprived of their basic human rights by individuals who deprive them of their own monies, by individuals who render them poor treatments and deprive them of their basic necessities for their health, their security, and their basic welfare. Let us remember, Mr. Speaker, that, in addition to our own moral obligations which we have towards our senior citizens, who have done so much for our society and done so much to allow us to benefit for what they have invested in our society, we also have a strict legal obligation by way of article 48 of the Charter of Rights and Liberties of the person.

M. le Président, nous faisons face aujourd'hui à un gouvernement péquiste qui a une absence de préoccupation à l'égard du vieillissement de la population. Il y a une place spéciale pour les aînés dans notre société, et nous devons combattre à défaire ce stéréotype au seul fait de l'âge, le stéréotype que, quand une personne est âgée, on ne doit pas lui donner le respect, on ne doit pas lui permettre de vivre dans une bonne manière, dans une manière avec les valeurs que nous devons avoir comme personnes dans une société.

We must, as a society, create better bond between the generations. Our seniors have to have a special role in our society. We must even do more to respect them and we must value the knowledge and experience that, yes, senior citizens can bring to our society. But, first, let us examine the base. They have a proper respect for the civil rights and for the protection that they are entitled to.

M. le Président, le projet de loi devant nous n'apporte aucune solution aux problèmes soulevés. Il parle seulement du béton ? bricks and mortar ? mais pas des vrais problèmes auxquels font face nos personnes âgées. The Bill before us speaks only of bricks and mortar and does not address the real problems faced by our senior citizens in private senior residences.

C'est quoi, l'exploitation, au sens de l'article 48 de la Charte? Le terme «exploitation» est lié vraiment au terme «vulnérabilité» présente chez les personnes âgées. Plus une personne est vulnérable, M. le Président, plus elle dépend physiquement, mentalement des personnes autour d'elles et de son environnement. M. le Président, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a soulevé tous ces problèmes de l'exploitation des personnes âgées, et la réaction du gouvernement était vraiment absente.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader adjoint. Excusez-moi, M. le député, une minute.

M. Simard (Montmorency): D'abord, mes excuses à mon collègue et ami le député de D'Arcy-McGee de le couper dans son élan oratoire, mais, étant donné que l'heure avance, il sera très bientôt midi, je ferais motion, M. le Président, pour que nous ajournions le débat sur le projet de loi n° 101.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est adoptée? Adopté. Alors, M. le député, à ce moment-là, vous pourrez poursuivre plus tard. À ce moment-là, vous pourrez reprendre votre intervention, vous avez encore quelques minutes. Quand nous rappellerons cet article, alors vous pourrez, à ce moment-là, poursuivre votre intervention. Très bien.

Alors, étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 59)

(Reprise à 14 h 5)

La Présidente: Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Présence de M. Thierry Cornillet, membre du
Parlement européen, chargé des relations
internationales et de l'économie

Alors, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes cet après-midi de M. Thierry Cornillet, député européen, vice-président de la région Rhône?Alpes, en charge des relations internationales et de l'économie.

Affaires courantes

Aux affaires courantes aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

Préavis d'une motion des députés de l'opposition

J'ai reçu dans les délais prescrits préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Conformément à l'article 97.1 du règlement, je dépose copie du texte de ce préavis.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions ni de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et réponses orales Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion répondra à une question posée le 14 mai dernier par Mme la députée de Mercier concernant le projet TAPAJ de l'organisme Spectre de rue.

Questions et réponses orales

Alors, nous en sommes à la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole au député de Saint-Laurent.

Réaction à un article
de La Presse sur l'influence exercée par
M. Yves Duhaime auprès du premier ministre

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Oui. Mme la Présidente, M. Yves Duhaime, un ancien député, ancien ministre influent au sein d'un gouvernement péquiste précédent, se vante ce matin, dans le journal La Presse, et nous le croyons, d'être un ami intime du premier ministre, qu'il connaît, selon ses propres dires, depuis 35 ans. Il se vante même que certaines de ses propres relations d'affaires vont le consulter pour cette raison-là, parce qu'il est un ami intime du premier ministre. Il insiste d'ailleurs sur les nombreuses occasions qu'il a de parler au premier ministre et il dit même, Mme la Présidente, de façon mystérieuse, entre guillemets, qu'il «organise des choses» pour le premier ministre. Autrement dit, M. Duhaime indique qu'il a de l'influence auprès du premier ministre et auprès du gouvernement et qu'il sait s'en servir, puisque, dans au moins une occasion qui est révélée par l'article de La Presse de ce matin, cette influence qu'il a exercée en ayant comme clients les marchands Métro-Richelieu lui a procuré 180 000 $ pour un mandat de deux mois.

L'opposition officielle voudrait savoir: Lorsque le premier ministre a appris, a lu cet article ou a appris ces faits, qu'est-ce qu'il a fait?

La Présidente: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Premièrement, Mme la Présidente, j'ai été dégoûté ? mais pas de Duhaime ? de l'article, et rétablissons les faits. Il est vrai que M. Yves Duhaime, qui a été membre du gouvernement du Québec pendant une dizaine d'années, qui a été au conseil d'administration de la Banque du Canada, qui a dirigé Natrel et qui a quitté le Conseil des ministres il y a 17 ans, est un de mes amis probablement depuis 35 ans et effectivement un ami intime. Nous avons fait nos études à Paris ensemble, nos femmes se connaissaient, nos enfants se connaissent et je suis fier de cette amitié. Et, si le député passe une trentaine d'années dans la vie publique, lui, sans avoir d'amis intimes, il pourrait se questionner sur son caractère.

n(14 h 10)n

Deuxièmement, deuxièmement, le dossier dont il est question... Et j'ai été vraiment stupéfait du traitement fait par La Presse à cette affaire. Ils ont été induits en erreur d'une façon ou d'une autre, et ça, c'est l'hypothèse compatible avec leur bonne foi. J'ai travaillé, moi, dans le dossier Métro-Richelieu, suivant mon devoir, avec ardeur et efficacité. J'ai reçu cinq fois les marchands, à leur seule demande. Ils avaient juste à appeler à mon bureau, et on les recevait. Pourquoi est-ce que j'ai agi de cette manière? Parce que c'était un dossier vital. Nous ne voulions pas que le contrôle de Métro-Richelieu sorte du Québec.

Et j'ai rencontré la tendance managériale comme la tendance marchande, les deux, et, dans un cas... chacun, ils sont venus accompagnés d'un avocat, une fois accompagnés d'Yves Duhaime, qui a le droit de pratiquer le droit et de charger les honoraires qu'il veut. D'ailleurs, il nie le montant des honoraires. Duhaime nie formellement. Le citoyen Yves Duhaime nie formellement le montant des honoraires. Il nie formellement avoir été représenté ou présenté par quelqu'un de mon cabinet. Il affirme que c'est un marchand qui l'a recommandé ? M. Gravel ? et M. Gravel le confirme. Et comment ça s'est terminé, cette affaire-là? Ça s'est bien terminé, présumément parce qu'on a bien fait notre travail.

J'ai reçu la tendance managériale, qui s'opposait aux marchands, en présence de leur avocat, Me Bernard Roy, qui n'est pas, lui, un ami intime. Quand un groupe de citoyens honnêtes vient me voir et se fait accompagner d'un avocat, je n'ai aucune raison de ne pas les recevoir, et je l'ai fait. Je suis fier de ce que j'ai fait. Et, en plus, mon ancien adjoint, M. Carl Cloutier, nie formellement avoir recommandé Yves Duhaime. C'est un marchand qui, connaissant le talent et la compétence de Duhaime, l'a recommandé pour travailler dans ce dossier. Et ce n'est pas parce qu'on a été ministre au Québec il y a 17 ans qu'on n'a pas le droit de gagner sa vie.

La Présidente: En complémentaire, M. le député de Saint-Laurent.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le premier ministre réalise-t-il, Mme la Présidente, que nous ne lui reprochons pas d'avoir des amis? Ce n'est pas ça qu'on lui reproche, comme dans le cas de M. Bréard, comme dans le cas de M. Desroches, comme dans le cas de M. Duhaime. Nous ne lui reprochons pas d'avoir des amis. Ce que nous voulons savoir, c'est quelle influence ses amis exercent auprès du gouvernement. Le premier ministre le tolère-t-il, que ces gens-là exercent une influence? Et est-ce que le premier ministre tolère que ces gens-là représentent, s'ils le représentent... qu'ils ont une influence auprès du gouvernement et se servent de cette influence pour faire affaire avec le gouvernement? C'est ça qu'on a besoin de savoir. Le premier ministre réalise-t-il, réalise-t-il qu'il y a, dans cette affaire-là, comme dans l'affaire Bréard, comme dans l'affaire Desroches, des faits qui sont litigieux et qu'on a besoin d'aller au fond des choses pour connaître la vérité? M. Duhaime a-t-il été présenté par Carl Cloutier ou non aux marchands Métro-Richelieu? M. Duhaime a-t-il représenté aux marchands Métro-Richelieu sa vieille amitié avec le premier ministre et l'influence qu'il pouvait exercer dans les circonstances? C'est ça que nous voulons savoir. Est-ce que le premier ministre va consentir, pour toute la population du Québec, pour que la population du Québec puisse prendre une décision éclairée sur les agissements de son gouvernement, va-t-il accepter que la lumière soit faite complètement, complètement sur cette affaire-là?

La Présidente: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, un de ceux qui avaient choisi Raymond Bréard, c'est celui qui est l'actuel directeur général du Parti libéral, M. Bibeau, et il a bien expliqué pourquoi il l'avait fait: parce que c'était le meilleur et le moins cher. Dans le cas d'Yves Duhaime, je réitère ? et j'ai répondu d'avance à sa question: j'avais reçu, à leur demande, cinq fois les marchands Métro-Richelieu, avant même qu'Yves Duhaime ne soit dans le dossier. Donc, je reçois ceux et celles qui ont des dossiers importants.

Écoute, soyons quand même, là, logiques et honnêtes. Est-ce que je vais refuser de recevoir une délégation parce que leur avocat a été ministre du gouvernement du Québec il y a 17 ans et que je le connais? Ce comportement serait injuste, serait inhumain, et je n'ai pas l'intention d'adopter cette attitude. La décision que j'ai prise, je l'ai prise en mon âme et conscience dès que j'ai eu la certitude, que M. Lessard m'a donnée en compagnie de Bernard Roy, son avocat, que Métro-Richelieu ne serait pas vendue. J'ai fermé le dossier, et nul autre que les faits et la nature du dossier n'a déterminé ma décision.

La Présidente: En complémentaire, M. le député de Saint-Laurent. Et je vous rappelle les règles de l'article 78.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le premier ministre, qui choisit, pour répondre aux questions aujourd'hui, la version de M. Duhaime, réalise-t-il qu'il y a une autre version des événements, celle des marchands Métro-Richelieu, selon toujours l'article de La Presse, qui, eux, soutiennent qu'ils ont été approchés par un membre de son cabinet pour faire affaire avec Yves Duhaime, qu'ils se sont étonnés qu'on leur demande de prendre un intermédiaire, puisque effectivement leur dossier allait très bien, ils pouvaient rencontrer le premier ministre? Mais, selon eux, ce membre du cabinet du premier ministre a insisté pour qu'ils prennent Yvon Duhaime comme intermédiaire, et ils s'en sont étonnés. Pourquoi le premier ministre choisit-il aujourd'hui de ne pas écouter cette version des faits? Et est-ce qu'il va consentir à ce que la population puisse savoir exactement ce qui s'est passé, en commandant une enquête totale et publique sur tous les faits pour que les gens... Les gens qui voudront venir s'expliquer le feront sous serment pour qu'on connaisse la vérité.

La Présidente: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: L'article de M. Lessard est suffisamment tordu pour que vous évitiez de le tordre davantage. J'ai invoqué trois témoignages et je les invoque encore: Yves Duhaime lui-même, citoyen honorable, qui nie formellement, Carl Cloutier, fonctionnaire honnête et efficace, qui nie formellement, et M. Gravel, un marchand Métro-Richelieu, qui nie formellement en disant que c'est lui, M. Gravel, un marchand, qui a recommandé Yves Duhaime.

D'ailleurs, il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles, là. Si les marchands avaient accès à mon cabinet sur simple coup de fil cinq fois de suite, pourquoi auraient-ils été verser des honoraires alors qu'ils n'en avaient aucun besoin? Ils ont engagé Yves Duhaime comme avocat à cause de sa connaissance des questions corporatives, en agroalimentaire en particulier ? c'est l'ancien président de Natrel ? et il s'est acquitté dignement de ses responsabilités. Les marchands n'ont émis aucune espèce de plainte, ils ont été satisfaits de ses services.

Et, quand il n'y a pas de lois de violées, d'apparence de lois de violées, de codes d'éthique de violés, même des codes d'éthique à venir... Parce que là ça va être deux ans, pour un membre du Conseil des ministres, la période nécessaire d'abstention de relations avec le gouvernement. Duhaime, ça fait 17 ans. Si vous voulez qu'on fasse passer le deux ans à 17 ans, vous ferez un amendement en commission parlementaire, puis on va dire non.

n(14 h 20)n

La Présidente: En principale, M. le député de Saint-Laurent.

Demande d'enquête sur des activités
de représentation de M. Yves Duhaime
auprès du gouvernement

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Il y a au moins une chose sur laquelle les marchands Métro-Richelieu qui sont cités dans l'article et le premier ministre s'entendent, au moins une chose sur laquelle ils s'entendent: Pourquoi diable avons-nous donc été obligés de prendre un intermédiaire? Et le premier ministre, qui fait allusion aux règles d'éthique et aux codes d'éthique, sait-il que la conduite de quelqu'un qui aurait ou prétendrait avoir de l'influence auprès du gouvernement ou d'un ministre du gouvernement, qui exigerait, de ce fait, qui accepterait, qui offrirait ou qui conviendrait d'accepter pour lui-même ou pour une autre personne une récompense, un avantage, un bénéfice de quelque nature en considération d'une collaboration, d'une aide, d'un exercice d'influence, ou d'un acte, ou d'une omission concernant la conclusion d'affaires avec le gouvernement ou un sujet d'affaires ayant trait au gouvernement, que, quelqu'un qui aurait cette conduite, cette conduite serait sanctionnable? Le premier ministre réalise-t-il cela? Et, s'il veut faire toute la lumière et s'il veut aller au fond des choses, il ne doit faire qu'une seule chose honorable, ne pas avoir peur et avoir le courage de dire: On va faire une enquête puis on va aller au fond des choses, on verra bien.

Des voix: Bravo!

La Présidente: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Je redis que non seulement aucune loi n'a été violée, mais le code d'éthique que nous avons déjà promulgué et la loi qui s'en vient ne défendraient pas ce qui s'est passé en toute transparence et en toute légitimité. Un citoyen ou un groupe de citoyens qui vient rencontrer un ministre ou un fonctionnaire a le droit d'être accompagné par son avocat, ou son comptable, ou son conseiller technique; c'est dans l'intérêt de toutes les parties, y compris du gouvernement. Quand M. Bernard Roy est venu pour présenter l'autre partie, j'ai considéré qu'il faisait honnêtement son travail d'avocat, comme M. Yves Duhaime. Et, si Bernard Roy peut le faire, Yves Duhaime peut le faire aussi.

La Présidente: Question complémentaire.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Est-ce que le premier ministre, qui doit réaliser que je lui ai lu, selon une interprétation que j'en ai faite, l'article 121 du Code criminel sur le trafic d'influence... Pourquoi le premier ministre se fait-il à la fois policier, procureur de la couronne, avocat de la défense, juge et juré? Pourquoi ne laisse-t-il pas les autorités compétentes faire ce travail qu'elles sont payées pour faire, commander une enquête? On verra bien, on verra bien.

La Présidente: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Les boursouflures de la question sont en proportion des boursouflures de l'article. Je redis que le métier d'avocat est un métier légitime, qu'Yves Duhaime est membre du Barreau, comme Bernard Roy est membre du Barreau, et qu'ils ont droit de faire des représentations techniques dans les domaines qui les concernent au nom de clients qui les paient. Et les clients ont décidé eux-mêmes d'engager M. Yves Duhaime, comme ils ont décidé d'engager M. Roy. Et nous ne sommes pas dans un État abusif qui va empêcher les gens d'être représentés, d'une part, ou qui va leur dicter par qui être représentés, d'autre part. Et, dans aucun cas dans ce dossier que j'ai mené avec ardeur et énergie je n'ai eu la moindre chose à me reprocher, ni aux marchands, ni à Yves Duhaime.

Des voix: Bravo!

La Présidente: En principale, M. le chef de l'opposition officielle.

Orientations concernant le mandat et
la direction de la Caisse de dépôt et placement

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, Mme la Présidente. En principale au premier ministre. Vendredi dernier, M. Jean-Claude Scraire annonçait son départ de la Caisse de dépôt et de placement à titre de président du conseil et de directeur général de la Caisse. Il le fait deux ans avant la fin de son mandat, dont la fin était prévue pour le mois de mars 2005. Au moment de son départ, il fait également des recommandations au gouvernement sur des changements très importants à la gouvernance de la Caisse de dépôt et de placement. Il ajoute sa voix à celle d'autres observateurs qui ont également fait des commentaires sur la façon dont la Caisse de dépôt et de placement est dirigée. Je pense que le premier ministre, puisqu'il a été ministre des Finances, a lui aussi été un témoin privilégié de l'évolution des activités de la Caisse dans un nouvel environnement économique, d'un contexte qui a beaucoup changé.

Depuis la création de la Caisse, le premier ministre, parce que je l'ai déjà interrogé là-dessus, sait également que le Vérificateur général du Québec a fait des recommandations au gouvernement sur la question de la vérification, de la transparence des opérations de la Caisse de dépôt. Alors, je veux aujourd'hui demander au premier ministre s'il a l'intention de justement donner suite à ces recommandations. Mais, Mme la Présidente, ce qui me préoccupe le plus aujourd'hui, c'est de faire en sorte qu'il y ait un vrai débat et un bon débat sur l'avenir de la Caisse et qu'on évite d'agir sur un coup de tête ou d'agir rapidement, alors que ces questions-là sont très importantes. Et il y a là un débat fait sur mesure pour une commission parlementaire, pour un mandat d'initiative. Alors, j'en appelle donc au premier ministre aujourd'hui pour qu'il nous annonce, pour qu'il nous dise qu'effectivement son gouvernement va organiser ce débat et permettre une pleine participation des parlementaires.

La Présidente: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, Mme la Présidente, l'occasion est belle pour rendre hommage à Jean-Claude Scraire. Il a été 21 ans à la Caisse de dépôt, il l'a dirigée pendant huit ans et il préconise que ses successeurs aient des mandats de sept ans. Alors, dans son appréciation, il y a une logique à partir après huit ans, quand il dit que les mandats devraient être de sept.

Il a très bien dirigé la Caisse. Il a toujours joui de l'estime du gouvernement. La semaine dernière, Standard & Poor's donne la cote AAA à la Caisse de dépôt Capital, et, l'an dernier, la Caisse est le meilleur gestionnaire de fonds de cette nature en Amérique. Alors, il est évident que, quand on a affaire à un individu de ce calibre et qu'il fait des recommandations, on les regarde avec soin, ce que ma collègue a déjà commencé à faire, et nous allons procéder à une analyse en profondeur.

Si la loi devait être modifiée, c'est sûr qu'il y aura les débats qu'il faut et les commissions parlementaires. Mais je pense que l'ensemble de la collectivité québécoise devrait se réjouir du passage de Jean-Claude Scraire à la Caisse: elle est maintenant beaucoup plus dynamique, beaucoup plus utile pour l'économie du Québec, beaucoup plus internationale. Et, s'il y a des modifications à apporter à sa structure de gestion, on va le faire avec célérité, mais en temps et lieu.

La Présidente: En complémentaire.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Est-ce que le premier ministre peut nous assurer aujourd'hui, puisqu'il a mis ça au conditionnel... À deux reprises il a dit «s'il y a des changements». Donc, j'en conclus que le gouvernement n'a pas encore pris de décision sur des changements qu'il aurait à proposer. Nous, de ce côté-ci, nous croyons qu'effectivement il doit y avoir des changements, qu'on doit revoir le mandat de la Caisse. Il y a la question de la gouvernance. Nous pensons que les recommandations de M. Scraire ont de la valeur et valent la peine d'être examinées. Nous croyons que les commentaires faits récemment par Claude Castonguay, également un ancien ministre du gouvernement du Québec, ont également beaucoup de mérite, que les recommandations faites par le Vérificateur général du Québec ont également du mérite. Mais je veux avoir l'assurance aujourd'hui du premier ministre que, si effectivement le gouvernement décide de procéder, il va le faire de la bonne façon, en nous assurant qu'il y aura une participation des parlementaires et que ça se fera en commission parlementaire, qu'on pourra avoir un débat qui va permettre à l'ensemble des citoyens du Québec aussi de se prononcer, puisqu'on parle d'un actif qui est extrêmement important pour les citoyens du Québec. Alors, le contraire me semblerait, en tout cas, inacceptable. Je veux donc avoir l'assurance du premier ministre aujourd'hui qu'il nous garantit cette participation.

La Présidente: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, je ferai remarquer, Mme la Présidente, au chef de l'opposition officielle que M. Scraire s'est toujours opposé vigoureusement à ce qu'on élargisse le rôle du Vérificateur général dans la Caisse de dépôt. Le Vérificateur a déjà un rôle, mais, fort sagement, M. Scraire ne veut pas que les associés de la Caisse, les alliés de la Caisse soient sous l'oeil du Vérificateur général, parce que ça ferait un repoussoir pour faire affaire avec la Caisse. On s'en est déjà expliqué souvent, et Jean-Claude Scraire, 21 ans à la Caisse, huit ans à la direction, pense la même chose.

Pour le reste, je comprends que le chef de l'opposition veut en savoir le plus possible, mais comment peut-on changer des lois sans que l'Assemblée nationale n'y participe, par définition? Alors, si, dans ce qu'il y a à faire, des changements législatifs sont requis, ils se feront suivant nos procédures habituelles. Et, dans ce cas-là, bien entendu, on peut s'engager d'avance à tous les examens parlementaires et les consultations même du public qui pourraient être requises, puisque c'est le fonds de pension de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

n(14 h 30)n

La Présidente: En question principale, M. le député de Rivière-du-Loup.

Intentions du gouvernement quant
au niveau de contrôle gouvernemental
sur la Caisse de dépôt et placement

M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, en principale, mais sur le même sujet de la Caisse de dépôt. Le premier ministre vient de répondre d'une façon assez vague. Pourtant, les gens ont des inquiétudes réelles quand la Caisse de dépôt, au cours des derniers mois, a vécu, entre autres, avec la prise de contrôle de Vidéotron, la Caisse de dépôt a vécu des pertes d'actif importantes... qu'aujourd'hui les employés se posent des questions. On voit une grève liée à la situation financière de la nouvelle compagnie. Je veux dire, les gens ont des questions. Et, parmi les suggestions qui sont faites par autant M. Claude Castonguay que par Jean-Claude Scraire lui-même, il y a une toile de fond, c'est: on veut une Caisse de dépôt qui soit clairement plus indépendante, qui soit moins reliée avec le gouvernement, dont les membres du conseil d'administration sont moins attachés au gouvernement.

Ma question au premier ministre: Connaissant, lui, sa bataille pour fusionner notamment les deux postes pour créer un seul poste de président du conseil, pour augmenter le contrôle gouvernemental, concernant sa bataille à lui pour réduire l'accès du Vérificateur général, pour que le Vérificateur n'ait pas accès, est-ce qu'il peut nous assurer, si une réflexion s'engage à l'heure actuelle, que lui va changer son capot de bord, que lui, dorénavant, est devenu du côté de ceux qui veulent plus de transparence et qui veulent moins de contrôle gouvernemental sur une institution qui est d'abord et avant tout d'ordre financier et qui gère 133 milliards de nos actifs?

La Présidente: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, je crois que le député de Rivière-du-Loup doit faire attention. La Caisse de dépôt est une formidable institution qui gère des centaines de milliards de dollars dans l'admiration générale. Et, dans le cas de Standard & Poor's, qui a donné la cote AAA la semaine dernière, je vous prie de croire que, Mme la Présidente, ce n'est pas une question d'admiration, c'est une question de scruter à la loupe toutes les opérations avant de donner la cote. Dans le monde agité des placements spéculatifs d'aujourd'hui, Nortel n'a pas AAA, puis Enron non plus, et le «high top» de 6 milliards de dollars qui a été fait par BCE n'a pas mérité les éloges non plus de Standard & Poor's. Tout ça pour dire que, dans une mer agitée, la Caisse de dépôt et placement du Québec a été gérée d'une façon exemplaire par ses administrateurs et par Jean-Claude Scraire lui-même.

Deuxièmement, il y a une des propositions qui circulent, là, à l'effet que le gouvernement du Québec ne devrait pas nommer le président-directeur général de la Caisse. Je vous dis tout de suite que, de ce côté-ci de la Chambre, une telle proposition nous est inacceptable. Je sais qu'il y en a qui ont des tendances pour le secteur privé dans tous les domaines, y compris dans le domaine scolaire, mais, dans le domaine de la gestion de la Caisse de dépôt et placement, elle est publique et elle va rester publique, et c'est le gouvernement du Québec, comme l'a fait Jean Lesage, qui nommera le principal dirigeant de cette institution.

La Présidente: En complémentaire, M. le député.

M. Mario Dumont

M. Dumont: En complémentaire. Pour l'essentiel, la même question: Au moment où le premier ministre dit entamer des réflexions qui amèneraient des modifications de la Loi de la Caisse de dépôt, est-ce que le premier ministre va nous conduire dans la direction d'un contrôle réduit du gouvernement sur la Caisse, d'un contrôle... d'avoir des gens sur le conseil d'administration qui ont moins d'indépendance, ou est-ce qu'il va vraiment arriver avec une réforme qui est dans la tendance où lui personnellement a généralement conduit la Caisse, c'est-à-dire avec la mainmise maximale du gouvernement sur la Caisse, ses activités, ses dirigeants et ses transactions? En d'autres termes, s'il y a une réforme, est-ce que les gens peuvent s'attendre à plus d'indépendance de la Caisse ou ils peuvent s'attendre à plus de contrôle du gouvernement?

La Présidente: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Ce que dit le député de Rivière-du-Loup n'est pas exact. La loi qui a été votée dans cette Chambre, qui a été adoptée par le gouvernement Lesage et amendée à quelques reprises, donne trois fonctions au ministre des Finances par rapport à la Caisse de dépôt, et au gouvernement: le droit de s'informer ? c'est minimum si on veut être capable de répondre aux questions en Chambre, il faut que nous soyons informés nous-mêmes; deuxièmement, le droit de déposer le rapport annuel ? ce dont on insère la présence du P.D.G. en commission parlementaire, comme on fait chaque année; et, troisièmement, nommer des administrateurs. La Caisse de dépôt n'est pas une entreprise privée. La Caisse de dépôt est une entreprise publique qui est au coeur du modèle québécois. Elle est extrêmement bien gérée. Je rappelle que, pour avoir la cote AAA, il faut avoir une structure de gestion à la fois efficace et solide. Alors, il peut y avoir des ajustements à faire, mais, de ce côté-ci de la Chambre, nous croyons que la Caisse de dépôt, qui gère notre patrimoine commun, est une institution publique, qu'elle doit en garder les caractéristiques, et nous allons agir en conséquence.

La Présidente: En complémentaire, M. le député.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Une dernière complémentaire: Est-ce que le premier ministre comprend que c'est justement le sens de ma question, que la Caisse, en étant une institution publique, on veut s'assurer par son mode de gouverne qu'elle va prendre toujours l'intérêt du public et non pas prendre les commandes du gouvernement, comme plusieurs accusent la Caisse présentement, à cause du premier ministre?

La Présidente: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Je ne vois pas comment une institution prendrait les commandes du gouvernement, comme vous le dites, ce qui, je le répète, n'est pas conforme à la réalité. Le gouvernement, il agit, par rapport à la Caisse, comme Jean Lesage agissait lui-même: en respectant la loi. Et les questions du député de Rivière-du-Loup, quand même, permettent d'éclaircir les choses.

De plus en plus, il faudra que la population du Québec se rende compte, ce qui est parfaitement légitime, qu'il y a dans cette Chambre un parti progressiste, résolument social-démocrate, et qui croit à la gouverne publique des choses, et qu'il y a deux partis qui, en tout bien tout honneur, sont plus à droite. C'est votre affaire. C'est votre affaire d'être fédéralistes, les deux partis en face de nous le sont...

Des voix: ...

Une voix: Vous n'êtes pas fédéralistes?

M. Landry: J'espère que...

Des voix: ...

La Présidente: Alors, la parole est au premier ministre. En conclusion, M. le premier ministre.

M. Landry: Ils rigolent de leur propre option pour cacher leur dépit de ne plus être les seuls à la représenter dans cette Chambre.

Des voix: Ah! Ah!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Alors, je redis: Contrairement au Parti libéral et à l'Action démocratique, la mentalité de notre parti, sa tradition, son histoire, c'est de croire à l'action sociale, à l'action collective. Nous ne sommes ni des ultralibéraux ni même des libéraux. Nous sommes des progressistes et, tant que nous gouvernerons le Québec, nous garderons le Québec dans la voie du progressisme.

Des voix: Bravo!

La Présidente: En principale, M. le député de Châteauguay.

Plan d'action concernant
les salles d'urgence des hôpitaux

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui. Merci, Mme la Présidente. Il y a une semaine, à l'hôpital de Saint-Jean, une dame est décédée. Selon le journal: Après sept heures d'attente à l'urgence, elle meurt sans avoir vu un médecin. Tout en offrant mes condoléances à la famille, je tiens, Mme la Présidente, à offrir l'occasion au ministre de faire la même chose et de nous expliquer aussi ce qui s'est passé et les mesures qu'il a prises pour que cela ne se reproduise plus.

La Présidente: M. le ministre d'État à la Santé.

M. François Legault

M. Legault: Oui. Mme la Présidente, moi aussi, je vais offrir mes condoléances à la famille pour ce qui est arrivé la semaine dernière. Vous allez comprendre, Mme la Présidente, que, compte tenu qu'il y a eu la mort d'une personne, il y a actuellement une enquête du coroner. Donc, je vais m'abstenir de faire tout commentaire.

La Présidente: M. le député.

M. Fournier: Oui. En principale, Mme la Présidente.

La Présidente: En principale, M. le député de Châteauguay.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Est-ce que le ministre comprend que, lorsqu'il nous dit ici, à l'Assemblée nationale, que les problèmes dans les urgences, c'est des problèmes dans les urgences des hôpitaux de Montréal, quand il dit ça, il se trompe?

Je le cite, le 7 mai dernier ? ça ne fait pas tellement longtemps ? il disait ceci: «Il y a une dizaine d'urgences, qui sont situées dans la grande région de Montréal, où il y a des problèmes. Dans la majorité des cas au Québec, il n'y a pas de problème dans les urgences, ça fonctionne bien.»

n(14 h 40)n

Je viens de lui parler du cas de Saint-Jean. Mes collègues ont déjà parlé ici du cas de Hull, du cas de La Tuque. Une brève revue de presse, non exhaustive, de la fin de semaine ? de la fin de semaine qui vient de passer ? nous apprend que l'hôpital de Joliette invite la population à éviter l'urgence. Même région, à Repentigny, même chose, on demande à la population de ne pas se présenter à l'urgence pour une période de 48 heures. C'est la même chose à l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, à l'hôpital de Granby, à l'hôpital de Cowansville. Et, durant le même weekend ? toujours le même ? on apprenait que le service d'urgence du Carrefour de la santé de Jonquière est encore promis à des moments difficiles pour les prochains mois. On voit que la question ne se limite pas qu'à une dizaine d'hôpitaux de Montréal.

Alors, ma question au ministre: Est-ce qu'il s'engage à déposer, d'ici la fin du mois de mai, un plan d'action concernant les urgences des hôpitaux, tous les hôpitaux du Québec, afin d'éviter que les événements qu'on a connus à Saint-Jean ne se répètent pas ailleurs?

La Présidente: M. le ministre.

M. François Legault

M. Legault: Oui, Mme la Présidente, comme je l'ai déjà expliqué, effectivement, il y a à peu près une dizaine d'urgences au Québec, situées surtout dans la grande région de Montréal, où on subit des problèmes de façon régulière avec les urgences. Par contre, aux autres endroits, le député en a mentionné quelques-uns ? il a parlé du centre hospitalier Jonquière ? je veux dire au député que, ce matin, au centre hospitalier Jonquière, il y avait 10 patients sur civière, sur une capacité de 14; donc, il n'y avait pas de problème ce matin. Il a parlé aussi du CHVO, à Gatineau; ce matin, il y avait 15 patients, sur une capacité de 21.

Donc, il peut arriver à l'occasion que dans certaines urgences il y ait des problèmes pendant une journée. Par définition, une urgence, Mme la Présidente, on ne peut pas prévoir ce qui se passe. Donc, oui, il y aura un plan d'action. On a déjà annoncé qu'au cours des prochaines semaines... On a une équipe qui est actuellement en place, avec le Dr Afilalo et le Dr Poirier, qui va nous déposer... et j'aurai l'occasion de faire connaître ce plan d'action qui va s'attaquer aux problèmes qui se retrouvent surtout dans une dizaine d'urgences au Québec, mais aussi pour prévenir les problèmes qui peuvent se produire un petit peu partout au Québec.

On le sait, Mme la Présidente, souvent la différence vient d'une question d'organisation. On a, par exemple, vécu une situation qui a été difficile pendant une certaine période à la Cité de la santé, à Laval. Avec le Guide des urgences qui a été mis en place par mon prédécesseur, on a pu réduire de moitié les délais d'attente et donc régler, la majorité des jours, les problèmes qu'on retrouve aux urgences. Mme la Présidente, je l'ai déjà dit, on va avoir un plan d'action qui va être soumis, qui va nous permettre, d'ici les six prochains mois, de régler tous les problèmes. Maintenant, on ne pourra jamais prévenir qu'à l'occasion il y ait débordement. Mais, ce qu'il est important de rappeler en terminant, c'est que tous les cas urgents, ils sont codifiés dès l'entrée, et tous les cas urgents sont vus, Mme la Présidente.

La Présidente: En complémentaire, M. le député.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Comment le ministre veut qu'on prenne sa réponse pour crédible? C'est la même réponse qu'il nous faisait le 7 mai dernier où il disait: Ailleurs, ça fonctionne bien. Je viens de lui parler, là, de Joliette, de Repentigny ? même région de Lanaudière ? où on dit aux gens: Ne venez pas pour 48 heures. Est-ce que ça, pour lui, il considère que ça fonctionne bien? À Jonquière, là, on nous annonce pour les mois prochains ? ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est le journal de la fin de semaine qui annonce la situation pour les prochains mois... Le ministre, il dit: Pas de problème. Je regarde aujourd'hui. Je ne vais pas plus loin qu'aujourd'hui: «Ça fonctionne bien». À Hull, à La Tuque, les urgences ferment ou sont à la veille de fermer. Le ministre dit: Pas de problème. Ça va bien.

Est-ce qu'il comprend que, quand il nous dit que tout fonctionne bien, les gens sont inquiets, parce qu'ils ont lu le journal de la fin de semaine et, dans un des hôpitaux où il considère que ça fonctionne bien, il y a quelqu'un qui est décédé? On ne veut pas que ça se reproduise. Peut-il au moins constater que, quand il dit: Ça fonctionne bien, c'est du marketing, puis qu'au-delà de ça il y a des choses à faire? Au Québec, on a des problèmes, va-t-il, oui ou non, les régler?

Une voix: Bravo!

La Présidente: M. le ministre.

M. François Legault

M. Legault: Mme la Présidente, d'abord, je veux répéter que ? parce que peut-être que c'est important d'expliquer comment les procédures sont appliquées ? lorsqu'une personne se présente à l'urgence, il y a une codification qui est faite, il y a des codes: 1, 2, 3, 4, 5. Il est arrivé un problème dans le Haut-Richelieu, on est en train d'enquêter avec le coroner. C'est très grave, il ne faut pas faire de la petite politique avec ça, Mme la Présidente. Mais je suis convaincu, je suis convaincu que les hommes et les femmes qui travaillent dans nos urgences travaillent de façon compétente, et, quand une personne se présente à l'urgence, a une situation qui doit être traitée immédiatement, elle est traitée immédiatement.

Maintenant, oui, il y a du travail à faire pour éviter que certaines personnes se présentent dans nos urgences. On aura l'occasion au cours des prochaines semaines d'annoncer la mise en place de groupes de médecine familiale, de cliniques de toutes sortes, pour permettre à des personnes d'avoir accès à une première ligne ailleurs qu'à l'urgence, Mme la Présidente. Parce que, effectivement, ça crée des problème qu'il y ait certaines personnes qui n'ont pas des situations très graves qui se présentent à l'urgence alors qu'ils pourraient se retrouver dans une clinique ou dans un groupe de médecine familiale.

Donc, Mme la Présidente, il y a des efforts qui sont faits actuellement. On ne permettra pas que des personnes ne soient pas vues lorsqu'il y a des cas urgents. Par contre, comme je l'ai souvent dit au député de Châteauguay, oui, il y a encore des investissements à faire dans nos hôpitaux pour libérer les lits, pour que les opérations se fassent plus rapidement, mais ça, il sait où appeler pour s'assurer qu'on aille chercher l'argent là où il se trouve: chez son ami Paul Martin, à Ottawa. Il devrait nous appuyer plutôt que d'essayer de faire encore une fois de la petite politique, plutôt que d'appuyer les gens qui travaillent dans nos urgences, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo!

La Présidente: En principale, Mme la députée de Mégantic-Compton.

Effets du projet de loi n° 101
sur la protection des personnes âgées
hébergées dans des résidences privées
de moins de neuf logements

Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, Mme la Présidente. La semaine dernière, je dénonçais en cette Chambre le projet de loi n° 101 concernant les résidences privées pour personnes âgées, puisque ce projet de loi ne répondait en rien au rapport accablant de la Commission des droits de la personne intitulé L'exploitation des personnes âgées. Et surtout, Mme la Présidente, ce projet de loi ne viendra pas protéger les personnes âgées contre les abus dans les résidences privées, puisque ce projet de loi ne fait que répertorier les résidences. Mme la Présidente, la ministre responsable des Aînés affirmait, la semaine dernière, en cette Chambre, et je la cite: «Avec la protectrice des usagers, il y aura une intervention musclée qui pourra se faire.»

Ma question à la ministre responsable des Aînés: La ministre responsable des Aînés est-elle au courant que le pouvoir d'intervention de la protectrice des usagers ne vise aucunement les résidences privées non affiliées au réseau de la santé? Et réalise-t-elle que sa méconnaissance a induit 100 000 personnes âgées en erreur, car ces mêmes personnes ne peuvent être protégées contre les abus par la protectrice des usagers, puisqu'elle n'a pas ce pouvoir d'intervention musclée, comme l'a prétendu la ministre la semaine dernière?

La Présidente: Mme la ministre d'État.

Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Merci. Alors, Mme la Présidente, ce qui a été mentionné en cette Chambre la semaine dernière, ça a été que nous avons travaillé dans ce dossier-là en partenariat avec nos personnes âgées, avec, bien sûr, la FADOQ, avec tous les organismes qui travaillent avec nos personnes aînées.

Ce qu'ils nous ont demandé, c'était d'être capables de répertorier, ce qui n'était pas fait, les résidences privées sur l'ensemble du territoire. Dans un premier temps, c'est ce que nous allons faire. Avec la régie régionale, ils vont répertorier exactement quelles vont être les résidences privées de moins de neuf personnes sur l'ensemble du territoire, et ils devront également, ces propriétaires de résidences, dorénavant obtenir un permis de la Loi sur les cités et villes, soit des villes ou des municipalités. Et, pour avoir leur permis, ils devront au préalable s'être enregistrés sur un registre.

Également, ce que l'Association nous a demandé, c'était que cette Association, qui accordait un programme Roses d'or, puisse continuer à faire son travail sur l'ensemble du territoire, parce qu'ils ont développé une expertise, en partenariat avec la régie régionale, où ils vont faire des visites justement pour s'assurer de la qualité des services qui sont offerts. Et, oui, Mme la Présidente, s'il y a une problématique particulière... D'abord et avant tout, vous savez qu'au Québec, peu importe l'endroit, si, à notre connaissance, nous constatons, nous détectons qu'il puisse y avoir une problématique, nous pouvons immédiatement la dénoncer à l'ordre policier qui peut intervenir.

n(14 h 50)n

Et, deuxièmement, Mme la Présidente, pour ce qui est de la protectrice des usagers, elle a été mise de l'avant par notre collègue Rémy Trudel lorsqu'il occupait les fonctions pour être capable de soutenir davantage au niveau des résidences publiques. Alors, il ne faut pas mêler les deux dossiers, mais, il faut en convenir, que d'avoir ajouté cet élément-là est un plus pour les personnes âgées, et j'invite la députée à rencontrer les gens de la FADOQ, les gens qui travaillent avec nous depuis maintenant... depuis 1999. Et, Mme la Présidente, vous le savez, suite à l'année internationale des aînés, ils nous demandé d'intervenir.

Et je conclurais en disant que la FADOQ a répondu au président de la Commission des droits de la personne en disant que ce qui était proposé actuellement correspondait aux demandes et aux attentes de nos aînés.

La Présidente: En complémentaire, Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Mme la Présidente, ce que j'ai demandé à la ministre, c'est: Comment elle peut nous confirmer que le projet de loi n° 101 va intervenir auprès des personnes âgées contre les abus et l'exploitation de ces mêmes personnes? Et je répète ce qu'elle a dit la semaine dernière à une question posée: «Et finalement, s'il y a une problématique particulière, et c'est ce que j'ai répondu en commission ? Mme la ministre, elle répond à beaucoup de choses en commission, mais ça ne dit jamais rien ? avec la protectrice des usagers ? il y a beaucoup de mots, beaucoup de mots ? avec la protectrice des usagers, il y aura une intervention musclée qui pourra se faire dans les cas isolés.»

Alors, moi, je demande à la ministre si elle peut nous dire quel article de la loi sur la protectrice des usagers dans les résidences de personnes âgées... seront protégés par les abus? Quel article de la loi lui donne ce pouvoir?

La Présidente: Mme la ministre d'État.

Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Mme la Présidente, je peux comprendre que ça déplaise à la députée que l'Association des aînés...

Des voix: ...

La Présidente: Un instant! Un instant, là. Il y a une seule question qui est posée. Il n'y en a pas d'autres qu'on doive entendre. La réponse, Mme la ministre d'État.

Mme Goupil: Alors, Mme la Présidente, je comprends que ça puisse être fâchant de voir que l'Association de nos aînés nous a particulièrement félicités pour le travail qui a été fait, parce que nous avons passé de la parole aux gestes. Nous avons adopté un plan d'action, Mme la Présidente, qui a été bien reçu par l'ensemble des femmes et des hommes du Québec, dans les 17 régions. Ils nous ont identifié que nous avions exactement procédé dans trois dossiers qui les interpellaient particulièrement, et c'est ce que nous avons fait.

Finalement, Mme la Présidente, pour ce qui est du plan d'action, de façon spécifique, nous avons adopté ce plan, et, d'ici la fin de l'année, nous allons avoir fait ce que nous avons dit, c'est-à-dire trois choses: répertorier les résidences, à même la régie régionale; s'assurer au préalable qu'au niveau des municipalités un permis sera offert; et, finalement, nous travaillons, Mme la Présidente, en partenariat avec nos aînés, et c'est ce que nous faisons et nous allons continuer de le faire, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo!

La Présidente: C'est la fin de la période de questions et de réponses orales.

Réponses différées

Financement du projet de travail alternatif
payé à la journée pour les jeunes marginaux

Nous en sommes à la période des réponses différées, et Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion répondra maintenant à une question posée par Mme la députée de Mercier le 14 mai dernier concernant le projet TAPAJ, de l'organisme Spectre de rue. Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. La question était tellement ambiguë, la députée n'interpellait personne de ce côté-ci, d'une part. Quel était le type d'organisme qu'il s'agissait? Quel en était l'enjeu? De quoi vraiment était la question principale de la députée de Mercier?

Alors, je voudrais juste dire qu'au niveau communautaire...

Des voix: ...

La Présidente: Oui. M. le leader de... M. le leader adjoint.

M. Simard (Montmorency): ...ordre pour qu'on puisse vraiment entendre la bonne réponse que la ministre a à nous donner.

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Paradis: Oui, Mme la Présidente, si elle a une réponse à donner. À date, ce qu'on a eu, c'est des commentaires sur une question.

La Présidente: Je pense qu'on doit s'assurer à la fois de pouvoir écouter la réponse, et on pourra l'apprécier de part et d'autre, et à la fois de pouvoir également écouter la question complémentaire de Mme la députée de Mercier. Alors, la parole est à la ministre responsable de la Lutte à l'exclusion et à la pauvreté.

Mme Léger: Alors, au niveau communautaire, Mme la Présidente, nous avons près de 8 000 organismes au Québec. Alors, nous avons fait la vérification à ce niveau-là, et effectivement l'organisme TAPAJ aurait fait un appel chez nous pour le Fonds de lutte à la pauvreté. Alors, s'il s'agissait du Fonds de lutte contre la pauvreté, alors je vais répondre à ce niveau-là, Mme la Présidente.

Donc, l'organisme a fait une demande, et, le 19 mars dernier, il y avait un refus, pour deux raisons, pour l'organisme TAPAJ. La première, c'est que les activités ne favorisaient pas une intégration durable au marché du travail, ce qui est essentiel pour le Fonds de lutte à la pauvreté. Et l'autre motif, c'était qu'elle n'incluait pas des activités de préparation en emploi, ce qui est un autre critère important aussi.

Alors, nous avons suggéré à l'organisme de rentrer en contact avec les responsables du Fonds de lutte contre la pauvreté de Montréal pour vraiment avoir avec eux une discussion à ce niveau-là, pour vérifier les refus, ce qu'ils ont fait, à notre demande. Donc, le 11 avril dernier, ils se sont rencontrés et ils ont préparé une demande, une proposition qu'ils préparent, un nouveau projet avec les modifications demandées, ce qu'ils ont fait. L'organisme qui... Ils ont fait ça le 29 avril dernier.

Alors, tout le travail entre l'organisme et le Fonds de lutte est en excellente collaboration présentement. Nous attendons la décision du comité du Fonds de lutte à la pauvreté de Montréal, qui sera rendue le 10 juin prochain, qui viendra. Alors, si la question était concernant le Fonds de lutte à la pauvreté, voici l'heure juste, et j'aimerais lui rappeler qu'il serait important d'avoir cette clarté-là pour être capable de donner des bonnes réponses.

La Présidente: Mme la députée de Mercier, pour une question complémentaire.

Mme Nathalie Rochefort

Mme Rochefort: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que la ministre est consciente que la raison pour laquelle ma question s'adressait à l'ensemble des ministres, c'est qu'on parle d'une clientèle particulière? On parle de jeunes, de plus de 200 jeunes qui, l'année passée, ont participé au projet travail alternatif payé à la journée, de Spectre de rue; on parle de plus de 200 jeunes, donc, qui sont des usagers de drogues par injection, qui sont des jeunes de la rue et qui sont en voie de se réinsérer ou de s'insérer sur le marché du travail. Et la raison pour laquelle ma question s'adressait à l'ensemble des députés, c'est qu'il n'y en a pas un qui est capable de s'assumer et d'être responsable de ses actes. Qu'est-ce que la ministre déléguée répond au jeune Martin qui dit: «Quand je me promenais, j'étais catalogué, étiqueté, j'étais considéré à peu près comme un déchet ? junkie, prostitué, bon à rien ? je n'avais aucune valeur aux yeux de la société. Depuis qu'on m'a vu travailler ici, je suis devenu quelqu'un, une vraie personne, on me salue. Ils vont bien finir par me considérer comme un citoyen.» Pourquoi est-ce que vous ne voulez pas vous occuper des jeunes de la rue? Il y en a 5 000 à Montréal, Mme la ministre déléguée!

Des voix: Bravo!

La Présidente: Alors, Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Oui, Mme la Présidente. Le gouvernement du Parti québécois a adopté une politique extraordinaire, qui s'appelle la Politique de soutien aux organismes communautaires et à l'action communautaire au Québec, qui est la première politique, tant attendue, depuis 30 ans au Québec, d'une part. Maintenant, c'est une politique qui n'a pas... je pourrais dire sans pareille à travers le monde, parce qu'il n'y a pas de politique équivalente à travers le monde, d'une part.

Maintenant, en ce qui concerne les jeunes, le...

Des voix: ...

La Présidente: Un instant, un instant. La parole est à la ministre déléguée à la Lutte à l'exclusion et à la pauvreté.

Une voix: ...

La Présidente: Écoutez, M. le député de Kamouraska, si vous voulez intervenir, ce sera demain. Alors, Mme la ministre.

Mme Léger: En ce qui concerne les jeunes, Mme la Présidente, nous avons un programme, au gouvernement, qui s'appelle Solidarité jeunesse, un programme extraordinaire qui prend le jeune... comme dit la députée de Mercier, qui prend le jeune là où il est, c'est-à-dire de l'accompagner dans les forces et les faiblesses qu'il a à un moment donné de sa vie. Donc, c'est de faire les défis avec lui, soit de la réinsertion au travail, soit de lui donner un emploi, soit de lui favoriser un stage en travail, dépendant où il est rendu. C'est ça, le programme de Solidarité jeunesse. Nous avons des carrefours jeunesse-emploi, nous avons, je pourrais dire, une plénitude, plein de programmes qui aident le jeune où il est rendu. C'est ça, s'occuper des jeunes, c'est de les prendre où ils sont, les accompagner et leur donner des défis pour demain. C'est ce que le gouvernement du Parti québécois fait.

n(15 heures)n

Des voix: Bravo!

La Présidente: Alors, il n'y a pas de votes reportés.

Nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. Il n'y a pas de motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Simard (Montmorency): Oui. Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente.

Alors, j'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 84, Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, ainsi que demain, le mercredi 22 mai 2002, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 95, Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance et la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, ainsi que demain, le mercredi 22 mai 2002, de 10 heures à midi trente, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

Que la commission des transports et de l'environnement débutera les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et la Loi sur la Société québécoise de récupération et de recyclage, demain, le mercredi 22 mai 2002, de 10 heures à midi trente, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement.

Pour ma part, je vous avise que la commission de la culture se réunira en séance de travail demain, mercredi le 22 mai 2002, de 9 heures à 10 heures, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de faire le bilan d'auditions des dirigeants de Télé-Québec dans le cadre du mandat de surveillance d'organismes.

Je vous avise également que la commission de l'administration publique se réunira en séance de travail demain, mercredi 22 mai 2002, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de préparer l'audition de la secrétaire du Conseil du trésor concernant le premier rapport sur l'application de la Loi sur l'administration publique: Agir pour de meilleurs services aux citoyens.

Je me dois de demander s'il y a consentement pour déroger à l'article 145 du règlement qui prévoit que trois commissions peuvent se réunir simultanément pendant les affaires du jour. Est-ce qu'il y a consentement? M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. Comme président de la commission de l'administration publique, ça fait trois semaines de suite que nous avons reçu une demande du bureau du leader du gouvernement de reporter les séances d'imputabilité de la commission. Nous avons bien choisi notre sujet pour le printemps, c'est-à-dire il y a deux semaines, nous voulons aborder la question des soins à domicile... à la maison offerts par le ministère de la Santé et des Services sociaux. La semaine passée, nous avons... question des services de garde en milieu scolaire. Les deux donnaient suite à des chapitres du rapport du Vérificateur général.

Moi, j'ai reçu l'avis ce matin qu'il n'y aura pas de possibilité de tenir la séance publique pour donner suite à l'application de la loi sur l'administration de la fonction publique, jeudi. Alors, avant de donner notre consentement pour mercredi matin, c'est-à-dire la séance de travail, est-ce qu'il y a une assurance qu'on peut faire la séance publique le jeudi, parce que les deux sont liées ensemble?

Et je dois avouer une certaine déception, parce que ce gouvernement parle de l'importance de l'imputabilité. Nous avons une très petite fenêtre pour organiser nos travaux, M. le Président, parce que le mois d'avril, comme vous le savez, est consacré aux crédits, et les dernières quatre semaines de la session sont dévouées à la législation. Alors, pour la CAP, il demeure les trois semaines entre les deux pour faire l'imputabilité, qui est au coeur même de la loi n° 82 adoptée à l'Assemblée nationale. Alors, je veux juste exprimer une certaine frustration, comme président d'une commission, que nous avons organisé à trois reprises les séances qui touchent l'actualité, les sujets qui sont très importants.

Et, pour vous donner une idée, M. le Président, parce que je pense c'est tellement important, nous avons avisé les deux bureaux de leaders le 18 janvier 2002. Alors, ce n'est pas une surprise, mais nous avons convenu, le 18 janvier 2002, des deux premières séances. La séance qui est pour cette semaine, nous avons avisé les deux leaders à la mi-avril. Alors, c'est longtemps prévu que, dans cette petite fenêtre où on peut faire les activités d'imputabilité qui sont très importantes pour les parlementaires, qui donnent le droit de questionner les gestionnaires de nos programmes, comme je dis, sur les soins à domicile, qui touchent les 125 comtés au Québec, pour la question des services de garde en milieu scolaire, qui touchent également l'ensemble de nos comtés... ça a été reporté à la demande du bureau du leader du gouvernement.

Alors, avant de procéder à un consentement sur une séance de travail demain, j'aimerais avoir une certaine assurance que jeudi matin on peut faire la séance publique avec Mme la secrétaire du Conseil du trésor pour donner suite au dépôt du premier rapport sur l'application de la réforme sur l'administration publique.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Comme vous le savez, il n'appartient pas à la présidence d'établir l'ordre des travaux de la Chambre. Je crois comprendre dans un premier temps qu'il n'y a pas de consentement de la part du leader adjoint du gouvernement pour procéder à la session de la commission telle que j'ai annoncée. Alors, dans les circonstances, je dois retirer l'avis que je viens d'émettre, puisqu'il n'y a pas de consentement pour tenir cette séance. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Dans le but d'assister mon bon ami le leader adjoint du gouvernement dans son travail, je tiens à vous informer que de ce côté-ci, et de façon extraordinaire, compte tenu qu'il s'agit de la commission de l'administration publique, que les travaux sont planifiés depuis le 18 janvier, nous consentons à ce qu'il y ait, pour les éléments énumérés par M. le député de Jacques-Cartier, une quatrième commission qui siège.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Je vous remercie, M. le leader de l'opposition, mais je m'en tiens à ma décision précédente, puisque je constate qu'il n'y a pas de consentement. À moins qu'on me fasse signe qu'il y a consentement. Mais je crois noter qu'il n'y a pas consentement. Alors, par conséquent, je dois malheureusement maintenir ma décision. M. leader de l'opposition.

M. Paradis: J'essaie de comprendre. Habituellement, c'est le gouvernement qui demande à l'opposition son consentement pour faire siéger une quatrième commission parlementaire. Je veux bien croire qu'on est en fin de régime, mais là c'est l'opposition qui offre une quatrième commission parlementaire et le gouvernement qui refuse de travailler pour le bien-être de la population?

Le Vice-Président (M. Beaulne): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Simard (Montmorency): M. le Président, s'il y a une fin de quoi de ce soit, c'est bien une fin d'imagination de la part de nos amis libéraux. Mon bon ami le leader de l'opposition me surprend étonnamment. Je crois que c'est la première fois qu'il daigne consentir à l'idée d'une quatrième commission simultanément à trois commissions. Je ne l'ai pas vu souvent. Tant mieux si c'est une fois de plus, mais il n'a pas dû y en avoir beaucoup.

Ceci étant dit, M. le Président, j'aurais bien aimé agréer à la demande de mon bon ami le député de Jacques-Cartier, que nous respectons tous ici, en cette Chambre, mais ça prend un minimum de cohérence, hein, dans les requêtes que l'on fait parfois provenant de l'opposition. Déjà, le gouvernement s'est montré très, comment dire, à l'écoute des revendications de mon bon ami leader. Lorsqu'il nous demandait «y aura-t-il consultation sur tel ou tel projet de loi», généralement, on a toujours agréé à ce genre de requête. C'est ce qui fait qu'on a plusieurs consultations. Nous-mêmes, sur le projet de loi n° 102, M. le député, nous aurons une consultation, si je ne m'abuse, qui commence demain. Puis on a même pris la peine d'attendre votre collègue le député d'Orford.

Alors, ce que je veux vous dire, c'est que vous nous demandez des consultations, on se donne le temps de les faire. On ne peut pas tout faire en même temps. Et, nous, on a une priorité de ce côté-ci, M. le Président, c'est la législation. Il y a beaucoup de pain sur la planche. Et puis nous procéderons donc avec nos priorités en matière législative. Je suis sûr que mon bon ami va bien comprendre ça.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: ...parce qu'il faut quand même, comme parlementaires, si on va prendre la loi n° 82 au sérieux, dire qu'on va donner suite à l'imputabilité. Ça nécessite beaucoup de travail à la fois pour le bureau du Vérificateur général, qui a déjà préparé ses trois séances de travail; c'est beaucoup de travail qui est fait par les cabinets des sous-ministres pour préparer les ministères à venir témoigner ici; il y a les témoins de l'externe qui ont été avisés aussi; finalement, il y a les recherchistes payés par le budget de l'Assemblée nationale qui ont préparé ces séances. Alors, il y a beaucoup de travail préparatoire qui a été fait. Encore une fois, pour la troisième semaine de suite, on va mettre tout ça à côté. Et je veux juste vous signaler que nous avons convenu, les deux côtés de la Chambre, de l'importance de l'imputabilité, mais «you can't just walk to walk... talk the talk, you have to walk the walk». À un certain moment, nous devrons donner une place pour les parlementaires pour poser les questions et exercer leur devoir d'imputabilité.

n(15 h 10)n

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Je pense qu'on a fait le tour du chapeau, là, en ce qui concerne les arguments. Il existe des modalités qui sont prévues pour établir les travaux de la Chambre. Alors, je demanderais au leader, au leader adjoint, d'utiliser ces modalités pour ne pas prendre la présidence en arbitre de la manière dont devraient être régis les travaux de la Chambre. Ma responsabilité, c'est de faire en sorte que tout se déroule bien et non pas d'établir le menu. Donc, M. le leader de l'opposition, je pense que je vais passer maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Brièvement.

M. Paradis: Oui. Loin de nous l'idée de vous faire arbitrer des débats dont le gouvernement devrait avoir l'initiative. Moi, j'ai compris de la réponse du leader adjoint du gouvernement qu'il ne répondrait pas à la demande de l'opposition officielle. Dans les circonstances, nous attendrons demain le retour du vrai leader.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Beaulne): Bon. Alors, M. le leader de l'opposition, ça ne change strictement rien à la décision que je dois rendre suite au manque de consentement pour la tenue d'une quatrième commission parlementaire, en dépit des arguments qui ont été invoqués de part et d'autre.

Des voix: ...

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Vice-Président (M. Beaulne): Sur ce, s'il vous plaît, je vous demanderais un peu d'attention pour les renseignements portant sur les travaux de l'Assemblée.

Alors, je vous informe que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Shefford. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que le recours à l'octroi de contrats de moins de 25 000 $ ne fasse pas l'objet d'une utilisation abusive.»

Alors, la période des affaires courantes étant maintenant terminée, nous allons passer aux affaires du jour.

Mais, avant de passer aux affaires du jour, je tiens à vous signaler que nous avons reçu trois débats de fin de séance pour ce soir. Le premier débat est adressé par la députée de Mégantic-Compton à la ministre responsable des Aînés concernant les pouvoirs de la protectrice des usagers dans le dossier des résidences pour les personnes âgées. Le deuxième débat, qui est adressé par le député de Châteauguay au ministre de la Santé et des Services sociaux, porte sur le décès d'une personne à l'urgence de l'hôpital Saint-Jean. Et le troisième débat a été demandé par la députée de Mercier et ça s'adresse à la ministre déléguée à la Pauvreté concernant le projet TAPAJ. Donc, voilà pour les débats de fin de séance.

Affaires du jour

Nous allons maintenant passer aux affaires du jour. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Simard (Montmorency): Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je vous prie de prendre en considération l'article 10 du feuilleton de ce jour, je vous prie.

Projet de loi n° 89

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Beaulne): À l'article 10, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 89, Loi sur le système correctionnel du Québec. Y a-t-il un premier intervenant? M. le ministre de la Sécurité publique, à vous la parole.

M. Normand Jutras

M. Jutras: Alors, M. le Président, le projet de loi sur le système correctionnel du Québec intègre et modifie de façon importante les deux lois actuellement en vigueur en matière d'administration des peines, adoptées il y a plusieurs décennies, soit la Loi sur les services correctionnels et la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus. Il était devenu incontournable de procéder à une refonte en profondeur de ces lois pour tenir compte de l'évolution des pratiques correctionnelles et des attentes de la population québécoise. En fait, le projet de loi propose une réorganisation qui touche les diverses facettes du système correctionnel. Il établit, entre autres, les principes à la base de l'administration des peines, les responsabilités des intervenantes et des intervenants du système, ainsi que la contribution des principaux partenaires, et ce, dans un cadre légal unifié.

D'abord, le projet de loi réaffirme la valeur fondamentale inscrite dans la première loi moderne régissant la prestation des services correctionnels qui avait été adoptée en 1969. En effet, il établit clairement que la poursuite de la réinsertion sociale doit demeurer le principe premier de l'action des services correctionnels du Québec, de la Commission québécoise des libérations conditionnelles du Québec et de tous les intervenants du système correctionnel. Le projet de loi propose également qu'une préoccupation accrue soit accordée à la sécurité de la population. À cet effet, l'article 2 énonce clairement que la protection de la société et le respect des décisions des tribunaux sont les critères prépondérants dans la poursuite de la réinsertion sociale des personnes contrevenantes.

La consultation publique sur l'avant-projet de loi, qui s'est tenue en février dernier, a permis de constater une très forte adhésion des groupes et des personnes aux principes formulés dans les deux premiers articles du projet, soit la poursuite de la réinsertion sociale, la protection de la société et le respect des décisions des tribunaux. En fait, ce que recherche la proposition législative, c'est, d'une part, un équilibre entre la protection à court terme de la société et la protection à moyen et long terme de celle-ci dans le respect des droits fondamentaux des personnes contrevenantes, et, d'autre part, un équilibre entre les activités centrées sur le contrôle et celles centrées sur le soutien à la réinsertion sociale des personnes contrevenantes.

Le défi des services correctionnels de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, des organismes communautaires ainsi que de l'ensemble de la population est de travailler en convergence pour réinsérer les personnes, les aider à devenir des citoyennes et des citoyens respectueux des lois, tout en exerçant sur elles un contrôle raisonnable, et, ce faisant, assurer une protection durable de la société.

C'est dans cette perspective que le gouvernement du Québec propose, par son projet de loi sur le système correctionnel, de mieux outiller les responsables et les partenaires du système correctionnel. Nous visons à introduire plusieurs changements importants qui ont été également bien reçus, lors de la consultation publique sur l'avant-projet de loi. Plusieurs modifications ont aussi été apportées à la suite de la consultation. Cela permet de discuter aujourd'hui du principe d'un projet de loi qui fait l'objet d'un large consensus sur les changements proposés par le gouvernement. Je vous fais part des principaux, M. le Président.

Alors, premièrement, l'obligation pour les services correctionnels du Québec de procéder à l'évaluation de toute personne qui lui est confiée et de prendre toutes les mesures possibles pour se procurer les renseignements nécessaires sur ces personnes. Je donne comme exemple les motifs du jugement, la déclaration de la victime, les différents rapports produits sur le détenu, le rapport d'enquête et plusieurs autres documents.

Deuxièmement, un dossier informatisé unique et continu constitué par les services correctionnels du Québec sur chaque personne qui leur est confiée.

Troisièmement, le projet de loi prévoit le partage et l'échange de renseignements nécessaires entre les services correctionnels du Québec et les intervenants du système correctionnel impliqués dans l'administration de la peine, notamment les corps policiers, la Commission québécoise des libérations conditionnelles et les intervenants communautaires.

Qui plus est, un chapitre distinct sur les victimes leur reconnaît le droit d'être informées des dates d'admissibilité des contrevenants à des permissions de sortir ou à la libération conditionnelle ou définitive et leur permet de transmettre des représentations écrites au directeur de l'établissement de détention ou à la Commission québécoise des libérations conditionnelles concernant l'octroi de telles permissions ou libérations. Les organismes communautaires oeuvrant dans le domaine pénal sont reconnus comme des partenaires des services correctionnels du Québec dans leur offre de services complémentaires. Le projet de loi propose les modalités du partenariat.

Dans le but de soutenir davantage la réinsertion sociale, l'accès à des programmes d'aide et à des services sera facilité à l'intérieur même des établissements de détention. Ils permettront notamment d'amorcer la solution de problèmes associés à la délinquance, entre autres des problèmes de violence conjugale, de déviance sexuelle, de pédophilie, d'alcoolisme et de toxicomanie.

Par ailleurs, il faut se rappeler que le projet donne suite aux principales recommandations formulées par M. Claude Corbo dans son rapport intitulé Pour rendre plus sécuritaire un risque nécessaire. Ce rapport a suivi le mandat que lui avait confié le ministre de l'époque dans le contexte des événements tragiques ayant entouré la mort du jeune Livernoche, d'examiner et de revoir chacune des étapes du processus décisionnel menant à la libération des personnes contrevenantes.

Cela explique que le projet de loi propose un régime rigoureux, transparent et cohérent de gestion des mesures de remise en liberté des personnes incarcérées. Ces mesures seront dorénavant appelées «permissions de sortir», pour bien marquer qu'il s'agit d'un privilège et non d'un droit. Il établit un partage clair des responsabilités entre les services correctionnels du Québec et la Commission québécoise des libérations conditionnelles en confiant à cette dernière une responsabilité exclusive de décider de toutes les mesures de libération avant le terme de la peine pour les personnes condamnées à une peine d'incarcération de six mois ou plus.

Enfin, le projet de loi propose d'instaurer un Conseil des pratiques correctionnelles du Québec qui aura pour fonction de sensibiliser le public, favoriser les échanges entre les divers intervenants, encourager et mettre en valeur la recherche scientifique sur le système correctionnel ainsi que de formuler des avis à la demande du ministre.

n(15 h 20)n

Le dépôt de ce projet de loi sur le système correctionnel du Québec marque une autre étape... c'est-à-dire la discussion sur le principe, là, de ce projet de loi sur le système correctionnel du Québec marque une autre étape importante dans l'entreprise conduisant à la réorganisation du système correctionnel.

Je crois que ce projet de loi est majeur et réaliste. Les mesures proposées constituent des réponses adaptées aux problèmes identifiés et font l'objet d'un large consensus. Alors, merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent et porte-parole de l'opposition en matière de sécurité publique. M. le député.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Oui. Je vous remercie, M. le Président. D'entrée de jeu, je dirai qu'on ne peut pas dire que du mal du projet de loi que le ministre de la Sécurité publique dépose. Au contraire, je pense qu'il faut admettre, en tout réalisme, qu'il s'agit d'une amélioration à la situation qui existait, ou qui existe toujours d'ailleurs, du reste, jusqu'à ce que le projet de loi soit adopté.

Je pense qu'il est important de se rappeler cependant dans quel contexte politique le projet de loi que le ministre appelle en adoption de principe aujourd'hui est déposé. Souvenons-nous, M. le Président, de cet événement tragique que tous les gens qui nous écoutent et tous les élus dans cette Chambre... dont tous les élus dans cette Chambre se souviennent, la mort d'Alexandre Livernoche, qui, évidemment, a été assassiné par un individu qui a fait la manchette des journaux de façon importante pendant plusieurs semaines. Souvenons-nous que, à l'époque, le système correctionnel souffrait, me semble-t-il, en tout cas, et je pense que le ministre sera d'accord avec moi, souffrait d'une crise de confiance de la part de la population, c'est-à-dire les gens avaient clairement l'impression que, lorsque quelqu'un était condamné à une sentence d'emprisonnement, il recouvre, il recouvrait sa liberté assez rapidement sous le prétexte d'absence temporaire, de congé humanitaire.

Là, je vous rappellerai deux choses. La première, il a été révélé au public, sous l'administration du prédécesseur de l'actuel ministre de la Sécurité publique, le député de Drummond, donc sous la direction de son prédécesseur, le député actuel de Laval-des-Rapides, il a été démontré que les agents des services correctionnels remettaient en liberté, en absence temporaire, c'est-à-dire avant la fin de leur sentence ou avant même d'être éligibles à une libération conditionnelle, remettaient en liberté des individus sur la base de quotas, c'est-à-dire pour faire des économies. Parce que les détenus à l'intérieur des prisons, ça coûte cher, les agents des services correctionnels remettaient en liberté de façon systématique, pour des motifs qui étaient complètement autres que les motifs qui sont prévus par la loi, des gens qui auraient dû purger des sentences.

Là, c'est moi qui le dis, mais j'en veux pour principal porte-parole sur cette question-là M. Claude Corbo lui-même, M. le Président, qui a été à l'origine du rapport Corbo et qui est à l'origine d'un certain nombre ? le ministre a raison ? d'un certain nombre de modifications que le ministre introduit dans son projet de loi. Donc, de l'avis même de M. Corbo, qui est l'expert, qui devait regarder la façon dont le système correctionnel fonctionnait au Québec, on remettait en liberté, pour des raisons autres que les raisons qui sont prévues par la loi, et, dans ce cas-là, c'était pour des raisons budgétaires, pour faire des économies, on remettait des gens en liberté alors qu'ils auraient dû purger des sentences d'emprisonnement. Ça, M. Corbo est le dernier en date à l'avoir dit.

Mais, avant lui, il y avait eu, en 1999, le ministre s'en souviendra peut-être, mais son prédécesseur s'en souvient bien plus que lui, en 1999, le Protecteur du citoyen d'alors, Me Daniel Jacoby, avait publié un rapport, le Rapport du Protecteur du citoyen, dans lequel il avait reproché au service correctionnel québécois cette façon de faire des économies dans le système, c'est-à-dire en remettant des individus en liberté avant qu'ils ne soient éligibles à des libérations conditionnelles, sous prétexte de raisons humanitaires.

Donc, lorsque Alexandre Livernoche a été assassiné par un individu qui avait été remis en liberté dans ce régime-là, c'est-à-dire en absence temporaire, il y a eu évidemment de la part du public un cri d'alerte, un cri de détresse, et on a constaté à ce moment-là qu'effectivement il y avait une crise de confiance de la part de la population à l'égard du système correctionnel. Le ministre de la Sécurité publique d'alors, le député de Laval-des-Rapides, a dit, de façon très candide: Cet individu-là, qui a subséquemment été accusé du meurtre d'Alexandre Livernoche et qui s'appelait Mario Bastien, cet individu-là n'aurait pas dû être en liberté, compte tenu de ce que je constate être son dossier judiciaire, qui était au dossier.

Subséquemment, bien sûr, le ministre de la Sécurité publique d'alors, en faisant de cette affaire-là... en ne pouvant pas s'empêcher de faire de cette affaire-là... avec cette affaire-là, un peu de politique, a reproché au fédéral d'avoir de mauvaises communications avec le système correctionnel québécois, et que le dossier de cet individu n'était pas complet dans le dossier des services correctionnels.

Mais, à l'origine, il faut se rappeler que le ministre de la Sécurité publique d'alors, le député de Laval-des-Rapides, l'actuel ministre des Transports, avait dit: Avec un dossier judiciaire comme celui-là, cet individu n'aurait pas dû être remis en liberté, en absence temporaire. Donc, toute la question de la façon dont on remet en liberté, avant qu'ils ne soient éligibles à la libération conditionnelle, les gens qui doivent faire des sentences d'emprisonnement, est au coeur du projet de loi que le ministre dépose.

Il faut savoir, pour les gens qui seraient intéressés à nous écouter, que lorsqu'un individu... D'abord, on parle du système correctionnel québécois, c'est-à-dire on parle de gens qui purgent des sentences de deux ans moins un jour. Lorsqu'un juge condamne à une sentence d'emprisonnement de moins de deux ans, donc deux ans moins un jour, la personne fait sa sentence dans le système correctionnel québécois; c'est le Québec qui est le maître d'oeuvre et qui est le principal artisan du système correctionnel pour toutes les sentences de deux ans moins un jour. Quand un individu est condamné à une sentence d'emprisonnement de plus de deux ans, c'est le gouvernement fédéral qui est le maître d'oeuvre de toutes ces questions-là. Donc, on ne parle que des sentences de deux ans moins un jour.

Je disais donc que lorsqu'un individu, actuellement devant nos tribunaux criminels, est condamné à purger une sentence d'emprisonnement, quelle qu'elle soit, le juge qui lui impose cette sentence-là doit, en vertu de la loi ? c'est obligatoire, il n'a pas le choix de faire autrement ? doit se poser une question fondamentale avant de donner une sentence d'emprisonnement: Est-ce qu'il y a d'autres alternatives que l'emprisonnement pour cet individu-là? Compte tenu d'un certain nombre de facteurs: la gravité du crime, l'individu qui a commis le crime, les circonstances dans lesquelles le crime a été commis, les chances ou non de réhabilitation, de réinsertion sociale de cet individu-là et le tissu social qui l'entoure, est-ce que c'est un individu qu'on doit absolument envoyer en prison, dans les circonstances, ou est-ce que c'est quelqu'un qui peut bénéficier de ce qu'on appelle en langage courant, M. le Président, une alternative à l'emprisonnement ? une sentence suspendue, une ordonnance de probation, un emprisonnement avec sursis? Il y a dans le Code criminel une panoplie de sentences qui peuvent être imposées à un individu, qui ne sont pas des sentences d'emprisonnement.

Alors donc, pourquoi, pourquoi est-ce que je dis cela? C'est parce qu'il est important que les gens comprennent que, lorsqu'un juge en arrive à la conclusion qu'une personne x qui est devant lui, qu'il a trouvée coupable d'un crime quelconque, lorsqu'il en arrive à la conclusion qu'il doit... que cette personne-là doit faire une sentence, purger une sentence d'emprisonnement, c'est parce qu'il en arrive à une conclusion après s'être demandé obligatoirement: Est-ce qu'il y a d'autres alternatives que ça?

C'est donc sérieux. Et les gens s'attendent ? et je l'ai dit au ministre à plusieurs reprises, et les contacts que j'ai avec la population me permettent de le redire aujourd'hui: les gens s'attendent, lorsque quelqu'un est condamné à une punition qui est une sentence d'emprisonnement, bien, qu'une partie de cette sentence soit effectivement purgée.

n(15 h 30)n

Je dis tout de suite, M. le Président, que je suis favorable à la réinsertion sociale, que je suis favorable à ce qu'on pose un diagnostic sérieux au sujet du comportement d'un individu et qu'on le fasse bénéficier d'un certain nombre de mesures, je suis d'accord avec ça. Mais il reste qu'au coeur de la décision d'un juge qui condamne quelqu'un à purger une sentence d'emprisonnement il y a le caractère punitif de la décision, la punition. Et, si le juge en arrive à la conclusion qu'il doit y avoir une punition de la nature d'un emprisonnement, il faut que la société respecte cette décision du juge. Il faut donc qu'il y ait une bonne partie de la sentence qui soit purgée.

Bien sûr, on donne à un individu qui entre en prison pour purger une sentence le bénéfice de la bonne conduite, c'est-à-dire ? et c'est important qu'on le fasse et je le reconnais ? quelqu'un qui entre en prison évidemment doit se comporter d'une certaine façon en prison. Il y a des règles, il doit suivre des règlements, et il est là bien sûr pour purger une punition. Donc, il doit avoir un comportement qui permette de penser que, si on le remet en liberté, il va y avoir eu une amélioration de sa situation. Et là je ne veux pas dire que la prison, c'est bon dans toutes les circonstances, mais, quand il y a une punition, il faut être réaliste puis il faut réaliser qu'il y a une punition.

Donc, on donne des bénéfices de bonne conduite, c'est-à-dire qu'on dit à un individu: Vous avez 12 mois d'emprisonnement à purger, ça vous fait environ 365 jours d'emprisonnement. On déduit de ce montant total de jours ce qu'on appelle des rémissions, des jours de bonne conduite. On dit à un individu: Si vous suivez les règles, si vous ne causez pas de problème, si vous suivez les règlements, si vous vivez la vie du prisonnier modèle, on va vous remettre un certain nombre de jours, c'est-à-dire que vous ne purgerez pas la totalité des jours de votre sentence, mais on va vous créditer d'un certain nombre de jours. Et ça, c'est correct. Il n'y a pas de problème à ça.

Là où le bât blesse et là où le gouvernement a été l'objet de critiques sévères de la part de l'opposition bien sûr, mais de la part du Protecteur du citoyen, Me Daniel Jacoby, à l'époque, de la part de M. Corbo qui constatait un certain laxisme dans les services correctionnels et qui demandait au gouvernement d'agir, là où le gouvernement a été l'objet de critiques sévères ? et je reviens là-dessus ? c'est qu'on a découvert que les gens étaient remis en liberté bien avant d'être éligibles aux libérations conditionnelles, pour être capables de faire des économies à la prison, étaient remis en liberté en absence temporaire bien avant qu'ils aient purgé le tiers de leur sentence qui est la date d'éligibilité à une libération conditionnelle. Ça peut paraître compliqué, mais c'est important d'expliquer ça pour voir si le ministre a accompli complètement le devoir qui lui incombait dans le dépôt du projet de loi sur les services correctionnels, de tenter de rétablir la confiance de la population, du public à l'égard des services correctionnels.

J'ai dit, d'entrée de jeu, et je redis que le projet de loi améliore la situation par rapport à celle qui existait au moment de la remise en liberté de Mario Bastien, qui fait référence bien sûr à l'événement tragique dont j'ai parlé, dont je ne parlerai pas plus longtemps parce qu'il y a des dossiers qui sont devant la cour entre la famille d'Alexandre Livernoche et le gouvernement. Donc, je m'empêcherai d'en parler plus avant. Donc, il y a amélioration de la situation.

L'une des améliorations les plus importantes du projet de loi, c'est le fait que dorénavant chaque détenu, chaque personne qui fait une sentence d'emprisonnement fera l'objet d'un dossier complet qui contiendra toutes informations pertinentes, objectives et subjectives, relatives à cet individu-là, que ce dossier-là sera informatisé. De telle sorte que, lorsque soit les autorités de la prison ou soit la Commission québécoise des libérations conditionnelles, qui est le tribunal qui est appelé à décider si on va remettre un individu en liberté ou non... à ce moment-là, ces autorités-là pourront avoir devant elles le dossier complet d'un individu. De telle sorte que les personnes qui se pencheront sur le dossier d'un individu auront, à l'intérieur du dossier, bien sûr le dossier judiciaire, c'est-à-dire la feuille de route, si vous voulez, de la personne, mais toute espèce de rapport qui aurait pu être préparé à son sujet, de nature psychologique, des rapports présentenciels, des rapports de toute nature, pour qu'on ait un portrait de l'individu au moment où on décide de sa remise en liberté ou non. Et ça, je pense que c'est bon. Et ça, c'est clairement une amélioration.

Deuxièmement, une autre amélioration réside dans le fait que dorénavant, lorsqu'on voudra remettre en liberté un individu ? puis là je vais résumer, je n'irai pas dans le détail ? lorsqu'on voudra remettre en liberté un individu en absence temporaire ou avant qu'il ne soit admissible à une libération conditionnelle, d'abord, ce sera pour des raisons précises. Qu'elles soient d'ordre médical, qu'elles soient pour fins de travail, que ce soit pour des raisons de réinsertion sociale ou que ce soit pour des raisons d'ordre humanitaire, il y aura des critères précis dans la loi que les gens devront... que les autorités devront considérer avant de remettre un individu en liberté.

Et là l'innovation, si vous voulez, la plus importante réside dans le fait que ces motifs-là, dorénavant, seront inscrits dans la loi, de telle sorte que les gens, les autorités qui prendront la décision devront se conformer aux dispositions qui sont contenues dans la loi. Et ça, c'est un changement important en relation avec la situation qui existait auparavant, celle que j'ai décrite de façon critique tantôt, parce que ces critères-là étaient des critères administratifs avant l'adoption du projet de loi. Donc, ça aussi, c'est une amélioration importante.

Une autre amélioration ? et là je dois tout de même rendre hommage au ministre actuel de la Sécurité publique qui, après avoir tenu une consultation générale sur le projet de loi, s'être fait dire par les organismes communautaires... Vous savez, M. le Président, les organismes communautaires sont extrêmement intéressés ? j'entends intéressés au sens affaires du terme et intéressés au sens social du terme aussi ? à la remise en liberté des gens qui sont en prison, puisque les organismes communautaires, souvent, sont les récipiendaires d'un certain nombre de ces personnes-là qu'ils aident à se réintégrer dans la société à travers toutes sortes de programmes qui sont disponibles pour ces gens-là.

On dit souvent, M. le Président, que beaucoup de gens qui... Je ne parle pas des gens qui aboutissent en prison parce qu'ils n'ont pas payé leurs amendes en vertu d'une infraction routière, mais je parle des gens qui aboutissent en prison parce qu'ils ont commis des actes criminels. Beaucoup de ces gens-là le font parce qu'ils sont pris avec un problème personnel. Autrement dit, ils commettent des crimes parce que... Pris dans une situation personnelle de laquelle ils ne sont pas capables de se sortir, ils commettent des crimes. Et là je fais référence, vous l'aurez deviné, aux gens qui sont des narcomanes, par exemple, qui volent pour être en mesure de satisfaire un besoin de drogue qu'ils ont. Ce n'est pas correct, ils commettent des actes criminels, mais, dans le cas de ces gens-là, si on réussit à les aider à se prendre en main et à régler leur problème de narcomanie, on va probablement régler leur problème de vol aussi.

Il y a des gens qui sont malheureusement... des gens qui sont des alcooliques, par exemple, qui commettent, de façon répétée, par exemple, des infractions en matière de conduite automobile et qui finissent par aboutir en prison parce qu'ils conduisent leur véhicule alors qu'ils ont les facultés affaiblies. À plusieurs reprises, ils se font prendre. Et éventuellement, bien sûr, un juge qui est pris avec un individu qui s'est fait prendre à plusieurs reprises le condamne à une sentence d'emprisonnement. Mais, si cet individu-là devient sobre, on va régler son problème de conduite avec facultés affaiblies.

Donc, il y a des gens qui ont des problèmes personnels qui font en sorte qu'ils accomplissent des actes criminels, mais ce n'est pas parce qu'ils ont une structure délinquante, c'est parce qu'ils ont un problème personnel. Et ces gens-là, il faut être capable de les diagnostiquer. Il faut être capable de voir qu'un individu a un problème personnel qui le fait accomplir des actes criminels et tenter d'aider cette personne-là à régler son problème. Donc, il y a toute une série de gens qui vont en prison parce qu'ils sont pris avec des problèmes personnels, que ça fait en sorte qu'ils font des actes criminels, mais qu'ils ont besoin d'aide. Et il faut être réaliste, et il faut le réaliser, et ce n'est pas une hérésie de le dire, ça existe.

n(15 h 40)n

Il y a cependant, à côté de ça, des gens qui ont une structure délinquante et qui commettent des actes criminels parce que, pour eux, aller gagner sa vie, puis gagner un salaire à l'heure, puis aller gagner sa pitance heure après heure pour un salaire qu'eux autres estiment être un salaire de crève-faim, ça ne les intéresse pas, ils préfèrent... Ils ont une structure qui fait en sorte qu'ils commettent des actes criminels pour satisfaire leurs besoins de toute nature. Et ces gens-là, bien, éventuellement, commettent des actes criminels, se font prendre, ont des chances. Moi, j'en ai vu, j'ai pratiqué devant les tribunaux criminels à la fois en défense et comme procureur de la couronne, tout le monde a sa chance. C'est bien rare, M. le Président, de voir quelqu'un devant un tribunal criminel qui n'a pas sa chance, c'est-à-dire qui n'a pas la chance que lui donne un juge de s'amender. À moins, évidemment, d'avoir commis un acte criminel extrêmement grave ou alors de l'avoir commis dans des circonstances extrêmement graves, c'est rare qu'une personne, lors d'une première apparition devant le tribunal, pour toutes sortes d'infractions ? je pense au vol par effraction, je pense même au vol qualifié ? n'a pas sa chance.

Alors, souvent les individus qui aboutissent en prison sont des gens qui ont eu leur chance, qui sont venus devant le tribunal à plusieurs reprises, et, à un moment donné, un juge n'a pas d'autre choix que de les condamner à l'emprisonnement, parce que, malheureusement, il n'y a pas grand-chose à faire avec eux. Et ça existe. Quand je dis: Il n'y a pas grand-chose à faire avec eux, ça ne veut pas dire qu'il faut abandonner d'essayer de faire modifier leur comportement de toutes sortes de façons, mais, dans ces cas-là, c'est plus difficile. Et souvent... Moi, j'ai déjà dit souvent qu'un certain nombre de ces individus-là ? dont je ne donnerai pas le pourcentage parce que je n'en ai pas en tête, mais qui sont une minorité ? se réhabilitent quand ils ne sont plus capables d'aller en prison parce qu'il ne sont plus capables de faire le temps. Et ça, ça existe aussi. Alors, c'est ces gens-là évidemment que souvent on va retrouver dans les prisons, que souvent on va retrouver dans les tribunaux et c'est ces gens-là, bien sûr, pour lesquels la loi, en partie, a été faite.

Donc, les organismes communautaires vont aider. Et les premières personnes desquelles j'ai parlé, c'est-à-dire ceux qui ont des problèmes puis qui aboutissent en prison parce qu'ils ne sont pas capables de régler leur problème d'alcoolisme, de narcomanie ou autrement, ces gens-là évidemment constituent une bonne partie de la population carcérale. Et les organismes communautaires de toutes sortes sont voués à essayer d'aider ces gens-là à se réhabiliter. Les organismes communautaires sont voués à ça, les services correctionnels sont voués à ça, les services de probation, qui sont des émanations du gouvernement, sont également voués à ça. Et tous ces gens-là font un travail extraordinaire. Le ministre a reconnu dans son projet de loi, à la demande des organismes communautaires et, je dois le dire, probablement contre les avis de certaines personnes des services correctionnels, a reconnu dans son projet de loi que les organismes communautaires étaient des partenaires des services correctionnels, et ça, je sais que ça va plaire aux organismes communautaires qui ont été en contact avec lui, qui ont été en contact avec moi et qui réclamaient cette reconnaissance de la part du gouvernement. Alors, je veux rendre hommage au ministre sur ce point-là.

Un autre aspect du projet de loi qui m'apparaît être une amélioration... Les victimes sont venues témoigner en commission parlementaire en consultation générale et dire: Écoutez, là, la situation actuelle fait en sorte qu'on est souvent très insécurisées par la remise en liberté de personnes qui nous ont fait du tort. Et là, évidemment, je ne veux pas entrer dans toute une grande discussion qu'on a eue en commission parlementaire sur la relation qui existe entre les victimes et les agresseurs, mais disons donc, pour les fins de la discussion, pour les fins des gens qui auraient choisi de nous écouter cet après-midi, qu'on parle surtout, là, pas exclusivement, mais qu'on parle surtout des victimes d'agression sexuelle, des victimes de violence conjugale, par exemple.

Ces personnes-là ? et d'autres, mais ces personnes-là surtout ? sont venues nous dire en commission parlementaire: Ce serait utile ? deux choses ? premièrement, qu'on connaisse la date de sortie de la personne qui nous a agressées, pour qu'on puisse... d'abord parce qu'on est insécurisées, on a déjà été agressées par cette personne-là. Et là on n'est pas averties des moments où elles sont remises en liberté. Alors donc, on voudrait connaître les dates de sortie de ces gens-là. Puis on voudrait aussi avoir le droit, la possibilité, pardonnez-moi, la possibilité de faire des représentations aux gens qui auront à décider que la personne est remise ou non en liberté, c'est-à-dire, par exemple, à la Commission québécoise des libérations conditionnelles qui étudie le cas de monsieur X qui a agressé sexuellement madame, mademoiselle ou monsieur X. Alors, cette personne-là qui a été victime voudrait faire des représentations à la Commission des libérations conditionnelles avant que l'individu soit remis en liberté.

Je veux dire ici tout de suite que les victimes ? et ça a été noté en commission parlementaire ? les victimes sont admises devant les tribunaux criminels à faire des représentations au juge qui va rendre sentence dans le cas de leur agresseur, et ça, souvent le public ne réalise pas ça. Le public ne réalise pas que tout le système judiciaire canadien fait en sorte que, lorsqu'une personne qui est victime d'un acte criminel veut faire des représentations avant le prononcé de la sentence devant le juge qui va rendre sentence, cette personne-là a parfaitement le droit de se faire entendre. Elle n'a qu'à communiquer avec le procureur de la couronne, faire ses représentations au procureur de la couronne qui décide s'il va faire des représentations de même nature au juge ou s'il va même faire entendre la victime devant le juge pour que le juge ait en tête tous les faits lorsqu'il prononce sentence.

Il reste que, même si les personnes... Et, moi, j'insiste auprès des victimes pour qu'elles viennent faire leurs représentations devant le juge qui va prononcer sentence. C'est le moment le plus pertinent pour venir s'exprimer. Sauf qu'il peut arriver qu'au moment du procès certaines personnes ne se sentent pas encore capables d'aller devant un juge pour expliquer leur situation et qu'elles souhaitent le faire au moment de la remise en liberté, parce qu'au moment de la remise en liberté elles sont replacées, si vous voulez, dans un état d'insécurité. Alors, le projet de loi prévoit qu'effectivement les personnes pourront être avisées des dates de sortie des gens, et ça, c'est une amélioration aussi.

Vous aurez deviné, M. le Président, qu'après ces louanges, mais le mot «louanges» est un terme que, moi-même, je trouve un peu exagéré, mais, tout de même, après ces hommages que je viens de rendre... Appréciation objective, me souffle la députée de La Pinière, et son expression m'apparaît être tout à fait juste. Donc, effectivement, le projet de loi améliore la situation qui existe actuellement, mais il y a des choses à déplorer, bien sûr. D'abord, il m'apparaît que le ministre et que le gouvernement, compte tenu des critiques qui ont été formulées à son endroit depuis plusieurs années, critiques ayant culminé dans la remise en liberté de Mario Bastien parce qu'un événement tragique s'en est suivi, bien sûr, mais que le gouvernement, face à ces critiques, face aux critiques du Protecteur du citoyen en 1999, n'a pas fait grand-chose, hein? Parce que le Protecteur du citoyen, en 1999, disait que les absences temporaires, ça n'avait pas de bon sens. Alexandre Livernoche est décédé quelques années plus tard, et ça n'avait pas vraiment changé.

Donc, le gouvernement, me semble-t-il, aurait dû réagir de façon plus puissante sur le service correctionnel et lancer des messages qui soient des messages encore plus clairs à l'égard de la population, bien que j'admette que le message qui est lancé actuellement est positif en partie. Compte tenu de la gravité, me semble-t-il, de la crise de confiance de la population à l'égard du système correctionnel, il m'apparaît à moi que le message aurait dû être plus puissant.

n(15 h 50)n

Comment le ministre aurait-il pu rendre le message plus puissant? Bien, écoutez, d'abord, il y a une disposition dans la loi qui est absolument renversante. Notre système fait en sorte que... notre système correctionnel fait en sorte qu'un individu entre en prison. Là, il est pris en charge par le service correctionnel. Ça, c'est des fonctionnaires, c'est des gens qui travaillent pour le gouvernement. Ils font leur travail très bien et ils font leur travail dans l'intérieur de leurs attributions. Mais ces gens-là ont un patron. Leur patron, c'est le gouvernement du Québec, leur patron, c'est le ministre de la Sécurité publique. Et le gouvernement souvent a des volontés qui sont des volontés bien égoïstes, entre autres la volonté de faire des économies le plus possible, hein, la volonté de faire des économies. Et c'est pour ça que le gouvernement remettait en liberté des gens qui auraient dû se retrouver en prison, parce que ça fait des économies. Ça fait des économies à court terme, parce que, quand il est dans la rue, c'est sûr qu'on ne paie pas pour lui parce qu'il est en prison. Mais, moi, je ne suis pas sûr que, quand il est dans la rue, il n'est pas en train de commettre un autre acte criminel qui va nous coûter encore plus cher tantôt. Mais ça, nous autres, on comprend ça de ce côté-ci, mais les gens d'en face, ça, là, ils ne comprennent pas ça. Un gouvernement à courte vue.

Et le ministre de la Sécurité publique, malheureusement, a démontré hors de tout doute qu'il avait lui aussi ce travers péquiste: la courte vue. Une vue plus allongée, une vue à long terme aurait fait en sorte que le ministre se serait dit: Moi, là, j'ai des agents des services correctionnels qui accomplissent leur travail très bien en fonction de leurs attributions, sur la remise en liberté des individus, mais j'ai un organisme qui est un organisme indépendant et impartial qui s'appelle.... qui doit être indépendant et impartial, qui s'appelle la Commission québécoise des libérations conditionnelles.

En gros, pour les gens qui n'auraient pas fermé leur appareil de télévision ou qui n'auraient pas «zappé» ailleurs, la Commission des libérations conditionnelles, c'est l'organisme qui doit être indépendant et impartial, qui, lui, juge de l'admission de quelqu'un à la libération conditionnelle, c'est-à-dire qu'on dit: Vous avez purgé tant de temps sur votre sentence; nous autres, on pense que vous êtes prêt à recouvrer votre liberté puis que vous allez avoir un comportement qui est correct dans la société ou on a des bonnes chances que vous ayez un comportement qui est correct dans la société, on va vous admettre à la liberté. Au contraire, devant un individu, la Commission peut dire: Non, là, regardez, là, vous avez mal agi en dedans, vous n'avez pas de remords, vous n'avez jamais admis vos crimes, en dedans vous n'êtes pas du monde, vous n'avez pas suivi les règlements, vous n'êtes pas prêt à recouvrer votre liberté, vous restez en dedans. Avez-vous compris que la Commission québécoise, elle n'appelle pas le ministre pour dire: C'est quoi, le quota ce mois-ci? Hein! Êtes-vous en problème de déficit? Voulez-vous que j'en remette en liberté? Ils ne font pas ça, ils ne doivent pas faire ça. Ils doivent être indépendants et impartiaux.

Savez-vous ce que le ministre a fait dans son projet de loi? Au lieu de reconnaître que la Commission québécoise des libérations conditionnelles doit être un organisme indépendant et impartial et donc donner un message puissant ? puissant ? que le gouvernement ne veut pas mettre ses pattes dans la remise en liberté par la Commission québécoise des libérations conditionnelles, au lieu de faire ça, savez-vous ce qu'il a fait, le ministre? Il a créé un comité de concertation entre les services correctionnels... puis là c'est le sous-ministre de la Sécurité publique, le sous-ministre aux Services correctionnels qui va aller s'asseoir sur un comité de concertation ? avec qui, M. le Président? ? avec la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Ça, là, M. le Président, c'est comme si les juges formaient un comité avec les procureurs de la couronne, hein, pour dire: Bien là, là, ça va être quoi, les règles de nos sentences? Puis pourquoi ne pas mettre un avocat de défense là-dessus? Aussi bien faire ça.

C'est ça qu'il a fait, le ministre. Il a créé un comité, et puis, dans la loi ? je ne l'ai pas avec moi, là ? dans la loi, ça dit que ce comité-là va étudier les politiques gouvernementales en matière de remise en liberté. Imaginez-vous donc! Alors qu'on reprochait au gouvernement de remettre en liberté pour des raisons budgétaires, là, là, il ajoute un comité dans lequel la Commission québécoise, qui doit être un tribunal indépendant, va aller s'asseoir pour discuter des politiques gouvernementales avec le sous-ministre de la Sécurité publique et le sous-ministre des Services correctionnels. Et, M. le Président, il n'y a pas, il n'y a pas une seule autre raison d'avoir créé ce comité de concertation que pour influencer le quota de remises en liberté de la Commission québécoise des libérations conditionnelles qui, malheureusement ? qui, malheureusement, je le dis et j'emploie le mot à escient ? qui est déjà, malheureusement, la Commission québécoise, en déficit de crédibilité auprès de la population pour toutes sortes d'événements qui sont survenus dans le passé.

Ça, là, si le ministre avait été clair dans sa loi et s'il avait dit: La Commission québécoise des libérations conditionnelles, c'est un tribunal indépendant et impartial, ils n'ont pas d'affaire à prendre de directive de personne, qu'il fût sous-ministre de la Sécurité publique ou sous-ministre des Services correctionnels, là il aurait donné un message puissant. Il n'a pas fait ça, il a donné le message contraire.

Les gens de la Commission québécoise des libérations conditionnelles vont aller s'asseoir sur le comité de concertation pour discuter des politiques gouvernementales avec les sous-ministres. Ça, là, ça n'a pas de sens. Ça n'a pas de sens. Et, moi, je ne suis pas certain que ça ne devrait pas... même pas être attaqué devant les tribunaux sur l'indépendance et l'impartialité de la Commission québécoise.

Et voulez-vous que je vous dise quoi, M. le Président? Comble, le comble, c'est qu'en commission parlementaire... J'ai soulevé ce point-là en commission parlementaire. Il y a plusieurs groupes qui sont venus se faire entendre en commission parlementaire, mais pas la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Pour dire combien elle est inféodée, la Commission québécoise des libérations conditionnelles, la présidente était dans la salle. J'ai dit: Je ne peux pas croire que la présidente ne demande pas d'être entendue pour venir discuter avec nous de cette disposition-là qui la rend inféodée au sous-ministre de la Sécurité publique puis au sous-ministre des Services correctionnels. Puis ils ne sont jamais venus. Pour vous dire combien ils sont inféodés, M. le Président, et ça n'a pas de bon sens. On ne peut pas tolérer ça. La Commission québécoise des libérations conditionnelles devrait avoir l'honneur et le respect de se lever et de dire au ministre de la Sécurité publique: Cette disposition-là, vous devriez l'abroger parce que, nous, on est un tribunal indépendant et impartial et on veut exercer ce rôle-là. Ils ne l'ont pas fait, puis le ministre ne le fait pas non plus.

Ça, là, ça, c'est un défaut majeur du projet de loi. Un défaut majeur parce que, oui, il s'agit juste d'une disposition, mais elle donne le sens. Ces gens-là ne vont jamais au bout. Vous avez vu ce qu'ils ont fait, ces gens-là? Ils ont réalisé que la population avait perdu confiance dans le système correctionnel à cause de leur laxisme. Mais, comme ils n'y croient pas, ils ont déposé un projet de loi pour être capables de colmater les brèches, pour être capables de dire au monde: On est bon, hein, on a déposé un projet de loi, puis la situation va s'améliorer. Ce qui est vrai. Mais, comme ils n'y croient pas, parce qu'ils le font pour des motifs égoïstes, ils le font pour des motifs partisans, comme ils n'y croient pas, bien ils ne vont pas jusqu'au bout de leur idée, ils manquent de sincérité. Ils manquent de sincérité, et malheureusement ça se traduit par un manque de confiance à l'égard de la population puis par un manque d'honnêteté à l'égard de la population. S'ils croyaient à leurs affaires, ils iraient jusqu'au bout. Mais non, ils arrêtent en chemin.

Dans combien de projets de loi est-ce qu'ils font ça! Dans combien de projets de loi! La loi sur le lobby. Je connais la règle de la pertinence, ça va durer deux secondes. La loi sur le lobby qu'ils ont déposée pour se sortir d'un mauvais pas, pour noyer le poisson. Parce que le premier ministre est pris dans cette affaire-là puis il a l'air fou, qu'est-ce qu'il fait? Il dépose la loi sur le lobby. Mais ils n'y croient pas. Ils déposent pour se sortir du trou. Alors, elle va être toute croche. Elle va être toute croche. Dans ce cas-là, ils exagèrent. Ils exagèrent pour être capables de donner une image au public. Mais j'espère que la population a compris. En tout cas, je pense que, dans ce qui est révélé dans les opinions publiques de ce temps-là, je pense que la population a compris. Mais, dans le projet de loi sur les services correctionnels, même chose: ils ne sont tellement pas sincères, ils ne croient tellement pas à leur affaire, ils font tellement pour colmater des brèches pour se sortir de mauvais pas qu'ils font des affaires à moitié. Ça, ça en est un exemple.

Deuxième. Celle-là est grosse. Celle-là est grosse: la Charte canadienne des droits. Eux autres, ils ne croient pas à ça, la Charte canadienne, parce que ça s'appelle la Charte canadienne. Si le premier ministre Trudeau l'avait appelée la Charte nationale, ils y croiraient un peu plus. Mais la Charte canadienne, ça, ils ne croient pas à ça. Mais la Charte canadienne des droits qui est invoquée à tous les jours devant nos tribunaux québécois, là, pas nos tribunaux albertains, puis qui est invoquée par des avocats que je connais très bien, des criminalistes qui adhèrent à leur philosophie, là... Moi, j'ai des bons amis criminalistes qui malheureusement ne sont pas des partisans du parti politique que l'opposition officielle représente, mais qui invoquent la Charte canadienne des droits à tous les jours devant les tribunaux. Ça, ils croient à ça, par exemple, la Charte canadienne, ces gens-là. Bon. Et voilà.

n(16 heures)n

Alors donc, la Charte canadienne des droits prévoit qu'il y a deux sortes de personnes qui vont en prison actuellement, M. le Président. Il y a les gens qui sont en attente de procès, au sujet desquels un juge a décidé qu'ils devaient rester en prison en attendant leur procès, pour toutes sortes de raisons, y compris la dangerosité de remettre cet individu-là en liberté, le danger qu'il se sauve, qu'il ne se présente pas à son procès. Donc, il y a des gens qui sont en dedans, mais qui n'ont pas été condamnés encore, mais qui attendent leur procès. Ces gens-là, on les appelle des «prévenus». Puis il y a les gens... Et ils sont dans des prisons provinciales. Les prévenus, là, que vous soyez accusés de meurtre... Maurice Boucher était prévenu avant d'être trouvé coupable devant jury, était prévenu, et il était accusé d'un double meurtre de gardiens de prison, mais il était prévenu, il était sous la juridiction de prison provinciale. C'est le provincial qui donnait les conditions de détention de Maurice Boucher. Et tous les prévenus sont des gens dont la juridiction provinciale doit s'occuper. Donc, il y a cette sorte de gens là qui sont détenus dans nos prisons, les gens qui sont des prévenus qui attendent leur procès, et il y a des détenus, pour ce qui concerne les prisons provinciales, encore une fois, je le répète, des gens qui sont condamnés à des sentences d'emprisonnement de deux ans moins un jour. Donc, il y a des prévenus et des détenus.

Savez-vous ce que l'ancienne loi, celle qui existe encore actuellement, mais que le ministre veut changer par son projet de loi, savez-vous ce qu'elle disait, cette loi-là? Elle disait que les prévenus doivent être séparés, dans une prison, des détenus. Savez-vous pourquoi? Parce que les détenus sont des gens qui purgent des sentences de deux ans moins un jour, donc, en principe, M. le Président, je ne veux pas faire... je vais dire quelque chose qui est une règle, là, mais qui peut souffrir des exceptions, mais, donc, des gens qui sont condamnés à purger des sentences de deux ans moins un jour, donc des sentences pour des crimes qui ne sont quand même pas les crimes les plus graves de la société. Parce que, quand on est condamné pour un crime plus grave ou parce qu'on est un délinquant qui a accompli plusieurs crimes, souvent on est condamné à des sentences de plus de deux ans.

Donc, les détenus qu'il y a dans nos prisons provinciales sont des gens qui sont condamnés pour des sentences que je qualifierai, là, au risque d'exagérer un peu, de mineures. Mais il y a des gens... Il y a des Hell's Angels qui sont condamnés pour des crimes mineurs, qui font des sentences dans des prisons provinciales, qui sont quand même des gens dont la carrière criminelle est importante. Ça arrive, ça. Je fais les nuances qu'il faut, mais, en général, quand on est dans une prison provinciale, on a été condamné pour un crime d'ordre mineur. Et on est un délinquant mineur.

Mais, les prévenus, il peut y avoir des gros bandits là-dedans, là, parce que les prévenus, c'est tous les gens qui sont accusés, de n'importe quel crime, mais qui n'ont pas encore subi leur procès. Alors, bien sûr, il y a des gens qui sont prévenus pour des crimes mineurs, mais il y a souvent des gens qui sont prévenus, qui sont détenus pour des crimes importants: trafic de stupéfiants, gros trafic de stupéfiants, vol qualifié, gros vol qualifié, vol à main armée. Dans le temps où j'étais jeune avocat, ça, c'était bien populaire, les vols à main armée, avec les carabines tronçonnées, dans les banques. Aujourd'hui, les banques se sont prémunies contre ça, c'est malheureusement les pauvres caissiers de stations-service, les pauvres caissiers de dépanneurs, les gens de pharmacies, qui subissent souvent le vol qualifié. Mais ce n'est pas moins traumatisant pour un caissier de dépanneur que ça l'est pour un caissier de banque. Mais il y a des gens qui sont accusés de crimes sérieux qui sont des prévenus.

Alors, la Charte canadienne des droits dit: Parce qu'on risque d'avoir des gens qui sont d'une différente dangerosité entre les détenus puis les prévenus, il faut les séparer. L'autre chose, c'est que les uns n'ont pas les mêmes intérêts que les autres. Les prévenus, eux autres, ils ne sont pas encore condamnés. Ils ont toutes sortes de trucs, hein? Alors, il faut séparer les deux populations: les détenus et les prévenus. La Charte, elle dit ça. Puis la loi actuelle, celle qui n'est pas encore amendée, là, elle disait la même chose: Il faut les séparer.

Le ministre a aboli la disposition, ce n'est plus dans le projet de loi actuel. Pourquoi? On ne le sait pas. Il n'est pas capable de répondre à la question, ou, en tout cas, s'il a été capable de répondre à la question, très honnêtement et très sincèrement, je ne m'en souviens pas. Alors, je m'en excuse s'il a répondu à la question, je ne me souviens pas de la réponse. Elle ne m'a pas frappé. Et donc... Mais je ne comprends pas pourquoi. Il faut respecter... D'ailleurs, ça a été dit en commission parlementaire, en consultation générale: Il faut continuer de séparer les prévenus et les détenus. Ça tombe sous le coup de la logique.

Moi, je soupçonne qu'il y a une raison budgétaire là-dedans. Il doit y avoir une raison budgétaire là-dedans, à quelque part. Mais le ministre, de toute façon, a aboli cette disposition-là, et ça, c'est malheureux, c'est malheureux sur le respect de la Charte, sur le respect des droits des individus puis c'est malheureux aussi parce que ça va causer des problèmes en dedans.

Ça cause des problèmes en dedans, les prévenus qui sont avec des détenus, et le Protecteur du citoyen en avait parlé dans son rapport. Lui, il avait dit: Ça n'a pas de bon sens de mettre des criminels dangereux, qui peuvent être accusés de crimes très dangereux, auprès de gens qui sont des détenus pour des infractions mineures et qui sont eux-mêmes des délinquants mineurs, les prévenus ayant de l'influence sur les détenus. Je veux dire: Ça tombe sous le coup du sens. Alors, ça, c'est une autre critique qu'on doit faire à l'égard du projet de loi.

Les policiers sont venus témoigner en commission parlementaire. Je vais vous apprendre quelque chose que vous ne savez peut-être pas, M. le Président, mais les policiers ont le droit d'effectuer l'arrestation ? en gros, là, je n'entrerai pas dans les nuances ? mais les policiers ont le droit d'arrêter quelqu'un qu'ils trouvent en train de commettre un acte criminel. C'est évident, vous aussi, vous avez ce droit-là. Ça, tout le monde a le droit d'arrêter quelqu'un qu'il trouve en train de commettre un acte criminel. Mais les policiers, a fortiori, bien sûr, ont le droit d'arrêter des gens qui sont en train de commettre des actes criminels. Les policiers ont aussi le droit ? ça, vous, vous ne l'avez pas, puis moi, je ne l'ai pas non plus ? les policiers ont aussi le droit d'arrêter quelqu'un qu'ils croient, pour des motifs raisonnables et probables... va commettre un acte criminel.

Mais savez-vous quoi? Quand un individu est remis en liberté par une décision par exemple de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, qui dit: Je vous accepte, je vous donne une libération conditionnelle, vous pouvez reprendre votre liberté. Mais il y a des conditions: vous ne devez pas boire, vous devez être... Je vous donne des exemples: il ne faut pas que vous alliez dans des endroits où on vend des boissons alcooliques; il ne faut pas... que vous soyez chez vous à partir de 23 heures le soir jusqu'à 8 heures le matin; il ne faut pas que vous alliez à un kilomètre de la résidence de Mme ou de M. Untel. Il y a toutes sortes de conditions qui sont données à des individus qui reprennent leur liberté, en vertu d'une décision de la Commission des libérations conditionnelles. Ça, c'est quand les gens ne respectent pas leurs conditions. Ce que le bras du gouvernement a fait, c'est que, quand on sait que quelqu'un n'a pas respecté ses conditions, on avise un agent des libérations conditionnelles, c'est-à-dire celui qui est responsable de votre remise en liberté puis de votre sentence, puis, lui, à ce moment-là, il peut, lui, dire: Bon, bien, moi, j'émets un mandat d'arrestation contre cette personne-là, puis là on donne les mandats aux policiers, puis là les policiers peuvent arrêter parce qu'ils ont un mandat.

Mais, si un policier... puis ça arrive des centaines de fois, ce que je vais raconter là: Si un policier aperçoit dans la rue M. Untel, qui a un couvre-feu à 23 heures, en vertu de ses conditions de remise en liberté par les Libérations conditionnelles, savez-vous quoi? Ils n'ont pas le droit de l'arrêter. Ils n'ont pas le droit de l'arrêter parce qu'il ne commet pas un acte criminel. Puis, parce qu'ils n'ont aucun motif de croire... À moins que les policiers aient des motifs de croire que... il est minuit, il est supposé être chez lui à 11 heures puis il s'en va vers la personne qu'il a agressée pour laquelle il a fait sentence, là, ils ont des motifs raisonnables de croire qu'il va aller faire de la violence à la victime, mais ça leur prend ça pour arrêter. Mais le simple fait qu'un individu soit en dehors de son couvre-feu, sans aucune raison, ne leur donne pas le droit d'arrêter. Ils n'ont pas le droit de l'arrêter. Ça les frustre-tu? Ça les frustre. Puis savez-vous quoi? Je soupçonne que ça frustre la population aussi parce que quelqu'un qui a fait une sentence d'emprisonnement, qui doit respecter des conditions, doit les respecter. Moi, je suis pour qu'on donne une chance à tout le monde, mais il faut que tout le monde marche en vertu des mêmes règles.

Alors, les policiers sont frustrés de ça. Ils sont venus en commission parlementaire. M. Prud'Homme, le président de la Fédération des policiers municipaux du Québec, lui, il représente tous les policiers municipaux du Québec, pas les gens de la Sûreté du Québec mais les policiers bleus, ce qu'on appelle «les bleus». O.K.? Lui, il est venu en commission puis il a dit: M. le ministre, on aimerait ça, avoir le pouvoir d'arrestation des gens qu'on prend ou qu'on soupçonne être en liberté illégitime, si vous voulez, ou en tout cas, qui ne respectent pas leurs conditions, et ce serait normal qu'on le fasse.

Le ministre a trouvé que ça avait du bon sens, je me souviens de ça. Il a trouvé que ça avait du bon sens, mais il a dit: Ce n'est pas facile de prévoir une disposition qui ferait en sorte qu'on vous donnerait le pouvoir d'arrêter. Et là l'opposition officielle ? nous autres aussi, on a travaillé fort ? l'opposition officielle lui a dit: Nous autres, on en a une, solution, puis on pense qu'elle est bonne.

n(16 h 10)n

Là, là, je ne suis pas en train de dire que c'était la meilleure solution au monde puis que c'est sûr qu'on avait la seule solution. Ce n'est pas ça que je suis en train de dire. Je suis en train de dire que notre solution nous semblait avoir du mérite. On la lui a dite, en commission parlementaire. On lui a dit: Si vous faisiez... si vous rendiez les agents de la paix, les policiers, en vertu de la loi, des agents ou une extension du directeur de prison, à ce moment-là les policiers pourraient effectuer l'arrestation parce que, là, ils auraient le même mandat que l'agent des services correctionnels qui apprend qu'un individu est en infraction de ses conditions de remise en liberté. On n'a jamais eu d'explications. Le projet de loi est déposé, puis ce n'est pas là. Alors, ce n'est pas là.

Ce qu'il a fait, le ministre, il a employé une disposition qui dit: Bien, les policiers seront avisés des sorties des détenus. Autrement dit, là, les policiers sauront, lorsqu'un individu reprend sa liberté, qu'il a repris sa liberté. Ce n'est pas une mauvaise disposition, ce n'est pas mauvais, mais c'est parce que ce n'est pas ça, le sens de la demande. Le sens de la demande des policiers, c'est: lorsqu'un individu reprend sa liberté, s'il va bien dans la société, s'il suit ses conditions, puis si ça va bien, puis s'il fait un bon garçon ou si c'est une bonne fille, on ne les achalera pas. C'est ça que les policiers sont venus dire. Mais les policiers sont venus dire: Par contre, nous autres, là, quand on voit un individu et qu'on sait qu'il ne suit pas ses conditions, on voudrait avoir le droit de l'arrêter, puis on vous le rapportera, vous ferez ce que vous voudrez avec. Mais, nous autres, là, on fait rire de nous autres. Quand un individu est supposé être chez lui à 11 heures le soir puis qu'à une heure du matin il se promène sur la rue et qu'on n'a pas le droit de l'arrêter, qu'est-ce que vous pensez qu'il fait? Il rit de nous autres.

Mais ça va plus loin que rire des policiers. Là, je reviens à un argument qui est le nôtre, celui de l'opposition officielle. Ça aussi, ça fait partie d'un message que le gouvernement aurait dû donner, un message puissant que le gouvernement aurait dû donner et qui est à l'effet que, si ça va bien, si vous avez un bon comportement dans la société puis si vous vous amendez... parce que vous avez le droit à l'erreur, tout le monde a le droit à l'erreur. Qui n'a pas commis d'erreur? Juste le député de Montmorency qui dit toujours qu'il ne commet jamais d'erreur, mais je le soupçonne d'en commettre de temps en temps, quand même, malgré votre humilité naturelle. Mais tout le monde commet des erreurs, et, dans le fond, tout le monde a le droit à l'erreur, mais il faut s'amender. Et, quand on s'amende, bien, on a droit à la protection de la société puis on a le droit d'être bien traité dans la société. Mais si on ne veut pas s'amender, bien, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Il faut que la société puisse réagir. C'est ça que les policiers ont demandé. Ils ne l'ont pas eu, mais ça avait beaucoup de sens.

Ça avait beaucoup de sens, pourquoi? Les agents de probation... Évidemment, aujourd'hui, ça a changé un peu. Il y a des gens qui travaillent de nuit, il y a des gens qui travaillent de soir, mais ce n'est quand même pas une majorité de personnes. Mais les policiers, eux autres, il y en a partout sur le territoire, 24 heures par jour. Partout sur le territoire, il y a des policiers 24 heures par jour. Alors, c'est bien sûr que c'est d'abord et avant tout les policiers qui sont les plus susceptibles d'entrer en contact avec des gens qui ne suivent pas leurs conditions. Alors, leur demande était légitime. Le ministre n'y a pas donné suite.

Je donne un autre exemple d'une loi qui n'est pas terminée, qui n'est pas finie. Le directeur de la prison a le droit de donner un congé à des fins médicales. Bon. Un individu vient vous voir en prison pour dire, bon: J'ai mal au ventre, ça me fait mal, ça fait trois jours, je ne suis pas bien, ou autre chose. Le directeur de la prison a le droit de consentir à un congé pour des fins médicales. Autrement dit: Tu vas aller voir ton médecin, tu as le droit de sortir de la prison et d'aller voir ton médecin. Et M. Corbo, qui avait fait des recommandations au gouvernement sur le congé à des fins médicales ? je trouvais ça intelligent ? il a dit: Oui, le directeur peut donner des congés à des fins médicales, mais sur recommandation d'un médecin. Y a-t-il quelque chose de plus logique que ça? Hein? Le directeur de prison, là... Vous devenez directeur ? parce que peut-être que ça achève, je ne le sais pas, je ne vous le souhaite pas, mais peut-être que ça achève ? vous devenez directeur de prison, M. le Président, vous n'êtes pas médecin; bien que je vous reconnaisse une compétence dans toutes sortes de domaines, vous n'êtes pas médecin. Alors, si un détenu vient vous voir pour vous demander un congé pour des fins médicales, vous allez lui donner le bénéfice du doute. Vous ne pouvez pas prendre de chance. Aïe! On va le lui donner, tout d'un coup que ça devienne plus grave que ça. Ça aurait été normal que le directeur de prison puisse avoir les recommandations d'un médecin. Ce n'est pas dans le projet de loi. C'est ça que je veux dire quand je dis qu'un projet de loi n'est pas terminé.

Finalement, M. le Président, je veux terminer en disant: Donc, en résumé, le projet de loi améliore la situation, j'en conviens. La crise de confiance qui existait à l'égard des services correctionnels québécois était cependant à ce point, est cependant à ce point importante que le message devait être plus puissant de la part de ce gouvernement qui malheureusement, jour après jour, jour après jour ne fait que colmater des brèches, ne fait que mettre des sparadraps sur des problèmes plutôt que de sincèrement vouloir améliorer des situations qui sont inacceptables dans notre société, que la population trouve inacceptables.

Et je termine en disant: Une chose qui est clairement ressortie de la commission parlementaire, en consultation générale, c'est que c'est vrai que le gouvernement ne dispose pas d'argent pour faire tout ce qui devrait être fait; il y a des priorités qui doivent être établies et il doit prendre des décisions, je conviens de ça. Mais tout le monde qui connaît ce milieu-là est venu dire en commission parlementaire: Il faut mettre l'argent dans le diagnostic. Il faut mettre des ressources. Il faut mettre des ressources compétentes puis il faut prendre le temps, quand on reçoit un individu en prison... Et même, je dirais: Il faut aller plus loin que ça. Quand un individu est accusé d'un crime devant les tribunaux, il faudrait être en mesure de mettre l'argent nécessaire pour porter un bon diagnostic sur sa dangerosité, sur son degré de criminalisation, sur les circonstances dans lesquelles le crime a été commis pour être capable, s'il a un problème, de mettre des ressources pour essayer de l'aider à régler son problème. Et, si c'est un problème de délinquance purement et simplement, qu'on fasse la même chose.

Donc, j'encourage le ministre, j'encourage les services correctionnels, lorsqu'il va faire sa revue de programmes, lorsqu'il va faire son ordre des priorités, à se souvenir, à se remémorer un certain nombre de discussions que des intervenants ont eues en commission parlementaire où tout le monde unanimement est venu dire: Il faut mettre de l'argent dans le diagnostic, être capable de bien diagnostiquer pour ensuite évidemment faire cheminer l'individu dans les services correctionnels et essayer de faire en sorte que cet individu-là, homme ou femme, qui reprendra un jour sa liberté, pourra être un citoyen à part entière de la société, fier de l'être et pouvant vivre sa vie sans avoir peur de se faire réarrêter. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Y a-t-il d'autres demandes d'intervention sur ce projet de loi? Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, après avoir entendu le tour d'horizon qu'a fait mon collègue le député de Saint-Laurent et critique en matière de sécurité publique, c'est extrêmement important d'écouter tous les commentaires qui ont été faits: à la fois les commentaires positifs, mais aussi les commentaires qui nous appellent à la vigilance et peut-être qui invitent le ministre et le gouvernement à être à l'écoute pour apporter les modifications qui s'imposent.

Alors, M. le Président, je voudrais joindre ma voix à celle de mon collègue le député de Saint-Laurent pour intervenir sur le projet de loi n° 89, Loi sur le système correctionnel du Québec. Comme députés, notre première responsabilité, c'est de nous assurer de l'intégrité des institutions. Et, s'il y a une institution qui mérite justement qu'on se penche sur son fonctionnement, sur sa façon justement d'appliquer la justice, parce que c'est de ça qu'il s'agit, c'est bien le système correctionnel du Québec. Le projet de loi n° 49 vient modifier ou plutôt il vise à remplacer la Loi sur les services correctionnels et la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus. Donc, c'est une refonte des lois qui est faite et qui touche les pratiques correctionnelles.

M. le Président, le contexte dans lequel ce projet de loi a été amené, il faut le rappeler très brièvement. D'abord, il y a eu un avant-projet de loi qui a été déposé par l'ancien ministre de la Sécurité publique en décembre 2001. Il s'en est suivi un mandat qui a été confié à M. Claude Corbo. Le mandat lui a été confié le 26 septembre 2000 et ce mandat visait essentiellement l'analyse complète et détaillée du processus décisionnel menant à l'élargissement en milieu ouvert ou en absence temporaire et à la libération conditionnelle des personnes contrevenantes sous la responsabilité de la Direction générale des services correctionnels.

n(16 h 20)n

Il faut se rappeler que ce mandat, qui a été confié à M. Corbo, l'a été suite au meurtre gratuit du jeune Alexandre Livernoche qui est survenu en août 2000 et qui a été assassiné par Mario Bastien, lui-même un détenu en absence temporaire, justement. Et je sais aujourd'hui, en intervenant sur ce projet de loi n° 89, M. le Président, tout le courage qui a été manifesté par la maman d'Alexandre Livernoche et la famille et les amis. Ça ne leur rendra pas Alexandre, mais, à tout le moins, il y aura des améliorations qui vont être apportées et qui pourraient prévenir, prévenir les causes à venir.

Donc, M. Corbo a déposé son rapport en juin 2001, et puis il y a eu une consultation générale sur cet avant-projet de loi, en février 2002, et finalement la présentation du projet de loi n° 89, le 7 mai dernier, M. le Président. Alors, lorsqu'on parle de systèmes correctionnels, comme l'a si bien dit d'ailleurs mon collègue le député de Saint-Laurent, au coeur du problème, il y a toute la question de la confiance, la confiance à l'égard de ce système, lorsque la population ne se sent plus protégée par le système correctionnel. On a vécu des moments terribles, des moments troublants même, où il y a eu des agents correctionnels qui ont été tués. On a vu des détenus qui sont sortis en absence temporaire et qui ont commis des crimes, et donc, la population était en droit de réclamer un resserrement des règles, de façon à ce que la justice soit là pour tous.

Et le projet de loi n° 89 répond à un certain nombre de ces préoccupations, parce que par le passé, M. le Président, il faut le dire, ce gouvernement, sous prétexte du déficit zéro, sous prétexte d'une saine gestion ? on le voit, la saine gestion, c'est un gros mot, M. le Président, parce que, dans les faits, ce n'est pas ça qui arrive dans la façon dont fonctionne ce gouvernement et dans la façon dont il mène les affaires publiques ? mais toujours est-il que, sous cet alibi de saine gestion, on a été amenés à imposer des coupures à l'administration publique et, bien entendu, aux services correctionnels. Et il a été dit et documenté, aussi bien par le Protecteur du citoyen que par le rapport Corbo lui-même, que finalement l'absence temporaire n'était pas attribuée au mérite parce que le détenu a fait preuve d'un comportement exemplaire mais à des fins purement bureaucratiques et purement administratives et, je dirais, purement budgétaires. Et ça, ce n'est pas très rassurant pour les citoyens et pour les victimes en particulier, parce qu'il faut en parler, des victimes, M. le Président.

Les victimes sont très insécurisées par la mise en liberté des personnes qui les ont agressées. Particulièrement, je pense ici aux victimes d'agression sexuelle, aux victimes de violence conjugale lorsque, après avoir vécu tout le traumatisme dont ils sont les victimes justement, après avoir passé à travers les mailles d'un système judiciaire très complexe et très éprouvant et après avoir finalement soufflé pour dire: Bon, la personne qui nous a attaquées dans notre intégrité physique, dans notre intégrité morale, elle est derrière les barreaux, mais finalement, le système, pour des raisons de quotas, pour des raisons budgétaires, bien, on remet les gens dans la rue sans se soucier du coût que ça pourrait engendrer ultérieurement, puisque ces personnes-là peuvent commettre des crimes et des crimes encore plus graves.

Alors donc, M. le Président, cette crise de confiance à l'égard du système des services correctionnels est bien réelle, et, aujourd'hui, le projet de loi n° 89 répond à un certain nombre de ces préoccupations. Et les lacunes qu'on a identifiées dans le système tel qu'il fonctionnait touchaient à un certain nombre de choses, et le rapport Corbo y référait de façon plus explicite.

D'abord, les dossiers judiciaires qui étaient incomplets, parce qu'on accordait une absence temporaire à des détenus dont on n'avait pas l'information la plus complète parce que cette information, peut-être, se trouvait dans des dossiers qui sont au niveau fédéral ou dans d'autres instances judiciaires. Donc, on n'avait pas le portrait exact de la personne à qui on s'apprête à accorder une absence temporaire, M. le Président, et cette lacune-là, le projet de loi y répond.

Deuxièmement, on a constaté aussi qu'il y avait très peu de communication entre le système correctionnel fédéral et le système correctionnel du Québec. Et ça, M. le Président, c'est également une lacune importante qui vient d'être finalement corrigée par le projet de loi n° 89.

Également, on a souligné le manque de formation du personnel. Le manque de formation de personnel dans les services correctionnels est également une lacune qui faisait défaut. Et, finalement, les systèmes informatiques qui étaient désuets; et on vient de pallier à cette lacune également.

Les améliorations, M. le Président, évidemment, qui sont apportées par le projet de loi visent à ce que chaque détenu désormais puisse avoir un dossier complet, qu'avant même de relaxer le détenu on puisse savoir à qui on a vraiment affaire. Il y a également des critères qui sont resserrés pour savoir sur quelle base est-ce que ces absences-là temporaires vont être accordées.

Alors, en substance, le projet de loi n° 89, M. le Président, c'est 208 articles qui sont répartis en 13 chapitres. Le premier chapitre est un chapitre d'ordre général, qui fait état des principes généraux qui devraient orienter le système correctionnel. L'énoncé de ces principes, M. le Président, est inexistant dans les lois actuelles, et la refonte des deux lois, à laquelle se substitue le projet de loi n° 89, va permettre de faire cela.

Le deuxième chapitre est consacré aux services correctionnels proprement dits. En plus de reprendre la plupart des dispositions de la Loi sur les services correctionnels, on y retrouve plusieurs nouveautés, dont les suivantes: la description du mandat des services correctionnels; la description du rôle des agents des services correctionnels et des conseillers spécialisés en milieu carcéral; la disposition prévoyant les cas de destitution du personnel carcéral; la possibilité pour le gouvernement de conclure des ententes avec les communautés autochtones; les responsabilités de la personne incarcérée; la mise sur pied d'un comité de discipline sont au nombre des dispositions.

Le projet de loi prévoit également des dispositions relatives à la tenue des dossiers. Et, comme je disais tantôt, le rapport Corbo fait état... il fait état d'un laxisme et d'un éparpillement important à ce niveau. Le projet de loi prévoit que chaque détenu aura un dossier unique informatisé et continu; il prévoit également les informations qui doivent faire partie de ce dossier. Et ça, en soi, M. le Président, c'est une amélioration très, très, très importante.

Le projet de loi prévoit également des dispositions quant à l'établissement de programmes de soutien à la réinsertion sociale et au suivi dans la communauté. Les critères entourant l'attribution des permissions de sortir feront maintenant l'objet de dispositions législatives. Auparavant, il ne s'agissait que de directives administratives.

Il existe quatre types de permissions de sortir: pour des fins médicales, pour des fins humanitaires, pour fins de réinsertion sociale et pour fins de participation au Fonds de soutien à la réinsertion sociale ou à des activités spirituelles.

n(16 h 30)n

Finalement, les corps de police seront informés des sorties des détenus ainsi que des conditions qui y sont rattachées. Et mon collègue le député de Saint-Laurent a fait une critique de cette disposition non pas qu'elle ne soit pas pertinente, parce qu'elle l'est, mais parce qu'elle est incomplète, sachant que les policiers n'auront pas le pouvoir d'arrêter la personne qui est en absence temporaire et qui, par hasard, ne répond pas ou ne respecte pas les critères de sa libération conditionnelle.

Le troisième chapitre s'adresse aux organismes communautaires. Leur partenariat avec le ministère sera maintenant reconnu dans la loi, et ça, c'est une très, très bonne chose.

Le quatrième chapitre porte sur la Commission québécoise des libérations conditionnelles et reprend essentiellement les dispositions de la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus. Sont toutefois nouvelles les dispositions relatives aux permissions de sortir pour des fins préparatoires à la libération conditionnelle ou pour des fins de visite à la famille. Là encore, en ce qui a trait à la Commission québécoise des libérations conditionnelles, la lacune demeure au-delà du projet de loi n° 89 qui est devant nous parce que cette Commission n'a pas l'autonomie nécessaire. Au contraire, il y a dans le nouveau projet de loi une disposition qui fait que la Commission se trouve inféodée aux pouvoirs bureaucratiques du ministère.

Le cinquième chapitre est également nouveau. Il porte sur le droit des victimes à certaines informations. Ces dernières pourront être informées des dates d'admissibilité et des dates effectives de sortie des détenus. En effet, c'est extrêmement important pour une personne qui a été victime, que ce soit victime d'une violence conjugale ou d'une violence... victime d'agression sexuelle, de connaître que la personne qui l'a agressée, bien, s'apprête à quitter la prison, M. le Président.

Le sixième chapitre aura pour effet de créer deux organismes de concertation, le Comité de concertation des services correctionnels et de la Commission québécoise des libérations conditionnelles et le Conseil des pratiques correctionnelles du Québec. Et c'est ce à quoi faisait référence mon collègue le député de Saint-Laurent lorsqu'il a critiqué le fait que le gouvernement, que le ministre de la Sécurité publique a une main basse sur la Commission québécoise des libérations conditionnelles parce qu'elle n'a pas assez d'autonomie, comme un tribunal indépendant, pour pouvoir juger des libérations conditionnelles non pas en fonction des impératifs budgétaires, non pas en fonction des quotas que le gouvernement lui impose, non pas en fonction des impératifs bureaucratiques, mais en fonction de l'intérêt public, en fonction de la protection des citoyens.

Le mandat, donc, du premier organisme, soit le Comité de concertation, sera de faciliter l'harmonisation des pratiques des Services correctionnels et de la Commission québécoise des libérations conditionnelles ainsi que la concertation entre ces deux organismes en conformité avec les orientations et les politiques du ministère. Le second, soit le Conseil des pratiques, aura pour mandat de faciliter la collaboration et la concertation des divers intervenants et la société dans la réinsertion sociale et de rechercher l'amélioration continue du système correctionnel.

Il y a les autres chapitres, M. le Président, qui portent sur différentes dispositions, notamment les pouvoirs réglementaires, les dispositions pénales et transitoires, et finales, etc. Mais, dans l'ensemble, le projet de loi n° 89 apporte des améliorations au système correctionnel québécois. Considérant également les scandales récents entourant des crimes perpétrés par des détenus en libération, la population verra certainement d'un bon oeil ce projet de loi, M. le Président.

Le projet de loi aura pour effet de resserrer les critères d'attribution de permissions de sortir et de libérations conditionnelles. Il consacre le partenariat avec les organismes communautaires quant à la réinsertion sociale. Il apporte également une attention particulière pour les victimes. Et, comme j'ai dit, M. le Président, les victimes, c'est peut-être les gagnants de ce projet de loi parce que, avant, on avait l'impression que les victimes n'avaient pas de droits ? «l'impression», je dis, parce qu'on est dans le domaine des apparences. Et souvent on dit que la perception, c'est la réalité. Ça dépend de quel côté que l'on se place. Mais certainement les victimes d'agression sexuelle, les victimes de violence conjugale qui se retrouvaient, au bout d'un certain temps, face à face avec leur agresseur, face à face avec le détenu qui a été libéré sans quand même qu'elles le sachent, évidemment, M. le Président, il n'y avait rien, rien dans cette façon de faire pour les sécuriser, pour les rassurer. Désormais, elles vont connaître la date de sortie, la remise en liberté du détenu qui était leur agresseur. Elles auront également la possibilité de faire des représentations à la Commission québécoise des libérations conditionnelles pour faire entendre leur point de vue, M. le Président.

Alors, les lacunes du projet de loi. Parce qu'il y en a. Au-delà des aspects positifs, des améliorations qui ont été apportées, il y a des lacunes qui demeurent, qui demeurent, M. le Président, dans le projet de loi. La première, c'est par rapport à l'autonomie de la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Cette Commission devrait être libre dans ses mouvements, dans ses agissements, dans sa façon de traiter les dossiers, encore une fois, en fonction de la sécurité de la population, en fonction de l'intérêt public et non pas en fonction des commandes du gouvernement, des impératifs budgétaires, des quotas qu'on lui imposerait, M. le Président. De savoir qu'il y a des sous-ministres de la Sécurité publique, des Services correctionnels qui siègent à l'intérieur de comités de concertation, c'est un peu intimidant pour les gens qui sont là finalement pour agir de façon, je dirais, professionnelle et indépendante des impératifs du gouvernement.

Également, M. le Président, mon collègue le député de Saint-Laurent a soulevé toute la question touchant la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit la séparation entre les détenus et les prévenus. Il a expliqué d'ailleurs en quoi est-ce que cette séparation était importante. C'est également une disposition sur laquelle il y a un consensus. Les détenus, M. le Président, ça peut être des gens qui ont commis des crimes mineurs, alors que les prévenus, ça peut être des gens qui ont fait des crimes majeurs, et de mettre tout le monde dans le même panier, c'est peut-être pour des raisons économiques, mais, finalement, pour la société, ultimement, ce n'est pas des économies parce qu'on risque de pourrir les poires qui viennent d'arriver, là, les nouvelles, par des poires pourries, et ça, ça va être coûteux pour l'ensemble de la société. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de La Pinière, de votre intervention. Nous en sommes à l'étape du principe du projet de loi n° 89, Loi sur le système correctionnel du Québec. Et je cède la parole à M. le président de la commission de l'administration publique et député de Jacques-Cartier. M. le député, la parole est à vous.

M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. Très brièvement, je veux intervenir dans l'adoption de principe pour le projet de loi n° 89, la Loi sur le système correctionnel du Québec, Bill 89, An Act concerning the Québec correctional system. En consultation avec mes deux collègues, je pense que ce n'était pas, peut-être, assez bien dit ou clairement dit dans le discours de mon collègue le député de Saint-Laurent, on va dire que la loi comme telle est une amélioration quant à la situation dans nos services correctionnels. Alors, l'opposition officielle a l'intention d'appuyer et de voter pour le projet de loi à ce moment du débat sur le principe. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Droit de réplique, M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Normand Jutras (réplique)

M. Jutras: Alors, M. le Président, je reçois bien les remarques de l'opposition à l'effet que le projet de loi n° 89, par rapport à notre système correctionnel au Québec, ça constitue une amélioration à bien des égards. Et effectivement, oui, c'est une amélioration à bien des égards.

n(16 h 40)n

Ce que je veux quand même dire, M. le Président, c'est que, par rapport au système tel qu'il fonctionne présentement, il faut quand même dire, par rapport à la Commission québécoise des libérations conditionnelles et par rapport à l'ensemble du système correctionnel au Québec, que c'est un système... On est porté à croire, à entendre certaines personnes, là, que le système était complètement défaillant. Il faut quand même dire que, si on regarde les statistiques de la CQLC par rapport aux détenus qui se retrouvent devant la Commission des libérations conditionnelles, ce n'est pas automatique, les libérations conditionnelles, même dans le système actuel. Et, je regardais, au cours de la dernière année, M. le Président, le taux d'octroi des décisions favorables a été de l'ordre de 45 % seulement, et, l'année précédente, c'était de l'ordre de 49 %. Alors, c'est faux, donc, de laisser entendre qu'un détenu se présente devant la Commission québécoise des libérations conditionnelles et, somme toute, ce serait automatique et qu'il puisse obtenir ainsi, juste par le fait, somme toute, de sa présence, qu'il pourrait obtenir sa libération, parce qu'on s'aperçoit que les décisions favorables à la remise en liberté sont de moins de un sur deux. Alors, je pense qu'il faut rappeler ça. Et il faut dire qu'effectivement le système, tel qu'il est, M. le Président, connaît un succès.

Évidemment, il s'est passé des événements malheureux, et c'est pour ça que nous voulons rendre le système plus sécuritaire. Et, comme le disait M. Corbo, qui a fait le rapport d'enquête suite à l'affaire Livernoche, finalement, la question, c'est: Comment rendre plus sécuritaire un risque nécessaire? C'était ça, la question à laquelle il faut répondre. Et c'est par ce projet de loi là... Je pense, M. le Président, je suis d'avis, je vous soumets que, effectivement, nous rendons plus sécuritaire un risque nécessaire. Et le système, ainsi, sera donc plus rigoureux, il y aura des règles plus strictes. Parce que, même si, je le répète, les libérations conditionnelles étaient loin d'être automatiques, même s'il y avait déjà de la rigueur dans le système, même si, malheureusement, il y a eu des événements malheureux, il demeure, M. le Président, que, avec le projet de loi tel que nous le déposons, le projet de loi n° 89, nous le rendons encore, ce système-là, plus cohérent, plus transparent et plus rigoureux.

Et de quelle façon, M. le Président, nous l'améliorons, ce système-là? Parce que, il faut le dire, il faut le répéter, d'abord, nous aurons maintenant, concernant chaque détenu, un dossier unique informatisé. Alors, ça veut donc dire qu'on pourra ainsi pallier à certains problèmes qui se sont présentés dans le passé à l'effet qu'un détenu pouvait avoir un dossier qui n'était constitué qu'en partie ou pouvait avoir un dossier devant telle instance et, devant telle autre instance, il pouvait avoir un dossier qui n'était pas aussi complet. Alors, ça veut donc dire que dorénavant le dossier va suivre le détenu avec, somme toute, tous les éléments qui doivent en faire partie, à partir du rapport d'enquête, la déclaration de la victime, la déclaration que lui-même, le détenu, a faite devant les policiers, le jugement tel qu'il a été rendu, les rapports présentenciels, la sentence telle qu'elle a été rendue, mais aussi un dossier qui contiendra les éléments quant à... les conditions de détention, c'est-à-dire les conditions et le comportement que ce détenu aura eus à l'intérieur des murs. Alors, moi, je pense, M. le Président, que ça va donc permettre une nette amélioration du système.

Aussi, M. le Président ? et c'est vraiment la meilleure amélioration qui apparaît dans ce projet de loi là ? dorénavant, nous allons vers une meilleure évaluation des détenus. Si on parle de réinsertion sociale, M. le Président... Et, quand on parle de réinsertion sociale, c'est, à mon avis, là aussi le meilleur gage de protection de la société. Parce qu'on en parle à l'article 2 du projet de loi, de protection de la société. Bien, une bonne évaluation qui mène à une bonne réinsertion sociale, c'est certainement ce qui constitue la meilleure protection pour la société.

Et pourquoi je dis cela? C'est que, M. le Président, les gens qu'on envoie en dedans suite à la commission d'une infraction et suite à un jugement, inévitablement, ces gens-là vont ressortir. Alors, si on veut que, quand ils ressortent de prison, ils ne soient pas une menace pour la société mais qu'ils soient redevenus des citoyens honnêtes et respectueux des lois, bien ça prend quoi? Ça veut dire que ces gens-là, il faut bien les évaluer, mais il faut voir à leur réinsertion sociale. Et de quelle façon on pourra voir à bien les réinsérer après une bonne évaluation qui aura été faite? C'est en leur offrant des programmes à l'intérieur des murs qui leur permettront de, effectivement, bien vivre leur réinsertion, de devenir conscients du problème que ces gens-là ont, que cette personne-là a, des problèmes qu'elle a. Est-ce qu'elle est prête, cette personne-là, vis-à-vis son problème, à prendre des mesures pour le régler, le problème? Et est-ce qu'elle est prête finalement à retourner dans la société en étant redevenue un citoyen honnête et respectueux des lois puis honnête et respectueux de la société?

C'est ça que l'on veut faire, M. le Président. Et ce dont je suis tout à fait convaincu, quand on parle de réinsertion sociale, c'est que c'est vraiment le meilleur gage de protection de la société. Et c'est pourquoi, M. le Président, dans le projet de loi, lorsque je vous réfère aux articles 1 et 2, bien, ce que l'on dit à l'article 1, c'est qu'on privilégie toujours la réinsertion sociale des détenus. Mais les critères prépondérants dont on tiendra compte, c'est à l'article 2 ? et je veux le lire, M. le Président ? c'est la protection de la société, alors on veut donc protéger les gens qui vivent en société. Alors: «La protection de la société, assurée par des mesures restrictives de liberté adaptées à la personne, et le respect des décisions des tribunaux...»

Et ça fait référence à ce que mon collègue de l'opposition disait il y a quelques minutes. Quand un juge condamne un individu à l'emprisonnement, c'est effectivement toujours la mesure de dernier recours. Mais, si un juge, donc, en vient à la conclusion que cette personne-là doit connaître une période d'emprisonnement, c'est parce qu'il se dit: Pour la protection de la société, c'est la peine qu'il faut imposer à cet individu-là. Alors, il faut donc respecter cette décision-là des tribunaux.

Alors donc, on parle de la protection de la société et le respect des décisions des tribunaux, qui sont les critères prépondérants dans la poursuite de la réinsertion sociale des personnes contrevenantes. Alors, c'est ce qui nous anime, M. le Président, de sorte que le système sera amélioré, sera, comme je le disais tantôt, plus rigoureux, plus cohérent, plus transparent et devrait... pas devrait, nous donnera, nous donnera de meilleurs résultats quant à la protection de la société.

Par ailleurs, M. le Président, mon collègue de l'opposition a fait beaucoup état ? et la députée de La Pinière en a parlé aussi ? de l'indépendance de la CQLC. Je pense que l'erreur que mes deux collègues de l'opposition font par rapport à cet élément-là, c'est qu'ils considèrent la Commission québécoise des libérations conditionnelles comme étant un tribunal judiciaire ou quasi judiciaire. Or, ce n'est pas le cas, M. le Président. Il y a même de la jurisprudence qui a été rendue à ce chapitre. En fait, la Commission québécoise des libérations conditionnelles, c'est plutôt un organisme administratif qui vise, entre autres, la réinsertion des détenus. Alors, quand les députés de l'opposition veulent appliquer à la Commission des libérations conditionnelles les règles qui s'appliquent à un tribunal judiciaire ou quasi judiciaire, ils font fausse route. Et ils font fausse route parce qu'ils ne tiennent pas compte, entre autres, de la jurisprudence qui a été rendue en cette matière, qui dit bien que la Commission des libérations conditionnelles, c'est de l'ordre d'un organisme administratif et non pas de l'ordre d'un tribunal judiciaire ou quasi judiciaire.

Alors, quand le député de Saint-Laurent s'insurge contre le fait qu'à un moment donné il pourra y avoir assis à une même table le sous-ministre des Services correctionnels et aussi, entre autres, quelqu'un de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, c'est parce qu'il oublie cet élément que je vous mentionne, M. le Président, à savoir que la Commission québécoise des libérations conditionnelles, ce n'est pas un tribunal judiciaire ni un tribunal quasi judiciaire, c'est un organisme administratif qui concourt à la protection de la société et qui concourt à la réinsertion des détenus dans la société au sens de la loi et même au sens du projet de loi, là, que l'on met de l'avant. Mais, de la façon que la Commission québécoise doit exécuter son mandat, c'est dans le cadre du mandat d'un organisme administratif et non pas d'un tribunal judiciaire ou quasi judiciaire.

n(16 h 50)n

Un autre élément, M. le Président, qui a été soulevé par mes collègues de l'opposition, c'est concernant la question de la séparation, en milieu carcéral, des prévenus par rapport aux détenus. Et mon collègue dit: Bien, on ne voit pas cette disposition-là dans le projet de loi, je ne sais pas où est-ce que c'est rendu. Bien, la réponse à cela, M. le Président, elle est fort simple, c'est une disposition, c'est un article de la Charte. Alors, à ce moment-là, à partir du moment où vous avez une disposition, vous avez un article dans la Charte qui prévoit telle chose, bien, vous n'avez pas à répéter cette disposition-là dans un projet de loi ou dans toute autre loi parce que, on le sait, la Charte, comme on dit, c'est la loi des lois et toutes nos lois y sont assujetties, toutes nos lois doivent être conformes à la Charte, que ce soit la Charte québécoise ou la Charte canadienne. Alors, à ce moment-là, pourquoi répéter cette disposition-là à l'intérieur du projet de loi, puisque, M. le Président, ça fait partie de la Charte et que, de toute façon, ça devra s'appliquer?

Une mesure sur laquelle je veux revenir aussi, M. le Président, c'est les droits des victimes. Je pense que, effectivement, dans le projet de loi, c'est une heureuse amélioration. Il faut reconnaître qu'effectivement notre système judiciaire, jusqu'à présent, a trop souvent fonctionné sans tenir compte des droits des victimes. Oui, nous avons, depuis quelques années, la Loi de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, oui, au cours des dernières années, d'autres dispositions ont été ajoutées quant aux victimes, mais il faut reconnaître aussi que, trop souvent, les victimes, dans notre système, étaient laissées-pour-compte. Et, quand on prévoit que, dorénavant, les victimes, à l'égard du système correctionnel, auront des droits qui leur seront reconnus, qu'ils pourront, entre autres, être informés de la libération d'un détenu, ils pourront être informés des conditions de sa remise en liberté, qu'ils pourront même faire des représentations, pourront même faire des représentations quant à cette remise en liberté, bien, je pense qu'effectivement c'est un pas en avant qui est d'importance. Et, d'ailleurs, pour avoir rencontré des victimes, pour avoir rencontré des représentants des victimes, effectivement, c'était souligné comme étant de bon aloi et comme étant vraiment une nette amélioration.

Alors, M. le Président, on va donc se retrouver bientôt à une autre étape de ce projet de loi là. Mais ce que je veux répéter, c'est que ? et, de toute façon, mes collègues de l'opposition l'ont reconnu ? c'est une nette amélioration par rapport au système actuel, lequel système, je répète, quand même fonctionne bien, mais il y a place à amélioration. C'est ça qu'on veut faire avec ce projet de loi là. On veut le rendre, le système, plus cohérent, plus rigoureux, plus transparent, et c'est ce qu'on va atteindre avec le projet de loi.

Alors, ce qui nous anime, finalement, c'est la réinsertion sociale, c'est de protéger la société québécoise, c'est aussi de respecter les décisions des tribunaux. Et les dispositions qui sont contenues dans le projet de loi n° 89, à mon avis, M. le Président, permettent de répondre à ces trois objectifs, de sorte que, dorénavant, les gens pourront davantage avoir confiance en notre système correctionnel, qui, je le répète, a connu un succès, mais, comme le disait M. Corbo, il faut rendre plus sécuritaire la gestion d'un risque nécessaire, alors, c'est ce que nous faisons avec le projet de loi. Et je considère qu'ainsi les victimes auront des droits qui leur seront reconnus, mais les personnes qui doivent connaître l'incarcération, on aura dorénavant une meilleure façon de les évaluer, un meilleur dossier qui les suivra et on pourra ainsi, toujours en respectant notre désir de protéger la société, davantage mieux les réinsérer pour qu'ils fonctionnent bien dans notre société. Et je le répète en terminant, en conclusion, M. le Président, quand on parle de réinsertion sociale, une réinsertion sociale réussie, c'est le meilleur gage de protection de notre société. Ça m'apparaît évident. Et c'est ce que, avec ce projet de loi là, M. le Président, nous voulons améliorer. Merci,

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de la Sécurité publique, de votre intervention. Est-ce que le projet de loi n° 89, Loi sur le système correctionnel du Québec, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Simard (Montmorency): Merci, M. le Président. Alors, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions et pour que le ministre de la Sécurité publique en soit membre.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Simard (Montmorency): M. le Président, je vous prie de prendre en considération l'article 14 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 93

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Article 14. M. le ministre responsable des Affaires autochtones propose l'adoption du principe du projet de loi n° 93, Loi assurant la mise en oeuvre de l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec. M. le ministre responsable des Affaires autochtones, je vous cède la parole.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Vous avez assuré une lecture du projet de loi qui est appelé devant nous avec le libellé qui est inscrit à notre feuilleton, la loi assurant la mise en oeuvre de l'Entente du Québec avec les Cris. En fait, pour les gens qui nous écoutent, c'est la loi qui met en oeuvre la «paix des braves», événement marquant pour deux nations, la nation québécoise et la nation crie, un tournant historique reconnu dans le monde entier maintenant, en termes de progression des rapports entre les nations, les nations autochtones et non autochtones.

Et cet événement, il s'est produit par une signature le 7 février dernier. Notre premier ministre, le ministre d'État aux Ressources naturelles et le ministre d'État à la Population, aux Affaires autochtones et aux Régions, ainsi que le distingué grand chef des Cris, de la nation crie, M. Ted Moses, et plusieurs chefs des communautés cries ont eu l'honneur de signer, à Waskaganish, au nom des nations respectives, de leurs nations respectives, l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec. Le grand chef Ted Moses avait consacré l'épithète la «paix des braves» pour qualifier cette Entente historique. De plus en plus, l'expression devient d'ailleurs consacrée dans le monde entier. Dans plusieurs milieux et même sur la scène internationale, on réfère souvent maintenant à l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec en ayant recours à ce vocable de la «paix des braves». Cette expression traduit bien le contexte dans lequel les deux parties ont convenu d'un rapprochement salué à peu près partout dans le monde entier.

Tout d'abord, parlons de la première dimension de la «paix des braves», la paix. La paix se manifeste dans l'accord du 7 février d'au moins trois façons. En ce qui a trait au passé, les parties conviennent de régler par un désistement sans frais les litiges les ayant dressées l'une contre l'autre depuis plusieurs années. De plus, les Cris s'engagent à ne pas intenter contre le Québec d'autres recours relatifs à l'application passée de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. C'est un pas de géant. À ne pas en douter, ce dénouement représente un virage remarquable par rapport aux événements ayant marqué la relation entre nos deux parties, nos deux nations depuis la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, en 1975, puisque 16 procédures judiciaires distinctes sont visées par les dispositions de l'Entente. Le Québec et les Cris ont ainsi démontré qu'il était possible, en y investissant la bonne volonté et la détermination nécessaires, de surmonter des désaccords profonds, de surmonter des désaccords qui étaient très profonds et de mettre honorablement fin à des hostilités permanentes.

En outre, les partenaires que sont devenus le Québec et les Cris réaliseront aussi la paix d'une autre manière. Ils exerceront leur nouvelle collaboration par la mise sur pied et le fonctionnement d'institutions communes comme le Conseil Cris-Québec sur la foresterie, des groupes de travail conjoints en foresterie, une table de concertation en hydroélectricité, le Conseil sur l'exploration minérale, la Société de développement crie et le Comité de liaison permanent. Ce travail en collaboration, notamment en regard de la mise en valeur des ressources naturelles, signifiera l'avènement de changements importants dans la façon de faire des uns et des autres. Ici, les représentants des Cris et du Québec pourront débattre directement entre eux de leurs préoccupations respectives de façon à identifier les voies de solutions consensuelles. En oeuvrant de la sorte, les parties sont convaincues que la prise en compte et le respect des besoins de chacun désamorcera la plupart des conflits qui auraient autrement pu dégénérer en affrontements judiciaires.

n(17 heures)n

Pour un, le Comité de liaison permanent agira comme un forum d'échange et de coordination entre les Cris et le Québec, et ce, d'une façon continue. Il sera composé d'un maximum de cinq représentants pour chacune des parties. Ces représentants de haut niveau décisionnel veilleront à ce que l'esprit de concertation prévalant entre les deux nations soit maintenu et se développe notamment en assurant la mise en oeuvre harmonieuse de l'Entente et de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. À titre d'exemple, le comité veillera à aplanir toute difficulté qui pourrait à l'occasion survenir dans l'application des engagements contractés par les parties, tant dans le cadre de l'Entente du 7 février que dans celui de la Convention.

J'ouvre ici une parenthèse en ce qui a trait au statut de cette dernière, la Convention. Jamais il n'a été de l'intention des parties de faire en sorte que la nouvelle Entente se substitue à la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Celle-ci demeure et constitue toujours la pierre angulaire des relations entre le gouvernement du Québec et les Cris. Les parties ont toutefois accepté que la Convention soit un pacte vivant, susceptible d'évoluer au fil du temps, et c'est dans cette perspective que l'Entente du 7 février vient d'ailleurs amender certaines dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, tout en y ajoutant quelques articles. La Convention de la Baie James et du Nord québécois se veut donc tout à la fois souple dans son contenu et adaptable aux réalités nouvelles, tout en étant le point d'ancrage permanent et stable de nos relations en tant que nations.

Enfin, en guise d'ultime preuve de l'intention très claire des Cris du Québec d'éviter dans l'avenir le retour à une relation problématique, qu'il suffise d'ajouter que les parties signataires ont choisi, pour protéger, préserver cette paix si longuement recherchée, de se doter d'un mécanisme de règlement des différends. Ce processus mutuellement convenu de médiation permettra à l'avenir de contenir la gestion des éventuels points de discorde à l'intérieur d'un cadre établi sans entraîner la déstabilisation de rapports dorénavant fondés sur le partenariat et la confiance réciproque.

Par ailleurs, je dois dire que l'on ne rendrait pas pleinement hommage et justice à la «paix des braves» si l'on n'en avait que pour la paix, aussi vitale et respectable bien sûr soit-elle. En effet, nous croyons qu'il faut aussi célébrer l'apport des braves eux-mêmes. Ainsi, nous estimons que les parties ont véritablement, à travers cette Entente, choisi d'assumer les responsabilités et engagements leur conférant le rôle de braves dans cette «paix des braves» autant devant leurs concitoyens contemporains que devant l'histoire. En cela, je pense, M. le Président, que nous devons lever notre chapeau et saluer le respecté grand chef et leader de la nation crie du Québec, M. Ted Moses. À titre d'exemple, je veux simplement rappeler qu'il a fallu effectivement de la bravoure pour accepter que de nouveaux aménagements hydroélectriques modifiant l'apparence et les caractéristiques de certains territoires de la Baie-James puissent être contenus dans cette Entente, avec l'approbation des communautés concernées. Nous savons aussi à quel point de tels choix peuvent être difficiles et parfois déchirants. Nous réalisons aussi qu'ils ne s'exercent pas nécessairement toujours dans la plus tranquille des unanimités. Or, le grand chef Ted Moses ne s'était pas trompé. Hommes et femmes, jeunes et aînés dans leur communauté crie ont débattu du sujet, soupesé le pour et le contre et ont finalement tranché en manifestant leur confiance dans un avenir différent tout en restant fidèles à eux-mêmes, à leurs traditions, à l'histoire de leur peuple.

Au surplus, les chefs cris ont fait preuve d'innovation en acceptant, d'une part, que les engagements du Québec en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et touchant le développement économique et communautaire de leur collectivité soient pris en charge, pour la durée de l'Entente, par les institutions cries elles-mêmes. Celles-ci assumeront les responsabilités financières liées à ces engagements en puisant dans les sommes conférées par l'Entente à la nation crie. Selon la Convention de la Baie James signée en 1975, ces responsabilités appartiennent au Québec. Or, pour les 50 prochaines années, M. le Président, ce sont les Cris qui détermineront les objectifs à atteindre, qui fixeront eux-mêmes les priorités et qui géreront les budgets et qui réaliseront les projets par et pour eux-mêmes. Cela s'appelle de la responsabilité et de l'autonomie. C'est d'autant plus important, M. le Président, que cette «paix des braves» détermine aussi des facettes de l'avenir, et pour la nation québécoise et pour la nation crie, qui nous projettent dans l'avenir non seulement du développement économique, non seulement du développement communautaire en termes de responsabilités, mais du développement institutionnel, des organismes et des politiques nécessaires au développement de la nation crie sur le territoire de la Baie-James.

Il n'est pas inutile de rappeler que la «paix des braves» va nous permettre, par mutuel consentement de travail et de perspective, de mettre en oeuvre, dans le respect des lois, règlements, règles de part et d'autre, deux projets hydroélectriques de grande envergure, Eastmain 1 et Eastmain-Rupert, deux projets qui vont nous permettre, dans le respect toujours des lois, des règlements et règles qui prévalent, par exemple, en matière d'environnement, d'effectuer le plus rapidement possible ces travaux de développement hydroélectrique qui vont ajouter 1 200 MW au réseau d'Hydro-Québec, une augmentation de 15 % de la production d'électricité sur le territoire de la Baie-James. Avec des clauses, au plan économique, qui sont profitables aux deux nations, cela devrait créer, au cours des neuf prochaines années, 10 500 emplois directs, 10 500 emplois directs, dont un certain nombre seront bien sûr réservés aux hommes et aux femmes de la nation crie, et aussi y réaliser des travaux de l'ordre de 4 milliards de dollars, 4 milliards de dollars, 1 200 MW supplémentaires, des travaux hydroélectriques de grande envergure dans le respect de l'environnement, dans le respect des traditions et dans le respect des besoins des communautés en matière de prise en charge et de développement.

La même chose au niveau du développement minéral sur le territoire concerné. Eh bien, avec la mise sur pied, la création du Conseil sur l'exploration minérale, cela permettra aux Cris de s'y investir et de participer aussi pleinement au développement de ce secteur minier.

Le secteur forestier. Un certain nombre d'articles dans ce projet de loi évidemment concernent la mise en oeuvre d'un régime forestier adapté à la mise en valeur des ressources forestières sur le territoire de la Baie-James. Et, au plan économique, ce n'est pas la moindre des choses, Québec et la nation crie s'entendent... la nation québécoise et la nation crie s'entendent pour confier à la nation crie, pour l'administration d'un certain nombre de services et de responsabilités contenues à la Convention de la Baie James et du Nord québécois, des sommes d'argent qui seront de 23 millions en 2002-2003, qui seront à 46 millions en 2003-2004 et de 70 millions pour 2004-2005, et, à compter de 2005 jusqu'en 2052, M. le Président, jusqu'en 2052, 70 millions de dollars, et ce montant sera indexé en fonction du potentiel à développer sur les territoires dans les domaines hydroélectrique, forestier et minier.

À chaque fois qu'il y aura du développement, la «paix des braves» prévoit... Il est inscrit au coeur de l'entente que les retombées, les retombées bénéfiques, qui ne seront pas seulement d'un côté... C'est une entente de gagnant à gagnant, la nation crie et la nation québécoise, et progresser main dans la main, les deux nations, sur ce territoire, ça signifie que les retombées positives vont également profiter au niveau non seulement des compensations... Parce que ce ne sont pas des compensations, ce sont des résultats qui sont à partager avec les hommes et les femmes de la nation crie qui partagent le territoire, qui habitent sur le territoire québécois et qui ont, ces hommes et ces femmes, eux aussi, à faire en sorte de préserver et de donner un avenir aux jeunes de ces communautés.

Par ailleurs, il n'y a pas que les Cris qui ont fait une démonstration de bravoure par le biais de l'Entente; le Québec a également fait sa part en se distinguant dans ce domaine. J'en veux pour preuve le fait que le gouvernement ait consenti à octroyer donc des sommes substantielles pour contribuer de façon tangible au mieux-être et à l'amélioration des conditions de vie dans les communautés cries et, partant, au renforcement de l'économie des municipalités et des localités avoisinantes. À ce propos... a d'ailleurs aussi... a insisté sur le fait que le grand chef de la nation crie, Ted Mosus lui-même, s'est fait un peu plus clair à cet égard. Les Cris réalisent qu'ils ne vivent pas en autarcie et que les investissements dans leur communauté produisent un effet positif et à long terme sur le développement de la Baie-James et de la région du Nord-du-Québec ainsi que sur l'économie de l'ensemble du Québec.

n(17 h 10)n

De plus, l'esprit d'ouverture manifesté par le gouvernement du Québec à l'égard du partage de la richesse collective avec les membres de la nation crie s'est traduit non seulement par des dispositions inspirées de nouvelles normes sur le plan quantitatif, mais aussi par des mécanismes d'ajustement tout à fait innovateurs au niveau qualitatif. En effet, les modalités permettant d'aligner les montants annuels octroyés aux Cris sur la valeur des productions respectives des secteurs hydroélectrique, forestier et minier dans la région s'avèrent, selon les commentaires et les observations généralement observés depuis la signature, tout à fait révolutionnaires et avant-gardistes dans les relations avec les nations autochtones à l'échelle mondiale. Si le Québec se fait le précurseur, à l'échelle internationale, de changements fondamentaux à imprimer dans les relations entre les institutions publiques et les nations autochtones qui habitent ses territoires, je crois qu'il vaut la peine, en toute humilité, en toute simplicité, de le souligner, comme les Cris l'ont d'ailleurs déjà fait avec éclat et dignité en particulier à Genève, sur le continent européen.

De même, je tiens à mettre en évidence l'audace qui a été requise du côté de notre premier ministre pour rompre assez radicalement avec certaines traditions du passé afin de faire place, dans les mécanismes de gestion d'opérations quotidiennes, à la contribution de nos compatriotes situés plus près du terrain. D'ailleurs, le grand chef Ted Moses l'a reconnu à plusieurs reprises et notamment dans le cadre d'un congrès tenu en avril dernier et dont le thème était Beyond the Indian Act. En effet, le grand chef Moses s'est exprimé ainsi, et je me permets de le citer: «Notre nouvelle Entente de nation à nation conclue avec le Québec démontre que le partage des ressources avec le peuple autochtone est à la fois correct sur le plan moral et viable sur le plan économique.» Or, il se trouve, maintenant, et plus particulièrement ? mais pas exclusivement ? en regard du secteur forestier, que les rapports avec les Cris feront partie intégrante des procédures de planification des activités dans une perspective de réelle prise en compte de leurs besoins et de leurs intérêts. Cette initiative, qui distingue le Québec partout dans le monde, constitue un progrès non seulement au niveau des relations avec les nations autochtones, mais aussi sur le plan des modèles de gestion participative dans les États démocratiques.

Encore une fois, je désire saluer l'esprit d'initiative démontré par ceux et celles qui ont imaginé de telles formules originales, en commençant bien sûr par notre premier ministre qui a rendu possible un tel accomplissement. Je m'en voudrais aussi de ne pas souligner la collaboration exceptionnelle qu'une telle entente a requise de la part de plusieurs de mes collègues ministériels. L'implication des ministères des Richesses naturelles, de la Justice a non seulement été précieuse, mais déterminante dans l'aboutissement de ce dossier, de cette Entente de la «paix des braves». Il en va de même de l'appui des ministères de l'Environnement, de la Faune et des Parcs du Québec et de l'Éducation qui ont soutenu et participé à l'effort de rapprochement entre le Québec et les Cris et qui vient sceller l'Entente.

Cette Entente a donc été conclue le 7 février dernier, et par laquelle le Québec s'engageait à soumettre à l'Assemblée nationale la législation nécessaire à la mise en oeuvre de l'Entente ainsi que des conventions complémentaires annexées à cette Entente, ainsi qu'à modifier les lois québécoises d'application générale ou particulière dont le contenu pouvait être modifié par l'Entente. C'est ainsi que la Loi assurant la mise en oeuvre de l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec a vu le jour.

La loi se divise en trois chapitres, précédés d'un préambule. Elle modifie la Loi sur les forêts, la Loi sur la qualité de l'environnement ainsi que la Loi sur la Société de développement autochtone de la Baie James. Le préambule de cette loi situe l'évolution de l'Entente, de sa signature à la législation, en passant par son approbation par décret le 20 mars dernier. Ce préambule, il a été inscrit dans la loi pour camper le caractère solennel de l'Entente intervenue entre les deux nations.

Le chapitre I crée la Société de développement crie, qui a comme principaux mandats de développer une expertise crie originale en matière de développement économique et de gestion de fonds de développement, de promouvoir et d'accélérer la création d'emplois pour les Cris sur le territoire, de faire des Cris des partenaires actifs du Québec dans le développement non moins actif de leur territoire et du territoire, de soutenir, favoriser et encourager la création, la diversification et le développement des entreprises, des ressources, des biens et des industries dans le but d'améliorer les perspectives économiques des Cris de même que leur situation économique en général et, finalement, de faciliter l'établissement de partenariats entre les Cris et le Québec ainsi que d'autres entreprises publiques ou privées pour la réalisation et le développement d'activités de développement économique sur le territoire.

Par ailleurs, la Loi sur la Société de développement autochtone de la Baie James est abrogée et la Société de développement autochtone de la Baie James, la SODAB, que la Société de développement crie remplace, est en conséquence bien sûr dissoute, puisqu'un nouvel organisme prendra place.

Le chapitre II de la loi comporte des modifications diverses, dont celle apportée à la Loi sur les forêts. Les premières dispositions de ce chapitre expliquent le territoire visé par les nouvelles règles applicables en matière de foresterie. La Loi sur les forêts est elle-même modifiée par l'addition, au chapitre 6 des lois de 2001, de la section IV qui s'intitule Dispositions particulières à la région de la Baie James. Cette section, nouvelle section, réfère à l'Entente de la «paix des braves» du 7 février dernier et à la carte qui a été déposée ici, à l'Assemblée nationale, à titre de document sessionnel définissant le territoire et qui est reproduite à l'Annexe I de la présente loi, M. le Président.

La loi institue également un Conseil Cris-Québec sur la foresterie. Le Conseil a notamment pour fonctions de faire le suivi, le bilan et l'évaluation de la mise en oeuvre du nouveau régime forestier applicable au territoire ainsi que le suivi des processus de mise en oeuvre au niveau des groupes de travail conjoints à l'égard de l'élaboration des consultations et du suivi des plans d'aménagement forestier applicables. Il devra aussi faire des recommandations au gouvernement et à l'Administration régionale crie des ajustements et des modifications à apporter au nouveau régime forestier. Ce Conseil sera constitué de 11 membres, dont un président nommé par le gouvernement du Québec après consultation de l'Administration régionale crie. Cinq autres membres seront nommés par le Québec, et les cinq derniers, nommés par l'Administration régionale crie.

La loi prévoit aussi la constitution de groupes de travail conjoints qui seront formés de quatre membres, à moins que le ministre et l'Administration régionale crie en conviennent autrement en considération de particularités de la communauté crie concernée, dont deux sont nommés par le ministre et deux par le conseil de la communauté crie concernée. Ces groupes de travail conjoints auront, entre autres, comme mandat d'intégrer et mettre en application des modalités particulières convenues à l'Entente et d'établir, lorsque requis, les mesures d'harmonisation qui découleront des dispositions techniques prévues à l'Entente.

M. le Président, la «paix des braves» entre la nation québécoise et la nation crie est un événement sans précédent dans nos relations avec les communautés autochtones. La loi n° 93, le projet de loi n° 93 qui est soumis à l'attention de l'Assemblée nationale aujourd'hui, il vise à mettre en oeuvre, à articuler le résultat de cette Entente qui dorénavant va fixer le type de rapports avec la nation crie sur le mode de paix et de développement et non plus sur la confrontation. Il faut rappeler que la loi a été rédigée selon la technique de renvoi à l'Entente, et c'est la raison pour laquelle, afin d'en favoriser une meilleure compréhension et une meilleure transparence, l'Entente elle-même concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec sera publiée intégralement dans la Gazette officielle demain, le 22 mai 2002. En agissant ainsi, conformément à l'esprit de nos discussions et à l'esprit de l'Entente, les deux parties, la nation québécoise et la nation crie, peuvent aujourd'hui, avec le dépôt de ce projet de loi, célébrer que, la «paix des braves», il s'agit d'un progrès remarquable avec les gens de la nation crie.

Cette Entente, elle est fondée, elle est fondée d'abord sur le respect, mais elle est aussi fondée sur l'amitié, sur l'amitié qui doit se développer et qui va progresser entre nos deux peuples et qui fondamentalement ouvre tout un pan d'espoir pour la jeunesse, pour les jeunes de la nation crie et de la nation québécoise, et, d'une façon certaine, la mise en valeur d'un immense espace, un immense territoire, le territoire de la Baie-James, sur les bases de la compréhension, de la compréhension mutuelle, du respect et de l'amitié, mais aussi de la croissance économique, de la croissance culturelle, de la croissance communautaire, puisque l'essence de ces nations, c'est qu'elles possèdent des cultures particulières. Elles ont les attributs des nations, et tout développement sur une partie du territoire que nous habitons conjointement doit d'abord servir au progrès de ces nations. Voilà pourquoi l'ensemble de l'Assemblée nationale, les Québécois et les Québécoises doivent se réjouir d'être encore une fois, à cet égard comme à bien d'autres égards, se réjouir d'être un modèle dans le monde entier, un modèle de développement avec les nations autochtones.

n(17 h 20)n

Et je compte sur l'appui de l'opposition et des autres partis à l'Assemblée nationale pour que nous puissions poursuivre ce geste généreux d'humanité avec la nation crie par la mise en oeuvre, avec le projet de loi n° 93, de l'entente, l'entente dite de la «paix des braves» avec la nation crie du territoire québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre responsable aux Affaires autochtones, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 93, et je cède la parole au président de la commission de l'administration publique et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires autochtones et du Grand Nord. M. le député de Jacques-Cartier, la parole est à vous.

M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais participer dans le débat sur le principe du projet de loi n° 93, Loi assurant la mise en oeuvre de l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec, Bill 93, An Act to ensure the implementation of the Agreement Concerning a New Relationship Between the Government of Québec and the Crees of Québec. I'd like to be able to say it as well in Cree, but, unfortunately, my Cree isn't good enough, Mr. Speaker.

D'entrée de jeu ? et je pense que c'est très important de le dire ? nous avons appuyé l'Entente, nous avons appuyé le projet de loi qui est devant nous, et je veux juste... un certain rappel au ministre que, oui, l'Entente qui est ici, bâtir sur une relation... mais c'est une relation qui existait depuis au moins 25 ans. Il y a tout le progrès qui est fait, qui découle de la Convention de la Baie James, et, de prétendre que rien ne s'est passé avant l'arrivée du 7 février de cette année, je pense qu'il faut remettre ça dans un contexte. Et, je pense, c'était un geste courageux par le premier gouvernement de Robert Bourassa, notamment l'ancien député de Mont-Royal, notre collègue John Ciaccia, qui est allé vraiment... Et, oui, l'Entente qui est ici, qui est signée, est fort intéressante, je vais revenir sur le sujet, mais je pense que, d'entrée de jeu, il faut dire qu'il y avait un autre document, il y a 25 ans, qui s'appelle la Convention de la Baie James, qui est également vu comme le premier traité moderne au Canada, qui a vraiment servi d'un certain modèle à plusieurs autres nations autochtones au Canada et à travers le monde. Alors, je pense qu'on est ici dans une certaine continuité.

Moi, j'ai toujours plaidé, de ce côté de la Chambre aussi, pour un esprit bipartisan dans les dossiers qui traitent de nos relations avec les premières nations parce que c'est l'ensemble de la société québécoise qui est interpellé. C'est un dossier fort complexe, parce qu'on parle d'une longue histoire, un long passé, avec des problèmes des deux côtés, mais, je pense, on ne peut pas passer sous silence tous les témoignages, toutes les preuves qui étaient dans l'enquête royale sur les peuples autochtones, menée par Erasmus et Dussault dans les années quatre-vingt-dix. Il y a beaucoup de plaies, il y a beaucoup de dommages qui ont été faits dans le passé, et il faut viser l'avenir. Alors, moi, je joins la voix de l'opposition officielle pour appuyer le ministre aujourd'hui parce qu'il faut viser l'avenir, il faut trouver le moyen pour améliorer nos relations. Mais je ne peux pas passer sans commenter sur l'importance de la Convention de la Baie James, le travail qui a été fait par notre ancien collègue, John Ciaccia, qui était vraiment un pionnier pour faire avancer la qualité des relations entre la nation crie et le gouvernement du Québec.

Pour revenir à plus récent ? et je pense que c'est important aussi, un certain historique autour de nos relations avec la nation crie depuis sept ans, et c'est une certaine montagne russe, M. le Président, ce n'est pas toujours un progrès facile ? ce n'était pas toujours harmonieux, nos relations avec la nation crie. On se rappelle, au moment... 1995, il y avait un référendum dans l'air, M. le Président. Alors, le gouvernement de M. Parizeau, à l'époque, a signé un Memorandum of Understanding qui a créé beaucoup d'espoir chez les Cris, et c'est une entente à la fois sur le développement économique et surtout sur le développement des infrastructures communautaires. Alors, il y avait une entente qui va aller de l'avant pour la construction de certains développements et projets communautaires.

En 1998, ils ont convenu d'un plan quinquennal pour la construction de certains projets communautaires, les maisons des jeunes, dans les écoles. Les autres outils pour le développement des communautés ont été convenus en 1998. En 1999, il est arrivé le litige Lord entre le ministère des Ressources naturelles et les Cris quant à la gestion forestière, et tout ça est allé en cour. C'est une cause fort complexe, M. le Président. On va passer sur tous les détails, mais il y avait plusieurs litiges. Et, sur ça, non seulement est-ce que le gouvernement a arrêté toute négociation forestière avec les Cris, mais il a mis en suspens plusieurs autres dossiers aussi, y compris la mise en application du Memorandum of Understanding. Alors, les projets comme les maisons des jeunes, les négociations sur la santé, les négociations sur l'éducation ont été mis de côté parce que l'ancien député de Joliette et ministre de l'époque, Guy Chevrette, a dit: Tant et aussi longtemps que les Cris n'abandonnent pas la défense de leurs droits, il n'y aura aucun progrès sur les autres dossiers sociaux, ce que nous avons dénoncé en Chambre à maintes reprises ici.

Et, heureusement ? et ça m'amène, M. le Président, à un de mes thèmes préférés ? souvent l'opposition officielle a raison. Il faut le dire, que souvent, dans nos paroles, dans nos positions que nous avons prises, nous avons raison. Ici, encore une fois, dans le projet de loi n° 93, je pense que, si je vois les grandes lignes, c'est les choses que, moi et mes collègues, nous avons plaidées depuis trois, quatre, parfois sept ans pour les éléments qui se trouvent ici aujourd'hui. Alors, de dire que nous sommes heureux, que nous allons appuyer le projet de loi, c'est de toute évidence, M. le Président. Mais je pense qu'il faut rappeler que, souvent, qu'est-ce que le gouvernement a fait, c'est de prendre nos bonnes idées, prendre les choses que nous avons prônées depuis quatre, cinq ans et les mettre en oeuvre. Alors, bravo! Peut-être que c'est plus rapide. Il peut lire nos discours en Chambre plus rapidement et les mettre en application plus rapidement.

Quelques exemples, M. le Président. Première chose, je suis entièrement d'accord que, s'il y a un choix à faire entre une table de négociations ou d'aller devant les tribunaux, je pense que c'est toujours préférable, peu importe le secteur de la société, de privilégier la voie des négociations. Alors, nous avons dit: Il faut être capable de trouver une solution négociée pour le litige forestier et les autres litiges plutôt qu'aller... Cour supérieure, Cour d'appel, Cour suprême du Canada, on connaît le long chemin, et ça, c'est un chemin long et dispendieux. Alors, depuis le début du litige forestier il y a trois ans, mes collègues et moi-même, nous avons plaidé pour une entente négociée, et le ministre de l'époque, ancien député de Joliette, M. Chevrette, a toujours dit: Aucune question de s'asseoir avec les Cris tant et aussi longtemps qu'ils ne retirent pas leur action devant les cours. Alors, heureusement, la bonne suggestion qui a été faite par l'opposition officielle, c'est-à-dire il faut trouver une solution et faire que le règlement du litige devant la cour... partie de la solution, de l'Entente, a été saisie par le gouvernement.

Deuxièmement, nous avons souvent parlé de l'autonomie gouvernementale, et moi et les autres personnes de ce côté de la Chambre avons toujours dit: S'il n'y a pas une certaine autonomie financière, s'il n'y a pas de financement pour l'autonomie gouvernementale, on n'est pas vraiment autonome.

I think this is a principle that's very important. If there is no financing for self-government, if the Cree are unable to find sources of funds to run their communities, to run their institutions, then they're not really having a self-government, they are not autonomous. So we have argued that in the first round of the James Bay Agreement there was a decision taken to give a lump-sum payment, a lump-sum settlement, and we have argued in the past that if it were to be done over again it would have been much better if there had been a stable financing for the Agreement.

n(17 h 30)n

Alors, qu'est-ce qu'on trouve dans l'entente du 7 février, qui, je trouve, est très intéressante? C'est la notion d'un financement récurrent. Le ministre a bien expliqué la mécanique, que, basé sur le développement hydroélectrique, le développement forestier et le développement minier, si on augmente la richesse de la société québécoise, entre autres notre société d'État, Hydro-Québec, et les autres compagnies, il doit y avoir, réservée, une partie de ce partage de richesses avec les Cris.

Et, je pense, le principe est important; plutôt de l'ensemble ou un paiement en bloc qu'on a fait avec la Convention de la Baie James, un financement récurrent est un pas en avant, et, je pense, c'est un élément très intéressant. Parce que, comme le ministre l'a bien dit, les mêmes genres d'arbitrage que l'ensemble de la société québécoise doit faire maintenant s'appliquent également aux Cris. Si j'accélère le développement économique, ou le développement minier, ou le développement forestier, il y a certaines retombées économiques qui sont positives.

Il y aura d'autres conséquences environnementales qui risquent d'être plutôt négatives. Alors, il faut peser la balance entre les deux. À quel rythme est-ce qu'on veut développer les forêts, à quel rythme est-ce qu'on veut faire l'exploration minière, à quel rythme est-ce qu'on veut faire le développement hydroélectrique sans compromettre la protection de l'environnement? Ce ne sont jamais les questions faciles, M. le Président, mais ils vont être dans la même position que l'ensemble de la société québécoise: À quel point est-ce qu'on va privilégier le développement et à quel point est-ce qu'on va privilégier la protection de l'environnement? Parce que ça c'est une tension, un enjeu qui n'est jamais réglé, et, je pense, c'est important. Et ça, c'est quelque chose qu'on voit également dans l'Entente, qui favorise les partenariats, qui ouvre la porte aux mêmes genres d'arbitrage que l'ensemble de la société québécoise doit faire. Alors, je pense, ça, c'est souhaitable aussi.

Et ça m'amène... Et je vois mon collègue de Kamouraska-Témiscouata qui est ici. Un autre moment où l'opposition officielle avait raison, et c'était l'étude détaillée du projet de loi n° 136 l'année passée. C'était quoi, le projet de loi n° 136? C'était la loi pour le nouveau régime de gestion de nos forêts que nous avons regardé d'une façon assez détaillée en commission parlementaire, parce que c'est un régime très important. C'est la gestion de nos forêts pour les années à venir, c'est la gestion de forêts pour s'assurer qu'il y aura des forêts pour nos enfants et nos petits-enfants. Alors, c'est les grands enjeux.

Alors, nous avons pris, comme parlementaires, le temps qu'il faut pour regarder ce projet de loi avec l'ancien ministre Jacques Brassard, qui était à l'époque député de Lac-Saint-Jean. Et, une des choses que nous avons plaidées à peut-être une quinzaine de fois, c'était de bonifier le projet de loi n° 136 pour donner une voix aux autochtones et surtout des nations autochtones, parce que c'était la demande en commission parlementaire. Il y avait six nations distinctes, je pense un record pour l'Assemblée nationale, d'avoir six nations qui ont pris le temps d'écrire un mémoire, venir ici, à Québec, témoigner devant une commission parlementaire. Pour nos habitués de mémoires, soit le Barreau ou la CSN, et le reste, qui arrivent à toutes les saisons livrer un mémoire, c'est peut-être une tâche plutôt facile, mais, pour ces six nations, de venir ici, préparer un mémoire, suggérer que le rôle qu'on donne aux communautés et notamment aux nations autochtones doit être bonifié...

Nous autres, de l'opposition officielle, nous avons dit: Il faut donner suite. Il faut trouver les places dans la loi où on peut le bonifier. Alors, soit mon collègue de Kamouraska ou moi-même nous avons présenté une quinzaine d'amendements pour essayer de bonifier le projet de loi n° 136. Et nous avons perdu le même 15 votes. Alors, malgré les arguments brillants de mon collègue et moi-même, ils ont dit: Barrez la porte.

Alors, aujourd'hui, quand on voit la recréation d'un conseil Cris-Québec forestier, on est très heureux, mais c'est une idée que nous avons avancée il y a un an, un an et demi. Alors, un petit peu de retard sur... de l'autre côté de la Chambre. Enfin, ils se sont ralliés à notre position, mais, au nom de mon collègue de Kamouraska-Témiscouata, je veux plaider un certain droit d'auteur parce que, effectivement, c'est nous autres qui avons plaidé en commission parlementaire longuement sur l'importance de donner un sens à la notion de cogestion, donner un sens à la notion de partenariat. C'est bien beau de parler de ces choses, mais il faut les faire, il faut mettre en place dans nos lois un rôle, une place pour les autochtones. On le voit dans le projet de loi n° 93. Je suis fort heureux, mais ça s'applique maintenant uniquement aux Cris, une des 11 premières nations du Québec. Et je pense que ça soulève une énorme question: Est-ce que le ministre va faire la pression sur ses collègues, notamment aux Ressources naturelles, pour avoir le même genre d'esprit dans nos relations avec les Montagnais, dans nos relations avec les Algonquins?

J'ai reçu une lettre ce matin d'un de nos... un ancien membre de cette Assemblée ? je pense un de vos ex-collègues, M. le Président, parce que vous avez quelques années d'expérience plus que moi ? mais c'est l'ancien député Michel Gratton, qui m'a envoyé copie d'une lettre qu'il a envoyée au ministre, la semaine passée, du chef Harry Watwati des Algonquins de lac Barrière où on a un problème, un litige forestier qui date des années. Le gouvernement du Québec, au niveau de partenariat, au niveau de cogestion a fait quelques offres à l'intérieur d'une entente tripartite avec le gouvernement fédéral quant à la gestion du bois dans le parc de La Vérendrye au nord de Hull dans le Haut-Outaouais et l'Abitibi. Et les lettres que Mme McBride, qui est le négociateur en chef pour les Algonquins, a écrites à ce gouvernement dorment sans réponse.

Alors, oui, c'est bon d'avoir une entente pour les Cris, et on est très heureux d'avoir une entente avec les Cris. Il y a 11 nations au Québec. Et je pense qu'il y a une urgence d'agir dans l'ensemble de ces dossiers, et j'invite le ministre... Ce n'est pas tout à fait qu'est-ce qu'on regarde aujourd'hui, mais la question de la cogestion forestière, la question du partenariat forestier s'applique à plusieurs nations. On va régler la question crie avec le projet de loi n° 93, mais il demeure...

Et je me rappelle toujours... parce que c'est quand M. Royer, qui est le président de Domtar, est venu en commission parlementaire, il a dit: Le plus grand enjeu pour l'industrie forestière au Québec, le numéro un, c'est d'avoir les relations harmonieuses avec les nations autochtones. Alors, selon M. Royer, c'est vraiment notre priorité d'avoir les bonnes relations en réglant une partie aujourd'hui avec le projet de loi n° 93. Mais j'invite le ministre, j'invite les autres parlementaires de se pencher sur la question des autres premières nations. Si on veut donner sens à la notion de partenariat, si on veut donner sens à la notion de cogestion, je dis qu'on a beaucoup d'autres cas qu'il faut régler ? la question des Attikameks, la question des Innus, la question des Algonguins, la question des Micmacs ? mais il faut le faire dans une façon harmonieuse.

Alors ça, c'est les éléments qu'on trouve dans 93. Il y a la création d'une société de développement crie que le ministre a mentionnée. Et je pense que ça, c'est très important parce qu'il faut toujours rappeler, quand on regarde les dossiers autochtones au Québec, leur phénomène démographique. Ce sont les communautés très jeunes, leur baby-boom, c'est à partir d'aujourd'hui. Alors, d'ici 10, 15 ans, il y a beaucoup de jeunes Cris qui vont arriver sur le marché du travail. Et, si on veut briser le cercle de pauvreté, si on veut briser le cercle de chômage qui marquent les communautés cries, le moment est venu pour avoir un accent sur la formation, sur la création d'emplois, sur les opportunités d'entrepreneurship pour aider les jeunes Cris.

Alors, je trouve que la création de la Société de développement crie tombe à point, et nous devrons redoubler nos efforts dans nos cégeps, dans nos écoles secondaires, dans nos universités pour avoir la formation requise pour que les Cris puissent prendre en charge leurs activités et qu'ils puissent bénéficier pleinement des activités économiques qui vont arriver sur leur territoire. Parce que c'est bien beau d'accentuer l'activité hydroélectrique, c'est bien beau d'accentuer les activités forestières, c'est bien beau d'avoir les activités minières accrues, mais il faut s'assurer que ça va créer les emplois. Il faut s'assurer qu'il y aura une véritable création d'emplois. Pour le faire, nos efforts de formation qui est parmi les responsabilités telles que décrites dans le projet de loi n° 93 pour les Cris et pour la Société de développement crie, alors je vais insister davantage.

n(17 h 40)n

Plusieurs des Cris arrivent au cégep John Abbott dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. J'ai eu l'occasion de... il y a le centre pour aider à encadrer les étudiants autochtones, qui est subventionné par le ministère de l'Éducation du Québec. Et ce n'est pas une énorme subvention, je pense que c'est autour de 60 ou 70 000 $, mais avec ça ils trouvent un lieu d'encadrement pour les personnes qui arrivent d'une petite communauté de 500, 600 personnes, tout à coup sont au cégep John Abbott avec une population, juste de cégep, d'au-delà de 5 000 étudiants, dans l'Ouest-de-l'Île avec 220 000 personnes, dans une grande île avec 1,8 million de personnes. Il y a un choc culturel, M. le Président, je pense que vous allez en convenir avec moi. Alors, je pense d'avoir ce genre d'encadrement pour assurer la formation, que les enseignants dans les écoles cries de demain sont Cris, que les infirmières dans les communautés cries sont des Cries, je pense que ce sont des exemples des choses qu'il faut miser. Alors, dans la mesure que la nouvelle Société de développement crie peut aider à arriver à cette fin, on est très heureux de ce côté de la Chambre.

La forêt, comme je l'ai dit, après le nombre de fois que j'ai écouté l'ancien député du Lac-Saint-Jean, Jacques Brassard, nous dire: C'est impossible, impossible de reconnaître le rôle d'une nation dans la gestion des forêts ? c'était son mantra qu'il a répété, répété ? je me réjouis de voir la création du Conseil Cris-Québec sur la gestion des forêts, mais ça serait bien beaucoup plus facile de faire ça il y a un an; la loi était sur la table, nous autres, on était prêts à collaborer, mais, comme j'ai dit des fois, ça prend du temps pour comprendre que l'opposition officielle a raison. Si ça a pris un an, 18 mois, tant mieux parce que le résultat est intéressant.

Dans les provisions transitoires, il y a quand même un élément manquant que je veux signaler au ministre, parce que nous avons abordé ça au moment du débat sur les crédits. L'Entente prévoit, dans l'article 7.23, 7.24, les rapports annuels quant au fonctionnement de l'entente entre les Cris et le gouvernement du Québec. Et, moi, je pense que c'est toujours essentiel de mettre dans nos lois une obligation de dépôt à l'Assemblée nationale parce que c'est important que le ministre soit bien informé. Mais je pense que c'est très important aussi que la population soit bien informée aussi. Un dépôt à l'Assemblée nationale rend tous ces documents publics, accessibles sur le site Web de l'Assemblée nationale et par d'autres formes aussi, et je pense que c'est toujours très important au nom de la transparence. Parce que, ça, c'est manquant et ça m'amène à peut-être un devoir que le ministre n'a pas encore réalisé, qui est très important aussi, qui est un devoir d'expliquer l'Entente.

Il y a beaucoup de ouï-dire, il y a beaucoup de personnes qui trouvent que l'Entente est trop généreuse, qu'on va enlever les choses des autres personnes pour donner ça aux Cris. Alors, je pense que c'est très important d'avoir la bonne information en circulation parce que, s'il n'y a pas de bonne information en circulation, on laisse la place aux rumeurs, on laisse la place aux ouï-dire, on laisse la place aux désinformations, on laisse la place pour les gorges chaudes des lignes ouvertes. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à aller de l'avant et à faire la promotion de l'Entente. Et pas uniquement ici, parce qu'on a vu les mêmes genres de manchettes autour de l'approche commune qu'on négocie présentement avec les communautés montagnaises, et je pense que c'est très important.

Il y avait un échange durant la période de questions la semaine passée entre le ministre et le nouveau député de Saguenay, et je comprends les raisons pour lesquelles le ministre ne veut pas déposer le texte actuel de l'entente, mais les grandes lignes sont connues et l'approche est assez bien connue aussi. Je sais que le ministre part en tournée prochainement pour essayer de bien expliquer ça, mais je veux juste dire qu'il faut aller de l'avant et bien expliquer le bien-fondé de ces ententes. Sans faire ça, on va laisser la possibilité d'avoir une réaction malheureuse à ces genres d'ententes. Alors, j'invite le ministre à redoubler ses efforts pour bien informer la population.

Le ministre prétend que publier ça dans la Gazette officielle est peut-être suffisant. Je l'invite à chercher le tirage de la Gazette officielle, et peut-être qu'il faut trouver un autre outil aussi pour mettre ça en évidence, parce que ce n'est pas nécessairement le meilleur outil, de mettre ça dans la Gazette officielle, pour bien informer la population ? avec le respect que j'ai pour les personnes qui mettent, en tout cas, la Gazette officielle en publication.

Mais c'est très important, et on a vu, dans les questions que le nouveau député de Saguenay a soulevées, une certaine méfiance, et je trouve ça regrettable, parce que, moi, je demeure convaincu que ces genres d'ententes, comme le ministre l'a dit, sont gagnants pour l'ensemble de la population. Et si elles sont bien expliquées... L'entente de la Convention de la Baie James est un excellent développement pour les communautés cries, naskapies et inuites, mais également, c'est une excellente entente pour l'Abitibi, parce que l'argent ne reste pas dans les neuf communautés cries, par exemple, mais l'argent va être dépensé à Val-d'Or, ça va être dépensé à Chibougamau et ça va devenir un genre de moteur économique pour les activités de l'ensemble de la région.

Et, si on regarde où se trouvent d'autres de nos premières nations, moi, je pense que, si on peut faire un progrès avec les Montagnais, ça va être une bonne nouvelle pour la Côte-Nord et la Basse-Côte-Nord et pour le Lac-Saint-Jean. Si on fait un progrès avec les Attikameks, ça va être une bonne nouvelle pour la Mauricie. Si on fait des progrès avec les Micmacs, ça va être une bonne nouvelle dans la Gaspésie. Si on fait des progrès avec les Algonquins, ça va être une bonne nouvelle dans l'Abitibi et dans l'Outaouais.

Alors, moi, je pense qu'il y a un moyen de présenter ça à la population que, oui, à court terme, peut-être, il y aura un genre de discrimination positive pour encourager la création d'emplois dans ces communautés. Mais, si on réussit de créer la richesse, ils vont devenir des acteurs économiques importants dans ces régions. Des deux côtés de la Chambre, nous avons dit que le défi des régions est une grande priorité, et je pense que, bien présenté, bien expliqué, le dossier autochtone peut être un moteur de développement économique, et l'ensemble de la population dans ces régions sort gagnante.

Mais en découlant de ça, je pense qu'il y a un autre principe qui est également important: si, dans la mise en application de ce genre d'ententes, il y aura un prix à payer, que ça ne tombe pas sur le dos de quelques travailleurs ou quelques compagnies forestières ou quelques personnes. Je pense qu'il doit y avoir un principe de base que le fardeau, s'il y en a, pour supporter ces ententes doit être assumé par l'ensemble de la population québécoise, soit le gouvernement du Québec, soit le gouvernement fédéral en négociation. Mais je pense que, en principe, s'il faut changer les CAAF ? mon collègue de Kamouraska-Témiscouata qui comprend c'est quoi, un CAAF; dans mon comté, c'est un endroit pour acheter un café, mais on me dit qu'il y a un autre sens pour le mot «CAAF», et ça, c'est important aussi ? mais, s'il y a des changements et si ça risque de toucher les travailleurs, si ça risque de toucher les scieries, je pense qu'on a tous intérêt qu'il y ait un genre de compensation assumée par l'ensemble de la collectivité et pas uniquement quelques personnes qui sont visées. S'il y a des réaménagements territoriaux à faire, le même principe doit s'appliquer pour s'assurer qu'on puisse faire ces ententes dans la plus grande harmonie possible. Alors ça, c'est un autre problème qu'il faut regarder.

Finalement, M. le Président, toute la question de l'écart, une excellente nouvelle pour les Cris, mais je veux juste... On a vu ça, dans les documents que le ministre a déposés au moment des crédits, que 84 % des dépenses de ce gouvernement vont aux trois nations, c'est-à-dire les Cris et les Inuits, les Naskapis. C'est plus petit, mais ça, c'est les trois nations «conventionnées», dans notre jargon. Et l'ensemble de l'effort gouvernemental est vraiment réservé dans ces trois communautés. Je sais que les autres, c'est les négociations avec le gouvernement fédéral, c'est très compliqué.

Mais j'invite davantage qu'on a, oui, un beau succès ici avec les Cris. Je ne le remets pas en question, mais on va réussir, avec cette Entente, de creuser davantage l'écart entre ces communautés et les autres communautés des premières nations au Québec. Ça, c'est quelque chose qu'il faut être vigilant. Il faut redoubler nos efforts pour s'assurer que l'entente avec les Cris a ses petits et il y aura les ententes avec les Montagnais, il y aura des ententes avec les Algonquins. Complexe. Je ne dis pas: D'ici six semaines, le ministre doit tout régler, mais je veux juste toujours rappeler que cet écart est préoccupant et je pense que, comme parlementaires, nous devrons s'assurer qu'il y aura les outils de développement économique qui s'appliquent également aux autres nations au Québec.

n(17 h 50)n

Finally, I think you have to salute the courage of Grand Chief Ted Moses. And the Minister spoke about it, but I think it is quite a challenge for the Cree. The Cree felt very much ? and it is a bipartisan comment, whether it was Robert Bourassa in the past... but many of these hydroelectric projects, we announced them, we put our beautiful maps up, and Hydro-Québec, and big press conferences, and we would forget to consult the Cree. There is a huge challenge for the Grand Council of the Cree which is to sell the idea of economic development, and community development, and cooperation, and partnership with the Government of Québec. It's not an easy sell in Cree communities. Chief Ted Moses has looked at his communities, has looked at the age of his communities, and said that: It's very important for me to make sure that there are jobs for the young Cree. We have to insure economic development, we have to insure community development.

So that's is «beau risque», if you want. And I think we have to highlight the political courage of Ted Moses, who was recently honored of the Ordre national du Québec, was sworn in to the Ordre national du Québec. But I think we have to underline that he has taken a huge risk, signing this Agreement. And it invites both parties to make sure that it will be a success. Because I remain convinced, Mr. Speaker, that if we can find a success for this Agreement, it is not only important for the Cree communities, but it's important for the entire Québec society, especially for our regions. And much of our debate in the past has been concentrated on economic development in the regions of Québec, and I think we can create a win-win situation where progress for our First Nations and progress for our regions can march hand in hand.

Alors, dans cet esprit, M. le Président, en terminant, c'est avec plaisir que l'opposition officielle va appuyer le projet de loi n° 93. Je pense que c'est un très grand pas dans la bonne direction, c'est construire dans une continuité avec nos relations avec les Cris d'avoir les relations les plus harmonieuses possible, et le ministre peut compter sur la collaboration de l'opposition officielle pour bonifier le projet de loi, s'il le faut, en commission parlementaire, pour s'assurer une grande réussite dans la mise en application de l'Entente, signée le 7 février 2002. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Jacques-Cartier, de votre intervention. Et je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 93, Loi assurant la mise en oeuvre de l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec. Et je reconnais le prochain intervenant. Il est le porte-parole de l'opposition en matière d'énergie et de ressources. M. le député de Kamouraska-Témiscouata, la parole est à vous.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Juste prendre quelques minutes pour parler du projet de loi n° 93 et joindre ma voix à celle de mon collègue de Jacques-Cartier. Et commencer par saluer le travail de mon collègue de Jacques-Cartier. Parce qu'il parlait de John Ciaccia, qui nous a précédés et qui a été un précurseur à plusieurs niveaux. Mais je vous dirais qu'au sein de notre parti la relève de M. Ciaccia est brillamment assurée par mon collègue de Jacques-Cartier qui, à de nombreuses reprises, que ce soit ici, à l'Assemblée nationale, que ce soit à l'intérieur des structures du parti... On a siégé sur différents comités ensemble, et il devrait être écouté plus souvent par le gouvernement, parce qu'on sauverait bien des mois et bien des années, parce que certaines solutions qu'il propose et qu'il a amenées, et qu'il proposait et dont il discutait au sein même du parti et des différentes commissions parlementaires, sont aujourd'hui dans le projet de loi que nous avons devant nous. Donc, saluer son travail et saluer aussi la détermination avec laquelle il défend le dossier autochtone au sein de notre parti.

Juste prendre quelques minutes, M. le Président, pour discuter bien sûr de ce projet de loi là et des éléments qui vont en découler. Juste rappeler que, si, dans le passé, on a, en 1995, scrapé Grande-Baleine, c'était en raison de certains conflits, en raison de certaines problématiques qu'il y a là. Et de voir plusieurs années plus tard qu'on en arrive à relancer, si on veut, les projets hydroélectriques par des négociations, par une entente, bien, je pense qu'on doit saluer cette entente-là. Mais il y a certains éléments qui, je pense, pour l'avenir, doivent être mis en relief.

D'abord ? mon collègue en a parlé tantôt ? au niveau de l'industrie forestière. On se souvient... Quand il y a des réactions que certains ont eues, quand il y a des ententes comme ça qui sont signées, le bois n'est pas... Ce n'est pas une donnée, là, qu'on a juste à peser sur un piton puis, oups! il y a un 100 000 m³ qui apparaît quelque part. Je pense que dans ces cas-là, et le ministre des Ressources naturelles le disait en commission parlementaire... Je lui demandais comment ça se négocie tout ça, comment on fait en sorte qu'à un moment donné, là... On dit dans une entente: Bien oui, il y a un 300 000 m³, un 350 000 m³ de bois qui est disponible, comment ça se négocie, ça? Et il nous disait que, dans le fond, il y a la négociation, et, après ça, on trouve le bois quelque part. Bien là ça sème des inquiétudes parce qu'on le prend dans d'autres industriels, on le prend ailleurs. Et ça a donné lieu à, je dirais, des mésententes ou des questions qui ont été soulevées par certains industriels qui disaient: Bien, écoutez, ça va avoir un impact chez nous.

Donc, moi, ce que je propose, ce que j'invite le gouvernement à faire à l'avenir, c'est d'être peut-être plus transparent, d'avoir... On comprend qu'il y a certains éléments des ententes qui sont et qui doivent rester confidentiels, pas de problème avec ça, sauf que ? puis, on le voit sur la Côte-Nord, mon collègue en parlait tantôt ? quand on n'a pas un niveau d'information adéquat, bien ce que ça amène, c'est beaucoup de méfiance et beaucoup, dans bien des cas, de mauvaises interprétations de la part des gens sur le terrain qui disent: Bien, écoutez, est-ce que c'est moi qui va devoir perdre ça? Puis là, bien, ça lance toutes sortes de rumeurs puis, souvent, ça envenime les relations sur des bases qui ne sont pas toujours fondées. Alors là, là-dessus, il y a un incitatif, je pense, qu'on devrait poursuivre dans l'avenir et éviter de semer de mauvaises perceptions et éviter de semer des inquiétudes, et de voir... Puis, notre collègue de Saguenay le posait en question dernièrement, des fois, ce n'est peut-être pas de bon augure ou ce n'est peut-être pas non plus une bonne chose que des tensions entre les communautés soient artificiellement levées ou augmentées parce qu'on n'a pas la bonne connaissance ou on se méfie un peu l'un de l'autre à la table de négociations.

Donc ça, c'est un incitatif. Dans la mesure du possible, je pense que pour les gens des communautés, les gens, les populations qui sont déjà là, qui sont impliquées là-dedans et aussi pour les industriels forestiers, les travailleurs forestiers... Je crois que plus de transparence lors de la préparation et de la négociation de ces ententes-là et une meilleure implication des communautés blanches et autochtones feraient en sorte qu'on pourrait diminuer le nombre d'irritants qui, souvent, il faut le dire, souvent, ne sont pas nécessairement fondés. Alors, il faut chercher à diminuer ces irritants-là.

L'autre point, bien sûr, on peut parler de relations harmonieuses, on peut parler du souhait que tous ont d'avoir pour le développement de l'ensemble des communautés... Parce que, effectivement, quand on regarde au niveau démographique, on peut regarder uniquement sur la Côte-Nord, lors des dernières élections partielles dans Saguenay, j'ai eu l'occasion de visiter la réserve de Betsiamites, la réserve aussi des Escoumins, et c'est vrai que démographiquement il y a beaucoup, beaucoup de jeunes dans les communautés des premières nations, les communautés autochtones. Alors, il faut donner à ces jeunes-là... C'est le même débat et c'est le même défi qu'ils ont que les jeunes de la communauté blanche, la population qui sont là, c'est-à-dire de comment rester actifs dans leur communauté et développer l'ensemble de leur région. Et ça, c'est un défi gouvernemental qui ne se fait pas juste en disant: Bien, voici un chèque, puis faites-le. Il faut que les gens apprennent à travailler davantage ensemble pour développer ça.

Le plus grand élément, moi, à mon niveau, au niveau forestier, comme je vous le mentionnais, les questions sur les modes d'attribution, sur les modes aussi et les façons de faire... Et ça, il avait raison, mon collègue, on l'a proposé il y a un an et demi, dans le projet de loi n° 136, de revoir les façons de faire pour travailler avec l'ensemble des nations, et ça, ça avait été rejeté. Alors, ça, on est heureux de voir que là, enfin, on a compris. On va devoir modifier à nouveau la Loi sur les forêts.

Mais l'autre élément tout aussi important est celui sur la capacité hydroélectrique. Certain que cette entente-là va permettre l'exploitation de nouvelles capacités. Et ce qu'on doit saluer, c'est que, enfin, le gouvernement a compris, c'est que, enfin... Ça fait longtemps qu'on le répète, ça fait longtemps qu'on le dit, ça fait longtemps qu'on reproche au gouvernement d'avoir arrêté tout développement hydroélectrique, bien là je suis heureux de voir, enfin, qu'ils ont commencé à comprendre. Mais là il faut regarder le retard que ça amène, là. Au lieu d'avoir des projets qui, aujourd'hui, pourraient nous aider à se développer, à profiter du marché américain, à aider des entreprises à venir chez nous et, surtout, à éviter un virage au gaz, bien là on reporte tout ça 10 ans plus tard, parce qu'on est rendu en 2010, si ça va bien, et j'ose espérer que ça va bien aller. Parce qu'il y a un grand défi qui est là et qu'on doit relever.

Mais cependant on doit... je pense que... se répéter à nouveau que c'est dommage, que c'est malheureux qu'on ait été obligé d'arrêter le développement hydroélectrique québécois pendant presque une dizaine d'années parce qu'il y avait un référendum dans l'air, parce qu'il y avait des élections dans l'air, parce que ça paraissait plus ou moins bien, qu'on n'avait pas préparé le terrain. Mais là je suis heureux de voir que, enfin, on commence à comprendre de l'autre côté. Mais on va attendre à la réalisation avant de fêter trop vite.

Alors...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je m'excuse de vous interrompre, M. le député, il est 18 heures. Alors, je vous indique qu'il vous restera 13 minutes lorsque le projet de loi sera rappelé.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour que monsieur... Il n'y a pas de consentement. Donc, ceci met fin aux affaires du jour.

Nous avons trois débats de fin de séance qui sont prévus. Alors, je vais suspendre quelques instants pour que les deux intervenants, dont un est ici présent... Je vais attendre que l'autre intervenant soit présent. Alors, je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 18 heures)

 

(Reprise à 18 h 2)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez prendre place. Merci.

Débats de fin de séance

Effets du projet de loi n° 101 sur la protection
des personnes âgées hébergées dans des résidences
privées de moins de neuf logements

Alors, nous en sommes aux débats de fin de séance. Un premier débat de fin de séance a lieu à la suite de la question que la députée de Mégantic-Compton a posée aujourd'hui à Mme la ministre responsable des Aînés concernant les pouvoirs de la protectrice des usagers dans le dossier des résidences pour les personnes âgées. Alors, Mme la députée de Mégantic-Compton, en vous indiquant que vous avez un droit de parole de cinq minutes.

Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Le 15 mai dernier, j'intervenais au sujet du projet de loi n° 101, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les résidences privées pour personnes âgées. J'ai pris le temps d'expliquer à cette Chambre que, s'il est bien utile de pouvoir répertorier chacune des résidences privées, il est regrettable que le gouvernement ne se donne pas les pouvoirs d'intervenir directement dans ces résidences. En effet, le projet de loi n° 101 n'accorde aux régies régionales que le pouvoir de constituer un registre. Nous sommes loin des recommandations de la Commission des droits de la personne qui demandait de donner aux régies régionales le pouvoir d'intervenir au niveau de la qualité des soins et surtout le pouvoir d'ordonner aux résidences privées d'apporter les correctifs appropriés à des abus envers les personnes âgées.

M. le Président, nous savons tous que la majorité de ces résidences privées offrent un milieu de vie sécuritaire et agréable, mais il faut admettre que d'avoir un registre précis des résidences privées n'empêche en rien l'exploitation des personnes âgées telle que vécue dans certaines résidences privées et dénoncée dans le rapport de la Commission des droits de la personne.

M. le Président, suite aux questions que j'ai soulevées la semaine dernière, la ministre responsable des Aînés nous faisait part de son excellente collaboration avec la FADOQ et le programme des Roses d'or que cet organisme a mis sur pied pour évaluer les services offerts aux personnes hébergées en résidence privée. M. le Président, j'ai suivi les étapes de la mise sur pied de ce programme et de sa progression à travers les régions du Québec. C'est un programme fort louable, et la FADOQ, je tiens à le souligner, M. le Président, fait un travail absolument magnifique. Cependant, le gouvernement ne doit pas remettre toutes ses responsabilités à cet organisme. Il importe que le gouvernement du Parti québécois assume ses propres responsabilités. C'est la ministre des Aînés qui est responsable de la protection des 100 000 personnes âgées vivant en résidence privée.

M. le Président, le rapport de la Commission des droits de la personne a dénoncé des situations ayant cours dans certaines résidences privées, notamment en ce qui concerne l'alimentation, parfois réduite au strict minimum, et la qualité de l'hygiène et des soins: présence de plaies de lit, administration de médicaments inappropriée, contention physique ? pour bien comprendre, M. le Président, on parle ici de les attacher. La ministre a tort de banaliser les abus décrits dans le rapport accablant de la Commission des droits de la personne, lequel est d'ailleurs intitulé L'exploitation des personnes âgées. M. le Président, les situations dénoncées dans ce rapport sont réelles et inacceptables dans une société comme la nôtre.

Je le répète, le rapport de la Commission des droits de la personne sur l'exploitation des personnes âgées est clair, il recommande que les régies régionales de la santé et des services sociaux imposent une procédure d'accréditation aux résidences privées qui hébergent des personnes âgées en perte d'autonomie; il recommande que, dans ses critères d'évaluation pour l'accréditation des résidences privées, chaque régie régionale considère la capacité des résidences à gérer adéquatement le vieillissement et la perte graduelle d'autonomie chez une personne ainsi que leur connaissance des droits des usagers. Le rapport recommande que les régies régionales de la santé et des services sociaux, avant de considérer automatiquement la fermeture d'hébergement et le déplacement des personnes âgées hébergées, aient le pouvoir d'ordonner aux résidences privées d'apporter des correctifs appropriés à des lacunes constatées.

M. le Président, de plus je tiens à mentionner qu'en l'an 2000 les membres de la commission de la culture ont adopté à l'unanimité la résolution suivante, et je cite: «D'exiger que la régie régionale, de concert avec le secteur communautaire s'il y a lieu, mette sur pied un système d'évaluation de ces résidences et qu'en cas de plainte le législateur accorde à la régie régionale un pouvoir d'intervention et d'enquête.» Je le répète que cette résolution a été adoptée à l'unanimité. Si la ministre ne veut pas écouter la Commission des droits de la personne, pourra-t-elle au moins prêter l'oreille aux revendications de ses collègues?

Vous savez, M. le Président, que le rapport de la Commission des droits de la personne a conclu à l'exploitation physique, psychologique, morale et financière de plusieurs personnes âgées. Ce rapport confirme également qu'il y a atteinte à l'intégrité, la dignité, la sécurité et la liberté des personnes âgées qui vivent dans les centres publics et privés d'hébergement de longue durée. Si le but du projet de loi n° 101 était de faire cesser les abus vécus par les personnes âgées, je déplore que les moyens nécessaires pour y arriver n'y figurent pas. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Mégantic-Compton. Alors, je cède la parole maintenant pour un temps de parole de cinq minutes à Mme la ministre responsable des Aînés. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci, M. le Président. Le gouvernement, comme je l'ai mentionné en cette Chambre, est particulièrement fier d'avoir été à l'écoute particulièrement de nos aînés, parce que, comme je l'ai dit, suite à l'Année internationale des aînés en 1999, nos aînés sont venus nous indiquer clairement qu'ils souhaitaient qu'on se dote d'un plan d'action, un plan d'action dans lequel on y a recensé trois dossiers importants: celui des résidences privées de neuf personnes et moins, les abus dont nos aînés peuvent être victimes et, finalement, l'allégement financier du soutien aux aînés.

Alors, maintenant, une fois que les deux lois pourront être adoptées, celle de mon collègue et ministre de la Santé et des Services sociaux ainsi que celle de mon collègue ministre des Affaires municipales, dorénavant aucune résidence ne va pouvoir avoir un permis de construction ou de changement d'usage si elle n'est pas enregistrée au préalable auprès de la régie régionale, et c'était ce qui était recommandé. Dorénavant, les résidences privées seront toutes identifiées, et il sera possible, via le programme Roses d'or, d'évaluer la qualité des services qui sont offerts. C'est une première au Québec, et on en est extrêmement fier parce que les modifications législatives qui vont être apportées ont été proposées par nos partenaires. Et le programme Roses d'or, M. le Président, c'est une implication de plusieurs partenaires: la FADOQ, le ministère de la Santé et des Services sociaux et le monde municipal, le Conseil des aînés et l'AQDR. Donc, c'est un travail en partenariat.

J'ai également dit en cette Chambre, M. le Président, la semaine dernière, et je l'ai redit aujourd'hui, et je le redis encore une fois, que la protectrice des usagers, qui en passant fait une tournée du Québec dans laquelle elle a indiqué à tous les intervenants qui, au-delà des considérations légales... elle se fera un devoir d'intervenir auprès des gens les plus vulnérables de notre société.

n(18 h 10)n

L'article 20 de ladite loi, M. le Président, et je le lis: «Le Protecteur des usagers peut intervenir de sa propre initiative s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne physique ou un groupe de personnes physiques a été lésé dans ses droits ou peut vraisemblablement l'être, par acte ou par omission.»

C'est textuel, c'est dans l'article de loi. Alors, M. le Président... Et je le dis, qu'elle peut intervenir, particulièrement dans des contextes où ça le justifie. C'est l'article 20. Alors, j'invite la députée, comme je lui ai dit encore cet après-midi, comme je lui a redit en commission, je l'invite à lire à la fois l'article de loi, l'article 20, qui indique clairement que la protectrice peut intervenir, je l'invite aussi à prendre connaissance des deux modifications législatives qui sont apportées tant par le ministère de la Santé que par le ministre des affaires sociales.

Et, finalement, M. le Président, j'aimerais vous lire... On fait référence au président de la Commission des droits de la personne, et je le cite, entre autres à sa page 3, quand il dit, et il parle de différents débats, il dit: «Enfin, tout récemment, la ministre responsable des Aînés, Mme Linda Goupil, rendait public un plan gouvernemental triennal 2001-2004 concernant les aînés dont plusieurs aspects rejoignent les préoccupations de la Commission. Ce plan d'action contient diverses mesures présentées par une vingtaine d'organismes ainsi que trois projets mobilisateurs.» Et il dit: «Entre autres, la lutte contre les abus, la violence et la négligence dont sont victimes les aînés vient à point nommé.»

Et, M. le Président, j'aimerais aussi apporter à votre attention que la FADOQ a même répondu au président de la Commission, dans lequel elle lui dit: «Ce que nous avons proposé et ce qui est en train de se faire correspond totalement à nos attentes.»

M. le Président, j'invite la députée à prendre le temps de lire correctement le texte de loi qui indique que la protectrice des usagers peut intervenir si une situation le justifie. C'est écrit clairement dans la loi. Je l'invite aussi à consulter le site Internet sur lequel on y retrouve cet article de loi. Je l'invite aussi à rencontrer les représentants des associations qui vont lui confirmer hors de tout doute que ce que nous avons proposé, M. le Président, correspond totalement à ce qui avait été demandé.

Et enfin ? et enfin ? j'affirme en cette Chambre, M. le Président, qu'il est de la responsabilité de l'ensemble de notre société d'aller visiter nos aînés qui se retrouvent... peu importent les endroits où ils sont, pour être capable justement, si jamais il y avait quelque chose qui sortait un peu de l'ordinaire ou il y avait une préoccupation, d'interpeller directement la protectrice des usagers qui a justement été soutenue par un texte de loi qui confirme qu'elle peut intervenir. Et je relis l'article: «Le Protecteur des usagers peut intervenir de sa propre initiative s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne physique ou un groupe de personnes physiques a été lésé dans ses droits ou peut vraisemblablement l'être, par acte ou par omission.»

Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Alors, en vertu de votre droit de réplique de deux minutes, je cède la parole à la porte-parole des aînés et députée de Mégantic-Compton. La parole est à vous.

Mme Madeleine Bélanger (réplique)

Mme Bélanger: M. le Président, vous avez entendu la ministre. Est-ce qu'elle a répondu aux allégations de mon intervention et au rapport de la Commission des droits de la personne? Non. Encore une fois des mots, des mots, toujours des mots. On attend encore et toujours l'action. Vous constaterez, M. le Président, que j'ai demandé aujourd'hui à la ministre responsable des Aînés comment elle peut nous confirmer que le projet de loi n° 101 va intervenir auprès des personnes âgées pour les protéger contre les abus, l'exploitation dont elles sont victimes dans certaines résidences privées. Est-ce que j'ai eu des réponses? Non, M. le Président.

Je tiens à répéter ce qu'elle a affirmé la semaine dernière en réponse à une question que je lui posais, et je la cite: «Et, finalement, s'il y a une problématique particulière avec la protectrice des usagers, il y aura une intervention musclée qui pourra se faire.»

Je redis ce que je disais cet après-midi lors de la période de questions, la ministre répond beaucoup de choses, elle utilise beaucoup de mots, beaucoup de mots, mais, quand il est temps d'agir, elle remet ses responsabilités à la FADOQ ou à l'AQDR. De plus, si elle continue de croire que la protectrice des usagers peut intervenir dans les résidences privées pour personnes âgées, je lui demande si elle peut nous confirmer que l'article 20 dont elle parle, qui s'applique aux résidences publiques affiliées au réseau de la santé, s'applique aussi aux résidences privées. Alors, la réponse, ça serait non, M. le Président.

M. le Président, la ministre réalise-t-elle que sa méconnaissance de la loi sur la protectrice des usagers a induit 100 000 personnes en erreur, car ces mêmes personnes ne peuvent être protégées par la protectrice des usagers, tel que l'a mentionné la ministre la semaine dernière? Merci, M. le Président.

Plan d'action concernant
les salles d'urgence des hôpitaux

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, Mme la députée. Alors, ceci met fin à ce débat de fin de séance. Un deuxième débat de fin de séance à la demande du député de Châteauguay suite à une question qu'il a posée au ministre de la Santé et des Services sociaux concernant le décès d'une personne à l'urgence de l'hôpital Saint-Jean et à la nécessité de déposer un plan d'action pour les urgences d'ici la fin de mai 2002. M. le whip de l'opposition officielle et député de Châteauguay, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Oui, je comptais revenir cet après-midi sur le sujet de la période de questions. Je vais commencer avec la déclaration du ministre du 7 mai 2002, et il dit ceci: Il y a une dizaine d'urgences qui sont situées dans la grande région de Montréal où on a des difficultés, mais, dans la majorité des cas au Québec, il n'y a pas de problème dans les urgences, ça fonctionne bien. Ça, c'est ce que le ministre nous dit le 7 mai, et il nous fait signe de la tête qu'il partage encore ce point de vue là. Il le refait.

Dans le Journal de Montréal de ce weekend, on pouvait lire: «Après sept heures d'attente à l'urgence, elle meurt sans avoir vu un médecin.» Ce n'est pas à Montréal, c'est à l'urgence à Saint-Jean. Pour le ministre, ça fonctionne bien. Juste pour la fin de semaine, juste pour ce weekend qui vient de passer, une revue de presse non exhaustive, très rapide, dans L'Artisan, Repentigny: «Le centre hospitalier Pierre-Le Gardeur a demandé la semaine dernière à la population du sud de Lanaudière d'éviter de se présenter à son urgence pour une période de 48 heures.» Pour le ministre, ça fonctionne bien. Dire aux gens de ne pas se présenter à l'urgence pour 48 heures, c'est parfait dans son plan de match.

Joliette: «Le centre hospitalier régional de Lanaudière invite une fois de plus la population de la région à éviter, dans toute la mesure du possible, de se rendre à l'urgence du CHRDL.» La Voix de l'Est, samedi 18 mai, samedi qui vient de passer: «L'urgence de l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins a connu, au cours des 48 dernières heures, un scénario digne des gros mois d'hiver. Et la situation n'était pas plus rose au Centre hospitalier de Granby, l'urgence y était occupée à 300 % hier. À Cowansville, la situation était extrême jeudi, a affirmé hier de son côté le directeur général de l'hôpital, Roger Fournier. Ça devenait problématique et dangereux si on devait accueillir d'autres ambulances, ajoute le directeur général.»

Dans le Progrès-Dimanche de dimanche: «Le service d'urgence du Carrefour de la santé de Jonquière est encore promis à des moments difficiles. Plusieurs plages de la grille horaire des prochains mois ne sont pas comblées.» Le ministre nous répond, dans le cas de Jonquière: Ça va bien ce matin. On sait que les prochains mois vont être difficiles à Jonquière.

On sait que, dans des hôpitaux de l'Estrie, c'est la quasi-catastrophe. On sait que, dans Lanaudière, pas une région qui a été particulièrement heureuse ces derniers temps en termes d'équité, hein, là, on sait bien... Là il y a des élections partielles, M. le Président. Là, là, tenez-vous bien, ils vont nous proposer puis ils vont leur annoncer plein de belles affaires. Ça fait huit ans qu'ils sont là. Ça fait huit ans qu'ils sont là. Je vous garantis qu'on va voir le ministre n° 1 avec son ministre n° 2, puis ils vont s'asseoir un à côté de l'autre, puis ils vont dire: Maintenant, on recommence à zéro. Puis là, dans Lanaudière, on va être là, à côté de vous. Pourtant, aujourd'hui, et dans quelques minutes, le ministre va se lever puis il va nous dire, M. le Président, qu'à Joliette comme à Repentigny dans Lanaudière il n'y en a pas, de problème, ça va bien. Il va nous dire ça encore tantôt.

Parce que, quand je lui ai posé la question ce matin, je lui ai dit: Pourquoi continuer d'affirmer qu'il n'y a que les urgences de 10 hôpitaux de Montréal qui sont problématiques quand on voit que partout au Québec il y a des problèmes? Ils ne sont pas tous les mêmes, c'est vrai. Prenez le cas de Hull. Je n'en ai pas parlé. Hull, il y a des problèmes. Pourquoi? Problème: ils n'ont pas d'infirmières. Et ce n'est pas le programme estival du ministre qui va vraiment l'aider; parce que, eux, ce n'est pas juste le soir puis les fins de semaine qu'ils ont des problèmes, c'est à l'année longue, à tous les jours de la semaine qu'ils ont des problèmes.

Prenez le cas de La Tuque. C'est une ville que je n'avais pas nommée encore, un hôpital que je n'avais pas nommé. La Tuque a un problème de médecins. Chacun a des problèmes différents.

Dans le cas de Lanaudière, ils n'ont pas de lits, des lits de longue durée. Pourquoi? Le gouvernement du Parti québécois en a fermé 11 000. Je vous souhaite bonne chance dans votre annonce dans Lanaudière quand vous allez essayer de faire accroire aux gens, pour l'élection partielle, qu'il faut voter pour vos petits amis. Parce qu'on connaît votre bilan: vous avez fermé 11 000 lits depuis que vous êtes là, au pouvoir. Et, dans les deux hôpitaux de Lanaudière, en plus du sous-financement, le problème des urgences, c'est que ce sont des personnes en attente d'hébergement ? parce que des lits de longue durée ont été fermés ? qui occupent les places, ce qui fait que les urgences débordent.

Donc, ma question était la suivante ? et elle est encore tout à fait pertinente parce que nous n'avons pas eu de réponse: Pour éviter des problèmes comme celui qui est arrivé à Saint-Jean, pour assurer aux Québécois que le système de santé dont vous êtes le gestionnaire principal fonctionne ? ils paient pour, ils sont actionnaires, ils veulent que ça marche ? quel est le plan de match que vous avez? Allez-vous le déposer d'ici la fin du mois de mai? Parce que des attentes d'encore plusieurs mois, ce serait trop. Ça fait huit ans que vous êtes là, ça fait huit ans qu'on souffre, il est temps que ça cesse! Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

n(18 h 20)n

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Châteauguay. Alors, je cède la parole à M. le ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux. M. le ministre.

M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. D'abord, je veux répéter ce que je répète continuellement concernant les urgences dans nos hôpitaux: tous les cas urgents sont traités immédiatement. Dans toutes les urgences au Québec il y a des codes qui sont utilisés: un, deux, trois, quatre, cinq, les codes un et deux étant les plus urgents. Et, lorsqu'un patient se présente, est jugé urgent, on s'en occupe immédiatement. Donc, toutes les belles statistiques qu'on voit sur le temps d'attente, ce n'est pas pour ces personnes-là.

M. le Président, il est arrivé un incident à Saint-Jean. Il y a une personne qui avait été classée non urgente et qui est décédée. Il y a une enquête du coroner. C'est vraiment inqualifiable, M. le Président, de venir amener ça ici puis de venir accuser le personnel d'avoir mal classé puis d'avoir causé des problèmes. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président.

Maintenant, je l'ai dit et je le répète, quand on regarde, et je les regarde à chaque matin, les urgences dans les 77 hôpitaux au Québec, il n'y a des problèmes récurrents que dans une dizaine d'hôpitaux, je le répète; les autres, c'est exceptionnel, M. le Président, exceptionnel.

Et, pour peut-être reprendre les cas exceptionnels du député de Châteauguay rapidement, à La Tuque, on a perdu quelques médecins, M. le Président. Jeudi dernier, la semaine dernière, on a fait une entente, on a proposé une lettre d'entente négociée avec la FMOQ. On attend les réponses des médecins. On pense être capable de régler le dossier dès cette semaine.

À Jonquière, M. le Président, on a perdu sept médecins; on en a trouvé quatre; il y en a un cinquième qui s'installe au cours des prochaines semaines et deux autres d'ici le début de juillet. Donc, les sept vont être remplacés. Donc, réglé à Jonquière.

Ensuite, Brome-Missisquoi, Brome-Missisquoi-Perkins, il y a eu une situation. Même quand on demande à la direction... Le député, le chef, voyons, le leader de l'opposition connaît bien l'hôpital. Qu'il appelle la direction de l'hôpital, elle va lui dire la même chose qu'elle nous a dit: On ne s'explique pas ce qui est arrivé. On ne s'explique pas. C'est vraiment exceptionnel. Ça a duré jeudi passé; c'est résorbé depuis en fin de semaine. Il n'y en a plus, de problème, à Brome-Missisquoi-Perkins, c'est réglé.

À Granby, M. le Président, même chose: exceptionnel. Habituellement, il y a à peu près une douzaine d'ambulances qui arrivent là par 24 heures, une douzaine d'ambulances par 24 heures. Il y en a eu, de façon exceptionnelle, 16 en huit heures qui sont arrivées là. Ça a débordé pendant ce temps-là. C'est réglé depuis ce temps-là, M. le Président.

Donc, on pourrait continuer comme ça. Je vois le temps qui file. M. le Président, la majorité des urgences... Je les regarde à chaque matin. À chaque matin, j'ai un relevé sur chaque urgence. On regarde exactement ce qui se passe et on suit les urgences qui vont mal, on s'assure que la situation soit résorbée. Et je peux vous dire, là, il y a à peu près seulement une dizaine d'urgences qui ont des problèmes récurrents, elles se trouvent toutes dans la grande région de Montréal. C'est ça, la situation. Ailleurs, la grande majorité des hôpitaux vont bien. Il arrive de temps en temps, M. le Président... Qu'est-ce que vous voulez, quand il arrive à Granby 16 ambulances en huit heures, alors qu'il en arrive d'habitude une douzaine par jour, durant 24 heures, c'est certain, là, que c'est exceptionnel, on ne peut pas prévoir ça. Donc, on s'adapte.

Donc, M. le Président, j'invite l'opposition à cesser de dénigrer le travail qui est fait par les médecins, par les infirmières, incluant au triage. Au triage, oui, parce que c'est important. Quand les gens se présentent à l'urgence, il faut exactement établir un diagnostic pour savoir si c'est urgent ou si c'est moins urgent, si ça peut attendre.

Et c'est certain aussi, M. le Président, que, si on était capable de récupérer des fonds pour mieux financer notre réseau de la santé, on pourrait enlever de la pression sur les urgences. C'est certain que l'urgence, c'est une priorité. Mais, quand on n'a pas les fonds, parce qu'Ottawa est en train de nous asphyxier, M. le Président, on n'a pas les fonds pour investir tout ce qu'on devrait investir en soins à domicile, on se retrouve à occuper des lits de courte durée avec des patients qui sont là en longue durée.

M. le Président, au lieu de proposer comme l'opposition, comme le Parti libéral du Québec qui propose de baisser les impôts, d'enlever la taxe sur le capital, donc baisser les revenus pour avoir encore moins d'argent en santé, nous, ce qu'on propose, c'est d'aller chercher notre dû à Ottawa. C'est ça, avoir un programme cohérent, c'est ça, croire à l'importance de la santé. On a investi beaucoup d'argent au cours des dernières années puis on va continuer à le faire pour mieux... toutes nos personnes. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre, pour votre intervention. En vertu de votre droit de réplique, M. le député de Châteauguay, la parole est à vous.

M. Jean-Marc Fournier (réplique)

M. Fournier: Oui. Je pense que les téléspectateurs qui ont suivi les débats vont comprendre qui est le ministre de la Santé et comment il réagit. Si je comprends bien, si ça va mal, c'est parce qu'on avait un dernier weekend qui était exceptionnel, hein? Les cas qui sont tous arrivés, c'était une exception, ça n'arrive jamais. Ce n'est pas de ma faute, là. C'est toujours comme ça, c'est à gauche, à droite. Les urgences éclatent. On est rendu dans un système où les urgences, les hôpitaux disent à leurs populations au Québec: Venez pas chez nous. On est rendu là.

M. Legault: ...

M. Fournier: Il dit: C'est réglé. Ça va être encore la même chose la semaine prochaine puis la semaine d'après. Mais on y reviendra, on le ramènera.

Il nous dit qu'il faut aller chercher de l'argent à Ottawa. J'espère. Mais, pour pouvoir y aller, il faut que, nous-mêmes, on montre qu'on est capables de s'en occuper puis prioriser en santé. Vous êtes le défenseur de la théorie que le Québec doit rester en dernière position. Pourquoi? Parce que le Parti québécois nous a amenés en dernière position au Canada. On était en troisième position, on est rendu en dernière position. Puis ce ministre-là, ça faisait cinq minutes qu'il était nommé ministre, il dit: Moi, je ne vais pas aller chercher l'argent ailleurs à Québec. Pourtant, la ministre des Finances, elle en a, de l'argent, elle en a mis, de l'argent, pour des déménagements d'emplois. Mais, lui, il reste assis sur ses deux fesses, comprends-tu, il ne veut pas aller chercher ça. Donc, on reste les derniers, les derniers au Canada. Et ça, c'est très condamnable, ça, il n'y a personne qui peut... il n'y a pas un Québécois, il n'y a pas un Québécois qui accepte ça.

Vous voulez vous lever à chaque jour pour parler de Paul Martin? Parlez-en, de Paul Martin, ça ne nous dérange pas pantoute. Le jour que vous... devant votre miroir, quand vous vous couchez le soir, pensez à une chose: vous décidez que les Québécois sont les derniers au Canada. Donc, quand il y a des urgences qui sont débordées, qui bloquent, quand les gens disent qu'il manque des lits de longue durée, c'est parce que vous les avez fermés et que vous décidez à chaque jour qu'ils vont rester fermés.

Et, oui, il est arrivé un problème à Saint-Jean, puis je l'ai traité sur le bon ton, M. le ministre. Vous m'avez traité de petite politique, je l'ai traité sur le bon ton. Vous devriez vous poser des questions. Il n'y a personne qui accuse les problèmes du tri. On sait que, dans les urgences, il y a des problèmes. Parce que vous les niez encore en disant que ça fonctionne bien, vous nous préparez d'autres cas comme ceux-là. Vous êtes averti. Vous voulez vous coucher à soir la conscience tranquille? Arrêtez de nous condamner à la dixième position. Battez-vous pour la santé, qu'on ait enfin un ministre de la Santé au Québec. Merci.

Financement du projet de travail alternatif
payé à la journée pour les jeunes marginaux

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ceci met fin à ce débat de fin de séance. Nous avons un troisième débat de fin de séance suite à une question de la députée de Mercier aujourd'hui, qu'elle a posée à la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion, concernant le projet TAPAJ. Mme la députée de Mercier, la parole est à vous.

Mme Nathalie Rochefort

Mme Rochefort: Merci, M. le Président. Le projet TAPAJ, travail alternatif payable à la journée, mis en place par un organisme communautaire du quartier Centre-Sud, comté de Sainte-Marie?Saint-Jacques, Spectre de rue. Mme la ministre, tout à l'heure, nous demandait de la clarté, bien je vais lui en donner, de la clarté. C'est quoi, TAPAJ? TAPAJ, ça s'adresse à des jeunes de moins de 30 ans qui sont usagers de drogue par injection, qui se prostituent, qui vivent dans la rue, qui n'ont pas de place où aller les trois quarts du temps et qui ont besoin de ressources, qui ont besoin de support.

TAPAJ, c'est quoi? C'est un projet où les jeunes appellent à chaque matin pour savoir s'ils peuvent aller travailler dans la journée et ainsi gagner un revenu et faire un job légal. Ce n'est pas quelque chose de banal, là. On parle d'un jeune qui, normalement, vend de la drogue, vend son corps sur la rue et qui se lève le matin avec dans l'idée d'avoir un emploi qui est légal, qui est reconnu même par le ministère du Revenu du Québec, M. le Président.

n(18 h 30)n

TAPAJ, c'est quoi? Je vais vous donner des statistiques. Au gouvernement du Parti québécois, on aime ça. C'est 21 jeunes qui ont participé à un projet de jardinage; c'est 43 personnes jeunes qui ont planté 40 vivaces au Jardin des... en collaboration avec Saint-Laurent et ses partenaires; c'est une campagne d'éradication de l'herbe à poux, 12 personnes; de la rénovation, 61 personnes au Comptoir d'entraide Léo Théoret; c'est du compostage biologique avec biomasse; c'est des murales aux postes de police 21 et 22. Aïe! C'est du rapprochement avec les policiers. Des jeunes qui manifestent normalement contre la brutalité policière, qui vont faire du vandalisme, normalement, sur des autos de police font des murales, se rapprochent des policiers, développent des meilleurs contacts, des meilleures relations, on leur dit tout à coup que ce n'est pas trop bon. Fantastique! Bravo, Mme la ministre déléguée!

C'est aussi des jeunes de moins de 30 ans qui ont fait une murale à l'école primaire Garneau, toujours dans le centre-sud. Ces 65 jeunes là ont donné une image positive de leur vie, d'eux-mêmes et de l'importance pour les parents d'écouter, d'être disponibles pour leurs enfants. Ces jeunes-là sont maintenant considérés comme des humains à part entière, de par leurs voisins, de par leurs amis, de par M. et Mme Tout-le-monde qui les croisent sur la rue.

Mme la ministre déléguée trouvait tantôt que je manquais de clarté. J'ose espérer que c'est un petit peu plus clair. Elle me parlait de Solidarité jeunesse, elle me disait que Solidarité jeunesse est un projet pour eux. Parlons-en de Solidarité jeunesse. C'est moi qui ai écrit le projet-pilote pour les jeunes de la rue, je sais de quoi je parle, je pense. Le problème, avec Solidarité jeunesse, c'est qu'on va considérer comme un succès un jeune qui se trouve un travail à temps plein. On va considérer comme un succès un jeune qui retourne à l'école, aux études à temps plein, même pour finir son secondaire V. Là-dessus, c'est fantastique.

Mais là on parle de jeunes qui sont en préemploi, des jeunes qui sont considérés comme des échecs par les fonctionnaires gouvernementaux. Des jeunes qui sont considérés comme des échecs parce que, quand tu passes à Solidarité jeunesse, ils réalisent tout à coup que, s'ils n'arrêtent pas de consommer, s'ils n'arrêtent pas de s'injecter, de se faire des piques dans les fonds de ruelles, s'ils n'arrêtent pas de se prostituer, s'ils ne prennent pas soin de leur santé physique et mentale, ils ne pourront pas aller nulle part, ils prennent conscience qu'ils ont besoin d'aide, et ce qu'on leur dit, avec Solidarité jeunesse, c'est qu'ils sont des échecs. Pour moi, c'est aberrant, c'est innommable, M. le Président. C'est tellement un manque de bon sens et un manque de coeur des plus flagrants. Mais que voulez-vous?

Comment est-ce que vous voulez que ces jeunes-là développent leur confiance en eux si même le gouvernement n'a pas assez confiance en eux, en les intervenants qui leur viennent en aide au quotidien? Et, quand vient le temps de les aider réellement, alors qu'ils ont commencé des démarches ? on parle de plus de 200 jeunes encore là, M. le Président ? on leur tire le tapis en dessous des pieds, on les laisse tomber comme des vieilles chaussettes sales en leur disant: «Anyway», tu ne vaux rien. On vient juste, le gouvernement du Parti québécois vient juste renforcer les préjugés. M. le Président, c'est insultant pour les jeunes, ces jeunes qui sont des citoyens du Québec à part entière. Peu importe qu'ils aient des «dreads», des mohawks sur la tête, des boucles d'oreilles, ce sont les enfants de parents, ce sont nos neveux, nos nièces, nos enfants potentiels. J'espère que la ministre va faire preuve d'humanité. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée, de votre intervention. Je cède la parole à Mme la ministre déléguée à la Pauvreté et à l'Exclusion.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, M. le Président. Plusieurs causes, M. le Président, amènent les gens à vivre dans la rue, des jeunes, en particulier, en marge des autres, en marge de la société. Il n'y a pas un parent, il n'y a pas un intervenant, il n'y a pas un citoyen, une citoyenne, il n'y a pas une ministre qui n'est pas sensible à la situation de ces jeunes-là. Il y a des jeunes, comme dit la députée, qui vagabondent, qui n'ont pas d'avenir, qui vivent une grande détresse, qui vivent une grande souffrance, une grande solitude.

Ce que je peux dire, c'est que les situations que présente actuellement la députée de Mercier sont complexes, et, contrairement à ce qu'elle peut prétendre, il n'y a pas de solution magique, il n'y a pas de solution unique puis il n'y a pas de solution simpliste pour permettre à ces jeunes-là de vivre pleinement dans la société. Ces jeunes sont des forces vives du Québec, et on ne peut pas, nous, comme gouvernement, ne pas être sensibles et faire des choses et faire des actions pour ces jeunes-là.

On en a fait plusieurs actions, et on en fait encore, et on en fera encore. Lors du Sommet de l'économie et de l'emploi qu'on a fait en 1996 et du Sommet du Québec et de la jeunesse, en l'an 2000, je vais vous énumérer quelques secteurs très stratégiques qui ont fait l'objet de consensus auprès des jeunes, des partenaires et auprès du gouvernement, des discussions qui ont eu lieu sur l'exclusion, entre autres, au Sommet de la jeunesse, où j'ai participé, moi aussi.

Le gouvernement, en collaboration avec le secteur privé, a mis en place le Fonds Jeunesse de 240 millions spécialement dédié à l'intégration de la jeunesse. Le gouvernement a également mis en place 105 carrefours jeunesse et emploi qui viennent en aide aux jeunes de 16 ans à 35 ans, où on les prend, ces jeunes-là, où ils sont, ils nous arrivent dans un carrefour jeunesse et emploi, et on les accompagne dans une démarche d'aide pour les sortir de l'exclusion.

Le gouvernement a également mis en place le programme Solidarité jeunesse, que la députée parlait tout à l'heure, qui vise à outiller les jeunes de façon à ce qu'ils puissent trouver le plus rapidement possible leur autonomie personnelle. Certains n'y arrivent pas et certains n'entrent pas, je pourrais dire, dans cette voie-là. Mais c'est quand même, dans une première année, la première phase, 5 008 jeunes qui ont participé à cette première année, et 82 % sont actuellement en mouvement. Alors, oui, il y a des statistiques parce que, oui, il faut regarder les succès, parce que, oui, il faut se donner des indices pour voir si on est toujours dans la bonne voie quand on fait des actions gouvernementales.

D'autres projets satellites aussi à Solidarité jeunesse ont vu le jour: celui de Ma place au soleil, que je suis convaincue que la députée de Mercier connaît, qui cible plus particulièrement les jeunes mères chefs de famille monoparentale; les projets Espoir pour les jeunes de la rue, 50 jeunes à Québec et 50 jeunes à Montréal qui ont débuté en mars 2001 ce programme-là des projets Espoir; le Projet pour les jeunes Québécois de minorités visibles a démarré aussi en septembre 2001, avec l'organisme Black Community Resource Center, et qui touche 50 jeunes de la communauté noire anglophone de Montréal.

Alors, M. le Président, je parlais avec ma collègue Agnès Maltais qui était anciennement déléguée aux services sociaux, il y a de l'argent qui a été mis dans les services jeunesse, santé et services sociaux, d'une part, l'année passée, 10 millions expressément pour travailler en amont. Effectivement, il y a des jeunes qui vivent la situation, mais il faut aussi travailler en amont, c'est-à-dire essayer d'aller trouver les causes et pouvoir faire des actions gouvernementales pour les aider en amont. Donc, il y a un 10 millions qui a été mis l'année dernière, 15 millions cette année et un 20 millions l'année prochaine pour aider ces jeunes aussi qui vivent certaines difficultés.

Mon collègue de l'Éducation et de l'Emploi, qui vient en aide présentement ? et qui a annoncé la semaine dernière... ? en aide à plus de 100 000 élèves du secondaire en milieu défavorisé: Agir autrement, qui vise plus de 100 000 élèves du secondaire en milieu défavorisé. Près de 200 écoles se partageront une enveloppe de 125 millions de dollars sur une période de cinq ans. C'est ça, M. le Président, aider les jeunes.

Évidemment, il y a aussi des jeunes qui sont ce qu'on appelle des jeunes qui vivent sans abri. Donc, avec le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, nous avons réussi à avoir une entente qui s'appelle IPAC. Ce programme-là, ce lancement-là que le gouvernement du Parti québécois s'est assuré de faire, donc, c'est de renforcer le volet prévention auprès des populations à risque d'itinérance, donc tout ce qui touche particulièrement les jeunes, améliorer l'état de santé, le bien-être et la qualité de vie de ces personnes itinérantes.

Alors, M. le Président, il est absolument... C'est sûr qu'il faut travailler en concertation avec les organismes communautaires. Et ce que la députée de Mercier m'apportait, c'est TAPAJ, Spectre de rue, donc un organisme communautaire. Ce que je disais ce matin particulièrement, c'est qu'ils ont fait une demande de fonds de lutte. Et, en collaboration avec, je pourrais dire, les représentants et les responsables du Fonds de lutte contre la pauvreté à Montréal et l'organisme en lui-même, donc ils sont en excellente collaboration présentement, et nous attendons une décision du comité régional, il va y avoir une décision le 10 juin prochain pour s'assurer que le Fonds de lutte peut permettre à ces jeunes-là et à cet organisme-là de faire la suite des choses et d'aider nos jeunes parce que nous sommes tous, au Québec, absolument sensibles à la situation des jeunes qui vivent des difficultés. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre, de votre intervention. Et je cède la parole, en vertu de son droit de réplique de deux minutes, à Mme la députée de Mercier. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Nathalie Rochefort (réplique)

Mme Rochefort: Merci, M. le Président. Je vais commencer avec une citation: «Ces programmes manquent parfois de souplesse. Alors, il faut utiliser notre jugement, notre discernement pour être capable de faire en sorte que personne ne tombe dans le vide.» Citation de la ministre en titre de la Solidarité sociale, Mme Linda Goupil.

Je trouve ça particulier que, dans un même gouvernement, on ait deux poids, deux mesures. Alors qu'ici on parle de flexibilité et d'adaptation, on a un projet qui s'adapte de façon particulière à des besoins de 5 000 jeunes qui vivent dans les rues de Montréal et on ne fait rien, on ne l'aide pas, on n'essaie même pas d'appeler.

Et, voyez-vous, ce qui me déçoit le plus, M. le Président, c'est que j'ai parlé avec des responsables de l'organisme à six heures moins cinq, juste avant de m'en venir, et personne, personne du gouvernement du Québec ou du Parti québécois n'a pris la peine de les appeler pour savoir c'est quoi qu'ils font réellement. Je m'attendais, surtout vu que la personne qui me répond aujourd'hui est la ministre déléguée à la Lutte à l'exclusion et à la pauvreté, je m'attendais à ce qu'elle ait personnellement pris le téléphone pour dire: Aïe, il semble y avoir un problème, qu'est-ce que je peux faire pour vous aider? Non. En ça, elle rejoint le reste de son gouvernement. Et je suis excessivement déçue. Je m'attendais à n'importe quoi, sauf ça de sa part. Et les gens du milieu communautaire trouvent ça insultant.

n(18 h 40)n

On demande à des fonctionnaires, encore une fois, qu'est-ce qu'ils ont fait, quelles sont les demandes, quels sont les besoins, quelles sont les solutions; jamais on ne se donne la peine de prendre le téléphone, d'appeler, de demander et d'écouter les principaux concernés, et d'agir en fonction du bon sens des gens. Si la ministre veut faire preuve de bon sens, je lance une invitation. Jeudi, on dévoile le bilan de TAPAJ, au Lion d'or. Je l'invite à 4 heures, jeudi prochain.

Ajournement

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Mercier, de votre intervention. Ceci met fin à nos trois débats de fin de séance. Et je vais ajourner les travaux à demain, mercredi le 22 mai, à 10 heures. Bonne soirée à tous!

(Fin de la séance à 18 h 41)