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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 20 novembre 2001 - Vol. 37 N° 58

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Table des matières

Affaires du jour

Présence de M. Enrico Letta, député de la XIVe Législature italienne
et secrétaire général de l'Agence de recherches et de législation

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes et MM. les députés, nous allons débuter nos travaux par quelques minutes de recueillement.

Alors, je vais vous inviter à vous asseoir. Ça ne fait pas quelques minutes, mais ceux qui veulent poursuivre individuellement, vous pouvez le faire, vous recueillir pour la suite.

Affaires du jour

Alors, j'inviterais M. le ministre à nous indiquer l'ordre du jour, s'il vous plaît.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, veuillez appeler l'article 13 du feuilleton.

Projet de loi n° 44

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 13, M. le ministre responsable de la Faune et des Parcs propose l'adoption du principe du projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur les parcs. Je vais céder la parole maintenant à M. le ministre.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, à titre de ministre responsable de la Faune et des Parcs, je propose à cette Assemblée l'adoption du principe du projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur les parcs. Pour l'essentiel, ce projet de loi vise à ajuster certaines dispositions de la loi actuelle afin qu'elle tienne compte davantage des orientations de développement du réseau des parcs québécois, qu'elle permette un nouveau partenariat à l'égard des services de gestion des opérations, des activités et des services et de la nécessité de mieux positionner le réseau des parcs comme produit d'appel de l'industrie touristique.

Le contexte des années 2000 requiert un recentrage de la mission de conservation et d'éducation des parcs. Un rôle accru leur est dévolu en ce qui a trait à la conservation de la diversité biologique. Le projet de loi prévoit une nouvelle définition du terme «parc» et supprime la classification des parcs à des fins de conservation ou de récréation. On ajoute le qualificatif «national» afin de bien positionner le réseau, de refléter les standards de qualité et de notoriété que l'on associe à de tels réseaux dans le monde.

Afin de tenir compte notamment du contexte de développement des parcs du Nord-du-Québec, ce projet de loi prévoit de nouvelles dispositions permettant, dans un but de partenariat, d'associer les municipalités, les communautés autochtones à la gestion des opérations des activités et des services.

Le réseau actuel des parcs québécois compte 21 parcs, en y incluant le parc marin du Saguenay?Saint-Laurent, pour une superficie totale de 6 384 km². Deux autres parcs sont en voie de création: le parc de Plaisance sera créé dès le début de l'année 2002 et le parc de Pingualuit, au cours des prochains mois. Il s'agira du premier parc nordique créé en territoire inuit. Il respecte les cadres et les obligations de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. J'ai déjà procédé aux audiences publiques, et nous sommes à réaliser les dernières étapes menant à l'adoption des décrets de création.

C'est toujours avec plaisir que je témoigne de mon engagement dans le développement du réseau des parcs québécois. J'ai personnellement présidé les audiences publiques pour la majorité des parcs actuels, soit à un total de 13 sur 23, si j'inclus Plaisance et Pingualuit. J'ai été à même de constater, M. le Président, la volonté des Québécois et des Québécoises de se doter d'un réseau de parcs qui soit représentatif des régions naturelles du Québec ou de sites à caractère exceptionnel, un réseau de parcs qui répond aux mêmes standards que les parcs nationaux implantés partout dans le monde.

Les parcs sont devenus les clés ou les chefs de file des engagements internationaux du Québec en matière de conservation du patrimoine naturel et des attraits à mettre en valeur afin d'améliorer la balance touristique du Québec. Ils représentent nos plus beaux paysages. Ils ont tout le potentiel pour attirer ici les touristes internationaux, particulièrement dans le domaine de l'écotourisme qui est en pleine expansion.

Au cours des deux dernières années, nos efforts de développement ont consisté à compléter le réseau des parcs du Sud avec la création du parc des Hautes-Gorges-de-la-rivière-Malbaie, du parc d'Anticosti et bientôt du parc de Plaisance. Pour les prochaines années, la priorité sera accordée à la création et au développement des parcs du Nord. Le parc des monts Torngat et de la rivière Koroc, le parc des lacs Guillaume-Delisle et à l'Eau claire devraient s'ajouter au parc de Pingualuit. On m'a aussi informé de développements prometteurs pour le projet du parc du lac Albanel, de la rivière Témiscamie et des monts Otish.

n (10 h 10) n

Vous comprendrez, M. le Président, que c'est à la fois à titre de ministre responsable de la Faune et des Parcs, et de ministre responsable des Affaires autochtones, et de ministre responsable du Nord-du-Québec que je veux m'assurer de la réalisation de ces projets. Pour souligner l'importance du développement des parcs du Nord, je rappelle souvent, à titre d'exemple, que les trois projets de parc auxquels j'ai référé précédemment, monts Torngat et rivière Koroc, le lac Guillaume-Delisle et le lac à l'Eau claire, représentent une superficie totale de 14 586 km², soit plus du double de la superficie du réseau actuel.

Le projet de loi propose aussi une nouvelle définition du terme «parc», une définition qui traduit le recentrage de la mission de conservation du réseau des parcs québécois. Un parc sera défini comme un parc national dont l'objectif prioritaire est d'assurer la conservation et la protection permanente des territoires représentatifs des régions naturelles du Québec ou de sites naturels à caractère exceptionnel, notamment en raison de leur diversité biologique, tout en les rendant accessibles au public pour des fins d'éducation et de récréation extensive.

Cette nouvelle définition reprend pour l'essentiel la définition de «parc de conservation» de la loi actuelle en y ajoutant la notion de «diversité biologique» et le qualificatif de «national». La Loi sur les parcs, qui a été adoptée en 1977, donnait au gouvernement le pouvoir de créer deux classes de parc selon la vocation qu'on leur attribuait: les parcs de conservation et les parcs de récréation. Ces deux classes se distinguaient par leur objectif prioritaire et l'intensité des aménagements qui y étaient faits. Le réseau actuel compte 14 parcs de conservation et six parcs de récréation, si on exclut le parc marin. Le dernier parc de récréation créé le fut en 1990.

La situation a beaucoup évolué au cours des 20 dernières années au plan de l'organisation des loisirs. Les municipalités ont été reconnues comme maîtres d'oeuvre. Le Code municipal attribue maintenant aux MRC le pouvoir de constituer des parcs régionaux. Les communautés urbaines se sont donné les moyens légaux et financiers afin d'établir des parcs régionaux. Le secteur privé s'implique dans le développement des différents produits et services reliés aux besoins de récréation et de plein air. Les différents paliers de gouvernement ont pris des engagements à l'échelle nationale et internationale au chapitre de la préservation de la biodiversité. Qu'il suffise de rappeler la Convention des Nations unies sur la diversité biologique qui a été adoptée en 1996 et aussi se rappeler la stratégie québécoise sur les aires protégées mise de l'avant par le gouvernement du Québec en 2000.

D'autre part, au Québec comme ailleurs dans le monde, de nouvelles approches liées à la pratique du tourisme et des activités de plein air sont en pleine progression. L'écotourisme, par exemple, est une forme de tourisme qui consiste à visiter une région dont la nature est relativement intacte ou peu perturbée dans le but de découvrir ses phénomènes naturels, ses manifestations culturelles, ses paysages. Préoccupé d'authenticité, l'écotouriste veut avoir accès à des sites éloignés, sauvages ou uniques. Il veut obtenir des renseignements à caractère éducatif de première qualité, et préfère voyager en petit groupe, et cherche l'occasion de contribuer à la conservation des lieux qu'il visite ainsi qu'au développement économique de la région. Il cherche souvent à partager les traditions des communautés locales.

En bref, il est temps de moderniser notre définition de «parc», de l'adapter au contexte des années 2000. Je rappelle d'ailleurs que, dès 1996, le Comité de relance des parcs québécois avait recommandé que la notion de «parc de récréation» soit retirée de la loi et que chacun des parcs soit désormais désigné «parc de conservation». De l'avis du Comité, la classification actuelle des parcs nuit à l'image d'un réseau dont la raison d'être est d'abord la conservation. Dans les faits, tous les parcs du réseau doivent assurer la protection du milieu naturel.

La présence d'infrastructures plus importantes dans les territoires sous bail de superficie ne représente qu'un très faible pourcentage de leur superficie, je pense au golf et au ski alpin. À titre d'exemple, dans les parcs du Mont-Tremblant et du Mont-Orford, les stations de ski occupent respectivement 1,5 % et 9 % du territoire. Ces deux parcs existaient déjà à titre de parcs provinciaux avant l'adoption de la Loi sur les parcs de 1977. Cette dernière loi les a maintenus et a continué de les régir subséquemment avec des équipements que le public y avait toujours vus: ils en font toujours partie. L'opération de ces équipements est demeurée, pour des raisons d'état de fait, dans les parcs où ils étaient existants, où ils sont toujours existants.

Vous aurez certainement remarqué, M. le Président, que la nouvelle définition comprend également le qualificatif «national». Le Québec est une nation qui dispose d'institutions nationales. Il y a, entre autres, une Assemblée nationale, une Bibliothèque nationale, une capitale nationale; c'est dans l'ordre des choses qu'il ait ces parcs nationaux.

De plus, je tiens à rappeler que les parcs du Québec sont créés en vertu des critères reconnus internationalement pour l'établissement de parcs nationaux. Ces critères ont été formulés par l'Union mondiale pour la nature. Essentiellement, pour être reconnu par cet organisme comme parc national, un territoire doit être protégé intégralement par des mesures législatives de la plus haute autorité compétente. Il doit témoigner des éléments naturels ou culturels représentatifs ou exceptionnels de l'État où il est déployé. Il doit être mis en valeur et rendu accessible à des fins éducatives et de loisirs compatibles, et toute forme d'exploitation commerciale de ses ressources naturelles y est interdite.

Les parcs nationaux représentent les plus authentiques milieux qu'un pays peut offrir à ses visiteurs. Les touristes étrangers recherchent de plus en plus ces destinations. Les écotouristes sont en quête de grands espaces protégés et accessibles qui leur permettront d'en connaître davantage sur les pays qu'ils ont choisi de découvrir. Certains pays, tels les États-Unis, le Costa Rica, l'Australie, le Madagascar, misent sur leurs paysages naturels pour développer leur industrie touristique. Les parcs du Québec sont appelés à être des chefs de file de ce secteur du tourisme québécois.

Mais, au-delà des éléments de définition et de repositionnement des parcs québécois, le projet de loi comprend certaines dispositions pour permettre la délégation de services de gestion des opérations, des activités et des services dans les parcs aux municipalités et aux communautés autochtones. Dans les parcs nordiques et en région isolée, les municipalités et communautés autochtones sont appelées à jouer un rôle déterminant dans tout le processus de planification et de gestion des opérations des parcs québécois. Elles pourraient en quelque sorte, par contrat ou entente, assumer un rôle comparable à celui de la SEPAQ pour les parcs du Sud. Et, afin de permettre cette délégation, nous proposons des dispositions qui réfèrent à l'ensemble des municipalités et communautés autochtones qui pourraient éventuellement être impliquées.

À ce jour, les projets de délégation concernent principalement l'Administration, bien sûr, régionale Kativik en fonction de la mise en opération du parc des Pingualuit. Mais, si nous considérons l'ensemble des territoires déjà mis sous réserve pour fins de création de parcs, d'autres communautés, ou d'autres administrations, ou d'autres municipalités autochtones sont susceptibles d'être concernées.

C'est toujours dans le contexte des besoins spécifiques de développement des parcs du Nord que le projet de loi prévoit que la Société de la faune et des parcs pourrait autoriser des travaux d'entretien, d'aménagement et d'immobilisation à l'extérieur d'un parc, en autant qu'ils sont nécessaires aux opérations de celui-ci.

À titre d'exemple, je pense au parc de Pingualuit qui sera bientôt établi dans le Nord. Sa situation géographique et sa configuration exigent des travaux à l'extérieur du territoire du parc. Le cratère est situé à 120 km de la communauté de Kangiqsualujjuaq. Nous devons construire un sentier pour y accéder, des refuges le long de ce sentier pour la sécurité des visiteurs et un centre d'accueil et d'interprétation.

n (10 h 20) n

Il importe donc de souligner que les autorisations de tels travaux pourront être données sous réserve de toutes les autres dispositions légales applicables sur le territoire visé. La Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Loi sur les terres du domaine de l'État notamment devront en tout temps cependant être respectées. Nous aurons également à démontrer que ces travaux sont requis et même indispensables pour les opérations du parc.

En terminant, tout en sollicitant l'appui de mon collègue de l'opposition pour l'adoption de principe de ce projet de loi, je tiens à rappeler que, de par leur situation géographique, les parcs contribuent à la création d'emplois, au développement des régions du Québec également. Ils s'imposent de plus en plus comme produit vedette des circuits touristiques régionaux. Les retombées économiques des parcs sont plus qu'importantes. Leurs dépenses engendrent des revenus annuels de l'ordre de 26 millions pour le gouvernement du Québec sans compter les effets des travaux d'immobilisation, lesquels ont été majeurs au cours des dernières années, et sans compter aussi les effets induits. Annuellement, c'est plus de 1 100 emplois directs que les parcs contribuent à créer, dont plus de 95 % sont situés en région. C'est donc dire que les parcs nationaux sont un levier économique majeur pour les régions.

Enfin, les modifications que je propose à la Loi sur les parcs s'inscrivent dans le cadre d'un plan général de développement et de mise en valeur du réseau des parcs québécois. M. le Président, je souhaite que cette Assemblée nationale adopte rapidement ce projet de loi qui constitue un avancement pour le développement économique de nos régions parce qu'on les situe avec des hauts standards dans un réseau qui, sur le plan économique, ne peut qu'avoir des retombées positives pour chacune de nos régions où il existe un parc national. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.

M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Et, avant de commencer, M. le Président, je veux juste indiquer que j'interviens comme intervenant, mais que je veux réserver le temps pour le porte-parole, le député d'Argenteuil, qui est en mission avec le président de l'Assemblée nationale cette semaine, alors il ne peut pas participer à nos débats ce matin.

D'entrée de jeu, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur les parcs, Bill 44, An Act to amend the Parks Act. Qu'est-ce qu'on regarde aujourd'hui, c'est, je pense, dans une longue tradition nord-américaine de la protection de la nature, dans l'environnement, la conservation des espaces de nature dans notre société. Alors, je pense que, quand on pense aux États-Unis, où il y a, à la fin du XIXe siècle, des personnes comme John Muir et Ansel Adams qui ont commencé la lutte pour la protection des parcs américains nationaux comme Yosemite et Yellowstone qui sont les grands parcs dans l'ouest des États-Unis...

Au Canada, il y avait également un effet miroir où il y avait les premiers débats pour la conservation des parcs comme Banff et Jasper en Alberta, le parc Tweedsmuir en Colombie-Britannique. Et on voit ça également au Québec, où les parcs comme Forillon, Mauricie et l'Archipel-de-Mingan sont des exemples de parcs qui sont mis de côté par le gouvernement fédéral au Canada, et notamment au Québec, et ils sont des trésors pour le pays. Et c'est la sagesse... Je pense, entre autres, à Gros-Morne, à Terre-Neuve, qui est un parc formidable qui était préservé pour... qui fait partie de l'héritage canadien dans la préservation des parcs.

Mais, même aux États-Unis et au Canada, il y avait un rôle pour soit les États, pour les provinces qui ont aussi contribué à la protection. Et, pour moi, c'est un dossier où on ne peut pas avoir trop d'acteurs, on ne peut pas avoir trop d'intervenants, parce qu'on n'a qu'une occasion dans la vie pour faire la protection d'un espace vert, ou d'une forêt, ou un endroit très, très spécial, et, si on manque le bateau, si on laisse le développement, on n'aura jamais l'occasion pour revenir en arrière. On a juste à penser aux 20 parcs provinciaux qui ont ajouté à notre patrimoine pour la protection et la conservation de la nature, soit le Rocher-Percé, soit Miguasha, soit les autres efforts qui sont faits un petit peu à travers le Québec, certains avec un volet qui était, à l'époque, beaucoup plus de la conservation et d'autres qui ont une valeur beaucoup plus récréative ? on pense au parc du Mont-Tremblant, au Mont-Orford, parc Paul-Sauvé, à Oka, qui sont plus près du tissu urbain, alors ont une vocation accrue de récréation.

Et même, le ministre l'a mentionné dans son discours, on ajoute à ça les villes et les communautés urbaines. Moi, comme Montréalais, je vois le travail fait par la Communauté urbaine de Montréal depuis 25 ans, et il y a des parcs extraordinaires dans mon coin, comme les parcs Cap-Saint-Jacques et Île-Bizard, Bois-de-Liesse. Ce sont trois exemples où on peut trouver un endroit pour faire du vélo, faire de la randonnée, faire du ski de randonnée l'hiver. Alors, ce sont des exemples où effectivement, plutôt que du dédoublement, je pense, comme j'ai dit, il faut encourager le plus possible d'avoir les acteurs dans le domaine, parce qu'on n'a qu'une chance pour préserver la nature et, le moment que la chance est ratée, on ne peut pas revenir en arrière.

Et une bonne nouvelle que le ministre a annoncée, l'ajout de... Je pense que c'est de 14 000 km ? est-ce que c'est ça? ? qu'il va ajouter au réseau. Et, curiosité, c'est un ajout très important d'un député de Lanaudière. Si on regarde au niveau fédéral, son voisin dans la Mauricie, c'est effectivement le premier ministre du Canada, Jean Chrétien, qui a conservé le plus de kilomètres carrés dans l'histoire canadienne. Entre autres, la création des grands parcs fédéraux au Grand Nord canadien qui ont ajouté, peut-être doublé même la superficie des parcs fédéraux au Canada. Alors, peut-être que c'est quelque chose qu'on trouve dans la nature de Lanaudière et la Mauricie qui amène ces élus à faire le plus possible pour la protection de l'environnement et la préservation des parcs.

Et je suis très heureux de voir, dans l'article 1 du projet de loi, qu'on mette la priorité avant tout sur la conservation de la nature, parce que ce n'est jamais un arbitrage très facile. Je pense que le ministre va convenir avec moi que de mettre le volet conservation et la vocation récréative, l'équilibre entre les deux, ce n'est pas toujours facile. Si on est vraiment dans un endroit éloigné, à court terme, c'est quelque chose qui est plus facile. Mais on a juste à penser au parc Banff, par exemple, en Alberta, où la pression ajoutée à l'attrait touristique de construire les hôtels, de construire les routes, de construire davantage, le ski alpin pour attirer davantage les touristes à Banff qui est un des bijoux dans l'attrait touristique canadien, la pression est toujours très forte. On a pensé au parc Stanley, à Vancouver, en Colombie-Britannique, où c'est le même combat toujours de préserver les arbres mais en même temps, parce que c'est le deuxième volet de nos parcs, de s'assurer un accès démocratique au plus grand nombre de personnes dans notre société. On veut que le monde aille voir nos rivières, nos forêts, nos montagnes, nos lieux qui sont vraiment les trésors de notre collectivité. On veut assurer que le monde a accès, mais on veut à tout prix changer le moins possible les endroits.

Et on a juste à penser à Mont-Tremblant. Mont-Tremblant est différent aujourd'hui, avec l'arrivée d'Intrawest, au niveau de la création d'emplois, au niveau d'un attrait touristique accru pour les Laurentides. Je pense qu'on a tout intérêt de voir l'investissement d'Intrawest et les autres acteurs dans la région de Mont-Tremblant... Mais qu'est-ce qui s'amène avec ça? C'est les grands terrains de golf. Ça, ce n'est pas la nature. C'est peut-être agréable, mais ce n'est pas la nature, c'est la circulation, c'est la construction, c'est les arbitrages difficiles qu'il faut toujours faire entre la conservation et le développement d'une offre touristique qui est rentable pour les régions, qui est importante pour les régions, qui va créer les emplois. Alors, cet arbitrage n'est jamais facile.

n (10 h 30) n

Alors, de voir que, dans le parc national, l'objectif prioritaire est d'assurer la conservation et la protection permanente du territoire représentatif des régions naturelles du Québec ou des sites naturels à caractère exceptionnel, moi, je pense, l'opposition officielle se réjouit qu'on va mettre la priorité avant tout sur la conservation. Mais ce n'est pas à dire qu'on va mettre quelque chose dans un de nos projets de loi que ces problèmes sont tous réglés. Et, comme je dis, ces arbitrages nécessaires entre la conservation et le développement récréatif, ce n'est jamais facile, parce que, quand on décide d'ouvrir les portes d'une façon démocratique, il y a les conséquences dans la construction des routes, il faut établir un réseau de sentiers ou des pistes cyclables ou la facilité pour le ski de randonnée, il faut aménager les sites de camping, il faut donner certains accès aux commerces, comme les restaurants, les dépanneurs, peut-être la personne qui s'occupe de la location d'équipements récréatifs, et tout le reste. Alors, je pense que c'est très important d'envoyer un message clair de l'Assemblée nationale que, entre ces arbitrages, c'est toujours plus important d'insister sur le volet conservation, que ça, ça va être vraiment la priorité, et d'envoyer ça. Parce que...

Et j'ai cherché dans mon dictionnaire anglais-français et je n'ai pas trouvé un mot en français qui est l'équivalent du mot en anglais «wilderness». «Wilderness», c'est... Qu'est-ce que j'ai trouvé, c'est «une étendue déserte ou sauvage». Mais la notion, en anglais, c'est beaucoup plus riche, c'est vraiment un territoire vierge, c'est vraiment un territoire que à tout prix il faut conserver. Et je pense...

Une voix: ...

M. Kelley: Inexploré. Mais «wilderness», comme j'ai dit, c'est vraiment un mot qui est très important... de conserver la protection de nos espaces, notre «wilderness» québécois. Et je pense qu'on a tout intérêt, comme on voit dans l'article 1 du projet de loi n° 44, de mettre en évidence que la priorité, c'est la conservation. Parce qu'il y aura toujours de la pression pour le développement récréatif, il y aura toujours... construire une auberge, construire un «bed-and-breakfast», faire les... mêmes les pistes cyclables, que j'aime utiliser beaucoup. Mais, entre ça et essayer de faire la protection, la préservation, je pense qu'il faut toujours miser sur la conservation.

Peut-être un autre petit... Parce que, quand je compare la version en anglais avec la version française, une chance que j'ai trouvé la définition, parce que, dans l'article 1, on parle de la notion de la «récréation extensive». Et, en anglais, on parle d'«extensive recreation». Et, en anglais, ça veut dire beaucoup de récréation. Mais, quand je vois la définition «récréation extensive»: «un type de récréation caractérisée par une faible densité d'utilisation de territoire et par l'exigence d'équipements peu élaborés», alors peut-être, nos traducteurs, je trouve que «extensive recreation» ne donne pas du tout le même sens que la définition en français. Alors, peut-être qu'il y a quelque chose à changer dans tout ça.

Je vais maintenant mettre le chapeau de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires autochtones et saluer les efforts du ministre pour créer la possibilité d'offrir la gestion du parc de Pingualuit, qui est à 120 km de Kangiqsualujjuaq, au Grand Nord du Québec, à l'Administration régionale de Kativik. Je pense, étant un Québécois qui a eu le privilège de voir le cratère du Nouveau-Québec d'un avion au moins, c'est vraiment exceptionnel. Et, la dernière fois que je l'ai vu, c'était au mois de septembre, il y avait des oies blanches qui étaient dans l'air et c'était vraiment extraordinaire.

Alors, le projet qui est devant nous comprend la possibilité d'offrir la gestion du parc Pingualuit aux Inuits, et je pense qu'on a tout intérêt d'aller de l'avant, parce que c'est vraiment, au niveau planétaire, un trésor pour le Québec, d'avoir ce cratère au Nord-du-Québec. Et le projet de construire un parc autour avec les routes d'accès, routes entre guillemets ? ce n'est pas l'autoroute 20 qu'on va construire ? mais au moins les sentiers pour les véhicules hors route qui vont lier Kangiqsualujjuaq au cratère du Nouveau-Québec, je pense qu'on a tout intérêt, parce que c'est un cercle parfait, avec des eaux qui sont d'un bleu que je n'ai jamais vu ailleurs. Alors, c'est vraiment une occasion en or pour le Québec de faire la protection.

Juste une couple de questions pour le ministre, qu'on va soulever en commission parlementaire, qui rejoignent un petit peu les questions qu'on aimerait soulever, aux amendements que le ministre veut proposer à un autre projet de loi qui est devant l'Assemblée, le projet de loi n° 7 sur la voirie. Mais c'est dans le troisième paragraphe du nouvel article 6 qui est dans le projet de loi, où c'est la question d'effectuer les travaux visés au deuxième alinéa, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur d'un parc, et, dans ce dernier cas, sous réserve des dispositions légales applicables. C'est la question pour soit Administration régionale Kativik, ou l'administration régionale crie, ou un conseil de bande d'effectuer les travaux à l'extérieur des parcs ou sur les routes d'accès d'un parc. Et c'est juste une question, M. le Président, de s'assurer qu'on n'est pas en train de créer une concurrence déloyale et qu'on veut juste s'assurer que les règles du jeu quant à l'appel d'offres et les autres choses sont respectées dans l'octroi de ces genres de contrats.

Mais, encore une fois, l'exemple qui est cité par le ministre, c'est... De toute évidence, les camions dans le Grand Nord québécois sont plus nombreux. Alors, si on veut faire une route d'accès, ça va être à partir des équipements qu'on trouve à Kangiqsualujjuaq, on n'a pas d'autre choix. Mais, dans les autres endroits où nos parcs sont en région, il faut juste s'assurer qu'il n'y a pas une concurrence déloyale entre eux autres. Mais, pour le projet de la création d'un parc à Pingualuit et la préservation et la conservation du cratère du Nouveau-Québec, je pense que c'est vraiment un grand pas en avant, et, des deux côtés de la Chambre, on ne peut qu'applaudir ça.

Et juste une parenthèse avant de terminer, M. le Président. Je veux revenir sur la grande politique nord-américaine, je pense qu'on peut dire, pour la création des parcs nationaux, soit Yosemite, en Californie, Yellowstone, au Wyoming, le parc Banff, en Alberta, nos grands parcs au Québec. C'est d'insister sur l'importance d'un accès démocratique, parce que c'est une décision collective de faire la conservation de ces espaces verts, ces forêts, ces lieux qui sont, d'une certaine façon ou autre, spéciaux. Et on a la tendance, qu'on constate, d'aller de plus en plus vers les tarifs, d'arrêter les personnes à l'entrée de nos parcs et leur charger un 5 $, un 10 $, un 15 $. Et je pense qu'il faut être très prudent, parce qu'on a vu ça dans les parcs de la Communauté urbaine de Montréal où on a commencé à ajouter les tarifs. Et, comme contribuables, nous avons déjà payé une fois pour conserver, pour, au besoin, exproprier ces terrains, et d'exiger un deuxième tarif risque de mettre en péril la notion d'un lieu public et démocratique. Et, un petit peu comme j'ai plaidé dans le passé pour nos bibliothèques, qui sont également des lieux publics et démocratiques, où un tarif, on n'a pas vraiment... Je pense qu'il faut à tout prix éviter les tarifs dans nos bibliothèques. Je pense que le même principe s'applique pour nos parcs nationaux, qui vraiment sont les endroits, sont l'héritage de l'ensemble de la société québécoise, et, dans la mesure du possible, on veut éviter qu'il y ait des tarifs qui puissent limiter l'accès à certaines couches de la société.

In conclusion, Mr. Speaker, Bill 44, which is before the House this morning, has two principles. The first principle, which is an important one, will make sure that the priority in the creation of parks in Québec will be the conservation of the territory. We know that the parks currently have two definitions. They are there for conservation, they are there as well for recreation, and the relationship between the two is never an easy one to manage. There will always be pressure from people who want to improve the tourists' attraction of a region or of a park or an area, to build hotels, to build bicycle paths, to build more roads to lead access into a park. So, I think we have to make sure that the message we send to the people who will manage the parks of Québec is that the priority is conservation. The priority is to try to keep as pristine and as wilderness as possible these parts while at the same time making sure that people have a democratic and free public access. These are public spaces. It's a word that is losing a bit of its sense over time as the private sector and all sorts of other forces try to undermine our notion of public, but I think that «public» is a very important word, I think our public parks are an example of a place where all Quebeckers, rich, poor, young, old, tall, small, it doesn't matter, everyone should have an equal access to our public spaces. Our parks are an excellent example.

n (10 h 40) n

Finally, Mr. Speaker, the Bill includes provisions to allow co-management or management of the new park which will be created around the crater in the Ungava Peninsula, «le cratère du Nouveau-Québec», with the Kativik Regional Government, and, again, we can only applaud this. I'm one of the Quebeckers who has been lucky enough to fly over the crater. It is an extraordinary geological formation, the creation of a meteorite many centuries ago, and it has to be seen in it's beauty, and the fact that we will allow, in partnership with the Inuit administration in Northern Québec, to develop a park around the crater, I think, is something that makes everyone in this House... it's good news for the conservation of that very special place in Québec.

Alors, en terminant, je vais juste dire, au nom de l'opposition officielle, notre intention de voter pour le projet de loi n° 44. On se réjouit du fait qu'on veut mettre en évidence le volet de conservation qui est mis en valeur dans l'article 1. On est également très heureux de voir la possibilité d'une cogestion ou d'une gestion qu'on va transférer à l'Administration régionale Kativik pour le parc de Pingualuit, qui est à côté de Kangiqsualujjuaq. Alors, ça, ce sont les éléments qui sont très importants.

On a quelques questions sur comment on va s'assurer l'arrimage entre la vocation conservation et la vocation récréative, qui est toujours difficile. Je pense, même si on met dans la loi qu'un est la priorité, ça va avoir des nuances en différents parcs. Alors, on a tous intérêt de questionner le ministre davantage, mais on est en principe en faveur du principe du projet de loi n° 44. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Le prochain intervenant, M. le ministre d'État à l'Environnement et à l'Eau.

M. Boisclair: Je ferais motion pour ajourner le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est-elle adoptée? Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Alors, M. le Président, je vous prierais de prendre en considération l'article 4 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 10

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 4 du feuilleton, M. le ministre du Revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 10, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives. M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Guy Julien

M. Julien: Alors, M. le Président, je soumets à cette Assemblée pour qu'elle en adopte le principe le projet de loi n° 10 intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives.

Ce projet de loi a pour objet de modifier la législation fiscale afin d'y apporter des modifications de nature technique. Il modifie cinq lois afin de donner suite à un mémoire présenté au Conseil des ministres qui recommandait de présenter à l'Assemblée nationale un projet de loi modifiant diverses lois fiscales pour y apporter des modifications à caractère technique. Premièrement, ce projet de loi modifie la Loi concernant l'impôt sur le tabac, la Loi sur les licences et la Loi concernant la taxe sur les carburants afin que les règlements édictés en vertu de ces lois puissent prendre effet à une date antérieure à leur publication mais non antérieure à la date d'entrée en vigueur de la disposition législative dont ces règlements découlent.

Deuxièmement, ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère du Revenu notamment pour prévoir qu'un fonctionnaire du ministère du Revenu que le ministre autorise à cette fin, dans l'exercice de ses fonctions, puisse faire prêter le serment qu'un commissaire à l'assermentation nommé en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires... pour faire en sorte que les dispositions relatives à la suspension des mesures de recouvrement ne s'appliquent pas dans certains cas afin de faciliter la récupération des sommes d'argent saisies par un agent de la paix aux fins de l'application du droit criminel et pour faire en sorte qu'aux fins de cette récupération le ministère puisse ordonner que le montant dû soit payé immédiatement sur cotisation.

Troisièmement, afin de préciser certaines dispositions relatives au délai de paiement applicable lors d'une cotisation, au délai d'opposition à une cotisation et à l'appel sommaire d'une cotisation à l'égard des cotisations émises dans l'application de ces dispositions.

Enfin, afin de modifier la condition relative à l'impossibilité d'agir dans le cadre d'une demande de prorogation du délai d'appel à la Cour du Québec, afin de créer une infraction à l'égard d'une personne qui contrevient à une ordonnance rendue par un tribunal en vertu de l'article 61.1. et afin de créer une infraction spécifique concernant une personne qui volontairement omet de payer, de déduire, de retenir, de percevoir, de remettre ou de verser un droit et qui, relativement à ce droit, omet de produire une déclaration.

Troisièmement, ce projet de loi modifie La Loi sur le remboursement d'impôts fonciers afin d'ajuster la disposition relative au délai d'appel d'une décision rendue par le ministre du Revenu sur une demande de remboursement d'impôts fonciers.

Quatrièmement, ce projet introduit une disposition interprétative qui vient préciser que le principe d'incessibilité prévu à l'article 33 de la Loi sur le ministère du Revenu ne s'applique pas à l'égard d'un montant que le ministre du Revenu a remis au Curateur public dans le cadre de l'administration provisoire des biens d'une personne.

Finalement, ce projet de loi modifie la Loi concernant la taxe sur les carburants afin d'élargir le pouvoir du ministre du Revenu de conclure des ententes. Ceci constitue l'essentiel du projet de loi. Nous aurons l'occasion d'examiner plus en détail les sujets abordés dans ce projet de loi en commission parlementaire.

J'invite donc, M. le Président, les membres de cette Assemblée à adopter le principe du projet de loi n° 10 intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre du Revenu. Je vais céder la parole maintenant à Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.

Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Alors, merci, M. le Président. Alors, nous abordons aujourd'hui l'adoption du principe du projet de loi n° 10, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives.

Qu'est-ce que, M. le Président, ce projet de loi? Eh bien, le projet de loi n'est ni plus ni moins qu'un projet de loi omnibus, parce qu'il édicte un certain nombre de modifications qu'on dirait disparates. En fait, il a pour but de modifier différentes lois afin de faciliter le travail du ministre du Revenu. On a l'habitude, au ministère du Revenu, vous savez, M. le Président, de présenter des projets qui sont techniques, complexes, difficiles à comprendre, et celui-ci n'y échappe pas. La différence la plus notable entre ce projet de loi et ceux dont on a coutume d'étudier, c'est son épaisseur, M. le Président. Alors, contrairement à l'habitude, il tient sur huit pages et contient 29 articles, alors que le projet de loi n° 175, qu'on devrait étudier sous peu aussi, comporte, par exemple, 290 articles écrits sur 275 pages, une amélioration notable.

Le projet de loi modifie, le ministre l'a dit, la Loi concernant l'impôt sur le tabac, la Loi sur les licences, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi sur le remboursement d'impôts fonciers et la Loi concernant la taxe sur les carburants.

Bien que ce projet de loi, M. le Président, comporte peu d'articles, il n'en demeure pas moins qu'il soulève plusieurs questionnements sur les pouvoirs que le ministère du Revenu tente de s'accorder en dépit ? en dépit, M. le Président ? des règles de justice naturelle que doivent normalement refléter nos projets de loi. Par exemple, l'article 1 modifie la Loi concernant l'impôt sur le tabac, l'article 2 modifie la Loi sur les licences et l'article 26 modifie la loi sur les carburants. Eh bien, ces trois articles vont faire en sorte, M. le Président, si on les adopte tels quels, que les règlements qui sont publiés dans la Gazette officielle en vertu de ces trois lois pourront désormais entrer en vigueur à une date antérieure à leur publication. Ces trois articles de ce projet de loi vont donc faire en sorte de dispenser le ministre d'édicter des dispositions législatives dérogatoires permettant de donner effet aux règlements à une date antérieure à l'année de leur publication et d'accorder, pour cette raison, un suivi au projet de loi en cours d'adoption, ce qui réduit, on le comprendra, le volume législatif.

n (10 h 50) n

Voilà, M. le Président, une démonstration très éloquente encore une fois des abus de pouvoir que l'on rencontre très souvent au ministère du Revenu du Québec. Et c'est toujours inacceptable. C'est comme si on disait aux contribuables corporatifs du Québec ? parce que ce sont eux qui sont touchés par ces trois lois-là: Bien, va te promener sur le champ de mines, puis je te dirai après où j'avais posé les mines; en attendant, bien, essaie de ne pas sauter.

Je veux bien croire, M. le Président, que le règlement ne peut pas entrer en vigueur avant l'adoption du projet de loi, mais il n'en reste pas moins que, ça, ça signifie que les autorités du ministère du Revenu pourraient sanctionner avec des pénalités lourdes les gestes d'un contribuable sur la base d'un règlement qui n'était pas adopté et qui n'existait même pas au moment où ce contribuable-là a commis les gestes. C'est grave, ça, M. le Président.

Par ailleurs, à défaut de publication, on comprendra qu'il est difficile pour le contribuable de se gouverner dans le respect des règlements. Voici d'ailleurs ce que nous dit le bâtonnier du Québec, M. François Gervais, dans une lettre qu'il adressait le 4 juin dernier au ministre du Revenu à ce sujet, et vous me permettrez de le citer. Il dit: «Cette situation est peu compatible avec les principes de transparence de la loi et des règlements et avec la règle de primauté du droit dans une société comme la nôtre. De telles dispositions sont susceptibles d'entraîner des abus et des injustices.» Fin de la citation, M. le Président.

M. le Président, ces quelques mots ont une grande portée et ils doivent être pris au sérieux. Le gouvernement du Parti québécois devrait écouter ce que lui dit le premier officier du Barreau du Québec et retirer ces trois articles du projet de loi. Parce que, est-ce que ces trois articles de loi vont faire en sorte de faciliter l'observance fiscale, tel que mentionné dans les orientations du plan stratégique 2001-2003 du ministère du Revenu? Bien, il est évident que non. Est-ce que ces trois articles vont faire en sorte de répondre au principe d'équité contenu dans Charte des droits des contribuables et des mandataires, qui stipule que le ministère du Revenu du Québec s'engage à appliquer les lois et les règlements de la même manière pour tous? Eh bien, encore là, nous devons répondre par la négative. Pourquoi les contribuables corporatifs, qui sont sous l'égide des lois, devraient-ils faire face à une menace de représailles pour des règlements qui n'étaient pas en vigueur? C'est là, M. le Président, vous en conviendrez avec moi, un déni de justice.

Est-ce que ces trois articles font en sorte également de répondre au principe d'accessibilité aux services et à l'information contenu dans la Charte des droits des contribuables et des mandataires et qui stipule ? je cite: «Afin de permettre à chacun des contribuables ou mandataires de s'acquitter de ses devoirs fiscaux, le ministère s'engage à fournir une information claire et précise en temps opportun»? «En temps opportun», M. le Président, ça ne signifie pas lors de la publication dans la Gazette officielle, mais rétroactivement. Ça signifie au moment où ça rentre en vigueur. La réponse à cette question, comme je l'ai dit, c'est encore non. Comment le fait qu'un règlement puisse entrer en vigueur avant sa publication dans la Gazette officielle puisse correspondre à cet engagement de fournir l'information en temps opportun? Est-ce que ces trois articles vont faire en sorte d'améliorer la qualité des services aux citoyens du Québec? Mais absolument pas, M. le Président.

Voyons maintenant l'article 4 de ce projet de loi, qui traite de l'article 11 de la loi actuelle sur le ministère du Revenu du Québec. L'article 11 de la Loi du ministère du Revenu prévoit qu'une personne que le ministre du Revenu autorise pourra faire prêter les serments qu'une personne peut être appelée à prêter en vertu d'une loi fiscale ou d'un règlement édicté en vertu d'une telle loi; par exemple, les affidavits des fonctionnaires pour l'application des articles 79 à 83 de la loi.

L'article 4 propose donc de modifier l'article 11 de la Loi sur le ministère du Revenu afin de prévoir qu'une personne autorisée par le ministre puisse faire prêter le même serment qu'un commissaire à l'assermentation nommé en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Or, M. le Président, les articles 219 et 220 de la Loi sur les tribunaux judiciaires autorisent différentes personnes à faire prêter le serment, comme, par exemple, un avocat, un notaire, un juge, un conseiller d'une municipalité, le greffier d'une cour, un chef de poste et un curé.

Par ailleurs, il existe peu d'exemples dans d'autres lois, sauf dans les cas suivants: l'article 112 de la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal et l'article 83 de la Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal qui prévoient que, dans l'exercice de leurs fonctions, les directeurs de service et leurs adjoints sont autorisés à faire prêter le même serment qu'un commissaire à l'assermentation nommé en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Eh bien, c'est ce que vise à faire l'article 4 du projet de loi n° 10. Cet article fait en sorte de faciliter l'application des lois fiscales, on le comprendra, et c'est tout à fait acceptable, à mon avis. Toutefois, il y aura lieu de questionner le ministre pour savoir si ces nouveaux commissaires à l'assermentation seront nommés formellement, comme les autres, et devront répondre aux mêmes exigences, à savoir: ne pas avoir eu de dossier criminel et payer des frais de 20 $ par année, comme les autres.

L'article 6 du projet de loi, maintenant, M. le Président, modifie la loi de façon à ce que les fiducies paient les sommes qui sont dues au ministre dans un délai de 45 jours suivant la date du dépôt à la poste de l'avis de cotisation. C'est le cas, par exemple, pour tous les particuliers, mais ce délai ne s'applique pas pour les fiducies. Toutefois, les systèmes informatiques du ministère du Revenu accordent ce délai de 45 jours pour payer les montants mentionnés sur les avis de cotisation qui leur sont expédiés. Alors, ici, c'est une simple formalité. Il s'agit de rendre légale une pratique qui était d'ailleurs déjà en vigueur au ministère du Revenu et d'ajouter à la liste des avis de cotisation visés par la Régie, de 45 jours, là, ces avis de cotisation qui sont émis en application de la Loi sur l'assurance maladie du Québec.

L'article 7, M. le Président, du projet de loi n° 10 prévoit pour sa part que le ministre, qui peut déjà ordonner que soient payées immédiatement les sommes dues par des contribuables qui tentent d'éluder l'impôt, puisse saisir des sommes appartenant à une personne qui ont été saisies par un agent de la paix en application du droit criminel et qui doivent être restituées.

En fait, M. le Président, dans la situation actuelle, la loi, suite au projet de loi n° 390 que j'avais déposé en décembre 1999 et qui a été par la suite adopté par le gouvernement avec le projet de loi n° 141... eh bien, on se rappelle, le ministre du Revenu est venu suspendre les mesures de recouvrement lorsque les contribuables décident de se prévaloir de leur droit d'opposition. Mais cette disposition-là ne s'applique pas au cas où le ministre est d'avis qu'une personne tente d'éluder l'impôt. Cette disposition de la loi fait donc en sorte que, durant la période d'opposition, d'appel, et pendant le délai pour interjeter de tels appels aussi, le ministère ne peut plus exiger le versement des sommes d'argent saisies par un agent de la paix aux fins de l'application du droit criminel.

n (11 heures) n

À l'article 17.0.1 de la Loi sur le ministère du Revenu, un juge peut toutefois accorder au ministre l'autorisation de prendre toutes les mesures afin de recouvrer le montant impayé. Le juge accorde l'autorisation s'il est convaincu qu'il existe des motifs sérieux de croire que le gouvernement peut être compromis dans la récupération de ces sommes. Dans ce cas, le ministre peut ordonner que le montant dû, y compris les intérêts et les pénalités, soit payé immédiatement sur cotisation. Le projet de loi n° 10 ajoute donc, crée, si vous voulez, l'article 27.0.2 de la Loi sur le ministère du Revenu. Il crée un nouvel alinéa concernant les sommes qui sont saisies aux fins de l'application du droit criminel et qui doivent être restituées.

Alors, voyons, M. le Président, ce que dit le bâtonnier du Québec, M. Francis Gervais, à ce sujet dans sa lettre adressée au ministre du Revenu le 4 juin dernier: «Nous comprenons l'importance et la nécessité d'accorder au ministre les pouvoirs requis pour recouvrer les sommes dues à l'État. À défaut de prévoir le recours obligatoire à un juge pour l'obtention de l'ordonnance, n'y aurait-il pas lieu de circonscrire et de baliser davantage l'article 27.0.2 pour éviter les abus potentiels de l'administration et respecter davantage l'esprit d'équilibre et d'équité procédurale introduit par le projet de loi n° 141?» qui, en passant, faisait suite au projet de loi n° 390 que j'avais déposé en décembre 1999.

Le bâtonnier poursuit, et je le cite: «Pour donner ouverture à l'ordonnance prévue au premier alinéa de l'article 27.0.2, le ministre ne devrait-il pas avoir des motifs sérieux de croire qu'une personne tente d'éluder l'impôt? Par ailleurs, le nouvel alinéa ajouté à l'article 7 du projet de loi n° 10 doit-il automatiquement donner ouverture à l'ordonnance sans égard à l'existence de motifs sérieux de croire que le recouvrement peut être compromis?» Eh bien, M. le Président, le bâtonnier conclut sur ce sujet en disant, et je le cite encore: «À notre avis, l'article 27.0.2 de la Loi sur le ministère du Revenu actuellement en vigueur et l'alinéa proposé par l'article 7 du projet de loi n° 10 doivent être réexaminés dans l'optique d'atteindre un meilleur équilibre entre les pouvoirs de l'administration et les droits des citoyens.» Fin de la citation.

Encore une fois, M. le Président, nous nous retrouvons devant un cas d'abus potentiel du ministère du Revenu sur les droits des citoyens, les droits des citoyens à une pleine défense sans menace quant à leur capacité financière d'assumer cette défense. C'est une question très délicate, M. le Président, parce que, ici, le ministère du Revenu du Québec tente de se donner des pouvoirs supérieurs à ceux d'un juge qui aurait statué par exemple qu'il n'y a pas matière à saisie en vertu du droit criminel et que les sommes saisies doivent être restituées à la personne. La preuve de culpabilité n'ayant pas été faite, donc le ministère devrait continuer à être autorisé par un juge d'un tribunal pour pouvoir saisir ces sommes que le juge a déjà dit qu'elles devaient être restituées à la personne.

J'invite donc le ministre à apporter un amendement à l'article 7 du projet de loi pour tenir compte de cet équilibre si important entre les droits du ministère du Revenu de percevoir les sommes qui lui sont dues et ceux du contribuable de pouvoir assumer une pleine défense. Il s'agit, M. le Président, vous en conviendrez avec moi, de principes fondamentaux de droit.

Pour sa part, l'article 11 maintenant du projet de loi n° 10 vient créer de nouvelles infractions pénales passibles d'amende de 800 $ à 10 000 $ et d'une peine d'emprisonnement d'au plus six mois. Parmi ces nouvelles infractions, on retrouve notamment l'omission de produire une déclaration ou encore l'action d'empêcher un individu de s'acquitter de ses tâches prescrites par cette loi. Là-dessus, M. le Président, il faudra nous assurer... Le ministre devra nous donner les assurances que les personnes qui reçoivent des prestations de l'aide sociale ne seront pas visées par cet article ou encore tous ceux qui reçoivent un revenu non imposable. Je ne le crois pas, là, je ne crois pas que ce soit le cas, mais je pense qu'il m'appartient de m'en assurer. On aura l'occasion de faire ça lors de l'étude détaillée du projet de loi.

Examinons maintenant les articles 12 et 13 du projet de loi, qui traitent d'une infraction pour omission de produire une déclaration. On crée ainsi, M. le Président, une nouvelle infraction assortie d'une amende d'au moins 1 000 $ et d'au plus 2 500 $ pour les personnes qui volontairement omettent de payer, de déduire, de retenir, de percevoir, de remettre ou de verser un droit établi en vertu d'une loi fiscale et qui, relativement à ce droit, omettent de faire une déclaration, conspirent avec une personne pour commettre une telle infraction.

Actuellement, M. le Président, la Loi sur le ministère du Revenu du Québec ne prévoit pas de sanction pénale pour ces gens-là. La solution proposée a donc un effet dissuasif à l'égard des personnes qui sont peu respectueuses des lois et des règlements du ministère du Revenu. Généralement, là, M. le Président, il s'agit ici des vrais fraudeurs.

À cet égard, le Barreau du Québec a émis aussi des réserves, à savoir: celui qui paie et produit ses rapports en retard sera-t-il visé par cette nouvelle infraction? Une pénalité aussi sévère dans ces circonstances leur semblerait nettement excessive et le Barreau souhaite que des précisions soient apportées à ce sujet. Je vois M. le président me faire des signes à l'effet qu'il me reste 10 minutes; on est à l'adoption du principe...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, mais enfin, c'est... Écoutez...

Mme Leblanc: Nous sommes à l'adoption du principe, et je crois que je dispose d'une heure, n'est-ce pas?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mais je crois que le député de Jacques-Cartier a mentionné tantôt que c'était le député d'Argenteuil qui était le... Ah! c'est l'autre, excusez-moi. Alors, très bien, vous êtes la porte-parole officielle, excusez-moi.

Mme Leblanc: Oui, exactement, je suis la porte-parole officielle. Exact.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, les choses changent tellement rapidement que... Je m'excuse.

Mme Leblanc: Alors, on dit que, à cet égard, le Barreau du Québec a aussi mis des réserves, à savoir: celui qui paie et produit ses rapports en temps sera-t-il visé par cette nouvelle infraction? Parce qu'une pénalité aussi sévère que 800 $ à 10 000 $, eh bien, dans ces circonstances semblerait nettement excessive, et le Barreau souhaite que des précisions soient apportées à ce sujet.

Les lois fiscales québécoises et canadiennes contiennent des dispositions similaires concernant l'évasion fiscale. Ces dispositions sont très semblables, sauf que les amendes, on le sait, sont toujours beaucoup plus sévères au Québec qu'au fédéral. En effet, au fédéral, il est prévu que l'amende doit varier entre un minimum de 50 % et un maximum de 200 % des droits éludés. Le minimum monte à 100 % pour les cas très lourds qui font l'objet de poursuites par mise en accusation.

Le but de ces nouveaux articles 12 et 13 serait donc de remédier à une controverse jurisprudentielle qui existe depuis les jugements rendus dans les affaires Béton St-Pierre, Létourneau, Service Acier Inoxydable Couture. Le genre de controverse dont il est question ici, c'est le cas d'un contribuable mandataire qui décrit correctement dans ses livres les taxes à payer et qui indique également de manière concrète, correcte, les taxes à payer dans les formules qu'il transmet au ministère du Revenu, soit trimestriellement ou mensuellement, mais qui volontairement omet de remettre la taxe à la date visée. Ça peut arriver, M. le Président, pour toutes sortes de raisons et qui ne sont pas nécessairement... qu'on ne doit pas nécessairement relier à des cas de fraude ou d'abus, là.

n (11 h 10) n

Dans le passé, le ministère du Revenu a tenté à quelques reprises de poursuivre en évasion fiscale des contribuables qui se sont retrouvés dans une telle situation en prétendant que le fait de ne pas remettre la taxe constitue de l'évasion fiscale. En fait, M. le Président, il ne s'agissait pas, pour le contribuable, de faire de l'évasion fiscale, puisqu'il déclarait formellement dans ses formulaires les taxes qu'il devait remettre au gouvernement. Il ne remettait pas, peut-être, à la date fixée, il ne joignait pas le chèque avec sa déclaration, donc il n'y avait aucune présomption de faire de l'évasion fiscale dans ces cas-là.

Dans chaque cas, le Tribunal a répondu au ministère du Revenu du Québec que le simple fait de ne pas remettre la taxe en l'absence d'autres circonstances constituait un stratagème ou un artifice, mais ce n'était pas suffisant pour constituer une infraction d'évasion fiscale. Or, tel que présentement rédigé, le nouvel article 62.0.1 proposé répondrait de manière claire à cette controverse. Je crois, moi, que la communauté fiscale serait d'accord avec l'adoption d'une telle disposition, d'autant plus qu'il en existe une similaire dans la Loi sur la taxe d'accise fédérale, soit l'article 329.

Mais il y a toutefois deux grosses différences, M. le Président, entre l'article 329 de la Loi sur la taxe d'accise fédérale et le nouvel article 62.0.1 proposé, qui semble, lui, s'inspirer de cette disposition. La première grosse différence, c'est que le fédéral, lui, semble considérer le simple défaut de remettre comme une infraction moindre, puisque l'amende prévue est une amende de 1 000 $ plus un pourcentage de la taxe remise pouvant aller jusqu'à un maximum de 20 %. Pour ce qui est du provincial, la modification de l'article 63 de la Loi sur le ministère du Revenu, proposée par l'article 13 du projet de loi n° 10, indique que le provincial considère cette infraction comme aussi grave que l'infraction d'évasion fiscale prévue à l'article 62, puisque le barème d'amende est le même, à savoir, d'une part, 1 000 $ à 25 000 $, et, d'autre part, un pourcentage des droits éludés variant entre 125 % ou 200 %.

Bien, en d'autres mots, M. le Président, le minimum proposé par le provincial est juste, mais juste six fois plus élevé que le maximum prévu au fédéral, et le maximum proposé par le gouvernement provincial, le ministère du Revenu du Québec, est 10 fois plus élevé que le maximum proposé par le fédéral. Alors, il y aurait sans doute lieu de préciser, M. le Président, lorsque nous procéderons à l'étude détaillée de ce projet de loi là, pourquoi le provincial veut se montrer aussi sévère, pourquoi il a si faim. Est-ce que c'est parce que la ministre des Finances a dit dans son dernier budget, qu'elle a présenté le 1er novembre dernier, qu'il fallait absolument que le ministère du Revenu aille chercher encore plus d'argent dans les poches des contribuables pour éviter l'évasion fiscale, alors qu'ici, bien, il est évident qu'on ne parle pas d'évasion fiscale, M. le Président.

La deuxième grosse différence touche la prescription de l'infraction dans le texte proposé du paragraphe 62.0.1. En effet, le fédéral parle de défaut de payer, de percevoir ou de verser, alors que le provincial, lui, ajoute aussi le défaut de faire une déclaration ou un rapport en temps utile. Bien là, ça, ça pourrait entraîner des conséquences assez drastiques. Ainsi, théoriquement, un contribuable qui, volontairement, produirait sa déclaration 15 jours en retard, par exemple ? ça peut arriver, ça, M. le Président ? mais qui remettrait à cette occasion le plein montant des droits payables, bien, il pourrait être inculpé de l'infraction, puisqu'il a volontairement produit sa déclaration en retard. Mais, puisque, au moment où le contribuable aurait dû produire la déclaration, les droits n'étaient pas encore payés, le contribuable, en vertu du projet de loi qu'on tente de nous passer, pourrait théoriquement, M. le Président, être exposé à une amende très substantielle, on l'a vu, malgré qu'il aurait simplement remis la taxe et son rapport quelques jours plus tard. Eh bien, vous en conviendrez avec moi, ça nous apparaît trop sévère et ça mériterait d'être nuancé.

De plus, lorsqu'un mandataire omet de verser la taxe ou les déductions à la source retenues bien qu'il ait produit sa déclaration, il se peut que ce soit bien involontaire de sa part. En effet, l'entreprise est censée garder ces sommes en fidéicommis jusqu'au moment de la remise au gouvernement, mais, lorsque l'entreprise est en difficulté, par exemple, il arrive que la banque ne laisse pas passer le chèque, M. le Président. Ce n'est pas vraiment ici un cas de fraude, et le fait d'imposer une telle amende, aussi lourde, dans un cas comme celui-là peut tout simplement amener l'entreprise à fermer ses portes. Alors, c'est lourd de conséquences, M. le Président.

Et, lorsqu'un entrepreneur a le choix de faire ses remises à temps pour payer le ministère du Revenu ou encore payer son fournisseur pour être capable de continuer à opérer son entreprise qui crée des emplois, de livrer ses contrats à temps, bien, mettez-vous à la place de l'entrepreneur, là, la décision est toujours très difficile à prendre. Mais, avec des pénalités telles que contenues dans le projet de loi n° 10, M. le Président, des pénalités aussi sévères, bien, il y a tout lieu de croire que cela pourra, pourrait entraîner des conséquences très dramatiques, allant jusqu'à la fermeture de l'entreprise et la perte de nombreux emplois.

Ce n'est pas pour rien, M. le Président, que, continuellement, quand... les contribuables, les mandataires, les gens qui font souvent le lien entre le ministère du Revenu et les contribuables ont l'impression que le ministère du Revenu les traite comme des fraudeurs, qu'ils ne sont pas respectés, que la Charte des droits des contribuables et des mandataires ne veut rien dire, parce que, quand on a affaire avec le ministère du Revenu et avec le ministère fédéral, l'Agence des douanes et du revenu du Canada, il est clair que la façon de traiter les contribuables est notablement différente.

Il aurait été intéressant d'ailleurs de prendre connaissance de l'avis du ministère de la Justice à l'égard des mesures proposées pour le projet de loi, puisque le ministre du Revenu, lui, les a consultées. Mais, fidèle à son habitude, le ministre de la Justice et le député de Louis-Hébert, qui en passant était lui aussi ministre du Revenu au moment de la préparation du projet de loi, a refusé sa collaboration, c'est-à-dire de fournir le rapport à l'opposition officielle. Nous le déplorons, M. le Président, ça aurait pu nous apporter un éclairage différent.

Comment voulez-vous que l'opposition officielle fasse son travail correctement quand le gouvernement refuse de fournir des informations tout à fait pertinentes? Ce n'est pas nouveau de la part de ce gouvernement qui démontre de plus en plus d'arrogance envers les députés et les citoyens du Québec. On l'a vu dans le cas de la réforme municipale lorsque la ministre a refusé de déposer ses études; on le voit encore ici aujourd'hui. Et le gouvernement qui se fout de tout le monde et qui gouverne, on le sait, comme en dictateur.

Dans ce gouvernement, M. le Président, la démocratie est malade...

M. Boisclair: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée, s'il vous plaît, il y a eu un... M. le leader.

M. Boisclair: Le décorum, M. le Président. On peut nous accuser de bien des choses, là, mais d'assimiler notre gouverne à celle d'une dictature, vous comprenez que c'est déplacé, c'est irrespectueux et, j'irais plus loin, c'est un raisonnement de pygmées, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je pense que tout le monde aurait compris. Alors, puisque vous soulevez la question, je demanderais tout simplement à Mme la députée d'éviter des termes outranciers. Mme la députée.

Mme Leblanc: Je vous ai très bien entendu, M. le Président, mais, dans ce gouvernement, M. le Président, on le sait, que la démocratie est malade. Alors, je suggère donc que le ministre propose des amendements afin de s'harmoniser avec l'article 329 de la Loi sur la taxe d'accise fédérale, c'est-à-dire une amende maximale d'au moins... au total de 1 000 $ et un montant correspondant à 20 % de la taxe, de la taxe nette qui aurait dû être payée, perçue ou versée.

n (11 h 20) n

En attendant de voir si le ministre pourra faire en sorte de modifier son projet de loi pour tenir compte des réticences de l'opposition officielle de même que celles du Barreau du Québec, je ne prendrai pas de chance, M. le Président, et nous voterons donc contre le principe de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Beauce-Sud. Y a-t-il d'autres intervenants sur ce projet de loi?

Mise aux voix

Alors, s'il n'y a plus d'autres intervenants, je vais mettre aux voix l'adoption du principe. Le principe du projet de loi n° 10, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission
des finances publiques

M. Boisclair: Oui, M. le Président, veuillez prendre en considération l'article 39 du... D'abord, je m'excuse ? j'étais distrait, M. le Président ? je devrais faire d'abord motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques et pour que le ministre du Revenu en soit membre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint.

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Maintenant, veuillez prendre en considération l'article 39 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 9

Prise en considération du rapport
de la commission
qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 39, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 9, Loi modifiant la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Guy Julien

M. Julien: Merci, M. le Président. Le 20 juin dernier, le rapport de la commission des finances publiques concernant le projet de loi n° 9 a été soumis à l'Assemblée nationale en vue de sa prise en considération. Je rappelle, M. le Président, que le projet de loi n° 9 a été présenté le 8 mai 2001 et que son principe a été adopté le 17 mai 2001. La commission des finances publiques en a fait l'étude détaillée les 8 et 19 juin 2001. Les 18 articles du projet ont été adoptés.

J'aimerais faire un bref résumé du contenu de ce projet. Il s'agit d'un projet de loi à caractère social visant à solutionner certaines problématiques liées à l'application et à l'interprétation de la loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. Tout d'abord, des modifications sont apportées afin d'harmoniser les obligations relatives à la sûreté exigée d'un débiteur et exempter ce dernier de fournir une telle sûreté lorsqu'il reçoit des prestations d'assurance emploi et des allocations d'aide à l'emploi.

Ce projet de loi modifie également les mécanismes de recouvrement prévus par la loi afin de préciser les pouvoirs du ministre du Revenu en matière de détermination d'un lien d'emploi ainsi que d'obtention de renseignements. Aussi, un nouveau mécanisme est introduit afin de rendre, à certaines conditions, le cessionnaire d'un bien cédé par une personne redevable d'un montant exigible en vertu de la présente loi solidairement débiteur d'un montant dû par ce dernier.

D'autres modifications sont apportées afin de préciser que l'avis du ministre à un tiers saisi demeure valide jusqu'à ce que la dette à l'égard de laquelle cet avis a été transmis soit entièrement acquittée ou jusqu'à ce que le tiers ait satisfait à toutes ces obligations envers son créancier. Enfin, ce projet de loi augmente les délais prévus pour exercer certains recours.

Alors, M. le Président, je tiens à remercier mes collègues du gouvernement de même que les députés de l'opposition qui ont siégé au sein de la commission des finances publiques pour leur collaboration lors de l'étude de ce projet de loi.

En conclusion, M. le Président, je demande à cette Assemblée d'adopter le rapport de la commission des finances publiques sur l'étude détaillée du projet de loi n° 9. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais céder la parole maintenant au prochain intervenant. Alors, Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci encore une fois, M. le Président. Alors, nous en sommes rendus à la prise en considération du rapport de la commission des finances publiques, comme le ministre l'a mentionné, qui a été déposé le 20 juin dernier, donc à la toute dernière journée de notre session du printemps.

C'est à l'unanimité, M. le Président, que l'Assemblée nationale adoptait, le 11 mai 1995, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. La nouvelle loi visait à remédier aux lacunes du régime de perception alors en vigueur ainsi qu'à élargir le mandat du percepteur. C'est en 1993, dans un rapport intitulé Les enfants et la pension alimentaire - Proposition de réforme, que le Protecteur du citoyen, constatant le nombre élevé de défauts de paiement des pensions alimentaires, proposait un régime universel de perception par retenue à la source. Les objectifs de la nouvelle loi sont les suivants: réduire les délais, augmenter le taux de perception des pensions en implantant des mécanismes permettant aux parents et aux enfants d'obtenir les pensions auxquelles ils ont droit.

Plus spécifiquement, les objectifs étaient de favoriser la stabilité et la régularité des paiements, de respecter, d'autre part, l'autonomie des parties, notamment des débiteurs qui ont des habitudes régulières de paiement, également de simplifier la démarche des créanciers, de minimiser des risques de manipulation et de violence par la présence d'un intermédiaire. L'intermédiaire, vous l'aurez compris, M. le Président, il s'agit ici du ministère du Revenu.

Mieux placé que tout autre ministère pour connaître l'adresse et la solvabilité des contribuables, le ministère du Revenu a été chargé de l'application de la loi, remplaçant ainsi le ministère de la Justice dans le rôle de percepteur des pensions alimentaires. Le ministère du Revenu perçoit la pension alimentaire de la personne qui doit la payer, c'est-à-dire le débiteur, et la verse à la personne qui y a droit, c'est-à-dire le créancier. On devrait dire la créancière parce que, dans la plupart des cas, ce sont les femmes qui reçoivent la pension alimentaire pour les enfants parce que ce sont encore les femmes aujourd'hui qui ont le plus souvent la garde des enfants. La loi prévoit cependant que les personnes touchées ont la possibilité d'être exemptées, c'est-à-dire de payer la pension sans que le ministère agisse comme intermédiaire.

Depuis l'entrée en vigueur de ce nouveau régime, plusieurs observateurs ont jugé que la loi permettrait difficilement de recouvrir les sommes dues par les mauvais payeurs. Actuellement, les débiteurs désireux de se soustraire à leurs responsabilités utilisent différents subterfuges, dont le transfert de leurs biens à des proches, afin d'éviter une saisie.

En résumé, la loi actuelle a jusqu'à maintenant échoué sur un objectif important, c'est-à-dire contraindre les mauvais payeurs à verser les sommes dues. Le projet de loi n° 9 donc vise à resserrer les règles concernant les vrais mauvais payeurs et à exempter les bons payeurs qui se trouvent temporairement sans emploi à fournir une sûreté. Une sûreté, c'est un versement d'un mois, un versement de pension alimentaire d'un mois.

Abordons, M. le Président, un par un les articles du projet de loi que nous avons étudiés en commission parlementaire. Les articles 1, 2 et 3 précisent que les débiteurs qui bénéficient d'une exemption du tribunal leur permettant de verser la pension alimentaire directement au créancier alimentaire ne doivent plus seulement fournir une sûreté, c'est-à-dire une réserve ? le versement d'un mois ? mais doivent également la maintenir. Alors, tout est dans la façon de traiter... C'est qu'ils ne doivent plus simplement la verser, mais, si on a dû l'utiliser, ils doivent la maintenir, donc remettre ces montants-là en réserve une nouvelle fois.

L'article 4 précise que, lorsqu'un débiteur est à l'emploi d'une personne qui déclare que ce n'est pas le cas ? malheureusement, M. le Président, ça arrive, on en voit tous dans nos bureaux de comté, des cas comme ça ? eh bien, le ministre pourra désormais déterminer l'existence d'un lien d'emploi et, en fonction des renseignements qu'il aura obtenus, fixer une juste rémunération pour établir le montant de la pension à verser.

n (11 h 30) n

L'article 5, par ailleurs, vient préciser qu'un débiteur qui reçoit des prestations d'assurance emploi ou encore des allocations d'aide à l'emploi, à l'assistance emploi versée par Emploi-Québec, eh bien, celui-ci, M. le Président, ne sera plus obligé, tenu de fournir et de maintenir une sûreté.

L'article 6 diminue pour sa part de trois mois à un mois le montant que doit comprendre la sûreté dans laquelle le débiteur verse les sommes destinées au créancier alimentaire. Il faut comprendre que, dans la pratique, pour le débiteur, il était très difficile d'avoir à verser au gouvernement une avance de trois mois, une réserve, si vous voulez, et de payer également un mois de pension alimentaire. Tout ça arrivait en même temps, alors les débiteurs ne pouvaient faire face à leurs obligations et se retrouvaient dans l'illégalité. Alors, il s'agit tout simplement de ramener ça à des proportions un peu plus justes. Alors, au lieu d'exiger que le débiteur ait trois mois de réserve à donner d'avance, à donner au gouvernement, il ne sera plus tenu que de verser un mois.

L'article 7, pour sa part, vient resserrer le droit du ministre de saisir les montants qui sont dus au débiteur dont les paiements sont en souffrance. Alors, il établit la créance pour pension alimentaire comme prioritaire et fait en sorte que le débiteur devra dorénavant payer le ministre sans égard aux autres garanties de paiement contractées ailleurs. Alors là on dit ici: Parmi toutes les dettes et les emprunts que vous avez pu contracter, si vous n'êtes pas capable de les respecter, la première que vous allez devoir respecter, c'est celle envers vos enfants ou votre femme, si c'est le cas, votre ex, si c'est le cas. Encore une fois, M. le Président, il s'agit ici des vrais mauvais payeurs avec lesquels le ministre de la Justice avait des problèmes.

Les articles 7, 8, 9 et 10, pour leur part, modifient la loi de façon à rendre les avis de paiement émis par le ministre valides pour plus d'un an. Dans la plupart des cas, il s'agit des dossiers qui sont traités par le Centre de perception fiscale, et par lequel il y a des saisies administratives ou judiciaires.

L'article 11, quant à lui, spécifie que la personne à laquelle le débiteur en souffrance cède des biens, bien, elle devient solidairement débiteur. Elle peut être tenue responsable de la plus petite de ces deux sommes, c'est-à-dire la différence entre le prix auquel le ou les biens ont été cédés et la juste valeur marchande de ces biens ou encore le montant total des sommes dont le débiteur est redevable. Ça, M. le Président, ça fait en sorte que le débiteur qui possède une propriété, on va dire, et qui décide de ne plus verser sa pension alimentaire à son ex, et qui a déjà une autre relation avec un autre individu, une autre personne, ça fait en sorte qu'il ne pourra plus transférer ses avoirs à cette personne-là, cette tierce personne là, de façon à ce qu'ils ne soient pas saisis par le ministère du Revenu pour payer sa pension alimentaire. Alors là on vient de faire en sorte que ça ne puisse plus se produire. Cet article précise cependant que les biens qui seront cédés à un conjoint suite à une ordonnance ou à un jugement d'un tribunal à la suite, par exemple, d'un divorce sont réputés ne pas avoir de valeur.

L'article 12 permettra pour sa part aux personnes autorisées par le ministre de forcer le débiteur ou toute autre personne, dans un délai raisonnable, à produire un renseignement ou un document par écrit. Alors, ça, ça pourrait dire, par exemple, qu'un employeur qui engage une personne qui est débitrice et qui ne le déclare pas, alors le ministère aurait les pouvoirs de forcer l'employeur à faire ces déclarations-là, à produire un renseignement ou encore un document écrit prouvant l'emploi.

Les articles 13 et 14, eux, pour leur part, doublent le délai de 10 à 20 jours qu'a le débiteur pour contester une décision du ministre. On trouvait que 10 jours n'étaient pas assez suffisants pour permettre au débiteur de faire valoir ses droits en ramassant toutes les pièces justificatives qu'il avait besoin pour ça. C'est une façon d'être un peu plus humaine d'aborder le problème des créanciers et des débiteurs de pension alimentaire.

Les articles 15, 16 et 17 sont, pour leur part, des articles de concordance, alors que l'article 18 prévoit que la loi, elle, va entrer en vigueur au moment de la sanction.

En résumé, M. le Président, on vise ici à resserrer les règles concernant les vrais mauvais payeurs et à exempter les bons payeurs qui se trouvent temporairement sans emploi à fournir une sûreté. La sûreté, on l'a dit tantôt, passe de trois à un mois, mais là, dans ce cas-là, c'est pour tous les débiteurs. En réduisant de trois à un mois la sûreté, mais en obligeant le débiteur à la maintenir, le projet de loi vient permettre au payeur de pension alimentaire de souffler un peu tout en assurant le versement des sommes dues pour au moins un mois d'avance.

Par ailleurs, il est clair que l'article 11 constitue un outil qui permettra de forcer plus facilement les mauvais créanciers qui transfèrent leurs biens à s'acquitter de leurs obligations envers leur ex-conjoint ou envers les enfants. Actuellement, les procédures sont judiciaires et rendent la constitution de la preuve passablement difficile. Les présentes dispositions devraient permettre de déjudiciariser la procédure et faciliter le paiement des créances qui sont dues.

De plus, les articles 4 et 12, lorsqu'ils sont superposés, donnent des outils supplémentaires pour déjouer les mauvais payeurs qui tentent de dissimuler leurs revenus d'emploi. Par exemple, un individu soutenant ne pas recevoir de rémunération pour un travail pourra faire l'objet d'une décision du ministre lui reconnaissant le versement d'un salaire. Par ailleurs, il sera désormais possible pour le ministre de contraindre un employeur à ouvrir ses livres comptables pour vérifier si un individu a bel et bien reçu un salaire non déclaré.

Malgré tout, M. le Président, cinq ans plus tard, la réforme s'avère toujours un casse-tête pour un grand nombre de personnes. Plusieurs dysfonctionnements restent à régler, que ce projet de loi ne permettra malheureusement pas de régler ? pas cette fois-ci en tout cas ? notamment celui des avances inconnues.

Un problème s'est ajouté récemment. Selon la loi, le ministère peut verser pour le compte du débiteur des avances au créancier qui attend indûment le paiement de la pension, et ce, pour un montant maximum de 1 000 $ par mois pendant au plus trois mois. Le débiteur doit rembourser ces avances au ministère. Toutefois, lorsqu'un jugement d'un tribunal annule la pension rétroactivement et que des avances ont été versées au créancier pendant cette période, bien, c'est le créancier qui doit les rembourser. Or, actuellement, M. le Président, le créancier ne connaît pas le montant des avances qu'il a reçues et ne sait même pas que ce sont des avances qu'il a reçues. En fait, personne ne le connaît, le montant des avances, car le chèque mensuel que reçoit le créancier indique seulement: «Le montant vous est versé à titre de pension alimentaire.» Alors, lorsque les avances sont réclamées au créancier, bien, d'abord, il est surpris, étant donné qu'il ne pouvait pas savoir que les montants reçus incluaient des avances. Et, dans plusieurs cas, ces remboursements, qui n'avaient pas été prévus, deviennent un facteur d'endettement et d'angoisse pour la créancière.

n (11 h 40) n

Le Protecteur du citoyen est donc intervenu afin de demander que l'information soit transmise au créancier en temps opportun et qu'elle soit inscrite clairement sur le chèque mensuel, pour apprendre finalement que le système informatique du ministère du Revenu ne pouvait tout simplement pas déterminer avec précision le montant des sommes versées sous forme d'avances par rapport aux sommes versées à titre de pension.

Autre problème qui perdure, eh bien, plusieurs créanciers demeurent prestataires de l'aide sociale, et ce, même si le ministère du Revenu a reçu la pension alimentaire, et ceci, parce que les renseignements ne circulent pas entre les deux ministères. En novembre 1997, le ministère du Revenu a conclu avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité une entente d'échange électronique d'informations, mais ? mais ? M. le Président, le projet a été reporté à une date indéterminée. Or, avec la mesure d'exception des revenus de pension alimentaire de juin 1998, il faut une solution et une solution de toute urgence. Aucune, aucune priorité particulière n'est accordée aux pensions alimentaires par l'unité spéciale chargée de faire enquête sur le terrain. À ce qu'on a su, cette unité-là a même été dissoute, il n'y a plus d'unité sur le terrain.

Cela dit, il existe une exception à ce constat. Plus de cinq ans après l'entrée en vigueur de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, les dossiers qu'on dit à exécution réciproque ne sont pas encore tous assignés à un agent pour traitement. Ce dossier régi par la Loi sur l'exécution réciproque d'ordonnances alimentaires porte sur la perception des pensions lorsque le débiteur ne réside pas au Québec. C'est alors que le percepteur des autres provinces et de quelques États américains ainsi que la France, qui est mandaté pour recouvrer les montants à payer qu'il remet par la suite au ministère... Alors, selon le ministère, il s'agit de 290 dossiers à exécution réciproque qui sont actuellement toujours en attente de traitement.

Par ailleurs, une fois signé, ce type de dossier connaît des délais de perception variant de neuf à 12 mois. Alors, c'est long, là, pour une femme avec des enfants qui n'ont aucun moyen de subsistance, là. Attendre neuf à 12 mois avant de recevoir une pension alimentaire, c'est très long et ça implique que ces gens-là vivent dans un état de pauvreté.

S'il est vrai que le ministère est tributaire de juridictions extérieures, il n'en demeure pas moins un intermédiaire qui détient un rôle prépondérant, soit celui de s'assurer que le percepteur étranger exécute son mandat. Or, les enquêtes du Protecteur du citoyen ont révélé que, pour plusieurs agents... plusieurs agents n'effectuent aucune relance auprès des percepteurs. C'est souvent la créancière elle-même qui prend la situation en main et qui communique à ses frais avec la province ou l'État où réside son ex-conjoint.

En conclusion, M. le Président, après cinq ans, cette réforme n'a pas obéi et continue à ne pas obéir à tous les principes de bonne administration, de bonne gouvernance. Toutefois, comme le projet de loi n° 9 améliore la situation, eh bien, nous, de l'opposition officielle, nous nous disons en faveur du principe de ce projet de loi et en principe en faveur de l'adoption de ce projet de loi.

En terminant, je tiens à souligner que le ministre du Revenu a accepté de bon gré un amendement à l'article 17 de son projet de loi pour faire en sorte que, trois ans après sa sanction, le ministre devra de nouveau faire rapport à l'Assemblée nationale sur l'application de la présente loi, ceci afin de s'assurer que les mesures visant à resserrer les règles pour les mauvais payeurs donnent bien les résultats souhaités. Ce rapport devrait être déposé par le ministre dans les 15 jours suivants devant l'Assemblée nationale ou, si elle ne siège pas, dans les 15 jours de la reprise de ses travaux. Je salue ainsi la bonne volonté démontrée par le ministre. Merci, M. le Président.

Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Beauce-Sud. Y a-t-il d'autres intervenants? Il n'y a pas d'autres intervenants. Je mets aux voix le rapport de la commission des finances ? c'est bien ça, oui, des finances publiques ? portant sur le projet de loi n° 9, Loi modifiant la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. Est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, l'article 43.

Projet de loi n° 175

Prise en considération du rapport
de la commission qui en a fait l'étude détaillée
et de l'amendement du ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous allez me donner un tout petit peu de temps pour que j'aille voir dans le feuilleton, étant donné que... C'est 43, hein? Très bien. Alors, nous sommes au projet de loi n° 175, c'est bien ça, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives. Nous en sommes rendus... Est-ce que le rapport de la commission a été adopté? Oui? Nous sommes rendus au projet de loi?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, en prise en considération. Donc, prise en considération du rapport de la commission. C'est bien ça?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je cède la parole à M. le ministre du Revenu.

M. Guy Julien

M. Julien: Alors, M. le Président, je soumets à l'Assemblée nationale le rapport de la commission des finances publiques concernant le projet de loi n° 175 en vertu de sa prise en considération.

Le projet de loi n° 175 a été présenté le 20 décembre 2000 et le principe en a été adopté le 17 mai 2001. La commission des finances publiques en a fait l'étude détaillée les 5, 6, 7 et 8 juin et les 26 et 29 août 2001 et en a adopté les 290 articles. Des amendements ont été adoptés afin de modifier 52 articles et d'y ajouter 31 nouveaux articles. Une motion de renumérotation a été adoptée afin de tenir compte de l'ajout de ces articles. Le rapport de la commission a été déposé le 17 octobre 2001.

Ce projet de loi modifie plusieurs lois, dont la Loi sur les impôts et la Loi sur la taxe de vente du Québec, afin de donner suite principalement au discours sur le budget du ministre des Finances du 14 mars 2000 et à plusieurs bulletins d'information émis par le ministère des Finances. Étant donné l'ampleur du projet de loi, M. le Président, et par souci de concision, je ne m'attarderai qu'aux mesures principales: les mesures relatives aux particuliers concernant notamment la bonification du régime d'imposition des particuliers par le remplacement des tables d'imposition servant au calcul de l'impôt à payer par les particuliers, la réduction d'impôts à l'égard des familles et la pleine indexation du régime d'imposition; deuxièmement, l'instauration de crédits d'impôt remboursables dont pourront bénéficier, premièrement, les couples ayant recours à des traitements pour l'infertilité et les athlètes de haut niveau.

Quant aux mesures relatives aux entreprises, elles concernent notamment la bonification du crédit d'impôt remboursable pour les productions cinématographiques québécoises pour des services rendus à l'extérieur de la région de Montréal; deuxièmement, l'instauration de crédits d'impôt remboursables dont pourront bénéficier les entreprises oeuvrant dans le secteur de l'optique, de la photonique ou du laser dans la région de Québec, les petites et moyennes entreprises québécoises à l'égard du développement et de l'intégration de solutions de commerce électronique, les entreprises oeuvrant dans le domaine de la transformation d'aluminium dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, les entreprises oeuvrant soit dans le domaine de la fabrication ou de la transformation de biens soit dans le domaine environnemental et qui s'installeront sur le site des anciennes usines Angus, les entreprises oeuvrant dans le domaine de l'édition de livres et les exploiteurs d'un centre financier international afin d'obtenir la gestion de fonds d'investissement étrangers.

M. le Président, ce projet de loi modifie également la Loi sur la taxe de vente du Québec principalement afin d'y introduire des mesures propres au Québec ou de modifier certaines mesures existantes. Ces mesures concernent, premièrement, notamment la vente de véhicules automobiles dont la perception par la Société de l'assurance automobile du Québec de la taxe payable à l'égard de la vente au détail d'un véhicule automobile au moment de l'immatriculation du véhicule; et, deuxièmement, la bonification du remboursement de la taxe payée à l'égard d'une habitation neuve ou qui a fait l'objet de rénovations majeures.

n (11 h 50) n

Par ailleurs, M. le Président, ce projet de loi prévoit l'imposition de pénalités administratives à des tiers qui font des faux énoncés ou des omissions dans le cadre d'affaires fiscales. Enfin, plusieurs lois font l'objet de diverses modifications à caractère technique, de concordance ou de terminologie.

En conclusion, M. le Président, je demande donc à cette Assemblée de bien vouloir adopter le rapport de la commission des finances publiques sur l'étude détaillée du projet de loi n° 175. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien. Je vous remercie, M. le ministre. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour ajourner le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a accord pour que nous ajournions le débat?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Donc, nous allons suspendre le débat. La motion est adoptée, et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 51)

 

(Reprise à 14 h 4)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir.

Présence de M. Enrico Letta, député
de la XIVe Législature italienne
et secrétaire général de l'Agence
de recherches et de législation

Alors, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes de M. Enrico Letta, député de la XIVe Législature italienne et secrétaire général de l'Agence de recherches et de législation.

Affaires courantes

Alors, nous débutons les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

À la rubrique Dépôt de documents, M. le ministre d'État au Travail et à la Solidarité sociale.

Entente de gestion concernant le Centre
de recouvrement du ministère
de l'Emploi et de la Solidarité sociale

M. Rochon: M. le Président, je dépose l'entente de gestion du Centre de recouvrement du ministère de la Solidarité sociale.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, ce document est déposé. Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Rapport annuel du Secrétariat
à l'action communautaire autonome

Mme Léger: M. le Président, je dépose le rapport annuel 2000-2001 du Secrétariat à l'action communautaire autonome du Québec, le SACA.

Préavis d'une motion
des députés de l'opposition

Le Vice-Président (M. Pinard): Le document est déposé. Alors, pour ma part, j'ai reçu dans les délais prescrits préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Alors, conformément à l'article 97.1 du règlement, je dépose copie du texte de ce préavis. M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Mulcair: Selon notre routine, pourriez-vous lire la motion, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vais lire le texte de la motion à la rubrique... Nous avons une rubrique qui serait les affaires courantes, à cet effet-là, mais, si vous... Toutefois, je vais procéder. M. le leader, vous ne voyez pas d'inconvénient? Alors, la motion:

«Que l'Assemblée nationale déplore que l'éducation ne soit pas une priorité pour le gouvernement du Parti québécois.»

Alors, la motion du mercredi.

À la rubrique, Dépôt de rapports de commissions, M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président...

Dépôt de pétitions

Le Vice-Président (M. Pinard): Au dépôt de pétitions.

M. Boulianne: Alors, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de déposer un extrait de pétition non conforme.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour permettre à M. le député de Frontenac... Consentement. M. le député.

Rendre sécuritaire le tronçon de la route 112
entre Robertsonville et Thetford Mines

M. Boulianne: Alors, je dépose donc l'extrait d'une pétition présentée à l'Assemblée nationale par 10 337 pétitionnaires. La désignation: citoyennes et citoyens de la région de Thetford Mines et du reste du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant qu'une fois de plus la route 112 a fait, le 1er octobre 2001, une victime en face du Balmoral et du Dairy Joy, aux limites de Robertsonville et Thetford Mines;

«Considérant que ce secteur très achalandé a pris, au fil des ans, la vie de plusieurs personnes et en a rendu d'autres invalides pour le reste de leurs jours;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons et soutenons que nos gouvernements doivent immédiatement mettre tout en oeuvre afin d'éviter que d'autres vies humaines soient fauchées. Nous exigeons que Suzy Grenier, 18 ans, soit la dernière personne à avoir perdu la vie sur ce tronçon de route meurtrier;

«Agissons dès maintenant avant qu'une autre tragédie survienne.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette pétition est déposée.

À la rubrique Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège...

Je vous avise qu'après la période de questions et réponses orales M. le ministre des Ressources naturelles répondra à une question posée le 8 novembre 2001 par M. le chef de l'opposition officielle concernant la mise en service de la centrale hydroélectrique SM 3.

Alors, nous passons immédiatement...

M. Brassard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je viens d'avoir un échange avec le chef de l'opposition, parce que c'est lui qui m'avait posé la question sur SM 3. Alors, elle sera reportée à jeudi.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le chef de l'opposition.

M. Charest: Oui. Vous me permettrez, M. le Président. J'apprécie que le leader du gouvernement remette ça à jeudi parce que j'ai mon assemblée de mise en candidature ce soir, à Sherbrooke, puis je ne voudrais pas la manquer.

Des voix: Ha, ha, ha!

n(14 h 10)n

M. Charest: Mais c'est une question importante, et j'apprécie la courtoisie du leader du gouvernement de le reporter à jeudi.

Questions et réponses orales

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons maintenant passer à notre rubrique Questions et réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.

Propos tenus par le premier ministre
lors de la réunion du Conseil
national du Parti québécois

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci. M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Je suis convaincu qu'il ne sera pas surpris de la question non plus. Il a fait une déclaration, lors de la fermeture du Conseil national du Parti québécois en fin de semaine, qui a été interprétée de différentes façons, et j'aimerais demander au premier ministre aujourd'hui qu'il puisse éclaircir le sens de cette déclaration. Je pense que ce serait important, pour les Québécois et pour ceux qui s'intéressent à ce qui se passe au Québec, que le premier ministre ait l'occasion de s'expliquer là-dessus, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Non seulement, M. le Président, je ne suis pas surpris, car j'ai un texte pour répondre au chef de l'opposition officielle, mais, en plus, je lui suis reconnaissant de me donner cette occasion de revenir sur le fond des choses et la vérité, et non pas des spéculations absurdes.

Lors du Conseil national du Parti québécois tenu cette fin de semaine dans notre capitale nationale, j'ai tenu, dans mon allocution de clôture, à reprendre une citation de l'ex-président des États-Unis, Bill Clinton, prononcée dans un discours à Barcelone, et voici quelle est la citation: «L'avenir sera catalan ou taliban.» Vous vous souvenez avec quelle vigueur nous avons ici dénoncé, dans cette Chambre, les talibans, comme l'a fait l'entièreté du monde juste et horrifié par la tragédie de New York, et vous savez ? ou, si vous ne le savez pas, je vous le dis ? quelle est mon admiration pour le peuple catalan, patrie de Salvador Dalí, patrie de Pablo Picasso et d'un peuple extrêmement dynamique et exemplaire. J'ai donc repris cette citation en d'autres mots, mais en affirmant que ? et je le réaffirme fortement ? la liberté des peuples et des nations est une condition sine qua non de l'équilibre planétaire, ce qui m'apparaît d'ailleurs être une évidence. J'ai bien pris garde, en le précisant lors de mon intervention, que je n'entendais nullement annexer la pensée de l'ancien président des États-Unis, cela va de soi.

M. le Président, et c'est ce qui rend absurdes des interprétations parfois vicieuses qui furent faites de ces paroles, j'ai consacré l'essentiel de ma vie politique, et universitaire, et de citoyen à militer en faveur du libre-échange et de l'intégration économique des Amériques, en faveur de la dollarisation de notre économie ? je crois que j'étais un des premiers à en parler, dans le désert à l'époque mais dans l'abondance aujourd'hui, puisqu'une majorité des Canadiens et des Québécois pensent de la même façon ? et en faveur de la libre circulation en général des biens, des services, des capitaux et des personnes.

Dans les minutes qui ont suivi le tragique événement du 11 septembre, mon gouvernement a condamné avec sévérité, célérité et unanimité ces actes odieux et a assuré le peuple et les dirigeants américains de notre entière solidarité, à telle enseigne que le texte suivant la motion présentée en Chambre m'a valu les chaleureuses félicitations de l'ambassadeur des États-Unis à Ottawa, Son Excellence Paul Cellucci, qui m'a écrit une lettre à cet effet et qui me l'a dit dans des rencontres privées. Je vous épargnerai toutefois, M. le Président, la longue liste des gestes concrets posés par notre gouvernement, tels ma présence au service oecuménique à l'église St. James, mon intervention au Centre Molson devant 20 000 personnes, y compris le chef de l'opposition, notre soutien à la création d'un périmètre de sécurité avec la solidarité du premier ministre de la Colombie-Britannique et contre la volonté exprimée par le gouvernement central du Canada.

Cela dit, si ma conclusion a pu sembler ambiguë pour certains, laissez-moi apporter cette clarification: il n'y a aucun lien, solide ou ténu, réel ou virtuel, entre les événements du 11 septembre et la souveraineté du Québec. J'ai simplement dit ? et je le redis ? que la liberté des peuples et des nations est une condition sine qua non de l'équilibre planétaire. Que tous les journalistes présents à notre Conseil national, sauf un, n'aient pas jugé utile de spéculer sur ce sujet en témoigne, me rassure et les honore.

M. le Président, j'espère que le chef de l'opposition va se ranger du côté des dizaines et des dizaines de journalistes qui ont fait la bonne interprétation et non pas une interprétation marginale qui serait utilisée soit à des fins partisanes soit à des fins qui ne vont pas dans l'intérêt du Québec.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Il n'y a qu'un seul côté, M. le Président, à défendre dans une affaire comme ça, c'est celui des intérêts des citoyens du Québec, et je pense que le premier ministre doit sentir que pour nous ça n'a jamais été une question partisane. Puis, je tiens à le dire, là, il n'y a personne qui a le monopole de la vertu, qui fait une carrière politique de plusieurs années sans avoir fait une déclaration qui peut se prêter de temps en temps à interprétation, puis il nous arrive tous, de temps à autre, de dire des choses qu'on aurait souhaité ne pas dire aussi. On peut le dire franchement comme ça. Et, lorsque ça nous arrive, M. le Président, on s'attend à ce que les collègues rectifient le tir et qu'ils le fassent honorablement.

Et je demande au premier ministre des clarifications aujourd'hui parce que je veux encore une fois juste clarifier certaines choses. D'abord, lorsqu'on cite le président Clinton... J'ai le texte du discours qu'il a livré justement à Barcelone le 28 octobre dernier, où il disait ceci. Il disait: «Then, I made a specific mention ? et c'est au tout début du discours ? of Catalonia as a special example of a Europe alive with the sound of ancient places' names being spoken again, not in the name of separatism, but in the spirit of a healthy pride and heritage. You are a model of unity and diversity in a troubled world.» Au tout début de son discours, le président Clinton dit ceci: «But Catalonia also said no with equal conviction to separatism.» Alors, c'est dans ce contexte-là qu'il a fait cette remarque.

L'autre chose qui m'amène à vouloir demander au premier ministre de peut-être réitérer ce qu'il vient de nous dire, parce qu'il nous a cité des actions de son gouvernement... Mais, lorsque je prends sa citation, et ce qui précède, et ce qui suit et que je la lis de la façon suivante, je pense que ça explique pourquoi il y a des gens qui se sont interrogés, parce qu'il a dit et sans vouloir annexer la pensée ? ce qu'il vient de réitérer ? de quiconque, il dit: «Aujourd'hui, à ce confluent de l'histoire humaine pour les nations, le futur serait libertaire ou réactionnaire. Poursuivre notre idéal de souveraineté, c'est tout simplement contribuer au progrès de l'ensemble de l'humanité. La liberté des peuples et des nations et leur personnalité est une condition sine qua non de l'équilibre planétaire ? ce qu'il vient de nous réitérer.» Et il continue en disant ceci: «Autrement, nous irons d'impérialisme en domination et de déception en amertume.» Il continue en disant ceci: «Depuis les événements du 11 septembre, s'il y a une conclusion à tirer par rapport au projet de la souveraineté ? et c'est là où il fait un lien entre les deux ? et de souveraineté de la liberté et de tous les peuples, c'est bien celle-là.» Alors, c'est pour ça, je crois, que ses paroles ont prêté à interprétation, et je refuse de croire que le premier ministre a voulu avoir comme prémisse que les citoyens du Québec n'étaient pas libres, parce que ce n'est certainement pas le cas.

Je pense que le premier ministre reconnaîtra que les citoyens du Québec sont totalement libres et qu'on n'est pas dans une position où notre choix est libertaire ou réactionnaire non plus. Mais je veux lui permettre de le dire à voix haute, puisque ce serait interpréter ses propos, ça peut se prêter à interprétation. Mais, puisqu'il y a une ambiguïté ? puis c'est important pour les Québécois, pour ceux qui nous observent de l'extérieur ? je veux offrir l'occasion au premier ministre de le dire à voix haute.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: J'ai lu la citation du président Clinton dans un journal qui s'appelle El Mundo, et, dans le même article, on rapportait Jordi Pujol, président de la Généralité de la Catalogne, leur gouvernement local, qui disait textuellement ceci: «Si j'avais été Québécois lors des référendums sur la souveraineté du Québec, j'aurais voté oui.» Jordi Pujol, grand Catalan, grand Européen qui connaît très bien le Québec pour y être venu ? nous l'avons accueilli, nous l'avons rencontré souvent à Barcelone ? porte, sur la question du Québec, le même jugement que 50 % des Québécois et des Québécoises, moins 30 000, ont porté le jour du référendum, y compris majoritairement dans la circonscription dont vient le chef de l'opposition et la circonscription dont vient le premier ministre du Canada. C'est donc dire que la question du Québec, qui a fait l'objet d'un vote positif en faveur de la souveraineté, de la moitié de la population, est aussi supportée par des progressistes comme Jordi Pujol et plusieurs autres dans le monde qui ont compris que les nations devaient se gouverner librement.

n(14 h 20)n

Quelle est la différence entre le cas catalan et le cas québécois? Il y en a plusieurs, comme le cas écossais. C'est surtout que l'Espagne, réactionnaire d'autrefois, refusait de reconnaître à un moindre degré la Catalogne. L'Espagne contemporaine, sous la poussée d'hommes comme Jordi Pujol, a accepté généreusement cette notion que la Catalogne forme une nation. L'Angleterre, que l'on considère parfois comme conservatrice, ou le Royaume-Uni, sous l'égide de Tony Blair, a reconnu que l'Écosse forme une nation et lui a redonné son Parlement après des siècles de fermeture. Tout ça pour dire que... Même chose en Belgique, État unitaire naguère, État confédéral, à peu près, aujourd'hui avec pratiquement deux nations très bien identifiées, les Wallons et les Flamands.

Tout ça pour dire que le chef de l'opposition devrait considérer que, par rapport aux autres nations occidentales qui ont des problèmes qui ressemblent aux nôtres, il y a une évolution et un progrès, tandis qu'au Canada il y a un blocage et même une régression. Quand je suis arrivé dans cette Chambre en 1976, notre Assemblée nationale ? et j'espère que vous vous en désolez profondément ? avait plus de pouvoirs qu'elle en a aujourd'hui, donc le chemin inverse de la Grande-Bretagne, le chemin inverse de l'Espagne. Robert Bourassa s'est battu pour conserver, avec Liza Frulla, qui était sa ministre, la juridiction sur les télécommunications, et nous l'avons perdue, et ce n'est qu'un exemple. J'espère que ça désole l'opposition officielle.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Je vais revenir à la question que je posais au premier ministre parce qu'elle est très importante. Il a dit, dans ses remarques de conclusion, qu'on allait être ou libertaire ou réactionnaire, et, dans la réponse que vient de livrer le premier ministre, je n'ai pas senti qu'il était prêt à reconnaître qu'au Québec les citoyens sont libres. C'est important, M. le Président, là. Si le premier ministre n'est pas capable de reconnaître cet état de fait, bien, il me semble qu'il a un problème dans sa perception; pas juste sa perception, mais toute sa conception de la démocratie et de la société québécoise.

Et je rappelle au premier ministre, sur ces exemples, qu'il faut faire très attention, car le gouvernement du Québec, l'État québécois a beaucoup plus de pouvoirs que les Écossais en ont ou qu'ils en ont en pays de Galles ou en Catalogne, hein, le premier ministre le reconnaît. C'est tellement vrai qu'en 1996 le même chef d'État, M. Pujol, disait: «Nous aspirons à avoir un statut similaire au Québec.» C'est ce qu'il disait, lui, le 12 avril 1996. Alors, sur le plan des exemples, l'exemple à suivre est beaucoup plus du côté du Québec qu'il l'est ou vers l'Écosse, ou vers le pays de Galles, ou vers la Catalogne, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: La différence, M. le Président, c'est que, sous Franco, un régime réactionnaire et fasciste, autoritaire, justement le contraire de ce qu'est le Québec, à cette époque-là, la Catalogne n'avait aucun statut. La Catalogne a évolué dans ses rapports avec le gouvernement central, tandis que le Québec a régressé. C'est ça, le point. L'Écosse, la même chose. L'Écosse n'avait même plus de Parlement, et les Britanniques l'ont reconnue comme une nation, premièrement, leur ont donné un Parlement, puis, en plus, il y a un fort mouvement écossais pour aller plus loin, vous le savez, qui s'appelle le Scottish National Party. Et les Écossais sont une nation libre et fière; le Québec en est une autre.

Et, justement, quand j'ai fait mon opposition, comme Bill Clinton, entre Catalans et talibans, je pense que la Catalogne incarne la liberté, et les talibans, on l'a bien vu, la réaction peut-être la plus sombre qu'on ait vue à l'époque contemporaine. Le Québec, évidemment, s'inscrit dans le camp des libertés, c'est une des sociétés les plus avancées du monde. C'est la raison pour laquelle 50 % des Québécois et des Québécoises, moins 30 000, ont pu, dans un référendum, se prononcer comme ils se sont prononcés. C'est la raison pour laquelle, quand le gouvernement du Canada prétend, par son Parlement central, décider de la question de notre prochain référendum et de l'évaluer, il ne va pas dans le sens de la liberté, il va dans le sens réactionnaire d'empêcher notre peuple d'exercer ses libertés.

Quand le général de Gaulle s'est écrié: Vive le Québec libre! ? vous vous souvenez de cet événement de juillet 1967 ? certains à Ottawa se sont scandalisés que le général de Gaulle ait employé le mot «libre». Mais, si le Québec est libre, qu'est-ce qu'il y a de scandaleux à le dire et à le proclamer? Moi aussi, je crois que le Québec est libre. Je crois, comme Robert Bourassa, qu'il est pour toujours une société libre d'assumer son destin et je crois que, démocratiquement, par nos efforts et peut-être un jour les vôtres, nous finirons par donner au Québec le statut qu'il mérite et lui faire rejoindre le concert des nations.

Puis, entre-temps, pour des choses très concrètes, oui, le Québec est libre, oui, nous représentons la liberté, mais comment se fait-il qu'on n'est pas libres de s'occuper de nos jeunes contrevenants comme on le veut? Question pratique: Si le Québec est libre, comment se fait-il qu'on ne peut pas avoir le programme de congés parentaux que nous voudrions avoir? J'en nomme deux, je pourrais en nommer 1 000. Comment se fait-il, si le Québec est aussi libre qu'il le devrait, que, comme nous, vous demandez des points d'impôt pour que nous soyons libres de dépenser notre argent comme on le veut? Bref...

Le Vice-Président (M. Pinard): En conclusion.

M. Landry: Bref, nous sommes avancés sur la voie de la liberté. Notre société est une société progressiste, et c'est une des raisons pour lesquelles elle mérite l'indépendance nationale.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le chef de l'opposition.

Respect des engagements pris lors du Sommet
du Québec et de la jeunesse

M. Jean J. Charest

M. Charest: Alors, ça a été laborieux, mais le premier ministre a fini par reconnaître que les citoyens du Québec étaient libres, puis, en même temps, il évoque le dossier des jeunes. C'est une belle coïncidence parce qu'il y a justement un dossier de jeunes où le premier ministre est totalement libre, tellement libre qu'il avait pris des engagements, lors du Sommet du Québec et de la jeunesse, qu'il vient tout juste d'évacuer dans l'exercice de sa grande liberté et de sa discrétion. Et le premier ministre a dû tenir compte ou, en tout cas, a dû être informé des réactions depuis qu'il a à toutes fins pratiques évacué ses propres promesses.

Le Conseil permanent de la jeunesse, Force Jeunesse, un certain M. Martin Koskinen déclarait, suite à son Conseil national, ceci: «Québec a jeté à la poubelle le consensus du Sommet. On a décidé que les jeunes sont capables d'attendre. Juste avant le budget, Mme Marois et M. Simard nous avaient pourtant dit qu'il n'y avait pas de problème.» Le président du Conseil permanent de la jeunesse disait ceci, et je cite: «Il s'agit là d'un choix de société posé et réfléchi, non d'une manoeuvre comptable de petite envergure que le gouvernement peut évacuer avec légèreté.» Et M. Martin Simard, de la Fédération des étudiants, étudiantes de niveau collégial du Québec, disait: «Le gouvernement est trop lâche pour nous répondre clairement. Pour ce qui est du Parti québécois, il ne vaut pas mieux que son gouvernement en ne mettant pas ses culottes. Le premier ministre remettant en question la bonne volonté des jeunes, nous découvrons enfin qui est le plus mesquin des deux.»

Et, finalement, Mme Andrée Mayer-Périard, de la Fédération des étudiants, étudiantes universitaires du Québec, dit ceci: «Il est révoltant de constater que M. Landry fait de la petite politique avec un bien collectif aussi important que l'éducation publique. Essayer de faire croire aux gens que le milieu de l'éducation s'accroche aux changements... aux engagements du Sommet du Québec et de la jeunesse par principe, c'est plus que de la démagogie, c'est un mensonge éhonté.»

C'est des réactions, avouons-le, M. le Président, qui ne reflètent pas le langage que vous auriez permis à l'Assemblée mais qui reflètent certainement l'état d'esprit des jeunes qui se sont sentis floués. Alors, vous avez toute la liberté aujourd'hui de leur dire que vous avez révisé votre position. Je vous demande de l'exercer, cette liberté-là, au nom de la jeunesse québécoise.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Je remercie le chef de l'opposition de me mettre sur la piste de la jeunesse pour souligner que nos assises de fin de semaine, à notre Conseil national, ont été littéralement envahies par des jeunes hommes et des jeunes femmes décidés, militants et militantes parfaitement articulés, qui savent que le Québec forme une nation, ce que l'opposition officielle ne nie pas, sauf quand elle publie ses demandes constitutionnelles, qui sont plutôt celles d'un village reculé que celles d'une nation, et ces jeunes gens et jeunes femmes vont faire en sorte qu'au prochain rendez-vous avec la liberté le Québec va faire le choix qu'il prépare depuis que René Lévesque a dit que notre devoir était de faire du Québec un pays complet et reconnu.

Ceci dit, liberté et responsabilité vont ensemble. C'est vrai pour les gouvernements comme c'est vrai pour les jeunes. Nous allons, dans le présent exercice financier, dépenser très exactement ce que nous avions dit que nous allions dépenser par rapport au Sommet de la jeunesse. Cependant, et ça, je le redis à la face de tous les jeunes Québécois et Québécoises, y compris mes enfants et mes petits-enfants, si l'ensemble du Québec souffre d'un malaise économique grave comme il est possible qu'il s'en présente un... Le pire n'est jamais sûr, heureusement, mais, avec la déconfiture de l'économie nord-américaine aggravée par les événements du 11 septembre, il se peut que ce soit très dur, qu'il vente, comme j'ai dit. Et je dis à nos jeunes hommes et jeunes femmes: S'il vente, il ventera pour tout le monde avec justice et avec égalité. Puis, si on peut faire en sorte qu'il vente moins pour les moins démunis, c'est ça qu'on va faire de toutes nos forces.

n(14 h 30)n

Je n'admets pas, moi, que quiconque... Mais les groupes de pression, je le redis, là, la plupart de ces groupes de pression, j'en ai été le fondateur. Allez voir dans le livre de Vastel, tiens. Allez voir dans le livre de Vastel. Les groupes de pression...

Une voix: ...

M. Landry: Non, monsieur. Il fait des gestes, là... Vous voyez, M. le Président, là.

Des voix: ...

M. Landry: La moindre évocation historique qui dépasse un peu le député de Chomedey, il faut qu'il fasse des gestes, c'est plus fort que lui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Je dis qu'être jeune...

Le Vice-Président (M. Pinard): En conclusion.

M. Landry: ...je dis qu'être jeune, c'est aussi être responsable. Être jeune dans une famille comme dans un État, ça ne peut pas consister uniquement à dire: Je veux, je veux, je veux. Si le père tombe en chômage, les ados ne peuvent pas continuer à dire: Je veux, je veux, je veux. Toute la famille souffre. Alors, si le Québec est frappé par une récession d'une certaine gravité, je suis sûr que la jeunesse québécoise sera la première à répondre: Oui, nous allons assumer nos responsabilités.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Vaudreuil.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: En complémentaire, M. le Président. J'entends tous ces tortillonnages de la part du premier ministre, mais est-ce que le ministre responsable de la Jeunesse, lui, qui est nouveau dans ses fonctions... Comment peut-il justifier que son premier geste soit de renier la signature et l'engagement solennel que son gouvernement a pris vis-à-vis des jeunes au Sommet du Québec et de la jeunesse et de renier cet engagement d'investir, au cours de l'année financière 2002-2003, 200 millions dans l'éducation pour servir à nos jeunes, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre responsable de la Jeunesse, du Tourisme, du Loisir et du Sport.

M. Richard Legendre

M. Legendre: M. le Président, nous n'avons renoncé à rien. Nous n'avons renoncé absolument à rien dimanche dernier, et puis-je rappeler à cette Assemblée que tous les engagements du Sommet du Québec et de la jeunesse qui ont été pris en février 2000, tous ces engagements-là ont été respectés ? soit dit en passant, ce que l'opposition libérale ne souhaitait pas. Ils n'en souhaitaient aucun. Ils ont été tous respectés, allant des engagements, l'année dernière, en éducation; cette année, le nouveau Fonds de la jeunesse, 240 millions; le Fonds de lutte contre la pauvreté, qui a été reconduit, 160 millions; un fonds spécial pour des projets spéciaux, 90 millions. Un des enjeux majeurs du Sommet, c'était une nouvelle politique de la jeunesse, politique qui a été déposée et bien reçue par les jeunes en mai dernier, plan d'action dans lequel nous sommes présentement et qui sera présenté d'ici au mois de mars, tel que convenu.

Alors, les engagements du Sommet du Québec et de la jeunesse, ils sont respectés, et je suis très content de faire partie d'un gouvernement qui va continuer de les respecter, M. le Président. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Vaudreuil, principale ou complémentaire?

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: En complémentaire, M. le Président. Comment le ministre responsable de la Jeunesse peut-il venir nous affirmer ici que tous les engagements sont respectés, alors que son premier ministre vient de nous dire qu'ils ne seront pas respectés, M. le président? Le 200 millions dans l'éducation pour 2002-2003, c'est clairement ce qui a été dit, M. le Président. Donc, est-ce que le ministre de la Jeunesse, là, est en train de réaliser que peut-être il a été utilisé par son premier ministre et son ministre de l'Éducation pour sauver la face de son ministre de l'Éducation, M. le Président? Est-ce que nous aurions maintenant un nouveau ministre de la Jeunesse hypothétique, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: S'il y a quelque chose d'hypothétique, c'est la capacité du député de comprendre une réponse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: J'ai dit...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Landry: J'ai dit clairement, toute la Chambre a entendu, toute la population a entendu: S'il fait mauvais. S'il fait mauvais, j'ai bien insisté pour dire que le pire n'arrivera peut-être pas et que, pour cette année, en temps prévu et réel, nos engagements seront respectés. Et, s'il fait mauvais, je n'ai jamais dit qu'ils ne seraient pas respectés, j'ai dit que le calendrier pouvait changer.

Je reprends mon image d'un foyer frappé par le chômage du père ou de la mère. Disons qu'ils ont promis à une jeune teenager, comme ça m'est arrivé de faire et de le réaliser d'ailleurs, de lui acheter une trottinette ? c'est la folie des trottinettes de ce temps-là ? et que le chômage et le malheur frappent la famille, est-ce qu'on va avoir de l'admiration pour l'enfant qui va dire: Je veux! Je veux! Je veux! Tu avais dit: À Noël, ça va être à Noël! Bien, écoutez, là, c'est l'heure de la vérité. À cause de la prudence et de la sagesse de la ministre des Finances, ce qui devait se faire cette année se fera cette année.

J'espère de tout mon coeur que ce qui devait se faire l'an prochain se fera également l'an prochain si le pire n'arrive pas, et on fait tout pour que le pire n'arrive pas. C'est ça, le sens du dernier budget. Et, s'il doit y avoir un décalage à cause de souffrances plus grandes dans la société, chez les assistés sociaux et ailleurs, nous serons heureux, mes collègues et moi-même, d'aller dire à la jeunesse québécoise: Voici la réalité de notre solidarité sociale, et je suis sûr qu'ils et qu'elles comprendront.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay.

Financement des centres
hospitaliers universitaires

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, en question principale, M. le Président.

Il y a 20 mois ou à peu près ? c'était au printemps 2000 ? les dirigeants des hôpitaux universitaires indiquaient au gouvernement qu'ils étaient sous-financés, on s'en souvient. La ministre de l'époque, cependant, ne voulait pas les croire.

Alors, ce qu'elle a fait, c'est qu'elle a mandaté l'équipe Turenne, de son ministère, dans le but de faire comprendre aux dirigeants qu'ils ne lisaient pas bien les chiffres, qu'ils géraient mal puis que, dans le fond, il n'y en avait pas, de sous-financement.

Alors, Turenne est allé sur les lieux, dans les hôpitaux universitaires, il est revenu, puis il avait le même constat: Il manque de l'argent. Alors, le gouvernement était pris. Alors là ils ont dit: Bien, on va aller chercher des vérificateurs externes, juste pour qu'on soit sûrs de ne pas voir qu'il y a du sous-financement. Les administrateurs l'ont dit, mais ce n'est pas vrai. Turenne y est allé, mais ce n'est pas vrai. On va aller voir des vérificateurs externes. Ça, ça se passait il y a un an, en octobre 2000.

Aujourd'hui, M. le Président, les rapports tombent. Le Centre hospitalier universitaire de Québec, et c'est la même chose pour le CHUM: sous-financement. C'était pourtant prévisible depuis pas mal de temps, M. le Président. Les administrateurs l'avaient dit. Les gens du ministère l'avaient dit, mais ce n'était pas assez pour le gouvernement. Il fallait pelleter ça en avant. Il ne fallait pas qu'on le voie, qu'il y avait du sous-financement.

Ma question est au ministre: Est-ce que, 18 mois plus tard et 1,5 million de dollars en vérification externe, pour le CHUM et le CHUQ uniquement, est-ce que le ministre est prêt aujourd'hui à reconnaître que le gouvernement du Parti québécois a sous-financé les établissements, notamment universitaires, et entend-il respecter les recommandations des vérificateurs externes, à l'effet d'investir sur cinq ans 87 millions au CHUM et 96 millions au CHUQ?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, mercredi soir dernier, j'ai reçu de trois firmes externes un résumé des recommandations et de l'analyse de la revue des opérations du Centre hospitalier universitaire de McGill, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal et le Centre hospitalier universitaire de Québec. Mercredi soir, jusqu'à 10 h 30.

n(14 h 40)n

Dans le cas du CHUQ, là, c'est pas le bottin téléphonique, ça, là; c'est le rapport de PricewaterhouseCoopers. Et, si vous voulez, on va prendre quelques jours pour lire les 200 recommandations. Et je me réjouis aujourd'hui que, déjà, le président du conseil d'administration, M. Dicaire, et le directeur général du CHUQ indiquent qu'ils sont tout disposés à signer une entente de gestion, à faire en sorte d'implanter les mesures de performance dans un certain nombre de zones qui ont été identifiées par les vérificateurs externes en vue d'atteindre l'équilibre, tel que c'est prévu à la loi n° 107, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay, complémentaire ou principale?

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Dix-huit mois plus tard, avec beaucoup de rapports, pas encore capable de dire que c'est sous-financé.

Ma question, M. le Président, en additionnelle: Est-ce que le ministre comprend les propos de Claude Benjamin, du CHUM, qui disait, et je cite, le 6 novembre: «Le rapport ? dans le cas du CHUM ? s'inquiète notamment du mauvais partage des tâches entre infirmières et infirmières auxiliaires et du coût excessif entraîné par le recours à quelque 68 000 heures travaillées en heures supplémentaires. Ce n'est pas nous qui avons décidé des contingentements à l'université et qui avons incité les gens à prendre leur retraite, disait M. Benjamin»?

Est-il au courant qu'à l'égard du CHUQ ? même problématique ? ils sont pris avec des coûts de prestations et d'assurance salaire qui augmentent de façon vertigineuse? Est-ce que le ministre est au courant que les deux facteurs de croissance de coûts qui augmentent le plus vite sont directement liés à la mauvaise planification, les départs massifs à la retraite, le contingentement? C'est pour ça que les heures supplémentaires sont en hausse, le monde... Il manque de monde, ils travaillent plus, ils sont plus malades, et on paie de plus en plus parce qu'ils ont fait des mauvaises décisions. Est-ce que le ministre va enfin reconnaître que le problème de gestion, ce n'est pas dans les établissements, c'est au gouvernement? Et va-t-il se lever pour dire: Oui, je l'admets après que les dirigeants du... me l'aient dit, après que Turenne me l'ait dit, après que les vérificateurs externes me l'aient dit. Oui, il y a du sous-financement, et on va y remédier? Je peux bien lui donner encore deux semaines pour qu'il finisse sa lecture, mais peut-il au moins confirmer ce que tout le monde a vu et qu'il est le seul à ne pas vouloir voir?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: On reconnaît bien là, M. le Président, l'angle libéral d'analyse. Ils sont vite sur la gâchette puis sur le chèque, 96 milliards... 96 millions dans un coin, 125 millions dans un autre coin, 145 millions dans un autre coin, et le résultat, c'est des déficits accumulés de 6 milliards puis de 10 milliards d'impôts et de taxes supplémentaires. Ça, c'est la méthode de l'autre côté.

De ce côté-ci, ce qu'on va faire, M. le Président, c'est que nous avons reçu trois rapports de cette taille, très détaillés, qui font une revue extrêmement précise de chacune de opérations et qui dégagent des zones de performance, et là où il y a de l'amélioration... Et, en particulier au Centre hospitalier universitaire de Québec, on nous indique que nous sommes disposés à faire une entente de gestion. La même chose dans le cas de M. Benjamin à Montréal, dans le cas du CHUM, dans le cas CHUM tout disposé... Et nous avons l'obligation d'avoir ce résultat, signer une entente de gestion, dégager les actions précises qui seront à poser et faire en sorte qu'il y ait un comité d'implantation et un comité de suivi.

Et le député de Châteauguay devrait lire, en fin de semaine, le président du Collège des médecins du Québec qui disait dans Le Devoir: «Ça fait 30 ans qu'il manque de l'argent dans le système de la santé, ça fait 30 ans que nous injectons et que rien ne change. C'est donc autre chose qu'il faut faire, il faut modifier. Ce n'est pas seulement une question de financement ou seulement une question de gestion, c'est une question qui exige de nous casser la tête pour arriver à des solutions innovatrices.» C'est ça qu'il faut faire, M. le Président, pour arriver à des résultats équilibrés et des services aux malades et aux personnes en détresse, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la députée de Jonquière.

Mesures de sécurité au barrage
Portage-des-Roches, à Laterrière

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. M. le Président, le 20 septembre dernier, comme par hasard en pleine campagne électorale dans le comté de Jonquière, le ministre de l'Environnement est venu à Jonquière annoncer la mise en place de nouvelles mesures de sécurité au barrage Portage-des-Roches, à Laterrière, mesures qui consistaient en la construction d'un bâtiment pour héberger un gardien en permanence et la construction d'un second bâtiment pour recevoir les outils et instrumentations nécessaires.

À ce jour, aucune demande de permis de construction n'a été faite à la municipalité de Laterrière ni aucun appel d'offres lancé. L'hiver est à nos portes, pour avoir traversé le parc des Laurentides ce matin, on peut le constater. Et ça m'inquiète, M. le Président, parce que la population de Jonquière et de Lac-Kénogami se demande, encore une fois, si cette promesse était faite juste à des fins électoralistes. Avec la neige, M. le Président, il sera bientôt trop tard pour construire les bâtiments nécessaires, et donc rien ne sera fait pour le printemps prochain.

Doit-on comprendre, M. le Président, qu'au printemps prochain, à la crue des eaux, il n'y aura pas encore de gardien au barrage du Portage-des-Roches, à Laterrière?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre d'État à l'Environnement et à l'Eau.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Réponse fort simple, M. le Président: Non. Il y aura, comme prévu, comme convenu, comme nous nous y sommes engagés, les équipements requis et les installations pour faire en sorte de rassurer la population et d'ajouter aux déjà très importants dispositifs qui sont en place pour correctement suivre la crue des eaux.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la ministre... Mme la députée de Jonquière, en principale ou complémentaire?

Mme Gauthier: En complémentaire.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, Mme la députée.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: M. le Président, est-ce que le ministre est conscient que, dans le comté de Jonquière et dans le comté de Dubuc... J'aurais espéré que mes collègues ministériels se lèvent pour poser les mêmes questions, ça les intéresse aussi. Est-ce qu'on peut comprendre... ou qu'on peut avoir des réponses? Quand est-ce qu'on va construire? Si on ne construit pas là immédiatement, ça veut dire qu'au printemps il faut oublier ça. Encore une fois, le rapport Nicolet va rester sur les tablettes et il n'y aura pas de gardien au barrage Portage-des-Roches. Quand, M. le Président, le ministre est-il en mesure de nous annoncer que la construction va débuter au Portage-des-Roches, à Laterrière?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, il faut certainement que la députée ait un certain culot pour se lever à l'Assemblée nationale, alors que c'est nous...

Des voix: ...

M. Boisclair: C'est nous, M. le Président...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît, s'il vous plaît.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre d'État à l'Environnement et à l'Eau.

M. Boisclair: M. le Président, je le répète, il faut avoir un certain culot pour se lever à l'Assemblée nationale, alors qu'il y a quelques semaines je me rendais moi-même pour en faire l'annonce, j'annonçais que les budgets étaient dégagés, que les choses allaient suivre leur cours et que nous allions, comme convenu, avoir l'ensemble des équipements en place pour s'assurer qu'à la crue des eaux il n'y ait pas de problème et que nous allions faire le nécessaire pour ajouter à l'important dispositif qui est déjà en place pour correctement informer la population et faire le suivi du niveau des eaux.

M. le Président, de ce côté-ci... Peut-être que la députée déjà se fait intoxiquer par ses collègues, mais, de ce côté-ci de la Chambre, on respecte nos promesses.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la députée de Jonquière, en principale ou complémentaire?

Mme Gauthier: En additionnelle, M. le Président.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi.

Mme Gauthier: En additionnelle, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): En additionnelle. Alors, on vous écoute.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: M. le Président, ma question est fort simple: Est-ce que, au printemps de l'an 2002, il y aura, oui ou non, un gardien? Parce que, je vous le répète, si vous ne commencez pas la construction immédiatement, la construction ne débutera qu'au printemps prochain, donc pas de gardien encore au Portage-des-Roches. La question est fort simple ? ce n'est pas des promesses que je veux, la campagne électorale est finie, je l'ai gagnée: Quand allons-nous avoir une construction, avoir un gardien au Portage-des-Roches...

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Boisclair: Ha, ha, ha! M. le Président...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Pour la réponse, M. le ministre.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, je donne la même réponse que j'ai donnée aux citoyens de la région lorsque je suis allé moi-même, me rendre sur place en faire l'annonce. Les équipements seront pleinement fonctionnels, seront sur place pour éviter que la prochaine crue des eaux... que les gens ne soient pas correctement informés et que nos équipements ne soient pas performants comme nous le souhaitons. En d'autres mots, comprenez simplement que nous allons respecter notre parole. Et je comprends que la député puisse poser des questions, qu'elle cherche une certaine visibilité, mais qu'elle ne le fasse pas sur le dos des engagements du PQ.

n(14 h 50)n

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

Construction de minicentrales hydroélectriques

M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. En principale, M. le Président. Le ministre des Ressources naturelles a eu droit à un beau cadeau, en fin de semaine dernière, de la part des jeunes de son parti lors du Conseil national, alors qu'ils ont fait passer une résolution lui demandant un moratoire sur les minicentrales. Mais il a aussi reçu un beau cadeau et un bel hommage de la part du premier ministre, pas au salon rouge ni à Alma, à la fin du Conseil général, quand le premier ministre a dit qu'à l'évidence les projets qui étaient déposés dans le cadre des projets de minicentrales, qu'ils ne faisaient pas de sens, à l'évidence, et qu'ils n'étaient pas réalistes, et qu'à l'évidence, avec le niveau d'hydroélectricité produit au Québec, il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Ça, c'est exactement le contraire de ce que nous a dit le ministre des Ressources naturelles le 24 mai dernier, quand il a lancé le programme des minicentrales. Et, à ce moment-là, il mentionnait que, si tous les projets inscrits sur la liste actuelle devaient se réaliser, les minicentrales, cela serait à peine suffisant pour répondre à la croissance de la demande en une seule année. Quelques mois après, le premier ministre dit le contraire. Et là, M. le Président, c'est aussi exactement le contraire de ce qu'ils ont dit lors de l'annonce du virage thermique, où il fallait absolument une centrale thermique, sinon on allait manquer d'électricité au Québec.

Alors, M. le Président, est-ce que le ministre des Ressources naturelles peut nous dire pourquoi il a déposé une série de projets qui, au dire même du premier ministre, ne font pas de sens, à l'évidence? Et se rend-il compte qu'encore une fois l'improvisation du gouvernement dans le dossier des petites centrales démontre qu'il ne porte aucun intérêt au développement hydroélectrique et que, même quand ils essaient de bien faire, ils réussissent à prouver qu'ils improvisent, selon les jeunes, et déposer des projets qui ne font pas de sens, selon le premier ministre?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je ne dirais pas que le député est de mauvaise foi, ce ne serait pas parlementaire. Mais je vais peut-être dire cependant qu'il a l'esprit un peu tordu, parce que la liste de sites aménageables qui a été rendue publique au printemps dernier, j'ai dit et j'ai répété que c'était une liste préliminaire et qu'elle ferait l'objet d'une consultation via les MRC. C'est ce qui s'est fait, c'est ce qui est en train de se compléter, et ça va nous permettre d'en arriver à une liste permanente ou définitive. Et je vous annonce d'ores et déjà, avec ce que nous avons reçu comme résolutions venant des MRC, je vous annonce d'ores et déjà que la liste préliminaire de 37 sites, au printemps, sera ramenée, sans aucun doute, à une liste comportant entre 20 et 25 sites. Les MRC ont très bien fait leur travail; ils ont consulté leur population. Ils ont examiné chacun des sites et, dans leurs recommandations, ils nous indiquent très clairement les sites que nous devons enlever de la liste. On va tenir compte de cette consultation, et, par conséquent, la liste permanente, définitive, ne comportera que des sites dont le niveau d'acceptabilité sociale aura été mesuré et jugé parfaitement convenable. Voilà!

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Kamouraska-Témiscouata, en complémentaire.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, M. le Président. Est-ce qu'on doit comprendre de la réponse du ministre que, après avoir dit que, dans le cas de l'usine d'éthanol, un rapport, c'est un rapport, dans le cas de SM 3, quand il a dit qu'une étude, c'était une étude... maintenant qu'on prend des jeunes de son parti, que, une résolution, c'est une résolution, ce n'est pas plus grave que ça?

Et est-ce qu'il se rend compte finalement que, quand les gens lui parlent d'improvisation dans son propre parti... les jeunes lui ont demandé un moratoire sur les minicentrales et ont même ajouté à la télé qu'ils demandent aussi un moratoire sur l'improvisation. Alors, est-ce que vous pouvez nous dire que finalement la résolution des jeunes en fin de semaine, c'est un gadget, vous ne vous en occupez pas, et que les minicentrales feront partie du processus d'appels d'offres qu'Hydro-Québec va lancer à partir de janvier pour combler ses besoins rapidement parce que vous n'avez rien fait en hydroélectricité depuis neuf ans et que, à cause de ça, bien, on risque d'être en période d'équilibre en 2005-2006? Alors, est-ce que, oui ou non, les minicentrales vont être dans le processus d'appels d'offres d'Hydro-Québec, en janvier prochain?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, chacun a droit à son opinion, mais je suis en total désaccord avec l'opinion exprimée par un jeune au Conseil national, qui vient d'ailleurs de ma circonscription et qui disait qu'il fallait mettre un moratoire sur l'improvisation. C'est absolument faux.

S'il y a un programme et une politique...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Oui, tout à fait. S'il y a une politique qui a été longuement préparée et mûrie, c'est cette politique-là. Ça a pris deux ans à la mettre au point. On s'est appuyé à la fois sur la politique énergétique du Québec. On s'est appuyé sur un avis de la Régie de l'énergie, suite à une demande faite par mon prédécesseur sur toute la question de la petite hydraulique. On s'est appuyé sur toute une série de recommandations de la commission Doyon qui a examiné toute cette problématique.

C'est à partir de là qu'on a élaboré la politique, et elle comportait des étapes. Encore une fois, je les rappelle: une liste préliminaire ? j'espère que le député connaît le sens du mot «préliminaire» ? une liste préliminaire soumise à la consultation; à partir de la consultation dans les MRC, une liste permanente, et, sur la base de la liste permanente, oui, des appels d'offres, mais également, en plus, tous les projets seront assujettis...

Des voix: ...

M. Brassard: Tous les projets seront assujettis à la procédure d'évaluation environnementale. Donc, on s'assure non seulement de l'acceptabilité sociale des projets, mais on va s'assurer aussi de l'acceptabilité environnementale des projets. Et je pense qu'on est loin de l'improvisation.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, ceci met fin à la période de questions et de réponses orales.

Nous allons maintenant procéder à la rubrique Réponses différées. Or, M. le ministre des Ressources naturelles...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est reporté à jeudi. D'accord.

À la rubrique Votes reportés, il n'y a pas de votes reportés.

Motions sans préavis

À la rubrique Motions sans préavis, alors, Mme la ministre d'État à la Famille et à l'Enfance. Madame.

Souligner la Journée mondiale
de l'enfance

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la tenue de la Journée mondiale de l'enfance et qu'elle réitère à cette occasion son appui aux principes de la Déclaration des droits de l'enfant et de la Convention relative aux droits de l'enfant.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Il y a consentement sûrement de notre part, oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Consentement?

Une voix: Sans débat.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Sans débat? D'accord. Alors, cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Toujours aux motions sans préavis, Mme la ministre d'État à la Culture et aux Communications et M. le ministre délégué à la Recherche, à la Science et à la Technologie. Mme la ministre.

Souligner la présence des lauréats
des Prix du Québec 2001

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la présence en cette Chambre des six lauréats qui se voient remettre aujourd'hui les Prix du Québec 2001 pour leur contribution exceptionnelle à la culture québécoise.»

Le Vice-Président (M. Pinard): La motion est déposée. Oui, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Consentement?

M. Brassard: Il y a consentement puis il y a un accord, M. le Président, pour qu'il y ait deux intervenants de chaque côté.

Le Vice-Président (M. Pinard): De part et d'autre. Alors, Mme la ministre d'État à la Culture et aux Communications.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Depuis près d'un quart de siècle, les Prix du Québec attestent la fierté et la reconnaissance du gouvernement pour l'oeuvre de femmes et d'hommes dont les réalisations dans les domaines des arts, des lettres et de la science ont contribué à l'essor de notre collectivité. Ils sont la preuve éclatante de la richesse et la diversité de notre culture.

C'est un honneur pour nous d'accueillir aujourd'hui les lauréats des Prix du Québec 2001 et un privilège pour moi, M. le Président, de leur exprimer, au nom de tous les membres de l'Assemblée nationale, notre reconnaissance et celle de toute la population pour leur apport inestimable à l'avancement de la société.

En dévoilant ces noms, je suis heureuse de mettre en lumière des parcours d'êtres exceptionnels, passionnés et convaincus dont les réalisations ont contribué à façonner notre conscience collective à travers les interrogations essentielles que posent l'art et la création sur l'identité et la quête de liberté.

Dans le domaine des lettres, le prix Athanase-David est attribué à M. Victor-Lévy Beaulieu dont l'oeuvre est un moteur de l'évolution culturelle du Québec.

n(15 heures)n

Victor-Lévy Beaulieu est un homme hors du commun, un dramaturge, un romancier, un écrivain du Bas-du-Fleuve comme seul le Québec sait en produire. De L'Héritage à Bouscotte, cet auteur prolifique a créé pour la télévision des personnages à la démesure de sa région natale et fait vibrer tout un pays au rythme de leurs passions et de leurs espoirs, et ce, dans une langue poétique et riche.

Constamment animé par son amour des livres et de la littérature, Victor-Lévy Beaulieu a été directeur littéraire de 1969 à 1973 aux Éditions du Jour, à la suite de quoi il a fondé les Éditions de l'Aurore et, trois ans plus tard, les Éditions VLB, lesquelles ont permis l'émergence d'une nouvelle littérature solidement ancrée dans le Québec moderne.

Auteur du puissant Monsieur Melville, considéré par plusieurs comme un chef-d'oeuvre par sa façon d'intégrer la fiction à l'essai, Victor-Lévy Beaulieu a produit une oeuvre colossale qui propose une lecture foncièrement originale et sans concession de la société québécoise.

Reconnu ici et à l'étranger, le talent de Victor-Lévy Beaulieu a été honoré à maintes reprises, comme le démontre le prix Ludger-Duvernay qui lui a été attribué pour l'ensemble de son oeuvre. Aussi costaude que constante, cette oeuvre n'a pas fini de nous étonner et de faire connaître le Québec dans la francophonie. Félicitations, M. Victor-Lévy Beaulieu.

Des voix: Bravo!

Mme Lemieux: Le prix Georges-Émile-Lapalme est remis à M. Michel Bergeron, M. Bergeron qui a apporté, à travers une riche carrière de professeur et de chercheur, une contribution notoire à la vitalité de la langue française. Médecin spécialiste en néphrologie, M. Bergeron mène depuis plus de 30 ans une remarquable carrière à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, dont il est l'un des piliers du Département de physiologie. La qualité de ses innombrables travaux scientifiques lui a valu une reconnaissance internationale.

Mais, s'il mérite aujourd'hui le prix Georges-Émile-Lapalme, c'est en raison de sa lutte pour contrer l'hégémonie de l'anglais dans le monde scientifique contemporain en faisant appel à la mobilisation de plusieurs scientifiques de France et du Québec.

Avec l'appui, notamment, du réputé chercheur français Jean Hamburger, Michel Bergeron lançait, en mars 1985, le premier numéro de Médecine-Sciences, une prestigieuse revue de science biomédicale de langue française dont il a été le rédacteur en chef québécois pendant 15 ans.

L'importance de Médecine-Sciences dans la collaboration franco-québécoise et du rôle joué par M. Bergeron dans cette réussite a valu à ce dernier le titre rarement accordé de correspondant émérite de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale de France.

Pour M. Bergeron, la défense de la langue française dans le monde scientifique est non seulement un devoir national, mais plus encore une exigence culturelle pour toute collectivité. «Un individu, écrit-il, une société qui refuse de s'approprier la science se condamne à s'appauvrir.» Merci, M. Bergeron.

Des voix: Bravo!

Mme Lemieux: Le prix Denise-Pelletier récompense une personnalité des arts de la scène. Il est accordé cette année à un homme de théâtre dont le nom est indissociable du bouillonnement de notre dramaturgie, M. Paul Buissonneau.

Des voix: Bravo!

Mme Lemieux: Paul Buissonneau a marqué l'expression théâtrale par la liberté folle qu'il a toujours accordée aux créateurs et aux créatrices, par sa rigueur légendaire et par l'audace formelle dont il a fait preuve tout au long de sa carrière aussi éblouissante que généreuse.

En tant qu'animateur et apôtre du théâtre ambulant La Roulotte, Paul Buissonneau a donné, au cours des années cinquante, le coup d'envol au théâtre destiné aux enfants, tout en inspirant les Yvon Deschamps, Clémence Desrochers, Robert Charlebois et des dizaines d'autres à qui cet alchimiste, comme l'écrit Jean-Claude Germain, a appris à transmuter la pauvreté en or par l'ingéniosité créatrice.

Cofondateur en 1965 du Théâtre de Quat'sous, qu'il dirigera jusqu'en 1989, cet homme ardent et infatigable y présentera des pièces tirées du répertoire mondial qui, de saison en saison, ont imposé le Quat'sous comme un des lieux incontournables de l'activité théâtrale québécoise. De nombreux artistes y ont fait leurs premières armes aux côtés de celui que l'écrivain et dramaturge Michel Tremblay appelle «un maître, un des plus importants que ce pays ait connus», dit-il. Figure de proue, Paul Buissonneau n'a cessé de poursuivre l'accomplissement majeur de son art dont les répercussions planent encore sur l'évolution du théâtre et de la culture au Québec. M. Buissonneau, merci.

En raison de son apport marquant à la profession et à la pratique archivistique, M. Carol Couture reçoit le prix Gérard-Morisset, qui souligne une contribution remarquable à la sauvegarde, au rayonnement et à la transmission de l'héritage culturel québécois. Le choix de Carol Couture comme lauréat du prix Gérard-Morisset constitue une reconnaissance de l'importance fondamentale des archives pour le patrimoine culturel. Au cours d'une fructueuse carrière de plus d'un quart de siècle, Carol Couture a contribué avec dynamisme à l'enrichissement de la vie culturelle québécoise en travaillant au développement de l'archivistique sous trois axes, soit la profession, l'enseignement et la recherche. Parmi ses nombreuses réalisations, le Québec lui doit la publication, en 1982, d'une véritable somme rédigée collectivement sous sa direction et celle de Jean-Yves Rousseau, Les Archives au XXe siècle: une réponse aux besoins de l'administration et de la recherche, un ouvrage qui propose un modèle original de gestion des archives.

L'influence exercée par Carol Couture, homme visionnaire et novateur, sur la conception, l'orientation et la pratique archivistique au Québec s'est manifestée notamment dans l'actuelle Loi sur les archives où son témoignage a eu un grand effet sur la forme finale de cette loi. Carol Couture continue de consacrer ses énergies aux avancées de l'archivistique comme directeur de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information de l'Université de Montréal et comme consultant auprès d'institutions nationales québécoises, internationales comme l'UNESCO. M. Couture, merci.

Le prix Albert-Tessier est remis à M. René Jodoin, l'un des pionniers du cinéma d'animation, pour sa contribution exceptionnelle à la création cinématographique québécoise. L'esprit visionnaire de René Jodoin, son talent, son audace et la qualité de son travail sont intimement liés à la vigueur de la production des films d'animation au Québec. Chercheur infatigable, grand pédagogue, il a été l'un des collaborateurs de la première heure de Norman McLaren, ce grand maître de l'animation que René Jodoin considère comme sa principale source d'inspiration. À la fois rêveur et artiste rigoureux, il inspirera à son tour plusieurs générations de cinéastes et d'explorateurs de l'image à qui il a su communiquer son enthousiasme et son professionnalisme.

n(15 h 10)n

En plus d'être redevable à René Jodoin d'une oeuvre marquante en cinéma d'animation, le Québec lui doit également la fondation, en 1966, du Studio d'animation du programme français de l'Office national du film, où il travaillera pendant plus de 30 ans. Au cours de sa carrière fructueuse comme administrateur, animateur, réalisateur, producteur, René Jodoin sera à l'origine également d'importantes expériences qui ont contribué à faire de Montréal une plaque tournante dans le développement des nouvelles technologies de l'animation. M. Jodoin, merci et félicitations.

Enfin, le prix Paul-Émile-Borduas est la plus haute distinction accordée par l'État québécois à un créateur ou une créatrice du domaine des arts visuels. Cette année et aujourd'hui particulièrement, ce prix revêt un caractère tout à fait particulier.

Hier, nous apprenions en effet le décès de celle qui fut la première femme à le recevoir, en 1983. Il s'agit, bien sûr, de Marcelle Ferron, une grande artiste, une grande dame qui a non seulement... Donc, Marcelle Ferron, qui a marqué profondément sa profession, mais également qui a contribué à faire entrer le Québec dans la modernité. Cette signataire du Refus global, une femme qui a repoussé bien des barrières et obtenu de nombreuses distinctions, au Québec comme à l'étranger, était animée d'une personnalité forte, passionnée et généreuse. Femme d'engagement, elle ne manquait aucune occasion de lutter contre les injustices et de se porter à la défense des plus démunis. On peut dire en quelque sorte que l'histoire de Marcelle Ferron est celle de la couleur et de la lumière luttant contre l'obscurité.

C'est donc avec beaucoup d'émotion et de fierté que le prix Paul-Émile Borduas est remis cette année à un artiste majeur en arts visuels, M. Roland Poulin. Qualifiée d'exceptionnelle, la sculpture de Roland Poulin se démarque par sa qualité d'exécution et son rapport avec le spectateur. Sa production témoigne d'une recherche constante et originale qui dépasse largement les limites de la sculpture. Plusieurs musées prestigieux, ici comme ailleurs, ont accueilli l'oeuvre de Roland Poulin, notamment le Musée d'art contemporain de Montréal qui, de novembre 1999 à avril 2000, a consacré une exposition remarquable à son parcours novateur et audacieux.

Couronnée de marques de reconnaissance dont le prix Ozias-Leduc, qui lui a été attribué par la Fondation Émile-Nelligan en 1992, l'oeuvre de Roland Poulin accorde une large place au dessin, qui demeure essentiel à sa réflexion de sculpteur. Ainsi, l'artiste a participé à la fondation de la revue Parachute, dédiée aux arts visuels, dont il a réalisé la maquette du premier numéro, en plus d'avoir fourni un apport primordial à l'esprit de la revue, sur le plan des idées esthétiques. L'oeuvre de Roland Poulin, qui a suscité une quantité impressionnante d'articles et d'écrits, contribue, depuis 30 ans, à l'essor de la sculpture contemporaine dont il est l'un des ambassadeurs les plus importants de sa génération. M. Poulin, félicitations.

En terminant, M. le Président, permettez-moi d'adresser à nouveau mes sincères et nos sincères félicitations à Victor-Lévy Beaulieu, Michel Bergeron, Paul Buissonneau, Carol Couture, René Jodoin, Roland Poulin. Je vous remercie de ce que vous avez apporté au Québec et à notre collectivité. Votre oeuvre ainsi que l'honneur qui la met aujourd'hui en lumière font que chacun d'entre nous et chacun d'entre vous êtes un modèle pour les générations montantes.

Je félicite également chacun des lauréats du domaine scientifique, dont mon collègue M. David Cliche vous dévoilera l'identité dans quelques instants. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons céder maintenant la parole à M. le député de Châteauguay.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, en mon nom personnel, surtout au nom de ma collègue de Sauvé, critique en matière de culture, ainsi qu'au nom de mes collègues de l'opposition officielle, de rendre hommage aux lauréats 2001 des Prix du Québec pour le volet culturel. Cette année encore, nous souhaitons, par la motion qui vient de nous être présentée, souligner l'apport considérable de cinq lauréats à l'avancement de notre société et à l'évolution de la culture québécoise. Ces personnalités marquantes de l'histoire de notre culture s'ajouteront à une liste imposante de personnes qui se sont mérité au fil des ans un Prix du Québec par une carrière remarquable dans leur domaine. En 1922, Athanase David, secrétaire de la province de Québec, crée les Concours littéraires, qui sont à l'origine du Prix du Québec. Il allait donc de soi que la plus haute distinction accordée par le gouvernement québécois dans le domaine de la littérature porte son nom.

Pour l'année 2001, le prix Athanase-David est décerné à l'écrivain Victor-Lévy Beaulieu. Romancier, dramaturge, poète et essayiste, Victor-Lévy Beaulieu est l'un des écrivains les plus prolifiques du Québec. Il est lauréat de nombreux prix, dont le Prix du Gouverneur général du Canada, en 1974, pour Don Quichote de la Démanche, le prix Québec-Paris pour Monsieur Melville, en 1979, ainsi que les prix Arthur-Buies, en 1987, Canada-Belgique, en 1980, Duvernay, en 1981, pour l'ensemble de son oeuvre. En 1993, il reçoit aussi le Grand prix de théâtre du Journal de Montréal pour Sophie et Léon.

Victor-Lévy Beaulieu s'est construit une réputation d'écrivain irréductible qui n'hésite pas à bousculer les clichés littéraires et les personnalités de la culture et de la politique québécoises, comme en témoigne, par exemple, son roman Race de monde. Son attachement pour les régions du Québec est sans équivoque et ne passe pas inaperçu. Dans une entrevue dans La Presse l'année dernière, M. Beaulieu disait ceci: «Il nous faudrait des états généraux régionaux. Les gouvernements, toutes races confondues, disait-il, sont bureaucratiques, centralisateurs. La Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent se vident depuis la fin de la Deuxième Guerre, et là c'est le Saguenay, la région du premier ministre Bouchard, qui perd son monde. Les réformes que nos gouvernements prétendent avoir faites dans les régions ressemblent surtout à des délégations de pouvoirs. On s'est servi de groupes communautaires, on les a institutionnalisés, on en a fait des parafonctionnaires. 250 millions de la santé par année pour payer les gens qui aident les autres à s'aider, on peut se poser des questions», disait alors M. Lévy Beaulieu.

Le prix Paul-Émile Borduas, du nom de l'une des principales figures de la peinture de l'après-guerre, est attribué dans le domaine des arts visuels depuis 1977. Il revient cette année au sculpteur Roland Poulin. Il rejoint donc des noms tels que Henry Saxe, Alfred Pellan, Jean-Paul Riopelle, Jean-Paul Lemieux, pour ne nommer que ceux-là. Depuis 25 ans, M. Poulin interroge les rigueurs de la forme, de la matière et de la densité.

Afin de vous donner une bonne image des oeuvres de M. Poulin, M. le Président, je vais citer un article de Lise Bissonnette, paru dans Le Devoir du 24 janvier 1998 ? c'était, à l'époque, en pleine crise du verglas. Mme Bissonnette écrivait, sur les grands portiques de bois qu'Hydro-Québec installait entre Boucherville et Saint-Césaire pour remplacer à toute vitesse les pylônes d'acier dont le verglas avait eu raison, elle écrivait: «Ils ressemblent aux gibets du Calvaire, à ceux de François Villon, à ceux de La Corriveau. Ils ressemblent aux sculptures de Roland Poulin, instruments de crucifixion, nerfs équarris dressés qui suintent des couleurs intimes.»

Le prix Denise-Pelletier, qui honore la mémoire de cette femme de théâtre renommée, est aujourd'hui remis dans le domaine des arts de la scène à une autre personnalité bien connue depuis plusieurs années dans le monde du théâtre québécois, Paul Buissonneau. La ville de Montréal a sans doute engagé le fonctionnaire le plus singulier de son histoire en 1952 lorsqu'elle a confié à Paul Buissonneau la direction artistique de La Roulotte, un théâtre en plein air, itinérant, administré par le département des loisirs, qui attirait chaque année des milliers d'enfants accompagnés de leurs parents dans les parcs de la ville. D'entrée de jeu, il a mis en valeur quelques-uns des jeunes talents québécois les plus prometteurs de l'heure, comme Yvon Deschamps, Claude Jasmin, Robert Charlebois et tant d'autres, faisant souffler un vent de fraîcheur et de nouveauté sur la scène théâtrale plutôt aride du Québec d'alors. Quatre ans plus tard, il fondait sa propre compagnie, le Théâtre de Quat'sous, avec lequel il a poursuivi pendant 35 ans une expérience théâtrale audacieuse et innovatrice qui a permis à nombre d'artistes québécois parmi les plus en vue de notre époque ? Robert Lepage, François Barbeau, André Brassard, René-Daniel Dubois, Lothaire Bluteau et bien d'autres ? de faire leurs premières armes.

n(15 h 20)n

En même temps, et ça, je peux en témoigner personnellement, en même temps, M. le Président, il a joué et écrit en abondance, créant notamment le célèbre personnage télévisé pour enfants, Piccolo, qui a fait partie de notre enfance, un rôle magique, poétique, irrésistiblement drôle, M. le Président, et on salue en lui, à juste titre, l'un de maîtres du théâtre francophone d'aujourd'hui.

Le prix Albert-Tessier est remis au cinéaste et producteur René Jodoin, un pionnier du film d'animation au Canada. Le Hullois d'origine a fondé puis dirigé le studio d'animation du programme français de l'Office national du film. Il aura développé une oeuvre de plusieurs films marquée par une recherche formelle constante qui est décrite comme parmi les plus rigoureuses. Ses films lui auront valu plusieurs prix internationaux et deux nominations aux Oscar à titre de producteur pour Faim, de Peter Foldes, en 1974, et pour M. Pointu, l'année suivante.

Le prix Gérard-Morisset est décerné à l'archiviste Carol Couture. M. Couture a été aux Archives nationales du Canada, au service des Archives de l'Université de Montréal, directeur du même service. En 1988, il se joint à l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information de l'Université de Montréal où il est professeur titulaire et, M. le Président, dois-je ajouter, depuis juin dernier, directeur de la même École.

Je voudrais en profiter, si vous me le permettez, pour rappeler aux membres de cette Assemblée que nous avons voté, le 25 mai dernier, à l'unanimité une motion à l'égard de cette École, et je me permets d'en faire la lecture:

«Que l'Assemblée nationale salue les 40 ans de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information de l'Université de Montréal, seule école francophone dans ce domaine en Amérique du Nord, qui a reçu dernièrement l'agrément de l'American Library Association pour une période de sept ans, et qu'en conséquence l'Assemblée nationale félicite les artisans de l'École qui, chaque année, forme des professionnels et des chercheurs à la gestion de l'information consignée et des connaissances en vue de maximiser leur transfert et leur utilisation dans la société, contribuant ainsi au progrès de la démocratie.»

Je prends la peine de citer cette motion parce que je pense qu'il faut reconnaître en cette École et en son directeur reconnu aujourd'hui non seulement beaucoup de talent, mais un rôle très important pour notre collectivité.

M. Couture, ses enseignements qui se situent principalement dans l'option archivistique de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information offerte dans le cadre de la maîtrise en bibliothéconomie et des sciences de l'information, et il est responsable du programme de certificat en archivistique... Ex-président de l'Association des archivistes du Québec, il a été membre du Bureau canadien des archives, du Conseil canadien des archives et de son bureau de direction. Il participe activement au réseau archivistique international et est membre de la section pour l'enseignement de l'archivistique et la formation des archivistes du Conseil international des archives dont il fut le premier président de 1992 à 1996.

Il est aussi très actif en recherche, a publié plusieurs ouvrages et articles de différents aspects de l'archivistique contemporaine. On peut même s'apercevoir qu'en plus de l'écriture il a aussi animé une série de 37 émissions de télévision portant sur l'archivistique à l'intention des étudiants. On le dit aussi, M. le Président, le spécialiste de la théorie des trois âges dans le domaine de l'archivistique pour les documents actifs, semi-actifs et historiques, et je suis personnellement très heureux de pouvoir remplacer à cet égard ma collègue de Sauvé pour lui offrir mes plus sincères félicitations personnellement, à M. Bouchard.

Finalement, le prix Georges-Emile-Lapalme... M. Couture.

Le prix Georges-Émile Lapalme est remis à M. Michel Bergeron pour une contribution exceptionnelle d'une personne à la langue française. Michel Bergeron a contribué de façon exceptionnelle à la vitalité de la langue française dans la communauté scientifique. En fondant, en 1983, la revue Médecine-Sciences, il a créé une revue internationale de biologie et de médecine en langue française reflétant la très grande qualité de la recherche effectuée en francophonie.

Ici, je me permets d'ajouter quelques mots comme critique à la santé. On ne peut que saluer les gens qui permettent par leur recherche de développer non seulement dans le domaine de la langue française, mais assistés... et surtout associés à la santé, l'énergie et leur talent pour faire en sorte que la contribution québécoise puisse rayonner dans l'ensemble du monde, M. le Président.

Par l'ensemble de ses travaux, M. Bergeron s'est acquis une reconnaissance internationale attestée par les postes occupés au sein des diverses organisations de scientifiques, les prestigieuses invitations reçues et les prix qu'on lui a décernés. Il est notamment récipiendaire du prix Michel-Sarrazin de la Société canadienne de physiologie pour son oeuvre scientifique et a récemment été nommé correspondant émérite de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale de France.

M. le Président, au nom de l'opposition officielle, nous offrons nos plus sincères félicitations à tous les lauréats 2001 des Prix du Québec de la culture pour leur grande contribution à notre culture et au développement du Québec. Bravo à vous tous. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre délégué à la Recherche, à la Science et à la Technologie.

M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Je fais également motion pour que l'Assemblée nationale félicite les cinq lauréats scientifiques des Prix du Québec qui sont ici présents aujourd'hui, M. le Président. Et nous allons maintenant souligner leur apport.

Cette année, alors que nous célébrons le 25e anniversaire des Prix du Québec, j'ai l'honneur, à titre de ministre délégué à la Recherche, à la Science et à la Technologie, et au nom de Mme Marois, qui est ministre en titre de la Recherche, de la Science et de la Technologie, de récompenser l'oeuvre de cinq grands scientifiques qui ont contribué de façon magistrale à l'avancement des connaissances et du mieux-être de la société québécoise. Fait intéressant, ces cinq grands Québécois sont également d'origines diverses. Un lauréat est natif de Tchécoslovaquie, deux sont d'origine québécoise, un autre est né en Pologne mais a vécu en Tchécoslovaquie, et enfin un lauréat né de parents polonais et ukrainienet ayant passé son enfance en Saskatchewan. Voilà une autre preuve de l'ouverture de la société québécoise, M. le Président.

Permettez-moi maintenant, M. le Président, de vous les présenter. Le prix Léon-Gérin, accordé dans le domaine des sciences humaines, est décerné à M. Marcel Trudel, une des figures marquantes de l'étude de l'histoire au Québec.

Des voix: Bravo!

M. Cliche: Marcel Trudel s'est principalement illustré par son oeuvre colossale, principalement sur l'histoire de la Nouvelle-France, et il s'est distingué par l'orientation scientifique qu'il a donnée à ses recherches en histoire. L'acharnement de M. Trudel à faire valoir l'exactitude des faits historiques a parfois choqué plusieurs de ses contemporains. Par exemple, selon lui, un de nos grands héros nationaux, Samuel de Champlain, n'a pas traversé l'Atlantique pour cultiver les terres ou même pour évangéliser les Amérindiens, mais bien pour tirer profit du commerce des fourrures. Voilà une des caractéristiques de M. Trudel. Il a toujours défendu la véracité des faits, même au risque de choquer.

Le prix Léon-Gérin reconnaît aussi la contribution exceptionnelle de cet historien en matière d'enseignement. À 84 ans, après avoir formé des générations d'étudiants, Marcel Trudel demeure encore très actif, parcourant les régions du Québec et donnant des cours sur la Nouvelle-France à l'Université du troisième âge. M. Trudel, merci pour votre contribution aux sciences québécoises.

Des voix: Bravo!

M. Cliche: Dans le domaine des sciences pures et appliquées, le prix Marie-Victorin est attribué au chimiste Robert Emery Prud'homme. Ses travaux de recherche sur les polymères ont grandement contribué au développement de ce champ d'activité, plus particulièrement dans les matières plastiques et les caoutchoucs. Ils ont aussi des retombées dans le domaine biomédical en ce qui a trait à l'utilisation des points de suture résorbables. M. Prud'homme, loin d'être avare de sa science et de son savoir, s'est préoccupé de le diffuser, mettant à profit ses qualités de pédagogue et de vulgarisateur scientifique de même que son engagement dans les milieux scientifiques d'ici et d'ailleurs. Il a dirigé un nombre exceptionnel de mémoires et de thèses de doctorat, sans oublier des chercheurs menant à des études postdoctorales. M. Prud'homme, merci pour votre contribution aux sciences québécoises.

Des voix: Bravo!

n(15 h 30)n

M. Cliche: Le prix Wilder-Penfield, dédié au domaine des sciences biomédicales, est remis cette année au Dr Pavel Hamet. En effet, ce prix reconnaît sa contribution remarquable à l'avancement de la génétique et de la médecine préventive. Le Dr Hamet s'est particulièrement illustré à l'échelle mondiale par ses travaux de recherche portant sur l'hypertension, l'un des grands fléaux de notre société souvent appelé le «tueur silencieux» ou le «silent killer», comme disent nos amis américains. La médecine préventive individualisée appliquée à l'hypertension, préconisée par M. Hamet, constitue en effet un changement majeur très prometteur qui contribue à mettre la recherche fondamentale au service de la santé. Les travaux de recherche du Dr Hamet sur la génétique sont d'ailleurs déterminants pour la mise au point éventuelle de traitements préventifs. Merci, Dr Hamet. Merci beaucoup.

Le prix Armand-Frappier, attribué pour la création et le développement d'établissements de recherche ou pour l'administration et la promotion de la recherche, est décerné au Dr Emil Skamene. L'apport de ce clinicien-chercheur est considérable dans un nouveau domaine de recherche qu'il a lui-même institué, l'immunogénétique. Les travaux du Dr Skamene portent notamment sur l'hypertension, l'asthme, le diabète et le cancer.

Dans la continuité du travail remarquable du Dr Armand Frappier sur les vaccins antituberculeux, le fameux BCG, le Dr Skamene fait progresser les connaissances des maladies infectieuses liées au système immunitaire. Sa participation à la mise en place d'établissements de recherche ainsi qu'au développement d'importants organismes de recherche sont déterminants pour l'avancement de la science et pour le rayonnement international du Québec. Enfin, ce grand chercheur ? que vous êtes ? s'illustre également comme pédagogue, car il a formé des sommités internationales, notamment les Dr Philippe Gros, Thomas Hudson et Mary Stevenson. Merci, M. Skamene, merci pour votre contribution aux sciences du Québec.

Et, finalement, le cinquième prix, le prix Lionel-Boulet, dédié aux chercheurs du domaine industriel, est décerné cette année à M. Morrel P. Bachynski. Ce prix rend hommage à un chercheur innovateur que l'on désigne souvent comme l'entrepreneur technologique par son apport majeur à l'essor des entreprises québécoises dans les domaines des technologies spatiales, des dispositifs optoélectroniques et des technologies numériques dont bon nombre ont vu le jour grâce à votre soutien.

Né de parents agriculteurs, M. Bachynski se qualifie, non sans une pointe d'humour, me dit-on, de «R and D farmer». L'analogie est très, très pertinente. En bon cultivateur de la recherche et du développement, il cumule depuis plus d'un quart de siècle les fonctions de chercheur, de promoteur, d'innovateur, d'entrepreneur, de financier, de chef d'orchestre et de P.D.G. de sa compagnie. Comme un cultivateur, sans cesse il laboure, il sème, il arrose et il récolte ses nombreuses réalisations industrielles. Toute la carrière de cet entrepreneur visionnaire et homme d'affaires averti a contribué au développement technologique et à la croissance économique du Québec. M. Bachynski, merci pour votre contribution aux sciences du Québec.

En conclusion, M. le Président, j'invite tous les membres de cette Assemblée à appuyer cette motion de félicitations destinée aux cinq grands Québécois lauréats scientifiques des prix du Québec, édition 2001, et citoyens remarquables qui ont fait leur marque par un apport colossal à l'innovation et au savoir. Merci, M. le Président.

Si vous me permettez, je veux joindre ma voix à ma collègue de la Culture et des Communications pour saluer ma tante Marcelle, qui était la soeur de ma mère, que j'ai connue depuis ma tendre enfance. Donc, avec beaucoup d'émotion, je peux vous dire que c'est une perte grande pour la famille et pour le Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous cédons maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, avant de commencer à remercier les récipiendaires des prix, je voudrais m'associer aussi au ministre délégué de la Science et de la Technologie pour offrir à la famille Ferron et aux gens par alliance mes plus sincères condoléances. Le Québec a perdu une grande personne non seulement sur le plan artistique, mais aussi sur le plan humain. C'était une personne qui était ouverte aux réalités sociales, et nous avons perdu une grande dame aujourd'hui, M. le Président.

Je voudrais aussi m'associer au ministre pour féliciter les récipiendaires des prix scientifiques et je vais essayer de les féliciter dans l'ordre dans lequel le ministre a abordé leurs noms sans nécessairement y prendre un ordre de préséance entre les uns et les autres. Permettez-moi d'abord de féliciter, moi aussi, Marcel Trudel, un historien qui, lui, a su que l'histoire ne devait pas nécessairement être utilisée à des fins politiques, mais que l'histoire était d'abord une science. Ça, d'ailleurs, lui a créé un certain nombre de difficultés, si je me permets de vous rappeler. En 1965, il a dû quitter l'Université Laval pour aller enseigner à l'Université Carleton où il a terminé sa carrière. À l'Université Carleton, mon collègue le député de Richelieu l'a bien connu dans ces murs.

Indépendamment de son oeuvre historique qui a marqué en particulier en ce qui toucherait l'histoire des institutions au Québec, il y a un élément qui est peut-être moins connu de la part de Marcel Trudel, qui n'a pas été rappelé tout à l'heure par le ministre. Et, pour les gens de ma génération ou de la génération du premier ministre, il se rappellera certainement que Marcel Trudel a été président du Mouvement laïc de langue française en 1962, au moment où un mouvement laïc de langue française... Être président d'un tel mouvement lorsqu'on était enseignant universitaire, ce n'était pas nécessairement quelque chose de facile, et nous avons tous des raisons ici pour le remercier, bien sûr pour son activité scientifique, mais aussi pour le caractère social de son engagement qu'il a manifesté dans le Mouvement laïc de langue française, aussi dans l'Institut d'histoire de l'Amérique française où il a côtoyé des grands noms comme Guy Frégault, Michel Brunet et, après lui, Jean-Pierre Boileau ou Michel Durocher.

Le deuxième récipiendaire. Si vous me permettez, je vais les prendre dans l'ordre parce qu'il y a une similitude entre Emil Skamene et Pavel Hamet, deux personnes qui sont formées à l'Université Charles, de Prague, et qui, à cause des événements qu'on a appelés les «événements de 1968», ont fini par émigrer, l'un aux États-Unis ? il reviendra au Canada un peu plus tard ? l'autre au Canada directement, l'un invité par le Dr Genest à l'IRCM, l'autre, il a un processus... un cheminement de carrière un peu différent. Mais revenons: l'un à l'Université de Montréal, l'autre à l'Université McGill. Et, phénomène encore plus... similitude dans leurs carrières, vous savez, M. le Président, qu'il y a actuellement deux grands hôpitaux universitaires, l'hôpital universitaire de Montréal, le CHUM, et l'hôpital universitaire de l'Université McGill, et chacun d'entre eux deux, ce sont les deux directeurs des centres de recherche de chacun de ces grands hôpitaux, et ils se retrouvent actuellement félicités l'un et l'autre par l'obtention des prix scientifiques.

Je me permets d'ajouter un point, qu'il y a encore une autre similitude dans les plans de carrière de ces deux personnes, ce sont deux personnes qui ont pris conscience ? et je vois mon collègue le député de Charlesbourg ? qui ont pris conscience à quel point la génomique était importante dans le traitement des maladies, que ce soient les questions qui touchent l'immunogénétique pour le Dr Skamene, soit l'importance des gènes actuellement dans les réactions pour la résistance à la... ou à l'invasion, dans le cas de notre collègue le Dr Skamene, et dans le cas des gènes qui sont à l'origine... l'identification des gènes qui sont à l'origine de l'hypertension dans le cas de notre collègue le Dr Pavel Hamet.

Je me permets, puisqu'on est aussi à une période de félicitations, de rappeler aussi que Montréal va être l'hôte du 12e Congrès d'immunologie en 2004 et que le Dr Emil Skamene sera, à ce moment-là, le président de ce Congrès. Il est important, M. le Président, ici, de savoir le signaler.

n(15 h 40)n

Permettez-moi, M. le Président, aussi, dans le peu de temps qui nous est imparti, de féliciter aussi un chimiste, Robert Prud'homme, un chimiste qui a été formé dans nos universités, qui a fini son doctorat à l'Université du Massachusetts et qui a fait son postdoc à l'Université de Montréal et qui a fait sa carrière à l'Université Laval, qui est directeur aujourd'hui du Centre de recherche en sciences et en ingénierie des macromolécules mais qui ? et c'est important d'en être conscient ? est à la fois l'articulation entre la recherche fondamentale et aussi une recherche qui est beaucoup plus appliquée, qui est directement en lien avec l'industrie. Le ministre a rappelé tout à l'heure ses travaux sur les polyesters, en particulier sur les polylactides, M. le Président, ses travaux aussi sur les polymères biodégradables. Je comprends que, lorsqu'il était ministre de l'Environnement, il a eu à travailler aussi sur ces polymères biodégradables, sur les polymères stéréoréguliers.

Rappelons qu'il a bénéficié aussi du prix Archambault de l'ACFAS. Mais le point qu'il est important de bien rappeler ici dans notre processus: c'est quelqu'un qui à la fois peut faire une carrière universitaire mais aussi être en mesure d'avoir une recherche qui peut être directement applicable, M. le Président.

Notre dernier récipiendaire: le Dr Bachynski, ancien président de l'Association canadienne des physiciens en 1968. Je pense que le ministre l'avait oublié. Le Dr Bachynski est quelqu'un qui faisait des plasmas. Il a travaillé sur les plasmas. Rappelons, malheureusement, qu'on a supprimé le projet Tokamak et qu'on ne peut pas participer de plain-pied au projet Iter. Mais enfin, c'est un autre débat qu'on fera dans d'autres...

Une voix: ...

M. Gautrin: Je le sais parfaitement, mais, écoutez-moi, on aurait pu faire autre chose si Hydro-Québec s'était engagée comme elle aurait dû s'engager à ce moment-là. Mais oublions ce débat-là, ce n'est pas le jour où on doit le faire, s'il vous plaît, M. le Président. On y reviendra le cas échéant.

Il est important de signaler que le Dr Bachynski est à la fois un scientifique de premier plan. Je me permettrai de vous rappeler le livre que vous connaissez probablement, qui est sur la cinétique des particules dans les plasmas, vous savez, le plasma qui est le quatrième état de la matière à l'heure actuelle, à ce moment-là, où les atomes sont complètement ionisés. Alors, il a été capable de faire à la fois ce livre important sur le plan théorique mais aussi en créant la compagnie MPB, M. le Président, MPB Technologies qui est à la fois une compagnie qui permet d'être très présente dans... de rendre disponibles l'ensemble des technologies de photonique, d'électronique, la technologie du plasma, la technologie des lasers directement applicables dans l'industrie.

Je m'en voudrais, M. le Président, de ne pas parler du Dr Bachynski sans rappeler au ministre, et sans rappeler au gouvernement, et sans lui suggérer de consulter aussi le Dr Bachynski lorsqu'il rappelle que, dans les processus d'innovation, il est illusoire de vouloir recouvrer directement les coûts investis dans la recherche, dans les laboratoires universitaires ou dans les laboratoires gouvernementaux. C'est beaucoup plus dans la création d'emplois qui est générée par les investissements dans la recherche qu'on doit voir le résultat des investissements en termes de recherche.

Je vais, si vous me permettez, citer en terminant et pour la culture du ministre délégué et de la ministre en titre... Quand je vois... Je me permets de le rappeler, ce serait bon qu'elle en prenne bonne graine. «Les pressions exercées dans le sens du recouvrement des coûts entretiennent des attentes irréalistes quant au rendement du transfert technologique, et le gouvernement pourrait tirer un bien meilleur profit de son taux d'imposition sur les emplois, lequel représente un rendement cinq fois à 10 fois supérieur à celui des redevances perçues.» M. le Président, c'est avec énormément, énormément de plaisir aujourd'hui que, au nom de l'opposition officielle, ici, je félicite ces cinq grands récipiendaires des prix scientifiques du Québec. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, toujours aux motions sans préavis, M. le secrétaire d'État à l'Accueil et à l'intégration des immigrants. Monsieur.

Blâmer sévèrement la condamnation
de jeunes personnes par les tribunaux égyptiens
en raison de leur orientation sexuelle

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement la condamnation par les tribunaux égyptiens de 23 jeunes personnes en raison de leur orientation sexuelle.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

Mise aux voix

Alors, cette motion est adoptée sans débat.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous sommes à votre rubrique Avis touchant les travaux des commissions. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement, s'il vous plaît.

Mme Carrier-Perreault: Oui. Alors, M. le Président, j'avise cette Assemblée que, conformément à l'article 275 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission des finances publiques complétera le débat sur le discours du budget aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à la fin des 10 heures prévues à l'article 272 du règlement de l'Assemblée nationale, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Et demain, mercredi, le 21 novembre 2001, cette même commission entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 10, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif.

J'avise aussi, M. le Président, que la commission de l'aménagement du territoire poursuivra les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 26, Loi modifiant la Loi sur la Régie du logement et le Code civil, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, ainsi que demain, mercredi 21 novembre 2001, de 9 h 30 à 11 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.

La commission des transports et de l'environnement procédera, elle, à l'étude détaillée du projet de loi n° 13, Loi modifiant la Loi sur les véhicules hors route, demain, mercredi 21 novembre 2001, de 9 h 30 à 10 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, vos avis sont déposés, Mme la leader adjointe.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Il y a un débat de fin de séance qui avait été prévu pour aujourd'hui, entre M. le député de Limoilou et M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, concernant l'hôpital Robert-Giffard, qui avait été reporté après les affaires du jour d'aujourd'hui, et, à ce que je sache, il y a un consentement pour que... Mme la leader adjointe, il y a un consentement pour que ce débat de fin de séance soit reporté la semaine prochaine, selon une date à être déterminée entre vous. Ça va?

Je vous informe que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Vaudreuil. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale déplore que l'éducation ne soit pas une priorité pour le gouvernement du Parti québécois.»

Il y aura trois débats de fin de séance après les affaires du jour, à 18 heures, un premier à la demande de M. le député de Châteauguay suite à une question qu'il a posée aujourd'hui au ministre de la Santé et des Services sociaux concernant le sous-financement du CHUQ et du CHUM. Également, un débat de fin de séance à la demande de Mme la députée de Jonquière suite à une question qu'elle a posée aujourd'hui au ministre d'État à l'Environnement et à l'Eau, à savoir: Quand la construction débutera-t-elle au barrage Portage-des-Roches? Et également une demande de débat de fin de séance par M. le député de Vaudreuil suite à une question qu'il a posée aujourd'hui au ministre responsable de la Jeunesse, du Tourisme, du Loisir et du Sport concernant le report aux calendes grecques de la promesse péquiste de consacrer la somme de 200 millions en 2002-2003 pour les jeunes du Québec. Ces trois débats de fin de séance auront lieu après les affaires courantes, à 18 heures. Ceci met fin à la période des affaires courantes.

Affaires du jour

Nous en sommes maintenant aux affaires du jour. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Je vous référerais à l'article 46 du feuilleton.

Projet de loi n° 45

Adoption

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 46, Mme la ministre déléguée à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse propose l'adoption du projet de loi n° 45, Loi modifiant la Loi sur le tabac. Mme la ministre déléguée à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, je vous cède la parole.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, M. le Président. La commission a étudié le projet de loi que j'avais déposé, qui était une loi modifiant la Loi sur le tabac. Nous avons eu des travaux que je qualifierais de très agréables, et je pense que, si ces travaux ont été si agréables, c'est que nous avons affaire d'abord à une loi de base, la Loi sur le tabac, qui a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale.

n(15 h 50)n

Je n'ai jamais peur, M. le Président, de souligner quand l'opposition fait bien son travail d'opposition, c'est-à-dire, et que tous les députés, des deux côtés, font bien leur travail de législateur. C'est enfin ce pour quoi nous sommes mandatés à l'Assemblée nationale, représenter nos commettants, bien sûr, mais ensuite voir à ce que les projets de loi que nous déposons, à ce que les lois qui soient adoptées correspondent à la volonté populaire et permettent à la société d'avancer, correspondent à l'évolution que désire cette société. La Loi sur le tabac, de ce côté-là, est un exemple très pertinent de l'intérêt... de cette corrélation entre l'avancement, l'évolution de la société et l'évolution des débats à l'intérieur des commissions.

La Loi sur le tabac, adoptée à l'unanimité, je le répète, est une loi qui au départ avait provoqué beaucoup de discussions. Les gens avaient peur de ce qu'on appelle les «ayatollahs du tabac», les non-fumeurs étant parfois perçus difficilement, un peu mal perçus par les fumeurs. Or, il y a deux choses qui se sont passées: d'abord, une loi qui est assez simple d'application, qui est assez respectueuse à la fois des fumeurs... Et c'est d'abord une loi qui protège l'intégrité physique des non-fumeurs mais qui est aussi respectueuse du fait qu'il y a encore beaucoup de fumeurs dans la société. Fument encore à peu près 30 % des Québécois et Québécoises, ce qui, à mon avis personnel, M. le Président ? et c'est normal en tant que ministre déléguée à la Santé, aux Services sociaux aussi ? est encore beaucoup trop, surtout si on sait que le phénomène est aussi fort chez les jeunes, quoique, on vient de l'apprendre par une étude, M. le Président, le phénomène d'abord d'accroissement de la dépendance au tabac chez les jeunes, de l'accoutumance au tabac chez les jeunes a non seulement cessé de s'accroître, mais semble se stabiliser et légèrement diminuer. Nous suivrons cela de près, M. le Président.

Donc, ce projet de loi n° 45 proposait trois types de modifications à la Loi sur le tabac. D'abord, il faut savoir qu'il y avait une modification amenée dans la Loi sur le tabac qui concerne les centres de la petite enfance. Il y avait une notion difficile, qui portait à interprétation, M. le Président, sur les installations dans le cas des services privés de garderie, et on voulait protéger les enfants dans les services privés de garderie, dans toutes les pièces de la maison, bien sûr, au moment où les enfants sont gardés dans ces services privés. Alors, on s'est entendu, tout le monde a bien compris l'essentiel, qui est de protéger l'enfance, parce que, M. le Président, les membres de l'Assemblée nationale le savent pour la plupart, un des facteurs de dépendance au tabac, d'attrait au tabac chez les jeunes, c'est l'environnement social et familial. Moins ils sont contaminés par la vue de la cigarette et du tabac jeunes, plus on peut restreindre le pouvoir d'attraction de la cigarette, donc protéger nos enfants en services de garde privés dans les centres de la petite enfance.

Deuxièmement, nous proposions une modification concernant les restaurants. Il y avait eu une modification à la Loi sur les établissements touristiques qui était devenue la Loi sur les établissements d'hébergement touristique, et, en faisant une légère modification, ça nous a permis de voir à ce que la loi continue son application et qu'à partir du 1er décembre il n'y ait pas d'espace vide dans l'application de la loi. Et, grâce à la collaboration de tous les députés membres de la commission des affaires sociales, nous avons introduit une nouvelle modification qui est, si je me permets, M. le Président, une modification du gros bon sens, une simplification pour le cas des restos-bars, restos avec permis de bar.

Ce pour quoi on l'a fait, M. le Président, je dirais qu'une des conditions du succès de la Loi sur le tabac jusqu'ici et de son application, c'est qu'on a vu à l'appliquer de façon simple et progressive. On a beaucoup informé, on a été proche des restaurateurs, proche des gens, on a envoyé... On n'a pas tout de suite introduit, mettons, par exemple, des amendes, on a attendu le temps que les gens connaissent bien la loi, soient bien informés. On a d'abord donné des constats d'infraction, et maintenant on en est rendu aux amendes, et maintenant on en est rendu à poursuivre les gens, mais on peut le faire parce que... Et c'est bien accepté, M. le Président. C'est ça qui est intéressant. C'est bien accepté parce qu'ils ont été bien informés et qu'on a su étaler dans le temps la compréhension de cette loi. Alors, on s'est donc entendu sur la restauration.

D'autre part, la dernière proposition d'amendement sur les casinos, M. le Président, ça a été, je pense, bien accueilli par tout le monde. On a vu la réaction à l'Assemblée nationale quand j'ai déposé cette proposition d'amendement à la Loi sur le tabac. C'est qu'aujourd'hui, dès que nous adopterons finalement cette loi, dès le 1er décembre, les casinos feront partie maintenant des lieux qui seront visés par la Loi sur le tabac. À l'époque, il y avait eu des discussions, et, comme les bars, on le sait ? les lieux de consommation d'alcool étaient soustraits à la Loi sur le tabac ? les gens nous avaient demandé que les casinos soient aussi soustraits à la Loi sur le tabac. Mais, parce que la société a évolué, parce que les gens connaissent la Loi sur le tabac, parce qu'ils ont continué...

Ils ont commencé, d'ailleurs. Même les joueurs ont commencé, dans les casinos, à découvrir que finalement un environnement sans fumée était un environnement très agréable. Il y a eu de la demande pour agrandir des zones non-fumeurs dans les casinos. Alors, maintenant, aujourd'hui, je suis fière d'annoncer que, si nous procédons à l'adoption de ce projet de loi, les casinos feront partie de cet état exemplaire quant à la protection des droits des non-fumeurs, M. le Président.

Alors, je remercie tous les membres de la commission, je remercie le travail qui s'est fait. Ils ont été, comme toujours, proactifs, compréhensifs. Les discussions ont été bonnes, même avec l'opposition, qui parfois nous étonne. J'espère que ça continuera. Alors, M. le Président, voilà. Je suis très fière de l'étape où on en est rendu actuellement dans la proposition de l'adoption du projet de loi n° 45.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la ministre déléguée à la Santé et aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du projet de loi n° 45, Loi modifiant la Loi sur le tabac, et je vais céder la parole à M. le vice-président de la commission des finances publiques, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux et député de Nelligan. M. le député, la parole est à vous.

M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. C'est la dernière étape du projet de loi n° 45, et, depuis le début, j'ai dit à la ministre déléguée que le côté de l'opposition officielle appuie les démarches qui peuvent être effectives et efficaces pour la lutte contre l'utilisation du tabac.

Le projet de loi n° 45 qui va être en vigueur à partir du 1er décembre, c'est quelques pas dans la bonne direction. Je vais utiliser mon temps, M. le Président, afin de peut-être parler un peu plus de qu'est-ce qui n'est pas dans le projet de loi que qu'est-ce qui est dans le projet de loi, mais je vais cibler les bonnes choses. Mais, avant de faire ça, M. le Président, la ministre a parlé de l'enquête québécoise sur le tabagisme chez les élèves du secondaire, et les manchettes disent que nous avons plafonné. Au moins, ce n'est pas plus grave qu'avant. Mais la ministre est au courant que c'est quand même très élevé encore, 29 %, 30 %, et on doit continuer la bataille de réduire l'utilisation du tabac chez nos jeunes.

Et, M. le Président, je pense que ce n'est pas un grand secret, qu'est-ce que je vais dire maintenant, que c'est assez clair que, si vous ne commencez pas à fumer avant 18 ans, il y a des chances très fortes que vous n'allez jamais commencer à fumer. Et, le fait que l'utilisation du tabac tue plus que 10 000 Québécois par année, je pense qu'on doit faire toutes les choses possibles afin d'arrêter ça.

M. le Président, effectivement, le projet de loi n° 45 change quelque chose, le problème, la contradiction dans le projet de loi n° 444 sur les casinos, et, à partir du 1er décembre, ils vont avoir une obligation d'avoir des aires de fumée. Il y a quelques changements pour les services de garde, des changements pour les cafétérias et aussi, comme la ministre l'a mentionné, un changement des bars et restaurants, l'obligation de 40 % et 60 % pour les fumeurs et non-fumeurs.

M. le Président, il me semble que vous pouvez voir mes commentaires, pendant chaque étape du projet de loi, logiques, les pas dans la bonne direction. J'ai voulu peut-être aller un peu plus loin et j'offre ma collaboration à la ministre de travailler, comme nous avons travaillé sur le projet de loi n° 45, d'avancer les causes de réduction de l'utilisation du tabac de toutes les façons, soit de l'inscription des médicaments sur les listes des médicaments pour aider les personnes à cesser de fumer, plus d'éducation, de sensibilisation bien ciblée dans les bons endroits. M. le Président, j'ai même demandé, encore une fois j'ai demandé à la ministre des Finances, en commission parlementaire, comment elle va utiliser le 245 millions de dollars de plus que le gouvernement va avoir sur la taxe sur le tabac. Je n'ai pas questionné la taxe, M. le Président, mais la première augmentation, l'été passé, de 2 $ par cartouche a augmenté les revenus de 120 millions de dollars. Il y a une certaine partie de ce 120 millions de dollars qui a été ciblée pour cessation de fumer, publicité, éducation, etc.

n(16 heures)n

Il y a maintenant une autre vague, un autre 2,50 $ par cartouche annoncé le 1er novembre, M. le Président, un autre 125 millions de dollars. J'ai voulu avoir un engagement du gouvernement qu'il y a une partie de ça, une grande partie de ça qui va être aussi protégée pour utilisation dans la lutte contre le tabac. Malheureusement, M. le Président, je n'ai pas reçu ça.

M. le Président, la fumée de tabac dans l'environnement, c'est de plus en plus une chose que le gouvernement va, je pense, s'occuper, et les quelques gestes qu'on peut trouver dans le projet de loi n° 45, c'est un pas dans une bonne direction. Mais, je pense, la ministre est d'accord, on doit aller plus loin, et je vais certainement utiliser mon rôle comme opposition officielle d'aider elle de convaincre les autres d'aller plus loin.

Il y a quelque chose qui m'a... Et je ne répète pas mes interventions que j'ai faites à chaque étape, mais, encore une fois, cette fin de semaine, quand j'ai lu les journaux... Je pense que j'ai lu tous les journaux, comme chaque député, et, quand je vois les annonces comme ça dans nos journaux, il me semble, M. le Président, ça ne respecte pas la loi. C'est la publicité d'un style de vie, et je demande... Et la ministre dit qu'elle va... Elle a eu 28 plaintes sur la publicité, et, enfin, le gouvernement va commencer de procéder d'assurer que les compagnies respectent la loi.

J'ai mentionné quelques autres projets de loi, je ne sors pas tous... Quelques autres publicités ? je m'excuse, M. le Président ? soit les subventions pour les arts, parce que l'idée dans le projet de loi passé unanimement à l'Assemblée nationale, M. le Président, aucune nouvelle subvention, mais, si vous avez eu des subventions avant 1998, vous avez le droit de garder. Mais c'est assez clair que les subventions dans le Conseil des arts, c'est les nouvelles subventions. J'ai questionné la ministre sur ça, je questionne encore et je vais questionner. J'annonce à la ministre... J'ai hâte d'entendre... J'ai hâte de savoir qu'est-ce qu'elle va faire sur les choses comme ça.

La ministre a mentionné... Et j'accepte de bonne foi qu'elle veut vraiment protéger nos jeunes, mais, M. le Président, il y a un niveau de non-respect de la loi sur la question des ventes aux mineurs, très, très élevées au Québec, et j'espère que maintenant... La ministre a dit: Ça prend le temps. Elle a même... Pas elle, mais l'ancienne ministre a reporté la mise en oeuvre du projet de loi. Mais, maintenant, nous sommes juste avant Noël 2001, c'est le temps d'aller plus directement, que, si le monde ne respecte pas la loi soit sur les questions de publicité soit aux questions de vendre aux mineurs, c'est le temps d'agir. Parce que, si on ne fait pas ça, ça va être assez clair que le gouvernement n'est pas sérieux.

M. le Président, j'ai utilisé aussi la commission parlementaire pour montrer qu'il y a quelques... Pas toutes les compagnies, mais quelques compagnies qu'il y a même un numéro pour téléphoner. Et, si vous téléphonez ce numéro, vous avez besoin de donner vos coordonnées, ils envoient un concours pour gagner 5 000 $, pour les fumeurs. Moi, je pense que c'est contre, au moins, l'esprit de la loi, si ce n'est pas contre la lettre de la loi. J'espère que la ministre va faire le suivi de ça.

J'ai mentionné que peut-être on peut avoir dans nos projets de loi... Sur la question du pouvoir municipal ? et nous avons eu tout un débat sur ça pendant les récents mois ? est-ce qu'on peut avoir un article dans nos lois qui permette à une municipalité, si la municipalité veut, d'aller plus loin dans nos règlements? Je ne veux pas dire que nous allons obliger les municipalités de faire ça, mais, si quelques municipalités veulent aller plus loin, il me semble qu'on doit permettre à ces municipalités d'aller plus loin.

Voilà, M. le Président, j'arrête, parce que, comme j'ai mentionné, M. le Président, moi, je pense qu'on doit être sérieux. Un produit qui tue plus que 10 000 Québécois, Québécoises par année, c'est quelque chose qu'on doit, je pense, faire tout le possible de réduire l'utilisation de ce produit. Si le projet de loi n° 45 est un petit pas dans cette bataille, j'appuie ça, mais j'espère que... Peut-être après Noël, j'offre mes services à la ministre, de s'asseoir ensemble, et on peut aller plus loin. Mais une des choses que je voudrais vraiment entendre le gouvernement bientôt, quand il y a un respect de la loi, parce qu'il y a plus de compagnies qui respectent la loi, on peut féliciter ces compagnies, on peut encourager par «positive reinforcement», on peut encourager le monde. Mais, quand il y a un non-respect de la loi, j'espère que notre gouvernement va agir dans une façon raisonnable, mais directement sur la question de publicité et des ventes aux mineurs.

M. le Président, thank you for the opportunity to give a few comments about Bill 45, a bill amending the Tobacco Act, that brings casinos under the Tobacco Act for the first time. To say the least, there was a contradiction in the law. Many people said it was complete hypocrisy. That's being fixed. Cafeterias have been included, there have been some changes of the rules between bars and restaurants that have similar ownerships. So, yes, it's a projet de loi that has some good measures. What I've hoped to see was more, but what I did today in the other levels of debate, in other stages of debate, I suggested what else the Government can do, I offered my services to go farther.

J'espère que la ministre va accepter mon offre qu'ensemble on peut avancer la cause, parce qu'il me semble qu'on ne peut pas être content avec le niveau qui est énoncé dans l'enquête québécoise. On doit travailler plus fort, et nous allons pousser et continuer de travailler avec le gouvernement pour assurer que la lutte contre l'utilisation du tabac peut être gagnée dans un avenir proche. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Nelligan, de votre intervention, et je vais céder un droit de réplique à Mme la ministre déléguée à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse. Mme la ministre, je vous cède la parole.

Mme Agnès Maltais (réplique)

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Sans vouloir prolonger indûment les débats, vu que nous savons qu'il y a beaucoup de gens qui désirent aller voir les récipiendaires des Prix du Québec qui ont été honorés aujourd'hui, c'est simplement pour rappeler que nous avons été un gouvernement courageux d'abord en adoptant ce projet de loi, en résistant aux pressions, au lobby des compagnies de tabac et en adoptant la Loi sur le tabac, une Assemblée nationale aussi courageuse. Deuxièmement, nous sommes des gens responsables, et, au fur et à mesure qu'il y a des plaintes comme celles qui nous ont été... comme sur les publicités qui nous ont été présentées par le représentant... le critique officiel de l'opposition, eh bien, nous agissons. Mais nous agissons de façon responsable et, à chaque fois que nous avançons d'un pas, nous voulons avancer sur un terrain solide. C'est ce que nous faisons constamment, M. le Président. Merci.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la ministre. Le projet de loi n° 45, Loi modifiant la Loi sur le tabac, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Carrier-Perreault: Oui. Alors, M. le Président, nous allons poursuivre avec l'article 21.

Projet de loi n° 54

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 54, Loi portant réforme du Code de procédure civile. M. le ministre de la Justice, je vous cède la parole.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur, doublé d'une grande fierté, de proposer aujourd'hui aux membres de cette Assemblée l'adoption du principe du projet de loi n° 54, intitulé Loi portant réforme du Code de procédure civile, présenté le 13 novembre dernier. Il s'agit du premier volet et, sans contredit, l'un des plus importants de la réforme du Code de procédure civile.

D'emblée, il convient de le préciser, le projet de loi reprend de façon générale le rapport du Comité de révision de la procédure civile, que j'ai rendu public en août dernier, lequel contenait quelque 327 recommandations. Ce Comité a été mis sur pied en 1998 dans le but d'établir une justice civile plus rapide, plus simple, plus efficace et moins coûteuse, susceptible d'améliorer l'accès à la justice et d'accroître la confiance des justiciables dans le système de justice. Ce Comité était présidé par l'éminent juriste, Me Denis Ferland, professeur agrégé à la Faculté de droit de l'Université Laval, et composé de membres de la magistrature, du Barreau et des représentants du ministère de la Justice. Je profite de l'occasion pour réitérer mes plus sincères remerciements au président et aux membres du Comité pour leur contribution à cette importante réforme que nous entreprenons aujourd'hui.

Le Comité a, dans un premier temps, entrepris une première consultation sur 14 thèmes spécifiques, à laquelle ont participé plus de 150 personnes choisies parmi les membres de la magistrature, du Barreau et des services judiciaires. Un document préliminaire a été rendu public en février 2000 et fut l'objet d'une consultation tenue principalement au cours des mois de juin et septembre 2000, consultation qui a permis au Comité de recueillir les commentaires de 60 personnes et organismes. Dans son rapport, le Comité fait divers constats: le coût élevé de la justice pour les citoyens et les citoyennes, la complexité des recours, la longueur des délais et la diminution constante, depuis plusieurs années, des demandes en justice.

n(16 h 10)n

Le Code de procédure civile couvre de nombreux aspects de la justice civile, et l'ampleur de la réforme implique que nous devrons procéder en deux temps. Cependant, les maux qui assaillent cette justice et l'intérêt du justiciable, qui est au coeur d'une telle réforme, commandent de procéder immédiatement dans les matières susceptibles d'accélérer le processus et de diminuer les coûts. C'est ainsi que le projet de loi n° 54 porte réforme du Code de procédure civile en ce qui a trait aux règles relatives à l'introduction et au déroulement de l'instance, à l'appel, au recouvrement des petites créances et au recours collectif.

L'approche adoptée vise à augmenter la responsabilisation, tant des parties que de leur procureur, tout en accordant au juge un rôle plus actif dans la direction du procès. Ainsi, le projet impose aux parties l'obligation de s'assurer que les procédures qu'elles choisissent soient proportionnées à la nature, à la complexité et à la finalité des recours. Par exemple, une partie ne pourra multiplier les expertises dans un litige où les questions de fait et de droit sont simples et où les montants en jeu sont relativement modestes. Par ailleurs, le rôle du juge, traditionnellement confiné à l'adjudication, évoluera vers un rôle beaucoup plus actif d'assistance aux parties, en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance.

Parmi les éléments importants du projet de loi n° 54, on retrouve l'unification des procédures introductives d'instance. Vous vous souviendrez, M. le Président, vous qui êtes avocat, qu'à la fin des années soixante-dix les demandes en justice étaient généralement introduites par voie de bref d'assignation et de déclaration. C'était l'action traditionnelle, avec contestation écrite, réponse, réplique et inscription pour enquête et audition.

Au cours des 20 dernières années ont été implantées de nouvelles lois introductives d'instance basée sur la contestation orale, plus souples et visant à accélérer le processus ou à réduire les coûts. Je pense au nouveau régime procédural en matière familiale mis en vigueur en 1982 et à la voie procédurale allégée que j'ai introduite, en 1996.

La procédure introductive unifiée contenue au présent projet s'inscrit dans la continuité de ce mouvement en marche. À compter de sa mise en vigueur, la quasi-totalité des demandes seront introduites par requête et seront présentées à une étape préliminaire au tribunal. Par ailleurs, toutes les demandes seront soumises à un délai de rigueur de 180 jours pour inscrire la cause pour enquête et audition. Je me permets ici de souligner que le délai butoir introduit dans la procédure allégée en 1996 a produit ses fruits. Il est donc souhaitable de procéder dès maintenant à sa généralisation. Ce délai sera encore plus efficace et incontournable par l'ajout d'une interdiction de le prolonger de plus de 90 jours, à moins que la partie ne démontre à un juge, qui devra motiver sa décision, qu'elle était dans l'impossibilité absolue d'agir avant l'expiration du délai.

Par ailleurs, en plus de consacrer la tendance à la contestation orale, le projet de loi n° 54 accroît les pouvoirs du tribunal au moment de la présentation de la demande, et ce, en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance. Ces pouvoirs accrus viseront désormais toutes les demandes et seront plus nombreux. Bien sûr, le pouvoir du tribunal de décider des moyens propres à simplifier ou à accélérer la procédure et à abréger l'audition demeure, de même que la possibilité de rendre les ordonnances propres à sauvegarder les droits des parties.

Le tribunal pourra en outre tenir une conférence de gestion particulière de l'instance, déterminer le calendrier des échéances, inviter les parties à s'entendre, soit par une conférence de règlement à l'amiable, soit par la médiation, soit procéder sur-le-champ à l'audition des moyens préliminaires contestés, et enfin, soit à déterminer la durée et le nombre des interrogatoires préalables.

M. le Président, au regard des incidents procéduraux pouvant survenir au cours d'une instance, le projet de loi introduit diverses mesures visant à éviter certains délais inutiles. De plus, le projet contient une procédure simplifiée d'opposition et demandes incidentes. À défaut d'opposition dans les 10 jours de ces demandes, elles seront finales, sans même que le tribunal ait à intervenir.

Les acquis récents en matière de communication de la preuve sont maintenus mais sont adaptés quant à la production des pièces au greffe pour tenir compte soit de l'intervention plus hâtive du juge au moment de la présentation de la demande, soit d'une conférence de gestion ou d'un règlement à l'amiable.

Par ailleurs, dans le but d'assurer le respect des personnes assignées à la Cour pour témoigner, le projet contient l'obligation, pour la partie qui assigne un témoin, de lui avancer, pour la première journée de présence à la Cour, l'indemnité pour la perte de temps et les allocations pour les frais de transport, de repas et d'hébergement. En outre, compte tenu des délais et des coûts élevés et des délais souvent inutiles engendrés par les interrogatoires préalables, le projet de loi supprime ces interrogatoires dans les litiges où les montants en jeu sont inférieurs à 25 000 $. Dans les autres cas, le tribunal peut en limiter la durée et le nombre.

Pour des raisons similaires, c'est-à-dire les coûts élevés et les délais inutiles, lorsqu'il y aura des expertises, le tribunal pourra ordonner aux experts de se réunir, même avant que la date pour enquête ou audition n'ait été fixée, afin de concilier leurs opinions. Par ailleurs, le tribunal pourra mitiger les dépens s'il estime qu'une expertise était inutile ou les frais déraisonnables.

Sans modifier la procédure générale d'appel, la réforme proposée introduit des modifications importantes visant également à réduire les délais et les coûts et donc à améliorer l'accès à la justice. D'abord, le projet porte le seuil d'appel de plein droit de 20 000 à 50 000 $, lorsque l'objet du litige comporte une question de droit, et à 100 000 $, lorsque la seule question en litige est une réclamation monétaire. Dans les cas où l'appel de plein droit ne sera pas possible, les jugements pourront faire l'objet d'une demande pour permission d'en appeler. La diminution des appels de plein droit permet, d'une part, de rendre des jugements plus rapidement sur les demandes les plus susceptibles d'être accueillies et qui nécessitent l'intervention de la Cour d'appel, et, d'autre part, élimine les cas où l'appel ne sert qu'à gagner du délai.

De plus, le projet de loi accroît la rigueur du délai pour inscrire en appel ou demander la permission d'appeler en établissant que ces délais ne peuvent être prolongés que dans les cas où le demandeur en appel était dans l'impossibilité absolue d'agir. Enfin, le projet apporte d'autres modifications visant à faciliter et à accélérer le déroulement de l'instance en appel. Les principales consistent à y introduire la possibilité de tenir des conférences de gestion et des conférences de règlement à l'amiable.

M. le Président, un autre volet de la présente réforme porte sur les règles du recouvrement des petites créances regroupées au livre VIII du Code de procédure civile. Les principaux problèmes constatés par les membres du Comité de révision de la procédure civile lors des consultations concernaient principalement les limites du champ d'application de ce système procédural particulier, l'absence d'un service de médiation et de l'intervention du greffier pour assurer l'exécution des jugements, et, finalement, la complexité du système et le manque d'informations données aux parties. Pour remédier à ces problèmes, le projet de loi, en premier lieu, porte notamment de 3 000 à 7 000 $ le montant maximal d'une créance admissible. Cette modification aura pour effet de permettre à un plus grand nombre de justiciables d'exercer eux-mêmes des recours.

Par ailleurs, le projet de loi n° 54 introduit un service de médiation volontaire et gratuit, assuré par des juristes du secteur privé, accrédités par leur ordre professionnel, le Barreau ou la Chambre des notaires, selon le cas. Le projet de loi proposé, et c'est là une des demandes principales des associations de consommateurs, introduit l'assistance des greffiers dans l'exécution des jugements, en matière de petites créances. Le projet de loi permettra ainsi aux personnes physiques d'avoir recours aux services du greffier pour faire exécuter leur jugement. Bien plus, le projet introduit avec emphase l'assistance des greffiers à toutes les étapes de l'instance, y compris la préparation de la demande introductive et de la défense. Par ailleurs, les renseignements disponibles pour les parties seront à la fois simplifiés dans leur expression et plus complets.

Dans la foulée des recommandations en ce sens du Comité de révision de la procédure civile, il m'est apparu opportun, voire essentiel, d'attribuer à l'auxiliaire de justice qu'est le huissier de justice un rôle d'information. Ainsi, les huissiers de justice, lors de la signification des demandes portant sur des créances liquides et exigibles, devront informer le débiteur de la possibilité de payer, de convenir d'un règlement à l'amiable, de contester ou de demander la médiation, ainsi que des conséquences de son défaut d'agir. Je mentionnerais également que plusieurs autres améliorations devraient faciliter le déroulement de l'instance.

M. le Président, on ne saurait modifier à la fois le montant maximal d'une créance admissible à la division de la Petite créance et le seuil d'appel de plein droit à la Cour d'appel, sans revoir le seuil de compétence monétaire de la Cour du Québec. Il existe traditionnellement un équilibre, une proportionnalité entre ces différents seuils de compétence. En appliquant, entre autres choses, les proportions généralement respectées au cours des dernières années, le projet de loi porte le seuil de compétence de la Cour du Québec de 30 000 à 70 000 $.

n(16 h 20)n

Dans la foulée des modifications législatives proposées pour favoriser un meilleur accès à la justice, des ajustements sont proposés aux règles de procédure du recours collectif. Les plus importantes concernent la demande d'autorisation du recours, l'inadmissibilité des petites entreprises et les coûts liés à la publication des avis. À l'heure actuelle, on fait face en matière de recours collectif à deux procès. La raison est simple: la contestation, même à l'étape de la demande de permission d'exercer le recours, s'effectue par écrit et est appuyée d'affidavits détaillés qui donnent lieu à de multiples interrogatoires ainsi qu'à de nombreuses expertises. Le projet de loi supprime l'affidavit et impose la contestation orale, afin de retrouver l'objectif initial d'accélérer le processus et de réduire les coûts. Concernant le titulaire du recours, le projet permet l'accès à ce mécanisme, comme aux petites créances, à toutes les petites entreprises comptant au plus cinq personnes liées à elles par contrat de travail.

En troisième lieu, le projet apporte plusieurs modifications aux dispositions actuelles relatives aux différents avis devant être transmis aux membres. Ainsi, le tribunal pourra autoriser la publication d'avis abrégés et déterminer des modes de publication qui tiennent compte des coûts liés à la publication, à la nature de la cause et à la composition du groupe.

Pour le non-initié, M. le Président, le projet de loi n° 54 peut paraître complexe dû au fait qu'il comporte une foule de modifications en apparence disparates. Toutefois, il convient de noter que les modifications majeures, telle l'unification de la procédure introductive d'instance, exigent des adaptations à de nombreuses dispositions. Le projet de loi propose de plus quelques dispositions transitoires qui permettront d'éviter l'application rétroactive des nouvelles règles de procédure, particulièrement celles qui modifient le seuil d'appel de plein droit et la compétence des différentes juridictions, tout en permettant aux parties sous cette réserve de demander conjointement l'application du droit nouveau dans la mesure où il peut s'appliquer.

En terminant, j'aimerais insister une fois de plus sur le fait que les délais, les coûts et la complexité des procédures sont les principales raisons de la désaffectation des citoyens et citoyennes à l'égard de la justice et de la diminution constante du nombre de demandes en justice. En resserrant davantage la rigueur des délais, en proposant une procédure introductive unifiée, en apportant les modifications qui s'imposent tant en appel qu'en matière de recouvrement des petites créances et de recours collectif, en introduisant la conférence de gestion particulière et la conférence de règlement à l'amiable tant en première instance qu'en appel et en introduisant le service de médiation aux petites créances, le premier volet de la réforme proposée est un pas considérable pour atteindre les objectifs fondamentaux de la réforme. Le projet de loi s'inscrit dans le mouvement généralisé actuellement, tant au Québec qu'ailleurs, d'une justice civile où les parties et leurs procureurs collaborent et, plus encore, participent au règlement de leurs litiges et où les juges sont appelés à exercer un leadership accru non seulement pour assister les parties dans le règlement de leur litige, mais aussi et surtout pour s'assurer du bon déroulement des instances judiciaires. Ce sont là, M. le Président, les ingrédients essentiels au succès de la réforme proposée par le Comité de révision de la procédure civile, soit l'instauration d'une nouvelle culture judiciaire pour le plus grand bénéfice des justiciables et du système de justice lui-même. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre de la Justice, de votre intervention. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 54, Loi portant réforme du Code de procédure civile, et je reconnais la porte-parole officielle de l'opposition en matière de justice et députée de Bourassa. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, tel que dit précédemment, nous en sommes rendus au niveau de l'adoption du principe du projet de loi n° 54, Loi portant réforme du Code de procédure civile.

La réforme qui nous occupe ou qui va nous occuper, c'est une pièce législative qui est fort importante et fort complexe, notamment par le fait qu'elle vient implanter une nouvelle culture judiciaire. Permettez-moi de vous rappeler, et je sais que vous le savez, que le Code a été adopté, le Code de procédure civile a été adopté en 1965. Il a subi diverses modifications en 1966 et depuis, malheureusement, il n'y aurait pas eu d'autres modifications, de sorte qu'en 1998 le ministre de la Justice d'alors avait cru opportun de mettre sur pied un comité, un comité qui était formé de différents représentants, soit de la magistrature, du Barreau du Québec et du ministère de la Justice. Évidemment, ce Comité, une fois mis en place, a eu comme mandat de procéder à la révision du Code de procédure civile, répétons-le, une pièce extrêmement importante et une pièce législative également extrêmement complexe.

Le mandat du Comité. Donc, les travaux ont été amorcés au mois d'août 1998, et le Comité, dans le respect, évidemment, des différents partenaires impliqués, s'était fixé comme objectif d'aller en consultation auprès des milieux juridiques. Donc, il y aura eu une première consultation qui avait porté à ce moment-là sur 14 thèmes spécifiques.

Il y a également des groupes de travail qui ont été mis en place. Ces groupes-là étaient composés de plus ou moins 150 personnes qui ont été choisies, donc triées sur le volet. Elles étaient toutes des intervenants dans le domaine judiciaire et elles l'ont été pour leurs connaissances à la fois théoriques et pratiques. Parce que le Code de procédure civile propose plusieurs modifications, alors il est extrêmement important de pouvoir avoir la perception, les commentaires, les recommandations des gens qui oeuvrent jour après jour, après jour au niveau du milieu juridique.

Il y a eu un premier... Juste pour vous montrer l'ampleur, l'ampleur de la tâche qui va nous occuper, un rapport préliminaire, un premier rapport préliminaire qui a été déposé auprès du gouvernement du Québec et du ministère de la Justice en février 2000. Ce rapport-là était extrêmement extensif, si vous me permettez; il comportait plus de 130 pages et il comprenait également diverses recommandations qui ont été formulées par les personnes qui ont été appelées à participer aux consultations.

Le document de consultation ? le document préliminaire de consultation ? a été de nouveau appelé à aller en consultation, et un autre rapport ? celui-là, je l'appellerais un rapport final pour qu'on puisse se comprendre ? a été déposé en juillet 2001. C'est un rapport, encore une fois, qui témoigne de la complexité de la matière qui nous occupe; il a plus de 300 pages, je crois, et il aborde, comme le rappelait le ministre de la Justice précédemment, il formule 327 recommandations qui touchent à différents domaines de la procédure civile du Québec. Alors, il est bon de garder en mémoire qu'il s'agit ici d'une pièce législative extrêmement complexe.

Les modifications proposées abordent différents secteurs. Le ministre de la Justice a choisi de n'aborder à cette étape-ci que quatre créneaux ou quatre champs plus particuliers. Alors, notamment, le projet de loi vise à modifier et à réviser les règles relatives à l'introduction et au déroulement de l'instance, à l'appel, au recouvrement des petites créances et au recours collectif. Au-delà de ces modifications-là, d'autres modifications visent à simplifier les procédures civiles et à accélérer les délais indus en introduisant un délai de rigueur de 180 jours entre le moment de l'inscription de la demande et le moment de l'audition de celle-ci.

Il faut effectivement garder en mémoire que, lors de l'exécution de son mandat, les membres du Comité se sont appliqués, en première partie, à faire un examen de la nécessité de la révision de la procédure civile. Ils ont rappelé que le Code était entré en vigueur il y avait 30 ans, évidemment qu'il y avait eu une évolution constante et rapide de la société, qu'il y avait eu quelques modifications et que les modifications qui avaient été faites au cours des années visaient à combler des lacunes qui découlaient d'un processus formel parfois trop complexe. Mais ces modifications-là n'ont pas toujours été parfaitement intégrées aux règles existantes, provoquant ainsi des changements majeurs, et le Code était devenu en quelque sorte une loi qui, à certains égards, est considérée comme étant disparate, ambiguë et parfois même désuète, donc venant renforcer la nécessaire révision de la procédure civile.

n(16 h 30)n

C'est, bien sûr, important de réviser la procédure civile. Et, à l'Assemblée nationale, depuis que j'occupe le poste de députée, j'ai vu de façon successive plusieurs réformes qui ont été faites: réforme en santé, réforme en éducation, pour ne mentionner que celles-ci. Je me souviens qu'au moment où la réforme en santé avait été abordée, tous convenaient de la nécessité de le faire. Demeuraient cependant des points extrêmement importants: Comment allait-on le faire et de quelle façon allait-on le faire? Et ce sont également des aspects qui sont importants en regard des modifications que l'on veut apporter à la procédure civile.

Le Comité a pris la peine de camper également, lorsqu'il a reçu son mandat, qu'il y avait des principes qu'il devait toujours garder en mémoire pour guider son action de même que pour guider ses recommandations. Parmi ceux-ci, je n'en mentionnerai que quelques-uns qui établissent clairement le respect qu'on doit accorder au principe de la primauté du droit, le principe de l'égalité juridique et également des garanties procédurales. Quand on envisage une réforme, que ce soit celle de la santé, que ce soit celle de l'éducation ou toute autre réforme, il faut comprendre que celles-ci sont faites d'abord et avant tout pour le citoyen, la personne qui prendra un recours en justice. Et l'objectif poursuivi, pour ce citoyen-là, c'est de faire en sorte que la procédure soit simple, accessible, qu'il comprenne quel rôle il peut y jouer et que les coûts demeurent abordables.

Ces commentaires m'amènent à vous dire également ? et je sais que vous l'avez compris, M. le Président ? que le Comité a fait également des constats qui sont extrêmement importants et qui sont relatifs, d'une part, à la diminution observée du nombre des instances portées devant les tribunaux. Alors, le Comité a fait une analyse et cette analyse-là a permis d'établir que, depuis les dernières années, il y avait une diminution du nombre des instances qui sont portées devant les tribunaux. Alors, on constate qu'il y a une diminution des instances. Bien sûr, si le citoyen ne va plus devant le tribunal, il s'ensuit, peut-on penser, une perte de confiance, et si tel était le cas, bien, la réforme doit justement pouvoir lui faciliter les choses, mais surtout récupérer cette confiance qu'il a perdue. Alors, il y a donc tout lieu de se questionner à savoir: Comment se fait-il... Qu'est-ce qui peut expliquer cette diminution du nombre des instances qui ont été portées devant les tribunaux? Parce que, encore une fois, il y a une analyse qui a été faite par le Comité et, sur la base de cette analyse-là, le Comité a arrêté comme premier constat la diminution du nombre des instances qui sont portées devant les tribunaux.

Le Comité a également reconnu le coût de la justice comme étant un deuxième frein à l'accessibilité. Encore une fois, quand on dit accessibilité, vous comprenez, bien que la préoccupation de l'opposition officielle demeure toujours celle du citoyen, faire en sorte que le système soit accessible aux citoyens. Alors, le Comité a dénoncé que les coûts d'une demande en justice constituent une réalité qui ajoute à la perception négative que plusieurs se font du système judiciaire actuel. Ces coûts judiciaires ou extrajudiciaires sont extrêmement importants et peuvent effectivement constituer un frein à l'accessibilité. Et là on parle toujours, évidemment, pour le justiciable, pour le citoyen, pour celui qui veut pouvoir loger une demande devant les tribunaux compétents.

Au niveau des autres constats qui ont été relevés par le Comité, il faut également relever le constat de la complexité qui, encore une fois, est un élément dissuasif en soi et, encore une fois, il est dissuasif pour le justiciable, donc pour celui qui voudrait se prévaloir d'un recours. Le Comité prend la peine de préciser que le droit est complexe, la procédure également. Au fil des ans, l'ajout de nouvelles règles et formes d'action, parfois sans que leur intégration n'ait été achevée, a rendu la compréhension et l'application de la procédure plus difficiles. En outre, l'ignorance de la procédure et des règles de preuve de même que l'adaptation insuffisante des formulaires aux besoins du justiciable peuvent contribuer à entraver l'accès à la justice. Encore une fois, on s'attarde ici à un élément dissuasif, à une entrave, et, lorsqu'on parle d'entrave, on parle d'une entrave à l'accès à la justice mais une entrave pour le justiciable, donc, celui qui aurait intérêt à se prévaloir d'un recours mais qui, pour toutes les raisons énoncées ? c'est complexe, la procédure aussi ? finalement, il va se dire: C'est trop complexe, ça va prendre trop de temps. Ça va coûter trop cher, les délais sont trop longs; ça ne vaut pas la peine et, finalement, le justiciable préférera de beaucoup ne pas déposer de recours.

Alors, si vous voulez, je peux les reprendre, globalement. Au niveau des constats: le coût élevé de la justice pour le citoyen; la complexité des recours; encore une fois pour le citoyen, la longueur des délais mais surtout la diminution constante depuis plusieurs années du nombre de demandes en justice. Et, quant à cet élément, cette analyse, cette observation, il y aura certainement lieu de chercher à comprendre pourquoi depuis les dernières années le nombre des demandes qui ont été... on a pu observer une diminution constante du nombre des demandes en justice. Il y a sûrement une raison, et je pense qu'il faut la connaître. Et, toujours, évidemment, pour bien répondre aux besoins du justiciable, une réforme doit être faite. Je veux bien être d'accord avec la nécessaire réforme ou la nécessité de faire une réforme, mais il m'apparaît impérieux et fondamental sinon sacré, de s'assurer que cette réforme-là va correspondre aux besoins, aux attentes du justiciable, donc, qu'on va pouvoir aller dans le sens que celui-ci souhaite.

Je vous ai, M. le Président, antérieurement, resitué quant aux secteurs visés, à savoir l'introduction d'instances, le déroulement, l'appel, les petites créances, le recours collectif et d'autres modifications qui venaient introduire un délai de rigueur de 180 jours, ce qui est quand même important. L'objectif est de diminuer la longueur des délais. Alors, il est important de revenir là-dessus.

Il y a aussi des modifications extrêmement importantes qui visent à accroître le rôle du tribunal et à favoriser l'utilisation de la conciliation des conférences de règlement à l'amiable. À ce niveau, il y a des principes qui sont inclus dans le projet de loi, qui visent, d'une part, l'instance. Alors, on vient reconnaître, par exemple, que les parties sont maîtres de leur dossier, quant à la conduite de l'instance. Mais on vient aussi reconnaître qu'elles sont tenues, bien qu'étant maîtres de leur dossier, de respecter les règles de procédure et les délais qui sont prévus au Code, de façon à ne pas agir en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive ou déraisonnable allant à l'encontre des exigences de la bonne foi. Alors, c'est important.

Quand on parle de vouloir simplifier la procédure, il est également important de rappeler les principes directeurs. Donc, au niveau des principes directeurs, il y aurait celui-ci que les parties sont maîtres de leur dossier, mais évidemment, sous réserve d'avoir une conduite qui soit conforme et qui respecte les règles de la procédure et les délais qui sont prévus au Code.

Également, il y a un autre principe qui est intéressant, où on va venir reconnaître que le juge doit veiller au bon déroulement de l'instance et intervenir pour en assurer la saine gestion, notamment s'il y a mésentente entre les parties. Alors, ça, c'est intéressant, et c'est ce que nous mentionnions précédemment. Donc, accroître, augmenter, reconnaître un rôle de toute façon qui, à travers les années, s'est déjà exercé de plus en plus par le tribunal qui intervenait de plus en plus au niveau de l'instance ou du déroulement de l'instance et toujours des interventions qui étaient faites en vue de favoriser l'utilisation de la conciliation, et il utilisait des moyens dont certains... comme, par exemple, les conférences de règlement à l'amiable.

n(16 h 40)n

Il est important de noter que le projet de loi, par les modifications qui sont déposées, va faire passer la compétence monétaire de la Cour du Québec de 30 000 à 70 000. En matière de recouvrement des petites créances, les modifications font passer la valeur des créances admissibles de 3 000 $ à 7 000 $. De plus, il va porter le seuil d'appel de plein droit d'un jugement de la Cour supérieure et de la Cour du Québec devant la Cour d'appel à 50 000 pour une question de droit et à 100 000 pour une réclamation monétaire. Pour ce qui est de la Cour du Québec, le seuil d'appel est présentement de 20 000 $. Alors, on observe un bond assez appréciable, ou substantiel, de 50 000 sur une question de droit et à 100 000 pour une réclamation monétaire. Évidemment, il faut mesurer, il faut savoir d'abord pourquoi le ministre a choisi à cet égard ou à ces égards... parce que ça vaut autant pour la compétence monétaire de la Cour du Québec, qui passe de 30 000 à 70 000, que pour les petites créances, de 3 000 à 7 000, que pour la Cour du Québec, à 50 000 et à 100 000... Pour ces trois changements, M. le ministre s'écarte radicalement, fondamentalement, substantiellement des recommandations qui avaient été formulées par le Comité, après avoir fait des consultations.

Alors, je me trouve ici en quelque sorte obligée... M. le ministre a déposé le projet de loi la semaine dernière. Dans un délai très court de six ou sept jours, je me retrouve aujourd'hui, là, à devoir prendre position, alors que je ne peux pas de moi-même, isolément, prétendre être capable d'évaluer l'impact de ces décisions du ministre, bien que je reconnaisse qu'il puisse prendre de telles décisions. Mais cependant, quand on se place du côté du justiciable, quand on veut augmenter l'accès à la justice et qu'on veut le faire avec une approche qui est très humaine, parce qu'on parle d'humaniser aussi, d'enlever la complexité, de réduire les coûts, réduire les délais, donc on représente que le citoyen, le justiciable est au coeur de cette réforme-là, je pense qu'il serait extrêmement pertinent, utile sinon nécessaire, pour ne pas dire fondamental, qu'on ait le point de vue de magistrats, ou du Barreau du Québec, ou encore de personnes choisies du domaine juridique pour venir nous expliquer concrètement ça va être quoi, l'impact, pour le justiciable, ça va être quoi, l'impact, pour les cours. Parce qu'on ne peut pas penser qu'il n'y aura pas d'impacts, il y a toujours des impacts.

Alors, j'aimerais bien également... Si je regarde les petites créances, la philosophie à la base de ce système-là, lorsqu'il a été mis en place, c'était de favoriser l'utilisation des petites créances pour les citoyens. Qu'est-ce qui nous dit que ce 7 000 là ne sera pas un nouveau frein à l'accessibilité des citoyens à aller aux petites créances? Une association de consommateurs représentative pourrait certainement venir nous donner un point de vue sérieux, responsable, eu égard aux changements que nous avons devant nous. Alors... Vous savez, quand on parle de 327 recommandations, dont certaines sont majeures, et je viens d'en mentionner trois qui sont majeures sinon fondamentales, je pense que, si le gouvernement et le ministre veulent agir dans le meilleur intérêt du justiciable, agir de façon responsable, il faudrait qu'ils aient obligatoirement le point de vue des experts qui se sont déjà penchés sur des suggestions, qui ont évalué plusieurs scénarios et qui, eux, n'avaient pas choisi ces hauteurs ou d'aller jusqu'à ces seuils. Au contraire, ils étaient en deçà de ce que nous avons aujourd'hui comme proposition dans le texte de loi.

Encore là, je vous rappelle que c'est des bonds assez importants, 30 000 à 70 000, 3 000 à 7 000, et, pour ce qui est de la Cour d'appel, c'était 20 000, et là ça passe à 50 000 sur une question de droit et à 100 000 pour une réclamation monétaire. Alors, avoir le point de vue des experts, pourquoi? Pour s'assurer que ça ne deviendra pas un frein pour l'accessibilité du citoyen. Et mesurer l'impact et les conséquences aussi au niveau des cours concernées, je pense que c'est la moindre des choses.

M. le Président, je sais que vous avez eu l'occasion de regarder ce projet de loi, alors je ne vous apprendrai pas qu'il y a 171 articles qui sont extrêmement intéressants et qui méritent d'être lus très, très, très attentivement, parce qu'on introduit beaucoup, beaucoup de petites nuances, de petits changements, et ces changements-là sont extrêmement importants puis ont été filtrés dans certains cas au préalable. Ils ont reçu ou pas... parce que l'aval ou le consensus n'a pas toujours obtenu, mais à tout le moins il y a eu un examen sérieux, responsable qui a été fait. Parce que c'est une réforme complexe, qui est d'envergure, qui globalement ne pourra pas être faite avant trois ans, alors ces gens-là ont eu le souci... Les membres du Comité, ont eu le souci de consulter le plus de personnes possible, même d'aller voir à l'extérieur du Québec ? Canada, États-Unis et Europe ? pour voir ce qui se passait ailleurs puis pour voir ce qui pourrait être suggéré, ce qui pourrait être retenu et, dans certains cas, pourquoi ça ne devrait pas être reconnu. Alors, ce sont des expertises, des points de vue, des sons de cloche qui sont extrêmement importants. Si vous me permettez d'entrer dans le détail, au niveau de l'introduction de l'instance, ici, on parle de simplifier les choses. Alors, actuellement le Code de procédure civile prévoit qu'une instance peut être introduite soit par déclaration ou soit par requête. L'instance, quand elle est produite par déclaration, est régie par une procédure soit ordinaire ou par une procédure allégée, évidemment selon la nature ou le montant de la demande. Celle qui est introduite par requête est assujettie à des règles qui varient, elles, selon la nature de la demande.

L'article 11 du projet de loi n° 54 vient établir une voie procédurale unique ? ça, c'est une simplification ? donc, vient retenir une voie procédurale unique servant à introduire toutes les demandes en justice, soit la requête introductive d'instance. Donc, à l'avenir, il n'y aura plus, comme avant, une double façon de le faire, mais il y aura un seul modèle, une requête introductive d'instance. Donc, on fait une procédure unifiée, et cette procédure unifiée vient remplacer les règles actuelles que je viens d'énoncer concernant la déclaration, la procédure allégée, les procédures spéciales relatives aux personnes et aux biens et la procédure en matière familiale.

Pour aller un petit peu plus avant, j'aimerais vous rappeler que le projet de loi ajoute également deux articles qui spécifient les causes qui devront être contestées oralement ou par écrit. On observe que, malgré les articles 175.1 et 175.2, les parties auront la possibilité de convenir entre elles de produire une contestation orale ou écrite, ce qui est extrêmement intéressant. De plus, le tribunal pourra autoriser une contestation écrite s'il estime que l'absence d'un écrit peut causer préjudice à une partie. Alors, le tribunal pourra autoriser une contestation écrite s'il estime que l'absence d'écrit peut causer un préjudice à une partie. Le tribunal pourra également autoriser une contestation orale s'il considère que la contestation orale ne causera pas de préjudice aux parties.

Alors, au niveau de l'introduction de l'instance, je pense qu'on peut dire qu'il s'agit ici de modifications qui visent globalement à simplifier la procédure, à l'unifier et à rendre ça beaucoup plus accessible au justiciable.

Au niveau du déroulement de l'instance, on a parlé tout à l'heure... J'évoquais un article en référence à un commentaire qui avait été fait par le ministre de la Justice, on vient maintenant reconnaître que les parties à une instance sont maîtres de leur dossier. Alors, ça, c'est intéressant. On vient également reconnaître que.. Pour les demandes contestées par écrit, il y a un délai de 180 jours à l'intérieur duquel la cause devra être inscrite pour enquête et audition. Ça, c'est extrêmement important, et ça joue sur les délais, et ça vise à les réduire, encore une fois pour favoriser une meilleure accessibilité du justiciable.

Évidemment, les parties au dossier vont être tenues de négocier une entente sur le déroulement de l'instance et de préciser leur convention, de même qu'elles devront établir un calendrier des échéances à respecter. Alors, on voit qu'on envisage des mesures qui viennent apporter un meilleur ordre ou s'assurer d'un meilleur déroulement de l'instance.

Évidemment, on reconnaît le pouvoir du juge. On veut l'augmenter, l'accroître en matière de gestion d'instance, et on va aller jusqu'à favoriser, par le juge, l'utilisation de la conciliation. Et, encore une fois, je vous rappelle ce que j'avais dit précédemment, qu'on va introduire la possibilité, pour le juge, de tenir des conférences de règlement à l'amiable.

n(16 h 50)n

L'article 80 va faire intervenir de nouveaux délais pour les jugements. Un jugement sur le fond devra être rendu dans les quatre mois qui suivent la prise en délibéré, ce qui est un changement avec le délai antérieur qui était de six mois. Et le jugement en matière d'adoption ou celui qui porte sur la garde ou les aliments dus au bénéfice d'un enfant doit être rendu dans les deux mois de la prise en délibéré. Et, enfin, les jugements rendus par défaut devront l'être dans un délai de 30 jours à compter du moment où le dossier va être complet.

Au niveau de l'appel, vous savez qu'actuellement il y a des appels qui sont soit de plein droit ou soit sur permission d'appeler. Encore une fois, le Code prévoit actuellement que les jugements finals de la Cour supérieure et de la Cour du Québec, lorsque la valeur de l'objet en litige est de 20 000 ou plus... Alors, ça, il y a un changement important qu'on a évoqué antérieurement.

Alors, vous savez, M. le... Là, j'aborde quelques secteurs pour illustrer encore une fois qu'il s'agit d'une réforme importante, d'une réforme extrêmement complexe, d'une réforme qui a une très grande ampleur, à tel point que la mise en place globale ne pourrait pas se faire avant trois ans.

Ça suppose une nouvelle culture judiciaire et ça suppose également ? hélas, ce n'est pas toujours observable, et je ne pense pas qu'on puisse dire ici que ça a été le cas ? qu'on doive informer le citoyen, l'informer adéquatement à tous les processus. Comment voulez-vous réussir une réforme si vous n'associez pas, à ce désir que vous avez ou à cette démarche que vous entreprenez, les justiciables?

Je vous donne une comparaison. Quand on a décidé de faire le virage ambulatoire, on est venu dire que le virage était entrepris pour les malades, sauf qu'on n'a pas associé les malades. Non seulement on ne les a pas associés, la réforme est passée carrément autour de leur tête, au-dessus. Pourquoi? Parce qu'on ne les avait pas associés, parce qu'on ne les avait pas informés.

On veut responsabiliser le justiciable, je pense que tout le monde souhaite ça. On voulait aussi responsabiliser le patient, mais comment voulez-vous responsabiliser le justiciable si vous ne l'informez pas d'abord des objectifs que vous poursuivez, vous ne lui expliquez pas quels sont les problèmes et de quelle façon vous comptez les aborder?

Et, évidemment, ça suppose, au-delà d'une nouvelle culture judiciaire, au-delà d'un devoir d'information envers le justiciable, ça suppose aussi une évaluation de l'impact des mesures ou des modifications que l'on entend prendre. Ça suppose donc d'avoir accès à ce que le terrain en pense. Et quand on dit terrain, on dit magistrature, on dit personnes choisies du domaine juridique; notamment, on parle également d'experts.

Alors, comment voulez-vous qu'on vienne aujourd'hui, dans un délai aussi court, six ou sept jours à partir du moment où le projet de loi a été déposé, alors qu'on a demandé des consultations particulières, que le ministre de la Justice nous a dit qu'il était d'accord, comment voulez-vous que l'opposition officielle aujourd'hui puisse, eu égard à des demandes de modification qui sont majeures, fondamentales, substantielles et qui s'écartent dans trois secteurs extrêmement importants où on révise la juridiction des tribunaux, le faire sans avoir obligatoirement eu le point de vue des experts, le point de vue du Barreau du Québec, le point de vue des avocats qui sont spécialistes, par exemple, au niveau du recours collectif, sans avoir eu le point de vue d'une association qui est représentative des consommateurs? Comment voulez-vous qu'on puisse évaluer, comment voulez-vous qu'on puisse d'ores et déjà poser un jugement sur un projet de loi alors qu'on n'a pas eu d'auditions particulières, qu'on n'en a pas, là, et qu'on n'a pas le point de vue de tous ces groupes-là qui sont extrêmement importants?

Alors, le ministre, qu'est-ce qu'il nous demande aujourd'hui au moment de l'adoption du principe? Il nous demande de nous prononcer sur ce principe-là sans qu'on ait pu entendre... Parce que l'opposition officielle n'a pas été associée aux travaux du Comité. L'opposition officielle n'a pas été consultée, n'a pas été informée. Alors, on demande pourtant à l'opposition officielle aujourd'hui de se prononcer sur le principe, alors que l'opposition officielle n'a pas été associée, impliquée et que cette opposition officielle là a réclamé la tenue d'auditions particulières. Il n'y en a pas.

On se serait attendu d'abord qu'il y ait des auditions particulières et qu'ensuite M. le ministre appelle l'adoption du principe. Mais il me disait tout à l'heure: C'est ma façon de procéder. Ça me faisait penser, à un certain moment, quand j'étais en pratique. Moi, j'arrivais, j'étais toute jeune, et je faisais affaire à des avocats qui pratiquaient depuis 15 ans, puis ils me disaient: J'ai toujours pratiqué de même. Bien, je disais: Bien oui, je comprends, là, que vous ayez toujours pratiqué comme ça. Cependant, ce n'est pas une porte qui est fermée, ça; il peut y avoir d'autres façons de procéder.

À certains égard, quand on respecte la démocratie, quand on respecte le processus législatif, quand on respecte le citoyen, et qu'on envisage une réforme qui est importante, qui est majeure, qui est complexe, minimalement, obligatoirement consulter, au préalable, des personnes qui désireraient se faire entendre, et qui pourraient enrichir les débats, et peut-être amener des modifications importantes au projet de loi que nous avons déjà en main.

Et ce qui est intéressant, c'est que M. le ministre de la Justice demande à l'opposition officielle de se prononcer, donc avant qu'on ait entendu des experts, avant qu'on connaisse tous les impacts, mais surtout alors qu'on sait que certaines propositions s'écartent substantiellement de recommandations qui ont été formulées par le Comité qui, justement, a consulté, consulté, consulté ces experts-là. Il a consulté des magistrats, il a consulté des juristes, il a consulté très largement, processus qui a été commencé en 1998. Alors, je trouve ça important que... J'aurais pensé de beaucoup préférable, responsable même, de, d'abord, tenir des auditions particulières et, ensuite, appeler un projet de loi.

Je vous rappelle la proportion des petites créances. Même le Barreau est contre. Le Barreau a été consulté au niveau du rapport préliminaire, et le Barreau reconnaissait de hausser à 4 000 la valeur maximale d'une petite créance et la compétence d'attribution de la Division des petites créances de la Cour. Le Barreau ? et je pense que tout le monde reconnaît l'expertise que possède le Barreau du Québec ? le Barreau du Québec, avant de sacraliser ? si je peux utiliser cette expression-là ? la recommandation, évidemment, il a mis des comités en place auxquels siégeaient des experts; évidemment, il est allé en consultation. Il a certainement mesuré l'impact, différents scénarios d'ailleurs, comme ils sont envisagés dans le rapport.

Le Comité des experts a fait des recommandations. Je vous en mentionne une qui est à la page 59, la recommandation 2.2. Alors, le Comité recommandait, après étude, analyse, rencontre, consultation, processus enclenché en 1998, de hausser le seuil monétaire d'appel de plein droit, actuellement fixé à 20 000, à 30 000 ou 35 000, selon que la limite monétaire de compétence de la Cour du Québec est fixée à 40 000 ou 50 000. Alors, on peut observer, à la lecture du texte, qu'il y a un écart assez important au niveau de la recommandation formulée par le Comité et au niveau de la modification que nous avons dans le projet de loi, un écart extrêmement important, un écart qui ne tient pas compte de la recommandation du Comité.

Le Comité, en ce qui avait trait à la limite monétaire ou à la compétence de la Cour du Québec, après examen ? les éléments sont contenus au rapport ? avait décidé de recommander d'augmenter de 30 000 à 40 000 ou à 50 000 la limite monétaire de la compétence de la Cour du Québec. Encore une fois, c'est une recommandation qui n'est pas suivie par le ministre, qui n'a pas été suivie par le ministre de la Justice.

n(17 heures)n

Et je vous rappelle enfin une autre recommandation du Comité ? celle-ci, c'est la R6-33, à la page 185 ? de hausser à 4 000 ou à 5 000 la valeur maximale d'une petite créance admissible à la Division des petites créances, selon que la limite monétaire de la compétence de la chambre civile de la Cour du Québec est haussée à 40 000 ou à 50 000. Alors, il est possible de voir qu'il y a une imbrication, il y a une relation, hein, d'un palier à un autre. On hausse de trois à sept. Ça va avoir un impact au niveau de la Cour du Québec, mais ça aura aussi un impact au niveau de la Cour supérieure, mais ça aura aussi un impact au niveau de l'accessibilité à la justice, et ça aura sûrement aussi un impact pour le justiciable.

On sait déjà que les justiciables qui voulaient aller devant la Division des petites créances diminuaient d'eux-mêmes leurs petites créances. Est-ce qu'il est raisonnable de hausser de 3 000 à 7 000 alors que, vous le savez, au niveau des Petites créances, il n'y a pas de représentation par avocat et la décision ne peut pas être portée en appel? Quand on fait l'examen, quand on regarde le survol qui a été fait par les membres du Comité, allez voir comment ça se passait hier à travers le Canada, il y a des constantes qui sont observables, qu'on n'a pas ici. La représentation par avocat et l'appel, on n'a pas ça ici. Ailleurs, ça existe. C'est bien sûr que c'est intéressant de prendre un seuil qui existe ailleurs, mais encore faudrait-il avoir un aspect complet. On ne l'a pas, l'appel, ici, puis il n'y a pas de représentation par avocat. C'est donc vous dire que, quand on soumet des modifications, encore une fois, les impacts sont importants, et, avant que l'opposition officielle ne puisse se prononcer sur le principe, elle aurait aimé, en consultation...

Elle avait demandé à ce qu'il y ait des consultations particulières pour connaître le point de vue des nombreux experts qui se sont déjà posés sur ces questions-là, d'autant plus, encore une fois, je le rappelle, que M. le ministre, évidemment à l'intérieur des pouvoirs qui sont les siens, a choisi de s'écarter des recommandations qui lui avaient été formulées. C'est bien évident, M. le Président, que l'opposition officielle ne peut pas être d'accord avec la façon de procéder du ministre. On aurait voulu pouvoir se prononcer, on aurait trouvé plus logique, plus cohérent, plus responsable, par rapport aux obligations qui sont les nôtres, par respect du justiciable, par respect du processus législatif, par respect de cette enceinte qu'est l'Assemblée nationale, on aurait voulu qu'il y ait des auditions particulières pour entendre les experts.

Donc, on trouve que ce processus-là de nous demander aujourd'hui, quelque six ou sept jours après le dépôt, de nous prononcer sur un projet de loi alors qu'on ne connaît pas l'avis des experts, on trouve ça inacceptable, et on le trouve inacceptable, encore une fois, vu la complexité, l'ampleur. On trouve ça inacceptable d'autant plus que le ministre n'a pas respecté les recommandations qui lui avaient été faites par le Comité. Alors, pour ces raisons, M. le Président, l'opposition officielle va voter contre l'adoption du principe de ce projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Bourassa, de votre intervention. Un rappel pour vous informer que nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 54, Loi portant réforme du Code de procédure civile, et je reconnais le porte-parole officiel de l'opposition en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes et député de Chapleau. M. le député, la parole est à vous.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): Merci. M. le Président, on discute actuellement du projet de loi n° 54 et de son adoption sur le principe même, qui est la loi portant sur la réforme du Code de procédure civile du Québec. Alors, d'emblée, on peut dire ceci. On peut dire que, d'abord, c'est un sujet qui est d'une grande complexité. On peut dire que c'est un sujet qui est d'une grande importance aussi pour le Québec, parce que je pense qu'il ne faut surtout pas passer à côté de la réforme du Code de procédure civile. Vous vous souviendrez qu'il y a quelques années on a procédé à la réforme du Code civil lui-même, sous un gouvernement libéral d'ailleurs, je dois le dire. On y a apporté tout le soin, toute l'attention qu'on devait faire et maintenant donc, on est en train de discuter d'un autre sujet qui, lui aussi, est fort important au niveau juridique, fort important pour les justiciables, les citoyens en quelque sorte qu'est la réforme du Code de procédure civile du Québec.

Le ministre a constitué, il y a de cela trois ans, un comité, comité qui a été chargé justement d'esquisser, si je puis dire, les grandes lignes de cette réforme du Code de procédure civile. Les travaux du Comité ont été soumis au ministre tout récemment, et le ministre nous arrive maintenant avec le projet de loi n° 54, et il nous demande donc d'approuver le principe de ce projet de loi.

L'opposition officielle ne peut pas, M. le Président, appuyer le principe du projet de loi pour le motif que ce projet de loi là nous est soumis au moment même où nous aurions souhaité que l'adoption du principe soit précédée de consultations particulières. Comprenez bien, l'opposition officielle, nous aurions souhaité que, sur un projet de loi d'une telle complexité, d'une telle importance également pour le Québec... Nous aurions souhaité, donc, que le ministre procède à des consultations particulières, après quoi nous aurions pu, bien entendu, j'imagine, revenir avec l'adoption du projet de loi sur le principe. Le ministre décide d'agir avec précipitation dans ce dossier. Le ministre, M. le Président, se prive d'une occasion d'entendre la population sur son projet de loi, se prive d'une occasion d'entendre les principaux intervenants dans le domaine juridique que sont, bien entendu, les magistrats, avocats, avocates et autres intervenants du domaine, du secteur. Et, pis encore, le ministre se prive finalement d'une occasion d'obtenir un consensus sur le principe d'un projet de loi qui, j'imagine, lui tient à coeur. Mais, à cause de sa précipitation, finalement, il pousse l'opposition officielle dans... Il nous pousse dans, finalement, nos réserves quant à l'adoption du principe du projet de loi.

Le projet de loi concerne quatre aspects principaux: d'abord, l'introduction et le déroulement de l'instance; deuxièmement, l'appel; troisièmement, le recouvrement des petites créances; et, quatrièmement, le recours collectif. Si je répète cela, M. le Président, après que ma collègue, la porte-parole l'ait elle-même mentionné, si je répète cela, c'est pour savoir que, dans le fond, nous n'en sommes qu'aux premières étapes de la réforme globale du Code de procédure civile qui, j'imagine, va s'échelonner sur plusieurs mois. Dans son cas, va s'échelonner sur plusieurs années. Alors, pour s'assurer que vraiment on aboutisse avec un tout cohérent, pour s'assurer qu'on aboutisse avec un tout qui fonctionne et qui se comprend bien et, finalement, qui soit efficace, et qui puisse être appliqué, et qui puisse être mis en oeuvre de façon correcte, on se serait attendu, donc, à ce que le ministre se livre finalement à des consultations particulières.

Or, ce n'est pas ça qu'il fait; il agit de la façon unilatérale, finalement, qui caractérise maintenant ce gouvernement. Pas besoin de vous dire que, même dans un domaine où pourtant un consensus aurait pu être possible, c'est-à-dire l'adoption du principe même de la réforme du Code de procédure civile, le ministre, finalement, dans ce que j'appellerais son incurie, n'est-ce pas, administrative, bien entendu... le ministre, dans son incurie, se prive d'un consensus dont il aurait pu, par la suite, se glorifier. J'imagine qu'il aurait été heureux de s'en glorifier, le connaissant d'ailleurs, connaissant sa propension à se féliciter de ses bons coups. Mais non, ce n'est pas ce que le ministre fait.

Et cela est regrettable, M. le Président, surtout parce que, quand on parle de la réforme du Code de procédure civile, je pense que l'on peut dire que l'on cherche, tout le monde en cette Chambre, à atteindre quatre objectifs principaux. Le premier objectif, c'est sans aucun doute réduire la complexité même des procédures actuelles. Le Code de procédure civile, actuellement, est très complexe, il est très lourd, on veut l'alléger, on veut donc enlever de la complexité. C'est un objectif extrêmement louable poursuivi, donc, par la réforme du Code de procédure civile.

On veut également réduire, je dirais, la longueur des procédures, faire en sorte que les justiciables, les citoyens puissent avoir droit à être entendus par la cour sur le fond du litige le plus tôt possible après que leur procédure initiale eut été déposée devant le tribunal. Donc, on veut réduire la durée, finalement, des procédures judiciaires elles-mêmes. Encore une fois, c'est un objectif très louable.

On veut aussi réduire les coûts, les coûts de la justice, en quelque sorte, pour le gouvernement, j'imagine, mais aussi pour les administrés, pour les citoyens. Encore une fois, c'est un objectif auquel nous souscrivons d'emblée.

Et le quatrième objectif poursuivi par le projet de loi ? enfin, par la réforme du Code de procédure civile ? c'est de permettre une meilleure accessibilité des citoyens au système de justice, faire en sorte que les gens, donc, aient un accès plus facile et, je répète, donc moins onéreux, moins coûteux à notre système de justice.

n(17 h 10)n

Il y a une chose cependant que j'ai entendue de la bouche du ministre tout à l'heure, qui m'a beaucoup surpris. Je ne dis pas qu'il s'est trompé, je l'invite simplement à en parler avec plus de réserve, en apportant un petit peu plus de nuances.

Le ministre, tout à l'heure, a dit: Écoutez, il y a une diminution du nombre de litiges qui sont portés devant les tribunaux. Et, de la façon qu'il en a parlé, c'est comme si c'était quelque chose de regrettable; c'est comme si c'était quelque chose de déplorable. Non, non, M. le ministre, je vous ai entendu en parler. Ma collègue n'a fait que reprendre vos propos, ne fait que reprendre vos propos, c'est tout.

Mais je vous dirai, M. le ministre, qu'il faut faire attention ici parce que, en soi, c'est peut-être une indication. Je dis: C'est peut-être une indication que les méthodes de résolution des conflits qui ne sont pas des méthodes litigieuses du type médiation, du type conciliation, du type finalement entente entre les parties hors cour, commencent à fonctionner. Au cours des dernières années, on a cherché à développer des moyens finalement de désengorger le système judiciaire et de mettre l'accent sur le compromis honorable entre les parties, plutôt que sur la judiciarisation à outrance. C'est ça qu'on a voulu faire, et l'opposition officielle a toujours souscrit à cette démarche-là et a toujours soutenu une démarche donc qui ne visait pas à tout judiciariser.

Alors, moi, ce que je dis tout simplement, c'est que peut-être que la diminution du nombre de litiges portés devant les tribunaux est la manifestation que dans le fond tous les remèdes que l'on a développés au cours des dernières années, qui visent à désengorger notre système de justice, fonctionnent. Mais ça pourrait être aussi, comme l'a dit le ministre, le signe de la désaffection des administrés envers notre système de justice, n'est-ce pas? Ça pourrait être le signe de la désaffection des administrés envers notre système de justice.

Malheureusement, M. le Président, je ne peux pas vous dire de quoi il s'agit, je ne peux pas vous donner la réponse. Il n'y en a pas, de consultations; on ne les entend pas, les citoyens, on ne les entend pas, les experts. L'opposition officielle elle-même n'a pas participé à la rédaction du rapport du comité de révision du Code de procédure civile, rapport qui est fort volumineux, rapport qui est très bien conçu mais rapport, finalement, que le ministre ne suit pas non plus à la lettre. Et je ne dis pas que le ministre a tort, je ne vous dis pas qu'il a raison de ne pas suivre le rapport, à certains égards. Je vous dis simplement qu'on ne peut pas entendre la population là-dessus, on ne peut pas entendre les experts là-dessus parce que le ministre a décidé que, finalement, il fallait faire vite face à une question qui est aussi complexe, aussi compliquée.

M. le Président, certaines choses dans la réforme proposée par le ministre nous amènent à nous poser des interrogations, nous amènent à nous poser des questions. D'abord, il y a une hausse de la compétence de la Cour du Québec. On veut... le ministre veut faire passer la compétence de la Cour du Québec de 30 000 $ à 70 000 $, M. le Président, alors que le rapport du comité sur la réforme du Code de procédure civile proposait que la compétence de la Cour du Québec soit portée à 40 000 ou à 50 000 $. Alors, le ministre, en quelque sorte, est de 30 000 ou 20 000 $ au-dessus de ce que proposait finalement, maximalement, de façon maximale, de ce que proposait le Comité. Alors, on voudrait bien savoir pourquoi le ministre donc pousse jusque dans ses extrêmes, je dirais, le seuil de compétence de la Cour du Québec.

Il en est de même pour les petites créances, M. le Président, dont le ministre propose que la compétence en fin de compte passe de 3 000 à 7 000 $. Alors, a priori, c'est une proposition qui mérite d'être examinée. Cependant, je vous ferai remarquer que le comité de réforme du Code de procédure civile quant à lui proposait que la compétence de la Division des petites créances, comme on appelle cette juridiction particulière de la Cour du Québec, que la compétence donc de la Division des petites créances passe plutôt de 4 000 à 5 000 $. Donc, encore là, le ministre va au-delà de ce que souhaitait de façon maximale le comité de réforme du Code de procédure civile, et donc, au lieu de porter la juridiction de la Cour des petites créances à 4 000 ou à 5 000, il porte ça finalement à 7 000 $. Il va falloir, bien entendu, que là-dessus le ministre s'explique.

Par ailleurs, vous savez que les jugements finaux de la Cour supérieure peuvent faire ? et de la Cour du Québec ? d'une valeur de plus de 20 000 $... c'est-à-dire d'une valeur de 20 000 $ ou plus, peuvent faire l'objet d'un appel de plein droit auprès de la Cour d'appel du Québec. Eh bien, le ministre fait porter tout cela à finalement une somme de 50 000 $ en ce qui concerne les appels sur des questions de droit et à 100 000 $ en ce qui concerne les appels sur des litiges qui mettent en cause des réclamations pécuniaires ou des réclamations monétaires.

Ça veut dire quoi, M. le Président, pour le citoyen qui nous écoute aujourd'hui? Pour qu'il comprenne un peu mieux l'enjeu, ça veut dire tout simplement que, actuellement, donc, un jugement de la Cour du Québec qui est au-delà de... dont l'objet en litige, en appel, est de 20 000 $ ou plus peut faire l'objet d'un appel automatique auprès de la Cour d'appel du Québec. Pas besoin que la Cour d'appel du Québec donne sa permission pour en appeler. Alors, le ministre, lui, propose que l'appel de plein droit soit maintenant possible lorsque l'objet en litige est de 50 000 $ ou plus pour des appels qui portent sur des questions pures de droit ou de 100 000 $ ou plus pour des questions qui portent sur des réclamations monétaires... Des appels qui portent sur des réclamations monétaires.

Alors, encore là, vous vous trouvez à changer la compétence de la Cour du Québec. Vous vous trouvez à changer la compétence, ipso facto, de la Cour supérieure. Vous vous trouvez à changer la compétence de la Cour d'appel du Québec. Vous vous trouvez à changer la compétence de la Cour du Québec lorsqu'elle siège en matière de petites créances. Par ailleurs, vous faites tout cela, M. le Président, sans consulter même les magistrats et les avocats. Il faut le faire. Il faut le faire, M. le ministre. J'avoue que c'est quelque chose d'extrêmement audacieux et d'une audace regrettable. Regrettable pour, finalement, le Québec et regrettable pour arriver avec, finalement, un instrument qui s'appellerait... qui s'appellera le Code de procédure civile du Québec réformé, qui est pourtant une pièce maîtresse dans l'ordonnancement juridique québécois.

Alors, M. le Président, permettez-moi de vous dire à quel point je pense que le gouvernement est à côté de la coche, comme on dit, en ne procédant pas, avant même l'adoption du principe du projet de loi, aux consultations particulières qui s'imposent, et c'est pour ce motif-là, essentiellement, que l'opposition officielle n'appuiera pas, donc, le principe du projet de loi n° 54. Et je veux que les citoyens comprennent que nous partageons les principaux objectifs qui sont finalement poursuivis par la réforme du Code de procédure civile, mais qu'ici, à cause d'une manoeuvre, finalement, parlementaire, je dirais, une manoeuvre, donc, regrettable, l'opposition officielle ne pourra pas appuyer le principe du projet de loi qui est ici en cause, le principe du projet de loi qui est ici discuté.

M. le Président, je vous parlais un petit peu plus tôt de la complexité du projet de loi. Le projet de loi contient de nombreux articles et, par ailleurs, il fait suite à un rapport d'un comité de plus de 300 pages. Un rapport de plus de 300 pages, M. le Président. Alors, inutile de vous dire qu'un rapport comme ça, ça demande toute notre attention, ça demande des explications, ça demande des consultations justement, et là, ici, le ministre, lui, se fout de tout cela en quelque sorte et, finalement, procède de façon unilatérale.

Je vous dirai, en terminant, ceci, M. le Président. Je vous dirai que j'aurais presque le goût de poser une simple question au ministre. Je sais qu'il ne me répondra pas cependant. Je sais que M. le ministre ne me répondra pas, mais je pense que la question que je vais poser au ministre illustre à quel point les consultations auraient été finalement profitables. M. le ministre, que pensez-vous de la réforme de l'article 999 du Code de procédure civile, au juste, qui est l'article qui porte sur les recours collectifs au Québec?

M. le ministre propose que, dans un recours collectif... Évidemment, vous savez, M. le Président, qu'un groupe, à ce moment-là, qui est formé, le groupe est formé de toutes les personnes qui sont concernées par le recours collectif. M. le ministre propose que, dorénavant, les personnes morales de moins de cinq employés puissent donc faire partie d'un groupe en ce qui concerne, donc, les recours collectifs. Il ouvre la porte finalement à ce que les personnes morales de moins de cinq employés puissent, elles aussi, donc, participer en quelque sorte à un recours collectif.

n(17 h 20)n

Mais, M. le ministre, moi, je peux vous dire que l'Association des avocats en demande... en recours collectif, qu'ils ne demandent pas mieux que d'être écoutés par vous. Ils ne demandent pas mieux que de s'exprimer pour vous dire qu'il faudrait ouvrir la porte à toutes les personnes morales en matière de recours collectifs, pas seulement celles qui ont moins de cinq employés. Il faudrait faire en sorte que toutes les personnes morales puissent faire partie d'un groupe en matière de recours collectifs, comme c'est le cas, semble-t-il, en Ontario et comme c'est le cas, semble-t-il, en Colombie-Britannique. Et je ne suis pas, M. le ministre ? et je termine avec ça, M. le Président ? en train de vous dire que c'est la voie qu'il faut suivre, je vous dis qu'il faut écouter l'organisme, il faut écouter l'Association des avocats en demande... en recours collectif. Il faut les écouter, entendre les représentations qu'ils ont à faire et, après ça, on pourra porter un jugement sur leurs représentations en connaissance de cause.

Mais la démarche que vous initiez en ce Parlement, M. le ministre, puisqu'elle n'est pas précédée de consultations particulières, fait en sorte que nous ne pouvons pas juger du bien-fondé ou de l'absence de bien-fondé des revendications d'un seul groupe qui veut être entendu ? il y en a plusieurs autres qui veulent l'être, bien entendu ? et ce groupe-là, c'est l'Association des avocats en demande... en recours collectif.

Alors, à la lumière des explications que vous a fournies tout à l'heure la porte-parole en matière de justice, M. le Président, je peux vous dire que je souscris pleinement à ses explications. Je me réjouis d'ailleurs du détail avec lequel elle a expliqué la position de l'opposition officielle en la matière. À la lumière de tout cela, je peux vous dire que l'opposition officielle n'appuiera pas le principe du projet de loi n° 54.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Chapleau. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 54, Loi portant réforme du Code de procédure civile, et je vais céder la parole à un prochain intervenant qui est le porte-parole officiel de l'opposition en matière de sécurité publique et député de Saint-Laurent. M. le député de Saint-Laurent, je vous cède la parole.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Je vous remercie, M. le Président. Voyez-vous, le projet de loi que dépose le ministre de la Justice est un projet de loi qui est extrêmement ambitieux. Je pense que vous l'avez compris par les discours que la députée de Bourassa a faits et par le discours que vient de faire, avec autant d'éloquence, mon collègue de Chapleau. C'est donc un projet de loi qui est déposé, qui est d'importance capitale pour la vie des citoyens au Québec, puisque c'est la façon dont on va régir l'introduction d'une instance devant la cour lorsqu'on cherche à obtenir de la cour un jugement.

Qu'est-ce qu'on a comme comparable dans les dernières années pour voir comment on a procédé quand on a déposé une réforme aussi importante du système judiciaire et du monde juridique? La réforme du Code civil, M. le Président, qui avait été déposée par le député de Jean-Talon de l'époque ? on peut l'appeler par son nom, M. Gil Rémillard ? qui était ministre de la Justice et qui a entrepris de déposer, devant l'Assemblée nationale, une réforme du Code civil qui était une réforme, M. le Président, aussi importante que celle qui est déposée aujourd'hui. Évidemment, la réforme du Code civil concernait le contenu, la substance des règles qui gouvernent les citoyens au Québec en matière de droit civil, mais le Code de procédure est une réforme tout aussi importante puisqu'elle vient régir la façon dont on introduit les instances devant les tribunaux et la façon dont on doit conduire les instances devant les tribunaux. Il n'y a donc pas besoin de faire une grande démonstration pour qu'on convienne que la réforme du Code de procédure civile est un projet de loi qui est aussi important que la réforme du Code civil qui avait été déposée par M. Rémillard.

Qu'est-ce qu'il avait fait, M. Rémillard, contrairement aux agissements du ministre de la Justice actuel? M. Rémillard avait... Et j'enjoins le ministre de la Justice d'aller voir dans son ministère, d'aller interroger les gens qui ont participé à la réforme du Code civil et à la façon dont le ministre de la Justice de l'époque, ministre de la Justice libéral, avait fait cheminer ce dossier-là avant de le déposer en Chambre. Il avait tenu l'opposition au courant de toutes les démarches. Il avait tenu l'opposition partie prenante de toutes les consultations. Il avait même offert un expert, M. le Président, il avait payé un expert à contrat pour aviser les députés, pour donner des opinions d'expert sur un certain nombre de dispositions qui étaient contenues dans sa réforme. Donc, M. Rémillard, dans l'esprit tout à fait libéral, avait dit: Voilà une réforme importante, voilà une réforme qui va régir la vie des citoyens. Je vais avoir le concours de l'opposition. Pour avoir le concours de l'opposition, je vais les tenir au courant pendant toutes les étapes de la consultation, je vais m'en faire des partenaires, je vais m'en faire des associés. Et c'est comme ça, c'est comme ça que le ministre de la Justice de l'époque, M. Rémillard, avait fait en sorte, avait fait en sorte que ce grand projet qu'était la réforme du Code civil, avec bien sûr des écueils, avait réussi à franchir toutes les étapes d'une façon relativement sereine.

Le ministre de la Justice actuel, M. le Président, dépose son projet de loi n° 54, et, lui, là, il dit tout simplement à la députée de Bourassa: Moi, c'est ma façon de procéder. Je dépose le projet de loi, puis, non, vous n'aurez pas de consultations particulières. Et là il se retranche derrière le fait qu'il y a un rapport de 300 pages, auquel il a associé les intervenants du monde juridique, la magistrature, des gens des services judiciaires, pour dire: J'ai consulté. Mais ce qu'il oublie, le ministre de la Justice actuel, c'est qu'après avoir consulté ces gens-là il a pris des décisions. Il a pris des décisions. Or, les décisions qu'il a prises ne sont pas, dans beaucoup de cas, ne sont pas des... vont à l'encontre des recommandations du comité d'experts à qui il a fait étudier l'affaire. Et il nous dit aujourd'hui: J'ai consulté, je dépose, taisez-vous puis venez-vous-en en commission parlementaire, à l'étude article par article, discuter d'un projet de loi aussi important. C'est ça qui n'a pas de bon sens. C'est à l'image de son gouvernement: pas de consultations en matière de fusions forcées, pas de consultations sur le Code de procédure civile.

D'ailleurs, vous savez, M. le Président, ce ministre de la Justice particulier a un passé en matière de réforme. Souvenez-vous que c'est ce ministre de la Justice, le député de Louis-Hébert, M. le Président, qui a déposé il y a quelques années la réforme du Tribunal administratif du Québec, hein, et là il s'est étampé sur la place publique, M. le Président: C'est une question d'accessibilité des justiciables. Tous des beaux grands principes avec lesquels on est d'accord. Le problème, c'est que, ce ministre-là, il est échevelé, il est échevelé, il est improvisé, M. le Président.

D'ailleurs, un jugement de la Cour d'appel le confirme, sa réforme des tribunaux administratifs du Québec, hein, dans Le Journal du Barreau: «Le TAQ ? le Tribunal administratif du Québec, la réforme Bégin ? n'offre pas la garantie d'un tribunal indépendant.» Puis en petits caractères ? personne ne peut le voir à la télévision, je vais le lire, M. le Président: «La Cour d'appel retourne le législateur à ses devoirs.» Alors, le ministre de la Justice, son passé d'une grande réforme, là, c'est: M. le ministre, vous avez bâclé la réforme des tribunaux administratifs du Québec, retournez à vos devoirs. Et le ministre, M. le Président, a annoncé dans cette réforme-là qu'il n'allait pas contester le jugement de la Cour d'appel, il va se rendre au jugement de la Cour d'appel.

Alors, il a fait quoi dans sa réforme précédente? Le ministre de la Justice malheureusement, malheureusement a refusé, dans la sérénité de son bureau, M. le Président, de chausser, de chausser les souliers, de chausser les souliers du conseiller juridique, de chausser ses souliers d'avocat, de chausser ses souliers de défenseur des principes de justice naturelle dans sa réforme du Tribunal administratif du Québec puis il a voulu couper court, et finalement les cours qui ont regardé cette réforme-là lui ont dit: M. le ministre, ce que vous avez fait là, là, c'est des illégalités. On ne peut pas vous permettre de continuer à agir de cette façon-là, retournez à vos devoirs puis modifiez votre loi pour faire en sorte que, le Tribunal administratif du Québec, on puisse le considérer comme un tribunal indépendant et impartial. Ça, c'est son passé. La réforme de l'aide juridique, même affaire, M. le Président, il s'est pété les bretelles au moment de la réforme d'aide juridique pour dire que c'était la... qu'il faisait cette réforme-là pour permettre aux citoyens d'avoir une meilleure accessibilité au système de justice, alors que tout le monde sait, tout le monde sait que cette réforme-là n'était faite que pour faire faire des économies au gouvernement. Ce gouvernement-là se fout totalement des institutions, M. le Président.

n(17 h 30)n

Souvenez-vous de l'ancien premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, qui avait dit aux gens de la ligne Hertel?des Cantons qui avaient un litige avec le gouvernement: Portez-vous devant les tribunaux, allez porter votre litige devant les tribunaux, vous obtiendrez un jugement du tribunal, puis on le respectera. Les gens ont cru... Ils avaient confiance, hein? En 1998: J'ai confiance, pendant la campagne électorale. Vous allez voir si ça va se retourner tantôt, parce que les gens de la ligne Hertel?des Cantons, ils ont eu confiance dans l'ancien premier ministre, Lucien Bouchard, et ils sont effectivement allés devant les tribunaux porter leur litige devant les cours. Puis ils ont gagné, M. le Président, ils ont gagné. Ils n'ont pas perdu, là, ils ont gagné leur litige contre le gouvernement, devant les tribunaux.

Savez-vous ce qu'il a fait, ce gouvernement-là? Quand il a vu que les citoyens avaient gagné, il s'est dépêché à revenir à l'Assemblée nationale pour déposer une loi, faire voter une loi avec effet rétroactif, pour empêcher ces gens-là d'avoir gain de cause. C'est ça, le genre de respect qu'ils ont pour les institutions. C'est ça, le genre de respect qu'ils ont pour la population du Québec. Ça n'a aucun sens. C'est scandaleux et c'est odieux.

Aujourd'hui, il dépose un projet de loi n° 54 qui va encore une fois venir régir la vie juridique, la vie judiciaire des citoyens qui veulent se porter devant les tribunaux, puis il dit: On ne fera pas de consultations. Il a fait un comité, il a fait un comité sur lequel siégeaient des juges, sur lequel siégeaient des gens des services judiciaires. Où est-ce qu'était la population? Où était-elle, la population? Les gens qui nous écoutent, ils étaient où, sur son comité? Ils n'étaient pas là, ils étaient nulle part, M. le Président. Ah! Ils ont reçu, le comité, des rapports d'associations de consommateurs qui leur ont fait des recommandations.

Mais aujourd'hui, alors qu'il dépose son projet de loi, extrêmement important pour la vie juridique et judiciaire des citoyens du Québec, il n'est que normal qu'un ministre de la Justice responsable, démocrate... Leur problème, c'est qu'ils ne sont pas démocrates, M. le Président. Il y a rien qu'eux autres qui ont raison. Vous avez vu le premier ministre cet après-midi, à la période de questions? Il y a rien qu'eux autres qui ont raison. Ils ne sont pas démocrates. La responsabilité voudrait qu'un ministre responsable, démocrate, sérieux, dise: Voici, je dépose un projet de loi qui vient régir la vie juridique et judiciaire des citoyens; je vais les entendre. Puis je veux entendre aussi le Barreau du Québec, parce qu'il y a un certain nombre de recommandations qui m'ont été faites, que j'ai décidé de ne pas suivre. J'ai décidé de ne pas suivre un certain nombre de recommandations. Je voudrais que le Barreau vienne me donner son opinion, vienne me dire pourquoi j'aurais dû suivre la recommandation. C'est ça, les agissements normaux.

Dans les circonstances, M. le Président, et avant que mon discours ne se termine, je suis d'opinion que le ministre devrait avoir l'occasion de se ressaisir sur son idée première de ne pas accorder de consultations particulières avant l'adoption de principe du projet de loi.

Motion d'ajournement du débat

Et, en vertu de l'article 100 de notre règlement, M. le Président, je ferai une motion d'ajournement des débats, justement pour permettre au ministre, dans la sérénité de son bureau et non pas après un discours, de prendre une décision là-dessus.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): C'est une motion d'ajournement qui est débattable. Donc, évidemment, il y a 10 minutes pour l'auteur de la motion d'ajournement, 10 minutes pour chaque formation parlementaire, et vous avez droit à une réplique de cinq minutes.

Alors, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant. Selon la jurisprudence, vous pouvez commencer. Vous ne commencez pas? M. le député de Saint-Laurent, la parole est à vous.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Alors, sur la motion d'ajournement du débat, M. le Président, la motion d'ajournement du débat que je dépose humblement à votre bureau aurait pour objet de permettre au ministre de la Justice, compte tenu de ce qui vient d'être dit de la part de la députée de Bourassa, compte tenu de ce qui a été dit de la part du député de Chapleau, de permettre au ministre de retourner à son bureau et de réfléchir à la question suivante: Au fond ? au fond ? si j'accorde la demande de l'opposition et que je me plie à des consultations particulières sur le projet de loi n° 54 avant qu'on aille en adoption de principe, peut-être que je m'empêche des étapes qui seraient beaucoup plus longues, dans le fond. Et c'est une question d'ordre pratique, c'est une question d'ordre logique, M. le Président, c'est entendu.

Et qu'il s'inspire donc des agissements de M. Gil Rémillard alors qu'il était ministre de la Justice. Lorsqu'il a déposé la réforme du Code civil, le ministre Rémillard avait associé l'opposition à toutes les étapes des procédures, avait associé l'opposition à la consultation, avait associé l'opposition à la rédaction finale, si vous voulez, des articles qui composaient la réforme du Code civil. Et savez-vous ce qui est arrivé? Je suis persuadé que ça a marché. Comme dit la députée de Bourassa, ça a marché, ça a permis... D'abord, ça a permis quoi? Ça a permis un débat serein. Un débat serein, si c'était nécessaire dans le cas de la réforme du Code civil, ça l'est autant dans le débat de la réforme du Code de procédure civile. Encore une fois, M. le Président, et je pense que c'est important que la population le sache, parce que la réforme du Code civil réglait des questions fondamentales de substance dans les relations entre les citoyens, d'une part, la réforme du Code civil est aussi importante parce qu'elle règle la façon dont les citoyens s'introduisent devant les tribunaux et la façon dont les citoyens cheminent devant les tribunaux.

C'est absolument capital, il faut que ce débat-là se fasse de façon sereine. Il est mal commencé. Il est mal commencé parce que le ministre de la Justice à qui l'opposition dit: Vous devriez consulter les justiciables, les citoyens, les gens qui nous écoutent, vous devriez aussi consulter... Une fois que vous avez pris des décisions qui sont contraires au rapport de votre comité, vous devriez consulter les intervenants: le Barreau du Québec, les différentes associations de consommateurs, les gens des services judiciaires et, évidemment, également la magistrature qui choisirait, la magistrature, de venir s'exprimer publiquement ou non. Parce que, évidemment, il y a la question de la séparation des pouvoirs que nous respectons, mais la magistrature aussi a le droit de s'exprimer.

Et, vous savez, M. le Président, dans la réforme du Code de procédure civile, à première vue, prima facie, diraient des avocats, là, mais, à première vue, il y a des dispositions qui sont litigieuses. Il y a différents groupes d'intérêts qui pourraient avoir différentes opinions, et c'est important que ces gens-là soient admis à venir exprimer publiquement...

Et, si le ministre de la Justice se rendait à notre demande, ce qu'il prendrait comme chance ou risque, selon les points de vue desquels on se place, c'est que d'abord le débat se fasse de façon sereine entre l'opposition et le gouvernement, prendre la chance qu'on s'élève au-dessus des considérations partisanes en ce qui concerne cette réforme-là et qu'on puisse en discuter de façon tout à fait objective entre nous, mais pour le bénéfice des citoyens. Les citoyens qui nous regardent puis qui nous écoutent, souvent ils se disent: Voyons donc! Ils sont en train de faire quoi, ce monde-là, là? Ils sont en train de discuter entre eux autres de choses qui nous intéressent plus ou moins mais qui nous concernent, par contre. Or, le Code de procédure civile, ça les concerne au premier chef. Donc, on a intérêt à avoir un débat qui est le moins partisan possible, qui est le plus serein possible. La seule façon de faire ça, M. le Président, c'est que le ministre de la Justice consente à faire des consultations particulières et à recevoir les gens, puis on va les recevoir ensemble, l'opposition et le gouvernement, puis on aura des discussions.

L'autre chose, c'est que, parti comme il est là, c'est certain qu'on va devoir se faire, l'opposition officielle, comme on le fait dans plusieurs dossiers, le défenseur d'un certain nombre de gens qui ont des choses pertinentes, intéressantes et intelligentes à dire, mais que le ministre ne veut pas inviter à venir s'exprimer en commission parlementaire. L'un des rôles de l'opposition, c'est celui-là, M. le Président. C'est certain que l'opposition ne peut pas dire n'importe quoi, puis on ne dit pas n'importe quoi. D'ailleurs, les sondages le prouvent qu'on ne dit pas n'importe quoi, hein, les sondages le prouvent.

Alors donc, M. le Président, je vois que ça intéresse le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques pas mal plus que ça l'intéressait il y a 10 minutes, en passant. M. le Président, l'opposition officielle doit aussi à l'occasion se faire le défenseur, le défenseur des gens qui voudraient venir exprimer leur point de vue de façon publique en commission parlementaire et qui ne peuvent pas le faire parce que ce gouvernement-là ne veut pas les entendre. Il ne veut pas les entendre, ce gouvernement-là, parce que c'est un gouvernement autocratique, M. le Président, qui décide, puis qui décide d'imposer, et qui impose à la population. Ils ont beau jeu, M. le Président, hein, ils en ont encore pour je ne sais pas combien de temps. Jusqu'à temps que le premier ministre décide de faire des élections, ils vont agir comme ça tout le temps. Le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques me fait signe deux ans, M. le Président. C'est autant de tristesse pour la population du Québec qui passe son temps à nous demander quand est-ce qu'il va y avoir des élections. Donc, M. le Président, ce gouvernement-là se comporte de cette façon-là en ne respectant pas le voeu des citoyens, le voeu des gens qui ont des intérêts dans ces questions-là de venir s'exprimer.

n(17 h 40)n

Alors, si le ministre de la Justice pouvait s'élever au-dessus de son propre égoïsme, s'élever au-dessus de son propre orgueil, M. le Président, faire passer les intérêts de la justice avant les intérêts du ministre de la Justice, faire passer les intérêts de la justice avant les intérêts du député de Louis-Hébert, faire passer les intérêts de la justice avant son propre orgueil, ce que le premier ministre, en passant, ne réussit jamais à faire, mais peut-être que le ministre de la Justice pourrait réussir, alors, M. le Président, le ministre de la Justice, s'il décidait de faire passer les intérêts de la justice avant toute chose, il devrait consentir à ce que les justiciables qui auront à vivre avec le Code de procédure civile, le nouveau Code de procédure civile, à ce que les citoyens du Québec soient partie prenante, à ce que les intervenants du milieu judiciaire, quels qu'ils soient, y compris la magistrature, soient partie prenante.

Parce qu'il ne faut pas oublier une chose, M. le Président, le document, là, il parle d'une nouvelle culture judiciaire. Ce n'est pas rien, ça, là, là, ce n'est pas qu'un petit mandat de se donner le mandat de faire en sorte qu'il y ait l'éclosion d'une nouvelle culture judiciaire au Québec. Comment peut-on penser, M. le Président, faire éclore une nouvelle culture judiciaire sans que tous les intervenants, y compris bien sûr la population, soient partie prenante? Il est absolument impossible, M. le Président, de faire éclore une nouvelle culture judiciaire au Québec si la population n'est pas partie prenante, si la magistrature n'est pas partie prenante, si le Barreau n'est pas partie prenante, si les associations de consommateurs ne sont pas partie prenante et si la population en général n'est pas partie prenante.

Je ne dis pas qu'on pourra satisfaire tous ces gens-là, M. le Président, ce n'est pas ça que je dis, mais je dis qu'on va être capable de satisfaire un certain nombre de points de vue. Et les points de vue qu'on n'aura pas réussi à satisfaire... Moi, j'ai toujours cru à la vertu de l'explication. Si vous n'êtes pas d'accord avec moi, au moins, comprenez pourquoi j'ai mon opinion à moi. Puis, si je vous l'ai exprimée, mon opinion, et si je vous l'ai expliquée, peut-être que vous ne serez pas d'accord, mais, au moins, vous saurez pourquoi j'ai cette opinion-là. Et c'est ça qu'on veut donner, la possibilité.

L'autre exemple de culture que j'ai en tête, c'est le ministre de la Sécurité publique qui a déposé il y a quelque temps un projet de loi sur la sécurité civile dans lequel il disait aussi qu'il voulait faire naître une culture de la sécurité civile au Québec. Et j'ai eu le même discours avec lui. J'ai dit: Écoutez, là, vous ne pouvez pas penser que vous allez réussir dans votre mandat de faire éclore une culture de la sécurité civile si vous n'agissez pas en partenariat avec l'entreprise privée, si vous n'agissez pas en partenariat avec les municipalités, si vous n'agissez pas en partenariat avec tous les intervenants.

Quand on se donne, M. le Président, cette ambition de vouloir faire naître une culture judiciaire au Québec, il faut avoir le courage, il faut avoir le courage d'écouter les gens, d'écouter les gens, d'écouter le point de vue des gens, pour faire en sorte qu'on puisse avoir un consensus. Et c'est la raison pour laquelle je soumets que le débat devrait être ajourné pour permettre au ministre de réfléchir à ça.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous poursuivons le débat sur la motion d'ajournement du débat, et je cède la parole à M. le ministre de la Justice.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Vous allez peut-être être surpris, M. le Président, je suis très heureux qu'on ait fait cette motion d'ajournement parce que ça va me permettre de dire les vraies choses.

L'opposition, par l'intermédiaire des députés de Bourassa, de Chapleau et de Saint-Laurent, depuis environ une heure trente, passent leur temps à dire des choses comme ceci: Il y a eu un comité qui a été créé il y a trois ans, un comité d'experts qui a consulté 150 personnes, qui a développé 14 thèmes, qui était composé du Barreau, de la magistrature, du ministère de la Justice et des intervenants universitaires. Ils ont fait un travail incroyable, une brique de 340 recommandations. Ils disent: Nous sommes d'accord avec les recommandations, mais nous allons voter contre le principe parce que nous n'avons pas l'occasion d'entendre des personnes qui viendraient nous dire si ce qu'il y a dans ce projet de loi est bon ou pas bon ou conforme ou non conforme aux recommandations.

M. le Président, avant même d'entrer dans cette Chambre, j'ai fait part à la députée de Bourassa que j'avais l'intention d'entendre des groupes en commission parlementaire, comme on le fait selon les règles usuelles. C'est-à-dire que, lorsqu'on dépose un projet de loi, une semaine après, on peut faire l'adoption de principe. Et, par la suite, on envoie le projet de loi en commission parlementaire. Et, en commission parlementaire, là il y a deux, trois options en fait qui se présentent: soit qu'on n'entende aucun groupe, soit qu'on entende un certain nombre de groupes limité, ordinairement discuté entre l'opposition et le gouvernement, et/ou encore on fait une consultation générale, c'est-à-dire qu'on entend un nombre quasi illimité de gens. C'est la façon de faire.

Aujourd'hui, on nous dit: Oh! vous voulez adopter le principe, mais vous ne nous avez pas dit que vous vouliez entendre les gens. Je leur ai pourtant dit, non pas dans cette Chambre, mais à l'antichambre, pour leur dire: Oui, il m'apparaîtrait raisonnable d'entendre certaines associations, certains groupes pour nous parler de ça. J'ai fait état, par exemple, du Barreau; j'ai fait état de l'Association des jeunes barreaux du Québec; j'ai fait état de la Chambre des notaires du Québec; j'ai fait état des huissiers parce qu'on parle du rôle des huissiers dans ce projet de loi. J'ai parlé aussi de certains groupes qui s'occupent des consommateurs, par exemple Option consommateurs, les responsables des ACEF ou d'autres groupes comme ceux-là, et j'ai dit: Voilà des gens que nous devrions entendre. Ce n'est pas 50 groupes, mais des groupes ciblés là-dessus. On ne consultera pas la magistrature, l'indépendance de la magistrature fait en sorte qu'ils ne comparaissent pas devant les commissions parlementaires et qu'ils font cheminer leur point de vue d'une autre manière. Mais, entre autres, sur le comité qui a présidé aux recommandations, il y avait des représentants de la magistrature.

Donc, M. le Président, loin de monter aux barricades pour dire: On ne veut pas entendre des groupes. J'ai dit à l'avance, et je le répète, et c'est ça qui fait ma joie de pouvoir le dire officiellement, que, oui, nous allons entendre des groupes. Et, dès que le dossier sera transféré en commission parlementaire, ces groupes pourront être entendus. Si l'opposition pense qu'un ou deux groupes qui ne sont pas mentionnés devraient être entendus, je suis prêt à écouter ça et à en convenir avec eux pour que nous ayons la chance d'étudier ce principe. Je veux leur donner l'occasion d'être conformes à ce qu'ils disent, d'une certaine façon. Ils disent qu'ils trouvent le projet de loi très important, majeur, nécessaire, avec des grands principes qu'ils partagent, mais ils votent contre parce qu'ils n'ont pas encore eu le temps d'entendre les personnes. Je leur dis: Faites comme on fait d'habitude, votez le principe. On va s'en aller en commission parlementaire, et là on fera entendre les personnes, et on pourra étudier le projet de loi.

Mais il faut qu'on soit sincère, il faut qu'on soit conforme à ce qu'on dit. Quand le député de Saint-Laurent mentionne que la réforme de la justice administrative, il était d'accord, bien je vais lui rappeler ceci, au député de Saint-Laurent, que nous avons siégé pendant 156 heures sur le projet de loi de la justice administrative et nous n'avons jamais été capables d'aller plus loin que l'article 2 parce qu'ils étaient contre. Ils étaient contre. Il a fallu faire passer un bâillon. Et il y a eu une deuxième législation... La première, c'était sur les principes. La deuxième, c'était sur les modifications aux lois. Il y avait 900 articles, M. le Président. Nous nous sommes rendus beaucoup plus loin, nous avons été aussi loin que 14 articles. Les autres, on n'a pas pu les étudier parce qu'il y a eu ce qu'on appelle dans notre jargon un filibuster et on n'a pas pu aller de l'avant.

M. le Président, on nous avait dit que le projet de loi était absolument... ne passerait pas la cour et qu'il serait annulé. La cour nous dit avec respect: Il faudrait qu'un comité soit composé différemment, et nous sommes d'accord pour changer cette composition-là, et nous dit: Votre projet de loi, quant au reste, est tout à fait correct. C'est la Cour d'appel du Québec qui dit ça. Il y a des petites modifications à apporter. Bien sûr, j'ai même déclaré que j'étais d'accord et que je ferais un projet de loi pour les modifier. Mais la justice administrative, tout ce qui a été créé, le tribunal, est parfaitement légal, parfaitement constitutionnel, a été reconnu comme tel par la Cour d'appel du Québec.

Alors, je leur demande d'être sincères dans ce qu'ils disent. S'ils sont d'accord avec les grands principes du projet, s'ils pensent que les recommandations qui ont été faites et que l'on retrouve dans le projet de loi ont du sens, bien, qu'on ne prenne pas du temps de cette Assemblée pour dire: On veut entendre des groupes. La réponse, ils l'ont, c'est oui. J'en ai déjà donné une liste, on peut les ajouter et commencer notre travail, pas perdre notre temps, pas dire n'importe quoi, agir avec sincérité et diligence.

Alors, M. le Président, nous sommes d'accord pour accélérer, si on pouvait aller devant la commission parlementaire, et, comme il ne reste que peu de temps, je pense qu'on pourrait être d'accord pour procéder à l'ajournement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Là, je suis sur l'ajournement du débat.

Une voix: ...

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un instant. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants du côté de la formation de l'opposition officielle? Il n'y a pas d'autres intervenants. Vous n'avez pas de droit de réplique. Est-ce que la motion d'ajournement du débat est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, la motion d'ajournement du débat est adoptée, et je vais reconnaître M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, on peut suspendre nos travaux. Il y a des débats de fin de séance qui sont prévus.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a consentement pour suspendre les travaux jusqu'à 18 heures. À 18 heures, il y aura trois débats de fin de séance. Il y a consentement, donc l'Assemblée est suspendue jusqu'à 18 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 50)

 

(Reprise à 18 heures)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Veuillez prendre place.

Débats de fin de séance

Financement des centres
hospitaliers universitaires

Nous procédons maintenant aux débats de fin de séance. Un débat de fin de séance entre M. le député de Châteauguay et whip en chef du gouvernement au ministre de la Santé et des Services sociaux concernant le sous-financement du CHUQ et du CHUM. Alors, M. le député de Châteauguay, la parole est à vous. Votre droit de parole est de cinq minutes, comme vous le savez très bien.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Dernièrement, la semaine dernière, il en a été question, mais plus précisément aujourd'hui, avec les rapports sur le Centre hospitalier universitaire de Québec, la même chose avec celui de Montréal, le CHUM et le CHUQ, si vous me permettez l'expression, on arrive à la fin d'une première période qui a été plutôt longue, à savoir l'an passé quelle était la situation financière de ces deux institutions. Il y en aura d'autres, il y aura McGill, l'Hôpital juif, mais, jusqu'ici, les informations qui sont sorties sont à l'égard de ces deux institutions-là.

Quelle était... Imaginez la question. C'est un petit peu, là... On est dans un drôle de pays imaginaire. Dans quel horizon financier vivaient ces deux établissements l'an dernier? C'est la question qu'on se pose en ce moment. La raison pourquoi on se pose cette question-là, c'est qu'il y a 18 mois, l'an dernier, au début de l'exercice de l'an dernier, les établissements ont dit au gouvernement: Il va nous manquer de l'argent, on est en sous-financement. Et le gouvernement ne veut pas admettre qu'il y a un sous-financement; il préfère parler de mauvaise gestion, parce qu'ils ne peuvent plus vraiment dire qu'il faut couper dans le gras. Parce que, comme ça fait tellement d'années qu'ils coupent dans le gras, tout le monde est au courant qu'il n'y a plus de gras, il reste rien qu'un os, hein? Ils disent: C'est de la mauvaise gestion, il faut revoir les façons de faire, puis tout ça. Dans le fond, des beaux discours qui sont répétés année après année, mais qui signifient: Bien, je ne veux pas l'admettre, qu'il y a un sous-financement.

Alors, les administrateurs ont dit, à ce moment-là: Il n'y a pas assez d'argent, vous ne couvrez pas nos coûts de système. Ce n'est pas une histoire qui est bien, bien nouvelle. Je pense que, depuis que le Parti québécois est au pouvoir, ils n'ont jamais couvert les coûts de système. Des coupures par-dessus coupures. Ça va être la même chose l'année prochaine. Ça fait que, dans ce cas-là, c'est le statu quo complet. Avec le PQ, on ne couvre pas les coûts de système.

Les administrateurs disent: On n'a pas suffisamment de financement pour couvrir les activités qu'on est supposé d'avoir, donc il faudra couper les activités. Le gouvernement dit: Non, non, non, vous ne savez pas lire les colonnes de chiffres, on va vous envoyer Turenne. Lui, c'est un gars du ministère, il a une petite équipe, il va aller voir les administrateurs, il va vous dire comment administrer ça, un établissement. Ça démontre déjà le peu de respect que le gouvernement du Parti québécois peut avoir à l'égard des administrateurs, qui sont des personnes qui travaillent excessivement fort pour s'assurer que les donneurs de soins puissent donner des soins. Alors, le comité Turenne s'en va là, il revient quelques mois après, puis il est obligé de faire rapport au gouvernement, puis il dit: Les administrateurs ont raison, il n'y a pas suffisamment de financement. Là, il y a un an, ça.

Plutôt que d'admettre que les administrateurs et le comité Turenne avaient raison, ils disent: On va envoyer ça à des vérificateurs externes pour vérifier si c'est bien vrai. Autrement dit, il ne faut surtout pas le dire au monde qu'il y a un sous-financement. Les rapports viennent de sortir. Ils nous disent quoi? Ils nous disent essentiellement ? je peux vous montrer, ça, c'est la page du Journal de Québec d'aujourd'hui: Le CHUQ est sous-financé. C'est écrit en gros, gros, gros. Ça fait 18 mois qu'on le sait, nous autres. Les administrateurs l'ont dit, le comité de Turenne l'a dit, les vérificateurs le disent. J'ai posé la question aujourd'hui au ministre de la Santé: Est-il capable d'admettre, après 18 mois... 1,5 million de dollars d'argent des Québécois dépensés dans la vérification pour éviter qu'on le sache un jour. La lumière vient d'arriver, on le sait, là. Je lui demande: Est-ce qu'il est capable au moins de nous dire: Oui, j'admets que c'est sous-financé? Mais les deux fois, la question aujourd'hui, les mots ne sont jamais sortis de sa bouche.

Je profite du débat de fin de séance pour limiter mon premier questionnement à celui-là. Si le ministre ne faisait qu'admettre ce que tout le monde sait, on serait déjà sur une piste de solution. C'est un passage obligé. Il faut avoir l'humilité de reconnaître ses erreurs, accepter l'honnêteté de la franchise, la transparence puis dire: À partir de là, je peux avancer, je peux trouver une solution. Tant qu'on joue à l'autruche et qu'on ne voit pas la situation, parce qu'on ne veut pas la montrer, il n'y a pas de solution possible en vue. J'aimerais ça que le ministre me dise: Les vérificateurs ont raison, parce que le comité Turenne nous l'avait dit, parce que les administrateurs nous l'avaient dit, parce qu'on est au courant dans tous les établissements qu'il manque de financement. On le sait, il va en manquer cette année pour 300 millions. L'an prochain, avec des hausses de 3,1 %, l'Association des hôpitaux du Québec nous parle d'un minimum de 285 millions qu'il va manquer. Là, on est sur deux hôpitaux universitaires, c'est excessivement important, les missions qu'ils ont, et on a la preuve qu'ils sont sous-financés, qui vient de trois sources différentes.

Je demande au ministre, et c'est la seule question... Évidemment, celle qui suivra sera de dire: Si vous l'admettez ? je le... à l'avance ? qu'il y a un sous-financement, quelles solutions préconisez-vous? Qu'est-ce que vous allez donner à ces établissements pour qu'ils offrent non seulement les soins à la population, mais qu'ils puissent continuer de parfaire leur mission qui est la recherche de l'excellence, de s'assurer d'avoir toujours une mission qui est d'aller plus loin, de faire de la recherche, de s'assurer qu'au Québec on ait des établissements qui soient à la fine pointe de la médecine et qui rayonnent dans le monde entier?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à vous.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, le porte-parole de l'opposition et député de Châteauguay confirme mon appréhension: il ne faut pas lui laisser le chéquier plus que cinq minutes, il vient de nous en dépenser 200 millions, là. Il vient de nous en dépenser 200 millions parce qu'il a vu une coupure de presse. Il en avait vu une lundi passé.

En réalité, M. le Président, c'est que, pour les 10 plus grands hôpitaux du Québec, qui sont maintenant regroupés dans les trois grands hôpitaux universitaires du Québec, le CHUQ à Québec, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal et le Centre hospitalier de santé de l'Université McGill, qui regroupent 10 hôpitaux, eh bien, nous avons, à la demande de ces hôpitaux ? à la demande de ces hôpitaux ? l'an passé, convenu de désigner des vérificateurs externes. À Québec, ici, une firme connue, PricewaterhouseCoopers, qui a fait la revue de l'ensemble des opérations, parce que, quand on est dans un centre hospitalier universitaire, on fait des soins, on fait de l'enseignement, on fait de la recherche et on fait de l'évaluation de nouvelles technologies. C'est complexe, éminemment complexe, et il faut que chaque élément soit regardé en soi et qu'on puisse faire des comparaisons avec d'autres établissements de même nature, dans d'autres provinces canadiennes, d'autres États américains ou encore d'autres pays, pour connaître la résultante en termes de réalisation des opérations.

Ce que ça donne: trois fois un rapport d'à peu près 400 à 500 pages, ça dépend des hôpitaux universitaires, et j'ai reçu la semaine dernière, mercredi, mercredi soir, ces trois rapports. Ça occupe une fin de semaine, je dois le dire, assez intensément. Et, dans le cas du CHUQ, par exemple, c'est au-delà de 200 recommandations que nous avons.

Ce qu'il faut en conclure pour l'instant, M. le Président, c'est que nous allons, tel que ça a été convenu avec les établissements, à Québec d'abord... Parce que, là, on sait sur quelle piste il faut s'engager pour en arriver à rendre davantage de services, pour rendre davantage de services avec le dollar santé, le dollar santé qui est investi dans ces trois grands hôpitaux qui sont regroupés au sein du CHUQ. D'abord, une entente de gestion sur la base des quelque 200 recommandations de cette firme externe et aussi avec d'autres spécialistes et un groupe d'implantation de ces mesures convenu avec l'établissement, parce que c'est l'établissement qui va réaliser l'implantation de ces mesures en vue d'en arriver à atteindre l'équilibre budgétaire.

La même chose au Centre hospitalier de l'Université de Montréal, avec un élément supplémentaire. Donc, une entente de gestion avec le CHUM, à Montréal, avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, impliquant la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre parce qu'il faut, en termes de planification et également d'organisation des services, prendre l'ensemble du territoire. Pour le Centre hospitalier de l'Université de Montréal, une entente de gestion également, un groupe d'implantation ? cette entente signée par le ministère de la Santé et des Services sociaux ? des mesures, convenu avec le CHUM, en termes d'implantation, et aussi ? ils sont en processus actuellement, je l'ai autorisé ? avec quelqu'un pour diriger l'opération; parce que, dans le cas du Centre hospitalier de l'Université de Montréal, c'est un directeur général par intérim, M. Douville, qui dirige l'établissement, et j'ai autorisé, il y a quelques semaines, l'ouverture d'un concours. Il faudra donc en convenir avec la nouvelle direction générale aussi de ce centre hospitalier.

Même processus, moins dans le détail, puisque c'est plus complexe encore, dans le cas de l'Université McGill, du Centre de santé de l'Université McGill. Dans tous les cas, il ne faudra pas non plus oublier ? on a tendance à l'oublier dans la séquence ? qu'il y en a un autre, centre hospitalier universitaire, il est à Sherbrooke, qui, lui, n'a pas demandé d'être sous audit, de faire une revue de ses opérations, mais qui sera considéré comme l'un aussi de nos grands ensembles universitaires en termes d'hôpitaux au Québec.

n(18 h 10)n

La conclusion, M. le Président, la conclusion. Il faut absolument que le porte-parole de l'opposition se mette ça dans la tête: Ça fait 30 ans qu'il manque de l'argent dans le système, il l'a dit tantôt, de santé. Ça fait 30 ans que nous en affectons, de l'argent, et rien ne change. C'est donc autre chose qu'il faut modifier, dit le Dr Yves Lamontagne, du Collège des médecins. Ce n'est pas seulement une question de financement ou seulement une question de gestion, c'est un défi, que nous nous cassions la tête pour en arriver à des solutions innovatrices. C'est cela qu'on va réaliser par entente de gestion avec les hôpitaux universitaires du Québec, pour respecter les objectifs et l'esprit de la loi n° 107, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre. En vertu de votre droit de réplique de deux minutes, M. le député de Châteauguay, la parole est à vous.

M. Jean-Marc Fournier (réplique)

M. Fournier: Merci, M. le Président. Le ministre nous dit... bien, pas grand-chose, en somme. Mais, la première, il dit que ce n'est pas eux qui ont demandé la vérification externe, c'est les hôpitaux. Le point reste le même: vous avez refusé d'écouter les administrateurs et même le comité Turenne, qui est venu donner raison aux administrateurs. Et les hôpitaux et vous avez été obligés d'aller ailleurs, d'avoir quelqu'un, un vérificateur externe, parce que vous ne vouliez pas admettre ce qui est pourtant très clair, l'était et l'est encore aujourd'hui: il y a un sous-financement.

Et là, il nous dit, la réponse à ça: On va faire une entente de gestion pour mettre en place les recommandations du rapport. Bien, une des recommandations du rapport, c'est du financement pour ces établissements-là. Moi, j'essaie de comprendre quelle sorte d'entente de gestion. À sens unique?

Moi, je n'ai rien contre le fait que les établissements rendent des comptes, au contraire. Que les établissements rendent... qu'il y ait des indicateurs, puis qu'ils rendent des comptes, puis que les résultats soient obtenus, tout à fait d'accord. Mais un contrat, ça se signe à deux. Il y a deux parties en bas de la feuille.

Moi, je veux savoir... c'est ce que je voulais savoir du ministre. J'ai passé mon temps aujourd'hui à lui demander, il a encore refusé de répondre...

Dernière conclusion qu'il me fait, que je crois comprendre, peut-être: Le Dr Lamontagne dirait qu'il manque d'argent depuis longtemps, mais que finalement, ce n'est pas un manque d'argent. Moi, j'ai un petit peu de misère à suivre ça. Moi, je ne répéterais pas des choses qui ont l'air plutôt paradoxales comme ça: Il manque d'argent depuis 30 ans; ça fait que, finalement, il n'en manque pas.

Si on regardait la réalité concrète, on est passé de la troisième province au Canada, en termes de financement per capita à la santé, en 1994, à la dixième province, le dernier rang. Pourtant, on est, en termes de richesse relative, la cinquième province. Il doit bien y avoir quelque chose de vrai là-dedans qui dit qu'on aurait les moyens de financer la santé si on en faisait une priorité.

Bien non, le gouvernement a décidé, lui, de mettre de l'argent dans le multimédia, le e-commerce, les carrefours de la nouvelle économie. Ça a créé, l'année passée, 8 % de tous les emplois créés au Canada. Autrement dit, c'est un fiasco total, c'est du déménagement d'emplois.

Moi, je voudrais que les priorités soient dans la santé. On voudrait que le gouvernement du Parti québécois soit capable de répondre à ces rapports-là, et notamment en respectant les engagements qu'il doit prendre: financer correctement les établissements. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Châteauguay. Alors, nous poursuivons avec un débat de fin de séance entre Mme la députée de Jonquière suite à une question qu'elle a posée aujourd'hui au ministre d'État à l'Environnement et à l'Eau, à savoir: Quand la construction débutera-t-elle au Portage-des-Roches? Alors, Mme la députée de Jonquière, la parole est à vous.

Mesures de sécurité au barrage
Portage-des-Roches, à Laterrière

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: Alors, merci, M. le Président. Effectivement, M. le Président, cet après-midi, j'ai rappelé en cette Chambre un engagement qu'avait pris le ministre de l'Environnement le 20 septembre dernier ? 2001 ? en pleine campagne électorale, dans le comté de Jonquière.

Permettez-moi, M. le Président, de vous rappeler l'engagement du ministre: «Dans un souci constant, dit-il, de protection et de saine gestion de l'environnement, ces mesures de sécurité qui permettront de mieux protéger les citoyens et les citoyennes situés en aval de ce barrage, avec un gardien permanent et un centre de services au barrage Portage-des-Roches, nous améliorerons le temps de réaction en toutes circonstances, avait souligné le ministre Boisclair.» Peut-être souligner au ministre Boisclair, aussi, que ça assurait la sécurité non pas seulement des citoyens en aval, mais aussi des citoyens en amont.

M. le Président, ma question était fort simple. Ma question était fort simple, tout ce que je demandais au ministre, c'est: Eu égard à la promesse qu'il est venu faire en pleine campagne électorale, le 20 septembre dernier, tout ce que je voulais savoir de lui, parce que c'est des questions que, moi, je reçois quand je retourne dans ma région: Quand est-ce que la construction va commencer? Parce que, au moment où on se parle, M. le Président, il n'y a pas de permis de construction de demandé aux autorités municipales, il n'y a aucun appel d'offre de fait, publié dans les journaux ou en quelque part d'autre. Quand est-ce que ça va commencer, M. le Président?

Parce que les gens le disent: On est rendu à la fin novembre, la première neige est tombée chez nous, la terre commence à durcir. Alors, si on veut construire un habitacle pour le gardien, si on veut construire une bâtisse pour mettre l'instrumentation, quand est-ce qu'on va commencer, M. le Président? Si tant est, M. le Président, qu'on veuille commencer ces travaux-là au mois de janvier 2002, manifestement, il va être trop tard. Pas capable de construire chez nous en janvier 2002, ce n'est pas possible. D'abord, il y a beaucoup trop de neige, la terre est gelée. Alors, il faut manifestement que la construction commence à présent, puis le temps court contre les travaux, M. le Président.

C'était fort simple, ma question. Et j'aurais pensé, j'aurais souhaité, sincèrement j'aurais souhaité avoir une réponse précise, parce que c'est une préoccupation importante pour les gens, tant du comté de Jonquière que pour les gens du comté de Dubuc que pour les gens du comté de Chicoutimi, M. le Président. Parce que toute cette population-là a été touchée de façon sévère, lors du déluge de 1996. Et, depuis, je dirais, le 20 juillet 1996, la population est demeurée anxieuse.

Évidemment, nous aurions souhaité avoir une réponse, parce que, à chaque année, M. le Président, à chaque printemps, M. le Président, le barrage au Portage-des-Roches à Laterrière, on ouvre les pelles trop tard. On inonde les gens en aval, M. le Président; c'est ça qui arrive, à chaque printemps. Savez-vous pourquoi? Parce que le barrage Portage-des-Roches à Laterrière est géré par des gens ici, de Grande-Allée. Bien, c'est loin de Grande-Allée au Portage-des-Roches à Laterrière, M. le Président, mais c'est la réalité.

On gère le barrage avec des ordinateurs, avec une nouvelle technologie. Soit, sauf que depuis 1996, M. le Président, à chaque printemps, nos citoyens sont inondés soit en amont parce que l'eau du lac monte trop haut, et là évidemment, on ouvre les pelles en catastrophe, et là, on... les citoyens en aval. C'est ça, la réalité.

Et vous comprendrez aussi, M. le Président, que cette situation-là, depuis... évidemment plus depuis 1996, a laissé un goût amer, parce que non seulement les gens sont en colère de voir détruire leurs biens comme ça, mais il y a maintenant l'angoisse, l'angoisse qu'ils ont connue, depuis le déluge de 1996.

Alors, c'est une question qui est fort à propos, M. le Président, et j'aurais souhaité avoir une réponse. J'aurais été contente de pouvoir dire aux citoyens de mon comté, aux citoyens des comtés voisins: Rassurez-vous, la construction va commencer quelque part comme le 25 novembre.

Mais, non, ce que le ministre a osé dire, c'est que j'avais du culot. Du culot, pourquoi? Parce que j'avais osé lui poser cette question en Chambre, M. le Président. Je me demande pourquoi j'ai eu du culot. Parce que je rappellerais au ministre qu'en 1994, lorsque le Parti québécois a pris le pouvoir en 1994, il y avait, à Portage-des-Roches à Laterrière, un gardien en permanence avec une maison, M. le Président, et qu'après le déluge de 1996 la maison était toujours en place, M. le Président. Et, nonobstant le rapport Nicolet qui préconisait le retour d'un gardien en permanence dans la maison, tout ce qu'on a vu, tout d'un coup, M. le Président, oh! la maison a disparu. Ils ont détruit la maison, M. le Président.

Et on ose dire que j'ai du culot de poser la question. Ce n'est pas avoir du culot, M. le Président, que de se préoccuper de l'angoisse de ses citoyens, et sincèrement. Parce que, moi, j'étais mairesse de la municipalité en 1996, et je pourrais vous en témoigner longtemps, de l'angoisse. Et les gens ont demeuré très énervés; à chaque fois qu'il y a un coup d'eau, M. le Président, les gens sont énervés. Alors, tout ce que je veux, c'est une question très simple... une réponse très simple à ma question. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Jonquière. Alors, M. le ministre d'État à l'Environnement et à l'Eau, la parole est à vous.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, l'ex-mairesse de Laterrière, la députée de Jonquière, n'a pas perdu ses vieilles habitudes, M. le Président. D'abord, est-ce qu'on peut dire les choses comme elles sont et les dire complètement? Sur le fond des choses, j'ai rencontré à plusieurs reprises les citoyens de Laterrière, les citoyens de la région qui m'ont communiqué effectivement l'angoisse qu'ils ressentent, et souvent justifiée, après le drame qu'on a connu au Québec, une catastrophe qui est celle du déluge dans la région.

Depuis le rapport Nicolet, depuis ces événements, bien avant la campagne électorale, des mesures ont été prises par le ministère de l'Environnement. Étrange, M. le Président, que la députée ne fasse pas état, par exemple, des appels téléphoniques qui sont faits de façon systématique par un système informatique très spécialisé, où nous avons en banque l'ensemble des numéros de téléphone des gens qui habitent en aval du cours d'eau, pour qu'en cas de problème automatiquement nous déclenchions un générateur d'appels qui signifie tout problème aux gens qui sont en place.

La députée est en train de dire que, aujourd'hui, au moment où nous nous parlons, il n'existe aucune mesure de sécurité. Rien n'est plus faux, M. le Président. Des mesures de sécurité importantes existent, et nous voulons les raffiner. Nous voulons faire en sorte d'avoir davantage de présence sur le milieu pour qu'en cas de phénomène exceptionnel, qu'en cas de crue de façon particulière, que nous puissions agir avec plus de rapidité. J'ajoute aussi qu'aux services que nous voulons ajouter déjà existe un système de contrôle par télésurveillance très spécialisé qui est sans doute, lorsqu'on regarde ce qui se fait ailleurs en Amérique du Nord... qui compte parmi les services les plus à point et qui exploitent le mieux les technologies présentes.

n(18 h 20)n

Donc, non seulement, aujourd'hui, il y a un système qui fonctionne bien, mais il y a, en plus de ça, la volonté du gouvernement de mieux faire les choses. C'est que les rapports qu'elle fait entre ce qui est survenu avant et après, la maison qui est apparue et qui est disparue, ont oublié de parler des mesures qui avaient été développées. Alors, je pense qu'il faut replacer les choses dans leur contexte.

Qu'est-ce que je vois, M. le Président, devant moi? Une députée d'opposition en manque de visibilité, qui pense, là, qu'elle a trouvé le filon par lequel elle va être capable de s'illustrer et qui va faire d'elle, dans sa région, une porte-parole crédible. M. le Président, non seulement elle ne réussira pas, parce que le gouvernement a pris des engagements et il va les respecter, mais en plus, M. le Président, soyez assuré que, devant la question et la critique, je ne lui permettrai pas, un jour, de se promener dans la région puis de dire que c'est elle... grâce à son travail puis ses questions à l'Assemblée nationale que soudainement les mesures que nous avons annoncées se prennent.

C'est le choix de ce gouvernement, et nous l'avons pris en toute connaissance de cause, et nous sommes heureux d'avoir répondu aux demandes qui étaient exprimées par les citoyens. Et lorsque nous irons là-bas inaugurer la station, lorsque j'aurai l'occasion, pour le printemps prochain, comme je m'y suis engagé, d'avoir une personne sur place pour agir rapidement, je pourrai faire la démonstration, M. le Président, que, derrière la volonté de la députée puis derrière son interrogation, il y a d'abord et avant tout une motivation partisane, et elle aura l'occasion d'avoir une démonstration hors de tout doute, encore une fois. Si elle en doute, si déjà elle est contaminée par ses collègues de l'opposition, elle aura l'occasion de voir que, lorsque le gouvernement prend un engagement, il respecte sa parole, et il y aura, M. le Président, pour le printemps prochain, quelqu'un en place.

Je vous indique que tous les plans et devis sont prêts, que le financement est attaché, et que l'engagement que nous avons pris sera respecté. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre d'État à l'Environnement et à l'Eau. Mme la députée de Jonquière, vous avez un droit de réplique de deux minutes.

Mme Françoise Gauthier (réplique)

Mme Gauthier:«Là-bas», là, comme il dit, là, c'est chez nous. Et, «là-bas», là, comme il dit, là, on est fort inquiets, M. le Président. On est fort inquiets, parce que toutes les mesures, M. le Président, auxquelles a fait référence le ministre pendant son intervention, toutes ces mesures-là étaient connues, étaient en place le 20 septembre dernier.

Mais il le sait très bien, M. le Président, le ministre, que ce n'était pas suffisant, il le sait très bien. Parce que, à chaque été, à chaque printemps, même à l'été 2000, M. le Président, on a eu des inondations au sol mineures, dans tout le territoire de Laterrière. Alors, M. le Président, le ministre sait très bien que ces mesures-là ne sont pas suffisantes, et c'est pourquoi, je pense, qu'il avait annoncé le 20 septembre dernier un gardien en permanence, «là-bas».

Mais je pourrais vous dire, M. le Président, que, oui, je vais pouvoir me vanter effectivement, si tant est qu'un jour ça se réalise, que ça va être l'accomplissement d'une de mes promesses électorales. Parce que, dans mon pamphlet, M. le Président, je m'étais engagée effectivement à défendre ce dossier et à faire en sorte que ce gouvernement réinstalle un gardien en permanence sur le territoire de notre région, qui n'est pas si lointaine, vous savez, M. le Président. Et, lorsqu'on parlera du parc des Laurentides, bien, ça, ce sera un autre débat, mais, lorsqu'on aura une route à quatre voies, on ne pourra pas dire, chez nous, «là-bas». Merci, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée Jonquière. Notre troisième débat de fin de séance, suite à la période de questions aujourd'hui, en vertu d'une question du député de Vaudreuil au ministre responsable de la Jeunesse concernant une somme de 200 millions en 2002-2003 pour les jeunes du Québec. Alors, M. le député de Vaudreuil, je vous cède la parole.

Respect des engagements pris lors
du Sommet du Québec et de la jeunesse

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Je suis heureux de me retrouver ici avec le nouveau ministre de la Jeunesse afin de discuter avec lui d'une question fort importante pour les jeunes et pour le monde de l'éducation, M. le Président. C'est celle de l'engagement ferme, pris par son gouvernement au Sommet du Québec et de la jeunesse, de réinvestir 200 millions pour les jeunes et pour l'éducation au cours de l'année financière 2002-2003, 200 millions additionnels.

Vous savez, le premier ministre, la ministre des Finances, le ministre de la Jeunesse de l'époque, lors du Sommet du Québec sur la jeunesse, avaient pris solennellement, la main sur le coeur, l'engagement d'aider les jeunes. Vous savez, on entendait ça, et nous avions des trémolos dans la voix.

On se rappellera que, de 1994 à 1998, le gouvernement péquiste a coupé 1,9 milliard dans le réseau de l'éducation. En 2000, on a dit: On va recommencer à investir et on promet de consacrer 1 milliard sur trois ans. Et, vous savez, M. le Président, en mars 2000, le ministre de la Jeunesse de l'époque disait: «La décennie que nous amorçons sera celle de l'éducation, l'avenir du Québec en dépend. Ces nouveaux investissements marquent le début d'un engagement collectif renouvelé envers l'éducation, afin que celle-ci demeure au coeur de notre projet de société pendant de nombreuses années.»

Et nous avions le tableau, M. le Président, des investissements par année, promis solennellement, dûment signés. Et, en 2002-2003, c'étaient 200 millions de plus: 60 millions pour les commissions scolaires, 20 millions pour les cégeps, 120 millions pour les universités avec lesquelles le ministre de l'Éducation et de la Jeunesse a signé, vous savez, des contrats de performance, le dernier étant le 4 mai dernier. Et là on constate que cet engagement, vous savez, parole de péquiste, c'est à l'eau, cet engagement-là.

Et on comprend la réaction de jeunes, M. le Président. Je ne voudrais en citer que quelques-uns: M. Patrick Lebel, président du Conseil permanent de la jeunesse, qui disait le 19 novembre, et je cite: «Les participants au Sommet du Québec et de la jeunesse, donc le Conseil permanent de la jeunesse, ont convenu que soit versé 1 milliard de dollars d'argent neuf en éducation pour un total récurrent de 500 millions de dollars, et ça, selon le calendrier de trois ans. Il s'agit là d'un choix de société et réfléchi, non d'une manoeuvre comptable de petite envergure que le gouvernement peut évacuer avec légèreté.» Fin de la citation, M. le Président. Et du côté de Martin Simard, le président de la FEQ, je cite: «Le gouvernement est trop lâche pour nous répondre clairement. Pour ce qui est du Parti québécois, il ne vaut pas mieux que son gouvernement en ne mettant pas ses culottes. Le premier ministre remettant en question la bonne volonté des jeunes, nous découvrons enfin qui est le plus mesquin des deux.» Fin de la citation.

Évidemment, nous aurions pensé, vous savez, que le nouveau ministre de la Jeunesse, qui, semble-t-il, le disait lui-même, a entamé ses nouvelles fonctions avec beaucoup d'enthousiasme, ne lâche pas les jeunes au cours de son nouveau mandat. Or, M. le Président, on constate que le premier geste de ce nouveau ministre, eh bien, le premier geste qu'il pose, c'est celui de renier son engagement, renier son engagement sans rien dire et presque avec le sourire, M. le Président.

On se rappellera, lors de son assermentation, on lui a posé la question sur le 200 millions. Il a répondu: Question hypothétique, M. le Président. Et son premier ministre de lui donner une tape dans le dos, en disant: Oh! il apprend vite, celui-là, M. le Président; ça va faire un bon péquiste.

Et, cet après-midi, évidemment, le premier ministre a clairement indiqué qu'il ne respecterait pas l'engagement qu'il a pris vis-à-vis des jeunes et vis-à-vis du monde de l'éducation. Il a même comparé un peu les jeunes à des enfants gâtés qui voulaient des trottinettes, M. le Président.

Or, qu'est-ce que le ministre de la Jeunesse fait? Il reste muet. Il ne dit rien, pas un mot. Il nous parle de la politique jeunesse; vous savez que c'est arrivé trois mois en retard. Et là on devait avoir un plan jeunesse, plan d'action, à l'automne; c'est reporté au mois de mars, M. le Président. Parole, encore une fois, de péquiste, M. le Président.

Comment le ministre peut-il, à ce moment-là, gagner la crédibilité du monde de la jeunesse, M. le Président? Donc, ce qu'on lui demande très précisément, c'est qu'il se lève debout, qu'il dise clairement aux jeunes et au monde de l'éducation ce qui les attend. Qu'on arrête de tataouiner puis de faire du patinage de fantaisie. Qu'on dise donc simplement: Le gouvernement n'est pas capable, et, moi, je vais supporter le gouvernement dans son incapacité à respecter ses engagements, M. le Président. Que le ministre de la Jeunesse ait donc le courage de le dire à la face de tout le monde, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le ministre responsable de la Jeunesse, du Tourisme, du Loisir et du Sport, la parole est à vous pour cinq minutes au maximum.

M. Richard Legendre

M. Legendre: Merci, M. le Président, D'abord, j'aimerais, en tout premier lieu, rappeler le texte de la résolution qui a été approuvée à l'unanimité au cours du weekend, au Conseil national, proposition d'ailleurs qui avait été proposée justement par les jeunes, qui dit ceci: «Il est proposé que le Conseil national demande au gouvernement du Québec de procéder aux aménagements nécessaires, afin de respecter les engagements du Sommet du Québec et de la jeunesse.» Il me semble, quand je lis ça, que ce n'est rien, absolument rien d'un désengagement.

n(18 h 30)n

Mais, moi, ce que je veux vous dire, M. le Président, à ce moment-ci, c'est que, justement à titre de nouveau ministre de la Jeunesse, je vais justement tout faire, tous les efforts nécessaires pour que notre gouvernement respecte les engagements, et d'ailleurs, ça a été approuvé à l'unanimité par le Conseil national. Alors, ça va de soi. Tout faire pour que justement la voix des jeunes soit entendue au maximum au Conseil des ministres et que leur argumentaire soit entendu, et que, ensemble, on trouve des solutions.

Parce que, évidemment, il se pourrait fort bien que la situation économique soit extrêmement difficile. Et, ce qui a été dit jusqu'à maintenant, c'est que, justement dans le cas d'une situation économique extrêmement difficile, il fallait être responsable et que l'ensemble de la population soit responsable. Et, moi, je vais être là pour justement parler au nom des jeunes, dans ce dossier-là. Et je pense qu'il y a une chose qui devrait être quand même rassurante dans tout ça. C'est que jusqu'à maintenant tous les engagements du Sommet du Québec et de la Jeunesse ont été respectés. Et ça, ça me semble être une bonne garantie pour l'avenir.

Et, quand on parle des engagements du Sommet du Québec et de la Jeunesse en février 2000, bien, ils sont nombreux. Je vais les relater à nouveau. Je l'ai fait cet après-midi, mais il ne semble pas que ça ait été suffisant: d'abord, 200 millions additionnels en éducation en 2000-2001, respecté; 300 millions additionnels en éducation, 2001-2002, respecté également; création d'un Fonds Jeunesse de 240 millions, respecté également. Et, là-dessus, M. le Président, élément extrêmement intéressant parmi... dans ce nouveau programme, 947 projets acceptés déjà pour un total de 56 millions dans ce Fonds Jeunesse, dont également un programme extrêmement intéressant d'École ouverte sur son milieu, comme les jeunes le souhaitent beaucoup, un programme, là aussi, de 70 millions.

Il y a eu aussi la reconduction du Fonds de lutte contre la pauvreté, qui était issu du consensus du Sommet, pour un montant de 160 millions. Également parler d'une enveloppe budgétaire ? j'ai fait une petite erreur cet après-midi ? enveloppe budgétaire de 90 millions. J'ai mentionné... Ce n'est pas 90, c'est 95. Alors, une enveloppe budgétaire de 95 millions sur trois ans pour la réalisation de 19 projets et les mesures concernant la jeunesse. On estime en tout à 2,3 milliards ? 2,3 milliards ? le total des sommes qui seront investies pour les jeunes, suite au Sommet et avant la fin du présent mandat du gouvernement du Parti québécois.

Un autre élément extrêmement important dans tout ça aussi, ça a été la politique jeunesse qui a été présentée en mai dernier et qui a été bien acceptée. Mais, évidemment, une politique trouve tout son sens dans un plan d'action, plan d'action dans lequel, justement, je vais m'investir au maximum. Et je vais assurer les jeunes que l'échéancier, les échéanciers du plan d'action vont être tout à fait respectés de sorte qu'on ait une rencontre bientôt, avant Noël, avec le comité de suivi, justement composé de plusieurs jeunes, et que l'on puisse présenter, tel que convenu, en mars prochain les résultats de ce plan d'action.

Je voudrais juste rappeler en terminant, et le rappeler peut-être aux jeunes surtout, M. le Président, qu'on va tout faire, tout faire pour que les engagements soient respectés, et c'est ce que nous avons dit. Et je voudrais rappeler aussi que, au Sommet du Québec et de la Jeunesse, il y a eu un consensus incroyable, incroyable. Il y a une personne qui ne faisait pas partie du consensus et c'était le chef de l'opposition officielle, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre responsable de la Jeunesse. En vertu de votre droit de réplique de deux minutes, M. le député de Vaudreuil, je vous cède la parole.

M. Yvon Marcoux (réplique)

M. Marcoux: Alors, M. le Président, d'abord, je voudrais simplement corriger le ministre à nouveau; je sais qu'il s'est amendé, là. Parce qu'en 2001-2002 ce n'est pas 300 millions qui ont été investis, c'est 100 millions de plus, 200 millions en 2000-2001 et plus 100 millions, en 2001-2002. Donc, M. le Président, ce n'est pas 300 millions en 2001-2002, comme le ministre tente de le laisser croire. C'était simplement... c'est ça qui est dans le communiqué, M. le Président.

Deuxièmement, on retrouve dans la bouche du ministre, vous savez, la magie péquiste, hein? C'est rendu à 2,3 milliards, les sommes du Sommet de la jeunesse. On parle de 1 milliard en éducation, de 200 millions pour 2002-2003 qui a été dûment signé, comprenez-vous? Et ça, non, ça ne marchera pas, c'est le premier ministre qui l'a dit cet après-midi. Le ministre prétend... continue de prétendre que, oui, il va peut-être respecter les engagements, M. le Président.

Et, lorsque le ministre nous parle des jeunes, je voudrais simplement lui rappeler ce que justement la Fédération étudiante universitaire du Québec a émis comme communiqué cet après-midi, réagissant justement à ce que le ministre de la Jeunesse et à ce que son premier ministre ont dit cet après-midi en Chambre.

Et un communiqué... les engagements du Sommet du Québec et de la jeunesse, et je cite: «Nous sommes outrés des propos tenus aujourd'hui à l'Assemblée nationale par M. Landry qui compare l'éducation à une trottineuse promise à un enfant gâté.» Est-ce que, M. le Président, ce n'est pas du mépris, ça, à l'égard des jeunes? «C'est du paternalisme excessif. C'est indigne d'un premier ministre, et c'est à la limite du ridicule. Il n'est vraiment pas rassurant que la jeunesse québécoise... de voir que son sort est entre les mains d'un gouvernement qui fait montre de si peu de vision.» En terminant, et je cite: «Pour le moment, affirme la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec, ce sont eux ? le gouvernement ? qui semblent avancer en trottinette dans les dossiers qui concernent les jeunes et l'avenir de la société québécoise.» Fin de la citation, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Vaudreuil. Ceci met fin à nos trois débats de fin de séance.

Et je vais ajourner les travaux de cette Assemblée à demain, mercredi, le 21 novembre, à 10 heures. Et bonne soirée à vous tous.

Ajournement

(Fin de la séance à 18 h 37)