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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 29 mai 2001 - Vol. 37 N° 28

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Table des matières

Présence de l'ambassadeur du royaume de Suède, M. Lennart Alvin

Diffusion en direct sur Internet des travaux de l'Assemblée nationale

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons nous recueillir un moment d'abord.

Bien, veuillez vous asseoir. À l'ordre, s'il vous plaît!

Présence de l'ambassadeur
du royaume de Suède, M. Lennart Alvin

J'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes de l'ambassadeur du royaume de Suède, Son Excellence M. Lennart Alvin.

Diffusion en direct sur Internet
des travaux de l'Assemblée nationale

Et, avant d'aborder les affaires courantes, il me fait plaisir, chers collègues, de vous annoncer qu'à partir d'aujourd'hui les travaux de l'Assemblée nationale sont diffusés en direct sur Internet. Ainsi, tous les travaux qui se déroulent au salon bleu sont diffusés en direct en modes audio et vidéo, c'est-à-dire son et image. Quant aux séances publiques des commissions parlementaires et aux conférences de presse qui se tiennent à l'hôtel du Parlement, leur diffusion est disponible en direct, en mode audio seulement pour l'instant.

Il faut savoir qu'il s'agit d'un projet en pleine évolution. Ainsi, le nombre d'événements diffusés simultanément en direct en modes audio et vidéo va augmenter graduellement en fonction des disponibilités techniques et financières. Ce nouveau service va également permettre de constituer une banque audiovisuelle des travaux parlementaires qui sera accessible en tout temps. Ainsi, par l'entremise de ce nouveau service, les Québécois et les Québécoises auront un plus grand accès aux différents travaux des membres de l'Assemblée, et ce, dans toutes les régions du Québec et même à l'extérieur, ainsi qu'au moment où il leur conviendra.

De plus, l'utilisation de cette nouvelle technologie facilitera le travail des parlementaires, des membres de leur cabinet, des journalistes de la Tribune de la presse et du personnel administratif du gouvernement et contribuera à un plus grand rayonnement des travaux des députés.

Chers collègues, je vous invite donc à faire connaître ce nouveau service et à encourager nos concitoyens et concitoyennes à suivre les activités parlementaires en direct sur Internet, ce qui permettra entre autres à ceux qui n'ont pas accès à nos travaux par le mode de la télévision puisqu'ils n'ont pas les services dans leur région, ceux qui sont, dans ces régions, branchés sur ce mode de nouvelle technologie pourront, eux, avoir accès aux travaux de l'Assemblée nationale.

Affaires courantes

Alors, maintenant, nous abordons les affaires courantes. Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions parlementaires, M. le président de la commission des finances publiques et député de Charlevoix.

Étude détaillée du projet de loi n° 57

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé les 15 et 19 décembre 2000 et 25 mai 2001 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 57, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport est déposé. Mme la présidente de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et députée de Marie-Victorin.

Étude détaillée du projet de loi n° 154

Mme Vermette: Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé les 17, 23 et 24 mai 2001 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 154, Loi modifiant la Loi sur le mérite agricole, la Loi sur le mérite de la restauration et la Loi sur le mérite du pêcheur. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport est également déposé.

Questions et réponses orales

Puisqu'il n'y a rien aux deux autres rubriques, nous allons immédiatement aborder la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole pour une première question principale au chef de l'opposition officielle.

Dépôt d'une politique de la ruralité

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. Vous me permettrez de souhaiter la bienvenue à un député, un collègue, qui revient à l'Assemblée, qui était en période de courte convalescence, le député de Saint-Maurice et vice-président de l'Assemblée. Il faut prendre les accolades quand ça passe, ici, parce que c'est pas une habitude.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: Oui. Ha, ha, ha! M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre et touche évidemment la question des régions. Le gouvernement du Parti québécois avait reçu, au mois de février 1999, un avis, un conseil, c'est-à-dire un avis de Solidarité rurale sur une politique de ruralité. Solidarité rurale est un organisme reconnu comme instance-conseil auprès du gouvernement depuis 1996. Alors, il y a donc plus de deux ans que cet avis a été déposé auprès du gouvernement.

Le ministre des Régions de l'époque s'était engagé à y donner suite rapidement. Le premier ministre, alors qu'il était ministre des Finances, le 14 mars 2000, disait ceci, et je cite: «On sait l'importance que revêtent les régions rurales pour l'économie québécoise. On se rappellera à cet égard que, lors du discours inaugural du 3 mars 1999 ? il y a donc plus de deux ans ? le premier ministre avait annoncé l'intention ferme du gouvernement d'adopter une politique québécoise de la ruralité au cours de l'année 2000. Mon collègue le ministre des Régions dévoilera au mois de juin prochain ? il y a donc un an ? cette politique ainsi que les mesures requises pour la mettre en oeuvre.»

Il y a donc plus d'un an, M. le Président, qu'il s'engageait à la livrer, cette politique. Lors de l'étude des crédits, j'ai demandé au premier ministre à quel moment il allait rendre cette politique publique. Or, aucune réponse, M. le Président.

n(10 h 10)n

Alors, ça fait plus de deux ans et demi que nous attendons, au Québec, une politique sur la ruralité. J'aimerais savoir de la part du premier ministre à quel moment son gouvernement a l'intention de déposer cette politique.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, j'ai réfléchi pendant quelques heures au cours de la fin de semaine à savoir si j'allais maintenant appeler le chef de l'opposition officielle «cher camarade»...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: ...et j'en ai conclu que ce serait grossièrement à la fois exagéré et prématuré. Mais je veux profiter du préambule qu'il a fait en se comportant en camarade avec notre vice-président, en lui donnant l'accolade, pour lui dire qu'évidemment nous avons suivi, nous aussi, d'abord avec angoisse la maladie du vice-président, ensuite avec espoir sa convalescence, puis avec joie son retour parmi nous. Je le salue.

Et, dans le but de donner à la question du chef de l'opposition officielle la réponse la plus précise et la plus circonstanciée possible, je vais demander au ministre des Régions, qui s'acquitte si brillamment de sa tâche, de poursuivre.

M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): Alors, M. le Président, tout d'abord, je suis heureux de voir que l'opposition officielle commence à peine à s'intéresser aux régions du Québec...

Des voix: ...

M. Baril (Berthier): Je peux répondre, M. le Président? Une des premières pièces maîtresses...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre, vous poursuivez la réponse du premier ministre, alors je vous indique qu'il y a déjà un moment de passé. Alors, rapidement, s'il vous plaît.

M. Baril (Berthier): M. le Président, la question des régions a été au coeur de l'action gouvernementale du Parti québécois depuis 1994. La preuve, c'est les résultats. Le chômage a reculé dans l'ensemble des régions du Québec, par rapport à 1994. Neuf régions du Québec, M. le Président, affichent un taux de chômage actuellement plus bas que celui de la grande région de Montréal.

Une des premières pièces importantes de l'action gouvernementale en faveur des régions a été le dernier budget de ma collègue Pauline Marois, un budget sans précédent dans l'histoire du Québec qui venait répondre aux attentes premières qui avaient été véhiculées par l'ensemble des intervenants et des intervenantes du monde rural au Québec: 800 millions en faveur des régions-ressources, M. le Président, 800 millions, budget ciblé, porteur d'espoir, porteur d'avenir pour les régions et les communautés les plus éprouvées par le chômage.

M. le Président, je l'ai dit en commission parlementaire, je l'ai dit cette semaine à M. Belzil, de la Fédération des municipalités du Québec, et je me suis engagé devant les gens de Solidarité rurale, le gouvernement du Québec déposera cet automne sa politique de la ruralité.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, le député de Saint-Maurice doit être bien déçu aujourd'hui, parce qu'il aurait pu s'attendre à ce que cette politique de ruralité ait été déposée en son absence, hein, pendant la période où il a été parti. Là on apprend que c'est à l'automne. Et le ministre ne s'aide pas lorsqu'il vient affirmer que ça va mieux dans les régions du Québec et qu'il s'en occupe depuis 1994. Il vient de contredire les affirmations de son propre gouvernement qui reconnaît, semble-t-il, les difficultés en région, puisqu'il a senti le besoin d'agir, M. le Président. Puis il vient contredire tout ce qu'on entend dans les régions du Québec quand on fait le tour.

Puis, quand il parle de chômage, bien, il joue avec les chiffres, parce que le taux moyen de chômage dans les régions du Québec, de 1996 à 2000, a augmenté par rapport à la moyenne québécoise: en Gaspésie, c'est passé de 77 % à 155 % de plus; Centre-du-Québec, 15 % à 51 % de plus que la moyenne québécoise; sur la Côte-Nord, 29 % de plus à 62 % de plus; Bas-Saint-Laurent, 21 % de plus en 1996 à 53 % de plus en 2000; en Mauricie, 7 % de plus en 1996 que la moyenne québécoise, à 25 %; puis en Abitibi, c'était -17 % en 1996, c'est rendu +39 % en l'an 2001, M. le Président. Ça s'est aggravé, dans les régions du Québec.

Et le ministre parle de M. Belzil. Or, il s'adonne que M. Belzil, qui est à la tête de la FQM, a justement déposé un rapport, au mois de mars dernier, au gouvernement dans lequel il dit que le pronostic est très sévère. Il ne doit pas le dire par accident; il ne doit pas dire ça pour rien, M. le Président. Puis il demande au gouvernement d'agir. Alors, pourquoi pas déposer immédiatement votre politique sur la ruralité? Vous attendez quoi au juste?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, la question du chef de l'opposition officielle illustre sa méconnaissance des questions régionales du Québec et sans doute des régions tout court. Il ne fait pas une distinction importante, et c'est presque injurieux pour certaines régions. Il ne fait pas la différence importante entre un certain nombre de régions, que nous avons bien identifiées, qui sont les régions-ressources, qui sont beaucoup mieux qu'elles ne l'étaient il y a sept ou huit ans mais qui restent en détresse.

Et l'exemple, c'est la Gaspésie, bien entendu, qui a été frappée par la fermeture d'une mine, par le fait que les ressources de la mer ayant été mal gérées... puis des moratoires entravent l'activité économique, plus la fermeture d'une usine de pâtes et papiers. Le gouvernement a réagi vigoureusement dans le cas de la Gaspésie, faisant renaître l'espoir, au dire de tous les dirigeants locaux, y compris les patriotes.

Mais je reviens à la distinction. C'est ignorer que la région du Centre-du-Québec, la région de Lanaudière, dont sont députés un certain nombre de nos collègues, la Beauce, qui n'est pas une de nos forteresses mais à qui je rends hommage, sont des régions du Québec, de même que la région de la Capitale-Nationale, et elles ont connu une expansion foudroyante au cours des cinq dernières années, plus encore que Montréal, malgré les performances éblouissantes de Montréal, comparé à ce que c'était il y a cinq ans.

Alors, oui, le chef de l'opposition doit approfondir son dossier régional, mais, premier conseil que je lui donne modestement: faire la différence entre les régions qui vont très bien et celles qui sont en détresse.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, parler de régions-ressources comme si elles ne pouvaient se développer qu'avec des ressources naturelles, c'est mépriser les régions. Et le premier ministre fait preuve d'arrogance lorsqu'il affirme...

Des voix: Bravo!

M. Charest: D'ailleurs, M. le Président, le premier ministre a beau parler de la Gaspésie, il fait quoi avec son projet de centre d'appels qui a complètement foiré, après avoir fait des engagements, après avoir fait des promesses? Si le premier ministre veut aller tester son discours dans les régions, je l'invite à aller écouter, au lieu de monologuer, avec les populations des régions.

Alors, si le premier ministre croit vraiment ce qu'il dit, comment expliquer, par ses actions, qu'il fait exactement le contraire? Et je vais lui en donner un exemple. Il y a un projet de loi qui vient d'être déposé à l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 28, qui vient centraliser davantage dans le domaine de la santé, incluant dans les régions, et qui est dénoncé dans les régions du Québec, M. le Président. M. Gaston Bélanger, qui est le président de la Régie régionale du Centre-du-Québec, de la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec, dénonce vigoureusement comme étant... visiblement consterné, il déplore cette politique comme étant incompréhensible. Et les gens des régions ne peuvent pas comprendre, s'il veut un exemple récent, pourquoi son gouvernement cherche à étatiser le bénévolat et à faire des conseils d'administration des camarades de son gouvernement.

Alors, si le premier ministre y croit vraiment, aux régions, pourquoi permet-il à son ministre de la Santé de mettre sur la table une politique centralisatrice comme on n'en a jamais vu au Québec?

Des voix: Bravo!

n(10 h 20)n

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: La fin de cette intervention confirme mes pires attentes quant à la connaissance du chef de l'opposition des régions. Quand il est coincé et déstabilisé sur le plan technique, il néglige totalement l'économie régionale puis il s'en va sur la santé; la preuve que sa sincérité régionale est épisodique. On va revenir au fond de la question.

Il est faux de dire que les régions-ressources sont systématiquement en difficulté. Il y a une question conjoncturelle. Moi, je suivais la politique québécoise attentivement depuis très longtemps, et je me souviens que naguère l'Abitibi-Témiscamingue avait un taux de chômage plus bas que celui de Montréal et que cette région-ressource était une des locomotives du développement économique du Québec. Mais, en basse conjoncture, pour les métaux en particulier, l'Abitibi souffre.

Alors, qu'est-ce qu'il y a dans le dernier budget? Il y a des offensives comme jamais aucun gouvernement du Québec et probablement du Canada, même sûrement du Canada, n'en a jamais fait en faveur des régions. Toutes les entreprises industrielles PME sont exemptées de taxes pour 10 ans: capital, impôt sur le revenu, services de santé. Toutes les entreprises ? j'espère que le chef de l'opposition m'entend bien, là ? de deuxième et de troisième transformation dans les régions-ressources vont avoir un statut comparable à celui qui a donné le formidable succès de la Cité du multimédia à Montréal.

Et j'ajoute ? et le chef de l'opposition ne sera pas surpris ? que ces exemptions fiscales prodigieuses, elles seraient plus complètes si nous maîtrisions 100 % de la fiscalité. On a aboli la fiscalité québécoise, mais le système présent ne nous permet pas d'abolir la fiscalité fédérale.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Ce que j'en retiens, M. le Président, c'est l'arrogance du premier ministre qui continue de dire aux gens des régions que ça va bien, ça va même très bien sous son gouvernement, même si la FQM dépose un document dans lequel ils dénoncent avec vigueur ce qui se passe dans les régions.

Le premier ministre a beau parler d'une réduction du taux de chômage, a-t-il oublié qu'il y a un exode de population dans les régions? Belle façon! Est-ce que c'est ça, votre politique pour réduire le chômage en Gaspésie, vider la population de la Gaspésie puis l'envoyer ailleurs, alors qu'une politique de ruralité, justement, ce n'est pas juste l'économie stricte, c'est également les ressources qu'on doit avoir dans les régions sur le plan communautaire, sur le plan social, sur le plan de l'éducation? Ça aussi, ça fait partie du développement de tout le Québec et des régions, M. le Président.

Alors, ça fait deux ans et demi qu'on attend. Quand est-ce qu'on va l'avoir, la politique?

Le Président: M. le ministre d'État aux Régions.

M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): Alors, M. le Président, ce que les gens des régions, qui étaient probablement aux prises avec des problèmes de restructuration économique puis des problèmes de chômage... Parce qu'on peut toujours faire mieux comme société. Moi, je ne suis pas d'accord avec le discours de l'opposition officielle qui infantilise le débat politique. Oui, il y a des problèmes dans certaines régions du Québec, et c'est pour ça que le gouvernement de Bernard Landry, au dernier budget, a décidé de prendre le taureau par les cornes et de s'attaquer au premier problème et mettre en place des actions importantes qui vont permettre de générer de la prospérité dans les prochaines semaines dans ces régions-là.

Première des choses, pour combattre la pauvreté, il faut faire naître la prospérité, il faut créer des emplois, il faut faire naître la richesse, et c'est ce que le budget régions-ressources permet. Je peux pas comprendre comment ça se fait que l'opposition officielle aujourd'hui essaie de vouloir dénoncer notre stratégie versus les régions-ressources, tout le monde, en commission parlementaire sur les crédits, réclame le même budget pour leur propre région. Alors, si c'est bon pour la Gaspésie, ça va être bon pour l'Abitibi-Témiscamingue. Et je suis convaincu qu'avec ça... Et on travaille très étroitement avec les gens de toutes les communautés, et c'est pour ça que le budget a été accueilli d'une façon extraordinaire et positive dans toutes les régions du Québec.

Concernant la question de la ruralité, M. le Président...

Le Président: Rapidement, M. le ministre.

M. Baril (Berthier): ...les gens me connaissent, nous allons déposer une politique de la ruralité qui va être porteuse de sens. Oui, elle va s'attaquer au problème de l'exode, mais, oui, elle va s'attaquer davantage au problème qui confronte les communautés rurales au Québec, qui est le problème de la démocratie, qui confronte le Québec dans un des problèmes les plus importants de son avenir, qui est un enjeu non seulement pour les communautés rurales, mais pour l'ensemble de la société québécoise. Nous allons répondre à ce problème-là.

Le Président: En question principale.

Mme Normandeau: M. le Président, en additionnelle.

Le Président: Je m'excuse, mais... En complémentaire, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: M. le Président, on l'aura compris, pour le PQ, les régions, ça devient important quand on parle d'élections. C'est ça, la vraie stratégie des péquistes! Absolument! Absolument!

Des voix: Oui!

Mme Normandeau: M. le Président, déclenchez-les, les élections. Déclenchez-les.

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien, peut-on maintenant revenir à la période de questions et de réponses?

Des voix: ...

Le Président: Bon, merci. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre des Régions, qui est aussi le ministre des élections, qui effectue en ce moment une tournée préélectorale, se rend compte, lui qui est tellement aveuglé par les flashes des caméras qu'il ne voit pas les vrais problèmes dans les régions qu'il visite... Le ministre ne voit pas que les fusions forcées, ça va creuser un fossé encore plus grand entre les milieux ruraux et les milieux urbains, M. le Président. Le ministre ne voit pas que les citoyens de la MRC du Lac-Etchemin, de Bonaventure et de la Haute-Gaspésie connaissent des besoins criants au niveau des médecins. Le ministre des Régions et des élections ne voit pas que les citoyens de Saint-Nérée dans Bellechasse doivent se battre pour garder leur dernière école de village.

M. le Président, est-ce que le ministre des élections se rend compte qu'il est complètement dans le champ?

Le Président: M. le ministre.

M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): Je sais une chose, M. le Président: que le Parti libéral a posé une question, en deux ans, sur les régions, et on commence à peine à s'occuper des régions. Le dernier conseil national, en fin de semaine, hein, général, on a commencé à s'occuper de ça. C'est peut-être eux autres qui craignent les élections, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Baril (Berthier): Pour terminer sur... M. le Président, ce que la population de la Gaspésie, puis de l'Abitibi-Témiscamingue, puis de l'ensemble du Québec attend de l'opposition officielle, c'est leur position et leur vision du développement. Est-ce que c'est comme la dernière fois? Abolir les CLD? Mettre fin aux CLE? Fermer les CRD? Abolir les carrefours emploi-jeunesse et faire disparaître la Société générale de financement? C'est ça, la position de l'opposition officielle.

n(10 h 30)n

M. le Président, je dis devant cette Chambre et devant l'ensemble de citoyens et des citoyennes des régions du Québec: Oui, nous pourrions faire mieux si nous avions à notre disposition l'ensemble des outils et des instruments qu'un peuple normal et qu'un État national normal pourrait avoir pour contrer son chômage, dans la Gaspésie et dans toutes les régions du Québec. Et ça, ça s'appelle un pays complet et reconnu. Terminer l'oeuvre de René Lévesque nous permettrait d'aller plus loin, de faire davantage pour le développement économique, de contrer davantage les détresses humaines.

Des voix: ...

Le Président: Alors, en complémentaire, Mme la députée.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: M. le Président, de toute évidence, la course au leadership a recommencé chez les péquistes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, en complémentaire.

Mme Normandeau: M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Bien. Puis-je vous rappeler qu'il nous reste encore quatre semaines de session intensive à commencer le matin?

Des voix: ...

Le Président: Alors, nous sommes toujours sur la première question principale, en complémentaire.

Mme Normandeau: En additionnelle, M. le Président: Comment le ministre des élections, qui annonce des millions virtuels partout au Québec, peut expliquer les commentaires de Bruno Jean, qui est un chercheur en développement régional à l'Université du Québec à Rimouski, qui a qualifié hier, sur les ondes de la radio à Rimouski, que les mesures prônées par le gouvernement du Parti québécois n'étaient que du saupoudrage et qui doutait que les mesures fiscales qui sont annoncées aient les résultats escomptés? De toute évidence, le ministre des élections manque de vision en matière de développement des régions.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre d'État aux Régions.

M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): Pour la première fois, M. le Président, dans l'histoire du Québec, il y a eu un budget ciblé. On n'a pas fait du mur-à-mur. C'est un budget de la solidarité en faveur des régions qui connaissent actuellement certaines difficultés économiques, mais un budget qui nécessite un soutien envers ces régions et qui commande une restructuration, une transformation de l'économie, budget de 800 millions ciblés dans sept régions-ressources du Québec.

Parlant de citation, M. le Président, il faudrait peut-être quand même regarder justement les commentaires des grands chroniqueurs de la fin de semaine, où l'éditorial intitulé Congrès gaspillé, dans Le Soleil, met en lumière l'absence de vision du chef de l'opposition à l'égard du développement régional. Qu'est-ce qu'il dit là-dessus? «L'analyse est un peu courte, le manque de créativité désolant après la tenue de 17 colloques régionaux et une tournée qui l'a mené dans tous les recoins du Québec.»

Alors, M. le Président, encore une fois, le vrai tribunal, c'est la population. Et ce que je peux vous dire, c'est que le budget actuellement est accueilli avec beaucoup d'enthousiasme dans l'ensemble des régions du Québec. Ce budget est porteur d'espoir. Il va faire naître la prospérité et la richesse dans les communautés régionales et locales.

Le Président: En question principale, M. le député de Mont-Royal.

Consultations sur le projet de loi n° 31
modifiant le Code du travail

M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Je voudrais peut-être faire remarquer au ministre des Régions que, dans Le Nouvelliste de Trois-Rivières, et je cite: «Les libéraux de Jean Charest réunis en congrès ce week-end ont répliqué avec un plan qui ne manque pas d'originalité.»

Des voix: Bravo!

M. Tranchemontagne: Dans Le Nouvelliste.

Des voix: ...

Le Président: Bon. Est-ce que je pourrais demander à plusieurs collègues de... Ce n'est pas une surenchère de quolibets et de qui va paraître le mieux, ou qui va lancer la meilleure, parce que, là, on n'en finira plus. M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Ce matin, débutent les consultations sur le nouveau projet du Code du travail. Malheureusement, avec l'arrogance qu'on connaît à ce gouvernement ? en fin de régime, soit dit en passant ? il a décidé...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tranchemontagne: Alors, ce gouvernement a décidé de faire fi de commentaires de nombreux groupes. Malgré le fait, je vous le rappelle, que 53 groupes aient déjà déposé un mémoire lors de l'ancienne étude de l'ancienne réforme, qui a été mise au panier par le ministre, le gouvernement a décidé de procéder maintenant à des consultations restreintes. Donc, ils vont entendre seulement 16 groupes qui seront entendus au cours des deux prochains jours de consultations sur ce nouveau projet de loi.

M. le Président, pourquoi le ministre du Travail a-t-il privilégié certains groupes, faisant ainsi des gagnants et des perdants, alors qu'une question aussi importante que le Code du travail aurait mérité qu'on ait des consultations générales?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre d'État au Travail, à l'Emploi et à la Solidarité sociale.

M. Jean Rochon

M. Rochon: Alors, pour continuer à regarder le portrait au complet, parlant du domaine du travail, je suis surpris que le député, qui prend l'intérêt du Québec à coeur, semble-t-il, n'ait pas fait une introduction pour se réjouir qu'aux petites heures du matin le dernier règlement dans la construction ait été réalisé...

Des voix: Bravo!

M. Rochon: On se rappellera, M. le Président, qu'il y a deux mois c'était pas évident, qu'il y avait déjà les tables qu'on appelle le résidentiel, l'industriel et commercial, qui avaient réglé, il y a une dizaine de jours, qu'il restait une embûche importante pour les grands travaux et la voirie. Alors, grâce à la bonne volonté, au désir des... et à la volonté des partenaires de faire fonctionner l'économie du Québec... Et je voudrais souligner le travail particulier de M. Julien Perron, un conciliateur du ministère du Travail, qui a accompagné tout ce dossier et qui a été, de la part de... les parties le reconnaissent, un atout très important pour amener tout le monde à cette entente qu'on a eue cette nuit. Alors, je souhaite évidemment que le retour au travail s'effectue rapidement, dans le bon ordre et qu'on en soit là.

Maintenant, on a débattu une heure en Chambre sur une motion. Je ne sais pas où était le député. Il n'a pas l'air d'avoir rien entendu puis rien compris. Il n'a pas l'air d'avoir compris que le projet de loi qu'on va débattre présentement est dans la ligne de ce qui avait déjà été entrepris. C'est le fait de certains changements, qu'avec les changements qui sont faits il y a tout le domaine de la construction et le domaine de la foresterie qui ne sont plus directement concernés, et que ça fait déjà 10 ans, après qu'eux avaient fait des modifications au Code... Ils ont fait passer un projet de loi en 1987; ils n'ont pas été assez foutus pour l'appliquer. Il est resté pas appliqué pendant...

Le Président: Vous êtes déjà rendu à plus de deux minutes, M. le ministre. En question complémentaire.

M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre du Travail, ce matin, peut nous répondre à la question qu'on lui posait la semaine passée puis il ne savait pas la réponse: Combien ça va coûter aux contribuables québécois le deal que vous avez fait cette nuit? Combien ça va coûter aux contribuables québécois, qui, je vous le rappelle, sont les plus taxés en Amérique du Nord?

Le Président: M. le ministre.

M. Jean Rochon

M. Rochon: J'apprécie la suite dans les idées, je pensais qu'on continuerait à parler du Code du travail. Mais j'ai pris la peine de vous dire que le ministère du Travail était présent au règlement. C'est parce que les intérêts du Québec, et du gouvernement, et de l'ensemble du Québec ont été partie de cette entente et que, quand on connaîtra le détail de l'entente... On va laisser l'encre sécher. Vous verrez que, là, l'intérêt du Québec qui a été... de tout le Québec, qui a été protégé.

Des voix: Bravo!

n(10 h 40)n

Le Président: M. le député.

M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Le ministre ne sait pas... Le ministre ne sait pas... Est-ce que je comprends que le ministère du Travail, qui était supposément là, ne sait pas combien ça va coûter, ce deal-là? Pas fort. Pas fort.

Des voix: ...

M. Tranchemontagne: Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais revenir au Code du travail, puisque le ministre le veut. Est-ce que le ministre est en train de nous dire que des groupes comme, par exemple, le Conseil québécois du commerce de détail, qui, pour l'information du ministre, représente 50 000 commerces, 550 000 emplois et 70 % de la business du commerce de détail... Est-ce que ces gens-là ne sont pas assez importants pour être entendus? Est-ce que l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, qui représente 10 000 entreprises, 80 % de la business dans ce domaine-là, n'est pas assez importante pour être entendue dans les deux prochains jours? Alors, que le ministre nous réponde donc. Qu'est-ce qu'il répond à ces gens-là qui lui ont écrit puis qui lui ont demandé d'être présents aux auditions publiques?

Le Président: M. le ministre.

M. Jean Rochon

M. Rochon: On dirait quasiment, M. le Président, que le député est triste qu'on n'ait pas eu une grève dans la construction. J'ai de la peine de vous décevoir.

M. le Président, j'ai rappelé que, depuis 1987, il y a différents comités qui ont travaillé sur les différentes questions qu'on va discuter en commission parlementaire, que tout le monde a été entendu, qu'il y a eu des consultations de faites, que celle qui m'a précédé dans ces fonctions, avant le projet de loi n° 182, avait fait une grande consultation de toutes les parties qui ont été entendues, que ces gens-là sont revenus sur le projet de loi n° 182, que, depuis 182, j'ai revu un grand nombre de partenaires pour discuter de la situation et qu'on en arrive à une fin de course, une fin de course qui a duré à peu près 15 ans, et que, là, on rencontre ceux qui sont directement concernés par les derniers changements. Et on n'a eu aucune critique, aucune demande d'une partie qui aurait voulu être entendue et qui ne sera pas entendue. Tous les grands syndicats sont là, toutes les grandes associations patronales sont là: le Conseil du statut de la femme, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Conférence des juges administratifs, le Barreau du Québec, l'Union des municipalités. Le Québec, par des porte-parole concernés par les changements, va être là, et j'invite le député a faire ses devoirs puis à mieux travailler en commission, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Jean.

Des voix: ...

Le Président: Je m'excuse, mais je voudrais vous rappeler une règle. La règle, c'est très simple, c'est qu'à un moment donné on pourrait se retrouver, encore une fois, je le rappelle, avec une question et toute une série de complémentaires, et on ferait en sorte qu'un député ministériel ou que le député indépendant ne pourrait pas poser de questions. Donc, il appartient au président d'apprécier à chaque occasion finalement l'équilibre. Et je pense que, jusqu'à maintenant, en regard de l'équilibre, les choses ont été faites correctement. Encore une fois, je vous invite à juger non pas sur une journée mais sur l'ensemble.

M. le député de Saint-Jean.

Réexamen du dossier
des orphelins de Duplessis

M. Roger Paquin

M. Paquin: Merci, M. le Président. Je voudrais aborder une question de société, pour ne pas dire une question d'humanité. C'est certain qu'on ne peut pas réécrire les pages de l'histoire d'un peuple, mais il reste que les sociétés, à certains moments, cherchent à fermer les chapitres les plus sombres et à donner à des gens qui ont souffert la possibilité d'ouvrir dans la dignité des nouvelles pages plus porteuses d'espoir, plus porteuses de dignité, et je veux parler, M. le Président, de cette souillure qu'il y a à notre âme collective, du dossier des orphelins de Duplessis.

Cette semaine, les syndicats nous ont interpellés là-dessus, et je voudrais demander au premier ministre de nous indiquer, d'indiquer à cette Chambre s'il entend réexaminer ce dossier.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Le député a tout à fait raison de poser cette question. C'est une question de société, comme il l'a qualifiée lui-même. Et, depuis plusieurs semaines, une nouvelle réflexion sous un nouvel éclairage a pris place à l'intérieur du gouvernement et de l'administration, et en plus un dialogue. Donc, ce n'est pas qu'à l'interne, c'est aussi l'amorce d'un dialogue, et nous espérons sous peu mettre... non pas un terme, parce qu'on ne peut pas revivre l'histoire à l'envers, mais présenter des solutions qui seront humaines et témoigneront de compassion et de solidarité sociale.

Cela dit, j'insiste sur le fait qu'une ligne, par ailleurs, ne sera aucunement modifiée quels que soient la réflexion et le dialogue: nous voulons tourner le dos à la rancoeur. Le gouvernement national du Québec ne réglera pas cette affaire, dans un sens ou dans l'autre, pour donner lieu à des dénonciations, des accusations et des rancoeurs en particulier contre les hommes et les femmes ? et je dois dire surtout contre les femmes ? qui ont donné leur vie à la cause sociale du Québec alors que les communautés religieuses assumaient ce que l'État ne faisait pas encore. Ça, ça serait l'injustice suprême.

Alors, je le redis, on a tous et toutes dans nos familles, ou presque, des religieux et des religieuses, et des religieuses singulièrement. Vous vous souvenez de «matante la soeur», comme on appelait. J'en ai une, matante la soeur, moi, qui a participé, à cause de son âge, à ce dévouement exemplaire. Et je ne veux que ni elle ni ses compagnes en religion, au moindre degré, ne souffrent de la moindre allusion sur leur passé qui est honorable plutôt qu'autre chose. Et on peut élargir ce concept à l'ensemble des Églises qui ont fait ça de bonne foi et au nom de valeurs spirituelles, même s'il y a eu des aspects médicaux et matériels odieux, on le reconnaît. Dans ces conditions, le gouvernement du Québec s'apprête à agir.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata, en question principale.

Développement des ressources
hydroélectriques du Québec

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. Les États-Unis ont déposé une nouvelle politique énergétique la semaine dernière, qui vise à faire face à la crise vécue depuis plusieurs mois et qui prévoit de nouvelles centrales électriques au charbon et aussi le retour à l'énergie nucléaire, un peu comme le Parti québécois le préconise depuis 1970. Cette politique aura des impacts au Québec, notamment au niveau environnemental, mais également sur la demande d'électricité. D'ailleurs, le président d'Hydro-Québec disait la semaine dernière que c'était le temps de produire, que c'était le temps plus que jamais de produire. Et le ministre des Ressources naturelles disait lui-même aussi la semaine passée que, si on n'ajoute pas de force de production à Hydro-Québec, nous devrons rapatrier des kilowatts à l'exportation pour répondre à la demande québécoise, si on ne veut pas se retrouver en situation de pénurie en 2004.

M. le Président, après avoir arrêté Grande-Baleine II en 1994 ? le premier geste qu'ils ont posé en arrivant au gouvernement ? et s'être retiré de Churchill Falls en novembre 2000, est-ce que le ministre des Ressources naturelles peut nous dire combien de mégawatts son gouvernement a développés et a mis en opération depuis 1994 pour répondre à la fois à la demande québécoise mais aussi aux nouvelles opportunités d'affaires?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je constate que le Parti libéral en fin de semaine a non seulement fait un virage à gauche ? enfin, ce qu'on prétend ? mais il a fait un virage énergétique aussi, puisqu'il vient de découvrir qu'au Québec il convient, et c'est en toutes lettres dans la politique énergétique du Québec, de développer au maximum la filière hydroélectrique parce que c'est la meilleure des filières énergétiques. La meilleure. Et, d'abord et avant tout, il faut développer cette filière pour satisfaire les besoins du Québec. S'il y a des excédents, à ce moment-là on peut les vendre sur les marchés étrangers, à très bon prix, en faisant des profits intéressants.

Alors, M. le Président, il y a actuellement en cour et d'autorisés des projets de construction de centrales hydroélectriques: sur la Péribonka, au Saguenay?Lac-Saint-Jean; sur la Romaine, la semaine dernière on a adopté un décret pour entreprendre l'aménagement de la Romaine; très bientôt, on devrait adopter un décret de réalisation pour une centrale sur la Toulnustouc, sur la Côte-Nord; à Grand-Mère, il y a un chantier qui est en construction, en cours présentement. Donc, on est en processus pour ajouter des capacités de production de telle façon que justement on ne se retrouve pas en situation de pénurie, mais qu'on soit en mesure de satisfaire la demande québécoise.

Le Président: M. le député.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, M. le Président. D'abord, permettez-moi, au nom de Robert Bourassa, de remercier le ministre des Ressources naturelles d'avouer enfin que l'énergie nucléaire n'avait aucun bon sens, comparativement à ce que vous disiez dans les années soixante-dix.

Des voix: Bravo!

n(10 h 50)n

M. Béchard: Et quand... Oui, enfin. Enfin, les fils se sont touchés, puis ils ont vu la lumière, oui.

Est-ce que le ministre des Ressources naturelles, quand il parle de virage là... Quand on regarde le parc de production, je ne sais pas c'est qui qui a viré le plus fort. Robert-Bourassa, la centrale, c'est libéral, tous les projets La Grande, c'est libéral, projets Manic, c'est libéral. Donc, si vous aviez fait autre chose, au cours des six dernières années, que de rester assis sur vos mains plutôt que de développer l'hydroélectricité, on serait aujourd'hui en position non seulement d'éviter que le Québec se retrouve en manque d'électricité, mais on pourrait aussi profiter, profiter de l'opportunité d'affaires qui se présente aux États-Unis.

Est-ce que vous vous rendez compte, M. le ministre, en bout de ligne, là, que, si on avait à faire un sigle d'Hydro-Québec à l'image de votre performance énergétique, ce serait un zéro puis une barre?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, là, vraiment, ressusciter des positions d'il y a plus de 30 ans, alors que le député probablement n'était pas encore né ou en tout cas était un tout jeune poupon...

Des voix: ...

M. Brassard: Vraiment, là, M. le Président, le député de Kamouraska-Témiscouata se complaît dans les troisièmes greniers, là. Parce qu'il est évident que le Parti québécois, depuis longtemps, depuis longtemps, oui, a...

Une voix: ...

M. Brassard: ...soutenu, encouragé la filière hydroélectrique. C'est la politique... D'ailleurs, c'est en toutes lettres, encore une fois, dans la politique énergétique qui a fait l'objet d'un consensus et... Pardon?

Des voix: ...

M. Brassard: Bien, d'abord, premièrement, combien... Grande-Baleine, là, au cas où vous ne vous en souviendriez pas, madame, le Parti libéral était contre. Alors, maintenant...

Des voix: ...

M. Brassard: Alors, puisqu'on parle de nucléaire, on peut parler de vos positions également à l'égard de Grande-Baleine. Vous étiez opposés à ce projet-là. Oui, tout à fait.

Des voix: ...

M. Brassard: Bien, vous n'étiez pas là, vous, M. le chef de l'opposition, vous étiez à Ottawa.

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: ...

M. Brassard: Vous étiez à Ottawa, à ce moment-là. Puis vous avez fait une campagne électorale aussi comme chef du Parti conservateur, en 1998, où vous...

Une voix: Non, c'est 1997.

M. Brassard: ... ? 1997? Ah bon! ? où, dans votre programme, dans votre programme, vous étiez d'accord avec ce que le gouvernement fédéral est en train de faire relativement aux jeunes contrevenants. Oui, tout à fait.

Des voix: ...

Le Président: Vous avez terminé, M. le ministre? Alors, question complémentaire.

Une voix: ...

Le Président: Bon, bien, disons que, après deux minutes, M. le ministre... Une dernière complémentaire. Une dernière complémentaire.

Des voix: ...

Le Président: ...que j'ai accordé une minute additionnelle, compte tenu du consensus d'applaudissements et du temps qui a été pris au départ pour souhaiter la bienvenue à notre collègue le vice-président Pinard. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, peut-être que je n'étais pas né à ce moment-là, peut-être qu'il y en a plusieurs aussi qui n'étaient pas nés parce qu'on est une jeune équipe, au Parti libéral du Québec.

Des voix: Bravo!

M. Béchard: Mais j'aime encore mieux, M. le Président, ne pas avoir été né que d'avoir voté, comme plusieurs d'entre vous l'ont fait, pour mettre en place et développer la filière de l'énergie nucléaire, par exemple. J'aime encore mieux ça. Et est-ce que le ministre des Ressources naturelles se rend compte qu'en bout de ligne le bilan que font les Québécois de la politique énergétique de l'actuel gouvernement, c'est deux choses: d'abord, un zéro puis une barre, puis, deuxièmement, c'est qu'il y a deux politiques énergétiques, une avant les élections, où, là, oui, c'est beau, ça prend des grands projets, et une après, où on annule Churchill Falls, on annule aussi Grande-Baleine et aussi on fait des sparages sur des minicentrales? Puis même une étude de 4 millions n'a pas réussi à crédibiliser les dires du député de Joliette.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: D'abord, premièrement, M. le Président, le gouvernement du Québec n'a pas annulé Churchill Falls, non. C'est le gouvernement de Terre-Neuve qui a modifié le projet, qui l'a configuré de façon plus modeste, et le gouvernement québécois est toujours intéressé à acquérir l'énergie qui serait produite éventuellement si l'aménagement sur Churchill se faisait. Donc, je pense qu'il faut rétablir les faits à cet égard: nous ne sommes pas du tout, d'aucune façon, opposés à l'aménagement sur Churchill Falls.

Deuxièmement, je signale au député de Kamouraska-Témiscouata que c'est un gouvernement du Parti québécois qui a mis en place le parc éolien de la Gaspésie, donc qui a développé une filière énergétique renouvelable, neuve, verte, très verte, très écologique, et on va continuer d'ailleurs dans ce sens-là, de développer cette filière éolienne.

Quant aux petites centrales, bien, je m'étonne, M. le Président, des commentaires négatifs du député, parce que la semaine dernière le reproche qu'il nous faisait, c'est qu'on avait trop tardé à relancer la petite hydraulique; là, maintenant, il a des critiques à faire contre la petite hydraulique. Je lui signale que ça se déroule particulièrement dans les régions-ressources.

Des voix: Bravo!

Motions sans préavis

Le Président: Bien. Nous allons maintenant passer aux motions sans préavis, et je reconnais d'abord le député de Laporte.

Hommage à M. Gilles Lefebvre, figure de proue
du monde musical et du monde culturel, et
condoléances à sa famille

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais solliciter le consentement de cette Assemblée pour déposer la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la contribution exceptionnelle de M. Gilles Lefebvre, figure de proue du monde musical et du monde culturel, qui est décédé dimanche dernier à l'âge de 78 ans, et offre ses condoléances à sa famille.»

Le Président: Alors, il y a, je crois, consentement pour la présentation et pour la discussion de cette motion, débattre... Alors, M. le député de Laporte, d'abord.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, le monde de la musique et le monde culturel en général est en deuil aujourd'hui à la suite du décès de M. Gilles Lefebvre, le fondateur des Jeunesses musicales du Canada.

J'ai eu le bonheur de bien connaître M. Gilles Lefebvre au cours des dernières années au Conseil national des Jeunesses musicales du Canada et à la Fondation Jeunesses musicales du Canada, où j'ai eu le bonheur d'instituer le Fonds Gilles-Lefebvre qui est destiné à soutenir le mouvement des Jeunesses musicales du Canada.

Si on devait résumer en quelques mots la carrière de Gilles Lefebvre, il faudrait parler de vision, de détermination, je dirais même d'acharnement à réaliser ses rêves, de conviction, de discipline, de générosité, d'enthousiasme et aussi de sens du devoir.

Musicien, éducateur et humaniste engagé, Gilles Lefebvre est né à Montréal en 1922. Après des études classiques et musicales dans cette ville, après diverses expériences au sein de formations musicales comme interprète, il se rend en France, en 1946, afin de parfaire ses études à l'École normale de musique de Paris, avec Jacques Gentil, puis auprès de René Benedetti et de Georges Enesco.

De retour au pays, il donne des concerts à travers le Québec et le Canada et prend alors conscience de l'intérêt des jeunes pour la musique, mais aussi de la carence de concerts dans les centres éloignés. C'est ce qui l'amène en 1949 à fonder au Québec et au Canada les Jeunesses musicales du Canada, membres de la Fédération internationale des jeunesses musicales, et à créer un an plus tard le camp musical qui porte aujourd'hui le nom de Centre d'arts d'Orford des Jeunesses musicales, le Centre d'arts Orford d'ailleurs dont il a été le directeur général et artistique pendant 22 ans. En 1973, il est nommé président d'honneur à vie de la Fédération internationale des jeunesses musicales.

En 1964, outre ses responsabilités aux Jeunesses musicales du Canada, Gilles Lefebvre accepte celle de planifier le Festival mondial de l'Exposition universelle de Montréal de 1967 à titre de directeur artistique associé. Ce festival d'envergure couvrait six mois d'activités, toutes disciplines des arts et de la scène confondues.

n(11 heures)n

En 1970, il fonde ici même, au Centre d'arts Orford, en fait au Québec, l'Orchestre mondial des jeunesses musicales, l'Orchestre mondial qui a permis à environ 2 000 musiciens talentueux, depuis 30 ans, de plus de 60 pays, de vivre ce que beaucoup décrivent comme une expérience unique dans la vie d'un musicien, un choc inoubliable. À raison de deux sessions par année, sous la direction de chefs éminents tels que Zubin Mehta, Charles Dutoit, Leonard Bernstein, Eduardo Mata, Kurt Masur, Yoav Talmi, le directeur de l'Orchestre symphonique de Québec, une centaine de musiciens de 17 à 25 ans parmi les plus talentueux des pays membres des Jeunesses musicales internationales se réunissent ? deux fois par année, dis-je ? pour jouer au sein de l'Orchestre mondial des Jeunesses musicales. En plus de 30 ans, l'Orchestre s'est produit dans plus de 100 villes de 30 pays d'Europe, d'Amérique du Nord et du Sud, ainsi que d'Asie. Présent lors de nombreuses manifestations extraordinaires, l'Orchestre a joué notamment dans le cadre du programme culturel des Jeux olympiques, dans divers festivals internationaux et pour les anniversaires de grandes capitales comme Berlin, Bonn et Montréal.

Au mois de septembre 1972, le gouvernement du Canada le nomme directeur du Centre culturel canadien à Paris. Au cours des six prochaines années, non seulement il présente au Centre culturel des artistes créateurs et interprètes dans toutes les disciplines, mais il s'attarde également à favoriser les rencontres entre artistes canadiens et français et ceux d'autres pays. En 1979, il est mandaté par le ministère des Affaires extérieures du Canada pour diriger le Bureau des relations culturelles internationales. Et, à ce titre, non seulement poursuit-il des relations privilégiées avec des pays tels que la France, qui a déjà signé un accord officiel, mais il va encore plus loin en s'adressant à d'autres pays, dont la Chine, pour convenir d'un programme d'échanges bilatéral annuel.

Au lendemain de toutes ces expériences, sentant le besoin de réactiver ses connaissances de l'actualité culturelle canadienne, Gilles Lefebvre accepte, en 1983, le poste de directeur associé du Conseil des arts du Canada, dernière fonction officielle avant de revenir à Montréal, sa ville natale. Il accepte toutefois, en 1988, un intérim comme secrétaire général de la Commission canadienne pour l'UNESCO.

Nous sommes en 1991, et la Communauté urbaine de Montréal, entité régionale formée de 29 municipalités, l'invite à assumer la présidence de son Conseil des arts. Dans ses nouvelles fonctions, il n'a de cesse de promouvoir et de chercher à faciliter la présence des arts dans chacune des municipalités par le biais de programmes de diffusion artistique et d'un programme voué essentiellement aux jeunes publics, leur permettant l'accès à des activités artistiques professionnelles, car, aux yeux de cet idéaliste, tous les publics sont d'égale importance. Ainsi, tout au long de sa carrière, dans son pays comme à l'étranger, il a travaillé à ce que les publics de petites agglomérations éloignées des grands centres, et donc moins favorisés par leur situation géographique, aient aussi accès à des activités artistiques de qualité.

En définitive, M. le Président, ce qui prime dans la carrière de Gilles Lefebvre, c'est son souci constant de faire en sorte que des artistes créateurs et interprètes dotés de qualités exceptionnelles se rencontrent et participent à des échanges. Il croit fermement que c'est là la clef de voûte de toute action culturelle susceptible d'enrichir la société et de bâtir globalement un public pour la communauté des arts.

Parmi les nombreux honneurs décernés à Gilles Lefebvre, mentionnons l'Ordre du Canada et l'Ordre national du Québec. Il fut également nommé membre d'honneur du Conseil international de la musique, reçu officier des Arts et des Lettres de la France et enfin reçu chevalier dans l'ordre national de Légion d'honneur, en France, en 1995. Il fut également nommé Grand Montréalais en 1997. Et l'Université de Montréal, l'Université de Sherbrooke et l'Université Laval lui ont accordé un doctorat honorifique pour avoir consacré sa vie à l'éducation musicale de la jeunesse, à la recherche constante de nouveaux talents et à l'essor de la carrière des artistes québécois et canadiens dans leur pays comme à l'étranger.

M. le Président, je voudrais lire un court témoignage reçu hier de M. Manuel Capdevila, des Jeunesses musicales d'Espagne, qui nous dit ceci dans une lettre rédigée en français, et j'en cite un court extrait: «Je viens d'apprendre la triste nouvelle du décès de mon bon ami Gilles Lefebvre. Je suis désolé. J'aurai eu le grand privilège de collaborer très étroitement avec lui pendant beaucoup d'années comme membre du bureau de la Fédération internationale des Jeunesses musicales, sous sa présidence pendant plusieurs années, et dans plusieurs comités. Il avait été toujours pour moi comme un modèle à imiter. Après 43 ans travaillant pour les Jeunesses musicales, j'ai toujours pensé que, s'il y avait quelqu'un qui pouvait personnifier notre mouvement, c'était bien Gilles Lefebvre. J'ai beaucoup admiré son travail, son enthousiasme et sa générosité, et bien sûr ses réalisations.

«Combien d'heures heureuses on a passé ensemble dans son cher Orford, dans sa maison où j'étais souvent un hôte gâté, dans sa voiture, tout en me montrant les merveilles de son pays adoré. Les jeunesses musicales du monde entier sont en deuil, et tout spécialement les Jeunesses musicales du Canada, et j'ai voulu vous accompagner en votre deuil, de Barcelone, une ville que Gilles avait visitée souvent et qu'il aimait.»

M. le Président, en conclusion, on peut dire que Gilles Lefebvre a consacré sa vie entière à réaliser son rêve, son rêve d'insuffler du bonheur chez ses concitoyens par la diffusion de la musique, la musique classique surtout, et dans les centres éloignés, à promouvoir sans cesse l'amour de la belle musique chez les jeunes publics, l'éclosion de jeunes talents musicaux et le développement de la carrière de jeunes musiciens professionnels. Voilà, on en conviendra, une vie bien remplie au service de ses concitoyens et de l'humanité tout entière.

S'il est vrai que les individus peuvent faire la différence, eh bien, Gilles Lefebvre aura réussi à changer un peu le monde, à améliorer sensiblement notre qualité de vie, à faire avancer quelque peu notre civilisation.

M. le Président, au nom de notre formation politique, en mon nom personnel, au nom des Jeunesses musicales du Canada et de son président, M. Joseph Rouleau, un bon ami, je tiens à offrir à toute la famille nos sincères condoléances à la suite du décès de M. Gilles Lefebvre, un grand Québécois et aussi un grand Canadien. Merci.

Le Président: Alors, sur la même motion, Mme la ministre d'État à la Culture et aux Communications.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Oui, M. le Président, c'est sans hésitation que je joins ma voix à celle du député de Laporte pour souligner et surtout pour offrir toutes nos condoléances aux membres de la famille de M. Lefebvre, aux amis de M. Lefebvre ? et je crois qu'ils étaient nombreux ? et aux amoureux de la musique que M. Lefebvre a rendus heureux à plus d'un moment.

C'était véritablement un géant de la musique au Québec. Il était un musicien, un humaniste, un administrateur également de grand mérite. Je ne reprendrai pas toute la feuille de route de M. Lefebvre, que le député de Laporte a très bien illustrée, mais je rappellerai que cet homme, pour les Québécois et les Québécoises, cet homme est un homme généreux qui a transmis sa passion de la musique à des milliers et des milliers de jeunes, de jeunes artistes et à des mélomanes, grâce aux Jeunesses musicales.

Et je retiens que cette idée de créer les Jeunesses musicales ici, elle était venue quelque part en 1940, lors d'un premier concert auquel il assistait, donné par les Jeunesses musicales d'Europe. C'était à Bruxelles; la guerre faisait rage, on peut imaginer ce que ça voulait dire. Inspiré, ému par ce spectacle qui était un spectacle généreux dans une période troublée, il avait compris qu'il était essentiel de donner à la jeunesse des idéaux de perfection et d'harmonie. Et c'est de là qu'est donc venue son idée de fonder chez nous un groupe similaire.

Nous pouvons aussi retenir de cet homme une rare qualité, d'allier donc des qualités d'humanisme, de mélomane, d'artiste. Il a participé à la découverte et au rayonnement international d'un très grand nombre d'artistes de chez nous. Cet homme a oeuvré sans relâche pour permettre aux talents naissants de s'épanouir, aux jeunes de voir du pays et de développer leurs aptitudes au contact des cultures du monde. Il a aussi donné accès aux collectivités éloignées, accès à la musique, aux sons, à la douceur de la musique classique. Il met donc un terme à une vie consacrée essentiellement à l'avancement de la musique et au bien-être également du prochain.

Je pense que ce sont tous les musiciens et les musiciennes, tous ceux et celles qui aiment la musique qui perdent un grand homme aujourd'hui. Mais Gilles Lefebvre avait compris un des grands secrets de l'existence, qu'il résumait en une phrase toute simple: Vivre avec la musique, c'est vivre.

Le Président: M. le député d'Orford.

M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, permettez-moi d'ajouter quelques paroles. Gilles Lefebvre, en 1951, créait dans le canton d'Orford le Centre le camp musical. C'était vraiment un camp où des jeunes du Québec venaient pratiquer la musique avec de grands professeurs.

n(11 h 10)n

Ce même Centre fêtera cette année son 50e anniversaire. Maintenant, nous appelons ça le Centre d'arts Orford. C'est une des grandes réalisations de Gilles Lefebvre, et les plus grands professeurs de musique du Canada et de l'Europe sont passés au Centre d'arts Orford. Et un grand nombre de professeurs de musique, d'étudiants, de jeunes qui performent en musique ont été aussi formés à l'école de Gilles Lefebvre. Alors, la région de Magog-Orford est en deuil aujourd'hui et veut rendre un hommage à M. Lefebvre. Merci, M. le Président.

Le Président: Rapidement, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Léandre Dion

M. Dion: M. le Président, j'ai demandé de dire quelques mots parce que, vous savez, M. Gilles Lefebvre, on a eu la chance, à Saint-Hyacinthe, de l'avoir au tout début des Jeunesses musicales, et c'est là que les Jeunesses musicales ont été fondées, chez nous. Alors, un grand nombre de jeunes de Saint-Hyacinthe ont profité d'une façon exceptionnelle de son talent et de son dévouement. C'est pour ça qu'aujourd'hui je ne peux manquer, en leur nom, de lui dire un grand merci.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Y a-t-il d'autres motions sans préavis? M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques et secrétaire d'État à l'Immigration.

Condamner les exactions dont sont victimes
les citoyens d'origine hindoue
d'Afghanistan par les talibans

M. Boulerice: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale condamne les exactions dont sont victimes les citoyens d'origine hindoue d'Afghanistan par les talibans.»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement? Excusez, monsieur.

M. Brassard: Un de chaque côté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Un de chaque côté. Alors, M. le secrétaire d'État.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, le monde entier s'est indigné de voir la destruction d'immenses statues de Bouddha par les talibans, et je pense que, comme l'ensemble des gens civilisés, je me suis moi-même aussi attristé de voir la destruction d'un patrimoine culturel mondial. Mais, malheureusement, nous assistons à d'autres destructions actuellement en Afghanistan sous la triste dictature des talibans, et qui est le sort, d'une part, réservé aux femmes afghanes, qui n'ont aucun droit, tout juste le droit d'exister, de vivre. Est-ce que l'on sait dans ce pays ? et les journaux nous le rapportaient récemment ? qu'une jeune fille de 10 ans, une jeune Afghane de 10 ans, a eu le malheur de se mettre ? comment vous appelez ça ? ...

Une voix: Du vernis à ongle.

M. Boulerice: ...du vernis à ongle: on lui a coupé les 10 doigts? Savez-vous que toute personne ? alors que cette Assemblée, ici, dans l'unanimité, avait voté une des lois les plus progressistes au monde ? en Afghanistan soupçonnée d'homosexualité est immédiatement amenée dans le grand stade de Kaboul, allongée par terre, et un bulldozer passe par-dessus? Et voici qu'une période qu'on croyait révolue, eh bien, une période nazie s'instaure en Afghanistan, où toutes les populations d'origine hindoue, donc populations non musulmanes, doivent porter la version 2001 de l'ignoble étoile de David que les Nazis avaient imposée aux Juifs d'Europe.

M. le Président, les mots me manquent pour décrire de telles horreurs et témoigner de l'indignation dont nous sommes capables. Les puissances occidentales invoquent, et notamment nos chers voisins du Sud, le droit d'ingérence pour la défense des droits de la personne. Est-ce que nous allons pratiquer le silence complice pour des raisons géopolitiques? Je crois que le Québec, par la voie de son Assemblée nationale, répond: Non. Non à ces barbaries qui ne peuvent plus avoir lieu dans ce troisième millénaire. Dans ce troisième millénaire, les femmes et les hommes doivent comprendre, les femmes et les hommes de toutes races, de toutes religions doivent comprendre que la seule chose qui doit exister est la curiosité de se connaître et la décence de s'accepter.

M. le Président, à nos compatriotes québécois d'origine hindoue, nous faisons part de notre tristesse et de notre indignation, et, à nos compatriotes d'origine afghane, puisqu'ils sont déjà nombreux à vivre parmi nous, avec nous, nous comprenons la tristesse qu'ils éprouvent de voir leur pays d'origine sombrer dans cette ignoble barbarie.

M. le Président, il est inadmissible, je le répète, qu'en ce troisième millénaire, au lieu de se connaître et de s'accepter, comme je le disais tantôt, se connaître et s'accepter ? ce message, d'ailleurs, pourrait se rendre également jusqu'à Pointe-Claire... au lieu de se connaître et de s'accepter, ils devraient cesser de se décimer, trop souvent malheureusement au nom de leur Dieu. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques et secrétaire d'État. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. J'interviens à mon tour ce matin à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de relations internationales pour appuyer justement la proposition... pardon, la motion qui a été déposée par notre collègue le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques. Et je vais prendre la peine de la relire, cette motion, si vous le permettez. Elle se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale condamne les exactions dont sont victimes les citoyens d'origine hindoue d'Afghanistan par les talibans.»

Il s'agit ici, M. le Président, dans le cas qui nous concerne, d'une violence profonde, j'utilise ces termes-là, je pense... violence profonde des droits des personnes. Il est scandaleux et très indignant de constater que, alors qu'à l'échelle planétaire, au moment où le développement des nouvelles technologies, des nouvelles techniques, transforme nos modes de vie, il existe encore non seulement des inégalités économiques et sociales qui sont injustifiables et intolérables entre les hommes et les femmes, mais aussi une très grande cruauté à l'endroit des fillettes, des jeunes femmes et des femmes.

Récemment, les médias nous ont alertés à l'intransigeance des talibans, qui interprètent de manière répressive la loi coranique, entraînant dans leur sillon les femmes, les jeunes filles, les fillettes. Mais les femmes, qui ont vu leur statut social réduit à néant, un statut social qui a tellement régressé, alors que ces femmes qui, il y a jusqu'à quelques années, détenaient un rôle majeur dans la société... On dit qu'elles occupaient une place prépondérante, que ce soit dans la fonction publique, dans l'entreprise privée, dans le domaine social, dans le domaine de l'éducation, de la santé, et j'en passe.

J'aimerais, si vous le permettez ? ce sera très court ? vous lire quelques extraits d'un magnifique reportage qui a été publié par la revue Elle de France justement sur cette situation intolérable que vivent les femmes en Afghanistan. Quelques extraits tout simplement. On dit ici: Kaboul, la ville où les femmes ne sont plus que des ombres. Je cite toujours: «En Afghanistan, tout est interdit. Le travail des femmes, l'éducation des petites filles, la télévision. Même le chant des oiseaux dérange les talibans, parce qu'il détourne de la religion. À Kaboul, il n'y a plus d'oiseaux en cage. Mais les femmes, elles, vivent derrière les grilles de leur tchadri, prisonnières. Les talibans règnent en maîtres ici.»

Il y a une journaliste qui s'exprime ainsi: «Je sais des choses que beaucoup ici n'imaginent même pas. Par exemple, des hommes laissent mourir leurs épouses, juste parce qu'ils ont peur de les emmener à l'hôpital. Ils pensent ? toujours ces hommes ? qu'elles n'ont plus le droit d'être soignées. Ils sont devenus fous.» Fin de la citation.

Une autre citation: «Les Afghanes occupaient 70 % des postes de l'administration, de l'éducation ou de la santé avant l'arrivée des talibans. Désormais, le travail des femmes est officiellement interdit, sauf dans quelques cas[...]. La mixité est totalement interdite. Même au cimetière, les femmes ne peuvent se rendre sur les tombes qu'un seul jour par semaine, en l'absence des hommes.» Je termine avec cette citation de Leïla Masstan, qui a 26 ans, et qui dit: «Ma mère, exclue de l'hôpital, soigne les femmes dans sa maison.»

n(11 h 20)n

Ce reportage est absolument extraordinaire, et j'invite tous les gens qui nous écoutent à se le procurer. Il est non seulement explicite, mais il nous... on ne peut rester indifférent, et, après l'avoir lu, on est complètement indigné, M. le Président. Dans son dernier rapport annuel, de février 2001, Amnistie Internationale insiste sur l'obligation de protection et de promotion des droits humains en vertu du droit international relatif aux droits humains. Ces droits comprennent le droit des femmes et des fillettes de ne pas subir d'actes de torture ou de discrimination et de jouir de leur dignité et de leur intégrité.

Le travail des femmes dans le cadre de la défense des femmes dans le monde est courageux, et nous souhaitons leur exprimer toute notre solidarité. Les actes de torture sont absolument interdits en vertu du droit international, sans aucune exception. Toutes les formes de torture ont aussi pour similitude de résulter d'une discrimination, qu'elle soit fondée sur la religion, le statut social ou le sexe de la victime. Il importe de sensibiliser les États, nos chefs d'État, au fait que la discrimination et l'impunité sont des causes majeures de la torture des femmes dans le monde entier, et plus particulièrement, ici, dans le cas qui nous concerne, des fillettes. C'est absolument inacceptable, ce qui se passe actuellement en Afghanistan.

En conclusion, nous ne pouvons tolérer, M. le Président, comme société, que les États interprètent ce qui se passe en Afghanistan comme faisant partie des coutumes et des traditions. Il s'agit d'une situation qui est très grave, qui est répressive, devant laquelle les États, tous les gens, les hommes, les femmes, ne peuvent demeurer aveugles et silencieux. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon.

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le secrétaire d'État, vous voulez...

M. Boulerice: Oui. Est-ce que l'on pourrait, de consentement et sans faire de procédure, compte tenu que la rédaction des motions se fait rapidement parce les heures de tombée sont tôt... que l'on substitue «citoyens» par «citoyens et citoyennes»?

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a un accord? Très bien. Maintenant, cette motion est adoptée? Adopté.

Aux motions sans préavis, M. le leader adjoint du gouvernement.

Procéder à des consultations particulières
sur le projet de loi n° 24

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des transports et de l'environnement tienne des consultations particulières sur le projet de loi n° 24, Loi sur les sociétés de transport en commun, le 31 mai et le 1er juin 2001 et, à cette fin, qu'elle entende les organismes suivants:

«D'abord, le jeudi 31 mai 2001, de 20 heures à 20 h 30, remarques préliminaires du groupe parlementaire formant le gouvernement; 20 h 30 à 21 heures, remarques préliminaires du groupe parlementaire formant l'opposition; de 21 heures à 22 heures, l'Association du transport urbain du Québec; de 22 heures à 23 heures, l'Office des personnes handicapées du Québec; de 23 heures à 24 heures, l'Agence métropolitaine de transport;

«Le vendredi 1er juin 2001, de 11 heures à 13 heures, la Société de transport de la Rive-Sud de Montréal, la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal et la Société de transport de Laval; de 15 heures à 16 heures, l'Union des municipalités du Québec; de 16 heures à 17 heures, l'Association des regroupements d'usagers du transport adapté du Québec; de 17 heures à 18 heures, la Fédération québécoise des municipalités; de 20 heures à 21 heures, la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec; de 21 heures à 21 h 30, les remarques finales du groupe parlementaire formant l'opposition; et de 21 h 30 à 22 heures, les remarques finales du groupe parlementaire formant le gouvernement;

«Qu'une période de 60 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 60 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition; et finalement

«Que le ministre des Transports et le ministre délégué aux Transports et à la Politique maritime soient membres de ladite commission pour la durée du mandat.»

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement. Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Je crois que c'est terminé pour les motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous allons passer maintenant aux avis concernant les travaux des commissions. Et je vais céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 173, Loi sur la sécurité civile, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, ainsi que de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures; cette même commission poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 169, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives concernant l'exercice des activités professionnelles au sein d'une société, à la salle du Conseil législatif.

J'avise cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail entreprendra les consultations particulières sur le projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations du travail et modifiant d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 23 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Et, finalement, j'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 167, Loi modifiant certaines dispositions législatives relatives à la conclusion et à la signature de transactions d'emprunt et d'instruments financiers, aujourd'hui, de 20 h 45 à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Nous sommes maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Je vous rappelle que, du consentement de l'Assemblée pour déroger aux articles 309 et 312 du règlement, le débat de fin de séance entre Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne et M. le ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la construction d'un centre d'hébergement à Saint-Félix-de-Valois a été reporté à la séance d'aujourd'hui, à 18 heures.

Affaires du jour

Alors, ceci met fin aux affaires courantes, et je vais céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement pour la suite des choses aux affaires du jour.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. Je vous prie de prendre en considération l'article 25 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 165

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous y arrivons, à l'article 25. À l'article 25, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 165, Loi modifiant la Loi concernant le mandat des administrateurs de certains établissements publics de santé et de services sociaux.

M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, je vous cède la parole.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Très brièvement, puisqu'il s'agit d'un projet de loi pour régulariser un certain nombre de situations ou enfin assurer la continuité de l'administration dans un certain nombre d'hôpitaux. Et identifions-les très rapidement, puisque c'est à portée fort limitée: le conseil d'administration du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke; le Centre hospitalier universitaire de Québec; l'hôpital Sainte-Justine, qui est un hôpital universitaire; le Centre hospitalier universitaire de Montréal et le Centre universitaire de santé de McGill.

Alors, le projet de loi, M. le Président, il est fort simple. Nous avions prolongé les mandats des membres actuels des conseils d'administration, les conseils d'administration de ces centres hospitaliers universitaires qui forcément, avec leurs multiples vocations ? particulièrement donc le soin aux malades et, deuxièmement, la formation des médecins, puisque ce sont des centres hospitaliers universitaires... ça leur donne des responsabilités particulières, et tout cela est reflété aux conseils d'administration d'établissements. Et, dans ce sens-là, le projet de loi qui est devant nous avait été déposé dans la foulée de la commission d'examen sur le système de santé et de services sociaux, et nous étions dans cette foulée-là.

n(11 h 30)n

Si bien qu'aujourd'hui il nous faut poursuivre le travail afin de s'assurer que le projet de loi, maintenant, qui a été déposé devant nous et qui va assurer que la population va avoir davantage de place dans les conseils d'administration des établissements de santé, les CLSC, les foyers pour personnes âgées, les centres de réadaptation, les hôpitaux et également les régies régionales... Eh bien, pour assurer la transition, il nous faut adopter ce projet de loi qui va nous permettre d'assurer la continuité de l'administration, puisque nous serons donc dans quelques jours... dans quelques heures en fait, en commission parlementaire pour examiner le projet de loi qui va assurer davantage de participation de la population, puisque neuf personnes sur 15 dorénavant ? neuf personnes sur 15 ? seront en provenance de la population sur ces conseils d'administration et qu'elles seront nommées, ces personnes seront nommées par l'hôpital lui-même, par le CLSC lui-même, par le foyer pour personnes âgées lui-même, par le centre de réadaptation lui-même ou par, et suivant les différentes catégories, l'hôpital lui-même. Donc, neuf personnes qui sont en provenance de la population seront désignées pour administrer l'établissement, qui va faire en sorte qu'il va y avoir de la continuité dans les conseils d'administration en provenance de la population. Mais on va, M. le Président, donner davantage d'emprise de la population sur les conseils d'administration de leurs établissements.

Il faudra donc se poser la question: Pourquoi vouloir bâillonner la population à 1 % de participation pour désigner les membres des conseils d'administration des hôpitaux ou des régies régionales? Il faut y aller d'un mouvement qui va beaucoup plus loin, en termes de démocratisation, de régionalisation et de responsabilité locale, que chacun des conseils d'administration de tous les CLSC du Québec, chacun des conseils d'administration de tous les hôpitaux du Québec, chacun des conseils d'administration de tous les foyers pour personnes âgées puis les conseils d'administration des centres de réadaptation, que ces conseils d'administration, on puisse leur donner l'autorité légale pour faire en sorte de désigner, désigner les membres de la population les plus aptes et les personnes qui peuvent continuer à faire du don de soi sur les conseils d'administration des établissements. Ce n'est pas le cas actuellement. Il faut aller dans cette direction-là dans les hôpitaux universitaires, comme on a le cas ici, ou pour tous les autres établissements de première ligne, les établissements locaux et régionaux sur tout le territoire québécois.

Alors, dans ce sens-là, l'élan qu'il faut donner, c'est plus de pouvoirs aux régies régionales pour gérer les effectifs médicaux en omnipratique ou pour les spécialistes sur le territoire, beaucoup plus de pouvoirs aux régies régionales au niveau de l'administration des établissements de santé sur le territoire de la région et également beaucoup plus de pouvoirs aux régies régionales pour faire en sorte que l'administration, en termes de rigueur et de compassion, puisse atteindre les objectifs poursuivis par la politique de santé et bien-être du Québec, et la politique de santé et bien-être qui va dorénavant ? dorénavant ? être actualisée à chaque année dans un forum de la population.

Élargir la base démocratique et ne plus bâillonner, ne plus bâillonner les moyens d'expression de la population à 1 % de la population. Davantage d'ouverture, davantage de capacité des populations locales de décider elles-mêmes des personnes qui vont siéger au conseil d'administration, qui vont siéger au conseil de l'établissement, et que nous puissions faire en sorte qu'il n'y ait plus uniquement un seul modèle qui bâillonne la démocratie locale, comme certains le voudraient bien, bâillonner la démocratie locale à 1 % de la population; de nouveaux mécanismes, de l'emprise des établissements sur leur conseil d'administration.

Et, M. le Président, en conclusion, pour assurer la continuité, la continuité de l'administration, le projet de loi n° 165 fait en sorte que, sur les conseils d'administration universitaires, les personnes actuellement en place vont poursuivre leur travail. Et, quand on arrivera sur le mouvement de démocratisation plus élevée dans les établissements locaux, on va s'assurer que, comme le projet de loi le prévoit actuellement, il y ait également, sur les conseils d'administration de ces hôpitaux universitaires, les fondations. Les fondations de chacun pourront désigner leurs représentants, la même chose pour les infirmières, la même chose pour les personnes morales, les corporations qui sont à la base de la naissance de ces hôpitaux et également les professionnels qui oeuvrent dans ce secteur mais aussi, de façon spécifique pour la région de Montréal, des postes spécifiquement prévus pour tenir compte des composantes culturelles de la communauté québécoise, de façon à ce qu'on puisse y retrouver, sur le conseil d'administration, les personnes en provenance de toutes les couches de la population sans bâillonner la démocratie à 1 %, mais l'ouvrir davantage à la population avec autant de responsabilités.

Et c'est comme cela aussi qu'on va, au niveau de chacune des régions, maintenant avoir un lieu officiel d'expression des besoins des infirmières, puisque nous allons créer, de par cette disposition de la loi, des dispositions de la loi, la commission infirmière régionale et avec des représentantes qui vont siéger au conseil d'administration de la régie.

Un projet de loi transitoire qui va nous conduire vers plus de démocratie, plus d'ouverture, plus de lieux d'expression de la population, plus d'éléments qui vont permettre à la population d'avoir de l'emprise sur leur établissement pour gérer les 12 milliards de dollars que, annuellement, nous envoyons dans les régions pour gérer la réponse aux besoins exprimés par la population locale et régionale en termes de santé et de services sociaux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Châteauguay et whip de l'opposition.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, merci, M. le Président. On est chanceux parce que les débats soient retransmis par la télévision, et je pense aujourd'hui aussi par la voix de l'ordinateur et le site Web de l'Assemblée. Il y a toujours un bandeau en bas qui explique, lorsqu'on parle sur un projet de loi, le sujet. Alors, le sujet d'aujourd'hui, c'est le projet de loi n° 165. C'est ce qu'on devrait voir sur le bandeau.

Le ministre nous a parlé du projet de loi n° 28 et non pas du 165. Il nous a parlé du 165 en fonction du 28. Or, il faut savoir, M. le Président, que le 165 est sur la table de l'Assemblée depuis bien avant la venue du ministre. Il nous a dit que le 165 venait dans la foulée du rapport de la commission Clair. Je dois lui dire que, malheureusement, c'est faux, qu'il nous a dit des faussetés à l'Assemblée nationale: le 165 a été déposé avant le dépôt du rapport Clair. C'était en octobre dernier qu'il a été mis sur la table. Il n'y a eu aucun débat qui a été soulevé à ce moment-là. Ça n'a pas été amené au principe. C'est la première fois aujourd'hui, six mois plus tard, que ça vient sur la table de l'Assemblée pour discussion.

Il nous a parlé beaucoup du 28, très peu du 165. Je vais vous en parler, moi, du 165, M. le Président. Mais je voudrais au moins reprendre ce premier énoncé qu'il a fait au moins quatre fois dans un discours où, lorsqu'il le relira, il verra qu'il a été plutôt répétitif et où il nous a appris à peu près ceci: Cancellons les élections, comme ça, il y aura plus de démocratie. Ou permettez-moi de nommer plus de monde, comme ça, ça va être mieux. Mieux pour lui, bien sûr.

On pourrait pousser à la limite, M. le Président. Son raisonnement est le suivant: Il va y avoir neuf personnes, représentants de la population. Mais ne limitons pas les six autres, il y aura 15 personnes sur 15. Comme la population, tout le monde vient de la population, la question, c'est de savoir: Est-ce qu'ils ont le mandat de représenter la population? c'est pas de savoir s'ils viennent de la population ou s'ils viennent de la région. On vient tous de la population. Moi, je viens de la population. Le ministre vient de la population, vous venez de la population. La question, c'est: Qui les envoie là? Quel mandat ils ont? Ont-ils un mandat de représenter la population? La réponse à cette question, c'est bien sûr que non. S'ils étaient élus par la population, ils auraient le mandat, issu, tenant de cette population. Lorsqu'ils sont nommés par le ministre ou nommés par les gens que le ministre a nommés, une nomination indirecte, bien, évidemment, ils sont là pour rendre service au ministre. Bon. C'est son choix qu'il a fait. Mais, lorsqu'il utilise... Parce que c'est pas la première fois qu'il le fait. J'aimerais juste lui donner un conseil: qu'il se rende compte que ça ne marche pas, là. Lorsqu'on dit qu'il y a plus de démocratie quand on casse les outils démocratiques que sont les élections, c'est pas plus de démocratie, c'est plus de contrôle pour le ministre. Entendons-nous bien là-dessus.

J'y reviendrai, sur le 28, tantôt parce que le ministre amène le projet de loi n° 165 pour cinq établissements dans un nouveau contexte maintenant. Mais il faut voir comment ce projet de loi est arrivé, comment est-ce qu'il nous est présenté sur la table et, pour ça, il faut faire un petit peu d'histoire. Malheureusement, le ministre ne nous l'a pas proposé, ce petit cours d'histoire qui nous permet de comprendre qu'est-ce que c'est, le 165, et surtout pourquoi ce projet de loi est maintenant débattu avec urgence, M. le Président. C'est assez étonnant: un gouvernement qui crée les crises, qui fonctionne juste aux crises. Il a décidé de nous en bâtir une et ça lui a pris 18 mois pour bâtir cette crise.

n(11 h 40)n

D'abord, il faut savoir que, en octobre 1979, le gouvernement du Parti québécois a déposé le projet de loi 74. Le projet de loi 74 visait notamment les cinq établissements d'aujourd'hui, donc je les nomme: le Centre universitaire de santé de l'Estrie, le Centre hospitalier universitaire de Québec, l'hôpital Sainte-Justine, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal et le Centre universitaire de santé McGill, les cinq. Il y en avait un autre, Angrignon, mais, depuis, Angrignon, lui, a vu sa défusion intervenir et a procédé à des élections.

Donc, en octobre 1999, on nous propose ici, à l'Assemblée, ici même, on nous dépose un projet de loi visant à canceller les élections, à éviter des élections pour les six établissements susmentionnés, et on nous dit à ce moment-là que c'est important de le faire parce qu'on doit faire une réflexion à l'égard du statut des hôpitaux universitaires. Depuis un bon bout de temps, bien avant la commission Clair, qui, rappelons-le, de toute façon a appelé son rapport Les solutions émergentes... Il ne les a pas inventées, il a regardé ce qui était présenté dans le paysage québécois et il les a répertoriées. C'est beaucoup plus un répertoire de solutions, certaines contradictoires, certaines qui sont excellentes, mais ce n'est pas la commission Clair qui a inventé le paysage qui nous était déjà dessiné par l'ensemble des intervenants.

Donc, en octobre 1999, le projet de loi n° 74 est déposé. Et essentiellement ce que ça visait, ce projet de loi là, c'était de reporter les élections de deux ans, donc de novembre 1999 à novembre 2001. Nous n'y sommes toujours pas, en novembre 2001.

Mais, M. le Président, à ce moment-là, vous allez trouver une certaine logique et une certaine cohérence dans les prises de position. Le gouvernement du Parti québécois voulait canceller les élections prétendument pour la démocratie, et, nous, on était plutôt insatisfaits et mal à l'aise d'empêcher que la population puisse intervenir, dire son mot. Bon. On nous a prétendu qu'il fallait absolument qu'il y ait... Et le gouvernement, je dois le dire, n'était pas le seul à le dire, même les établissements le disaient, souhaitaient qu'il y ait une réflexion à l'égard du statut des centres universitaires.

Alors, on s'est entendu avec le gouvernement, on a dit: Écoutez, d'abord vous nous amenez ça à la dernière minute, on ne veut plus que ça se reproduise, on passe l'éponge pour ce coup-ci, mais on ne veut pas être amenés, encore une fois, à la dernière minute, devant le fait accompli de nous dire: Ah, c'est l'opposition qui empêche de régler une crise, quand c'est vous qui créez la crise. Ça, c'est le premier pacte qu'on a conclu. Le ministre de la Santé aime ça, parler de pacte, on va lui en parler. Le premier pacte, c'était celui-là, arrêter de créer des crises, procéder rapidement.

On était d'accord avec une réflexion sur les centres universitaires. On a dit cependant: Deux ans, c'est trop long. Deux ans, c'est trop long, vous allez nous donner 18 mois, à la place. En fait, au début, on voulait que le report soit pour un an. Le gouvernement voulait un report de deux ans. Et puis on s'est dit: Bon, si vous ne nous faites pas le coup de créer encore une crise là-dedans, que vous vous y attardez sérieusement dès aujourd'hui ? je parle, là, déjà d'il y a un an et demi de ça ? on peut s'entendre pour 18 mois.

Alors, le projet de loi n° 74, antérieur au 165, qui visait à reporter initialement de deux ans mais finalement, par entente, de 18 mois des élections dans six centres, dont Angrignon que j'exclus pour l'instant, donc cinq centres qui sont sous considération avec le projet de loi n° 165, nous nous sommes entendus. Comme quoi il est possible ? premier point que je veux faire à l'égard des projets de loi qui passent ici et de la politique en général ? lorsque les parties discutent entre elles, font preuve de bonne foi et disent les vraies choses avec les vrais mots qui ont toujours un sens, il est possible de s'entendre.

Donc, on s'était entendu. Sur la foi de quoi? Sur quel fondement, M. le Président? Bien, d'abord, qu'on ne soit plus jamais mis devant le fait accompli, qu'il y ait du travail qui se fasse rapidement, que le gouvernement ne crée pas les crises comme il a la fâcheuse habitude et puis, deuxièmement, que cette réflexion se fasse, donc que cette réflexion sur le statut des hôpitaux universitaires se fasse.

Pour être plus précis, permettez-moi de compléter ce rappel historique en vous faisant part de deux citations ? j'aurais pu en prendre bien plus, le temps va nous manquer ? qui remettent, je pense, un contexte juste, qui n'abusent pas des mots, ne leur donnent pas un sens nouveau, comme le ministre sent souvent le besoin de le faire, et de vous rappeler, donc, le débat, deux passages à l'égard du débat sur le projet de loi n° 74.

D'abord, mon collègue de Verdun, qui s'exprimait à l'égard du projet de loi n° 74 et qui exprimait alors une position valorisant la démocratie, s'appuyant sur la démocratie et cherchant à ce que, dans notre société démocratique, le citoyen ait de plus en plus de place, qu'on fasse de l'air, qu'on lui permette, au citoyen, de prendre une place qu'on lui offre. M. le Président, si vous offrez de la place à tout le monde et qu'il y en a que 1 % qui la prend, il y a ce 1 % qui l'a prise, mais ce n'est pas une raison pour l'enlever à ce 1 % et de dire à tous: Maintenant, vous n'en aurez plus. Ce n'est même pas un faux argument, c'est bâti sur rien, puisque, M. le Président, cette démocratie jeune dans les établissements et les régies régionales commençait à peine, ne serait utilisée que par une faible proportion de la population. Ça veut dire qu'on le fait plus du tout? Ça veut qu'on donne carte blanche au ministre pour faire tout ce qu'il veut? Bien non, il faut, au contraire, permettre à cette démocratie naissante de prendre son envol. Souvenons-nous de nos propres débuts démocratiques. Nous n'en serions pas là aujourd'hui si, au lendemain des deux premières élections, il y avait quelqu'un, royalement, qui avait décidé que nous ne savions pas choisir nos élus. Il faut laisser un temps à cette démocratie pour s'installer. Et même à ce 1 %. Il y a une compréhension de la part de la population, même chez ceux qui ne sont pas allés voter, qu'ils en avaient la capacité, d'aller voter, et donc que c'est leur institution. Demain, cela sera terminé.

Mais je vous ramène sur le 74, sur les commentaires de mon collègue de Verdun qui, encore une fois, démontre que, de ce côté-ci, c'est avec cohérence que nous allons continuer de nous battre pour que la démocratie ait encore un sens au Québec ? encore que le mot ait un sens pour le ministre, espérons-le, un jour ? et surtout qu'on permette aux citoyens de pouvoir compter, au Québec, de pouvoir parler, de pouvoir influencer, de pouvoir espérer que l'État ne les a pas complètement annulés, annihilés. Le citoyen a sa place. Nous n'avons pas... Je l'ai dit, je vais le répéter souvent, malheureusement trop souvent: L'État n'a pas à soumettre le citoyen à sa gouverne. C'est le citoyen qui doit contrôler le gouvernement, pas le contraire.

Mon collègue de Verdun disait, c'était le 27 octobre 1999: «Nous croyons et nous sommes attachés au principe fondamental qui est celui que les hôpitaux appartiennent à la population et que périodiquement, tous les trois ans, nous procédons à des élections pour nommer les conseils d'administration.» La base de la position, il y a deux ans, c'était que nous croyions à l'époque que la population avait un mot à dire. Je vais vous surprendre, M. le Président, nous n'avons pas changé d'idée. Nous croyons toujours la même chose.

Laissez-moi vous parler de la prédécesseure du ministre de la Santé, celle qui est maintenant ministre des Finances et qui disait, le 27 octobre ? là, je vais vous surprendre un peu ? elle disait: «Donc, un an et demi ? il y avait eu le 18 mois qui avait été entendu ? elle dit, ça m'apparaît raisonnable à partir de ce moment-ci. On se comprend qu'à partir des dates fixées ici c'est évidemment le processus normal d'élection qui éventuellement ramènera les établissements dans le cycle habituel des élections, mais il devra y en avoir une pour constituer les nouveaux conseils à ces dates-là.»

On retient quoi de ce 27 octobre 1999? Là, je veux vous dire, pour ceux qui nous ont écoutés, ils doivent être pas mal mêlés, M. le Président. Le ministre de la Santé est venu nous dire que le projet de loi n° 165 présentement sous étude vise à permettre l'adoption du projet de loi n° 28 qui va annuler les élections. Et, si on lit l'actuelle ministre des Finances, la prédécesseure du ministre, le 27 octobre 1999, elle nous dit que le 74, c'est pour préparer des élections. Il faudrait qu'on se comprenne à un moment donné, là. Hein? Ça tient pas debout. Le 165 n'est pas pour préparer pour le 28, le 165 est pour continuer ? continuer ? ce qui avait été entrepris, empêcher les élections. Et c'est le contraire de ce que la ministre... ce à quoi elle s'était engagée avec le 74. Elle disait: On va prendre un an et demi, on va faire la réflexion sur les hôpitaux universitaires, et après ça y aura des élections. Et c'est sur la base de cette entente que le Parti libéral du Québec, l'opposition officielle, a fait confiance à la bonne foi présumée du gouvernement du Parti québécois, et nous avons voté avec eux.

Nous avons été trompés, M. le Président. Nous avons été trompés, nous comme toute la population du Québec, par ce gouvernement qui utilise des mots sans en utiliser le sens commun. Ils nous font des belles paroles, ils nous font de belles promesses, mais au bout de la ligne ils nous ont trompés. Comme ils nous ont trompés avec le projet de loi n° 74 et avec les promesses qui ont été associées à ce projet de loi.

n(11 h 50)n

Qu'en était-il donc de ces promesses? J'y reviens. Nous avons 18 mois pour faire la réflexion sur les hôpitaux universitaires, après ça il y aura des élections. C'était donc prévu pour juin 2001. Première surprise, il y en a une qui n'en est pas une. L'opposition officielle continue sur sa lancée, cette opposition officielle qui, lorsqu'elle était le parti au pouvoir, a mis en place ce système de santé démocratique où on fait une place au citoyen, à celui qui veut la prendre. On permet aux gens du Québec, partout dans leur région, dans leur localité, dans leur communauté, de s'approprier leurs institutions de santé, de voir qu'ils ont un certain rôle. C'est pas le rôle au complet, ça va de soi. Puis ça prend un équilibre, puis nous en sommes, mais au moins de laisser une place.

Nous avons cru à ça il y a huit ans maintenant, il y a neuf ans maintenant, lorsque Marc-Yvan Côté a présenté sa réforme. À l'époque, d'ailleurs, le ministre en voulait encore plus, de démocratie. Nous avons été d'accord avec ça au début, nous étions d'accord avec ça en 1999, nous sommes encore d'accord avec ça parce que nous croyons qu'une société qui progresse, c'est une société qui fait une place au citoyen. On le croyait à l'époque, on le croyait hier, on le croit aujourd'hui. M. le Président, je crois qu'on va le croire encore demain, c'est un principe fondamental.

Ce qui est surprenant, c'est que, du côté du Parti québécois, on ne croit pas à ça, M. le Président. Dans une société comme la nôtre où j'accepte ? non seulement j'accepte, je souhaite ? qu'il y ait des partis politiques avec des visions différentes, c'est ça qui permet la démocratie. Moi, je souris, je félicite, je salue les gens des autres partis lorsqu'ils ont des opinions différentes. Ça fait le débat, ça progresse, il faut toujours se questionner, se dire: Bien, peut-être que ça, c'est mieux, puis on se pose la question. Mais j'interpelle le gouvernement: Souvenez-vous de cette première règle démocratique qui s'appelle le doute. Écoutez l'autre, posez des questions à l'autre, laissez-vous influencer par l'autre et bonifiez vos choix. Pourquoi avez-vous choisi l'arrogance de penser que vous êtes les meilleurs parce que vous avez un cabinet feutré et une limousine et qu'en bout de piste il y a plus de place pour personne?

Alors, qu'est-ce qui est surprenant, c'est qu'on nous a promis des élections dans 18 mois, l'intervalle pour faire une réflexion. Bien, M. le Président, je vais vous lire un extrait d'un communiqué émis le 11 mai 2001, 17 mois après la promesse de débuter la réflexion sur le statut des hôpitaux universitaires. Vous savez, je le répète, on a reporté le délai de 18 mois pour les élections, mais il y aura des élections au bout de 18 mois. À la fin du 17e mois, après l'adoption du 74, voici ce que disait le ministre actuel de la Santé: «Le ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, M. Rémy Trudel, annonce la mise sur pied d'un comité sur la vision du réseau d'hôpitaux universitaires. Le ministre, qui prenait la parole au congrès de l'Association des hôpitaux du Québec, donne suite en cela à l'une des recommandations de la commission d'étude sur les services de santé et de services sociaux, la commission Clair. En effet, le rapport Clair avait mis en lumière la nécessité de clarifier le système actuel où coexistent des centres hospitaliers universitaires et des centres hospitaliers affiliés universitaires et des instituts universitaires.»

Quand j'ai vu ce communiqué, M. le Président, je suis tombé en bas de ma chaise. C'est pas le rapport Clair qui a lancé l'idée, c'est le projet de loi n° 74, il y a deux ans, qui a dit: On va reporter les élections, on ne les fera pas tout de suite parce qu'il y a un problème dans le statut des hôpitaux universitaires. On va étudier ça pendant les 18 prochains mois puis il y aura des élections. Au 17e mois, il lance le comité pour commencer à l'étudier. Puis, aujourd'hui, ils vont nous dire que l'opposition est là, se lève debout et retarde des réformes très importantes ? j'y reviendrai ? comme si c'était vraiment le «qui nomme qui» qui est important au Québec là, en ce moment, dans les problèmes de santé. On va pouvoir y revenir tantôt.

Mais tout ça pour dire qu'on a été trompé à la vitesse grand V il y a un an et demi. On nous a dit: On fait une réflexion, on en a pour 18 mois, on l'entame rapidement, puis, à la fin du processus de 18 mois, il y a des élections. Preuve est que, pendant 18 mois, la réflexion, c'est zéro, je retiens rien, moins que rien: c'est au 17e mois, à minuit moins une, qu'on annonce un comité qui va réfléchir à la chose. Invoquer sa propre turpitude, c'est pour le gouvernement une habitude maintenant périodique, quotidienne. C'est juste comme ça que ça fonctionne. On dirait que les petites lumières s'allument à la dernière minute sur le tableau de bord, et puis là, tout à coup, on dit: Oh! C'est vrai, on avait pris l'engagement, est-ce qu'on aurait pu faire quelque chose? Ils ne se souviennent même pas comment ça se fait puis pourquoi ils font cette réflexion-là.

Là, maintenant, c'est à cause du rapport Clair, imaginez! C'est les engagements mêmes de la ministre deux ans avant le rapport Clair. C'est le rapport Clair qui est plutôt un répertoire de ce qu'il y avait dans le paysage avant, un portrait qui ne fait dans son rapport que reprendre ce que le projet de loi n° 74 d'il y a deux ans disait. Alors, le ministre a un aperçu bien limité de ce qui se passe dans le domaine de la santé. C'est pas réconfortant pour les Québécois, c'est pas réconfortant pour les patients, c'est pas réconfortant pour les artisans du domaine de la santé, autant les médecins que les infirmières, que le personnel administratif, les employés de soutien, tous ceux qui donnent leur vie ? parce que c'est vraiment ce qu'ils font ? à tous les jours pour nos concitoyens, pour s'apercevoir que le ministre ne sait même pas où ça commence, l'histoire d'un projet de loi, puis il en impute l'ensemble au rapport Clair. Il faut savoir comment ça commence.

Alors donc, on nous annonce le 11 mai, le comité Carignan, donc, qui est en retard de 17 mois sur son mandat de 18. Le 11 mai. Puis quatre jours après, on nous amène le 28. Alors là le ministre, lui, il a compris ça: Ça va ensemble, là, ça doit être ça, moi, là; le 165, avec les hôpitaux universitaires, ça doit aller avec mon comité Carignan puis le 28. Ça fait qu'il nous a parlé du projet de loi n° 28 qui vise à abandonner l'idée que le citoyen ait une place dans notre système de santé.

M. le Président, parce que nous avons été trompés il y a 18 mois, parce qu'on nous avait promis une réflexion dans les jours qui suivaient et qu'on a retardé ça au 17e mois... Étude qui n'est toujours pas commencée, soit dit en passant. On a déjà trouvé un président de comité, on doit trouver les autres membres, on ne sait pas quand est-ce que ça va finir. Parce qu'on nous avait promis... Je pense que ça vaut la peine de le reciter parce que c'est la ministre de la Santé du Parti québécois, le 26 octobre 1999, qui disait: Donc, un an et demi, ça m'apparaît raisonnable à partir de ce moment-ci, on se comprend? Vous savez comment elle parle: On se comprend qu'à partir des dates fixées ici, c'est évidemment ? évidemment, ça doit vouloir dire quelque chose, ça ? c'est évidemment le processus normal d'élection qui éventuellement ramènera les établissements dans le cycle habituel des élections?

Incroyable! Il y a un an et demi, on nous annonce des élections pour les centres universitaires après la réflexion. Un an et demi après, on nous dit: Il y en aura pas, d'élections. Puis, «by the way» il y aurait pas eu de réflexion. Quel gouvernement amateur, M. le Président, déconnecté non seulement de la réalité, mais déconnecté de ses propres engagements, de ses propres projets de loi. On passe des projets de loi sans savoir... Et, du côté du Parti québécois, semble-t-il, c'est une habitude: ils votent sans savoir sur quoi ils votent. Ils votent des projets de loi puis ils ne se souviennent pas de ce qu'ils ont voté. Alors, ça nous donne ce que ça nous donne comme système de santé.

Aujourd'hui, on est donc 29 mai, à quelques jours, deux jours, en fait, du début des consultations particulières. Pas des générales, il ne faut pas laisser tout le monde parler, qu'est-ce que vous voulez? Le fait qu'on fasse des particulières va permettre au ministre de dire: Voyez-vous, il y en a pas trop qui sont venus en commission, ça veut dire que tout le monde sont conformes au projet de loi. Bien, si tu ne les invites pas, si tu n'ouvres pas une générale... Il dit n'importe quoi, là, il va se permettre de dire une chose comme celle-là. Puis qu'est-ce que ça fait le projet de loi n° 28, hein, qui va commencer dans deux jours, qu'est-ce que ça fait?

Alors, dans le cas du 165, assez étonnant, le 165... En date d'aujourd'hui, là, parce que le 28, il n'est pas... il a été déposé, le principe n'est même pas encore discuté, les consultations ne sont pas commencées. En fait, je serais bien capable de vous dire que le 165, c'est de reporter d'un an l'élection dans les centres universitaires et qu'il y aura des élections dans un an. Je pourrais vous dire ça, parce que c'est ce que ça dit, le projet de loi sur lequel on discute présentement. C'est ce que ça dit parce que c'est la suite du 74 qui nous annonçait des élections. La ministre de la Santé à l'époque le disait.

Alors, il y a un nouveau contexte aujourd'hui: le gouvernement ne croit plus à la démocratie. Il pense que, lorsqu'on donne le droit aux citoyens de parler, que ce soit dans les conseils d'administration d'établissement ou de régie, ça donne la possibilité aux citoyens de dire le contraire du gouvernement. Alors, ça, c'est assez embêtant parce que ça va dans les journaux, et ça, ça fait baisser la cote de popularité du parti. Alors, quelle est la façon de régler ça? On cancelle les élections, on bâillonne la population, on essaie de ne pas en avoir, de titres dans les journaux, puis ça va bien aller. Parce que ce qui est important quand on est au Parti québécois, au gouvernement ? ils vont s'en souvenir, dans quelques mois il seront de ce côté-ci ? ce qui est important quand on est au gouvernement pour le Parti québécois, c'est de soigner son image, pas de soigner les patients du Québec.

Mais on n'est pas dupe, surtout quand on regarde les projets de loi: 74, on nous promet des élections; 165, on dit: Donnez-moi encore un an, je n'ai pas fait mon travail. Et, dans trois jours, on va dire: La démocratie, c'est fini, les citoyens qui ont un mot à dire sur le développement de leur institution, c'est fini. Moi, je pense à ces fondations à qui le gouvernement demande une contribution. Tout le monde sait dans son hôpital... Il s'agit qu'on fréquente un hôpital pour tomber sur une affiche: N'oubliez pas votre fondation, collecte de fonds annuelle, des millions de dollars.

n(12 heures)n

On vient de terminer une autre dans mon comté de Châteauguay, la Fondation Anna-Laberge, l'hôpital Anna-Laberge, M. le Président, une grande campagne de levée de fonds. Tout le monde a été sollicité. Il y a eu des activités... Pendant les quatre dernières années, là, c'était la grande campagne des 10 premières années, c'était... Cet hôpital-là a été ouvert en 1987, et il y avait des activités à travers toute la région. Tout le monde se sensibilisait à l'importance de l'hôpital, se donner une appropriation, les gens sentaient que c'était chez eux, ils avaient la possibilité de dire quelque chose, d'influencer. Ils savaient que cette campagne-là servait pour acheter tel équipement. Parce qu'il faut savoir que le ministère, avant d'investir l'argent dans les hôpitaux, demande aux fondations une contribution à hauteur de 20, 25 %. Alors, les gens le faisaient: Oui, je vais payer mon scanner, on va mettre de l'argent.

Bien, demain matin, M. le Président, les gens ne pourront pas avoir l'impression que l'hôpital, c'est le leur, puis leur fondation, c'est la leur, parce que la fondation, elle va ramasser l'argent pour qui? Bien, pour les dirigeants. Puis les dirigeants, c'est qui? Bien, c'est des gens de la population, soit, mais nommés par qui? Élus par la population? Bien, non, ils sont nommés par le ministre ou par les gens que le ministre nomme lui-même. Alors, vous savez comment ça marche, surtout avec le Parti québécois, je n'ai pas besoin de vous donner de leçon là-dessus, M. le Président. Avec le Parti québécois, ce n'est pas compliqué, quand on nomme quelqu'un, c'est pour qu'il fasse la job qu'on lui demande de faire, point à la ligne. Alors, on va dire à un administrateur qu'on nomme: La commande que je te passe, c'est celle-là, c'est exactement ce que tu dois faire, tu dois te soumettre. Tu n'es plus au service de la population, tu es au service du ministre. Qui, M. le Président...

M. Trudel: ...

M. Fournier: J'entends le ministre de la Santé qui crie, l'autre bord de la salle: Les habitudes libérales. Le Parti libéral, c'est lui qui a inventé la démocratie dans le système de santé. Et il nous plaide pour prendre le plus grand contrôle sur tout le monde et être capable de dire aux gens qu'il nomme qu'ils vont faire ce que lui veut. Ça, c'est le même, avec le même gouvernement, qui, lorsqu'ils ont décidé de donner des bonus à la retraite, ne s'est pas levé au Conseil des ministres pour dire: Pas dans la santé, on a un problème, il n'y a pas assez de médecins puis assez d'infirmières. Personne ne s'est levé. Là, aujourd'hui, c'est de la faute des bénévoles élus des conseils d'administration des hôpitaux si, au Conseil des ministres, il y a quatre ans, ils ont décidé, un grand génie, là, a décidé de donner des bonus à la retraite pour des médecins puis des infirmières qui étaient déjà en situation de pénurie. Aujourd'hui, c'est plein les journaux que le système craque parce qu'ils ont mis 4 000 infirmières à la retraite puis plus de 1 000 médecins à la retraite en leur donnant des bonus. Je m'excuse, là, mais, si le ministre donne des ordres à du monde puis que c'est le genre d'ordres qu'il donne, on n'est pas sorti de l'auberge, M. le Président.

Le ministre sait très bien que nous sommes passés de la troisième position, en termes de financement per capita, en 1994, dans le domaine de la santé, et nous sommes aujourd'hui... L'année passée, on était dixième. Gros progrès! cette année, on est neuvième, en l'an 2000. On était dixième en 1999, on est neuvième en l'an 2000. Wow! Gros progrès! Ah! la priorité, c'est la santé. Mon oeil! Mon oeil! Il n'y a pas de priorité à la santé, c'est le recul total.

Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est de la faute des bénévoles élus des conseils d'administration. Ça, c'est trouver une cible, s'inventer un ennemi pour créer une guerre dans laquelle la population va se dire: Ah! enfin, le gouvernement fait quelque chose, ça va aller tellement mieux, les bénévoles élus des conseils d'administration, ceux qui ramassent de l'argent pour les fondations et ceux qui en donnent ne seront plus au contrôle, ça va être celui qui a décidé de donner des bonus à la retraite, celui qui a décidé de fermer des hôpitaux au Québec, celui qui a décidé que nous serions sous-financés.

Je vais vous surprendre. Cette année, les établissements de santé n'ont même pas assez de fonds pour rencontrer les coûts du système. Je vais vous surprendre, M. le Président, mais ce ne sont pas les bénévoles élus des conseils d'administration qui ont décidé ça, ce sont les élus du Parti québécois. C'est la situation qu'on vit aujourd'hui.

C'est dans ce contexte-là que le projet de loi n° 165 nous est présenté, M. le Président. Le 165, il vient aujourd'hui nous dire: Ouvrez-moi ma porte pour que je ne fasse plus d'élections avec mon 28, alors que le 74, l'ancêtre du 165, disait: Je ne reviendrai plus reporter des élections. L'ancienne ministre de la Santé du Parti québécois reconnaissait que c'était faire un accroc à la démocratie que de reporter les élections, que c'était faire un accroc à la capacité pour les citoyens de prendre leur place dans une société qu'on veut forte et progressiste. On devait avoir des élections au bout de 18 mois, on devait avoir des études sur le statut des hôpitaux universitaires, rien n'a été fait. Tout ce qui a été fait, c'était pour créer un contexte, un nouveau paysage qui permet au gouvernement de faire son coup de force. Nous avons été doublement trompés avec le projet de loi n° 74. On a abusé de la confiance de l'opposition, comme on veut encore abuser aujourd'hui de la confiance de l'ensemble des Québécois.

J'ai entendu le ministre faire son discours, M. le Président, où il parlait du projet de loi n° 28. Le projet de loi n° 28, pour ceux qui l'ignorent, ceux qui nous écoutent, consiste à dire que le problème de la santé au Québec, pour le ministre, ce n'est pas l'accès aux services ? ah! pas du tout ? c'est le fait que des fois il y a un président de conseil d'administration ou un D.G. d'hôpital, nommé par le président du conseil d'administration élu par la population, qui sort dans les journaux et qui dit: Je suis obligé de couper des services parce que le gouvernement a posé deux gestes: il a, un, adopté un projet de loi appelé antidéficit ? ça paraît bien, on veut dire à la population qu'on gère bien, on appelle ça une loi antidéficit dans la santé ? et a posé à côté un autre geste, en même temps, qui s'appelle le sous-financement, c'est-à-dire pas donner assez d'argent à un établissement, soit-il CHSLD, CLSC, centre hospitalier, on ne lui donne pas assez d'argent pour rendre les services que la loi le contraint de rendre. Alors, le président du conseil d'administration, le D.G. d'hôpital, est obligé de faire un choix: ou bien il ne respecte pas la loi antidéficit parce que la Loi sur les services de santé le force à rendre le service ou bien il ne respecte pas la Loi sur les services de santé et il respecte la loi antidéficit.

C'est le dilemme dans lequel nous sommes au Québec. C'est pour ça qu'on voit dans les journaux à travers tout le Québec, de Baie-Comeau à L'Annonciation en passant par Gaspé, partout... Partout, M. le Président, les organismes, les conseils d'administration sont pris avec ce dilemme. Il y a un dilemme, il y a un problème, c'est vrai: choisir entre la loi antidéficit ou la loi qui force à offrir les services de santé. Et le gouvernement dit: Bien, celui qui est responsable de ce choix-la fait pas bien son travail, il est pas capable de choisir comme il faut, il sort dans les journaux pour dire qu'il va couper les services. Bien, non, il serait capable de le faire, voyons donc!

Mais la grande question à laquelle on passe tout le temps à côté est la suivante: Si vous voulez faire une loi antidéficit, la condition sine qua non pour que cette loi antidéficit puisse être lue en même temps avec la loi qui force à offrir des services de santé auxquels les Québécois ont droit parce qu'on paie pour, c'est que les établissements aient le financement approprié, bien évalué, bien mesuré, bien réparti. C'est la condition sine qua non. Si le gouvernement ? parce que c'est lui, là, c'est pas les conseils d'administration, ni des régies, ni des hôpitaux, qui a à choisir sur le niveau de financement qu'ils auront pour l'année, c'est le gouvernement ? trompe, si le gouvernement fausse le jeu dès le départ, comment alors pouvoir avec crédibilité imputer la chose aux membres élus des conseils d'administration?

Il n'y a pas à sortir de là, l'objectif, c'est de camoufler, de cacher, de souhaiter que, dans la plus grande obscurité, les Québécois se rendront pas compte que la loi antidéficit, jumelée à du sous-financement, n'est rien d'autre que l'invention d'un nouveau concept de ticket modérateur où les gens paient par leur santé. C'est rien d'autre, M. le Président. Quand vous avez une loi antidéficit avec du sous-financement qui forcent la coupure de services, à avoir moins de personnel disponible, à augmenter les listes d'attente, regardez qui sont sur ces listes d'attente, relevez leurs noms et vous avez là le nouveau ticket modérateur inventé par le Parti québécois. C'est pas 5 $, c'est pas 10 $, non, M. le Président, c'est la perte de jouissance de la vie. Pour certains ? c'est pas moi qui le dis, c'est les chirurgiens cardiaques ? c'est la perte de la vie tout court. Perte de jouissance de la vie et, pour certains, perte de la vie tout court.

M. le Président, quand on crée ce problème dans l'accès aux soins et qu'après on a le culot de cibler les gens qui, un, votent; deux, les gens qui vont se présenter dans les séances des conseils d'administration pour faire entendre leur voix; trois, les gens des conseils d'administration... Je pense à ceux des hôpitaux notamment puis des CLSC qui ont eu des assemblées publiques avec 600 et 1 000 personnes qui se présentaient et qui disaient: Vous allez pas couper dans ces services-là. Même si le gouvernement vous l'ordonne, vous devez pas le faire. Faites entendre notre voix au gouvernement. Puis aujourd'hui le gouvernement, il dit: Non, non, je veux pas vous entendre. Fermez-vous. Je passe mon rouleau compresseur. J'ai inventé un nouveau ticket modérateur, ça s'appelle «la santé des Québécois». Et ça se dit social-démocrate, M. le Président, soit dit en passant. Ils ont inventé, mis sur pied un système comme celui-là où les gens n'auront même plus la capacité d'influencer, d'intervenir pour souhaiter qu'ils aient enfin des services.

n(12 h 10)n

J'entendais le ministre tantôt nous parler des forums de citoyens. Il a inventé un nouveau concept et nous dit: Voilà, j'ai un merveilleux concept démocratique; maintenant, il va y avoir des forums régionaux de citoyens. Deux par année. Imaginez-vous comment ça fonctionne. Déjà, dans un conseil d'administration d'un établissement, il faut un bon bout de temps à ce bénévole qui est là pour comprendre comment ça fonctionne. C'est large, c'est vaste, c'est grand. Il y a de l'interrelation avec plusieurs départements du même hôpital, entre plusieurs hôpitaux, entre plusieurs institutions, le CLSC, le CHSLD, l'hôpital, c'est compliqué. Ça prend un an, minimum, à un bénévole pour faire le tour du terrain, quand le papier arrive sur le bureau à la dixième séance régulière du conseil d'administration, pour comprendre ce qui se passe.

Le ministre plaide plus de démocratie. Il descend le nombre de séances publiques de 10 à six. Il crée deux rencontres de citoyens, d'ailleurs il va encore choisir qui sont ces citoyens soit dit en passant, nommés par lui ou indirectement. Et là vous allez avoir quoi? Bien, des gens qui vont avoir le grand plaisir d'entendre le nouveau P.D.G. de la régie, un sous-ministre du ministre, qui va venir déposer son rapport annuel. M. le Président, ce n'est pas ça, de la démocratie. Ce n'est pas d'autre chose qu'un faux-fuyant, qu'un paravent. C'est pour nous faire croire, c'est de l'illusion. La vérité, c'est qu'en ce moment il y en a un, processus. Il peut être stabilisé, il peut être régularisé, il peut être amélioré, il peut être bonifié, oui, c'est vrai. C'est vrai qu'il y a un équilibre qu'on peut retrouver, mais, entre trouver l'équilibre et passer d'un côté du spectre à l'autre complètement, voir le balancier se perdre en folies et jeter le bébé avec l'eau du bain, je pense qu'on n'y gagne rien. On serait mieux avec d'abord des principes qu'on met sur la table en premier et, après ça, on voit comment on bâtit notre structure.

Je vous soumets que le premier principe sur lequel, nous, de ce côté-ci, et l'autre côté, nous ne sommes pas d'accord, c'est le fait que, nous, nous croyons que le citoyen a un mot à dire. Ça s'appelle la démocratie. C'est le premier principe que, nous, on met. Le citoyen a un mot à dire dans l'élaboration et la fourniture des soins de santé dans sa région, dans sa localité. Nous croyons à ça. Ce principe, le gouvernement du Parti québécois le désapprouve. Il pense que le citoyen est un embarras, parce que le citoyen peut peut-être demander trop. Et, comme ça coûte politiquement de lui dire qu'il ne peut pas lui fournir le service parce qu'il a fait le choix d'être en queue de peloton en termes de financement per capita dans la santé, alors on ferme la porte à ce droit de parole du citoyen.

Alors, si on veut améliorer, comme je disais, on ne jette pas le bébé avec l'eau du bain. Il me semblait que donner une place au citoyen, permettre une démocratie locale, c'était le voeu du Parti québécois il y a deux ans. La ministre de la Santé qui a précédé le ministre actuel nous a promis formellement, il y a deux ans, ceci: Donnez-moi 18 mois pour que je regarde le statut des hôpitaux universitaires, et il y aura par la suite des élections. On était d'accord avec ça. On a dit: Très bien. Parce que le principe fondamental de la base, c'était: Nous croyons que le citoyen doit avoir une place, il y aura des élections. On a dit: D'accord. On veut réfléchir à la structure? On n'est pas fermé à ça. C'est pas un dogme. Il faut voir que, en apprenant des expériences étrangères, en écoutant les gens sur le terrain, on voyait qu'il y avait un problème de légitimité entre un C.A. d'hôpital, C.A. de régie puis le ministère. Il fallait essayer de régler ça. Mais il y a une différence entre dire: Il faut améliorer le système, puis: Il faut casser le système.

Et c'est pour ça que je suis debout en ce moment, pour essayer d'exprimer une première des différences fondamentales qui ne permettra pas... Parce que c'est toujours ce qu'il faut chercher, hein? Comme le projet de loi n° 74, on était contre au départ, il y a un an et demi. On a soulevé des points. Le gouvernement voulait deux ans, on voulait un an, on s'est entendu à un an et demi. On a dit: D'accord, faites la réflexion. C'est toujours ça, quand on fait un processus législatif: bien qu'on soit dans un style de parlementarisme à la britannique où il y a des oppositions, il faut quand même chercher le consensus, essayer de bâtir ensemble quelque chose pour le Québec. Parce que, au fond, on doit ? je sais que, pour nous, c'est vrai; j'imagine que, pour le Parti québécois, il y a encore quelques membres comme ça ? chercher le mieux-être de nos concitoyens. C'est ça, la fonction de député que nous assumons ici, dans cette Chambre.

Ah! moi, je me dis: Il me semble que la première base, la première pierre qu'on doit poser pour atteindre un consensus, c'est de nous souvenir du 74, c'est de nous souvenir de la raison pour laquelle nous sommes ici, notre légitimité à nous. On a laissé le citoyen prendre la parole pour nous envoyer ici, laissons-le parler aussi pour les services de soins de santé. Revenons à ce consensus que nous avions il y a un an et demi. Refaisons une place à la démocratie. Est-ce qu'elle devrait être exactement comme elle est présentement? Non, pas obligé. On peut faire des aménagements. On peut voir à des améliorations. Est-ce que ça doit être seulement qui nomme qui ou qui fait quoi? Est-ce qu'on peut s'interroger un peu sur les pouvoirs de l'un et de l'autre?

Quand il y a eu la régionalisation, M. le Président, il devait s'accompagner avec ça une révision des rôles des institutions: ministère, régie, établissements. Le ministre, qui aime bien parler du rapport Clair, se souviendra sans doute que, dans le rapport Clair, on a ce court passage qui dit que ce qui est le plus important, c'est pas de savoir comment les gens sont choisis dans les conseils d'administration de un ou de l'autre, c'est de savoir ce qu'ils font, les pouvoirs de chacun, quel est le terrain de jeux de chacun, pour qu'il n'y ait pas de duplication. Et il y a ce passage au rapport Clair, dont je vous disais tantôt qui était un répertoire de solutions existantes ou préexistantes, c'est un tableau du paysage tel qu'il existait avant Clair. Le rapport Clair dit ceci: Le rapport Deschênes devrait être mis en vigueur. Alors, si tu vas voir le rapport Deschênes ? ça, il a écrit ça au mois de... Écoute, en décembre 2000 que le rapport Clair dit ça; le rapport Deschênes, il date de décembre 1996, 1996, quatre ans avant. Le rapport Clair nous dit, en décembre 2000: Ce qu'il faut faire, c'est de mettre en vigueur le rapport Deschênes, le rapport Deschênes qui dit: Il faut revoir le partage des responsabilités entre le ministère, régie et établissements.

Et quel est le premier geste que fait le gouvernement? Il oublie encore une fois le rapport Deschênes et se fixe comme agenda le simple tripotage des structures, comme si ça allait régler. Je vais vous donner un cas, M. le Président, vous allez vous en souvenir. Demandons-nous si ça va améliorer les soins de santé que de savoir que c'est le ministre qui nomme les membres du conseil d'administration. Demandez-vous ça. Pensez-vous que demain matin, parce qu'il les a nommés dans les conseils d'administration des hôpitaux à travers le Québec, ou des CLSC, ou des CHSLD, on va passer du neuvième rang en termes de financement per capita dans la santé au premier? Pensez-vous que ça va changer quelque chose? Pensez-vous qu'ils ont le pouvoir de faire ça? Bien, non. Il pourrait pourtant le faire, lui, s'il se battait pour la santé. Comme la ministre des Finances actuelle, qui, à l'époque, était à la Santé, je lui disais: Bien, battez-vous pour la santé au Conseil des ministres. Vous n'êtes pas obligée de me dire tout ce que vous faites, mais au moins donnez-nous le sentiment que vous y comptez, que vous avez essayé de plaider la cause que c'était important pour les Québécois, la santé, puis qu'il fallait être au moins ? être premier, je ne veux pas leur mettre ça trop haut ? dans la moyenne, dans la moyenne canadienne. Ça serait pas pire, ça, hein, passer de la neuvième à la cinquième, espérer la quatrième, peut-être revenir où les libéraux l'avaient laissée, la troisième, en 1994. Je mets pas la barre trop haute, juste respectueuse des citoyens.

Je vais vous donner, M. le Président... Ah, il y en a un qui dit: C'est parfait, on voulait les couper, les services de santé. Il y en a un qui vient de nous dire ça, là. J'ai entendu un de nos collègues du Parti québécois dire: Nous autres, ce qu'on voulait, là, c'est de couper dans la santé parce qu'il y avait un déficit. Alors, on a donné de l'argent à CGI, à Industrielle-Alliance, à plein de grosses compagnies en leur donnant des crédits d'impôt à travers le Québec, partout dans les cités du multimédia, et autres. Puis on a pris l'argent où? Dans la santé. C'est ça que vous avez fait. C'est le choix que vous avez fait. Vous avez le droit, vous êtes au gouvernement. Vous avez eu moins de votes que nous autres la dernière fois, mais plus de sièges. Vous avez le droit de le faire. Je comprends ça. Je respecte ça. Je n'ai pas de problème, mais je trouve ça injuste pour les Québécois. Je ne trouve pas ça correct. Je trouve que c'est pas ça, la bonne décision qui devait être prise.

Puis je vais revenir sur l'exemple que je vous mentionnais, M. le Président: Qu'est-ce qui est important? Qu'est-ce qui change les choses? Alors, le rapport Deschênes, ce qu'il disait, c'est que finalement... Alors, grosso modo, la formule, c'est la suivante: c'est pas le qui nomme qui qui est important, c'est le qui fait quoi. Et je vais vous donner un exemple. Vous vous en souviendrez, l'automne dernier, du bain thérapeutique, une histoire abracadabrante qui a mérité d'ailleurs au protagoniste de cette histoire, de la part de la ministre de la Santé à l'époque, quelques coups au derrière, a-t-elle annoncé. Elle disait ici, en cette Chambre: Il y a quelques coups au derrière qui se perdent.

n(12 h 20)n

Et voici l'histoire du bain thérapeutique. Il y a un établissement de santé de Québec qui achète un bain thérapeutique. Il a le droit, et c'est sa responsabilité, il a des budgets pour ça. Donc, il l'achète. Jusque-là, ça va assez bien. Mais, M. le Président, une fois que le bain thérapeutique... que le camion fait bip-bip, il recule, puis il vous laisse le bain thérapeutique à l'hôpital, il faut l'installer. Or, ça se complique quand vient le temps de l'installation. Pourquoi? Parce que l'hôpital a un budget pour l'installer, mais il n'est pas tout seul, la régie a aussi un budget pour l'installer, mais l'hôpital et la régie ne sont pas seuls, parce que le ministère a aussi un budget pour l'installer.

Alors, pendant un an de temps, le premier lundi de chaque mois, les gens de l'hôpital, de la régie et du ministère se rencontreront pour voir lequel de ces trois budgets sera choisi pour installer le bain. Pendant ce temps-là, M. le Président, les citoyens patients qui avaient besoin du bain thérapeutique à l'hôpital vont passer devant l'entrepôt et vont regarder le bain non installé, parce qu'on n'a pas réglé la question fondamentale de qui fait quoi et on s'est simplement intéressé à voir qu'il n'y ait pas de crise au Québec, qu'il ne fallait pas que ça se sache. Parce que le jour où ce bain a été installé, c'était deux jours après que ce soit dans les journaux.

Ça m'amène la réflexion suivante, M. le Président: Si on ne règle pas le qui fait quoi ? et on ne le règle pas, le gouvernement du Parti québécois ne veut pas le régler depuis maintenant cinq ans ? si on ne le règle pas, mais, si, en échange et en même temps, on se donne les moyens, du côté du Parti québécois, pour qu'il n'y ait plus de première page de journaux parlant de ce bain acheté mais non installé qui a eu l'effet, une fois qu'il était dans les journaux, de se faire installer, je vous le dis, M. le Président, qu'en sera-t-il de tous les autres bains thérapeutiques et de toutes les autres pièces d'équipement qui vont croupir dans les entrepôts en attendant qu'il y ait une pression qui crée une volonté sur le gouvernement d'agir? Quand est-ce, M. le Président, qu'on va être capable de refouetter un gouvernement qui aura le confort du silence de ses concitoyens et qui pourra dire: Ça va bien, il y a quelqu'un qui s'en occupe? Il y a eu une rencontre le mois passé, il y en aura une le mois prochain, et comme ça jusqu'à la fin de mon mandat où je dirai aux gens: J'ai confiance. J'ai confiance, M. le Président, c'était leur slogan. J'ai confiance qu'on va tous vous avoir.

On nous promettait des élections de démocratie, une place pour le citoyen, on a eu en retour des fusions forcées dans les villes, la fin de la place pour le citoyen dans le domaine de la santé. Il n'y en a qu'un qui a raison. Lysiane Gagnon touche un point aujourd'hui dans le journal en parlant du premier ministre. Son problème, nous l'avions vu à l'oeil nu. Son problème, c'est qu'il pense qu'il sait tout, c'est qu'il pense qu'il n'y a aucun geste incorrect de la part de son gouvernement. Moi, ce que je demande au gouvernement, c'est d'avoir l'humilité de reconnaître ses fautes.

D'ailleurs, de façon politique, je pense qu'ils y gagneraient, au gouvernement, de temps à autre ? pas sur tout, je respecte ça, pas sur tout ? de reconnaître leurs erreurs. Je pense que c'est une bonne chose. Ce qu'il faut cultiver en démocratie, je le disais un peu plus tôt ? et comme ce projet de loi n° 165, qui vise à annuler des élections est d'abord et avant tout un projet de loi antidémocratique, il importe de parler de démocratie ? l'élément premier d'une démocratie forte, utile pour les concitoyens, c'est le doute, M. le Président. Il faut douter. Le doute n'est pas une marque de faiblesse. Le doute, c'est porteur de réflexion, c'est porteur de changement, c'est porteur d'amélioration. Un doute bien appliqué, c'est porteur de progrès pour les concitoyens. Les gens de politique ? je le dis pour tous nous autres ? auraient avantage à cultiver ce doute constructeur, ce doute qui permet d'améliorer.

Lysiane Gagnon avait raison ce matin: Le problème du gouvernement du Parti québécois actuellement, c'est qu'il n'y a pas de place à la réflexion, parce qu'il n'y a pas de place au doute, parce que la seule certitude qui occupe les esprits de ce gouvernement réuni en Conseil des ministres, c'est qu'ils ont raison, ils ont plus raison que tous ceux qu'ils doivent servir. Et c'est le problème fondamental.

C'est souvent comme ça qu'on voit un gouvernement arriver à la fin, un gouvernement sur le tard, un gouvernement fatigué. C'est un gouvernement qui est obnubilé par ses plans, ses cartons, qui se tourne à gauche et à droite, non plus pour consulter, mais pour répandre les ordres. De gauche à droite, M. le Président, on choisit ceux qui sont soit les plus serviles ou qui sont payés pour être à nos commandes et on leur dit: Fais ceci, fais cela; j'ai décidé que, pour le Québec, j'ai décidé que, pour tous les Québécois et toutes les Québécoises, c'était ce qui était bien. Et on ne se permet plus, même dans cette fausse croyance qu'ils savent tout, non pas de comprendre ce qui est dit, mais d'entendre le son de ceux qui ne partagent pas leur point de vue.

Alors, on leur propose des projets de loi comme le 165, comme le 28 où on vient dire aux citoyens: Je ne vous ferai plus de place, je ne vous veux plus. Le ministre va se lever pendant les quatre prochaines semaines, M. le Président, en nous disant que les gens qui seront sur les conseils d'administration viennent de la population. Mais nous y venons tous, de la population. La question n'est pas de savoir si nous sommes des citoyens ou des machines, nous sommes tous des citoyens qui viennent de la population. La question, c'est: Ces gens qui seront sur les conseils d'administration, qui sont tous Québécois, donc qui viennent de la population, auront-ils et tiendront-ils leur mandat de la population ou tiendront-ils leur mandat du ministre?

Est-ce qu'on va bâtir un réseau qui fait une place aux citoyens ou qui fait toute la place au ministre? Je vous le dis, je crois, je me bats, je veux, je souhaite un Québec qui fait de la place, qui donne de l'air, qui souhaite l'implication civique. Il faut qu'on bâtisse avec les gens et non contre les gens. Je peux pas comprendre que le Parti québécois ait décidé, tous... Ils ne sont pas tous fous du côté du Parti québécois, M. le Président; c'est des gens qui ont été élus, puis il y en a qui ont beaucoup d'allure. Je peux pas croire que, dans leur caucus, ils peuvent pas parler de ça. Voyons donc!

On peut pas dire à nos concitoyens: Je te veux plus. J'ai besoin de lui. On fait des levées de fonds dans les fondations. On souhaite ça. On y va tous, chacun dans nos comtés, on s'implique auprès de nos fondations. On veut que le citoyen se trouve, se reconnaisse dans son institution de santé. On veut qu'il se l'approprie. On veut que ça fasse partie du coeur de notre milieu de vie. Puis là on va débrancher ça, M. le Président. Je peux pas croire qu'il y a pas personne de l'autre côté qui ne dit pas au ministre: Écoute, essaie d'adapter ça. Politiquement, tu peux pas dire que tu t'es trompé, mais tu peux dire que tu as écouté. Tu peux dire que tu as trouvé des bonnes idées de l'autre côté. Ou peut-être pas de l'autre côté, dans la société en général, tout le monde se lève pour dire que le projet de loi a pas d'allure. M. le Président, même Michel Clair. Le ministre nous dit: Les projets de loi nos 28 puis 165, c'est Michel Clair qui nous a demandé de les faire. Puis Michel Clair sort dans les journaux puis il dit: C'est pas ça que j'avais dans la tête.

Alors, toutes les portes sont là pour que le ministre dise: Écoutez, j'ai regardé ça, puis peut-être... un petit peu trop loin, puis d'ailleurs j'avais l'idée déjà, puis on va ouvrir ça, il va y avoir plus de place pour les citoyens, puis les vrais citoyens, avec un mandat des citoyens. C'est comme ça qu'on va bâtir une société. C'est vrai pour la santé, c'est vrai pour l'éducation. Est-ce que, dans le fond ? posons-nous la question, M. le Président ? quand le ministre nous dit que c'est embêtant d'avoir des gens qui disent leur mot dans le domaine de la santé, ça nous amène à penser que demain, dans l'éducation, ça va être la même chose? Eux qui ont créé les comités de parents, soi-disant, M. le Président, soi-disant.

Il faut faire une place. On n'est pas là pour créer un milieu de vie pour 7 millions, on est là pour permettre aux 7 millions de créer leur milieu de vie, de vivre à leur mesure, de vivre avec leurs aspirations. On veut permettre aux Québécois de parler. On veut permettre aux Québécois d'influencer. On veut permettre aux Québécois d'espérer. Les Québécois n'ont pas juste à payer, ils ont à vivre. Nous avons à vivre ensemble. Nous devons nous faire une place à tous et à toutes.

J'espère, M. le Président... J'ai eu l'occasion en or, j'avais quelques minutes pour plaider une cause qui m'est chère. Cette cause, M. le Président, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici, pourquoi on nous donne un siège, pourquoi on met un nom sur notre pupitre. Cette raison, c'est de servir le Québec, de servir les Québécois. C'est pas mon idée du tout que servir l'ensemble de nos concitoyens serait de me mettre à genoux devant le ministre et de lui dire: Tout ce que vous décidez est bon et bien pour moi. Non. Mon mandat, comme celui de l'ensemble des citoyens, c'est de dire parfois au ministre: Bravo! vous avez pris une bonne décision. Et parfois de lui dire: Non, ça, c'est pas la bonne décision, c'est pas la bonne direction, il faut changer de cap. Et d'espérer qu'au bout, avec quelqu'un qui a un peu de vision, un peu d'oreille, un peu d'écoute, il va dire: Oui, c'est vrai, savez-vous, là-dessus, on s'est peut-être un peu trompé, on va corriger.

Vous savez, c'est comme pour les bonus de retraite. Ça prend pas grand-chose au gouvernement pour dire: Bon, c'est vrai, on n'avait pas évalué qu'il y avait tant de monde qui partirait. On s'est un peu trompé ? un peu beaucoup ? mais on va corriger le tir. On avait un plan de mise à la retraite, on va se donner un plan de réinsertion. On va se donner un plan où on va remettre des sommes d'argent. Parce qu'il faut les mettre, les sommes d'argent, elles existent. On est neuvième sur 10 au Québec. On a détourné 560 millions des fonds fédéraux supplémentaires pour cette année, qui devaient aller à la santé, qui n'y sont pas allés. L'argent est là.

n(12 h 30)n

Quand vous avez l'humilité de reconnaître vos erreurs, ça vous donne le tremplin pour changer, pour améliorer. C'est ça, notre objectif en politique. C'est pas de se chicaner les uns les autres, c'est de bâtir, c'est de construire. Oui, on n'a pas tous la même opinion, et tant mieux. C'est ça, la démocratie. Mais, tant qu'on permet qu'elle s'exprime, on construit. Le jour où on la fait taire, cette opinion contraire, on se tire dans le pied, on se pénalise, c'est une politique de terre brûlée, M. le Président. C'est de dire à nos concitoyens: Vous ne nous aidez pas, vous ne construisez pas le Québec. Mettez-vous dans le dernier wagon; nous, on est la locomotive, on sait où on s'en va. C'est pas comme ça qu'on bâtit une société. Ça, en tout cas, c'est pas le projet de société dans lequel, moi, je crois. C'est pas le mien. Ça fait que c'est pour ça que ce projet de loi n° 165, comme le 28, ne peut recevoir notre adhésion.

Je le dis au ministre, lorsqu'on arrive au principe d'un projet de loi, c'est peut-être bon d'envoyer des signaux. Je le dis au ministre, nous sommes parlables. On peut essayer encore, s'il le veut bien, de donner un signal ici, à l'Assemblée nationale. D'abord, un premier signal, on pourrait envoyer le signal qu'on n'est pas là pour faire des débats contradictoires mais faire des débats constructifs. Alors, dans le cadre de ce signal-là, je dis au ministre ? je lui tends la main: S'il revient au principe démocratique qui était celui de ses prédécesseurs, tel qu'exprimé lors des débats sur le projet de loi n° 74, nous allons trouver un terrain fertile pour une entente. S'il redonne une place aux citoyens, il y aura une possibilité pour qu'on s'entende, et sur le 165, très facilement sur le 165. Nous allons mettre de côté le fait qu'ils ont pendant 17 mois refusé d'agir, tel qu'ils l'avaient promis, et commencé par une simple nomination de président de comité qui n'a pas encore commencé à travailler. Mais on dira: C'est correct, on va passer l'éponge. On va leur donner une date cible puis on dira: Faites ça en six mois, en huit mois, puis terminez l'ouvrage. Donc, le 165 devra être pas si pire.

Le 28, il y a pas mal d'aménagements, mais, quand même, si on commence à discuter sur la possibilité de redonner la parole aux citoyens, bien, M. le Président, je pense qu'on est en voiture pour arriver à une entente. On va être capable de faire quelque chose. Ça, c'est un signal qu'on peut donner, celui de deux partis, deux formations qui sont capables et qui envisagent leur travail en Chambre sur des projet de lois, qui envisagent leur rôle de législateur non pas comme des compétitions partisanes mais comme de la production de pièces législatives qui devraient être utiles aux citoyens. Ça, c'est le premier résultat qu'ils pourraient tirer de cette discussion que le ministre pourrait entamer en saisissant la main que nous lui tendons, à savoir de redonner de la démocratie dans notre système.

La deuxième, M. le Président, est plus noble, plus grande. La deuxième, c'est: si le ministre saisit cette occasion, si le ministre saisit cette main tendue, non seulement va-t-il démontrer la possibilité de travailler comme législateur pour le bien commun, mais il va surtout démontrer que nous pouvons, nous devons compter sur nos concitoyens. Non seulement il faut leur faire une place, il faut leur faire la plus grande des places. En fait, c'est à nous de s'adapter à la place qu'ils veulent qu'on prenne. Le citoyen doit être le plus libre possible. On ne bâtit pas une société pour astreindre ou pour contraindre le citoyen, on bâtit une société pour le faire respirer, lui permettre de se développer, parce que chacun de nos concitoyens, de nos concitoyennes est une partie de notre développement. Refuser leur capacité à s'épanouir, c'est se refuser comme société de se développer, c'est se refuser le droit de grandir.

M. le Président, nous souhaitons, je souhaite du fond du coeur que nous revenions à cette idée noble, à cette idée à la base de la démocratie qui a plus de 2000 ans, à cette idée où nous ne sommes pas maîtres de nos concitoyens, nous leur sommes redevables, et il n'y a qu'une seule façon d'exercer ce rôle. On a toujours l'impression que notre rôle consiste à parler, mais je vous soumets que ce n'est là que l'accessoire. Notre rôle, c'est d'abord d'écouter, et, pour écouter, il faut permettre à l'opinion de s'exprimer. Notre rôle, c'est de donner le plus d'air et le plus d'espace possible à ceux qui d'entre nous ont d'autres idées et qui pourront nous faire grandir.

Je suis persuadé que, si le ministre saisit la main que je lui tends pour redonner de l'air au Québec, pour permettre aux citoyens de reprendre leur place, il va nous permettre à nous, tous les législateurs que nous sommes, l'ensemble du corps législatif, de faire une oeuvre utile pour le Québec. On va se redonner une lancée d'espoir, on va se dire qu'il est possible, au Québec, de parler, qu'il est possible d'influencer, qu'il est possible d'espérer. Ce n'est pas propre à un parti ou à un autre. Je souhaite, M. le Président, que ce ne soit pas l'apanage d'un parti ou d'un autre, celui de donner aux Québécois la capacité et le goût d'espérer. Je serais déçu que ça devienne l'apanage d'un seul parti, que ça devienne une question partisane parce que l'un veut imposer et dicter sa règle, et que l'autre puisse permettre à l'espoir d'émerger. Je souhaite, au contraire, une assemblée nationale qui a comme base, pour l'ensemble des parlementaires, la possibilité, la capacité de donner le droit de parole, le droit d'influencer, le droit d'espérer à chacun de nos concitoyens. Nous le leur devons parce que c'est pour cette raison qu'ils nous ont envoyés ici, à Québec. Et, cette idée, je la fais mienne pour longtemps, et j'espère qu'elle saura convaincre le ministre dans les débats à venir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Châteauguay et whip de l'opposition. Y a-t-il d'autres intervenants? Pas de réplique non plus?

Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 165, Loi modifiant la Loi concernant le mandat des administrateurs de certains établissements publics de santé et de services sociaux, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission
des affaires sociales

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales et pour que le ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux en soit membre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

M. Boisclair: L'article 9, M. le Président.

Projet de loi n° 15

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce ne sera pas très long, j'arrive. Voilà l'article 9. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la santé publique et la Loi sur la protection sanitaire des animaux. M. le ministre, je vous cède la parole.

Des voix: Bravo!

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Alors, M. le Président, un deuxième projet de loi, le projet de loi n° 15, qui est essentiellement un geste de prévention. C'est-à-dire, comme pour l'ensemble du système de santé et des services de santé, il faut s'assurer, en saisissant la perche qui a été tendue, qu'il y ait davantage de démocratie, moins de lobbys, et refuser d'embarrer la démocratie à un 1 % ou refuser de verrouiller l'expression de la population à 1 %. Il faut ouvrir, il faut créer des voies pour la population.

Il faut que soient créés, au Québec, 18 forums de la population pour qu'elle s'exprime, cette population, sans ambages, sans enfarge administrative, sans aucune limite, que soient formés à travers le Québec 18 forums de la population pour permettre à cette population, à ces groupes constitués de la société civile de s'exprimer sur les besoins en termes de santé et de bien-être et la satisfaction de ces besoins quant à l'organisation des services par les établissements ? les CLSC, les hôpitaux, les foyers pour personnes âgées, les centres de réadaptation et les autres établissements, nos centres jeunesse, par exemple ? de répondre aux besoins qui ont été exprimés par la population et que la population, de façon continue, ouverte, sans contrainte, dans un élan de démocratie, puisse trouver un lieu d'expression de la satisfaction de la réponse que nous avons fournie pendant l'année avec des administrateurs de la région concernée. C'est ça, le grand principe, c'est ouvrir davantage la participation, davantage l'expression de la population.

n(12 h 40)n

Et, quand on arrive sur le terrain du concret, M. le Président, c'est pourquoi le projet de loi n° 15 est devant nous, essentiellement parce qu'il est à nos portes un danger. Oui, il y a un danger qui est à notre porte, et ça s'appelle la propagation du virus du Nil occidental, une histoire simple mais qui nous demande de prendre des précautions immédiatement.

En simple, il y a la propagation d'un virus actuellement qui, le nom le dit bien, est originaire d'insectes et transporté par les insectes à partir de la partie occidentale du Nil, et la propagation a atteint nos voisins américains, l'an passé, dans la région de New York. Ce n'est pas tellement loin, New York, de la grande région de Montréal, en particulier de la région de la Montérégie. Bien, il a été diagnostiqué, donc, par des animaux contaminés par des insectes. Ces animaux ont à leur tour communiqué le mal engendré par le virus du Nil à des personnes, puis il y a eu neuf décès. Bon, comme on sait maintenant qu'il y a donc un déplacement possible du virus du Nil occidental, bien, c'est de notre responsabilité, en santé publique, de prendre les précautions au cas où cela arriverait, cet été 2001, au Québec, puisqu'on est à peine à une centaine de kilomètres de l'endroit où il y a eu une telle propagation.

Le projet de loi qui est présenté, c'est essentiellement, M. le Président, pour donner la capacité aux directions de santé publique de chacune des régions du Québec ? mais, plus particulièrement, là, c'est pour la région de Montréal; Lanaudière, Laurentides, Montérégie, Montréal même, l'île de Montréal et la région de Laval ? que, dans le réseau de surveillance qui a été mis sur pied par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation avec la direction de la santé publique de chacune de ces régions, s'il y avait la moindre alarme, eh bien, nous soyons en mesure d'avoir les instruments adéquats pour stopper la propagation. Et, posant ce geste-là, ça veut dire de se mettre au travail immédiatement sur les meilleurs moyens pour arrêter cette propagation.

Un des éléments, c'est évidemment, lorsqu'on est en matière d'insectes qui propagent ce virus d'origine du Nil occidental, l'arrosage préventif. Mais pas l'arrosage préventif avec n'importe quoi, là, M. le Président. Il faut que le ministère de l'Environnement, les directions régionales du ministère de l'Environnement soient au travail immédiatement, et elles le sont déjà, au travail, pour faire en sorte que le matériel utilisé soit le matériel... qu'il n'y ait pas d'impact sur les populations. Mais, ce faisant, nous avons besoin d'une disposition législative en matière de santé publique pour que les médecins à la direction de la santé publique de chacune des régions possiblement concernées dans la grande région de Montréal puissent prendre une décision de stopper, avec les meilleurs moyens, la propagation du virus, si tel était le cas.

Tout le monde, on a mis sur pied un vaste réseau de surveillance pour d'abord s'assurer qu'il n'y a pas apparition et que, dès lors qu'il y aurait apparition, on soit en mesure de stopper la propagation, parce que ça peut entraîner le décès et avoir des conséquences. Ne serait-ce que sur une personne, c'est déjà trop. On va prendre le maximum de précautions pour faire cela.

Alors, le projet de loi sera donné dans le détail parce que nous l'étudierons à l'occasion de la commission parlementaire qui va prendre en compte et qui va discuter chacun des articles. Le projet de loi n° 15 sur la protection de la santé publique et la Loi sur la protection sanitaire des animaux, ça veut dire essentiellement pour la population une loi qui va autoriser le gouvernement, et ses directions de santé publique, et ses réseaux de surveillance à travers tout le Québec à prendre action pour arrêter, avec tous les moyens qui sont à leur disposition et qui pourront être analysés auparavant, la propagation possible du virus du Nil occidental, puisque cela, encore une fois, est arrivé aux États-Unis, dans la région de New York, l'année dernière, tous les moyens préventifs.

Et je répète, en conclusion, parce que c'est très important. Pendant cette période-là ? nous sommes encore au mois de mai ? le ministère de l'Environnement, le ministère de l'Agriculture, les directions de santé publique dans chacune des régions, le ministère de la Santé et des Services sociaux, nous sommes au travail pour déterminer quels seraient les produits à utiliser, avec l'objectif d'utiliser des produits qui n'auront pas d'incidences sur la santé humaine, parce que justement le moyen recherché, c'est la protection de la santé des individus, et l'ensemble de la santé des individus, ça s'appelle la santé publique. Le projet de loi, il vise donc à se donner l'autorisation collective d'intervenir pour arrêter, si besoin était, la propagation du virus du Nil occidental dans la région de Montréal. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Châteauguay et whip de l'opposition.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, puisque c'est le choix que le ministre a fait de reparler du projet de loi n° 28 avant de nous parler du projet de loi n° 15, je vais être obligé de relever encore une fois son énoncé à l'effet que ce qu'il a l'intention, c'est de ne pas bâillonner une démocratie qui en ce moment se limite à 1 %, en choisissant de ne plus avoir de démocratie. Je ne veux quand même pas dénaturer ses propos, parce qu'il y a une alternative qu'il propose. Alors, ses propos sont les suivants. Il y en a 1 % qui votent, et il oublie tous ceux qui se présentent dans les conseils d'administration pour soumettre leurs points de vue, il oublie toutes les réunions où les gens redevables à la population font des choix, expriment des points de vue, et il se limite à une seule journée où les gens vont voter dans une démocratie naissante. Il dit: Je ne veux pas limiter la démocratie à ce 1 %, donc j'abandonne l'idée même de démocratie. Je vous dis que c'est la meilleure illustration de cette expression qui veut qu'on jette le bébé avec l'eau du bain. C'est exactement ça. Plutôt que de souhaiter une démocratie plus active, une participation plus grande, plutôt que de dire: Nous allons permettre aux citoyens d'avoir une place et leur dire qu'ils ont une place, leur envoyer un message comme quoi ils doivent prendre leur place, on leur dit: Il n'y a plus de place, restez chez vous, on va décider pour vous. Je dois vous avouer que là-dessus nous sommes en opposition, c'est assez marqué.

Mais je dois continuer. Il nous a parlé des 18 forums. Alors, il nous a dit... Imaginez, il y a je ne sais plus combien d'établissements, là, 400 établissements. Il y a des réunions... Combien?

Une voix: ...

M. Fournier: 454? 454 établissements, M. le Président, au Québec. Ça en fait, des forums, ça. C'est pas 18 forums, ça, c'est 450 forums, ça. Il y a des établissements avec des conseils d'administration qui ne se réunissent pas deux fois par année, comme le forum en question, 10 fois par année en séance publique. Alors, on conviendra, M. le Président, que, lorsqu'on parle du 28, soyons clairs. Puis le ministre ne devrait pas avoir peur des mots, c'est ce qu'il veut faire. Je sais que politiquement ça ne doit pas être facile à vendre, mais ce qu'il veut faire, c'est prendre le contrôle de l'appareil en se disant qu'il est seul à savoir ce qu'il y a à faire avec l'appareil puis qu'il est le seul légitime à choisir la destination de l'appareil. Je lui soumets qu'il a certes le plein pouvoir comme ministre d'un gouvernement dont une des juridictions est la santé, mais qu'il n'est pas et qu'il ne doit pas, jamais, chercher à être le seul qui choisit la destination.

Le pilote de l'avion n'est pas celui qui décide où vont les gens qui embarquent; on doit encore donner la liberté aux passagers de choisir leur avion. On doit permettre que ce soit le citoyen, le passager de l'avion qui décide où il s'en va, pas le pilote. Tu n'arrives pas à Dorval, comprends-tu, tu montes dans un avion, tu t'assois puis tu dis: Je ne sais pas où est-ce qu'il va m'emmener. Alors, le ministre, c'est ce qu'il veut faire. Il y a une expression qui a été utilisée par certains groupes, qui s'appelle prendre en otage le système de santé. Ça se ressemble un peu, M. le Président. Enfin, c'est ce qui nous sépare. C'est des visions différentes. On va voir comment le gouvernement va ajuster, parce qu'on sait que le ministre devra ajuster. Alors, on va le suivre. Moi, j'ai tendu la main puis j'espère que les ajustements viendront. Je suis persuadé qu'avec la bonne volonté à naître du gouvernement du Parti québécois il est possible de faire quelque chose. Encore faut-il qu'on s'entende sur cette base-là: le citoyen doit avoir sa place, on doit l'encourager à prendre sa place plutôt que lui dire: Sais-tu, dans le fond, reste chez vous, on n'a pas besoin de toi.

Bon, revenons donc maintenant à ce projet de loi n° 15, et c'est une belle occasion. Voilà une belle occasion. Je suis content qu'on parle du projet de loi n° 15 tout de suite après qu'on a parlé du 165 et d'abondance du 28 parce que j'annonce déjà au ministre que nous allons être d'accord avec le projet de loi n° 15. Alors, j'établis à tous ceux qui nous écoutent que l'Assemblée nationale, les travaux parlementaires ne sont pas qu'un endroit où on fait des débats contradictoires, il est possible de s'entendre.

n(12 h 50)n

Je vais aller plus loin dans l'exposé que j'ai déjà fait tantôt. J'ai dit que ce qui était important en démocratie, ce n'était pas de parler, bien que ce soit ce qu'on fait beaucoup, mais d'écouter ? écouter, lire, voir ce que les gens pensent et donner un sens à ce qu'ils nous disent ? et je vais m'employer, durant quelques minutes, M. le Président, à soulever des questions et des considérations qui sont sur la place publique actuellement et qu'il est mon devoir de ramener pour espérer que le ministre pourra y répondre, peut-être pas nécessairement aujourd'hui. On aura le loisir de partager des réflexions lors de notre réunion en commission parlementaire. J'espère que ce sera le plus public possible, parce qu'une de ces considérations est justement sur la publicité ou la transparence sur l'information à donner à l'égard du virus du Nil occidental.

Je dois vous dire, parce que j'ai fait le test avec quelques-uns de mes amis ? je limite le rayon d'action, pas à l'ensemble des concitoyens du Québec mais à quelques amis ? que ça ne leur disait pas grand-chose, le virus du Nil occidental, et je dois aussi vous dire, M. le Président, que j'ai eu l'occasion de fréquenter de nombreux maringouins hier et que maintenant, moi, j'ai une préoccupation du virus du Nil qui ne doit pas m'amener non plus à la panique. Alors, pour éviter qu'il y ait une panique appréhendée lorsque des discussions seront abordées là-dessus, il faut s'assurer qu'il y ait une compréhension, une large information dans le public, parce qu'il ne faut pas que ça commence à devenir une paranoïa non plus. D'ailleurs, il y a des gens du domaine qui disent: Attention, là, il y a d'autres infections autrement plus dangereuses, autrement plus graves. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'en occuper. Je comprends très bien puis je signale au ministre qu'on est d'accord. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'en occuper, mais il faut le faire avec une juste mesure pour ne pas que ça devienne ? parce que ce n'est pas le cas, d'une part; ce n'est pas une attaque que je fais, ce n'est pas le cas ? une image dans la population que la Santé publique ne s'occupe que du virus du Nil occidental. Elle s'occupe d'autre chose. Mais en même temps faut donner une publicité à ça, faut donner de l'information, faut que les gens sachent qu'est-ce qui se passe.

M. le Président, je vous lis un passage d'un article de journal que je lisais, où on s'aperçoit que, savez-vous, si on n'a pas d'information puis si la population ne partage pas assez de notions là-dedans, pas si facile que ça de se faire une idée, parce que ça a l'air correct comme ça, hein? Il y a un virus qui s'en vient, les moustiques, les oiseaux, puis, dans le fond, on arrose, puis il n'y en a plus. Ah! ça va assez bien. Quand tu commences l'histoire puis que ça finit comme ça, les problèmes se règlent rapidement, mais c'est peut-être pas l'ensemble de l'histoire. Alors, je vous cite un passage d'un article de journal que je lisais la semaine dernière et qui dit ceci: «Le fameux virus qui risque d'atteindre le Québec cet été ne constitue pas un problème qui puisse justifier des arrosages aériens, disent l'Union québécoise pour la conservation de la nature et la Coalition pour les alternatives aux pesticides.» Et un passage plus loin: «Un arrosage aérien tuerait non seulement les moustiques porteurs du virus, mais ? c'est comme ça que ça marche ? tous les autres insectes.» Il disait donc, de façon générale, en environnement, notre Steven Guilbeault, de Greenpeace: On ne règle pas un problème en en créant un autre.

Et le ministre de l'Environnement est là aussi, c'est une préoccupation que je partage avec eux. Il faut s'assurer que non seulement nous ayons des outils... Puis je vois que, dans le projet de loi, il y a quand même l'Agriculture, l'Environnement, la Santé et les Affaires municipales qui sont impliqués, parce qu'il faut savoir que ça concerne aussi les municipalités qui ont des règles là-dedans. Et, moi, ce que je souhaite, c'est qu'il y ait non seulement une large diffusion de l'information, mais qu'on soit constamment non seulement interpellés, mais en ouverture, en écoute face aux intervenants, les agriculteurs, pour qu'on puisse savoir quel est l'effet, qu'eux sachent quel est l'effet. Puis il faut penser aux agriculteurs au sens large, pas juste ceux qui ont des grandes plantations, mais tous ceux qui font de la récolte, pour s'assurer que, ce qu'ils consomment, il n'y ait pas de doute là-dessus puis ce soit valable.

Alors, même chose pour le monde municipal, M. le Président. Je vous le dis tout de suite, en plein été, si jamais il y a un problème, savez-vous où ça va se passer, l'action? Ça ne se passera pas ici, à Québec, ça ne se passera pas à l'Assemblée nationale, nous autres, on va nous finir ça en filibuster dans quatre semaines. On va nous bâillonner. On s'en va chez nous, on fait nos cas de comté. On fait nos cas de comté, cet été, je le dis, puis les gens savent très bien de quoi je parle, hein? On va dans nos cas de comté. Mais ça va se passer où? Ça va être où, le forum? Bien, dans les conseils de ville. C'est là que ça va se passer. C'est là que les gens qui sont proches de leur milieu de vie interviennent. Je ne veux pas revenir sur le 28 encore, mais laisser une place au citoyen, c'est lui développer des forums où il peut parler et où il peut parler tout le temps, pas juste deux fois par année. Donc, ça va être là que ça va lever.

Il faut que les gens du monde municipal, que les agriculteurs, que les spécialistes de l'environnement puissent être non seulement aux côtés de la Santé publique, mais avec la Santé publique, intervenant constamment, en sachent autant, des fois sinon plus, mais autant, M. le Président, que le ministère de la Santé et des Services sociaux, notamment sa Direction de santé publique, éventuellement sa Direction nationale de santé publique.

Mais, c'est un fait, lorsqu'il arrive des problèmes comme ceux-là, le pire danger, c'est la désinformation. Le pire risque qu'on peut courir, c'est de ne pas en savoir assez. Alors, il y a pas d'autre solution ? c'est vrai pour tout; dans ce cas-là, c'est encore pire ? que de donner le plus d'information et de se dire: Bon, bien, j'ai fait un communiqué, j'ai fait un petit pamphlet, on a fait une affiche, je pense qu'on a fait notre travail. Je pense qu'il doit y avoir un suivi sur les opérations qui sont faites pour voir le taux de pénétration de l'information. C'est quoi, ce virus du Nil occidental? Comme ça arrive chez vous? Si vous l'avez, c'est-u grave ou pas grave? Il y a combien de cas? Ça engendre quoi? Déjà, quand on commence à lire un peu sur le sujet, c'est beaucoup moins paniquant, parce qu'on s'aperçoit que ce n'est pas si dangereux que ça tout le temps. Il y a un danger, il existe, il faut agir.

Le gouvernement propose une mesure; nous l'appuyons. Nous souhaitons simplement qu'à l'égard de cette mesure qui viendra ? la mesure législative, d'une part, des outils et des moyens qu'on va se donner avec cette pièce législative ? on puisse s'assurer que l'ensemble des intervenants au premier titre concernés, que je nommais tantôt ? Environnement, Agriculture, Affaires municipales, Santé publique ? soient en équipe, ensemble, qu'on sente, qu'on ait la sensation, que le citoyen, là, se dise: Ah oui, c'est comme ça que ça se passe, ils sont en multidisciplinaire, ils travaillent tous ensemble, parce que des fois on a un son de cloche. Vous voyez, je lisais tantôt des articles de journaux. Des fois, on se dit: Bien là c'est-u l'agriculture qui a pris le dessus? C'est-u le monde municipal qui est maté parce que Québec passe par-dessus puis qu'il dit: Moi, je vais imposer mon arrosage de pesticides, alors que, toi, la municipalité, tu dis: On n'en fait pas chez vous? Ou c'est-u ceux qui protègent l'environnement, qui sont les défenseurs d'une qualité de vie environnementale, qui disent: On n'a pas besoin de faire ça, parce que tu vas créer plus de problèmes si tu fais de l'arrosage? Parce que, quand t'en tues un sorte, tu peux en tuer plusieurs sortes, et, si tu diminues le bagage que nous avons, soit au Québec ou ailleurs, on n'améliore pas la situation.

Alors, il faut s'assurer que les gens travaillent ensemble et que l'impression du public... L'impression populaire est à l'effet qu'ils travaillent ensemble. C'est rassurant de voir que les gens qui militent pour l'environnement partagent le point de vue de ceux qui militent pour l'agriculture ou les institutions que sont les Affaires municipales et la Santé publique. C'est déjà une des façons de faire de la communication, passer ce message là.

Deuxièmement, ceux qui le sont au deuxième titre... Je parlais de ceux qui étaient les intervenants au premier titre, tantôt, mais ceux qui interviennent en second lieu, au deuxième titre, les gens qui sont soumis à une batterie de messages à tous les jours, qui viennent de tous les milieux, de tous ordres, et qui, là, tout à coup, vont voir débarquer chez eux... Parce que, je vous le dis, c'est pas fait encore. C'est pas parce qu'il y a eu deux ou trois pamphlets, puis deux articles dans les journaux, puis un projet de loi qui est passé, qu'il y a quatre paragraphes dans les articles de journaux, qu'ils vont le laisser. On ne sait pas de quoi on parle puis on ne sait pas que ça existe.

Moi, ce que je souhaite, c'est que les gens aient le plus d'information possible, puissent avoir la possibilité de poser des questions, qu'il y ait des lignes téléphoniques d'ouvertes pour pouvoir les informer. À tous égards, il y a Info-Santé qui peut être d'une certaine utilité là-dedans. J'espère qu'ils auront l'ensemble des informations et qu'ils pourront y répondre. Mais, pour les autres préoccupations environnementales, notamment, je ne suis pas sûr que c'est à Info-Santé qu'il faut appeler, là, pour pas non plus surcharger les lignes, mais laisser à Info-Santé sa propre mission. Mais il faut développer des moyens de communication pour s'assurer qu'on réponde aux questions qui seront posées et, pour revenir dans la thèse que je développais tantôt sur le projet de loi n° 165, pour écouter, pour entendre, pour jouer notre mission première de parlementaires, qui n'est pas de parler mais d'écouter pour voir ce que les gens ont à dire.

Qui sait, peut-être qu'il y a quelqu'un qui a ici une bonne idée, qui a une connaissance particulière qui n'a pas été portée à la connaissance de l'État. On a une fonction publique, et un gouvernement, qui peut compter sur bon nombre de gens, mais personne peut se croire en possession tranquille de la vérité ? expression qui était utilisée à l'époque ? et tout le monde doit cultiver le doute. Tout le monde doit chercher à avoir les meilleures solutions. Je pense que, dans ce cas-là, on ne peut pas faire autrement que de souhaiter qu'il y ait une communication.

n(13 heures)n

Je cite ce passage de la revue de presse ? je sais qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, M. le Président: «Le ministère, déplore également Richard Gendron, de l'UQCN, ne semble pas avoir non plus de plan de communication pour informer la population de l'évolution de la situation.» Alors, ce que je dis là, dans le fond, c'est une pensée que j'ai moi-même, mais elle est inspirée de ce qui se passe sur le terrain. Alors, c'est un souhait que je formule. Et je m'interromps à l'instant parce que vous voulez m'interrompre, mais peut-être que j'aurai un peu de temps un peu plus tard cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, si vous voulez poursuivre cet après-midi, c'est votre droit. Vous n'avez pas terminé. Oui? Alors, étant donné qu'il est 13 heures, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

 

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci de votre accueil. Merci de votre accueil. Alors, je vous prierais de vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, merci. Ça me fait véritablement plaisir de vous revoir après ces mois d'absence. Et, sans plus tarder, je vais demander au leader de nous présenter l'ordre du jour.

M. Boisclair: M. le Président, je tiens à mon tour à souligner votre retour. Nous sommes heureux d'accueillir à l'Assemblée nationale un président qui a non seulement du coffre, mais qui a aussi de la colonne.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Alors, d'abord, je dois tout de même avouer, M. le Président, qu'elle était inspirée par mon bon ami le whip du gouvernement.

D'abord, M. le Président, je ferais motion pour ajourner le débat sur le projet de loi n° 15.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Je vais à mon tour, en mon nom personnel et au nom des membres de l'opposition officielle, souligner votre retour avec joie. Et puis-je porter à votre attention, eu égard au projet de loi n° 15, que mon collègue le député de Châteauguay n'a pas terminé son intervention sur cette importante matière? Je vous demande donc de le prendre en considération et de réserver ses droits d'intervenir.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour ajourner également le temps de parole du député?

M. Boisclair: M. le Président, c'est ce qui a été convenu. Effectivement, le député pourra poursuivre son intervention. Mais, à ce moment-ci, je fais motion pour ajourner le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): D'accord. Merci beaucoup. La motion est adoptée? Motion adoptée. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. M. le Président, je vous prie de prendre en considération l'article 46 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 2

Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 46 de votre feuilleton, alors M. le ministre de la Justice et député de Louis-Hébert propose l'adoption du projet de loi n° 2, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 2? Alors, M. le ministre de la Justice et député de Louis-Hébert.

M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, à mon tour de vous souhaiter bon retour, bon rétablissement, un dos bien installé comme ça, confortablement, pour être capable de nous écouter sans retomber dans les difficultés. Alors, bon rétablissement et bienvenue chez nous.

Alors, le projet de loi n° 2 constitue la mise en oeuvre du deuxième rapport du comité Bisson, appelé Comité de la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Laval, de Montréal et de Québec. Nous avons déjà eu l'occasion d'intervenir à deux reprises dans cette Chambre. Il s'agit de donner suite intégralement à ce rapport qui modifie le régime de retraite des juges, en fait, je devrais dire qui constitue un nouveau régime de retraite pour les juges avec tous les accommodements requis pour s'assurer que les juges ne subissent aucun préjudice, compte tenu de la date de l'adoption de la présente loi.

Alors, M. le Président, je soumets pour adoption ce projet de loi. Il y aurait cependant... Non, ce n'est pas dans ce dossier-là, excusez-moi. Alors, nous sommes prêts à procéder à l'adoption du projet de loi lui-même. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre de la Justice et député de Louis-Hébert. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Bourassa. Mme la députée.

Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci bien, M. le Président. J'espère que nous n'aurons pas à vous faire lever trop souvent.

Tel que le mentionnait le ministre de la Justice, nous en sommes donc rendus à l'adoption finale du projet de loi n° 2, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires. Permettez-moi de rappeler succinctement et encore une fois qu'il s'agit d'un projet de loi qui vient modifier la Loi sur les tribunaux judiciaires en introduisant un nouveau régime de retraite pour les juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Laval et Québec ainsi que pour les juges de la Cour municipale de Montréal, dans la mesure où une entente est conclue entre la ville de Montréal et la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances. Le même projet de loi apporte également certaines modifications aux avantages sociaux des juges de la Cour du Québec.

Il y a effectivement eu à deux occasions des interventions, notamment une intervention lors de la prise en considération du rapport. Nous sommes intervenus également à ce moment-là pour illustrer que le projet de loi ou que les circonstances entourant l'adoption de ce projet de loi là n'avaient pas été faciles, pas plus que facilitées, notamment compte tenu d'un manque de cohérence de la part de l'ex-ministre de la Justice et Procureur général. Alors, les interventions que nous avons faites avaient été faites pour illustrer ce contexte bien particulier.

Nous avons procédé, à l'occasion de l'étude détaillée, d'une façon sérieuse. Nous avons soumis des questions à M. le ministre de la Justice, et nous avons trouvé réponse. M. le ministre a effectivement confirmé que le projet de loi n° 2 respecte intégralement les recommandations du Comité sur la rémunération, ce qui malheureusement n'avait pas été le cas lors du dépôt du projet de loi n° 178. Alors, en quelque sorte, il y a un an qui a été perdu, et c'est bien dommage. Il eût été préférable que, à prime abord, lors du dépôt de la motion à l'Assemblée nationale et lors du dépôt du projet de loi n° 178, l'ex-ministre de la Justice respecte intégralement les recommandations du Comité de la rémunération des juges.

Vous vous souvenez, M. le Président, de la substance de ce projet de loi là qui vise les avantages sociaux. Permettez-moi de citer, à titre d'exemple, le cas où un juge est atteint d'une incapacité permanente. Et alors on va viser à raffiner cette situation-là.

On parle également des dépenses de fonction, un autre domaine qui était extrêmement important pour les juges, vous le comprendrez, dans l'exécution de leur importante tâche. Il y a donc eu des modifications importantes qui ont été apportées.

Il y a aussi des mesures qui touchent au régime de retraite proprement dit, secteur pointu et particulier, où nous avons pu bénéficier de la collaboration de mon collègue le député de Verdun qui est venu soumettre des questions particulières relatives à certaines mesures prévues au chapitre du régime de retraite.

Alors, il va sans dire que le ministre ayant confirmé, tel que le précisait l'article 40 du projet de loi n° 2, que les dispositions cette fois-ci sont conformes intégralement au rapport du Comité des juges, l'opposition officielle appuie bien entendu également le projet de loi, M. le Président. Alors, je vous remercie.

n(15 h 10)n

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de Bourassa. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 2?

Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 2, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, veuillez prendre en considération l'article 48 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 177

Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 48 de votre feuilleton, M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose l'adoption du projet de loi n° 177, Loi sur les géologues. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 177? Alors, M. le ministre de la Justice.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Et responsable de l'application des lois professionnelles dans ce cas-ci, M. le Président. Alors, M. le Président, il s'agit d'un projet de loi qui a pour objet de créer un nouvel ordre professionnel, celui des géologues.

Alors que j'étais ministre de la Justice, entre 1994 et 1997, j'ai eu l'honneur de créer deux ordres, soit l'acupuncture et celui des huissiers. Entre-temps, il s'est créé un nouvel ordre professionnel qui est celui des sages-femmes.

M. le Président, nous avons au Québec un Code des professions qui a été élaboré... On me dit même qu'il y a un député ici qui y a participé, le député de Sainte-Marie... pas Sainte-Marie, Saint-Louis. Alors, M. le Président, nous avons un système professionnel depuis 1973 et qui fait en sorte que, si un groupe représente certaines caractéristiques et s'il rencontre les exigences de la loi, il peut être reconnu comme étant un ordre professionnel. L'objectif de se faire reconnaître, c'est de s'assurer que, en tout temps, l'intérêt du public sera protégé. En fait, c'est la protection du public qui est le premier critère pour reconnaître l'utilité d'avoir un ordre professionnel et si, oui ou non, il peut exister. Cet ordre, une fois qu'il est créé, a la capacité de s'autogérer et de s'autoréglementer, bien sûr en obtenant les autorisations de l'Office des professions qui a la charge, en général, de l'application des règles relatives aux ordres professionnels.

Donc, l'Ordre des géologues, qui en même temps est relativement proche de l'Ordre des ingénieurs, a fait l'objet d'une longue démarche, d'un long cheminement pour obtenir cette reconnaissance d'un ordre professionnel. Il y a eu de longues discussions. Ça n'a pas été nécessairement facile, mais, ultimement, il a été convenu que, oui, les géologues pouvaient constituer un ordre professionnel distinct de tout autre ordre professionnel et que c'était maintenant dans l'intérêt de la protection du public que cet ordre professionnel soit constitué. Donc, aujourd'hui je soumets à l'approbation de cette Chambre le projet de loi qui crée cet ordre professionnel.

Vous savez, souvent, c'est des événements malheureux qui nous amènent à comprendre mieux la nécessité d'une chose. Avant que... L'événement de Bre-X, vous vous rappelez, cette compagnie minière, qui a eu un écho international, mais pas nécessairement du plus bel effet, a quand même montré à quel point le géologue jouait un rôle important dans la protection du public et que, quand cette personne n'exerçait pas bien sa fonction, le public pouvait être lésé. Alors, je crois que ce malheur a servi à inspirer le législateur pour justement proposer que dorénavant les géologues forment un ordre professionnel distinct.

Ailleurs, dans les autres juridictions, on s'est comporté de manière différente. Par exemple, en Ontario, on a adopté la constitution d'un ordre professionnel distinct en ce qui concerne les géologues, distinct de celui des ingénieurs, alors que dans d'autres juridictions, les autres provinces, on a plutôt opté d'aménager ? sans entrer dans les détails ? une place particulière aux géologues à l'intérieur de l'ordre des ingénieurs.

Alors, M. le Président, je pense que c'est une bonne chose qu'à compter de maintenant les géologues puissent se constituer un ordre professionnel, établissent la réglementation qui régisse ses membres, se cotisent pour faire fonctionner cet ordre professionnel et que le public soit protégé de la meilleure façon possible, comme nous le faisons pour 44 autres ordres professionnels actuellement.

Alors, M. le Président, on ajoute au projet de loi que pourront être admis les géologues ou géophysiciens qui, après un premier cycle en génie ou en sciences physiques, détiennent un diplôme de deuxième ou de troisième cycle en géologie ou géophysique avec, dans ce dernier cas, une expérience pratique que peut exiger le comité examinateur. Alors, l'article 23 du projet de loi, quant à lui, prévoit qu'un géologue non résident est réputé détenir une autorisation spéciale d'exercer au Québec dans les 12 mois suivant l'entrée en vigueur de cette disposition. Alors, il y aura la capacité, pour l'ordre nouveau, d'établir par règlement des normes sur la reconnaissance de la formation requise pour faire partie de l'ordre professionnel.

Alors, je propose l'adoption du projet de loi n° 23. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le ministre de la Justice et député de Louis-Hébert et responsable des lois professionnelles. Excusez-moi, monsieur... Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Il y a un amendement qui doit être...

M. Bégin: Non, ce n'est pas un amendement, M. le Président.

M. Boisclair: Une motion.

Motion d'amendement aux références contenues
dans le projet de loi conformément à l'entrée
en vigueur de la mise à jour des Lois refondues

M. Bégin: Je m'excuse, c'est une motion que vous me permettrez de lire:

«Procéder à l'ajustement des références contenues dans les articles du projet de loi n° 177, Loi sur les géologues ? alors, tout à l'heure, j'ai dit 23, mais c'est 177 ? afin de tenir compte de l'entrée en vigueur, le 2 mai 2001, de la mise à jour arrêtée au 1er avril 2000 de l'édition sur feuilles mobiles des Lois refondues du Québec (décret n° 461-2001 du 25 avril 2001).»

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Je pense qu'il y a eu une entente, et peut-être que le leader du gouvernement, à ce moment-ci, pourra nous le confirmer. Mais je voudrais tout simplement protéger le droit de parole du représentant de l'opposition en ce domaine, le député de D'Arcy-McGee, sur cette question.

n(15 h 20)n

Le Vice-Président (M. Pinard): Mais, avant de... Si vous le permettez, M. le leader adjoint du gouvernement, on va adopter la motion d'ajustement des références des Lois refondues. Ensuite, est-ce qu'il y a, à ce stade-ci, une motion d'ajournement du débat? Oui?

Mise aux voix

Alors, est-ce que la motion d'ajustement des références contenues dans les Lois refondues du Québec est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader, vous faites motion.

M. Boisclair: Motion pour ajourner le débat, M. le Président, et effectivement préserver ainsi les droits du porte-parole de l'opposition, que nous accommodons.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que l'ajournement du débat est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: L'article 28, M. le Président.

Projet de loi n° 180

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 28 de votre feuilleton, M. le ministre de la Justice et député de Louis-Hébert propose l'adoption du principe du projet de loi n° 180, Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la divulgation de renseignements confidentiels en vue d'assurer la protection des personnes. Alors, y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 180? Alors, M. le ministre.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi n° 180 s'inscrit dans la foulée, d'une part, de la politique d'intervention en matière de violence conjugale et familiale adoptée par le gouvernement et, d'autre part, de la Charte des droits et libertés de la personne qui reconnaît que tout être humain dont la vie est en péril a droit au secours. L'objectif essentiel de ce projet de loi est de lever les obstacles empêchant la communication de renseignements afin d'assurer la protection des personnes qui font face à un danger imminent de mort ou de blessures graves.

Permettez-moi, M. le Président, de rappeler le contexte factuel qui a mis en évidence la problématique qui a mené au projet de loi n° 180. En 1997, à la suite d'un double meurtre survenu dans un contexte de violence conjugale à Baie-Comeau, le coroner Bérubé avait déploré que les intervenants, qui étaient au courant des intentions de l'auteur du drame, n'aient pu lever leur secret professionnel afin de prévenir ce crime. Le coroner avait recommandé que le secret professionnel et la confidentialité des renseignements personnels puissent être écartés lorsqu'il y a un danger pour la vie ou la sécurité d'une personne.

Par la suite, un groupe de travail interministériel a été chargé de se pencher sur la recommandation du rapport Bérubé. Ce groupe de travail a recommandé que les modifications législatives nécessaires soient apportées afin de permettre la communication de renseignements personnels ou protégés par le secret professionnel dans les cas où des actes de violence peuvent mettre en danger la vie ou la sécurité des personnes.

Parallèlement, le Conseil interprofessionnel du Québec, qui regroupe les 44 ordres professionnels du Québec, formait son propre groupe de travail qui en est arrivé aux mêmes conclusions que le groupe interministériel.

Enfin, le 25 mars 1999, la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Smith contre Jones, rendait un jugement d'une grande importance sur la portée du secret professionnel de l'avocat lorsqu'une personne est exposée à un danger imminent de mort ou de blessures graves. Dans cette affaire, les neuf juges de la Cour sont d'avis que ce secret pouvait être mis à l'écart lorsqu'il y a un danger imminent pour la vie ou la sécurité d'une personne. Plus précisément, la Cour a établi qu'il faut tenir compte de trois facteurs pour déterminer s'il faut faire exception au secret professionnel ou à la confidentialité des renseignements personnels. Premièrement, une personne ou un groupe de personnes identifiables sont-elles clairement exposées à un danger? Deuxièmement, ces personnes risquent-elles d'être tuées ou gravement blessées? Troisièmement, le danger est-il imminent?

On notera que la Cour suprême n'a pas rendu obligatoire la divulgation, mais qu'elle a plutôt précisé que le professionnel peut lever la confidentialité. Elle a par ailleurs réduit le plus possible l'étendue de la divulgation afin de porter le moins d'atteinte possible aux droits de la personne qui a fait la confidence sous le sceau de la confidentialité. En effet, pour la Cour suprême, il est essentiel de ne pas compromettre le lien de confiance entre le client et le professionnel.

Par ailleurs, la Cour a insisté sur le fait que la divulgation ne doit pas permettre d'incriminer l'auteur des menaces, mais plutôt d'assurer la sauvegarde de la vie et de l'intégrité de la victime potentielle. À cet effet, la Cour souligne que les garanties judiciaires prévues dans nos chartes des droits protègent les accusés contre l'auto-incrimination et leur assurent le droit à une défense pleine et entière et à la présomption d'innocence. C'est donc en ayant à l'esprit ces garanties judiciaires que les juges de la Cour suprême ont majoritairement décidé que la communication des renseignements devait se limiter à ceux nécessaires pour assurer la protection de la personne menacée.

Dans une société comme la nôtre, M. le Président, qui valorise particulièrement le droit à la vie privée et le droit au respect du secret professionnel, on peut comprendre que certains puissent hésiter à divulguer des renseignements confidentiels qu'ils ont obtenus dans le cadre de leurs fonctions. De fait, les professionnels et autres intervenants concernés par la problématique qui nous occupe aujourd'hui font face à un dilemme quand s'affrontent le droit à la vie et à la sécurité des personnes et le droit au respect de la vie privée et du secret professionnel. Même si tous les intervenants s'accordent pour dire que le droit à la vie et à la sécurité des personnes doit primer, il apparaît primordial de lever tous les obstacles afin que les intervenants se sentent autorisés par la loi à communiquer des renseignements personnels pour prévenir les actes de violence pouvant entraîner la mort ou des blessures graves.

Or, les dispositions législatives qui assurent au Québec la confidentialité des renseignements personnels ou la protection du secret professionnel font obstacle, dans leur état actuel, à une pleine application des principes dégagés par la Cour suprême. Il est donc nécessaire de modifier ces dispositions législatives pour les adapter en conséquence. On peut les regrouper en deux catégories, celles qui se rapportent au secret professionnel et celles qui portent sur la confidentialité des renseignements personnels.

Je voudrais d'abord aborder les dispositions régissant le secret professionnel. L'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne prévoit que chacun a droit au respect du secret professionnel et que les personnes tenues par la loi à ce secret ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur profession, à moins qu'elles ne soient autorisées par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. L'article 60.4 du Code des professions prévoit pour sa part que le professionnel ne peut être relevé de son secret professionnel qu'avec l'autorisation de son client ou lorsque la loi l'ordonne.

La Loi sur le Barreau et la Loi sur le notariat vont encore plus loin, puisqu'elles imposent à l'avocat et au notaire le secret absolu des confidences qu'ils reçoivent de leurs clients dans le cadre de leur profession, à moins d'en être relevé par ceux-ci. On comprendra qu'un professionnel ne puisse espérer, dans ce contexte, obtenir de son client l'autorisation de divulguer à la victime potentielle ou à la police les menaces de mort qu'il aurait proférées.

Par ailleurs, une seule disposition législative autorise expressément la levée du secret professionnel sans le consentement du client. Il s'agit de l'article 39 de la Loi sur la protection de la jeunesse qui fait obligation à certains professionnels de signaler sans délai au directeur de la protection de la jeunesse toute situation où ils ont un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d'un enfant est compromis ou encore peut être considéré comme compromis au sens de cette loi. Toutefois, même dans ce cas, l'avocat est dispensé de cette obligation.

On voit donc, M. le Président, que les dispositions législatives régissant le secret professionnel au Québec ne permettent pas expressément la levée du secret professionnel pour sauver la vie d'une personne. Qui plus est, ces dispositions, par leur formulation restrictive, empêchent la jurisprudence de la Cour suprême de s'appliquer pleinement au Québec. C'est pourquoi le projet de loi n° 180 propose de modifier le Code des professions, la Loi sur le Barreau et la Loi sur le notariat pour permettre aux professionnels de communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel en vue de prévenir un acte de violence lorsqu'ils ont un motif raisonnable de croire qu'un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou encore un groupe de personnes.

n(15 h 30)n

On notera, M. le Président, que la loi ne ferait pas obligation au professionnel de divulguer le renseignement, mais, à l'instar de la Cour suprême, l'autoriserait plutôt à le faire s'il le juge opportun. La loi prévoirait toutefois que le professionnel ne pourrait communiquer le renseignement qu'à la personne exposée au danger ou aux personnes susceptibles de lui porter secours. Enfin, seuls les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la divulgation pourraient être divulgués, et l'ensemble des conditions prévues sont identiques à celles fixées par la Cour suprême.

Par ailleurs, on sait que les ordres professionnels ont l'obligation d'adopter un code de déontologie comportant notamment des dispositions sur le respect du secret professionnel. Le projet de loi prévoit la possibilité, pour chacun des ordres professionnels, d'établir, s'il le juge approprié, des modalités à la communication des renseignements. Ainsi, chacun des ordres qui le souhaitera pourra adopter un mécanisme encadrant la façon dont la communication sera faite et limitant la nature des renseignements pouvant être communiqués.

Les modifications proposées ne constituent pas une brèche dans le secret professionnel. En effet, elles ne permettent la levée du secret que dans certaines conditions strictes où le droit à la vie et à la sécurité de la personne doit avoir primauté sur le secret professionnel. Elles ne constituent pas non plus un précédent, tant au Canada qu'aux États-Unis. Au Québec même, l'Ordre des médecins a déjà inséré dans son code de déontologie une disposition permettant la levée du secret professionnel lorsque le médecin a une raison impérative et juste ayant trait à la santé du patient et à son entourage.

En ce qui concerne les juristes, on constate que les Barreaux de toutes les provinces, sauf le Québec, ont déjà volontairement prévu dans leur code de déontologie que l'avocat peut lever le secret professionnel pour prévenir un crime pouvant entraîner la mort ou des blessures graves. Aux États-Unis, les Barreaux d'au moins 29 États ont adopté des dispositions de même nature. Nous aurons l'occasion d'examiner davantage ces dispositions en droit comparé au cours de l'étude article par article du projet de loi.

Le deuxième groupe de dispositions englobe toutes les lois qui assurent la confidentialité des renseignements personnels. Il s'agit de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, de la Loi sur le ministère du Revenu, de la Loi sur la protection de la jeunesse, de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris. Ainsi, la Loi sur l'accès prévoit que les renseignements personnels détenus par un organisme sont confidentiels et ne peuvent être divulgués sans l'autorisation de la personne concernée. Toutefois, la loi prévoit certaines exceptions qui permettent, sans que ne soit requise l'autorisation de la personne concernée, la communication de ces renseignements à une personne à qui la communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée. Les exceptions sont plus larges que celles envisagées dans le projet de loi, car elles englobent non seulement les menaces de mort, mais également les autres situations d'urgence, tel un désastre naturel où la vie ou la sécurité d'une personne est en danger.

La disposition actuelle de la Loi sur l'accès vise également les situations où c'est la santé d'une personne qui est en danger. Cependant, compte tenu des difficultés d'interprétation auxquelles elle a donné lieu en raison de sa formulation très large, il est apparu préférable de distinguer la portée de la disposition actuelle de celle envisagée par la Cour suprême, qui est davantage circonscrite. C'est pourquoi le projet de loi prévoit une disposition spécifique permettant la communication de renseignements confidentiels en vue de prévenir un acte de violence lorsqu'un danger de mort ou de blessure grave menace une personne.

La même approche a été retenue en ce qui concerne la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Compte tenu de la particularité du secret fiscal, la Loi sur le ministère du Revenu est modifiée par le projet de loi pour permettre aux fonctionnaires de ce ministère de communiquer un renseignement protégé par le secret fiscal dans le cas où la communication est nécessaire pour prévenir un acte de violence. Les fonctionnaires de ce ministère sont en effet confrontés à de telles situations dans le cadre de leurs fonctions, par exemple dans le cadre de la perception des pensions alimentaires, et il m'apparaît que, dans de pareilles circonstances, il doit être clair que le droit à la vie et à la sécurité des personnes a préséance sur le secret fiscal. Bien évidemment, seuls les renseignements nécessaires pourraient être communiqués et aucun renseignement de nature purement fiscale ne pourrait être divulgué.

Finalement, le projet de loi propose diverses modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse dans le but de mieux assurer la protection des enfants dont la sécurité ou le développement peut être compromis. Les dispositions législatives proposées par le projet de loi n° 180 répondent donc à des préoccupations réelles et pressantes de notre société. Elles consacrent la primauté de la vie et de la sécurité des personnes sur le droit à la vie privée et le droit au respect du secret professionnel.

En terminant, je veux signaler que, au cours de l'étude article par article du projet de loi, certains amendements de concordance ou de nature technique seront présentés. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice et député de Louis-Hébert. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 180? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Je ferais motion, M. le Président, à ce moment-ci, pour ajourner le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. L'article 17 du feuilleton.

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 17 de votre feuilleton, M. le ministre de l'Environnement propose l'adoption du principe du projet de loi n° 25, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Alors, y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 25?

Une voix: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Est-ce que je pourrais suggérer, à ce stade-ci, que nous suspendions nos travaux pour quelques minutes afin de faire en sorte que le député d'Orford puisse écouter l'important discours du ministre sur cette question-là, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. Bien... Oui, M. le Président, pas de difficulté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons donc suspendre nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 37)

 

(Reprise à 15 h 42)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. M. le Président, nous allons plutôt appeler l'article 6 du feuilleton de ce jour.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader, nous ajournons le débat sur... Oui, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Évidemment, les connaissances en matière procédurale de mon collègue sont probablement très grandes, mais n'y a-t-il pas lieu d'ajourner le débat sur lequel on a eu une suspension avant de procéder?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: L'article n'a jamais été appelé, disons. Ou, si vous le souhaitez, il faudrait ajourner...

Une voix: ...

M. Boisclair: Écoutez, par consentement, M. le Président, est-ce qu'on peut tout simplement faire en sorte de faire comme si nous n'avions jamais appelé l'article 17 ? de consentement, ce serait plus simple ? et simplement appeler l'article 6 du feuilleton de ce jour?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député.

M. Chagnon: En fait... pas répondre, M. le Président, parce que, inévitablement, comme l'article avait été appelé, il me semblait qu'il fallait l'ajourner. Ou bien, par consentement, on fait en sorte de dire que ça n'a pas été appelé. Mais, d'une chose ou l'autre, il faut au moins procéder par l'article qui était devant nous avant de procéder à l'autre.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint.

M. Boisclair: Je comprends que tout ça s'est fait par souci d'accommoder l'opposition. Alors, je pense que, de bonne foi, là, on pourrait procéder correctement, faire en sorte de procéder avec l'article 6, faire comme si l'article 17 n'avait jamais été appelé.

Le Vice-Président (M. Pinard): Donc, est-ce que je dois en conclure qu'effectivement nous revenons en arrière? M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Je pensais que c'était cela qui avait été fait pour faire en sorte que nous puissions entendre justement le ministre de l'Éducation qui vient d'arriver. Alors, c'était plutôt dans ce sens-là qu'on pouvait vous accommoder, en procédant au projet de loi qui était celui susmentionné, 25, je pense.

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, M. le leader adjoint, nous révoquons...

M. Boisclair: J'étais prêt à faire l'article 17, et c'est à votre demande que nous avons suspendu.

Le Vice-Président (M. Pinard): À ce stade-ci, si nous appelons l'article 6, comme il n'y a pas consentement pour retour en arrière, nous devons donc tout simplement ajourner.

Une voix: Suspendre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Suspendre? Il y a motion pour...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): On peut ajourner, on peut suspendre.

M. Boisclair: Bien. Alors, M. le Président, puisque l'opposition veut vraiment... Les conseillers que j'entends souffler d'en haut, là, les conseillers du député de Westmount?Saint-Louis, pour les contenter d'abord en haut, là, nous allons faire en sorte d'ajourner le débat sur l'article 17 qui n'a jamais commencé.

Le Vice-Président (M. Pinard): D'accord. Merci beaucoup, M. le leader adjoint. Est-ce que cette motion d'ajournement du débat...

M. Boisclair: Je suis convaincu que...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Elle est adoptée. M. le leader adjoint, vous appelez donc l'article 6 du feuilleton?

M. Boisclair: M. le Président, d'abord un mot pour dire que je suis convaincu que ceux qui nous écoutent aujourd'hui sur Internet, à ce moment-ci, viennent de comprendre, là, le point important que vient de marquer l'opposition. Ils en sauront gré, j'en suis convaincu, aux députés de l'opposition, Mais, en attendant, pour passer aux choses plus sérieuses, l'article 6 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 12

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 6 de votre feuilleton, M. le ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 12, Loi modifiant de nouveau la Loi sur l'aide financière aux études. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 12? Alors, M. le ministre de l'Éducation et également député de Rousseau. M. le ministre.

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, j'ai le plaisir de soumettre aujourd'hui devant l'Assemblée nationale, pour adoption de principe, le projet de loi qui vient modifier la Loi sur l'aide financière aux études. Donc, ce projet de loi vise à accorder au gouvernement le pouvoir de prescrire qu'une personne qui a complété le nombre de trimestres et accumulé le nombre d'unités déterminé par règlement dans un même programme d'études universitaires n'est pas réputée recevoir une contribution de ses parents ou de son répondant. De plus, ce projet de loi accorde aussi au gouvernement le pouvoir de prolonger la période d'admissibilité à une bourse selon la situation financière familiale d'une personne et vient établir des règles pour le calcul du montant de la bourse qui peut être versée. Et, finalement, ce projet de loi prévoit qu'une personne qui a reçu sans droit de l'aide sous forme de bourse par suite d'une erreur administrative qu'elle ne pouvait pas raisonnablement constater, elle n'est pas tenue de rembourser le montant auquel elle n'avait pas droit. Donc, les amendements que je propose s'inscrivent dans le sens exactement des engagements qui ont été pris par le Parti québécois lors de la dernière campagne électorale. Ces engagements représentent des montants récurrents de 38 millions de dollars par année. Ce sont de modifications très importantes qui viennent bonifier un système d'aide financière aux études qui, on le sait, est déjà le plus généreux en Amérique du Nord.

Donc, il y a différentes étapes qui doivent être suivies. La première étape, qui est le présent projet de loi, vient donner suite à des recommandations qui avaient été faites, donc viendra, suite à son adoption par voie de prépublication dans la Gazette officielle du Québec, modifier le Règlement sur l'aide financière aux études pour instaurer les autres mesures du budget qui touchent l'aide financière aux études. Il s'agit, d'abord, de la double contribution sur les revenus d'emploi des étudiants et des étudiantes, et aussi de la prise en compte de leurs revenus d'emploi. Donc, il y a une première mesure qui touche cette double contribution.

Il y a une autre mesure qui avait été demandée par les étudiants, qui porte sur la réduction de la participation financière des parents aux études de leurs enfants, et j'aurai aussi l'occasion, au cours des prochains mois... Il y a une seule mesure qui s'appliquera à compter de 2002-2003, c'est la mesure maintenant d'aide financière aux études, qui s'appliquera aux étudiants à temps partiel. C'était une autre demande qui avait fait l'objet d'un engagement du Parti québécois lors de la dernière campagne électorale. Et je rappelle aussi que, dans le dernier budget de ma collègue la ministre des Finances, on retrouve aussi deux mesures fiscales qui vont permettre maintenant que la totalité des bourses d'études soit exemptée et que 26 000 étudiants et étudiantes de plus aussi aient droit au crédit d'impôt pour TVQ, qui s'élève en moyenne à 154 $ par année. Donc, c'est quand même un chèque intéressant que ces 26 000 étudiants recevront.

n(15 h 50)n

Donc, si on commence par le premier changement législatif, ça concerne le principe d'autonomie. Autonomie: lorsqu'un étudiant est qualifié comme étant autonome, nous cessons d'exiger dans le calcul de l'aide une contribution des parents. Et, de la façon dont ça fonctionne, on a établi le critère d'autonomie à l'obtention d'un baccalauréat. Or, plusieurs étudiants m'ont fait part, lors de certaines tournées que j'ai pu faire dans certaines universités, du fait qu'il pouvait y avoir injustice auprès des étudiants qui ont maintenant des bacs qui ont plus que 90 crédits. On le sait, par exemple, en génie, il y a des bacs qui sont de plus de 90 crédits. Donc, le critère d'autonomie venait plus tard, et donc les étudiants, on peut dire, d'une certaine façon, étaient et sont toujours, jusqu'à temps que le projet de loi soit approuvé ? il sera approuvé, on l'espère, rétroactivement pour le 1er mai ? ont donc ou pouvaient subir une certaine injustice. Donc, on a choisi de pouvoir désormais considérer comme autonomes les étudiants qui ont terminé leurs 90 crédits.

Deuxièmement, on le sait aussi, les étudiants, et entre autres les étudiantes, essaient de plus en plus de concilier leurs études avec leurs familles, et, on le sait, au Québec, évidemment, ça fait partie des priorités du gouvernement du Québec d'encourager par toutes sortes de mesures. On connaît tous des mesures comme les garderies à 5 $, mais il faut aussi avoir des mesures d'aide financière aux études pour les étudiants et les étudiantes qui ont des enfants pendant leurs études. Donc, je suis très heureux de cette autre modification qui est présentée, qui vise à venir couvrir en bourse ? donc, pas en prêt, en bourse ? tous les frais qui sont reliés aux enfants durant et tant et aussi longtemps que l'étudiant est admissible au Programme de prêts et bourses.

Par contre, on a voulu apporter une modification parce que, actuellement, les prescriptions du programme font en sorte que, si des études sont prolongées de plus d'un trimestre, la totalité de l'aide financière aux études qui est accordée par la suite est versée uniquement sous forme de prêt. Donc, on souhaitait être capable aussi de la verser sous forme de bourse, puisqu'il s'agit de frais très importants reliés aux enfants. Donc, la mesure que je propose va rétablir l'équité envers les étudiants et étudiantes qui épuisent leur période maximale d'admissibilité à la bourse parce qu'ils ont réduit leur charge de cours en raison de la présence de leurs enfants. Donc, dans les faits, en continuant de verser de l'aide sous forme de bourse, on va éviter à ces étudiants ou étudiantes une hausse de leur endettement qui serait attribuable à leur situation familiale. Donc, je pense que c'est une vraie mesure sociale qui vient démontrer encore une fois de façon concrète que le gouvernement du Parti québécois a un grand souci, justement, une grande conscience sociale, et que ce n'est pas seulement pendant les quelques jours d'une fin de semaine, quand on est à Mont-Tremblant, qu'on choisit d'avoir une conscience sociale.

Je tiens aussi à préciser, M. le Président, que cette mesure découle d'un consensus avec les jeunes, les jeunes qui continuent de faire des représentations, qui continuent de se manifester. Et puis je suis très heureux aussi peut-être de vous souligner ? une petite parenthèse ? qu'on vient juste de présenter, il y a quelques minutes, au musée ici, à Québec, la première politique québécoise pour la jeunesse, donc, qui va nous assurer, avec des mécanismes de suivi, entre autres un comité ministériel, une clause d'impact jeunesse. On va s'assurer de continuer, dans toutes les décisions qu'on prend au gouvernement, de se préoccuper des jeunes.

Donc, si on revient à notre projet de loi, il y a aussi dans ce projet de loi, au chapitre de la transparence, plus d'attention qu'il faut apporter. Vous savez, il arrive parfois que des erreurs administratives se glissent et que de bonne foi des étudiants reçoivent des montants en trop, pendant un certain nombre de trimestres ou d'années, qui s'accumulent, et qu'ils se retrouvent, lorsque l'erreur administrative est découverte, à avoir des montants à rembourser dans des périodes qui peuvent être difficiles. Donc, ce qu'on a souhaité, c'est de reconnaître que, lorsqu'il y a des erreurs, à moins que ce soient des erreurs qui auraient dû être constatées par l'étudiant ou l'étudiante, on puisse assumer les conséquences de ces erreurs. Donc, on demandera maintenant, M. le Président, même si présentement aucun intérêt n'est exigible sur ces montants et même si très peu de personnes sont touchées, à ce qu'elles puissent être assujetties à des règles qui sont similaires, par exemple, à ce qu'on retrouve au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale ou à la Régie des rentes du Québec. C'était une recommandation qui avait été faite par le Protecteur du citoyen, donc une recommandation que nous mettons en place avec le projet de loi qui est présenté.

Donc, en conclusion, M. le Président, plus d'équité entre les bénéficiaires, soutien accru aux familles et transparence aussi dans les actions que pose notre unité autonome de service à l'aide financière aux études. Voilà donc les principaux fondements sur lesquels reposent les mesures de bonification qui seront apportées au Programme de prêts et bourses. Donc, désormais, pour un même niveau de revenus d'emploi, les étudiants et les étudiantes recevront plus d'aide du Programme de prêts et bourses, et je suis très fier de présenter ces mesures qui, comme je disais, répondent à un consensus du Sommet du Québec et de la jeunesse, dans un cas aussi, à une demande du Protecteur du citoyen et, dans tous les cas, à des revendications très justifiées d'étudiants et d'étudiantes. Donc, je pense que notre gouvernement est déterminé à continuer à placer l'éducation au coeur de ses priorités et à tout mettre en oeuvre pour continuer à favoriser encore davantage l'accessibilité aux études pour tous les étudiants et toutes les étudiantes, peu importe le niveau de vie, ou la famille, ou la richesse qui puisse ou non les entourer. Donc, je vous remercie, M. le Président. Je pense que c'est un beau projet de loi qui devrait faire rapidement consensus. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de l'Éducation et député de Rousseau. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 12? M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Le projet de loi n° 12 que nous avons devant nous vient modifier aussi encore une fois l'aide financière aux étudiants. Nous avons un autre projet de loi que, je pense, nous aurons en troisième lecture ici tout de suite après, n'est-ce pas, M. le député de Gouin? Le prochain projet de loi, c'est 162? Alors donc, le projet de loi que nous avons devant nous est un projet de loi sur l'aide financière aux études. Il fait suite, dans le fond, à un autre projet de loi que nous allons passer en troisième lecture dans quelques minutes. Et ce projet de loi, qui est le plus nouveau, qui a été déposé il y a quelques semaines, fait état, vient corriger et améliorer la situation des étudiants en tenant compte, je dirais, de quelques critères qui ont été soulevés, qui faisaient cause commune particulièrement par les deux grands partis politiques lors des dernières élections générales en 1998. Il a fallu attendre trois ans, mais, quand même, soyons bons princes.

La révision du critère d'autonomie financière à 90 crédits universitaires, l'accessibilité des prêts aux étudiants à temps partiel, la fin de la double prise en compte de la contribution des étudiants, la diminution du pourcentage de prise en compte de la contribution des étudiants à l'aide financière et la réduction de 10 % de la contribution des parents à l'aide financière aux étudiants devraient se retrouver dans ce projet de loi, mais ce projet de loi, M. le Président, est basé sur un... Dans le fond, ce projet de loi, ce qu'il vient dire, il vient dire: Le ministre aura la possibilité de modifier la réglementation, le Règlement sur l'aide aux étudiants, qui est un document assez volumineux, et le ministre se donne, s'arroge le droit, par ce projet de loi là, de venir modifier le règlement de façon à répondre positivement aux objets qui sont ceux que nous avons soulevés, que le ministre a soulevés et que j'ai soulevés.

Maintenant, lorsque nous allons aller en deuxième lecture sur ce projet de loi là, j'ai déjà fait part au ministre de nous faire parvenir copie de la réglementation qui devrait suivre ce projet de loi, qui devrait accompagner, je dirais, ce projet de loi de façon à ce que nous puissions faire les évaluations nécessaires pour nous permettre de bien s'assurer conjointement que les étudiants seront mieux protégés par ce projet de loi et qu'ils auront effectivement les gains qu'ils cherchent à faire, compte tenu de ce qu'ils connaissent actuellement. Et ce qu'ils connaissent actuellement, M. le Président...

n(16 heures)n

Dans ce sens-là, moi, je suis bien heureux, je partage ce plaisir avec le ministre, dans le fond, de faire adopter le projet de loi n° 12 puis le projet de loi n° 162 sans passer par le bâillon. Les deux dernières fois que nous avons adopté des projets de loi sur la condition étudiante, sur l'aide financière aux étudiants, le projet de loi n° 170, entre autres, en 1997, les deux derniers ont été adoptés par bâillon. Pourquoi ont-ils été adoptés par bâillon? Parce qu'ils venaient, dans le fond, défaire des objets que nous allons faire aujourd'hui.

Par exemple, le critère d'autonomie financière. Dans l'ancienne loi sur le prêt étudiant, dans l'ancien fonctionnement, c'était basé sur le baccalauréat. On n'y faisait pas la distinction du baccalauréat s'il était en éducation physique, en génie ou en une autre matière. Or, comme l'a souligné le ministre avec justesse, il y a des nouveaux baccalauréats, par exemple celui de l'enseignement qui est un baccalauréat sur quatre ans, ce qui fait qu'il y a plus que 90 crédits. Alors, le critère d'autonomie financière devenait un critère injuste pour certains étudiants qui vivaient des cours, qui participaient à des cours comme médecine, génie, enseignement, des cours qui requièrent plus que 90 crédits.

Si la prédécesseure du député de Rousseau n'avait pas corrigé à la baisse les niveaux que le gouvernement voulait accorder en termes d'aide aux étudiants, aujourd'hui on ne ferait pas le processus inverse et on ne serait pas en situation d'accorder à la hausse une amélioration des critères de l'aide financière aux études. Mais il faut se réjouir qu'on soit revenu enfin sur la situation qui prévalait. La situation qui prévalait a coûté cher aux étudiants, M. le Président. Si je regarde les bourses consécutives aux prêts, en 1994-1995, les étudiants du Québec ont reçu pour 275 millions de dollars de bourses. En 1997, on a modifié substantiellement le régime d'aide aux étudiants à la baisse. On a diminué le nombre de bourses, on a augmenté le nombre de prêts. On a dégelé. On a créé ce fameux critère d'autonomie financière à 90 crédits en 1997, ce qu'il nous faut réparer aujourd'hui. Ce qui a fait en sorte que, entre 1997-1998, il y avait 259 millions de dollars de bourses puis, en 1998-1999, 220.

Les modifications législatives contre lesquelles, nous, de ce côté-ci de la Chambre, on s'est battu, les modifications législatives contre lesquelles on nous a imposé un bâillon ont coûté, seulement dans l'année 1997-1998, seulement en bourses, près de 40 millions de dollars aux étudiants du Québec; 40 millions en 1998-1999 et un autre 40 millions en 1999-2000. Alors, il y a 80 millions de dollars sur deux ans qui ont été finalement confisqués aux étudiants du Québec.

Le projet de loi aujourd'hui cherche en partie à corriger cette situation. La partie qui sera à corriger sera la partie qui amène une amélioration définitive de ce critère d'autonomie financière, qui sera moins injuste, qui sera donc juste. Tout le monde au niveau du bac, au niveau... enfin ayant 90 crédits déjà faits pourra jouir de cette autonomie financière.

En ce qui concerne la fin de la double prise en compte de la contribution des étudiants et donc du pourcentage de prise en compte de la contribution des étudiants à l'aide financière, eh bien, uniquement encore une fois... Le processus réglementaire pourra le corriger. C'est pour ça évidemment que j'invite le député de Rousseau et ministre de l'Éducation à déposer, à tout le moins, si ce n'est pas la formule définitive de sa réglementation, la réglementation ou l'état de la réglementation la plus avancée au moment où nous étudierons le projet de loi article par article.

Donc, bref, M. le Président, ce projet de loi vient effectivement répondre à des engagements pris et par le Parti québécois et par le Parti libéral lors de la dernière élection. Donc, il faut toujours, encore une fois, dire qu'il a fallu attendre trois ans pour les avoir, mais on les a. Alors, c'est une bonne chose pour l'ensemble des étudiants. Mais il faut se rappeler aussi qu'une partie de ce projet de loi là vient corriger des projets de loi qui ont été adoptés ici par la députée de Taillon, maintenant ministre des Finances, qui sont venus confisquer 80 millions en bourses aux étudiants, simplement dans les années 1998-1999, 1999-2000.

Alors, M. le Président, l'opposition fera en sorte d'écouter et de s'assurer que les étudiants du Québec seront mieux protégés, mieux organisés dans le service d'aide aux étudiants et fera en sorte aussi, par exemple, lorsque le gouvernement... J'aurai quelques questions à ce moment-là évidemment au ministre en commission parlementaire, et je vous en avise tout de suite, particulièrement sur l'application du processus... les erreurs administratives qui auraient eu pour effet de verser des sommes en trop à des étudiants et qui éventuellement ne seront plus réclamées, ce qui est le cas dans à peu près tous les projets de loi. C'est donc dans ce cadre-là particulièrement que je poserai des questions plus précises au ministre lorsque nous serons en seconde lecture, c'est-à-dire à l'étude article par article du projet de loi.

Alors, sur le sujet, M. le Président, l'opposition votera pour le projet de loi parce qu'il améliore la situation des étudiants au Québec mais déplore le fait qu'avant d'arriver à ce projet de loi là on a dû faire en sorte de voter contre deux autres projets de loi qui ont contribué à faire en sorte de détériorer la condition étudiante au Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Westmount?Saint-Louis. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Mise aux voix

Le principe du projet n° 12, Loi modifiant de nouveau la Loi sur l'aide financière aux études, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'éducation

M. Boisclair: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation et pour que le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse en soit membre.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: L'article 45, M. le Président.

Projet de loi n° 162

Prise en considération du rapport
de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 45, M. le ministre de l'Éducation propose l'adoption du projet de loi n° 162, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux études. Y a-t-il consentement pour déroger à l'article 230 du règlement, prévoyant que l'adoption d'un projet de loi doit avoir lieu à une séance distincte de celle de la prise en considération du rapport de commission?

Une voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Consentement. M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse, je vous cède la parole.

M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. Il s'agit d'un autre projet de loi qui vient bonifier aussi notre programme d'aide financière aux études. Donc, une grande année pour notre Programme de prêts et bourses. Il s'agit ici d'une modification qui avait été demandée à deux occasions: première occasion, on avait discuté de cette possibilité lors du Sommet du Québec et de la jeunesse; et, deuxième occasion, lors de la Marche mondiale des femmes.

C'est une modification qui vient améliorer la contribution pour les étudiantes qui sont enceintes et qui ont ensuite accouché, donc qui ont excédé les trimestres, le nombre de trimestres réglementaire où les intérêts sont couverts sur leur prêt par le ministre de l'Éducation. À l'avenir, avec la modification qui est proposée dans la loi n° 162 qui est déposée aujourd'hui, il y aura donc prise en charge des intérêts sur le prêt pendant toute l'interruption temporaire des études des étudiantes qui sont concernées. C'était une demande aussi qui avait été faite par la Fédération étudiante universitaire du Québec, la FEUQ, et on en a profité aussi même pour élargir la demande qui était faite. On a ajouté aussi des possibilités au niveau des étudiantes ou étudiants qui adoptent un enfant. On s'est dit que ? maintenant on le sait ? de plus en plus de gens ici, au Québec, vont adopter des enfants, et, en toute équité, il faut donner les mêmes privilèges qu'à celles qui accouchent d'un enfant. Donc, ce sera possible aussi d'étendre ces privilèges aux parents qui adoptent.

On a voulu aussi ajouter une catégorie d'étudiants ou d'étudiantes qui ont une incapacité temporaire de plus d'un mois de poursuivre leurs études, par cause de maladie, donc de ne pas indûment mettre une charge supplémentaire sur le dos des étudiants qui, pour cause de maladie, doivent aussi interrompre leurs études.

n(16 h 10)n

Et on a aussi étendu cette possibilité aux permanents élus d'associations étudiantes nationales. Donc, on sait que, entre autres, certains étudiants... la Fédération étudiante universitaire du Québec, la FEUQ, a tout un comité, et, dans certains cas, doivent travailler à temps plein à faire des revendications, parfois avec l'opposition, pour venir s'assurer que toutes leurs demandes trouvent bon entendeur. Donc, évidemment qu'on veut leur faciliter, hein, dans une société démocratique, cette façon de faire. Donc, on étendra aussi les nouvelles mesures à cette catégorie.

Donc, je pense, M. le Président, que c'est avec beaucoup de satisfaction et, je pense, avec un certain consensus que je soumets ce projet de loi n° 162 qui, dans les faits, viendra éviter à des étudiants et des étudiantes de subir une hausse de leur endettement en raison d'une situation particulière et, donc, va pouvoir permettre à plus de jeunes au Québec de mieux concilier leurs études avec la famille. C'est ce qu'on souhaite pour toutes ces étudiantes et tous ces étudiants. Donc, c'est, en résumé, très rapidement, ce qu'on retrouve dans le projet de loi n° 162.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Alors, je voudrais vous informer que ? dans mes feuilles, ce n'était pas la bonne que j'avais, là ? nous sommes à l'étape, actuellement, de la prise en considération du rapport de la commission de l'éducation sur le projet de loi n° 162, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux études, et non sur l'adoption du projet de loi. Alors, sur la prise en considération du rapport, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Le restant va suivre assez rapidement, je pense, parce que, en ce qui concerne la prise en considération du rapport, je partage effectivement les mots qui ont été dits précédemment.

Le projet de loi n° 162 est un tout petit projet de loi, seulement un article ou deux, mais qui donne un pouvoir habilitant au ministre de corriger la réglementation, qui permet justement d'arriver à faire en sorte d'aider quatre catégories d'étudiants: l'étudiante enceinte; deuxièmement, lorsqu'un étudiant adopte un enfant ou lorsque sa conjointe donne naissance à un enfant; troisièmement, lorsque l'étudiant a une incapacité qui se prolonge au-delà d'un mois et qui est constatée dans un certificat médical délivré par un médecin; et, quatrièmement, lorsque l'étudiant est élu pour exercer des fonctions au sein d'un organisme regroupant des associations étudiantes.

Nous avons déjà, M. le Président, puisque nous en sommes au rapport du comité... Le comité a étudié ce projet de loi et est d'accord. Le comité a effectivement une vision consensuelle, je dirais même est tout à fait d'accord avec le projet de loi n° 162. J'ajouterai toutefois... Et je remercie le ministre de nous avoir fait parvenir les règlements, parce que, comme on l'a dit tout à l'heure, c'est un pouvoir habilitant le ministre à établir un règlement, et, si on n'a pas le règlement, c'est difficile de comprendre comment le projet de loi s'applique. Or, le ministre a eu la délicatesse de nous fournir le règlement ou, du moins, la première version du règlement.

Je suggère au ministre peut-être une correction éventuelle à tout le moins dans le titre du règlement qu'il nous a fourni. Le règlement qu'il nous a fourni s'intitule comme ceci: «Pour l'application du premier alinéa de l'annexe IX du Règlement sur l'aide financière aux études n'est pas considéré avoir abandonné ses études à temps plein l'étudiant qui les interrompt pendant les trimestres mentionnés au regard de chacun des cas suivants.» Or, M. le Président, comme vous le savez probablement, que le diable se cache dans les détails, et probablement que ça a échappé au ministre, mais ses adjoints verront sûrement à faire les corrections nécessaires, à tout le moins dans la correction de la section du règlement en question. La section IX du Règlement de l'aide financière aux études, la Loi sur l'aide financière aux étudiants, comporte et est spécifiquement applicable aux déficiences fonctionnelles majeures. Alors, c'est un peu différent de ce que l'on recherche à faire comme modification.

Alors, l'article 54, 1°, 2°, 3° et 4°, qui est le premier article sous l'appellation section IX, s'inscrit dans le cadre des déficiences fonctionnelles majeures, les déficiences visuelles graves, la déficience auditive grave, les déficiences motrices, les déficiences organiques. Et, évidemment, le ministre et moi, on s'entendrait tout simplement, très, très rapidement, je suis certain, pour constater que le fait d'être membre d'un organisme regroupant des associations étudiantes, ce n'est pas une déficience fonctionnelle majeure, le fait d'avoir une incapacité qui se prolonge au-delà d'un mois, bien là ça peut peut-être être un peu plus le cas, un peu plus se rapprocher de cette situation-là, mais le fait d'être enceinte n'est sûrement pas une déficience fonctionnelle majeure, pas plus que celle d'adopter un étudiant. Alors, je pense qu'il faudra, dans ce cas-là, réviser l'appellation de la section IX qui devra non seulement tenir compte des déficiences fonctionnelles majeures, mais aussi des cas plus particuliers que l'on retrouve dans le projet de loi n° 162.

Alors, sous cette remarque... en dépit de cette remarque qui se veut un petit peu amusante, mais quand même qui va amener à faire probablement une modification à l'appellation de ce chapitre de la Loi sur l'aide financière, je voudrais tout simplement, encore une fois, M. le Président, vous réitérer que l'opposition est d'accord avec le projet de loi et souhaite qu'il soit mis en place le plus rapidement possible, même si nous savons qu'il sera rétroactif au 1er mai. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Westmount?Saint-Louis. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission de l'éducation portant sur le projet de loi n° 162, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux études, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, pour poursuivre sur ce bon élan, est-ce que je pourrais demander le consentement peut-être pour procéder à l'adoption du projet de loi?

Adoption

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a consentement pour déroger à l'article 230 du règlement prévoyant que l'adoption d'un projet de loi doit avoir lieu à une séance distincte de celle de la prise en considération du rapport de la commission. Donc, M. le ministre de l'Éducation propose l'adoption du projet de loi n° 162, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux études. Y a-t-il consentement?

Des voix: Consentement.

Une voix: Pas d'intervention.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Pas d'intervention. Alors, le projet de loi n° 162, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux études, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, je voudrais à ce moment-ci vous donner de l'information. Le débat de fin de séance entre Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne et M. le ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la construction d'un centre d'hébergement à Saint-Félix-de-Valois, qui avait été reporté à la séance d'aujourd'hui à 18 heures, est de nouveau reporté à demain, 18 heures, avec consentement entre les deux leaders parlementaires. Ce débat de fin de séance aura lieu demain soir à 18 heures.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, l'article 17 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 25

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 17, M. le ministre de l'Environnement propose l'adoption du principe du projet de loi n° 25, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. M. le ministre de l'Environnement, je vous cède la parole.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui, M. le Président. Je dois vous dire que je procède aujourd'hui à une première, à double titre. D'abord, c'est le premier projet de loi, comme ministre de l'Environnement, que j'ai le loisir et le plaisir de présenter à l'Assemblée nationale et, deuxièmement, c'est la première fois que je présente un projet de loi qui contient uniquement deux articles. Pour comprendre... derrière ce débat, je voudrais peut-être prendre quelques instants pour vous en faire la présentation et vous expliquer les motifs qui m'ont amené à vouloir proposer cet amendement à la Loi sur la qualité de l'environnement.

Essentiellement ? c'est la première fois aussi que je vais faire ça ? je vais vous lire le projet de loi, M. le Président, pour que tous le comprennent. Et je vais au coeur de la modification. Nous modifions la loi pour inclure le paragraphe suivant. Nous nous donnons donc un pouvoir habilitant pour «mettre en place des mesures prévoyant le recours à des instruments économiques, notamment des permis négociables, des droits d'émission, de déversement ou de mise en décharge et des droits d'élimination anticipés, en vue de protéger l'environnement et d'atteindre des objectifs en matière de qualité de l'environnement [...] et établir toute règle nécessaire ou utile au fonctionnement de ces mesures».

M. le Président, imminemment complexe, peut-être pourrions-nous penser à la lecture de cet article. Peut-être ne saisissons-nous pas le sens profond de cette démarche. Je vais essayer de vous l'expliquer, mais, pour le faire, il faut revenir à ce qu'est la logique économique et revenir à quelques principes fondamentaux qui nous amènent à vouloir réglementer d'une façon nouvelle et d'une façon originale. Je voudrais donc m'inspirer de mes vieux cours d'économie pour aujourd'hui prendre la parole et essayer de vous intéresser au projet de loi que je propose.

n(16 h 20)n

D'abord, M. le Président, pour comprendre le sens de ce projet de loi, pour comprendre la pertinence d'inclure dans la législation des outils économiques, il faut comprendre d'abord le fonctionnement des marchés. À la base du fonctionnement des marchés, d'un fonctionnement efficace des marchés, il y a un indicateur qui nous guide dans notre choix de consommer et qui guide aussi des agents économiques dans leur choix de produire. Ce signal clair que tous comprennent, c'est le prix. C'est avec le prix qu'on prend la décision d'acheter ou pas et c'est en fonction du prix qu'on prend le choix de produire ou pas.

Bien sûr, la détermination du prix d'un bien est déterminée par toutes sortes d'éléments de conjoncture, par exemple la taille du marché. Il peut être déterminé aussi par le nombre d'entreprises qui jouent sur un marché présent ou bien sûr peut être fonction de certaines influences gouvernementales, puisque des fois l'État peut subventionner un produit, ce qui va faire que le prix pourrait être moins élevé que s'il n'y a pas eu de subside.

Je veux aussi rappeler que l'autre caractéristique du prix, bien, c'est la nature du signal qu'il envoie. Le signal de prix est une caractéristique intrinsèque du prix, c'est-à-dire que le prix fournit une information au sujet de la valeur d'une ressource. Et c'est dans ce sens, M. le Président, que les prix relatifs à deux biens, par exemple, donnent la valeur relative de ces deux biens à l'équilibre du marché, puisque les agents économiques, des producteurs et des consommateurs, prennent des décisions qui sont, comme je vous l'expliquais tout à l'heure, basées sur les prix des marchés, et ce sont ces mêmes prix qui déterminent l'utilisation des ressources.

C'est d'ailleurs pourquoi, M. le Président ? puis c'est un débat que les économistes classiques reprennent souvent ? les économistes ont toujours privilégié des systèmes de marché, en raison principalement de l'efficacité qui est associée à la transmission de l'information par le prix dans un tel système. Donc, les économistes ont toujours soutenu que le système de prix, que le système de marché était sans doute le mécanisme le plus utile, le plus efficace d'allocation des ressources.

Toutefois, les choses se compliquent quelque peu, puisqu'il y a un certain nombre de circonstances où l'allocation de ressources qui résulte du prix de marché ne soit pas satisfaisante d'un point de vue social. Et deux situations retiennent particulièrement l'attention des économistes ? puis je vais aboutir tranquillement pas vite sur le projet de loi. Mais le premier exemple qui est tout à fait pertinent à celui de la pollution ? et puis là je reviens, M. le Président, à mes premiers cours d'économie ? c'est le cas, c'est un exemple qui est tout à fait classique, qui est tout à fait opportun dans le contexte du projet de loi, c'est celui, par exemple, des émissions de pollution d'une usine.

Si, par exemple, le propriétaire de l'usine ne tient pas compte de l'impact des émissions de l'usine sur d'autres agents économiques et qu'il y a un impact économique négatif sur ces derniers, alors il y a ce qu'on appelle en économie une externalité. En somme, de façon claire, quelqu'un qui produit un bien qui génère de la pollution sur un bien public qui est l'environnement ? l'environnement, ça appartient à nous tous ? si, dans l'établissement de son prix, il ne tient pas compte de la pollution, de ce qu'on appelle des externalités, bien le système d'allocation de ressources qu'il choisit par celui du prix n'est pas un système efficace.

Alors, un des grands défis pour les économistes et pour les gouvernements qui doivent gérer le bien public, c'est de dire: Comment on peut internaliser ces externalités? C'est de dire: Comment on peut faire en sorte que le prix du marché corresponde véritablement autant aux coûts de production, mais aussi qu'on puisse intégrer les conséquences sociales de l'activité de production? Et, dans le cas que je cite, les conséquences sociales, c'est la pollution dans l'environnement, un environnement qui nous appartient à nous tous.

Une des façons classiques de le faire, c'est par la réglementation. Qu'est-ce qu'on fait dans une réglementation? Bien, on utilise un mécanisme clair par lequel on dicte un comportement à l'entreprise: Tu ne pollueras pas plus qu'à un tel degré. Puis, en parallèle, qu'est-ce que l'État fait? Bien, il contrôle ce comportement par des agents, par des inspecteurs, par, à la limite, des amendes ou des recours devant les tribunaux si les comportements ne sont pas suivis. Ça, c'est la façon classique de réglementer. En anglais, dans la littérature, on dit que c'est la façon du «command and control»: on commande un comportement et on contrôle ensuite ce comportement. Cette façon de faire est une façon que je dirais classique. On l'appelle une intervention directe dans les facteurs de production.

Mais il y a d'autres façons de voir, et c'est là que j'arrive avec mon projet de loi, M. le Président. Parce que, au-delà d'une réglementation davantage classique, avec une intervention directe, il y a des mécanismes qu'on appelle davantage des mécanismes indirects qui nous permettent de réglementer le comportement d'une entreprise, et une des façons d'y arriver, c'est par l'utilisation de ce qu'on appelle des instruments de marché. C'est en utilisant des interventions qui ont comme objectif de modifier une action que doit prendre un agent économique, qui doit influencer ses décisions de production, mais en incitant l'agent à modifier lui-même son comportement. Donc, plutôt que d'utiliser la réglementation, de lui dire quoi faire, on utilise des mécanismes de marché pour que lui-même, le producteur, décide de changer son comportement. C'est ce qu'on appelle un recours indirect et c'est en quoi les instruments économiques peuvent venir nous aider. Et je pense que c'est une façon correcte de réglementer.

C'est pour ça que, dans le projet de loi, je me donne le pouvoir d'imposer, d'utiliser, devrais-je dire, des instruments économiques pour contrôler des activités de production. Concrètement, ça veut dire quoi, des instruments économiques? D'abord, en littérature, on en identifie cinq principaux. Le premier, c'est celui des droits et des taxes. On impose des droits, on impose des taxes, par exemple des taxes sur les intrants d'une entreprise ou sur ses extrants, des redevances sur des émissions, de la tarification de services ou même des droits anticipés d'élimination ou de recyclage. Ça, c'est un premier élément, un premier instrument économique qui est à la disposition de l'État. Il est assez classique, assez connu des gens qui produisent des biens et services.

L'autre élément, l'autre outil économique, c'est ce qu'on appelle des programmes d'échange. Par exemple, nous pourrions utiliser des permis pour rejeter des polluants dans l'environnement, nous pourrions donner des programmes de crédits de réduction de ces rejets, nous pourrions aussi choisir des allocations de production ou de consommation. Voilà donc une autre façon de faire, et c'est particulièrement cette façon de faire qui est retenue, celle des programmes d'échange, pour mettre en oeuvre le Protocole de Kyoto dont je vais vous parler tout à l'heure. Je fais un détour par la théorie économique, mais c'est pour arriver, tout ça, sur des choses bien concrètes.

Autre outil économique, celui des incitatifs financiers, par exemple des subventions, des prêts et garanties de prêts, des bonifications d'intérêts, des incitatifs fiscaux.

Autre élément aussi, ce peut être des systèmes de consigne et de remboursement.

Et, finalement, il existe d'autres mécanismes de marché, qu'on pense aux garanties financières, aux diffusions de renseignements, à la suppression d'obstacles fiscaux. Donc, voici la panoplie des outils économiques qui sont à notre disposition.

M. le Président, en proposant ce projet de loi, il y a un certain nombre de partis pris que j'affirme. Le premier, c'est que l'outil d'instrument économique ? et certainement dans le cas des émissions de gaz à effet de serre ? est un outil, une façon de faire plus efficace que la logique traditionnelle du «command and control», de la réglementation classique où on commande un règlement puis on contrôle par la suite. Pourquoi? Parce que, de façon globale, l'utilisation des outils économiques, des instruments économiques, nous indique qu'on peut atteindre des objectifs environnementaux à un coût global mais aussi à un coût social moins élevé qu'avec une intervention directe. Il y a là, donc, une préoccupation d'efficience économique.

n(16 h 30)n

Deuxièmement, en laissant le choix des interventions et le choix des allocations de ressources aux agents économiques, les instruments économiques encouragent quoi? Ils encouragent l'innovation, l'adoption de nouvelles technologies et des réponses aussi beaucoup plus imaginatives que par le simple règlement classique où on dit quoi faire à une entreprise. Pourquoi c'est plus efficace? Parce que souvent les entreprises elles-mêmes sont beaucoup mieux informées sur les technologies en vigueur, sur le développement de ces technologies que le gouvernement peut l'être avec sa réglementation. Prenez juste le temps que ça peut prendre à un ministre ou à un gouvernement d'adopter un nouveau règlement, les conditions de marché ont le temps de changer, il y a eu le temps d'avoir de nouvelles percées technologiques. Donc, c'est beaucoup plus efficace, puis l'intervention, elle est décentralisée. C'est l'entreprise qui décide ce qu'elle va faire plutôt que le gouvernement, avec une réglementation pas toujours adaptée au secteur industriel ou à l'entreprise, qui va choisir le moyen retenu pour émettre moins de polluants. Donc, c'est un parti pris, puis le gouvernement dit aujourd'hui à la population: On doit réglementer de façon novatrice. On choisit une voie indirecte, on choisit les instruments économiques, puis c'est une façon efficace de faire. Voici la première partie de l'argumentation, M. le Président, en faveur de ce projet de loi.

Maintenant, pour le justifier, il faut d'abord rappeler que ce n'est pas d'inspiration récente, ce projet de loi, il est d'abord annoncé dans un plan d'action québécois 2000-2002 sur les changements climatiques. De longue date, le Québec exerce un leadership remarquable, envié, sur la question des changements climatiques, et le gouvernement du Québec et, je dirais même, M. le Président, l'Assemblée nationale tout entière se sont fait entendre de façon remarquable sur la problématique des changements climatiques, sur la problématique de l'émission des gaz à effet de serre et de façon particulière sur l'appui que nous avons donné ici unanimement au Protocole de Kyoto. Alors que le gouvernement fédéral souffle le chaud et le froid sur cet accord international, tentant de jouer au médiateur entre les Américains et les Européens, nous, au Québec, avons pris une position claire sur le Protocole de Kyoto.

Encore là, cette réflexion n'était pas spontanée. Nous avions, au gouvernement, proposé déjà une réflexion à l'ensemble des parlementaires dans ce document qui s'intitule Plan d'action québécois 2000-2002 sur les changements climatiques. Et que disions-nous dans ce document? De façon claire, à la page 23, on annonçait un peu le projet de loi et on indiquait qu'il était de notre volonté d'utiliser de nouveaux outils pour réglementer et pour faire en sorte que nos partenaires du milieu de l'entreprise puissent poursuivre la diminution des gaz à effet de serre, mais puissent le faire aussi dans un contexte où, bien sûr, nous sommes en compétition et en concurrence avec d'autres législations et d'autres États qui jouent sur les mêmes marchés que nous. C'est dans cette perspective que le gouvernement fédéral s'est doté d'un projet de loi semblable à celui que je propose aujourd'hui, c'est dans ce contexte-là aussi que le gouvernement de l'Ontario a adopté un projet de loi semblable à celui que je vous propose aujourd'hui et que, je pense, d'autres provinces, particulièrement dans les Maritimes, ont choisi le même chemin. Donc, la politique l'annonçait, d'autres gouvernements ont adopté des pouvoirs comme ceux que je propose d'adopter dans la loi. Il était normal, je pense, et il était dans l'ordre des choses que nous puissions y référer.

De façon précise et encore plus pointue, sur la question du Protocole de Kyoto, je vous indiquais tout à l'heure dans mon introduction que le désir des gens qui ont signé, qui ont pensé ce Protocole, c'était d'établir des mécanismes de marché et d'établir un marché de permis d'émission de gaz à effet de serre, d'établir, donc, un véritable marché, un véritable programme d'échange de permis, une intervention qui, comme je l'ai illustré tout à l'heure, est bien différente de la réglementation classique, une intervention aussi qui est très différente de celles qui préconisent plutôt l'utilisation de droits ou de taxes pour contrôler le comportement des entreprises. Comment cela fonctionne? C'est qu'une entreprise qui veut se développer aura un intérêt à se dépolluer si le coût de dépollution est moins élevé que le prix du permis qu'elle doit acheter si elle veut continuer à prendre de l'expansion. Alors, vous voyez donc qu'en achetant des droits de polluer, donc des programmes d'échange, il y a toujours un incitatif économique pour que l'entreprise elle-même décide comment elle va faire pour poursuivre sa dépollution, et la logique économique voudra qu'une entreprise qui veut se développer va elle-même utiliser des mécanismes de dépollution plutôt que de payer des permis d'émission qui lui coûteraient plus cher que des mécanismes de dépollution. Donc, on crée là un marché, on intervient de façon décentralisée sans dicter le comportement à l'entreprise. En somme, on utilise donc une stratégie d'intervention qui est efficace et qui manquait à la législation québécoise.

Un dernier mot, M. le Président, pour rappeler, encore là, que la théorie économique continue bien sûr de s'appliquer. L'entreprise sera donc confrontée, par ce mécanisme d'échange de permis, à évaluer le coût social de l'émission de gaz à effet de serre par un mécanisme de marché qui jouera sur les permis. Et, en somme, nous allons éviter qu'une entreprise n'assume pas tous les coûts qui sont liés à son activité économique et particulièrement à la pollution qu'elle peut générer.

Si j'avais à résumer ma pensée, M. le Président, je vous dirais que, par ce projet de loi là, nous nous donnons les moyens pour qu'une entreprise paie tous les coûts liés à son activité économique, non seulement son coût de production ? donc, le coût des intrants ? mais aussi l'ensemble des coûts sociaux qu'elle peut générer et particulièrement le coût sur l'environnement. Si j'avais, en trois phrases, à résumer mon projet de loi, ce seraient ces trois phrases-là que j'utiliserais pour résumer ma pensée.

En dernier lieu, M. le Président, quelques commentaires pour vous dire que bien sûr l'utilisation des instruments économiques ? comment dire? ? ce n'est pas non plus la panacée. Ça ne règle pas soudainement tous les problèmes. Chaque approche a ses forces, il y a aussi un certain nombre de faiblesses. Il faudra bien sûr s'assurer que, dans la réglementation qui accompagnera le pouvoir habilitant, on soit efficace dans notre façon de faire, et reconnaître humblement que l'utilisation des instruments économiques, pour moi, dans mon esprit, c'est un élément efficace, mais ce n'est qu'un des éléments, qu'une partie de la solution du problème d'émission, par exemple, des gaz à effet de serre, et qu'il faut, à cet égard, rappeler que cette intervention que nous faisons sur ce nouveau pouvoir habilitant, ça doit se situer dans un contexte beaucoup plus complexe, beaucoup plus multiforme, et on doit tenir compte d'une panoplie de politiques et de mécanismes pour, dans les faits, réduire des émissions de polluants ? qu'on pense aux gaz à effet de serre dans le cas de Kyoto ou, à la limite même, qu'on pense à l'épandage de purin. On pourrait très bien, avec le pouvoir habilitant que je me donne, établir un mécanisme de permis, un mécanisme d'échange pour avoir le droit d'épandre, par exemple, du lisier de porc. On pourrait utiliser aussi bien les instruments économiques sur ces questions qu'on peut le faire sur les gaz à effet de serre.

Donc, j'espère, M. le Président, que mon intervention vous a convaincu de la pertinence de la démarche, j'espère que ce petit rappel de la théorie économique aura éclairé mes collègues et j'espère que nous pourrons rapidement adopter ce projet de loi qui, si je comprends bien, fait consensus dans la communauté économique, dans le milieu des affaires, dans la communauté internationale. Il était donc opportun que le gouvernement du Québec agisse en proposant ce projet de loi qui nous permettra de poser un geste de plus pour s'assurer que nous puissions, sur la question des changements climatiques et sur d'autres questions, demeurer à l'avant-garde et que les interventions gouvernementales puissent continuer de faire la fierté des Québécois et des Québécoises. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre de l'Environnement. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 25, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, et je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition officielle en matière d'environnement et député d'Orford. M. le député, je vous cède la parole.

M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec grand intérêt la présentation du ministre, qui était assez claire, parce que c'est un projet de loi qui est plutôt technique. C'est un nouveau concept au Québec. Nous n'avons jamais regardé cette approche-là, nous ne l'avons jamais étudiée. C'est un nouveau concept. Je pense que le ministre, dans son ensemble, l'a relativement bien expliqué, si ce n'est qu'il y a peut-être des ombrages que l'opposition, bien sûr, devra poser comme questions. C'est pour ça que nous sommes là, et nous devons poser ces questions-là. C'est pour ça que le peuple nous a élus. C'est pour ça que nous devrons, dans les minutes qui viendront, poser quelques petites questions au ministre. Il ne pourra pas y répondre, bien sûr. Nous irons en commission parlementaire. Il aura tout le temps qu'il faudra pour répondre à une série de questions relativement techniques finalement, et répondre.

n(16 h 40)n

Mais, avant de sauter dans le coeur du projet de loi n° 25, comme nous échangeons de la correspondance, le ministre et moi, il est peut-être plus simple de lui répondre ici que par une autre lettre, et je voudrais lui parler des 80 mémoires qu'il a reçus sur la réglementation des sites de déchets du Québec. Vous savez, M. le ministre, il y a 10 ans, il y a eu une consultation populaire suite à la loi 101, un moratoire sur les sites de déchets au Québec. Il faut comprendre qu'à l'époque quelqu'un qui avait un permis pour opérer un site de déchets, il n'y avait pas de limite à ce qu'il pouvait faire, et c'était la course effrénée pour aller chercher... finalement pour ouvrir un terrain, mettre des déchets dessus puis dire: J'ai un droit acquis, j'ai un... Alors, M. le ministre de l'époque, Pierre Paradis, avait fait le moratoire avec la loi 101. De là il y a eu des audiences publiques, il y a eu des génériques, enfin, bref, il y a eu beaucoup de monde qui se sont penchés sur la problématique. Il y a eu le projet de loi n° 90. Il y a eu une multitude, 50 ou 60 mémoires, les gens qui sont venus présenter leur mémoire, et de là il y a eu le projet de loi.

Bien sûr, la dernière page de cette longue saga ? heureuse, je dois avouer ? ç'a été celle de la réglementation. Alors, au mois d'octobre, cette réglementation-là, elle est sortie. Le ministre a reçu et il a en sa possession et j'ai aussi en ma possession les 80 mémoires, et cette réglementation-là, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, M. le Président, elle est loin de faire l'assentiment de l'ensemble des intervenants, loin, loin, loin. Vous savez, 80 mémoires, là, c'est beaucoup de mémoires, hein? On a des projets de loi, là... Vous le savez, on a des projets de loi bien plus importants que ça, et on ne reçoit pas 80 mémoires. Or, il y a plein de monde qui ont écrit au ministre pour lui demander qu'on fasse quelques jours de commission parlementaire pour regarder certains aspects de ce règlement-là.

Et il y a des grands experts américains qui ne demanderaient pas mieux si on les invitait à venir nous donner leur point de vue. Je vous donne un exemple. La réglementation qu'on veut mettre en place ? et ensuite je sauterai sur le projet de loi n° 125 ? si on parle aux grands experts américains... Entre autres le professeur d'université, le Dr Lee, va vous dire que plus de 80 % des sites de déchets américains, avec les techniques qu'on veut appliquer maintenant au Québec, sont déjà dépassés de 15 à 20 ans et que 80 % des ces sites de déchets là aux États-Unis, les nappes phréatiques sont polluées.

Alors, le ministre nous arrive avec cette réglementation-là. Nous, on le fait par conscience et on dit au ministre... C'est assez rare d'ailleurs que les parlementaires étudient des règlements. Maintenant, on a 10 ans d'histoire là-dedans, là. Il n'y a pas un site au Québec qui ne coule pas ou à peu près en ce moment. On a une réglementation. C'est mieux que ce qu'il y a en ce moment. Il n'y en a pas, de réglementation, on aurait des... Et c'est pas toute la réglementation qu'on questionne. Entre autres, par exemple, les fonds postfermeture, bon, dans le projet de loi... le règlement, c'est 20 ou 30 ans. On s'aperçoit qu'en Europe il sont rendus à 60 ans dans le fonds de postfermeture. Alors, le règlement, les experts nous disent, autant européens qu'américains: Ce règlement-là, il est déjà déphasé dans le temps. Les propres fonctionnaires du ministère qui nous parlent nous disent: Écoutez, ce règlement-là, il a été écrit il y a bien longtemps puis il est déjà déphasé.

Alors, nous, ce qu'on dit au ministre: On ne veut pas bloquer l'affaire. On réalise que, dans chacune des régions du Québec, il y a un problème de site de déchets. Il y a un moratoire depuis 10 ans. On a eu beau ajouter ce qu'on a appelé des «chapeaux», il y a un problème. Et, moi, il n'est pas question de bloquer tout ce qu'on veut faire avec la récupération. Puis il y a des choses extraordinaires là-dedans. On a contribué au projet de loi n° 90, on a voté pour, nous. Alors, on est bien conscients. Mais quelques jours de commission parlementaire à écouter quelques experts ? on ne parle pas d'une grande liste, là, on s'entendra, le ministre et moi, sur quelques grands noms ? et on verra si cette réglementation-là, elle est adéquate. Et, après ça, de toute façon, le ministre a autorité de procéder avec ou sans notre consentement. Ah! il procédera, mais, au moins, il aura eu un éclairage.

Et le ministre et moi avons rencontré les dirigeants environnementaux du Québec il y a une semaine dans la Gatineau. Ils étaient une quarantaine. C'étaient vraiment les principaux leaders en environnement ou à peu près. Et, je dois vous dire, moi, j'ai eu l'occasion de dîner avec eux; lui, il a eu l'occasion de souper avec eux. Il n'y a pas grand monde, quand j'ai fait le tour des tables... Et j'imagine que ça doit... Je comprends que, lui, il les subventionne; moi, je ne les subventionne pas, les CRE. Peut-être un peu plus francs avec moi qu'avec lui, moi, ce qu'ils m'ont dit tout au long de ce dîner où j'ai fait le tour des tables, c'était: Écoutez, continuez à insister auprès du ministre, ce règlement-là, il n'est pas adéquat. Et les CRE, il y en a dans toutes les régions du Québec. Le dernier administrateur qui a été nommé, c'est notre ancien confrère, M. Perreault, qui vient d'être nommé directeur général du CRE de Montréal. On a appris ça ce matin. Alors, il y a du monde de qualité là-dedans, et ces gens-là nous disent: Ce règlement-là, il n'est pas adéquat.

M. le ministre m'a répondu, il me disait: Écoutez, ça a été déposé en octobre, les gens ont eu le temps de nous donner leur point de vue. C'est vrai qu'ils ont eu le temps de donner leur point de vue. Ils l'ont donné, le point de vue, il y a eu et... reçu 80 mémoires. Mais, nous, on dit: Il faut aller plus loin que ça, il faut maintenant entendre quelques grands experts, parce qu'on n'a jamais étudié la réglementation, nous avons étudié la loi. Et, vous savez, on a eu un confrère ici qui disait: Le diable se cache dans les détails, M. le Président. Et je me demande si, dans ce cas-là, le diable ne se cache pas dans les détails. Alors, l'invitation est faite au ministre, il en fera ce qu'il voudra. Moi, j'aurai fait ma job et je lâcherai pas, je lui dis tout de suite, je lâcherai pas, avec les tribunes qui me sont offertes partout, d'exiger qu'on aille en commission parlementaire pour étudier ce règlement-là.

Arrivons maintenant aux permis négociables, le projet de loi n° 25. D'emblée, je vais dire au ministre que nous sommes relativement d'accord avec le projet de loi. Et, d'autre part, comme c'est un nouveau concept au Québec, jamais, jamais on a eu ce genre d'outil financier, je pense que c'est une question qui doit être regardée par certaines personnes en commission parlementaire. Dès le moment où j'ai appris le dépôt du projet de loi n° 25, vous vous en rappellerez, j'ai demandé au leader du gouvernement si nous pouvions entendre quelques groupes, et je suggère au ministre, histoire de...

Il nous explique ça, il dit: Ça fait le consentement d'à peu près tout le monde. Vous savez, dans l'opposition, moi, j'ai vu ça, là, les ministres qui nous disaient que tout le monde était d'accord avec eux, entre autres le projet de loi sur les sols contaminés. Le ministre nous arrivait à chaque fois en nous disant qu'il avait parlé à l'Ordre des ingénieurs, les notaires, les avocats. Tout le monde était d'accord. Nous, on prenait le téléphone, on les appelait, pour s'apercevoir qu'il y avait personne qui était d'accord. C'était tellement vrai qu'ils ont même pas rappelé le projet de loi quand ils ont rappelé le Parlement. Ils ont pas rappelé ce projet de loi tellement ça ne faisait pas l'unanimité dans le milieu, alors que le ministre disait: Ah, mes fonctionnaires ont parlé à tout le monde, tout le monde s'entend bien là-dessus. Et là on parlait à M. Nicolet, le président de l'Ordre des ingénieurs, on parlait au Barreau du Québec, on parlait aux notaires, aux biologistes, et tout le monde nous disait: Non, non, non, ce projet de loi... Les gens d'affaires bien sûr, les anciens sous-ministres du ministère nous disaient: Non, non, non, ça fait pas l'assentiment, on n'est pas d'accord avec ce projet de loi là, loin de là.

Alors, le ministre nous a dit que tout le monde était d'accord. Tant mieux, on est pour. En tout cas, à la première lecture, on est pour le projet de loi. Si tout le monde sont d'accord, demandons à l'UQCN de venir nous le dire, demandons à l'Association des manufacturiers exportateurs de venir nous le dire, demandons à la grande industrie, l'aluminium, la pétrochimie, l'UPA ? il a parlé de l'agriculture dans sa présentation ? et peut-être un ou deux grands propriétaires de sites de déchets du Québec, Intersan et un autre qu'il choisira, qu'ils viennent nous dire en commission parlementaire, rapidement ? on parle d'une journée sur invitation ? que ces gens-là viennent nous dire que c'est bon. Il y a peut-être des aspects qui sont un peu moins bons. C'est ce qu'on a appris avec les sites de déchets contaminés, au fur et à mesure où on a écouté des gens.

Vous savez, c'est un nouveau concept. Dans leur programme électoral ? ça m'a fait plaisir de le relire hier soir, sachant qu'on parlerait de ça ce matin ? dans le programme électoral de 1985, il y avait rien là-dessus, M. le Président. Dans le programme électoral de la dernière élection, il y avait, non plus, rien là-dessus. Alors, on peut pas dire que ça a été un enjeu électoral, on peut pas dire que le gouvernement en a parlé lors de l'élection. Jamais ils n'ont parlé de ça au moment des deux programmes électoraux qu'ils ont déposés. Parce que c'est nouveau... C'est pas nouveau ailleurs en Amérique, c'est pas nouveau ailleurs en Europe, mais, au Québec, on n'a jamais fait ce débat-là.

Il me semble qu'on doit aller en commission parlementaire, et je ne vois pas sur quelle base le ministre pourrait dire non. On lui parle pas d'une liste jusqu'à demain matin, on parle de bien informer les parlementaires. Et, moi, je l'assure que je serais là du matin jusqu'au soir, poliment, posant des questions aux gens sur lesquels nous pourrions nous entendre qu'ils pourraient venir en commission parlementaire. Et tout probablement qu'on ne changera pas notre point de vue. Fondamentalement, le projet de loi, c'est une copie conforme de ce qui s'est fait en Ontario, plus deux mots. Alors, j'imagine que les parlementaires de l'Ontario l'ont regardé, puis ils ont dû étudier ça. Mais, au Québec, on n'a jamais fait ce débat-là. Alors, c'est ça.

Et d'ailleurs, je veux vous le rappeler, dans le programme électoral du PQ ? je veux vous le rappeler, il faut le rappeler, M. le Président, ce programme-là a été déposé le 4 août 1994, Mme Marois était présente, M. Cliche était présent, M. Delli qui était le candidat dans Viau et Martine Ouellet qui était la présidente de la Commission de l'environnement ? encore une fois, jamais, dans ce programme, ils ont parlé de cet aspect-là. Il est pas trop tard pour bien faire. Mais, si ç'a pas été un engagement électoral, si le milieu environnemental n'a pas pu prendre connaissance d'une proposition comme celle-là, il me semble que nous devrions au moins demander à l'UQCN, peut-être au Regroupement des CRE aussi, de venir nous donner leur point de vue et, mon Dieu! s'ils sont d'accord, on procédera puis, s'ils le sont pas, on verra comment on peut amender le projet de loi.

n(16 h 50)n

Mais ce gouvernement, ce qui est dans le programme, ils ne le font pas, puis ils font plein d'affaires qui ne sont pas dans le programme. Alors, on a un peu de misère à les suivre, vous comprendrez. On a tellement de misère à les suivre, M. le Président, que je vous rappelle que ce ministère a coupé de 40 % dans les budgets depuis 1985. C'est pas moi qui le dis, c'est le Regroupement des avocats en droit environnemental dans une présentation qu'il faisait il y a quelques jours. 40 % de coupures dans les budgets et quatre ministres en six ans qui ont passé au ministère.

Moi, j'ai l'impression ? je disais ça aux CRE la semaine dernière ? de faire de l'éducation en première année, hein, j'ai l'impression qu'à tous les mois de septembre j'ai un nouveau ministre, puis on recommence, on refait de l'éducation auprès du ministre, alors que le Québec devrait évoluer beaucoup plus vite que ça en environnement. Malheureusement, on a un nouveau ministre puis on recommence à chaque fois au carreau n° 1 sur des débats de société. Ainsi l'a voulu le gouvernement. Et, quand je vous dis que ce gouvernement n'a peut-être pas mis en place tout ce qu'il avait dit dans le programme, les ministres de l'Environnement ne sont plus sur les comités de priorités du gouvernement.

On est très loin de ce qu'ils disaient dans leur programme à la page 37, à la page 38 de leur programme où on créait un CIDD. Savez-vous ce que c'est, M. le Président, un CIDD? C'est un conseil interministériel du développement durable présidé par le ministre en Environnement. C'était dans leur programme. Si j'ai bien compris, ça aurait été un Conseil des ministres parallèle où ça aurait été présidé non pas par le premier ministre, mais par le ministre de l'Environnement, et là il aurait eu un vrai pouvoir sur la législation, etc. Vous comprendrez que ça ne fut jamais mis en place, et je ne vois pas l'heure où ça sera mis en place avant la prochaine élection.

Alors, quand je dis: Ce qu'ils ont dit dans le programme, ils ne l'ont pas fait, puis ils sont après faire des affaires qu'ils n'ont pas dites dans le programme, il me semble qu'il serait normal qu'on ait et qu'on écoute les citoyens du Québec, peut-être pas en commission parlementaire, là, pendant des mois et des mois, mais quelques groupes tout au moins.

Évidemment, les questions que nous aurons à poser au ministre en commission parlementaire, et si nous faisions cette commission parlementaire en écoutant quelques groupes, un certain nombre de questions peut-être un peu techniques pour les gens qui nous écoutent, mais je pense que le ministre peut en prendre note, il pourra répondre à ces questions-là, et si nous avions toutes les réponses, bien, mon Dieu, ça irait relativement vite. Connaissant la bonne humeur du député d'Orford, connaissant cette volonté très positive de l'opposition de faire avancer l'environnement, alors, si on a toutes ces réponses-là, M. le Président, je ne vois pas pourquoi ce serait très, très long d'aller de l'avant avec le projet de loi n° 25.

D'abord, comment ça va fonctionner, tout ça? Et est-ce qu'on encourage vraiment l'environnement ou est-ce qu'on encourage l'achat de la bonne conscience? Il faut voir que certains pays européens sont après les défaire, ces programmes-là. Ça sera à vérifier. Le ministre peut vérifier, il a pas mal plus de personnel de recherche que j'en ai, j'ai un huitième d'un recherchiste. Alors, c'est une journée par deux semaines à peu près. Et tous les politiciens de l'opposition ont un huitième d'un recherchiste.

Une voix: ...

M. Benoit: Oui, monsieur. Vous n'avez pas été dans l'opposition, vous n'avez pas connu ça. Alors, les moyens de l'opposition sont très limités ? très limités ? et nous devons faire nous-mêmes notre recherche. Alors, je viens...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Une minute, là. Il y a juste le député d'Orford qui a la parole. Alors, ceux qui veulent prendre la parole, vous me ferez signe après, puis je vais vous reconnaître avec un grand plaisir. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Je vais poser quelques questions au ministre. Comment ça va fonctionner, M. le Président? Est-ce que c'est la province qui va émettre le permis? Est-ce que c'est le ministère? Est-ce que c'est un organisme paragouvernemental? Qui va originellement émettre ce premier permis qui ensuite va pouvoir s'échanger? Et ça, on comprend bien la technique, c'est un peu, finalement, comme un marché boursier.

Mais, à partir du moment où on prend la norme 1 000, c'est-à-dire qu'on dit: On peut émettre 1 000 particules, est-ce que le ministre réalise qu'il devra, s'il veut améliorer l'environnement du Québec ? c'est une autre question que je lui pose ? nous expliquer comment il va baisser sa norme ou son nombre de permis au fur et à mesure que les années vont avancer? Parce que, s'il émet la norme de 1 000, qu'il y a tant de compagnies qui en achètent, des petites parties de cette norme de 1 000 là, et qui polluent avec la norme de 1 000, bien mes petits-enfants vivront encore avec le même niveau de pollution que nous avons aujourd'hui. Alors, comment allons-nous baisser ce niveau de pollution? Est-ce que, par législation ou par réglementation, il va éliminer ces permis-là? Est-ce qu'il va les racheter ou est-ce qu'il va les diminuer par loi? Comment va-t-il faire pour éliminer ces permis-là à un moment donné pour que nous arrivions à un rejet, à quelque part dans le temps, pour mes petits-enfants, qui sera de zéro? Sans ça, on va acheter bonne conscience à tout le monde, et la pollution que nous connaissons en 2001, nous la connaîtrons en l'an 3000. Alors, c'est l'autre question que nous lui posons.

Nous comprenons, d'autre part, que tout ça vient de Kyoto ? il l'a dit très bien ? et on n'a pas de problème avec ça; que l'Ontario, l'Alberta, la Nouvelle-Écosse, les États-Unis, certains États américains ont pris cette même formule là. Ce qu'il ne nous a pas dit, c'est quels étaient les objectifs environnementaux que le ministère veut atteindre. C'est un peu l'autre question que je lui posais tantôt: Quel est l'objectif? Est-ce qu'il y a un objectif environnemental? Il nous a parlé d'efficacité; c'est très bien. Il nous a parlé de dynamisation de l'entreprise; on n'a pas de problème avec ça. C'est le discours qu'on tient depuis tout le temps. Mais l'objectif environnemental, lui, lequel est-il? Et où serons-nous dans cinq ans? Où serons-nous dans 10 ans? Où serons-nous dans 15 ans? Est-ce que ça va être comme leur programme de récupération qui n'a jamais atteint les objectifs qu'il s'était donnés, M. le Président? Est-ce que ça sera comme la norme en environnement agricole d'en ce moment qui est un désastre sur tous les fronts ou à peu près?

Je ne sais pas si vous avez passé la fin de semaine dans le bout de la rivière Chaudière, L'Assomption ou Yamaska, je vous invite à ne pas trop boire d'eau, M. le Président, parce que, vous savez, c'est le double des gastroentérites dans ces trois régions-là que dans le reste du Québec. Quand je suis venu au monde, on pouvait marcher sur la rivière Yamaska; maintenant, vous pourriez quasiment passer avec votre auto sur la rivière Yamaska, à ce point polluée. Et je n'en mets pas plus qu'il y en a. La régie régionale de la santé nous dit: C'est un danger, cette rivière-là. Les plus grands experts nous disent que c'est un danger. La L'Assomption, la rivière Chaudière, la même chose.

Alors, je me méfie et je dis au ministre: Quels seront, avec ces instruments financiers, les objectifs que vous voulez atteindre? Comment l'environnement va s'en porter mieux? Et je réalise que l'entreprise va s'en porter mieux, et on est d'accord avec ça, on n'a aucun problème. Il va vendre à des entreprises des permis qu'elles pourront revendre, dans la mesure où elles auront amélioré leur sort. Pas de problème avec ça. Mais comment, lui, l'environnement, en bout de ligne, va s'en porter mieux? Parce que, moi, je ne suis pas porte-parole de l'industrie et du commerce, je suis porte-parole en matière d'environnement. Ce que je sais, d'autre part, c'est qu'il y a plein d'entreprises au Québec, je l'espère, qui pensent qu'elles peuvent continuer à croître, autant au niveau de leur réputation que de leurs produits, avec leurs clients, de leurs ventes, sans d'abord se préoccuper de l'environnement. Il y a une équation absolument infaillible maintenant pour toute entreprise. Il y a tellement d'exemples que je pourrais citer.

Ce que le ministre ne nous a pas dit non plus... Quand il nous dit que toutes les entreprises sont d'accord ? toutes les entreprises sont d'accord ? je me méfie toujours, moi, quand un ministre prend sa main comme ça, là, s'il pouvait faire le tour complet... Toutes les entreprises sont d'accord, là, ils font juste la moitié d'habitude; l'autre moitié, ils ne le font pas, toutes les entreprises sont d'accord. L'autre moitié, M. le Président, que les entreprises sont d'accord, j'aimerais ça les entendre, moi.

Parce qu'il y a un coût pour les entreprises, il y aura un coût pour les entreprises. C'est-u une taxe indirecte? Quel sera le niveau de ce coût-là pour les entreprises? Il a parlé d'agriculture. On est tous conscients qu'il y a tout un problème en agriculture. Bien, ce sera quoi, le coût pour la ferme des McKinnon, dans les Cantons de l'Est? Ils ont 200 têtes de vaches. Ce sera quoi, le coût, pour la famille DuBreton qui est un des grands producteurs de porcs, juste à la limite du Nouveau-Brunswick, ici, au Québec. Ce sera quoi, le coût pour ces entreprises agricoles là, M. le Président? Le ministre ne nous l'a pas dit. J'aimerais ça, avoir une table de référence en commission parlementaire: les entreprises qui émettent tant de, ça va être tel coût, puis dans telle région ça va être tel coût, etc. Alors, ça, il ne l'a pas dit.

Moi, je pense que tous les entreprises, tous les entreprises avec un «s», j'imagine...

Une voix: Toutes.

M. Benoit: ...toutes, t-e-s, oui, c'est ça, avec un «s», là, le «s», j'aimerais ça, les entendre en commission parlementaire sur le coût quand elles vont apprendre quel sera le coût. Est-ce que c'est une taxe indirecte? Est-ce que c'est un frais? L'autre dynamique... Là, je vais faire plaisir au ministre, je sais qu'il aime parler de ça. D'ailleurs, la première fois qu'on a fait des crédits, il m'a parlé de constitution canadienne plus que d'environnement. Je comprenais qu'il venait d'arriver, et puis il a sorti son petit catéchisme, puis il m'a lu des pages complètes du catéchisme du parfait péquiste pendant toute la commission parlementaire sur les crédits. C'est correct, j'ai pas de problème avec ça.

n(17 heures)n

Alors, comment on va gérer entre le fédéral puis le provincial? Parce que ma compréhension, c'est que le fédéral, dans certains secteurs, particulièrement Kyoto, émet déjà de ces outils financiers. Comment tout ça va s'harmoniser? Et est-ce qu'il y aurait une harmonisation aussi avec d'autres provinces? Je pense à l'Ontario avec sa loi... Le fédéral, c'est le C-32, et l'Ontario, c'est... L'Ontario, c'est le C-35, et le fédéral, le C-32. J'aimerais ça qu'il nous explique en commission parlementaire comment tout ça va travailler et aussi avec l'Alberta et la Nouvelle-Écosse.

J'aimerais qu'il regarde dans ses cartons pourquoi certains États européens ne sont pas satisfaits de ces régimes. Et on me dit même ? il faudrait le vérifier, on a manqué de temps un peu à cet égard-là: Pourquoi l'Allemagne se serait retirée ou serait en voie de se retirer? Je le mets sous réserve, avec vérification. Pourquoi? On me dit que c'est les partis verts là-bas qui finalement ne voyaient pas l'efficacité. Au niveau de la thématique, c'est bien beau; au niveau du document, c'est bien beau. Mais, dans la pratique, ça n'aurait pas vraiment fonctionné. Et l'Allemagne, qui était un pro en matière d'environnement mais aussi en matière de pollution... On pense que c'est les sols les plus pollués au monde, si on pouvait voir les sols de l'Allemagne. Alors, pourquoi l'Allemagne s'est retirée ou est en voie de se retirer? Et je le dis sous toutes réserves, pour vérification.

Quand est-ce que le projet de loi va être en opération? Je réalise que, dans le projet de loi, on dit: «La présente loi entrera en vigueur le (indiquer ici la date de la sanction de la présente loi)», des formules qu'on connaît. Mais à quel moment? Est-ce que les entreprises commenceront à payer pour ça cet été, l'an prochain, dans deux ans, après la prochaine élection? Ça serait intéressant. Dans quels secteurs il veut d'abord émettre ces permis-là? Est-ce qu'il commencerait avec les compagnies qui émettent... Je pense aux pétrolières, par exemple. Est-ce qu'il veut ensuite aller vers les papetières, les alumineries? Est-ce qu'il veut aller avec l'agriculture dès le début, parce qu'il y a peut-être là... Dans les documents, on parle de neige usée. Est-ce qu'on va recommencer avec les municipalités? Alors, ce sont des questions intéressantes, et je pense que ça va demander réponse. Encore une fois, il y a jamais eu de débats de société là-dessus, il y a jamais eu de commissions parlementaires. Je dirais même, M. le Président, alors qu'il y a des colloques, c'est à peu près tout en environnement, sur les panoramas, sur l'eau, sur les déchets, sur... C'est à peu près tout.

Il faut être dans le milieu de l'environnement. Je ne sais pas combien le ministre reçoit d'invitations par semaine. Je sais combien j'en reçois pour toutes sortes de colloques. Je ne me souviens pas, honnêtement, d'avoir reçu une seule invitation pour un colloque sur ces outils financiers là en ce qui a trait à l'environnement. Nous savions tous que ça existait, mais je ne crois pas qu'au Québec vraiment ce débat-là ait été fait. De là d'ailleurs pourquoi je lui demande que nous écoutions quelques intervenants.

Alors, quand le projet sera-t-il en opération? C'est une autre question. Dans le mémoire qu'il présente au Conseil des ministres, il dit qu'il y a activités réglementaires. Alors, il dit: Comme il s'agit d'une modification à la Loi sur la qualité de l'environnement, visant de nouveaux pouvoirs habilitants, il n'y a pas d'activités réglementaires à la présente étape. Le diable se cache dans les détails, M. le Président, il faut lire jusqu'au bout de la ligne: à la présente étape. Alors, il y aura d'autres étapes, il y aura probablement des règlements à l'autre étape. Et j'aimerais connaître, de la part du ministre, quelles seront ces approches réglementaires à ces autres étapes.

Parce que, vous savez, il peut nous dire que toutes ? t-e-s ? les entreprises du Québec sont d'accord avec son projet de loi, mais, encore une fois, il a fait juste la moitié de son quart. L'autre moitié, il l'a pas faite. C'est l'autre moitié, probablement, des entreprises qui sont pas d'accord avec lui. Toutes les entreprises sont d'accord, si ce n'est que, si vous dites aux entreprises: Là, on va vous débarquer un autre wagon bien plein de règlements, de formulaires. J'ai bien hâte de voir, moi, quelle entreprise... En tout cas, j'aimerais ça parler à M. Lemaire, entre autres, Bernard de son prénom, chez Cascades, pour voir, lui, qu'est-ce qu'il pense de ça. S'il y a des règlements d'attachés à cette affaire-là avec des pleines boîtes de paperasse, comment Bernard Lemaire va répondre à ça, cette histoire-là.

Et je dirai au ministre d'ailleurs que l'expérience américaine, ce qu'on peut en lire dans la littérature, c'est que ça a été... ça a fonctionné, mais ça a été une mer de papier absolument incontrôlée. Tous ceux à qui on peut parler, les deux, trois professeurs universitaires avec qui j'ai eu l'occasion de converser aux États-Unis nous disent: Ça a été tellement gros comme paperasse, cette affaire-là, ça a été démesuré. Et d'ailleurs, plusieurs universitaires nous disent: Écoutez, êtes-vous bien sûrs que vous voulez vous embarquer là-dedans? Êtes-vous bien sûrs que les PME veulent s'embarquer là-dedans, etc.? Mais, eux, ce qu'ils nous disent, c'est que c'est drôlement questionnable et qu'au niveau de la paperasse ça a été incommensurable aux États-Unis.

Alors, je dis au ministre: Quand toutes les entreprises sont d'accord avec ça, est-ce qu'on peut savoir quelle sera l'ampleur de la bureaucratie qu'on va créer avec ça? L'ampleur de la paperasse, des contrôles, d'après moi, c'est gros. Dans mon impression, c'est gros.

Et, vous savez, il nous dit: Bon, on va, avec ça, contrôler, par exemple, les émissions qui sortent des cheminées. Bien. Que bien lui soit fait. On n'est même pas capable, au moment où on se parle, de nous dire, nous, à l'opposition, combien il y a de porcs au Québec, de cochons, hein? On n'est pas capable de nous le dire. On n'est pas capable de nous dire par bassin versant, on n'est pas capable de nous le dire. Alors, les statistiques, ça varie d'un document à l'autre, là, c'est incroyable.

Si je vous parlais des rejets de ces mêmes animaux, M. le Président, ah, bien, là, c'est extraordinaire. Si je vous disais les subventions versus les rejets, versus les animaux, là il n'y a plus rien qui concorde là-dedans. D'ailleurs, le comptable du Québec, à un moment donné, a essayé de faire une analyse de tout ça puis il a dit en bout de ligne: C'est une cacophonie épouvantable. Et, cet été-là, je pense que le ministère de l'Agriculture ou de l'Environnement ont essayé systématiquement de visiter chacune des fermes du Québec pour voir combien il s'en cachait, des cochons, dans le premier, le deuxième, le troisième étage. Alors, imaginez-vous, si on n'est pas capable de savoir combien on avait de cochons sur nos fermes du Québec, là on essaie de nous parler des émissions par les cheminées, qu'on va contrôler ça. Moi, je pense qu'il va y avoir toute une machine alentour de ça.

Et, quand le ministre dit au Conseil des ministres dans son mémoire: Il n'y en a pas de règlement avec ça, puis il n'y aura pas trop de paperasse, puis il n'y a pas trop de conséquences pour l'entreprise, j'aimerais ça, moi, questionner les entreprises là-dessus.

Le ministre l'a avoué, d'autre part, à la fin, il a dit: Ça ne répondra pas à tous les maux puis ça ne réglera pas tous les maux d'environnement du Québec. Il a été très honnête en disant ça. Et là il a tout de suite changé de phrase, il a parlé d'efficacité. Moi, là, je lui donne le bénéfice du doute, c'est un nouveau ministre, il veut. Bravo! Peut-être que l'environnement va se porter mieux. Les autres ministres, ils ont fait à peu près 6 à 700 jours dans le ministère, il ne pourra pas en faire bien, bien plus, on va être en élection d'ici 700 jours, d'après nos calculs. Donc, il ne fera pas plus que 700 jours, lui non plus. Mais, ce que je retiens, moi, quand les ministres de l'Environnement me parlent d'efficacité, j'attends encore l'heure de voir ça, hein? Un règlement sur l'eau qui a été déposé il y a à peu près quatre ans au Conseil des ministres qui n'est pas encore déposé dans la population. La réglementation sur les sites de déchets, ça leur a pris exactement 10 ans, M. le Président. Le moratoire sur la loi 101 est arrivé juste avant que nous quittions le pouvoir, on a mis un moratoire. Ça fait sept ans que nous sommes là, et le règlement n'est pas encore en force. Alors, quand il me dit: Ça va être efficace ? puis il l'a dit plusieurs fois dans la phrase pour essayer de nous convaincre ? c'est pas parce qu'il le dit plusieurs fois que ça va être efficace, et je suis loin d'être sûr que ça va être efficace. Je cherche encore un programme gouvernemental le moindrement compliqué qui a été efficace, je n'en ai pas rencontré. Qu'est-ce que vous voulez, c'est...

Et, pire que ça, quand c'est un gouvernement social-démocrate ? et ça, ils n'aiment pas ça, là, vous allez les entendre marmonner, ça ne sera pas long, M. le Président; ça, ils n'aiment pas ça quand on dit ça ? quand c'est un gouvernement social-démocrate, historiquement, dans tous les pays, les provinces où il y a eu des gouvernements sociaux-démocrates, la Colombie-Britannique qui vient de nettoyer ça, l'Ontario qui a nettoyé ça il y a quelques années, tous ces gouvernements sociaux-démocrates là sans exception, en Europe ou ailleurs ? aux États-Unis, je pense qu'il y en a à peu près jamais eu ? ces gouvernements-là ont cette facilité de mettre la machine à règlements en marche, puis là ça se met à imprimer du papier, puis là ils ne trouvent plus le piton pour arrêter ça, cette affaire-là. Quand ça part, tu n'es plus capable d'arrêter ça.

Et puis là le premier ministre lui-même le disait au moment du dépôt de la commission sur la réglementation...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...question de règlement.

M. Boisclair: On nous accuse de motifs indignes, et je voudrais défendre les droits de la députée de Mercier, qui s'identifie sociale-démocrate, que son collègue est en train de planter. C'est inacceptable, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non, non, M. le leader... J'ai pas senti des motifs indignes. Alors, si vous voulez poursuivre votre intervention sur le principe du projet n° 25.

M. Benoit: Merci, M. le Président. Je crois que la remarque du ministre était tout à fait déplacée et je continuerai sans y répondre.

n(17 h 10)n

Alors, ce que j'étais à dire, c'est que les gouvernements sociaux-démocrates, qu'ils aient été en Colombie-Britannique, qu'ils aient été en Ontario, qu'ils aient été en Europe, ont tous péché de la même façon. C'est cette multiplication de paperasse, cette multiplication de réglementation, cette conviction de la vérité incarnée, et la réalité arrive durement. En Colombie-Britannique, là, passez-moi l'expression, mais y en ont mangé toute une! Et Bob Rae, malheureusement pour lui, y en a mangé toute une en Ontario aussi! Alors, ces gens-là, quand ils me disent que ça va être efficace, je me méfie énormément. Je n'ai pas rencontré, dans ma courte carrière de politicien ou dans ma plus longue carrière d'homme d'affaires, antérieure, je n'ai pas rencontré de gouvernement social-démocrate qui a pas pesé sur le piton de la machine à écrire du papier et des règlements, et c'est avec ça, je pense, qu'on va devoir vivre. Et, encore une fois, toutes ? e-s ? les entreprises, je pense qu'on devra leur poser des questions.

Maintenant, le ministre nous a parlé d'un document lui-même tantôt, sur lequel s'est inspiré ce projet de loi là. J'aimerais lui parler d'un document de réflexion d'octobre 1999, ministère de l'Environnement, La révision du régime de protection de l'environnement, et il faut en parler même si on aime pas ça. Alors, dans le document, on dit: «Le Québec a refusé de signer l'Accord pancanadien sur l'harmonisation environnementale et adopté une position d'observateur au sein du Conseil canadien des ministres de l'Environnement.» Alors, on n'est qu'observateur. On est dans ce pays-là, mais là on est observateur en environnement, comme si les pluies acides arrêtaient à la barrière de l'Ontario, comme si le problème des poissons arrêtait, je ne sais pas, moi, à la limite du Nouveau-Brunswick et du fleuve Saint-Laurent. Alors, c'est ça: «A adopté une position d'observateur au sein du Conseil canadien des ministres de l'Environnement. Il faut noter que cette position d'observateur adoptée par le Québec ? c'est le ministre qui dit ça, c'est pas l'opposition ? suscite des réactions d'inquiétude ? M. le ministre ? de la part de la clientèle industrielle, surtout dans le contexte actuel d'élaboration de standards pancanadiens concernant certaines substances toxiques jugées prioritaires.»

Ce que vous dites là, le «toutes les entreprises», vous-même, dans votre document, vous dites qu'ils sont inquiets ? vous dites qu'ils sont inquiets, et c'est pas moi qui l'ai dit, c'est signé... Je comprends que c'était un autre ministre de l'Environnement. Moi, j'en ai eu quatre. Qu'est-ce que vous voulez, ils aiment ça, changer le ministre de l'Environnement dans ce gouvernement-là, puis c'était probablement... En 1999, je ne sais plus si c'était le deuxième ou le troisième. En tout cas, c'était pas le premier, et il a signé ça, lui, puis il a dit: «Il faut noter que cette position d'observateur adoptée par le Québec suscite des réactions d'inquiétude de la part de la clientèle industrielle, surtout dans le contexte actuel d'élaboration de standards pancanadiens.» Il continue un peu plus loin, le ministre, dans son document, en disant: «Le gouvernement fédéral fonde l'étendue de sa prétention sur le fait que les problématiques environnementales se définissent de plus en plus à l'échelle planétaire.» Il y a pas rien qu'eux autres qui disent ça, l'ensemble de la planète dit ça: la biodiversité, le changement climatique, la pollution des océans, les substances appauvrissant la couche d'ozone, etc.

Alors, ce que je dis au ministre, c'est ceci. M. le ministre, soyez donc plus proactif avec les autres ministres de l'Environnement. On a des problèmes importants à régler. Je pense à la mine Adams, juste à la limite du territoire du Québec. Vous savez, là-dedans... D'ailleurs, c'était une euphorie du Québec. Ça, je mourrai sans jamais avoir compris ce qui s'est passé dans cette histoire-là. Un bon jour, le ministère a été avisé que la ville de Toronto n'enverrait plus ses déchets aux États-Unis, elle les enverrait dans une mine, juste à côté de North Bay, dont le bassin versant des eaux se déversait vers l'Abitibi. Le ministre de l'Environnement a émis un communiqué disant qu'il y avait pas problème, pas problème en la demeure! Moi, j'ai lu ça et j'ai dit: Ça se peut pas! Ça se peut pas, tous les déchets de la ville de Toronto vont être parqués à côté de la province de Québec, et puis toute l'eau qui s'en va dans cet immense lac va venir d'une zone polluée en Ontario.

La fin de l'histoire, M. le Président... Et ça, c'est complètement euphorique pour vous décrire comment ce ministère-là, en ce moment, il y a des bouts, là... misère à le suivre. Savez-vous qui a arrêté l'exportation des déchets à la limite de l'Ontario, qui se seraient déversés sur le Québec? C'est pas le Québec, c'est les gens de la ville de Toronto qui ont gagné la bataille. C'est les gens de la ville de Toronto qui ont dit: Ç'a pas d'allure de faire ça à la province de Québec! Ç'a pas d'allure d'envoyer nos déchets dans cette mine-là, etc. Et c'est grâce aux gens de Toronto si les déchets ne sont pas allés là. Il faut comprendre qu'il y a des gens de l'Abitibi qui se sont battus, avec force et vigueur d'ailleurs. Mais, encore une fois, comme bien d'autres débats d'environnement au Québec, ils se battaient contre leur propre ministre, comme dans Hertel?des Cantons, comme dans la côte des Éboulements où les citoyens ont dû se battre contre leur propre ministre de l'Environnement. Dans le cas de la mine Adams, les gens de l'Abitibi se battaient contre le ministre de l'Environnement.

Alors, on n'a pas le choix en environnement, on n'a pas le choix que de ne pas... Il faut participer à toutes ces plateformes avec nos voisins de Nouvelle-Angleterre, avec les Provinces maritimes, avec les provinces de l'Ouest canadien, avec toutes les provinces canadiennes, avec les autres ministres de l'Environnement; nous n'avons pas le choix. Les pluies acides n'arrêteront jamais à la barrière du Québec, pas plus que ce que nous émettons comme pollutions arrêteront dans le fleuve Saint-Laurent avant d'atteindre le Nouveau-Brunswick, etc. Alors, nous devons... On est sur un même bateau et on doit tous collaborer pour que l'environnement se porte mieux.

Alors, j'arrêterai ici, M. le Président, en vous disant: À ce point-ci, nous voterons pour le projet de loi. Nous pensons que l'explication du ministre était relativement bien faite. Nous lui poserons des questions. Il a déjà les questions. Alors, il pourra faire le travail d'ici là. Et il nous fera plaisir...

Et, encore une fois, le point peut-être le plus important, c'est un nouveau sujet au Québec qui ne fut jamais débattu avant, et nous devons passer une journée à écouter toutes, hein, parce que c'est bien toutes les entreprises. Toutes les entreprises sont d'accord. Il serait bon qu'on en écoute quelques-unes. Moi, je lui dis: Toutes les groupes d'environnement. Je ne suis pas sûr s'ils sont toutes d'accord. Et j'aimerais ça qu'on les entende aussi. Faisons ça pendant une journée et, après ça, votons le projet de loi avec les amendements s'il faut en apporter. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Orford. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Le principe du projet de loi n° 25, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, en rappelant au député d'Orford que l'on dit: Toutes les entreprises et tous les groupes. Je vous prierais de prendre en considération l'article...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...une motion pour transmettre le projet de loi à la commission.

Renvoi à la commission
des transports et de l'environnement

M. Boisclair: Ah, une motion de... Une motion, oui, d'accord. Oui. Je m'excuse. Vous avez raison. Vous faites bien, je vous en remercie. Je fais donc motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement et pour que le ministre de l'Environnement en soit membre.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Pour l'étude détaillée. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Article 44, M. le Président.

Projet de loi n° 149

Prise en considération du rapport
de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 44, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 149, Loi sur les réserves naturelles en milieu privé. Y a-t-il des interventions? M. le ministre de l'Environnement.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, d'abord, avant de vous parler du projet de loi n° 149, je vais faire comme le député d'Orford, je vais me permettre de commenter quelque peu le discours qu'il vient de faire en rappelant simplement, au-delà de tous les détours intellectuels auxquels s'est livré le député d'Orford, qu'il gagnerait certainement à clarifier sur le fond quelles sont ses positions, puisqu'au même moment où il réclame davantage d'interventions de l'État québécois il dénonce la réglementation et craint ses impacts sur les partenaires économiques et sociaux du Québec. C'est ce que le président du Parti libéral du Québec, que vous connaissez bien, qui, un jour, sera peut-être dans cette Assemblée, Marc-André Blanchard, président du parti, c'est ce qu'il a appelé un jour l'incohérence du Parti libéral ? l'incohérence du Parti libéral ? et, si elle s'incarne bien chez un parlementaire, M. le Président, c'est le député d'Orford.

n(17 h 20)n

Et je le désigne aujourd'hui champion de l'incohérence, puisque comment peut-il, dans un même discours, en 30 minutes ? je comprends que ça n'a pas dû être simple d'improviser 30 minutes sur un projet de loi d'un article, puis je comprends que c'est une tâche difficile, mais quand même, 30 minutes, là, c'est pas le discours du plénum central, là, c'est 30 minutes ? comment peut-il d'un côté plaider pour davantage d'interventions de l'État, plus de contrôle, puis dire qu'on devrait être plus présent sur le dossier de la mine Adams... Il a même été jusqu'à dire qu'il souhaiterait que le Parlement du Québec ait une compétence sur le gouvernement de l'Ontario, qu'on puisse, nous, ici adopter des lois puis des règlements pour venir quoi dire aux Ontariens; il faut le faire. Il n'a pas bronché, il n'a pas bougé, il n'a rien fait. Il est venu nous demander ça. Alors, imaginez donc la situation inverse, M. le Président, que les Ontariens viennent nous dire quoi faire chez nous, au Québec. Qu'on ait des accords de collaboration, qu'on ait des mécanismes d'information et d'échanges, qu'on puisse mutuellement avoir des mécanismes par lesquels on échange, tout à fait d'accord avec ça, mais sur des accords qui seront faits de gré à gré. Le député devrait s'inspirer de quelqu'un qui l'a un peu guidé en politique, l'ancien premier ministre du Québec, Robert Bourassa. C'est Robert Bourassa qui avait signé un protocole d'entente d'harmonisation avec l'Ontario sur les questions environnementales.

Alors, M. le Président, je comprends que, 30 minutes sur un projet d'un article, ça peut être long. Mais, quand même, il faut noter que le député a réussi, dans sa demi-heure, à se contredire à plusieurs reprises. Donc, est-ce qu'il peut, pour le bénéfice de la présidence, pour le bénéfice des membres gouvernementaux, clarifier quelque peu sa pensée? Où se situe-t-il, et peut-il avoir une bonne conversation avec la députée de Mercier?

Parce que, elle, la députée de Mercier, ça n'a pas l'air du tout à la déranger de s'identifier comme sociale-démocrate, puis la députée de Mercier a dit que les gens du Parti libéral ? ça doit inclure, ça, le député d'Orford ? bien, ils sont aussi sociaux-démocrates que les gens du Parti québécois. Puis je pense même que la députée de Bonaventure est de ce groupe-là. M. le Président, peut-être est-ce juste un groupuscule, mais j'ai confiance. Je connais les gens de Mercier, je connais les gens de Bonaventure, je n'oserais croire qu'ils seraient représentés, qu'ils auraient choisi eux-mêmes les gens d'un groupe minoritaire dans leur propre parti.

Et, petit commentaire à la fin, M. le Président, quitte à parler de son discours: il n'est pas obligé d'être paternaliste à mon endroit. Je comprends que je suis plus jeune que lui. Je comprends que je viens d'arriver au ministère de l'Environnement où ça fait un certain temps qu'il est là. Mais on ne gagne pas, M. le Président, puis on n'élève d'aucune façon le discours sur le fond en faisant des allusions, en disant: Moi, le vieux qui a de l'expérience, qui est là depuis plusieurs années, et vous, le jeunot, dit-il au ministre, qui venez d'arriver... Tu sais, il y a quelque chose là-dedans, M. le Président, qui me rebute un peu. Il ne l'a pas dit de cette façon-là. Mais, quand même... tant mieux qu'il y a du changement, puis qu'il y a des gens nouveaux qui arrivent.

Puis, je vous annonce quelque chose, là. D'abord, la première chose que je vais vous dire, c'est que j'ai confiance que nous allons remporter les prochaines élections. C'est pas une grande nouvelle; tous les sondages nous l'indiquent.

Une voix: Absolument.

Une voix: Un troisième mandat!

M. Boisclair: Et, deuxièmement, M. le Président, il y aura, sans doute un jour, quelqu'un d'autre comme moi qui sera ministre de l'Environnement. Il y a une équipe de députés, d'hommes et de femmes fort compétents qui pourraient occuper des fonctions au cabinet. Il y a une équipe de gens qui connaissent bien les choses. Je prends, par exemple, le député de Saguenay, mon adjoint parlementaire, qui connaît bien les dossiers de l'Environnement. Peut-être qu'un jour sera-t-il ministre de l'Environnement?

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Bravo!

M. Boisclair: Je lui souhaite, M. le Président. Mais, ceci étant dit, ce détour étant fait, une mise en garde et ces préoccupations ayant été exprimées, je voudrais vous parler d'une autre initiative gouvernementale, M. le Président, qui me tient particulièrement à coeur, qui est celle qu'a proposée d'abord mon collègue député de Louis-Hébert.

Vous savez, les ministres changent, mais le gouvernement s'exprime d'une même voix. Le gouvernement s'exprime par des décisions gouvernementales, et un de mes devoirs et un des plaisirs que j'ai eus, ça a été de poursuivre l'oeuvre de mon collègue Paul Bégin sur le projet de loi n° 149 essentiellement, un projet de loi qui traite des réserves naturelles en milieu privé.

D'abord, j'arrive à ce moment-ci dans le débat, je comprends que le projet de loi a été débattu déjà au niveau de son adoption de principe. Je comprends que la CTE ? c'est la commission des transports et de l'environnement ? a tenu des consultations particulières, que des organismes importants se sont fait entendre ? ils étaient au nombre de cinq qui se sont fait entendre en commission parlementaire, dont Canards Illimités, le Regroupement national des CRE, le Centre québécois du droit de l'environnement, la Chambre des notaires du Québec, et finalement, la Fiducie foncière de la Vallée Ruiter ? que la commission a aussi fait un travail sérieux en commission parlementaire, le 8 février, que le rapport a été déposé au mois d'avril.

Nous en sommes donc, M. le Président, à la prise en considération du rapport, et je voudrais donc faire quelques remarques à ce sujet. D'abord, je tiens à rappeler à ceux qui nous écoutent que l'objectif fondamental du projet de loi sur les réserves naturelles en milieu privé vise spécifiquement la protection de sites naturels sur les propriétés privées par les propriétaires eux-mêmes ou par leur mandataire, habituellement des organismes de conservation.

Fait important, ce projet de loi sur la conservation de milieux naturels constitue un outil juridique dont l'usage est laissé entièrement à la discrétion des propriétaires et des organismes de conservation. Jusqu'à ce jour, nous étions plutôt dotés de législation visant essentiellement la conservation de milieux naturels en milieu public. Par contre, le projet de loi n° 149 a pour but d'assurer la conservation de caractéristiques patrimoniales de propriétés privées qui présentent un intérêt sur le plan écologique, faunique, floristique, géologique, géomorphologique ou paysager en permettant au ministre de l'Environnement de reconnaître, donc, une propriété privée comme réserve naturelle, et ce, à la demande du propriétaire. Et cette reconnaissance peut être perpétuelle ou pour un terme minimal de 25 ans.

Ce projet de loi établit par ailleurs des conditions préalables à la reconnaissance, l'une de celles-ci étant la conclusion d'une entente portant notamment sur les mesures de conservation à observer par le propriétaire. Il prévoit que l'entente peut être éventuellement modifiée pour mieux répondre aux besoins de conservation et que le ministre peut, dans certains cas, révoquer la reconnaissance lors de conditions très spéciales comme le fait que les objectifs de base de l'entente ne pourraient plus être respectés.

Le projet de loi prévoit la publication de la reconnaissance par avis dans la Gazette officielle du Québec, l'inscription aussi de l'entente au registre foncier et la tenue d'un registre administratif des réserves naturelles au ministère de l'Environnement. Enfin, ce projet de loi contient diverses dispositions relatives à l'inspection et diverses dispositions pénales.

Lors de l'audition particulière tenue le 1er février 2001, nous avons entendu les organismes dont j'ai fait état tout à l'heure, M. le Président, et il va sans dire que toutes les personnes représentant ces organismes... et que la députée de Deux-Montagnes est sûrement très intéressée à savoir la contribution et la pertinence des recommandations, puisque je sais que la députée de Deux-Montagnes est une de celles qui va venir me parler du projet de loi sur les réserves naturelles en milieu privé. Non loin du lac des Deux-Montagnes, je suis convaincu qu'il y a plusieurs de ses électeurs qui, un jour, l'interpelleront, puisqu'ils chercheront à avoir l'appui de la députée de Deux-Montagnes pour peut-être en arriver à mettre sur pied des réserves privées. Alors, je l'invite à m'écouter attentivement, puisque cette information lui sera utile pour communiquer à ses commettants.

Donc, M. le Président, toutes ces personnes, incluant la députée de Deux-Montagnes, ont une riche expérience dans le domaine de la conservation volontaire et des milieux naturels au Québec. Elles ont gracieusement accepté de témoigner de leur appui et de nous faire part de leurs commentaires sur le projet de loi sur les réserves naturelles en milieu privé, et elles ont partagé avec nous le fruit de leurs expériences. Tous ces groupes, M. le Président, accueillent avec satisfaction et félicitent le gouvernement de mettre de l'avant ce projet de loi qui était attendu depuis longtemps. Ils considèrent que cette loi facilitera de beaucoup la protection des caractéristiques patrimoniales naturelles sur les propriétés privées. Le projet de loi répond donc tout à fait à leurs besoins et à leurs attentes et, à ce titre, le projet de loi vient apporter un ajout, croyons-nous, à la panoplie d'outils juridiques déjà en place pour aider à la conservation de milieux naturels au Québec.

Ces outils, vous le savez, M. le Président, vous êtes vous-mêmes avocat, découlent surtout du Code civil. Certains représentants nous ont fait part de quelques commentaires visant à améliorer la portée du projet de loi. Essentiellement, leurs commentaires visaient à améliorer l'efficacité et l'utilité de la loi pour les groupes non gouvernementaux de conservation. La principale modification a trait à accorder un rôle plus actif à ces organismes de conservation au sein de la loi. En effet, bien que le projet de loi mentionnait que les organismes de conservation puissent concourir à la démarche menant à la reconnaissance d'une réserve naturelle, les représentants des organismes non gouvernementaux de conservation nous ont demandé d'amender le projet de loi de manière à ce qu'à l'article 4 le ministre puisse approuver une entente déjà intervenue entre un propriétaire et un organisme de conservation. Une telle modification permettrait de répondre davantage au rôle que jouent actuellement ces organismes au Québec. Nous avons, au gouvernement, acquiescé à cette modification importante.

Les autres amendements que nous avons débattus ont constitué principalement en des ajustements de concordance avec le fait que le ministre pourra désormais approuver une entente conclue entre un propriétaire et un organisme de conservation.

Pour que cette loi donne des résultats, les organismes non gouvernementaux de conservation nous ont rappelé qu'il est d'une grande importance que le gouvernement mette aussi en place des allégements fiscaux de manière à inciter les propriétaires à conserver les attraits naturels sur leur propriété. Le budget gouvernemental 2001-2002 annonce déjà des crédits de 1 million de dollars en 2002-2003 aux fins de la conservation volontaire. M. le Président, le député nous parle des coupures de l'époque, moi, je vais lui parler des ajustements nouveaux puis des injections nouvelles au budget, 17 % d'augmentation du budget du ministère de l'Environnement. J'invite le député d'Orford à faire partie de ceux qui sont optimistes, de voir qu'il y a des choses qui vont mieux de jour en jour, après qu'on eut connu des moments difficiles sur le plan de la gestion des finances publiques, nous le reconnaissons tous. Mais les choses vont mieux et, 2002-2003, 1 million de dollars aux fins de la conservation volontaire, budget annoncé, budget environnemental, budget vert de ma collègue ministre des Finances qui nous a annoncé cette augmentation de budget.

n(17 h 30)n

Nul besoin de vous dire, M. le Président, que ce projet de loi revêt donc une importance capitale pour la conservation des milieux naturels sur les terres privées au Québec. La commission parlementaire nous a permis de conclure à l'importance et à la nécessité d'une législation comme celle des réserves naturelles en milieu privé. En effet, cette législation reconnaît formellement l'importance de la conservation volontaire et l'apport significatif d'individus propriétaires et des organismes de conservation à la protection des milieux naturels. La commission parlementaire nous a aussi conduits à rendre le projet de loi plus intéressant encore, de manière principalement à mieux reconnaître le rôle fondamental joué par des organismes non gouvernementaux dans la conservation des milieux naturels sur les terres du domaine privé. Nous avons aussi réussi à rendre ce projet de loi plus facile d'application en apportant toutes les nuances utiles.

Enfin, je voudrais... Malgré tout, M. le Président, malgré tout, soyons bon prince, rendons à César ce qui revient à César, mais, mon collègue, mon prédécesseur, le député de Louis-Hébert, me l'a dit: La collaboration du député d'Orford en ces matières a été excellente. Je tiens à l'en remercier, et on peut même l'applaudir. Applaudissons unanimement le député d'Orford, puisque non seulement le député d'Orford a offert sa collaboration au moment des audiences, mais encore plus au moment de l'étude article par article. Et on sait combien le député d'Orford, s'il le souhaite, avec son grand talent, peut ? ha, ha, ha! ? certainement ? c'est un jeu de mots, c'est sorti comme ça, spontanément ? mais peut très bien, avec le talent qui est le sien, faire en sorte de passablement utiliser le temps de la commission, mais je lui en sais gré et je l'en remercie.

M. le Président, je termine en disant qu'il faut aller de l'avant et adopter ce projet de loi qui s'avère très important pour l'initiative privée en conservation des milieux naturels, et il s'agit là d'un autre geste concret posé par notre gouvernement, geste, rappelons-le, qui s'inscrit dans le sens des décisions prises dans le cadre du plan d'action sur la diversité biologique et de la stratégie québécoise sur les aires protégées. Et je suis convaincu que cela nous donnera un moyen de plus, un moyen de plus pour qu'au Québec on augmente le pourcentage des aires protégées, puisque, je le reconnais, nous sommes en retard en ces matières ? et là je vois déjà le député d'Orford qui prend des notes ? je le reconnais. Et, s'il y a un élément sur lequel j'ai bien entendu les gens des conseils régionaux de l'environnement et où j'ai entendu plusieurs de mes collègues aussi des régions m'interpeller sur l'importance que le gouvernement agisse avec davantage de vigueur, c'est bien dans ce domaine, puisque, au Québec, notre pourcentage de protection est de 2,75 %, de façon générale. L'Ontario est à 5. Vous voyez donc, et les parlementaires, de façon générale, voient bien l'effort qu'il nous reste à consentir.

Le Québec, en matière environnementale, à bien des égards, donne le ton. Sur les changements climatiques, sur les processus d'évaluation environnementale, il y a des mécanismes que nous ne retrouvons nulle part ailleurs. Mais, sur cette question, je reconnais qu'il faut redoubler d'ardeur, et c'est à cette tâche, avec mes collègues, que j'entends m'appliquer. Et je remercie déjà à l'avance le député d'Orford pour sa contribution à cette réflexion. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de l'Environnement. Un simple rappel que nous en sommes à la prise en considération du rapport de la commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 149, Loi sur les réserves naturelles en milieu privé. Et je cède la parole au critique de l'opposition officielle en matière d'environnement et député d'Orford. M. le député, la parole est à vous.

M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. J'ai rarement été applaudi par le gouvernement. Je me sens un peu mal à l'aise. Vous comprendrez si je cafouille, là, c'est l'état de choc. Je voudrais juste rappeler au ministre qu'une fois n'est pas coutume, hein, qu'il ne prenne pas ça pour la vérité.

Peut-être quelques... D'abord, si le ministre s'est senti persécuté sur son âge, je m'en excuse le plus profondément possible. D'abord, jamais je n'ai parlé de son âge. J'ai parlé qu'ils avaient été quatre ministres de l'Environnement depuis six ans. Jamais j'ai mentionné, d'aucune façon, son âge ou quoi que ce soit qui avait trait à son âge. Ayant été moi-même responsable des dossiers Jeunes au bureau de M. Bourassa, à titre d'adjoint parlementaire pendant nombre d'années, s'il y a quelqu'un dans cette province qui a poussé les jeunes ? et vous le savez, M. le Président ? à aller en politique, à s'impliquer dans les formations politiques, à s'impliquer dans nos associations étudiantes, c'est bien le député d'Orford. Et combien de fois j'ai fait des millages inconsidérés pour aller appuyer, encourager, enthousiasmer des jeunes. Alors, jamais, jamais, jamais je n'ai voulu, si je l'ai fait, blesser le ministre, d'aucune façon, en ce qui a trait à son âge.

Tout au contraire, les gens qui nous invitent... je vous invite à regarder dans vos familles. Si vous avez des jeunes, invitez-les à l'Assemblée nationale; faites-les participer aux débats publics. C'est la façon de le faire, et je me réjouis chaque fois que je vois notre jeune consoeur ici entrer; que ce soit le député à l'arrière de moi, Claude Béchard, des jeunes extraordinaires, M. le Président, et je me réjouis que ces jeunes puissent prendre la place ici, à l'Assemblée nationale, qui leur revient. La société appartient à tout le monde, même à ceux qui n'ont pas le droit de voter, ceux qui ont en bas de 18 ans. Alors, je m'excuse si le ministre l'a pris mal, mais, s'il a un sentiment de persécution, qu'il ne me regarde pas, ce n'était pas mon intention.

Peut-être dire au ministre que, oui, nous avons collaboré avec le ministre de l'Environnement ? le numéro trois ministre de l'Environnement. Pourquoi nous avons collaboré avec lui? Une des raisons, c'est qu'il avait parlé une minute, au moment du dépôt du projet de loi ? vous étiez président, M. le Président, vous aviez présidé cette session ? il avait parlé une minute et... un peu moins d'une minute; j'ai la galée ici, c'est moins d'un paragraphe. Je me disais: Ça ne se peut pas; c'est un projet de loi extraordinaire. On rêve de faire ça, nous, les environnementalistes, depuis des générations. Il y a même des groupes qui l'ont fait avant le gouvernement. Ce n'est pas nouveau que les citoyens soient en avant des gouvernements, que les groupes environnementalistes soient en avant des gouvernements. Dans mon coin ? je pourrai vous en parler ? il y a plein de groupes qui en avaient fait, de ces fiducies foncières, sans l'aide du gouvernement. J'ai collaboré moi-même à une ? le mont Pinacle, de Baldwin Mills ? avec la famille Baldwin qui a remis sa montagne à la municipalité.

Or, moi, je disais: Le ministre, il va nous expliquer ça, et c'est tellement extraordinaire, ce projet de loi, si ce n'était que pour faire de la pédagogie, inviter les gens à écouter et donner effectivement à l'État leur propriété, en quelque part. Le ministre a parlé une minute. Alors là, vous me connaissez, avec mon enthousiasme, moi, j'ai été obligé de faire l'explication du projet de loi, le ministre ne l'ayant point fait, et j'ai expliqué en fond et en large le projet de loi. Mais je croyais que c'était un bon projet, et aujourd'hui, après avoir fait la commission parlementaire, je crois que c'est un très bon projet.

Le ministre a avoué que nous avions apporté des amendements. Nous croyions à l'époque ? et nous le croyons toujours ? que ces amendements-là étaient importants. Je vais vous les expliquer, M. le Président. Entre autres, on disait que, vous, vous avez une belle parcelle de terre. Il y a un avantage archéologique ou architectural, enfin, et vous pensez qu'on devrait préserver ça. Or, vous voulez aller négocier avec le ministère, mais, pour toutes sortes de raisons, vous n'êtes pas très familier avec la procédurite gouvernementale, et vous avez un voisin qui, lui, est président de l'Association de la Baie bleue, de votre lac, et puis qui dit: Écoute, nous, on en a déjà fait un, et puis on va te donner une procuration. Puis, pourquoi que tu n'irais pas au gouvernement? J'ai totalement confiance en toi.

Alors, ce qu'on a demandé, c'est que les intermédiaires soient acceptés pour faire ce genre de négociation là, et je pensais à deux ou trois cas particuliers au Québec où ce furent des familles anglophones; des familles anglophones qui ont, à l'occasion, des grandes parcelles de terres. Les enfants ont quitté le Québec ? on sait tous pour quelles raisons ? et ils n'ont pas d'héritier au Québec et veulent laisser cette propriété-là, et une des façons de le faire, c'est de la donner à l'État. Souvent, c'étaient des terrains extraordinaires, mais la barrière linguistique, l'âge aidant, alors ces gens-là avaient des confiances très grandes dans certains environnementalistes anglophones, et je pense à deux ou trois transactions chez nous qui ont été faites grâce à un vieil environnementaliste, M. Stewart Hopps, qui a permis de créer Fondation marécages Memphrémagog et qui a par la suite acquis de très grandes parcelles de terres.

Alors, on a fait amender ce projet de loi là, et j'avais invité... je l'ai fait à deux occasions. Je l'ai fait en commission parlementaire et je l'ai refait lors d'un dîner que j'ai eu avec ces gens-là, les CRE ? conseils régionaux de l'environnement. À la grandeur du Québec, ils sont 17, et, moi, je les ai invités. Ce sont des organismes qui ont été créés il y a dix ans, ça ? certains ont été créés il y a cinq ans ? et subventionnés par l'État, et puis ils ont une bonne mission: d'aider les gens à parler d'environnement dans leur milieu. C'est très bien.

Alors, j'ai suggéré à ces CRE là, qui sont encore après définir leur mission, pourquoi, eux, ils n'adopteraient pas comme leur enfant le projet de loi n° 149 et que, eux, chacun dans leur coin de pays, que ce soit en Gaspésie, en Abitibi, en Montérégie, ils regardent s'il n'y a pas une parcelle de terre qui appartient à une communauté religieuse, à une entreprise, qui appartient à une grande famille et qui serait prête effectivement à aider le patrimoine collectif, sans coût pour cette entreprise, cette famille ou cette communauté religieuse... Et l'article 16 est très clair: il pourrait y avoir des avantages fiscaux. On n'est pas très loquace sur les avantages, on dit: «Le ministre peut élaborer et mettre en oeuvre des programmes en vue de soutenir la création, la conservation, la surveillance et la gestion de réserves naturelles. Il peut accorder, dans le cadre de ces programmes, une aide financière ou technique.» Il vient de nous annoncer qu'il y aurait 1 million de dollars. Très bien.

n(17 h 40)n

Alors, ce qu'on a dit à ces groupes-là un peu partout à travers le Québec: Regardez donc, vous, les CRE, parce qu'avant que tous les groupes d'environnement étudient le projet puis comprennent comment ça fonctionne puis viennent au ministère, on va perdre une couple d'années. Et la population vieillissante du Québec, celle qui détient le patrimoine, je dirais, des terres du Québec, des beaux paysages, des belles îles, les beaux bords de lacs, les belles forêts, souvent est vieillissante, et c'est peut-être le temps de les approcher, au moment où ils sont après repenser à leur succession.

Alors, j'ai suggéré aux CRE et je le refais ici publiquement: Regardez donc ça. On me dit qu'il y a en ce moment 115 demandes, plus ou moins, au ministère, ou possibilité que cette loi-là soit appliquée dans 115 emplacements différents au Québec. J'invite le ministre à ne pas trop ? passez-moi l'expression ? taponner, tatillonner et couper les cheveux en quatre. Si des gens de bonne volonté viennent au ministère puis disent: Écoutez, nous, on a une grande parcelle de terre, on pense que ça devrait maintenant faire partie du patrimoine collectif, on vous demande maintenant que les taxes municipales ne soient plus assumées par nous, etc., je pense qu'au ministère, là... Allons-y de l'avant.

Le projet de loi, il est bon. Les gens qui vont nous offrir ces terres-là, je pense, ultimement vont le faire avec un sentiment de vouloir donner quelque chose, et au total tout le monde va être gagnant. J'aimerais illustrer mon propos avec le cas de la famille Baldwin. Et les gens qui nous écoutent vont comprendre très bien l'essence du projet de loi. Au moment où on a fait affaire avec la famille Baldwin, ou la Vallée-du-Ruiter, la loi n'existait pas. Donc, on est arrivé aux mêmes fins, mais sans le faire avec cette loi-là.

Et ça illustre très bien ce que le ministre et ce que l'opposition a approuvé, ce que le projet de loi n° 149 permet maintenant de faire au Québec. Vous vous appelez la famille Baldwin, vous demeurez dans la région de Baldwin, dans les Cantons-de-l'Est qui est une des plus belles régions de l'Estrie, et vous êtes propriétaire d'une montagne sur le bord d'un lac, vous avez même un lac, effectivement vous avez même un petit lac. Et cette montagne-là, à travers les temps, plein de gens l'ont agressée, c'est-à-dire qu'ils sont montés sur cette montagne-là, ils ont fait des feux, et un bon jour vous avez un peu perdu le contrôle de cette montagne-là, parce que c'est un point de vue extraordinaire. D'ailleurs, du haut du mont Pinacle, vous pouvez voir les États-Unis sur trois fronts et vous pouvez voir tous les Cantons-de-l'Est sur la quatrième façade. C'est un endroit extraordinaire et c'est un endroit qui n'est pas trop haut mais qui a un point de vue fantastique.

Or, la famille Baldwin était prise avec un problème: elle n'a, je crois, qu'un descendant, et elle avait ce problème de responsabilité sur sa montagne, de tous ces gens qui allaient marcher sur cette montagne, qui prenaient des pique-niques là. Et ils ont toujours été très ouverts à l'idée que des gens puissent bénéficier de cette propriété qui était la leur. Jamais ils n'ont mis de clôture, jamais ils n'ont mis d'écriteau disant aux gens: Vous n'avez pas le droit. Ils étaient ouverts, mais bien sûr qu'il y a des gens qui ont ambitionné. C'est comme ça que les choses fonctionnent, malheureusement. Et eux ne pouvaient pas se payer une police pour superviser ça. Les assurances étaient devenues un peu trop dispendieuses pour cette famille qui vieillissait, bien sûr. Or, ils ont approché le député de la place, et on a regardé avec eux ce qu'on pouvait faire. Si la loi avait existé, ça aurait été relativement simple. On a dû le faire via la municipalité. À l'époque, c'était la municipalité de Baldwin, maintenant, c'est devenu Coaticook. Je salue d'ailleurs le maire de Coaticook, M. André Langevin, qui a été partie prenante à cette transaction-là et qui a fait que la famille Baldwin a pu se départir de sa montagne pour le bien collectif.

Maintenant, cette montagne-là, qui est un parc, appartient à la municipalité. La municipalité a créé un organisme sans but lucratif qui gère... J'imagine que la montagne est assurée à partir des assurances de la municipalité. Le groupe des bénévoles supervise l'entretien, l'environnement, les pistes, bon, etc., et c'est une histoire heureuse. La famille n'a plus sous sa responsabilité cette montagne, elle est heureuse de voir que c'est un patrimoine qui est maintenant un patrimoine collectif. Elle l'a remise à l'État, des générations à venir, les enfants de nos enfants pourront bénéficier de cette propriété-là, et personne n'a perdu là-dedans finalement.

Alors, c'est ça, l'essence du projet de loi, et, moi, j'invite les gens qui nous écoutent, encore une fois, à regarder: est-ce qu'il y aurait chez eux, dans leur environnement, une famille, une communauté, une entreprise qui pourrait effectivement se départir d'un bien qui pourrait faire partie du patrimoine collectif de l'ensemble des citoyens. Et, souvent, cette entreprise-là n'y serait pas perdante.

Je pense, par exemple... On en connaît tous, des centres d'achats qui ont acheté d'immenses propriétés. À l'arrière du centre d'achats, il y a un marais. On sait pertinemment que ce marais-là ne pourra jamais être construit, et, moi, j'invite ces entreprises à regarder avec leur municipalité la possibilité d'aller chercher une exemption de taxes, si ce marais-là a une certaine valeur écologique, et de le donner aux biens publics.

Et, les communautés religieuses, on sait qu'un grand nombre de communautés religieuses sont après abandonner... les membres sont vieillissants, ils ont de moins en moins de gens dans leur communauté, alors pourquoi ne pas faire cet examen de conscience, dans cette communauté-là, et de dire: Est-ce que ce bien qui nous appartient... est-ce qu'on ne pourrait pas le remettre à la collectivité?

Je pense à certaines compagnies de chemin de fer, petites compagnies de chemin de fer au Québec, qui ont une occasion aussi de remettre un bien collectif à la société. Alors, il y a plein de monde qui peuvent le regarder.

Le ministre a accepté les amendements qu'on a apportés, tous sauf un. Et le plus euphorique de l'histoire, c'est que le dernier amendement qu'il a refusé... Et on comprend pourquoi il l'a fait, mais je vous dis tout de suite qu'on va revenir à la tâche, soit sous forme d'un projet de loi éventuellement. Je pense que cet amendement-là mériterait qu'on le regarde beaucoup plus sérieusement qu'on l'a regardé. Mais je voulais tellement que le projet de loi passe que je n'ai pas voulu m'enfarger dans cet amendement-là. Mais l'amendement que nous proposions, c'étaient des gens de son comté qui sont venus nous le proposer. Ces mêmes gens-là, d'ailleurs, sont revenus récemment nous voir, l'opposition, et nous questionnant. J'ai dit: Écoutez, moi, si j'étais à votre place, je mettrais la pédale douce. Laissez-nous passer 149, et, après ça, on verra, on parlera au ministre de l'Environnement, on regardera de nouveau avec ses fonctionnaires s'il n'y a pas moyen d'amener un amendement au projet de loi ou un nouveau projet de loi.

Et l'amendement voudrait que les sociétés d'État ? le ministre m'écoute ? les commissions scolaires qui sont propriétaires de terrains... Et, dans le cas précis des gens du comté de Paul Bégin, c'était une commission scolaire qui a une magnifique forêt dans le centre de Québec, qui vaut bien cher, bien sûr, et la commission scolaire voit la possibilité de faire des piastres avec ça. On comprend ça. Il y a un groupe de citoyens qui dit: Écoutez, il nous faudrait protéger ce terrain-là. C'est aussi très noble. Mais, entre la commission scolaire et ces citoyens, il ne semble pas y avoir de terrain d'entente. Et, comme le projet de loi dit: On peut accorder, dans le cadre de ces programmes, une aide financière ou technique, moi, ce que je voulais, ce que l'opposition a demandé au ministre Bégin tout au long, c'était qu'on dise non pas seulement «les terres privées», mais «les terres privées et publiques». Le ministre, pour toutes sortes de raisons, qu'il ne nous a pas vraiment expliquées, je dois avouer... Et puis, comme, chez nous, on voulait vraiment que le projet de loi n° 149 passe, on n'a pas insisté plus qu'il fallait... J'invite le ministre, avec ses gens, à regarder cette possibilité-là. Il nous a dit comment la situation des aires protégées était un peu dramatique. Je vais y revenir, je vais finir là-dessus d'ailleurs.

C'est peut-être une façon... Je pense, entre autres, à la Caisse de dépôt du Québec. Selon cette loi-là, la Caisse de dépôt du Québec ne pourrait pas, dans une de ses compagnies qui serait propriétaire d'un magnifique boisé à l'arrière du centre d'achats, dont elle sait pertinemment qu'elle ne pourrait jamais se servir à cause du zonage ou Dieu sait pourquoi... pourrait, demain matin, la Caisse de dépôt, aller voir le ministère puis dire: Écoutez, nous autres, on a un 30 acres ici, boisé, sur le bord d'un marais, c'est extraordinaire, alors on vous offre, le ministère, d'en devenir propriétaire, et donnez-nous certains avantages fiscaux, taxes municipales ou autres. C'est un cas. Le cas de la commission scolaire, ici, est un autre cas. Je pense à plein d'autres situations où la province est impliquée. Hydro-Québec, à titre d'exemple, Hydro-Québec qui, pour toutes sortes de raisons, à travers les temps, a exproprié des grandes parcelles de terres pour passer des lignes électriques ou autres. Souvent, ils doivent revendre des parties de ces terrains-là. Je vois pas Hydro-Québec se mettre à donner tous ces terrains qui leur appartiennent, qu'ils n'auront jamais utilité pour, mais je comprendrais qu'un très beau coin de terre qu'ils ont acquis où on découvre qu'il y a, je sais pas, moi, des animaux un peu plus rares, des hérons qu'on n'a pas ou une sorte de poisson qu'on voit rarement, des animaux protégés, qu'Hydro-Québec pourrait à ce moment-là offrir au Québec et que ça devienne un patrimoine plutôt que le revendre au premier intervenant qui se présente à Hydro-Québec.

n(17 h 50)n

Or, je pense que l'esprit de la loi voulait qu'on protège les plus belles terres du Québec et qu'on en fasse un patrimoine collectif. Mais on a dit: Seulement les terrains privés. J'invite le ministre, qui semble être ouvert, à regarder cette possibilité-là et, moi, je lui dis: Si lui ne la regarde pas, d'ici quelques mois, nous, on va certainement la regarder, parce qu'on pense qu'il y a là quelque chose pour faire avancer l'environnement. Et c'est très positif, ce que je lui dis, et c'est pas un défi non plus. Je pense que, s'il est un environnementaliste, il a là une poignée pour aider les entreprises de l'État à aider dans cette mission qu'on veut se donner, au Québec, d'augmenter les aires protégées.

Je finirai, M. le Président, sur cet aspect-là du projet de loi. Il faudrait pas qu'il y ait personne ce soir qui est après nous écouter à la maison qui pense que le ministère de l'Environnement a trouvé une solution au problème des aires protégées. Qu'est-ce que c'est, une aire protégée? C'est une terre normalement boisée, plus ou moins, en tout cas, qui... On ne peut y faire aucune culture, aucune coupe d'arbres, c'est vraiment protégé. Alors, la norme nord-américaine en ce moment, on dit que c'est 8 % du territoire, c'est-à-dire que, aux États-Unis, si vous allez dans la moyenne américaine, c'est 8 %; certains États sont rendus à 12. L'Europe, comme vous le savez, qui a une densité de population... 60 et quelques millions de population en France, un territoire sept fois plus petit que le Québec, a 8 % de ses territoires protégés. Je comprends qu'ils ont les Alpes, qui doivent aider un peu dans la mathématique. Ils ont au-delà de 8 %. L'Europe va tendre vers 12 % d'aires protégées, même avec des populations très denses.

Alors, nous, le Québec, avec des populations peu denses, un immense territoire, sept fois la grandeur de la France, nous sommes à 2,75. On ne voit pas le jour où on va atteindre la norme nord-américaine de 8 %. Et le ministre pourra dire, quand il reparlera, que j'ai un ton moralisateur. Oui, j'ai un ton moralisateur, parce que les efforts n'ont pas été faits ? les efforts n'ont pas été faits. On vient d'avoir une commission parlementaire sur la foresterie. L'heure était belle de mettre un peu d'ordre dans tout ça; on ne l'a point fait ? sur les aires protégées, pas vraiment, des grandes intentions.

J'étais hier avec 17 environnementalistes. Vous savez que le Parti libéral est après écrire une politique environnementale des années 2000 qui va être quelque chose de vraiment extraordinaire. Et, hier soir, nous avons été ensemble de 6 heures à 11 heures, et nous avons là dans ce qu'il y a à peu près de mieux en environnementalistes au Québec. Et je vous avouerai que c'est un des aspects qui fatigue particulièrement le mouvement environnemental: le peu d'empressement qu'a le gouvernement à atteindre la norme nord-américaine en aires protégées.

Or, il ne faudrait pas que personne ici, au Québec, pense que, avec les 15 projets qui ont été réglés avec la 149, les 115 projets qu'on dit avoir sur les tables au ministère, ça va vraiment faire monter la norme. Quand on regarde le territoire du Québec, c'est pas quelques marais dans quelques coins de rivières du Québec qui vont faire qu'on va passer à 8 % demain matin.

J'étais heureux d'entendre le ministre de l'Environnement nous dire qu'il n'est pas satisfait. Il va falloir qu'il fasse un peu plus que ça, nous dire qu'il n'est pas satisfait. Il va falloir que ce gouvernement nous indique comment, maintenant, ils vont être satisfaits. Et je lui ai suggéré d'avoir à l'oeil trois ou quatre ministres, hein? Pas besoin de vérifier tout le Conseil des ministres, il y en a trois ou quatre qu'il doit vérifier. Le premier, le ministère... Ah! bien, ça, c'est sa job; le ministère de l'Environnement, j'espère qu'il va le vérifier. Le ministère des Forêts, c'est le premier qu'il doit vérifier; le ministère des Affaires municipales, le ministère de la gravelle, et le ministère de l'Agriculture. Il doit vérifier ces quatre ministères là, comme ministre de l'Environnement. Et, un de ces quatre-là, indéniablement, c'est le ministère de la foresterie, au Québec ? le ministère des coupeurs d'arbres. Et si le ministre veut aider les aires protégées, il serait mieux de se mettre le nez dans ce ministère-là.

Vous savez, d'ailleurs, ils avaient compris ça, parce que, dans leur programme, ils disaient qu'ils étaient pour créer ? je vous en ai parlé tantôt ? un organisme qui chapeauterait tout ça. Puis, lui, il serait comme le premier ministre de trois, quatre ministères, puis il n'y a rien qui bougerait là-dedans sans qu'il donne son assentiment. Ils n'ont jamais été de l'avant avec ça. La France a ça, en passant. Et, aux États-Unis, on a un organisme semblable à ça. On a un organisme semblable à ça, et là ça donne un poids très grand au ministre de l'Environnement.

Malheureusement, au Québec, le ministre de l'Environnement n'est même plus sur les priorités du gouvernement, hein? Alors, comment voulez-vous qu'il puisse appeler son confrère au ministère de la foresterie puis lui dire: Écoute, je pense qu'on a un problème, on est à 2,75 dans les aires protégées, il faudrait monter ça à 8. Qu'est-ce que tu as l'idée de faire? Comment, moi, ministre de l'Environnement, je peux t'aider? Alors, je lui dis, une des façons de s'aider, c'est de regarder comment tout ce qui est public au Québec pourrait être dans la loi n° 149, par un amendement.

J'irai plus loin que ça, vous savez que le Québec est un peu un cas d'espèce en Amérique du Nord ? il me reste trois minutes, je finirai là-dessus, M. le Président: le PIB, tous les biens produits au Québec, il y en a plus de 51 % qui vient de l'État québécois, ce qui est énorme, hein? Aux États-Unis, on parle de 32, 33, 34. Au Québec, 51 % de tous les biens produits et services viennent... 51 % de l'État québécois, Caisse de dépôt, commissions scolaires, municipalités. Alors, l'État est omniprésent à tous les jours. Alors, si nous étions dans l'État du Vermont, où les biens produits par l'État représentent une trentaine de pour cent, bon, on dit: Il y a 30 % du chiffre d'affaires de l'État, peut-être qu'on ne mettra pas les terrains publics, je veux dire, c'est 30 %. Mais, quand on est rendu à 50 % de l'activité économique... Écoutez, quand on se promène à Montréal, il y a les trois quarts des édifices, là, on voit la petite pancarte que ça appartient à la Caisse de dépôt. Ici, dans le centre-ville de Québec, c'est un peu la même chose. Alors, on prend pour acquis maintenant que la Caisse et combien d'autres organisations gouvernementales sont propriétaires maintenant de très grands territoires, de terrains, et, à cet égard-là, si la loi n° 149 couvrait les terres publiques, les institutions publiques, nous pourrions arriver beaucoup plus rapidement à atteindre notre 8 %.

Alors, la proposition que je fais au ministre, elle n'est que positive. Ce n'est pas une pelure de banane, ce n'est pas une façon d'enfarger le gouvernement, loin de là. Et il pourrait être le ministre de l'Environnement qui, peut-être, aura fait le plus dans l'histoire du Québec pour arriver avec les aires protégées finalement, juste en apportant un amendement à la loi n° 149.

Encore une fois, le ministre Bégin nous est arrivé avec des raisons, je suis loin d'être sûr que ça se tenait. Vous savez, le bon ministre Bégin, c'est un avocat, puis il peut nous perdre un peu. Il peut nous perdre un peu. Vous savez, quand les avocats commencent à nous expliquer les affaires, ça peut virer compliqué assez rapidement, M. le Président. Alors, j'aimerais ça qu'un ministre qui n'est pas avocat nous explique pourquoi la loi n° 149 ne pourrait pas comprendre des terrains publics. Et, de là, si les raisons étaient fondamentales, bien, je comprendrais.

Je lui rappelle que d'autres régions de la planète l'ont fait. Les États-Unis ont ce genre de choses là. On n'a rien inventé, hein, on est des années-lumière en retard là-dessus. Les États-Unis l'ont fait. Ce qu'on appelle «The Long Trail», qui traverse du Vermont jusqu'à la Floride, a été fait presque exclusivement avec un projet de loi semblable à 149. On l'a fait aux Bermudes. Vous savez que les terrains les plus dispendieux au monde, ou à peu près, sont aux Bermudes, et le gouvernement a réalisé à un moment donné que une des façons de rebâtir des patrimoines pour l'ensemble de la collectivité bermudoise, c'était de partir un «land trust». Et, au fur et à mesure que des gens décédaient ou que des gens quittaient l'île, on leur demandait de donner à l'État des parcelles de terres qui valaient des fortunes, et avec le temps ils ont bâti des magnifiques parcs.

Je pourrais vous donner d'autres exemples, mais je pense que le temps se termine. Je finis ici en invitant le ministre à regarder la possibilité d'apporter un amendement au projet de loi pour que les institutions publiques du Québec soient incluses dans le projet de loi n° 149. Merci, M. le Président.

Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Orford. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Est-ce que le rapport de la commission des transports et de l'environnement portant sur le projet de loi n° 149, Loi sur les réserves naturelles en milieu privé, est adopté? Le rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, compte tenu de l'heure ? il est 18 heures ? je suspends les travaux de cette Assemblée jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 heures)

 

(Reprise à 20 h 12)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Alors, M. le leader du gouvernement, voulez-vous nous indiquer l'article à l'ordre du jour.

M. Brassard: M. le Président, je vous réfère, pour commencer, à l'article 14.

Projet de loi n° 21

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Voilà, 14. Alors, M. le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi n° 21, Loi modifiant le Code de la sécurité routière. M. le ministre des Transports, je vous cède la parole.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je propose l'adoption du principe du projet de loi n° 21 intitulé Loi modifiant le Code de la sécurité routière. Ce projet de loi, fort bref, a essentiellement pour but de modifier le Code et d'y introduire quelques articles afin d'augmenter la sécurité et de contrôler la vitesse dans les zones de travaux routiers et, dans un second temps, d'interdire l'utilisation des trottinettes motorisées sur les chemins publics.

Et, en passant, je sais que ça a provoqué des sourires, mais je vous ferai remarquer, si vous ne l'avez pas vu, que ça peut rouler jusqu'à 60, 70 km/h à travers les automobiles, à travers les camions. On peut s'amuser de cela, on peut caricaturer cela, comme l'a fait Ghislaine Rheault du Soleil, mais, si c'était un des nôtres, que ce soit un petit-fils, une petite-fille ou un enfant, on ne rirait pas.

M. le Président, en ce qui concerne la vitesse sur les chantiers de construction, je tiens à souligner que le ministère des Transports du Québec a formé un groupe de travail en 1998 qui avait pour but d'élaborer une méthode de détermination des limites de vitesse spécifiques aux aires des travaux routiers. Le malheureux accident de Saint-Michel-de-Bellechasse survenu en juillet 1999, alors même que le groupe de travail poursuivait son examen de la situation, est venu nous rappeler de façon brutale à quel point la vitesse aux abords des chantiers routiers est un réel problème pour la sécurité des travailleurs et même pour les usagers.

Rappelons que cela a d'ailleurs fait l'objet de plusieurs recommandations de la part du coroner Denis Boudrias en janvier 2001. Le gouvernement souscrit largement à ces recommandations et c'est pourquoi il s'est engagé à les mettre en application le plus rapidement possible. Il n'est donc pas étonnant de constater que plusieurs des mesures législatives que je propose aujourd'hui vont dans le même sens que celles suggérées par le coroner, notamment l'augmentation des amendes pour les excès de vitesse près des zones de construction routière.

De plus, M. le Président, le projet de loi n° 21 propose trois types de dispositions pour améliorer la sécurité sur les chantiers de construction. Il veut, premièrement, rendre les gestionnaires de réseaux ? le ministère des Transports et aussi les municipalités ? responsables de la détermination des limites de vitesse. Deuxièmement, il veut sanctionner les excès de vitesse sur les aires de construction routière de la même manière que ceux constatés ailleurs sur le réseau routier. Troisièmement, enfin, il veut permettre au conducteur d'un véhicule servant à l'entretien d'un chemin public de circuler sur l'accotement si les circonstances l'exigent.

Actuellement, l'article 303 du Code de la sécurité routière prévoit qu'il revient à la personne qui effectue des travaux de construction ou d'entretien d'installer la signalisation indiquant la vitesse à respecter. Cette limite de vitesse doit être ajustée en fonction de chaque réalité afin de permettre la fluidité de la circulation tout en assurant la sécurité des travailleurs et des usagers de la route. Pour y parvenir, je crois que l'utilisation d'une grille s'avère un excellent outil d'évaluation. Jusqu'à tout récemment, aucune grille d'analyse ne permettait de choisir la vitesse la plus appropriée pour assurer la sécurité des travailleurs et celle des usagers de la route. M. le Président, le problème du contrôle de la vitesse sur les chantiers de construction routière constitue une préoccupation partout en Amérique du Nord. Au Québec, cette vitesse est largement tributaire des files d'attente, pour ne pas dire les bouchons, occasionnées par le rétrécissement des voies de circulation pendant la durée des travaux, lesquels s'effectuent le plus souvent en période estivale, au moment où le trafic est nettement supérieur à la moyenne annuelle.

Le groupe de travail du ministère a présenté au printemps 2000 une première version d'un modèle qui s'inspire des pratiques en vigueur au Département des transports américain. Ce groupe de travail a mis au point deux tableaux de détermination des vitesses pour les travaux de longue durée. Un premier tableau servirait de grille pour les autoroutes à chaussées séparées et un second serait adapté aux routes, à l'exception de celles situées en milieu urbain. Ces deux tableaux ont été soumis à une validation durant la saison estivale , et une analyse des résultats obtenus sera complétée sous peu. Précisons que l'expérience se poursuivra aussi au cours de l'été 2001. Grosso modo, ce modèle tient compte de variables comme la perte d'une voie de circulation, qui entraîne une diminution de la vitesse de l'ordre de 10 km/h. La présence d'ouvriers non protégés aussi est mise en cause, qui impose d'ailleurs une autre réduction de 10 km/h et la perte d'une deuxième voie de circulation, qui occasionne, elle, une baisse supplémentaire de 10 km/h.

Comme cela est souvent le cas, une certaine résistance au changement s'est manifestée au moment des premières expérimentations. Bien des gens croient encore qu'il suffit de mettre un panneau à 50 km pour que tout rentre dans l'ordre. Or, rien n'est plus faux. La grille en développement devrait corriger ce mythe, qui a la vie dure, selon lequel une norme standard de réduction de vitesse est un gage de sécurité. En réalité, il faut tenir compte d'un ensemble de facteurs propres aux conditions rencontrées sur un site donné si on veut que les conducteurs respectent vraiment les limites de vitesse indiquées. Par exemple, une meilleure signalisation, une augmentation des amendes et un meilleur contrôle des agents de la paix sont des éléments qui permettront d'atteindre nos objectifs en termes de sécurité. Ainsi, la solution proposée dans le projet de loi n° 21 que je dépose, eh bien, propose de modifier les règles actuelles afin de confier la détermination des limites de vitesse aux responsables de l'entretien du chemin public. L'établissement de ces limites temporaires se fera selon des critères bien définis. La mise en place de cette grille d'analyse fournira aux gestionnaires du réseau un nouvel outil de travail fort utile.

n(20 h 20)n

Les usagers de la route sont également, généralement, peu enclins à respecter les limites de vitesse aux abords des chantiers de construction. Comme je l'ai dit, cela est attribuable au fait que, d'une part, la limite de vitesse choisie est parfois trop basse, mais aussi parce que, d'autre part, les dispositions actuelles du Code ne prévoient pas un niveau d'amende en relation avec l'excès de vitesse constaté, pas plus qu'il y a de perte supplémentaire de points d'inaptitude pour les infractions à la limite de vitesse commises près des chantiers de construction. Présentement, ce type d'infraction est souvent sanctionné en vertu de l'article 310 du Code qui impose une amende de 100 $ pour le non-respect de la vitesse inscrite sur la signalisation mais n'entraîne pas, dis-je, de perte de points d'inaptitude. Bien que 31 États américains sur 50 ? je dis bien 31 États américains sur 50 ? aient choisi de doubler les amendes pour les excès de vitesse sur les chantiers de construction, il semble que cela n'ait pas eu les effets escomptés. Entre autres, les études menées sur le sujet par les États du Texas et de la Pennsylvanie arrivent à une même conclusion, à savoir qu'il ne suffit pas seulement d'augmenter les amendes, mais encore faut-il que des contraventions soient émises.

Là, j'attire votre attention, M. le Président, sur le fait que le projet de loi privilégie la mise en place graduelle de nouvelles règles plus efficaces et beaucoup plus coercitives. La solution retenue consiste à uniformiser les niveaux de sanction pour les excès de vitesse aux abords des zones de travaux routiers selon les mêmes critères d'amende et de points d'inaptitude que ceux applicables dans le Code de la sécurité routière. Les mesures proposées reposent à la fois sur la nécessité de changer le comportement des usagers de la route lorsqu'ils circulent près des chantiers de construction et également sur le besoin d'avoir des règles comparables à nos voisins sur le légal.

Plusieurs chercheurs constatent que les conducteurs ne semblent pas conscients des risques particuliers qui prévalent aux abords des zones de travaux routiers. Par exemple, des études réalisées au Wisconsin démontrent que les conducteurs se perçoivent beaucoup plus prudents qu'ils ne le sont en réalité. Ainsi, dans les faits, leur vitesse était parfois de 20 à 30 km/h au-dessus de la vitesse affichée. La perception des gens d'avoir ralenti se fait davantage en fonction de la vitesse qu'ils pratiquaient que celle qu'ils auraient dû pratiquer, c'est-à-dire qu'une large partie de la solution passe inévitablement par un changement de comportement des usagers de la route.

Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi n° 21 propose de modifier certaines dispositions actuelles du Code, de manière à autoriser certaines manoeuvres de véhicules servant à l'entretien d'un chemin public sur l'accotement. Il est en effet parfois nécessaire que ces véhicules puissent circuler sur l'accotement afin d'exécuter correctement certains travaux, lorsque des véhicules accompagnateurs sont utilisés aux fins de sécurité, ou encore, pour recueillir de l'information sur la densité du trafic. Comme le Code en vigueur actuellement laisse place à de l'interprétation, nous avons cru bon d'introduire de nouvelles dispositions permettant formellement l'utilisation de tels véhicules. Cela permettra, par exemple, à un véhicule accompagnateur de circuler sur l'accotement afin d'informer les usagers de la présence d'une file d'attente.

Comme on le voit, la modification proposée s'inscrit à l'intérieur d'un plan d'action bien défini visant à améliorer la sécurité sur les chantiers de construction. À cela s'ajoutent de nouvelles possibilités d'intervention qui pourront être utilisées lorsque les circonstances l'exigeront.

Cette révision des normes en vigueur s'inscrit dans une perspective de mise en place graduelle d'un nouveau plan de gestion de la circulation aux abords des chantiers. Cet exercice tient compte des nouvelles techniques disponibles, tout autant que des normes canadiennes et américaines en vigueur.

En appui à ces mesures législatives, j'ai annoncé, le 8 mai dernier en conférence de presse, un vaste plan d'action pour améliorer la sécurité aux abords des chantiers de construction routiers. Nous escomptons que les retombées de ces gestes concrets seront palpables dès l'été 2001. Ainsi, l'installation de panneaux à messages variables sur les chantiers, l'utilisation d'une nouvelle pellicule fluorescente de couleur orange permettant aux usagers de mieux repérer les chantiers jour et nuit, et aussi la planification d'itinéraires de rechange dans un plan intégré de gestion de la circulation sur les chantiers majeurs sont autant de moyens supplémentaires qu'utilisera le ministère des Transports pour assurer la sécurité.

De plus, une campagne radiophonique choc sous le thème Au nom de la vie, ralentissez! sera diffusée partout au Québec pour rappeler aux usagers de la route de ralentir aux abords des chantiers routiers. Une campagne parallèle sera aussi menée conjointement par l'Association sectorielle transport et entreposage, le ministère des Transports et la Société de l'assurance automobile du Québec auprès des conducteurs de véhicules lourds afin de les sensibiliser aux règles de conduite appliquées dans les aires de travaux.

Cela dit, M. le Président, les modifications proposées au projet de loi n° 21 ne se limitent pas qu'aux seuls chantiers routiers. En effet, comme nous constatons fréquemment l'apparition de nouveaux moyens de transport sous l'influence d'une mode quelconque, il est régulièrement nécessaire d'adapter le Code pour faire face à ces phénomènes. C'est ainsi que, depuis environ un an, la trottinette a repris une place de choix auprès non seulement de petits, mais également auprès de grands. En apparence inoffensif, ce regain de popularité mérite d'être examiné dans une perspective de sécurité routière. D'abord, précisons que la trottinette à pied, celle que nous connaissons tous, est assimilée à une bicyclette conventionnelle dans le Code de la sécurité routière. C'est pas de celle-là dont je parle. Cela implique qu'elle est assujettie aux mêmes règles d'utilisation de la circulation que la bicyclette. Jusque-là, donc, rien de nouveau à signaler.

Cependant, la popularité d'un produit amène souvent le développement d'un marché et, avec lui, la diversification des produits proposés aux consommateurs. L'arrivée de la trottinette motorisée s'inscrit dans cette logique. L'engouement provoqué par ce nouveau véhicule et son utilisation de plus en plus répandue sur les chemins publics nous obligent à le regarder de plus près. En effet, nous sommes ici en présence d'un véhicule motorisé non défini dans le Code de la sécurité routière, qui peut atteindre des vitesses aussi élevées que 60 km/h, 75 km/h. De toute évidence, il ne s'agit plus d'un véhicule jouet de notre enfance, à telle enseigne que Transport Canada d'ailleurs considère la trottinette motorisée comme une motocyclette à usage restreint qui doit circuler hors route seulement, étant donné les carences évidentes qu'elle représente en matière d'équipement de sécurité, exemple, éclairage absent, freins rudimentaires, etc.

Devant ces faits nouveaux, deux options s'offraient à nous: tolérer ou interdire la circulation des trottinettes à moteur sur le réseau routier. Pour des motifs de sécurité d'abord et aussi d'harmonisation avec les provinces canadiennes, nous avons choisi l'interdiction. À cette fin, le projet de loi modifiant le Code de la sécurité routière vient intégrer la trottinette motorisée dans une nouvelle catégorie de véhicules, l'interdire de la circulation sur les chemins publics et déterminer un montant des amendes pour les contrevenants.

En terminant, M. le Président, je tiens à souligner que ces modifications proposées au Code de la sécurité routière, contenues dans le projet de loi n° 21, sont absolument essentielles, voire impératives si nous voulons assurer la sécurité des usagers de la route. Cette question de la sécurité est au coeur de nos préoccupations, à titre de ministre des Transports du Québec, et je souhaite ardemment qu'il en soit de même pour l'ensemble des membres de cette Assemblée nationale. Merci de votre attention, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Transports. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford. M. le député.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, vous dire que nous allons appuyer le projet de loi. On sait que c'est un projet de loi...

(Applaudissements)

M. Brodeur: Je les remercie pour ce premier applaudissement ce soir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Donc, M. le Président, je disais que ce projet de loi là fait suite principalement à l'éveil du gouvernement, suite au malheureux accident de Saint-Michel-de-Bellechasse, l'an dernier.

Pour faire un peu le portrait de la chose, pour ceux qui ont circulé au Québec depuis longtemps, M. le Président, puis je suis convaincu que les députés ministériels autant que les députés de l'opposition en sont bien conscients, c'est qu'il y avait du chemin à faire. Je pense qu'il y a encore du chemin à faire, comme on dit, sans faire de jeu de mots, dans la sécurité, suite aux travaux qui sont effectués chaque année au Québec. On aimerait, M. le Président, qu'il s'en fasse plus, de travaux, mais, du moins, les travaux qui sont faits, de toute évidence, manquaient de signalisation.

n(20 h 30)n

Pour ceux qui ont voyagé un peu en Amérique du Nord... Moi, chaque année, avec ma famille, j'ai un petit véhicule récréatif, une roulotte, on se promène puis on fait le tour. Je me souviens, à l'époque, d'un grand voyage où on a fait le tour presque de l'Amérique, je me souviens d'avoir observé à plusieurs endroits, particulièrement aux États-Unis, la façon dont on procède pour avertir les gens qu'il y a des travaux qui s'en viennent. Donc, M. le Président, on a été à même de constater, puis probablement vous aussi et plusieurs collègues, ici, à l'Assemblée nationale, de voir que, dans la plupart des endroits en Amérique du Nord, on annonce les travaux à l'avance. Par exemple, aux États-Unis, c'est la norme, on les annonce 10 milles, cinq milles à l'avance, trois milles, avec des panneaux très clairs, de l'arrivée des travaux. Et ça m'est arrivé de faire la différence, lors d'un voyage, passant aux États-Unis et arrivant au Québec avec des travaux le long des routes. On s'apercevait nettement que la méthode utilisée était différente, c'est-à-dire qu'on se demandait quand étaient pour commencer les travaux. Il y avait souvent une personne qui était là avec un drapeau. On se demandait si elle l'avait dans le dos ou si elle voulait nous faire signe de quelque chose d'autre, M. le Président. Sauf qu'il n'en demeure pas moins que, jusqu'à présent, la signalisation au Québec, lorsqu'il y a des travaux appréhendés un peu plus loin sur la route, était nettement, nettement insuffisante.

Donc, M. le Président, on sait que ça existe depuis longtemps au Québec, cette lacune. Il est arrivé ce malheureux accident à Saint-Michel-de-Bellechasse où quatre personnes ont perdu la vie, 11 autres ont été blessées à cause de signalisation déficiente, entre autres, sur nos routes. Donc, le projet de loi fait en sorte qu'on tente de corriger cet état de choses, et je pense qu'en lisant tout simplement les notes explicatives ça explique clairement quelle est l'essence du projet de loi.

Donc, M. le Président, on dit que ce projet de loi modifie le Code de la sécurité routière afin de permettre aux responsables de l'entretien d'un chemin public de fixer une limite de vitesse autre que celle prescrite sur les aires de travaux routiers et de prévoir les amendes applicables. Donc, le projet de loi permet, en fin de compte, à celui qui a la charge des travaux d'indiquer une limite de vitesse différente de celle qui apparaît aux panneaux standard sur la route, et ça permettra, en fin de compte, aux policiers, aux gens qui font un travail de policier ou constabulaire d'appliquer des amendes, tel que prévu par le Code. Donc, je pense que c'est une chose qui est correcte, qui est normale. Même, on pourrait dire que c'est un départ, parce que, en fin de compte, il faut qu'il s'installe au Québec, autant de la part des automobilistes, autant de la part de ceux qui construisent, qui réparent les routes, autant de la part du gouvernement, une nouvelle façon de faire afin de sécuriser tous ceux qui utilisent la route, autant les gens qui sont ici ou les touristes, souvent, qui ne connaissent pas l'état des routes ou la direction qu'ils désirent prendre en tout moment parce qu'ils sont, évidemment, des touristes.

Donc, M. le Président, on ne s'étendra pas sur le sujet énormément, là, tout simplement pour vous dire qu'à l'opposition, ici, nous allons appuyer ce projet de loi là. Le ministre nous parlait de trottinettes motorisées aussi, qui seront interdites par la loi. De ce côté-ci, il semble tout à fait normal que l'on appuie aussi cette mesure-là. Comme il disait, le ministre...

Je remercie les députés ministériels pour ce deuxième applaudissement ce soir. Donc, M. le Président, cette trottinette motorisée là peut devenir un engin excessivement dangereux ? un engin excessivement dangereux. D'ailleurs, elle est interdite... elle sera interdite par le gouvernement du Québec sur nos routes. Déjà, la situation sécuritaire de ces engins-là est douteuse. D'ailleurs, le gouvernement du Canada interdit aussi ou ne recommande pas l'utilisation étant donné que l'aspect sécuritaire des freins, de la protection sur ces engins-là, qui vont de plus en plus vite, est maintenant, en fin de compte, un danger, pourrait constituer un danger sur les routes du Québec.

Donc, M. le Président, on pourrait dire que c'est malheureux qu'on attende souvent des incidents qui sont déplorables avant de déposer un projet de loi. On l'a vu exactement... également, c'est-à-dire, dans l'affaire de Saint-Jean-Baptiste-de-Nicolet. Je rappelle au ministre qu'on attend encore une législation afin, peut-être, de légiférer sur les sièges de bébé, par exemple, qui font encore l'objet de questionnement de la part de la population. On sait aussi qu'on attend aussi des projets de loi suite à une consultation qui viendra à l'automne sur l'alcool au volant. Mais, au moins, M. le Président, dans ce dossier-là, il y a un départ qui est correct, et ça fera en sorte de protéger la sécurité des citoyens et ceux qui utilisent la route.

M. le Président, dans le même ordre d'idées, on souhaiterait voir plus de travaux sur nos routes. On connaît l'état actuel des routes, et, à ce sujet-là, cet après-midi, j'avais l'appel d'un citoyen de la Rive-Sud de Québec, ici, qui me disait qu'il y avait des travaux présentement sur la 20, je crois, des travaux légers où on faisait des lignes blanches par-dessus les nids-de-poule. Donc, je souligne tout simplement au ministre que souvent les travaux à exécuter sont souvent futiles en rapport aux besoins des routes du Québec. Et on sait que les travaux, dans les prochaines années, au dire du ministre, devraient être importants, et donc, à ce moment-là, il devient d'autant plus nécessaire d'adopter un projet de loi pour sécuriser ces travaux-là. Non seulement pour les sécuriser, M. le Président, lorsqu'il nous parlait d'une campagne de publicité tantôt, je pense qu'il faut bien informer, changer la mentalité des populations et surtout changer la mentalité aussi des constructeurs, de ceux qui réparent ces routes-là.

À l'occasion, vous comme moi, comme la plupart des gens qui nous écoutent, avez souvent souffert d'impatience, j'imagine, devant la façon dont on administre la circulation dans des travaux. On a eu l'occasion de le voir à plusieurs reprises, pour ceux qui circulent sur la 20, à la hauteur de Drummondville ? du pont ? durant les rénovations de l'an dernier, M. le Président. C'est à se demander souvent quelle est la politique de gérance de ces travaux-là, non pas des travaux, mais de la façon dont on les contourne et de la façon dont on les aborde de façon sécuritaire. Donc, M. le Président, il y a du travail à faire; il y a du travail à faire de ce côté-là.

Comme je vous le disais tantôt, nous allons adopter, faire aucune objection à ce projet de loi là qui est un pas dans la bonne direction, et c'est pour cette raison-là, M. le Président, que nous souhaitons, le plus tôt possible, aller en commission parlementaire discuter du projet de loi et l'adopter pour faire en sorte que les travaux se fassent de plus en plus sécuritaires durant tout l'été. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député.

M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Dans le même ordre d'idées ? dans le cadre du projet de loi n° 21 ? un projet de loi qui vient modifier le Code de la sécurité routière et qui vient mieux contrôler la vitesse ? la vitesse tout court et la vitesse sur les lieux de construction majeure ou d'entretien de routes majeur...

Je pense que c'est un débat que la société québécoise fait actuellement. Il y a un questionnement justement, à partir de certains événements tragiques qui ont eu lieu au Québec au cours des dernières années. La culture des Québécois et des Québécoises est à l'effet que... La première réaction, c'est que la réparation et des constructions sur nos routes créent un dérangement, c'est un fait. Tout le monde le réalise, mais c'est un dérangement nécessaire dans la plupart des cas, pour ne pas dire dans tous les cas.

Donc, le ministre des Transports aujourd'hui présente ce projet de loi basé sur, comme je le mentionnais, des événements et des expériences passés que nous croyons tout à fait légitimes, tout à fait légitimes et attendus par la population du Québec qui souhaitait que le gouvernement légifère de façon plus catégorique, donne des pouvoirs additionnels, et qu'on s'assure de pouvoir faire respecter, dans la mesure du possible, pour ne pas dire en tout temps, la vitesse sur nos routes.

Il n'y a pas lieu d'exagérer et de dire: Si on affiche 100 km/h ou 90 km/h, il doit être strictement respecté. Mais, ce que le projet de loi vient dire, il donne des pouvoirs à la compagnie, au contracteur qui a la responsabilité de travaux majeurs ou d'entretien de routes de légiférer en fonction, c'est-à-dire d'afficher en fonction justement des travaux, des circonstances et du lieu. Et c'est pourquoi mon collègue et moi-même et nos collègues du caucus de l'opposition sommes en faveur d'une telle législation souhaitée et attendue par la population.

Je mentionnais tantôt de mieux légiférer, d'adapter la vitesse sur des sites de construction. Je pense qu'il y a lieu de croire, et qu'il est tout à fait légitime que le ministère des Transports exige des contracteurs que, par expérience, ils reconnaissent qu'il y a lieu de modifier et d'adapter une limite de vitesse à la situation ou à l'ampleur des travaux.

n(20 h 40)n

Donc, M. le Président, ce que je voulais dire, ce qu'on veut exprimer ici, c'est que ça permet aux contracteurs beaucoup plus de souplesse, d'abord pour le contrôle de la vitesse sur les lieux de construction, et deuxièmement, comme le mentionne le projet de loi, de permettre un peu plus de souplesse pour l'utilisation des véhicules de service, soit sur la construction ou soit sur l'entretien des chemins, pour s'assurer que ceux et celles qui utilisent ces véhicules dans des lieux de construction le fassent en toute légalité avec la loi et le Code de la sécurité routière.

Je pense qu'il n'y a pas lieu d'ajouter beaucoup plus à ce moment-ci, ne serait-ce que de rappeler constamment à la population québécoise et aux usagers de nos routes que là où il y a de la construction, il y a des travailleurs, il y a des travailleurs de la construction qui sont sur place, il y a des individus qui se retrouvent parfois dans des conditions difficiles pour travailler, d'une part, et ils s'attendent d'avoir plus de respect de la part des véhicules, des usagers de la route dans ces endroits-là.

M. le Président, on a tous vu au Québec, à un moment donné, le manque de tolérance ou l'impatience de certains conducteurs à l'approche de travaux de construction ou de sites de construction. Donc, l'affichage est nécessaire pour préparer le conducteur au ralentissement qui se présente en avant de lui et déjà annoncer des réductions de vitesse qui devront strictement être respectées dans ces endroits spécifiques, et je pense que c'est tout à fait légitime. Donc, M. le Président, pour ce qui est de cette partie du projet de loi qui vient renforcer la sécurité routière dans des situations spécifiques, je pense qu'il est tout à fait normal et, comme le mentionnait mon collègue, nous serons en accord.

Pour ce qui est de légiférer sur les petits véhicules appelés «trottinettes motorisées», bien, je pense que ça aurait dû être fait depuis longtemps. Ce n'est pas un reproche qu'on fait, c'est des petits véhicules utilisés par des gens probablement d'un âge plutôt jeune, où ils n'ont pas eu la chance de prendre conscience des risques qu'ils prenaient d'utiliser sur les voies publiques ces véhicules. Et je pense qu'il est tout à fait normal de les encadrer et de légiférer pour s'assurer que ces véhicules soient utilisés sur des terrains ou dans des sites où le propriétaire ou l'utilisateur ne soit pas... sa vie ne soit pas en danger et qu'il puisse le faire en toute sécurité.

Donc, c'est la contribution que je voulais apporter à ce moment-ci et, M. le ministre des Transports responsable de ce dossier-là, je pense qu'en commission parlementaire nous aurons la chance d'ajouter justement un certain questionnement qui pourrait être probablement... Sans modifier le projet de loi, tout simplement échanger avec les officiers du ministère pour s'assurer que tous les points essentiels à la préparation de la révision justement de la loi et du Code de la sécurité routière soient faits en toute... ? évidemment, ce que je devrais dire ? soient faits conformément aux attentes des Québécois et des Québécoises. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Y a-t-il d'autres interventions? Le principe du projet de loi n° 21, Loi modifiant le Code de la sécurité routière, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission
des transports et de l'environnement

M. Brassard: Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement et pour que le ministre délégué aux Transports et à la Politique maritime en soit membre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: L'article 23, M. le Président.

Projet de loi n° 32

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 23, M. le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi sur les transports et la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds. M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. On se rappellera qu'en juin 1998 l'Assemblée nationale adoptait la loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds. Cette loi avait pour objectif d'accroître la sécurité des usagers de la route, bien sûr, et d'assurer une meilleure protection sur le réseau routier.

L'expérience de l'application de cette loi s'est avérée des plus positives. Les interventions de la Commission des transports du Québec auprès de transporteurs à risque ont suscité une plus grande prise de conscience à l'importance de la sécurité routière, de la gestion et de la sécurité en entreprise. Les comportements des transporteurs s'améliorent de jour en jour.

Avec l'expérience vécue jusqu'à maintenant, nous avons toutefois constaté la nécessité d'apporter certains ajustements à la loi actuelle dans le but d'accroître encore davantage la sécurité sur nos routes. Nous avons découvert qu'il existe présentement une lacune à la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds. En effet, il y a lieu d'élargir la portée de l'article 33 de cette loi afin d'empêcher que des utilisateurs de véhicules lourds ne la contournent, contournent cette loi, M. le Président.

Dans le but de corriger cette situation, j'ai déposé à l'Assemblée nationale, le 15 mai dernier, le projet de loi n° 32 intitulé Loi modifiant la Loi sur les transports et la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds. Ce projet de loi modifie certaines dispositions de la Loi sur les transports et de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds afin de permettre à la Commission des transports du Québec de rencontrer les objectifs et les mandats qui lui ont été conférés par la loi.

Le projet de loi vise d'abord, M. le Président, à empêcher que les personnes visées par une intervention de la Commission en vertu des dispositions de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds ou susceptibles de l'être puissent contourner l'application de la loi. Nous avons, en effet, constaté qu'il était possible de procéder à la vente massive de véhicules en profitant du délai qui s'écoule entre le moment où la Commission convoque une personne et le moment où elle l'informe de la décision. À titre d'exemple, certains propriétaires visés par une enquête de la Commission transfèrent la propriété de leurs véhicules à une entreprise qu'ils contrôlent avant que la Commission ait pu rendre sa décision. Nous avons également constaté que rien n'empêchait que la vente d'un véhicule s'effectue dès le moment où la Société de l'assurance automobile du Québec transmet un avis à une personne, avis qui fait état de l'atteinte d'un seuil de risque, ou encore après un avis de son envoi à la Commission des transports. C'est ainsi que certaines personnes profitent de la période d'enquête et d'analyse de la Commission pour contrer la disposition actuelle de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds qui empêche, sans autorisation préalable de la Commission, une personne ayant fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude de céder ou, autrement, d'aliéner les véhicules lourds qui sont immatriculés en son nom.

C'était simple, c'était un petit jeu facile, le temps que l'enquête se faisait, on s'organisait pour changer le nom de la compagnie ou une compagnie à numéro, puis on faisait suivre les camions puis, ah, je n'en ai plus, j'ai tout vendu! Il y a des petits futés de même, mais qui ont pas pu contourner et déjouer complètement la loi. Nous nous en sommes rendu compte et nous procédons aujourd'hui à la correction.

Ces transferts à une nouvelle entité juridique déjà inscrite au registre de la Commission font en sorte qu'en plus de conserver une cote de sécurité satisfaisante ces personnes le font avec un dossier de dévaluation qui ne comporte aucun événement significatif qui leur est reproché. Elles peuvent alors continuer de mettre en danger et en péril ? et, je répète ? elles peuvent alors continuer à mettre en danger et en péril la sécurité des usagers de la route ou à dégrader le patrimoine routier, contrairement aux objectifs prioritaires de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds.

Pour corriger cette situation, le projet de loi propose d'étendre l'application de l'actuel article 33 de la loi à tout propriétaire et exploitant de véhicules lourds qui fait l'objet d'une enquête de la Commission visant à déterminer s'il tente de se soustraire à l'application de la loi. Cet article s'appliquera également, M. le Président, à tout propriétaire ou exploitant de véhicules lourds dont la Commission est saisie du dossier en vue de l'imposition d'une mesure administrative, et ce, soit à compter de la transmission à la Commission du dossier constitué par la SAAQ, la Société de l'assurance automobile du Québec, ou soit à compter de la transmission par la Commission d'un préavis visé par la loi dans les autres cas. Ces amendes sont d'une grande importance, puisqu'elles visent à garantir le respect des objectifs de cette législation.

Dans un deuxième temps, le projet de loi permettra de clarifier le traitement des données qui pourront être rendues accessibles au public. Actuellement, les dispositions de la loi font en sorte que la Commission, qui fait principalement affaire avec des personnes morales, doit traiter de façon différente les dossiers des personnes physiques qui, pourtant, transigent aux mêmes fins que les corporations. En adoptant un régime d'accès aux renseignements sans discrimination, le projet de loi permettra de donner la même qualité d'information à l'égard des dossiers des personnes tant morales que physiques.

n(20 h 50)n

Et je disais à l'opposition tantôt qu'il me fera plaisir de me rendre à une demande, s'ils y tiennent, de recevoir la Commission d'accès à l'information, comme on a déjà fait dans une autre loi. Je crois que c'est la loi sur le partenariat privé-public.

En regard des demandes de permis de transport, le projet vise également à corriger cette même discrimination. Ainsi, bien que les objectifs de la loi actuelle et les obligations faites à l'une ou l'autre des personnes sont les mêmes, l'accès aux renseignements des dossiers est traité de façon différente, selon qu'il s'agit d'une personne morale ou d'une personne physique. À titre d'exemple, je vous rappelle que, en matière de délivrance de permis de transport, la Loi sur les transports accorde aux personnes intéressées le droit de s'opposer et d'intervenir à une demande afin de protéger et de faire respecter des droits permettant d'assurer des services publics. Ces droits exigent que la personne intéressée puisse avoir accès aux informations pertinentes, de façon à pouvoir documenter son intervention.

Par ailleurs, en matière de sécurité publique, les usagers des services de transport doivent avoir la possibilité de vérifier la cote de sécurité ou la cote de comportement du propriétaire et exploitant de véhicule lourd avec qui ils entendent faire affaire. Il s'agit là, M. le Président, d'un moyen qui permet d'atteindre le premier objectif fixé par la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds, à savoir la sécurité publique.

Alors que les conditions imposées à un transporteur par la Commission peuvent être significatives pour les utilisateurs de services de transport, la situation actuelle est pour le moins compliquée et décourageante pour ceux-ci. Ainsi, ils doivent actuellement, dans un premier temps, retracer une par une les personnes inscrites au registre de la Commission, sans assurance qu'il s'agit de la bonne personne, à moins de connaître son numéro d'identification au registre. En effet, une disposition de la loi limite au nom et à la municipalité l'information devant être diffusée pour les personnes physiques inscrites au registre, ce qui rend très difficile l'identification des personnes physiques. Les utilisateurs, eux, dont les principales associations en transport, demandent avec raison que l'adresse soit accessible pour toutes les personnes inscrites au registre de la Commission.

Il s'agit là d'une question d'intérêt public et de sécurité, je le rappelle, M. le Président. L'Ontario et les États-Unis ont d'ailleurs déjà rendu accessibles ces informations dans Internet, y compris celles visant les nombreux transporteurs québécois qui circulent à ces endroits. La pratique actuelle soulève des problèmes d'équité concurrentielle et traite différemment les personnes qui utilisent des véhicules lourds dans le cadre des mêmes activités professionnelles et commerciales. Ce projet de loi propose des modifications adéquates au régime de protection ou de divulgation de renseignements personnels pour des transporteurs qui s'affichent commercialement.

Le projet de loi propose aussi de conférer un pouvoir réglementaire à la Commission des transports du Québec afin d'identifier les renseignements qui doivent avoir un caractère public et d'encadrer adéquatement le régime de communication de ces renseignements. Le besoin en renseignements change avec le temps, M. le Président. De plus, c'est la situation particulière de chaque cas soumis à la Commission qui fera qu'un renseignement pourra être produit ou pas.

C'est pour cette raison que le projet de loi propose de permettre à la Commission des transports, après consultation ? et je répète, après consultation ? de la Commission d'accès à l'information qu'il pourra être attribué par règlement un caractère public à certains renseignements personnels des différents registres qu'elle détient, tels le registre du camionnage en vrac, la liste des routiers, et enfin, des dossiers qui contiennent les renseignements fournis par une personne au soutien d'une demande de permis de transport.

Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi vise à allonger la durée actuelle des permis temporaires délivrés par la Commission. On se rappellera que ces permis, visés par l'article 38 de la Loi sur les transports, ont pour but de permettre à la Commission, lorsqu'une situation d'urgence le justifie, de délivrer des permis temporaires de transport pour une durée qui ne peut actuellement dépasser 15 jours. Il importe de dire d'abord que cette catégorie de permis demeure tout à fait pertinente, car son utilité a été maintes fois justifiée, plus particulièrement dans les cas de transport des personnes par autobus.

En effet, vous vous rappellerez, M. le Président, les permis temporaires sont fréquemment demandés afin de remplacer à pied levé un transporteur qui interrompt son service. Si, d'une part, le permis temporaire peut être délivré rapidement et remplir le rôle d'urgence qui lui est dévolu, nous avons constaté que, d'autre part, sa durée maximale de 15 jours était trop brève pour permettre à un nouveau transporteur et à la Commission de compléter toutes les formalités entourant la délivrance d'un permis régulier.

Il ressort donc de nos constatations et de nos observations qu'il existe un risque élevé d'interruption des services de transport à la population en raison de l'obligation pour un même transporteur de présenter, de façon répétée, une même demande de permis temporaire pour couvrir la période nécessaire entourant la délivrance du permis régulier. Il importe également de dire que les demandes répétées pour l'obtention d'un permis temporaire justifié causent au surplus une perte inutile de temps et engendrent, pour les personnes concernées, des coûts très importants. La modification proposée dans le projet de loi permettra en plus de régulariser cette situation problématique en portant à 45 jours la durée des permis temporaires. Ça nous permettra d'alléger le fardeau administratif imposé aux entreprises.

Adoptée en 1998, la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds a donné à la Commission d'importantes responsabilités additionnelles en lui conférant le mandat de procéder à la vérification des comportements des propriétaires et des exploitants de véhicules lourds dont le dossier comporte un degré important de délinquance ou un degré de délinquance inacceptable. La Commission des transports a depuis structuré et développé un service à la clientèle de grande qualité. Elle souhaite maintenir cette qualité-là et même l'améliorer. Elle a également connu une hausse importante des dossiers qui lui sont soumis pour traitement. C'est pourquoi le présent projet de loi propose de porter de neuf à 11 le nombre de membres que compte la Commission des transports. Cette augmentation des effectifs de la Commission contribuera à atteindre des objectifs de sécurité par l'évaluation rapide du comportement des personnes à risque. Le présent gouvernement est fermement engagé à s'assurer que seuls les bons transporteurs circulent sur nos routes.

Enfin, le projet de loi vise à adapter le cadre juridique de la Commission des transports du Québec aux dispositions de la nouvelle Loi sur l'administration financière qui donne aux dirigeants d'organismes des responsabilités additionnelles en permettant une délégation de signature à l'égard de certains actes, documents ou écrits qui engagent la Commission. La modification proposée, qui est déjà inscrite dans les pouvoirs de bon nombre d'autres organismes, a pour effet justement de permettre à la présidence l'exercice de ces délégations de signature de façon à ajouter à l'efficacité de la gestion de la Commission des transports du Québec.

Et, en conclusion, ce projet de loi propose l'adoption de diverses mesures qui permettront d'améliorer le traitement des dossiers des propriétaires et exploitants de véhicules lourds ou ceux des transporteurs qui font affaire auprès de la Commission des transports du Québec, et ce, dans une perspective de sécurité des usagers et de protection également du réseau routier québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Transports. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford. M. le député.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi sur les transports et la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds. Tout comme le projet de loi précédent, je vous annonce que nous sommes en faveur du principe du projet de loi.

Le projet de loi a un objectif très simple. Le ministre vient d'en parler longuement. Ça me fait penser à l'adage qui dit que quelqu'un peut repartir sous un autre nom après avoir fait un délit quelconque et ne pas subir, ne pas être imputable à ce qu'il a fait auparavant. Donc, on voit dans plusieurs cas, principalement dans l'exploitation de véhicules lourds, le cas où une personne ou une société qui est déclarée inapte par la Commission des transports... Le système permet par, je dirais entre parenthèses, certaines avocasseries, n'en déplaise à certains de nos collègues, de permettre à un exploitant, en fin de compte, qui est reconnu coupable par la Commission des transports d'une action illégale, de créer une nouvelle société et de repartir, comme on dit, sous un autre nom. Et, à ce moment-là, la loi actuelle fait en sorte qu'il y a impossibilité pour quiconque de faire une relation entre l'ancienne vie du camionneur ou de la société de camionnage et la nouvelle.

n(21 heures)n

Donc, en fin de compte, la loi ne peut... C'est une façon de contourner la loi et ça fait en sorte qu'à l'heure actuelle, avant l'adoption de cette loi-là, il y a la possibilité, tout simplement, de réagir de façon non imputable à n'importe quelle règle régie par cette loi-là. Donc, M. le Président, comme je l'ai fait tantôt, les notes explicatives du projet de loi sont claires, ce projet de loi modifie la Loi sur les transports et la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds afin de permettre à la Commission des transports de rendre accessibles au public les renseignements contenus dans le registre des propriétaires et des exploitants de véhicules lourds, dans le registre du camionnage en vrac, dans la liste des routiers et dans les dossiers constitués pour le traitement des demandes de permis de transport. Donc, dorénavant, les listes seront publiques, les gens pourront les consulter, et, même si vous avez changé de nom, vous demeurez imputable.

Il y a une question qui se pose, M. le Président ? et j'en ai discuté il y a quelques instants avec le ministre, il en a fait état aussi dans son discours ? concernant la possibilité pour le public de prendre des renseignements sur ces listes-là. Donc, lorsqu'on parle de divulgation de renseignements personnels, je pense que c'est la moindre des choses de requérir l'opinion de la Commission d'accès à l'information. Comme le ministre nous l'a dit, on avait utilisé cette possibilité dans le projet de loi n° 164, je crois, qui permet le partenariat public-privé, et à ce moment-là, dans ce cas-là, on avait demandé l'avis de la Commission justement parce que, dans les postes de péage appréhendés, on avait la possibilité d'installer un péage automatique à partir des photos prises sur les plaques d'automobiles. Donc, M. le Président, lorsqu'il est question de divulgation de renseignements personnels, je pense qu'il est la moindre des choses de convoquer la Commission d'accès à l'information, de leur demander leur avis sur la question et, ensuite, pouvoir se gouverner en conséquence.

Donc, si j'ai bien compris, nous avons l'engagement ferme ? l'engagement ferme ? du ministre des Transports d'appeler à la commission parlementaire, en tout début de commission parlementaire, la Commission d'accès à l'information et de nous permettre de savoir si ces renseignements... si cette loi ou la nature des articles de la loi vont permettre la divulgation de renseignements personnels à d'autres fins que celles qui devraient être utilisées. Sauf, M. le Président, il faut être conscient d'une chose. Il faut être conscient d'une chose, qu'on ne peut permettre que certaines entreprises, que certains camionneurs puissent continuer à opérer malgré qu'ils soient jugés inaptes par la Commission des transports. Donc, avec le système actuel, il est permis de croire, M. le Président, que certaines personnes, peut-être malhonnêtes intellectuellement, puissent contourner la loi et continuer d'opérer peu importent les sentences ou les interdits qui leur seraient donnés.

Donc, M. le Président, je n'ai pas l'intention de discuter des heures sur le projet de loi, tout ce qu'on souhaite, c'est qu'il soit appelé le plus rapidement possible en commission parlementaire pour qu'on puisse entendre dès le début la Commission d'accès à l'information, prendre bonne note de leurs recommandations et possiblement prendre aussi note des amendements qu'ils pourraient proposer afin que l'on puisse régulariser ce genre d'exploitation illégale là de la part de certains camionneurs.

M. le Président, il faut ajouter aussi que c'est pas toujours facile, l'industrie du camionnage. On a parlé en commission parlementaire d'ailleurs, à l'étude des crédits, des heures qui sont prescrites pour les camionneurs. On parle de 14 heures ou 15 heures par jour, c'est énorme. On sait que l'industrie du camionnage, il y a beaucoup de concurrence, et, de toute évidence, on sait que plus il y a de concurrence, plus il y a de gens qui s'impliquent et plus le travail est difficile, plus il y a des irrégularités qui sont commises, et, en fin de compte, je pense que c'est important, c'est très important de savoir que la loi que nous appliquons... la loi que nous votons ici, à l'Assemblée nationale, soit suivie par chacun des citoyens du Québec. Et le projet de loi n° 32 fait tout simplement en sorte que les sanctions qui sont données par la Commission des transports du Québec puissent être appliquées dans les faits chaque jour au Québec. M. le Président, on voit aussi dans la loi que... Ce projet-là, c'est-à-dire, nous permet de nommer quelques personnes supplémentaires à la Commission des transports. Donc, j'imagine que le ministre pourra justifier plus amplement les raisons du pourquoi et du comment lors de la commission parlementaire, en espérant que ça soit pas pour nommer des députés qui désirent prendre leur retraite, M. le Président, sauf que... J'ai des signes de «non» de l'autre côté, et donc je suis très heureux de ça, M. le Président, mais on pourra questionner les pourquoi et les comment qu'on désire nommer deux autres personnes à la Commission des transports.

Donc, M. le Président, sans plus tarder, pour vous dire que nous allons être en faveur du principe, le tout sujet, naturellement, M. le Président, à l'approbation et aux recommandations de la Commission d'accès à l'information concernant le projet de loi n° 32. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Alors, il n'y a plus d'autres intervenants?

Des voix: ...

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le principe du projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi sur les transports et la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement, ou M. le ministre.

Renvoi à la commission
des transports et de l'environnement

M. Chevrette: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement et pour que le ministre délégué aux Transports et à la Politique maritime en soit également membre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, veuillez appeler l'article 10, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 17

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 10, M. le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi n° 17, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Code de procédure pénale concernant le cinémomètre photographique. M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. En 1995, M. le Président, lors du dévoilement de la politique de sécurité routière 1995-2000, le Québec s'était fixé l'objectif de réduire les décès sur les routes, de 845 qu'il était en 1995 à 750 à l'aube des années 2000. Le 8 mai dernier, je rendais public le bilan routier pour l'année 2000. Malgré l'amélioration constante depuis 1995 à 2000, ce bilan nous apprenait qu'il y avait eu 765 décès sur les routes du Québec au cours de l'année 2000, comparativement à 763 l'année précédente.

Je réitérais alors, M. le Président, malgré tous les efforts consacrés aux campagnes de sécurité routière, que les acquis étaient fort fragiles. Il nous fallait donc réfléchir sur la manière de briser cette fragilité et de trouver des pistes d'action pour diminuer le nombre de décès et de blessures sur les routes du Québec, pour améliorer la sécurité des usagers sur nos routes.

Le fruit de notre réflexion se trouve dans la politique de sécurité routière 2001-2005 que je dévoilais le même jour. Elle contient les axes d'intervention et les pistes d'action qui devraient se traduire par une diminution de 15 % du bilan routier à la fin de l'année 2005. La vitesse excessive est l'un des axes sur lesquels il nous faut agir et sur lequel nous allons agir, et nous comptons, M. le Président, le faire notamment par le biais du cinémomètre photographique.

Je reviendrai un peu plus loin sur les modalités de l'utilisation de cet appareil. Mais on peut déjà le constater, malgré tout ce que l'on dit et tout ce que l'on veut faire croire, cette mesure n'a pas été conçue pour remplir les coffres du gouvernement. Elle a un seul objectif, un seul objectif: protéger les usagers de la route en diminuant le nombre de décès et également le nombre de blessures graves causées par la vitesse excessive.

Incidemment, j'ouvre une parenthèse, M. le Président, pour indiquer que cette mesure a déjà fait l'objet d'une consultation publique au début de l'année 2000. Elle faisait partie des sujets à l'étude dans le livre vert sur la sécurité routière, et une majorité des mémoires transmis par la population et les organismes concernés était en faveur de l'utilisation du cinémomètre photographique comme moyen d'action supplémentaire pour lutter contre la vitesse.

Parmi les organismes favorables, on retrouve le Club automobile du Québec, l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec, l'Association québécoise en transport routier, le Service de police de la Communauté urbaine et la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux. Ça commence à faire du monde; ça commence à faire une brochette très intéressante, M. le Président.

n(21 h 10)n

Au Québec, le dépassement des limites de vitesse constitue un phénomène généralisé. Des relevés effectués par le ministère des Transports établissent que la proportion des conducteurs de véhicules de promenade qui excèdent les limites de vitesse au sein des agglomérations urbaines est plus de 75 % ? pour 75 % des véhicules de promenade, les propriétaires excèdent la vitesse ? alors qu'elle est de 64 sur les routes principales et de 75 sur les autoroutes ? 75 %. Selon les dernières statistiques de la Société de l'assurance automobile, la vitesse a maintenant rejoint l'alcool au premier rang des causes d'accidents mortels et de blessures légères ou graves sur les routes du Québec. C'est la plus grave cause, la plus grande cause de morts, de décès et de blessures graves, immédiatement, maintenant, après l'alcool. Ça a été longtemps l'alcool, mais, aujourd'hui, c'est la vitesse. De fait, selon l'analyse des rapports d'accidents, la vitesse est responsable de 25 % des accidents mortels, de 19 % des accidentés avec blessures graves et de 13 % des accidentés avec blessures légères.

Bon an, mal an, en plus d'engendrer de nombreux drames humains, les accidents causés par la vitesse entraînent des coûts d'indemnisation de l'ordre de 125 millions par année par la Société de l'assurance automobile du Québec. Si l'on ajoute les coûts sociaux tels la perte de productivité, les dommages matériels et les soins de santé, c'est un montant global annuel de l'ordre de 625 millions qu'il faut associer aux excès de vitesse sur nos routes.

D'autre part, M. le Président, nous constatons que les campagnes publicitaires, de plus en plus ciblées, de plus en plus réalistes, qui sont reliées à la vitesse ont atteint un plafonnement, ont atteint malheureusement un plafonnement. Malgré les images-chocs qui devraient frapper l'imagination et amener à réfléchir, beaucoup de conducteurs ne prennent pas conscience du lien qui existe entre la vitesse et les conséquences qui peuvent en découler. Nombre d'entre eux ? nombre d'entre eux ? perçoivent la limite de vitesse comme une indication plutôt qu'une obligation qu'il faut respecter. Ils croient que les chances d'être pris en infraction sont relativement peu élevées, par rapport au temps qu'ils peuvent gagner en conduisant plus vite. Je vous signale, M. le Président, que ce phénomène préoccupe également mon collègue du ministère de la Sécurité publique, dont un des objectifs stratégiques visant la Sûreté du Québec est d'améliorer la desserte des réseaux routiers... la desserte du réseau autoroutier.

Cependant, même si certains laissent entendre qu'une augmentation des forces policières serait une panacée, même si certains laissent entendre qu'une telle augmentation suffirait à régler le problème, laissez-moi les détromper, M. le Président. Les méthodes d'intervention en surveillance de la vitesse, mon collègue de la Sécurité publique pourrait le confirmer, ont peu évolué au cours des dernières années. D'une part, pour faire respecter les conditions du Code de la sécurité routière et les règlements municipaux relatifs à la vitesse, les corps policiers utilisent essentiellement quatre méthodes d'intervention: la patrouille de retenue, le suivi par véhicule, la surveillance aérienne et l'utilisation du cinémomètre conventionnel. Mais, d'autre part, l'accroissement du nombre de véhicules en circulation, de détenteurs de permis de conduire et de voies de circulation s'est considérablement accru. Au Québec seulement, on peut compter sur 4,5 millions de détenteurs de permis de conduire et autant de véhicules en circulation.

En raison de cette densité de circulation, en raison également de la configuration de certains axes routiers qui ne permet pas une intervention sécuritaire de la part des policiers, il nous faut maintenant repenser nos moyens de contrôle en certaines situations ou en certains endroits de notre réseau routier. Je pense notamment à des endroits comme le boulevard Métropolitain et les ponts Laviolette et Pierre-Laporte, où il est non seulement difficile, mais même pratiquement impossible pour un policier d'intercepter ou d'identifier un conducteur en infraction sans mettre sa propre sécurité et celle du conducteur qu'il intercepte en jeu. Je pense également aux zones de chantiers de construction, où la vitesse comporte des risques non seulement pour les usagers de la route, mais également pour la sécurité des travailleurs. De nombreux segments routiers, dont ceux où se tiennent des chantiers de construction, n'offrent pas d'espace sécuritaire pour procéder à l'interception d'un véhicule en raison d'accotements limités ou inexistants.

Comme vous pouvez le constater, M. le Président, on aura beau augmenter les forces policières, cela n'ajoutera rien pour pallier aux dangers inhérents à ces situations particulières. Le cinémomètre n'est pas un palliatif au travail des policiers; il est un complément. J'espère avoir convaincu cette Assemblée qu'il y a lieu d'envisager des moyens additionnels pour accroître la capacité d'intervention policière en matière de contrôle de vitesse en certains endroits ciblés du réseau routier.

M. Brodeur: Question de règlement, M. le Président.

M. Chevrette: Pardon?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Shefford, sur une question de règlement.

M. Brodeur: Oui. Je pense que c'est tellement important, M. le Président; je ne sais pas si vous pourriez vérifier s'il y a le quorum ici.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vais faire ça rapidement. Alors, oui, nous avons quorum. Ça fluctue rapidement, nous avons quorum. Alors, je vous permets, M. le ministre, de poursuivre.

M. Chevrette: M. le Président, il y a lieu d'envisager des moyens additionnels pour accroître la capacité d'intervention policière en matière de contrôle de vitesse en certains endroits ciblés du réseau routier où il leur est difficile d'agir sans compromettre leur propre sécurité ou encore là où le risque d'accident est particulièrement élevé en raison des excès de vitesse.

Le présent projet de loi propose donc de permettre, à des endroits ciblés comme présentant des risques pour la sécurité routière, l'utilisation... et je vous demande de bien écouter là-dessus. Ce n'est pas des cinémomètres partout, c'est l'utilisation de quatre cinémomètres photographiques dans le cadre d'un projet expérimental visant à accroître la surveillance de vitesse, et ainsi améliorer le bilan routier. C'est un projet-pilote qu'on fait, là, à quatre cinémomètres, et de pair avec la Justice et la Sécurité publique; c'est ce qu'on fait.

Le cinémomètre photographique est un outil d'intervention qui saisit sur pellicule photographique ou sur support numérique le numéro de la plaque d'immatriculation d'un véhicule routier qui excède la limite de vitesse permise dans une zone identifiée, tout en préservant l'identité des personnes. Le cliché permet également d'indiquer la vitesse enregistrée, la date et l'heure de l'infraction.

Dans la phase expérimentale ? je le mentionnais précédemment ? il est prévu qu'il y aura quatre appareils utilisés en alternance sur un nombre significatif de sites d'intervention désignés au préalable par le ministre de la Sécurité publique. Je tiens à le préciser, M. le Président, malgré, encore une fois, ce que plusieurs laissent entendre: Ce mécanisme de contrôle est reconnu dans le monde pour son immense effet dissuasif et son impact positif sur le bilan routier. Il y a au moins 70 pays qui font usage de cinémomètres photographiques. Plus près de nous maintenant, la Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Alberta l'utilisent. Quant à nos voisins du Sud, l'Arizona, l'Illinois, l'Utah et la Californie sont au nombre des États américains ayant opté pour cette technologie dans le but de maximiser leurs interventions en contrôle de vitesse.

Même si elle diffère sensiblement du projet que nous souhaitons instaurer, l'expérience de l'État de Victoria, en Australie, constitue l'une des meilleures démonstrations de l'efficacité des cinémomètres photographiques. Après avoir procédé à des projets-pilotes en 1989 et au début des années quatre-vingt-dix, l'État de Victoria a élargi l'utilisation des cinémomètres photographiques, tout en publicisant largement les sites d'intervention. Globalement, la proportion des véhicules excédant de plus de 15 km/h la limite permise passera de plus de 10 à environ 3 %, et on observera une réduction de 20 % du nombre total d'accidents avec blessures, résultant de la mise en opération de cinémomètres photographiques.

Bien sûr, l'opposition nous rabâche les oreilles avec le fait que le cinémomètre a été retiré en Ontario et qu'on s'apprête à faire de même en Colombie-Britannique. Encore une fois, on mêle les pommes et les oranges. Premièrement, notre projet est complètement différent. Ici, il n'est pas question d'installer des cinémomètres partout; ils seraient installés à des endroits ciblés en fonction des problèmes que ces sites présentent pour la sécurité des usagers de la route.

C'est pas partout, c'est quatre appareils, projet-pilote, dans des endroits où il y a le plus de décès et plus d'accidents graves. Il faut comprendre ça, là. Ce n'est pas une machine à piastres, ça, là. C'est de sauver des vies humaines puis épargner des blessures graves. C'est ça, l'objectif unique, fondamental de cette utilisation.

n(21 h 20)n

Deuxièmement, ces sites seraient clairement identifiés par une signalisation adéquate et de l'information sur ces sites d'intervention serait disponible dans les médias. Donc, une grosse pancarte, s'il le faut, à l'entrée d'une zone de radar: Vous entrez dans une zone de radar. C'est écrit gros, large. Il y en a dans les médias locaux et régionaux et même nationaux. Pas pour faire de l'argent, pour sauver des vies. J'espère que je vais me faire comprendre. Ça me tenterait de crier pour me faire comprendre, mais ça me donnerait rien, M. le Président, y a pas plus sourd que celui qui veut pas comprendre. C'est évident, ça. Mais je vous dirai que l'objectif fondamental, c'est quoi? Sauver des vies, épargner des blessures.

Pour ceux qui crient que c'est des machines à piastres, s'ils veulent pas payer, ils ont seulement qu'à respecter la vitesse, ils n'en feront pas faire, de l'argent. En bout de course, ça a l'air un peu fou que de préconiser... de dire que c'est des machines à piastres. Quand vous avez une pancarte qui vous dit: Ici, vous êtes dans une zone de radar, qu'est-ce que vous faites si vous êtes brillant? Vous respectez la vitesse. Si c'est écrit noir sur blanc ou en couleurs, encore, pour que vous puissiez le voir dans la brume, le soir, à la noirceur et le jour, à la clarté, puis on vous dit: Vous entrez dans une zone de radar, si c'est marqué 90 km puis vous roulez, vous conduisez à 150, vous voulez faire faire de l'argent à l'État. C'est pas de l'argent qu'on veut faire, c'est: On veut éviter des morts, on veut éviter également des blessures graves.

Troisièmement, M. le Président, là où on a enlevé le cinémomètre, en Ontario par exemple, et là où on songe à l'enlever, en Colombie-Britannique, ça n'a pas été une question d'intérêt collectif, ça a été plutôt de faire du capital politique par des promesses électorales et non pas du tout pour des objectifs de sécurité routière. Regardez-le, regardez votre dossier, grattez-le, soyez rigoureux, et vous allez vous rendre compte que vous ne partageriez pas ce qui s'est fait dans certaines provinces canadiennes.

M. le Président, je vous pose la question: Est-ce que c'est dans l'intérêt public qu'ils promettent, s'ils sont élus, par exemple, de faire marche arrière sur plusieurs cas? Je voudrais leur donner l'occasion de le dire dans le cas des cinémomètres, de l'expérience. Ils veulent défaire les fusions, ils veulent défaire les CLD, les centres locaux de développement... ils voudraient défaire les cinémomètres, si jamais on sauvait des vies... Mais qu'est-ce qu'ils cherchent au juste? Pourriez-vous me dire quelles sont leurs orientations? Ils sont vraiment mal pris, M. le Président. Ils sont vraiment mal pris.

Quatrièmement, j'aimerais le souligner, tant en Ontario qu'en Colombie-Britannique, on dispose également, cependant, de cinémomètres à tous les feux rouges, puis ça, ils ne le disent pas. M. le Président, il m'apparaît important de réitérer que cette mesure vise uniquement à diminuer les excès de vitesse. Ainsi, tout automobiliste qui entrera dans une zone contrôlée par un cinémomètre photographique sera prévenu par une signalisation routière non équivoque. Aucun automobiliste ne sera piégé, celui qui enfreindra la limite de vitesse le fera en toute connaissance de cause. J'ajoute que d'autres mesures viendront s'associer à la signalisation non équivoque afin d'informer les automobilistes des lieux de contrôle. Je pense ici à des moyens de communication comme la radio, la télévision ou encore un site Internet.

Actuellement, M. le Président, le projet de loi n° 17 vient également préciser qu'aucun point d'inaptitude ne peut être prescrit pour une infraction constatée au moyen d'un cinémomètre photographique, puisque l'appareil ne photographie que la plaque et que le conducteur n'est pas identifié. La responsabilité de l'infraction est imputée au propriétaire du véhicule, à moins que ce dernier n'établisse qu'il n'avait pas consenti à une autre personne l'utilisation de son véhicule.

Toutefois, comme c'est le meilleur projet de loi possible que nous voulons, nous n'avons aucune objection à tenir des consultations particulières pour l'enrichir, et ce, malgré le fait que nous ayons déjà tenu des consultations générales au sujet de l'utilisation du cinémomètre lors de la commission parlementaire sur la sécurité routière que nous avons tenue au début de 2000. En d'autres mots, je sais, par exemple, que les compagnies de location peuvent louer des autos, puis, comme c'est de la vitesse, bien, je pense... On les a rencontrés, on a discuté avec eux, et il y aura probablement des suggestions qui leur seront faites. Dans le contrat qu'ils signeront, ils pourront faire engager l'individu à payer ses versements d'amendes pour vitesse, si c'est lui qui a outrepassé les normes de vitesse. Et ça se fait dans un contrat. Actuellement, ce n'était pas prévu dans la loi.

Donc, on va le faire, on va faire des expériences... on va faire des commissions parlementaires, on va écouter des groupes, et je suis prêt à améliorer la loi, s'il le faut, là-dessus. Je pense que l'objectif fondamental, c'est de faire en sorte qu'on ait la sécurité du public puis que, par contre, les gens puissent payer également leurs dus pour les infractions qu'ils ont. Et il y aura des délais, effectivement, très rapides pour ne pas que ça traîne. Donc, les discussions ont été faites déjà avec les compagnies de location.

J'invite donc les membres de cette Assemblée, M. le Président, à considérer l'importance de cet outil complémentaire au travail des policiers pour diminuer le nombre de morts et de blessés sur les routes du Québec. Je leur rappelle que l'effet dissuasif sur les accidents provoqués par la vitesse excessive est clairement démontré. Je leur rappelle que l'effet positif sur le bilan routier est également très bien documenté. Je les invite à être sensibles au fait que, quel que soit le nombre de policiers sur les routes du Québec, ceux-ci sont dans l'impossibilité d'agir sur certains segments du réseau routier sans mettre en péril leur propre sécurité et celle de ceux qu'ils interceptent. Je leur rappelle que les quatre appareils dont il a été question dans ce projet de loi sont introduits à titre expérimental.

Et finalement, M. le Président, j'invite mes collègues de l'Assemblée nationale à contribuer à l'amélioration de la sécurité sur les routes du Québec et à l'amélioration du bilan routier en procédant, bien sûr, à l'adoption du principe de ce projet de loi. Et je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Transports. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford. Je ne sais pas si vous allez avoir autant d'applaudissements cette fois-ci, mais, en tout cas, on verra. M. le député de Shefford.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Tantôt, j'en comptais trois, applaudissements, depuis le début de la soirée. J'espère en compter quelques autres. Donc, j'appelle mes collègues du parti ministériel à bien écouter le discours.

M. le Président, j'écoutais attentivement le ministre des Transports. D'ailleurs, vous l'avez écouté aussi. Dans les deux projets de loi que nous avons étudiés depuis 20 heures, disons que le ton a changé. Peut-être s'attend-il à une position différente de l'opposition? Avec raison, il s'attend à une position très, très différente de l'opposition.

M. le Président, j'ai posé la question ici il y a quelques jours, à l'Assemblée nationale, sur ces fameux cinémomètres photographiques, appelés communément le photoradar, dans la population. Le ministre, déjà avant le début du débat, se défend que son système n'est pas une machine à taxer, nous dit même que les photoradars ? on va l'appeler le «photoradar» pour que les gens nous comprennent bien à la maison, même s'il faut appeler ça par le terme «cinémomètre photographique»... donc se défend en disant que c'est un projet-pilote. Il va juste y en avoir quatre au Québec, seulement quatre photoradars.

n(21 h 30)n

Mais j'invite les gens ? le ministre, tantôt, nous parlait d'Internet ? à essayer de voir le projet de loi n° 17, intitulé Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Code de procédure pénale concernant le cinémomètre photographique. Donc, M. le Président, j'invite les gens à la maison et j'invite les collègues, particulièrement du parti ministériel, à prendre le projet de loi, à le feuilleter, à le lire ? il a seulement 12 articles ? et à chercher c'est où, le projet-pilote. C'est nulle part! Le projet de loi... La loi fera en sorte que le gouvernement actuel pourra installer, comme le disent plusieurs, sa machine à piastres partout au Québec ? partout au Québec ? pas seulement sur le pont Pierre-Laporte ou sur le pont Laviolette ou sur l'autoroute Métropolitaine. Ce n'est pas ça. Peut-être qu'ils vont commencer par en installer quatre, mais le projet de loi permet d'installer ça partout, M. le Président, et vous le savez. En Ontario, par exemple, l'étude est concluante, à chaque cinémomètre photographique, à chaque photoradar installé, ce système-là, cette machine-là rapporte 4 millions de dollars par année dans les coffres de l'État.

Donc, c'est aussi payant sinon plus payant que les machines à sous de Loto-Québec, c'est une vraie machine à imprimer de l'argent, M. le Président. Et déjà, juste de voir le ministre des Transports se défendre à l'avance ? se défendre à l'avance ? sur ses intentions d'implantation du cinémomètre photographique, juste la façon qu'il a de le faire, M. le Président, c'est, de toute évidence, qu'il n'a pas l'esprit clair, qu'il n'a pas l'esprit net, qu'il a quelque chose à se reprocher sur le projet de loi.

M. le Président, on connaît le style du ministre des Transports. Pour plusieurs d'entre nous, nous le connaissons depuis longtemps. Je me souviens, quand je suis arrivé ici à l'Assemblée nationale... Je suis encore impressionné par le style du ministre. On n'est pas du même style, M. le Président, vous l'aviez remarqué. Mais, lorsqu'on sent qu'on va l'affronter dans un projet de loi, le ministre est de plus en plus vindicatif. Il veut nous démontrer à l'avance que, si on veut collaborer, on peut avoir des amendements au projet de loi. Mais on le connaît, M. le Président, lorsqu'il a décidé ou il a eu la commande d'instaurer ce cinémomètre photographique là, c'est que la commande est ferme et il est prêt à nous donner des petits bonbons à condition qu'on mâche le morceau complètement.

Donc, M. le Président, on va revenir au point de départ. Au point de départ, on sait pourquoi on installe ces systèmes-là, ces photoradars-là, c'est pour, en fin de compte, remplir les coffres du gouvernement. On voit le président du Conseil du trésor arriver. C'est peut-être sa commande à lui d'installer des cinémomètres photographiques. M. le Président, on l'applaudit, à part de ça. Donc, moi, comme payeur de taxes puis les citoyens qui nous écoutent, cette taxe supplémentaire là ne fait pas vraiment partie des engagements gouvernementaux. Et je pense que, lorsque vous avez des surplus, comme cette année, de 2,7 milliards de dollars, une taxe supplémentaire est de trop. Surtout depuis l'élection du Parti québécois, depuis 1994, je pense que c'est la vingtième taxe qui est ajoutée aux contribuables.

Donc, si on reprend dès le départ, M. le Président ? et je vais faire comme j'ai fait aux autres projets de loi ? ce qui est clair, c'est, lorsqu'on lit les notes explicatives, et ces notes explicatives là sont claires et ne ressemblent en rien du tout à un projet-pilote de quatre photoradars, elles disent tout simplement: «Ce projet de loi modifie le Code de la sécurité routière afin de permettre ? afin de permettre ? l'utilisation de cinémomètres photographiques aux endroits déterminés par le ministre de la Sécurité publique.»

Donc, M. le Président, la loi, même si elle est responsabilité du ministre des Transports, c'est le ministre de la Sécurité publique, qui est ici lui aussi fier du dépôt du projet de loi, qui va déterminer les endroits où ces cinémomètres photographiques là seront installés. Je ne sais pas si tantôt le ministre de la Sécurité publique lui aussi va se lever puis s'engager à en installer seulement quatre au Québec, M. le Président. Je le mets au défi de ça, et peut-être de se présenter à la commission parlementaire et de modifier la loi, imposer lui-même seulement quatre photoradars au Québec. Je serais très surpris, très, très, très, très surpris qu'on propose un tel genre d'amendement et qu'en fin de compte on n'en fasse qu'un projet-pilote. M. le Président, ce qu'on a comme texte, c'est pas un projet-pilote, ça permet d'installer ces machines à piastres là partout, partout au Québec.

Donc, M. le Président, comme je disais, ça permet «l'utilisation de cinémomètres photographiques aux endroits déterminés par le ministre de la Sécurité publique. Ces endroits feront l'objet d'une signalisation routière annonçant la présence d'un cinémomètre photographique. Seuls les corps policiers désignés par le ministre de la Sécurité publique pourront utiliser les cinémomètres photographiques.»

Ça fait en sorte, M. le Président, que le ministre de la Sécurité publique peut désigner un corps policier comme la Sûreté du Québec, n'importe quel corps de police de toute municipalité. Donc, on voit déjà la file à la porte des conseils municipaux de Montréal, de Québec, d'ailleurs au Québec, afin d'obtenir la permission d'installer ces photoradars-là dans leur municipalité et puis, en fin de compte, d'aller chercher toutes les taxes et les impôts qui seront nécessaires probablement pour prévenir les augmentations de taxes dues aux fusions municipales forcées. On le sait, partout sur le terrain, on s'attend à des augmentations de taxes, et possiblement que ces photoradars-là vont permettre à ces municipalités-là d'aller chercher des fonds nécessaires, sachant très bien que l'installation d'un seul photoradar dans la municipalité va leur permettre d'aller chercher 4 millions de dollars.

Là, M. le Président, en continuant à lire les notes: «Ce projet de loi prévoit que le propriétaire du véhicule routier sera responsable de la commission de toute infraction relative à la vitesse constatée au moyen d'un cinémomètre photographique, à moins qu'il n'établisse qu'il n'avait pas consenti à un tiers l'utilisation de son véhicule.»

Donc, si on comprend bien, c'est que la contravention en question, peu importe qui est au volant, sera envoyée au propriétaire du véhicule. Là, M. le Président, vous vous retrouvez probablement... Je ne sais pas si vous avez des enfants. Vous prêtez votre auto à un de vos enfants, à votre voisin, à votre conjointe, à un de vos collègues, et, en fin de compte, même s'il prend une contravention sur le pont Pierre-Laporte ? parce qu'on parle déjà d'installer un photoradar sur le pont Pierre-Laporte ? et si vous n'êtes pas le conducteur, vous n'avez aucune idée qui est passé là à ce moment-là, vous recevez la contravention. Et vous avez deux choix, à ce moment-là.

Les choix sont clairs. Si vous ne voulez pas avoir de trouble, si vous n'avez pas le temps d'aller contester devant les tribunaux, ce qui arrive souvent, bien vous allez vous décider de faire le chèque de 200, de 300, de 400 $ puis vous envoyez ça pour avoir la paix. Par chance, il n'y a pas de points de démérite, la loi ne prévoit aucun point de démérite. Mais vous allez payer la facture pour les autres. Ou, sinon, vous allez faire comme plusieurs de vos concitoyens, vous vous retrouvez devant les tribunaux pour contester la contravention que vous avez reçue par la poste, souvent dans une situation où vous ne connaissez même pas le pourquoi et le comment des choses. Donc, vous allez perdre une journée, M. le Président, une journée de travail, qui va coûter des sous, qui va vous causer des inconvénients, pour aller contester une contravention dans laquelle vous n'avez absolument, absolument rien à voir. Donc, le deuxième paragraphe des notes explicatives est encore clair, le ticket, comme on dit chez nous, c'est vous qui le recevez même si vous n'étiez pas au volant de cette automobile-là.

Donc, «de plus, ce projet de loi modifie le Code de procédure pénale afin de prévoir qu'une peine d'emprisonnement ne pourra pas être imposée pour des sommes dues à la suite d'une infraction constatée au moyen d'un cinémomètre photographique». Le ministre est très généreux. Si vous avez un ticket puis vous ne le payez pas, vous n'irez pas en prison. Vous n'irez pas en prison, sauf qu'on va sûrement trouver un moyen de vous le faire payer. Sauf que le ministre, en sa grande générosité, ne vous emmènera pas en arrière des barreaux.

Donc, M. le Président, on se retrouve devant un projet de loi où on peut se poser un tas de questions sur le pourquoi et le comment. Pour nous, il semble très clair, il est très, très clair que l'installation de ce machin, de ce photoradar, de ce cinémomètre photographique, en fin de compte, c'est une installation d'une machine à imprimer de l'argent. On aurait pu peut-être donner... À la place de donner la responsabilité du photoradar au ministre de la Sécurité publique, on aurait pu peut-être l'envoyer à Loto-Québec...

Une voix: Au Revenu.

M. Brodeur: ...ou au Revenu, M. le Président. De toute façon, ça va aller directement dans les coffres du gouvernement et à 4 millions l'exemplaire et avec un produit qu'on peut installer sans limite. On peut en installer partout au Québec. La Sûreté du Québec va en installer et toutes les municipalités vont en vouloir pour défrayer probablement, comme je disais tantôt, les frais des fusions municipales. Donc, une machine à taxer de 4 millions de dollars par année par machine.

n(21 h 40)n

M. le Président, le ministre tantôt nous a parlé des endroits où on avait installé ces photoradars-là, des endroits où c'était efficace. J'ai ici devant moi... On a jeté un coup d'oeil principalement en Amérique du Nord, où on avait installé des photoradars. Et, après l'expérience tentée, on s'est aperçu que, dans bien des endroits, ça n'avait aucun sens et puis qu'en bout de piste ça ne devenait qu'une machine à taxer. Parce que je pense qu'il est légitime de penser puis légitime de croire ? et puis la réalité nous le démontre ? lorsque vous circulez sur la route et que vous voyez un policier, vous vous faites arrêter par un policier, c'est une mesure dissuasive importante. Donc, vous prenez conscience de la vitesse à laquelle vous allez, vous avez quelques petits commentaires du policier, une contravention souvent importante, et c'est une mesure dissuasive importante. Donc, vous prenez conscience de la vitesse à laquelle vous allez, vous avez quelques petits commentaires du policier, une contravention souvent importante, et ça a une mesure dissuasive. Donc, M. le Président, c'est pédagogique d'avoir des policiers sur la route; on les voit, on modère. Sauf qu'une indication qu'il y a un cinémomètre photographique, un photoradar peut nous ralentir, sauf que ça n'a pas d'incidence autre que sur une courte distance. Donc, ça peut diminuer la vitesse sur un espace de un kilomètre, de deux kilomètres, mais ça n'a pas l'impact, ça n'a pas l'impact d'une mesure policière, d'une intervention policière.

M. le Président, je prends à témoin les collègues. Le ministre justement nous parlait il y a quelques semaines des interventions policières. On a vu, la semaine passée ou il y a deux semaines, deux fins de semaine, par exemple, dans la fin de semaine de la fête des Mères, les policiers sont intervenus de façon spéciale sur les routes pour éviter les excès de vitesse. Le résultat a été étonnant, M. le Président, et je pense que le résultat parle de lui-même. Il y a eu la moitié du nombre de décès durant cette fin de semaine là, comparativement à la même fin de semaine l'année d'avant. Donc, M. le Président, le message est clair, lorsque les forces constabulaires, lorsque la Sûreté du Québec ou lorsque les corps policiers municipaux font leur travail comme ils doivent le faire et s'ils ont eu les effectifs nécessaires, de toute évidence, on n'aura pas besoin de ces machins-là de photoradar qui, en fin de compte, ne servent aucunement à dissuader les gens qui aiment l'excès de vitesse à ralentir.

Et l'exemple a été donné par les interventions policières il y a deux semaines. Lorsqu'il y a une intervention policière, lorsqu'ils font appliquer la loi, les résultats sont là, M. le Président. Et d'aucune façon, nous ne croyons ? et ce qui s'est produit ailleurs le prouve, M. le Président ? qu'un photoradar va créer un sentiment, une inquiétude d'avoir à mettre la vie des gens en danger, et ça fait en sorte que les gens ralentissent seulement sur quelques kilomètres.

M. le Président, je disais il y a quelques instants que ça a été mis en vigueur ailleurs en Amérique du Nord. Le ministre a parlé aussi de l'Australie. On sait qu'en Australie il n'est pas utilisé systématiquement, donc il ne marche pas 24 heures par jour, le radar, on s'en sert à l'occasion. Et, M. le Président, on va revenir ici, en Amérique du Nord, on va parler de l'Ontario. L'Ontario, premier exemple que le ministre a donné, l'Ontario a installé des photoradars en 1995. Il les a retirés savez-vous en quelle année, M. le Président?

Une voix: La même année.

M. Brodeur: La même année, en 1995. M. le Président, ça a été retiré par le gouvernement, le nouveau gouvernement de l'Ontario parce que, premièrement, l'opinion publique est défavorable, il n'y a personne... Ça, M. le Président, on va aller au-delà de ça, il n'y a personne qui aime ça avoir un ticket. Sauf que le support judiciaire est souvent pas là, la machine n'est pas exacte. Même, M. le Président, en Allemagne, par exemple, où on avait installé ces machines-là, on les a retirées parce qu'on ne les trouve pas fiables. On ne les trouve pas fiables. Et, lorsque l'ensemble de la législation n'est pas adaptée au photoradar, on est aussi bien d'oublier ça. Et c'est le cas ici, du Québec, alors que probablement on va se revoir devant un tas de recours judiciaires qui vont faire en sorte que, dans six mois, un an, bien, le gouvernement se dira: Bien, ça a pas d'allure, les tribunaux sont embourbés de toutes ces patentes-là à cause justement de l'introduction de ce photoradar-là.

On l'avait installé au Québec aussi, M. le Président, dans les années soixante-dix; ça a été retiré. Et là on prend la liste aux États-Unis. Entre autres, j'en prends quelques-uns, là. L'Alaska. L'Alaska, on l'a déposé en 1996, c'est-à-dire on a permis l'installation de cinémomètres photographiques, le photoradar, en 1996; on a retiré, je dirais, ces machins-là de la circulation.

En Californie. Le ministre tantôt nous a parlé de la Californie: Ah! il dit, c'est en vigueur en Californie, sauf qu'on l'a retiré dans plusieurs villes. En Californie, M. le Président, il a été installé par les autorités municipales, et ce qui est arrivé à la suite de l'utilisation, à la suite de l'expérience qu'on en a faite, on l'a retiré dans plusieurs municipalités.

Il nous a parlé aussi de l'Illinois, M. le Président. En Illinois, ça a été installé en 1992; ça a été totalement retiré par la suite, c'est non efficace.

M. le Président, on l'a également installé dans quatre villes du Texas. On a installé ça entre 1976 à 1987 et, depuis le temps, on l'a retiré dans trois des quatre villes. J'imagine qu'il y a une des villes qui a besoin de plus d'argent que les trois autres. Mais, dans cet État-là, il y a quatre villes qui avaient un cinémomètre photographique et on a fait en sorte d'en retirer les trois quarts.

M. le Président, un autre État, Utah. On a installé des cinémomètres photographiques dans sept villes de l'Utah. Ils ont été retirés dans toutes ces villes-là. Toutes ces villes-là. Ça ne marche pas plus dans ce coin-là.

Dans l'État de Washington, on avait installé ça en 1995 également; on l'a retiré. Même les tribunaux ont fait en sorte qu'on a retiré ces machines-là qui n'étaient pas fiables. Et l'opinion publique d'ailleurs faisait en sorte que les gens qui avaient introduit une telle mesure avaient perdu toute crédibilité parce que, pour eux aussi, M. le Président, c'étaient des machines à imprimer de l'argent et non pas des machines à permettre des corrections dans la façon de conduire des gens.

Dans l'État du Wisconsin. Et ça, M. le Président, c'est assez impressionnant. Au Wisconsin, on a passé une loi, on a adopté une loi pour interdire l'installation de photoradars. Donc, dans ce cas-là, on n'en a pas installé puis on les a enlevés. Ce qu'on a fait pour être bien sûr qu'il n'y ait pas une municipalité qui lui prenne le goût d'aller taxer les gens à partir de ces machines à piastres là, on a passé une loi, l'État du Wisconsin a fait passer une loi, a adopté une loi pour empêcher l'installation de ces photoradars-là.

Donc, M. le Président, de toute évidence, à la lumière de ce qui se passe en Amérique du Nord, au Canada et aux États-Unis, il est de toute évidence que, lorsqu'on a installé ces machines-là, on s'attendait à beaucoup plus de rendement sur la sécurité routière qu'on en a eu en réalité.

M. le Président, si on avait voulu vraiment intervenir sur la sécurité routière, je pense qu'on aurait pu passer peut-être, déposer une loi sur l'alcool au volant. On a vu encore ce qui est arrivé hier; M. le Président, je pense que c'est déplorable. Et vous vous souvenez, ici, à l'Assemblée nationale, il y a quelques mois, au mois de novembre, suite à la tragédie de Thetford Mines, l'opposition avait réclamé une loi, une loi, je pense, une mesure d'urgence afin de permettre de sécuriser les gens du Québec vis-à-vis les récidivistes notoires qui ont été pris en état d'ivresse au volant. Donc, on aurait souhaité, M. le Président, si on parle de sécurité routière, voir une loi sur l'alcool au volant, une loi qui est urgente.

M. le Président, l'an dernier, au Québec... plutôt en 1999, les derniers chiffres disponibles qu'on a indiquent qu'il y a 265 personnes qui ont perdu la vie sur les routes du Québec. Le tiers de ces décès-là étaient reliés de près à l'alcool au volant. Également, il y a eu 2 200 blessés graves dus à l'alcool au volant; il y a eu 1 000 blessés légers dus à cet alcool au volant. C'est pourquoi on aurait pensé que, le 15 mai, le ministre, plutôt que de déposer une loi sur le fameux cinémomètre photographique, qu'il dit une loi favorisant la sécurité routière, il aurait déposé une loi dissuadant les gens d'être ivres au volant.

n(21 h 50)n

M. le Président, l'an passé, il y a eu 15 500 conducteurs arrêtés et qui avaient un taux d'alcoolémie supérieur à la loi. M. le Président, 25 % de ces gens-là qui ont été arrêtés, 25 % des 15 500, ce n'était pas leur première infraction, et, dans la plupart des cas, il y avait des procédures qui étaient entamées pour leur enlever leur permis. Donc, on aurait été en droit de croire encore que, si le ministre avait vraiment voulu améliorer la sécurité routière des gens du Québec, il aurait déposé une loi qui aurait fait en sorte que ces gens-là auraient eu des peines supérieures, que les compensations de la Société de l'assurance automobile du Québec auraient été moins grandes pour ces récidivistes-là. On aurait pensé également qu'une loi qui aurait obligé l'installation d'antidémarreurs à ces gens-là pour une longue période aurait été souhaitable. On aurait pensé, M. le Président, qu'un projet de loi qui aurait responsabilisé les tiers qui prêtent des voitures sciemment à des gens ivres aurait pu s'appliquer.

Donc, M. le Président, moi, quand le ministre me parle de sécurité routière et qu'il me dépose un projet de loi qui ne fait qu'installer des machines qui vont rapporter 4 millions de dollars pièce au gouvernement sans être sûr, d'aucune façon, que ça va améliorer la sécurité routière, à ce moment-là, on ne peut dire qu'une chose, c'est que le gouvernement, tout simplement, va s'enrichir de cette mesure-là et que la sécurité routière n'est qu'un prétexte, puisqu'il n'y a aucune étude qui nous permet de dire que ce photoradar-là va sauver la vie de qui que ce soit. Mais il est certain que, si une loi était sévère et qu'on empêchait seulement qu'une personne, qu'une personne, de prendre le volant et de faire ce qui a été fait hier à Massueville, la loi aurait été un outil extraordinaire de prévention et de sécurité routière.

M. le Président, en fin de compte, on en vient à la conclusion que ce projet de loi là, le numéro 17, que j'invite les gens à consulter à la maison... Consultez le projet de loi, c'est tout court, et puis vous allez voir que cette loi-là ne permet qu'une seule chose, c'est de remplir les coffres du gouvernement à nouveau. M. le Président, c'est pas tellement rassurant. C'est pas tellement rassurant, lorsqu'on sait ce qui est arrivé, par exemple, dans le domaine de la santé, dans le domaine de l'éducation, nos routes. Parlons-en des routes, M. le Président. M. le Président, vous savez comment sont taxés les automobilistes. J'en parlais ici, à la période de questions, la semaine dernière. Cette taxe-là, la taxe sur les photoradars, qui s'ajoute à d'autres taxes... M. le Président, savez-vous comment vous payez de taxes, comment on paie collectivement de taxes, nous, les automobilistes?

Je vois le ministre des Ressources naturelles, et, lui, il le sait très bien. On va parler de la taxe sur l'essence. La taxe sur l'essence rapporte tout près de 2 milliards cette année au gouvernement du Québec. Tout près de 2 milliards de dollars. M. le Président, ça, c'est directement dans les poches des automobilistes. On aurait pensé, plutôt que d'aller chercher ces 2 milliards là, qu'on n'avait pas besoin d'aller chercher encore des millions et des millions en installant un photoradar. On sait que le prix de l'essence a augmenté. C'est toujours... Et, à chaque fois que le prix de l'essence augmente, c'est les coffres du gouvernement qui se remplissent. On aurait pensé qu'on n'aurait pas besoin de taxer à nouveau le citoyen avec l'installation des photoradars.

J'ai ici toutes sortes de chiffres, M. le Président, pris du magazine En voiture, un spécial nids-de-poule qui nous parle des routes du Québec: Jean Lapierre dans les tranchées ? L'état des routes au Québec. Jean Lapierre, naturellement, un ex-député de Shefford au fédéral, donc bien connu dans ma région. Et il y a, dans cet article intitulé L'État de crise, ce que vous payez, entre guillemets, pour vos belles routes. Donc, M. le Président, les citoyens du Québec, comme je vous disais, paient 2 milliards de dollars par année sur la taxe sur l'essence. C'est pas tout, M. le Président. Les droits perçus sur l'immatriculation et sur le permis de conduire, ce que tout le monde paie, là, sur les plaques, sur votre permis, 700 millions de dollars. Vous payez 700 millions de dollars.

Ensuite de ça, des fonds, il y en a de toutes sortes. À part de ça, vous payez le Fonds de contribution des automobilistes au transport en commun, vous payez 60 millions de dollars. Les citoyens du Québec, à part de payer 2 milliards en taxe sur l'essence, 700 millions sur les plaques et permis de conduire, ils paient 60 millions pour un autre fonds. Ensuite de ça, M. le Président, les gens de Montréal, financement de l'Agence métropolitaine de transport, vous payez 50 millions de dollars.

C'est pas tout ? on s'attend à ce que ça finisse à un moment donné. Il y a la taxe sur les pneus aussi, 2 $ du pneu, ça rapporte environ 14 millions de dollars par année. Et, avec le cinémomètre photographique, le photoradar, bien là on ne le sait pas. Le projet de loi, M. le Président, permet d'en installer comme ils veulent. À 4 millions pièce de revenus par année, on peut penser que, quand ça arrive, ils en installent. M. le Président, quand c'est le temps d'installer des machines à poker ou des choses comme ça, on sait que le gouvernement ne se gêne pas, parce que ça remplit les coffres du gouvernement. On passera des annonces après pour dire aux gens de faire attention. Puis là même le ministre a déjà dit qu'il va y avoir des annonces à la télévision: Faites attention aux photoradars, ça peut vous coûter cher. Ça va lui donner bonne conscience, M. le Président, mais l'argent va rentrer dans les coffres du gouvernement.

Donc, on continue, M. le Président, pour voir aussi ce que vous recevez comme automobiliste pour votre investissement. Donc, on était rendu à tout près de 3 milliards de revenus, sans compter le photoradar. Vous payez, on paie collectivement, les automobilistes, 3 milliards de dollars par année, tout près de 3 milliards. Vous dites qu'on va avoir des belles routes pour ce prix-là. On investit 1,7 milliard au total au ministère des Transports. Donc, au net-net, comme on dit, on est en déficit d'au-delà de 1 milliard de dollars. Et ces argents-là payés par les automobilistes s'en vont, en fin de compte, au paiement d'on ne sait quoi; sûrement pas à la santé, les budgets ne sont pas adéquats, ni à l'éducation, ni à bien des endroits.

Donc, on se retrouve, M. le Président, avec des routes telles qu'on les connaît. Et on est convaincu que ces taxes-là retirées du photoradar, il semble pas qu'elles retourneront non plus aux automobilistes. Le ministre, à la dernière minute, à la période de questions, se lève debout: Bien, faites-nous une suggestion. Qu'est-ce qu'on va faire avec cet argent-là? Faites-nous une suggestion ou bien c'est ça qu'on va faire. Mais c'est bien simple, M. le Président, des taxes, les citoyens en ont assez. Ils en ont assez des taxes. On n'a pas besoin de ce photoradar-là, c'est une taxe.

M. le Président, a plusieurs reprises, on a demandé, mon collègue le député de Kamouraska-Témiscouata a demandé au ministre des Ressources naturelles de baisser les taxes sur l'essence. De baisser les taxes sur l'essence. M. le Président, sûrement que le ministre des Ressources naturelles va intervenir à la suite de mon intervention pour peut-être amender puis dire: Bien, c'est correct, si je ne baisse pas les taxes sur l'essence, on va laisser faire le photoradar, d'abord. Peut-être que le président du Conseil du trésor va dire: Bien, les automobilistes paient 3 milliards, il ne faudrait pas qu'ils en paient 100 ou 200 millions de plus, c'est assez.

C'est assez, M. le Président. Les automobilistes du Québec sont les gens les... On le dit souvent, chaque fois on le dit, on est les citoyens les plus taxés. Le premier ministre se lève... C'est de valeur qu'il soit dans l'impossibilité d'être là ce soir, j'aurais aimé qu'il se lève après moi puis me dise ce qu'il pense de cette nouvelle taxe là adressée aux citoyens les plus taxés en Amérique, la taxe sur le photoradar.

Et parlant de taxes... M. le Président, je peux vous en parler des taxes, parce que le premier ministre actuel était ministre des Finances, et j'ai une nomenclature ici des 17 taxes qu'il a imposées à titre de ministre des Finances, sans compter que déjà il est en train de nous imposer une autre taxe sur le photoradar. Il a commencé, M. le Président... En plus des 3 milliards de taxes que nous payons comme automobilistes, la hausse des primes d'assurance, l'assurance médicaments, qui est passée, prime annuelle, du simple au double, il a augmenté, depuis qu'il est là, la TVQ de 1 %; ça a donné 675 millions de plus au gouvernement. Il a augmenté la taxe sur les produits du tabac, 19 millions annuellement; le financement routier ? on vient d'en discuter ? 28 $ par ligne de circulation; la taxe sur les pneus, 14 millions; la taxe sur les véhicules de luxe, 2 millions; la non-indexation des tables d'impôt, 167 millions. Ensuite de ça, la taxe Fonds de lutte contre la pauvreté; la taxe sur l'essence; la taxe de 2 $ par nuitée sur les chambres d'hôtel; la taxation des forfaits touristiques, l'introduction du revenu familial net; le revenu familial net et le total de revenus des deux conjoints, soit le revenu familial soustrait de 26 000 $, donc ? en fin de compte, c'est des taxes... ça fait en sorte que certains revenus que vous recevez, si vous faites tout près de 26 000 $, sont imposés à... ça vous coûte 100 % d'augmentation ? ensuite de ça, les compensations de plafonnement, de 11 millions; l'abolition du remboursement de la TVQ, 88 millions; la hausse des taxes scolaires, la taxe sur le gaz et l'électricité, etc.

M. le Président, je pourrais vous en parler pendant des heures et des heures. Sauf que ce qui est net, M. le Président, c'est que, dans l'esprit de ce gouvernement-là, la chose la plus importante est devenue la taxation, c'est de remplir les coffres. On comprenait au début: Déficit zéro, oui. Mais ça devient maladif, M. le Président. L'astuce présentement, c'est de remplir les coffres. Plus le tas est gros, mieux c'est, M. le Président. Et ça, les seules personnes qui paient ça, les seules qui paient ces folies-là, c'est les citoyens du Québec, M. le Président. Et, je le répète, ce sont les citoyens les plus taxés d'Amérique.

n(22 heures)n

M. le Président, on a posé la question aussi au ministre des Transports: Combien ça va rapporter, ce photoradar-là? Combien ça va rapporter? Je vois le président du Conseil du trésor; ça s'est sûrement discuté au Conseil des ministres. Je vois déjà le ministre des Transports exposer son projet de loi puis je ne sais pas s'il vous a parlé qu'il avait seulement quatre photoradards parce que, dans la loi qu'il vous a présentée ? je vous invite à la lire ? il peut en poser et il peut en installer partout au Québec, des photoradars. Est-ce qu'il vous a dit seulement quatre? Est-ce qu'il vous a dit: Seulement quatre et je n'en poserai pas plus? J'imagine... Déjà, je vois certains ministres, même le premier ministre, dire: Bien, quatre, on dira ça, mais en fin de compte, comme font signe certains députés et ministres de l'autre côté, ça rapporte beaucoup, ça rapporte beaucoup.

Pourront-ils s'astreindre à quatre photoradars, M. le Président? Jamais. Jamais. Une belle machine à taxer comme ça, je suis convaincu que, lorsque ça a été présenté au Conseil des ministres, ça n'a pas été présenté comme un instrument à sécurité routière. C'est un instrument à taxer; c'est un instrument à sortir encore un peu plus d'argent des poches des citoyens, et particulièrement des automobilistes.

Donc, M. le Président, si le ministre des Transports veut relever le défi, je l'invite à prendre toutes ces sommes-là puis à les retourner aux payeurs de taxes. Mais on sait qu'il ne le fera pas. Il va bien trouver une solution pour en fin de compte faire en sorte que d'autres ministères ou les volontés du premier ministre soient exaucés et que ces fonds-là retournent à je ne sais quelle destination.

Donc, M. le Président, on aurait été en droit de croire qu'avec un automobiliste taxé de cette façon-là, on aurait des routes en état. Mais les routes, encore là, on ne mettra pas d'argent là-dedans parce que ce n'est pas une priorité du gouvernement. M. le Président, tantôt, je parlais à votre prédécesseur de la revue En voiture, et je vous invite à aller à la page 13 de la revue d'avril et mai, et j'invite les gens qui ont appuyé le ministre des Transports au Conseil des ministres à prendre connaissance de ce que les fonctionnaires du ministère des Transports disent à propos des intérêts du gouvernement à investir dans un système routier et de l'intention du gouvernement et des priorités gouvernementales concernant le ministère des Transports.

M. le Président, j'ai un article ici, qui est en page 13 de cette revue-là de mai 2001 et qui est titré: Les routes, pas une priorité. On aurait pensé que peut-être les citoyens se seraient laissé aller à dire que les routes sont en piteux état ou que l'opposition aurait pu dire que les routes sont en piteux état, et c'est vrai. Mais je vous cite le premier paragraphe. On dit: «Mme Marjolaine Veillette, qui travaille à la Direction des communications chez Transport Québec, ne s'en cache pas: Le gouvernement a des choix à faire et les routes ne sont pas la première priorité.»

M. le Président, c'est un fonctionnaire du ministère des Transports qui dit que les routes ne sont pas la première priorité. Est-ce qu'on en déduit que ces taxes-là qui vont provenir du photoradar seront investies ailleurs parce que les routes, ce n'est pas une priorité au gouvernement? Aujourd'hui, je le disais. Tantôt, dans un discours précédent, j'ai eu un appel d'un M. Lavoie de la Rive-Sud. Il me disait: M. le député, j'ai vu aujourd'hui, de mes yeux vu, qu'ils étaient en train de faire des lignes blanches dans le milieu de la 20 puis ils faisaient ça par-dessus les nids de poule.

Donc, M. le Président, si on est prêt à faire ça au Québec, c'est parce que les routes ne sont pas une priorité et on peut penser ? puis on peut en être certain ? que ces taxes-là, qui sont prélevées des citoyens, vont ailleurs que dans le système de transport pour lequel les automobilistes paient le gros prix. Ils paient deux fois ce qu'ils investissent au ministère des Transports.

Donc, un peu plus loin, M. le Président, pour vous imager ces propos-là, le sous-titre est: L'argent, toujours l'argent. On reste dans le même ordre d'idées des cinémomètres photographiques, on dit: «Mais, si la situation est à ce point connue, pourquoi le MTQ ne prend-il pas les moyens pour faire un meilleur revêtement? Ce n'est pas une question de savoir-faire, mentionne Nelson Rioux, c'est une question de ressources. Transport Québec possède, à mon avis, les meilleurs laboratoires sur la chaussée au Canada. Nous connaissons l'état de la route, mais le financement ne suit pas. Nous voudrions tous une Mercedes pour faire les travaux, mais le gouvernement nous refile une Chevrolet.»

On ne commencera pas sur les voitures, on parle d'une Chevrolet, pas d'un châssis de Ford Taurus, là. On parle tout simplement d'une Chevrolet, M. le Président. On dit que le gouvernement devrait fournir beaucoup plus pour les routes, devrait fournir un montant raisonnable. On peut parler d'un montant raisonnable.

Donc, si on taxe l'automobiliste pour 3 milliards, est-ce qu'on ne devrait pas lui donner un service de 3 milliards de dollars? Ou, sinon, c'est une taxe que seulement un utilisateur paie pour payer autre chose qu'il n'utilise pas par ce service. Donc, M. le Président, on dit que le citoyen n'en a pas pour son argent. Et, avec le photoradar, rien n'indique que ces argents-là reviendront non plus aux transports.

D'après Nelson Rioux, «ce n'est pas en raison d'un manque de compétence si les automobilistes québécois doivent, dans plusieurs zones du réseau routier, faire du slalom pour éviter d'endommager leur véhicule. Nous savons quoi faire et notre technologie est au point, estime-t-il, mais nos moyens sont limités et nous sommes obligés de voir au plus pressant. Mais, avec des budgets adéquats, nous serions en mesure de corriger la situation rapidement.»

Donc, M. le Président, les gens nous disent, puis même des fonctionnaires, que, si les budgets étaient adéquats au ministère des Transports, on aurait des routes qui seraient adéquates, des routes qui seraient acceptables. Ce n'est pas parce que l'argent ne sort pas de vos poches, M. le Président. Ils vont en chercher 3 milliards dans les poches des automobilistes puis ils en investissent juste la moitié dans les routes. Et puis le cinémomètre photographique, le photoradar, ça va être une taxe supplémentaire qui va aller ailleurs, on ne sait où, dans des fonds occultes, à Toronto ou ailleurs. On a un 900 millions, par exemple, qui sert de fonds électoral. On ne sait aucunement où sera la destination. Et l'argent ramassé par ces cinémomètres photographiques, ces machins-là qui vont vous taxer, va rapporter encore un peu plus à nos gouvernements.

Donc, M. le Président, vous connaissez en plus l'état des routes, on le connaît tous. On sait qu'au Québec il y aurait des milliards, des milliards à investir pour permettre aux citoyens du Québec d'avoir des routes qui seraient seulement comparables à celles de nos voisins ontariens, à celles de nos voisins des États limitrophes du Québec, comme le Vermont, par exemple, l'État de New York. Et on sait que, lorsque l'on connaît la façon dont on taxe les automobilistes, le retour qu'on leur donne pour leur argent est tout à fait inacceptable.

M. le Président, vous savez que, si on n'agit pas immédiatement et qu'on ne prend pas les argents que l'on soutire des poches des automobilistes pour investir dans ce pourquoi ils paient, pour les routes, nous allons arriver devant un problème énorme. Et, moi, M. le Président, je peux vous prédire que, d'ici une, deux, trois campagnes électorales, ça va devenir un enjeu dont tout le monde va parler. Vous pouvez vous imaginer que les routes du Québec sont dans un état tel qu'un kilomètre sur trois est à refaire au Québec, un kilomètre sur trois. Il y a environ 30 000 km de route au Québec; il y a 10 000 km de route qui sont à refaire. À refaire, et de façon importante, parce que le gouvernement actuel n'a pas pris les moyens nécessaires pour préserver le réseau routier depuis plusieurs années, depuis leur élection d'ailleurs.

M. le Président, vous savez que le budget actuel du ministère des Transports ressemble au budget d'il y a 25 ans. Et vous savez qu'il y a beaucoup plus de camions sur la route, que la route est beaucoup plus utilisée, que la route est plus âgée. Notre réseau routier date des années soixante. On ne parlera pas encore des ponts, M. le Président: il y a 1 000 ponts à réparer à part de ça, au Québec, avec l'argent normalement que les automobilistes fournissent au gouvernement du Québec.

n(22 h 10)n

Donc, je vous dis qu'il y a un kilomètre sur trois qui est à refaire, et on sait tous, M. le Président ? et les chiffres nous proviennent du ministère des Transports ? que, lorsque vous n'entretenez pas une route, ça va vous coûter plus cher si vous attendez plus longtemps. Donc, le ministère des Transports nous dit que, si vous entretenez une route régulièrement, par exemple, dans les huit premières années, vous allez avoir un coût d'entretien au kilomètre d'environ 1 000 $. Donc, M. le Président, si vous agissez comme le dit notre Code civil, en bon père de famille, vous allez réparer de façon régulière afin que ça vous coûte moins cher en bout de piste. C'est comme si, votre maison, vous la laissez se détériorer et, si vous avez un problème avec une fenêtre et que vous ne la réparez pas, il va arriver que, dans quelques années, vous devrez changer la fenêtre au complet, et ça sera plus dispendieux.

C'est la même chose qui se passe avec nos routes. Donc, si vous entretenez la route de façon correcte, donc du pavage au moins dans les sept ou huit années qui suivent la construction de la route, ça nous coûte, aux citoyens, ça coûte collectivement 1 000 $ du kilomètre. Si vous attendez, M. le Président... Supposons qu'on est cassé, puis on attend un peu... On attend un peu, mais ça va coûter plus cher. Si vous attendez entre huit et 15 ans pour réparer la même route, donc il y a des travaux supplémentaires, les fondations seront un petit peu plus essoufflées, ça, ça coûte environ entre 50 et 80 000 $ du kilomètre. Ça fait une méchante différence, entre 1 000 puis 50 000, ça fait une différence énorme lorsque vous avez 10 000 km à réparer. Et pire que ça, M. le Président, si vous attendez plus de 15 ans. Disons que vous ne faites rien, vous essayez de réparer les nids-de-poule, vous mettez un petit peu de goudron dans les fissures, puis vous attendez 15 ans, M. le Président, ça coûte 250 000 $ du kilomètre à refaire, 250 000 $ du kilomètre. Et ça, c'est des routes de 15 ans. M. le Président, l'âge moyen des routes au Québec est plus élevé que ça. Donc, on peut dire qu'il faut réparer 10 000 km de routes à environ 250 000 $ du kilomètre au Québec. Et pourquoi? Parce qu'on n'investit pas, on n'investit pas dans le réseau routier.

Par contre, M. le Président, d'un autre côté, on donne beaucoup d'énergie à taxer le citoyen, et puis l'avènement du photoradar est une preuve de plus que le principal intérêt du gouvernement du Québec présentement, c'est d'aller chercher de l'argent dans les poches du citoyen ? aller chercher de l'argent dans les poches du citoyen. Et toutes ces taxes-là qui sont prélevées des citoyens, c'est elles qui ont ramené le déficit du gouvernement à zéro; ce n'est pas par beaucoup de magie, c'est bien simple, c'est de l'argent qui a été soutiré des citoyens. Et là, présentement, on a un surplus extraordinaire, et plutôt que de remettre ces argents-là aux citoyens, de baisser les impôts de façon convenable, de baisser de façon convenable, de baisser les taxes de façon correcte, ce que l'on fait présentement, c'est d'essayer de passer en douce un projet de loi sur un machin-truc, une machine qui va rapporter 4 millions de dollars par année dans les poches du gouvernement, et sans plus... Et, M. le Président, ça ne donne aucunement rien de plus aux citoyens du côté sécurité.

M. le Président, ça fait des années que l'opposition réclame un projet de loi sur l'alcool au volant, ça fait des années qu'on réclame une commission parlementaire pour parler de ce sujet-là. Je me souviens, l'année dernière, je posais la question ici, à l'Assemblée nationale, lorsque j'ai été nommé critique des transports, sur l'alcool au volant, et on réclamait à ce moment-là une commission parlementaire urgente pour l'adoption d'un projet de loi. Ce qu'on a eu comme réponse, c'est, il y a quelques semaines: Oui, mais on va faire des consultations au mois de septembre. Au mois de septembre, M. le Président. Je disais au ministre des Transports, au mois de novembre: Écoutez, il vient d'y avoir un accident grave, il y en a eu plusieurs auparavant, est-ce qu'il faut attendre toujours que des événements absolument déplorables se poursuivent pour agir? M. le Président, encore aujourd'hui... il s'en est passé un hier. Pas de loi, pas de loi. Pas de loi pour protéger le citoyen, mais des lois pour le taxer. Ça, on ne s'est jamais privé de lois pour taxer le citoyen. Donc, le photoradar, c'est un outil qui permet d'imprimer de l'argent, simplement imprimer de l'argent.

Et, lorsque le ministre, tantôt, disait: Bien oui, mais eux autres veulent faire croire telle chose, M. le Président, vous l'avez entendu, à chaque fois qu'il y a quelque chose qui ne fait pas son affaire, il traite les gens qui sont contre lui de «groupuscule», de «gosseux de poils de grenouille». Disons qu'on connaît son style habituel.

J'ai fait plusieurs émissions de ligne ouverte à ce sujet-là la semaine dernière. Dans tous les appels qu'il y a eu, je n'en ai pas entendu un, pas un, me dire qu'il était d'accord avec le photoradar. Pas un. Puis je pense qu'il n'y a personne, il n'y a pas grand monde qui croit que ce photoradar-là va être vraiment efficace, vraiment efficace sur la sécurité routière au Québec. La seule chose où tout le monde s'entend où ça va être efficace: ça va taxer par exemple. Pour ça, on va taxer tout le monde, et ça, on sait que ça va être très, très efficace.

Le bon ministre aussi nous a donné une chance par exemple: vous n'aurez pas de points de démérite. Vous n'aurez pas de points de démérite parce qu'ils ne savent même pas qui c'est qui est dans l'auto. Puis, peu importe qui est dans l'auto, c'est le propriétaire de l'auto qui reçoit la contravention, et c'est vous qui vous débrouillez avec la contestation, s'il y a lieu. Puis, comme je le disais tantôt, il y a beaucoup de gens qui vont payer pour acheter la paix parce que c'est pas tout le monde qui veut aller passer une journée devant les tribunaux, attendre. On sait que ça va engorger les tribunaux. Et je me demande si le ministre de la Justice et le ministre de la Sécurité publique ont chiffré les coûts sociaux de l'installation de ces photoradars-là.

Ce qu'on a chiffré, c'est des coûts que ça va rapporter dans leurs poches, mais les coûts sociaux des gens... Les gens qui vont aller passer des journées devant les tribunaux pour contester des contraventions qui ne sont pas légitimes, ils vont devoir prouver presque, selon la loi, qu'ils se sont fait voler leur auto pour ne pas payer parce que la loi dit, dans les notes explicatives: «Ce projet de loi prévoit que le propriétaire du véhicule routier sera responsable de la commission de toute infraction relative à la vitesse constatée au moyen d'un cinémomètre photographique, à moins qu'il n'établisse qu'il n'avait pas consenti à un tiers l'utilisation de son véhicule.»

Donc, M. le Président, si votre fils ou votre fille vous emprunte votre auto, c'est-à-dire il prend votre auto pour aller chercher une pinte de lait puis il se ramasse avec une contravention en cours de route, si vous n'avez pas consenti, d'accord, vous ne paierez pas la contravention, mais, si vous lui avez demandé la commission, par exemple, d'aller chercher du lait, vous étiez consentant, donc vous êtes consentant à payer la contravention qui va avec le photoradar.

M. le Président, on sait que ça rapporte 4 millions de dollars pièce. J'imagine qu'il y a des membres du gouvernement qui vont intervenir à la suite de mon intervention. J'espère qu'il y a des ministres, ministres qui ont sûrement été consultés... Je vois le président du Conseil du trésor et le ministre de la Sécurité publique qui sont directement concernés par ce projet de loi. Et on s'imagine facilement que les études ont été faites. On sait qu'en Ontario ça rapportait 4 millions de dollars pièce. Combien ils envisagent aller chercher encore dans les poches des automobilistes, suite aux installations de ces photoradars?

Donc, M. le Président, il n'y a personne qui est dupe au Québec, personne qui est dupe. Je lisais encore, ce matin, quelques articles de journaux dont dans ma localité, où un membre important du corps policier municipal se questionnait sur l'opportunité de l'installation d'un tel système. Et je me fais le porte-parole non seulement des gens de mon comté, mais des gens de partout au Québec, qui, en plus d'être les plus taxés, ne sentent pas que ce projet de loi va vraiment les sécuriser sur les routes. M. le Président, ce n'est pas parce que vous voyez une annonce qui vous dit qu'il y a un photoradar dans un kilomètre... Je comprends que vous allez ralentir pour un kilomètre, mais je ne pense pas que ça va faire en sorte qu'après le kilomètre puis après que le kilomètre soit passé... La façon dissuasive dont c'est fait n'est pas assez importante pour avoir des résultats directs sur la sécurité routière.

On avait la chance et on a encore la chance... Et je tends la main au ministre sur le dépôt d'une loi sur l'alcool au volant. Ça, c'est urgent, M. le Président, c'est très urgent. C'était urgent l'année dernière, c'était urgent l'année d'avant, c'était urgent l'année précédente aussi.

Donc, M. le Président, plutôt que de vouloir une pseudosécurité routière par l'installation de ces cinémomètres photographiques là, moi, ce que je propose au gouvernement: retirez le projet de loi sur les photoradars. Vous vous apercevez que, partout ailleurs où on en a installé, ça ne fonctionne pas, on les a retirés. Enlevez le projet de loi puis amenez-nous un projet de loi sur l'alcool au volant. Je vous dis d'avance que nous allons donner notre consentement pour un tel dépôt de projet de loi. Mais qu'on retire un projet de loi qui ne protège en rien la sécurité du public et où la seule volonté avouée du gouvernement, en fin de compte, c'est de taxer le citoyen, taxer le citoyen.

M. le Président, on en a abondamment parlé dans les journaux la semaine dernière, dans les émissions de télévision, on en a abondamment parlé dans les lignes ouvertes, j'en ai fait plusieurs, le député de Rivière-du-Loup également s'est exprimé sur le sujet, dans la population, il semble y avoir unanimité à ce sujet-là. Ce matin, justement une de mes collègues parlait d'un ministre des élections. Je pense que c'est contraire à toute qualification électorale.

n(22 h 20)n

Donc, M. le Président, si je peux leur faire une suggestion pour le bienfait de nos citoyens, retirez donc ce projet-là. C'est un projet qui va seulement taxer le citoyen, qui n'apporte absolument rien, qui n'additionne aucune sécurité sur nos routes. Puis qu'ils déposent un projet de loi sur l'alcool au volant. On en a grand besoin, M. le Président.

Des récidivistes, il y en a énormément sur nos routes. Je vous le disais tantôt, on a arrêté l'an dernier 15 500 personnes qui dépassaient le point limite autorisé pour l'alcool au volant, M. le Président, et 25 % de ces gens-là ? le ministre de la Sécurité publique le sait très bien ? qu'on a arrêtés avaient déjà auparavant eu des démêlés du même genre. Et puis il n'y a aucune législation encore qui a été apportée, depuis le temps, aucune législation pour permettre de corriger le problème.

Donc, M. le Président, au nom de l'opposition, je fais cette proposition-là au gouvernement et particulièrement au ministre des Transports: Retirez le projet de loi n° 17. On sait déjà ce dont on a besoin dans un projet de loi qui serait susceptible d'améliorer la sécurité routière, en fin de compte de protéger la vie de nos enfants, parce que c'est souvent le cas, c'est des enfants qui sont les victimes de ça. De déposer un projet de loi qui pourrait permettre au moins d'améliorer la situation du côté des récidivistes ivres au volant...

On le sait, M. le Président, le ministre l'a déjà dit, c'est difficile de suivre tous les citoyens du Québec pour faire en sorte qu'ils ne prennent pas une voiture en état d'ébriété. Mais, si on peut sauver une vie ou quelques vies, je pense, M. le Président, ça serait un projet de loi qui serait grandement apprécié du public. Et le dépôt d'un projet de loi qui fait en sorte tout simplement de donner, d'émettre la possibilité d'installer ces photoradars-là ne fait absolument... On n'a pas prouvé, M. le Président, que l'installation de ces machines-là créait vraiment une sécurité et permettait de sauver des vies.

Le ministre nous a parlé de 100 vies par année. Je me demande où il a pris ses chiffres. Il n'y a personne qui a une étude là-dessus, il n'y a personne qui nous a dit ça. Tous les gens que j'ai consultés, il n'y a personne qui a entendu parler de ça. Il y a une chose qui est sûre, c'est que des lois pour améliorer la sécurité des citoyens, on en attend. On attend, par exemple, une loi, là, suite à l'accident qu'il y a eu à Saint-Jean-Baptiste de Nicolet, où des enfants ont perdu la vie. On attend une loi sur les sièges de bébé, par exemple, on la réclame depuis un an. On aurait pu déposer ça. On fait une autre offre. Je peux vous faire une autre offre, je fais une offre au gouvernement: retirez le projet de loi sur la taxe créée par les photoradars puis déposez-nous une loi qui va permettre de sécuriser les enfants du Québec avec une loi réglementant l'installation des sièges de bébé. M. le Président, on donne des choix au gouvernement, sièges de bébé, alcool au volant, mais des taxes sur des photoradars, les citoyens n'en veulent pas, parce que ce n'est que des taxes.

Et je vous le répète, M. le Président, les taxes, ça a été la même chose dans plusieurs autres États des États-Unis, dans plusieurs provinces du Canada. On a installé ces photoradars-là, le public, l'opinion publique naturellement n'était pas favorable. Sauf qu'elles étaient difficiles d'application, devant les tribunaux, ces contraventions-là étaient difficiles à appliquer. Et en plus, M. le Président, la conclusion: dans la plupart des endroits où on a installé ces photoradars-là, ces cinémomètres photographiques là, on en vient à la conclusion que la seule utilité que ça a eue, c'est de prélever des taxes chez les citoyens.

Et c'est pas pour rien qu'on les a enlevés. On les a enlevés, comme je vous disais tantôt, M. le Président, si on prend juste nos voisins alentours, en Ontario: la Colombie-Britannique va les enlever ? peut-être que le gouvernement du Québec, s'il persiste à vouloir faire adopter le projet de loi en question, il pourra peut-être les acheter en solde, ça sera juste encore un petit peu plus payant ? donc, en Colombie-Britannique, on les enlève; on les a enlevés en Ontario; au Québec, on les a déjà eus, on les a enlevés; en Alaska, on les a installés en 1996, on les a enlevés tout de suite; en Californie, on les a enlevés dans plusieurs municipalités; en Illinois, on les a retirés totalement; au Texas, on les a retirés dans les trois quarts des cas; dans l'Utah, on les enlevés; dans l'État de Washington, retirés; puis, dans l'État du Wisconsin, on n'a pas pris de chance, on a passé une loi pour interdire carrément les photoradars. Donc, il n'y a personne, aucune municipalité qui a l'autorisation d'installer ces machines à taxer là, parce que la conclusion, dans la plupart des endroits où on a installé ces machines-là, ça s'est avéré, en bout de piste, que ça n'a pas sécurisé l'automobiliste. Ça a seulement fait en sorte de taxer le citoyen davantage.

Donc, M. le Président, vous me dites qu'il ne me reste que quelques secondes. Tout ça pour vous dire que, de ce côté-ci de la Chambre, nous allons être absolument contre le projet de loi. Ce que nous allons proposer en commission parlementaire ou, s'il le veut bien, avant, le ministre pourra retirer son projet de loi, il pourra retirer son projet de loi. Et je lui ai fait quelques suggestions sur des projets de loi qui véritablement amélioreraient la sécurité du public, soit des mesures concrètes qui pourraient être prises pour contrer les récidivistes pris en état d'ébriété au volant, déposer une loi qui permettrait aux sièges de bébés d'être conformes à la réalité d'une sécurité routière qui serait correcte, et, à ce moment-là, on pourrait vraiment dire, le ministre pourrait vraiment dire qu'il a fait une action concrète pour améliorer la sécurité des citoyens sur nos routes, sécurité qui serait grandement améliorée également si ces argents-là, qui sont soutirés de la poche des automobilistes, revenaient en investissements sur nos routes, et ça ne serait qu'un meilleur héritage à laisser à nos enfants.

Et, pour l'instant, M. le Président, vous me dites qu'il ne me reste que 25 secondes, je vous dis que nous allons voter contre et j'espère que le ministre prendra au moins la nuit, la nuit pour réfléchir à l'opportunité de retirer son projet de loi, et je suis convaincu que d'ici demain, M. le Président, mes collègues viendront en soutien à cette demande-là, et nous attendrons avec grand désir la réponse du ministre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député, de votre intervention. Sur ce même sujet, je reconnais maintenant M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Serge Ménard

M. Ménard: M. le Président, j'écoute l'opposition depuis maintenant une heure. Je l'ai entendue répéter beaucoup de préjugés qui courent, beaucoup de difficultés à exprimer clairement beaucoup des difficultés qu'on a à promouvoir un pareil projet de loi. Je comprends ces difficultés parce que ma première réaction, lorsqu'on m'a parlé de cinémomètre photographique, était un peu la même que celle du député. Cependant, je pense que vous reconnaîtrez une chose, M. le Président, c'est que la bonne attitude à avoir sur cette question, c'est de savoir véritablement quels sont les effets positifs que ça peut apporter pour prendre une décision éclairée dans l'intérêt public. Je peux dire tout de suite, si je prends le point de vue de l'opposition, que, sur le coup, ce que ça pourrait non pas apporter, mais conserver dans les trésors publics, c'est beaucoup plus considérable que ce que le député de l'opposition a dit. De sorte que c'est véritable: notre objectif avec les cinémomètres photographiques, c'est zéro contravention et zéro accident. Parce que chaque accident que nous avons sur les routes nous coûte terriblement cher. Un mort nous coûte en moyenne 362 650 $, à notre système d'assurance automobile qui, comme vous le savez, est public. Ça fait que tous les conducteurs doivent donner de l'argent. Un blessé nous coûte en moyenne 70 375 $. Les accidents de la route coûtent un total au Québec ou coûtaient un total il y a quelques années, quand on avait présenté ce projet, de 2,1 milliards de dollars par année.

Alors, vous voyez que les gens qui comparent les taxes qui sont perçues sur les automobilistes, sur l'essence, ne prennent jamais en considération le coût des accidents d'automobiles. Mais, en toute justice, je pense que cela doit être pris en considération dans l'ensemble des coûts du système parce que... Dans l'ensemble des coûts du système...

Alors, ce qui veut dire que, si nous réduisions par seulement 1 % les accidents d'automobiles sur les routes, nous ferions une économie de 21 millions de dollars. Alors, voyez-vous, quand je vous dis: Notre objectif, c'est zéro contravention, mais zéro accident, c'est vrai qu'il y a un intérêt financier pour le gouvernement, et cet intérêt financier, il est plus grand que ce que disait le député de l'opposition, mais il est tout à fait de nature différente; il est dans moins d'accidents, moins de morts, moins de coûts à l'assurance santé.

n(22 h 30)n

Mais regardons le coût humain des accidents d'automobiles. Je dirais que la route gâche plus d'années de vie que les maladies. Les accidents de la route sont en effet la principale cause de décès des moins de 44 ans. Chez les 15 à 24 ans, il se tue plus de jeunes que toutes les autres causes réunies, sida compris. Chez les moins de 65 ans, ils sont responsables de plus d'années de vies perdues que le cancer et les maladies cardiaques combinées. On s'inquiète beaucoup de certaines maladies comme le sida par exemple ou justement le cancer. Mon Dieu, pour quelques mois de plus sur les listes d'attente, l'opposition crie, mais, quand on regarde les effets redoutables de la vitesse, je pense

que ça remet les choses dans une saine perspective.

Regardons aussi les expériences qui ont été faites ailleurs. Évidemment, j'ai été pris un petit peu à l'improviste. Je ne m'attendais pas à avoir à le dire ce soir, mais ? j'ai quand même l'avantage de traîner ma bibliothèque avec moi, n'est-ce pas? je peux consulter des vieux documents qu'on m'avait passés ? il y a une expérience, dont on n'a pas parlé, qui est celle de Calgary, qui a eu, pendant plus de 10 ans, des cinémomètres. Eh bien, la diminution des accidents mortels, en neuf années, a été de 27,7 % à Calgary. Alors, calculez ça, là. Tout à l'heure, je vous donnerai les chiffres, le nombre de morts au Québec dans une année. Calculez-les, à 362 650 $, et vous verrez que les chiffres dont vous nous parliez tout à l'heure, n'est-ce pas, sont ridicules. Ça n'est pas une machine à taxer qui nous intéresse, mais c'est une machine à économiser, à économiser non pas que de l'argent, mais à économiser des vies et des blessés. Alors, 27,7 % d'accidents mortels de moins, à Calgary, qu'on a obtenu.

Ils ont parlé très rapidement de l'expérience australienne. Il faut dire que l'Australie est un pays qui nous ressemble beaucoup, au point de vue tempérament, au point de vue droit, d'ailleurs, à bien des points de vue, au point de vue habitudes. Évidemment, ils sont dans l'hémisphère Sud, ils ont leur hiver pendant que nous avons notre été, et vice-versa. Mais l'expérience qui a été faite en Australie, c'est dans l'État de Victoria. L'État de Victoria peut ressembler au Québec, dans ce sens qu'il y a 4,5 millions d'habitants, alors que nous en avons 7,3, il y a environ 3 millions de véhicules, alors qu'au Québec nous en avons 4,3. Bien, en 1988 il y avait 701 accidents mortels dans l'État de Victoria, en Australie, 1 091 au Québec. En 1989, ça augmentait, un peu partout d'ailleurs ? c'est pour ça qu'on voit qu'il y a les mêmes habitudes, les mêmes problèmes, alcool au volant ? il y avait 777 morts, 1 141 au Québec. À partir de 1989, un peu partout, on a pris beaucoup de mesures, sur l'alcool au volant, et on a obtenu des résultats. Effectivement, au Québec, on a baissé de 5 % en 1990, passé de 1 141 à 1 085; en 1992, on a baissé de 14 %; en 1994, on a baissé de 28 %. Mais, dans l'État de Victoria, en Australie, où on a installé des radars photos, la baisse, au lieu de 5 % en 1990, a été de 30 %; au lieu de 14 % en 1992, elle a été de 49 %; au lieu de 28 %, au Québec, en 1994, elle a été de 51 %.

Si je disais à un député ici, n'importe lequel qui est dans votre chambre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: ...dans cette Chambre: Qu'est-ce que vous pouvez faire? Si vous pouviez faire quelque chose pour sauver 50 vies humaines l'an prochain, le feriez-vous? Quelle serait votre réponse? C'est sûr que vous pouvez penser que vous allez avoir à vaincre une démagogie, mais, vous voyez, de l'ordre de 800 décès par année au Québec, si nous diminuons de 1 %, bien, nous sauvons 80 vies humaines. Bon. Alors, je veux dire, c'est quand même des choses. Je pense que c'est la bonne façon d'attaquer le problème comme celui-ci. Et, encore là, je vous dis: Moi, je suis parti avec les mêmes préjugés qu'a exposés avec une certaine éloquence le député qui m'a précédé.

Je vous signale aussi... On parlait de la Colombie-Britannique, qui veut s'en départir. C'est vrai qu'il y a des gouvernements qui ne peuvent pas résister parfois, n'est-ce pas, aux attaques démagogiques, parce qu'il est facile de faire de la démagogie dans ce cas-là, mais je pense qu'à long terme les électeurs savent récompenser les gouvernements qui prennent des décisions difficiles pour le bien public. Mais, quand même, en Colombie-Britannique ? je cherche la diapo, mais en tout cas, peu importe ? on a quand même baissé, dans la région de Vancouver, les accidents de 20 %, on les a baissés de 15 % à Victoria et, dans l'ensemble de la province, on a baissé le nombre de morts de 15 %. Alors, 15 % moins de morts, c'est 80 multiplié par 15.

Je demande au député, n'est-ce pas, ici: Si on vous offre de pouvoir sauver tant de vies humaines, allez-vous dire non? Mais c'est même pas ça, de toute façon, qu'on vous propose. Parce qu'on sait que c'est difficile à faire accepter. C'est pas pour rien qu'ailleurs on les a retirés après les avoir mis. C'est pas parce que ça n'était pas efficace, c'est parce que c'était difficile à supporter dans l'opinion publique. Les gens pensent toujours, probablement vous autant que moi je l'étais quand je conduisais, n'est-ce pas, que l'on conduit bien et qu'au fond les limites de vitesse ne sont pas là pour nous; on peut les dépasser, il n'y a pas de danger, etc. Mais, quand on fait des lois, on doit faire des lois pour tout le monde et on doit avoir à l'esprit les vies humaines que l'on peut sauver.

Et en sachant ici que, s'il faut prendre le problème du côté financier, sauver des vies humaines, ça économise beaucoup plus que les quelques amendes que ça pourrait rapporter, à des gens qui franchement, vous allez voir, voudraient pratiquement être attrapés. Parce que notre objectif, encore ? et vous voyez quelle crédibilité, quand on regarde nos chiffres, on peut avoir ? notre objectif, c'est toujours zéro contravention, zéro accident.

Alors, l'expérience que nous voulons faire dans ce cas-ci, c'est de les placer dans les endroits où il est difficile de patrouiller. À Montréal, vous avez l'exemple de cette fameuse courbe du pont Jacques-Cartier. Vous en avez d'autres un peu partout. Vous avez les fameux travaux routiers. Si vous conduisez comme je conduisais quand je conduisais, probablement que, quand vous voyez des travaux routiers annoncés, vous ne diminuez pas de vitesse au moment où on vous dit de diminuer de vitesse, vous diminuez de vitesse quand vous voyez les travaux. Mais, parfois, il est trop tard, parfois, le bouchon s'est formé.

On pourrait donner des exemples, d'ailleurs, d'accidents en cascade qui se sont produits près des travaux routiers, qui sont absolument remarquables et qui justifient des mesures. C'est un des endroits où nous voulons placer ces affiches disant: Ces quatre appareils radars, n'est-ce pas, risquent d'être chez vous. On pense à peut-être une quarantaine de sites pour quatre appareils radars. Mais, partout, nous tenons à afficher d'avance le fait que le cinémomètre photographique va être en fonction, de telle façon et si clairement que l'on pourra dire que ceux qui décident de dépasser la limite permise acceptent une contribution volontaire aussi généreuse que dans les autres cas, n'est-ce pas, une contribution volontaire aux finances de la province. Et on peut les rassurer, la majorité de l'argent qu'ils vont nous donner n'ira pas dans les poches du gouvernement, parce que tout ce qui va dans les poches du gouvernement en sort en services, et la majorité, 40 % actuellement, c'est en soins de santé.

Donc, s'ils veulent contribuer ainsi généreusement à remonter la santé de la province de cette façon, je ne dirais pas qu'ils sont les bienvenus, mais ce sera leur contribution, alors que la contribution des autres conducteurs qui auront vu ces affiches et qui les respecteront, eh bien, elle sera, elle, d'avoir diminué de vitesse et d'avoir diminué les risques d'accident.

n(22 h 40)n

Là, c'est drôle, parce que le député qui m'a précédé était prêt à échanger cette loi contre des lois plus sévères pour d'autres types... Il devrait connaître ? je ne crois pas que je lui apprends ? un principe de pénologie élémentaire, c'est que ce qui décourage les gens de commettre des infractions, ce n'est pas tellement la sévérité des peines que la certitude d'être attrapé. Et d'ailleurs, dans son discours, il nous en a donné un bon exemple. Il disait: Regardez les interventions des policiers. Il nous disait comment l'intervention du policier est plus efficace. Et il échappe soudainement: Quand on voit un policier, on ralentit. Mais pourquoi ralentit-on quand on voit un policier sur la route? C'est parce qu'on a peur de se faire attraper. Alors, si je vous donne un moyen... de vous dire: Voici, il y a 40 sites au Québec sur lesquels vous avez une chance sur 10 d'être attrapé, bien, je pense que la grande majorité des citoyens vont dire: Cette chance sur 10, je ne la prends pas. Bien plus efficace que les chances que vous avez d'être attrapé par un policier, n'est-ce pas?

Et d'ailleurs, c'est ce qu'ils ont découvert en Ontario. En Ontario, ils ont essayé le système pendant quatre mois, avec quatre appareils seulement. Bien, les diminutions d'excès de vitesse ont été de 42 %. La diminution ? car c'est cela qui va nous importer, nous, à la Sécurité publique ? des gens qui conduisaient à plus de 120 km/h, alors que la limite là-bas, comme... est à 100, n'est-ce pas... Mais nous ne tenons pas... Nous allons avoir une différence entre la limite permise et le moment où l'appareil interviendra. En fait, nous allons chercher à prendre le 15 % qui va plus vite que la moyenne des gens. Eh bien, la diminution des gens qui allaient à plus de 120 a été de 71 %.

Alors, vous voyez que c'est bien plus efficace que les chances de voir un policier sur la route. Ce sont ça, nos préoccupations. Et nous allons dans le sens. La loi, ce n'est pas la sévérité de la loi, encore une fois, qui va donner des résultats, c'est la certitude d'être pris. C'est cette certitude que nous voulons donner dans des endroits dangereux, difficiles à patrouiller pour les policiers, ou des endroits aussi comme les grands travaux routiers, qui peuvent causer des accidents en cascade qui font plusieurs victimes.

Maintenant, je suis sensible, nous avons été sensibles aussi, dans la conception du programme, à certains problèmes qui ont été soulevés à juste titre par le député. C'est le cas des gens qui prêtent leur voiture. C'est mon cas actuellement. Je ne conduis plus ma voiture, ce sont mes enfants qui la conduisent. Mais, justement, l'entente que j'ai avec eux, c'est qu'ils vont payer leurs contraventions, n'est-ce pas? Si je leur laisse ma voiture, c'est bien la moindre des choses. D'ailleurs, je crois que c'est ce que fait tout citoyen responsable, je dirais tout citoyen moyen, aussi. Parce qu'une voiture, ça coûte cher. Non seulement ça coûte cher, mais on sait que c'est un instrument dangereux. Il y a des dangers à conduire une voiture. Donc, un citoyen raisonnable ne met pas sa voiture dans les mains d'une personne déraisonnable, dans les mains d'une personne irresponsable.

Mais, pour ça, je pense que l'on doit à ce citoyen qui prête sa voiture dans des mains responsables d'apprendre rapidement si la personne à qui il a laissé sa voiture a effectivement commis une infraction. Remarquez que ce citoyen responsable, actuellement, il paie pour les billets de stationnement, il paie pour le touage de sa voiture si elle été stationnée dans un endroit où l'interdiction est telle que sa voiture doit être touée. Il paie des montants déjà importants, même si ce n'est pas lui qui a stationné sa voiture à cet endroit. C'est bien évident, quand une voiture est stationnée illégalement ou dans un endroit où elle doit être remorquée, que l'on ne peut pas savoir qui l'a placée là, la personne ayant pu prêter sa voiture à quelqu'un. Et vous ne prêteriez pas votre voiture très souvent à quelqu'un qui la placerait dans des arrêts d'autobus, n'est-ce pas, pour se faire traîner, ou bien au moment où il y a des pancartes de déneigement qui avertissent qu'elle sera touée. Vous ferez ça une fois, mais vous ne le ferez pas deux fois, vous allez retenir son nom, n'est-ce pas, pas mal.

Bien, je pense que c'est ce que vous allez devoir faire aussi, n'est-ce pas, si cette personne, à l'approche d'une affiche qui indique clairement: Vous avez une chance sur 10 d'être pris par un cinémomètre photographique, et la personne n'a pas ralenti, bien, vous ne lui prêterez pas la voiture une autre fois. Alors, c'est pour ça aussi, par contre, qu'on ne donne pas de points de démérite dans ce cas-là, puisqu'on n'a pas la preuve de la personne qui était au volant. Donc, le délai de notification sera le plus rapide que permet la technologie. En fait, je pense même que quinze jours, ça devrait être le maximum. Mais j'espère que la rapidité... Nous allons accorder beaucoup d'importance à la rapidité, à ce que tout ça soit fait le plus mécaniquement possible... pas mécaniquement, mais électroniquement possible, de façon à ce que la personne reçoive, si possible dans les jours qui vont suivre l'infraction, une notification qu'une infraction a été commise.

Vous disiez aussi, c'était drôle... Vous parliez de Loto-Québec tout à l'heure. Je crois que, justement, ces affiches, si on ne les respecte pas, bien, ce sera une forme de loterie dans laquelle vous aurez une chance sur dix d'être perdant. Je pense que la majorité des gens ne voudront pas jouer à cette loterie.

Ensuite, vous nous dites qu'en Australie... La différence entre l'Australie et le Québec, ce serait qu'en Australie ce n'était pas systématique. Bien, c'est la même chose pour nous. Ça ne sera pas systématique, ça va être uniquement dans des cas ciblés, dangereux, difficiles à surveiller.

Donc, je pense avoir là bien des arguments qui, moi, m'ont convaincu en tout cas que mes premières réactions, quoique compréhensibles, n'étaient pas les bonnes, et je crois que vous retiendrez avec moi que les préoccupations que nous devrions avoir se doivent d'être d'abord non pas des préoccupations d'argent, mais des préoccupations de sauver des vies humaines et de sauver des blessés. Souvenez-vous de ce que je vous ai dit dès le début: Le nombre de blessés causé par des accidents d'automobile est supérieur à celui de toutes les maladies.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre de la Sécurité publique. Alors, nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi n° 17, et je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, en vertu de l'article 213, est-ce que le ministre est prêt à répondre à une question?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que, M. le ministre, vous autorisez le député à vous poser une question en vertu de l'article 213?

M. Ménard: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que vous acceptez une question? Vous acceptez une question. Alors, votre question doit être brève et la réponse également. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, votre question.

M. Copeman: M. le Président, est-ce que le ministre de la Sécurité publique peut nous indiquer dans quel article du projet de loi proposé par son collègue le ministre des Transports on retrouve la limite de quatre appareils de cinémomètres photographiques? Dans quel article de son projet de loi est-ce qu'on retrouve la limite de quatre?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ménard: Il n'y en a pas, mais c'est dans les plans de la Sûreté du Québec de n'en avoir que quatre. D'ailleurs...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, c'est tout? Alors, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous cède la parole.

M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour d'intervenir à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 17, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Code de procédure pénale concernant le cinémomètre photographique, Bill 17, An Act to amend the Highway Safety Code and the Code of Penal Procedure as regards photographic speed-measuring devices.

M. le Président, le ministre des Transports a déposé en Chambre, le 15 de mai de cette année, le projet de loi n° 17. Et, depuis ce temps-là, M. le Président, soit en répondant à des questions de mon collègue le député de Shefford, soit en écoutant des ministres, le gouvernement nous donne le raisonnement suivant: Ils prétendent ? le gouvernement, le ministre des Transports, le ministre de la Sécurité publique ? que la seule et unique raison d'installer des appareils photoradars, communément appelés «photoradars», c'est dans le but de sauver des vies.

n(22 h 50)n

Et même, M. le Président, je lisais le transcript d'une période de questions de la semaine passée entre mon collègue le député de Shefford, le ministre des Transports, un débat de fin de séance où essentiellement le ministre des Transports, fidèle à son caractère, nous accusait, nous, d'être irresponsables, de ne pas vouloir sauver des vies. Essentiellement, pour lui, si l'opposition officielle, le Parti libéral du Québec, s'oppose à ce projet de loi, c'est parce qu'on ne veut pas sauver des vies. C'est le raisonnement un peu qu'ont utilisé le ministre des Transports et le ministre de la Sécurité publique.

Je dois dire, M. le Président, que je trouve ça inacceptable et même un peu indécent que des députés ministériels se drapent dans le couvert de vouloir sauver des vies et accusent l'opposition, qui peut avoir des critiques, des préoccupations majeures avec ce projet de loi, qu'ils nous accusent, nous, de ne pas être sensibles à la notion de sauver des vies. C'est un peu indécent, quand on y pense bien, là, M. le Président. Tous les députés de ce côté de la Chambre ont une sensibilité pour tenter de sauver des vies, on est tous soit père, mère, mari, époux, épouse, grand-père, n'est-ce pas? Alors, de dire simplement qu'on n'est pas sensibles, qu'on ne veut pas sauver des vies, parce qu'on s'oppose au projet de loi n° 17, M. le Président, ça, c'est de la démagogie. Je regrette, M. le Président, mais ce sont là des arguments démagogiques utilisés largement par le ministre des Transports. Malheureusement, le ministre de la Sécurité publique a tombé un peu dans la même argumentation. Je trouve ça regrettable.

M. le Président, selon le ministre des Transports, on est devant un projet-pilote ? selon lui, n'est-ce pas? ? un projet-pilote, une expérience-pilote. Dans les plans de la Sûreté du Québec, on va installer quatre machines, un maximum de quatre, selon le ministre de la Sécurité publique, à peu près dans 40 sites à haut danger, puis là où l'emplacement de ces machines-là vont faire une différence critique. M. le Président, on ne retrouve aucune de ces balises dans le projet de loi, mais aucune. Le ministre de la Sécurité publique nous demande, nous, des législateurs, de voter sur le projet de loi n° 17, qui n'indique aucunement qu'il y a une limite de quatre. D'ailleurs, il a été obligé de le reconnaître quand je l'ai questionné. Ah! il dit, lui, ça, c'est dans les plans de la Sûreté du Québec. Mais, nous, on vote sur le projet de loi n° 17, M. le Président, on vote sur un projet de loi qui ne comporte aucun maximum sur le nombre d'appareils. Nulle part est-ce qu'on retrouve cette balise-là, nulle part est-ce que les 40 sites sont identifiés. Ça, c'est tout, M. le Président, à la discrétion du ministre de la Sécurité publique. D'ailleurs, il est très clair dans les notes explicatives: «Ce projet de loi modifie le Code de la sécurité routière afin de permettre l'utilisation de cinémomètres photographiques ? pas quatre, de cinémomètres photographiques ? aux endroits déterminés par le ministre de la Sécurité publique. Ces endroits feront l'objet d'une signalisation routière», et ainsi de suite. M. le Président, nulle part est-ce qu'on parle d'un projet-pilote. J'ai déjà vu des projets de loi, ici, en cette Chambre, qui, dans leurs notes explicatives et dans les articles du projet de loi, disaient: Nous établissons au Québec un projet-pilote sur telle et telle affaire. Il n'y a aucune indication de ça dans le projet de loi, M. le Président, aucune.

Alors, nous, on prend le projet de loi à sa face même: pas de limite sur le nombre d'appareils, aucune référence à un projet-pilote. M. le Président, on est un peu sceptique, on est un peu sceptique face à un tel projet de loi. Eh oui! Nous craignons, ici, de ce côté de la Chambre, qu'ils soient utilisés, entre autres, afin de sortir des contraventions. Le ministre de la Sécurité publique dit: Objectif, zéro contravention, zéro accident. Je suis sceptique de nature, M. le Président, je suis prêt à lui céder la moitié de cette équation-là. Je pense honnêtement que le ministre de la Sécurité publique ne souhaite aucun accident. Je suis d'accord avec lui; d'ailleurs, on le souhaite tous, M. le Président. Peut-être que lui ne souhaite aucune contravention. Je soupçonne que, peut-être chez certains de ses collègues, ils n'ont pas la même réticence sur les contraventions, M. le Président, produites par ces machines-là. Je peux peut-être prendre au hasard le président du Conseil du trésor, le ministre de la Sécurité du revenu... le ministre du Revenu, pardon, le ministre des Finances; eux autres peuvent peut-être penser, souhaiter que ces machines-là produisent des contraventions, afin de découvrir une autre source de revenus pour le gouvernement du Québec.

M. le Président, sauver des vies. Le ministre des Transports, la semaine passée, a fait des déclarations pour le moins étonnantes. Il a dit ? et je peux le citer au texte, c'était le 25, si ma mémoire est bonne, la semaine passée: «C'était une expérience-pilote, puis on pouvait en faire aux endroits stratégiques où il se tue un paquet de monde au Québec.» On ne sait pas combien, mais c'est «un paquet de monde». Ça, c'est la rigueur habituelle du ministre des Transports, hein, «un paquet de monde». S'il pouvait peut-être nous identifier combien, dans un paquet, pour lui. En tout cas, ça a l'air que c'est beaucoup, «un paquet de monde».

«On a espoir de sauver 100 personnes, éviter 100 décès.» Et là la logique du ministre des Transports m'échappe un peu, parce qu'il prétend ? c'est lui qui parle, toujours ? que nous avons à peu près 750 décès sur les routes par année, hein? C'est ça qu'il a dit en Chambre. Le ministre de la Sécurité publique, qui, à la portée des mains, a des données plus fines à cause de son ordinateur, a dit: C'est plutôt 800. Mais, peu importe si c'est 750 ou 800. Alors, le ministre des Transports, avec quatre appareils, semble-t-il, photoradars placés à 40 endroits, lui, il espère sauver 100 vies, sur à peu près 800. C'est 12 % à peu près, 11 %. Est-ce que le ministre des Transports veut nous faire croire qu'avec un projet-pilote, avec quatre appareils, lui, il veut faire sauver 100 vies, qui est 11 % de tous les décès sur les routes au Québec?

Il m'apparaît qu'il manque de rigueur un peu dans l'argumentation, le ministre des Transports. S'il avait dit: On veut sauver 10 vies, 20 vies, ce serait peut-être plus crédible, mais, même à ça, il n'a pas d'étude. Pour lui, c'est «un paquet de monde». Si on peut nous sortir peut-être certaines études, ce sera encore plus rigoureux de sa part, mais, «un paquet de monde»... En tout cas, on va légiférer pour «un paquet de monde». C'est bien beau, M. le Président.

M. le Président, ça soulève que toute l'expérience des photoradars n'est pas concluante aux États-Unis, on le sait, n'est pas concluante dans d'autres provinces canadiennes. Il y a des photoradars qui ont été mis en place, qui ont été retirés après des périodes d'essai. En tout cas, le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas concluant. Par contre, ça soulève des questions très sérieuses, de protection de la vie privée, de la présomption d'innocence, n'est-ce pas? Et il y a des éditorialistes qui sont d'accord. Et le ministre nous dit: On va simplement prendre la plaque, il n'y aura pas d'«abusage». D'ailleurs, c'est uniquement la plaque.

M. le Président, ça me fait penser un peu ? puis je dis ça un peu juste en guise de comparaison ? à l'émission Candid camera, hein: You're on Candid camera. Vous savez l'émission, ils ont caché des caméras, mis des personnes dans des situations embarrassantes, puis là ils disent: Smile, you're on Candid camera. Il me semble que l'animateur du programme était Allen Funt, M. le Président.

Alors, quand on parle de Candid camera, ça fait rigoler un peu, mais on peut parler d'autres expériences, on peut parler du Big Brother. Et ce n'est pas nous qui le soulevons, M. le Président, elle a été soulevée dans un éditorial, dans Le Quotidien de cette semaine, cette notion de Big Brother. Le Quotidien, vendredi le 25 mai: Souriez, Big Brother vous prend en photo. Ce n'est pas moi qui ai fait la référence avec Brother, M. le Président, mais parlons-en, du Big Brother.

n(23 heures)n

You know, Mr. Speaker, I was fortunate enough, in my CEGEP days to read George Orwell's novel 1984, as I suspect the Minister of Public Security did. I can even remember, Mr. Speaker, my wife had a button that said: «Watch out, 1984 is only seven years away», when I was in CEGEP. Now, of course, it's 17 years passed. But, in 1984, Mr. Speaker, as you well know, an entire government bureaucracy had been set up to survey, to watch over, to take pictures of and control the most minor details of the private lifes of the citizens of the country. And I think the protagonist, my colleague the MNA for Jacques-Cartier, will correct me if I'm wrong, with his great literary experience ? I believe the protagonist was Winston Smith, in Big Brother ? he indicates with a nod of his head that that's correct. Well, Winston Smith, you know, Mr. Speaker, was put through all sorts of amazing trials and tribulations because of this high surveillance, of this lack of privacy in a society described by George Orwell in 1984.

And, you know, he was part of a bureaucracy that talked about doublespeak, that had phrases like: War is peace, and peace is war. And that's a little bit what I think of when I listen to the Minister of Transports. He says: Well, you know, we're doing this to save lives, this photoradar, and sort of accuses the Opposition of, I presume, you know, in his mind, being irresponsible and of contributing to trafic deaths, by extension, because we have some very serious concerns about Bill 17. Well, that's a very good example, I think, of doublespeak, the doublespeak that George Orwell so clearly condemned in his very famous novel 1984.

Mr. Speaker, the Minister of Public Security talked about, briefly, very briefly... I was surprized, from a lawyer. I'm not a lawyer, Mr. Speaker, as you know, but I'm surprized, coming from a lawyer, that we didn't get a little bit more explanation or discussion...

M. Brodeur: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...question de règlement.

M. Brodeur: Oui, étant donné que les commissions parlementaires sont terminées, quel est le nombre de personnes requises pour le quorum?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Les commissions ne sont pas terminées, à ce moment-ci, M. le député.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, lorsque les commissions seront terminées, ce quorum est de 21, et actuellement il est de 13.

M. Brodeur: M. le Président, j'ai eu une indication que les commissions sont toutes terminées.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bien, moi, j'ai eu une information... On va revérifier.

(Consultation)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, pour le moment, on me dit que c'est pas terminé. Écoutez, je n'ai pas des yeux pour voir jusque dans les commissions, alors j'attends qu'on m'informe. Mais on va vérifier immédiatement.

Mais, avant que vous me demandiez ça, on m'avait déjà informé que les commissions étaient encore en... il y en avait une qui était encore en fonction. Alors, si vous le savez, c'est plus difficile pour moi de le savoir, je suis ici. On va attendre une petite minute.

(Consultation)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, on dit que c'est... Est-ce que c'est terminé? Il va falloir que vous ayez un meilleur système pour nous avertir de ça.

Alors, je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 23 h 3)

 

(Reprise à 23 h 5)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez prendre place. La commission effectivement est terminée. Il n'y a plus de commission qui siège actuellement? Nous avons quorum, mais j'indique aux députés que, compte tenu de l'horloge, il reste 13 min 21 s.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, la parole est à vous.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Semble-t-il, on a besoin des caméras dans les salles de commission afin que vous puissiez vérifier si...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...plus vigilant à l'avenir.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Alors... de la part du ministre de la Sécurité publique, un avocat chevronné, la discussion sur toute la question, toute la problématique de la présomption d'innocence. Le ministre est sans doute au courant de nombreux litiges ailleurs au Canada et aux États-Unis, dont ce système de...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Écoutez, je demanderais un peu de votre collaboration, là. Ça m'arrive dans les oreilles un peu trop, là. Alors, je vous demande votre attention.

M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Sans doute que le ministre de la Sécurité publique est au courant de nombreux litiges que fait l'utilisation de ces appareils de photoradar. Il y avait un litige en Colombie-Britannique qui a duré cinq ans, n'est-ce pas, qui vient d'être réglé par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. On se sait pas si l'accusé va aller en appel jusqu'à la Cour suprême du Canada, basé sur la Charte canadienne des droits et libertés. Ailleurs, aux États-Unis, il y a eu des litiges.

Mais c'est fondamental pour nous, M. le Président, cette notion de présomption d'innocence. Quand le ministre dit: Bien, ce sera un peu la même situation qu'avec des billets de contravention de stationnement, n'est-ce pas? On gare la voiture, et la contravention sera envoyée au propriétaire du véhicule. Il me semble que ? et encore une fois, M. le Président, très humblement, je ne suis pas avocat ? quand il s'agit de vitesse, il y a une personne responsable, qui, pour les corps policiers, est capable d'identifier, c'est-à-dire que, quand on arrête une personne pour vitesse avec un être humain, un agent de la paix, on est capable d'identifier sur le champ qui est responsable de cette contravention-là, et l'infraction va avec la personne, n'est-ce pas, pour les contraventions de vitesse.

Mais avec le photoradar, M. le Président, ce ne sera plus le cas. Les gens qui vont être tenus responsables, c'est le propriétaire du véhicule, même s'il n'est pas au volant au moment où la contravention intervient. Et on indique dans la loi que la seule façon d'éviter cette contravention, même si on n'est pas au volant, c'est d'être capable de démontrer qu'il n'avait pas consenti à un tiers l'utilisation de son véhicule. Alors, on met le fardeau de la preuve sur le propriétaire du véhicule.

Le ministre nous indique qu'il ne conduit plus ? évidemment, comme ministre, il a accès à une automobile ? il ne conduit plus, il prête sa voiture à ses enfants. Alors, lui, il les tient responsables ? mais peut-être, à l'intérieur de sa famille, il les tient responsables ? mais en vertu de sa loi, c'est lui qui va être responsable, n'est-ce pas? Là, il va tenter d'imposer ça à son fils ou sa fille, ou à d'autres, des voisins. Bien, bonne chance. Peut-être que ça va marcher avec les enfants du ministre de la Sécurité publique; je ne sais pas si ça va marcher avec un voisin, ou une tante, ou qui de droit. Mais ça soulève quand même des problèmes sérieux, M. le Président.

Moi, en préparation pour ce débat, j'ai eu l'occasion d'utiliser le Web, et les termes techniques pour l'utilisation du Web en français m'échappent un peu, M. le Président. Comme on dit communément: J'ai surfé le Web. J'ai fait un «search» ? le ministre de la Sécurité publique aime ça, son ordinateur, moi, j'aime le mien aussi; je ne l'amène pas en Chambre, mais quand même je l'utilise à mon bureau. Alors, j'ai fait un «search». J'ai mis simplement «photoradar», puis j'ai effectué un «search». J'ai eu 33 «hits», pas «hits» mais 33 réponses, «matches». Puis, sur ces 33 «matches», M. le Président, je vais vous dire qu'est-ce que j'ai retrouvé en majorité.

n(23 h 10)n

En majorité, les 33 «matches» que j'ai fait en photoradar, j'ai trouvé des choses comme ceci: «PhotoBlock». C'est: «Freedom for the road. Photoradar introducing PhotoBlock.» C'est une patente qu'on peut acheter afin de bloquer le photoradar, hein, on la met sur la plaque. Là, qu'on soit clair, M. le Président, c'est pour ça que j'insiste déjà à faire. Je vous dis simplement que quand on utilise le Web, quand on met «photoradar», on sort avec ? dans mon cas à moi, avec le «search engine» que j'ai utilisé ? 32 «matches» dont la majorité étaient des produits vendus aux États-Unis afin de bloquer la technologie des photoradars. C'était soit PhotoBlock ou RadarBusters, PhotoBuster. «A radar buster's exclusive. The PhotoBuster is a high quality molded durable and inconspicuous plate cover for all North American vehicles. We offer a 90-day money-back guarantee if this cover fails to protect you against photoradar.»

Ça a l'air, M. le Président, que photoradar encourage les compagnies privées à développer d'autres produits afin de bloquer la technologie. C'est peut-être un à-côté positif pour le ministre de la Sécurité publique ou son collègue le ministre de l'Industrie et du Commerce, mais je ne pense pas que c'est vraiment ça qu'on souhaite au Québec.

M. le Président, nous prétendons de ce côté de la Chambre qu'on peut s'opposer au projet de loi n° 17 sans être libellé, étiqueté contre la vie humaine, en faveur des décès de la route. C'était ça, la prétention du ministre des Transports. Je le trouve indécent. Il peut y avoir des raisons tout à fait légitimes et valables pour s'opposer au projet de loi n° 17 sans se faire dire qu'on est contre la vie humaine. C'est une démagogie absolument affreuse de dire des choses comme ça et lui-même n'est pas à la hauteur d'un responsable ici, en cette Chambre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je reconnais maintenant le prochain intervenant sur ce même sujet, M. l'adjoint parlementaire au ministre du Revenu et député de d'Abitibi-Est.

Des voix: Bravo!

M. André Pelletier

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au cours des prochaines minutes, d'intervenir à mon tour sur le projet de loi n° 17 du ministre des Transports, M. Chevrette, concernant la Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Code de procédure pénale concernant le cinémomètre photographique.

Cette machine, cinémomètre photographique ou encore communément appelé photoradar, c'est pas une invention du gouvernement actuel, c'est pas un truc magique sorti de dans une boîte de carton, une boîte surprise, c'est un équipement qui existe depuis de nombreuses années. C'est un équipement qui est répandu à travers le monde, qui est utilisé comme équipement, comme mesure pour aider à la sécurité routière, à sauver des vies.

C'est un appareil, un photoradar, qui est constitué d'un radar et d'un appareil photographique par ordinateur. C'est ce qu'il y a de plus moderne, ce qui est de plus précis. Déjà, on n'avait pas la précision de pouvoir aller chercher un chiffre sur une plaque à travers des centaines et des centaines d'automobiles; on n'avait pas ces moyens-là avant ce genre d'équipement moderne. Maintenant, on les a. On les a, et je pense que l'opposition fait complètement fausse route lorsque l'opposition essaie de démontrer...

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Encore une fois, M. le Président, je pense que nous n'avons pas quorum.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les députés!

n(23 h 14? 23 h 15)n

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. l'adjoint parlementaire au ministère du Revenu et député d'Abitibi-Est, vous pouvez poursuivre votre intervention.

M. Pelletier (Abitibi-Est): M. le Président, avant d'être interrompu par les collègues de l'opposition, j'étais après dire qu'on se sert, pour la sécurité routière, pour améliorer nos moyens de sécurité routière, on se sert de tout ce qu'il y a de plus moderne comme outil de prévention.

L'opposition a mentionné que le gouvernement avait un dessein noir de faire de l'argent. Je pense que le ministre et le gouvernement et tout le monde dans ce dossier-là n'ont qu'une seule préoccupation, c'est de sauver des vies, sauver des vies humaines. L'opposition, je suis prêt à être d'accord avec eux sur le fait que c'est des humains comme tout le monde, et ils sont probablement sensibles comme tout le monde à l'idée de sauver des vies. J'achète ça, là, très facilement. Ils veulent sûrement sauver des vies. On ne peut pas être humain et penser le contraire. La différence entre le gouvernement et l'opposition, c'est dans le courage de passer aux actes pour sauver des vies. Sur l'idée de sauver des vies, je suis certain que mon collègue d'en face est d'accord là-dessus. Mais, entre en parler puis le faire, c'est deux choses. Nous, on propose un moyen moderne, clair, avec des équipements prouvés pour sauver des vies. Tout ce qui leur manque, c'est le courage de nous appuyer pour le faire. Bien, j'espère encore qu'ils vont changer leur méthode...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement.

M. Brodeur: Oui, pouvez-vous faire appliquer l'article 32, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à votre demande, je demanderais aux députés d'occuper leur siège.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, à l'ordre! S'il vous plaît! Alors, en vertu de l'article 32, si, les députés, vous voulez prendre vos places respectives qui vous ont été attribuées par la présidence. M. le député, si vous voulez poursuivre votre intervention.

M. Pelletier (Abitibi-Est): M. le Président, je continue, après, à nouveau, avoir été interrompu par l'opposition sur des petites questions de règlement. Ça démontre qu'ils n'ont pas d'arguments concernant ce projet de loi. Donc, à toutes les 10 minutes, ils arrêtent. Le député de Shefford, là, je pense que ça fait trois fois qu'il nous arrête dans les dernières cinq, six minutes. Donc, par manque d'arguments, pour passer le temps, il essaie de trouver toutes sortes de moyens.

Mais le ministre des Transports a été catégorique. En 1995, on s'était donné un objectif de réduction des mortalités sur les routes du Québec, et l'objectif, avec les moyens qu'on avait, on l'a atteint, mais, en même temps, on se rend compte, au cours des deux dernières années, que l'objectif de l'atteinte de diminution des mortalités, les chiffres sont les suivants. En 1995, on avait 845 décès sur nos routes, on s'était fixé un objectif de diminuer ça à 750 en l'an 2000. On l'a atteint, mais on s'aperçoit que, dans les deux dernières années, ça a resté pareil, on a même eu trois décès de plus l'an passé que l'année d'avant. Donc, tous les moyens mis en marche, puis on a quand même des moyens assez forts; par l'image, on a vu toutes sortes de campagnes à la télévision avec des images fortes qui frappent l'imagination, mais, à un moment donné, ça a un effet. On a vu l'effet de 1995 à l'an 2000, ça a eu une diminution, mais, depuis deux ans, ça a moins d'effet. Donc, il faut améliorer nos moyens, trouver des nouveaux moyens. Cet équipement-là en est un. C'est un équipement qu'on pense... pas nécessairement inventer la roue avec l'équipement, ça existe. Je pourrais probablement vous citer la moitié des pays du monde, puis dans tous les continents, là. Ce n'est pas une affaire juste de l'Amérique, les États-Unis, puis le Canada. Il y a de ces genres d'équipements là dans tous les pays du monde.

n(23 h 20)n

Une particularité de cet équipement-là est la suivante. C'est qu'on peut installer ces équipements-là à des endroits dangereux pour la surveillance routière. Je vais vous donner certains exemples. Un pont. Ce n'est pas tous les ponts, là, qu'on passe à 15 km, il y a des ponts qu'on file à grande vitesse. Il y a aussi certaines courbes. Je pense au pont de Québec, ici, le pont Pierre-Laporte. C'est un beau pont puis ça va bien, mais des fois, sans trop s'en rendre compte, on suit le trafic puis, si ça roule, on roule. La vitesse... On a réussi au Québec à diminuer certaines habitudes. Je pense qu'au niveau de l'alcool au volant on a fait un bon bout, mais au niveau de la vitesse, malheureusement, on s'aperçoit que la vitesse est devenue la plus grande source d'accidents. On roule encore, on roule trop vite. Puis je pense que la vitesse, c'est pas toujours prémédité, là. On ne dit pas: Moi, je pars puis je m'en vais à 140, c'est ça que je veux faire, de Québec à Montréal. On rentre dans une démarche, il y a beaucoup de trafic qui roule et puis, sans s'en rendre compte, sans être méchant, on s'aperçoit qu'on va à 120. Oups!

Mais ce système d'équipement là, photoradar, ça ne sera pas juste un équipement accroché après un pont, ou dans un croche, ou sur le boulevard Décarie. Ça va être aussi accompagné de signaux qui vont nous dire qu'on est photographié. Automatiquement, là, juste le fait qu'on voie un panneau qui nous dit qu'on est photographié, automatiquement, c'est sûr qu'on va y penser, c'est évident. C'est sûr qu'on va y penser. Et plus il y aura de panneaux... Puis c'est sûr qu'éventuellement il y en a qui ne verront pas les panneaux puis ils vont se faire prendre, mais ceux-là, ils vont nous faire de la promotion les jours suivants. Et puis l'expérience ? encore là, on n'invente pas tout ? des autres pays, on en profite. En Australie, ils ont ce système-là depuis plusieurs années et ils ont diminué leur taux d'incidents dans les endroits dangereux de 20 %, d'accidents. C'est très important.

Et, le ministre l'a répété, ce genre d'équipements, on va les installer seulement aux endroits où c'est difficile d'avoir un policier. Comment est-ce qu'on mettrait des policiers sur le pont, je ne vois pas qu'est-ce que ça ferait autre chose que faire faire des accidents. Dans une courbe dangereuse, si on va mettre quelqu'un, dans une courbe dangereuse, à faire de la surveillance, que ça soit un policier à pied ou autrement, ça va être dangereux plus que... Si je fais juste me penser dans le canal du boulevard Décarie à Montréal, à 7 heures le matin, n'allez pas vous mettre le nez dehors pour essayer de faire la circulation, vous allez vous faire passer dessus. Mais, s'il y a une affiche qui dit: Vous êtes vu sur nos écrans, sûrement que ça va... Moi, André Pelletier, député d'Abitibi-Est, je suis comme vous, M. le Président, puis tous les autres, si je la vois, cette affiche-là, je vais sûrement avoir le réflexe d'aller moins vite. Et, si ce réflexe-là, par une machine, fait en sorte qu'il y a 50 morts de moins, même ne serait-ce que 10 morts de moins au Québec, la machine, quand même elle coûterait bien cher, elle aura été un investissement, un outil important. Et avec les morts, là, on ne joue pas avec ça.

Tantôt, il y avait le député de Notre-Dame-de-Grâce qui citait des paroles du ministre, en disant: Le ministre des Transports nous a mentionné qu'il y avait un paquet de morts. Puis là il dit: Il n'est même pas capable de nous dire combien il y avait de morts dans son paquet. Bien, quand même il y en aurait eu juste un, mort, c'est un mort de trop! Faut pas rire avec ça. Et, si on peut utiliser des moyens modernes, qui ont été prouvés dans le monde, tant mieux. On se sert de l'expérience des autres pour faire en sorte qu'ici, au Québec... on pourrait diminuer ne serait-ce que de cinq personnes dans l'année le nombre de mortalités, on y gagnerait, toute la communauté, toute la société y gagnerait.

Des voix: Bravo!

M. Pelletier (Abitibi-Est): M. le Président, l'opposition, dans les quelques petits arguments qu'ils ont avancés, il y avait entre autres... ils mentionnaient que ça pourrait entraver la sécurité de la vie privée des personnes. Je suis d'accord. Voilà quelques années, lorsqu'on avait des radars normaux, qu'on aurait pu prendre au volant un conducteur avec sa blonde...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pelletier (Abitibi-Est): ...ou avec la femme de son voisin. Mais aujourd'hui, avec le photoradar moderne d'aujourd'hui, c'est plus possible. On prend juste la plaque. Donc, l'opposition, elle n'a pas de choix avec ça, là. Elle ne compte pas de point en disant: C'est dangereux de prendre les individus en défaut. Maintenant, si c'était ça un de leurs arguments principaux, je pense qu'ils viennent de perdre cet argument-là.

Donc, M. le Président, c'est un projet de loi qui non seulement dans le texte... pas dans le texte mais dans la réglementation... Le ministre l'a déclaré d'une manière publique, c'est un projet de loi qui se veut, comme ailleurs, un projet-pilote, un projet-pilote dans le temps et dans le nombre, et c'est ce qui a été fait ailleurs. Tantôt, je donnais l'exemple de l'Australie. Ils ont fait l'expérience-pilote et puis ils l'ont mise en application, puis aujourd'hui, ça donne 20 % de moins d'accidents dans les endroits où ils l'ont appliquée.

M. le Président, c'est le devoir du gouvernement, devant le nombre très important d'accidents... On est encore à 700 et quelques morts sur nos routes. C'est beaucoup trop. Ça déchire des familles, ça a un coût de 120 millions de dollars au Québec par année. Donc, tout ça mis ensemble commande au gouvernement d'aller de l'avant, de prendre ce moyen-là et d'en prendre d'autres semblables, mais de ne pas arrêter la guerre aux accidents de la route tant qu'elle ne sera pas gagnée. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Abitibi-Est, de votre intervention. Et je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant, M. le député de LaFontaine.

Motion d'ajournement du débat

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Avant de commencer à plaider, à faire mon intervention sur le projet de loi n° 17, j'aimerais invoquer l'article 100 de notre règlement et présenter une motion d'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, cette motion d'ajournement est recevable. Quant au droit de parole, vous avez un droit de 10 minutes. M. le leader...

M. Brassard: Oui. Alors, j'ai hâte de l'entendre pendant 10 minutes sur les motifs.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, vous avez un droit de parole de 10 minutes, et en plus de ça un membre de chaque groupe parlementaire a un droit de 10 minutes, et vous avez un droit de réplique de cinq minutes. Alors, M. le député de LaFontaine, vous avez la parole.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. En effet, il est maintenant presque 23 h 30. Nous avons eu l'occasion d'écouter les propos tenus d'abondance par le ministre des Transports, ceux tenus par le ministre de la Sécurité publique, et force est de constater qu'à ce moment-ci du débat un certain nombre d'évidences se dégagent. Entre autres, celle que le gouvernement a comme prémisses, c'est-à-dire d'amener ce projet de loi qui va instaurer les contrôles par radar photographique, eh bien, dans le but de sauver de nombreuses vies de Québécois et de Québécoises. Or, malheureusement, pour supporter cet argument qui semble l'argument principal, hein, du gouvernement, à leur dire, eh bien, personne n'a été capable de nous expliquer comment ils étaient pour le faire.

Ce que nous avons entendu de la part des ministres et particulièrement du ministre de la Sécurité publique, qui de manière fort éloquente, hein, a essayé de nous expliquer qu'il mettrait des radars dans la courbe du pont Jacques-Cartier, ça me ramenait à me poser la question: À quelle vitesse on peut rouler dans cette courbe-là? Bien, moi, je l'ai prise à quelques fois et, ma foi, c'est pas forcément l'endroit où on fait des grands excès de vitesse. D'autant plus que le ministre des Transports nous disait la semaine dernière en cette Chambre, lorsqu'on l'a questionné, qu'il était pour, lui aussi, vouloir sauver des vies avec ces radars parce qu'on mettrait des radars pour empêcher les enfants... où il y a des enfants qui vont jouer dans les endroits où les voitures vont trop vite.

n(23 h 30)n

Alors, vous me permettrez de dire qu'à la lumière des deux discussions force est de constater... je n'ai jamais vu beaucoup d'enfants aller jouer dans la courbe du pont Jacques-Cartier. Le seul moment où j'ai vu des gens à pied dans cette courbe-là, c'est lorsque je courais le Marathon de Montréal et qu'il partait sur le pont Jacques-Cartier, et nous passions 32 000 ou 33 000 à chaque année, en courant, mais il n'y avait, bien entendu, pas d'automobiles, la circulation était coupée. Le reste du temps, il n'y a pas beaucoup d'enfants qui vont là. Ce qui démontre que, du côté du gouvernement, on essaie d'invoquer des arguments qui correspondent pas à la réalité du projet de loi. On sait très bien que le projet de loi n'est pas amené pour ça. Il est amené dans un but, M. le Président, de ramasser de l'argent, d'avoir une approche punitive, coercitive vis-à-vis des automobilistes du Québec. Ils n'ont pas sauvé des vies.

D'autant plus, comme le disait notamment ici mon collègue député de Notre-Dame-de-Grâce, qu'on sauverait, tout juste avec ces quatre radars, 12 % de toutes les vies qui sont... puis qui décèdent au Québec dans des accidents, ce qui semble... Avec quatre radars dans des courbes du pont Jacques-Cartier entre autres, je serais curieux de savoir le nombre d'accidents qu'il y a eu dans cette courbe pour justifier... Au moins 25, parce que quatre radars, 100 vies par année, bien, c'est 25. Il n'y a pas eu 25 morts dans cette courbe-là l'année dernière. Alors, je me demande où vont être les autres radars pour justifier un autre 75 vies épargnées. J'aimerais ça savoir à quel endroit particulier, parce que ce n'est pas des petites affaires, c'est des gros radars, ça, hein, des appareils de 4 millions de dollars, quelque chose comme ça, qui coûtent très cher, en tout cas plusieurs millions de dollars, me dit-on.

Eh bien, M. le Président, ça prendrait des endroits où on a eu 25 morts par année dans chaque... À moins qu'on les change à tous les jours, mais là ça ne tient plus debout non plus, parce qu'on nous dit que le ministère des Transports va mettre une signalisation pour avertir les automobilistes; à chaque jour, on changerait les radars, les grosses boîtes, puis là on visserait des pancartes sur les poteaux. Vous voyez bien que c'est quelque chose qui ne se fait pas aussi facilement.

Alors, M. le Président, je pense qu'il est temps de suspendre ce débat pour que le gouvernement puisse aller réfléchir un peu à ce qu'il est en train de nous dire, essayer d'arriver, peut-être demain ou dans quelques jours, avec des changements à son projet de loi ou du moins le retirer comme nous le demandons. Parce que, nous, nous croyons, de ce côté-ci, que ce n'est pas avec un projet de loi comme celui-là que nous allons sauver la vie des Québécois et Québécoises, que nous allons renforcer la sécurité des autoroutes québécoises.

Une des causes principales d'accidents que nous avons au Québec... Il y a plusieurs causes, M. le Président, mais parmi les causes principales: le mauvais état des chaussées et des routes et des rues. Vous savez comme moi que nos rues et nos routes québécoises sont dans un état épouvantable. Il y a des trous. On appelle ça des «nids-de-poule», mais aussi des trous, des fissures, des bosses, des ornières, des gondoles.

Il suffit de se promener un peu à travers le Québec, et dans la courbe Jacques-Cartier aussi d'ailleurs, pour voir que là aussi la chaussée n'est pas dans le meilleur état et se représenter là certainement une des causes principales, hein, d'accident et de ralentissement d'automobiles où de gens qui veulent éviter le trou, qui donnent un coup de volant à gauche, à droite, créent à ce moment-là des accidents, ou des collisions, ou des accrochages qui bien souvent peuvent dégénérer en accidents avec blessés, accidents graves, aussi avec congestion d'automobiles en arrière qui peuvent créer aussi du télescopage.

Alors, M. le Président, je crois que, si vraiment le projet de loi avait pour but de voir à la sécurité des Québécois et des Québécoises, on nous parlerait de ça puis on mettrait beaucoup d'argent pour faire en sorte que l'ensemble des routes du Québec deviennent sécuritaires.

Un autre point de cas réel d'accidents, c'est la signalisation routière. Là, on nous dit qu'on va rajouter de la signalisation pour indiquer les radars. Mais, M. le Président, avant de mettre de la signalisation pour indiquer les radars, il me semble que le gouvernement devrait voir à refaire la signalisation routière au Québec. Parce qu'il s'agit de se promener sur nos routes... Prenons des touristes, mais les gens qui viennent aussi d'en dehors de Montréal ou qui viennent de Montréal vers les régions, ou des États-Unis, ou des Européens, enfin tous les gens qui viennent ici. Eh bien, force est de constater que la signalisation routière, celle qui indique les directions, les localités, est désuète et mal installée.

Et des études ont été faites par le ministère des Transports du Québec, il y a quelques années, qui démontraient... des études que le ministre pourrait nous sortir à un moment donné si on décidait de se pencher dans une commission parlementaire, la commission des transports, sur ce dossier de la sécurité des automobilistes au Québec. Eh bien, on verrait que notre signalisation routière est désuète, obsolète et ne correspond pas ou peu ? pas ou peu, il y a une petite nuance à quelques exceptions ? aux critères internationaux reconnus en termes de signalisation pour la sécurité, à cause des vitesses, pour que les gens puissent les voir avant les indications, puissent tourner aux bons endroits.

Bien souvent, c'est la confusion, et cela, M. le Président, est une cause importante d'inattention sur les routes, de manoeuvres de dernière minute. Même certaines personnes, se trompant, vont reculer sur les bretelles d'autoroutes ou sur les routes à contresens, et cela crée des accidents et crée certainement des morts.

Alors, M. le Président, voyez-vous, la sécurité routière au Québec, ce n'est pas seulement une question de mettre des radars et d'arriver avec une attitude de punition, de coercition, une attitude de répression, hein? Ce n'est pas seulement non plus fait pour remplir les coffres de l'État d'argent. C'est évident qu'une machine que vous allez mettre sur le bord d'une route, à tous les trois, quatre secondes même pas: photo, photo, photo, photo... Alors, on peut ramasser des centaines de véhicules comme ça régulièrement qui seraient à 119 km/h ou à 118. Dépendant des fonds qu'on veut ramener, on pourra bouger un peu le chronomètre, le «rater», sur le radar pour faire en sorte que, bon... pour augmenter les rentrées de fonds. Et, donc, on va baisser ou on va augmenter un peu la tolérance.

Alors, M. le Président, c'est pas non plus quelque chose qui correspond au discours du gouvernement, et force est de constater que le gouvernement, donc, devrait retourner regarder ça, parler avec les députés de leur caucus, parler avec le ministre des Transports, le ministre de la Sécurité publique. Moi, j'ai bien confiance dans le ministre de la Sécurité publique, s'il prend le temps de regarder ça, eh bien, qu'il va arriver, lui, avec des changements à ce projet de loi là ou même qu'il va le retirer complètement, parce qu'il le sait, lui, lui, comme avocat, comme homme dans la vie privée, la vie civile. Avant d'être député, il a dû défendre des gens qui devaient subir des injustices ou des... qui subissaient des préjudices de la part d'excès, ou de trop de zèle de force policière, ou d'abus de juridiction, et on sait qu'il le faisait avec un grand talent et qu'il réussissait bien souvent à convaincre les juges que ses clients avaient raison et qu'ils étaient très maltraités.

Or, je l'écoutais parler tout à l'heure. Il m'a presque convaincu du bien-fondé de notre position, à nous, parce qu'il a commencé par nous dire que, lui aussi, au début, il n'y croyait pas, puis, qu'à l'écouter parler, c'était pas sûr encore à la fin qu'il y croyait encore vraiment. Mais on sait tous qu'il y a la solidarité ministérielle et qu'on est obligé bien souvent, eh bien, d'aller dans le même sens que les collègues, d'autant plus que son nom apparaît quand même sur le projet de loi. Il est vrai que son nom n'est pas marqué sur le titre «Présenté par Guy Chevrette, ministre des Transports», mais on voit quand même que, eh bien, le ministre qui est responsable de la sécurité publique, eh bien, est impliqué par ce qu'on dit, même s'il disait le contraire tout à l'heure, que c'est pas son projet: Ce projet de loi modifie le Code de la sécurité routière afin de permettre l'utilisation de cinémomètres photographiques aux endroits déterminés par le ministre de la Sécurité publique. Donc, il va avoir un rôle important à jouer et du fait que... En suspendant les travaux, ça lui donnera le temps de revenir nous voir, nous expliquer quels vont être les endroits où on va mettre les quatre radars, parce qu'il a dit que c'est quatre... où il y a 25 morts par année... pour savoir... On va dire: À cet endroit, il va y avoir un radar, puis les 25 morts sont finis, il n'y en aura plus.

Alors, M. le Président, sur un autre radar, il n'y aura plus 25 morts, pour en arriver au chiffre de 100. Je crois que ça prend un peu de temps, parce qu'il n'y a pas forcément cette information-là actuellement, mais je crois qu'il devrait quand même faire l'effort de nous la donner. Ou alors simplement, eh bien, il ne fait que répéter le laïus de son collègue des transports. Et on sait généralement le peu de rigueur qu'il peut y avoir dans les propos, ou à l'occasion, du ministre des Transports.

Et c'est peut-être une raison supplémentaire de suspendre à cette heure-ci, pour permettre au ministre de la Sécurité publique, en qui nous avons confiance, de revenir avec toutes ces informations, et d'éclairer la Chambre, et de regarder les choses de manière plus positive que...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député, votre temps est terminé. M. le leader du gouvernement.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Pour des raisons qui ne sont pas celles exprimées par le député de LaFontaine, je pense qu'il convient d'ajourner le débat. Alors, adopté.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, la motion est adoptée? Oups, minute, s'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le leader.

M. Brassard: Oui.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous avez ajourné le débat, mais, moi, je ne peux pas ajourner ça à demain, actuellement. Ça me prend une motion d'ajournement.

M. Brassard: Je fais motion d'abord pour que nous ajournions nos travaux à demain, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que cette motion d'ajournement des travaux de l'Assemblée à demain, le 30 mai, mercredi, à 10 heures, est adoptée? Adopté.

Donc, les travaux sont ajournés à mercredi, le 30 mai, à 10 heures.

Ajournement

(Fin de la séance à 23 h 39)