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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 10 avril 2001 - Vol. 37 N° 9

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Table des matières

Affaires du jour

Présence du secrétaire d'État auprès du premier ministre chargé de la Poste, des
Technologies de l'information et de la Communication du royaume du Maroc, M. Nacer
Hajji, et de l'ambassadeur du royaume du Maroc, M. Abdelkader Lecheheb

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures sept minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Affaires du jour

Affaires prioritaires

Reprise du débat sur le discours
d'ouverture et sur les motions de censure

Alors, nous entreprenons nos travaux aux affaires du jour.

Et, aux affaires prioritaires, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 5 avril 2001 sur le discours d'ouverture de la session prononcé par M. le premier ministre le 22 mars dernier et sur les motions de censure présentées par M. le chef de l'opposition officielle, Mme la députée de Bonaventure, M. le député de Laurier-Dorion, M. le député de Rivière-du-Loup, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

Avant de donner la parole au prochain intervenant, je vous informe que 11 h 20 min ont été utilisées dans le cadre de ce débat. Il reste donc un total de 13 h 40 min réparties comme suit: 6 h 45 min au groupe parlementaire formant le gouvernement; 5 h 55 min au groupe parlementaire formant l'opposition; 60 minutes au représentant du gouvernement pour sa réplique.

Je suis maintenant prêt à céder la parole au prochain intervenant, qui sera M. le député de Verdun. M. le député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer cette intervention par saluer celle qui va être la nouvelle députée en cette Chambre, la nouvelle députée de Mercier, Mme Rochefort, qui a été élue hier soir. C'est assez significatif, ce renversement de tendance dans cette partie de Montréal qui démontre à quel point la population ne suit pas le gouvernement dans ce qu'il lui propose dans le plan d'action pour le progrès tel qu'il a été énoncé par le premier ministre.

Le monde est conscient du problème majeur auquel doit faire face notre communauté. Et ce problème, qui est celui du vieillissement de notre population, il n'a même pas été effleuré dans le discours inaugural par le premier ministre. Vous me permettrez, M. le Président, de rappeler aussi que l'ensemble des membres du cabinet ministériel n'ont pas non plus abordé cette question, sauf peut-être la députée de Lévis, qui l'a abordée d'une manière marginale dans son intervention.

n (10 h 10) n

M. le Président, notre société fait face à un vieillissement accéléré. Je me suis fait sortir ? parce que je suis ça régulièrement ? les dernières données de l'Institut de la statistique du Québec, où le taux de croissance de la population du Québec est maintenant réduit et plus bas qu'il n'a jamais été depuis une trentaine d'années, où les naissances sont rendues à un niveau plus bas qu'elles n'ont jamais été et où, par contre, aussi le nombre des décès est relativement bas, ce qui fait que notre société est une société qui vieillit. Et le propre d'un gouvernement, d'un homme politique, ça serait de savoir prévoir et de savoir adapter les politiques à ce changement qui va nous frapper de plein front d'ici cinq ans ou 10 ans.

M. le Président, c'est assez facile de rappeler que, si on estime qu'en 1996 12 % de la population avait plus que 65 ans, c'est 25 %, en 2020, 2022, de la population qui aura plus de 65 ans. Je ne sais pas si vous comprenez ce que ça veut dire à l'heure actuelle. Ça veut dire que le quart de la population, dans une vingtaine d'années ? et, 20 ans, c'est très court lorsqu'on parle des effets d'une politique ? aura plus de 65 ans, M. le Président. Alors, ça, c'est des données incontournables sur lesquelles nous devrions dès maintenant agir, parce que, si nous n'agissons pas pour adapter notre structure d'État à ce que sera une société vieillissante, adapter notre structure à une situation où, sur cinq personnes, il y en aura deux qui seront des retraitées et trois qui seront des personnes qui auront des revenus d'emploi ? j'entends bien sur cinq personnes qui sont dans les couches actives de notre société ? là il y a nécessité, dès maintenant, de devoir prévoir, de devoir s'adapter, de savoir être en mesure d'agir tout de suite.

Je me permettrai de vous rappeler, M. le Président, que ce qu'on appelle ce «choc démographique» va ? et les démographes peuvent l'analyser région par région ? frapper d'une manière encore beaucoup plus dure les régions du Québec. Le taux de vieillissement est beaucoup plus rapide, par exemple, en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent qu'il ne l'est dans les zones urbaines de Montréal ou même dans les zones périurbaines que sont la couronne montréalaise, Laval, la banlieue nord, la banlieue sud ou même la grande région de Québec, M. le Président, que vous avez l'honneur de représenter. Donc, on fait face non seulement à un vieillissement de la population, mais à un vieillissement accéléré de la population dans les régions. Ça, M. le Président, si on n'est pas aujourd'hui capable de mettre des politiques de l'avant ? et je vais vous en donner, je vais vous en tracer quelques pistes ? dans 10 ans et dans 15 ans, on sera dans une situation que l'on ne pourra plus maîtriser.

L'effet du vieillissement touche beaucoup de domaines, mais je vais vous en donner rapidement quelques-uns. L'accélération de ce vieillissement ? plus vite, je pense, que ce qui avait été prévu même dans la dernière analyse actuarielle du Régime des rentes... Et vous vous rappelez et vous connaissez, M. le Président, que le Régime de rentes du Québec, le RRQ, est un régime qui est faiblement capitalisé et qui, au contraire, est un régime qui est payé par les plus jeunes et qu'ils doivent payer pour les personnes les plus âgées.

Je vois mon ami le député de Gouin qui vient de rentrer. C'est un débat qui vous intéresse au plus haut point. Parce que justement, ce saut de génération, si on ne fait rien aujourd'hui, les gens de sa génération seront peut-être les personnes qui auront à porter le poids de ce qu'on appelle les couches les plus vieillissantes. Dans ce cadre-là, il importe que dès maintenant on puisse réfléchir aussi sur la portée du RRQ et sur les réformes à apporter éventuellement à ce Régime de rentes, si on ne veut pas que les cotisations, dans 10 ou 15 ans, malgré la réforme qui a été apportée il y a trois ans, ne deviennent absolument astronomiques et dépassent la capacité de payer de notre économie.

Deuxième effet. Et vous allez facilement comprendre, M. le Président, l'effet sur le système de santé. Un des gros problèmes à l'heure actuelle du système de santé, c'est que déjà on commence à percevoir, à l'intérieur du système de santé, l'effet du vieillissement. Plus une population est âgée, plus elle est consommatrice, entre guillemets, de soins de santé, et c'est strictement à l'intérieur de la normalité. Je me permettrai même de dire qu'il y a un phénomène un peu absurde, enfin un peu bizarre, lorsqu'on parle du système de santé, c'est: plus un système de santé est performant, c'est-à-dire plus il va être en mesure de maintenir les gens, disons, actifs, plus il va coûter à l'ensemble de la société.

M. le Président, si on ne s'adapte pas aujourd'hui, si on ne planifie pas aujourd'hui, dès maintenant, l'organisation d'un système de santé pour une population, en vue d'une population qui va être notoirement plus âgée, on va se trouver, dans cinq ou 10 ans, face à un mur qu'on ne pourra plus à ce moment-là être en mesure de gérer. Et je vous signalerai qu'il y a quelques pistes qu'on devrait dès maintenant commencer à analyser.

Troisième élément, par exemple... Et je dois dire que le gouvernement a été vraiment à contre-courant. Contrairement, et par rapport à tout l'ensemble des régimes de retraite, à la tendance de vouloir mettre les personnes à la retraite d'une manière plus hâtive, on devrait, au contraire, essayer de stimuler les gens pour rester sur le marché du travail, pour pouvoir continuer à avoir une vie active.

Alors, M. le Président, j'aurais aimé, de la part de ce gouvernement, au minimum... Disons, j'aurais aimé deux choses: au minimum, un discours qui me fasse comprendre qu'ils étaient conscients du problème; et, deuxième élément, quelques pistes de solution. Or, et je le répète, à l'exception d'une allusion que la députée de Lévis a faite à l'intérieur de son discours, je n'ai pas vu aucune intervention sur ce qui est... Et, M. le Président, ce n'est pas un problème qui est péquiste, qui est libéral, qui est même adéquiste, c'est un problème de notre société. Avant tout, un gouvernement est là pour gouverner une population, et notre population, M. le Président, est une population qui est de plus en plus vieillissante et pour laquelle on doit dès maintenant commencer à envisager des mesures pour se préparer à qu'est-ce que sera la société de demain, société où vous verrez, naturellement, le marché de la consommation changer, où vous verrez les types de consommation changer, lorsque 25 % de nos concitoyens auront plus de 65 ans.

Je me permets de vous dire, M. le Président, qu'il y a essentiellement trois pistes, et j'aurais aimé, le gouvernement au pouvoir, le voir essayer de réfléchir sur chacune des trois pistes sur lesquelles il faut évidemment que l'on agisse. Il est clair qu'il faut agir pour essayer d'atténuer ce qu'on appelle le choc démographique. Par «choc démographique», M. le Président, j'entends bien sûr cette situation où notre société, dans 10 ou 15 ans, va être une société beaucoup plus âgée, beaucoup plus vieillissante. Donc, voir à agir sur l'atténuation du choc démographique.

n (10 h 20) n

Deuxième élément, je pense qu'il est important dès maintenant de commencer à se préparer et s'adapter à l'effet du choc démographique. Et, en dernier lieu, je crois que dès maintenant, M. le Président, il y a des mesures qui devraient être prises pour atténuer les iniquités sociales, les iniquités à l'intérieur d'une société que ce choc démographique va créer. Et les iniquités, c'est... Le gros problème auquel les partis politiques, les gouvernements devront faire face, ça va être, aussi, les iniquités... ce qu'on appelle l'iniquité intergénérationnelle, c'est-à-dire les iniquités entre les différentes générations, c'est la manière dont ils ont à contribuer au bien-être collectif, M. le Président.

M. le Président, je reviens donc sur ces trois grandes lignes, trois grandes pistes qu'il aurait été souhaitable de voir à l'intérieur du discours inaugural, si tant est que ce gouvernement eût pris conscience du problème absolument incontournable que représente le vieillissement de la population, à savoir, et je le répète, parce qu'il faut atténuer, si tant est qu'on puisse le faire, le choc démographique, deux, tâcher de s'adapter, de mieux s'adapter au choc démographique et, trois, diminuer les iniquités résultant du choc démographique.

Alors, maintenant, regardons un peu. Parce que, une fois qu'on a parlé de cela, qui est la nécessité de ce qu'on pourrait même qualifier d'une politique de la population, de quoi parle-t-on? Lorsqu'on parle d'atténuer l'ampleur du choc démographique, c'est-à-dire de voir: Est-ce qu'il y aurait possibilité de faire en sorte qu'on infléchisse la tendance, la tendance qui est à la diminution des naissances, la tendance qui est à avoir une population qui vieillit et de plus en plus? alors, on peut le faire de trois manières, M. le Président. Il y a trois chances sur lesquelles on pourrait agir pour atténuer l'ampleur du choc démographique.

Il y a certainement la barrière de l'immigration. La barrière de l'immigration est une variable sur laquelle on peut agir pour rajeunir en quelque sorte une population. Et je crois qu'il est important d'agir sur cette variable-là. On peut regarder les taux d'immigration. Malheureusement, ils ne sont pas extraordinaires actuellement, et on n'a pas encore réussi à obtenir les taux d'immigration que l'on avait connus au début des années quatre-vingt-dix. Je sais qu'il y a des difficultés, je sais que le gouvernement a déposé il y a deux ans une politique, je sais qu'il y a certaines volontés, mais les résultats, sur les chiffres actuellement, ne sont pas encore présents. Et il y a lieu, si on veut réellement être en mesure de diminuer ou d'atténuer l'ampleur du choc démographique, de pouvoir agir sur cette variable qui est la variable immigration, bien sûr en essayant au maximum de pouvoir intégrer au mieux les immigrants.

Deuxième variable. Lorsqu'on parle de population dans un endroit donné, il y a évidemment les gens qui rentrent, c'est-à-dire les immigrants, et il y a aussi les gens qui sortent. Il y aurait lieu de freiner cette migration, qui, je n'en disconviens pas, M. le Président, est moins forte qu'elle n'était il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années, cette migration hors de la province, mais il y a lieu aussi de réfléchir sur cette dimension de la migration, de diminuer ou d'atténuer la migration hors de la province, Alors là, il y a deux variables sur lesquelles on peut jouer pour atténuer cette migration, c'est-à-dire faciliter l'intégration à la majorité francophone, et soit des allophones, soit des anglophones, et de faire en sorte qu'ils puissent se sentir... ou mieux se sentir chez eux à l'intérieur du Québec.

Donc, je résume, sur les variables sur lesquelles on aurait souhaité voir le gouvernement agir, celles sur, en premier lieu, la dimension de l'immigration et, en deuxième lieu, sur essayer de freiner la variable de migration interprovinciale.

Il reste la troisième variable, qui est la variable qui est de faciliter ou d'aider les familles qui désirent avoir des enfants. Je ne disconviens pas que la politique de garderies à 5 $ est un pas dans la bonne direction à cet effet-là, mais je pense que ce n'est pas un pas suffisant, si tant est que je vois les chiffres à l'heure actuelle. Et ceux d'entre nous... J'imagine, M. le Président, que, vous comme moi, vous avez peut-être le plaisir d'être grand-père, voir comment les jeunes familles à l'heure actuelle, lorsqu'elles ont à gérer des enfants et le phénomène qu'il y a de moins en moins... il n'y a pas encore réellement de places en garderie. Vous vous trouvez dans des situations complètement aberrantes: que des gens, lorsqu'ils ont réussi à avoir une place à 5 $ dans une garderie, ne déménageront pas autour de cette garderie, parce qu'ils ne voudraient pas risquer de perdre cette place, cette place à 5 $. Donc, il y a encore beaucoup à faire. Même si ? je pense qu'il faut quand même le reconnaître ? la politique des garderies à 5 $ est un pas dans la bonne direction, il y a beaucoup à faire pour alléger le poids que représentent les jeunes enfants pour les jeunes familles, surtout dans une situation où, de plus en plus, les deux parents sont sur le marché du travail.

Et c'est une responsabilité collective que l'on a et sur laquelle, je crois, on devrait agir beaucoup plus que le gouvernement n'a agi, même s'il a quand même fait, comme je l'ai dit tout à l'heure, un pas dans la bonne direction en ce qui touchait cette politique de la petite enfance. Mais une politique familiale est beaucoup plus qu'une politique de la petite enfance. Il ne faut pas réduire une politique familiale à strictement une politique de la petite enfance. Une politique de la petite enfance est une partie d'une politique familiale, mais une politique familiale comprend d'autres volets. Il y a, par exemple, un volet fiscal, sur lequel on pourrait accentuer beaucoup plus que ce n'est le cas actuellement, pour détaxer des biens de première nécessité dont auraient besoin les jeunes familles. Donc, pour le premier élément, M. le Président, il est important d'agir assez rapidement pour atténuer l'ampleur du choc démographique.

Évidemment, il faut s'adapter. Et je me permets de vous dire aussi: Il faut s'adapter à ce que sera ce choc démographique. Et une politique du vieillissement est une chose qu'il faudrait aussi être en mesure de mettre de l'avant. Ça, ça veut dire quoi, une politique du vieillissement? Le premier élément, je vais vous le dire tout de suite, M. le Président: Il s'agit de voir à réformer le marché du travail ou le monde du travail de manière à faciliter la présence sur le marché du travail de personnes qui auront dépassé 65 ans. C'est-à-dire le travail à temps partiel, la possibilité de joindre une possibilité où vous avez à la fois une période où vous prenez votre retraite, que vous pouvez conjuguer avec une présence moins importante sur le marché du travail. Il y a, contrairement à ce qui a été la tendance ces dernières années, où on a voulu accentuer le départ du marché du travail et permettre aux gens de prendre leur retraite en prenant une retraite anticipée... Bien au contraire, on va devoir, dans les années qui viennent ? et c'est une problématique qui est propre au Québec, bien sûr, au Canada, mais à l'ensemble des pays de l'OCDE ? il va falloir voir comment maintenir, maintenir sur le marché du travail ces personnes qui ont un intérêt à prendre leur retraite.

L'exemple que nous avons vécu, que nous vivons actuellement dans le secteur de la santé, où on a incité des infirmières à prendre leur retraite, et qui naturellement l'on prise au moment où la politique de départs volontaires mise de l'avant par ce gouvernement les a incitées à prendre leur retraite, se trouve dans une situation où, aujourd'hui, nous manquons terriblement et dramatiquement d'infirmières dans le réseau de santé. Attention, je me permets aujourd'hui, M. le Président, de lever et de signaler la difficulté où nous risquons de nous trouver dans une dizaine, une quinzaine d'années, si on n'adapte pas le marché du travail pour permettre aux personnes plus âgées de continuer à rester sur le marché du travail: On risque de manquer de main-d'oeuvre dans un certain nombre de secteurs stratégiques. Et là, il y a une réflexion que toute personne qui est consciente de ce choc démographique aurait dû faire et que le gouvernement n'a pas faite.

n (10 h 30) n

Autre question sur l'adaptation, l'adaptation au choc démographique. Il est clair et il est sûr que le système de santé va devoir s'adapter. Il sera évident qu'il est important de voir à penser comment on va gérer cette masse de population qui sera en relative perte d'autonomie. J'insiste sur les deux mots: «en relative perte d'autonomie». Alors, il s'agirait dès maintenant de commencer à penser à est-ce que les CHLD, c'est-à-dire les centres hospitaliers de longue durée, sont les éléments qui sont les plus adaptés ou si nous ne devrions pas dès maintenant penser à une politique du maintien à domicile où on pourrait avoir créé tout un réseau d'aide domestique ou d'aide thérapeutique qui viendrait aider ou faciliter, pour les personnes qui seraient en relative perte ? j'insiste sur le mot «en relative perte» d'autonomie ? pour pouvoir rester dans leur domicile et rester chez elles.

Aussi, être en mesure ? et dès maintenant on aurait dû y penser ? de voir à une politique familiale mais une politique familiale qui s'articule non pas simplement sur les descendants, mais aussi sur les ascendants. Et je me permets de vous dire que, peut-être demain, il sera aussi important de voir à aider les familles qui s'occuperont de leurs ascendants, c'est-à-dire de leurs parents, de leur père et de leur mère, que ça l'est aujourd'hui d'aider aussi les familles qui s'occupent de leurs descendants, c'est-à-dire de leurs enfants. Et ça, c'est une mutation profonde de la société, M. le Président, sur laquelle nous aurions aimé voir, dans le discours inaugural, au minimum un semblant d'ouverture vers cette dimension.

En fin de compte, M. le Président, si on n'agit pas aujourd'hui, il y a des iniquités, des iniquités qui vont être les suivantes. Vous convenez avec moi, et vous conviendrez facilement avec moi, que le coût du système de santé ? je vais commencer par le coût du système de santé, je toucherai à d'autres secteurs ensuite ? va aller en s'alourdissant à cause du glissement de la population. Et ceci est prévisible dans 10 à 15 ans. Je plaide, et je plaide fortement, à l'heure actuelle pour qu'on commence dès maintenant à capitaliser le fonds de santé. Pour ceux qui ne le savent pas, et j'imagine que tous les membres du cabinet ministériel le savent, mais vous savez à l'heure actuelle que le fonds de santé, qui est les contributions qui sont faites sur la masse salariale par les entreprises et par les employés, est versé maintenant directement au fonds du gouvernement et qu'on ne distingue plus à l'heure actuelle, pour le financement de la santé, entre le fonds de santé lui-même et les sommes qui viennent du budget. Alors, M. le Président, je crois sincèrement qu'il y aurait lieu dès maintenant de commencer à capitaliser le fonds de santé pour lui permettre ? à l'heure actuelle, il est à 6 à 7 milliards; il correspond à peu près à 25 % des dépenses de santé ? pour être en mesure de pouvoir faire face à ce que seront les dépenses de santé dans 10 ou 15 ans, et qui vont augmenter considérablement.

Ce n'est pas difficile de faire un simple calcul, M. le Président. Si on répartit les dépenses de santé par tranches d'âges et, ensuite, vous faites une projection de qu'est-ce que seront les dépenses de santé, tout restant égal, si on fait vieillir la population de 10 ans ou de 15 ans de plus ? et, vous voyez, j'ai fait le calcul ? vous avez les dépenses de santé qui, à ce moment-là, augmenteraient de plus de 1 milliard de dollars. Donc, il y a lieu dès maintenant, si on veut éviter ces iniquités intergénérationnelles, de voir à capitaliser le fonds de santé.

Il y a lieu de voir ? je me permets encore et je suis celui qui le dit depuis cinq ans ou six ans, et je continuerai à en parler ? à faire attention au Régime de rentes du Québec, au RRQ. On a, à mon sens, colmaté des brèches. On a colmaté sur une projection démographique qui est une projection démographique relativement, pour ne pas dire très, optimiste. On dit: Bon, bien, comme les rendements de la Caisse étaient supérieurs à ce qui était prévu dans l'analyse, ça va compenser pour le fait qu'on avait pris des projections démographiques relativement optimistes. Je me permets de vous dire, M. le Président, qu'il y a là aussi un risque important quant au taux de cotisation que risquent de devoir supporter les plus jeunes d'entre nous lorsque les gens de notre génération, vous et moi, arriveront au moment de devoir, disons, prendre nos retraites dans la RRQ. Et, dès maintenant, à mon sens, on devrait augmenter la capitalisation du RRQ.

Enfin, M. le Président ? et là c'est un élément que je trouve extrêmement important, et je voudrais dire que le gouvernement a fait fausse route à cet effet-là ? il me semble qu'il aurait fallu... Parce que demain, lorsque deux... sur cinq personnes qui sont des personnes actives, sur cinq personnes, vous en aurez deux qui seront des retraitées, il est important de maintenir et de tout faire pour soutenir le niveau des retraites. Or, lorsque dans les régimes complémentaires de retraite on a permis aux employeurs de pouvoir allégrement gruger à même le surplus, je pense qu'on est en train de risquer, pour les générations futures, de mettre en danger le niveau de pension optimal qu'on aurait pu souhaiter pour nos retraités.

Et je me permets d'insister, M. le Président, il s'agit là d'une question extrêmement importante, parce que demain notre marché de consommation sera composé à plus de deux cinquièmes de gens dont les revenus seront des revenus de retraite, et où il sera extrêmement important à ce moment-là qu'ils soient assez substantiels pour soutenir la vigueur du marché intérieur. Et, si on ne soutient pas la vigueur du marché intérieur, vous voyez à quel point l'économie s'écroule, et je pense qu'il n'y aura pas de discussion de part et d'autre autour de ce principe-là.

Alors, M. le Président, malheureusement le temps s'écoule extrêmement rapidement. Je voudrais quand même résumer, et vous dire, et sonner cette sonnette d'alarme: le problème démographique actuellement, le vieillissement de la population est un problème absolument incontournable, et on doit dès maintenant agir pour se préparer à ce que j'appelle ce choc démographique, pour essayer d'atténuer autant que possible se peut ce que sera le choc démographique et aussi pour faire en sorte que les iniquités qui sont inévitables dans ce choc démographique soient le moins inéquitables possible, c'est-à-dire en commençant dès maintenant à capitaliser pour les dépenses que le vieillissement de la population entraînera sur l'ensemble de notre société. Alors, M. le Président, malheureusement, dans le plan d'action pour le progrès de la nation, je n'ai vu aucun élément qui aurait touché ces préoccupations.

Motion de censure

Alors, je me permets, M. le Président, de terminer en voulant déposer une motion de blâme:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement pour son manque de vision en ce qui concerne le choc démographique appréhendé et son incapacité de mettre de l'avant des mesures concrètes pour y faire face.»

Je voudrais déposer cette motion de blâme, M. le Président, et je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Verdun. La motion est déposée. Je vais maintenant céder la parole au prochain intervenant, M. le ministre de la Justice. M. le ministre.

M. Serge Ménard

M. Ménard: De la Sécurité publique, M. le Président. Je suis toujours de la Sécurité publique...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah, excusez! Oui.

M. Ménard: ...et non plus de la Justice.

Une voix: ...

M. Ménard: Oui, toujours, et équitable, je l'espère. En tout cas, j'essaie de l'être le plus possible.

Une voix: ...

M. Ménard: Oui, toujours. Député de Laval-des-Rapides, également. M. le Président, dans le discours inaugural, le premier ministre présente une vision globale des réformes qui doivent être entreprises, et je pense que, dans le débat, il est normal que ses différents ministres donnent plus en détail les réformes qu'ils envisagent et les resituent dans un contexte global.

n(10 h 40)n

Personnellement, j'aimerais, dans les minutes que vous m'accordez, démontrer la cohérence de l'action que j'ai entreprise au ministère de la Sécurité publique, avec le support de mes collègues, un ministère qui, lorsque j'y suis retourné, avait besoin de plusieurs réformes. Je dis souvent à la blague que mon ministère peut se résumer en quatre mots: police, pompiers, prisons et catastrophes. Les catastrophes, évidemment il s'agit de la sécurité civile, c'est-à-dire des mesures que nous devons prendre lorsque des sinistres surviennent pour en diminuer les effets et s'occuper des populations qui sont affectées.

Dans chacun de ces domaines, l'évolution nous a appelés à entreprendre un certain nombre de réformes. La réforme la plus importante a été celle des corps policiers. Nous avons fait le ménage dans ces lois qui en avaient bien besoin. Je dois dire que, de ce côté, je salue la collaboration intelligente de l'opposition à bien des égards à certains moments donnés de cette étude. Je pense qu'ils ont agi correctement, conscients que cette réforme, probablement comme d'autres qui ont été faites avant, aurait sûrement la durée d'une génération. Et donc, sur ce point, nous ne sommes évidemment pas d'accord, pensant qu'ils seront peut-être un jour au pouvoir, mais ils ont agi le plus souvent de façon responsable et nous ont permis, je pense, d'établir, par la nouvelle Loi sur la police, un système qui permettra au Québec d'avoir, j'en suis convaincu, la police la plus honnête du monde et l'une des mieux formées.

La base de cette réforme a été largement inspirée par les travaux de la commission Poitras, qui, bien que visant la Sûreté du Québec spécifiquement, j'y ai reconnu, personnellement, ainsi qu'avec les collaborateurs dont je me suis entouré, et particulièrement le sous-ministre aux affaires policières est un avocat qui a pratiqué en couronne pendant plusieurs années... Nous avons reconnu là des problèmes et certainement des situations qui guettent tous les corps policiers des pays démocratiques. Et Dieu sait que les nôtres se comparent avantageusement à ceux qui existent ailleurs dans le monde.

Mais nous avons mis l'accent sur l'éthique, sur une nouvelle façon d'enquêter les allégations de comportement criminel faites sur les policiers. De ce côté, c'est vrai que j'ai hésité longtemps entre le choix d'une police des polices. Finalement, n'ayant pas de données dans ce domaine et ayant le désir de responsabiliser les différentes directions des corps de police, nous avons opté pour un système qui les responsabilise, les obligeant, les directeurs de police, à informer le ministère dans les meilleurs délais de toute allégation de comportement criminel mais les obligeant à nous informer dans des délais assez courts des mesures qu'ils prennent pour les enquêter et permettant au ministre à tout moment de retirer ces enquêtes pour les confier à un autre corps de police. Ainsi, nous serons probablement les premiers à avoir une compilation de ces allégations.

Déjà, les premiers chiffres qui nous viennent démontrent qu'il y a beaucoup moins d'allégations de comportement criminel chez les corps policiers que dans la population en général, mais il y en a quand même un certain nombre. Nous en connaîtrons mieux la nature. Et, si jamais nous décidons que la meilleure solution est de créer une police des polices, eh bien, nous aurons au moins des données qui nous permettront de mesurer l'ampleur et la compétence des enquêteurs que nous devrions y placer. Mais nous craignions que, si nous créions, si nous avions créé un organisme semblable, dès que ces enquêteurs seraient arrivés, le milieu policier aurait eu tendance à se fermer dans sa collaboration, tandis que, si nous rendions les autorités locales responsables d'initier les enquêtes et de rendre compte ? ce qu'elles font ? ça permettrait de les responsabiliser et aussi de mener, dans bien des cas, des enquêtes plus rapidement.

Mais nous avons aussi constaté... Évidemment, je n'ai pas accepté toutes les recommandations de la commission Poitras. Par respect pour les travaux de cette commission qui non seulement a coûté un prix considérable, 22 millions de dollars, mais qui est très large, mais avec des points sur lesquels je n'étais pas d'accord, je n'ai pas critiqué publiquement avant bien longtemps après la publication parce que non seulement j'ai réfléchi longtemps et analysé leurs recommandations et ce sur quoi ils se basaient, mais j'ai consulté beaucoup. Nous sommes allés à l'étranger aussi. Nous avons fait venir beaucoup de littérature pour comparer ce qui était fait dans d'autres pays.

Et je crois que nous avons établi un système qui répond aux principaux problèmes soulevés: les problèmes d'éthique, de loi du silence, de professionnalisation aussi de la profession. Et je pense que les corps policiers en général ont démontré, ces derniers temps, le niveau de professionnalisme très élevé qu'ils ont déjà atteint, d'abord dans la conduite de cette opération, dans justement le silence qu'ils ont gardé, et moi aussi d'ailleurs, et certains collaborateurs immédiats. Dans le silence qu'ils ont gardé. Et là on comprend peut-être pourquoi il doit y avoir une culture du silence en matière policière, mais certainement qu'elle ne doit pas s'étendre au camouflage de comportements criminels ou contraires à l'étique qui peuvent se produire dans tout corps de police. Évidemment, la perfection n'étant pas de ce monde, dans les corps de police, il peut toujours y avoir des gens qui vont enfreindre les lois ou les règles d'éthique, et la règle du silence ne doit pas s'appliquer alors.

Il y a un certain nombre de mesures qui ont été prises ici rendant obligatoire la dénonciation de pareils comportements, qui aujourd'hui portent fruit. Nous avons constaté d'ailleurs ? et cela est l'oeuvre de plusieurs gouvernements successifs, des deux côtés de la Chambre ? que nous avions l'un des meilleurs systèmes de déontologie au monde, notamment par l'existence d'un Commissaire à la déontologie policière auquel peuvent s'adresser les personnes qui ont des plaintes à porter contre les corps policiers et qui auront donc quelqu'un qui est capable d'enquêter, qui sait ce que c'est que présenter une preuve devant une commission ou un comité, qui peut les aider à ramasser cette preuve alors que, dans bien d'autres pays, lorsque les personnes veulent porter plainte contre les corps policiers, elles sont livrées à elles-mêmes quant à l'accumulation de la preuve.

Mais nous continuerons aussi par... Nous avons fait une réforme importante de la sécurité incendie, nous devons en faire une autre très importante au cours de la présente session dans le domaine de la sécurité civile, puisque nous étudions ce projet de loi, mais je voudrais parler principalement de comment nous désirons compléter au cours de cette session la réforme policière, car il restait un élément important, celui de la réforme de la carte policière. Et l'un des buts importants que nous poursuivons dans la réforme de la carte policière, c'est la lutte aux nouvelles formes de criminalité.

D'entrée de jeu, je désire rappeler que le Québec, comme plusieurs autres États industrialisés, est aujourd'hui confronté à une criminalité qui, malgré l'observation d'une baisse au plan quantitatif, est de plus en plus complexe et organisée. C'est hélas une réalité dont peu de gens sont conscients. Oui, c'est une bonne nouvelle, la criminalité baisse au Québec. Elle baisse aussi en général en Occident, mais elle baisse plus au Québec qu'ailleurs au Canada et qu'ailleurs en Amérique. Par contre, la criminalité qui reste est de plus en plus complexe et organisée. Elle est donc devenue très complexe non seulement parce que les méthodes des criminels se sont raffinées et font davantage appel aux technologies de pointe, mais l'évolution de la jurisprudence et l'avènement des chartes des droits et libertés rendent désormais de plus en plus difficile la tenue de certaines enquêtes criminelles.

La guerre des motards ayant eu cours durant les dernières années nous a d'ailleurs démontré que la criminalité est organisée en réseau et structurée sur de vastes territoires dépassant largement les limites des municipalités, voire même celles des États. Aucune ville et aucun pays n'en est à l'abri, d'autant plus que cette criminalité est souvent invisible, mouvante et dans bien des cas considérée comme acceptable. En effet, même lorsque les délits observés sont de moindre importance ? comme, par exemple, le fait de s'approvisionner en produits de contrebande non taxés ? nous nous rendons bien compte qu'à la base de ceci de très importants profits sont générés pour le compte de groupes organisés, lesquels agissent avec la collaboration de partenaires associés à des réseaux de transformation, de distribution, voire même d'exportation.

Bien que la Sûreté du Québec, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal et un certain nombre de corps de police municipaux disposent déjà du niveau de ressources requis pour répondre aux défis que commandent les types de criminalité auxquels nous sommes actuellement confrontés, plusieurs autres organisations policières de plus faible taille sont complètement incapables de rencontrer ces nouvelles exigences. Il faut bien se l'avouer, dans de nombreux cas, les véritables services offerts par les petites organisations policières consistent pour l'essentiel à réaliser des activités de patrouille, à appliquer le Code de la sécurité routière et à assurer le suivi des flagrants délits alors que les enquêtes présentant un niveau de complexité minimal sont plus souvent qu'autrement transférées à la Sûreté du Québec, parfois même tardivement, ce qui peut mettre en péril le sort de celles-ci.

n(10 h 50)n

Il faut bien comprendre que le débat auquel nous sommes aujourd'hui conviés n'en est pas un concernant l'autonomie municipale, ce débat réfère bien davantage à notre volonté collective de combattre avec efficacité la criminalité qui sévit non seulement dans les grands centres, mais sur l'ensemble du territoire du Québec.

Voyons les faits et les problèmes importants qui sont associés à la configuration de l'organisation policière actuelle du Québec. Alors que, au Québec, 123 corps de police desservent 7,3 millions d'habitants, en Ontario, ce sont 69 organisations policières qui fournissent leurs services à 11,7 millions de personnes. Autrement dit, chez nos voisins ontariens, avec 56 % de moins de corps policiers, on dessert une population d'environ 60 % plus élevée.

Plusieurs problèmes spécifiques découlent directement d'une telle structure de l'organisation policière au Québec. En premier lieu, il nous apparaît manifeste que les organisations policières desservant un territoire dont la population est de moins de 50 000 habitants n'ont pas actuellement le minimum de ressources requis pour rencontrer les défis qui les interpellent désormais. Cette situation les oblige donc à recourir constamment à l'assistance sans frais de la Sûreté du Québec pour une proportion très substantielle des infractions criminelles constatées, et ce, au détriment des mandats, notamment à caractère national, qu'est appelé à assumer notre corps de police d'État. Bien plus, cette sursollicitation des assistances auprès de la Sûreté du Québec a pour effet que, dans certaines régions, c'est même sa présence et sa capacité stratégique d'intervention qui sont sérieusement remises en cause. En fait, au niveau des services de base, la Sûreté est aujourd'hui la police par défaut, celle qui couvre les municipalités n'ayant pas la taille pour posséder un corps de police et celle qui assiste, au plan des enquêtes et des services spécialisés, les organisations policières municipales. Il en résulte une grande perte d'efficience.

Un autre exemple, illustrant dans ce cas-ci les difficultés associées à la répartition actuelle des ressources policières. Il n'est pas rare que la Sûreté doive disposer d'une quinzaine de policiers à temps plein pour fournir le service municipal de patrouille à des populations de 4 000 à 5 000 habitants, éparpillées au pourtour d'une MRC dont le centre, lui, est desservi par un autre corps de police, municipal celui-là, et où évidemment les temps d'intervention sont nécessairement beaucoup plus bas à cause d'une plus grande densité de la population.

Par ailleurs, dans le cas des corps de police desservant des populations de moins de 50 000 habitants, le manque de ressources a pour effet d'engendrer de nombreux problèmes de recrutement et une instabilité bien réelle au niveau du personnel policier. Ainsi, dans ce type d'organisation, il n'est pas rare d'observer des taux de roulement annuels avoisinant 25 % des effectifs, ceux-ci préférant oeuvrer pour le compte de plus grandes organisations policières mieux structurées et beaucoup plus motivantes au plan des perspectives de carrière. Compte tenu que les besoins de recrutement des grandes organisations policières devraient s'accentuer au cours des prochaines années, ce problème d'instabilité des effectifs risque donc de s'amplifier au sein des organisations de plus faible taille.

En somme, compte tenu de la nature de la criminalité et de ses effets maintenant ressentis dans toutes les régions du Québec, il est de plus en plus évident qu'un bon nombre de nos organisations policières n'ont pas la profondeur d'action pour assumer leurs responsabilités en matière de lutte à la criminalité. Il est très important de mettre en perspective que ce constat ne réfère aucunement à la compétence même des policiers concernés ni au volume des ressources policières recensées au Québec, lequel s'établit à 1,3 milliard de dollars annuellement, mais il découle bien davantage de la fragmentation des organisations, de leur répartition déficiente sur le territoire et des carences observées au plan du partage des responsabilités.

Il y a donc lieu de mettre en place un cadre législatif qui favorisera le développement d'organisations policières de plus grande taille et d'un niveau d'efficience qui leur permettra de relever les défis que commande la situation actuelle. Un tel changement n'est pas aisé, car il bouscule les croyances établies de longue date voulant qu'un petit corps de police local est généralement plus près de ses citoyens. Or, justement, le renouvellement continuel des policiers au sein des petites organisations et l'instabilité qui en découle ne sont certainement pas propices à l'instauration d'une véritable police communautaire dans ces milieux.

Bien plus, eu égard à la criminalité, certains intervenants nous disent même qu'ils ne voient pas l'intérêt de rehausser le niveau de services policiers, car leurs statistiques démontreraient, par exemple, qu'ils n'ont pas de problème de drogue sur leur territoire. Quand on sait qu'il est rare qu'un vendeur de stupéfiants se plaindra à la police parce qu'il n'a pas été payé et que, dans le même ordre d'idées, il est tout aussi rare qu'un consommateur se plaindra que son stock n'était pas de bonne qualité, la conclusion qui s'impose m'apparaît être bien différente. Ce n'est pas parce qu'un phénomène criminel n'est pas rapporté qu'il est inexistant. Au contraire, en ces matières, pour repérer la criminalité, il faut initier les enquêtes, même en l'absence de plaignants. Il s'agit là de démarches que peuvent difficilement se permettre les petites organisations policières en raison de leur faible niveau de ressources.

L'énoncé de politique ministérielle qui est soumis actuellement à la consultation publique vise à répondre à ces problèmes tout en respectant les principes de la réforme municipale entreprise par ma collègue aux Affaires municipales et à la Métropole et dans le respect des élus municipaux, de leur compétence d'abord, mais aussi de leur légitimité. Il vise également à répondre à de nombreuses requêtes présentées en ce sens aussi bien par l'Association des directeurs de police du Québec que par les grands syndicats policiers, c'est-à-dire les véritables praticiens de la lutte à la criminalité.

C'est pourquoi cet énoncé de politique ministérielle propose de définir de façon plus complète les services minimaux attendus des corps de police. Comme on peut s'en rendre compte à la consultation de l'annexe IV du document de consultation, le niveau de services attendus des corps de police représente, par rapport à la situation actuelle, un rehaussement significatif des responsabilités. Il va de soi que les services énumérés dans chacun des niveaux devraient être donnés entièrement par le corps de police responsable de la desserte policière sur le territoire.

En ce qui a trait aux différents niveaux de services attendus, on se rend également compte que des services additionnels à ceux énoncés dans le niveau 1 sont par ailleurs prescrits pour les corps de police desservant plus de 100 000 habitants, plus de 200 000 habitants ou le territoire de l'île de Montréal. L'énoncé de politique précise également les services d'État relevant exclusivement de la Sûreté du Québec.

L'énoncé de politique propose, dans un second temps, que l'on définisse la taille des communautés à desservir. Si l'on prend en considération l'évolution de la criminalité et le développement des structures municipales, il semble de plus en plus évident que les agglomérations de recensement et les régions métropolitaines de recensement représentent des limites quasi naturelles à l'intérieur desquelles on doit tenter de solutionner un certain niveau de criminalité. Elles sont d'ailleurs définies par les déplacements des gens, des travailleurs. Et, si justement, régulièrement, des travailleurs, chaque jour, quotidiennement, font ces déplacements, eh bien, dites-vous bien que les organisations criminelles profitent de la même facilité de déplacement, et c'est comme ça qu'elles s'organisent sur un territoire donné. C'est pourquoi il est proposé que, pour les municipalités situées à l'extérieur des régions métropolitaines de recensement et des communautés métropolitaines de recensement, les services de police municipaux desservent désormais des municipalités comportant plus de 50 000 habitants. Dans celles de moins de 50 000 habitants, la responsabilité de la desserte policière serait ainsi assurée par la Sûreté du Québec, enfin plus ou moins parce qu'il y aura des choix à faire, comme je vais l'expliquer maintenant.

On ne peut cependant ignorer la présence d'un certain nombre de corps de police déjà en place. Ainsi, les municipalités disposant actuellement d'une desserte municipale auraient l'opportunité de la maintenir dans la mesure où le niveau requis de services serait dispensé. À cette fin, elles pourraient même prolonger cette desserte à l'ensemble des municipalités de leur agglomération de recensement, s'il y a lieu. Pour les municipalités situées dans les régions métropolitaines de recensement ou les communautés métropolitaines de Montréal et de Québec, elles devraient nécessairement être desservies par un corps de police municipal apte à offrir au minimum le niveau 2 de services, soit celui attendu pour une population de plus de 100 000 habitants, même si leur taille est inférieure à cette catégorie.

Nous convions donc, et nous les écoutons présentement, les élus municipaux à développer les alliances nécessaires pour permettre la mise en place de ces nouvelles organisations policières de plus grande taille en vue de combattre la criminalité de façon plus efficace. Certaines municipalités échapperaient néanmoins à cette obligation dans la mesure où, pour diverses raisons d'ordre stratégique ou géographique, leur desserte ne pourrait se faire ainsi. C'est le cas des MRC de Vaudreuil-Soulanges, de La Jacques-Cartier, de La Côte-de-Beaupré et de L'Île-d'Orléans qui seraient dorénavant desservies entièrement par la Sûreté du Québec.

n(11 heures)n

Cette réforme de la carte policière pourrait évidemment avoir comme conséquence une diminution significative du nombre de corps de police municipaux. Cela dit, compte tenu que le niveau global de ressources policières au Québec est adéquat et que le problème réside plutôt dans sa fragmentation, tous les policiers concernés par l'abolition de leur service de police d'origine seraient intégrés à la Sûreté du Québec avec pleine reconnaissance d'ancienneté. Le contraire étant d'ailleurs vrai, les policiers de la Sûreté du Québec voulant demeurer dans une région qui sera desservie par des corps municipaux, ils auraient droit de se joindre à ces municipaux avec pleine reconnaissance de leur ancienneté.

L'énoncé de politique suggère donc de laisser le soin aux municipalités de nous présenter des propositions d'organisation policière adaptées aux besoins que commandent les nouveaux défis. Au terme de ces réflexions, il est probable que la Sûreté du Québec soit appelée à desservir des municipalités de plus grande taille et des MRC en majeure partie entières, ce qui lui permettrait d'augmenter sa capacité stratégique d'intervention sur l'ensemble du territoire.

Quant au volet financier, la mise en place d'un tel plan d'action représenterait une économie d'échelle appréciable qui permettrait même d'abaisser significativement le coût moyen des services de la Sûreté et donc la tarification de ceux-ci. En effet, l'énoncé de politique propose que, dépendamment du nombre total de municipalités sous desserte de la Sûreté du Québec, le règlement sur la somme payable pour les services de la Sûreté du Québec soit modifié de manière à abaisser le plafond de 0,35 $ à 0,30 $ du 100 $ de richesse foncière uniformisée, et peut-être moins dépendamment des décisions prises par les municipalités concernées.

En raison de ces économies d'échelle envisagées, nous estimons que la très grande majorité des municipalités désirant abolir leur corps de police ne subiraient aucun coût additionnel par rapport à leurs dépenses déclarées à ce chapitre pour l'exercice 1999. Bien au contraire, cette réforme de l'organisation policière pourrait même faire économiser jusqu'à 22 millions de dollars ou même plus aux municipalités du Québec, selon les estimés du ministère. Par ailleurs, nous sommes d'avis que cette vaste opération pourra être réalisée sans décaissement de l'État, dans la mesure où la rationalisation des opérations et la desserte élargie du territoire permettraient de maintenir l'équilibre financier recherché.

De notre point de vue, le présent projet de refonte de la carte policière soulève un débat de société que nous soumettons aux élus locaux ainsi qu'au milieu policier et à ses membres. Personnellement, je suis d'avis que le temps est maintenant venu d'amorcer les discussions et de saisir cette opportunité de la mise en place d'une réforme indispensable de l'organisation policière au Québec. À l'inverse, il serait déplorable que cette initiative dévie vers la préservation du statu quo alors que notre environnement, lui, est en constante évolution. Je suis cependant confiant qu'avec la bonne volonté et l'esprit d'ouverture de l'ensemble de nos partenaires, qu'ils soient municipaux ou policiers, il nous sera possible de mener à terme cette réforme fort attendue et d'une importance capitale pour la sécurité des citoyens et des citoyennes du Québec.

En conclusion, je signalerai simplement que nous sommes présentement confrontés, en qualité d'élus responsables, à assumer nos obligations envers ces phénomènes criminels. Mais la population du Québec nous demande avec insistance de s'assurer que les organisations policières puissent disposer des outils requis et profiter d'un environnement propice pour lutter efficacement contre le crime. Or, l'atteinte de ces conditions optimales passe nécessairement par une révision du niveau des services à offrir et par son corollaire, à savoir une transformation substantielle de l'actuelle carte policière.

Je voudrais dire avant de terminer, M. le Président, que cette politique est actuellement soumise à la consultation. Nous demeurons... Nous avons abordé et nous gardons un esprit ouvert au cours de cette consultation. Un projet de cette envergure, probablement, si nous atteignons nos objectifs de stabilité de la carte policière, d'efficacité de la lutte au crime organisé, de capacité de répondre aux nouveaux objectifs, aux nouvelles exigences que la population a à l'égard du travail policier, à l'établissement d'une stabilité qui permette aussi le développement réel du principe de police communautaire, eh bien, cette réforme, elle va durer certainement, je pense, encore une fois le temps d'une génération: à peu près 30 ans.

Donc, il est impossible d'entreprendre un pareil travail et d'arriver avec un projet parfait a priori. Mais on ne peut pas faire non plus une consultation dans le vide. Il fallait mettre sur la table un projet à partir duquel les gens qui seront consultés vont pouvoir suggérer des améliorations. Et je remarque que jusqu'à date presque tout le monde est en faveur du projet présenté, reconnaît qu'il va atteindre les objectifs de lutte à la criminalité. J'entends certaines inquiétudes sur l'application du principe de police communautaire, et je rappelle aux plus petits corps de police que le taux de roulement actuel rend très difficile la stabilité nécessaire à l'application du principe de police communautaire; que, de plus, pour toutes sortes de raisons, dont des décisions qui ont été prises il y a au-delà d'une trentaine d'années, où on a accueilli en très grand nombre des cohortes, n'est-ce pas ? c'est comme ça qu'on appelle ça, c'est quelque chose d'assez amusant comme expression ? ça veut dire, disons, des groupes de nouveaux policiers qui arrivent maintenant à l'âge de la retraite, et donc un très grand renouvellement doit se faire dans les grandes organisations policières, de sorte que les petits corps de police risqueraient, s'ils demeurent petits, de voir ce taux de roulement augmenter de 25 % ? il y en a déjà qui sont rendus à 30 % ? à au-delà de 50 %, avoir beaucoup de difficultés, si ces corps de police n'ont pas une taille assez importante pour garder leurs jeunes policiers. Alors, l'application du principe de police communautaire se rendrait très aléatoire dans ces circonstances.

Je tiens à dire aussi que la Sûreté du Québec est, je crois, sauf erreur, la première organisation policière du Québec à avoir mis sur pied le principe de police communautaire. La Sûreté du Québec est très consciente aussi... enfin, c'est parmi les directives... Je ne dirais pas «les directives»... On s'est entendu, le ministère et la Sûreté du Québec, pour voir à ce que les agents de la Sûreté du Québec qui sont dans une région puissent y demeurer pendant un temps assez considérable pour être familiers avec la population, les problèmes particuliers de criminalité, les endroits où elle peut se développer, mais aussi les ressources qui permettent de faire de la prévention. Donc, nous sommes très sensibles à cette préoccupation, et je crois que la Sûreté du Québec et les réformes que nous visons à établir vont assurer, partout à travers le Québec, une meilleure application du principe de police communautaire. Bon. En plus, il y a des provisions pour que les élus locaux puissent exercer leurs prérogatives, et nous allons augmenter l'imputabilité des commandants de la Sûreté du Québec locaux à l'égard des comités de sécurité publique.

Alors, je pense que tout le monde reconnaît que cette réforme réalise le grand objectif d'une meilleure lutte à la criminalité organisée. Je crois que les inquiétudes que l'on prévoit, les gens vont s'apercevoir qu'elles sont injustifiées, par rapport à l'application du principe de police communautaire. Mais, encore une fois, je dis: Je reconnais au départ que le document que nous avons soumis à la consultation nécessairement n'est pas parfait, je garde donc une attitude d'ouverture, et que, après cette commission d'enquête, il y aura une courte période de réflexion, d'autres consultations privées, et je pense en arriver à un projet qui appelle un très large consensus. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique et député de Laval-des-Rapides. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Le 22 mars dernier, le premier ministre a prononcé le discours inaugural qui a marqué l'ouverture de la nouvelle session parlementaire à l'Assemblée nationale. Le gouvernement du Parti québécois, comme le démontre le discours inaugural, refuse toujours d'écouter la population. On se rend compte que ce gouvernement cherchera davantage à faire la promotion de la souveraineté qu'à s'attaquer à l'avancement du Québec sur le plan économique et social. L'obsession du premier ministre, c'est la souveraineté à n'importe quel prix.

n(11 h 10)n

M. le Président, le discours inaugural révèle d'une façon très claire les priorités de ce gouvernement. Tout est planifié en fonction de promouvoir la séparation du Québec du reste du Canada. M. le Président, le gouvernement péquiste est en place depuis plus de six ans, qu'a-t-il fait pendant ces six dernières années? Une réforme de la santé qui est loin d'être un succès; même chose pour la réforme de l'éducation; une réforme de l'assurance médicaments tellement mal gérée que les primes ont plus que doublé; une réforme d'Emploi-Québec qui a complètement dérapé; et une réforme du monde municipal qui, le moins qu'on puisse dire, se fait de façon précipitée et dans le mépris de ses citoyens.

M. le Président, j'aurais aimé entendre le premier ministre, dans son discours inaugural, nous dire comment il va réparer les dégâts de ces six dernières années. Mais, au lieu d'entendre parler de souveraineté, j'aurais aimé que le premier ministre m'explique comment, en l'année 2000, Québec n'a créé que 8 % des emplois créés au Canada et n'a obtenu que 18 % des investissements privés. J'aurais aussi aimé que le premier ministre me dise comment il se fait que les Québécois sont les contribuables les plus taxés en Amérique du Nord. Notre chef et député de Sherbrooke ne cesse de poser la même question au premier ministre, mais c'est toujours la même réponse qui revient: C'est la faute du fédéral. Pourtant, M. le Président, les neuf autres provinces vivent dans le même système parlementaire que nous et, elles, elles ont réussi à baisser leurs impôts et à investir plus dans la santé, et sans parler de l'atteinte du déficit zéro bien avant nous.

M. le Président, il est grand temps de réduire le fardeau fiscal des particuliers, notamment de la classe moyenne et des jeunes familles. Ils sont carrément étouffés par l'État. Est-ce que le gouvernement du Parti québécois a redistribué les fruits de la prospérité à ses contribuables qui se sont serré la ceinture? Absolument pas. Et qu'en est-il de l'aide accordée aux familles? À titre d'exemple, M. le Président, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce faisait le parallèle, la semaine dernière, avec le crédit d'impôt remboursable qui est donné pour les propriétaires de chevaux de course. L'aide réelle consentie à un éleveur de chevaux de course est de 3 600 $ par cheval par année, en baisse d'impôts. En contraste, la valeur du crédit d'impôt non remboursable pour le premier enfant se situe à 2 600 $, ce qui se traduit par une réduction d'impôts à payer de seulement 540 $. Les familles ont donc droit à un montant qui est moindre que celui qui est accordé pour les éleveurs de chevaux de course.

M. le Président, est-ce que le gouvernement favorise les familles? Est-ce qu'il avantage les familles qui ont des enfants? Est-ce qu'il démontre, au-delà des beaux discours, par des mesures concrètes qu'il est sensible aux difficultés des familles québécoises? Non. Il n'y a pas d'effort réel consenti par ce gouvernement. Au contraire, l'aide directe aux familles québécoises est en constante diminution depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois.

M. le Président, il nous faut un plan pour développer le Québec. Pour le Parti libéral du Québec, ce qui est prioritaire sur le plan de gestion des finances publiques, ce sont la santé, l'éducation, les réductions d'impôts, la pauvreté et le développement des régions. C'est là que doit se concentrer l'action gouvernementale. M. le Président, au Parti libéral du Québec, nous pensons qu'il faut d'abord ramener notre fiscalité à un niveau plus compétitif et moderniser nos institutions pour qu'elles soient en mesure de jouer un rôle majeur dans l'économie du savoir et de la mondialisation.

M. le Président, nous devons, comme société, revoir nos façons de faire en matière de services de santé pour améliorer notre efficacité, c'est-à-dire trouver des façons de livrer de meilleurs services à moindre coût. D'autres y sont arrivés, nous devons aussi relever ce défi. Depuis longtemps, nous croyons que la priorité doit être accordée aux services de première ligne, ce qui veut dire que nous devons intégrer les services livrés par les salles d'urgence, les CLSC et les cliniques médicales. M. le Président, il nous faut revoir nos façons de faire pour améliorer l'efficacité de nos services de santé, plutôt que d'entendre l'ex-ministre de la Santé, en parlant des aînés en CHSLD, nous dire: Un bain par semaine, c'est suffisant.

En tant que porte-parole pour la défense des droits des aînés, je déplore la série de compressions que le gouvernement du Parti québécois a faites sur le dos de nos aînés. Je vais vous en énumérer quelques-unes: d'abord, abolition du crédit d'impôt pour personne vivant seule à partir d'un certain seuil du revenu; récupération des crédits d'impôt en raison de l'âge et pour les revenus de retraite; limitation aux crédits d'impôt pour frais médicaux; limitation de l'aide fiscale à la retraite; augmentation de 7 à 10 % des coûts d'hébergement dans les centres hospitaliers de soins de longue durée et les pavillons; réduction du taux de subvention de 75 % à 66 % pour l'allocation-logement aux aînés; et surtout, M. le Président, n'oublions pas l'implantation du régime d'assurance médicaments.

De plus, M. le Président, la ministre a mis dans le bâillon l'adoption de la loi visant à doubler les primes d'assurance médicaments, de 175 $ à 350 $, sous prétexte que les coûts des médicaments augmentaient de 15 % par année depuis trois ans. Depuis l'arrivée en vigueur du régime, le gouvernement est allé chercher dans les poches des personnes âgées près de 900 millions de dollars. En effet, le nouveau régime d'assurance médicaments a frappé durement les personnes âgées du Québec. Mais, M. le Président, je n'oublierai jamais, quand le Parti libéral était au pouvoir, comment les députés péquistes avaient déchiré leur chemise lors de l'instauration du 2 $ par prescription pour les personnes âgées de plus de 65 ans, et ce, pour un maximum de 100 $ par année.

Le gouvernement péquiste a ravagé notre système de santé avec sa réforme, un système de santé qui ne répond plus à l'accroissement de la demande des soins et des services aux personnes âgées. Les responsables des soins et des services de santé sont confrontés quotidiennement à des problèmes criants qui font en sorte que les personnes âgées sont souvent victimes d'incompréhension, de manque de respect, de brusquerie, d'intimidation et de mise en attente inacceptable. Tous ces problèmes ont été à maintes reprises dénoncés publiquement par les donneurs de soins dans la santé.

M. le Président, coupures dans les services de santé, coupures dans les CHSLD, les CLSC, les centres d'hospitalisation, et augmentation des coûts des médicaments, médicaments nécessaires aux personnes âgées qui doivent pourtant s'en priver faute de moyens financiers pour la majorité d'entre eux, ce sont trop de coupures qui ont affecté très durement les aînés chez nous. Voilà le bilan du gouvernement en matière de personnes âgées. Le gouvernement doit cesser de continuer à ignorer tous les problèmes et toutes les souffrances dont sont victimes les personnes âgées du Québec.

M. le Président, les résidences pour personnes âgées ont également été un sujet brûlant depuis quelque temps. On parle de plus en plus du problème de logement pour les aînés et de tous les abus qui en découlent. Eh bien, le nouveau ministre de la Santé n'a rien trouvé de mieux pour améliorer la condition des aînés que de déclarer par décret qu'à partir du 1er avril les personnes âgées en hébergement changeront de statut: elles passeront du statut de personne admise à celui de personne inscrite. Ce changement veut dire qu'à partir du 1er avril la personne inscrite qui était auparavant admise devra payer sa part des médicaments, sa prime d'assurance médicaments, ses lunettes, ses culottes d'incontinence, si elle en a besoin, les soins dentaires, et j'en passe. Pourquoi s'acharner ainsi sur ces personnes démunies? Les gens ne comprennent pas cet acharnement, ce manque de respect.

n(11 h 20)n

On parle depuis quelque temps de tous les problèmes vécus par nos aînés, des abus dont nos aînés sont victimes; au lieu de les aider à vivre en paix, heureux et en sécurité, le ministre de la Santé, lui, il frappe de plein fouet nos aînés. Non, M. le Président, les gens ne comprennent pas cette nouvelle attaque et sont scandalisés de l'inaction du gouvernement.

Un citoyen de la région de Québec me faisait parvenir, le 12 mars dernier, une copie d'une lettre adressée au journal Le Soleil pour publication, concernant ce changement de statut en vigueur depuis le 1er avril. Je me permets de vous en citer quelques extraits: «Seulement quelques mois après l'Année internationale des aînés, alors qu'un nouveau cabinet s'attaque à la pauvreté à titre d'ennemi personnel, voilà que les personnes âgées auparavant pavillonnées se verront facturer nombre de services jusqu'alors pris en charge par l'État. Ces personnes, dont les besoins financiers et sociaux furent évalués et qui bénéficient du soutien de l'État depuis plusieurs années, seront désormais contraintes de payer leur assurance médicaments et les médicaments non couverts par cette dernière, de payer leurs besoins spéciaux, comme les lunettes, les prothèses dentaires, les aides à la marche, etc., et de payer leurs culottes d'incontinence. Dans combien de temps leur demandera-t-on de payer pour les soins infirmiers qu'ils reçoivent pour l'aide aux bains? Est-ce qu'à l'instar de l'ex-ministre de la Santé on entendra encore dire par le nouveau ministre en poste qu'un bain par semaine, c'est assez?

«Le décret du 1er avril dernier a fait mal et fera de plus en plus mal aux aînés. Il traduit un désengagement du gouvernement à l'égard de ceux et celles qui ont largement contribué à la construction d'un système social orienté vers les besoins des faibles et des plus démunis de notre société. Pourquoi ne pas laisser les personnes actuellement pavillonnées finir leurs jours en toute quiétude, quitte à apporter des transformations au système graduellement, sans perturber inutilement les bénéficiaires?

«Pourquoi ne pas respecter ce droit acquis de quelques milliers de personnes âgées, dont le nombre ne peut que diminuer à chaque jour? En agissant ainsi, la régie régionale de la santé ou le ministère de la Santé et des Services sociaux ne sont-ils pas en train de privatiser petit à petit les services aux personnes âgées en leur refilant des factures, alors que les répondants et les répondantes de ces personnes devront compenser et consoler ces personnes inquiètes et fragiles?» Fin de la citation.

Nul besoin de vous dire à quel point, M. le Président, j'ai été bouleversée de lire cette correspondance. Jeudi dernier, lors de la période de questions, j'ai demandé au ministre de la Santé s'il comprenait réellement la portée de son dernier décret et s'il comptait cesser son acharnement envers les aînés. La réponse a été vague, à un point tel qu'un débat de fin de séance sur cette question a eu lieu en fin d'après-midi cette même journée. Le ministre ne semble pas conscient des effets de ce décret. J'irais même jusqu'à dire qu'il ne le connaît tout simplement pas. J'espère encore aujourd'hui qu'il y mettra fin et le retirera afin de ne pas pénaliser davantage les personnes âgées. Le gouvernement et le ministre de la Santé ne peuvent continuer à ignorer tous les problèmes et toute la souffrance dont sont victimes les personnes âgées au Québec. Ils doivent prendre les moyens nécessaires afin de remédier à cette situation.

M. le Président, le gouvernement ne semble pas conscient des besoins énormes des personnes âgées. Comment le ministre peut-il expliquer toutes ces coupures de services aux aînés? Avec toutes les hausses de taxes ? 17 durant les quatre dernières années ? qui ont permis d'accroître les revenus autonomes du gouvernement de 8,3 milliards, additionnées à la croissance économique, le premier ministre devrait avoir la décence de réviser ses priorités afin d'avoir un peu d'égard envers les aînés. Comment le premier ministre ose-t-il encore faire référence à la social-démocratie? Le gouvernement avait l'occasion, compte tenu de ses surplus importants, de démontrer qu'il était à l'écoute de la population.

M. le Président, une société comme la nôtre ne peut tolérer plus longtemps que les personnes âgées, qui ont bâti le Québec de leurs mains et qui nous ont laissé une société extraordinaire, soient ignorées et bafouées, comme c'est le cas avec ce gouvernement. M. le Président, je reviens donc sur une réflexion que je faisais ici même en octobre dernier. Ne devrait-il pas y avoir une loi, un ministère pour protéger les personnes âgées, les citoyens les plus vulnérables de notre société? On a la preuve, avec le discours inaugural et le budget du premier ministre, que ce n'est pas avec ce gouvernement et le ministre de la Santé que les personnes âgées au Québec seront traitées comme elles le méritent et comme elles sont en droit de l'exiger.

Je termine donc, M. le Président, en vous indiquant jusqu'à quel point je suis déçue de tous ces beaux discours des ministres du gouvernement qui n'apportent aucune solution aux problèmes vécus sur une base quotidienne par l'ensemble des électeurs du Québec. Il est également déplorable de voir que ce gouvernement n'a toujours qu'une priorité: la séparation du Québec d'avec le reste du Canada. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Mégantic-Compton. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Iberville.

M. Jean-Paul Bergeron

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Le 22 mars dernier, le premier ministre, M. Bernard Landry, a présenté les grandes orientations qu'il entend mettre en place avec toute l'équipe, députés et ministres, au cours des prochains mois. Un discours mobilisateur. Certes, pas un discours dévastateur ou ravageur, comme celle qui m'a précédé l'a laissé entendre. Donc, un discours mobilisateur, j'ai bien dit, qui fait appel à notre esprit de solidarité: solidarité sociale pour mettre un frein à la pauvreté; solidarité régionale pour développer des régions fortes dans un Québec uni contre le chômage; et solidarité nationale, puisque nous formons un peuple, une nation distincte des autres provinces de la fédération canadienne par notre culture, notre langue et par l'administration de notre système juridique.

Je développerai, dans les minutes qui me sont accordées et pour le bénéfice des centaines de milliers de personnes qui nous écoutent, ces diverses formes de solidarité. Je commencerai par la solidarité sociale. Notre premier ministre y est allé d'un geste d'audace lors de l'annonce de la composition de son gouvernement, le 8 mars dernier. Par la nomination de Mme Nicole Léger à titre de ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion, notre gouvernement envoie un message à tous les gouvernements démocratiques du monde, et je le cite: «Nous nous affichons dans la lutte contre la pauvreté en en faisant une priorité majeure de notre gouvernement. Nous affectons un ministre à ce dossier. Nous travaillerons tous ensemble pour améliorer le sort des plus démunis de notre société.» Voilà une action importante, M. le Président, voilà un geste concret qui s'inscrit dans la foulée des actions que nous avons entreprises comme gouvernement depuis les six dernières années pour lutter efficacement contre la pauvreté.

La hausse du salaire minimum, la gratuité du régime d'assurance médicaments pour prestataires ayant des contraintes sévères à l'emploi, ou encore l'abolition de la pénalité pour le partage du logement pour les familles monoparentales ne sont que quelques exemples de notre action contre la pauvreté. Je pourrais ajouter également l'instauration de garderies à 5 $ et le soutien accru de notre gouvernement aux groupes communautaires.

n(11 h 30)n

M. le Président, vous le constatez avec moi, nous nous sommes toujours comportés comme un gouvernement responsable, mais surtout comme un gouvernement social-démocrate. La nomination de Mme Léger se veut un appui aux efforts déployés depuis 1997 par le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté. Pour avoir rencontré des membres de ce Collectif, je puis affirmer en cette Chambre que je suis sensible à leur demande. Je leur répondrai aujourd'hui que M. Bernard Landry, notre premier ministre, a pensé à eux. Cela se fera par la mise en place d'un plan d'action de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Ce plan proposera des moyens à court, à moyen et à long termes portant sur la prévention et sur l'aide directe aux plus vulnérables. Ce plan ambitieux s'articulera par le soutien aux familles, particulièrement les familles les plus démunies, par l'insertion en emploi des chômeurs de longue durée et des jeunes prestataires de la sécurité du revenu, par une politique de formation continue, et finalement par une dynamisation de l'économie sociale.

Je disais en ouverture, M. le Président, que le thème de mon allocution est la solidarité. Cette stratégie de lutte contre la pauvreté nécessitera la participation de plusieurs ministères. Je pense au ministère de la Solidarité sociale, au ministère du Revenu, au ministère du Travail, au ministère des Régions, au ministère de l'Éducation et de la Jeunesse, au ministère de la Famille et de l'Enfance, à celui des Affaires municipales et de la Métropole. La lutte à la pauvreté est une affaire de partenariat et de solidarité. Notre gouvernement a été, est et sera toujours solidaire des personnes les moins bien nanties de notre société.

Une autre forme de solidarité, M. le Président, est celle que fera notre gouvernement avec ses régions. Cette solidarité régionale pour contrer le chômage a jusqu'ici été profitable pour l'ensemble du Québec. Depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois en 1994, il est bon de souligner que le chômage est passé de 12,4 % en 1994, à notre arrivée au pouvoir, à 8,4 % en février 2001. En février dernier, nous avons créé 11 000 nouveaux emplois, portant nos gains des quatre derniers mois à 41 000. Ce sont des nouvelles réjouissantes certes, mais il reste encore beaucoup trop de monde; des jeunes notamment qui sont à la recherche d'un travail rémunérateur.

Nous n'en avons pas fait beaucoup de bruit, mais Statistique Canada dévoilait il y a quelques semaines une vaste étude sur l'alphabétisation. Cette étude révélait pour la première fois qu'il existait un lien entre le travail et le degré de scolarité des travailleurs et des travailleuses. La semaine dernière, La Presse canadienne dévoilait les grandes lignes de cette étude réalisée par les économistes David Green et Craig Riddell de l'Université de Colombie-Britannique. Ces derniers en venaient à la conclusion que chaque année d'études additionnelle augmente en moyenne de 8,3 % le salaire annuel d'un individu. Sur le talon de paie, ces statistiques représentent 2 490 $ pour chaque année d'études supplémentaire, dont 772 $ sont attribuables à l'alphabétisation.

M. le Président, voilà des chiffres qui portent à réfléchir. Comme gouvernement, ce genre de nouvelle doit être utilisée pour stimuler nos jeunes qui sont inscrits dans nos écoles secondaires, dans nos cégeps, dans nos universités. La réussite scolaire, nous y travaillons quotidiennement. C'est là un devoir, une obligation, un impératif. La réforme qui se met peu à peu en place trouvera son succès par la solidarité manifestée entre enseignantes et enseignants, le personnel des institutions scolaires, les parents, les étudiants et, bien entendu, le gouvernement.

Solidarité dans la réussite scolaire est un investissement sûr pour l'emploi dans les régions. Ainsi, M. le Président, la solidarité régionale commence par notre soutien aux jeunes. En ce sens, le discours inaugural est clair sur ce point. Je reprends les paroles prononcées par notre premier ministre: «Les plans de réussite mis en place à tous les cycles de notre système d'éducation constituent des outils exceptionnels pour réussir cette mobilisation et la nécessaire responsabilisation de tous les intervenants.» Par ce message, Québec réitère ses engagements en éducation, y apportera toute sa collaboration.

L'économie des régions passe aussi par une politique de développement régional. Le Fonds de diversification économique lancé il y a deux ans a des impacts positifs dans toutes les régions du Québec, notamment en Montérégie, là où se trouve ma circonscription électorale. En ma qualité de député d'Iberville, je reçois chaque semaine dans mon bureau de circonscription des femmes et des hommes qui croient au potentiel de leur région, de ma région, de notre région. Je profite de la tribune qui m'est offerte aujourd'hui, M. le Président, pour dire aux citoyens et citoyennes de ma circonscription que moi et mon équipe ferons toutes les représentations nécessaires auprès des différentes instances gouvernementales pour obtenir le soutien technique et financier qui permettra, qui facilitera la réalisation des projets. J'ajouterai ici que les CLD de ma circonscription, notamment ceux du Haut-Richelieu et de Rouville, les autres CLD du Québec également sont des incubateurs d'idées et des générateurs de beaux projets. La solidarité régionale, c'est une concertation entre nos CLE, nos CLD, nos carrefours jeunesse-emploi, nos élus municipaux, nos MRC, nos leaders économiques, tous dans une stratégie commune pour l'emploi.

La venue de M. Gilles Baril à titre de ministre des Régions annonce un virage majeur de notre gouvernement dans le développement régional. Issu d'une région-ressource, M. Baril poursuivra la démarche de son prédécesseur en y ajoutant son expertise personnelle, sa sensibilité personnelle également. M. Baril connaît très bien la réalité vécue par les femmes et les hommes qui vivent en région éloignée. Le soutien que veut apporter mon gouvernement aux industries de deuxième et de troisième transformations dans les régions mérite notre encouragement. Un geste de plus pour la solidarité régionale, un geste de plus pour l'emploi, un geste de plus pour le développement économique, mais surtout un geste de plus pour le Québec.

Enfin, M. le Président, j'aborderai, pour terminer, le dernier volet de mon intervention, la solidarité nationale. J'aimerais rappeler aux membres de l'opposition officielle, qui sont fort nombreux dans cette Chambre présentement, que nous avons un programme électoral et que celui-ci est le seul programme politique qui est entièrement rédigé par les militantes et les militants. Le tout premier article de notre programme est de réaliser la souveraineté du Québec. Alors que j'entends les lamentations de nos amis d'en face au sujet de la mise à jour des études réalisées dans le cadre des travaux de la commission Bélanger-Campeau et de la Commission d'étude sur les questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté, je ne peux que sourire. Je sens ici une crainte de la part de l'opposition. Je perçois une crainte de nos adversaires face à une montée de notre option dans l'opinion publique au cours des prochains mois. Cela démontre bien que le résultat du dernier référendum a des parfums de défaite pour l'opposition officielle. Mais tout cela justifie la mise à jour de ces études.

Je vous dirai seulement, M. le Président, que la souveraineté est plus que nécessaire pour que le Québec sorte de l'étranglement politique et économique que lui sert le gouvernement fédéral. L'isolement du Québec à la grande Conférence des Amériques que nous vivrons prochainement en est une belle démonstration.

M. le Président, il est dommage de constater la faiblesse de l'argumentaire libéral dans le dossier de la place du Québec dans la fédération canadienne. Devrions-nous parler de «fédéralisme génuflexif»? Leur position constitutionnelle est floue, mais, dans un effort pour s'affirmer Québécois, ils ont annoncé, lors de leur dernier Conseil national, qu'ils veulent se réapproprier les symboles qui font de nous une société distincte. L'effort est louable, certes. Mais, M. le Président, le plus grand symbole à récupérer, c'est nous qui le ferons, et ce symbole, c'est la possession complète de notre territoire par la souveraineté. Dans cette démarche, je soutiens totalement l'idée avancée par notre chef et premier ministre, qui veut explorer la voie d'un nouveau partenariat avec le Canada, notamment sur le modèle d'une nouvelle union de type confédéral inspirée de l'expérience européenne.

n(11 h 40)n

Pour terminer, M. le Président, je vous dirai que je fonde de grands espoirs face au discours du budget prononcé récemment par ma collègue Pauline Marois. Ce premier budget de Mme Marois nous donne des outils de développement pour toutes les régions et présente des mesures spécifiques pour créer l'emploi chez les jeunes, pour créer l'espoir. D'ailleurs, un rajeunissement de la fonction publique s'enclenchera dans les prochains mois.

En conclusion, M. le Président, je vous dirai que je suis fier d'appartenir, de faire partie de ce gouvernement solidaire et que j'apporterai toute ma collaboration pour que nous puissions atteindre tous nos objectifs. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Iberville. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chapleau. M. le député.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Vous me permettrez d'abord de saluer la population de Chapleau et, de façon plus générale, la population de la ville de Gatineau et de l'ensemble de l'Outaouais. Vous savez que, depuis mon élection en 1998, je m'occupe beaucoup de ma circonscription. J'ai des liens d'amitié avec de nombreux résidents de ma circonscription qui m'appuient d'ailleurs, puis je l'apprécie. Je dois dire que ma famille ainsi que moi-même nous comptons sur la collaboration de nombreux bénévoles pour nous permettre justement de nous mettre au service de la population de l'Outaouais avec une certaine efficacité que je dois à l'équipe également dont je me suis entouré, une équipe qui est constituée de personnes extrêmement efficaces et extrêmement dévouées.

Je pense que je me dois, ce matin, de souligner aussi l'extraordinaire victoire libérale hier dans la circonscription de Mercier. Je sais qu'ici de nombreuses personnes du parti ministériel sont embarrassées par cette défaite, évidemment, péquiste dans une circonscription que l'on considérait comme étant une forteresse du Parti québécois. Il faut dire qu'au cours des 25 dernières années Mercier avait, si on peut dire, manifesté à maintes reprises son allégeance envers le Parti québécois. Eh bien, hier la page a été tournée; c'est une page d'histoire qui a été tournée, le comté de Mercier est maintenant devenu un comté libéral, M. le Président.

À cet égard, je me dois de féliciter tout particulièrement la candidate libérale et nouvelle députée de Mercier, Nathalie Rochefort, et je me dois aussi de féliciter le chef du Parti libéral du Québec et chef de l'opposition officielle, M. Jean Charest. Je pense que c'est une victoire que l'on doit attribuer d'abord et avant tout à ces deux personnes-là, Nathalie Rochefort et Jean Charest. Et, bien entendu, l'ensemble du Parti libéral et l'ensemble de l'opposition officielle bénéficient de cette victoire dont, je dirais, l'honneur rejaillit sur nous tous.

M. le Président, je lisais dans les journaux ce matin, par rapport justement à la circonscription de Mercier, que la forteresse péquiste se fissure, que le bateau est en train de couler. Je trouvais que ces commentaires-là étaient extrêmement pertinents, d'autant plus que le premier ministre du Québec actuel, le premier ministre désigné du Québec actuel s'est rendu dans Mercier pour appuyer son candidat, de nombreux ministres du gouvernement du Québec actuel se sont rendus dans Mercier pour appuyer leur candidat. Eh bien, ils doivent eux aussi porter finalement le blâme, je dois dire, de leur défaite. Ils doivent eux aussi porter le poids de la défaite péquiste dans le comté de Mercier, et cette défaite péquiste dans le comté de Mercier, M. le Président, c'est annonciateur.

C'est annonciateur de quoi? C'est annonciateur d'une victoire libérale lors de la prochaine élection générale au Québec, et peut-être même auparavant dans les différentes élections complémentaires qui sont censées se tenir au Québec parce qu'on sait très bien que, du côté ministériel, bien, il y a eu plusieurs démissions. Il y a plusieurs personnes, donc, qui ont offert leur démission, qui, pour un motif ou pour un autre, soit n'avaient plus confiance en la gouverne du Québec, n'avaient plus confiance en l'orientation qui était donnée à l'option souverainiste, n'avaient plus confiance finalement en leurs dirigeants ou pour d'autres raisons personnelles, ont donc décidé de quitter la politique et laissant ainsi leurs bancs de parlementaire libres éventuellement et donc tout à fait disponibles pour d'autres victoires libérales.

Par rapport maintenant, M. le Président, à la circonscription de Chapleau... Et vous me permettrez de préciser à nouveau, je le fais souvent, que Chapleau, couvre à peu près 90 % de la ville de Gatineau. Alors, c'est pourquoi je parlerai de la population gatinoise, sachant très bien que la population gatinoise est incluse en bonne partie dans la circonscription de Chapleau. Parlant donc de la population gatinoise, le dernier budget du gouvernement du Québec nous apprenait que l'on entend investir 100 millions de dollars sur cinq ans pour la construction de l'autoroute 50. Ce qu'on ne nous dit pas cependant, c'est que vraisemblablement la construction de l'autoroute 50 va nous demander d'autres études environnementales qui finalement vont remettre à plus tard la réalisation de ce projet, qui, moi, je n'en doute pas, là, en bout de piste ne pourra vraiment voir le jour que sous un gouvernement libéral.

Il n'y a aucun doute dans mon esprit que le gouvernement du Québec, qui se voit offrir l'entière collaboration du gouvernement fédéral dans ce dossier, que le gouvernement du Québec, donc, est tout à fait incapable de réaliser ses promesses. D'ailleurs, vous savez que ce n'est pas la première fois qu'on se fait promettre que l'autoroute 50 va être terminée, va être finalisée. Moi, je dois vous dire que, ça, je vais le croire vraiment quand je vais le voir. Pour l'instant, vous me permettrez d'être sceptique. On a annoncé 100 millions de dollars sur cinq ans, mais vraiment, moi, je pense que le gouvernement encore une fois ne livrera pas la marchandise et, malgré la collaboration qui lui est offerte par le gouvernement du Canada, ne sera pas capable de doter la population de l'Outaouais d'une infrastructure routière qui soit vraiment, donc, appropriée eu égard à notre contexte social et à notre contexte économique.

Par ailleurs, je suis extrêmement soucieux que le gouvernement du Québec n'ait pas prévu la construction de nouvelles écoles dans la ville de Gatineau. Et vous allez peut-être être étonné que je parle de construction de nouvelles écoles alors qu'on sait très bien qu'il y a au Québec, dans l'ensemble du Québec, une chute importante du taux de natalité, que je regrette d'ailleurs, M. le Président, qui m'inquiète énormément. Mais, cela dit, il y a une région où il n'y a pas de chute de la population, et c'est la région de l'Outaouais, et plus particulièrement la ville de Gatineau. La ville de Gatineau, c'est une ville dont la population croît sans cesse. Actuellement, au moment où on se parle, Gatineau a une population d'environ 105 000 personnes, constituée de nombreuses jeunes familles, et ça, ça augmente constamment, et je dois vous dire qu'au cours des prochaines années la population de Gatineau va être encore beaucoup plus importante qu'elle ne l'est actuellement.

Et nous, à Gatineau, figurez-vous ? vous allez être surpris, M. le Président ? notre problème, c'est un problème de manque de places dans les écoles. C'est un problème assez rare au Québec, je dois dire. Il y a des endroits où littéralement on est obligé, et je le regrette, de fermer des écoles faute d'élèves en nombre suffisant; bien, à Gatineau, il faut en construire d'autres, il faut construire de nouvelles écoles élémentaires. Et je dois vous dire que ça presse, par ailleurs, parce que notre commission scolaire des Draveurs, qui est la commission scolaire donc qui gère l'ensemble des écoles de la ville de Gatineau, notre commission scolaire des Draveurs éprouve de nombreux problèmes à chaque année, est obligée de déplacer les élèves d'école en école, toujours plus loin de leur lieu de résidence, prévoir des circuits en autobus qui sont devenus de plus en plus longs pour les jeunes.

Et vous savez qu'un jeune qui, à l'école primaire, en six ans, fait trois écoles différentes, n'a pas le temps vraiment d'être en contact avec des amis, est constamment obligé de se refaire de nouveaux amis. Ça démotive par ailleurs les parents qui hésitent à s'investir eux-mêmes dans les programmes de l'école, de s'investir eux-mêmes dans les travaux de l'école, parce qu'ils se disent que, de toute façon, moi, mon enfant, dans deux ans, il n'y sera plus, on va le transférer dans une autre école de la région. Alors, ça démotive tout le monde: ça démotive les parents, ça démotive les enfants, ça démotive la population de Gatineau en général.

n(11 h 50)n

Je vous parle donc des nouvelles écoles, mais il ne faudrait pas oublier que nous avons aussi une autre pénurie dans la ville de Gatineau, et nous ne sommes pas la seule place qui avons une telle pénurie, c'est une pénurie de places en garderie. Et c'est quand même criant chez nous justement parce que, comme je vous le disais, on a beaucoup de jeunes familles. On a beaucoup de jeunes familles, beaucoup de jeunes enfants, et donc on a besoin de beaucoup de places en garderie. Malheureusement, le système actuel ne nous permet pas de répondre aux besoins. Beaucoup de personnes n'ont pas de place en garderie, alors que normalement il serait souhaitable qu'elles aient ces places-là, et donc ça pose un problème vraisemblablement, et il va falloir que ça soit corrigé dans l'avenir. Et, moi, je n'ai rien vu dans le budget du gouvernement du Québec, dans les crédits du gouvernement du Québec, dans les crédits supplémentaires du gouvernement du Québec, qui me permette d'avoir espoir que l'on puisse créer de nouvelles places en garderie, dans la ville de Gatineau.

Une autre préoccupation que j'ai et qui malheureusement n'a pas été, je dirais, estompée par les crédits du gouvernement, c'est la situation des chemins ruraux à Gatineau. Vous ne le savez peut-être pas, M. le Président, mais nous avons... D'abord, Gatineau, c'est un vaste territoire en tant que ville, et, dans cette ville-là, il y a une partie dans le fond qui est carrément urbaine, mais il y a une partie aussi qui vit dans un environnement rural ? donc des chemins ruraux, des kilomètres et des kilomètres et des kilomètres de chemins ruraux qui malheureusement ne sont pas entretenus, qui malheureusement ne sont pas rénovés, faute d'argent de la part du gouvernement du Québec.

Pour vous donner une idée, pour une population de 105 000 personnes, avec, comme je vous le disais, des kilomètres et des kilomètres de chemins ruraux, moi, on m'accorde un budget annuel de 25 000 $, 25 000 $ pour la rénovation et la réfection des chemins ruraux dans la ville de Gatineau. Alors, je dois vous dire que, si on considère, de l'autre côté de la Chambre, que 25 000 $, c'est suffisant pour rénover les chemins ruraux de Gatineau, c'est parce que, tout simplement, ils ne sont pas conscients de la réalité, c'est parce qu'ils négligent notre population. La réalité, c'est qu'on a besoin de beaucoup plus d'argent. Et, moi, ma peur, c'est que finalement la rénovation des chemins ruraux se fasse à peu près au même moment que la finition de l'autoroute 50, c'est-à-dire quand le Parti libéral va prendre le pouvoir. C'est ça, ma crainte parce que, du côté du gouvernement, je ne vois absolument aucune volonté de nous doter d'infrastructures routières qui soient de qualité et qui soient tout à fait adéquates pour notre population.

Donc, je parlais de nouvelles écoles, je parlais de chemins ruraux, je parlais, par ailleurs, de l'autoroute 50, mais il y a un sujet dont je n'ai pas parlé, puis ce n'est pas le moindre, M. le Président, c'est l'importance, pour la ville de Gatineau, d'avoir un complexe sportif et communautaire. Et, pour ce faire, on a besoin d'argent de la part du gouvernement du Québec. À maintes reprises, on a demandé des subventions au gouvernement du Québec, mais on s'est toujours fait dire non. On a toujours dû essuyer un refus évidemment qui est devenu une tradition chez eux, qui est devenu une habitude, qui témoigne finalement du peu d'intérêt qu'ils ont envers la population de l'Outaouais.

Et je vous dirai, M. le Président, que, là, on a peut-être une occasion, on a peut-être une occasion d'avoir de l'argent pour le complexe sportif et communautaire; c'est par le biais du Programme d'infrastructure, Programme d'infrastructure entre Ottawa, Québec et les municipalités. Comme vous le savez probablement, le gouvernement canadien a annoncé un Programme d'infrastructure auquel le gouvernement du Québec a décidé d'adhérer parce que, vraisemblablement, c'est un bon programme pour notre économie. Donc, le gouvernement du Canada a annoncé un programme d'infrastructure, et là peut-être que, dans le cadre de ce Programme d'infrastructure, on va avoir la chance d'avoir de l'argent qui va nous permettre finalement d'ériger, de construire notre complexe sportif et communautaire. J'ai dit: Peut-être qu'on va avoir cette chance-là, M. le Président, parce que, encore une fois, si j'en crois la volonté politique, qui fait défaut, de l'autre côté de la Chambre, je pense qu'il y a bien des possibilités que, malheureusement, les souhaits de la population de Gatineau ne soient pas encore exaucés.

Lorsqu'il y a eu la présentation du budget, j'entendais la ministre des Finances nous dire finalement que le gouvernement allait, encore une fois, investir dans la création d'un grand nombre de nouveaux programmes. M. le Président, ce dont les Québécois ont le plus besoin actuellement, ce n'est pas de nouveaux investissements gouvernementaux, ce n'est pas que le gouvernement donne de l'argent à des compagnies et à des entreprises qui n'en ont pas besoin. Ce n'est pas de ça dont la population a besoin. Ce dont elle a besoin, notre population, c'est que finalement l'on baisse les impôts. Nous sommes, encore une fois, les citoyens les plus taxés en Amérique. Et nous sommes les plus taxés en Amérique pourquoi? Parce que nous sommes victimes, malgré la croissance économique dont on profite en même temps que l'ensemble de l'Amérique du Nord en bénéficie, d'une mauvaise gestion de la part de ce gouvernement.

M. le Président, la solution est très simple: il faut investir une somme d'argent pour accorder un remboursement de la dette publique, de la dette du Québec, en même temps, il faut réduire les impôts, et, de cette façon-là, on se donne tous les moyens de restimuler l'économie. Et surtout soyons très prudents par rapport aux dépenses gouvernementales, soyons très prudents par rapport à cela parce que la réalité, c'est que l'on pourrait très bien faire face à une récession importante au cours des prochains mois. Et alors on verra que le budget de la ministre des Finances est un budget qui est irresponsable parce que justement ce budget-là n'a pas tenu compte des risques de récession, a négligé ou a sous-estimé les risques de récession qui se pointent le bout du nez.

Vous savez, malgré tout, que, juste avant le budget du gouvernement du Québec, le gouvernement du Québec a reçu, en termes de paiement de péréquation du gouvernement du Canada et finalement des autres provinces canadiennes, une somme de 1,4 milliard de dollars, et très bientôt le Québec recevra une somme de 500 millions de dollars additionnelle, ce qui fait à peu près, M. le Président, somme toute, 2 milliards de dollars qui vont être reçus au seul titre ? je dis bien au seul titre ? de la péréquation au Canada. Et pourtant on a entendu le premier ministre désigné du Québec nous dire que le fait que le Québec reçoive comme cela des paiements de péréquation était finalement le signe que le fédéralisme canadien n'était pas viable et que le fédéralisme canadien était inéquitable.

M. le Président, ça n'a pas de sens que quelqu'un fasse une affirmation comme celle-là alors que l'on sait très bien que la péréquation est au contraire la manifestation de cette générosité et de cette solidarité partagées...

Des voix: Ah!

M. Pelletier (Chapleau): ...qui caractérisent le fédéralisme canadien. Et je suis heureux de voir que ça suscite des réactions dans cette salle, parce que je serais inquiet que ça n'en suscite pas, M. le Président. Je vois qu'on écoute mes propos et je m'en réjouis, parce que c'est important que ces gens-là, du côté ministériel, sachent justement que la péréquation, c'est un mécanisme de redistribution de la richesse. On prend de l'argent chez les provinces qui sont plus fortunées, qui ont peut-être eu une meilleure gestion que celle du gouvernement du Québec, on prend de l'argent, donc, chez les provinces les plus fortunées, en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario, et on verse de l'argent, on redistribue l'argent dans les provinces qui, victimes d'une mauvaise gestion gouvernementale, ont eu moins de chance que les autres. Et malheureusement, M. le Président, parce qu'il faut le déplorer, le Québec compte parmi les provinces qui reçoivent des paiements importants au titre de la péréquation.n(12 heures)n

Mais, s'il faut le déplorer, ce n'est pas parce que la péréquation est une manifestation de l'iniquité canadienne, c'est parce que le fait que le Québec reçoive de la péréquation est un signe justement que les politiques économiques qu'a mises sur pied le gouvernement du Québec au cours des dernières années n'ont pas fonctionné, ont connu des échecs, ont connu des ratés, ce qui fait qu'aujourd'hui, même si nous avons pu bénéficier de la croissance économique comme tous les autres pays, comme tous les autres États en Amérique du Nord, nous n'avons pas pu en bénéficier autant malheureusement que les autres provinces canadiennes qui, elles, ont été mieux gérées que nous.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Ceci met fin à l'intervention, il est midi. Je remercierai M. le député de Chapleau.

Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

 

(Reprise à 14 h 4)

Le Président: Alors, Mmes et MM. les députés, à l'ordre! Nous allons nous recueillir un moment.

Bien. Veuillez vous asseoir.

À l'ordre, Mmes et MM. les députés! Nous allons débuter la séance, maintenant, et, avant d'aborder les affaires courantes, j'ai le plaisir...

Des voix: ...

Le Président: Est-ce que je pourrais faire remarquer à certains de nos collègues que nous avons débuté la séance?

Présence du secrétaire d'État
auprès du premier ministre chargé de la Poste,
des Technologies de l'information et
de la Communication du royaume du Maroc,
M. Nacer Hajji, et de l'ambassadeur
du royaume du Maroc, M. Abdelkader Lecheheb

Alors, j'ai le plaisir de souligner la présence, dans nos tribunes, du secrétaire d'État auprès du premier ministre chargé de la Poste, des Technologies de l'information et de la Communication du royaume du Maroc, M. Nacer Hajji.

Et j'ai également le plaisir de souligner la présence de l'ambassadeur du royaume du Maroc, M. Abdelkader Lecheheb.

Affaires courantes

Bien. Nous abordons les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la vice-première ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.

États financiers des organismes et
des entreprises du gouvernement

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je dépose les états financiers 1999-2000 des organismes et des entreprises du gouvernement du Québec.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.

Rapport financier de la Fondation
universitaire de l'École des hautes études
commerciales de Montréal

M. Legault: Oui, M. le Président. Je dépose le rapport financier au 31 mai 2000 de la Fondation universitaire de l'École des hautes études commerciales de Montréal.

Le Président: Bien. Alors, ce document est déposé. Mme la ministre de la Culture et des Communications, maintenant.

Avis de classement de l'église,
du presbytère et du site historique
du Sacré-Coeur de Chicoutimi, et de l'église
Notre-Dame-de-la-Visitation de Champlain

Mme Lemieux: Alors, je dépose les avis de classement suivants: église, presbytère et site historique du Sacré-Coeur, ainsi qu'église Notre-Dame-de-la-Visitation.

Le Président: Bien. Alors, ces documents sont déposés. M. le ministre de la Sécurité publique.

Plan stratégique
du Comité de déontologie policière

M. Ménard: M. le Président, je dépose le Plan stratégique 2001-2004 du Comité de déontologie policière.

Le Président: Ce document est déposé. Maintenant, M. le ministre de l'Environnement. Alors, le ministre de l'Environnement n'est pas là. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

Déclaration de services aux citoyens du ministère
des Relations avec les citoyens et de l'Immigration

M. Facal: M. le Président, je dépose la déclaration de services aux citoyennes et citoyens du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Dépôt de rapports de commissions

Le Président: Alors, le document est déposé. Maintenant, au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Portneuf.

Entre-temps, je vais demander à la présidente de la commission des affaires sociales et députée de Saint-François...

Étude détaillée du projet de loi n° 140

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé les 12, 13, 14, 15, 18 et 19 décembre 2000 ainsi que le 27 février 2001 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 140, Loi sur l'assurance parentale. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, le rapport est déposé. M. le président de la commission des institutions, maintenant.

Consultation générale sur le projet de loi n° 173
et étude détaillée du projet de loi n° 177

M. Bertrand (Portneuf): On a beau être en forme, mais je n'ai pas couru assez vite. Excusez-moi. Ha, ha, ha! Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 13, 14, 15 et 28 février 2001 afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 173, Loi sur la sécurité civile.

Et, deuxièmement, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a siégé le 25 janvier 2001 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 177, Loi sur les géologues. La commission a adopté le projet avec des amendements. Merci, M. le Président.

Le Président: Bien. Alors, ces deux rapports sont déposés. Maintenant, Mme la présidente de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et députée de Marie-Victorin.

Consultations particulières
sur le projet de loi n° 184

Mme Vermette: Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé les 6, 7 et 8 février 2001 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 184, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et d'autres dispositions législatives.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport est déposé. Maintenant, M. le président de la commission des transports et de l'environnement et député de Bellechasse.

Consultations particulières sur le projet de loi n° 149
et étude détaillée du projet de loi n° 149

M. Lachance: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de déposer le rapport de la commission des transports et de l'environnement qui a siégé le 1er février 2001 afin de procéder à des consultations particulières et à des auditions publiques sur le projet de loi n° 149, Loi sur les réserves naturelles en milieu privé.

J'ai également l'honneur de déposer le rapport de la commission des transports et de l'environnement qui a siégé le jeudi 8 février 2001 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 149, Loi sur les réserves naturelles en milieu privé. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

n(14 h 10)n

Le Président: Bien. Alors, ce rapport est également déposé.

Questions et réponses orales

Alors, puisqu'il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège aujourd'hui, je vais immédiatement donner la parole au chef de l'opposition officielle comme première question principale pour la période de questions et de réponses orales.

Crédits alloués pour la lutte contre la pauvreté

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Dans le discours sur le budget de l'an dernier, pour rafraîchir un peu la mémoire du premier ministre, il disait déjà, à ce moment-là, qu'il voulait s'occuper de la pauvreté. Dans le discours inaugural qu'il prononçait le 22 mars à l'Assemblée nationale, le premier ministre a également créé beaucoup d'attentes et d'espoir dans la lutte contre la pauvreté. Il annonçait, et je cite: «Cette lutte contre la pauvreté et l'exclusion sera pour nous une véritable obsession.» Par opposition aux obsessions fictives, je présume. Sept jours plus tard, dans son discours sur le budget, la ministre des Finances nous annonçait un montant de 300 millions de dollars sur trois ans pour lutter contre la pauvreté.

M. le Président, vous n'avez peut-être pas pris connaissance des réactions, mais permettez-moi de vous en citer quelques-unes: «Trois cents millions pour les démunis, c'est presque insultant», disait le Collectif pour une loi contre la pauvreté. «Un budget dégueulasse»: Front commun des personnes assistées sociales. «Pour le gouvernement, la pauvreté, c'est du marketing», disait le Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Dans les médias, on titrait ceci: Des miettes pour lutter contre la pauvreté, dans Le Devoir du 30 mars. Landry avait pourtant semé l'espoir, Devoir, 30 mars. Colère chez les groupes sociaux, dans Le Journal de Québec, le 30 mars. Le budget du coeur laisse les démunis sur leur faim, également dans Le Devoir du 30 mars.

J'aimerais demander au premier ministre qu'est-ce qui est arrivé dans l'espace de sept jours pour que le premier ministre et son gouvernement créent autant d'espoir, pour finalement céder au marketing et décevoir les Québécois et les Québécoises qui veulent que leur gouvernement s'occupe de pauvreté. Pourquoi a-t-il juste parlé? Pourquoi n'a-t-il pas agi?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de dire à ces personnes qui s'occupent de lutte à la pauvreté et que je rencontre régulièrement ? j'en ai rencontré depuis que je suis premier ministre, j'en ai rencontré comme ministre des Finances ? qu'ils ont raison d'avoir des exigences extrêmement élevées. La pauvreté est un fléau qu'aucun pays avancé n'a réellement vaincu. Les États-Unis d'Amérique, première puissance du monde, ont 30 millions de pauvres. Alors, la lutte à la pauvreté, c'est une chose complexe, c'est un chemin sur lequel il faut s'engager, et nous nous y étions engagés par l'arme absolue contre la pauvreté, c'est-à-dire la diminution du chômage qui est passé de 14 % à 8 %, le nombre des assistés sociaux qui a décru de plus de 200 000. C'est la base.

Quand on veut lutter contre l'exclusion, il faut avoir quelque chose pour inclure, et là on a ajouté, dans le dernier budget, comme ma collègue l'a bien expliqué et comme mes collègues spécifiquement chargés de ce dossier l'expliqueront de plus en plus dans les semaines qui viennent, 871 millions de dollars. Il ne faut pas avoir une conception étriquée de la lutte contre la pauvreté, il faut la débusquer partout où elle se trouve, en particulier dans le système d'éducation pour aider particulièrement les enfants démunis ? ça se retrouve dans le budget ? en particulier pour aider les assistés sociaux à se réinclure au marché du travail, le 3 $, 2 $, 1 $ ? ça se retrouve dans le budget ? et toute une panoplie qui sera développée tranquillement. Nous n'avons pas la prétention de gagner cette guerre, nous avons le désir et la volonté ferme de la pousser jusqu'au bout.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Je suis, M. le Président, heureux d'entendre le premier ministre dire qu'il assiste à plusieurs réunions où il rencontre des gens qui s'intéressent aux questions de pauvreté. C'est une belle coïncidence parce qu'il y en a eu une, réunion, pas plus tard qu'hier, une réunion dans le comté de Mercier, et il y en a une personne qui a parlé de pauvreté en campagne précédant cette réunion, c'est la candidate libérale, Nathalie Rochefort, qui depuis ce temps-là est devenue députée.

Des voix: Bravo!

M. Charest: M. le Président, le premier ministre évoque le fait qu'il y a moins de prestataires d'aide sociale, et il conviendra avec moi qu'avec une économie florissante comme on a connue en Amérique du Nord le contraire serait un scandale. Et parlons des effets que ça a justement sur les finances publiques, puisque, dans les documents du budget, il admet qu'ils vont économiser 178 millions de dollars en 2001-2002 justement parce qu'il y aura moins de prestataires d'aide sociale. Et, en retour, il met seulement 64 millions de dollars dans cette année-là pour combattre la pauvreté. Je veux contraster la déclaration de sa ministre des Finances avec celle de Nathalie Rochefort dans le comté de Mercier. Lors d'une entrevue qu'elle donnait au journal Le Soleil, on dit ceci: «En entrevue hier au Soleil, Mme Marois a reconnu qu'il faudrait s'attaquer aux besoins essentiels à couvrir, un chantier qu'elle juge titanesque, mais auquel son gouvernement s'intéressera s'il a le temps d'ici la fin de son mandat.» Eh bien, Nathalie Rochefort, la nouvelle députée du comté de Mercier, a fait la preuve que le temps est venu de s'occuper de pauvreté, M. le Président.

Je veux savoir si le premier ministre a reçu le message.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Le chef de l'opposition officielle me donne l'occasion, par sa question, de le féliciter, ainsi que sa formation politique et leur candidate, d'avoir gagné l'élection de Mercier. Il me permettra aussi de souligner le courage et la détermination de notre propre candidat qui a perdu après des épreuves individuelles et familiales considérables. Et je félicite aussi les autres candidats. Et, au sujet des autres candidats, le chef de l'opposition a le droit au triomphe, c'est sûr; il n'a pas le droit d'être triomphaliste parce que, précisément, après sept ans au pouvoir, normalement les voix se reportent sur l'opposition officielle. Or, elles sont massivement allées à un parti de gauche, justement, qui, lui, avait le thème de la pauvreté. Et, si les électeurs de Mercier, comme il le dit ? et je pense que c'est un très bon signe ? sont portés sur la lutte à la pauvreté, ils sont aussi massivement portés sur une autre façon de lutter contre la pauvreté, parce qu'ils sont massivement souverainistes.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, le premier ministre n'a pas à s'inquiéter, il n'y a aucun triomphalisme du côté de l'opposition officielle. Et, juste pour le ramener les deux pieds sur terre, il ne s'agit pas de moi personnellement, il ne s'agit pas non plus de lui personnellement lorsqu'on parle du comté de Mercier. Dans notre cas à nous, ça a toujours été clair, l'enjeu dans le comté de Mercier, ce n'était pas de régler des problèmes internes de parti, c'était la population du comté de Mercier. Nous, on représente...

Des voix: Bravo!

M. Charest: M. le Président, pour ramener le premier ministre aux faits, au-delà de sa rhétorique, il a beau plaider des excuses aujourd'hui, il y a un fait incontournable: la vaste majorité des électeurs dans le comté de Mercier hier ont dit à ce gouvernement qu'ils en avaient assez, toutes tendances confondues, souverainistes, fédéralistes compris, et ils répondaient.

Que répond aujourd'hui ce premier ministre qui, le 4 avril dernier, écrivait aux militants de son parti? Il leur disait ceci, et je cite, que «cette élection revêt une dimension singulière parce qu'une victoire dans cette circonscription constituera un appui sans équivoque aux engagements concrets du gouvernement du Parti québécois. Ce sera aussi un message clair à l'ensemble de la population du Québec sur la nécessité de parler de souveraineté.» Alors, voilà exactement ce que vous avez proposé aux électeurs du comté de Mercier, le 4 avril dernier. Vous connaissez le résultat de l'élection.

Je vous redemande à nouveau ce que vous allez faire pour combattre la pauvreté, M. le Président. Et, au lieu de juste nous donner de belles paroles, comment va-t-il agir? Quel acte va-t-il poser? Et, contrairement à sa ministre, est-ce qu'il va nous affirmer aujourd'hui qu'il a le temps de s'en occuper si elle n'a pas le temps de s'en occuper?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, j'ai déjà vu des mauvais perdants dans ma vie, mais, au ton que prend le chef de l'opposition, on dirait qu'on est en face de mauvais gagnants.

n(14 h 20)n

Des voix: Ah, ah!

M. Landry: Bien, je suis heureux qu'il rappelle que les électeurs et électrices de Mercier ont été sensibles à un des points fondamentaux du contenu de ma lettre. Oui, c'est le temps de parler de souveraineté. Les souverainistes l'ont emporté massivement dans le comté, disant que nous sommes précisément sur la bonne voie de remettre la question nationale du Québec à l'ordre du jour. Si on avait le contrôle entier de nos impôts et de nos taxes, comme la plupart de nos gouvernements, y compris les gouvernements libéraux, qui sont plus progressistes que celui du Canada, on serait bien plus avancés dans notre développement économique et notre lutte contre la pauvreté.

Je dois signaler aussi, malheureusement, que le taux de participation est de 41,15 %. Alors, on peut parler d'attitude massive des électeurs qui ont voté pour la souveraineté, mais parler de quelque désaveu ou approbation massive à qui que ce soit... On a malheureusement ? il faudrait que les deux partis s'en préoccupent ? un des taux de participation les plus bas de l'histoire des élections partielles. Il y a une grosse différence entre les partielles et les générales. On a des bons témoins, ici: la députée d'Hochelaga-Maisonneuve est revenue dans une générale en prenant le comté à un libéral qui l'avait eu en partielle, et le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques est exactement dans le même cas. Alors, en tout respect pour votre candidate et en lui souhaitant la plus longue vie politique possible, je voudrais attirer son attention sur les précédents.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Si j'ai bien compris, M. le Président, l'élection partielle qui a eu lieu hier et le vote exprimé dans l'élection partielle ne valent pas cher aux yeux du premier ministre. C'est exactement ce qu'il vient de nous dire. Ce n'est pas significatif, ça ne pèse pas lourd dans la balance, ça ne veut rien dire. Bien, je pense que les électeurs du comté de Mercier voudront en prendre bonne note, le lendemain de l'élection, de la façon dont ce gouvernement reçoit justement le résultat de cette élection partielle, parce qu'il y a une majorité, je le répète, toutes tendances confondues, qui a dit à ce gouvernement, qui a répondu au premier ministre qu'elle était insatisfaite de ses politiques, et la pauvreté, c'est un des enjeux majeurs du comté de Mercier, le premier ministre le sait.

Je vais donc répéter à nouveau ma question, parce que tous les groupes sociaux, les commentateurs, les analystes qui ont fait l'examen de son budget en sont venus à la même conclusion: il y avait plus de marketing pauvreté qu'il y avait d'actions du côté de la pauvreté. Sa ministre de l'Économie dit qu'elle va s'en occuper si elle a le temps. Eh bien, les électeurs du comté de Mercier lui ont dit hier que le temps est venu de s'occuper du problème de pauvreté. Que répond-il aux électeurs du comté de Mercier?

Le Président: Mme la vice-première ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Non seulement nous avons annoncé des investissements nouveaux de 300 millions de dollars, non seulement nous avons ajouté plus de 800 millions de dollars dans d'autres mesures spécifiques concernant la lutte à la pauvreté, mais cela aussi faisait suite à des choix que nous avons faits au fur et à mesure des années pour aider les familles à bas revenus, pour soutenir l'implantation d'une politique familiale en réservant les allocations familiales justement aux familles monoparentales, aux familles à deux revenus mais dont le revenu est bas. Ce sont autant de sommes que nous avons investies. On parle de milliards de dollars pour une politique familiale qui concerne directement les familles et les enfants pauvres, on parle de mesures spécifiques concernant l'aide aux jeunes dans nos écoles qui vivent des situations de décrochage malheureuses, qui sont dans des situations de pauvreté. Nous ajoutons des sommes à hauteur de 40 millions, ce qui, sur un certain nombre d'années, augmente les sommes investies à hauteur de 120 millions de dollars pour aider les enfants pauvres.

Nous n'avons pas attendu les propositions de l'opposition. D'ailleurs, si nous les avions attendues, nous n'aurions pas haussé le salaire minimum, puisqu'ils s'y opposaient. Ça aussi, c'est une façon de lutter contre la pauvreté.

Le Président: En question principale, Mme la députée de La Pinière, maintenant.

Financement de logements
sociaux pour les sans-abri

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, à la page 34 du budget des dépenses, on constate que la Société d'habitation du Québec a enregistré un surplus de 60 millions de dollars durant l'année financière qui vient de se terminer, 2000-2001.

Comment la ministre des Affaires municipales peut-elle expliquer que son gouvernement laisse dormir 60 millions de dollars dans une banque alors que les sans-abri dorment dans la rue?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, contrairement à ce que prétend la députée, la Société d'habitation du Québec engage les sommes qui lui ont été allouées pour les présentes années depuis 1997, engage donc 43 millions de dollars par année dans le programme AccèsLogis, un programme qui s'adresse soit à des personnes âgées, ou à des personnes en difficulté, ou tout simplement à des familles qui veulent se loger dans des coopératives.

Je remercie d'ailleurs la députée de sa question, ça me permet de rappeler que, depuis 1994, c'est-à-dire depuis l'année où le gouvernement fédéral s'est totalement retiré du logement social, le gouvernement du Québec seul contribue pour 175 millions de dollars par année soit dans les programmes d'allocation-logement pour supplémenter le revenu de travail de personnes en difficulté mais qui sont bien logées, ou soit pour développer de la rénovation ou de la construction dans le logement social. Et, si la députée veut faire oeuvre utile, elle devrait s'associer aux demandes répétées qui ont été faites par le gouvernement du Québec pour obtenir que le fédéral, qui a tant de surplus budgétaires accumulés, investisse sa juste part.

Le Président: Mme la députée.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, que répond la ministre des Affaires municipales à Mme Sonia Côté, coordonnatrice de l'organisme Loge m'entraide, qui a déclaré, le 1er avril dernier, suite au dépôt du budget, et je cite: «Nous sommons le gouvernement d'expliquer publiquement ce qu'il a fait des 60 millions de dollars que le fédéral lui a accordés en décembre 1999 pour financer des logements pour les sans-abri et qui n'ont pas encore été utilisés à cette fin»?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, ces sommes, qui l'ont été dans le cadre d'un support à l'action communautaire, le seront, distribuées, d'ailleurs, par le ministère de la Santé et des Services sociaux, puisque le Québec construit du logement social mais qu'il faut, dans ces logements, très souvent accompagner les personnes qui y habitent, qui ont des problèmes particuliers soit de santé mentale soit des problèmes de tout ordre. Il faut les accompagner. Et je comprends que ces sommes d'argent seront distribuées par les régies régionales de la santé et des services sociaux pour accompagner, dans le cadre de services communautaires, les personnes qui habitent dans des logements.

Mais je rappelle que le Québec seul, actuellement, a une politique d'habitation au Canada. C'est la seule province, Mme la députée. Nous avons même reçu le prix canadien des coopératives canadiennes parce que nous sommes la seule province à nous être dotés d'une politique québécoise de logement social.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale, M. le député de Châteauguay, maintenant.

Crédits alloués aux établissements de santé
et de services sociaux

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Vendredi, le ministre de la Santé nous a parlé de la performance des hôpitaux. Aujourd'hui, on va lui parler de la sienne. Dans le contexte où les établissements de santé, notamment les hôpitaux, devront encore couper 125 millions cette année ? c'est écrit dans vos propres documents ? comment le ministre peut s'imaginer que son petit jeu de dominos de 15 millions dans la répartition des budgets va améliorer la performance de soins des hôpitaux alors qu'ils sont encore une fois condamnés à la performance des coupures, surtout que le rapport Bédard sur lequel il s'appuie pour faire sa proposition de jeu de dominos, là...

n(14 h 30)n

Je l'ai dans les mains. À la page 20 de ce rapport-là, ce qu'on lit, c'est la chose suivante: «La démarche pourrait devenir contre-productive si on y superpose des compressions budgétaires qui rendraient problématique la gestion de la demande de soins.»

M. le Président, la performance du ministre, c'est de faire le contraire de ce qui lui était recommandé. Le gouvernement aurait pu suivre Bédard comme il faut, il aurait pu éviter les compressions, il y avait 1,2 milliard qui venait du fédéral qu'il aurait pu mettre dans la santé, et ça, ça aurait amélioré la performance des soins.

Pourquoi est-ce que le ministre a décidé de continuer dans les coupures, de faire le contraire de Bédard? Pourquoi a-t-il, alors qu'il en avait besoin, détourné 560 millions de l'argent du fédéral pour la santé?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, il n'y aura pas de coupure de 125 millions de dollars dans les hôpitaux du Québec en 2001-2002. Qu'il aille voir dans le tome III, 20?3, il va trouver sa réponse. Il faut qu'il travaille de temps en temps pour trouver les bonnes réponses. Il n'y aura pas de coupure de 125 millions dans les soins aux malades dans les hôpitaux du Québec cette année, il y aura ajout de 2 milliards de dollars pour les malades et les personnes en détresse, cette année, de plus, au budget présenté par le gouvernement et qui vont s'en aller vers les établissements.

Troisièmement, oui, fini le développement de nos établissements de santé ou le financement de nos établissements à partir de la spirale des déficits. Cela a été très clairement identifié dans le rapport Clair; il suffisait, à une certaine époque, de produire des déficits non autorisés, de constater l'impasse à la fin de l'année, de faire pression et, si cela n'était pas suffisant, d'appeler dans les médias d'information et de faire la une avec cela et de faire en sorte qu'on obtenait un financement. Maintenant, nous allons être capables de baser le financement des établissements sur la gravité des cas qui sont hospitalisés dans les quelque 100 hôpitaux du Québec, et, à ce compte-là, on reconnaîtra les bons gestionnaires et les gens qui font des efforts pour donner davantage de soins aux malades. Et il y aura pleine utilisation du 525 millions ? seulement ? qui arrive du gouvernement fédéral cette année. Et, si le député de Châteauguay veut jouer au fier-à-bras, comme le député Coderre au Lac-Saint-Jean la semaine dernière, et défendre ses petits amis d'Ottawa, qu'il continue, c'est ça qu'il nous illustre.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Est-ce que le ministre peut se rendre compte que, dans le volume III auquel il réfère, il n'y a pas de page 20?3. Quand il parle de la page...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Il a parlé de la page 20?3? On va regarder le volume II, c'est là qu'elle est, la page 20?3. Et qu'est-ce qu'on voit là-dedans? On voit que les institutions de santé auront 275 millions de plus, alors que les coûts de système sont de 400 millions. Il en manque 125 millions qui vont encore être coupés, et il parle encore de son 2 milliards. Il devrait savoir... Est-ce que le ministre sait, M. le Président, que ce n'est pas juste l'opposition qui le dit? La Coalition santé est sortie en fin de semaine et elle dit la même chose que l'opposition: Il a mis 727 millions dans la santé au total, il y en avait 1,2 milliard du fédéral de plus en santé, il en manque 560 millions. La Coalition santé lui a dit, M. le Président ? c'est dans le journal ? elle lui a dit que son budget santé, c'est l'équivalent d'une canette vide. Bien, M. le Président, est-ce que le ministre se rend compte que, la canette, c'est lui qui l'a vidée?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Alors, M. le Président, il faut lui remontrer le tableau, nous allons ajouter 2 milliards de dollars pour les soins, les services de santé aux malades et aux personnes en détresse, cette année, dans tous les établissements de santé et de services sociaux du Québec.

Deuxièmement, nous aurons dorénavant une façon d'aborder le financement de nos établissements sur la base réelle des personnes, des malades, des gens en détresse que nous accueillons dans les différents établissements, et, plus tard, oui, je l'ai indiqué, nous allons prendre cette direction également pour les établissements de première ligne, les CLSC et les CHSLD.

Ce qu'il faut en conclure aujourd'hui, c'est que le temps des efforts de la gestion et de faire en sorte qu'on compose autrement les réponses aux malades, eh bien, c'est encore à l'ordre du jour, et on serait bien mieux de citer l'exemple ici de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la région de Québec qui a réussi, de façon spectaculaire, à mettre en réseau 32 cliniques privées avec les CLSC, avec les hôpitaux, avec le CHUL, avec L'Enfant-Jésus, pour fournir des services d'accès aux urgences 24 heures par jour, en collaboration avec les cabinets privés. Ça, c'est du travail. Ça, c'est de la gestion. Ça, c'est travailler pour les malades et les personnes en détresse, M. le Président.

Le Président: M. le député de Châteauguay.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: M. le ministre pourrait justement lui-même travailler pour les malades et les citoyens du Québec. On va aller à son volume III... on va aller à son volume III, M. le Président. Là, il se trompait de page, 311. Ce n'est pas 23, 311, je lis: «Le budget de dépenses de l'exercice 2001-2002 augmente de 726,6 millions par rapport au budget de dépenses de 2000-2001.» Ce n'est pas 2 726 000 000 $; ce n'est pas 2 milliards, c'est 726,6 millions.

Alors, est-ce que le ministre peut comprendre que l'effet de ne pas avoir pris l'argent du fédéral destiné à la santé amène les établissements de santé à faire pour 125 millions de coupures? Et c'est exactement ce que le rapport Bédard lui dit de ne pas faire. Il dit: Arrêtez de faire des coupures.

Quand est-ce qu'on va avoir un ministre de la Santé qui est performant?

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, il n'y aura pas de réduction du financement des établissements hospitaliers cette année. Le détournement, la tentative de détournement de la vérité du porte-parole libéral qui accompagne...

M. le Président, la triste réalité, c'est que le gouvernement fédéral ne contribue que pour 0,14 $ à chaque fois que nous investissons 1 $ dans la santé au Québec et que les besoins sont immenses. Et, de dire le contraire, comme l'affirme constamment le député de Châteauguay, je pense que ce n'est pas conforme à la vérité, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Châteauguay.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Je vais demander tout simplement au ministre d'aller lire les documents que son gouvernement a déposés. Je vais demander au ministre d'aller lire les échos qu'on reçoit de la Coalition santé, des nombreux groupes qui ont constaté que le ministre refuse de dire la vérité en cette Chambre.

Il a décidé de détourner les fonds fédéraux pour pénaliser les Québécois. C'est ça, la vérité. Elle fait peut-être mal, mais si on avait un ministre qui se tient debout, les Québécois seraient mieux servis.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Alors, Mme la vice-première ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Non seulement nous n'avons pas détourné de fonds d'Ottawa, mais nous sommes privés, depuis longtemps, des transferts sociaux canadiens en matière de santé, d'éducation et de sécurité du revenu.

C'est 525 millions, si on prend ce que nous avons réussi à arracher de haute lutte, M. le Président, après de longues discussions, des représentations à n'en plus finir auprès du gouvernement d'Ottawa, en collaboration d'ailleurs avec mes collègues des autres provinces, avec le premier ministre de l'époque, où nous avons arraché quelques centaines de millions à Ottawa, ce qui correspond, dans nos réinvestissements, à hauteur de 525 millions.

C'est facile, M. le Président. L'opposition prend les transferts, qui sont allés dans une fiducie, qui sont des fonds temporaires, sans aucune récurrence, et dit: Bien, tout cela, ça devrait aller à la santé. Il y a plus que ça qui est allé à la santé, M. le Président. Près de 1 milliard de dollars par année qui va à la santé depuis que nous avons recommencé à investir. Non seulement nous avons pris tous les fonds fédéraux obtenus en sus pour la santé et nous les avons réinvestis en santé, nous avons pris le 120 millions pour les équipements, nous l'avons mis pour les équipements, et nous avons rajouté sur le budget du ministre des Finances de l'an dernier 200 millions pour des équipements, pour un investissement total, excluant les équipements, de 2 milliards de dollars cette année. C'est plus que ce que met le fédéral, et ce ne sera toujours que le 0,14 $ du fédéral, alors que nous en mettons 1 $. Et, ça, c'est l'argent des Québécois qui devrait nous revenir et aller à la santé, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

n(14 h 40)n

Le Président: M. le député de Châteauguay.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Comment, M. le Président, le Québec va pouvoir ? avec d'autres provinces ? aller chercher plus d'argent du fédéral? Lorsqu'il en envoie, vous ne le mettez même pas dans la santé. Comment ça se fait que les 668 millions du transfert social, l'entente...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: M. le Président, est-ce que le gouvernement comprend que la stratégie qu'il a adoptée nous pénalise à long terme? Il y a une entente qui a été signée sur la santé. Lucien Bouchard, qui était premier ministre, il donnait des tapes dans le dos de Jean Chrétien. Qu'est-ce que ça a donné, cette entente-là? Ça a donné 668 millions dans le transfert social de plus que l'année passée, 120 millions pour le matériel médical pour l'année passée, qui avait été annoncé mais pas budgété, de plus pour cette année, 120 millions de plus pour cette année, 35 millions pour les soins primaires. Il y a eu 765 millions dans le compte «in trust». L'année passée, il y en avait 420, donc 345 de plus. Les disponibilités de plus qui viennent du fédéral, c'est 1,2 milliard. Vous avez mis pour 700 millions dans le budget. Il en manque 500 millions. Même si vous dites n'importe quoi, c'est les Québécois qui sont pénalisés par votre faute et pas juste à court terme, à long terme.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: C'est faux, M. le Président. C'est faux. Nous réinvestissons plus que les sommes qui nous sont transférées. Si on prend tout le transfert social canadien pour la santé, ce que nous faisons, et que nous l'investissons, à ce moment-là, ça correspond à 0,14 $ ? 0,14 $ ? dans le dollar que nous investissons qui vient d'Ottawa, alors que l'engagement initial était de 50 %. 0,50 $, c'est le résultat net d'efforts considérables que nous avons faits pour aller rechercher l'argent des Québécois et des Québécoises. Nous en avons remis plus que ce que le fédéral nous a transféré, beaucoup plus, quatre fois plus finalement, quand on regarde le supplément ajouté au moment des négociations. Quant au transfert par l'intermédiaire d'une fiducie, elles sont toutes, ces sommes, réinvesties de façon précise dans les budgets, soit de la santé, soit de l'éducation, soit de la sécurité du revenu, parce que le transfert social canadien, au cas où nos amis d'en face l'auraient oublié, ça concerne aussi l'enseignement, ça concerne aussi la sécurité du revenu.

Donc, ces sommes ont non seulement été réinvesties, nous en avons ajouté au-dessus et par-dessus, de telle sorte que la part qu'occupe le fédéral est toujours la part congrue, ce qui est absolument inacceptable, alors que l'engagement qui avait été pris, c'était d'investir à hauteur de 50 % dans la réponse aux besoins. Ils ne le font pas, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Sauvé, d'abord.

Crédits alloués au Conseil des arts et
des lettres du Québec

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Dans le dernier budget, la ministre des Finances a annoncé une somme additionnelle de 33 millions de dollars sur quatre ans pour le Conseil des arts et des lettres du Québec. La semaine dernière, dans une lettre adressée à la présidente du Conseil des arts et des lettres du Québec, la ministre de la Culture a annoncé des crédits qui totalisent 54 millions de dollars sur quatre ans. Le milieu de la culture est prêt à se réjouir, mais veut des assurances.

Ma question sera donc à la ministre des Finances: Qui dit vrai, est-ce que c'est son budget ou si c'est sa ministre de la Culture, qui lui envoie d'ailleurs sa lettre avec une copie conforme?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Culture et aux Communications.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je crois que le milieu de la culture a raison d'être à la fois heureux et rassuré. Les investissements, dont j'ai clarifié le sens au cours de la dernière semaine, c'est clair à mon esprit, c'est également clair dans l'esprit de la ministre des Finances, et nous avons les sommes pour respecter ces engagements.

Le Président: Mme la députée.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: M. le Président, je vais reposer ma question à la ministre des Finances ? c'est ce que souhaite le milieu de la culture, des arts et des lettres: Qui a raison, est-ce que c'est le budget de la ministre des Finances, qui parle de 33 millions sur quatre ans, ou si c'est la ministre de la Culture, qui parle de 54 millions sur quatre ans? Qui dit vrai?

Le Président: Mme la ministre d'État à l'Économie et aux Finances.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Et la ministre des Finances et la ministre de la Culture disent vrai, M. le Président, puisque dans les faits, après analyse des éléments budgétaires, nous avons convenu ? et il était ainsi compris dans les ententes et les discussions qu'il y avait eu autant auparavant avec les Finances qu'avec le Trésor ? que ce seraient des sommes récurrentes. Et c'est dans cette perspective-là que nous avons dit strictement la même chose, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: M. le Président, en question additionnelle. Est-ce que la ministre des Finances peut donc nous confirmer... Elle dit qu'elle dit la même chose, mais elle a dit 33 millions dans son budget, et la ministre de la Culture, 54 millions. Mme la ministre des Finances, pouvez-vous aujourd'hui nous confirmer, au milieu des arts et des lettres du Québec, que c'est 54 millions de dollars? S'il vous plaît, confirmez ce montant sur quatre ans.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je confirme, bien sûr, que ce sont ces montants dont il s'agit, et ma collègue la ministre de la Culture expliquera de quelles sommes il s'agit et pour quelles périodes, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je rappelle donc que, pour l'année 2001-2002, le CALQ disposera de 7 millions supplémentaires récurrents; en 2002-2003, il s'agira de 14 millions, et, en 2003-2004, de 21 millions. Alors, c'est le sens de la réponse de ma collègue et c'est également mon engagement.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale, M. le député de Gaspé.

Négociations entre le gouvernement fédéral
et la Corporation portuaire de Gaspé
concernant le port de Gaspé

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Au cours de la dernière année, la Corporation portuaire de Gaspé avait entrepris des négociations avec le gouvernement du Canada afin d'obtenir la cession du port de Gaspé, qui est le deuxième plus grand port de mer naturel au monde en eaux profondes. La semaine dernière, le ministre délégué aux Transports a informé le ministre Collenette qu'il avait l'intention d'inclure dans sa négociation le port de Gaspé ainsi que les autres ports régionaux stratégiques. Le maire de Gaspé a été également avisé de cette décision du gouvernement du Québec.

J'aimerais savoir du ministre délégué aux Transports quelles sont les raisons qui l'ont amené à suspendre la négociation entre le gouvernement du Canada et la Corporation portuaire concernant le port de Gaspé.

Le Président: M. le ministre délégué aux Transports et à la Politique maritime.

M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, en 1995, le gouvernement canadien a fait connaître son intention de se départir de l'ensemble des infrastructures portuaires au Canada, qu'il a confirmée d'ailleurs par sa première et seule politique de transport maritime, en 1988, à l'effet que c'est une politique de délestage. Maintenant, de plus en plus, les utilisateurs du Saint-Laurent et des Grands Lacs vont payer pour le déglaçage, le dragage et l'aide au pilotage. Donc, ce n'est pas une politique beaucoup d'avenir.

Depuis ce temps, depuis un an, j'ai travaillé à élaborer une première politique, une vraie politique de transport maritime et fluvial pour le gouvernement du Québec. Dans ce cadre-là, l'été dernier, le gouvernement du Québec a acquis, par négociation, du gouvernement fédéral, 10 quais de traverse pour une somme de 36,3 millions, et c'est dans ce même cadre de négociation et pour mettre en application notre politique de transport maritime et fluvial du gouvernement du Québec, pour aider à supporter les régions, que nous voulons acquérir le port de Gaspé sur la même base de critères qui couvre les coûts d'opération et de réfection des quais pour les 25 prochaines années.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: M. le Président, est-ce que le ministre est en mesure d'informer les gens de la Corporation portuaire dans quel échéancier se négociera la cession des ports stratégiques?

Le Président: M. le ministre.

M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, notre volonté est de procéder rapidement, et une négociation, elle se fait à deux. Nous avons déjà fait connaître au ministre, M. Collenette, notre intention de négocier. Déjà, notre sous-ministre a téléphoné à son homologue pour fixer une première rencontre. Et, juste pour donner un aperçu, l'an passé, le transfert des 10 quais de traverse, ça a pris environ un mois et demi, deux mois au maximum avant de signer l'entente. Donc, c'est très rapide.

Des voix: Bravo!

n(14 h 50)n

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Saint-Laurent.

Mesures pour assurer la sécurité
des procureurs de la couronne

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Oui, M. le Président, les procureurs de la couronne craignent pour leur sécurité et dénoncent l'insensibilité et l'inaction du gouvernement face à leur situation. Certains, même, menacent de ne pas occuper dans les dossiers qui les opposent au crime organisé dès demain. Le gouvernement peut choisir de penser qu'il s'agit de moyens de pression, mais il y a là une réalité brutale que le gouvernement ne doit pas ignorer. Ainsi, au cours des dernières semaines, un procureur de la couronne a fait l'objet d'une introduction par effraction à sa résidence; il occupe contre le crime organisé, et un rapport de police a été rédigé. Une autre procureur de la couronne a vu son auto être vandalisée dans son entrée de garage. Elle occupe contre le crime organisé, et un rapport de police a été rédigé. Une autre procureure de la couronne qui occupe dans le réseau, pas contre le crime organisé, est harcelée constamment par un détenu d'une prison provinciale. La police a été avisée. Un autre procureur de la couronne qui oeuvre dans le réseau, qui n'oeuvre pas contre le crime organisé, a fait l'objet de menaces de mort, et la police a été avisée.

Quand le ministre de la Sécurité publique va-t-il prendre au sérieux la question de la sécurité des procureurs de la couronne? Et a-t-il déjà oublié les Daniel Desrochers, les Michel Auger, les Francis Laforêt, les policiers dont on obtient les adresses personnelles? On fait affaire contre des criminels, quand va-t-il y avoir des mesures de sécurité de prises pour les procureurs de la couronne, pour tous les procureurs de la couronne?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, il y a déjà une semaine, les procureurs de la couronne ont manifesté le besoin de recevoir certaines mesures de sécurité. Nous avons, par le biais du sous-ministre aux affaires pénales et criminelles, demandé justement quel type de mesures voulait-on qu'on prenne afin d'assurer, dans les cas où ça se présentait, des mesures pour les protéger. Effectivement, ils nous ont fait savoir aujourd'hui trois types de mesures, dont des téléphones cellulaires, l'installation de systèmes de protection dans leur résidence, et un troisième que, pour des fins de sécurité, je n'énoncerai pas ici, mais qui leur ont été accordés dans les trois cas, M. le Président. Alors, nous avons entendu ce qu'ils avaient à dire et nous avons accordé ce qu'ils nous ont demandé par écrit en ce jour.

Le Président: En question principale, M. le député de Richmond.

Modification du Code de la construction
pour assouplir la norme relative à l'amiante

M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui, M. le Président. En cette Semaine des mines, les travailleurs de l'amiante des régions de Thetford Mines et d'Asbestos ont eu l'occasion, ce matin, de souligner de façon particulière l'inertie du gouvernement dans ce dossier. On se souviendra qu'en novembre dernier nous avons demandé en cette Chambre au gouvernement de cesser les pratiques arbitraires qui ont actuellement cours sur les chantiers de construction pour l'enlèvement de l'amiante. La norme québécoise, est-il nécessaire de le rappeler, est tellement sévère qu'aucun instrument ne peut la mesurer, soit 10 fois plus sévère qu'au Japon et aux États-Unis.

M. le Président, est-ce que le ministre est en mesure de nous indiquer quand il a l'intention de modifier le Code de la construction afin de donner suite aux représentations qui sont faites par l'ensemble des travailleurs et travailleuses de ce secteur minier au Québec présentement?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je dois dire tout d'abord que les remarques du député de Richmond en cette matière étaient tout à fait pertinentes et qu'à partir de là nous avons entrepris des échanges et des discussions avec le ministère du Travail, mais ça implique également la Commission de la santé et de la sécurité pour voir s'il n'y a pas lieu d'apporter certaines modifications réglementaires pour ? je pense avec raison ? faire preuve d'un peu plus de cohérence en matière d'utilisation de l'amiante, puisque, on le sait, on a organisé beaucoup de missions à l'étranger pour inciter un certain nombre d'États non pas à bannir l'amiante, mais à adopter une politique d'utilisation sécuritaire de l'amiante. C'est ce qu'on fait ici chez nous et c'est ce qu'on veut qu'ailleurs on fasse également. Évidemment, en cette matière, il faut être cohérent puis il faut que nos règlements, notre réglementation, notre législation, nos politiques puissent encourager, ou soutenir, ou appuyer cette utilisation sécuritaire de l'amiante.

Le Président: M. le député.

M. Yvon Vallières

M. Vallières: M. le Président, peut-être que le ministre responsable du Code de la construction pourrait ajouter à ce que vient de dire le ministre des Ressources naturelles, mais est-ce que le ministre responsable de l'application du Code de la construction ne peut pas convenir avec nous aujourd'hui que la négligence puis le traînage de pieds dans ce dossier-là conduisent beaucoup d'intervenants au dossier à croire que le gouvernement aurait décidé sur une base plutôt hypocrite de bannir l'amiante du territoire québécois? Alors, si tel n'était pas le cas, est-ce qu'on peut s'attendre très rapidement... et quand une modification à cette norme qui est décriée par tout le monde dans le secteur de l'amiante actuellement, au Québec?

Le Président: M. ministre d'État au Travail, à l'Emploi et à la Solidarité sociale.

M. Jean Rochon

M. Rochon: Oui, M. le Président, d'abord, je voudrais réitérer ce que mon collègue vient de dire quant au sérieux de la question. On sait que la question de l'amiante est avec nous depuis longtemps, qu'il y a eu des incidences économiques à cette question mais surtout des incidences sur la santé.

Il y a, avec la CSST, un groupe de travail, qui a été mis sur pied, qui est à la fin de ses travaux, et les informations que j'ai sont à l'effet que le rapport de ce comité qui a travaillé avec l'Institut de l'amiante et avec les parties qui sont impliquées dans la question devra faire rapport vers la mi-mai. Alors, on sera en mesure à ce moment-là d'avoir plus d'informations et d'être capable de prendre les actions nécessaires, M. le Président.

Le Président: Alors, cet échange met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Nous allons aller immédiatement aujourd'hui aux motions sans préavis. M. le leader du gouvernement, d'abord.

Substituer les noms de certains ministres
comme parrains de projets de loi

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion afin de substituer les noms de certains et certaines ministres comme parrains ou marraines des projets de loi énumérés ci-dessous au nom des ministres auparavant ainsi désignés et afin de modifier le titre de l'auteur de deux projets de loi. Ainsi:

«Que le nom de M. Maxime Arseneau soit substitué à celui de M. Rémy Trudel à titre de parrain du projet de loi n° 184, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et d'autres dispositions législatives, et du projet de loi n° 154, Loi modifiant la Loi sur le mérite agricole, la Loi sur le mérite de la restauration et la Loi sur le mérite du pêcheur; et

«Que le nom de M. Paul Bégin soit substitué à celui de Mme Linda Goupil à titre de parrain du projet de loi n° 180, Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la divulgation de renseignements confidentiels en vue d'assurer la protection des personnes; du projet de loi n° 169, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives concernant l'exercice des activités professionnelles au sein d'une société, et du projet de loi n° 177, Loi sur les géologues;

«Que le nom de M. André Boisclair soit substitué à celui de M. Paul Bégin à titre de parrain du projet de loi n° 149, Loi sur les réserves naturelles en milieu privé; et

«Que le nom de M. Joseph Facal soit substitué à celui de M. Sylvain Simard à titre de parrain du projet de loi n° 122, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives;

«Que le nom de Mme Linda Goupil soit substitué à celui de Mme Pauline Marois à titre de marraine du projet de loi n° 140, Loi sur l'assurance parentale;

«Que le nom de M. Guy Julien soit substitué à celui de M. Paul Bégin à titre de parrain du projet de loi n° 175, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, et du projet de loi n° 138, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives;

«Que le nom de Mme Diane Lemieux soit substitué à celui de Mme Agnès Maltais à titre de marraine du projet de loi n° 160, Loi concernant la Bibliothèque nationale du Québec et modifiant diverses dispositions législatives;

«Que le nom de Mme Diane Lemieux soit substitué à celui de M. David Cliche à titre de marraine du projet de loi n° 161, Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information;

«Que le nom de Mme Agnès Maltais soit substitué à celui de M. Gilles Baril à titre de marraine du projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse;

«Que le nom de M. Rémy Trudel soit substitué à celui de Mme Pauline Marois à titre de parrain du projet de loi n° 165, Loi modifiant la Loi concernant le mandat des administrateurs de certains établissements publics de santé et de services sociaux; «Que le nom de M. Sylvain Simard soit substitué à celui de M. Jacques Léonard à titre de parrain du projet de loi n° 159, Loi sur le régime de retraite du personnel d'encadrement;

«Que le titre de l'auteure du projet de loi n° 161, Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, soit la ministre responsable de l'Autoroute de l'information;

«Que le titre de l'auteur du projet de loi n° 159, Loi sur le régime de retraite du personnel d'encadrement, soit le ministre responsable de l'Administration et de la Fonction publique et président du Conseil du trésor.»

Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Elle est adoptée. Alors, une autre motion sans préavis, celle-ci, conjointement présentée par le ministre de l'Environnement et le député d'Orford. Alors, M. le ministre de l'Environnement.

Demander au gouvernement fédéral de réitérer
son engagement à respecter le Protocole
de Kyoto et à en favoriser la ratification
par le plus grand nombre possible d'États

M. Boisclair: Oui, M. le Président. Alors, conjointement avec le député d'Orford, je sollicite le consentement de débattre de la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement fédéral de réitérer son engagement à respecter les objectifs de réduction de gaz à effet de serre prévus par le Protocole de Kyoto sur les changements climatiques et l'invite à participer activement aux efforts actuels visant à réclamer des négociations afin que le plus grand nombre possible d'États ratifient ce protocole.»

Le Président: Il y a consentement pour débattre de la motion? Est-ce que je dois comprendre qu'il y a une intervention de chaque côté? Allons-y. M. le ministre.

M. Boisclair: Oui, un de chaque côté.

n(15 heures)n

Le Président: Un de chaque côté, ça va? Alors, M. le ministre d'abord.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui, M. le Président. La mise en oeuvre du protocole de Kyoto sur les changements climatiques est sérieusement compromise par la volte-face récente de la nouvelle administration américaine, qui déclarait ne plus vouloir s'engager à respecter les objectifs de réduction de gaz à effet de serre prévus par le protocole. La responsable de l'Agence américaine de protection environnementale, Mme Christine Whitman, a été on ne peut plus claire sur la nouvelle américaine, et je la cite: «Nous n'avons aucun intérêt à mettre en application ce traité.» En réaction à la volte-face américaine, le gouvernement canadien, plutôt que d'en appeler à l'importance que le protocole de Kyoto soit mis en oeuvre le plus rapidement possible, ne cesse de tergiverser et d'envoyer des signaux contradictoires quant à sa position réelle. Après avoir d'abord déclaré qu'il fallait attendre de voir ce que feraient les États-Unis, le ministre fédéral de l'Environnement s'est ensuite porté à leur défense pour s'en prendre plutôt à l'Union européenne à la sortie de la réunion des ministres de l'Environnement des Amériques qui a eu lieu à Montréal. Le ministre canadien, se réfugiant derrière le prétexte de sa neutralité comme président, a refusé d'adhérer à la déclaration commune des pays d'Amérique latine et des Antilles, réitérant essentiellement leur engagement à respecter et à mettre en oeuvre le protocole de Kyoto sur les changements climatiques.

Le gouvernement du Québec demande au gouvernement canadien de cesser de souffler le chaud et le froid dans ce dossier. Le gouvernement fédéral doit réaffirmer haut et fort sa volonté de respecter les engagements de réduction de gaz à effet de serre qu'il a pris en signant le protocole de Kyoto sur les changements climatiques. Le gouvernement fédéral doit aussi participer activement aux efforts actuels de relance du processus de négociation sur la mise en oeuvre du protocole de Kyoto sur les changements climatiques plutôt que d'attendre de voir ce que feront les Américains. Le Québec estime que l'on doit continuer de privilégier une approche équilibrée eu égard aux divers instruments reliés à la mise en oeuvre du protocole de Kyoto, comme les transferts technologiques, les puits de carbone et les mécanismes de flexibilité. À cet égard, les puits de carbone ne doivent pas être l'unique réponse au défi posé par le protocole. De plus, M. le Président, il faut que la réduction des gaz à effet de serre soit réalisée majoritairement sur le territoire même des États signataires.

Ainsi, comme gage concret, le gouvernement du Québec demande au gouvernement fédéral de ratifier le protocole. Le gouvernement du Québec demande aussi de mettre en oeuvre les mesures que le gouvernement fédéral s'est engagé à réaliser dans le cadre de son premier plan d'action pancanadien sur les changements climatiques.

M. le Président, de son côté, le Québec entend assumer le leadership qu'il a démontré dans ce dossier au Canada depuis son adhésion, en 1992, à l'objectif et au principe de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Le Québec entend mettre en oeuvre son propre plan d'action sur les changements climatiques, rendu public l'automne dernier, comportant 37 mesures. Le Québec entend favoriser avec ses partenaires le développement de la recherche sur les causes des effets des technologies permettant la réduction de gaz à effet de serre. À cet effet, il examinera la pertinence de mettre en oeuvre un lieu de recherche sur ces questions.

En somme, M. le Président, le gouvernement fédéral doit se ressaisir. Déjà, un membre éminent de la Chambre des communes, ancien ministre de l'Environnement du Québec, M. Clifford Lincoln, s'exprimait en ces termes: «On a perdu du terrain, on a perdu notre crédibilité internationale concernant les traités sur la biodiversité et la désertification. Nous n'avons pas pris la place que nous devons prendre», a dit M. Lincoln. En geste de bonne foi, le gouvernement fédéral devrait ratifier ce protocole, le gouvernement fédéral devrait mettre en oeuvre les mesures de son plan d'action. Le Québec continuera sur ce dossier à donner le ton. Je vous remercie.

Le Président: Alors, M. le chef de l'opposition officielle, sur la motion.

M. Charest: Oui, c'est juste sur une question de règlement, sur l'article 213. Puisque c'est une intervention, je n'avais pas prévu poser une question, mais je voudrais demander...

Le Président: Je m'excuse, M. le chef de l'opposition, pas à une motion de cette nature. Je pense que l'article 213 ne s'applique pas. Mais, s'il y a consentement par ailleurs, je pense que, comme chef de l'opposition, vous pourriez... M. leader du gouvernement?

M. Brassard: ...

Le Président: Alors, il y a consentement. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: Merci. Puis c'est une question technique mais quand même importante, compte tenu de l'importance de la forêt puis de l'énergie pour le Québec. J'aimerais connaître la position du gouvernement du Québec sur la reconnaissance dans les ententes sur les gaz à effet de serre, que ce soit Kyoto, peu importe la façon dont ça évoluera, sur justement le crédit que recevraient le Québec, le Canada pour les puits de carbone. Une question très importante pour l'aménagement de la forêt, pour l'énergie.

Est-ce que vous pourriez, M. le ministre, nous éclairer là-dessus? Merci, M. le Président.

M. Boisclair: M. le Président, le gouvernement du Québec continue à privilégier une approche équilibrée en ces matières, et ? je l'ai dit très clairement dans mon propos tout à l'heure ? la question des puits de carbone ne saurait être l'unique réponse au défi posé par le protocole de Kyoto. Ça fait partie de la réponse, mais ce n'est pas l'unique réponse. Et je tiens à rappeler aussi qu'il est clair dans l'esprit du gouvernement du Québec que la majorité des efforts de réduction doivent être faits sur le territoire national.

Le Président: Alors, avant de donner la parole au député d'Orford, je voudrais m'excuser auprès du chef de l'opposition officielle, puisqu'il semble que l'interprétation que j'avais donnée de l'article 213 n'était pas exacte et que vous auriez pu intervenir en vertu de cet article sans le consentement. Alors, je voulais simplement m'excuser auprès du chef de l'opposition.

M. le député d'Orford, sur la motion.

M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Le président américain, M. George W. Bush, il y a quelques jours, a décidé d'abandonner le traité de Kyoto signé en 1997 par plus de 160 nations. Il est malheureux que notre voisin, qui a 4 % de la population mondiale, mais qui produit 25 % des gaz à effet de serre, ait décidé d'abandonner le traité de Kyoto, qui avait pris neuf années de dures négociations internationales, dont, d'ailleurs, le ministre de l'Environnement du Canada de l'époque, M. Jean Charest, avait été un acteur important, accompagné des gens du Québec, au Sommet de Rio.

Il est de notre devoir de citoyens libres et réfléchis d'ajouter notre voix d'abord pour notre santé et celle de nos descendants, mais aussi pour que les grands équilibres environnementaux des océans, des animaux, des plantes, des forêts, des glaciers soient entendus. Les 7 millions de Québécois et Québécoises, de Mercier ou d'ailleurs, unissent leurs voix bien humblement, mais avec conviction, à celle des plus grands leaders de notre temps, soit le chancelier Gerhard Schröder de l'Allemagne, M. Jacques Chirac, président de la France, qui a demandé à tous les pays de continuer leurs efforts. Les Québécois unissent aussi leur voix au ministre des Affaires extérieures de la Chine qui trouve irresponsable le comportement américain, à celle de l'ex-président des États-Unis, M. Jimmy Carter, grand humaniste et religieux, à celle de Mikhaïl Gorbatchev, fondateur de la Russie moderne.

Le réchauffement de la planète n'est pas le fantasme d'un écologiste en mal de polémique. Les experts internationaux sont formels: la planète réchauffe et ce réchauffement apportera une série de phénomènes que prévoient les scientifiques pour les années à venir, phénomènes pour le moins inquiétants. La chaleur fait gonfler les océans, fondre les glaciers. De plus en plus, de violentes tempêtes de pluie telles qu'au Saguenay. Les déserts seront soumis à davantage d'assèchement. Des vents de force inhabituelle causent chablis, inondations, dommages à la propriété.

Comme les grands influenceurs de la planète qui sont préoccupés au plus haut point par le réchauffement de la planète, eh bien, les citoyens du continent nord-américain, dans un sondage tout récent mené par le Times et CNN, disaient: «75 % of those surveyed considered global warming as a very serious problem.» Je me permets de rappeler au ministre actuel de l'Environnement, le quatrième en six ans, que j'aurai le plaisir de travailler avec, de ne pas faire ce que ses prédécesseurs ont fait: claquer la porte à Vancouver et à Régina et laisser la chaise vide alors que l'on parlait du Protocole de Kyoto avec les autres Canadiens.

Je finirai en rappelant que, grâce à des décisions prises au début des années soixante avec l'équipe de Jean Lesage et plus tard avec l'équipe de Robert Bourassa, grâce à son hydroélectricité, le Québec peut donner l'exemple, le Québec doit donner l'exemple, le Québec devra donner l'exemple par des transports en commun mieux organisés, par une gestion plus écologique de nos forêts, par une revalorisation de la grappe en environnement, industrie qui a perdu du terrain alors que l'avenir passe par des technologies plus propres.

M. le Président, nous ne devrons pas baisser les bras, nous ne devons pas lancer la serviette. Au contraire, convaincus, nous nous devrons de résister, de redire: Nous, Québécois, nous, Canadiens, nous nous attendons à de plus grands efforts de la part de nos gouvernements. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Mise aux voix

Le Président: Alors, je comprends que cette motion est adoptée à l'unanimité. C'est bien ça. Maintenant, une autre motion. M. le député de Vaudreuil.

Hommage à M. Pierre De Celles et
condoléances à sa famille

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, je demande la permission de cette Chambre pour présenter la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale exprime ses sympathies à la famille de M. Pierre De Celles, président du conseil d'administration et directeur général de l'École nationale d'administration publique, décédé le 6 avril dernier, tout en soulignant l'incontournable contribution de celui-ci dans le monde universitaire québécois.»

n(15 h 10)n

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député de Vaudreuil.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, c'est avec beaucoup de regret que nous avons tous appris que M. Pierre De Celles, président du conseil d'administration et directeur général de l'École nationale d'administration publique, nous a quittés, beaucoup trop rapidement, le 6 avril dernier.

Pierre De Celles était un universitaire de carrière qui a apporté une contribution remarquable au monde de l'éducation et au milieu de l'administration publique. Diplômé en mathématiques et en sciences de l'éducation, il commença sa carrière d'abord comme professeur à l'université, pour ensuite occuper des postes de haute direction à l'Université du Québec à Trois-Rivières et au siège social de l'Université du Québec. Il s'est ensuite joint à l'Université Laval, où il a occupé la fonction de vice-recteur aux affaires professorales et étudiantes et de vice-recteur exécutif. En 1989, le gouvernement du Québec le nommait directeur général de l'École nationale d'administration publique, dont il présidait également le conseil d'administration, et il a vu son mandat renouvelé à deux reprises.

C'était un homme de vision, qui exerçait un leadership d'influence. Il gagnait rapidement le respect et la confiance de ses collègues, de ses collaborateurs et de son entourage. Il a marqué le développement et l'avenir des institutions au sein desquelles il a oeuvré. Universitaire dans l'âme, Pierre De Celles nous lègue une liste impressionnante de recherches, de conférences et de publications, notamment dans le domaine de l'administration publique.

M. le Président, j'ai eu le grand privilège de connaître personnellement Pierre De Celles. C'est un homme toujours respectueux de l'opinion des autres, très tolérant et nuancé, quelqu'un qui cherchait toujours à trouver les aspects positifs d'une situation ou d'un dossier. En plus d'être un universitaire de grand calibre, il était un homme de coeur, intensément humain, pour qui les valeurs familiales et les valeurs d'amitié étaient très importantes. D'ailleurs, c'est certainement quelqu'un qui aurait bien aimé voir grandir son petit-fils, son premier petit-fils, né quelques jours avant son décès. Tous ceux et celles qui l'ont côtoyé ont toujours trouvé chez lui un accueil chaleureux et ont toujours également pu bénéficier d'un sens de l'humour très profond.

Au nom de l'opposition officielle et avec l'appui de tous les autres collègues de cette Chambre, je veux exprimer à l'épouse de M. Pierre De Celles, Mme Andrée Boisseau, ainsi qu'à son fils Carl-Frédéric et sa fille Annik, ainsi qu'à tous les autres membres de sa famille nos plus sincères condoléances et leur dire que nous partageons leur chagrin et leur tristesse. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, c'est avec beaucoup d'émotion que j'ai appris la semaine dernière le décès de M. Pierre De Celles. C'est avec beaucoup d'émotion donc que je m'adresse ici, à cette Assemblée, pour souligner son apport inestimable au monde de l'éducation, surtout au niveau de l'enseignement supérieur au Québec. On parle d'émotion parce qu'il fallait connaître... et j'ai eu le privilège de rencontrer à quelques reprises Pierre De Celles, pour comprendre toute la facilité avec laquelle il établissait des contacts avec les autres. C'était un homme sympathique.

En plus de ses qualités d'administrateur, qui étaient reconnues, il a oeuvré à plusieurs endroits dans le monde universitaire, d'abord comme professeur. Ça a été sûrement un des plus grands mathématiciens au Québec. Il a été ensuite directeur de département et ensuite vice-recteur à l'Université du Québec, à l'Université Laval. Et, depuis environ une dizaine d'années, il était maintenant président et directeur général de l'ENAP, pour faire de l'ENAP la plus grande école nationale d'administration publique dans les pays francophones. Donc, M. De Celles a toujours travaillé avec passion, de façon infatigable, infatigable au succès des universitaires québécois, au rayonnement de l'enseignement supérieur.

Et, M. le Président, M. De Celles a mené aussi, au cours des dernières semaines, avec beaucoup de dignité, un combat contre une maladie évidemment qui ne pardonne souvent pas. J'ai eu l'occasion, il y a quelques semaines, d'aller à l'École nationale d'administration publique pour signer, malheureusement en son absence, le contrat de performance avec l'ENAP, et il fallait voir la mine de ses collègues pour comprendre la gravité de sa maladie, mais aussi toute la gratitude qu'ils et elles avaient à son égard. Donc, je pense que l'enseignement supérieur québécois et tout le Québec ont perdu un homme de grande valeur, et je suis convaincu que son travail saura continuer à nous inspirer pour l'avenir dans nos universités.

Donc, je tiens, moi aussi, au nom de tous les députés du Parti québécois, à offrir nos condoléances à toute la famille et à ses proches. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président: Bien. Alors, je comprends que cette motion est aussi adoptée à l'unanimité. Maintenant, est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous allons maintenant aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je voudrais aviser cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra les consultations particulières concernant le document de consultation ministérielle sur l'organisation policière au Québec, Vers une nouvelle carte policière, aujourd'hui, de 15 h 30 à 17 h 45, ainsi que le mercredi 11 avril 2001, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et

Que, conformément à l'article 275 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission des finances publiques poursuivra le débat sur le discours du budget, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, ainsi que le mercredi 11 avril 2001, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Les avis sont déposés. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'éducation se réunira en séance de travail demain, le mercredi 11 avril 2001, à compter de 9 h 15, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de planifier les travaux de la commission.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Alors, ceci met fin à la période des affaires courantes.

Affaires du jour

Nous allons passer maintenant aux affaires du jour. Oui. Alors, M. le premier ministre.

Motion conjointe sur la Zone
de libre-échange des Amériques

M. Landry: ...de vous présenter, M. le Président, conjointement avec le député de Sherbrooke et le député de Rivière-du-Loup, la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale, dans la foulée du rapport unanime de la commission des institutions intitulé Le Québec et la Zone de libre-échange des Amériques: Effets politiques et socioéconomiques, affirme que l'ouverture des marchés des Amériques constitue un potentiel majeur pour l'économie du Québec, que le processus de négociation de cette Zone doit être transparent et démocratique et qu'un éventuel traité de libre-échange des Amériques devra respecter nos compétences constitutionnelles, nos valeurs sociales et notre identité collective.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce qu'il y a consentement pour déroger aux articles 53 et 87 du règlement? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, la motion, compte tenu qu'elle a fait l'objet de discussions entre les différentes formations politiques et leur chef et leur caucus respectif, ne pose pas de problème en soi. Toutefois, jeudi, à l'occasion de la période Renseignements sur les travaux de la Chambre, j'avais pris l'initiative d'intervenir pour rappeler à la présidence les dispositions de l'article 1 du règlement de l'Assemblée nationale qui se lit comme suit et qui est très simple: «Le président de l'Assemblée nationale dirige les séances de l'Assemblée, administre ses services et la représente, notamment dans ses rapports avec d'autres Parlements.»

Le leader du gouvernement était intervenu à ce moment-là dans le même sens, et la présidence de l'Assemblée nationale nous avait, à tous, un peu donné raison. Je cite le président Charbonneau qui occupait le fauteuil à ce moment-là: «Je peux vous assurer que j'irai aussi loin que l'Assemblée le voudra, tout en respectant finalement les balises que les membres de l'Assemblée, de toute façon, imposeront.»

M. le Président, à la surprise d'à peu près tous les parlementaires, au cours de la fin de semaine, le président de l'Assemblée nationale a émis des commentaires qui ont été diffusés dans les médias électroniques et également repris dans la presse écrite au cours de la fin de semaine. Le président de l'Assemblée nationale a endossé la politique de la ministre aux Relations internationales sans que l'Assemblée nationale n'y consente. Le président de l'Assemblée nationale a émis des commentaires sur la traduction de textes sans que l'Assemblée nationale ne soit au préalable saisie de cette question. Le président de l'Assemblée nationale s'est dit favorable à la tenue d'un référendum sur la future Zone de libre-échange des Amériques sans que la question ne soit soumise à l'Assemblée nationale du Québec.

n(15 h 20)n

M. le Président, vous connaissez la doctrine et la jurisprudence en la matière. C'est peut-être Geoffrion qui la résume le mieux. Il reprend Mays, il reprend Beauchesne quant au rôle de la présidence sur la scène internationale. Il est...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, je vous demanderais un peu d'ordre. Vous pouvez poursuivre, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Beauchesne s'exprime ainsi: «Le rôle du président est de porter la parole au nom de l'Assemblée nationale et conformément aux voeux de l'Assemblée nationale du Québec.» Ça n'a pas été suivi, encore une fois, par la présidence de l'Assemblée nationale, au cours de la fin de semaine.

À ce moment-ci, M. le Président, nous avons besoin, de la présidence de l'Assemblée nationale, d'un engagement ferme que les engagements qui ont été pris par la présidence de l'Assemblée nationale, à l'occasion de la journée de jeudi dernier, à l'Assemblée nationale, seront scrupuleusement suivis et respectés, dans le plus grand respect de tous les membres de l'Assemblée nationale.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du gouvernement, je vous écoute.

M. Brassard: M. le Président, évidemment, le leader de l'opposition vient d'exprimer son interprétation des faits et des déclarations de la présidence, au cours de la fin de semaine, sur le sujet concernant le Sommet des Amériques.

Bon, écoutez, moi, je ne voudrais pas accabler le président ou la présidence à cet égard. Mais, quant à faire en sorte...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je ne veux pas qu'on accable le président actuel de l'Assemblée.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je vous demanderais de l'ordre sur les deux côtés, MM. les députés. Si vous voulez poursuivre.

M. Brassard: Tout simplement pour dire que je conviens cependant avec le leader de l'opposition que, le président de l'Assemblée, lorsqu'il fait des déclarations, je pense qu'il est tout à fait normal, que ça va de soi que ses déclarations puissent être en mesure de s'appuyer sur des positions via des motions ou des résolutions dûment adoptées par l'Assemblée nationale. Évidemment, si la motion conjointe des trois chefs de partis est adoptée unanimement, bon, bien, alors là, le président pourra s'appuyer sur cette motion pour faire des interventions ou des déclarations.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, moi, là-dessus, je vous ai écoutés des deux côtés. Mais j'aurais préféré évidemment que ces remarques aient été apportées lorsque le président de l'Assemblée nationale était au fauteuil. Alors, il a bien entendu, par le biais de l'enregistrement des débats, et je souhaite que le président de l'Assemblée nationale vous donne une réponse demain sur les interventions que vous avez apportées au niveau des renseignements des travaux. Alors, je ne pourrai pas répondre pour lui actuellement. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, comme la présidence a déjà rendu une décision qui s'apparentait à celle de la sainte Trinité lorsqu'il y avait trois présidents de l'Assemblée nationale, l'engagement de la présidence qui occupe la fauteuil nous satisfait pleinement si cet engagement-là est pris au nom de l'ensemble de la présidence.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, des fois, c'est facile de faire partie de la sainte Trinité; c'est un peu plus difficile dans d'autres circonstances.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je souhaite que le président de l'Assemblée nationale qui, sûrement, va relire les galées et la transcription des débats que nous avons actuellement... Et je suis certain qu'il pourra répondre à vos questions demain, et je le fais au nom de la sainte Trinité.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, il ne faut jamais oublier que, dans la doctrine de la sainte Trinité selon saint Thomas, il y a trois personnes, en un seul Dieu, cependant, mais il y a trois personnes bien distinctes.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...que nous sommes dans la Semaine sainte.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: M. le Président, relativement à la motion conjointe des trois chefs de partis, je voudrais vous faire part également d'une entente intervenue, à l'effet que le chef de l'opposition et le chef du gouvernement ont droit à 30 minutes, et que le député de Rivière-du-Loup pourrait disposer d'une dizaine de minutes.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Il y a consentement sur les temps de parole? Alors, consentement. Il y a consentement pour débattre de cette motion? Consentement. Je reconnais M. le premier ministre. M. le premier ministre, la parole est à vous.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, comme je l'ai indiqué dans la présentation de la motion, elle ne vient pas du gouvernement, elle vient de toutes les forces politiques représentées dans cette Chambre. Et c'est à l'honneur du Québec que cette motion, sa formulation, ce qu'elle recouvre, soit consensuelle dans notre Assemblée. En effet, sur le fond des choses, le Québec est libre-échangiste. Le Québec n'est pas en faveur des entraves à la liberté du commerce, à la libre circulation des biens et services, des capitaux et éventuellement des personnes. C'est dans la nature des choses, c'est dans nos traditions. Nous avons un très vaste territoire, des richesses naturelles très abondantes et surabondantes pour l'usage des 7,5 millions de personnes que nous sommes à habiter ce territoire. Alors, dans ces conditions, pour des raisons même purement matérielles et matérialistes, il est évident que, quand on a trop pour sa propre consommation, on ne peut pas être pour les frontières et pour le protectionnisme.

Mais avec les années, au fur et à mesure où la structure économique du Québec se modifiait, cette attitude est devenue encore plus nécessaire dans notre intérêt et pour notre développement. Mais, je l'ai bien dit, l'ouverture du Québec est presque intrinsèque et elle est en tout cas tout à fait traditionnelle. En effet, Wilfrid Laurier, premier ministre du Canada, a proposé à la population l'ouverture des frontières avec les États-Unis d'Amérique dès 1911. Il a malheureusement été défait. S'il avait gagné, nous aurions profité d'une forme déjà avancée de libre-échange déjà à la Première Guerre mondiale. Alors, malheureusement, ce n'est pas arrivé. Un autre accident nous a empêchés de continuer l'ouverture: c'est 1945. En 1945, avec l'appui des syndicats ouvriers d'ailleurs, les gouvernements américain et canadien, au niveau des fonctions publiques, avaient convenu d'ouvrir les frontières un peu comme l'Europe s'apprêtait à le faire... L'Europe l'a fait en 1957.

Le premier ministre du temps, Mackenzie King, pour des raisons mal expliquées, n'a pas accepté de faire ce geste. Il a donc fallu, 1989, et j'ai eu l'occasion de le dire en présence de Brian Mulroney il y a quelque temps, lors d'une conférence internationale, il y a deux Québécois qui ont mis de l'avant le libre-échange, deux Québécois qui ont été premiers ministres du Canada. Un seul a réussi, Brian Mulroney, puisque le Québec a massivement appuyé, on s'en souvient, les Conservateurs à cette époque. Et notre formation politique a pris position pour le libre-échange, comme le Parti libéral de Robert Bourassa dans le temps. Comme j'étais moins occupé aux travaux de cette Chambre, puisque la politique avait pris congé de moi pour quelques années, j'ai pu consacrer quelques années à écrire un volume, comme chacun sait, et faire des centaines et des centaines de conférences au Canada, comme au Québec, comme aux États-Unis, sur la question. Et nous avons amorcé en Amérique du Nord, par ce premier traité bilatéral, un mouvement d'intégration dont tout le monde se réjouit aujourd'hui, bien entendu. Ce premier traité, on peut l'affirmer sans crainte, a été la condition nécessaire du deuxième, qui a inclus le Mexique et qui s'est appelé l'ALENA.

n(15 h 30)n

À peu près à la même époque, dans l'autre partie du continent, le grand Brésil et son moyen voisin l'Argentine, et deux pays plus petits, Uruguay et Paraguay, ont constitué le Mercosur. Alors, on est déjà au deuxième noyau d'intégration continentale en voie de se réaliser, plus, ne l'oublions pas, une population importante regroupée dans une myriade de pays et d'îles qui habite les Caraïbes et qui a aussi un procédé d'intégration en cours qui s'appelle CARICOM.

Tout ce que je viens de dire là, à première vue, est très positif. Tout le monde a applaudi la formation du Mercosur, tout le monde est d'accord avec l'ALENA et tout le monde est d'accord que les pays de la Caraïbe s'entendent et aient une solidarité économique poussée. Comment se fait-il alors que, à quelques jours du Sommet de Québec, on érige des barrières dans les rues, on déploie un dispositif policier considérable et qu'on redoute que les travaux soient perturbés par bien des personnes qui n'ont pas toutes tort? Ceux qui veulent perturber de façon violente la rencontre, évidemment, ont fondamentalement tort; ce n'est pas une attitude démocratique. Mais pourquoi a-t-on vu de tels mouvements contre ce qu'on appelle la globalisation, la mondialisation, soit à Seattle, soit à Prague, soit à Nice même, quand on a des réunions de la Communauté économique européenne?

Probablement parce que, sans mauvaise foi, les gouvernants n'ont pas vu venir un nouveau phénomène de notre temps qui tourne autour de la prise de conscience de la société civile, c'est-à-dire l'activité politique, la réflexion politique non gouvernementale et non parlementaire, ce qui n'est pas une mauvaise nouvelle. Si la société civile s'implique, ça veut dire que la démocratie est de plus en plus participative, de plus en plus d'hommes et de femmes se préoccupent de leur sort et de leurs intérêts. Et les gouvernements n'ont pas vu venir le phénomène et, encore une fois, sans jeter la pierre à quiconque, n'ont pas eu le niveau de transparence qui était requis par la nouvelle situation.

Moi, quand je vois des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises outrés de façon absolue, à l'encontre du libre-échange, ça me fait de la peine, parce que, en soi, être totalement opposé au libre-échange parce que les frontières sont ouvertes, c'est réactionnaire, M. le Président. Regardez d'ailleurs les chefs politiques progressistes d'Occident, on a encore eu Tony Blair qui est venu à Ottawa il y a quelques mois pour redire sa foi dans l'ouverture des frontières et la libre circulation des biens et des services dont l'Europe de l'ouest donne un exemple extraordinaire. Les socialistes français vont dire la même chose, les socialistes allemands vont dire la même chose. Alors, se prétendre progressiste et avancé et, en même temps, contester un des grands mouvements du progrès humain du dernier siècle, c'est paradoxal.

Ça ne sert à rien de dire: On les blâme de penser cela, il nous faut insister sur le fait qu'on aurait dû expliquer. Et les gouvernements auraient dû non seulement publier les documents nécessaires, mais, avant même d'amorcer le processus, devant ce nouveau phénomène, faire des campagnes d'information. Pas uniquement gouvernementales, les universitaires auraient dû s'en mêler, les centrales syndicales auraient dû s'en mêler. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas arrivé, et on est devant ce phénomène. Il faut prendre nos responsabilités, il faut expliquer le côté positif de cette globalisation et prendre nos responsabilités jusqu'au bout et en souligner les dangers et les périls, car il y en a. C'est en cela que ces jeunes gens et jeunes femmes qui vont envahir la ville de Québec, là, n'ont pas totalement tort; il y a des périls liés à la globalisation.

Si on veut remonter un peu et en faire la genèse, on va mieux les comprendre, les périls. D'abord, sur le plan théorique, là, c'est une vieille idée. C'est un économiste non pas anglais, comme certains disent, mais écossais qui s'appelait Adam Smith, qui, dans des dialogues célèbres avec un autre économiste, Ricardo, a bien démontré la spécialisation internationale du travail. Chaque nation fait les produits qu'elle sait le mieux faire, les vend à l'autre, puis les deux sont satisfaits. Et même, pour prendre l'objection de Ricardo, même ceux qui ne sont pas très habiles à faire quoi que ce soit, il y a toujours quelque chose qui n'intéresse pas les plus habiles, et ça permet aux pays les moins avancés de participer aussi aux échanges.

Cette théorie a mis du temps à devenir la pratique. L'Angleterre en a donné l'exemple avec des reculs de flamme, d'autres pays s'y sont essayés, mais c'est vraiment en 1945 que la théorie est devenue une pratique essentielle pour les pays de l'Europe de l'Ouest. On sait que les pays d'Europe de l'Ouest, qui sont parmi les plus avancés de la terre sur le plan culturel et à tous égards, se sont affrontés avec une extrême barbarie deux fois dans un demi-siècle, 1914-1918, 1939-1945.

Les penseurs allemands, italiens, français, belges, néerlandais, déjà, alors que la fumée des canons n'était pas dissipée, ont imaginé et compris que la façon d'avoir l'harmonie entre les peuples, tout en conservant leur souveraineté, c'était de cultiver les quatre libertés. Et on a vu l'intégration européenne qui est devenue un immense succès aujourd'hui, qui est même rendue à l'intégration monétaire avec l'euro, donner à la planète entière l'exemple de ce que veut dire le libre-échange et la libre circulation.

Sauf que, d'une façon réductrice, l'exemple européen n'a été pris que pour partie, la partie libre circulation des biens, des marchandises, des services. Mais déjà dans le traité de Rome, en 1957, on voit la vision extraordinaire qu'ont eue les six pays fondateurs du Marché commun; déjà, dans le traité de Rome, il y avait des provisions sociales, il y avait des provisions politiques pour éviter le fameux déficit démocratique, il y avait des prévisions politiques pour faire que les cultures et les langues ne soient pas menacées.

Il eût fallu, pour ne pas soulever tant de monde contre la globalisation, comprendre dès le début que les relations harmonieuses entre les peuples et dans des économies surtout de développement inégal ne peuvent pas être basées uniquement sur le matérialisme. La coopération internationale n'est pas que le fait de vendre des biens et des services ou d'investir dans l'espace économique du voisin. La vraie coopération internationale implique aussi des dimensions culturelles, des dimensions éducationnelles, des dimensions sociales, des dimensions environnementales.

Alors, de quoi ont peur ceux qui se dressent contre la globalisation? Ils ont peur que la démocratie se déplace des Parlements élus vers des forces transnationales, le plus souvent privées et extrêmement puissantes, qu'on appelle justement les compagnies multinationales ou transnationales. C'est un premier problème.

Le déficit démocratique. On a vu un bel exemple quand l'OCDE, qui est un club globalement de pays riches ? il y en a quelques moins avancés qui en font partie ? a mis de l'avant l'AMI, vous vous rappelez, l'Accord multilatéral sur l'investissement. Ça a soulevé un tollé incroyable parce qu'on aurait dit que ça sortait des conseils d'administration des grandes compagnies et que c'était pour organiser un vaste espace libre pour les grands animaux transnationaux. Alors, ça, c'est une inquiétude.

Une deuxième inquiétude aussi grave et qui découle de la première, parce qu'il n'y a pas vraiment de régulation de la mondialisation et, si c'est uniquement des forces privées et matérielles, on va déboucher sur le deuxième problème... Le deuxième problème, il est social. Dans les espaces économiques que l'on veut réunir, les trois Amériques, il y a des niveaux de développement très différents en termes économiques, en termes démocratiques, en termes sociaux.

n(15 h 40)n

Alors, en clair, pour prendre un exemple trivial, ce dont ont peur ces gens qui s'opposent à la globalisation telle qu'on la leur présente, c'est d'acheter, par exemple, des produits de consommation courante qui font leur affaire, disons une paire de chaussures de sport, très intéressante quant au rapport prix-qualité, qu'on achète pour apprendre six mois plus tard qu'elle a été fabriquée dans des conditions qui jouxtent l'esclavage dans un pays moins avancé. C'est une crainte véritable et cette crainte est à double détente, car, en effet, elle utilise, dans des conditions inacceptables socialement, une main-d'oeuvre mal traitée pour servir une clientèle bien traitée, mais pour déplacer les emplois de travailleurs, eux, bien traités, par des législations sociales avancées et des normes du travail élevées; donc, problème social potentiel très grave.

Problème environnemental du même type. On peut très bien ? on l'a vu ? acheter des produits intéressants venant de pays qui, n'ayant aucune législation de protection de l'environnement ou qui ne l'appliquent pas, produisent à des coûts très bas qui nous séduisent et à des niveaux de qualité acceptables, mais en détruisant des cours d'eau ou des forêts dans des endroits où la législation n'est pas suffisamment avancée.

Alors, moi, qui suis ? je l'ai dit à plusieurs reprises ? un fervent adepte de la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, je suis bien placé pour proclamer que j'ai les mêmes craintes que plusieurs face à la globalisation des marchés, particulièrement dans le contexte québécois. Et là je dois dire que j'aurais espéré ? en tout cas, le chef de l'opposition pourra s'en expliquer ? qu'il fasse comme les partis d'opposition à Ottawa qui ont affirmé que la présence du Québec, d'une manière ou d'une autre, à cette conférence, allait de soi, hein? M. Joe Clark l'a dit, M. Stockwell Day l'a dit, M. Gilles Duceppe l'a dit, Mme Alexa McDonough l'a dit, et je pense que c'est dans la nature des choses.

On vient dans notre capitale nationale qui est une des plus belles villes du monde, protégée, patrimoine mondial, etc., on y invite une quarantaine de nations et un peu plus dont la plupart sont moins importantes économiquement que le Québec et moins importantes même démographiquement, et le Québec n'y sera pas.

On reçoit les nations d'Amérique, mais on ne peut pas s'adresser aux nations d'Amérique. C'est un déficit démocratique, ça aussi, et c'est un autre danger de la mondialisation dont notre Assemblée doit se préoccuper. Je sais que l'opposition officielle ne partage pas nos vues sur cette question, mais je l'invite quand même à réfléchir.

Si on veut que la mondialisation soit civilisée, soit régulée et réglementée, il faudra confier des pouvoirs de souveraineté nationale à des instances transnationales. Il faudra que les pays renoncent à une partie de leur souveraineté, comme ça se fait en Europe. Mais, en Europe, il y a un fort niveau régional bien réglementé sur le plan de la démocratie et sans déficit démocratique.

Mais, dans la condition du Québec qui est une nation ? ça, c'est consensuel, tout le monde le sait ? là, ça va devenir extrêmement compliqué, parce que, des décisions qui vont toucher nos vies de tous les jours ne seront plus prises ici, à l'Assemblée nationale, comme ça doit être le cas, il y a un siècle. Elles ne seront pas prises à Ottawa non plus, parce que ça va être à des niveaux transnationaux, des tables où les nations souveraines iront s'asseoir pour régler ensemble les problématiques des dangers potentiels de la mondialisation, et le Québec ne sera pas représenté à ces tables.

C'est un puissant argument pour considérer l'extension à son maximum de la souveraineté du Québec. Autrement, un déficit démocratique va se créer, et notre nation se verra exclue de décisions majeures pour l'existence de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Le Sommet de Québec est une belle occasion de le rappeler. C'est une belle occasion de rappeler qu'il y a un prix à la non-souveraineté, et ce n'est pas juste une question de fierté, bien que la fierté soit en cause.

Personne n'est fier, j'imagine, dans cette Assemblée, que les peuples d'Amérique viennent ici sans que nos représentants élus ne puissent s'adresser à eux directement, au nom de l'Assemblée nationale, de la nation québécoise et du gouvernement du Québec. C'est un visible déficit démocratique qui touche la fierté, à la limite le savoir-faire et le savoir-vivre.

Mais il y a plus que ça. Au-delà de la fierté, il y a nos intérêts, il y a nos intérêts matériels. Dans la Communauté européenne, modèle que nous proposons pour nos relations avec le reste du Canada, une telle chose ne pourrait pas se produire. Il ne serait pas question qu'il y ait une réunion d'Européens à Paris sans que le gouvernement français non seulement n'accueille, mais ne soit à la table et discute. Il n'est pas question que l'Europe de l'Ouest ne prenne une position au GATT, par exemple, à l'OMC, sans que le Conseil des ministres à Bruxelles, composé des ministres des divers pays, n'ait pris une position et donné un mandat. Ce qu'on va voir à Québec, là, on n'a même pas eu les textes. Je ne reviens pas là-dessus. Encore une fois, je ne le dis pas dans un esprit de ressentiment et de blâme, la plupart des gouvernements se sont fait prendre et n'ont pas vu venir ce mouvement à l'effet que les populations veulent être informées, veulent savoir. Elles veulent, pour un très grand nombre d'entre elles, des millions et encore, avoir à l'Internet ce qui va se passer, ce qui va se décider, ce qui va se discuter. Il n'est jamais trop tard pour bien faire, d'une certaine façon, puisqu'il n'y aura pas de décision à ce Sommet de Québec, c'est bien entendu. On commence une négociation qui va être très complexe.

Mais souvenons-nous de l'Accord de libre-échange canado-américain, le premier. On les a eus, les textes, des éditions populaires qu'on pouvait faire circuler. Je me souviens, ce coup-là, le gouvernement du Canada, qui n'était pas un gouvernement libéral, avait bien fait les choses, parce qu'il y avait des textes très élaborés de toutes les dispositions du traité, ça pouvait être comme le livre du maître, si on peut dire, et puis il y avait des textes pour les étudiants, les étudiantes de maîtrise, puis il y en avait pour l'homme de la rue et la femme de la rue, il y avait comme le petit résumé du budget, on résumait le traité.

Donc, ça peut se faire, même si c'est un traité complexe. Alors, ce que je souhaite, c'est qu'à l'avenir la jeunesse québécoise et la jeunesse des Amériques soient tenues au courant d'avance de ce qu'on leur réserve pour l'avenir, de ce qu'on a envie de discuter et qui va faire qu'elles vivront dans telle sorte de monde ou telle autre sorte de monde. C'est élémentaire. C'est un grand projet qui pourrait être emballant et qui va commencer dans la fureur et dans le bruit. Mais, encore une fois, je ne désespère pas que, dans des rondes supplémentaires, la leçon ait été prise. L'information est suffisamment avancée aujourd'hui, par la radio, la télévision, les diverses publications, plus Internet, pour qu'on puisse mettre les populations dans le coup. Et c'est de cette façon qu'on finira par faire comprendre à tous les horizons de la société, aussi bien aux chefs d'entreprise qui veulent la libre circulation et l'abolition des frontières, qu'aux écologistes qui veulent que la nature soit protégée, qu'aux gens plus portés sur la solidarité sociale qui veulent que les normes soient respectées d'un pays à l'autre, que toutes ces clientèles soient attirées par l'intégration des Amériques et non pas repoussées. Et, dans ces conditions, une grande oeuvre pourrait se faire, et elle est de plus en plus nécessaire.

n(15 h 50)n

Car vous savez que l'intégration européenne, elle a parfaitement réussi. Je l'ai dit, un demi-milliard d'être humains... Et ce n'est pas fini, parce qu'ils peuvent réaliser la prophétie du général de Gaulle puis faire l'Europe, de l'Atlantique à l'Oural, puis là on sera rendu pratiquement au milliard de consommateurs solvables dans une même zone, plus qu'une zone de libre-échange, un marché commun avec les institutions et régulé. Ça va faire un poids fabuleux. À ce moment-là, ça veut dire que l'euro sera la monnaie d'un plus grand nombre de personnes que le dollar des États-Unis d'Amérique, qui est la grande monnaie d'aujourd'hui. En d'autres termes, l'Europe est largement née en contrepoids à la puissance américaine. Les Européens pensaient que, s'ils ne faisaient pas ce vaste marché commun, l'Amérique dominerait totalement toute l'activité économique avec ses compagnies qui étaient déjà des multinationales. Donc, ils ont fait ce mouvement d'intégration. Ce vers quoi on pourrait s'en aller, c'est que l'Amérique ait besoin à son tour de faire contrepoids à l'Europe. Il y aura dans la Zone de libre-échange des Amériques, si elle se fait, environ un demi-milliard de consommateurs, de producteurs et d'habitants. C'est déjà un contrepoids intéressant, ce sera déjà une manière de dire, dans cinq, 10, 15, 20 ans à l'Europe: «Nous avons un modèle analogue au vôtre, nous avons des marchés aussi grands que les vôtres», et continuer ensuite l'oeuvre au niveau international, à l'OMC. On va voir, là, dans le monde, sur le plan géographique, se constituer des ensembles d'abord continentaux ? l'Europe, je l'ai dit, les Amériques ? mais, en même temps, ce mouvement, il se continue à l'échelle planétaire à travers l'Organisation mondiale du commerce et d'autres organisations soit à caractère purement économique, soit à caractère social comme les nombreuses filiales et composantes de l'Organisation des Nations unies qui prennent en charge les questions d'environnement, qui prennent en charge les questions de travail, disons, le Bureau international du travail.

C'est comme ça, je crois, qu'il aurait fallu présenter les choses. Et il me semble que, si le Québec avait été impliqué directement dans ces discussions, à cause la belle unanimité qui se retrouve dans cette Assemblée, bien on aurait pu apporter notre note au concert des nations, ce qu'une province, malheureusement, ne peut pas faire et ne pourra jamais faire. Je sais que je ne convaincrai pas l'opposition officielle de ça cet après-midi, ce serait trop beau. Le député de Rivière-du-Loup, lui, parle déjà d'union confédérale, il est en train de penser à des formules de ce genre. J'espère qu'il retiendra ce que j'ai dit cet après-midi et que, dans son programme constitutionnel, quand il en aura un, il prévoira que le Québec doit faire partie du concert des nations et que la question constitutionnelle, là, déborde largement le cadre constitutionnel.

La question constitutionnelle se transforme en enjeu démocratique majeur. Si le Québec, d'une manière ou d'une autre, n'acquiert pas le statut d'une nation au plan international, notre population verra la démocratie s'éloigner d'elle, ce qui est la dernière chose qui est souhaitée par tout le monde dans cette Chambre, j'en suis certain.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le chef de l'opposition officielle, je vous cède la parole.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. Et, M. le Président, je veux dire au premier ministre qu'il y a beaucoup de choses qu'il vient de dire avec lesquelles je suis en accord et qu'il y a évidemment des choses avec lesquelles je suis profondément en désaccord. J'en parlerai, je vous expliquerai, à travers vous, M. le Président, pourquoi. Mais il y a une chose sur laquelle on s'entend tous les deux, c'est l'importance de faire, je pense, beaucoup de pédagogie sur ce débat, sur le sens du Sommet des Amériques, sur la suite des événements et sur son origine, et sur ce que ça signifie pour le Québec.

D'abord, une première chose qu'il faudra dire, sur laquelle il faut donner un peu d'information, c'est que ce Sommet des Amériques, qui est la suite d'un premier sommet qui a eu lieu, si ma mémoire est fidèle, à Miami, l'objectif essentiel, c'est de fixer un agenda de négociation. Il n'y a rien qui se règle au Sommet des Amériques qui aura lieu à Québec les 20, 21, 22 avril. Ça va se régler en l'an 2005, c'est la date butoir que les pays se sont fixée. Donc, on est loin d'un résultat. Et c'est le début d'une négociation, sauf que c'est une étape cruciale pour la raison suivante, c'est que les pays vont s'entendre sur l'objet de la négociation. C'est donc une étape très, très, très importante, et ça vaut la peine de parler du contenu parce qu'il y a, dans ce qu'on propose dans cette négociation, des choses qui sont tout à fait novatrices, qui sont nouvelles et qui vont dans le sens des intérêts du Québec.

La première chose que je veux dire et sur laquelle je veux revenir qui me paraît extrêmement, extrêmement importante, c'est de définir l'intérêt du Québec dans cette négociation. Dans tout le débat sur le libre-échange, pourquoi c'est important pour nous? Pourquoi on insiste tant, nous, pour en parler? Bien, il y a une raison fort simple, M. le Président. À l'heure actuelle, environ 40 % ? plus, je pense ? de notre produit intérieur brut dépend directement des exportations. On est probablement l'endroit au monde, incluant tout le Canada, qui dépend le plus sur ses exportations pour gagner son pain et son beurre. Avant nous puis avant la signature de l'Accord de libre-échange, en 1988, c'était l'Allemagne, si ma mémoire est fidèle.

Et, pourquoi c'est important pour nous? Pourquoi c'est moins important, tout étant relatif, pour les États-Unis, pour l'Allemagne, pour la France? Eh bien, pour la raison suivante, c'est qu'on a un petit marché intérieur. Faites le tour du G8, vous en avez l'exemple. Les Américains sont plus de 300 millions d'habitants. En Italie, ils sont 160 millions, la France, la Grande-Bretagne; au Canada, au total, plus de 30 millions d'habitants; au Québec, 7 millions d'habitants. On a un petit marché intérieur.

Aux États-Unis, la dernière fois que j'ai vérifié, ce n'est que 15 % de leur produit intérieur brut qui dépend des exportations pour gagner leur vie ? 15 %. S'ils le perdaient, ça aurait un impact énorme sur leur économie, mais pas la même chose que si on nous fermait l'accès au marché américain. Et, dans la relation qu'on a avec eux, pensez à ce que ça représente dans leurs relations, le Québec et le Canada, et ce que ça représente pour nous. S'ils perdaient accès à notre marché, à nous, ça représente quoi, en termes de pertes, de leur PIB, 2 %, 3 %? Pour nous, ça représente quoi?

Alors, si on en parle tant, et si le premier ministre et moi, on est d'accord sur le fait que cet accord de zone de libre-échange, c'est important, c'est pour cette raison-là, et il faut le dire à tous ceux qui sont inquiets, M. le Président. Comme c'était le cas en 1988, il y a eu des manifestations, des déclarations à l'emporte-pièce. Je me rappelle, moi, d'une personne, qui est aujourd'hui ministre fédéral, qui avait dit qu'on n'aurait pas accès aux banques de sang, qu'il allait y avoir des problèmes, qu'on allait fermer des hôpitaux. Alors, il faut départager, mais il faut commencer à la bonne place, là où sont nos intérêts.

L'autre élément que je veux relever qui est extrêmement important pour le Québec et le Canada, c'est la nature de notre économie. Parce qu'on a beau se dire qu'on a triplé nos exportations depuis 1988 aux États-Unis, il reste toujours que, quand on fait la ventilation de nos exportations, la grande proportion de ces exportations-là est encore dans les grandes industries et dans les matières premières, hein? Le bois d'oeuvre, oui, c'est l'énergie, c'est les mines, c'est les matières premières. Ça a beaucoup changé, là. Je ne veux pas vous donner une fausse impression, M. le Président. Il y a eu une ascension extraordinaire dans le domaine de l'aéronautique, dans le domaine de la bureautique, même pour l'automobile dans le reste du Canada, mais l'automobile pour une partie au Québec aussi, parce qu'on a une part de cette industrie-là et dans les matières qui sont transformées. Sauf qu'il y a encore un pourcentage très important qui est dans le secteur des ressources naturelles.

Et j'en parle pour les raisons suivantes, c'est qu'on est probablement... Il n'y a probablement pas un endroit au monde qui vit le plus sur le dos de son environnement ? si vous m'excusez le terme ? que le Québec, qui dépend directement de son environnement naturel pour gagner son pain et son beurre. Notre économie, à nous, c'est quoi? C'est le bois, le bois d'oeuvre, les pâtes et papiers. C'est l'énergie hydroélectrique dont on est très fier, c'est une grande réalisation. C'est les mines, c'est l'agriculture, c'est les pêcheries, M. le Président, là, quand on fait le décompte de notre économie.

J'en parle pour les raisons suivantes. C'est qu'il y a un très, très, très grand danger, actuellement dans le monde, et qui se situe aux États-Unis, qu'on soit victime ou qu'on soit ciblé par du protectionnisme vert; c'est une expression que plusieurs d'entre vous connaissez déjà. C'est-à-dire des gouvernements qui décident de prendre des mesures pour empêcher des produits d'entrer dans leur marché, parce qu'ils considèrent que leur partenaire n'a pas des pratiques environnementales convenables; ou dans son évolution, ce protectionnisme vert là, ça prend une tangente santé.

Ça vous rappelle ce qui arrive, là, les maladies de la vache folle, la fièvre aphteuse, M. le Président. Il y a un navire ? ce n'est pas loin d'ici ? au port de Québec qui a été retourné, qui arrivait de l'Angleterre avec du matériel militaire destiné à un camp militaire pour Britanniques qui a lieu en Alberta depuis plusieurs années, parce que les Allemands et les Britanniques s'entraînent dans le territoire albertain ? qui a été retourné. Alors, ce n'est pas juste de la théorie tout ça, là. C'est des choses qui vont avoir un impact très important sur notre avenir.

Maintenant, M. le Président, il y a un rôle pour le gouvernement là-dedans. C'est de nous préparer puis de faire en sorte qu'on puisse faire compétition, parce que, là, on s'en va jouer sur une plus grosse patinoire. Dans le fond, c'est ce qu'on annonce, là; la patinoire va s'agrandir. Puis on a des inquiétudes; je vais en réitérer quelques-unes pour le premier ministre. J'espère que, finalement, ils en tiendront compte.

Mais la question qu'on se pose, c'est la suivante: Sommes-nous prêts, sur le plan économique, pour faire face à cette compétition? On est les citoyens les plus taxés en Amérique du Nord, même après le budget, M. le Président, là. C'est de mauvais augure, ça. Associons ça à l'économie, la mondialisation, l'économie du savoir, ce n'est pas une bonne nouvelle, ça. Ce n'est pas un titre qu'on devrait continuer à revendiquer. On aurait dû se débarrasser de ce titre-là au dernier budget, puis ça n'a pas été fait. Dans une étude économique faite dernièrement, on est au 56e rang sur 60 provinces puis États américains. Ce n'est pas un bon départ pour nous.

n(16 heures)n

Dans le dernier budget, au niveau des entreprises, on n'a pas grand-chose qui vient aider l'exportation. Et il y a des gens qui, après le budget, se sont inquiétés du fait qu'il allait y avoir un déplacement des entreprises québécoises vers d'autres juridictions ? ce n'est pas moi qui parle, c'est un fiscaliste du cabinet Ernst & Young qui, au lendemain du budget, exprimait ces craintes-là ? vers l'Ontario, l'Alberta. Donc, la question demeure toujours la même: Sommes-nous préparés? Avons-nous fait l'essentiel pour nous préparer pour ce grand changement qui arrive à très grands pas et qui, on sait, est dans notre intérêt fondamentalement?

M. le Président, je reviens à l'Accord de libre-échange de 1988. Le premier ministre a évoqué 1911, c'est intéressant, parce que l'histoire... Ça vaut la peine de faire une courte histoire sur l'évolution de ce débat-là. C'est vrai que Sir Wilfrid Laurier a été défait là-dessus en 1911. Rappelons-nous que c'est les Québécois qui, en bonne partie, l'ont défait, hein. Il a perdu combien de sièges au Québec?

M. Landry: ...

M. Charest: Oui, le premier ministre dit qu'il en a perdu plus en Ontario. Quand même il en perdrait plus en Ontario, il a perdu des sièges au Québec, M. le Président, à l'élection de 1911, il ne peut pas le nier, et c'est les nationalistes québécois de l'époque qui ont fait campagne contre l'Accord de libre-échange. D'ailleurs, un des enjeux majeurs, c'étaient ceux qui étaient dans le commerce du porc, des intérêts québécois qu'ils défendaient. Ça résonne peut-être aujourd'hui aux oreilles de ceux qui traitent de ces questions-là, mais le Québec a contribué substantiellement à la défaite de 1911 de Sir Wilfrid Laurier.

Il y a eu d'autres tentatives, parce que, après la Deuxième Guerre mondiale ? le premier ministre revient là-dessus ? je lui rappellerai que le père de la Communauté économique européenne, c'est probablement Jean Monnet ? si on avait à identifier une personne qui est le père ? qui avait reçu un mandat du gouvernement français de travailler en étroite collaboration avec le gouvernement britannique ? et qui a été par la suite au service du gouvernement britannique quand la France a été occupée ? pour trouver une façon de mettre en commun les ressources de ces pays-là sur le plan énergétique, sur le plan du charbon. Le début de la Communauté, ça a été ça. Jean Monnet a découvert les vertus de ces efforts communs, et ça a évolué dans un contexte, après la Deuxième Guerre mondiale, où on cherchait aussi beaucoup, beaucoup à éviter les excès de nationalisme qu'on a connus, qui ont eu des conséquences horribles pendant cette guerre.

Jean Monnet a voyagé un petit peu au Canada, M. le Président, ça vaut la peine de lire ses mémoires. Il est venu au Québec, il est allé au Manitoba, et j'ai remarqué avec beaucoup de plaisir à quel point il citait le Canada en exemple dans ses mémoires. C'est dire à quel point il y a des choses à changer chez nous, mais il y en a d'autres qui ont agi à d'autres niveaux, incluant la Communauté économique européenne, qui pourtant voyaient des vertus dans ce que nous réalisions.

M. le Président, après la Deuxième Guerre mondiale, le phénomène d'intégration s'est fait à la faveur d'un accord militaire d'approvisionnement en équipement militaire entre le Canada puis les États-Unis. Ça a été ça, la genèse, ça a été une entente entre Mackenzie King et Roosevelt d'intégrer. D'ailleurs, cette entente-là continue jusqu'à ce jour, et c'est pour vous dire à quel point ça a duré. Et, ce qui a suivi, ça a été un détachement d'une politique de longue date qui avait été à la source de la création du Canada, le marché qu'on créait en 1867, où finalement le phénomène d'intégration a commencé. Ça a commencé dans l'approvisionnement en équipement militaire qui a beaucoup favorisé l'économie québécoise et canadienne parce que ça nous donnait un libre accès au marché américain, et, après ça, ça s'est étendu au pacte de l'automobile qui a encore beaucoup favorisé l'économie canadienne. Il y a eu des répercussions partout.

Et là une grande inquiétude, parce que, quand on arrive à la fin des années cinquante, soudainement, les nationalistes canadiens, incluant les Québécois, s'inquiètent. Ils regardent le marché canadien puis ils craignent le fait qu'on soit trop dépendants du marché américain. Je n'ai pas besoin de dire à la ministre des Relations internationales qu'à l'extérieur du Québec il y a comme une très, très grande inquiétude de la domination de la culture américaine sur nos concitoyens du Canada anglais. Et donc, dans ce contexte-là, les intellectuels et la classe politique s'inquiètent de l'intégration, y voient le fait que les économies deviennent de plus en plus intégrées et dépendantes. Il y a eu des actions de posées par les gouvernements au niveau fédéral pour tenter de contrer le mouvement. Moi, j'en connais deux qui ont précédé les accords de libre-échange.

Le gouvernement conservateur de Diefenbaker avait proposé, au début des années soixante, une politique de tarifs préférentiels pour le Commonwealth. Alors, Diefenbaker, lui, décide qu'il va proposer au Commonwealth de baisser les tarifs pour l'ensemble du Commonwealth pour tenter de nous rendre moins dépendants du marché américain. C'était ça, l'objectif. On remonte à loin, c'était en 1961. Il arrive quoi, M. le Président? Il a implanté la politique. Il n'y a pas eu ? il faut le dire franchement ? beaucoup d'enthousiasme à l'intérieur du Commonwealth pour la proposition de M. Diefenbaker, mais ce qu'il faut en retenir, c'est que ça n'a rien changé au mouvement. L'intégration s'est continuée, s'est même accélérée.

Deuxième tentative, c'est à la fin des années soixante, le gouvernement libéral fédéral ? à ce moment-là, le premier ministre, c'est Pierre Elliott Trudeau ? qui propose la troisième option, une option fort louable. Les intentions étaient très bonnes, M. le Président, ça s'est fait dans les mêmes périodes où on crée l'ACDI, au niveau fédéral, pour intensifier nos relations avec les pays en voie de développement, entre autres dans la francophonie, et là l'objectif, c'est d'intensifier nos relations commerciales avec les pays en voie de développement, avec l'Afrique entre autres, dans le but de nous rendre moins dépendants du marché américain. Même résultat, M. le Président, ça n'a rien changé.

Pendant ce temps-là, les conflits commerciaux entre le Canada et les États-Unis continuent d'augmenter. La commission McDonald est mandatée par le gouvernement libéral de M. Trudeau, toujours au niveau fédéral ? je pense que c'était en 1982 ? pour faire une étude exhaustive sur plusieurs grandes questions, incluant le libre-échange. Le libre-échange n'a pas été beaucoup débattu à la campagne de 1984. J'y ai participé, c'était ma première campagne, ce n'était pas un enjeu majeur. Ça a même été discuté avant dans le sens de l'empêcher. C'est John Crosby, qui était candidat à la course au leadership en 1983, qui proposait le libre-échange. Il l'a fait sur la foi d'une proposition que lui faisait le Fraser Institute situé à Vancouver. Il défendait cette idée-là, et, sans vouloir aller dans les détails ? juste pour l'anecdote, ça vaut la peine de le répéter ? tous les autres candidats à la course au leadership ont refusé de souscrire à cette idée-là. La commission McDonald publie son rapport en 1985 et, dans le fond, elle a fait la recommandation et le constat suivants: peu importent nos efforts, nos économies sont en train de s'intégrer. Les États-Unis sont en train de devenir de plus en plus protectionnistes, il est dans notre intérêt de faire un virage historique ? que le Canada avait toujours refusé de faire à ce moment-là ? et de commencer des négociations de libre-échange et, implicitement, ne serait-ce que pour obtenir un accord qui, sans être parfait, va pouvoir au moins établir des règles claires, incluant des règlements de différends.

Et la négociation s'est faite dans la controverse, et, à la faveur d'une campagne électorale, en 1988, le gouvernement conservateur a été réélu avec Lucien Bouchard comme ministre à l'époque ? j'étais un de ses collègues ? appuyé par le gouvernement libéral de Robert Bourassa. Et là ce qui avait manqué à Sir Wilfrid Laurier en 1911, Robert Bourassa l'a livré à la campagne électorale de 1988. Non seulement l'a-t-il livré dans le sens qu'il a défendu les intérêts du Québec, mais il a livré quelque chose d'extraordinaire qui illustre à quel point le système fédéral fonctionne. Il n'a pas insulté les autres Canadiens, il a travaillé avec eux et il a réussi à obtenir, avec le gouvernement fédéral, un accord de libre-échange qui, depuis ce temps-là, nous a permis, dans l'espace de 10 ans, de tripler nos exportations ? tripler nos exportations ? à travers le monde: de 22 milliards à 66 milliards de 1988 à 1998.

Mais là, M. le Président, on s'embarque dans une négociation où on représente 1 % de la population des Amériques. Québec, au point de départ, parce qu'il faut être lucide, il faut regarder ça en face, 1 %. Dans ce contexte-là, ça vaut la peine de revenir puis de se rappeler que le marché commun canadien a bien servi le Québec. Une compagnie comme Bombardier a connu des succès dans ce marché-là. Il y a des compagnies québécoises, là, qui ont eu des succès au niveau mondial, qui l'ont fait à l'intérieur du marché canadien puis parce qu'il y avait un appui et une étroite collaboration entre les deux niveaux de gouvernement. C'est ça qui a marché, qui a toujours marché pour le Québec.

M. le Président, le marché américain absorbe aujourd'hui 85 % de nos exportations. C'est pour vous dire à quel point on est dépendants et on est vulnérables aux politiques protectionnistes du Congrès américain. Je n'ai pas besoin de vous rappeler l'épisode du bois d'oeuvre. On le vit de façon épisodique, ça revient. On a beau signer des accords, les Américains reviennent puis le Congrès américain revient à la charge à chaque fois. On a déjà deux panels dans le cadre d'ententes préalables qui ont toujours rendu des décisions favorables aux intérêts québécois, aux intérêts canadiens, mais, malgré cela, les pressions politiques telles au Congrès font qu'ils reviennent à la charge à chaque fois.

D'ailleurs, M. le Président, c'est toujours intéressant de faire affaire avec les Américains, il faut le faire. Je vois que la députée de Rosemont, qui a été déléguée générale du Québec à New York, en saurait quelque chose. À chaque fois qu'on rencontre un vis-à-vis américain, un ministre, puis qu'on se plaint du fait qu'ils ne respectent pas les règles, ils nous répondent toujours la même chose. La ministre des Relations internationales doit en savoir quelque chose, ils nous disent toujours: Écoutez, je suis d'accord avec vous... Là, je caricature, M. le Président, mais ils vont vous dire: Je suis d'accord avec vous, c'est vrai que ce n'est pas juste, mais, voyez-vous, j'ai le Congrès, moi, puis je ne peux pas l'empêcher d'entreprendre des actions.

n(16 h 10)n

Mais tout ça pour vous dire qu'il y a un déséquilibre dans les forces, et c'est pour ça que 1993 est important, parce que, en 1993 ? 1992, devrais-je dire ? les États-Unis et le Mexique ont décidé d'entamer des négociations de libre-échange. Le Canada n'était pas invité ? on avait signé en 1988 ? sauf que c'est en faisant valoir aux Mexicains qu'en signant un accord à trois ça ferait un contrepoids à l'influence américaine. Et les Mexicains ont compris ça ? c'était le président Salinas qui était là à l'époque, il avait compris très rapidement ? et c'est eux qui ont forcé la main des Américains pour qu'on soit inclus dans les négociations. Je vous en parle parce que la même chose est vraie actuellement dans le cadre de la ZLEA. Si vous parlez aux pays de l'Amérique latine, actuellement, de la situation globale, de la situation géopolitique, ils vous diront que la présence canadienne, elle est extrêmement importante. On représente le contrepoids aux États-Unis et, en ce sens-là, on a un intérêt commun qui est très, très important.

L'autre élément que je veux mentionner, de 1993... Parce que, là, ça change vraiment l'allure des négociations et ça revient aux inquiétudes que manifestent les gens qui seront dans la rue pendant le Sommet des Amériques, qui ont été dans la rue à Buenos Aires, qui ont été dans la rue à Seattle, qui ont été dans la rue à Nice, M. le Président. C'est que, en 1993, le Congrès américain a accordé la permission au président Bush de l'époque, il lui a donné ce qu'on appelle le «fast track», l'approbation rapide de faire des négociations, à la condition qu'il y ait deux accords parallèles, un sur l'environnement et l'autre sur le travail. En ce sens-là, il souscrivait à un mouvement qui a commencé au début des années quatre-vingt-dix, où on a commencé à inscrire, dans les ententes internationales, des préoccupations à la fois environnementales et économiques, parce qu'on en est venu à une grande réalisation, une évidence qu'on n'avait pas exprimée dans ces accords-là, c'est que, lorsqu'on parle d'économie et d'environnement, c'est deux côtés de la même médaille, que, lorsqu'on parle d'économie et de démocratie, c'est également deux côtés de la même médaille, lorsqu'on parle d'économie et de politique sociale, on parle de la même chose, ils ne sont pas dissociés.

D'ailleurs, la preuve... Juste un exemple pour ceux qui pensent qu'en diminuant la réglementation environnementale on fait en sorte que notre économie soit plus prospère. Si c'était vrai, M. le Président, comment se fait-il que l'ancienne Europe de l'Est s'est mise dans la dèche? Il n'y avait pas de règles là-bas sur le plan environnemental. J'ai visité l'Allemagne de l'Est, moi, pas longtemps après que le mur de Berlin soit tombé. On la visitait à ce moment-là parce qu'ils nous demandaient de l'aide du gouvernement canadien pour nettoyer des sites qui avaient été contaminés. Pensez aux produits qui nous arrivaient de l'Europe de l'Est. Je le dis respectueusement, mais, entre vous et moi, y a-tu beaucoup de Lada qui ont duré sur les routes du Québec? Quant à ça, y a-tu beaucoup de voitures qui durent sur les routes du Québec?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: C'est une autre histoire. Mais il y a un grand mythe, le premier ministre y a fait référence, que les compagnies vont toutes déménager, puis, pour pouvoir profiter d'une réglementation environnementale non existante, elles vont pouvoir produire à faible coût, donc être plus rentables, faire un plus grand profit. C'est un mythe, ça, M. le Président. Je vais vous dire pourquoi: parce que les compagnies qui se sont occupées de leur processus de production sur le plan environnemental ont également amélioré leur processus de production à tous les niveaux. Un va avec l'autre. Il n'y a que les gens à courte vue... puis il y en a, je l'admets, il y en a. Il n'y a que les aveugles, ceux qui sont à courte vue, qui ne sont pas capables de comprendre leur intérêt propre, qui posent des gestes comme ça, sauf que les deux sont indissociables.

Donc, en 1993, le mandat a été donné... J'étais le ministre fédéral à l'époque. C'étaient Bill Riley, l'Américain, qui était le directeur de l'EPA, puis Luis Donaldo Colosio, malheureusement assassiné lors de la campagne présidentielle mexicaine par la suite, qui ont reçu le mandat de négocier l'entente parallèle. Et, en passant, M. le Président, on en est très fier pour une raison fort simple: le secrétariat commun qui a été créé entre ces trois pays, il est à Montréal, et grâce à qui? Grâce aux efforts du gouvernement canadien et d'une autre personne ? je veux le mentionner en passant, j'ai le temps ? Pierre Marc Johnson, qui est un de ceux qui ont joué un rôle dans l'effort de persuasion pour que le Secrétariat se trouve à Montréal.

Les gens qui travaillent au Secrétariat puis qui ont examiné cette entente parallèle vous diront qu'elle est modeste. Oui, c'est vrai, c'est modeste, mais c'est un début et, ce qu'il y a d'intéressant, c'est que c'est irréversible. C'est irréversible, M. le Président. Dans le fond, on s'est lancé dans une voie où on ne reviendra plus jamais en arrière, on va juste pouvoir avancer. En parallèle à ça, dans les ententes environnementales, on a inclus de plus en plus des sanctions économiques et des considérations économiques. Ça, ça a commencé avec le Protocole de Montréal en 1987 sur les CFC, qui a été le grand précurseur des ententes sur le plan environnemental, qui inclut des préoccupations économiques. Ça s'est continué avec la Convention de Bâle sur le transport de déchets entre les pays. Ça s'est continué avec la Convention sur les espèces en voie de disparition, qui inclut des sanctions.

Alors, vous voyez, là, il y a des voies parallèles qui se sont suivies et qui font en sorte que ces enjeux-là dorénavant sont liés les uns aux autres, comme ils doivent l'être, et c'est vrai maintenant. Et ce qu'il y a d'intéressant pour la ZLEA, c'est qu'on va inclure des clauses démocratiques.

Là-dessus, M. le Président, je veux en parler, parce qu'il me semble qu'il y a là un grand précédent. Et situons encore les choses dans leur contexte. En 1976, il y a 19 pays en Amérique latine qui étaient sous des dictatures militaires. Aujourd'hui, il y en a à peu près... il n'y en a pas. En fait, il n'y en a pas. On peut toujours questionner la façon dont la démocratie se pratique dans certains pays, c'est vrai, je ne veux pas porter de jugement, mais on n'est quand même pas à la situation de 1976, alors qu'il y avait 19 pays sous dictature militaire.

D'ailleurs, je pense qu'on peut dire objectivement que la signature de l'ALENA entre le Canada, les États-Unis et le Mexique a beaucoup contribué à assainir les moeurs politiques au Mexique. Et je le dis respectueusement à nos concitoyens mexicains. Je pense qu'eux-mêmes le comprennent. D'ailleurs, ils ont changé pour la première fois de parti politique au pouvoir. C'était le PRI qui était là, le Parti révolutionnaire institutionnel ? je ne vous le suggère pas comme nom de parti ? ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: ...qui a été au pouvoir pendant 70 ans. Et l'élection de Vicente Fox a été un moment charnière dans leur histoire.

L'autre chose que je veux relever, pour ceux qui nous écoutent, qui tombe un peu sous le sens mais qui peut-être n'a pas paru évidente: on n'aura jamais tant parlé des pays d'Amérique latine depuis que ce Sommet a lieu à Québec, hein, avec joie. Et je félicite les gens du journal Le Soleil, La Presse, Le Journal de Québec, Le Devoir, ceux qui publient des papiers là-dessus. Mais, vous savez, on n'aura jamais tant entendu parler du Nicaragua, du Honduras, de ce qui se vit là-bas, de l'extrême pauvreté que vivent ces gens-là. Ne serait-ce que pour cette raison-là, moi, je connais plein de gens qui découvrent pour la première fois les enjeux pour ces pays-là.

Maintenant, ça veut dire quoi, pour nous, la nouvelle zone? Racontons-nous pas d'histoires, on a, quoi, 2 %, 3 % de nos affaires qui se font dans ces pays-là. C'est des pays très, très pauvres, sauf que c'est des pays qui sont promis à un développement extraordinaire. Pensons au Brésil qui est le pays en voie de développement qui est vraiment émergent, avec toutes ses contradictions, puis il y a des contradictions énormes au Brésil, mais pour l'avenir prévisible, c'est là où un grand développement se fera. Puis on a la chance d'en faire partie, d'être partie prenante et d'être intimement associés à des pays qui cherchent un contrepoids à l'influence américaine.

Moi, ce que je trouve d'intéressant dans cette nouvelle proposition-ci, c'est à quel point ça vient illustrer dans les faits l'importance de protéger la diversité culturelle. Parce que la Zone des Amériques, c'est l'anglais, c'est le français, c'est le portugais puis c'est l'espagnol. Alors ça, c'est intéressant.

Une voix: ...

M. Charest: Ah, la ministre dit: Oui, les textes. Oui, les textes doivent être publiés en français. Oui, vous avez raison là-dessus, puis j'espère que ça va nous arriver rapidement. Il n'y a pas de raison pour ne pas que ça soit publié en français.

Mais, vous qui vous êtes intéressée aux questions de diversité culturelle, est-ce que ça ne nous donne pas tout un nouveau chapiteau, là, qui illustre de façon réelle, dans la vie de tous les jours, dans un environnement où on n'est pas seul face aux Américains? Ce n'est pas juste les Américains puis Jack Valenti qui représentent l'industrie cinématographique à Hollywood, qui viennent faire du lobbying à la Maison-Blanche, c'est également les Portugais, c'est le Brésil, c'est les Espagnols. Alors là ça change le rapport de force. Ça, c'est extraordinaire.

Est-ce que vous êtes en train de m'envoyer la main, M. le Président?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: C'est le député de Bellechasse qui m'envoie la main. Je vous remercie.

M. le Président, ça vous donne une idée de comment ces enjeux-là peuvent être maintenant redéfinis dans le cadre de cette entente-là.

Mais je veux revenir aux intérêts du Québec. Et je le dis sincèrement, parce que c'est là où, le premier ministre et moi, on diverge vraiment de points de vue. Lui voit là une opportunité d'être à la table des nations. Je vous dirais que, dans le système fédéral actuel, d'abord, il y a une réalité incontournable: le gouvernement fédéral ne peut pas s'engager dans des domaines de juridiction qui relèvent de l'Assemblée nationale du Québec sans l'approbation expresse et directe de l'Assemblée nationale. C'est impossible, carrément impossible. Il va falloir que ça passe par nous. Ils n'ont pas le choix, au fédéral. Ce n'est pas une question d'humeur, de goût, c'est une question de fait. C'est un principe de droit constitutionnel.

D'ailleurs, c'est tellement vrai qu'une de mes réalisations dont je suis très fier, c'est d'avoir été celui qui a signé la convention sur la biodiversité lors du Sommet de Rio, le Sommet de la Terre, à Rio, et qui a été témoin du fait que c'est le gouvernement de Jacques Parizeau qui l'a proposé à l'Assemblée nationale du Québec, parce que ça relevait de domaines de juridiction du gouvernement du Québec. Et j'en suis très fier parce que ça fait la démonstration que le système marche. Puis le Québec a toujours été à la table, du début à la fin. J'en sais quelque chose, je l'ai fait dans le passé. Je vais vous livrer un secret puis une intuition, M. le Président: Je vais le faire dans l'avenir aussi.

Des voix: Bravo!

n(16 h 20)n

M. Charest: Mais l'autre élément qui est encore plus inquiétant, c'est que, si on devait suivre le raisonnement du premier ministre et se séparer du Canada, ça voudrait dire quoi? Il connaît les règles. Il faut tout renégocier, il faut repartir à zéro. Les alliances bâties, là, qui nous ont si bien servis, sur la question de l'exemption culturelle, diversité, vous le savez, la ministre est d'accord avec moi, le reste du Canada est en parfait accord avec les positions du Québec; c'est une question de fait. M. le Président, on a été des alliés, on a réussi à défendre nos intérêts. La preuve est faite, de 22 milliards à 66 milliards, c'est une question indéniable.

Mais, tout d'un coup, on se sépare, tout ça est remis en question, M. le Président. Là, on se rassoit à la table pour négocier avec les Américains. Vous les connaissez puis je les connais. Qui, pensez-vous, va faire les concessions? Qui a le plus à perdre puis qui a le plus à gagner?

Ça me rappelle la vieille règle, hein, de celui qui allait jouer au poker, à l'argent, puis qui avait 5 000 $ dans ses poches puis l'autre a 0,05 $. Vous aurez beau jouer aux cartes avec; l'autre, pendant la soirée, il peut juste perdre 0,05 $, bon joueur de cartes ou non. Bien, quand on s'assoit à la table avec nos vis-à-vis américains, on n'a pas grand-chose, hein, dans le fond, là, en termes de contrepoids. On a beaucoup plus à perdre, on a beaucoup plus dans nos poches qu'ils en ont. Et, ce que propose le premier ministre, avec ce qu'il décrit respectueusement comme étant son obsession, remet tout ça en question, M. le Président. Il me semble qu'il y a là un risque énorme à notre niveau de vie, un risque inacceptable.

Je veux terminer en vous disant, M. le Président, que l'éducation devient un enjeu majeur dans tout ça. Pourquoi? Bien, parce que notre succès, comme société, dépend de notre capacité de pouvoir occuper ce terrain-là. L'éducation de nos jeunes, ça devient... Mais, sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan environnemental, on est bien prêt à dire oui à ces accords de libre-échange, mais pas à n'importe quel prix.

Dans le fond, là, le grand défi, c'est d'aborder la mondialisation, puis de faire en sorte qu'on puisse modeler ça selon nos besoins, à nous, en tenant compte de nos intérêts, à nous, M. le Président, de nos valeurs, à nous. Notre langue, notre culture, c'est ce qu'on a de plus beau à offrir à ce projet de zone de libre-échange. C'est avec fierté qu'on doit le faire, et on doit le faire en s'appuyant sur des alliances solides, M. le Président, avec nos partenaires, ce qu'on a fait dans le passé, ce qu'on va continuer à faire à l'avenir, mais il faut le faire en préparant le Québec. Il faut le faire en sachant à l'avance que, si on veut réussir, il faut que le Québec se prépare, et c'est là-dessus où je m'inquiète le plus, parce que je ne sens pas que le gouvernement se prépare.

Je comprends que le premier ministre nous parle aujourd'hui, en personne, de ce qu'il fait. Mais je pense que, en se présentant sur écran géant, quand même ce serait sur DVD, sur la pelouse de l'Assemblée nationale, ce n'est pas comme ça qu'on va défendre les intérêts du Québec dans ce domaine-là. Ce n'est pas l'isolement, M. le Président, que je propose. Au contraire, tout ce qui est proposé dans cet accord de libre-échange nous mène ailleurs.

Alors, M. le Président, je veux vous remercier de m'avoir accordé ce temps de débat, puis vous dire à quel point je suis heureux d'avoir participé, parce que notre Assemblée nationale a été faite pour cette raison, pour qu'on puisse ? le premier ministre, de ce côté-ci ? faire des débats comme on a faits aujourd'hui.

Le premier ministre a parlé avec éloquence, je l'en remercie. Les citoyens connaissent mieux nos divergences de points de vue et les choses sur lesquelles on s'entend, et en 2005, bien, espérons qu'il y aura un gouvernement ? je n'ose pas dire, je ne veux pas présumer, M. le Président ? mais que ce Parlement aura fini son mandat; il y aura un autre gouvernement à Québec. Espérons qu'on pourra avoir une entente de libre-échange qui reflète les vraies valeurs du Québec. C'est ce que nous espérons pour nos enfants.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le chef de l'opposition officielle, et je cède la parole maintenant à M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Je suis très heureux de m'associer au premier ministre et au chef de l'opposition dans cette motion qui est extrêmement importante à ce jour-ci, à quelques jours où le Québec va accueillir le Sommet des Amériques, où le Québec ? où la ville de Québec, en fait ? va devenir le centre d'une discussion dont l'impact non seulement sur nos vies, non seulement sur notre pays et sur notre continent, mais sur la façon dont la planète et ses grands blocs se redessinent... Bien, que ce soit au Québec que ces négociations s'amorcent, que ces grandes discussions puissent trouver un premier échéancier, c'est une grande fierté.

C'est une fierté pour une société ? le premier ministre en a parlé abondamment ? qui a fait sa marque comme étant fondamentalement libre-échangiste, comme étant une société qui est prête à commercer, qui est prête à échanger, qui est prête à aller loin, hein. Elle a exporté au-delà de toutes les frontières. Alors, c'est pour Québec un grand honneur.

Et, pour notre formation politique, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, j'ai été surpris que le chef de l'opposition ne l'aborde pas plus fermement, mais le Québec aurait dû, comme le gouvernement auquel a déjà appartenu le chef de l'opposition l'a fait dans le passé... Par exemple, dans le cas du Sommet de la francophonie, le Québec aurait dû avoir une voix, avoir une place qui lui soit aménagée pour s'exprimer à l'intérieur d'un tel forum, d'autant plus que, dans ce grand forum des nations, le gouvernement du Québec demeure le seul gouvernement qui représente une majorité de francophones, qui est une des quatre langues de ce continent de l'Amérique, mais qui est, en nombre, celle qui a le moins de représentants. Et donc, en ce sens-là, il aurait été souhaitable que le gouvernement du Québec rencontre une attitude différente du gouvernement fédéral.

Pour ce qui est de la mondialisation, il y a des craintes qu'un certain nombre de nos concitoyens, de nos concitoyennes peuvent avoir. Même ceux de ma génération ? elle est un peu plus jeune ? semblent surreprésentés parmi ceux qui ont ces craintes-là. Il est évident ? on a fait un peu d'histoire ? qu'il y a un certain nombre de questions que des gens ne se sont pas posées, en tout cas pas en les mêmes termes que moi s'ils se les sont posées, parce que ce que je vois de l'histoire du monde ? moi, je veux remonter dans l'histoire encore plus loin que Wilfrid Laurier, je vais remonter à la préhistoire ? depuis que l'être humain est capable d'échanger, depuis que l'être humain a inventé la roue, il a utilisé la roue pour amener ses biens qu'il était capable de commercer au village voisin. Puis, quand l'être humain a réussi à pouvoir mettre quelques affaires sur un bateau, il a utilisé sa capacité de transporter ses produits puis d'aller les échanger par du troc un petit peu plus loin. Ce que je suis en train de dire, c'est que jamais dans son histoire l'être humain ne s'est véritablement limité. Quand il a été capable d'échanger, quand il a été capable d'aller chercher des produits plus variés que du monde ailleurs avait découverts, avait été capable de cultiver ou de produire, il est allé les chercher puis il a essayé de trouver dans son bagage quelque chose que lui produisait mieux pour lui échanger.

Alors, dans un monde, en l'an 2000, où on a Internet qui permet qu'au niveau de l'information, qu'au niveau de logiciels on puisse, en l'espace de fractions de seconde, d'un bout à l'autre de la planète, se faire des échanges, où les moyens de communication sont donc extraordinaires, où les moyens de transport sont de tout autre ordre, il est inévitable que la planète rapetisse et que, dans cet esprit-là, les êtres humains vont vouloir échanger d'une façon plus large.

Alors, quand on regarde la mondialisation de cet oeil-là, la mondialisation, ce n'est pas un processus artificiel, ce n'est pas un processus auquel on peut s'opposer, c'est la nature de l'être humain. Alors, que des gens disent qu'ils s'opposent à la mondialisation, ça me surprend. Si des gens le formulaient en disant qu'ils s'opposent à ce que les nouvelles règles d'échange sur la planète soient dictées en dehors des forums démocratiques, soient dictées derrière des portes closes, soient dictées par des multinationales selon des intérêts qui ne sont pas ceux de l'ensemble de la population, alors là je les approuverais à cent milles à l'heure, là je serais derrière eux. Mais qu'on dise qu'on s'oppose à la mondialisation, c'est comme s'opposer à la nature de l'être humain, c'est comme s'opposer à ce que... Depuis des millénaires, hein, les gens ont fait, quand ils ont été capables, quand ils ont eu les moyens d'aller échanger leurs fourrures contre des miroirs, quand ils ont eu les moyens d'aller échanger leurs fruits contre... Depuis toujours, l'humanité a fait ça.

n(16 h 30)n

Ce qui est maintenant, pour nous, comme Québécois, essentiel là-dedans, bien c'est de trouver notre place, dans une planète qui rapetisse, comme société qui a fait sa marque dans l'exportation, qui a vu ses exportations croître de façon spectaculaire ? le chef de l'opposition de l'opposition en a parlé ? à la suite du libre-échange. Jusqu'à quel point le Québec d'aujourd'hui, le Québec de maintenant est prêt? Il m'apparaît que, pour jouer sur un terrain élargi, le Québec a des failles qui sont importantes, hein? Le Québec, au niveau de ses entreprises, traîne des réglementations qui sont plus lourdes qu'ailleurs. L'entreprise québécoise vit avec une lourdeur administrative. L'entreprise québécoise traîne souvent son gouvernement, autant au niveau fiscal qu'au niveau réglementaire, comme un boulet. La PME québécoise qui veut se développer, qui évolue dans le secteur de l'innovation n'a souvent pas en main tous les outils, tous les moyens. Elle a souvent l'impression, cette PME, que son gouvernement est davantage un obstacle qu'un appui. Quand on veut jouer plus large, quand on veut exporter plus loin, c'est le genre de contraintes qui peuvent nous faire mal.

Alors, je pense qu'il y a des défis absolument essentiels que notre parti voit pour le Québec, en arrivant dans cette période. Il faut réussir le passage vers l'économie du savoir et du savoir-faire, il faut rehausser nos standards en matière d'éducation. Dans une Zone de libre-échange des Amériques, le Québec, comme seule société à majorité francophone, est condamné à avoir un système d'éducation qui soit une coche en haut des autres. On aura beau avoir toutes les lois sur la langue qu'on voudra, le Québec est condamné à avoir dans son système d'éducation une petite coche de plus, moi, j'ai toujours été convaincu de ça. Et le Québec va devoir, au niveau de l'éducation, miser sur la performance, oublier toutes les formes de nivellement par le bas et se donner des hauts standards.

Il faut travailler au renforcement politique du Québec. Il faut apprendre à faire des alliances, il faut apprendre à utiliser notre force politique, éviter l'isolement. Il faut investir davantage pour accroître notre rayonnement culturel. Là-dessus, notre parti s'est prononcé, à notre congrès du printemps dernier, sur la question de la diversité culturelle. Ça va être un des enjeux qu'on souhaite voir être défendus, un des enjeux sur lesquels le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral d'ailleurs sont d'accord et où on espère qu'il y aura des décisions favorables qui résulteront des discussions qui vont suivre la Conférence de Québec dans les prochaines années, que cette diversité culturelle sera protégée dans une éventuelle Zone de libre-échange des Amériques.

Alors, il y a donc du travail pour lequel, comme Québécois, on est interpellé pour profiter pleinement de la Zone de libre-échange des Amériques, pour être parmi ceux qui vont en sortir gagnants. On a été jusqu'à maintenant gagnant de cette ronde qu'était le libre-échange avec les États-Unis. A priori, dans le cas des États-Unis, on partait avec une longueur d'avance, parce que nos économies étaient déjà très liées, il y avait déjà des proportions très élevées, en haut de 80 % de nos exportations, qui s'en allaient vers les États-Unis. À partir de maintenant, il y a des marchés émergents, il y a des marchés nouveaux. Il y a du monde là-dedans aussi qui se débrouille. Le Mexique, depuis l'ALENA, n'est plus le même Mexique que le jour de la signature. Ça ne fait pas 100 ans, ça fait à peine quelques années. Mais il faut voir un peu les inscriptions, dans les grandes universités américaines puis au Harvard Business School, des Mexicains qui veulent rentrer. Parce que, dans une génération, il y aura des hauts fonctionnaires mexicains avec des qualifications extraordinaires dans toute la fonction publique, il y aura des règles nouvelles, il y aura des entrepreneurs.

Quand on joue le jeu du libre-échange, on joue aussi le jeu d'ouvrir des portes nouvelles pour du développement à des pays qui ont vécu, au fil des dernières années, souvent avec une grande partie de leur population qui était dans la pauvreté, où l'éducation de l'ensemble des enfants n'était pas toujours facile, ou dans des pays où l'aide internationale a été là à différents moments plus ou moins ponctuels, mais plus ou moins structurante aussi. Alors, il faut que ça tire par le haut. On offre à beaucoup de populations, à beaucoup de pays une possibilité de rehausser le niveau de leurs activités.

Je conclus en disant que ce que je souhaite le plus, et c'est finalement un des aspects fondamentaux de la motion, c'est que tout ça se fasse dans la transparence, la démocratie. On est en train de découvrir que les citoyens se rendent compte de l'impact concret... Les questions internationales, à une certaine époque, on disait: Au niveau électoral, ça n'intéresse pas le monde, ça se passe au-dessus de leurs têtes. Les gens se rendent compte de l'importance que ces questions-là vont avoir sur leur vie. Elles doivent se débattre dans la transparence et dans la démocratie. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Je m'en vais vous relire la motion avant de la mettre aux voix, cette motion qui a été présentée par le premier ministre, le chef de l'opposition ainsi que le député de Rivière-du-Loup. Voici le texte:

«Que l'Assemblée nationale, dans la foulée du rapport unanime de la commission des institutions intitulé Le Québec et la Zone de libre-échange des Amériques: Effets politiques et socioéconomiques, affirme que l'ouverture des marchés des Amériques constitue un potentiel majeur pour l'économie du Québec, que le processus de négociation de cette Zone doit être transparent et démocratique et qu'un éventuel traité de libre-échange des Amériques devra respecter nos compétences constitutionnelles, nos valeurs sociales et notre identité collective.»

Cette motion est-elle adoptée? M. le leader de l'opposition.

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: ...je viens de conférer avec mon vis-à-vis, et, comme c'est une motion d'une importance capitale et puis en plus qu'elle a été présentée conjointement et par le chef de gouvernement, et par le chef de l'opposition, et par le député de Rivière-du-Loup, chef de l'ADQ, je pense qu'un vote nominal s'impose. Et, comme demain, à la période des affaires du jour, le chef de l'opposition ne pourra pas être parmi nous, on pourrait s'entendre pour la voter demain, à 10 heures.

Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, demain matin, à 10 heures, au début de nos travaux. Alors, que le message soit passé aux whips respectifs des deux formations. Donc, d'un commun accord, nous allons reporter le vote sur cette motion à demain matin, 10 heures.

Alors, nous allons poursuivre aux affaires du jour.

Savez-vous, avant d'en venir au débat, je vous ferais le message suivant. Il y aura trois débats de fin de séance. Ce n'est pas le message du lieutenant-gouverneur, mais c'est tout comme. Ha, ha, ha! Alors, Mme la députée de La Pinière questionnera la ministre responsable de l'habitation concernant les surplus de 60 millions de la SHQ; le deuxième débat, M. le député de Saint-Laurent questionnera le ministre de la Justice concernant la sécurité des procureurs de la couronne; et, au troisième débat, M. le député de Richmond questionnera le ministre de l'Emploi et du Travail concernant la sévérité des normes en matière d'enlèvement de l'amiante.

Affaires prioritaires

Reprise du débat sur le discours d'ouverture
et sur les motions de censure

Alors, nous revenons aux affaires prioritaires. L'Assemblée poursuit le débat sur le discours d'ouverture de la session prononcé par M. le premier ministre, le 22 mars dernier, et sur les motions de censure présentées par M. le chef de l'opposition officielle, Mme la députée de Bonaventure, M. le député de Laurier-Dorion, M. le député de Rivière-du-Loup, M. le député de Kamouraska-Témiscouata et M. le député de Verdun.

Alors, M. le député de Chapleau avait terminé son intervention quand nous avons suspendu. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chicoutimi. M. le député.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, tout d'abord, il me fait plaisir, M. le Président, évidemment de parler du discours inaugural. En même temps, évidemment vous me permettrez de faire certaines références au discours du budget, puisque, depuis le discours inaugural, on a eu aussi un discours du budget, ce qui fait en sorte qu'on peut voir l'adéquation et la cohérence entre les deux, et de paroles et de choix d'actions fort bien choisies par le gouvernement. Nous avons tout de suite procédé à des actions très concrètes dans l'exercice budgétaire qui a suivi et qui est maintenant accompli, qui a été d'ailleurs fort bien accueilli chez nous, dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Et nous aurons sûrement l'agréable moment d'accueillir la ministre des Finances ainsi que le ministre des Régions qui vont venir expliquer et commenter ce budget auprès des élus et des représentants régionaux.

n(16 h 40)n

Avant d'aller un peu plus loin dans mon intervention, j'aimerais revenir sur le dernier intervenant, qui était le député de Chapleau, qui m'a, je vous avouerais, dans ses commentaires, assez surpris ? et je vais en profiter pour revenir un peu sur ses propos ? qui est, et je le rappelle à ceux qui ont eu l'occasion de l'écouter avant, critique de l'opposition des affaires intergouvernementales canadiennes. Et, je peux vous dire, à l'écouter, M. le Président, j'aurais même pensé que le député de Chapleau postulait pour l'emploi de M. Stéphane Dion tellement que... D'ailleurs, le mot «intergouvernementales» n'était pas... J'aurais enlevé le mot «inter», j'aurais gardé «gouvernementales», critique des affaires gouvernementales canadiennes, car tant... Dans le ton des arguments qu'il a invoqués, je peux vous dire que ? et souhaitons que ça n'arrive jamais ? s'il occupait un poste ministériel à ce niveau, eh bien, les intérêts du Québec seraient fort mal défendus.

Navrant, parce que j'ai retrouvé dans ses commentaires, où il faisait grand état des paiements de péréquation du gouvernement du Canada, qu'il parlait des investissements en santé, qu'il félicitait le gouvernement fédéral de ses investissements en santé, alors que... Qui peut se contenter au Québec d'une donnée qui est claire et qui est budgétaire, qui est précise et qui est réelle, soit celle que le gouvernement fédéral investit à la hauteur de 0,14 $ pour chaque dollar que nous investissons? Eh bien, ce que j'ai appris ce matin, c'est que le critique des affaires intergouvernementales canadiennes, le porte-parole de l'opposition s'en satisfait et il en est heureux. Il a même félicité, il en félicite le gouvernement fédéral. Eh bien, bravo! Et il a parlé même de générosité du gouvernement fédéral dans le cadre du programme d'infrastructure, dans le cadre de paiements de péréquation.

Et, moi, je peux vous dire, et je le dis avec tout le sérieux qu'on peut avoir en cette Chambre, M. le Président, que j'ai été outré. Il est rare... J'ai beaucoup de respect pour chacun des élus qui sont ici et je crois que c'est la moindre des choses qu'on peut faire: respecter les droits de parole et les idées de chacun. Mais avoir un tel discours en cette Chambre, un discours, je vous dirais, où on pratique un fédéralisme aussi à-plat-ventriste... Et j'ai même entendu le député d'Iberville ce matin dire «le fédéralisme génuflexible», et je crois que c'est une belle appellation. À la première occasion, on présente le genou et on baisse la tête. Et, moi, c'est ce que j'ai entendu ce matin. Je peux vous dire que ces propos n'étaient pas dignes de cette Assemblée et ils n'étaient pas dignes même du parti de l'opposition. Et, pour un parti qui... Et, dans le passé, il faut le reconnaître, il y a 40 ans... Et on se souvient de l'époque de Jean Lesage ? vous savez, à l'époque, évidemment je n'étais pas né, mais quelqu'un qui aime bien l'histoire, eh bien... ? qui s'est fait un fer de lance des revendications du Québec pendant des années par rapport aux pouvoirs constitutionnels. Eh bien, on se retrouve actuellement dans le néant total, et je peux vous dire que c'est très inquiétant pour le Québec.

On pourrait résumer la politique du Parti libéral à «ne demandons surtout rien et nous ne serons pas déçus». Alors, effectivement, je crois que le critique de l'opposition et le Parti libéral ne seront pas déçus, car ils n'ont plus aucune revendication.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Chicoutimi, une minute, s'il vous plaît. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: M. le Président, vu que le député de Chicoutimi semble avoir un discours très intéressant, est-ce qu'on ne pourrait pas solliciter que ses collègues viennent ici pour avoir le quorum?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vais rapidement calculer ça, là. Il nous manque quelques unités. On vient d'en voir une et demie. Ha, ha, ha! Alors, ça va, nous avons récupéré le quorum. M. le député de Chicoutimi, je vous cède la parole.

M. Bédard: Je suis content que le député effectivement écoute et j'espère qu'il transmettra mes bonnes paroles à son collègue, au député de Chapleau, et aussi effectivement à tout le caucus libéral. Et je le dis encore, M. le Président, il est rare que je reprends de tels propos, je vous dirais que j'ai une attitude aussi directe envers des propos qui sont tenus dans cette Assemblée, mais je crois qu'ils méritaient d'être soulignés et d'être amenés à leur proportion, soit celle que je vous ai mentionnée auparavant.

Et le même député nous faisait part... Je me serais attendu même, dans son intervention, à un petit peu plus de gentillesse par rapport à l'exercice budgétaire. Il parlait de l'autoroute 50 ? on sait que c'est dans sa région ? et il mentionnait que, bon, lui... Et, moi, je me serais attendu qu'il nous félicite. Je crois que c'est un bel engagement, le prolongement de l'autoroute 50. Eh bien, non, M. le Président, il ne nous a pas félicités. Au contraire, dans la même ligne, je suis surpris d'ailleurs qu'il n'ait pas invoqué des arguments que, finalement, si le fédéral n'était pas là, on ne l'aurait pas fait. Ça m'a même surpris, M. le Président. Mais il a mis en doute cette capacité du gouvernement à réaliser ses promesses. Eh bien, je le lui rappellerai, entre un engagement du Parti libéral et celui du Parti québécois, eh bien, la différence, c'est que nous respectons nos engagements. C'est une petite nuance, mais il faut la faire. Et, de toute façon, s'il en doute ou s'il ne souhaite pas l'investissement, qu'il le dise. Chez nous, nous avons grand besoin d'investissements, alors nous prendrons le 100 millions. Et je suis sûr que mes collègues des autres régions vont avoir le même sentiment que moi.

M. le Président, j'ai entendu aussi beaucoup des collègues de l'opposition se surprendre encore une fois, en cette Assemblée, que nous parlions de souveraineté. Eh bien, je peux vous dire qu'à chaque fois ça me surprend: de dire, de nous faire le reproche d'en parler et de l'expliquer. Tout d'abord, c'est l'article 1 de notre programme. C'est aussi un des engagements sur lesquels nous avons été élus lors de la dernière campagne électorale. Mais surtout c'est plus urgent que jamais, et j'en prends pour preuve le débat que nous venons de faire pas sur le discours inaugural, mais sur la motion qui vient d'être déposée et qui a fait l'objet d'un consensus en cette Assemblée, soit, et je vais vous la relire, M. le Président:

«Que l'Assemblée nationale, dans la foulée du rapport unanime de la commission des institutions intitulé Le Québec et la Zone de libre-échange des Amériques: Effets politiques et socioéconomiques, affirme que l'ouverture des marchés des Amériques constitue un potentiel majeur pour l'économie du Québec, que le processus de négociation de cette Zone doit être transparent et démocratique et qu'un éventuel traité de libre-échange des Amériques devra respecter nos compétences constitutionnelles, nos valeurs sociales et notre identité collective.»

Nous avons fait la démonstration ? et nous le disons à satiété ? de l'importance pour le Québec d'être à la table des négociations. Le premier ministre, avant moi, l'a exprimé avec une éloquence que je ne saurais atteindre, M. le Président, en toute humilité. Et j'ai entendu par la suite le chef de l'opposition, presque du bout des lèvres, donner son accord à ce qui avait été mentionné, jusqu'à dire: Oui, est-ce que nous devons être à la table? Et je vous résumerais, je vais paraphraser le premier ministre en disant: Bon, à partir de ces engagements qui sont si essentiels pour le Québec, eh bien, nous devons être à la table pour aller négocier. Eh bien, j'ai senti un doute du chef de l'opposition, mais il a dit, et c'est ses arguments qui m'ont frappé, il a dit: Non... Et c'est un argument que je pensais qu'on avait réfuté depuis longtemps, mais qui revient, et c'est ce que j'ai vu des échanges, la base de leur prétention, soit celle de dire: Non, nous sommes trop petits. Et il a pris l'exemple: Nous n'avons pas assez de sous dans les poches par rapport à la nation qui nous côtoie, soit les États-Unis d'Amérique.

Eh bien, je peux vous dire que ça me surprend d'autant plus que... Et, sans rappeler tous les chiffres à l'effet que le Québec est au niveau de la superficie... au dix-septième rang au niveau de sa superficie, au niveau de la taille de son PIB, au dix-neuvième rang de l'OCDE, et le PIB par habitant, nous sommes les quatorzièmes dans le monde sur au-delà de 180 pays. Alors, je pourrais reprendre tous ces arguments, donner toutes les statistiques qui démontrent au contraire que le Québec a tous les moyens de s'affirmer. Mais non, on nous ramène à cet état de petitesse. On voudrait nous faire croire et faire croire aux citoyens de notre nation que nous sommes petits, et ça, ça m'attriste beaucoup d'un élu de cette Assemblée.

D'ailleurs, si nous continuons le raisonnement du chef de l'opposition, eh bien, M. le Président, à la prochaine négociation sur les accords mondiaux, que ce soit au niveau du GATT ou même ceux qui passent actuellement, face aux États-Unis, nous aurons plusieurs nations qui vont renoncer à leur souveraineté. Pourquoi? Parce qu'ils sont trop petits. Le Nicaragua est beaucoup trop petit face aux États-Unis d'Amérique. Alors, quel pays va pouvoir maintenant affirmer sa souveraineté? Non, au contraire, ils vont... Et, selon le raisonnement que j'ai entendu tantôt, ils vont renoncer à leur souveraineté et ils vont plutôt, je ne sais pas, s'acoquiner soit avec les États-Unis ou soit avec un autre pays et ne plus représenter leurs gens. Eh bien, non, M. le Président, non, ce n'est pas ce que doit faire une nation qui mérite ce nom et ce n'est pas non plus ce que souhaitent les populations qui les composent. Ce qu'ils veulent, c'est être à la table des négociations.

n(16 h 50)n

Et, quand je vois l'ensemble des éléments qui sont mentionnés dans la motion et qui font effectivement état de choses, du potentiel majeur que cela représente pour l'économie du Québec, de nos valeurs sociales, de notre identité collective, eh bien, moi, la seule question que j'ai pour vous, M. le Président, et je sais que vous ne me répondrez pas aujourd'hui, c'est: Pourquoi ne sommes-nous pas à la table? Et pourquoi, tous ensemble, toute l'Assemblée, tous les partis composés, ne faisons-nous pas front commun pour demander que nous soyons à la table des négociations? Et, pour l'être, qu'est-ce qu'il faut? Eh bien, en plus d'être une nation, il faut avoir un pays.

Alors, c'est tout simple. Quand nous disons que la souveraineté, elle est simple, elle est simple dans sa création, elle est simple dans son idée. Eh bien, c'est avec des arguments comme ça qui font en sorte que, oui, ça fait 30 ans qu'on en parle. Mais, moi, je suis convaincu que nous n'en parlerons pas encore pendant 30 ans et que nous avons, pendant cette période, convaincu autant de Québécois à adhérer aux propos, et à la thèse, et à la cause que nous défendons.

Donc, la mondialisation est sûrement le meilleur argument maintenant pour faire la souveraineté, pour que nous soyons dans le concert des nations. À cela s'ajoutent des phénomènes et, je dirais, des réalités au niveau plus structurel par rapport au système fédéral, soit, et je l'ai mentionné un peu tantôt, la santé qui est un exemple frappant de désengagement, mais je vous dirais, en même temps, de... Il est navrant pour nous, Québécois, de voir à quel point le fédéral s'est désengagé, choisit d'autres champs d'intervention, et nous nous retrouvons ? et on le dit, et on le redit, mais c'est vrai, une vérité, il faut la dire, il faut la redire ? avec des besoins. Et la santé en est sûrement l'expression la plus importante et, je vous dirais, la plus évidente quant à ce déséquilibre. Auparavant, le fédéral participait de l'ordre de 50 %. Actuellement, nous n'atteignons plus ces niveaux. Comme je le disais tantôt, pour chaque dollar que nous investissons, c'est 0,14 $ que le gouvernement fédéral investit dans la santé. Alors, comment ce serait plus simple que nous-mêmes, avec nos impôts, nous décidions effectivement de prioriser ce secteur et que nous puissions accomplir l'ensemble des tâches que demandent notre gouvernement et les compétences que nous avons.

L'éducation en est un autre bel exemple, M. le Président, où on a vu... qui est encore une préoccupation. Et, au Québec encore plus qu'ailleurs, même, je vous dirais, au Canada et dans le monde, nous avons priorisé l'éducation, nous l'avons rendue accessible à tous les citoyens. Eh bien, les besoins sont encore en éducation, c'est une compétence du gouvernement du Québec. Malheureusement... Et nous avons investi, je vais le mentionner tantôt, lors du dernier budget, nous allons continuer à investir. Mais comment ça serait encore plus intéressant si nous avions tous nos impôts et que nous pouvions faire ces choix normalement, mais en disposant de l'ensemble de l'assiette fiscale et l'ensemble des revenus dont... l'ensemble des impôts que paient les Québécois aux deux paliers de gouvernement.

Pour les régions aussi, M. le Président, à divers égards, et je ne veux pas rentrer, parce que le temps file et je n'aurai pas le temps d'aborder les autres thèmes, mais, pour les régions, ce n'est que... Tout d'abord, et plusieurs régionaux le constatent à tous les jours, le pouvoir, évidemment le pouvoir de Québec, il est beaucoup plus près des régions. Mais, en même temps, à partir du moment où nous aurons un État, que nous serons un pays, il y aura à travers ça d'autres décentralisations et des gouvernements régionaux, et c'est ce que nous faisons actuellement, seront prêts à accueillir ces nouveaux pouvoirs. Nous aurons d'autres choix, et ce sera même, je crois, une bonne chose de faire en sorte de déléguer à des gouvernements régionaux le soin... tant par rapport à leur développement économique qu'au niveau culturel et au niveau de la santé aussi, donc la santé, l'éducation, les régions et notre économie en général.

Alors, quelle raison ça prend de plus? La souveraineté, nous aspirons à la normalité, c'est la normalité des peuples. Mais je crois qu'avec les événements qui se déroulent au niveau de la mondialisation nous faisons un pas de plus, et la motion d'aujourd'hui en est un exemple. Mais je suis convaincu, et ça, je vous avouerais que nous le disons depuis un bon moment au niveau de la mondialisation, de l'importance de faire la souveraineté dans un cadre de mondialisation des marchés. Mais je crois, et souhaitons-le, que, bon, tant par la motion que les commentaires que nous tenons, les échanges que nous faisons, nous allons pouvoir convaincre, et souhaitons-le, même le chef de l'opposition et l'opposition officielle. Nous avons vu ici un bel exercice d'unité. Alors, continuons dans cette belle unité, M. le Président.

Un autre point qui a été abordé lors du discours inaugural, et j'en faisais part un peu dans les arguments sur la souveraineté, était l'éducation. Le premier ministre l'a souligné, une de nos tâches les plus sacrées est l'éducation et la formation de nos enfants. Je crois que c'est une tâche que nous avons tous à coeur comme parlementaires, mais l'ensemble des membres qui composent cette société ont cette même préoccupation. Il est évident que, par la formation, par l'éducation, nous contribuons au développement de divers secteurs au niveau économique. Ça nous permet en même temps d'innover. Et c'est une des facettes du budget qui n'a pas été assez mise en valeur, je crois, selon moi.

C'est sûrement la meilleure arme contre l'exclusion. Nous parlons beaucoup de lutte à la pauvreté. Oui, il faut lutter sur tous les fronts à la pauvreté. Mais, une des meilleures armes que nous avons, c'est donner la formation à nos jeunes, à ceux qui veulent aspirer, qui veulent avoir un emploi, qui veulent prospérer, comme tout le monde y a droit. Alors, la meilleure arme qu'on peut leur donner, c'est d'avoir la formation, parce que, évidemment, plus on est éduqué, plus on a de chance de s'éloigner de cette exclusion.

Alors, M. le Président, lors du dernier discours inaugural, il a été clairement mentionné ? c'est un engagement d'ailleurs qui découle même, on se souvient, du Sommet sur la jeunesse ? c'était de donner un nouvel élan à l'éducation. Tout d'abord de réinvestir, et nous avions parlé à ce moment-là ? il y a tout près de deux ans ? de réinvestir à la hauteur de 1 milliard de dollars. Alors, chose promise, chose due. Mais, en même temps, il fallait mobiliser tous ceux et celles qui oeuvrent dans le secteur de l'éducation. Je vous dirais, on parle des professeurs, on parle du personnel qui encadre les professionnels qui oeuvrent auprès des enfants mais aussi, et surtout, je vous dirais, les parents, parce que cet engagement ne peut pas être seulement celui des professeurs ? et je crois qu'ils doivent y contribuer ? mais nous devons, tous ensemble, faire en sorte d'arriver avec des plans de réussite. Je vous ferai part tantôt des objectifs que le ministère s'est donnés, et différentes commissions scolaires, par rapport au décrochage. Eh bien, pour réaliser ces objectifs, il faut que tous mettent la main à la pâte, et je vous dirais que les parents sont sûrement les plus concernés.

Je vous dirais que je le vis même dans mon comté où j'ai une école qui est dans un secteur très défavorisé mais qui réussit, grâce à l'engagement évidemment du corps professoral, de la directrice, des enfants évidemment mais des parents par le biais du conseil d'établissement, et les gens du milieu, à avoir des taux de réussite qui sont les mêmes et même un peu meilleurs que la moyenne. Pourquoi? Pourquoi, avec des difficultés supplémentaires, des problèmes d'alimentation, avec différents problèmes que la vie peut amener, que l'exclusion peut amener, on a réussi? Pourquoi ces gens-là ont réussi et pourquoi je m'enorgueillis aujourd'hui de cette réussite? C'est parce que les gens du milieu, M. le Président, se sont mobilisés et ont fait en sorte que ces jeunes maintenant aspirent, de même que toute personne dans tous les quartiers de la ville de Chicoutimi, au même bonheur. Et le droit au bonheur, ce n'est pas que philosophique, M. le Président, il s'exprime à tous les jours. Et, par le biais de la formation, ils ont accès à la même chance que tous les gens. Ils ont la même qualité d'enseignement et ils auront la même chance, après ça, de pouvoir avoir un emploi convenable. Donc, d'où l'importance de mobiliser tous les gens du milieu.

Il faut rappeler, sur les plans de la réussite tout d'abord, que nous avons ? évidemment, nous ne partons pas de zéro, au contraire ? un des taux de scolarisation les plus élevés de l'OCDE, actuellement. Je crois que c'est le deuxième ou le troisième. Alors, ça rajoute d'ailleurs aux commentaires quand on disait que nous sommes une grande nation, eh bien, on le voit aussi par la formation de nos jeunes. Nous sommes dans les plus scolarisés de l'OCDE.

n(17 heures)n

Par contre, nous constatons, au niveau du secondaire, des taux de décrochage qui sont trop élevés, qui sont de l'ordre de 26,9 % et, au primaire, de l'ordre de 22 %. Donc, tous les gens, ensemble, tous les acteurs au niveau de l'éducation se sont assis à la même table et ont dit: Voici, à partir de maintenant, nous allons faire un vrai plan de réussite; nous allons nous donner les moyens. Chaque école a été mise à contribution. Et nous allons nous donner des cibles. Et les cibles, elles sont, au niveau secondaire, 2002-2003, de ramener ça à l'ordre de 22 % et, au primaire, à 11 %. Donc, M. le Président, c'est un très grand objectif qu'on s'est donné, mais je suis convaincu, de la façon que le ministre de l'Éducation mène cette réforme, avec la participation de tous les acteurs, que nous allons atteindre nos cibles, d'où l'importance d'ailleurs, M. le Président, de valoriser... Oui, nous valorisons les études supérieures, l'université, les études postuniversitaires, mais il faut aussi valoriser, et ça a été un problème dans le passé, la formation professionnelle.

Chez nous, nous avons même peur, à certains égards, d'avoir ? et nous en avons déjà ? certaines pénuries dans des domaines très précis d'emploi où nous n'avons plus de gens formés, qualifiés, de formation professionnelle. Et ça, c'est bien malheureux. Et pourquoi? Souvent, c'est dû à des impressions, je vous dirais, effectivement, à ce qui est véhiculé dans la population par rapport à ça, et, pendant des années, le secteur professionnel a été un peu délaissé. Or, depuis des années, nous accentuons cette volonté et cette valorisation de ces secteurs où les emplois sont fort bien payés et où nous avons, au niveau... Et d'autant plus dans les défis que nous avons relevés dans les régions du Québec, soit la transformation, ça prend des gens avec des formations particulières pour travailler dans les usines de transformation, les entreprises manufacturières, donc d'où le haut potentiel d'emploi pour ces jeunes.

Donc, M. le Président, un bon budget en éducation, ce qui a fait en sorte que, suite au discours inaugural, les actes ont été posés: 730 millions en éducation, et je vais vous les ventiler mais très rapidement, soit 350 millions pour assurer entièrement les coûts de système, et c'était une demande du milieu et c'était normal que nous le fassions, il y a aussi 200 millions pour... On fait une mise en réserve, à ce moment-là, pour prévoir certains besoins qui pourront être, entre autres, et on sait que nos institutions en ont bien besoin, au niveau des parcs technologiques et informatiques. Au niveau technologique, les avancements se font à une vitesse très, très rapide, ce qui demande beaucoup de réinvestissements au niveau de l'éducation, et c'est important que nos étudiants puissent profiter d'équipements de fine pointe pour être mieux formés pour l'emploi. Il y a aussi, et je tiens à le souligner, le programme Agir tôt pour réussir, où c'est une somme de 47 millions qui fait en sorte que, au niveau préscolaire et les premières années de primaire, les classes vont être diminuées. On va augmenter le nombre de professeurs de l'ordre de 2 000. Alors, c'est 2 000 professeurs qui vont être engagés et qui vont travailler auprès des étudiants et étudiantes du Québec.

Aussi, des mesures qui ont été annoncées qui sont importantes pour les étudiants qui oeuvrent, au niveau du système de prêts et bourses, qui oeuvrent au niveau universitaire ou collégial. Tout d'abord, et je tiens à le souligner, la TVQ, la taxe de vente du Québec, va être versée à ces étudiants-là, ce qui représente un ajout de 154 $ pour 26 000 étudiants. En plus, le régime de prêts et bourses a été augmenté de 38 millions de dollars. C'est quand même très important. Nous savions que nous avions le système de prêts et bourses le plus généreux. Or, maintenant, nous y ajoutons encore 33 millions. Donc, c'est une bonne nouvelle. On sait maintenant que les bourses ne seront plus imposées, donc, encore là, c'est une bonne nouvelle, M. le Président, et que les étudiants à temps partiel qui n'avaient que des prêts auront accès maintenant au régime de bourses.

Et il y a une mesure aussi, et c'était une demande du Sommet sur la jeunesse, au niveau des jeunes qui ont des enfants. Alors, seront inclus, sous forme de bourses, maintenant les jeunes pour les frais de garde, des étudiants qui ont des enfants et qui ont des frais de garde. Alors, à ce moment-là, bien, ceux qui reçoivent des prêts pourront les recevoir pour couvrir les frais de garde, pourront les avoir sous forme de bourses. Donc, c'est un engagement envers le milieu, envers les étudiants, de faire en sorte que ceux qui font le choix ou parfois se retrouvent dans une situation où ils ont des enfants et en même temps étudient... bien, on allège un peu. Et c'est une compassion qui est nécessaire, une belle preuve de solidarité, M. le Président.

Parlant de solidarité, très rapidement, on entend à satiété: Nous sommes les plus taxés. J'ai eu l'occasion, lors du discours du budget, d'en discuter; il faut toujours regarder cette proportion, au niveau de la taxation, par rapport aux services qu'on reçoit. Nous pouvons être la société la plus taxée mais surtout la plus solidaire, donc ce qui veut dire tout dépendant des services que nous décidons de nous donner comme collectivité. Ce qui est important, c'est que l'argent soit bien utilisé et que l'État soit géré avec rigueur. Et, à ce niveau-là, il est bien évident que nous n'avons pas de leçon à recevoir de personne, sûrement... je ne dirai pas de personne, M. le Président, il faut être humble, il y a plusieurs personnes qui peuvent apporter leur contribution, mais, sûrement, il y a un groupe de qui nous ne pouvons pas en recevoir, c'est le groupe de l'opposition, M. le Président, et je n'ai pas le goût... Mais tout le monde sait à quel niveau des finances publiques les libéraux nous ont laissés jusqu'en... Nous avons pris le pouvoir en 1994 et, il faut le rappeler, c'est, on s'en souvient, 6 milliards de dette au total, mais une incapacité de donner une orientation gouvernementale à tout niveau.

C'est pour ça, M. le Président, que, quand j'entends... Au niveau des discours, maintenant l'opposition fonctionne par mots-clés. On avait... Bon, maintenant, là, aujourd'hui, on a sorti le mot «pauvreté». On a découvert effectivement qu'il y avait de la pauvreté, qu'il y avait de l'exclusion, qu'il fallait lutter contre l'exclusion ? nous, nous le savons depuis longtemps et nous combattons, nous prenons des mesures, et il faut mener ce combat ? comme on a, il y a à peu près un an, découvert les régions. On avait oublié les régions, au Parti libéral, depuis je ne sais combien de temps. J'ai 33 ans, alors on peut dire au moins depuis 33 ans, M. le Président. Donc, tout d'un coup, on a découvert les régions et on s'est dit: Oui, maintenant, les régions, nous parlons de régions. Même le chef de l'opposition s'est promené un peu partout, il a fait la découverte de l'importance des régions, de leur... On lisait les commentaires qui nous faisaient un peu sourire, sauf que, malheureusement, il y a comme une pénurie d'idées. Il n'y a pas...

Oui, au-delà de la compassion, au-delà de la prise de conscience de ces réalités-là, ça prend quand même un peu de substance, M. le Président. Or, il n'y a pas de substance. Quelle proposition constructive nous avons eue? Et je vous cite en exemple un sujet que je connais très bien, les régions. Moi, j'ai entendu beaucoup parler. Oui, pour les régions, il faut faire des choses, mais il n'y avait aucune proposition constructive.

Or, dans les trois dernières, les quatre dernières années tout particulièrement, je vous dirais les deux dernières et demie, depuis que je suis député à l'Assemblée nationale, il y a des choses très précises qui ont été faites pour les régions, parce qu'il faut faire les bons constats pour les régions, il faut voir où sont leurs problèmes, où les défis se posent pour mieux agir. Il y avait des problèmes au niveau de la diversification économique. C'était un constat qui était clair pour les régions. Nous dépendions beaucoup de la grande industrie, beaucoup de nos ressources premières que nous ne transformions pas. Alors, M. le Président, d'où ces efforts en diversification, comme on a vu, il y a de cela plus d'un an, avec les carrefours de la nouvelle économie, avec, il y a un an, le Fonds de diversification économique pour les régions-ressources qui a déjà commencé à porter ses fruits. Au niveau de la transformation, chez nous, nous avons eu la transformation de l'aluminium, mais partout au Québec, maintenant, les efforts de transformation des matières premières, il y aura des crédits d'impôt, les entreprises vont être admissibles, donc, pour créer des emplois, pour avoir des effets structurants dans les régions.

Et nous avions aussi un déficit au niveau des PME, au niveau manufacturier, d'où la dernière mesure, presque inespérée, il faut bien le dire, soit celle d'un congé d'impôt pendant 10 ans pour les entreprises qui oeuvrent dans ce domaine, selon certaines modalités. Eh bien, à cela, il faut ajouter les CLD, les possibilités d'ententes spécifiques que nous avons. Là, je parle d'ententes spécifiques et je vois mon collègue le ministre responsable des Ressources naturelles qui connaît bien ce sujet. Nous avons, dans la région, plusieurs ententes spécifiques, et je suis convaincu que, si j'avais des députés libéraux qui m'écoutaient, eh bien, je parlerais d'un thème peut-être qu'ils connaissent fort peu, M. le Président. Pourquoi? Parce que, c'est ça, quand on dit: On ne s'improvise pas régionaliste, ce n'est pas parce qu'on prononce le mot magique «région» que, tout d'un coup, on devient régionaliste et on comprend toute la dynamique des régions.

M. le Président, le temps file. Alors, je vous dirais aussi, par rapport aux baisses d'impôts ? et je tiens à le souligner en terminant et je crois que c'est important de le dire: les baisses d'impôts, oui, mais regardez. Quand on dit des baisses d'impôts équitables, quand on dit qu'on est un parti qui est différent, oui, nous avons baissé les impôts, oui, nous allons continuer à le faire, mais dans un souci d'une solidarité et en comprenant et en ayant la compassion envers ceux justement qui peuvent avoir plus de difficultés.

Alors, oui, les baisses d'impôts, mais pour les 25 000 $ et plus, c'est 34 % de baisse d'impôts; pour les 25 000 $ à 50 000 $, c'est 28 % de baisse d'impôts; pour les 50 000 $ à 75 000 $, c'est 22 %; et 75 000 $ et plus, c'est 15 %. Et qu'est-ce que ça démontre, M. le Président? Oui, nous allons baisser les impôts, mais, oui, nous allons prendre en considération, nous allons respecter ceux qui ont des besoins et nous allons faire preuve de compassion, de solidarité à leur égard.

n(17 h 10)n

Alors, c'est ça, la marque du Parti québécois, M. le Président. C'est notre marque, et nous en sommes fiers. Quand on dit que nous menons le combat de l'exclusion sur tous les fronts, eh bien, c'est un autre des fronts que nous menons. Je n'ai pas eu malheureusement le temps de vous faire part de toutes les mesures qui ont été annoncées lors du dernier budget, mais il faut les prendre dans leur contexte plutôt et les mettre dans nos actions que nous avons posées en éducation, les actions que nous posons dans les régions. Parce que nous avons des taux de chômage qui sont plus élevés dans les régions; donc, quand nous agissons sur le chômage en région, nous agissons contre l'exclusion aussi, contre le chômage, contre la pauvreté. Donc, toutes ces mesures... Et, on pourrait même citer aussi l'aide à la famille. Il y a plusieurs pans de nos politiques qui font oeuvre d'aider les familles les plus défavorisées, de permettre à ceux qui ont le plus de besoins de compenser, de leur donner des moyens pour avancer dans la vie.

Alors, M. le Président, je suis très fier de faire partie de ce gouvernement qui a ces préoccupations, préoccupations au niveau économique, au niveau culturel, au niveau de la lutte à la pauvreté, mais aussi au niveau constitutionnel. Et, en cette Chambre, je constate par les discours que nous sommes les seuls à réunir cet éventail de préoccupations et j'en suis très fier. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chicoutimi. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Pontiac. M. le député.

M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci beaucoup, M. le Président. Le discours d'ouverture, discours inaugural, c'est un moment fort d'un gouvernement. Normalement, ça arrive après une élection où un parti politique a eu un mandat. Et, à entendre le député de Chicoutimi tantôt, il semblerait que le nouveau premier ministre désigné aurait eu un mandat clair sur la souveraineté. Pourtant, son prédécesseur, qui, lui, n'était pas le premier ministre désigné, il avait été élu en 1998, a dit qu'il n'avait pas le mandat. Pourquoi, M. le Président? Parce que la majorité des Québécois ont voté pour le Parti libéral à l'élection de 1998. En plus, en 1995, la population a été consultée à ce sujet-là, et encore la population a dit non.

Mais il semblerait que, avec le nouveau premier ministre désigné, ils ont tous cette maladie de la souveraineté. Pourtant, ce n'est pas ça qui va nous assurer d'avoir un meilleur système de santé, qui va s'occuper des gens qui en ont besoin. Ce n'est pas ça. Est-ce que vous ne réalisez pas, lorsqu'il y a l'incertitude politique, qu'il n'y a pas d'investissements? Il n'y a certainement pas d'investissements économiques parce que les gens ne veulent pas prendre le risque de perdre leurs économies. C'est assez difficile, M. le Président, vous le savez. Je ne sais pas si vous avez déjà été impliqué dans les affaires, mais c'est assez difficile, avec la compétition qu'on a aujourd'hui, de réussir lorsqu'on joue sur un terrain... alors que tout le monde joue sur le même terrain. Mais, si on met une condition qui peut risquer l'investissement, c'est certain ? certain ? qu'il y a un désavantage.

Vous vous souvenez que, lorsque le chef de l'opposition... En passant, j'espère qu'il y a une grande partie de la population du Québec qui a écouté le discours, aujourd'hui, du chef de l'opposition concernant le libre-échange, l'historique d'où nous sommes rendus et où on s'en va, et que tout ceci s'est fait au sein du système, de la fédération que nous sommes dedans. Et je dois vous dire que la langue, la culture, ces choses-là qui sont réellement importantes pour le Québec, elles sont protégées, elles sont protégées au sein du Canada aujourd'hui.

Et, M. le Président, je voudrais donc mentionner aussi... Tantôt, le député de Chicoutimi critiquait un peu la sortie de mon collègue de Chapleau sur l'autoroute 50. Bien, ce n'est pas seulement que le député de Chapleau, c'est que si le député de Chicoutimi avait lu LeDroit de jeudi, le 5 avril: «Les 100 millions de l'autoroute 50 font des statistiques». Mais c'est qui, M. le Président? Ce n'est pas un député, c'est le préfet de la MRC et le préfet suppléant. Donc, ces gens-là ont dit: Regardez, 100 millions. Comment ça se fait? On a annoncé 9 millions pour le contournement de Buckingham. C'est tout ce qu'on a annoncé et c'est tout ce qui a été budgeté. Et peut-être qu'il a raison, le député de Chicoutimi. Ils ont annoncé 9 millions, parce que, dans cette construction-là, le gouvernement fédéral va payer à 50 %. Ça faisait partie de l'entente de 1972 sur le réseau routier, et c'est le dernier bout de l'autoroute 50 où le fédéral contribuait autour de 50 %.

Alors, notre chef a tenté de convaincre le premier ministre désigné que, en réalité, il devrait se comporter comme le premier ministre de tous les Québécois, non pas le premier ministre de l'aile radicale du Parti québécois ou seulement les gens qui sont d'accord avec lui, parce que, lorsqu'on représente seulement un groupe, on ne s'occupe pas nécessairement des intérêts supérieurs de tout le Québec. C'est ça qui va nous permettre, avec le libre-échange des Amériques, de prendre notre place et de la maintenir, notre place, parce qu'il va falloir qu'on s'assure d'avoir un système d'éducation qui va préparer nos jeunes. Ils ont la capacité d'être capables de concurrencer n'importe qui, et on l'a démontré. Et, à date, on a réussi, au Québec, avec les ententes de libre-échange que nous avons, à tripler nos exportations. Qui bénéficie de ça, M. le Président? Ça crée des emplois, et c'est certain, c'est ça qui a permis, dans les dernières années... L'économie est très bonne. C'est pour ça qu'on a réussi aussi à atteindre le déficit zéro, parce qu'il y avait une rentrée de fonds. Donc, ça démontre donc que, lorsque les gens travaillent, à ce moment-là, il y a une rentrée de fonds.

Mais, M. le Président, j'avais l'intention de faire un discours totalement différent de qu'est-ce que je vais faire. C'est qu'on parle des régions, mais on oublie que les régions... Puis, je suis d'accord qu'on devrait réellement, pour les régions-ressources, tout mettre en oeuvre pour que ces gens-là puissent bénéficier, profiter de la ressource qui est là, et qu'ils puissent, eux aussi, gagner leur vie.

Mais, une chose que semble oublier le gouvernement, c'est que... Puis je vais vous donner l'exemple, M. le Président, de la MRC de Pontiac qui fait partie de l'Outaouais; c'est une MRC qui est très pauvre. C'est une région-ressource; elle est juste adjacente à une zone urbaine. Heureusement, à cause des emplois qu'on a en Ontario, la richesse est bonne, l'emploi est bon. Mais ces gens-là, ils vivent majoritairement de la ressource forestière.

n(17 h 20)n

Mais il me semble qu'un gouvernement qui veut s'occuper de tout le monde aurait pu identifier ? et pas seulement dans l'Outaouais, dans d'autres régions ? peut-être des MRC qui sont adjacentes à des zones urbaines qui ont un indice de richesse assez bien, d'aider ces gens-là; ils ont besoin... Et en plus du fait, nous autres, dans l'Outaouais, M. le Président, qu'il faut faire la concurrence aux gens de l'autre côté de la rivière qui sont en Ontario, des gens qui paient moins d'impôts, des gens qui paient moins d'administration, moins de contraintes comparé au Québec. Donc, si les gens ont un choix entre l'Ontario et le Québec, ils vont choisir l'Ontario. Mais, maintenant, parce qu'on veut aider, et avec raison, d'autres régions, encore, on va créer la compétition entre ces régions-là. Et j'espère, M. le Président, et j'ai l'intention d'échanger avec le ministre responsable des Régions, le ministre des Ressources naturelles, de voir, puis qui connaît réellement les régions, de regarder... Il y a peut-être quelque chose qu'on peut faire pour des MRC aussi, pour qu'elles puissent elles aussi profiter du fait qu'elles ont une ressource et qu'il y a des gens qui veulent travailler. Et ça, j'ai bien l'intention de le faire.

M. le Président, c'est là le point que je vais soulever, ça, c'est le point que... Ça m'est arrivé aujourd'hui et c'est encore un problème de région. C'est une lettre que je reçois d'un employé du ministère des Richesses naturelles dans le Pontiac. Ça m'est arrivé aujourd'hui. Je pense que tantôt le député de Chicoutimi disait: Les régions, c'est important pour nous autres, on va tout faire pour les régions. Bien, dans les faits, ce n'est pas ça qui se produit.

Et je vais lire la lettre. C'est adressé à Robert Middlemiss: «M. le député, j'aimerais vous mettre au courant de la fermeture sous peu des bureaux locaux du ministère des Ressources naturelles, dédiés à la gestion du territoire à Fort-Coulonge et à Maniwaki. Dès cette semaine, tous les dossiers du Pontiac et de Maniwaki seront transportés au bureau régional de Hull ainsi que le personnel. En tant que représentant de la population au conseil d'administration du centre hospitalier du Pontiac, du CLSC et des CHSLD, ainsi que membre de la fondation du CLSC, j'ai eu l'opportunité de prendre connaissance des études et des difficultés reliées à la situation des Pontissois dans la dispensation des services à tous les paliers gouvernementaux. Je suis souvent appelé à siéger comme personne-ressource pour plusieurs organismes, qu'ils soient au niveau touristique, municipal ou régional. Cette expérience a pu solidifier mes connaissances des enjeux pour le développement du Pontiac. J'ai tenté à plusieurs reprises de faire valoir l'importance du maintien des services complets pour les promoteurs et clients du Pontiac, mais en vain. Nous avons suggéré plusieurs alternatives et possibilités technologiques et de structure afin de répondre professionnellement aux nouveaux plans d'affaires du MRN ainsi que sa clientèle de l'Outaouais, tout en donnant de meilleurs services, mais sans succès. Exemple, la numérisation de tous les dossiers locaux ou régionaux, un dossier unique, accessible tant au niveau local, régional que provincial et la mise à jour numérisée, peu importe le lieu de travail de la personne.

«La direction régionale ne veut plus que nous répondions aux promoteurs locaux ou autres localement mais que ces groupes ou personnes à l'avenir descendront à Hull sur rendez-vous. La raison majeure donnée par le directeur régional pour ces changements précipités est de créer la synergie auprès des employés à Hull. Vous savez comme moi que la synergie ne se fait pas avec une présence physique du corps humain, elle se crée avec le respect, la communication, l'ouverture d'esprit, la confiance, les outils, la collaboration et des compromis entre tous les acteurs. Il y a six ans, le plan était de doter les postes ? six à temps complet pour le Pontiac ? dans l'unité locale. Tous les dossiers du Pontiac qui étaient au bureau régional ont été transférés dans le bureau de Fort-Coulonge. Cette décision avait comme objectif de mieux répondre à la demande des promoteurs et citoyens en stimulant localement le développement des terres publiques. D'ici quelques jours, le contraire sera fait et toute analyse, délégation de gestion et d'autorité de développement sera transférée au bureau régional. La direction régionale n'a pas remplacé les postes de techniciens vacants dans le Pontiac depuis ces dernières années, mais les affecte à Hull.

«Le directeur s'apprête maintenant à déménager tous les 3 000 dossiers du Pontiac à Hull. Il nous a également informés la semaine dernière que le port d'attache du technicien à Fort-Coulonge est changé pour Hull à partir de lundi le 8 avril. J'ai reçu une lettre d'assignation de trois jours par semaine à Hull la semaine passée. Cette semaine, le directeur régional m'a informé que ma prestation est maintenant de quatre jours par semaine à Hull au lieu. En somme, la semaine passée nous avions, pour le Pontiac, un poste professionnel temps complet et deux occasionnels. Dès aujourd'hui, seulement une agente de bureau occasionnelle répondra à la clientèle à Fort-Coulonge, sans dossiers ou informations à jour. Je ne vois aucune efficacité administrative par cette décision. Au contraire, c'est la rupture des collaborations avec le milieu local et les partenaires. En lisant les différents documents du ministère, comme Le territoire, notre héritage, et les autres documents, le virage est clair. Une planification et une mise en valeur régionales concertées s'imposent. Une mise en valeur qui doit continuer d'être réalisée et mise en oeuvre localement. L'un n'empêche pas l'autre et se complémentent. Le volet planification aurait également, par la présence de ce bureau local, une connaissance à jour des enjeux et la visibilité nécessaire pour maintenir et développer et planifier la mise en valeur du territoire.»

M. le Président, ça continue: «Je crois fermement que le bureau local doit alimenter et soutenir la planification régionale et la mise en valeur régionale et, en conséquence, renforceront le développement régional. Les connaissances locales et le "networking", si précieux, sont nécessaires pour la mise en valeur du territoire de l'Outaouais. La gestion potentielle et le développement des 10 000 kilomètres carrés de terres publiques et les 4 000 lacs du territoire Pontiac le justifient.»

Et, M. le Président, je vois que mon temps s'écoule et j'ai l'intention... Et je suis convaincu que le ministre va me porter une oreille attentive. Et voici, ce n'est pas comme ça, M. le Président, hein? On est dans un discours inaugural, dans un budget, on dit: On va s'occuper des régions. Et qu'est-ce qu'on fait? On déménage dans le centre-ville de Hull. Je ne dis pas si la ville de Hull avait une forêt puis des choses, mais ce n'est pas là où l'action se fait. Et il me semble que ni le budget ni le discours inaugural n'ont apporté des éléments d'espoir pour ces gens-là qui veulent travailler à développer leurs ressources naturelles et qui voudraient certainement, M. le Président, être capables d'échanger et non pas forcer les gens de Fort-Coulonge. C'est 120 kilomètres de Fort-Colonge à Hull. Donc, quelqu'un voudrait discuter des terres du ministère, il serait obligé de faire un rendez-vous et de se rendre à Hull. Et, on sait qu'ils n'ont pas un transport en commun, chacun doit prendre son auto.

Donc, M. le Président, en terminant, je voudrais certainement passer un message aux gens du gouvernement. Parce que vous avez un nouveau premier ministre désigné, c'est que vous n'avez pas eu un mandat pour l'indépendance encore. C'est ça, vous devriez... Si jamais, un jour, vous avez le courage de le faire, faites-le, et vous verrez que la population du Québec vous répondra que ce n'est pas ça qui est important. L'important, c'est de s'occuper d'améliorer les soins de santé, et souvent les gens se posent la question: Pourquoi mettre 720 millions, 950 millions, une cagnotte? Ça va servir à quoi lorsqu'il y a tellement de besoins, tellement de besoins pour la santé? Et l'autre, où ce n'est pas aussi sensible, c'est certainement l'éducation. Si on ne fait pas attention, c'est toute une génération qui va souffrir les conséquences de ne pas avoir investi suffisamment dans l'éducation, et ça, on va l'apprendre il va être trop tard. Donc, ça prend un coup de barre et de s'assurer qu'on puisse former les jeunes Québécois et pour faire face aux défis, les grands défis qu'on va avoir avec la mondialisation des marchés. Merci, M. le Président.

n(17 h 30)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Pontiac. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Blainville. Mme la députée.

Mme Céline Signori

Mme Signori: Alors, merci, M. le Président. Permettez-moi, avant de commencer mon allocution, de saluer les citoyennes et les citoyens de la circonscription de Blainville, qui fait partie de la magnifique région des Basses-Laurentides, où un esprit de concertation et d'agitation économique et familiale est très, très fort. Alors, j'en profite pour les saluer, parce que, voyez-vous, la façon dont notre Parlement fonctionne ou nos règles parlementaires fonctionnent, les députés d'arrière-ban n'ont pas l'occasion de parler souvent. Alors, je me permets aujourd'hui de les saluer bien chaleureusement.

Il me fait plaisir aussi, à mon tour, d'appuyer la teneur du discours d'ouverture du premier ministre. Je suis fière, comme parlementaire, d'être associée aux performances du gouvernement. La responsabilité démontrée par notre gouvernement, au cours des dernières années, s'est concrétisée par de belles réussites, des réussites qui rendent envieuse l'opposition dans cette Chambre.

La population du Québec possède aujourd'hui l'une des meilleures espérances de vie au monde. Le taux d'obtention d'un Diplôme d'études secondaires est passé de 57 % à 84 % en 25 ans. Le taux de scolarisation dépasse maintenant de 7 % celui de la moyenne des pays de l'OCDE. Quant au taux d'obtention d'un Diplôme d'études supérieures, il a aussi doublé.

Le marché du travail a retrouvé une vitesse de croisière impressionnante avec la création de près de 300 000 nouveaux emplois en quatre ans et un taux d'emploi record de 67,3 %. M. le Président, c'est beaucoup mieux que les 100 000 emplois qu'un certain gouvernement nous avait promis et qu'il n'avait pas réussi à atteindre en quatre ans de mandat. Jamais, depuis 25 ans, le taux de chômage n'a été aussi bas, passant de 13,3 % en 1993 à 8,4 % aujourd'hui. La moitié de toutes les exportations canadiennes de haute technologie proviennent du Québec. La croissance immense de ces exportations est de l'ordre de 140 % en 10 ans.

C'est sans doute pour ces raisons que le gouvernement fédéral tente de faire voler au vent l'unifolié rouge afin de récupérer tout ce succès. Mais je ne comprends pas pourquoi le gouvernement fédéral pousse l'audace jusqu'à investir un budget supplémentaire d'un demi-million de dollars pour une offensive de drapeaux unifoliés et de ballons rouges, entre autres, sur nos plaines d'Abraham. La terre des plaines d'Abraham, M. le Président, porte déjà suffisamment de rouge, le rouge provenant du sang de nos ancêtres qui ont dû mourir pour conserver notre culture et nos terres. Filtré dans nos terres, ce sang nous rappelle que nous sommes une nation, un peuple, un pays. Souverains, nous le serons, comme le coeur de chacun de ces soldats qui a cessé de battre en espérant que leur sang servirait à la reconnaissance pleine et entière de notre pays. Nous leur devons notre histoire et notre culture.

Donc, l'économie du Québec fait l'envie de plusieurs. Son succès en fait saliver aussi plusieurs autres. Mais, détendez-vous, les amis d'en face ? qui ne sont jamais là évidemment ? nous n'avons pas la prétention de dire que tout va comme sur des roulettes. Le premier ministre affirmait qu'il subsiste encore, au-delà de nos labeurs et de nos réussites, trop de décrochage scolaire, de chômage, de gens qui attendent dans les salles d'urgence des hôpitaux, de personnes handicapées, enfants et adultes, pas aussi bien secondées qu'elles devraient l'être, de femmes aussi dont le salaire n'est pas égal à celui des hommes pour le même travail, de régions inégales dans leur développement, etc. Sans doute, l'opposition aurait aimé que l'on s'assoie sur nos succès en se redorant mutuellement. Non. Déjà, nous avons relevé la tête et nous tenterons de poursuivre l'élan de prospérité qui sévit au Québec.

Je rappellerai, M. le Président, que, pour être arrivé à ces excellentes nouvelles, il a fallu que le gouvernement prenne des décisions pénibles, des décisions qui ont nécessité d'énormes efforts de la population. Pour arriver à vivre avec nos moyens réels, il a fallu que tous les secteurs fassent leur part. Cette décision d'arriver à l'atteinte du déficit zéro a été très difficile. Il fallait s'attendre à beaucoup d'insatisfaction et d'opposition. C'est ce qui fait la marque de notre gouvernement, M. le Président. Nous prenons des décisions pénibles, sachant très bien que notre parti pourrait en souffrir dans sa popularité, comme il aurait été plus facile de réapprendre à vivre avec nos moyens si cette rigueur avait été appliquée bien avant 1994.

Le courage démontré par le gouvernement porte maintenant ses fruits. Au-delà de la nécessaire atteinte du déficit zéro, au-delà de la réforme de la santé, au-delà de la réforme de l'éducation, les commettants de ma circonscription m'ont manifesté encore tout dernièrement à quel point ils étaient fiers de l'ampleur de la réussite et de l'essor du Québec partout dans le monde. Il n'est plus rare que le Québec soit cité à l'honneur dans le domaine des hautes technologies. Il n'est pas rare non plus qu'on l'évoque en exemple pour sa politique familiale dans les provinces canadiennes et aux États-Unis. Des artistes québécois, des entreprises québécoises et des politiques québécoises font les manchettes partout dans le monde.

Le gouvernement du Parti québécois continuera d'être responsable et solidaire en assumant ses responsabilités avec humanité et rigueur. Nous serons à l'écoute des besoins et des préoccupations des Québécoises et des Québécois tout en poursuivant et en consolidant les grandes réformes en cours dans les secteurs-clés de l'éducation et de la santé. Nos finances aussi doivent rester équilibrées. Le Québec ne se laissera pas entraîner de nouveau dans l'escalade sans fin de toutes ces dépenses. L'amélioration de l'état des finances publiques doit être une préoccupation constante pour assurer l'avenir des générations futures.

M. le Président, de concert avec mes collègues, je considère le secteur de la santé et des services sociaux comme l'une des grandes priorités du gouvernement. Ainsi, l'accessibilité générale aux services de santé et aux services sociaux sera élargie. Les recommandations du rapport Clair sont déjà prises en considération afin de concrétiser une plus grande accessibilité aux soins de santé.

Le projet de carte à puce me tient particulièrement à coeur. La vie d'une personne peut parfois dépendre de quelques minutes. L'obtention d'informations médicales plus rapide pourrait ainsi éviter des délais qui pourraient s'avérer dramatiques. À ce sujet-là, j'aimerais vous raconter une aventure presque dramatique qui est arrivée à une personne de ma famille. Elle avait subi des examens, et on attendait les résultats, et c'était pourtant dans le même hôpital, sur le même étage, et ça a pris une semaine avant que tous ses résultats soient rendus, pour que son médecin puisse commencer le traitement. Alors, voilà une bonne raison pour instaurer la carte à puce, parce que, moi, je vais vous le dire très honnêtement, plus tôt ses traitements de chimiothérapie auraient commencé, j'imagine que le succès de ces traitements-là aurait été en conséquence.

Je partage également le fait de resserrer la gouverne du réseau de santé. Il faut dresser des balises plus claires entre les responsables des établissements, des régies régionales et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Le projet de loi qui sera déposé au cours de la présente session devrait faire en sorte que tous les parlementaires travaillent conjointement à son adoption pour le plus grand bien de la population.

La volonté du gouvernement de présenter une politique québécoise de la jeunesse, qui se traduira par un plan d'action jeunesse, répond à un de mes grands soucis. L'atteinte du déficit zéro visait à soulager nos jeunes d'une gestion abusive qui les enlisait constamment vers une dépossession d'eux-mêmes. L'objectif de cibler maintenant la diminution de la dette viendra également les libérer d'un fardeau qui ne leur appartenait pas. Et, pour renchérir notre souci de la jeunesse, cette politique aboutira certainement à du concret à leur égard.

n(17 h 40)n

Il en va de même pour le système d'éducation qui conserve une attention particulière du gouvernement. Il faut s'assurer que les plans de réussite mis en place à tous les cycles de notre système d'éducation prennent leur envol à pleine capacité. Pour ce faire, il faut créer une dynamique de travail en équipe, c'est-à-dire les parents, les enseignants, le personnel administratif, bref, une collaboration accrue plus que jamais. Il faut développer chez chacun la conscience de la nécessaire contribution de l'autre pour réussir l'objectif visé, qui est celui d'améliorer le taux de réussite scolaire. L'implantation de nouveaux programmes dans certaines écoles prouve déjà à quel point le ministre de l'Éducation a visé juste. Il faut voir comme les enfants en sont gagnants, et c'est ce qui importe. Les quelques irritants, comme, entre autres, le bulletin d'évaluation, seront, dans quelques années, bien secondaires compte tenu de la réussite de nos jeunes. Il faut poursuivre, sans contredit, cet objectif.

Le Québec est un pays comblé de richesses naturelles. L'eau potable figure dans le peloton de tête. Il nous faut préserver précieusement, pour les générations futures, sa qualité et sa disponibilité. Ainsi, l'attention que porte le gouvernement à cette richesse se concrétisera en l'adoption d'une politique nationale de la gestion de l'eau. Encore là, comme parlementaires, peu importe nos convictions politiques, il devient urgent d'unir nos forces afin de mener à bien ce projet.

Comme je le disais tout à l'heure, M. le Président, après des années d'effort, le Québec a ramené son taux de chômage à son plus bas niveau depuis 25 ans. Il s'agit encore là d'une belle réussite, mais cela ne nous satisfait pas. Il faut aller plus loin. Le souci du gouvernement de cibler les régions où le taux de chômage est plus sérieux nous démontre à quel point l'ensemble du territoire du Québec est important. Je salue ainsi l'initiative d'étendre à certaines catégories de personnes qui ne bénéficient pas du régime d'assurance emploi ni de la sécurité du revenu, les sans-chèque qu'on les appelle, une forme de soutien au revenu lorsqu'elles participent à des activités de formation dans une perspective d'accès en emploi.

M. le Président, un autre point soulevé par le premier ministre me rejoint particulièrement: la violence suscitée et exercée par les bandes criminelles. J'ai d'ailleurs dû composer, dans ma circonscription électorale, avec cette réalité. Je parle de l'implantation à Blainville d'un bunker par une bande de motards. Je souligne ici le courage de la municipalité qui a été capable, d'une certaine façon ? momentanément peut-être ? de s'en débarrasser. Il faut absolument poursuivre le travail afin d'améliorer les moyens juridiques mis à la disposition des autorités dans cette lutte contre le crime organisé.

Notre culture ne doit pas échapper à nos priorités. Ainsi, je suis heureuse de constater que le gouvernement continuera d'appuyer la culture québécoise et son rayonnement à l'étranger. La politique québécoise du cinéma et de la production audiovisuelle sera mise à jour et un souffle nouveau sera donné au développement culturel régional, notamment en enrichissant et en multipliant les partenariats culturels.

En terminant, M. le Président, j'aimerais parler de la souveraineté. Comme un dessert à la fin du repas, dégusté patiemment pour en retirer toute la douceur et la volupté: mon pays, le Québec. Mon pays, ce n'est pas encore le Québec, c'est encore un peu l'hiver, mais il le deviendra. Il le deviendra avec sa neige blanche, avec son ciel bleu, avec ses lacs, avec ses immenses richesses, avec son potentiel et davantage avec ses femmes et ses hommes remplis d'un désir de pleinement s'assumer. Je l'imagine déjà, cette nation québécoise qui embaumera le lis, le lis, cette belle fleur ouverte, ouverte sur le monde, sur nos voisins et sur nos différences.

La souveraineté, M. le Président, est nécessaire. C'est comme un battement de coeur: si ça s'arrête, on meurt. Mon coeur, il bat au rythme de cette atteinte ultime, parfois emballé, parfois au ralenti, mais jamais arrêté. Parce qu'il est porteur d'espérance, parce qu'il est porteur de liberté, je souhaite qu'il puisse battre jusqu'à la connaissance de cet avènement. C'est le plus bel héritage que je puisse laisser à mes enfants et à mes petits-enfants. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Blainville. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, je cite ici le premier ministre, lors de son discours inaugural, qui disait: «Les hommes et les femmes qui entreprennent les travaux de la deuxième session de la Trente-sixième Législature sont les élus de notre nation et ont le devoir de servir ses intérêts comme ses valeurs.» Fin de la citation. C'est sur ces mots que le député de Verchères et premier ministre du Québec a ouvert son discours inaugural.

Comme vous le savez, les racines de la démocratie au Canada et au Québec sont profondes. Vous savez également que, dans la pratique, cette démocratie se traduit par l'écoute de la population et le respect de ses choix. L'indépendance du Québec ne fait justement pas partie des choix de la population du Québec. Quand le premier ministre informe la population que ce sera une priorité de son gouvernement et qu'il en fera la promotion à chaque fois que l'occasion s'en présentera ? en prévision d'un troisième référendum ? il est clair qu'il est en contradiction avec ce qu'il dit au début de son discours inaugural et que ce sont plutôt les intérêts de sa cause, celle de la séparation, de l'indépendance du Québec, qu'il veut d'abord servir.

Les élus ont effectivement le devoir de servir les intérêts et les valeurs de la société québécoise qui, ne l'oublions pas, a dit non à deux reprises à l'indépendance. Le prédécesseur du premier ministre avait compris et voulait se garder de diviser et de déchirer à nouveau la population québécoise, car cette expérience traumatisante, disait-il, ne fait qu'affaiblir le Québec dans son entier. Le fait de retourner en arrière, de ressortir les études de la commission Bélanger-Campeau, que ce gouvernement indépendantiste avait d'ailleurs actualisées par les études Le Hir, je vous le rappelle, lors du premier mandat, nous ramène à son éternelle nostalgie du passé, à cette époque où le Québec sortait de la grande noirceur, ce qui avait donné naissance à l'État providence.

Cette époque, M. le Président, est révolue. Oui, il faut moderniser nos institutions, mais le gouvernement du Parti québécois nous démontre encore une fois son obsession d'un gouvernement omniprésent, d'un État qui veut tout contrôler, que ce soit contrôler les citoyens dans les moindres détails de leur vie quotidienne, dans leurs investissements, dans leurs milieux scolaire et hospitalier, sans laisser de place à l'initiative des citoyens, aux décideurs locaux, aux régions qui réclament leur marge de manoeuvre, leur capacité de faire leurs propres choix.

Vous remarquerez que, malgré tous les défauts et les vices attribués au modèle canadien, le premier ministre ne s'est pas fait prier pour faire la nomenclature des réalisations des 7 millions de Québécois et Québécoises qui, comme il le dit, ont l'une des meilleures espérances de vie, sont au nombre des plus scolarisés du monde, ont un pourcentage de scolarisation qui dépasse de 7 % celui de la moyenne des pays de l'OCDE, sont au deuxième rang des pays avancés pour la part du produit national brut consacrée à l'éducation, ont une économie qui est parmi les plus diversifiées du monde, ont connu une croissance de leurs exportations de 130 % en 10 ans, qui sont au troisième rang de toutes les nations du globe pour le commerce avec les États-Unis, dont la culture, la création, les lettres, le théâtre, la danse, le cinéma, la musique, le cirque sont connus et appréciés dans le monde entier et dans toutes les grandes capitales.

À ce que je sache, le Québec fait toujours partie de la fédération canadienne, et cette appartenance au Canada ne l'a pas empêché de se développer et de rayonner partout dans le monde. Au contraire, comme le dit souvent le chef du Parti libéral du Québec, M. Jean Charest, le modèle canadien est le plus apte à permettre au Québec de se développer tant sur le plan économique, social que culturel, et il a bien raison. Même si le premier ministre du Québec le nie, le Canada est loin d'être inutile et néfaste pour le Québec.

Depuis la signature du l'Accord du libre-échange avec les États-Unis, grâce à l'appui du gouvernement libéral de M. Robert Bourassa, le Québec a vu la valeur de ses exportations passer de 22 milliards à 66 milliards de dollars. Depuis, les exportations sont devenues le principal moteur de la croissance économique du Québec, d'où la nécessité de prendre conscience de l'importance des marchés extérieurs dans le contexte de l'intégration des économies dans de grands ensembles, tels qu'on les connaît en Europe et en Amérique, par rapport à l'intérêt supérieur du Québec.

Si le Parti québécois pense qu'il peut faire l'indépendance, et négocier une place dans l'ALENA, et renégocier avec les États-Unis d'égal à égal, à l'amiable, parce qu'on est de bons voisins, sans concession, c'est mal connaître les Américains, c'est se faire des illusions et c'est induire les Québécois et les Québécoises dans l'erreur, M. le Président. Face au phénomène de la mondialisation, qui représente une occasion de croissance économique exceptionnelle, le Québec se doit d'en relever le défi et de jouer un rôle actif au sein des divers comités sectoriels ainsi qu'aux tables de discussion des enjeux en cause dans le cadre de l'établissement de la Zone de libre-échange des Amériques au lieu de consacrer toutes ses énergies à la symbolique. C'est là que ses actions porteront fruit et serviront les intérêts des citoyens et des citoyennes du Québec. C'est cela qu'ils demandent à leur gouvernement. L'appartenance du Québec à la fédération canadienne lui a aussi permis d'être présent au G 8, ce qui, dans le contexte de la globalisation des marchés, n'est certainement pas négligeable, vous en conviendrez.

n(17 h 50)n

Bref, l'attitude du repli sur soi, de l'isolement pour faire avancer ses affaires se situe à contre-courant de la modernité et de la conquête du monde. Le Québec peut et doit s'affirmer autant au sein du Canada que sur la scène nord-américaine. Il doit travailler à bâtir des alliances avec d'autres gouvernements pour justement faire progresser le Québec ici et ailleurs dans le monde.

Je profite de l'occasion, M. le Président, qui m'est offerte par cette réplique au discours inaugural pour vous parler du traitement particulier que ce gouvernement a réservé à nos personnes âgées depuis son arrivée au pouvoir. Je passerai sous silence une déclaration du premier ministre actuel relativement à l'impact du vieillissement sur l'avenir du mouvement séparatiste pour vous rappeler que les bouleversements dans notre réseau de la santé sans que les ressources nécessaires ne soient accordées pour les soins et les services de première ligne ont eu des conséquences dramatiques pour les personnes âgées, entre autres sur le maintien à domicile. Le nouveau ministre de la Santé d'ailleurs faisait le même constat il y a quelques jours à peine.

L'avènement de l'assurance médicaments et des conditions d'accès aux médicaments met en péril la sécurité financière de plusieurs aînés qui n'avaient pas prévu cette nouvelle réalité. Ils se sont vus confrontés à choisir entre payer leur loyer ou leurs médicaments. L'augmentation justement de ces primes d'assurance ? elles ont doublé en quelques années, et ça ajoute à leur détresse ? la pénurie criante de centres d'accueil dans plusieurs régions du Québec, les conditions d'insalubrité et l'absence de personnel et de ressources adéquates pour s'occuper de nos personnes âgées dans les centres d'hébergement. On a tous en mémoire les dossiers pathétiques de certaines institutions, les cas d'horreurs dénoncés par les députés, mes collègues de notre formation politique, au cours de la dernière année: personnes âgées violentées, mal traitées, mal lavées, certaines ayant droit à un bain par mois; des personnes mal nourries parce qu'on n'a pas le temps ni les ressources pour s'en occuper; d'autres, attachées à leur lit; dans d'autre cas, souillées, déshydratées. À chaque semaine, les médias faisaient état de cas tout aussi troublants les uns que les autres, que nous avons dénoncés haut et fort.

M. le Président, si je suis particulièrement sensible au sort réservé à nos aînés par ce gouvernement, c'est qu'une des plus fortes concentrations de personnes âgées, même au Canada, se retrouve dans mon propre comté. Heureusement, jusqu'à présent, ce genre de problèmes ne s'est pas réellement manifesté ou, du moins, sans avoir l'ampleur des cas dont on a fait état, grâce à l'extrême vigilance de tous et de toutes et de la collaboration des aidants, ce qu'on appelle les aidants naturels, les familles. Je veux rassurer les personnes âgées et tous les Québécois et les Québécoises et leur dire qu'ils peuvent compter sur les hommes et les femmes du Parti libéral du Québec pour veiller à leurs intérêts et à leurs valeurs, car c'est à se demander quel avenir ce gouvernement réserve aux personnes âgées et s'il écoute encore la population québécoise.

M. le Président, j'aimerais rappeler aux citoyens et citoyennes qui nous écoutent que, lorsque la ministre des Finances annonce, dans le dernier budget, qu'elle crée une réserve de plus de 1 milliard de dollars, lorsqu'on se rappelle que son gouvernement a caché, l'an dernier, 730 millions de dollars dans des organismes sans but lucratif, des organismes créés comme ça, alors que des gens se débattent pour survivre avec 500 $ par mois, pour se loger, se nourrir et se vêtir avec le salaire minimum, on a raison de douter de la parole et du discours rassurant du gouvernement à l'endroit des pauvres chez qui il ravive l'espoir à chaque fois pour ensuite les décevoir. Ça s'appelle de l'abus de confiance, M. le Président.

En santé, la ministre des Finances a annoncé, dans son budget, qu'elle consentait des efforts additionnels de 1,9 milliard de dollars. Vérification faite, ce sera plutôt quelque 723 millions de dollars qui seront consentis par le Québec, le reste provenant du gouvernement du Canada. La ministre s'est bien gardée, évidemment, de préciser l'augmentation de 670 millions des transferts du gouvernement fédéral, auxquels il faut ajouter une somme supplémentaire de 240 millions pour l'acquisition de matériel médical, 120 millions non dépensés en 2000-2001, et un autre 200 millions en 2001-2002, ainsi que 35 millions pour les soins de première ligne.

M. le Président, ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys l'a bien exprimé la semaine dernière lors de sa réplique au budget, les transferts pour la santé en provenance d'Ottawa augmentent plus que ce que la ministre injecte en santé. En fait, de l'augmentation des revenus et des dépenses de 2,8 milliards de dollars du Québec annoncée pour la prochaine année, pas moins de 2,1 milliards proviendront d'une hausse des transferts du fédéral. Voici quelques situations, vous avez là, pardon, quelques situations qui illustrent la manière dont fonctionne ce gouvernement. Quand nous, de l'opposition, dénonçons son manque de limpidité, d'ouverture, de franchise à l'égard des citoyens, son manque de transparence, ce n'est pas critiquer pour critiquer, c'est parce que ça a des conséquences pour les citoyens et les citoyennes.

Rappelons-nous également que l'ancien ministre des Finances et l'actuel premier ministre avait déclaré qu'on aurait des surplus de 35 millions. C'est drôle, lorsqu'on a entendu le budget de la ministre des Finances, on parlait maintenant de 2,6 milliards de dollars. C'est quand même gros comme écart. C'est même trop gros pour que quiconque puisse faire confiance à ce gouvernement... réalise qu'on lui cache la vérité. C'est une insulte à l'intelligence des citoyens et des citoyennes du Québec qu'on console en leur rappelant la chance qu'ils ont de bénéficier d'un salaire minimum le plus élevé en Amérique du Nord, mais on oublie aussi de leur rappeler qu'ils sont les citoyens les plus taxés de l'Amérique du Nord.

Pendant qu'on coupe dans les services à la population, que les ressources n'arrivent pas à combler les besoins, que les listes et les temps d'attente pour accéder à des soins de santé, à des logements sociaux se sont allongés, que l'on transfère des responsabilités et des factures à d'autres paliers gouvernementaux, que les organismes de charité et que les banques alimentaires n'arrivent plus à accumuler des réserves à droite et à gauche, le gouvernement subventionne des entreprises qui n'en ont pas besoin, met en place de nouveaux programmes qui sont financés par les citoyens déjà étouffés par les impôts et les taxes.

M. le Président, je vous rappelle que ce gouvernement a dit non à la subvention de plusieurs millions de dollars du gouvernement d'Ottawa pour l'aquarium et le zoo dans la région de Québec parce qu'il ne voulait pas voir flotter un drapeau canadien, 18 millions de dollars de nos impôts qu'on a refusés à cause de ça. Il faut le faire. C'est ça que notre formation politique dénonce à chaque fois au nom de tous les Québécois que nous représentons ici, à l'Assemblée nationale, parce que ce sont eux, les citoyens et les citoyennes du Québec, qui en sont les victimes et qui finissent toujours par payer la note finale.

Nous avons constaté, M. le Président, tous qu'on en est, que, dans ce budget présenté par la ministre des Finances, il n'y avait pas de priorités identifiées. En apparence, il y a un peu de tout pour redorer un peu l'image sociodémocrate du Parti québécois. Il est urgent pour ce gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois, après six ans et demi au pouvoir, de découvrir... Ils viennent de découvrir, là, qu'il y a des pauvres au Québec, ils viennent de découvrir qu'il y a des régions au Québec. J'entendais mon collègue de Chicoutimi dire qu'on avait de nouveaux mots-clés dans notre vocabulaire au Parti libéral du Québec. Je regrette de lui apprendre, M. le Président, que les mots-clés, je pense que ça fait un bon bout de temps qu'on les a. On a fait effectivement une tournée des régions, mon chef en a fait plusieurs depuis deux ans et demi, et je peux vous dire que, si le gouvernement du Parti québécois avait vraiment une politique à mettre sur la table, il n'aurait certainement pas attendu la démission du député de Laviolette pour commencer à en parler. Alors, il n'y en a pas, de politique pour les régions, il n'y en a jamais eu, et, au moment où on se parle, on ne sait même pas s'il y a le début d'une ombre de politique.

Il est clair pour tout le monde que le gouvernement du Parti québécois s'est réservé un coussin bien confortable pour ce qu'il appelle sa priorité, celle de solutionner, comme on l'appelle, la question nationale, en d'autres termes sa volonté de séparer le Québec du reste du Canada. Il est maintenant prêt à faire la promotion de sa cause avec nos impôts. C'est inacceptable et en contradiction avec la volonté des citoyens et des citoyennes du Québec.

Je conclus, M. le Président, en assurant à nouveau à la population que, du côté de l'opposition officielle, notre priorité, notre obsession à nous va au choix d'un Québec qui travaille en harmonie et qui inclut toutes les régions et leur population. Notre choix est celui d'un Québec moderne, ouvert sur le monde et qui sait s'affirmer au sein de la fédération canadienne, un Québec près de tous ses citoyens et citoyennes qu'il veut faire participer à l'essor de son économie, à son progrès, notamment par la démocratisation du processus budgétaire qui permettra à tous de s'exprimer et de faire des suggestions et des recommandations qui tiennent compte de leur véritable réalité pour assurer la plus grande transparence au processus de planification financière, comme le propose le chef du Parti libéral, M. Jean Charest. Et, en toute amitié, je dirais à ma collègue qui m'a précédée que son dessert, je n'en veux pas.

n(18 heures)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. Alors, ceci va mettre fin aux affaires du jour.

Débats de fin de séance

Financement de logements
sociaux pour les sans-abri

Nous allons passer maintenant aux débats de fin de séance. Très bien. Alors, le premier débat. Mme la députée de La Pinière questionnera Mme la ministre responsable de l'Habitation concernant les surplus de 60 millions de la Société d'habitation du Québec.

Alors, Mme la députée de La Pinière, vous avez d'abord une intervention de cinq minutes.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, cet après-midi, en période de questions, j'ai demandé à la ministre des Affaires municipales où sont rendus les 60 millions du fédéral destinés aux sans-abri, que le gouvernement refuse d'ailleurs d'investir dans la construction et la conservation de logis pour ces personnes qui sont les plus vulnérables de notre société.

Le 17 décembre 1999, le ministre fédéral avait annoncé un programme de 753 millions de dollars sur trois ans pour les sans-abri et les pauvres vivant l'exclusion eu égard au logement, et ceci pour tout le Canada. La Société d'habitation du Québec avait reçu des enveloppes à cet effet du fédéral. La question que les groupes communautaires qui oeuvrent auprès des mal-logés se posent, c'est: Où va l'argent du fédéral destiné au logement social et aux sans-abri en particulier?

M. le Président, le Québec vit une crise du logement social sans précédent depuis 25 ans. Plus de 274 000 ménages consacrent actuellement plus de 50 % de leurs revenus au logement. Le taux de vacance est autour de 1 % dans la région de Montréal, Hull et Québec. Huit mille ménages sont sur des listes d'attente depuis des mois, voire des années. La situation des sans-abri est particulièrement dramatique et précaire. Encore la semaine dernière, un sans-abri qui est décédé depuis a témoigné devant la caméra pour crier son désespoir et appeler à l'aide. Il n'est malheureusement pas le seul, ils sont des dizaines à vivre une situation de détresse et de dénuement le plus total.

La ministre, dans sa réponse, m'a invitée à l'appuyer vis-à-vis du fédéral pour aller chercher des montants additionnels. Je lui rappelle que le Parti libéral du Québec s'est opposé au retrait du fédéral en 1994 en ce qui a trait à la construction d'unités de logement social. Le problème, c'est que ce gouvernement, qui place la cause de la souveraineté avant toute autre cause, a négligé de défendre les intérêts du Québec et des Québécois de façon crédible et efficace. On l'a vu d'ailleurs il y a quelques semaines avec l'actuel premier ministre désigné, qui n'a pas hésité à renoncer à un investissement de 18 millions de dollars dans la région de Québec pour se lancer dans une guérilla verbale avec le fédéral, qualifiant le drapeau du Canada de «bout de chiffon rouge». C'est évident qu'une attitude aussi hostile et aussi méprisante à l'égard d'un symbole aussi important d'ailleurs pour les Québécois que pour les Canadiens ne favorise pas un climat d'harmonie pour discuter de transferts fédéraux. C'est triste; malheureusement, c'est la réalité. Même les groupes communautaires généralement enclins à réclamer les fonds fédéraux ont compris qu'il faut cesser la guerre des drapeaux pour travailler pour l'intérêt commun.

Alors, de notre côté, on est prêts à défendre les intérêts du Québec auprès du fédéral. Encore faut-il que le gouvernement en place actuellement à Québec soit de bonne foi et agisse dans la transparence. Or, ce gouvernement, qui a créé de toutes pièces en mars 2000 sept OSBL où il a transféré 730 millions de dollars pour les soustraire au périmètre comptable du gouvernement, est en train de jouer à la cachette avec les plus démunis de notre société. La ministre a refusé de répondre aujourd'hui à ma question: Où sont allés les 60 millions de dollars destinés aux sans-abri versés par le fédéral et administrés par la Société d'habitation du Québec, transfert de 15 millions de dollars par année depuis 1999, M. le Président? Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole. Mme la ministre.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, la réponse est simple. C'est donc à une augmentation des nouveaux logements sociaux pour des personnes ayant des besoins particuliers de logement, liés notamment à la violence conjugale, la toxicomanie et l'itinérance, que cet argent est allé. En fait, il ne s'agit que de 15 millions de dollars par année. Ça a beau être pendant quatre ans, c'est de 15 millions seulement. Alors, c'est évident à quel point Mme la députée de La Pinière confond tout; elle nous parlait du 60 millions, mais le 60 millions, ce n'est pas une somme récurrente, c'est 15 millions de dollars par année. Le Québec en dépense 175 millions sur son propre financement à 100 %. Alors, dans ce programme qui vraiment a été critiqué par l'ensemble des intervenants en matière de logement communautaire et de logement social parce que étant extrêmement insuffisant... Vous vous rendez compte, 15 millions de dollars, avec les surplus budgétaires que le fédéral a accumulés.

Alors, d'autre part, la députée de La Pinière a aussi parlé d'un 60 millions de dollars qui n'aurait pas été dépensé dans les crédits de la Société d'habitation du Québec. M. le Président, je lui demanderais de réconcilier les crédits supplémentaires votés à la fin de l'exercice financier, la semaine dernière, et le budget. En fait, nous avons pu à l'avance obtenir du Trésor des crédits additionnels de 48,3 millions de dollars, et la Société d'habitation, en fait, s'est vu accorder des crédits additionnels. On aura sûrement l'occasion, parce que je conçois que Mme la députée de La Pinière est assez récemment nommée dans ce dossier et sûrement que, lors de l'étude des crédits en commission parlementaire, elle aura l'occasion de mieux comprendre le fonctionnement de la Société d'habitation du Québec qui, en vertu de sa loi constitutive, n'est pas un organisme budgétaire proprement dit. Son année financière est du 31 décembre au 1er janvier. Et, M. le Président, il n'y a pas de périmés. Il n'y a pas de périmés, c'est ça qui est fondamental. Il n'y a pas d'argent pas dépensé qui retourne au Trésor. Cet argent-là est reporté dans les crédits de la Société d'habitation du Québec.

En 1997, le budget du gouvernement du Parti québécois annonçait un programme de cinq ans, et ce programme mettait en place le Fonds québécois d'habitation communautaire, garantissait un engagement de 43 millions de dollars par année dans le programme AccèsLogis, garantissait l'engagement de 23 millions de dollars par année pour la revitalisation des vieux quartiers, des quartiers centraux des grandes villes, garantissait également plus de 100 millions de dollars par année au titre de l'allocation-logement.

Et là il faut faire attention, il ne faut pas tout mélanger, il y a eu heureusement, au Québec, au début des années quatre-vingt-dix, un sursaut important qui aura amené le gouvernement à établir un moratoire sur la démolition des maisons de chambres. Heureusement, parce que, quand on voit la situation à Toronto où finalement les gouvernements qui se sont succédé ont laissé démolir toutes ces maisons de chambres qu'on retrouvait dans les centres-villes pour en faire des édifices à bureaux ou des tours à condos, alors qu'à Montréal on a pu sauver avec un programme de rénovation 9 000 chambres... Et c'est bien évidemment dans cette voie que je me suis engagée avec l'appui du gouvernement lorsque, créant la Communauté métropolitaine de Montréal et s'assurant que l'ensemble des 102 municipalités la composant allaient dorénavant partager la contribution municipale... Je vois le député de Châteauguay... de ville Saint-Laurent, mais son collègue de Châteauguay sait très bien qu'il y a essentiellement trois villes dans la région métropolitaine de Montréal qui font du logement social: Montréal ville actuelle, Verdun et Châteauguay. Et c'est bien certain qu'il faut partager. Alors, la Communauté métropolitaine de Montréal de même que toutes les villes nouvelles, la ville nouvelle sur la Rive-sud, la ville nouvelle sur l'île de Montréal, ont maintenant l'obligation de contribuer. Contrairement à ce qu'a dit la députée de La Pinière dans une déclaration précédente, ce n'est pas ? d'aucune façon ? un transfert de responsabilité du Québec vers les municipalités, puisqu'on continue à 100 % à assumer le financement. C'est le partage entre les municipalités des contributions municipales qui étaient déjà versées. Merci, M. le Président.

n(18 h 10)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière pour sa réplique de deux minutes. Mme la députée.

Mme Fatima Houda-Pepin (réplique)

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je constate que la ministre s'est améliorée depuis cet après-midi, parce que la réponse qu'elle m'a donnée, cet après-midi, c'était pour confondre le 60 millions qui est arrivé du fédéral pour les sans-abri avec un autre programme. Et je vous lis sa réponse: «Ces sommes, qui l'ont été dans le cadre d'un support à l'action communautaire, leur seront distribuées d'ailleurs par le ministère de la Santé et des Services sociaux.» M. le Président, je lui parle du 60 millions qui est sous sa responsabilité et administré par la Société d'habitation du Québec. Elle s'est améliorée, parce que la réponse qu'elle nous a donnée tantôt, c'est pour dire que le 60 millions, ça a été dans l'augmentation des logements sociaux.

M. le Président, elle dit que 15 millions par année, c'est insuffisant. Elle trouve le moyen de détourner ce 15 millions, qu'elle qualifie d'insuffisant, des sans-abri et elle dit que la députée ne connaît pas ses dossiers. Est-ce que M. Saillant, le coordonnateur du FRAPRU, qui est dans le logement social depuis plus de 25 ans, ne connaît pas ses dossiers lorsqu'il dit que «l'organisme ? c'est-à-dire le FRAPRU ? somme de plus le gouvernement péquiste d'expliquer publiquement ce qu'il a fait des 60 millions de dollars que le fédéral lui a accordé, en décembre 1999, pour financer des logements pour les sans-abri et qui n'ont pas encore été utilisés à cette fin»? Je vous cite le communiqué de presse du FRAPRU. C'est signé par M. François Saillant, qui est un expert dans le domaine.

Qu'est-ce que la ministre des Affaires municipales répond à un organisme de première ligne, M. le Président? Qu'elle maîtrise ses dossiers avant de venir donner des réponses ici, dans cette Assemblée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Ceci met fin au premier débat.

Mesures pour assurer la sécurité
des procureurs de la couronne

Nous allons entreprendre maintenant le deuxième débat. M. le député de Saint-Laurent va questionner le ministre de la Justice concernant la sécurité des procureurs de la couronne. M. le député de Saint-Laurent, pour cinq minutes.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Alors, je vous remercie, M. le Président. À la suite de la période des questions de cet après-midi, je me suis déclaré insatisfait de la réponse que j'ai reçue du ministre de la Justice relativement à la question que j'ai posée sur la sécurité des procureurs de la couronne. Entre vous et moi, je n'ai pas été surpris d'être désappointé; le ministre de la Justice me désappointe régulièrement depuis un certain nombre d'années. D'ailleurs, sa nomination et son retour au ministère de la Justice n'ont pas que désappointé l'opposition officielle, ils ont désappointé en général les intervenants dans le milieu judiciaire qui se souviennent de son passage au ministère de la Justice il y a quelques années.

M. le Président, j'ai interrogé le ministre de la Justice sur la question de la sécurité des procureurs de la couronne. C'est un dossier qui fait l'objet d'un certain nombre de dossiers de presse depuis un certain temps déjà. Les procureurs de la couronne n'ont pas fait de cachette du fait que, dans leur travail, dans le cadre de leur travail, ils sont souvent victimes de menaces. Et nous n'entendons pas seulement la question des procureurs de la couronne qui sont affectés à la lutte au crime organisé. Bien sûr, M. le Président, les procureurs de la couronne qui occupent dans les dossiers relatifs au crime organisé sont bien sûr plus sujets à recevoir des menaces de la part des gens, des criminels. Et j'ai donné, cet après-midi, à l'Assemblée nationale, deux exemples de procureurs de la couronne au sein de l'équipe qui lutte contre le crime organisé, dans un cas, d'une introduction par effraction à la résidence d'un procureur de la couronne et, dans un autre cas, d'une auto vandalisée.

Mais j'ai aussi donné, M. le Président, et c'est pour ça que je me suis déclaré insatisfait de la réponse du ministre, deux exemples de deux procureurs de la couronne qui ne sont pas des procureurs de la couronne qui sont affectés à la lutte au crime organisé, mais qui sont des procureurs de la couronne qui agissent dans le réseau, dans des dossiers qui viennent normalement devant les tribunaux. Dans un premier cas, un procureur de la couronne a été victime de harcèlement de la part d'un détenu dans une prison provinciale, qui fait parvenir des messages au procureur de la couronne du type d'un harcèlement, et, dans un autre cas, un procureur de la couronne, dans une des régions du Québec ? je ne l'identifie pas à escient, mais le cas n'en est pas néanmoins vrai ? qui a donc reçu des menaces de mort, et ces menaces de mort ont même été enregistrées au 9-1-1, c'est-à-dire au numéro du poste local.

Alors donc, les procureurs de la couronne ont demandé depuis un certain temps déjà ? et, quand je dis «depuis un certain temps déjà», c'est depuis un certain nombre de mois ? que des mesures de sécurité soient adoptées par le ministère de la Sécurité publique à leur endroit, des mesures de sécurité qui pourraient être des mesures qui soient semblables à celles ? et je ne veux pas les qualifier, bien sûr, pour des raisons que vous comprendrez très bien ? qu'on applique pour les juges, entre autres, de la Cour du Québec et de la Cour supérieure. Je pense que le ministre de la Justice est bien au fait de ces choses-là sans que j'aie besoin de préciser davantage. Ce qu'on répond aux procureurs de la couronne de façon répétée, et ça, c'est le style du gouvernement tout à fait: Oui, on va s'en occuper. Mais il n'y a jamais rien de concret qui survient.

Je m'en voudrais, M. le Président, dans cette présentation qui dure peu de temps, de ne pas faire écho à un certain nombre de représentations qu'a faites ma collègue la députée de Bourassa qui est critique en matière de justice au sujet des négociations actuelles qui opposent les procureurs de la couronne au gouvernement du Québec.

Je veux rappeler que les procureurs de la couronne ? et c'est à sa demande que je le fais, à la demande de la députée de Bourassa ? souhaitent pouvoir négocier dans un cadre légalement reconnu. Première demande.

Je voudrais rappeler au ministre de la Justice que les procureurs de la couronne se plaignent de leur charge de travail, c'est-à-dire que les procureurs de la couronne n'ont pas le temps de préparer leurs dossiers ? ils en ont fait état largement. Les procureurs de la couronne ne peuvent pas engager d'experts parce qu'ils n'ont pas les budgets suffisants, donc ils plaident et ils ne sont pas à armes égales avec les avocats de la défense.

Les procureurs de la couronne, bien sûr, se plaignent de leurs salaires. Lorsqu'ils comparent leurs salaires avec les procureurs de la couronne qui agissent soit dans d'autres provinces ou soit dans d'autres juridictions, ils ne sont pas non plus rémunérés selon ces échelles-là.

Alors, ce sont des représentations qui sont importantes, ce sont des représentations auxquelles le ministre de la Justice doit être attentif, et je souhaite qu'il nous donne des indications ce soir, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Je vais céder la parole maintenant à M. le ministre de la Justice.

M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, le député peut être bien malheureux du ministère de la Justice, mais il a posé la question au ministre de la Sécurité publique. Il ne savait même pas à qui adresser sa question. Alors, vous comprenez s'il peut être déçu.

Alors, maintenant, M. le Président, la question de la sécurité des gens est extrêmement sérieuse, je la prends comme telle et je la traite comme une question extrêmement délicate. Quand on parle de ces questions, une mise en garde s'impose. Il faut éviter de donner des détails concernant les mesures de sécurité que nous prenons. D'ailleurs, je pense que, comme ancien substitut du Procureur général, le député de Saint-Laurent devrait être sensible à ces questions-là.

Et, puisqu'il a porté quatre cas sur la place publique, je vous signale qu'aucun lien n'a été établi entre le vol par effraction qu'il a soulevé, le méfait sur un véhicule automobile qu'il a soulevé et les fonctions occupées par les victimes, c'est-à-dire de procureurs de la couronne, et encore moins pour les mandats qu'ils occupent. Dans deux cas des situations malheureuses qu'il a mentionnées, c'est généralement... ce n'est pas généralement, ce sont deux cas où des personnes insatisfaites du sort qu'elles ont reçu devant la justice ? c'est-à-dire qu'elles ont été condamnées ? font du harcèlement ou encore font des menaces. C'est des situations imprévisibles, mais dont nous nous occupons dès qu'elles nous sont soumises.

Par ailleurs, il faut comprendre également que des mesures de sécurité, il en existe, mais nous ne les élaborerons pas ici. Des procédures existent aussi en matière de sécurité. Tout à l'heure, je vous ai donné en Chambre quelques exemples concrets non compromettants qui sont, par exemple, la fourniture d'un cellulaire quand le procureur le réclame, deuxièmement, la fourniture d'un système d'alarme dans la résidence quand il le réclame, et c'est accordé. Et j'ai dit qu'il y avait une autre mesure, mais que je ne mentionnerai pas. Pour des raisons de sécurité, vous comprenez que je n'en parlerai pas. Depuis cette question, cet après-midi, les procureurs nous ont soumis une quatrième demande, qui est celle de fournir quelqu'un en matière de sécurité pour les aider à gérer le tout. Et je vous dis tout de suite que j'ai donné mon aval à cette procédure pour leur permettre de le faire. Donc, nous avons demandé, la semaine dernière, aux procureurs de nous dire: Quelles sont les mesures que vous souhaitez? Ils nous en ont demandé quatre, nous avons accordé les quatre et nous sommes certains que, s'il y en avait une autre, nous le ferions également. Donc, les mesures de sécurité sont prises à l'égard de la sécurité des procureurs de la couronne.

n(18 h 20)n

Tout le monde peut écouter ce que nous allons dire, et je n'irai pas plus loin sur ces questions de protection de sécurité à l'égard des procureurs. C'est une préoccupation qui nous anime depuis longtemps, ce sont des gestes qui ne sont pas improvisés, même si j'ajoute qu'on a même voulu savoir s'il y avait d'autres choses que nous devions ajouter. Et je viens d'en parler, on l'a donné. Mais aussi, c'est des mesures qui nous préoccupent. Par exemple, j'ai mentionné, la semaine dernière, que, pour les procès qui se tiendraient à l'égard des gens qui ont été arrêtés dans le cadre de l'opération Printemps 2001, nous avions pris des mesures particulières pour protéger les procureurs de la couronne bien sûr, mais également les jurés, les témoins, les juges, les substituts, en fait, tous les intervenants de quelque nature qu'ils soient dans ce domaine, parce qu'il faut que tous les intervenants de la justice puissent travailler dans un cadre tel qu'ils se sentent à l'abri de menaces ou d'intimidation.

Et j'ajouterai également que nous avons demandé qu'on ajoute aux amendements au Code criminel qui viennent d'être déposés... Et nous avons obtenu qu'effectivement on crée un nouveau crime spécifique pour l'intimidation. Et nous avons obtenu, dans les amendements au Code criminel, justement la création de ce crime, parce que nous pensons que l'intimidation à l'égard des procureurs, mais aussi des autres acteurs de la justice, n'a pas de place et que des sanctions sévères doivent être prises contre ces gens-là.

Alors, M. le Président, nous avons, à l'égard de cet aspect des questions des procureurs, donné toute notre attention. Dès qu'ils l'ont manifesté de manière particulière, j'ai demandé qu'on me confirme par écrit leurs besoins, j'ai répondu immédiatement oui à leurs demandes. C'est donc, je pense, une question qui devrait être close, mais c'est un phénomène malheureusement que nous ne pouvons jamais guérir. C'est l'évolution dans le temps qui fait que des personnes sont insatisfaites de leur sort. Quand elles sont en prison et que le procureur de la couronne a bien fait son travail, et que la personne a été condamnée et que cette personne-là harcèle, c'est inadmissible. Mais vous comprenez qu'on ne peut pas le prévenir; il faut attendre que la chose se produise afin d'agir.

Quant aux autres mesures relativement aux conditions de travail des procureurs, je pense qu'elles ne faisaient pas l'objet de ce débat. Mais, puisqu'on m'invite à en parler, je dis au substitut... pardon, au député de Saint-Laurent: Écoutez demain matin Radio-Canada à la télévision, je donnerai les réponses concernant les conditions de travail des substituts.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Je vais céder la parole à M. le député de Saint-Laurent pour sa réplique de deux minutes.

M. Jacques Dupuis (réplique)

M. Dupuis: Oui. M. le Président, j'apprécie les réponses que le ministre de la Justice vient de donner. Ce qui me déçoit et ce qui déçoit en général les intervenants dans le système judiciaire, plus particulièrement dans le cas qui nous occupe, les procureurs de la couronne, c'est: Pourquoi faut-il, avec ce gouvernement-là, être obligé, inlassablement, d'aller sur la place publique pour les faire bouger, de les dénoncer par tous les médias d'information pour les faire bouger, de les dénoncer à l'Assemblée nationale pour les faire bouger, toujours être obligé d'acculer au pied du mur ce gouvernement-là pour le faire réagir?

La population en a assez. Dans le cas qui nous occupe, ce sont les procureurs de la couronne qui en ont assez, M. le Président. Ça fait des années qu'ils se battent avec ce gouvernement-là pour faire reconnaître non seulement le fait que le métier qu'ils exercent est dangereux, et de plus en plus dangereux, pas seulement pour les procureurs de la couronne qui oeuvrent au sein de l'équipe des produits de la criminalité ou qui oeuvrent au sein de l'équipe du crime organisé. Il y a des procureurs de la couronne, à tous les jours ? d'ailleurs, le ministre le reconnaît... C'est sûr qu'il y a des gens qui font des menaces. Ce que les procureurs de la couronne veulent, c'est que le gouvernement prenne au sérieux le fait que leur tâche fait en sorte que le métier qu'ils pratiquent est dangereux. Ils veulent avoir des mesures de sécurité.

Je terminerai, M. le Président, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, en disant: La prédécesseure du ministre de la Justice actuel, au congrès de mai 2000, au Mont-Tremblant, congrès du Barreau, a dit: «Je suis consciente qu'il y a une crise de confiance à l'égard du système judiciaire.» J'ajouterai, comme député de Saint-Laurent, qu'il y a aussi une crise de confiance de la part de la population à l'égard du système correctionnel. Ce que je suis obligé de constater, c'est que la confiance ne reviendra que lorsqu'un gouvernement responsable sera au pouvoir à Québec, et ça, c'est le gouvernement que formera l'opposition officielle.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin au deuxième débat. Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent.

Modification du Code de la construction
pour assouplir la norme relative à l'amiante

Nous allons maintenant débuter le troisième débat. M. le député de Richmond questionnera le ministre de l'Emploi et du Travail concernant la sévérité des normes en matière d'enlèvement de l'amiante. M. le député de Richmond, pour une intervention de cinq minutes.

M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui. Alors, je vous remercie, M. le Président. Alors, je voulais que nous puissions profiter de cette possibilité que nous offre le règlement afin de pouvoir échanger avec le ministre du Travail et de l'Emploi sur une question que j'ai soulevée cet après-midi à l'Assemblée nationale. Mais, comme cette période d'échange est très rapide, je voudrais être bien sûr qu'on se comprenne bien sur les enjeux du dossier que j'ai voulu soulever.

Je sais que, ce matin, j'étais en présence de centaines de travailleurs dans la région de Thetford, qui provenaient également de la région d'Asbestos, chez nous, en compagnie de mes collègues de Bonaventure et de Kamouraska-Témiscouata, et du député de Frontenac également, où on a pu sentir véritablement une inquiétude très grande de la part de l'ensemble des travailleurs et des décideurs par rapport au comportement qu'utilisera le gouvernement du Québec sur le dossier de l'usage d'une norme, et je vais y revenir, mais aussi, globalement, sur le dossier de l'amiante. Mais je pense que ça sera l'objet d'autres débats.

En ce qui concerne la norme comme telle, le ministre se souviendra ? pour l'usage de la norme, sur les chantiers de construction, qui est utilisée pour contrôler si le produit est bien en amiante, qui indique qu'on va retrouver quelque 1/10 de 1 % de fibre d'amiante pour que le produit soit reconnu, est un produit à base d'amiante ? que j'ai déjà soulevé cette question ici, à l'Assemblée nationale, écrit également à celle qui l'a précédé au ministère et responsable d'un Code de sécurité pour les travaux de construction pour lui indiquer jusqu'à quel point cette norme faisait problème. Et c'est une norme, rappelons-le, qui est, ici, au Québec, 10 fois plus sévère que ce qu'on retrouve aux États-Unis et au Japon.

Alors, il nous apparaît que, pour le gouvernement du Québec qui défend, dans l'ensemble mondial, si on veut, un usage sécuritaire de la fibre d'amiante chrysotile par le biais d'une approche scientifique, mesurable, quantifiable, il apparaîtrait qu'afin de devenir cohérent on devrait s'attaquer très rapidement à cette norme-là. Je vous indiquerai d'ailleurs, tantôt, pourquoi. Alors, à notre avis, il n'y a pas de raison que, dans ce contexte, le Code de sécurité pour les travaux de construction soit plus sévère ici que pour d'autres produits dangereux, ici et à travers le monde d'ailleurs.

Le Code de sécurité pour les travaux de construction ne réglemente, soit dit en passant, que l'amiante et sans distinguer, d'ailleurs, les types d'amiante, ce qui fait, à mon avis, problème, et également ne réglementera pas les autres fibres, dont certaines sont reconnues comme étant clairement cancérigènes. Alors, question d'équité ici également, M. le Président, à l'endroit de ce matériau qu'est l'amiante.

De plus, le même Code pour les travaux de construction définit comme contenant de l'amiante un matériau dont la concentration en amiante est d'au moins 1/10 de 1 %. Cette mesure est non identifiable, n'est pas mesurable scientifiquement, et on se retrouve avec des décisions qui sont laissées à une évaluation trop souvent subjective de l'inspecteur, en particulier de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Je ramène le ministre à une décision qui a été rendue dans le cas du Centre hospitalier de l'Université de Montréal où il a été très clairement établi puis indiqué que la Commission des lésions professionnelles a reconnu qu'il y avait là un problème et clairement indiqué que, malheureusement ? elle n'a pas dit «malheureusement» ? ce n'était pas de son ressort de corriger cette situation-là. Donc, très clairement, on adressait au législateur, là, un message de pouvoir intervenir.

Je sais également ? parce que la collègue du ministre m'a déjà écrit sur le sujet ? qu'un comité est au travail dans ce domaine. Et, aujourd'hui, le ministre m'a répondu qu'un comité allait, à la mi-mai probablement, faire rapport et que ça pourrait aider le ministre dans sa prise de décision et nous mener à des actions concrètes. Nous le souhaitons, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, et le temps presse parce qu'il y a beaucoup d'impatience qui se manifeste.

Nous croyons aussi que la réglementation actuelle dans la construction est inéquitable. Elle est biaisée contre l'usage du chrysotile et constitue en fait une mesure qui incite à ne pas utiliser l'amiante chrysotile. Cela décourage les utilisateurs qui sont potentiels de produits à base de chrysotile, notamment l'amiante-ciment. Et elle va aussi à l'encontre de la politique d'utilisation sécuritaire de l'amiante que le gouvernement du Québec a lui-même élaborée.

Alors, M. le Président, je pense qu'il est important ici de mentionner les faiblesses qu'on retrouve à l'intérieur du Code de sécurité. Et j'ose espérer que le ministre, très rapidement, pourra intervenir pour que les enjeux soient très, très, très clairement établis et que les travailleurs et travailleuses qui sont concernés, le plus rapidement possible, puissent profiter d'une décision qui va favoriser ce produit et qui va permettre de passer à autre chose, possiblement dans le secteur d'un usage contrôlé de l'amiante ici même, au Québec.

n(18 h 30)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Richmond. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre d'État au Travail, à l'Emploi et à la Solidarité sociale. M. le ministre.

M. Jean Rochon

M. Rochon: Merci, M. le Président. Comme mon collègue le député de Richmond, je suis aussi content qu'on ait cette occasion d'échanger un peu plus longuement que le permet la période de questions pour clarifier, là, de quoi on parle et qu'est-ce qui va se dérouler dans les prochaines semaines.

Je veux rassurer le député et les gens de la région, là, qui pourraient nous entendre, les deux régions, Thetford Mines et Asbestos, que j'ai été mis très courant du dossier. Je sais qu'il y a un mouvement, le Mouvement pro-amiante chrysotile, qui a d'ailleurs rencontré sûrement le député de Richmond, qui a rencontré mon collègue le député de Frontenac qui m'en a déjà parlé. Et ce mouvement est formé pour les deux régions de tous les acteurs socioéconomiques de ces deux régions. Donc, on prend très au sérieux, là, l'action qu'ils font sur le terrain.

Je sais très bien aussi que ce groupe, le Mouvement pro-amiante, avait déjà soumis au début du mois de mars une résolution à ma collègue qui m'a précédé dans ces fonctions et que le dossier présentement présente deux grands enjeux. Et c'est ça que je veux résumer rapidement, là, pour qu'on voie sur quoi va s'établir la décision.

Il y a les enjeux d'ordre économique qui sont énormes. Le député de Frontenac d'ailleurs, dans son intervention sur le discours inaugural, il y a quelques jours, à la fin du mois de mars, a très bien rappelé comment les régions de Thetford Mines et d'Asbestos sont nées à partir de l'industrie de l'amiante, qu'il s'agit de plus de 3 000 emplois qui dépendent de cette industrie, 2 000 emplois directs, à peu près 1 000 emplois indirects, et que présentement l'utilisation de l'asbestos est soumise à une très dure compétition d'autres matériaux, que toute l'industrie de la pétrochimie et des fibres synthétiques sont des compétiteurs très importants et que l'enjeu économique, donc, pour la région, et en termes de compétition même sur les marchés nationaux et internationaux, est très sérieux. Et on ne peut pas ne pas prendre ça au sérieux, surtout pour un gouvernement qui vient de décider dans le discours inaugural du premier ministre et dans son budget de faire un effort majeur pour aider les régions du Québec.

L'autre enjeu, c'est évidemment l'enjeu de la santé et de la protection de la santé des travailleurs. Mais ça, je pense aussi que les gens du Mouvement de pro-amiante chrysotile reconnaissent et veulent s'assurer que toute décision qui soit prise ne fasse aucune concession quant à la protection de la santé des travailleurs. Et on sait très bien que l'amiante, si on ne fonctionne pas dans des mesures sécuritaires, peut poser problème. Vérification faite, depuis 1986 à l'an passé, jusqu'en 1999, il y a quand même eu 667 cas de maladies reliées à l'exposition à l'amiante qui ont été reconnues par la CSST et qui ont amené des compensations de la part de la CSST de l'ordre de 45,5 millions. C'est donc un problème réel, là, l'utilisation de l'amiante.

Maintenant, donc, tout est sur la question de la norme et d'avoir la juste norme. Il faut s'assurer qu'on profite de tous les développements technologiques qui permettent aujourd'hui, dans l'utilisation et dans la fabrication du produit, de rencontrer cet enjeu de protection de la santé des travailleurs et de permettre par ailleurs l'utilisation, le développement d'une industrie qui est importante pour cette région. Tout se joue entre une norme de 1/10 de 1 % et la norme internationale qui existerait dans d'autres pays, qui est plus autour ou fixée à 1 %.

Alors, pour en arriver à statuer là-dessus, on a demandé au comité de révision du Code de sécurité pour les travaux de construction, qui est un comité de la CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, de réviser cette norme. Je rappelle que ce comité de révision est formé de représentants des deux parties, syndicale et patronale, du domaine de la construction, mais il y a aussi l'Institut de recherche en santé et sécurité au travail qui fait partie de ce comité, l'Ordre des ingénieurs, la Régie régionale de la santé et des services sociaux. Et il y a eu des rencontres avec des gens de cette Régie par le comité de révision, des rencontres avec la direction de l'Institut de l'amiante, qui est vraiment un défenseur de l'utilisation sécuritaire de l'amiante, de même que du Comité confédéral de la santé et de la sécurité de la CSN pour que l'ensemble du monde syndical puisse avoir été consulté et impliqué là-dedans. Ce n'est pas des études qui vont s'étirer très longtemps. Le comité a fait une session de travail importante à la fin de mars, le 22, je pense. Ils doivent se rencontrer au milieu du mois de mai, et prendre une décision, et faire une recommandation à ce moment-là.

Alors, je peux assurer le député, la population de ces régions, les travailleurs que nous allons procéder avec diligence. Nous allons assurer de façon absolument sûre la sécurité et la santé des gens mais avoir à coeur aussi le développement de cette région.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole, pour sa réplique de deux minutes, à M. le député de Richmond.

M. Yvon Vallières (réplique)

M. Vallières: Oui. M. le Président, c'est sûr que nous allons suivre de très près le gouvernement dans son action. Quand on vit dans une région de l'amiante, on veut éviter de voir se reproduire des situations comme celles auxquelles on a assisté au CHUM ou encore au cégep de Sherbrooke au cours de l'été dernier, où il y a des mesures spectaculaires, souvent coûteuses et inutiles qui se sont mises en branle, alors que l'usage, le travail qui est effectué pourrait l'être en respectant... Et je partage le point de vue du ministre là-dessus, absolument de s'assurer que la santé des travailleurs est protégée, mais dans des conditions tout autres que celles qui sont vécues présentement.

Je veux également, M. le Président, indiquer au ministre qu'il y a toujours cette question de... en milieu de travail, du contrôle du nombre de fibres en circulation dans le milieu de travail, ce qui correspond à une fibre par centimètre cube, reconnu par l'Organisation mondiale de la santé de même que le Bureau international du travail, et puis par ailleurs ce 1/10 de 1 % qu'on retrouve, qu'on aimerait bien voir passer à 1 %, pour reconnaître un produit à base d'amiante, et qu'il y aurait peut-être lieu d'harmoniser. Parce qu'il n'y a pas vraiment de relation. Il peut y avoir des matériaux qui contiennent 3 % d'amiante quand on démolit un bâtiment qui a beaucoup d'empoussièrement et d'autres qui en ont 1 % et qui... On avait le phénomène contraire. Donc, il n'y a pas de relation entre les deux.

Je pense que ça vaudrait la peine qu'on s'assure que, sur les chantiers de construction, il y ait mesure au début, avant de commencer les travaux, pendant les travaux et après les travaux, afin de s'assurer que tout l'espace qui est là... et que, pour la population qui y vivra par la suite, va y travailler par la suite, soit entièrement protégée. Alors, nous croyons, M. le Président, qu'il est possible pour le Québec de prêcher par l'exemple dans ce dossier et nous espérons que ce sera fait.

Juste en terminant, indiquer au ministre que ce pour quoi il y a un niveau d'urgence, c'est qu'il sait comme moi qu'il y a beaucoup de travaux qui vont s'entreprendre au niveau... par exemple, dans les écoles, universités, Université Laval ici dernièrement. À Sherbrooke, il y a également des travaux par la Régie de la santé et des services sociaux qui vont s'amorcer prochainement. Et on aimerait qu'on puisse procéder à ces travaux-là à l'intérieur d'une norme qui aurait été revue à la lumière des éléments dont il faisait part tantôt...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député.

M. Vallières: ...les gens subissent les conséquences qu'on voudrait absolument éviter pour ce matériau de chez nous, l'amiante. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, je vous remercie, M. le député de Richmond. Ceci met fin à notre troisième débat. Et nous allons, sur ce, ajourner nos travaux à demain matin, 10 heures.

Ajournement

(Fin de la séance à 18 h 39)



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